Nations Unies

E/C.12/2011/SR.45

Conseil économique et social

Distr. générale

1er décembre 2011

Original: français

Comité des droits économiques, sociaux et culturels

Quarante - septième session

Compte rendu analytique de la 45 e séance

Tenue au Palais Wilson, à Genève, le mercredi 23 novembre 2011, à 15 heures

Président: M. Pillay

Sommaire

Examen des rapports

a)Rapports présentés par les États parties conformément aux articles 16 et 17 du Pacte (suite)

T roisième rapport périodique de l ’ Argentine (suite)

La séance est ouverte à 15 heures.

Examen des rapports

a)Rapports présentés par les États parties conformément aux articles 16 et 17du Pacte (suite)

Troisième rapport périodique de l’Argentine ( E/C.12/ARG/3; document de base (HRI/CORE/1/Add.74); observations finales du Comité sur le deuxième rapport périodique (E/C.12/1/Add.38); liste des points à traiter (E/C.12/ARG/Q/3) ; réponses écrites du Gouvernement argentin (E/C.12/ARG/Q /3/Add.1 ) (suite)

1. Sur l ’ invitation du Président, la délégation argentine reprend place à la table du Comité.

Articles 6 à 9 du Pacte ( suite )

2.M. Texier aimerait savoir qui assure l’inspection du travail dans les entreprises et connaître les pouvoirs des inspecteurs.

3.M. Abdel-Moneim rappelle que le droit au travail inscrit dans le Pacte est un concept plus large que le droit à l’emploi puisque le premier englobe la possibilité de gagner sa vie en exerçant un travail librement choisi. Il aimerait connaître l’écart entre les revenus tirés des emplois déclarés et ceux tirés des emplois non déclarés. Donnant lecture des paragraphes 23 et 24 du rapport à l’examen, il souhaiterait que la délégation précise la part des bâtiments neufs qui ont un usage locatif. Enfin, il demande comment le passage de taux de change fixes à des taux de change variables en 2002 a suffi à mieux faire respecter le droit au travail.

4.M me Cong aimerait savoir combien d’emplois ont été créés dans le secteur agricole depuis 2003 et si le Programme d’aide aux chefs de ménage concerne également les travailleurs agricoles sans emploi et les autochtones. Elle souhaiterait avoir des informations supplémentaires sur les ménages se trouvant dans une situation structurelle défavorable, mentionnés au paragraphe 39 du troisième rapport périodique, connaître les mesures prises pour faire diminuer le nombre de personnes ayant un travail non déclaré, et savoir combien de travailleurs ont été déclarés depuis 2007, en particulier dans le secteur agricole.

5.M. Kedzia (Rapporteur pour l’Argentine) demande à la délégation d’expliquer comment la protection des droits économiques, sociaux et culturels, en particulier tout ce qui a trait à la non-discrimination, aux traitements, à la sûreté des conditions de travail et aux droits syndicaux, est intégrée aux contrats et aux licences d’exploitation, notamment des industries extractives.

6.M me Perceval (Argentine) explique que le Bureau du Défenseur du peuple est une institution à caractère parlementaire dont la Constitution porte création. Le Défenseur est nommé par le Congrès, à la majorité des deux tiers de chaque chambre, sur proposition d’une commission bicamérale réunissant un nombre égal de sénateurs et de députés, conformément aux lois no24 284 et no24 379. Mme Perceval propose au Comité d’associer des parlementaires à l’examen du prochain rapport périodique de l’Argentine. Elle rappelle que le Défenseur du peuple a accompagné plusieurs organisations des droits de l’homme dans de nombreuses actions, notamment celle liée à la défense de l’environnement dans le bassin du fleuve Matanza-Riachuelo, ou celle menée avant l’adoption en 2008 de la loi relative à la revalorisation des retraites qui prévoit deux revalorisations par an.

7.M. Dell ’ Elce (Argentine) explique que le droit d’être consulté et de participer est inscrit dans la Constitution (art. 75, al. 17), ainsi que dans de nombreuses constitutions provinciales, qui incluent également les dispositions de la Convention no169 de l’Organisation internationale du Travail (OIT) relative aux peuples indigènes et tribaux. Il existe trois instances de participation et de consultation, dont la première, le Conseil pour la participation autochtone, créé en 2004, réunit une centaine de représentants autochtones issus de plus de 30 peuples autochtones et 1280 communautés autochtones, qui sont élus tous les trois ans par les autochtones et qui reçoivent une aide financière du Gouvernement fédéral. Le Conseil pour la participation autochtone a pris part à la rédaction du décret réglementaire de la loi d’urgence relative à la possession et à la propriété des terres, qui ordonne que la délimitation des territoires tienne compte de la cosmovision de chaque peuple.

