Nations Unies

E/C.12/2009/SR.35

Conseil économique

et social

Distr. générale

8 septembre 2010

Français

Original: anglais

Comité des droits économiques, sociaux et culturels

Quarante-troisième session

Compte rendu analytique de la 35 e séance

Tenue au Palais Wilson à Genève, le jeudi 5 novembre 2009, à 10 heures.

Président:M. Marchán Romeropuis:Mme Brás Gomes (Vice-présidente)puis:M. Marchán Romero

Sommaire

Examen des rapports:

a)Rapports soumis par les États parties conformément aux articles 16 et 17 du Pacte (suite)

Rapport initial et deuxième et troisième rapports périodiques du Tchad, soumis en un seul document

La séance est ouverte à 10h 10.

Examen des rapports:

a)Rapports soumis par les États parties conformément aux articles 16 et 17 du Pacte (suite)

Rapport initial et deuxième et troisième rapports périodiques du Tchad, soumis en un seul document (E/C.12/TCD/3;E/C.12/TCD/Q/3/Rev.1; E/C.12/TCD/Q/3/Add.1; HRI/CORE/1/Add.88)

1.Le Président déclare que le Comité a été informé que, contrairement à la procédure souhaitée, la délégation tchadienne ne serait pas en mesure d’assister à la séance pour examiner le rapport initial et les deuxième et troisième rapports périodiques, soumis en un seul document(E/C.12/TCD/3). Il suppose que le Comité acceptera d’étudier le rapport malgré l’absence de délégation, conformément à l’article 62 de son règlement intérieur, en tenant compte des informations soumises par l’État partie en réponse à la liste des points à traiter du Comité (E/C.12/TCD/Q/3/Add.1), comme des données provenant d’autres sources, notamment des organisations non gouvernementales.

2.M. Atangana (Rapporteur de pays) admet que le Comité pourra recourir à l’information dont il dispose pour étudier la situation du Tchad en l’absence de délégation.

3.Le Président invite le Comité à traiter les questions se rapportant aux articles 1er à 5 du Pacte.

4.M. Zhan Daode estime que bien que le rapport du Tchad, soumis en un seul document, soit concis et donne un compte rendu honnête des difficultés rencontrées et des efforts accomplis, les données statistiques incluses sont nettement dépassées et de peu d’intérêt pour le Comité, s’agissant de son examen de la situation actuelle au Tchad. La présentation de statistiques actualisées faciliterait la tâche du Comité.

5.M. Tirado Mejía regrette qu’aucune délégation de l’État partie ne puisse assister à la présente séance, compte tenu notamment des efforts accomplis pour se conformer aux procédures de notification en soumettant des réponses écrites à la liste des points à traiter du Comité. Bien que selon l’information transmise au Comité, le Tchad ne viole pas systématiquement les droits de l’homme, il connaît néanmoins des problèmes cruciaux en la matière, en raison de sa situation de développement et de l’absence de démocratie concrète. Le Tchad est confronté à de nombreuses difficultés dues à un conflit interne et avec les pays voisins, qui ont entraîné le déplacement d’un grande partie de la population. Dans des situations susceptibles de provoquer des cas de violation des droits de l’homme, des efforts accrus s’imposent pour protéger ces droits, notamment ceux énoncés dans le Pacte.

6.M. Tirado Mejia note avec satisfaction la création d’une institution nationale de défense des droits de l’homme et souhaite en connaître le mandat. Il aimerait également savoir si des ONG ont participé à la rédaction du rapport de l’État partie. Des mesures positives ont été adoptées en vue de réviser la législation existante et de promulguer de nouvelles lois sur l’égalité entre les sexes, les mariages forcés et les mutilations génitales féminines. Le Comité devrait accueillir favorablement ces initiatives et demander à l’État partie un complément d’information sur la manière dont cette législation est appliquée et sur les résultats ainsi obtenus. L’une des plus graves manifestations de discrimination à l’encontre des femmes tient aux droits successoraux. Le Comité devrait soumettre à l’État partie une recommandation à ce sujet et corriger l’absence de droits des femmes en la matière. Des mesures devraient également être adoptées en vue d’accroître les niveaux d’alphabétisation chez les femmes, largement illettrées à l’heure actuelle. La réponse de l’État partie à la question n°10 de la liste des points à traiter, selon laquelle les femmes entretiennent la discrimination en continuant à encourager les stéréotypes féminins chez leurs enfants, est insuffisante. Le Comité devrait demander un complément d’information sur les mesures adoptées pour éliminer la discrimination fondée sur le sexe, et s’enquérir en particulier de l’existence et du mode d’application d’une législation sur la discrimination conforme aux dispositions du Pacte.

