NATIONS UNIES

E

Conseil économique et social

Distr.GÉNÉRALE

E/C.12/2008/SR.119 mai 2008

Original: FRANÇAIS

COMITÉ DES DROITS ÉCONOMIQUES, SOCIAUX ET CULTURELS

Quarantième session

COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA 11e SÉANCE

tenue au Palais Wilson, à Genève,le mardi 6 mai 2008, à 10 heures

Président:M. PILLAY (Vice‑Président)

puis:M. TEXIER (Président)

SOMMAIRE

EXAMEN DES RAPPORTS

a)RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT AUX ARTICLES 16 ET 17 DU PACTE (suite)

Deuxième rapport périodique du Bénin (suite)

Deuxième rapport périodique de la Bolivie

La séance est ouverte à 10 h 5.

EXAMEN DES RAPPORTS

a)RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT AUX ARTICLES 16 ET 17 DU PACTE (point 6 de l’ordre du jour) (suite)

Deuxième rapport périodique du Bénin (E/C.12/BEN/2); document de base (HRI/CORE/1/Add.85); observations finales du Comité sur le rapport initial du Bénin (E/C.12/1/Add.78); liste des points à traiter (E/C.12/BEN/Q/2); réponses écrites du Gouvernement béninois à la liste des points à traiter (E/C.12/BEN/Q/2/Add.1) (suite)

1. Sur l ’ invitation du Président, la délégation béninoise reprend place à la table du Comité.

2.Le PRÉSIDENT invite la délégation béninoise à répondre aux questions posées à la séance précédente.

3.MmeFagnisse (Bénin) dit, concernant les mutilations génitales féminines, que plusieurs actions de sensibilisation ont été menées au lendemain de la loi du 3 mars 2003 aussi bien par l’État que par la société civile. Le Gouvernement a aussi mis en place un programme de reconversion pour les personnes exerçant ces pratiques. Il a également amorcé la phase répressive de la politique menée dans ce domaine. Un programme de formation est proposé aux fonctionnaires de police judiciaire et aux magistrats. Le Bénin coordonne son action en vue de réprimer et d’éradiquer la pratique des mutilations génitales féminines avec les pays frontaliers (Nigéria, Niger, Togo et Burkina Faso).

4.En ce qui concerne la violence dans la famille, des dispositions spéciales répriment les violences faites aux enfants. Il n’existe pas actuellement de législation spécifique dans le cas des adultes, mais les violences familiales sont punies sous le régime des violences et voies de fait, et l’adoption de lois spécifiques en la matière est à l’étude.

5.En vertu du Code des personnes et de la famille, les enfants nés hors mariage ont les mêmes droits que les enfants nés dans le mariage si l’enfant est reconnu par le père. La mortalité maternelle et infantile a considérablement diminué en raison des nombreuses actions entreprises par l’État béninois pour assurer aux femmes enceintes et aux enfants les soins essentiels. Le Ministère de la santé mène un programme de suivi des grossesses et des enfants de 0 à 5 ans. Ces enfants bénéficient de soins gratuits. Les opérations par césarienne sont entièrement prises en charge par l’État. Un programme de vaccination a aussi contribué pour beaucoup à la baisse de la mortalité maternelle et infantile.

6.Le Code des personnes et de la famille fixe l’âge du mariage à 18 ans pour les hommes et pour les femmes. Une personne âgée de moins de 18 ans ne peut contracter mariage sans le consentement de la personne qui exerce l’autorité parentale à son égard.

7.Une politique de sensibilisation aux notions liées aux droits de l’homme et aux instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme est appliquée au Bénin. Cette politique consiste à sensibiliser certains groupes spécifiques comme les magistrats, les enseignants et les élèves, les policiers, les organisations non gouvernementales (ONG), les élus locaux, les professions de santé et les journalistes. Des émissions radiophoniques sur les droits de l’homme sont régulièrement diffusées. Dans l’enseignement secondaire, des matières comme l’histoire, la géographie et la philosophie intègrent désormais la notion de droits de l’homme. Une politique analogue est en cours de réalisation pour l’enseignement primaire. Avec le concours du Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF), la Convention relative aux droits de l’enfant a été traduite en quatre langues locales. Il est envisagé de faire de même pour d’autres langues et pour d’autres instruments. Pour renforcer la promotion des droits de l’homme, le Gouvernement béninois a réalisé et diffusé des kits pédagogiques de vulgarisation sur les droits de l’homme.

