NATIONS

UNIES

E

Conseil Économique

et Social

Distr.

GÉNÉRALE

E/C.12/2000/SR.12

8. mai 2000

Original : FRANÇAIS

COMITÉ DES DROITS ÉCONOMIQUES, SOCIAUX ET CULTURELS

Vingt-deuxième session

COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA 12ème SÉANCE

tenue au Palais Wilson, à Genève,le mercredi 3 mai 2000, à 10 heures

Présidente : Mme BONOAN‑DANDAN

SOMMAIRE

EXAMEN DES RAPPORTS :

a)RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT AUX ARTICLES 16 ET 17 DU PACTE

Deuxième rapport périodique de la Jordanie

Rapport initial de l'Égypte (suite)

_______________

Le présent compte rendu est sujet à rectifications.

Les rectifications doivent être rédigées dans l'une des langues de travail. Elles doivent être présentées dans un mémorandum et être également incorporées à un exemplaire du compte rendu. Il convient de les adresser, une semaine au plus tard à compter de la date du présent document, à la Section d'édition des documents officiels, bureau E.4108, Palais des Nations, Genève.

Les rectifications aux comptes rendus des séances publiques du Comité seront groupées dans un rectificatif unique qui sera publié peu après la session.

GE.00-41833 (F)

La séance est ouverte à 10 h 5.

EXAMEN DES RAPPORTS :

a)RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT AUX ARTICLES 16 ET 17 DU PACTE (point 6 de l'ordre du jour) (suite)

Deuxième rapport périodique de la Jordanie : [(E/1990/Add.17); document de base (HRI/CORE/1/Add.18/Rev.1); profil de pays (E/C.12/CA/JOR/1); liste des points à traiter (E/C.12/Q/JOR/1)]

1.La PRÉSIDENTE annonce que la Mission de la Jordanie l'a informée que l'État partie ne pouvait envoyer une délégation pour présenter son rapport ni répondre aux questions à traiter, et demandait en conséquence un report de l'examen du rapport. La Présidente a en outre reçu une lettre du Ministre des affaires étrangères de Jordanie et une note verbale de l'Ambassadeur de ce pays allant dans le même sens.

2.M. TEXIER, appuyé par M. WIMER, dit que, comme le cas de la Jordanie est semblable à celui du Portugal, il convient de traiter les deux États de la même façon et d'accepter en conséquence de différer l'examen du rapport de la Jordanie. À l'avenir, cependant, il faudra faire preuve de fermeté et respecter strictement le calendrier.

3.À l'issue d'un débat auquel participent la PRÉSIDENTE, M. GRISSA, M. HUNT, M. CEAUSU et M. RIEDEL, la PRÉSIDENTE déclare qu'une décision sera prise après que l'Ambassadeur de la Jordanie aura eu la possibilité d'exposer au Comité les raisons pour lesquelles l'État partie demande un report de l'examen de son deuxième rapport périodique.

Rapport initial de l'Égypte [(E/1990/5/Add.38); document de base (HRI/CORE/1/Add.19); profil de pays (E/C.12/CA/EGY/1); liste des points à traiter (E/C.12/Q/EGY/1); réponses écrites du Gouvernement égyptien (HR/CESCR/NONE/2000/6)] (suite)

4.Sur l'invitation de la Présidente, la délégation égyptienne reprend place à la table du Comité.

5.La PRÉSIDENTE invite les membres du Comité à poser des questions complémentaires sur les articles 2 et 3 du Pacte.

Articles 2 et 3 du Pacte

6.M. GRISSA dit que le fait qu'un enfant né d'une mère égyptienne ayant épousé un étranger ne peut acquérir la nationalité égyptienne contrairement à un enfant né de père égyptien ayant épousé une étrangère constitue une discrimination que la population élevée du pays ne justifie pas.

