NATIONS UNIES

E

Conseil économique et social

Distr.GÉNÉRALE

E/C.12/2006/SR.3610 janvier 2007

Original: FRANÇAIS

COMITÉ DES DROITS ÉCONOMIQUES, SOCIAUX ET CULTURELS

Trente‑septième session

COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA DEUXIÈME PARTIE (PUBLIQUE)*DE LA 36e SÉANCE

tenue au Palais Wilson, à Genève,le mercredi 8 novembre 2006, à 15 heures

Présidente: Mme BONOAN‑DANDAN

SOMMAIRE

EXAMEN DES RAPPORTS

a)RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT AUX ARTICLES 16 ET 17 DU PACTE (suite)

Deuxième rapport périodique d’El Salvador

La deuxième partie (publique) de la séance commence à 15 h 45.

EXAMEN DES RAPPORTS

a)RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT AUX ARTICLES 16 ET 17 DU PACTE(point 6 de l’ordre du jour) (suite)

Deuxième rapport périodique d’El Salvador (E/1990/6/Add.39); document de base (HRI/CORE/1/Add.34/Rev.2); liste des points à traiter (E/C.12/Q/SLV/2); réponses écrites du Gouvernement salvadorien à la liste des points à traiter (E/C.12/Q/SLV/2/Add.1).

1. Sur l’invitation de la Présidente, la délégation salvadorienne prend place à la table du Comité.

2.La PRÉSIDENTE souhaite la bienvenue à la délégation salvadorienne et l’invite à présenter le deuxième rapport périodique de l’État partie.

3.M. LARIOS LOPEZ (El Salvador) dit que son pays a enregistré des progrès dans les domaines de la consolidation de la démocratie et de l’état de droit, du respect des libertés politiques et de la réconciliation nationale. L’ouverture sur l’extérieur a également favorisé le développement, grâce au renforcement de l’intégration centraméricaine, à la mise en œuvre d’accords de libre‑échange et d’initiatives régionales comme le plan Puebla‑Panama, et à de nouvelles formes de coopération bilatérale en faveur du développement. Depuis la signature des Accords de paix en 1992, El Salvador n’a épargné aucun effort pour améliorer la situation économique et sociale, grâce à la création d’emplois, au développement des infrastructures dans les domaines de la santé et de l’éducation et à la préservation de l’identité et de la culture nationales.

4.Victime de nombreuses catastrophes naturelles comme les deux tremblements de terre de 2001, l’éruption du volcan Ilamatepec de Santa Ana et l’ouragan Stan, El Salvador a dû se servir des ressources qu’il destinait à la lutte contre la pauvreté pour réparer les dégâts subis et prendre des mesures d’atténuation et de prévention des risques. En outre, l’augmentation constante des prix du pétrole a eu des incidences négatives sur le développement économique et social. Bien qu’El Salvador soit considéré comme un pays à revenu moyen, il a besoin de la coopération internationale pour continuer à promouvoir le développement durable.

5.Avec l’arrivée au pouvoir du Président Elías Antonio Saca, la priorité a été accordée à l’action sociale, avec notamment le lancement du programme «Opportunités» qui vise à valoriser les ressources humaines et à garantir l’égalité entre tous les Salvadoriens, en répondant à leurs besoins élémentaires et en leur donnant les outils nécessaires pour saisir leurs chances. La lutte contre la pauvreté, la réforme de la santé et de l’éducation, le logement, la protection de l’environnement, le développement du réseau routier et la culture sont autant de domaines dans lesquels des résultats notables ont déjà été obtenus.

6.D’après l’enquête à fins multiples sur les ménages, la proportion de personnes vivant en dessous du seuil de pauvreté est passée de 33 % en 1991 à 15 % en 2004 et le taux de chômage était de 6,78 % en 2004. D’après les indicateurs sur l’égalité entre les sexes, les disparités entre hommes et femmes ne sont guère importantes pour ce qui est de l’accès à l’éducation. Le taux net de scolarisation dans le primaire est passé de 78 % en 1991 à 88 % en 2004 et le taux d’alphabétisation des jeunes était de 94 % en 2004.