8.M. Dell’Elce explique que l’État argentin reconnaît la propriété collective de ces territoires et qu’aucun territoire autochtone ne peut être délimité sans que les autochtones concernés ne donnent au préalable leur consentement, librement et en connaissance de cause. Cinq millions d’hectares, soit 40% de la superficie, ont déjà été délimités. À la demande du pouvoir exécutif national, le Congrès a décidé que cette loi demeurerait en vigueur jusqu’au 23novembre 2013. Plusieurs sauvegardesont été mises en œuvre pour permettre aux communautés de commencer à administrer les ressources naturelles sur leurs territoires. Les autorités traditionnelles de chaque communauté, qui doivent dire si elles acceptent la délimitation des territoires, et la trentaine d’organisations territoriales déclarées qui regroupent les communautés constituent les deux autres instances de participation.

9.Le Gouvernement argentin tient à développer des processus consultatifs permettant de respecter le droit à l’information et à une consultation étendue, préalable et obligatoire, le droit d’empêcher toute action ayant contrevenu au droit à l’information et à la consultation, le droit d’obtenir des avantages économiques tirés de l’exploitation des ressources naturelles et le droit de contrôler l’exécution, la mise en œuvre et l’évaluation des activités. Une quarantaine de services d’aide juridique permanente aux associations autochtones ont été créés afin de faire appliquer ces droits. M. Dell’Elce dit que les décisions rendues par les tribunaux sont majoritairement favorables aux communautés autochtones, comme par exemple dans l’affaire qui a opposé, à Neuquén, la compagnie pétrolière Piedra del Águila à la communauté curuinca, où le tribunal a annulé les licences d’exploitation octroyées sans le consentement des communautés concernées.

10.Enfin, les organisations autochtones et les autorités traditionnelles jouent un rôle de premier plan dans la délimitation des territoires puisqu’elles sont consultées et doivent vérifier que les communautés ont librement donné leur consentement, au préalable et en connaissance de cause. Cette délimitation aboutira à l’adoption d’une loi sur la propriété collective autochtone, élaborée avec les autochtones, qui inclura une procédure souple d’attribution du titre de propriété collective et un fonds spécial de compensation en cas d’expulsion pour les quelque 18millions d’hectares concernés.

11.M. Labarta Liprandi (Argentine) insiste sur le caractère public des statistiques et dit que des poursuites sont uniquement engagées lorsque l’anonymat de la personne interrogée n’a pas été préservé. Toute personne violant le secret des statistiques garanti par la loi no17 622 portant création de l’Institut national de la statistique et du recensement (INDEC) encourt une peine pénale. L’INDEC assiste aux réunions de la Commission de statistique de l’ONU et tient compte des recommandations formulées par le Conseil économique et social. Enfin, M.Labarta Liprandi affirme la transparence des statistiques, à l’élaboration desquelles aucune objection méthodologique ou scientifique n’a été opposée et insiste sur le fait que la transparence des statistiques n’a cessé de s’accroître depuis 2007.

12.M. Dell ’ Elce (Argentine), soulignant le caractère fédéral de l’Argentine, explique que le Gouvernement fédéral a signé un accord avec 22 provinces en ce qui concerne la délimitation des territoires autochtones. Il reconnaît qu’une certaine résistance existe dans les deux autres provinces, mais réaffirme l’engagement profond et sans réserve de l’Argentine en faveur des droits de l’homme. Il admet que l’on puisse s’interroger sur la nécessité d’une réforme de la Constitution de 1994 portant sur la décentralisation des pouvoirs en matière d’aménagement du territoire et de gestion des ressources naturelles, qui incombent désormais aux autorités provinciales. Toutefois, l’Argentine souhaite continuer sur la voie du fédéralisme concerté, grâce auquel elle a déjà pu inscrire la personnalité juridique des communautés autochtones et octroyer des titres de propriété collective pour quelque cinq millions d’hectares et qui pourrait lui permettre de parvenir à un consensus sur la délimitation des territoires.

13.M me Carbone (Argentine) explique que de nombreuses décisions de la Cour suprême de justice et des juridictions inférieures s’appuient sur les lois nationales et les instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme.

