NATIONS UNIES

E

Conseil économique et social

Distr.GÉNÉRALE

E/C.12/2009/SR.1315 juin 2009

Original: FRANÇAIS

COMITÉ DES DROITS ÉCONOMIQUES, SOCIAUX ET CULTURELS

Quarante-deuxième session

COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA PREMIÈRE PARTIE (PUBLIQUE)*DE LA 13e SÉANCE

tenue au Palais Wilson, à Genève,le mardi 12 mai 2009, à 10 heures

Président: M. MARCHAN ROMERO

SOMMAIRE

EXAMEN DES RAPPORTS

a)EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT AUX ARTICLES 16 ET 17 DU PACTE (suite)

Rapport initial du Cambodge (suite)

La séance est ouverte à 10 h 5.

EXAMEN DES RAPPORTS

a)EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT AUX ARTICLES 16 ET 17 DU PACTE (point 8 de l’ordre du jour) (suite)

Rapport initial du Cambodge (E/C.12/KHM/1; liste des points à traiter (E/C.12/KHM/Q/1); réponses écrites du Gouvernement cambodgien à la liste des points à traiter (E/C.12/KHM/Q/1/Add.1)) (suite)

1. Sur l’invitation du Président, la délégation cambodgienne reprend place à la table du Comité.

Articles 10 à 12 du Pacte(suite)

2.M. MARTYNOV, constatant avec préoccupation que 1,5 million d’enfants âgés de 5 à 14 ans travaillent, demande quelles sont les mesures envisagées par le Cambodge pour faire appliquer l’interdiction du travail des enfants. Un plan d’action national pour 2008‑2012 a été adopté pour lutter contre le travail des enfants mais, à l’évidence, ses résultats ne se font pas encore sentir. M. Martynov voudrait en savoir plus sur les mesures prévues pour réviser le plan d’action et améliorer en particulier la coordination entre les organismes chargés de son application.

3.M. PILLAY dit que, selon la Banque mondiale et l’Organisation internationale du Travail (OIT), les couches les plus défavorisées de la population n’auraient pas tiré parti de la croissance et du développement économiques et les inégalités ne cesseraient de s’accroître entre riches et pauvres. Ainsi, le taux de pauvreté s’élèverait à 36 % de la population. Dans ce contexte, il demande quelle est l’action menée pour réduire les inégalités et voudrait savoir si une approche fondée sur les droits de l’homme a été adoptée lors de l’élaboration de la stratégie de réduction de la pauvreté.

4.S’agissant du logement, M. Pillay demande si la politique mentionnée par la délégation cambodgienne pour les années 2009‑2010 s’inspire du projet élaboré par ONU‑Habitat en 2003, projet auquel il n’a jamais été donné suite. Revenant sur le problème des expulsions forcées, il note avec préoccupation qu’au paragraphe 63 de son rapport (A/HRC/7/42), le Représentant spécial du Secrétaire général pour les droits de l’homme au Cambodge constate que «des personnes, entreprises et instances gouvernementales influentes violent régulièrement les droits fonciers en toute impunité». D’après toutes les sources d’information, la politique d’expulsion forcée se poursuit à grande échelle et le Gouvernement semble être complice des expulsions réclamées par des propriétaires ou des entreprises privés. Dans ce contexte, M. Pillay demande s’il existe une réelle volonté politique de la part du Gouvernement d’adopter un décret royal pour appliquer un moratoire sur toutes les expulsions forcées en attendant l’adoption d’une loi conforme à l’Observation générale no 7 du Comité sur le droit à un logement suffisant et sur les expulsions forcées.

Articles 13 à 15 du Pacte

5.M. KERDOUN demande quels sont les premiers résultats concrets de la Stratégie d’éducation 2006‑2010 mentionnée au paragraphe 649 du rapport initial de l’État partie. Il voudrait connaître en particulier le montant des dépenses budgétaires annuelles consacrées à la réalisation de la Stratégie ainsi que le montant de l’aide étrangère. Par ailleurs, il demande quel est le taux d’analphabétisme des femmes et des hommes et quels sont les effets des programmes mis en œuvre pour promouvoir l’instruction et l’alphabétisation des adultes âgés de 15 à 45 ans. Il voudrait savoir combien de personnes en bénéficient. Enfin, il demande quels sont les efforts déployés par le Cambodge pour améliorer le degré d’instruction des enfants des rues, des enfants qui travaillent et des personnes marginalisées.