7.En 2006, l’État a consacré 33 % de son budget national au développement social. Dans le cadre du programme «Opportunités», El Salvador a mis en œuvre un programme intitulé «Réseau solidaire», qui a permis de fournir une aide directe ou indirecte à près de 100 000 familles extrêmement pauvres, en particulier dans les campagnes, durant la période 2005‑2009. Il est prévu de développer la couverture du programme en 2010‑2015 afin que 220 000 foyers extrêmement pauvres en bénéficient.

8.En août 2005, El Salvador a créé un fonds solidaire pour la santé (FOSALUD) qui vise à élargir la couverture des services de santé de base dans les campagnes et les villes. À l’échelon national, 3,8 millions de personnes bénéficient du Fonds par le biais de 100 dispensaires.

9.L’éducation est devenue une priorité nationale et le budget du Ministère de l’éducation a augmenté de 41 % entre 1999 et 2006. La réforme du système scolaire menée en 1995‑2005 a permis d’améliorer l’accès à l’éducation, de renforcer l’autonomie des écoles, d’accroître les taux de scolarisation et de réduire l’analphabétisme. Cela étant, la réforme n’ayant pas donné les résultats escomptés, le Gouvernement a adopté un nouveau plan national d’action dans le domaine de l’éducation jusqu’en 2021. Il s’agit principalement de dispenser une formation complète, de faire en sorte que la scolarité dure au moins 11 ans pour tous les élèves, d’offrir une formation technologique et technique de plus haut niveau et de développer la science et la technologie. D’après l’UNESCO et la Commission économique pour l’Amérique latine et les Caraïbes (CEPALC), El Salvador devrait atteindre les objectifs du Millénaire pour le développement dans le domaine de l’éducation.

10.Créé en 1996 afin de garantir l’égalité entre les hommes et les femmes, l’Institut salvadorien pour le développement de la femme (ISDEMU) coordonne la mise en œuvre de la politique nationale dans ce domaine et a élaboré un nouveau plan d’action pour la période 2005‑2009. Son budget a augmenté de 73,40 % en 2006 pour lui permettre de s’acquitter de sa mission. Au 6 novembre 2006, 1 175 084 personnes avaient bénéficié directement des services de l’ISDEMU et 351 manifestations contre la violence familiale avaient été organisées dans tout le pays.

11.Conformément à la Convention no 182 de l’Organisation Internationale du Travail (OIT) sur les pires formes de travail des enfants, El Salvador mène campagne contre le travail des enfants en collaboration avec le Programme de l’OIT pour l’abolition du travail des enfants (IPEC) et a créé un comité national pour l’élimination des pires formes de travail des enfants. Avec l’appui d’organisations non gouvernementales (ONG) et de l’IPEC, l’État a pu éviter que 29 000 enfants soient embauchés pour des travaux extrêmement dangereux.

12.Soucieux de s’acquitter de ses obligations en vertu du Protocole additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants, El Salvador a érigé en infraction la traite des personnes, a créé un comité national contre la traite des personnes en 1995 et a ouvert un centre d’accueil pour les victimes de la traite, auquel 75 personnes de nationalités, sexes et âges différents ont eu accès.

13.Mme CUBIAS MEDINA (El Salvador) dit que son pays a ratifié un grand nombre d’instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, qui sont énumérés dans la réponse écrite du Gouvernement salvadorien à la question no 7 de la liste des points à traiter, et que la Constitution, en ses articles 2 et 3, consacre les droits de l’homme et interdit expressément la discrimination. En outre, l’article 30 du Code du travail et les articles 153 et 246 du Code pénal visent à réprimer tout acte de discrimination de la part d’un fonctionnaire. El Salvador a pris de nombreuses mesures pour lutter contre les différentes formes de discrimination, en particulier à l’égard des handicapés, des peuples autochtones et des femmes. Ainsi, il a adopté une loi de promotion de l’égalité des chances pour les handicapés et a créé un conseil national pour les handicapés. S’il n’a pas adopté de loi concernant spécifiquement les peuples autochtones, El Salvador reconnaît leurs droits conformément à la Constitution en vertu de laquelle tous les individus sont égaux devant la loi et jouissent de tous les droits civils et politiques sans distinction de race, de sexe ou de religion. L’article 62 de la Constitution dispose en outre que les langues vernaculaires qui sont parlées sur le territoire national font partie intégrante du patrimoine culturel et doivent donc être protégées à ce titre. En outre, le Bureau de la Procureure à la défense des droits de l’homme (Procuraduría para la defensa de los derechos humanos) a créé un groupe de travail sur les populations autochtones afin d’examiner les problèmes auxquels ils se heurtent.