7.M. ANTANOVICH dit qu'il y a près de 7 000 réfugiés reconnus comme tels en Égypte, auxquels s'ajoutent environ 80 000 Palestiniens. Les demandeurs d'asile doivent s'adresser au Haut‑Commissariat, qui formule une recommandation généralement suivie par les autorités égyptiennes. Le HCR et l'Égypte coopèrent en vue de la création d'un bureau national chargé de statuer sur l'octroi de l'asile en Égypte. M. Antanovich souhaite savoir si cette coopération continue et si l'Égypte sera prochainement en mesure de régler elle‑même ce genre de question. En ce qui concerne le droit au travail et à la sécurité sociale, l'Égypte maintient sa réserve à l'article 24 de la Convention relative au statut des réfugiés qui prévoit l'égalité de traitement entre les réfugiés et les nationaux dans ce domaine. Or, elle n'a pas émis de réserve concernant l'article 17 qui garantit le droit des réfugiés d'occuper un emploi salarié. Cette situation incite des réfugiés à travailler clandestinement. M. Antanovich souhaite obtenir des informations complémentaires sur les raisons du maintien de la réserve de l'Égypte à l'égard de l'article 24 de cette convention.

8.M. SADI voudrait savoir si des progrès ont été accomplis dans les efforts que l'Égypte déploie en vue de modifier sa législation concernant les droits des enfants issus de mariages mixtes en matière de nationalité. Il estime que les droits supplémentaires qui ont été accordés aux femmes en matière de divorce témoignent de la volonté de l'Égypte d'accorder aux femmes un statut égal à celui des hommes.

9.M. WIMER dit que le droit international est incorporé automatiquement dans le droit égyptien. Il souhaite cependant savoir si, en cas de conflit entre ces deux droits, une femme peut demander à une juridiction de déclarer une loi inconstitutionnelle.

10.M. SALAMA (Égypte) répond que le droit égyptien est très favorable aux réfugiés, puisque le principe du non‑refoulement est consacré par la Constitution. La coopération avec le HCR se poursuit et devrait déboucher sur une plus grande participation des autorités égyptiennes aux décisions relatives à l'octroi du statut de réfugié. En ce qui concerne la réserve de l'Égypte à l'égard de l'article 24 de la Convention relative au statut des réfugiés, comme des Égyptiens doivent aller travailler à l'étranger pour des raisons économiques, l'Égypte ne souhaite pas assister à un afflux de réfugiés économiques. Elle n'a pas émis de réserve au sujet de l'article 17, étant donné que le Ministère du travail conserve la possibilité de ne pas autoriser un réfugié à travailler. Comme les restrictions appliquées par l'Égypte visent les réfugiés économiques, elles n'enfreignent pas le droit international concernant les réfugiés et les droits de l'homme.

11.Il est possible de demander à un tribunal de déclarer une loi inconstitutionnelle. Dans la pratique, cependant, la question ne se pose pas, étant donné que les conventions internationales sont négociées en consultation avec le Parlement, de sorte qu'en cas d'incompatibilité avec la législation nationale, l'Égypte émet une réserve.

12.Récapitulant les progrès accomplis en matière d'égalité entre les sexes, M. Salama souligne qu'une loi adoptée en 2000 garantit l'égalité totale de droits entre hommes et femmes en ce qui concerne le divorce. Une femme peut obtenir le divorce dans un délai de six mois, sans devoir prouver une faute du mari. L'article du Code pénal selon lequel un violeur n'était pas sanctionné s'il épousait sa victime a été aboli. En effet, un certain nombre de femmes acceptaient une telle solution pour épargner le déshonneur à leur famille. Récemment, le Ministère de la santé a interdit les mutilations génitales et un arrêt du Conseil d'État a rejeté la requête d'intégristes qui prétendaient qu'il s'agissait d'une pratique islamique. En ce qui concerne la nationalité, le Ministère de l'éducation a décidé d'accorder la gratuité de la scolarité aux enfants non égyptiens de couples mixtes. Le Conseil national pour les femmes, créé récemment et présidé par l'épouse du chef de l'État, mène une action très utile. Dans d'autres domaines, un débat est en cours et pourrait déboucher sur des mesures concrètes. C'est ainsi qu'il est envisagé d'octroyer la nationalité à tous les enfants issus de mariages mixtes et de ne plus faire preuve de clémence à l'égard des maris qui tuent leur femme adultère. En revanche, la polygamie relève du droit islamique et ne peut être abolie. Cependant, le nombre de cas de polygamie a été réduit à 1 %, principalement pour des raisons économiques et culturelles. Un mari qui prend une seconde épouse doit en informer la première, qui a alors le droit de demander le divorce.