7.M. Kerdoun signale que le rapport de l’État partie contient un certain nombre d’éléments positifs, notamment l’information relative à la protection de l’environnement. Situé au Sahel, le pays souffre particulièrement de la désertification, comme de la pauvreté, des conflits et de l’instabilité politique. M. Kerdoun souhaite savoir si le Tchad est partie à la Convention des Nations Unies sur la lutte contre la désertification et, dans l’affirmative, s’il bénéficie des programmes élaborés aux niveaux régional et international dans le cadre de cette Convention, pour maîtriser, prévenir et atténuer les incidences de la désertification.

8.En réponse à la question n°5 de la liste des points à traiter, relative à l’évaluation par le Tchad des incidences de sa politique d’investissement sur l’environnement, l’Etat partie a fourni une information encourageante sur les efforts de protection du milieu. Cette information a été communiquée par le Ministère de l’environnement et de l’eau et par le Haut Comité national de l’environnement ; M. Kerdoun s’enquiert des mesures adoptées pour éviter le chevauchement des mandats et des responsabilités de ces deux organes. Il accueille avec intérêt les mesures destinées à protéger la souveraineté nationale relative aux ressources naturelles du pays, au profit de la population tchadienne, qui témoignent de l’engagement de l’État partie vis-à-vis du droit à l’auto-détermination et du droit de la population de disposer librement de ses ressources naturelles, sans nuire aux obligations découlant de la coopération économique internationale. Il souhaite savoir si le Gouvernement a mis en place des dispositifs pour garantir que les entreprises étrangères qui se livrent à la production pétrolière et à des activités minières sur son territoire, prennent des mesures adéquates de protection de l’environnement. Il demande en outre si le Tchad a pris part à l’importation de déchets toxiques provenant de pays développés ou a subi les effets de cette pratique qui pose problème dans un certain nombre de pays africains.

9.M. Riedel regrette que l’État partie ait décidé de ne pas assister à la séance, se privant ainsi de l’opportunité d’engager un dialogue constructif et un échange de vues équilibré. Il souhaite formuler trois observations. La première concerne le fait que la nouvelle Commission nationale des droits de l’homme n’est pas parfaitement conforme aux Principes de Paris; il demande davantage de détails sur les mesures spécifiques adoptées par le Gouvernement tchadien pour garantir une telle conformité, et sur l’aboutissement de ses efforts. Il aimerait aussi savoir si la défense et la protection des droits économiques, sociaux et culturels relèvent du mandat de la Commission, et si celle-ci jouit de l’indépendance requise par les Principes de Paris.

10.Deuxièmement, M. Riedel signale que l’État partie n’a pas répondu de manière adéquate à la demande de données statistiques du Comité (question n° 4 de la liste des points à traiter). Le Comité a conscience des difficultés économiques et sociales auxquelles le Tchad est confronté et il ne s’attend pas à obtenir des informations statistiques détaillées, mais l’État partie doit au moins transmettre les données dont il dispose et indiquer ses plans pour obtenir davantage d’informations.

11.S’agissant de la réponse du Tchad à la question n°5 de la liste des points à traiter, bien que l’État partie ait fait un sérieux effort pour prendre en compte les aspects environnementaux, il n’a pas répondu à l’aspect essentiel de la question, à savoir l’incidence de ses politiques d’investissement sur ce qui constitue l’objectif du Pacte, c’est-à-dire la jouissance des droits économiques, sociaux et culturels.

12.M. Sadi exprime également ses regrets quant à l’absence de délégation tchadienne. Le pays traverse encore un processus difficile de reconstruction nationale, rendu encore plus complexe par l’existence de nombreux groupes ethniques et religieux et de différentes langues. Il est donc compréhensible que la mise en œuvre du Pacte prenne du temps, mais M. Sadi exhorte l’État partie à faire en sorte que son Conseil constitutionnel s’y intéresse. Sa principale préoccupation tient toutefois à la situation du pouvoir judiciaire tchadien, surchargé et inefficace, et il souligne la nécessité pour l’État partie d’accorder la priorité à l’amélioration de son système judiciaire, principal pilier de la mise en œuvre du Pacte. M. Sadi se dit également préoccupé par la fréquence des cas de discrimination, et il appelle à la promulgation urgente de lois propres à traduire les principes inscrits dans la Constitution en une législation efficace contre toute forme de discrimination.

