Nations Unies

E/C.12/2012/SR.31

Conseil économique et social

Distr. générale

5 février 2013

Français

Original: anglais

Comité des droits économiques, sociaux et culturels

Quarante - neuvième session

Compte rendu analytique de la 31 e séance

Tenue au Palais Wilson, à Genève, le mardi 13 novembre 2012, à 10 heures

Président: M. Pillay

Sommaire

Examen des rapports:

a)Rapports soumis par les États parties conformément aux articles 16 et 17 du Pacte

Rapport initial et deuxième et troisième rapports périodiques de la République-Unie de Tanzanie

La séance est ouverte à 10 h 5.

Examen des rapports

a)Rapports soumis par les États parties conformément aux articles 16 et 17 du Pacte

Rapport initial et deuxième et troisième rapports périodiques de la République-Unie de Tanzanie (E/C.12/TZA/1-3, E/C.12/TZA/Q/1-3 et Add.1; HRI/CORE/TZA/2012)

1. Sur l’invitation du Président, la délégation tanzanienne prend place à la table du Comité.

2.M me Kairuki (République-Unie de Tanzanie), présentant le rapport, dit que c’est en raison d’un manque de ressources et de dysfonctionnements de nature structurelle que son pays a pris un tel retard dans la présentation de son rapport. La création de la Division des affaires constitutionnelles et des droits de l’homme, dont le mandat est de coordonner l’établissement des rapports relatifs aux droits de l’homme que la Tanzanie est tenue de présenter en vertu de ses engagements internationaux, devrait permettre d’éviter que cela se reproduise.

3.La Tanzanie a soumis son premier rapport au titre de l’Examen périodique universel en juillet 2011, et le Conseil des droits de l’homme a adopté son document final en mars 2012. La Tanzanie fait actuellement le nécessaire pour donner suite aux diverses recommandations formulées à son endroit.

4.Diverses parties prenantes ont participé à l’élaboration du rapport et des réponses écrites à la liste des points à traiter, dont des représentants de ministères et d’organismes publics, de la société civile et d’organisations internationales.

5.La Tanzanie faisant partie des pays les moins avancés, la jouissance des droits économiques, sociaux et culturels dépend largement de l’éradication de la pauvreté. Dans le cadre d’une approche participative, le Gouvernement a mis au point une politique de développement pour la Tanzanie, Vision 2025, ainsi qu’une politique, Vision 2020, pour Zanzibar, assorties de stratégies de mise en œuvre. Ces stratégies mettent l’accent sur la croissance économique et la réduction de la pauvreté, sur la qualité de vie et la protection sociale, ainsi que sur la bonne gouvernance et l’obligation de rendre des comptes. Un système de suivi a été prévu pour en évaluer l’application. La première phase de la mise en œuvre, qui s’est achevée en 2010, a abouti à une amélioration de la croissance économique, une hausse du revenu par habitant, une meilleure autonomie alimentaire, davantage de transparence dans l’utilisation des fonds publics et de meilleurs indices dans le domaine de l’éducation, de la santé et de la gestion de l’eau.

6.Adoptée en 1977, la Constitution tanzanienne fait actuellement l’objet d’une vaste réforme dont l’objectif est d’adapter cet instrument à l’évolution de la société et aux besoins de la population. La Commission de révision de la Constitution a été chargée de rédiger un nouveau projet dans un délai de dix-huit mois.

7.Dynamique et indépendant, l’appareil judiciaire tanzanien joue un rôle important dans la protection des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Il est aidé dans sa tâche par la Commission des droits de l’homme et de la bonne gouvernance, organe indépendant créé en 2001. Compte tenu de ses bons résultats, la Commission a été dotée du statut «A» par le Comité international de coordination des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l’homme (CIC).

8.La Constitution tanzanienne et celle de Zanzibar interdisent expressément la discrimination au motif de la race, de la couleur, du sexe, de la langue, de la religion, des opinions politiques, de l’origine nationale ou sociale, de la naissance ou du statut social. Les lois relatives à l’emploi et aux relations de travail, au VIH/sida et à la terre interdisent la discrimination et garantissent l’égalité des hommes et des femmes. Il existe également un certain nombre de politiques en faveur de l’égalité ainsi que des politiques de lutte contre la discrimination fondée sur le niveau d’instruction et l’âge, et d’autres politiques encore destinées à combattre la discrimination à l’égard des enfants, des handicapés et des femmes. En vertu de modifications apportées à la Constitution en 2003, le nombre de sièges réservés aux femmes au Parlement a augmenté, celles-ci constituant désormais 36,6 % du nombre total de parlementaires.