13.M. KHALIL (Égypte), répondant à une question sur la discrimination à l'égard des femmes, dit que les mesures prises par le Gouvernement égyptien visent avant tout à mettre fin à la soumission de la femme à l'homme. Aujourd'hui, cette conception du rôle de la femme héritée du passé ne subsiste que dans les zones rurales, où elle est combattue vigoureusement par le truchement de campagnes d'éducation et de sensibilisation, ainsi que de programmes d'émancipation économique. Les statistiques disponibles montrent que, dans une certaine mesure, ces efforts portent leurs fruits. Ainsi, même si le taux d'analphabétisme reste élevé parmi les femmes, soit 51 %, on peut se féliciter du grand nombre de femmes occupant des postes de responsabilité : il y a notamment deux femmes ministres, une vice‑présidente au Parlement et plusieurs ambassadrices.

14.En ce qui concerne la question de la saisine d'une juridiction par une femme, M. Khalil précise que les femmes peuvent, dès l'âge de 15 ans, intenter une action en justice et qu'à cet égard leurs obligations, devoirs et droits sont équivalents à ceux des hommes. Répondant à une question sur le mandat et les fonctions du Procureur de la République, il précise que ce poste a été créé en 1971 dans le cadre de la lutte contre les fonds illégaux provenant du trafic de stupéfiants.

15.La PRÉSIDENTE invite les membres du Comité à faire des observations ou à demander des précisions sur les réponses de l'État partie (HR/CESCR/NONE/2000/1) aux questions 12 à 20 de la liste des points à traiter (E/C.12/Q/EGY/1).

Articles 6 à 8 du Pacte

16.M. KOUZNETSOV relève, dans la réponse à la question 12, que pour résorber le chômage le Gouvernement doit créer 600 000 emplois par an. Or, de 1997 à 1998, ce sont exactement 600 000 emplois qui ont été créés. On peut s'étonner de l'identité parfaite de ces deux chiffres. Le Gouvernement a‑t‑il été en mesure, ces dernières années, de maintenir le même rythme de création d'emplois ?

17.M. ANTANOVICH souhaiterait que la délégation égyptienne fournisse davantage d'informations sur la loi relative au travail évoquée dans la réponse à la question 14. En ce qui concerne le salaire minimum, la réponse de l'État partie ne permet pas de savoir si le montant de ce salaire correspond au "panier de la ménagère" ou s'il s'agit simplement d'une unité de mesure de l'évolution du salaire.

18.M. TEXIER note que le taux de chômage a été réduit à 7,4 %, ce qui représente un bon résultat vu que, dans beaucoup de pays, il dépasse les 10 %. Cependant, que recouvre‑t‑il exactement ? Prend‑il en compte le secteur informel ? Est‑il calculé sur la seule base du nombre de personnes qui se présentent aux bureaux de l'emploi, auquel cas sa révision s'impose, ou traduit‑il réellement l'étendue du chômage ? Dans le cadre de la lutte contre le chômage, quels sont les programmes spécifiques qui ont été entrepris en faveur des jeunes, des chômeurs de longue durée et des femmes ? M. Texier, notant que la proportion des enfants âgés de 6 à 15 ans qui travaillent est considérable, demande quelles sont les mesures concrètes prises par le Gouvernement pour remédier à cette situation. Il souhaite également savoir si, conformément à l'article 7 du Pacte, le montant du salaire minimum permet au travailleur et à sa famille de vivre décemment.

19.Abordant la question de la liberté syndicale, M. Texier rappelle que la Commission d'experts de l'OIT pour l'application des conventions et recommandations a, à maintes reprises, demandé au Gouvernement égyptien de garantir le droit pour les travailleurs de constituer des organisations de leur choix et pour ces organisations d'élire librement leurs représentants et d'organiser leurs activités. Or la législation et la pratique en Égypte ne semblent correspondre ni aux exigences de la Convention No 187 de l'OIT sur la liberté syndicale ni aux dispositions de l'article 8 du Pacte. Ainsi, on peut imposer une médiation obligatoire à la demande d'une des parties à une grève, ce qui constitue incontestablement une restriction du droit de grève. Aussi la Commission d'experts a‑t‑elle demandé la modification de l'article 14 de la loi de 1995, qui exige le consentement de l'Union générale des syndicats avant l'organisation d'une grève. Le Gouvernement a‑t‑il modifié cet article ou a‑t‑il l'intention de le faire ? Enfin, en ce qui concerne les négociations collectives, la Commission d'experts de l'OIT insiste depuis longtemps sur la nécessité de modifier l'article 87 du Code du travail égyptien, selon lequel toute clause ou convention collective susceptible de porter atteinte aux intérêts économiques du pays sera réputée nulle et non avenue. C'est là une disposition assez grave, eu égard au caractère vague de l'expression "intérêts économiques". Le Gouvernement a‑t‑il modifié cette disposition du Code du travail, comme il s'est engagé à le faire ?