8.Sur la gratuité de l’enseignement, Mme Fagnisse précise que cela concerne principalement l’école maternelle et l’enseignement primaire publics. À propos d’éventuelles différences de niveau entre les ethnies, elle indique que le Bénin ne connaît pas de problèmes ethniques et qu’il n’existe pas de disparités.

9.Sur la question des réfugiés, la plupart des personnes réfugiées au Bénin proviennent du Togo. Un certain nombre de réfugiés provient également du Tchad, du Libéria, du Nigéria et du Congo. Le pays comptait environ 20 000 réfugiés en 2007. Le nombre de réfugiés a sensiblement diminué à la suite d’un programme de rapatriement volontaire engagé en coopération avec le Haut‑Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés et les autorités togolaises, pour atteindre désormais environ 5 000.

10.Pour lutter efficacement contre le VIH/sida, des programmes sont mis en œuvre et des comités ont été créés au sein des ministères, des institutions et de certaines structures privées. Une loi a été adoptée le 5 avril 2006 sur la prévention et sur la prise en charge et l’insertion des personnes vivant avec le VIH/sida. Ces différentes actions ont permis de ramener le taux de prévalence de la maladie, qui était de 4,1 %, à 2 % en 2006.

11.L’État partie a pris un certain nombre de dispositions depuis 2000 pour réduire le travail informel. Un forum national sur l’emploi des jeunes et un forum national sur l’emploi des femmes ont été organisés fin 2007. Un comité de suivi a été créé et un plan de mise en œuvre est en cours. La pauvreté, qui persiste, est plus marquée en milieu rural que dans les villes. La malnutrition est en recul, y compris parmi les enfants âgés de moins de 5 ans. L’État partie étudie des mesures visant à améliorer l’accès au crédit des ménages en milieu rural, à diversifier la production agricole, à développer les infrastructures, et à améliorer les capacités de gestion et d’absorption des ressources publiques.

12.En ce qui concerne la Convention no 119 de l’Organisation internationale du Travail (OIT), le Bénin envisage de ratifier très prochainement cet instrument.

13.À propos de l’alimentation dans les prisons, Mme Fagnisse précise qu’il est fait appel à des sociétés de services qui sont soumises à un contrôle rigoureux des autorités pénitentiaires. Des visites inopinées des services compétents de l’État et d’ONG ont également lieu. Un prestataire qui offre de mauvais repas peut se voir retirer son agrément.

14.En matière de logement social, le Bénin applique une politique foncière visant à permettre à tous les citoyens d’accéder à un logement décent. Un projet est en cours d’adoption sur ce sujet à l’Assemblée nationale.

15. M. Texier prend la présidence.

16.MmeBarahona Rierademande des précisions sur les privatisations de certains services publics comme l’eau et l’électricité, du point de vue de l’accès effectif des personnes à ces services, et des problèmes éventuels posés par les privatisations.

17.M. SADI souhaite savoir quelles ont été les incidences des privatisations, et s’il existe un lien entre la perpétuation de la pauvreté dans le pays et les privatisations. Il demande également quels résultats ont eu les campagnes visant à mettre fin à la polygamie, et s’il existe des critères ou des indicateurs permettant d’apprécier les politiques dans ce domaine et concernant les mutilations génitales féminines.

18.M. atangana note qu’il a été précisé que l’enseignement public est gratuit pour l’école maternelle et le primaire. Il souhaite savoir ce qu’il en est pour le secteur privé, et si l’État aide ce secteur, dans un souci d’équilibre et dans l’optique de garantir l’égalité des chances pour tous.

19.Mmewilson souhaiterait des précisions concernant le contrôle de la qualité et du prix des denrées alimentaires. Elle note que d’après le rapport à l’examen, le prix des denrées alimentaires n’est pas abordable pour un grand nombre de ménages. Elle demande aussi des précisions sur les mesures prises pour réduire la malnutrition, dont le niveau reste relativement élevé au Bénin.

20.M. kerdoun demande si l’aide internationale, à laquelle le Bénin doit encore faire appel, provient d’institutions multilatérales comme le FMI et la Banque mondiale, et si ces institutions ont contraint le Bénin à prendre des mesures d’ajustement structurel. Il demande également si l’aide est aussi bilatérale et, dans l’affirmative, quels sont les principaux pays donateurs, et dans quelle mesure l’aide de ces pays est assortie de conditions.