9.S’agissant du droit à la santé, de nombreuses installations sanitaires ont été construites ou rénovées dans tout le pays. Comme prévu, certaines initiatives, telles que le Programme de développement des services de soins de santé primaires et le Plan stratégique 2008-2015 pour la santé procréative et la santé infantile, ont été mises en œuvre. La santé procréative et la santé infantile restent une priorité, et l’enquête démographique et de santé (EDS) 2010 de la Tanzanie a confirmé la baisse constante des taux de mortalité maternelle et infantile. En 2011, la Fondation pour les Nations Unies a décerné à la Tanzanie le prix de la solidarité numérique (Social Good Award) pour avoir misé sur les médias sociaux et les nouvelles technologies pour relever les défis liés au développement, dont les soins de santé maternelle.

10.Pour ce qui est du VIH/sida, le Gouvernement a poursuivi la mise en œuvre du Programme national de lutte contre le sida en mettant à la disposition des personnes vivant avec le VIH/sida des services de traitement, de soins, de conseil et de dépistage volontaire du VIH. En conséquence, la prévalence du VIH, chez les 15-24 ans en particulier, a considérablement baissé.

11.Le Plan stratégique national à moyen terme (2008-2012) de lutte contre le paludisme a également été couronné de succès, le pourcentage de foyers dotés d’au moins une moustiquaire s’étant sensiblement accru. Le Président de la République-Unie de Tanzanie s’est vu décerner par l’Alliance des dirigeants africains contre le paludisme un prix pour avoir mené avec brio la campagne d’éradication du paludisme.

12.D’immenses progrès ont également été enregistrés dans le domaine de l’éducation. Le taux de scolarisation net dans l’enseignement primaire est en effet passé de 96,1 % en 2005 à 99 % en 2010, tandis que le rapport élèves/enseignants, toujours dans l’enseignement primaire, a baissé, passant de 56 à 45 élèves par enseignant entre 2005 et 2010. En 2010, la Tanzanie a reçu le Prix des Nations Unies pour être parvenue à atteindre, cinq ans avant la date buttoir de 2015, l’objectif du Millénaire pour le développement consistant à instaurer l’enseignement primaire pour tous. Le nombre d’élèves dans le secondaire s’est également accru de 11,7 % en 2010, après que le Gouvernement eut exprimé le vœu que tous les écoliers titulaires du diplôme de fin d’études primaires soient systématiquement inscrits dans le secondaire.

13.Conscient des besoins spéciaux des handicapés, le Gouvernement met en œuvre le Plan stratégique en faveur de l’éducation inclusive, adopté en 2010. En conséquence, le taux de scolarisation des élèves handicapés est passé de 24 % en 2006 à 34 % en 2011. Pour ce qui est des segments de la société qui ont toujours été marginalisés, comme les communautés de pasteurs et de chasseurs-cueilleurs, le Gouvernement a construit 15 internats primaires dans sept communautés de pasteurs. Des programmes de repas scolaires ont également été lancés avec l’aide du Programme alimentaire mondial.

14.Le Gouvernement a élaboré une politique de réadmission scolaire pour répondre au problème des grossesses précoces, qui constituent l’un des facteurs faisant obstacle à la réalisation du droit à l’éducation des filles et des jeunes femmes. Il a également pris d’autres mesures, comme l’inscription de modules sur la santé sexuelle et procréative dans les programmes scolaires de l’enseignement primaire et secondaire, la fourniture à toutes les filles de manuels destinés à leur faire acquérir des compétences pratiques, la construction de centres d’hébergement pour les filles, la mise en place d’un système éducatif pour adultes et d’un système d’éducation informelle, et, enfin, a pénalisé le fait de contraindre un enfant à interrompre ses études.

15.Le Gouvernement continue de promouvoir et de protéger le droit au travail. La Tanzanie est partie aux principales conventions de l’Organisation internationale du Travail (OIT), dont la plupart ont été intégrées au droit interne par l’adoption de la loi relative à l’emploi et aux relations de travail et la loi relative aux institutions du travail. Le taux de chômage a baissé, passant de 12 % en 2005 à 11 % en 2010.

16.L’Autorité de réglementation de la sécurité sociale a été créée en 2008 pour réglementer les régimes de sécurité sociale et veiller à ce qu’ils offrent des services de meilleure qualité aux bénéficiaires. Le Gouvernement travaille actuellement à l’élaboration d’un régime de protection sociale qui devrait aboutir à la mise en place d’un système de retraite universel pour les personnes âgées.