14.M. Ciaravino (Argentine) dit que le taux de chômage des femmes s’élève à 8,7 % contre 6,2% chez les hommes, pour un taux de chômage moyen de 7,2 %, et que le taux moyen de féminisation du travail est de 32%. Il explique que le travail non déclaré est la plus grave conséquence de l’application du Consensus de Washington et fait remarquer qu’en sept ans le chômage a diminué deux fois plus vite que le travail non déclaré. Le retour à des taux de change variables n’est bien entendu pas l’unique raison de la création d’emplois après la politique destructrice de l’emploi que l’Argentine a appliquée, conformément au Consensus de Washington. Seul un changement des mentalités a permis à l’Argentine de sortir de cette logique néolibérale.Désormais, toute décision financière et politique économique vise la création d’emplois, le travail étant considéré comme le fondement de la paix sociale, de la citoyenneté et de la démocratie. La politique en faveur des droits de l’homme que le Gouvernement argentin mène actuellement n’aurait pas été applicable sous le régime des militaires génocidaires, dans lequel prévalait la répression. Ce changement, qui va au-delà du régime de taux de change, a permis de créer un grand nombre d’emplois mais une culture tenace d’irrégularité, héritée de l’époque à laquelle les règles concernant la protection des droits de l’homme ou des travailleurs n’existaient pas, demeure. Le maintien des salaires et des prestations sociales à un niveau élevé a permis de stimuler la demande, la production et la création d’emplois.

15.Le fait que l’emploi soit au cœur des politiques publiques est également illustré par le renforcement de l’inspection du travail. Le nombre d’inspecteurs du travail en Argentine est passé de 40 à 400. Alors qu’auparavant, les emplois déclarés constituaient 20 % des emplois créés, ce pourcentage atteint désormais 90 %. Les droits des travailleurs non déclarés ne sont pas reconnus lors de l’exercice de leur activité, mais ils n’en sont pas moins protégés par la loi. En outre, l’allocation par enfant est conçue pour les travailleurs en situation irrégulière. Il existe aussi des programmes spéciaux de formation et d’insertion professionnelle destinés à remédier au travail non déclaré. Les politiques d’emploi mises en place par le Ministère du travail, de l’emploi et de la sécurité sociale ont été importantes. En sept ans, plus de 4 800 000 travailleurs ont bénéficié des différents programmes de promotion de l’emploi et de formation.

16.Pour augmenter le pouvoir d’achat de la population, il a été nécessaire de redynamiser le Conseil national de l’emploi, de la productivité et du salaire minimum vital mobile (CNEPSMVM), qui fixe chaque année depuis 2003 le salaire minimum vital mobile. Actuellement, ce dernier est d’environ 554 dollars des États-Unis (É.-U.) sert de référence pour les salaires fixés dans les conventions collectives, qui lui sont tous supérieurs, la rémunération moyenne en Argentine étant de 2 000 dollars É.-U. Les domestiques sont rémunérés sur la base du salaire minimum vital mobile, qui est par la suite ajusté en fonction des catégories de personnel et auquel vient s’ajouter la cotisation minimale à la sécurité sociale. Le programme d’aide aux chefs de ménage n’existe plus, car les deux millions de personnes qui en bénéficiaient ont trouvé une autre solution et, dans leur immense majorité, du travail.

17.M. Ciaravino reconnaît que les entreprises peuvent se rendre coupables de violations des droits syndicaux et dit qu’au sein des tribunaux du travail, une procédure accélérée permet aux travailleurs de faire valoir leurs droits syndicaux. L’État ne bafoue pas les droits syndicaux des travailleurs. En Argentine, il existe environ 3 600 organisations syndicales et plus de 40 % des employés sont syndiqués, ce qui est quatre fois supérieur à la moyenne européenne.

18.M me Shin dit que le poste de Défenseur du peuple serait resté vacant pendant plusieurs années. Compte tenu de l’importance que le Comité accorde au rôle du Défenseur du peuple, elle souhaite savoir si ce poste est désormais occupé. Inquiète quant aux informations reçues au sujet des appropriations illégales des terres des peuples autochtones, elle dit que le Gouvernement devrait prendre des mesures en vue de prévenir ces abus.

19.Le Comité a demandé si une loi criminalisait le harcèlement sexuel, mais les réponses écrites du Gouvernement argentin ne sont pas claires à ce sujet. En outre, 60 % des domestiques n’étant pas déclarés, il convient de préciser quels sont les recours disponibles en cas de harcèlement sexuel, les victimes étant généralement réticentes à se présenter devant les tribunaux.

20.M. Sadi relève l’imprécision des réponses apportées par l’Argentine et souhaite savoir si, dans les décisions judiciaires qui font référence au Pacte, les dispositions de cet instrument ont été dûment citées ou ont juste été déclarées applicables, ce qui serait insuffisant. La protection des droits consacrés par le Pacte, qui entre dans le mandat du Défenseur du peuple, s’avérerait plus difficile sans une jurisprudence appropriée.

21.M. Abdel-Moneim dit qu’il comprend que l’adjectif «mobile» dans l’expression «salaire minimum vital mobile» signifie que ce salaire est revu à la hausse. Il considère que l’abandon du système des taux de change fixes a également fait partie des politiques de déréglementation. Bien que dans l’absolu le débat sur le choix entre les taux de change fixes et les taux de change variables soit sans fin, il était plus judicieux d’abandonner les taux de change fixes dans le cas de l’Argentine.