20.M. CEAUSU dit que la délégation a fourni des informations utiles qui illustrent la volonté du Gouvernement égyptien de lutter énergiquement contre le chômage et de créer des emplois. Les résultats de ses efforts sont déjà visibles, comme l'attestent la croissance économique et la baisse du chômage. Cependant, il aurait été plus utile, pour mieux se rendre compte de l'exercice du droit au travail, de disposer de données statistiques sur la structure de l'économie et, en particulier, sur les parts respectives du secteur privé et du secteur public ainsi que sur la contribution de l'industrie, de l'agriculture et des services à la formation du produit intérieur brut.

21.En ce qui concerne le droit à des conditions de travail justes et favorables, M. Ceausu note, dans la réponse à la question No 14, que l'article 170 de la loi sur le travail prévoit l'imposition d'une amende à tout employeur qui en viole les dispositions. La délégation pourrait-elle fournir des statistiques ou des exemples de sanctions prises contre ceux qui contreviennent à la loi sur les salaires ? De même, aucune statistique n'est fournie dans la réponse à la question No 16 sur l'application du principe "à travail égal salaire égal", la délégation se contentant de dire qu'il n'y a aucune discrimination dans la rémunération entre les femmes et les hommes ou entre toutes les personnes exerçant le même emploi, indépendamment de leur sexe, de leurs convictions politiques ou religieuses. Des données statistiques ventilées par sexe auraient permis de se faire une idée plus claire de la situation.

22.En ce qui concerne les droits syndicaux, M. Ceausu note, dans la réponse à la question No 17, que le regroupement des syndicats dans une fédération unique répond au souhait des travailleurs eux-mêmes. Y a-t-il eu un référendum ou une quelconque consultation pour connaître ce souhait ou est-ce une simple supposition ? L'adhésion à un syndicat est-elle obligatoire et quel est le degré de syndicalisation des employés en Égypte ? Enfin, M. Ceausu note que parmi les sept objectifs de la nouvelle loi sur les associations, figure la "facilitation des modalités d'enregistrement". Il souhaiterait que la délégation précise ces modalités et qu'elle indique les différences entre la nouvelle loi et la législation précédente. Quel est le nombre des associations qui se sont fait enregistrer sur la base de cette nouvelle loi ?

23.M. WIMER juge bien insuffisante la réponse donnée à la question No 17 relative au regroupement des syndicats dans une fédération unique. Un tel regroupement ne relève certainement pas d'une quelconque volonté des travailleurs, mais plutôt d'une décision du pouvoir. L'histoire montre qu'une fédération syndicale unique, structure autoritaire s'il en est, correspond à un certain système politique, à savoir un régime socialiste. M. Wimer souhaite des informations plus précises sur l'état du syndicalisme en Égypte.

24.M. THAPALIA note qu'en vertu de l'article 131 de la Constitution égyptienne, tout traité ratifié par l'Égypte et publié au Journal officiel est considéré comme faisant partie intégrante de la législation nationale. En cas de conflit entre les dispositions du Pacte et celles de la législation nationale, lequel de ces deux instruments prévaut, en particulier pour ce qui est du droit d'association ?

25.M. KHALIL (Égypte) dit qu'un nouveau projet de code du travail, comportant un volet pour le secteur privé et un autre pour la fonction publique, vient d'être élaboré. Ce projet fait actuellement l'objet d'un large débat à tous les niveaux (partis, associations, syndicats, etc.), l'objectif étant de disposer d'un texte complet garantissant tous les droits des travailleurs.