14.L’instrument de base utilisé par le Gouvernement pour promouvoir l’égalité entre hommes et femmes est la politique nationale de la femme qui est mise en œuvre par l’ISDEMU. Il a donné lieu à trois plans d’action auxquels collaborent 45 organismes gouvernementaux et non gouvernementaux.

15.Mme de INNOCENTI (El Salvador) dit que la création de l’Institut salvadorien pour le développement de la femme (ISDEMU) a servi de base à l’élaboration de politiques et de programmes visant à éliminer la discrimination à l’égard des femmes et à réduire les disparités entre les sexes. Cette action est articulée autour de quatre axes thématiques − développement social, développement économique durable, gouvernance, développement institutionnel − et d’une douzaine de secteurs d’activité − notamment éducation, santé, travail, famille, violence, communication, culture. Les 45 institutions et organismes gouvernementaux qui y travaillent collaborent étroitement avec les ONG et la société civile. Un degré de priorité très élevé est accordé à la violence familiale et sexuelle et l’accent est mis sur la sensibilisation, la prévention et la création de foyers permettant d’accueillir les femmes et les enfants en difficulté. Au niveau local, des ferias contre la violence familiale sont organisées dans plus de 262 municipalités. Des programmes de réadaptation et de réinsertion destinés aux filles victimes d’exploitation sexuelle ou commerciale ont été entrepris.

16.Les résultats obtenus dans le cadre du Programme d’action 2000‑2004 au titre de la politique nationale sur la condition de la femme ont amené le Gouvernement à accroître considérablement le budget de l’ISDEMU pour la période 2005‑2009, ce qui permettra à l’Institut d’étendre ses activités à l’ensemble du territoire national. S’agissant de la représentation des femmes dans la vie politique, au cours des 10 dernières années, la proportion de femmes est passée de 9,5 % à 20 % dans l’appareil législatif et de 16,4 % à 34,4 % dans l’exécutif.

17.Mme CUBIAS MEDINA (El Salvador) dit que le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels a été ratifié par El Salvador en 1979 et que conformément à l’article 144 de la Constitution nationale, tout instrument ratifié par l’État devient loi de la République d’application immédiate en droit interne. De ce fait, il existe un ensemble de jurisprudence attestant que le Pacte a été l’un des fondements de décisions prises à tous les niveaux de juridiction. Des progrès notables ont par ailleurs été obtenus dans l’application des Accords de paix de 1992 pour ce qui est d’assurer la jouissance effective des droits économiques, sociaux et culturels, ce en dépit de l’impact des catastrophes naturelles que le pays a connues dans l’intervalle.

18.Le combat contre la pauvreté s’est intensifié avec la création du programme «Réseau solidaire» qui s’adresse spécifiquement aux familles, contrairement à ses prédécesseurs qui visaient plutôt l’individu. Ce programme cible en particulier les familles qui vivent dans l’extrême pauvreté ainsi que certaines municipalités qui ont été déclarées prioritaires. Il met l’accent sur les besoins essentiels − éducation, soins de santé primaires et nutrition − et consiste également à responsabiliser les bénéficiaires, notamment grâce au microcrédit. Une attention particulière est accordée aux infrastructures de base (éclairage, approvisionnement en eau, assainissement).

19.Dans le cadre du programme «La santé à l’école» entrepris en 1995 dans 24 établissements scolaires, les enfants bénéficient d’un suivi régulier (taille, poids, vue, audition) et reçoivent des compléments alimentaires et des vitamines. À présent, toutes les écoles des zones rurales y participent. La création de l’Institut salvadorien pour le développement intégral de l’enfance et de l’adolescence (ISNA), du Conseil national de protection intégrale des personnes handicapées, du Conseil national des programmes visant les personnes âgées et du Conseil des femmes autochtones témoigne de l’importance que le Gouvernement accorde à la jouissance effective des droits économiques, sociaux et culturels.

20.L’information et la sensibilisation des acteurs s’occupant de questions relatives aux droits de l’homme commencent dès le stade de la formation et, par exemple, l’Académie nationale de la sécurité publique a fait de l’éducation aux droits de l’homme un volet essentiel du programme dispensé aux futurs membres de la police.