22.M. Kedzia (Rapporteur pour l’Argentine) s’enquiert des mesures de contrôle prises par le Gouvernement pour s’assurer que les entreprises respectent les droits économiques, sociaux et culturels. Bon nombre d’informations ont été fournies sur les consultations des peuples autochtones, mais il faudrait préciser à quels recours ces derniers ont accès si les consultations ne donnent pas de résultat satisfaisant. M. Kedzia, se réjouissant des informations faisant état de la reconnaissance par l’État partie des droits fonciers des peuples autochtones, demande des détails sur la procédure d’octroi des titres de propriété des terres, le Comité ayant pris connaissance d’allégations selon lesquelles celle-ci serait lente et inefficace.

23.M. Tira do Mejí a souhaite savoir si la délimitation des terres équivaut à l’octroi de titres de propriété ou si le processus est divisé en deux étapes. Il aimerait également disposer de plus amples informations sur le projet relatif à la propriété communautaire autochtone. Ce projet va-t-il se concrétiser? A-t-il été présenté au Congrès?

24.M me Barahona Riera regrette qu’aucune réponse n’ait été donnée à la question qu’elle avait formulée sur le statut juridique de la femme. Il s’agit de savoir s’il existe une législation spécifique sur l’égalité entre les sexes, notamment une qualification pénale concernant le harcèlement sexuel sur le lieu de travail, la violence familiale et les violences faites aux femmes en général. La délégation voudra bien préciser quels types de services ont été mis en place pour permettre aux femmes de participer au marché du travail. Il est nécessaire de distinguer les aides auxquelles les travailleurs ont droit au titre des programmes mis en place par le Gouvernement, qui varient constamment et peuvent être supprimés du jour au lendemain, et les droits des travailleurs à la sécurité sociale au regard de la loi. L’assurance chômage est-elle un droit reconnu? À quelles prestations sociales les travailleurs ont-ils droit?

25.M me Perceval(Argentine) dit que le Défenseur du peuple, une fois élu à la majorité absolue par les deux chambres du Parlement, peut proposer deux adjoints. Néanmoins, la majorité absolue nécessaire à sa nomination n’ayant pas été obtenue, le Défenseur du peuple sera nommé ultérieurement. Il doit être indépendant, tout comme doit l’être l’appareil judiciaire, agir avec professionnalisme et susciter la confiance du peuple. Il ne doit pas dépendre du pouvoir politique, auquel cas il serait limité dans l’exercice de ses fonctions. Il sera question, à terme, de faire participer le peuple à la nomination du Défenseur du peuple.

26.M. Dell ’ Elce (Argentine) dit que le Gouvernement se préoccupe de la question des droits des peuples autochtones. Des entreprises résistent à la reconnaissance des droits de ces peuples car elles ont acquis des terres pendant des dizaines d’années, avec la complicité des autorités des provinces. Elles sont enregistrées au registre foncier comme propriétaires de terres revendiquées par des communautés autochtones. Elles se regroupent pour empêcher l’application de la loi d’urgence relative à la possession et à la propriété des terres qui suspend les expulsions. L’État argentin accompagne les autorités traditionnelles et spirituelles qui procèdent à la délimitation de leur territoire. Cette délimitation a donné lieu à des affrontements avec les entreprises et leurs hommes de main, qui ont provoqué le décès de plusieurs membres des communautés autochtones. Face à cette situation, l’État fournit une assistance judiciaire aux communautés autochtones, et a étendu l’interdiction des expulsions aux terres des communautés paysannes non autochtones. Les communautés autochtones occupent des terrains appartenant à l’État, aux provinces, aux universités et aux églises. De grands progrès ont été réalisés dans la cession directe, aux communautés autochtones, de titres de propriété de terrains appartenant à l’État, aux provinces ou aux communes. Il n’en va pas de même pour les terres appartenant à des propriétaires privés inscrits au registre foncier. Dans ces affaires, les communautés peuvent se tourner vers les tribunaux afin d’obtenir un titre de propriété communautaire par décision de justice, qui l’emporte sur l’inscription au registre foncier. De nombreuses communautés ont eu recours à cette procédure avec succès. L’autre possibilité est d’attendre l’entrée en vigueur de la loi sur la propriété communautaire, élaborée par des représentants élus des organisations autochtones territoriales, et par le Conseil pour la participation autochtone que la Présidente de la République entend faire adopter par le Congrès, de même que la loi relative à la protection du domaine national.