26.En ce qui concerne la lutte contre le chômage, M. Khalil dit que la création d'un fonds social de développement, la distribution de terres à des jeunes diplômés et le lancement de projets géants ont permis de porter le nombre de travailleurs de 14 879 000 en 1994-1995 à 16 955 000 en 1997-1998. Le Gouvernement s'est en effet engagé à créer 600 000 postes de travail par an et il entend maintenir ce rythme de création d'emplois.

27.Répondant à la question relative à la nouvelle loi sur les associations, M. Khalil dit que les principales avancées que constitue ce texte sont les suivantes : restriction du pouvoir des autorités administratives, recours aux tribunaux pour trancher tout différend entre les autorités administratives et les associations et octroi aux associations et aux organismes privés de l'autorisation de recevoir des fonds de l'étranger sous réserve de l'approbation de l'autorité administrative compétente, l'absence de réponse dans un délai de 60 jours valant approbation. Cette nouvelle loi, élaborée avec la participation des associations locales, représente incontestablement un progrès en matière de droit d'association.

28.M. TAWFIK (Égypte), insiste sur l'importance que revêt le salaire minimum, qui doit non pas être exprimé en chiffres absolus, mais s'inscrire dans la réalité économique. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement égyptien, après consultation des partenaires sociaux – syndicats ouvriers et patronaux – a décidé de l'indexer en fonction des résultats économiques et de l'inflation. L'Égypte a en outre mis en place un système d'indemnités de logement et de transport notamment, qui s'ajoute au salaire minimum et permet de mieux répondre aux besoins de la population.

29.Le rapport annuel pour 2000 de l'OIT mentionne que l'Égypte a pris en compte la Convention sur le droit d'organisation et de négociation collective (Convention No 98) et la Convention concernant la liberté syndicale et la protection du droit syndical (Convention No 87) pour réformer son droit du travail. L'application de ces deux conventions, que l'Égypte a ratifiées, fait l'objet d'un examen minutieux de la part du mécanisme de suivi de l'OIT qui a pour vocation d'aider les gouvernements à déterminer les domaines dans lesquels des améliorations peuvent être apportées.

30.S'agissant du droit de grève, l'Égypte le considère indispensable au bon fonctionnement du système de négociation collective. Elle souhaite que sa main‑d'œuvre soit bien représentée et capable de défendre ses intérêts. La réforme du droit du travail qui est en cours accorde d'ailleurs à ce droit une place importante.

31.Le travail des enfants est l'un des problèmes majeurs du monde en développement. Il est imputable principalement à la pauvreté et à la faiblesse des revenus. Or, en luttant contre le travail des enfants, on encourage la scolarisation, ce qui contribue à réduire la pauvreté. À cette fin, l'Égypte a pris diverses mesures. En premier lieu, elle a mis en place un cadre juridique approprié. Elle a notamment adopté en 1999 une nouvelle loi visant entre autres à relever l'âge minimum d'admission à l'emploi. Elle a également ratifié la Convention No 138 de l'OIT sur l'âge minimum et a engagé la procédure de ratification de la Convention No 182 sur les pires formes de travail des enfants, qui est l'instrument de référence en la matière. En second lieu, l'Égypte a mis en place un cadre administratif chargé de veiller à l'application des lois. Elle a notamment créé le Conseil supérieur de la maternité et de l'enfance et un nouveau département, au sein du Ministère du travail, chargé de coordonner la lutte contre le travail des enfants. Convaincue que l'enseignement joue un rôle déterminant dans cette lutte, l'Égypte a adopté plusieurs mesures dans ce domaine : enseignement primaire obligatoire et lutte contre l'abandon scolaire entre autres. M. Tawfik insiste également sur le rôle clé que jouent les ONG dans cette lutte. En effet, elles ne se cantonnent pas à un rôle de sensibilisation : elles sont également très actives dans la réinsertion des enfants que les inspecteurs du travail retirent des usines et autres lieux de travail et prennent aussi en charge leurs parents. La tâche de l'inspection du travail est difficile. Pour lutter efficacement contre le travail des enfants, il est nécessaire de former des inspecteurs dans ce domaine et l'Égypte travaille, en collaboration avec l'OIT, à la mise en place de programmes de formation, avec des stages à Genève et en Égypte.