Articles 1er à 5 du Pacte

21.M. ATANGANA, appuyé par M. TIRADO MEJIA, demande à la délégation salvadorienne de citer des exemples jurisprudentiels relatifs à l’application directe du Pacte. Il ajoute que selon certaines informations, bien que la Constitution garantisse l’indépendance de la justice, de nombreux cas signalés de corruption, de fraude, voire de faux avocats ou juges, et d’impunité ne susciteraient aucune réaction de la part des autorités.

22.Mme BRAS GOMES dit que les mesures et programmes adoptés par l’État partie ne semblent pas avoir eu l’impact escompté sur les zones rurales où, d’après les informations fournies par des ONG salvadoriennes, les difficultés se sont même aggravées s’agissant du niveau de pauvreté et de l’accès aux services publics. Notant qu’aux paragraphes 463 et 464 de son deuxième rapport périodique, l’État partie indique que le panier familial de base des zones urbaines comprend davantage d’aliments que celui des zones rurales, Mme Bras Gomes souhaiterait savoir ce que le Gouvernement compte faire pour améliorer cette situation. Elle demande des explications à propos de la coordination, du suivi et de l’évaluation du grand nombre de programmes qui s’adressent à des groupes spécifiques de la population. Enfin, étant donné que les disparités entre les sexes résultent d’une certaine perception des rôles sociaux, elle demande ce qui est fait dans le domaine de l’éducation pour accélérer l’évolution des mentalités.

23.Mme  BARAHONA RIERA souhaiterait des renseignements supplémentaires sur l’application des Accords de paix dans certains domaines qui n’ont pas encore été mentionnés et qui sont d’une importance majeure pour l’exercice des droits économiques, sociaux et culturels, par exemple la redistribution des terres et d’autres aspects du combat contre la pauvreté tels que la liberté syndicale. Elle salue par ailleurs les résultats qu’a obtenus l’ISDEMU et demande s’il a compétence pour formuler des propositions législatives qui permettraient de faire progresser encore la situation des femmes, et s’il compte s’attaquer au problème de la participation des femmes à la vie sociale et économique du pays. Quant à l’augmentation de 73 % du budget qui lui est alloué, il serait utile de savoir à quels montants elle correspond.

24.M. MARCHAN ROMERO, évoquant le cas d’un conflit entre le Pacte et la Constitution, demande lequel des deux prévaudrait. Dans sa réponse écrite à la question no 3 de la liste des points à traiter, le Gouvernement salvadorien indique qu’il n’existe pas de cas de jurisprudence relative à des violations des droits économiques, sociaux et culturels, contrairement à ce qu’a mentionné la délégation au début de la séance. Or, la justiciabilité de ces droits est d’une grande importance pour le Comité et lorsqu’elle est insuffisante, c’est généralement, soit parce que les normes énoncées dans le Pacte ne sont pas clairement incorporées dans le droit interne, soit parce que les juges ne sont pas pleinement conscients des engagements internationaux de l’État partie, soit parce que les individus ne connaissent pas suffisamment les droits consacrés par le Pacte. Il importe de disposer de précisions sur ces points.

25.M. Marchan Romero s’étonne par ailleurs qu’El Salvador, pays où règne une grande diversité ethnique, n’ait pas ratifié la Convention no169 de l’OIT relative aux peuples indigènes et tribaux. Il demande enfin si le Gouvernement a des projets précis pour lutter contre l’émigration, qui ne fait qu’aggraver les difficultés des familles défavorisées et les problèmes tels que la criminalité et les bandes de jeunes délinquants. À ce propos, il s’inquiète de l’impact sur l’exercice des droits fondamentaux de mesures telles que celle qui consiste à traiter les mineurs délinquants comme des adultes.

26.M. TEXIER, à propos du Bureau de la Procureure à la défense des droits de l’homme (PDHH), auquel il est particulièrement attaché, ayant participé à sa création alors qu’il dirigeait la Mission d’observation des Nations Unies en El Salvador (ONUSAL), évoque les informations récentes faisant état de menaces contre le personnel du Bureau, y compris la Procureure. Il demande ce que fait l’État salvadorien pour assurer la protection de ces personnes et, en cas de menaces avérées, pour en poursuivre et juger les auteurs. Citant ensuite le paragraphe 16 du rapport de la Procureure (document en espagnol seulement, distribué en séance), il demande si le Forum de concertation économique et sociale, qui est, à l’évidence, l’un des moyens efficaces d’appliquer le Pacte, s’est assoupi et si les autorités comptent prendre des mesures pour le dynamiser.