17.Un certain nombre de mesures ont été prises en faveur de la promotion et de la protection des droits des femmes. En 2007, la Tanzanie a ratifié le Protocole relatif aux droits de la femme en Afrique, qui appelle à condamner toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, à éradiquer les pratiques traditionnelles néfastes, à faciliter l’accès à la justice, à garantir l’égale protection de la loi, à faire respecter les droits en matière de santé procréative et les droits à la propriété foncière, ainsi qu’à offrir une protection spéciale aux femmes handicapées.

18.La Tanzanie s’est acquittée des obligations découlant de la Convention relative aux droits de l’enfant et des deux Protocoles s’y rapportant et a incorporé la Convention dans la législation nationale en promulguant en 2009 la loi relative à l’enfance, qui prévoit la réforme et la codification des lois pertinentes ainsi que la promotion et la protection des droits de l’enfant. La Tanzanie a été le premier pays d’Afrique à mener au niveau national une étude sur la violence faite aux enfants, dont les conclusions ont fait l’objet d’un rapport publié en 2011. Suite à cela, un système de protection de l’enfance a été mis en place, et l’État travaille à l’élaboration d’une stratégie en faveur de l’instauration d’un système de justice pour mineurs.

19.En application de la Déclaration et du Programme d’action de Vienne, un projet de plan national d’action en faveur des droits de l’homme, actuellement examiné par les parties prenantes, devrait être finalisé prochainement. Une équipe composée de représentants du Gouvernement, de la Commission des droits de l’homme et de la bonne gouvernance et de la société civile joue un rôle de premier plan à cet égard, tout en bénéficiant du soutien que lui apporte le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) dans le cadre de l’initiative «Unité d’action des Nations Unies».

20.Pour faire respecter le droit à un niveau de vie suffisant, le Gouvernement a poursuivi en 2011 la mise en œuvre de la politique nationale d’autonomisation économique en développant l’offre de crédits dans des conditions favorables par le truchement de fonds pour l’autonomisation. Le Fonds tanzanien d’action sociale créé par le Gouvernement continue à promouvoir les moyens de subsistance des communautés tanzaniennes en finançant des projets de développement.

21.Le Gouvernement a mis en place des mécanismes institutionnels, décisionnels et législatifs dans le domaine de la sécurité alimentaire. La promulgation de cette législation, qui a porté création du Département de la sécurité alimentaire chargé de gérer la réserve céréalière stratégique, a marqué une étape importante. Les chiffres de 2011 ont en effet révélé que le pays était autosuffisant sur le plan alimentaire.

22.Officiellement lancée en 2009, l’initiative Kilimo Kwanza (Révolution verte) repose sur un éventail complet d’instruments décisionnels et d’interventions stratégiques qui devraient permettre au pays de surmonter les divers problèmes de nature sectorielle et de saisir les nombreuses occasions qui s’offrent à lui de moderniser l’agriculture et d’écouler sa production. Zanzibar s’est doté d’un programme similaire intitulé Transformation de l’agriculture 2010-2020.

23.Pour ce qui est du droit à la culture, la Tanzanie est un État multiculturel où cohabitent plus de 120 groupes ethniques, unis par une seule langue: le kiswahili. Le rapport à l’examen décrit les diverses mesures législatives, gouvernementales et administratives prises aux fins de la promotion, de la protection et de l’exercice de ce droit.

24.Partie à la Convention des Nations Unies contre la corruption, la Tanzanie a décidé d’adapter son cadre juridique national et ses institutions afin de combattre la corruption de manière plus ciblée. La mise en œuvre, au niveau national, de la stratégie et du plan d’action de lutte contre la corruption, qui s’est achevée en 2011, aurait, d’après l’évaluation qui en a été faite, porté ses fruits en parvenant à changer les mentalités sur cette question.

25.En dépit des efforts mis en œuvre, il reste encore beaucoup à faire pour assurer le plein exercice de tous les droits consacrés par le Pacte. Bien qu’il soit conscient de la responsabilité première qui lui incombe de mettre en œuvre les garanties prévues dans le Pacte, le Gouvernement reconnaît le rôle majeur que jouent les partenaires de développement, la Commission des droits de l’homme et de la bonne gouvernance et les organisations non gouvernementales (ONG) à cet égard.

26.Le Président invite les membres du Comité à poser des questions.

Articles 1er à 5

27.M.  Abashidze (Rapporteur pour la Tanzanie) remercie la délégation pour la présentation de son rapport toutefois attendu depuis 1990. Il insiste sur le fait que la présentation des rapports dans les délais est l’un des principaux engagements que les États parties au Pacte doivent honorer.

28.M. Abashidze invite la délégation à indiquer quelle est la position de l’État partie sur la ratification du Protocole facultatif se rapportant au Pacte et à présenter les facteurs techniques et juridiques faisant obstacle à son éventuelle ratification.