27.M. Dell’Elce dit que même si la délimitation des terres est un travail difficile qui s’effectue sous la menace et le harcèlement permanents des opposants, elle est une reconnaissance de la possession des terres concernées par les autochtones, conformément au paragraphe 17 de l’article 75 de la Constitution argentine. D’autres moyens permettent de restituer aux communautés spoliées leurs titres de propriété, à savoir l’expropriation ou l’achat direct de terres. Les gouvernements néolibéraux avaient mené une stratégie de démantèlement, en attribuant des titres de propriété individuels sur les terres des communautés, alors que le gouvernement actuel favorise un processus de reconstitution de l’identité et de la conscience communautaires, malgré la résistance de certaines entreprises et autorités locales. Le processus de consultations des communautés autochtones touchées, avant le démarrage des activités extractives, a donné des résultats positifs dans certains cas, mais a été impossible à organiser dans d’autres cas. Des plaintes ont été déposées et des procédures judiciaires sont en cours. De nombreux projets ont été interrompus suite à l’intervention des populations autochtones et il est tout à fait possible que le projet des Grandes Salines soit lui aussi suspendu. L’Argentine s’apprête à recevoir la visite du Rapporteur spécial sur les droits des populations autochtones et lui fera visiter huit sites dans lesquels le droit à consultation a pu être bafoué.

28.M me Perceval (Argentine) dit que les institutions chargées des politiques en faveur de l’égalité des femmes ont beaucoup évolué. C’est aujourd’hui le Conseil national des femmes, placé sous l’égide du Conseil national de coordination des politiques sociales, qui en a la responsabilité. Des initiatives visent à la création d’un institut de la femme, qui veillerait à l’intégration des questions de parité dans l’élaboration et la mise en œuvre de toutes les politiques.

29.En ce qui concerne le harcèlement sexuel, des projets ont été présentés pour que ce délit soit incorporé au Code pénal argentin, mais on ne peut pas non plus parler de vide juridique s’agissant des violences à l’égard des femmes. La violence familiale est désormais considérée comme un délit de droit commun et sanctionnée comme tel. La loi pour la prévention, l’élimination et la répression de toutes les formes de violence à l’égard des femmes est appliquée par tous les pouvoirs de l’État: il existe ainsi un bureau de la violence familiale à la Cour suprême de justice. Les dispositions de cette loi s’inspirent des instruments internationaux, mais aussi du Consensus de Quito et prennent en compte toutes les formes de violence à l’égard des femmes, y compris les violences dans le monde du travail.

30.Les agents des forces de sécurité sont sensibilisés par des associations de femmes aux violences à l’égard des femmes. Une formation virtuelle sur le comportement à adopter face aux victimes a été conçue à leur intention par le Sous-Secrétariat aux droits de l’homme, dont Mme Perceval est responsable. Un service a été créé au Ministère de la sécurité pour la prise en compte des questions relatives à l’égalité des sexes dans les politiques de sécurité. Mme Perceval ajoute que des femmes ont créé un groupe parlementaire au Sénat, pour s’assurer que toutes les politiques prennent en compte les questions d’égalité entre les sexes. C’est ainsi que la loi sur la communication audiovisuelle et la loi sur l’éducation nationale ont intégré cette perspective et que les lois sur l’éducation sexuelle ou sur la promotion de la santé sexuelle et d’une procréation responsable ont pu être élaborées. Il s’agit de dispositions concrètes, qui sont appliquées en dépit des résistances de certains secteurs. En ce qui concerne le féminicide, un protocole d’action va être examiné dans le cadre du MERCOSUR et un projet de loi portant sur la qualification de ce délit a été présenté aux deux chambres.

31.S’agissant des domestiques, qui sont environ un million en Argentine, la Présidente de la République a demandé que le travail domestique chez les particuliers soit réglementé, car les domestiques, essentiellement des femmes, n’ont souvent aucun droit ni prestation sociale. Un projet de loi est actuellement examiné à la chambre des députés et le Sous-Secrétariat aux droits de l’homme a organisé, avec d’autres ministères, une campagne en faveur de son adoption par le Sénat. L’accompagnement social de ces projets est indispensable, car ceux-ci s’opposent parfois à des coutumes et à des pratiques admises socialement.

32.M. Texier précise que la loi no 23 551 est fortement contestée par l’OIT, au motif que celle-ci est contraire à la Convention no 87 sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical. Cette loi peut être considérée comme contraire à l’article 8.3 du Pacte, car elle établit deux sortes de syndicats: ceux qui sont enregistrés et ceux qui ne le sont pas. Les deux types de syndicat n’ayant pas les mêmes pouvoirs, M. Texier estime qu’il s’agit de discrimination à l’échelle de l’État. En outre, compte tenu de certaines décisions de la Cour suprême, qui juge notamment que le temps exigé pour l’attribution de pensions de retraite ou d’allocation sociale est trop long, il estime nécessaire de changer la loi ou les pratiques.