27.Évoquant la «dollarisation» de l’économie, M. Texier demande si elle a eu des effets négatifs sur les droits économiques, sociaux et culturels dans le pays − notamment ceux des plus pauvres, qui n’ont pas accès au marché international −, si elle a entraîné une augmentation du coût de la vie et la perte de la souveraineté nationale, et si le Gouvernement compte la maintenir en place ou revenir à une autonomie cambiaire et bancaire.

28.M. TIRADO MEJIA souhaite connaître l’avis du Gouvernement salvadorien sur le projet de protocole additionnel, actuellement débattu, qui permettrait de déposer des requêtes individuelles, le pays ayant une sorte de dette morale à cet égard puisque c’est le Protocole de San Salvador (Protocole additionnel à la Convention américaine relative aux droits de l’homme traitant des droits économiques, sociaux et culturels) qui consacre les droits économiques, sociaux et culturels du système interaméricain.

29.Citant le paragraphe 47 du deuxième rapport périodique de l’État partie, relatif au paragraphe 3 de l’article 2 du Pacte, M. Tirado Mejia dit que les dispositions de la Constitution y énoncées (limitation des activités commerciales et industrielles aux Salvadoriens de souche) s’appliquent plutôt aux pays qui sortent d’une situation coloniale, ce qui n’est pas le cas d’El Salvador, et souhaite savoir s’il est prévu de les modifier.

30.Se référant ensuite aux éléments communiqués par des ONG, M. Tirado Mejia demande à la délégation salvadorienne de confirmer s’il est fait usage du détecteur de mensonges pour interroger sur leurs orientations politiques, sexuelles, syndicales et autres les personnes postulant pour un emploi dans certains organismes publics, et s’il est demandé aux femmes de préciser leur état civil (célibataire, mariée, veuve), auquel cas il y aurait discrimination à l’égard des femmes. De même, il souhaite obtenir des explications sur les articles 79 et 83 du Code du travail, qui comportent des dispositions discriminatoires à l’égard des employés de maison (déclaration obligatoire de l’état de santé, responsabilité patronale dégagée). Enfin, sur le problème des migrants, groupe particulièrement important dans le pays puisqu’il représente 30 % de la population, il voudrait savoir quelle assistance fournit l’État aux migrants salvadoriens qui se trouvent à l’étranger, y compris au cours de leur migration.

31.M. RIEDEL déplore que dans son deuxième rapport périodique, l’État partie ne mentionne encore aucune mesure concrète prise pour faire suite aux multiples lois, plans et programmes adoptés dans le pays. Le Comité a en effet besoin d’en connaître le détail pour évaluer dans un esprit de dialogue constructif les progrès accomplis, les difficultés rencontrées, et le niveau de protection offert aux personnes et aux groupes dans le pays, et souhaite donc disposer de statistiques comparatives, ventilées, année par année, permettant de suivre l’évolution de la situation, de déceler les lacunes et d’en explorer les raisons.

32.Évoquant le paragraphe 45 du rapport à l’examen et rappelant les termes du paragraphe 1 de l’article 2 du Pacte («l’État partie s’engage à agir par son effort propre»), M. Riedel dit que le Gouvernement salvadorien doit présenter des faits et des chiffres illustrant ce qu’il a fait pour améliorer la situation.

33.M. SADI demande si les différents responsables de l’élaboration des politiques et les ministres (du développement, de la santé, de l’éducation, notamment) ont connaissance du Pacte et si, lors de la conclusion d’accords commerciaux avec les pays voisins, le Pacte a été pris en considération. Il demande ensuite si le Bureau de la Procureure à la défense des droits de l’homme, qui couvre un très vaste éventail de sujets, s’occupe des droits économiques, sociaux et culturels et, dans l’affirmative, il souhaite prendre connaissance de cas concrets.

34.Concernant les minorités ethniques du pays, M. Sadi demande à la délégation salvadorienne de confirmer l’information selon laquelle ces minorités auraient perdu leur identité culturelle et auraient été assimilées dans un brassage social. Sur la question de l’émigration des Salvadoriens, notamment à destination des États‑Unis, et sur les migrations de la population rurale vers les villes, il souhaite connaître l’ampleur respective des deux phénomènes et les mesures prises pour les contrer. Enfin, il voudrait savoir si l’Église catholique romaine bénéficie bien d’un traitement privilégié dans le pays, auquel cas il y aurait discrimination fondée sur la religion.