13.Mme Bonoan-Dandan signale qu’elle regrette le fait que les réponses du Tchad à la liste des points à traiter répètent simplement les rares informations communiquées dans son rapport. Selon les données transmises au Comité, les compagnies pétrolières étrangères sont manifestement les premières bénéficiaires des ressources naturelles du pays; il incombe à l’État partie d’assurer que les profits tirés de l’exploitation de ses propres ressources naturelles bénéficient à sa propre population. S’agissant de la question n°3, elle regrette que l’État partie n’ait pas répondu à la question posée. Bien que la Constitution tchadienne prévoit une protection contre les pratiques nocives à la santé procréative, au moins 45 % des femmes et des filles au Tchad subissent une forme quelconque de mutilation génitale féminine. Mme Bonoan-Dandan est en désaccord avec l’opinion exprimée par Mme Pinto, expert indépendant de la Commission des droits de l’homme, selon laquelle la discrimination au Tchad, comme ailleurs, est « une affaire de culture » (E/CN.4/2005/121, para. 32). Elle est plutôt directement liée à la question de l’existence d’un système traditionnel de résolution des conflits au Tchad. La Constitution prévoit le recours à un tel système dans les régions éloignées, où l’appareil judiciaire d’État est absent. Selon Amnesty international, la pratique a conduit à des cas de violation des droits de l’homme, en particulier au viol de femmes et de jeunes filles. Mme Bonoan-Dandan estime que lorsqu’un système judiciaire parallèle existe comme au Tchad, l’État doit faire en sorte que cela n’entraîne pas de violation des droits de l’homme.

14.Mme Brás Gomes répète la déception des autres membres du Comité eu égard à l’absence de délégation tchadienne à la séance, car le dialogue avec l’État partie est une part fondamentale du cycle d’élaboration des rapports. Elle aurait particulièrement apprécié d’avoir la possibilité de poser des questions sur le Ministère des droits de l’homme et de la défense des libertés, mentionné au paragraphe 12 des réponses à la liste des points à traiter.

15.S’agissant des redevances tirées des revenus pétroliers, Mme Bras Gomes observe que le Tchad en a affecté un certain montant aux secteurs prioritaires, notamment à la santé publique et aux affaires sociales; elle demande plus précisément ce qui relève des affaires sociales. Elle aurait également aimé avoir des échanges de vues avec l’État partie sur les observations formulées en 2005 par Mme Pinto, expert indépendant de la Commission des droits de l’homme, en particulier s’agissant des nombreuses formes de discrimination qui règnent au Tchad, et être informée de la situation actuelle, eu égard à la législation relative aux droits des femmes et au projet de code de la personne et de la famille. Quand une telle législation est-elle susceptible d’être adoptée ? Notant la déclaration formulée au paragraphe 50 du rapport selon laquelle les femmes contribuent à perpétuer les stéréotypes qui les marginalisent, la plupart du temps par des comportements appris à l’école, Mme Bras Gomes estime qu’il incombe à l’État partie d’améliorer la prise de conscience et de prendre des mesures pour changer les mentalités, s’agissant de la discrimination sexuelle à l’école.

16.M. Kedzia se joint aux autres membres du Comité pour exprimer ses regrets quant au fait que celui-ci ait été privé de la possibilité d’engager un dialogue public direct avec l’État partie. Bien que le Tchad fasse des efforts notables pour assurer la cohérence entre législation nationale et normes internationales relatives aux droits de l’homme, souvent la loi n’est pas appliquée, ce qui souligne les lacunes du système judiciaire. Comme le renforcement des systèmes nationaux de protection des droits de l’homme est un objectif fondamental des Nations Unies, il souligne l’importance que revêt la mise en œuvre d’un programme onusien bien défini de coopération technique interorganisations, pour étudier les différents aspects d’un système national efficace de protection des droits humains au Tchad. La nouvelle Commission nationale tchadienne des droits de l’homme a été placée dans la catégorie A (R) par le Comité de coordination internationale des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l’homme, ce qui signifie que sa conformité aux Principes de Paris fait l’objet de réserves. Un message clair doit être envoyé à l’Etat partie pour lui signifier que cette catégorie n’est pas satisfaisante et qu’il faut rendre la Commission parfaitement conforme aux Principes de Paris, pour lui permettre de passer à la catégorie A. Pour ce qui est de la lutte contre la discrimination, M. Kedzia s’associe aux observations de Mme Bonoan-Dandan. Il rappelle que l’expert indépendant de la Commission des droits de l’homme a également souligné que l’écart entre les différents groupes ethniques et religieux n’est pas infranchissable, mais exigera du Gouvernement et des forces sociales l’adoption d’un programme rigoureux et pluridimensionnel pour surmonter les difficultés. Le Comité devrait recommander à l’État partie l’adoption d’un tel programme.