6.M. SADI aimerait savoir si la période correspondant au régime des Khmers rouges est enseignée à l’école et si les enfants sont sensibilisés aux atrocités commises.

7.Mme BONOAN-DANDAN, rapportant des informations selon lesquelles 400 à 800 femmes seraient conduites chaque mois dans des pays voisins du Cambodge à des fins d’exploitation sexuelle, demande à la délégation de confirmer ces chiffres préoccupants et de présenter les éventuels effets du plan d’action national contre la traite des femmes et des enfants.

8.Mme Bonoan‑Dandan explique qu’en 2008, elle s’est rendue dans la zone connue sous le nom de «Groupe 78», où les habitants vivent dans des conditions effroyables, sans aucun accès à l’eau potable et à l’assainissement. Quand l’État procède à des expulsions, il propose au mieux de reloger les personnes dans des tentes, ce qui n’est pas admissible en raison notamment des semaines de mousson et d’inondation. Elle évoque la situation de différentes communautés où les habitants sont menacés d’expulsion et exhorte les autorités cambodgiennes à respecter le droit au logement.

9.Sur le fait que l’éducation de base est gratuite pendant neuf ans, le Comité a souvent constaté que dans certains pays en développement, les écoles doivent, par manque de moyens, faire payer certains services comme l’électricité, ce qui compromet la gratuité; des problèmes de cet ordre se posent-ils au Cambodge? Mme Bonoan-Dandan aimerait aussi savoir de quelle manière le programme d’alphabétisation, dont le rapport initial de l’État partie indique que des versions existent en langue khmère et dans les langues tribales, est appliqué dans les régions rurales où d’autres langues que le khmer sont parlées. Elle demande également dans quelles langues les lois sont rédigées, dans la mesure où de nombreux conflits naissent apparemment du fait que les personnes ne peuvent pas lire les lois; et si le Pacte a été traduit en khmer ainsi que dans d’autres langues pratiquées sur le territoire de l’État partie.

10.Il apparaît que certaines minorités rurales n’auraient pas accès aux terres cultivables, aux forêts et aux pêches, et que les minorités en général souffriraient du mépris des groupes majoritaires. C’est un problème qu’il conviendrait de traiter par l’éducation dans le domaine des droits de l’homme. Les groupes minoritaires bénéficient-ils d’un accès égal à l’éducation, notamment aux neuf années d’enseignement gratuit et obligatoire?

11.Mme Bonoan-Dandan tient de certaines informations que la législation sur la pêche aurait eu des effets défavorables pour de nombreux pêcheurs traditionnels qui vivent dans une grande pauvreté, notamment dans la région du bassin de Tonle Sap. Quelle est la situation actuelle s’agissant de conflits éventuels entre les pêcheurs traditionnels et les sociétés de pêche commerciale?

12.Mme Bonoan-Dandan note enfin que si une loi de 2001 prévoyait l’attribution de titres fonciers en faveur des populations autochtones, il semble qu’en 2009 aucun titre n’ait encore été délivré. Elle demande pourquoi ce processus prend si longtemps, alors que dans l’intervalle, certaines zones auraient été militarisées suite à l’arrivée d’investisseurs, ce qui ferait fuir les autochtones. Constatant qu’il existe un flou général en ce qui concerne les différents titres fonciers, notamment entre les titres de «terres domaniales publiques» et de «terres domaniales privées», elle aimerait un complément d’information sur cette question.

13.M. SUN Suon (Cambodge) dit que les fonds alloués à la santé et à l’éducation dans le budget national pour 2009 ont augmenté respectivement de 24 % et de 19 % par rapport à 2008. Si le Cambodge n’a pas encore adopté de loi spécifique sur l’interdiction des châtiments corporels, il a ratifié la Convention relative aux droits de l’enfant. Cette question est suivie par le Conseil national pour l’enfance et un comité interministériel chargé des droits de l’enfant. Le Cambodge participe activement à la campagne internationale pour l’élimination des mines terrestres; les projets mis en œuvre au plan national abordent aussi bien la dimension humanitaire que les aspects liés au développement économique et social des populations bénéficiaires.