32.L'évaluation des progrès est une autre question clé : on sait que les enfants sont nombreux à travailler en Égypte, mais il n'existe pas de données fiables sur le sujet. En effet, comme ils sont souvent employés dans le secteur informel, ils échappent aux statistiques. L'Égypte collabore donc avec l'OIT à la mise en place d'un programme de statistiques. Elle préconise l'abolition de toute forme de travail des enfants, mais elle se concentre avant tout sur les travaux dangereux pour la santé des enfants, se félicitant que très peu d'enfants égyptiens soient concernés par les pires formes de travail visées par la convention No 182 de l'OIT. Elle espère pouvoir ensuite élargir son action à d'autres secteurs, au travail des enfants dans l'agriculture par exemple.

33.Concernant la loi sur les associations en Égypte, M. Tawfik précise qu'elle se rapporte aux ONG, et non pas aux syndicats, qui font quant à eux l'objet de la réforme en cours du droit du travail.

34.M. WIMER souhaite avoir un complément d'information sur le droit de grève, notamment sur la procédure de déclenchement d'un arrêt de travail. Il demande si la décision de déclarer une grève licite ou illicite incombe au ministère du travail ou de l'intérieur.

35Mme JIMENEZ BUTRAGUENO aimerait en savoir plus sur les accidents du travail et les maladies professionnelles, et sur les mesures prises par le Gouvernement égyptien dans ce domaine.

36.M. TAWFIK (Égypte) répond, en ce qui concerne le taux de chômage, qu'il existe un indicateur fiable dans ce domaine : l'autorité centrale mise en place par le Gouvernement, avec pour mission de recenser tous les demandeurs d'emploi et de garantir le plein emploi. Mais les chiffres sont faussés par l'absence de statistiques sur le secteur informel. On sait seulement que les personnes les moins éduquées, celles qui ne savent ni lire ni écrire, trouvent facilement un emploi dans ce secteur, parce qu'elles acceptent toutes les propositions et que celles qui ont un niveau élevé d'études sont souvent au chômage. Quant aux femmes, on peut se demander si elles ne pourraient figurer au nombre des chômeurs. Il est difficile de faire la distinction entre celles qui ne souhaitent vraiment pas travailler et celles qui ne se portent pas candidates de crainte de se voir refuser le travail qui les intéresse. Malgré cela, on peut considérer que d'une manière générale, le taux de chômage de 7,4 % reflète assez bien la réalité.

37.En ce qui concerne les accidents du travail et les maladies professionnelles, le Gouvernement a publié une liste énumérant les différentes activités professionnelles présentant un risque pour la santé et pour lesquelles des règles de sécurité doivent être édictées.

38.M. PILLAY souligne que, d'après la Confédération internationale des syndicats libres, la loi ne reconnaît pas le droit de grève et que les grévistes sont passibles d'une peine d'emprisonnement pouvant aller jusqu'à deux ans. Il semblerait, par exemple, qu'une grève des employés des chemins de fer ait conduit au licenciement ou à la suspension d'un certain nombre d'entre eux, assortis d'une sanction de cette nature. On peut donc dire que l'Égypte ne remplit pas ses obligations au titre du Pacte et doit impérativement modifier son code pénal. M. Pillay suggère que l'Égypte entreprenne une réforme de toute sa législation plutôt que de modifier ou d'abroger telle ou telle loi incompatible avec le Pacte.

39.M. KHALIL (Égypte) répond que le droit de grève existe bel et bien en Égypte et qu'il est réglementé par la loi N° 12 de 1995. Celle-ci dispose que les responsables syndicaux peuvent déclencher un mouvement de grève à condition d'adresser un préavis à cet effet à l'employeur et à l'autorité administrative compétente. Les grévistes suspendus ou licenciés auxquels il a été fait référence n'ont pas été sanctionnés, la justice ayant estimé qu'ils ne pouvaient l'être, le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels reconnaissant le droit de grève aux travailleurs. Mais ceux qui ont été punis l'ont été non pas pour s'être mis en grève mais pour avoir commis des actes délictueux pendant la grève.

