Nations Unies

E/C.12/2011/1

Conseil économique et social

Distr. générale

12 juillet 2011

Français

Original: anglais

Comité des droits économiques, sociaux et culturels

Déclaration sur les obligations des États parties concernant le secteur des entreprises et les droits économiques, sociaux et culturels *

1.Du fait de la mondialisation et du rôle croissant joué par les acteurs non étatiques, le Comité traite de plus en plus des obligations des États parties eu égard à l’incidence du secteur des entreprises sur l’application des droits énoncés dans le Pacte. Souvent, le secteur des entreprises concourt à la réalisation des droits économiques, sociaux et culturels consacrés dans le Pacte, notamment en contribuant au développement économique, à la création d’emplois et à l’investissement productif. Toutefois, le Comité a également observé à plusieurs reprises que les activités des entreprises pouvaient nuire à la jouissance des droits énoncés dans le Pacte. Les exemples de problèmes qui en découlent abondent: ils vont du travail des enfants et de l’absence de conditions de travail sûres aux effets néfastes sur le droit à la santé, le niveau de vie des populations − y compris des peuples autochtones − et l’environnement, et au rôle dévastateur de la corruption, en passant par la limitation des droits syndicaux et la discrimination à l’égard des travailleuses. Le Comité réaffirme l’obligation des États parties de veiller, dans ce contexte, au plein respect de l’ensemble des droits économiques, sociaux et culturels reconnus dans le Pacte et à la protection appropriée des titulaires de droits dans le cadre des activités des entreprises.

2.Le Comité rappelle qu’en 1998 il a publié sa Déclaration sur la mondialisation et ses incidences sur l’exercice des droits économiques, sociaux et culturels, qui offre un intérêt pour la présente Déclaration. Le Comité salue les initiatives liées à la responsabilité des entreprises dans le contexte des droits de l’homme et en tient compte dans l’exécution de son mandat. Au niveau international, suite à sa Déclaration de principes tripartite (1977) sur les entreprises multinationales et la politique sociale, l’Organisation internationale du Travail (OIT) a adopté en 1998 sa Déclaration relative aux principes et droits fondamentaux au travail. Cette Déclaration porte notamment sur la liberté d’association et la reconnaissance effective du droit de négociation collective, l’élimination de toute forme de travail forcé ou obligatoire, l’abolition effective du travail des enfants, et l’élimination de la discrimination en matière d’emploi et de profession. En 2000, l’Organisation des Nations Unies a lancé le Pacte mondial, que plus de 7 700 entreprises et autres acteurs ont signé jusqu’ici, s’engageant à s’acquitter de leurs responsabilités en matière de droits de l’homme, de travail, d’environnement et de lutte contre la corruption. Le Comité prend note qu’en 2008 le Conseil des droits de l’homme a salué le cadre stratégique pour les entreprises et les droits de l’homme, intitulé «Protéger, respecter et réparer», présenté par le Représentant spécial du Secrétaire général chargé de la question des droits de l’homme et des sociétés transnationales et autres entreprises.

3.Les États parties ont l’obligation primordiale de respecter et de protéger les droits inscrits dans le Pacte de toutes les personnes placées sous leur juridiction, et d’en favoriser la mise en œuvre, dans le contexte des activités des entreprises, publiques ou privées. Cette obligation découle du paragraphe 1 de l’article 2 du Pacte, qui définit la nature des obligations des États parties, faisant état des mesures législatives et autres propres à assurer la réalisation des droits, qui englobent les mesures administratives, financières, éducatives et sociales, les évaluations des besoins aux plans national et mondial, et le fait d’assurer des recours judiciaires ou autres recours utiles.

4.Respecter les droits impose aux États parties de garantir la conformité de leurs lois et politiques en matière d’activités commerciales avec les droits économiques, sociaux et culturels énoncés dans le Pacte. Dans le cadre de cette obligation, les États parties doivent veiller à ce que les entreprises prennent les précautions qui s’imposent pour s’assurer qu’elles ne nuisent pas à la jouissance, par les personnes qui dépendent de leurs activités ou qui en subissent les conséquences, des droits reconnus dans le Pacte.

5.Protéger les droits signifie que les États parties préservent dans les faits les titulaires de droits des atteintes à leurs droits économiques, sociaux et culturels commises par les entreprises, en mettant en place les lois et les règlements appropriés, ainsi que les procédures de surveillance, d’enquête et d’établissement des responsabilités afin d’instituer et de faire appliquer des normes pour la conduite d’activités par les entreprises. Comme le Comité l’a exprimé à maintes reprises, le manquement à cette obligation peut être le résultat de l’action ou de l’inaction. Il est de la plus haute importance que les États parties garantissent aux victimes d’atteintes de leurs droits économiques, sociaux et culturels par une entreprise l’accès à des recours utiles par des voies judiciaires, administratives, législatives ou autres, le cas échéant. Les États parties devraient aussi prendre des mesures de prévention des atteintes aux droits de l’homme commises à l’étranger par des sociétés dont le siège relève de leur juridiction, sans porter atteinte à la souveraineté des États hôtes ni diminuer leurs obligations au titre du Pacte. Dans son Observation générale no 15 (2002) sur le droit à l’eau, par exemple, le Comité déclare que «les États parties devraient prendre des mesures pour empêcher leurs propres ressortissants ou des compagnies qui relèvent de leur juridiction de violer le droit à l’eau de particuliers et de communautés dans d’autres pays». Il souligne aussi que «les États parties doivent agir de manière compatible avec la Charte des Nations Unies et le droit international applicable lorsqu’ils sont à même d’inciter des tiers à respecter ce droit en usant de moyens juridiques ou politiques». Dans son Observation générale no 18 (2005) sur le droit au travail, le Comité souligne que les entreprises privées − nationales et transnationales − «ont un rôle particulier à jouer dans la création d’emplois, les politiques d’embauche et l’accès non discriminatoire au travail. Elles devraient mener leurs activités dans le cadre d’une législation, de mesures administratives, de codes de conduite et d’autres mesures adaptées qui favorisent le respect du droit au travail, résultant d’un commun accord entre le gouvernement et la société civile». Dans son Observation générale no 19 sur le droit à la sécurité sociale, le Comité souligne que «les États parties devraient protéger en dehors de leur territoire le droit à la sécurité sociale en empêchant leurs ressortissants ou des entreprises relevant de leur juridiction de violer ce droit dans d’autres pays».

6.Mettre en œuvre les droits implique que les États parties s’efforcent d’obtenir l’appui du secteur des entreprises à la réalisation des droits économiques, sociaux et culturels. Les États parties qui accueillent des sociétés également présentes à l’étranger doivent aussi encourager ces sociétés à aider selon que de besoin, notamment dans les situations de conflit armé et de catastrophe naturelle, les pays d’accueil à renforcer leurs capacités de veiller à ce que les entreprises assument leurs responsabilités en matière de respect des droits économiques, sociaux et culturels.

7.Par conséquent, le Comité est déterminé à se montrer particulièrement attentif aux obligations des États parties eu égard aux responsabilités des entreprises concernant les droits protégés par le Pacte, afin de mieux contribuer à la pleine réalisation de ces droits. De façon à faciliter le suivi effectif des points abordés dans la présente Déclaration, le Comité invite les États parties à faire figurer dans leur rapport initial et leurs rapports périodiques des informations sur les difficultés rencontrées et les mesures prises concernant le rôle et l’incidence du secteur des entreprises sur la réalisation des droits économiques, sociaux et culturels. Les autres acteurs sont également encouragés à inclure les informations pertinentes dans leurs exposés au Comité, le cas échéant.