17.Mme Barahona Riera, à l’instar des autres membres du Comité, est déçue de la décision de l’État partie de ne pas assister à la séance. Elle estime également que les manquements dans la mise en oeuvre d’une législation essentielle vont à l’encontre du respect des droits économiques, sociaux et culturels du pays et de sa population, et de la prévention des violations des droits humains. Elle exhorte l’État partie à intensifier ses efforts d’application de la législation malgré tous les obstacles, en particulier l’existence d’un grand nombre de groupes religieux et ethniques, et l’emprise des coutumes et pratiques traditionnelles sur la population. Elle ajoute que le manque d’eau est un sérieux problème au Tchad, où 48 % de la population rurale et 70 % de la population urbaine n’ont pas accès à l’eau potable. En outre, seul 1 % de la population dispose de l’électricité et elle demande au Comité de formuler une recommandation, afin que l’État partie prenne d’urgence des dispositions pour assurer un approvisionnement adéquat en eau et en électricité à sa population.

18.M. Pillay signale qu’il regrette également l’absence de délégation tchadienne. Toutefois, le rapport de l’État partie et ses réponses à la liste des points à traiter révèlent nettement les difficultés qu’il rencontre. Il note que bien que le Pacte ait été ratifié et ait force de loi, il n’est pas appliqué au Tchad.

19.La culture de l’impunité qui prévaut au Tchad aggrave les problèmes auxquels est confronté le système judiciaire, car les jugements des tribunaux sont en pratique régulièrement ignorés. La situation a mécontenté les magistrats au point qu’ils ont menacé de faire grève. M. Pillay souhaite connaître la raison pour laquelle les contrats autorisant les consortiums internationaux qui exploitent le pétrole tchadien à s’octroyer la grande majorité des profits, n’ont pas été révisés, alors que 52 % de la population vit dans la pauvreté, et il aimerait savoir pourquoi le Gouvernement démolit les habitations des gens pauvres, alors que 90 % de la population n’a pas de toit sur la tête. Outre ces questions importantes, M. Pillay observe que le Gouvernement ne s’attaque pas aux problèmes fondamentaux tels que logement, pauvreté, sécurité alimentaire et eau.

20.M. Atangana (Rapporteur de pays) remercie les membres du Comité pour leurs questions détaillées et pertinentes. L’impunité et la corruption ont été traitées dans la liste des points à traiter, mais l’État partie n’a rien répondu à ce sujet qui devrait figurer parmi les observations finales avec les autres points soulevés.

21.Le Président invite le Comité à étudier la situation du Tchad eu égard aux articles 6 à 9 du Pacte.

22.M. Zhan Daode signale que la question de la pauvreté a été évoquée à maintes reprises. Bien que l’État partie ait indiqué que 52 % de la population tchadienne vivait en-dessous du seuil de pauvreté en 2004, il serait utile de savoir ce qu’il en est actuellement.

23.Mme Brás Gomes dit que les données relatives à l’article 6 du Pacte dans le rapport de l’Etat partie sont inadéquates, et le fait qu’elles soient fondées sur le recensement de 1993 empêche toute analyse concrète. Le rapport indique toutefois une élévation régulière du chômage au cours des dernières années et il serait utile de connaître les mesures adoptées par l’État partie pour combattre ce phénomène. Il serait également intéressant de savoir si le secteur moderne mentionné au tableau 2 du rapport désigne en fait la fonction publique, et également en vertu de quoi ce secteur est considéré comme moderne.