14.Des progrès sont enregistrés dans le domaine de l’éducation, concernant par exemple le nombre d’inscriptions au primaire et au secondaire, l’acquisition du niveau d’instruction élémentaire et l’alphabétisation des adultes. Des lacunes subsistent dans l’accès à l’éducation, notamment pour les enfants très pauvres ou vivant dans des régions isolées. Une nouvelle loi sur l’éducation a été adoptée fin 2007. De nouveaux programmes scolaires et de nouvelles normes d’apprentissage ont été approuvés en 2006. L’objectif visant à ce que 90 % des filles entrent dans le secondaire à la sortie du primaire n’a pas encore été atteint puisqu’à l’heure actuelle, 78,5 % y parviennent. La politique d’éducation pour tous dispose qu’aucune distinction ne peut être faite selon l’origine; dès lors, les minorités ethniques ne font l’objet d’aucune discrimination dans le domaine de l’éducation.

15.Actuellement, le Cambodge ne dispose pas d’une politique de logement conforme aux recommandations d’ONU-Habitat, mais c’est une direction dans laquelle il souhaite aller. La mortalité infantile a diminué de 30 % entre 2000 et 2005. Deux tiers des enfants reçoivent les vaccins de base recommandés. Le pourcentage de naissances assistées par un personnel qualifié atteint désormais 44 %, contre 33 % en 2000; cela devrait se traduire assez rapidement par une baisse de la mortalité maternelle. Les soins médicaux de base gratuits sont dispensés par un nombre croissant d’établissements de santé. La prévalence du VIH a diminué au cours des dernières années. La lutte contre le paludisme enregistre également des progrès significatifs.

16.M. KE Sovann (Cambodge) précise que les «terres domaniales publiques» sont les parcs et les espaces publics dont toute la population a la jouissance et que les «terres domaniales privées» sont les terres appartenant à l’État et mises en concession à des fins d’exploitation économique.

17.M. SUN Suon (Cambodge) indique qu’en 2006-2007 trois nouveaux sites d’écotourisme ont été ouverts au Cambodge et que deux autres sont en préparation. Avec la promulgation de la loi sur les zones protégées en 2008, la gestion de ces zones relève désormais du Ministère de l’environnement. Les nouvelles communautés qui ont été créées parmi les pêcheurs du lac Tonle Sap et d’autres zones et parmi les habitants de zones protégées contribuent à l’entretien des plans d’eau naturels et à la prévention des empiètements illégaux sur la propriété d’autrui et du déboisement. M. Sun Suon rappelle qu’en 2006-2007, plus de 3 500 hectares de terres occupées illégalement ont été récupérées et réintégrées parmi les zones protégées. En 2007, 73 communautés de zones protégées ont été établies et 18 zones protégées délimitées et cadastrées. La gestion et la protection des ressources naturelles et de l’environnement continuent de pâtir des faiblesses du cadre institutionnel et juridique, et notamment du manque de coordination entre les organismes et les autorités responsables.

18.Répondant à des questions sur la forêt, M. Sun Suon rappelle que le couvert forestier s’étend sur 59 % du territoire national et que le programme forestier national qui est en cours d’élaboration vise à porter cette couverture à 60 %, conformément à l’objectif que s’est fixé le Cambodge dans le cadre des objectifs du Millénaire pour le développement. Au sujet de la loi forestière, il précise qu’une distinction est faite entre réserves forestières permanentes et forêts privées. Le Gouvernement cambodgien met l’accent sur le renforcement et l’application de la loi forestière, la gouvernance, l’accélération du cadastrage, l’amélioration de la gestion et de la conservation des forêts et de la faune, le développement du programme forestier dans les communautés, le reboisement, le renforcement des capacités institutionnelles, le développement des capacités dans le domaine de la recherche forestière.

19.S’agissant de savoir si les autochtones ont le même accès que les autres citoyens aux titres de propriété, M. Sun Suon explique que la Constitution cambodgienne prévoit un traitement égal pour tous les Cambodgiens. Aucune discrimination ni aucune distinction ne sont faites sur la base de la race. Tout citoyen cambodgien peut être titulaire d’un titre de propriété, y compris les groupes autochtones vivant dans les zones tribales.