Articles 10 à 12 du Pacte

33.M. Ribeiro Leão évoque la crise de confiance à laquelle est confrontée l’économie argentine et qui se traduit ces dernières années par la fuite massive des capitaux. De nombreux spécialistes estiment que l’économie continuera à stagner tant que cette crise de confiance se poursuivra. De plus, un Argentin sur trois serait pauvre, soit 32 % à 35 % de la population, alors que le Gouvernement argentin avance le chiffre de 15 %. M. Ribeiro Leão demande quel est le taux officiel de pauvreté en Argentine. Que fait l’État pour lutter contre la crise de confiance généralisée et comment la communauté internationale devrait-elle aider l’État partie à lutter contre la pauvreté?

34.M. Riedel demande si le fait que l’Argentine n’a pas encore ratifié la Convention-cadre de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) pour la lutte antitabac est dû à la résistance des États fédérés. Il rappelle cependant que l’Argentine ne peut invoquer son statut d’État fédéral pour se soustraire à ses obligations internationales. Il demande quelles sont les mesures prises au niveau fédéral pour changer la situation, sachant que le taux de prévalence du tabagisme est l’un des plus élevés d’Amérique latine.

35.M. Riedel aimerait connaître les mesures qui sont prises pour dépénaliser l’avortement, les avortements clandestins étant la cause de nombreux décès dans le pays. Il voudrait savoir comment est appliqué le programme d’éducation sexuelle dans les écoles, qui permettrait de réduire le nombre de grossesses chez les adolescentes. Les autorités locales seraient réticentes à le mettre en œuvre, en raison de la pression de l’Église catholique.

36.D’après la Commission économique pour l’Amérique latine et les Caraïbes, il y a en Argentine un taux élevé de morbidité et de mortalité dû aux maladies cardiovasculaires et aux maladies transmissibles. M. Riedel demande quelles mesures sont prises pour réduire la proportion élevée de ces malades et pour que les médicaments essentiels soient à la disposition de tous, y compris des groupes de population les plus défavorisés, comme les autochtones. Il voudrait également connaître les premières évaluations qui ont été faites suite à l’entrée en vigueur de la loi sur la santé mentale.

37.M. Riedel demande des précisions sur les soins de santé fournis en prison et dans les postes de police, où les informations font état d’un manque d’hygiène et de soins médicaux et d’une violence récurrente. Quelles mesures sont prises par le Gouvernement pour s’assurer que les suspects ne sont pas détenus plus longtemps que nécessaire?

38.M. Schrijver constate que, d’après les statistiques, des progrès ont été réalisés en ce qui concerne l’interdiction du travail des enfants ces dix dernières années. Il demande quelle est l’évaluation de la situation par le Gouvernement argentin dans ce domaine. Il y aurait encore un enfant sur trois âgé de 14 à 17 ans qui travaille dans les zones rurales et un enfant sur cinq dans les zones urbaines. De nombreux enfants âgés de 13 ans et moins travaillent aussi, essentiellement dans les zones rurales. M. Schrijver demande si le Pacte mondial, que l’Argentine a signé et qui interdit le travail des enfants, est diffusé largement. Il rappelle la Déclaration faite par le Comité en 2001 sur les obligations des États parties concernant le secteur des entreprises et les droits économiques, sociaux et culturels (E/C.12/2011/1). L’Argentine a signé les Conventions de l’OIT no 131 sur la fixation des salaires minima et no 182 sur les travailleuses et travailleurs domestiques, mais leur application laisse à désirer.

39.S’agissant des enfants victimes de la traite, un plan de prévention et d’élimination de l’exploitation sexuelle des enfants à des fins commerciales a été élaboré, mais le Comité a noté que les structures chargées de sa mise en œuvre étaient insuffisantes, qu’il n’y avait pas de mécanismes efficaces de coordination et que les mesures prises au niveau provincial étaient insuffisantes. M. Schrijver demande quelles mesures ont été prises pour améliorer la situation.

40.M me Shin estime que, bien que le pays soit désormais en mesure d’étendre la sécurité sociale aux personnes défavorisées, aux femmes pauvres ou aux autochtones, grâce à la prospérité économique de ces dernières années, la part des bidonvilles a augmenté dans les villes et les conditions d’assainissement sont insuffisantes dans certaines régions. Elle souhaite savoir ce que prévoit le Gouvernement pour que les personnes vulnérables puissent avoir un niveau de vie adéquat. En ce qui concerne le tabac, elle demande de quelle manière l’Argentine, qui n’a pas ratifié la Convention-cadre pour la lutte antitabac, pense réduire le tabagisme, particulièrement élevé chez les jeunes femmes et les adolescentes. Elle note que la loi sur l’enseignement des questions de santé sexuelle et procréative n’est pas toujours appliquée dans les provinces, et aimerait connaître les mesures prises pour en garantir l’application.