29.Notant qu’en vertu des modifications apportées à la Constitution les traités relatifs aux droits de l’homme font partie intégrante de la Constitution, M. Abashidze souhaite savoir si, en conséquence, les dispositions de ces deux instruments ont été harmonisées, et si tous les droits consacrés par le Pacte sont repris dans les lois d’habilitation. Il demande si la commission chargée d’examiner les projets de loi pour s’assurer de la conformité des futures lois avec les dispositions du Pacte a publié des conclusions officielles. Le projet de révision de la Constitution prévoit-il que les dispositions des instruments internationaux pertinents, dont le Pacte, soient automatiquement incorporées dans la législation nationale?

30.Notant que l’Examen périodique universel a relevé que la discrimination fondée sur le sexe ou l’orientation sexuelle et la discrimination à l’égard des personnes vivant avec le VIH/sida et d’autres groupes vulnérables posaient un problème dans l’État partie, M. Abashidze demande si l’État partie considère que l’heure est venue d’adopter une loi antidiscrimination unique qui reprendrait toutes les dispositions juridiques pertinentes.

31.Il a été indiqué que, en vertu des récentes modifications de la Constitution, certaines dispositions restreignant la jouissance des droits de l’homme avaient été supprimées. M. Abazhidze aimerait savoir lesquelles, et lesquelles sont encore en vigueur.

32.M. Atangana, lisant dans les réponses écrites à la liste des points à traiter que, en cas de conflit, la Constitution prime le droit coutumier, le droit religieux et les autres lois du pays, demande comment l’État partie s’assure que les juridictions de cadis respectent les dispositions de la Constitution lorsqu’elles rendent une décision.

33.M.  Kerdoun note que, même si les documents soumis par l’État partie décrivent la Tanzanie comme un État laïque doté d’un système juridique de droit commun, le droit coutumier et le droit islamique sont également appliqués pour tout ce qui touche au statut personnel. Pour mieux comprendre la place du droit islamique dans le droit interne, il souhaite savoir quelle branche de l’islam prévaut dans le pays. En outre, quel est le pourcentage de musulmans dans l’État partie, et la place accordée au droit islamique est-elle en rapport avec ce pourcentage?

34.Faisant référence à la réponse écrite de l’État partie à une question concernant l’expulsion de personnes de leurs terres ancestrales en raison d’activités d’exploitation minière, M. Kerdoun demande si les intéressés avaient fait valoir leurs droits fonciers en application du droit positif ou du droit coutumier. D’ailleurs, les documents délivrés en vertu du droit coutumier ont-ils une valeur juridique devant les tribunaux nationaux? S’agissant des activités d’exploitation minière, M. Kerdoun souhaite savoir si l’État partie a adopté un ensemble de règles régissant la protection de l’environnement et, dans l’affirmative, dans quelle mesure ces règles sont appliquées, en particulier par les entreprises menant des activités d’extraction minière et autres activités connexes. L’État partie s’est-il doté de règles régissant spécifiquement la protection des ressources en eau, compte tenu que, d’après les informations disponibles, les ressources en eau sont fréquemment polluées?

35.Faisant ensuite référence au recensement récent de la population et aux prévisions en matière de croissance démographique, M. Kerdoun demande en quoi l’accroissement de la population pourrait contrecarrer les efforts menés par l’État partie pour réduire la pauvreté et atteindre les objectifs du Millénaire pour le développement.

36.M.  Ribeiro Leão dit que, dans son discours d’introduction, la délégation a répondu à toutes les questions qu’il se posait.

37.M.  Sadi demande des informations sur la situation de l’enseignement des droits de l’homme en Tanzanie et sur les mesures prises pour mettre en œuvre les dispositions du Pacte, y compris sur les éventuelles décisions de justice en rapport avec ces questions. Faisant référence aux réponses écrites de l’État partie, il demande à la délégation de préciser dans quelle mesure la société civile a participé à l’élaboration du rapport à l’examen. Il souhaite aussi savoir comment se déroulent les campagnes de sensibilisation aux droits de l’homme dans les zones rurales, où vivent la plupart des Tanzaniens.

38.M. Schrijver demande si l’État partie envisage de signer le Protocole facultatif se rapportant au Pacte. Sur la question des droits fonciers, il dit que, d’après des rapports d’ONG, des personnes auraient été expulsées par la force des terres sur lesquelles elles vivaient, car ces terres étaient destinées à devenir des parcs naturels ou à être concédées à des investisseurs étrangers. Il demande à la délégation de s’exprimer sur ce point.