21.M. pillay relève que selon le rapport à l’examen, très peu de logements publics sont alloués, et que les plus pauvres n’ont guère accès à ces logements. Il est bien fait état d’une politique nationale dans le domaine de l’habitat, mais on ne sait pas si cette politique est appliquée. Par ailleurs, il est donné de l’importance au fait que 29,6 % de la population vit sous le seuil de pauvreté, mais ces personnes vivent avec moins de 1 dollar par jour, et 73,7 % de la population vit avec moins de 2 dollars par jour.

22.M. AKIBOU (Bénin) dit que l’aide internationale reçue par le Bénin de ses partenaires est aussi bien bilatérale que multilatérale. Le Bénin fait partie des pays les moins avancés et son budget, qui repose sur une assiette d’imposition très réduite, est rapidement épuisé une fois payés les salaires de la fonction publique. L’aide des institutions multilatérales est soumise à l’adoption d’un programme d’ajustement structurel. Certaines mesures, quoique douloureuses, ont pu être menées à bien. On constate cependant aujourd’hui que des erreurs ont été commises dans certains domaines. Par exemple, ces institutions ont demandé au Bénin de supprimer le système des encadreurs ruraux, qui aidaient les paysans, au motif que ce système constituait une forme de subvention à l’agriculture. Constatant que la production avait pâti de cette mesure, le FMI considère à présent qu’il faudrait à nouveau recruter des encadreurs ruraux.

23.En ce qui concerne l’aide bilatérale, certains pays, comme le Japon, l’Allemagne, les États‑Unis et la Chine, se montrent particulièrement généreux. Il ne s’agit pas pour autant d’une aide philanthropique. L’aide est en partie liée, autrement dit ces pays donnent de l’argent pour qu’en retour le pays bénéficiaire achète chez eux. Le Bénin reçoit toutefois également une aide budgétaire, et a bénéficié récemment d’une remise de sa dette au titre de l’Initiative en faveur des pays pauvres très endettés (PPTE).

24.MmeAKPOVO (Bénin) dit que les privatisations posent des problèmes sérieux au Bénin. L’État souhaite accomplir des réformes structurelles, mais sans recourir à la même forme de privatisation que par le passé, dans laquelle l’État n’intervenait pas. Désormais, le secteur privé est un partenaire de l’État, qui conserve un rôle afin de protéger les travailleurs. Les privatisations sont en bonne voie dans les secteurs du coton, des communications et de l’énergie.

25.Par ailleurs, les approvisionnements en eau potable sont une priorité pour l’État qui s’emploie à réparer et à développer les stations de traitement de l’eau dans les campagnes comme dans les zones urbaines.

26.MmeZINKPE (Bénin) dit que les campagnes menées pour lutter contre la polygamie et les mutilations génitales féminines se poursuivent, bien que l’on ne dispose pas d’indications précises sur leurs résultats. Concernant le prix des denrées alimentaires, elle précise que l’État mène une politique d’harmonisation des prix par l’intermédiaire de la direction chargée du commerce, qui envoie des agents sur les marchés pour contrôler des prix.

27.MmeAKPOVO (Bénin) indique, sur la question de savoir si l’État partie aide l’enseignement privé, que des représentants des chefs d’établissements privés sont actuellement en négociation avec le Gouvernement sur l’octroi d’une subvention aux écoles privées, y compris pour le secondaire.

28.M. AKPOMEY (Bénin) précise, concernant les mutilations génitales féminines, qu’une étude est en cours afin de mesurer les résultats de la politique visant à éradiquer ce phénomène. Il existe aujourd’hui un certain nombre d’ONG spécialisées dans le domaine de la lutte contre les mutilations génitales féminines, qui participent à cette évaluation.

29.Au sujet de la politique du logement, M. Akpomey précise qu’une loi existe au Bénin sur le foncier rural. Une loi analogue est en cours d’adoption sur le foncier urbain. La politique dans ce domaine n’est pas appliquée comme elle le devrait en raison d’un manque de moyens qui empêche de mettre des logements sociaux à la disposition des couches les plus vulnérables de la population.