41.M. Abdel-Moneim dit, en ce qui concerne le droit à une alimentation suffisante, que l’Argentine, qui est l’un des principaux exportateurs de céréales, doit prendre les mesures nécessaires pour assurer une répartition équitable des ressources alimentaires mondiales, comme exigé par l’article 11 du Pacte. Il aimerait savoir si l’Argentine a établi un indice des prix à la consommation, qui permettrait d’ajuster le salaire minimal aux fluctuations des prix des produits de consommation. Enfin, il demande des précisions sur l’impôt sur le revenu et sur les impôts indirects, notamment dans le domaine de la consommation.

42.M me Barahona Riera demande si la violence familiale, le harcèlement sexuel et le féminicide ont été érigés en infraction pénale, et dans quelle mesure la loi sur la promotion de la santé sexuelle et d’une procréation responsable et la loi sur l’éducation sexuelle, toutes deux progressistes, sont appliquées à l’échelle du pays, y compris dans les régions les plus conservatrices. Elle rappelle que l’État partie est tenu de faire respecter la loi sur l’éducation sexuelle dans tous les établissements scolaires du pays, y compris dans les écoles privées. La délégation argentine pourrait indiquer le nombre d’avortements pratiqués chaque année et le lien entre mortalité maternelle et avortements clandestins, et préciser dans quelles circonstances l’avortement est interdit et passible de poursuites.

43.S’agissant de l’accès aux prestations sociales, Mme Barahona Riera aimerait savoir si les personnes qui n’ont pas cotisé peuvent prétendre à une pension de retraite ou à des allocations‑chômage, et si les allocations familiales pour enfant à charge sont universelles. La délégation argentine pourrait indiquer si la couverture du système de santé est universelle, et si chacun peut accéder aux médicaments essentiels gratuitement.

44.M. Tirado Mejía demande quelles mesures concrètes l’État partie a prises pour combattre le narcotrafic à tous les niveaux, dans les pays producteurs comme dans les pays destinataires, au stade de son financement et du blanchiment de l’argent de la drogue, depuis la production jusqu’à la consommation. À cet égard, il voudrait savoir si, dans l’État partie, la toxicomanie est réprimée, et plus précisément si les consommateurs et les détenteurs de drogues risquent la prison, et si la possession d’une petite quantité de stupéfiants à des fins de consommation personnelle est tolérée ou non. La toxicomanie est-elle perçue comme un problème médical?

45.M. Abashidze, notant qu’un quart des jeunes Argentins fument, demande si l’État partie envisage de ratifier la Convention-cadre pour la lutte antitabac − qu’il a signée en 2003 − et d’adopter une loi nationale qui en reprenne les grandes lignes.

46.M me Shin se félicite de l’excellent niveau de protection de la maternité et des soins néonatals mis en place par l’État partie, qui offre une couverture médicale à toutes les femmes enceintes – qu’elles aient ou non cotisé préalablement − ainsi qu’aux enfants jusqu’à l’âge de 6 ans. Elle demande si ce système de prestations de soins de santé a été rendu accessible à tous par l’instauration de services de proximité dans tous les hôpitaux et les dispensaires du pays, y compris dans les zones rurales, et si les zones reculées du pays sont desservies par des médecins et des infirmières se rendant au domicile des patients.

47.M. Texier demande si les provinces enregistrant les taux de grossesse précoce les plus élevés, comme le Chaco, sont celles qui s’opposent le plus vivement à la mise en œuvre des programmes d’éducation sexuelle dans les écoles. Ayant entendu dire que l’assassinat récent de deux jeunes Françaises dans l’État partie pouvait peut-être ne pas être un cas isolé et traduire au contraire un certain mépris des femmes au sein de la société argentine, il souhaiterait savoir si, d’après la délégation argentine, l’État partie pourrait devenir le théâtre de féminicides comme d’autres pays de la région.

48.M. Kedzia aimerait connaître les mesures prises par l’État partie pour pallier le déficit de logements qui touche autant les zones urbaines que rurales, notamment au sein des communautés autochtones, et savoir si l’État partie est parvenu à endiguer le phénomène des enfants des rues depuis la présentation de son deuxième rapport périodique. Enfin, soulignant que la question des migrations a pris une envergure mondiale, il souhaiterait savoir quels droits et quelle protection, selon l’État partie, devraient être accordés aux migrants.

49.Le Président, prenant la parole en sa qualité de membre du Comité, demande si l’État partie a adopté une législation qui soit conforme aux dispositions de l’Observation générale no 7 (1997) du Comité sur le droit à un logement suffisant: expulsions forcées, et si, en règle générale, les personnes concernées sont relogées ou indemnisées. Il précise que la plupart des habitants des bidonvilles insalubres courent un risque accru d’être expulsés par la force, et voudrait donc connaître l’ampleur du phénomène des sans-abris dans l’État partie, en particulier dans les villes.