35.Mme GHOSE demande que le Gouvernement salvadorien clarifie la situation des peuples autochtones. Elle souhaite savoir, notamment, si ces peuples sont propriétaires de leurs terres et si leur langue et leur culture sont respectées.

36.M. ABDEL‑MONEIM, rappelant l’article 9 du Pacte, demande la raison pour laquelle les personnels de l’armée, qui perçoivent déjà des salaires plus élevés que les autres catégories professionnelles, bénéficieraient aussi, selon les indications reçues, d’un régime des pensions plus avantageux. Il souhaite également savoir quelles sont les raisons de la privatisation du régime des pensions, en connaître l’ampleur et savoir quels ont été les problèmes rencontrés lors de cette opération.

La séance est suspendue à 17 h 25; elle est reprise à 17 h 30.

37.Mme CUBIAS MEDINA (El Salvador) dit que les instruments internationaux qui ont été ratifiés par El Salvador et sont entrés en vigueur ont rang de loi, mais qu’en cas de conflit avec la législation nationale, leurs dispositions priment. Ces instruments ne peuvent être directement invoqués devant les tribunaux mais leurs dispositions peuvent être appliquées dès lors qu’elles ont été incorporées dans la Constitution, comme en témoigne la jurisprudence figurant à l’annexe 2 du deuxième rapport périodique de l’État partie, qui mentionne notamment les articles 3 et 25 du Pacte. La justiciabilité des droits consacrés dans les instruments internationaux en général et dans le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels en particulier, est ainsi garantie. Pour que les juges, les procureurs, les magistrats du parquet et autres membres de l’appareil judiciaire se familiarisent avec les rouages du système de protection des droits de l’homme et l’application des instruments internationaux, des cours sont organisés au sein du Conseil national de la magistrature et de l’École nationale de la magistrature grâce à l’appui du Haut‑Commissariat aux droits de l’homme.

38.Pour ce qui est des flux migratoires, la République d’El Salvador est tout à la fois un pays d’origine, de transit et de destination. D’après les estimations, un quart de la population salvadorienne résiderait à l’étranger, et l’ampleur de ce phénomène a incité le Gouvernement à créer en 2004 un Vice‑Ministère des relations extérieures chargé de protéger les droits et les intérêts des ressortissants salvadoriens à l’étranger, en mettant notamment à leur disposition des services consulaires, en veillant à ce qu’ils puissent bénéficier d’une assistance juridique en cas de besoin ou encore en facilitant le regroupement familial. Un fonds spécial a en outre été créé en 2001, qui prend à sa charge le rapatriement des ressortissants salvadoriens résidant en situation illégale à l’étranger, et notamment aux États‑Unis, en cas de décès ou de maladie grave, et ce, que la personne concernée soit mineure ou majeure.

39.Le Programme «Bienvenue chez vous» a pour objet de faciliter l’accueil des Salvadoriens qui ont été expulsés des États‑Unis, de leur fournir des vêtements et de la nourriture et de les aider à se réinsérer en leur donnant un aperçu de la situation du marché du travail et des conditions de vie dans le pays. Il prévoit également de sensibiliser les rapatriés aux risques qu’ils encourent à se rendre à l’étranger sans avoir au préalable fait les démarches administratives nécessaires dans le pays de destination, et notamment au risque d’être victimes de la traite des êtres humains. Pour cela, El Salvador bénéficie du soutien de nombreuses organisations internationales comme l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) ou encore le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF).

40.Il existe également un programme pour le retour des compétences visant à faire revenir dans le pays les cadres rapatriés en leur proposant notamment de travailler pour l’administration publique. Un régime de retraite spécialement conçu pour les Salvadoriens expatriés incite en outre les bénéficiaires à prendre leur retraite dans leur pays d’origine. Du fait de la concurrence à laquelle se livrent les différentes banques du pays, les frais afférents au rapatriement des salaires ont beaucoup diminué depuis trois ans et sont aujourd’hui presque nuls.