20.Les questions du droit à l’alimentation et de la sécurité alimentaire retiennent toute l’attention des autorités cambodgiennes, d’autant qu’un pourcentage important de la population vit en dessous du seuil de pauvreté. Toutefois, ce pourcentage diminue régulièrement, perdant chaque année 1 % depuis cinq ans. Il s’établit actuellement à 30 %. En matière de traite des êtres humains, des statistiques seront communiquées ultérieurement au Comité; le Gouvernement est engagé tant à l’échelon national qu’aux niveaux régional et international dans la lutte contre ce phénomène qui appelle une coopération à vaste échelle. En revanche, pour ce qui est des expulsions forcées, il ne mène aucune politique délibérée à cet égard, mais admet que le pays connaît un problème sur le plan foncier, raison pour laquelle il a introduit une réforme foncière, et a décidé de sanctionner les personnes qui commettent des actes répréhensibles dans ce domaine. La délégation cambodgienne marque son désaccord avec la façon dont les exemples et les cas cités ont été présentés par les membres du Comité et déplore la politisation de ce problème. Le Gouvernement cambodgien, qui est animé d’une réelle volonté de régler la question, tient à en conserver toute la dimension sociale et choisit la voie du bon sens. Il présente chaque année à un groupe consultatif qui siège avec des donateurs un rapport faisant état de la situation, des progrès réalisés dans la réforme foncière, des activités menées et des recommandations des partenaires de développement.

21.M. KE Sovann (Cambodge) indique que le problème des cliniques qui fonctionnent sans licence est du ressort du Ministère de la santé, qui s’en occupe à travers un groupe de travail chargé de formuler des recommandations à son intention. La question des mines et explosifs qui font des victimes (dont des enfants) dans les rizières s’inscrit dans le programme de déminage de l’État; c’est un domaine dans lequel le pays a besoin de toute l’aide des donateurs. En matière de violence conjugale, une loi pénale a été adoptée il y a plusieurs années de cela, et elle est appliquée. Dans la lutte contre ce phénomène, le Gouvernement coopère avec des organisations non gouvernementales locales et a l’intention d’agir davantage encore dans ce domaine, sous l’impulsion de la Ministre des affaires féminines.

22.M. SUN Suon (Cambodge) dit que si les statistiques manquent encore sur les différents programmes d’éducation menés au Cambodge, certaines données disponibles donnent une indication de la progression marquée dans ce domaine. Outre le programme d’apprentissage accéléré et celui destiné aux enfants autochtones, le programme en faveur des enfants handicapés a porté ses fruits: de 72 652 bénéficiaires (dont 28 900 filles) en 2006-2007, on est passé à 72 719 (dont 31 727 filles) l’année suivante. Les enfants de minorités ethniques ne sont pas en reste, puisqu’en 2006-2007, ils étaient 21 616 (dont 9 313 filles) à suivre leur scolarité dans les écoles publiques, contre 21 000 l’année précédente. Un projet de loi relatif à la promotion et à la protection des droits des handicapés, approuvé par le Conseil des ministres, est déposé devant l’Assemblée nationale et le Sénat pour approbation et adoption. Enfin, il existe une véritable politique gouvernementale visant à apporter une éducation non formelle aux populations marginalisées (enfants des rues, femmes et enfants en situation de précarité, adultes de 15 à 45 ans exclus du cadre scolaire formel, notamment).

23.Le représentant conclut en se félicitant des échanges tenus avec les membres du Comité, dont les recommandations et suggestions seront dûment prises en compte pour la poursuite de la mise en œuvre des différents programmes et plans d’action dans tous les domaines couverts par le Pacte. Conscient des lacunes du rapport initial et des réponses apportées, il dit que cette première expérience devrait permettre d’améliorer la qualité du rapport suivant.

24.Le PRÉSIDENT remercie la délégation cambodgienne. À l’occasion de la fête nationale marquant l’anniversaire du Roi du Cambodge, il adresse tous ses vœux au pays qui, au sortir d’une période de guerre et de destruction, vit une phase de reconstruction durant laquelle il peut compter sur la collaboration du Comité pour tout ce qui a trait aux droits économiques, sociaux et culturels. Le Président souligne qu’il est possible à l’État partie de solliciter l’aide du Haut‑Commissariat aux droits de l’homme pour l’établissement de ses rapports ultérieurs, et il annonce que l’examen du rapport initial du Cambodge est achevé.

25. La délégation cambodgienne se retire.

La première partie (publique) de la séance prend fin à 11 h 55.

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