30.M. AMOUSSOU (Bénin) précise que, une fois mise en œuvre la politique récemment adoptée en matière d’habitat, chacun, en milieu rural comme en milieu urbain, pourra bénéficier d’un logement social. En ce qui concerne la gratuité de l’enseignement, le Conseiller à l’enseignement privé récemment nommé a entrepris une étude visant à évaluer les besoins et les secteurs clefs pour lesquels le Gouvernement offrira des subventions au secteur privé. En matière de contrôle des prix, la Direction de la concurrence et des prix, lors de ses visites de contrôle régulières, rappelle à l’ordre les commerçants indélicats, qui ont l’obligation d’appliquer le prix fixé par le Gouvernement pour les produits de première nécessité. Quant à la qualité des denrées alimentaires, la police sanitaire s’occupe de contrôler les produits et de retirer de la circulation tout produit non conforme.

31.M. AKPOMEY (Bénin), ayant souligné que la pauvreté est bien réelle au Bénin, malgré la volonté farouche du Gouvernement de l’éradiquer et de s’acquitter de toutes ses obligations au titre du Pacte, indique que pour se livrer à un examen objectif de l’évolution de la situation et des progrès accomplis, il faudrait disposer de statistiques récentes qui font actuellement défaut au Bénin. Il s’engage formellement et personnellement à rendre compte aux autorités béninoises des observations formulées et des solutions proposées par les membres du Comité, et dit avoir compris que le Comité était intéressé non pas tant par la loi que par l’usage qui en est fait.

32.Le PRÉSIDENT remercie la délégation béninoise et annonce que l’examen du deuxième rapport périodique de l’État partie est achevé.

33. La délégation béninoise se retire.

La séance est suspendue à 10 h 55; elle est reprise à 11 h 5.

Deuxième rapport périodique de la Bolivie (E/C.12/BOL/2; document de base (HRI/CORE/1/Add.54/Rev.2); observations finales du Comité sur le rapport initial de la Bolivie (E/C.12/1/Add.60); liste des points à traiter (E/C.12/BOL/Q/2); réponses écrites du Gouvernement bolivien à la liste des points à traiter (E/C.12/BOL/Q/2/Add.1))

34. Sur l ’ invitation du Président, la délégation bolivienne prend place à la table du Comité.

35.Le PRÉSIDENT souhaite la bienvenue à la délégation bolivienne et l’invite à présenter le deuxième rapport périodique de l’État partie.

36.M. CHAVEZ (Bolivie), présentant le deuxième rapport périodique de l’État partie, place son propos dans la perspective de la transition historique que connaît la Bolivie depuis l’arrivée au pouvoir, en janvier 2006, du Président Evo Morales Ayma, et évoque l’intérêt primordial de l’État partie pour la pleine application du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels et du Protocole de San Salvador, normes minimales qu’il compte dépasser dans l’intérêt supérieur des peuples et des populations. Le changement de régime en Bolivie s’est accompagné d’une réorientation des politiques gouvernementales vers l’édification d’un nouvel État plurinational et le processus de décolonisation fondé sur la notion de «vivre bien». Ce concept, commun à toutes les politiques publiques, vise la satisfaction partagée des besoins essentiels et la cohabitation avec son prochain sur un pied d’égalité et dans le respect de la diversité culturelle, sans déséquilibre des pouvoirs, en harmonie avec la nature, ce qui va au‑delà de la notion occidentale du «bien‑être» ou de l’aspiration à «vivre mieux», essentiellement matérielles.

37.Après avoir évoqué la nouvelle Constitution politique de l’État, la délégation bolivienne reprend un certain nombre d’éléments communiqués aux paragraphes 4, 7, 11, 13 et 23 des réponses écrites du Gouvernement bolivien à la liste des points à traiter, qu’il complète par des faits nouveaux survenus récemment: projet de construction de 300 155 logements d’ici à 2011 − assortie de la création d’environ 70 000 emplois −, augmentation de 10 % du salaire minimum par voie du décret no 29473 du 5 mars 2008, présentation le 1er mai 2008 du projet de nouveau Code du travail, notamment.

Articles 1er à 5 du Pacte

38.Mme BARAHONA RIERA (Rapporteuse pour la Bolivie), évoquant les transformations que vit actuellement l’État partie, dit qu’un certain nombre d’éclaircissements s’imposent, notamment sur les nouveautés introduites dans la Constitution en matière de droits économiques, sociaux et culturels. De même, il serait bon de savoir, parmi l’ensemble des lois, programmes et politiques cités dans le rapport à l’examen, lesquels appartiennent au passé − apparaissant simplement sous un nom différent − et lesquels sont nouveaux.