40.Quant à la suggestion d'une réforme de la législation dans son ensemble, c'est précisément ce à quoi s'attelle l'Égypte. Les décisions de la Cour suprême, de la Cour d'appel et du Conseil constitutionnel prennent immédiatement effet et les lois sont modifiées en conséquence. L'Égypte entend ainsi respecter ses obligations internationales et appliquer la politique énoncée par l'OIT en matière d'emploi.

Articles 9 et 10 du Pacte

41.M. MARCHAN ROMERO souhaite avoir des précisions sur les droits patrimoniaux de la femme qui divorce, notamment par rapport à ceux des enfants.

42.M. SADI demande à la délégation si elle ne craint pas que la nouvelle législation qui facilite le divorce, conjugée à la liberté du mari de divorcer arbitrairement, n'affaiblisse l'institution du mariage et ait des conséquences néfastes sur les enfants. Par ailleurs, plutôt que de refuser aux mères le droit de transmettre leur nationalité à leurs enfants, ne serait-il pas plus judicieux de mettre fin à la polygamie et freiner ainsi l'accroissement de la population ? M. Sadi souhaite avoir des précisions sur la planification familiale et sur l'éducation sexuelle. En ce qui concerne l'excision, il voudrait savoir si cette pratique, fermement condamnée par la loi, est encore observée, notamment dans les campagnes. Constatant que l'Égypte a tendance à formuler des réserves lorsque certaines dispositions entrent en conflit avec son droit interne, il appelle l'attention de la délégation sur le fait qu'en droit international, on considère désormais qu'il n'est pas possible de formuler des réserves sur les principes fondamentaux relatifs aux droits de l'homme.

43.M. HUNT demande si le viol conjugal est puni par la loi et, dans le cas contraire, si le Gouvernement se propose de réformer la législation dans ce sens.

44.M. KOUZNETSOV souhaite que la délégation explique les raisons principales pour lesquelles l'Égypte n'a pas ratifié les Conventions Nos 102 et 117 de l'OIT qui portent sur la protection sociale. Les autorités envisagent-elles de les ratifier dans un avenir proche ?

45.M. CEAUSU désire en savoir davantage sur les conditions dans lesquelles les prestations sociales pour accident du travail et chômage sont accordées. Quel est le nombre d'années de travail pris en compte, quelle est la durée de la prestation et quels sont les critères utilisés pour en déterminer le montant ? En ce qui concerne les obstacles à surmonter pour garantir le droit de contracter un mariage librement consenti, M. Ceausu demande que font les autorités pour aider les enfants à ne pas céder à la coutume du mariage précoce. Existe-t-il une législation pénale dissuasive ? Y a t-il une possibilité légale de faire annuler les mariages contractés en violation de la législation sur l'âge minimum ? Les autorités font-elles preuve de fermeté ? Envisagent-elles de prendre des mesures législatives pour faire respecter la loi sur le consentement au mariage ?

46.M. TEXIER interroge la délégation sur la tendance actuelle du système de retraite : régime par répartition ou fonds de pension ? En ce qui concerne la protection de la femme enceinte au travail, il demande si la femme salariée qui accouche a la garantie de récupérer son emploi au même poste après son congé de maternité. Est-il interdit de licencier une femme enceinte ou qui a accouché ? S'agissant du travail des enfants, M. Texier souhaite savoir si les autorités égyptiennes envisagent de relever l'âge minimum d'admission à l'emploi et de prendre des mesures concrètes pour diminuer le nombre d'enfants qui travaillent, notamment en veillant à ce qu'un enseignement scolaire soit bien dispensé, au moins au niveau primaire.

47.M. PILLAY, citant l'article 11 de la Constitution égyptienne, estime qu'il y a discrimination entre les fonctionnaires et les travailleurs du secteur privé, les premiers bénéficiant d'avantages plus étendus que les seconds en matière de congé de maternité par exemple. Pour ce qui est du travail des enfants, il semble que la législation ne soit pas respectée et que les lieux de travail ne soient pas bien inspectés. Il s'étonne qu'aucun recours n'ait été formé auprès de la Haute Cour constitutionnelle à ce sujet.

48.M. THAPALIA souhaite connaître le nombre et la situation des enfants vivant dans les rues. Sont-ils toxicomanes, victimes d'abus sexuels, etc. ? Qui s'occupe d'eux ? Des projets sont-ils mis en œuvre par le Gouvernement ou par des ONG pour améliorer leur situation ?