24.En matière d’investissement dans l’emploi, le rapport mentionne les régimes privilégiés, notamment le régime D réservé aux entreprises à haut niveau d’investissement, importantes pour le développement économique et social du pays. Il serait utile de savoir ce que le régime D implique réellement, et de quelle manière il contribue à l’application des droits du travail dans l’État partie.

25.Le rapport ne mentionne aucune politique de l’emploi en faveur de la population économiquement active âgée de moins de 25 ans, en zones urbaines. Il mentionne toutefois l’octroi d’une aide financière et technique aux associations rurales de femmes. Mme Bras Gomes souhaite en savoir davantage quant à l’incidence de ces associations et à l’aide qu’elles reçoivent, et sur la manière dont cette incidence est mesurée, compte tenu des taux extrêmement élevés d’illettrisme parmi les femmes.

26.Le fait que certains travailleurs étrangers bénéficient d’un traitement privilégié par rapport aux travailleurs nationaux dotés des mêmes qualifications est un manquement manifeste à l’article 7 du Pacte, comme le fait que les femmes occupent des emplois subalternes et moins rémunérés. Le rapport indique également que le système du salaire minimum est contrôlé par des recensements effectifs périodiques, mais il ne précise pas les implications réelles du processus. Des informations complémentaires sur la façon dont est contrôlé et actualisé le salaire minimum, et également sur la manière dont il assure un niveau de vie adéquat aux travailleurs et à leur famille seraient utiles.

27.Eu égard à l’article 9, Mme Bras Gomes souhaite savoir pourquoi le Tchad n’a pas ratifié la Convention concernant la sécurité sociale (normes minimums) (n° 102) de l’Organisation internationale du Travail (OIT). Elle aimerait également obtenir des précisions quant aux prestations obligatoires, qui ne semblent pas prévues, et s’interroge sur les obligations des employeurs et sur les recours dont disposent les travailleurs en cas de non-respect de celles -ci. Elle souhaite en outre savoir de quelle manière sont indexées les prestations par rapport au salaire minimum légal, et quelle est la valeur réelle de l’aide fournie.

28.M. Kedzia signale que, bien que l’État partie ait donné à croire que le Code du Travail et autres règlementations afférentes protégeaient les normes de santé et de sécurité au travail et que des inspecteurs compétents surveillaient et faisaient appliquer ces normes, selon d’autres sources celles-ci sont largement ignorées, tant dans le secteur privé que dans la fonction publique. M. Kedzia attire l’attention sur le besoin urgent de veiller au respect des normes de travail et de protéger tous les travailleurs qui tentent de faire reconnaître une quelconque violation, tant les salariés permanents et temporaires, que les travailleurs étrangers et illégaux.

29.M. Riedel signale que les membres des forces armées et de défense, les policiers et gendarmes, le personnel diplomatique et les magistrats ne jouissent pas du droit de grève, ce qui constitue une violation de l’article 8 du Pacte. Quant aux conventions de l’OIT relatives au droit du travail, aux conditions de travail et aux droits syndicaux, M. Riedel souhaite savoir la raison pour laquelle le Tchad n’a pas encore ratifié la Convention n°102, ou signé ou ratifié les autres instruments y afférents, notamment la Convention n°117 sur la politique sociale (objectifs et normes de base), la Convention n° 118 sur l’égalité de traitement (sécurité sociale), la Convention n° 122 sur la politique de l’emploi, la Convention n° 160 sur les statistiques du travail, et la Convention n° 174 sur la prévention des accidents industriels majeurs. La Charte africaine des droits et du bien-être de l’enfant n’a également pas été ratifiée. Bien que le Protocole à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, portant création d’une Cour africaine des droits de l’homme et des peuples, et le Protocole relatif aux droits de la femme en Afrique aient été signés en 2004, ils n’ont encore pas été ratifiés. Le Comité devrait rédiger une recommandation à cet égard.

30. Mme Brás Gomes (Vice-présidente) prend la présidence.

31.M. Atangana (Rapporteur de pays) informe que les différentes questions posées par les membres du Comité ont été notées. Eu égard aux articles 6 et 7, un certain nombre de points pourraient figurer dans les observations finales. Le Comité pourrait également demander si le projet de loi relatif aux quotas destinés à corriger l’inégalité de la représentation féminine dans l’emploi salarié a été adopté. S’agissant de l’article 8, le Comité devrait demander un complément d’information sur l’autorisation antérieure requise pour créer un syndicat.