39.Par ailleurs, Mme Barahona Riera demande des précisions sur la compétence et les réalisations du Défenseur du peuple récemment nommé. Il serait utile de savoir également si les fonctionnaires boliviens ont été touchés par le processus constitutionnel. Enfin, concernant l’article 3 du Pacte, Mme Barahona Riera demande si des amendements législatifs ont été introduits dans la Constitution, et souhaite être informée des sources de financement et des objectifs des nouveaux programmes et projets mis en place en matière d’égalité hommes‑femmes, ainsi que sur des résultats obtenus jusqu’ici.

40.M. TIRADO MEJIA fait observer que le Gouvernement bolivien, au paragraphe 10 de ses réponses écrites à la liste des points à traiter, indique que le nouveau texte de la Constitution sera soumis au peuple bolivien pour adoption par voie d’un référendum. Or, M. Tirado Mejia voudrait savoir pourquoi ce référendum n’a pas eu lieu comme prévu le 4 mai 2007. Si la Constitution et les textes législatifs que la Bolivie compte adopter incorporent des dispositions sur les droits économiques, sociaux et culturels dont on peut se féliciter, il serait souhaitable d’avoir des renseignements supplémentaires sur les mécanismes concrets, en particulier les mécanismes de financement, qui vont être mis en place pour assurer l’application de ces dispositions.

41.S’agissant du droit à la santé, et plus particulièrement du problème de la coca, M. Tirado Mejia relève que le Gouvernement bolivien, compte tenu de l’utilisation ancestrale de cette plante, propose d’en légaliser la culture. Il souhaiterait savoir quels seraient les effets d’une telle décision, tant sur le plan de la santé du peuple bolivien que sur le plan juridique. En effet, plusieurs instruments des Nations Unies interdisent explicitement la légalisation de la culture de la coca.

42.M. PILLAY dit que le Comité, dans les observations finales qu’il avait formulées concernant le rapport initial de la Bolivie, avait engagé celle‑ci à veiller à ce que les droits économiques, sociaux et culturels consacrés dans le Pacte soient applicables directement dans son ordre juridique interne. Or la Bolivie, dans le rapport à l’examen, se borne à indiquer que certains de ces droits, par exemple le droit au travail, sont garantis par la Constitution, et ne répond donc pas précisément à la question de savoir si ces droits peuvent être invoqués devant les tribunaux. Le projet de nouvelle constitution consacre ces droits et en étend la portée, mais il conviendrait que la délégation bolivienne précise si ceux‑ci relèveraient de la compétence d’un organe juridictionnel ou judiciaire, par exemple un tribunal. Pour que les droits visés par le Pacte soient protégés par la justice, ils doivent pouvoir faire l’objet d’un recours effectif et l’indépendance de la magistrature doit être assurée. Le clientélisme et la corruption politiques auraient été réduits mais n’auraient pas été éliminés, et le pouvoir judiciaire, qui est depuis longtemps le maillon faible des trois branches de l’État, serait toujours susceptible d’être instrumentalisé par le pouvoir exécutif. M. Pillay, à cet égard, souhaiterait savoir si la situation s’est améliorée et souligne que la Bolivie, au‑delà d’une nouvelle Constitution, devra se doter d’une justice indépendante et non corrompue. Il convient en outre, pour fournir un recours effectif, d’assurer l’accès aux tribunaux et aux organes juridictionnels. On peut se demander comment, si le projet de constitution était adopté, les citoyens, en particulier les personnes vivant dans des régions rurales et les personnes défavorisées et marginalisées, pourront s’adresser aux tribunaux pour faire valoir leurs droits économiques, sociaux et culturels.

43.M. ATANGANA évoque le problème de la lenteur des procédures judicaires en Bolivie, et en particulier le fait que des personnes restent trop longtemps sans être jugées. Les ressources affectées au fonctionnement des services judiciaires sont insuffisantes. La Bolivie, dans son deuxième rapport périodique, indique que la plupart des droits visés par le Pacte seront garantis par la Constitution. Il conviendrait, à cet égard, de préciser quelles mesures l’État bolivien envisage de prendre pour que tous les droits visés par le Pacte soient protégés par la loi.