Articles 13 à 15

50.M. Kerdoun, notant que l’État partie se heurte au problème persistant du redoublement et de la présence d’élèves trop âgés dans le système éducatif, souhaiterait savoir pourquoi et comment l’État partie en est arrivé à cette situation aussi critique. Il déplore en outre que nombre d’adolescents autochtones pauvres abandonnent leurs études bien que ceux-ci perçoivent des bourses destinées à les maintenir dans le système scolaire. Il demande donc ce que l’État partie entend faire pour assurer l’avenir de tous les jeunes déscolarisés, notamment en les orientant vers des formations professionnelles ou en les aidant à s’insérer sur le marché de l’emploi. M. Kerdoun apprécierait en outre un complément d’information sur les mesures prises en faveur de l’intégration dans l’enseignement traditionnel des enfants handicapés, dont 25 % sont exclus.

51.Compte tenu que l’article 4 de la loi no 26206 sur l’éducation nationale dispose que «l’État, les provinces et la ville autonome de Buenos Aires ont la responsabilité primordiale et inaliénable d’assurer une éducation intégrée, permanente et de qualité à tous les habitants de la nation en garantissant l’égalité, la gratuité et l’équité dans l’exercice du droit à l’éducation», la délégation argentine pourrait expliquer pourquoi autant d’élèves sont exclus du système éducatif et indiquer clairement quelle est la durée de l’obligation scolaire et l’âge de la fin de la scolarité obligatoire. Faisant référence au climat de conflit qui caractérise de plus en plus la vie scolaire ainsi qu’au Programme national de médiation scolaire décrits aux paragraphes 833 et suivants du rapport à l’examen, M. Kerdoun voudrait savoir si les actes de violence qui surviennent dans le cadre scolaire sont motivés par l’appartenance ethnique des élèves ou par d’autres facteurs, et quelles mesures l’État partie entend prendre pour pallier ce problème. Enfin, la délégation argentine voudra bien indiquer quel est le taux d’analphabétisme dans le pays tant au sein de la population générale que de la population autochtone, et fournir des données statistiques sur ce fléau, ventilées par groupe de population et par sexe.

52.M. Ribeiro Leão demande un complément d’information sur le plan visant à garantir l’enseignement secondaire pour tous (Secundaria para todos), et aimerait notamment connaître le contenu du programme d’études qui semble se fonder sur des activités sportives et artistiques et prévoir l’encadrement des élèves par des tuteurs, ainsi que les résultats concrets de ce plan.

53.M. Dasgupta fait observer que bien que l’enseignement soit obligatoire aux niveaux primaire et secondaire et que l’État partie ait adopté un programme national intitulé «Tous aux études» (Todos a estusiar) visant à intégrer ceux qui, pour diverses raisons, ont abandonné leurs études ou ne sont même jamais entrés dans le système scolaire, il semblerait que le droit à l’éducation ne soit pas garanti en pratique, 14,2 % des plus de 15 ans ayant quitté l’école avant la fin de l’enseignement primaire. Notant que les statistiques figurant dans le rapport à l’examen datent de 2001 et que de nombreuses mesures ont été prises depuis lors dans le domaine de l’éducation, il demande des données actualisées dans ce domaine, qui lui permettraient d’évaluer les progrès effectués ainsi que l’efficacité des mesures prises pour pallier les lacunes du système éducatif.

54.M. Marchán Romero voudrait savoirs’il est déjà arrivé en pratique que les bénéfices tirés de l’exploitation économique des ressources naturelles situées sur des terres autochtones soient en partie rétrocédés aux communautés autochtones propriétaires desdites terres, et si l’État partie a conscience de l’importance de la dimension spirituelle et culturelle que revêtent pour les autochtones leurs terres ancestrales et en tient compte lors de la reconnaissance des droits fonciers des autochtones et la délimitation de leurs terres. M. Marchán Romero demande en outre, à des fins de comparaison, des données récentes faisant état du nombre de personnes qui s’auto-identifient comme autochtones dans l’État partie et du nombre de personnes identifiées comme telles par l’État partie. Il relève avec satisfaction que le pourcentage de personnes se déclarant autochtones augmente en Argentine, ce qui n’est pas le cas dans les autres pays de la région. La délégation argentine pourrait indiquer si la loi sur la propriété intellectuelle consacre un chapitre entier à la protection des savoirs culturels des peuples autochtones et citer des cas concrets où le progrès scientifique et technique a contribué à l’amélioration du sort et du bien-être de la population.

La séance est levée à 18 heures.