32.Le Président invite le Comité à poser les questions ayant trait aux articles 10 à 12 du Pacte.

33.M. Tirado Mejía estime que le Comité devrait enjoindre l’État partie à s’efforcer de faire adopter le projet de code des personnes et de la famille. Eu égard aux mesures gouvernementales visant à remédier aux inégalités entre hommes et femmes, il souhaite savoir précisément si les filles ont actuellement accès à une scolarisation gratuite.

34.Dans ses réponses, L’État partie fait savoir que l’adoption du projet de code pénal et de code des personnes et de la famille permettrait de résoudre les questions de mariage, de divorce, d’héritage, de propriété et de nationalité. Bien qu’il s’exprime au conditionnel, l’État partie est tenu d’adopter des normes et de mener une politique active eu égard à ces questions, en accord avec le Pacte. Les réponses fournies semblent en outre indiquer que la violence domestique et le viol conjugal ne sont pas des délits pénaux aux termes de la loi tchadienne. En outre, la réponse de l’État partie au Comité, à la question de savoir si le meurtre ou le préjudice infligé à une femme suite à des actes de violence familiale, constituent des délits, et sa demande d’informations sur de tels cas, reflètent un degré surprenant d’impuissance et de cynisme. Compte tenu de l’ampleur de tels crimes, il ne suffit pas de revendiquer le manque de ressources pour justifier l’absence d’enquêtes à leur sujet. Le Comité devrait formuler une recommandation énergique à cet égard, de manière à rappeler à l’État partie les obligations qui lui incombent. Par ailleurs, il ne suffit pas de proclamer l’interdiction du recrutement des enfants dans les conflits armés, alors que cette pratique est plus largement répandue qu’elle ne l’était à l’origine. De même, qu’il ne suffit pas de simplement proscrire la mutilation génitale féminine ; celle-ci doit être pénalisée comme un crime, car elle n’est pas seulement un affront à la dignité des femmes, mais une agression à leur encontre. Le Comité devrait publier une recommandation à cet égard.

35.Le Président estime que les questions soulevées par M. Tirado Mejía illustrent à quel point un échange avec une délégation tchadienne aurait été utile.

36.M. Riedel note que les réponses du Gouvernement à la demande d’informations du Comité relatives aux mesures prises pour accéder à l’eau potable et à l’hygiène publique se rapportent presque exclusivement à N’Djamena et non aux régions rurales. Le Comité devrait donc recommander fermement d’accorder à cette question toute l’attention voulue dans le prochain rapport périodique.

37.Dans le rapport à l’étude, de sérieux efforts ont été accomplis pour fournir des statistiques détaillées relatives au budget de la santé, bien que les chiffres fournis ne couvrent pas la période depuis 2000. Le Comité devrait donc recommander la communication de données précises et actualisées à cet égard.

38.L’attention de l’État partie devrait se porter sur l’observation générale n°14 relative au droit aux meilleures normes possibles en matière de santé, et sur l’observation générale n°15 relative au droit à l’eau. Dans ses réponses à la question du Comité sur l’eau et l’hygiène publique, l’État partie n’a fourni que quelques rares exemples ayant trait à des zones urbaines. Le Comité devrait lui demander instamment de fournir des données plus détaillées sur ces questions, compte tenu de leur incidence sur la santé publique.

39.Les données communiquées concernant le système de santé au Tchad indiquent une sérieuse pénurie de médecins et autres personnels médicaux, y compris dans la capitale N’Djamena, mais n’expliquent en rien cette situation. L’information fournie sur d’autres aspects du système de santé, notamment sur la stratégie de lutte contre le VIH/SIDA, est également insuffisante. La seule référence spécifique aux prestations de santé décrit l’incidence de la politique nationale de la santé qui, depuis 1998, a permis de se procurer des médicaments dans tous les centres sanitaires. Toutefois, cela ne permet pas d’évaluer si le système national de santé en place répond aux besoins de la population rurale.