44.MmeBRAS GOMES dit que le rapport à l’examen contient une liste d’instruments législatifs et ne permet pas vraiment au Comité d’évaluer la mise en œuvre sur le terrain des droits garantis par le Pacte. Ainsi, par exemple, au‑delà des références à la Constitution et à d’autres règles régissant les communautés autochtones et paysannes, les informations fournies sur la question de la discrimination à l’égard des populations autochtones sont très limitées. Si la Bolivie est un pays doté de ressources naturelles très importantes, il semble que le problème de l’inégalité de la répartition de ces ressources persiste, et qu’il s’est même aggravé. Or les populations autochtones, qui sont majoritaires, sont les plus touchées par ce phénomène. À cet égard, Mme Bras Gomes souhaiterait savoir quelles mesures concrètes la Bolivie envisage de prendre pour améliorer l’accès des populations autochtones rurales à l’éducation de base, à un logement convenable et aux services de santé, ainsi qu’à une justice impartiale. Par ailleurs, considérant que le fait que les institutions financières internationales ont annulé une partie de la dette extérieure bolivienne en 2006 est une bonne chose, elle se demande s’il n’est pas indispensable d’augmenter les ressources affectées aux programmes sociaux à l’intention des plus défavorisés et de promouvoir l’accès des autochtones à la terre.

45.MmeWILSON dit avoir pris note du fait que la majorité des droits garantis par le Pacte ont été incorporés dans la nouvelle Constitution bolivienne. Elle souhaiterait cependant savoir si ceux‑ci n’y ont été incorporés que sous forme d’objectifs à atteindre − auquel cas, de nouvelles dispositions législatives supplémentaires seront nécessaires − ou s’ils y figurent de manière détaillée. S’agissant du droit de ne pas faire l’objet de discrimination, qui est consacré par la nouvelle Constitution, MmeWilson souhaiterait savoir, d’une part, si celui‑ci est directement applicable, et, d’autre part, s’il s’agit d’un droit à part entière, à savoir un droit qui peut être invoqué directement sans être rattaché à un autre droit.

46.MmeWilson se demande quelle sera la portée exacte du droit des autochtones à l’autodétermination que la nouvelle Constitution protégera, notamment s’il s’agit d’un droit individuel ou collectif, et qui pourra l’invoquer. Elle souhaiterait aussi que la délégation bolivienne indique si la réforme agraire est liée à la protection dont les peuples autochtones bénéficieront en vertu de la Constitution, quels sont les objectifs visés par cette réforme et s’il est prévu de reconnaître des formes traditionnelles de régime foncier et de restituer des terres aux communautés autochtones. Enfin, elle voudrait savoir si la nouvelle Constitution comporte une disposition particulière relative à l’égalité des sexes, et s’il existe une loi générale qui porte sur cette question. Selon certaines sources, des inégalités considérables subsistent entre les hommes et les femmes en Bolivie. Il est choquant de lire, au paragraphe 72 du rapport à l’examen, que la loi générale sur le travail confère aux femmes le même statut qu’aux mineurs. Il serait souhaitable, à cet égard, que la délégation bolivienne indique au Comité si cette disposition figure aussi dans le nouveau Code du travail.

47.M. SADIse réjouit de savoir que l’avenir sous le nouvel ordre politique qui règne en Bolivie s’annonce prometteur. La Bolivie, cependant, selon un classement établi par la Commission européenne, est le pays d’Amérique du Sud le plus pauvre. Le fait que 7% des propriétaires terriens détiennent 85 % des terres explique pourquoi la pauvreté y est si répandue. M.Sadi, soulignant le fait que 60 % des Boliviens vivent dans la pauvreté, contre plus de 88% au début des années 2000, souhaiterait que la délégation bolivienne confirme que la situation s’est améliorée dans ce domaine.

48.La magistrature joue un rôle très important dans la mise en œuvre des droits visés par le Pacte, en particulier des droits qui peuvent être invoqués devant les tribunaux; il est à espérer qu’en vertu de la nouvelle Constitution bolivienne, les droits garantis par le Pacte seront susceptibles d’un tel recours et qu’il sera donné suite aux allégations de corruption. S’agissant du Défenseur du peuple, M. Sadi se dit préoccupé par la question de savoir si la Bolivie est dotée d’une institution nationale des droits de l’homme qui soit conforme aux Principes de Paris et se demande si ce défenseur jouera le rôle d’une telle institution; il souhaiterait en outre que la délégation bolivienne donne des exemples du travail accompli par celui‑ci. Enfin, il demande un complément d’information sur les campagnes d’éducation aux droits de l’homme qui ont pu être organisées à l’intention des écoliers des niveaux primaire et secondaire.