49.Mme JEMENEZ BUTRAGUEÑO désire avoir des précisions sur les retraites : montant par rapport au dernier salaire, taux minimum et maximum. Les prestations, notamment de vieillesse, sont-elles suffisantes pour assurer un niveau de vie décent à leurs bénéficiaires ? Comment est répartie la pension de veuve en cas de polygamie ?

50.La PRÉSIDENTE demande s'il est vrai que les femmes peuvent obtenir rapidement le divorce à condition de renoncer à tous leurs droits sur le plan financier et de restituer la dot versée à leurs parents par leur époux. Elle souhaite en outre avoir un complément d'information sur les difficultés rencontrées par le Gouvernement pour mettre en œuvre les mesures prises en vue de lutter contre la violence à l'égard des femmes. Enfin, elle désire savoir ce que fait le Ministère des affaires sociales pour promouvoir et protéger les droits des femmes.

51.M. SALAMA (Égypte) dit que le droit de la femme divorcée de recevoir, jusqu'à son remariage et même si elle n'en a pas besoin, une pension alimentaire de la part de son ancien mari est reconnu dans la loi islamique. De plus, la loi No 1 de 2000 qui vient d'être adoptée fait obligation à la banque publique chargée des œuvres sociales de se substituer à l'ancien mari si, pour une raison ou une autre, celui-ci ne peut s'acquitter de son obligation. L'époux a le droit non seulement de divorcer arbitrairement, mais aussi celui de refuser arbitrairement le divorce. La nouvelle loi dispose que l'épouse qui ne peut obtenir un divorce à l'amiable, c'est‑à‑dire avec le consentement de son mari, doit engager une procédure devant les tribunaux pour expliquer ses motivations. Le divorce est accordé en cas de mauvais traitements physiques, voire psychologiques, conformément à la loi islamique, au droit interne et à la jurisprudence. La loi susmentionnée introduit une nouvelle procédure qui permet à la femme de divorcer automatiquement de son mari à condition de ne pas demander de pension alimentaire et de rembourser la dot, qui est souvent une somme modique, sans aucune incidence sur le droit de garde des enfants. Dès qu'elle est entrée en vigueur, des centaines d'actions ont été engagées devant les tribunaux. Aux dires de ses opposants, appartenant essentiellement au courant conservateur et religieux, elle risque de mettre en danger la famille, mais la délégation estime qu'elle finira par être acceptée.

52.M. Salama dit que les principaux obstacles à la lutte contre la violence à l'égard des femmes sont les valeurs traditionnelles et l'ignorance. La loi No 1 de 2000 vise notamment à améliorer la condition de la femme. Dans ce domaine, le Ministère des affaires sociales et davantage encore le Conseil supérieur de la maternité et de l'enfance jouent un grand rôle. Il est important que la société civile soit associée. Le viol conjugal n'est pas puni par la loi. Cet acte, qui demeure rare, peut être poursuivi sous la qualification de violence ou sous celle de mauvais traitements justifiant le divorce.

53.En matière de succession, la part d'héritage de la femme est égale à la moitié de celle de l'homme. Mais, en contrepartie, les femmes n'ont, en droit et en fait, aucune obligation de participer aux dépenses du ménage. De leur naissance à leur mort, elles sont prises en charge par leur père, leur frère, leur mari ou, à défaut, par le système d'assurances sociales, notamment quand elles sont veuves ou âgées. Enfin, on ne peut parler de discrimination entre la fonction publique et le secteur privé dans la législation du travail, ces deux secteurs étant simplement soumis à des régimes différents en matière d'heures de travail, de rémunération, etc.

54.M. TAWFIK (Égypte) dit que son pays a ratifié toutes les conventions fondamentales de l'OIT. En ce qui concerne la Convention No 102 sur la sécurité sociale, le Gouvernement égyptien étudie la question avec l'OIT et envisage de prendre des mesures dans ce domaine. Par ailleurs, le droit des femmes enceintes de retrouver leur emploi est garanti. Enfin, depuis 1999, l'âge minimum d'admission à l'emploi est de 14 ans en général conformément au droit international, et de 17 ans pour les travaux dangereux.

La séance est levée à 13 h 5.

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