40.M. Kedzia convient, en accord avec les précédentes remarques, qu’un dialogue avec l’État partie aurait permis au Comité de formuler des observations finales plus utiles, et aurait aidé le Tchad à mieux les observer. Bien qu’il semble d’après son rapport et ses réponses écrites, que le cadre légal existe dans certains domaines d’étude, aucune information n’a été communiquée sur la manière dont la loi est mise en oeuvre. M. Kedzia cite différents rapports - notamment les documents E/CN.4/2005/121, S/2009/532 et S/2007/400 — qui décrivent une situation très alarmante en pratique, avec l’omniprésence de la violence à l’encontre des femmes et le non-respect des droits des enfants. Le viol et autres violences sexuelles sont tabous et le plus souvent traités au niveau de la communauté par des arrangements locaux, telle une compensation financière versée par la famille de l’auteur à celle de la victime. Celle-ci ne se voit proposer que peu d’aide médicale ou psychologique et l’auteur est rarement, voire jamais, traduit en justice. L’État partie lui-même reconnaît qu’en pratique les femmes ne jouissent pas de l’égalité en termes d’éducation et de formation, et que, même si les lois relatives à la propriété et à l’héritage ne discriminent pas les femmes, les chefs locaux tranchent souvent en faveur des hommes conformément à la tradition, ce qui signifie que les femmes sont généralement dans l’impossibilité de posséder une terre ou d’en hériter. L’État partie n’a communiqué aucune information quant à l’action gouvernementale menée en vue de rétablir une cohérence entre règlementations et pratique. Selon des informations complémentaires, à l’université seuls 20 % des étudiants et 15 % des membres du personnel sont des femmes. Le Comité doit prendre ces données en considération pour formuler ses observations finales, en particulier compte tenu du caractère souvent évasif des réponses écrites à la liste des questions, rendant difficile pour le Comité l’évaluation de la situation réelle. Ce dernier devrait exhorter l’État partie à faire respecter les droits des femmes comme une question urgente, à placer au centre de la politique nationale et des programmes de coopération technique.

41.S’agissant des droits des enfants, il semble que la situation n’ait cessé de se dégrader au cours de la dernière décennie, en particulier suite au conflit intérieur. Selon certaines informations, des bergers âgés de 10 à 12 ans sont employés avec l’accord de leur famille et avec le soutien des chefs de la communauté, et les garçons sont souvent exposés à de graves blessures et mutilés par des châtiments corporels très durs, tels des brûlures aux membres. Les enfants travaillent généralement à plein temps, ce qui signifie que le droit à l’éducation des garçons n’est pas respecté. La situation des filles est également alarmante, en particulier en matière d’accès à l’éducation et à la protection contre les pratiques traditionnelles dangereuses, tels abus sexuels, mariages forcés, mariages et grossesses précoces. Là encore, la loi à cet égard est parfois conforme aux instruments internationaux, mais la pratique est très différente. Bien qu’il approuve les importantes réglementations légales en place, il estime que le Gouvernement doit jouer un rôle plus actif pour garantir le respect de la loi et des droits des enfants qui doivent de toute urgence être, avec ceux femmes, placés au centre de la politique nationale et des programmes de défense des droits de l’homme.

42.M. Marchán Romero reprend la présidence.

43.M. Pillay relève qu’en dépit de la création d’un Ministère de la microfinance et de l’élaboration de mesures anti-pauvreté, 52 % de la population vit au-dessous du seuil de pauvreté et que le taux de pauvreté semble s’accroître ; M. Pillay déclare que si l’État partie avait envoyé une délégation, il aurait demandé une évaluation des résultats des mesures adoptées pour s’attaquer à ce fléau. Compte tenu de la grande précarité de la sécurité alimentaire dans l’État partie, il se dit surpris des expropriations réalisées à des fins de production pétrolière, qui ont restreint la production alimentaire et ainsi dangereusement affecté la disponibilité de vivres; M. Pillay juge par ailleurs alarmant le fait que 31 % seulement de la population a accès à l’eau potable. Tout en notant que l’État partie admet dans ses réponses écrites à la question n°40 de la liste des points à traiter, que près de 90 % des personnes vulnérables n’ont pas de logement décent, il constate que la stratégie gouvernementale aggrave le problème car, selon un rapport d’Amnesty international, des dizaines de milliers de personnes ont perdu leur logis en raison des expulsions forcées à N’Djamena, depuis février 2008 ; leurs maisons ont été démolies, les outils et les matériaux détruits. De toute évidence, le Gouvernement n’a pas observé la procédure régulière et il n’a indemnisé que les personnes titulaires d’un titre légal de propriété, ignorant le droit acquis de celles qui avaient vécu dans les lieux avant leur expulsion et ce, en infraction manifeste avec le droit international et avec l’observation générale n°7 du Comité relative aux expulsions forcées. Celui-ci doit donc demander instamment à l’État partie d’imposer un moratoire sur les expulsions forcées, jusqu’à l’adoption d’une loi appropriée incluant les dispositions de l’observation générale n°7.