49.M. KOLOSOV dit que le Comité, en 2001, lors de l’examen du rapport initial de l’État partie, s’était félicité de la future adoption par celui‑ci d’un nouveau Code de procédure pénale prévoyant qu’outre l’espagnol, les trois principales langues autochtones seraient utilisées dans le cadre des procédures pénales et administratives. Il souhaiterait, à cet égard, savoir comment cette disposition est appliquée dans la pratique; il se demande, par exemple, si les policiers et les fonctionnaires maîtrisent quatre langues.

50.M. ZHAN Daode, à l’instar d’autres membres du Comité, note que le deuxième rapport périodique de l’État partie ne comporte que quelques paragraphes sur les diverses dispositions législatives mises en œuvre pour résoudre le problème de la discrimination à l’encontre des autochtones, et souhaiterait donc que la délégation bolivienne s’exprime plus en détail sur les progrès qui ont été réalisés dans ce domaine. En outre, les statistiques les plus récentes fournies dans le rapport à l’examen datent de 2003 et ne rendent donc pas fidèlement compte de la situation actuelle. M. Zhan, à cet égard, souhaiterait savoir pourquoi des statistiques plus récentes n’ont pas été utilisées.

51.M. CHAVEZ (Bolivie), évoquant l’hypothèse d’un rejet du projet de constitution, dont les dispositions relatives aux droits économiques, sociaux et culturels ne pourraient donc pas être incorporées dans le droit interne, souligne qu’un nombre non négligeable de ces droits sont déjà protégés par la Constitution actuelle et par les lois de la République. Il convient en outre de garder à l’esprit que la Bolivie a indiqué que, parallèlement à l’élaboration du projet de constitution, le Ministère de la justice a achevé de diffuser un plan d’action relatif aux droits de l’homme qui précède le projet de constitution; or même si le projet de constitution n’est pas adopté, ce plan d’action, lui, le sera. Celui‑ci garantit également que les droits qui sont actuellement en train d’être reconnus seront graduellement incorporés au droit interne. Concernant la date du référendum sur le projet de constitution, M. Chavez explique que bien qu’une loi de la République ait approuvé la tenue de ce référendum le 4 mai 2007, le tribunal électoral national a estimé que le délai prévu était trop court pour pouvoir assurer la diffusion du texte soumis au vote, d’où le report de la consultation.

52.S’agissant de la question de la légalité du processus d’élaboration du projet de constitution, M. Chavez affirme que la légalité a, tout au long de ce processus, été respectée en tous points. Ainsi, le principe de la majorité des deux tiers a été appliqué pour l’adoption du projet de texte, lequel a fait l’objet d’un vaste débat national; il a été tenu compte des inquiétudes exprimées par certains secteurs, conservateurs pour la plupart. Il appartiendra au peuple de se prononcer sur la légitimité dudit processus.

53.Le Bureau du Défenseur du peuple est un organe constitutionnel qui satisfait pleinement aux Principes de Paris et jouit donc d’une totale indépendance. Il réalise notamment des programmes de sensibilisation sur le thème des droits de l’homme et élabore des rapports sur la situation des droits de l’homme en Bolivie. Pour ce qui est de l’égalité entre les sexes, force est de constater que jusqu’à récemment, la femme était considérée comme un citoyen de seconde classe. C’est pourquoi le Gouvernement a mis en œuvre un plan d’action qui vise à promouvoir le statut de la femme et à accroître sa participation dans la société. Les femmes sont dûment représentées au Gouvernement, ainsi que dans l’appareil judiciaire où plus de 50 % des magistrats sont de sexe féminin. Il convient de noter à cet égard que l’expérience montre que les femmes sont moins sujettes à la corruption que les hommes.

54.En ce qui concerne le financement des programmes relatifs aux droits économiques, sociaux et culturels, les ressources proviennent essentiellement de l’imposition des entreprises étrangères mais aussi de l’impôt sur les hydrocarbures. Les ressources ainsi collectées sont redistribuées principalement aux municipalités et aux départements.