41.Mme de INNOCENTI (El Salvador) dit que l’Institut salvadorien de protection de la femme est l’organe chargé de venir en aide aux femmes et aux filles victimes de la traite et de leur octroyer une place dans le foyer d’accueil qui a été spécialement créé à leur intention. Depuis 2002, l’Institut leur propose diverses formations, qui leur permettent par la suite d’entreprendre des activités rémunératrices et donc de subvenir à leurs propres besoins.

42.Pour lutter contre la pauvreté et promouvoir l’égalité des chances, le Gouvernement salvadorien s’est efforcé d’améliorer les infrastructures sanitaires et éducatives dans les 100 municipalités les plus pauvres du pays et a mis en place des mesures en faveur des familles défavorisées, qui sont la plupart du temps des familles monoparentales dirigées par une femme. Les femmes pauvres, les femmes chef de famille et les mères célibataires ou adolescentes peuvent en outre bénéficier de prêts à des conditions avantageuses, ainsi que de services de garderie si elles suivent une formation.

43.En matière de formation, des ateliers itinérants ont été mis en place de manière à atteindre les groupes de population vivant dans les régions les plus reculées du pays, qui ne peuvent de ce fait pas se rendre dans les centres de formation des municipalités.

44.Mme AVILA DE PENA (El Salvador) dit que le 1er juin 2006 a été créée, au sein du Ministère du travail et de la prévoyance sociale une unité spéciale chargée de la question des femmes et de la prévention des actes discriminatoires en matière d’emploi et que, parallèlement, des fonds ont été débloqués pour couvrir les frais générés par l’embauche d’une quarantaine d’inspecteurs du travail supplémentaires chargés d’enquêter sur les plaintes qui pourront être présentées par des employés s’estimant lésés. À sa connaissance, les employés n’hésitent pas à porter plainte s’ils jugent que leurs droits ont été violés. Par ailleurs, il convient de noter que le recours au détecteur de mensonges est formellement interdit.

45.Près de 18 000 salariés ont bénéficié d’une formation sur leurs droits en matière d’emploi et sur le moyen d’obtenir réparation en cas de violation de ces droits, et les inspecteurs du travail ont aussi suivi une formation complémentaire sur les principes consacrés dans différentes conventions de l’OIT, notamment la Convention no 29 sur le travail forcé, la Convention no 100 sur l’égalité de rémunération, la Convention no 111 concernant la discrimination en matière d’emploi et de profession et la Convention no 156 concernant l’égalité de chances et de traitement pour les travailleurs des deux sexes: travailleurs ayant des responsabilités familiales.

46.Le Ministère du travail et de la prévoyance sociale a en outre récemment invité les chefs d’entreprise à analyser les conditions de travail qu’ils offrent à leur personnel, les invitant à s’assurer que celles‑ci sont bien conformes aux prescriptions de la législation du travail et à celles des instruments internationaux auxquels El Salvador est partie

47.Dans le cadre de l’Accord de libre‑échange signé entre l’Amérique centrale et les États‑Unis a été créée une instance composée de 15 personnes, chargée de veiller au respect des dispositions des instruments internationaux auxquels El Salvador est partie, dont le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels.

48.Mme RAMIREZ (El Salvador) dit que depuis la signature des Accords de paix, la priorité a été donnée à l’amélioration des indicateurs sociaux et que pour ce faire, des ressources ont été affectées aux régions les plus touchées par la pauvreté, et en particulier à celles qui ont été victimes de catastrophes naturelles. Une «carte de la pauvreté» a été établie, qui a mis en évidence les régions dans lesquelles l’accès aux services de base est le plus restreint. Le programme «Réseau solidaire» n’existe donc pas seulement sur le papier et s’inscrit dans le cadre de la politique du Gouvernement salvadorien en faveur d’une plus grande égalité des chances.

49.Plusieurs instances ont été créées pour coordonner les activités de lutte contre la pauvreté, dont un conseil relevant du Ministère des affaires sociales au sein duquel sont définies les politiques de lutte contre la pauvreté, un comité technique responsable de l’organisation des actions sur le terrain et des bureaux locaux chargés de mener ces actions dans les différentes municipalités. Tous les projets et programmes mis en œuvre au niveau local font l’objet d’une évaluation par le secrétariat technique de la présidence qui dispose de toutes les données et de tous les indicateurs pertinents que les organismes publics sont tenus de lui communiquer.

La séance est levée à 18 heures.

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