44.Mme Bonoan-Dandan estime que le Comité devrait formuler des recommandations énergiques sur le problème grave et urgent des mutilations génitales féminines. Il devrait également considérer dans ses observations finales, la non-interdiction du harcèlement sexuel, la nouvelle propension à enlever les enfants pour obtenir une rançon, comme le phénomène plus courant de l’enlèvement à des fins de mariage forcé, la coutume dans certaines écoles islamiques consistant à ce que des enseignants contraignent les élèves à la mendicité pour de la nourriture et de l’argent, et le recrutement des enfants dans les forces armées en vue d’améliorer les revenus de leurs familles.

45.M. Atangana (Rapporteur de pays) prend note des diverses observations des membres du Comité relatives aux articles 10 à 12, et des recommandations formulées sur un grand nombre de points, notamment les mutilations génitales féminines, la sécurité alimentaire et les enfants bergers. Le Comité demande en particulier instamment à l’Etat partie de fournir davantage d’informations sur les mesures adoptées pour lutter contre la pratique de l’emploi d’enfants pour garder les troupeaux. Les diverses déclarations formulées devraient être récapitulées, de manière à présenter un tableau plus clair de la situation.

46.Le Président sollicite les observations des membres s’agissant des articles 13 à 15 du Pacte.

47.Mme Bonoan-Dandan, note que dans ses réponses écrites à la question n°48 de la liste des points à traiter, relative à la lutte contre l’illettrisme, l’État partie mentionne exclusivement les mesures adoptées à l’intérieur du système éducatif ; elle estime qu’il faudrait faire observer à l’État partie que, compte tenu de l’omniprésence accrue de l’illettrisme chez les personnes en marge du système éducatif, les efforts du Gouvernement réalisés en dehors du système formel sont extrêmement importants. Le Comité devrait recommander à l’État partie de solliciter à cet égard l’aide de l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture. Le Comité devrait en outre lui recommander de privilégier la mise en place d’un enseignement primaire universel gratuit et d’inclure l’enseignement des droits de l’homme à tous les niveaux du programme scolaire. Observant que l’État partie semble adopter l’état d’esprit général selon lequel la discrimination est une affaire de culture et que les décisions des chefs locaux doivent être respectées, même si elle constituent des violations manifestes des droits de l’homme, Mme Bonoan-Dandan estime que le Comité devrait aborder avec soin et diplomatie la question de la justice communautaire, en différenciant culture et discrimination, et en distinguant ce qui relève de la culture et ce qui relève simplement de la tradition. L’État doit intervenir en cas de violation des droits de l’homme, par exemple lors du recrutement des garçons dans les forces armées, favorisé par la croyance culturelle selon laquelle les garçons deviennent des hommes quand ils sont circoncis et que les hommes protègent leurs communautés.

48.Le Président regrette le fait que l’État partie ait fourni peu d’informations sur les droits culturels, qui représentent un tiers du Pacte et qui sont habituellement traités de manière plus détaillée. S’il avait envoyé une délégation, le Comité lui aurait recommandé de communiquer dans son prochain rapport périodique, les informations nécessaires pour permettre une évaluation objective du respect des droits culturels dans le pays, notamment les données relatives aux mesures spécifiques adoptées par le Gouvernement au titre de l’article 15, pour garantir que ces droits font partie intégrante de la vie culturelle et bénéficient des fruits du progrès scientifique et de ses applications.

49.Au nom du Comité, le Président exprime sa profonde déception quant à l’absence inexpliquée de l’État partie qui a empêché tout dialogue constructif. Ayant réservé trois séances à l’étude de son rapport, le Comité n’en a, en l’occurrence, demandé qu’une seule, non en raison du désintérêt des membres, mais par manque d’informations de la part de l’État partie. La présence de ce dernier à l’étude des futurs rapports serait utile et souhaitable, car un dialogue constructif fait partie intégrante du processus. Si une délégation avait été présente, elle aurait pu apporter des réponses immédiates aux questions et aux préoccupations des membres du Comité, et elle aurait reçu des conseils sur les informations à inclure dans le prochain rapport périodique de l’État partie.

La séance est levée à 12h 50.