55.La situation économique s’est nettement améliorée en Bolivie, notamment grâce à la hausse sensible des exportations, mais la pauvreté demeure préoccupante. Celle‑ci est essentiellement liée aux inégalités en matière d’accès à la terre. La réforme agraire engagée en 1952 n’a pas donné les résultats escomptés, les problèmes fonciers restent importants et il arrive souvent que les grands propriétaires terriens n’exploitent qu’une infime partie de leurs terres. En 2006, la Bolivie a adopté une nouvelle loi sur la réforme agraire et a créé un institut dont la première fonction est de vérifier les titres fonciers et de procéder à une nouvelle évaluation des superficies. L’objectif est aussi de s’assurer que les terres sont utilisées de façon rationnelle et de les redistribuer de façon plus équitable. Plutôt que d’imposer une nouvelle loi foncière de façon autoritaire, la Bolivie a choisi de consulter toutes les parties concernées. Dans l’Altiplano, région très peuplée constituée de petits lopins de terre, l’État a procédé à des regroupements créant des parcelles communautaires, exploitées par plusieurs familles. En ce qui concerne les vallées et les terrains de moyenne altitude, riches et fertiles, peu de problèmes fonciers sont à signaler. La situation est beaucoup plus complexe pour les terres de faible altitude, qui couvrent presque 70 % du territoire et une bonne partie du bassin amazonien. Ces terres appartiennent souvent à de riches propriétaires terriens et l’État se heurte à de nombreux obstacles pour les redistribuer. En tout état de cause, M. Chavez signale que le gouvernement actuel a fait, en deux ans seulement, plus de progrès que les gouvernements précédents et espère que le processus de redistribution sera achevé en 2011. Cela étant, le coût de la réévaluation et de la redistribution des terres est énorme. Dans le cadre des opérations de redistribution, l’État partie entend aussi prêter une grande attention au peuple guarani, qui se répartit dans un tiers du pays et envers lequel la Bolivie a une dette historique.

56.La Bolivie a signé la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, qui reconnait le droit à l’autodétermination, et envisage donc de promouvoir l’autonomie départementale et autochtone. En attendant, toutes les décisions qui concernent l’exploitation économique des terres et des ressources autochtones sont prises en concertation avec les peuples autochtones. La loi de 1992 sur l’environnement prévoyait déjà des consultations mais cela n’a pas toujours été le cas dans la réalité.

57.M. Chavez reconnaît que la pratique de la servitude existe toujours et qu’elle touche surtout le peuple guarani. Le Gouvernement bolivien a mis en œuvre un plan interministériel d’aide au peuple guarani et a créé une commission officielle pour étudier la situation des communautés guaranis, mais nombre d’entre elles n’ont pas souhaité recevoir les membres de la Commission. En tout état de cause, la Bolivie n’épargnera aucun effort pour mettre un terme à la servitude.

58.En ce qui concerne l’accès des peuples autochtones à la justice, M. Chavez fait observer que la Bolivie est un pays multiethnique et pluriculturel, qui compte au moins 36 peuples autochtones de langues différentes. Si les institutions judiciaires utilisent l’espagnol, les autochtones non hispanophones qui souhaitent avoir accès aux tribunaux peuvent se faire aider par un traducteur. On dénombre malheureusement quelques cas isolés où l’assistance d’un traducteur n’a pas été possible. D’une manière générale, les peuples autochtones n’ont guère recours aux institutions judiciaires nationales mais préfèrent utiliser les mécanismes traditionnels de règlement des différends. Cette justice dite communautaire, utilisée notamment par les Quechuas, les Guaranis et les Aymaras, a souvent l’avantage d’apporter des solutions rapides et pratiques. Il convient en outre de noter que les juridictions traditionnelles autochtones n’appliquent pas la peine de mort.

59.S’agissant de la nomination des magistrats, la Bolivie a mis fin au système en vertu duquel tous les partis politiques étaient représentés dans l’appareil judiciaire. Dorénavant, les nominations se font de façon transparente et publique. Pour finir, M. Chavez dit que la Bolivie ne dispose pas d’autres statistiques officielles que celles datant de 2003.

60.MmeURENA (Bolivie) dit que la culture de la feuille de coca a toujours été légale en Bolivie comme dans de nombreux autres pays de la région et que cette plante est utilisée depuis plus de trois mille ans pour ses vertus médicinales, sans que cela n’ait jamais posé le moindre problème de santé publique. La feuille de coca, considérée comme «sacrée» par nombre de peuples autochtones, est un bien et une richesse culturels. Le Gouvernement bolivien a adopté une nouvelle stratégie visant à revaloriser la culture de cette plante et à lutter contre son utilisation à des fins autres que médicinales. Par le passé, les programmes d’éradication de la culture de coca ont souvent été menés au détriment des peuples autochtones et ont causé de nombreuses violations de leurs droits fondamentaux. D’une manière générale, la Bolivie regrette que les institutions internationales ne reconnaissent pas suffisamment l’importance des pratiques et modes de vie traditionnels des peuples autochtones.

La séance est levée à 13 heures.

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