39.M me  Shin demande des statistiques ventilées par sexe, origine ethnique et appartenance religieuse sur les plaintes déposées en Tanzanie en 2011 portant sur des violations des droits économiques, sociaux et culturels. De telles informations aideraient le Comité à déterminer quels ont été les effets concrets de la création de la Commission des droits de l’homme et de la bonne gouvernance.

40.Notant les progrès enregistrés par l’État partie en matière de lutte contre la discrimination à l’égard des femmes, Mme Shin demande aussi si le Gouvernement tanzanien mène des campagnes de sensibilisation des femmes en milieu rural, et si les statistiques recueillies sont systématiquement ventilées par sexe.

41.M.  Tirado Mejía voudrait savoir pourquoi l’État partie n’a pas officiellement reconnu le statut de populations autochtones, pas plus qu’il n’a accordé à ces populations les droits juridiques correspondants. D’après des informations dont dispose le Comité, les autochtones se heurtent à de nombreuses difficultés, s’agissant en particulier de la propriété et de l’utilisation des terres. M. Tirado Mejía demande à la délégation de préciser si les femmes ont des droits égaux à ceux des hommes en matière de transmission du patrimoine foncier, en particulier en vertu du droit coutumier.

42.Notant que l’État partie n’a pas répondu à la question du Comité au sujet d’une éventuelle modification du Code pénal en vue de dépénaliser l’homosexualité, M. Tirado Mejía demande à la délégation d’y répondre.

43.M.  Kedzia estime que le fait que le rapport ait été élaboré dans le cadre d’un processus consultatif impliquant de nombreuses parties prenantes est une grande avancée. Il demande si l’État partie a l’intention d’appliquer le même principe pour le suivi des observations finales du Comité.

44.M me  Kairuki (République-Unie de Tanzanie) dit que le Gouvernement tanzanien regrette d’avoir pris autant de retard dans l’établissement de son rapport et s’attachera à soumettre les prochains rapports dans les temps. La position du Gouvernement quant à la signature du Protocole facultatif n’a pas changé depuis l’Examen périodique universel.

45.La délégation ne peut garantir que les droits économiques, sociaux et culturels seront intégrés à la nouvelle Constitution, puisque c’est au peuple qu’il appartiendra de déterminer la forme définitive de cet instrument; le nouveau libellé sera communiqué au Comité dès qu’il aura été arrêté. Pour l’heure, la Tanzanie ne s’est pas dotée d’une loi unique couvrant tous les aspects de la discrimination, mais le Gouvernement pourrait envisager d’en adopter une.

46.À la question portant sur l’exploitation minière et la propriété foncière, Mme Kairuki répond que certains autochtones sont propriétaires de leurs terres en application du droit coutumier. Les titres fonciers délivrés en application de ce droit sont reconnus par les tribunaux nationaux. Pour ce qui est des répercussions des activités d’exploitation minière sur l’environnement, elle dit que les dispositions de la loi sur la gestion de l’environnement s’appliquent aux entreprises ainsi qu’aux particuliers. Elle affirme qu’en aucun cas les ressources en eau du pays sont toutes polluées et que, lorsqu’il découvre l’existence d’activités illicites potentiellement polluantes, le Gouvernement prend des mesures correctives.

47.Le dernier recensement, qui date d’août 2012, a permis d’établir des statistiques qui seront utiles à la définition des activités de réduction de la pauvreté. L’accroissement démographique est certes inéluctable, mais le Gouvernement met l’accent sur la santé procréative et la planification de la famille. La Tanzanie pourrait fort bien atteindre les objectifs du Millénaire pour le développement d’ici la date butoir de 2015.

48.Mme Kairuki indique que le projet de plan d’action national pour les droits de l’homme tient compte de tous les aspects des droits économiques, sociaux et culturels, et qu’une équipe sera créée pour en surveiller la mise en œuvre. Plusieurs organisations travaillent à la promotion des droits de l’homme dans les zones urbaines et rurales, et la Commission des droits de l’homme et de la bonne gouvernance est associée à cet effort. Des cours d’éducation aux droits de l’homme sont dispensés aux écoliers dans le cadre de l’éducation civique. La délégation tanzanienne communiquera au Comité des statistiques relatives aux plaintes dénonçant des violations des droits de l’homme et le non-respect des principes de bonne gouvernance. Les statistiques sont systématiquement ventilées par sexe.

49.Les activités mises en œuvre pour mieux sensibiliser les femmes à leurs droits sont menées dans le cadre de partenariats entre le secteur public et le secteur privé. En outre, avec l’appui du Danemark, le Gouvernement tanzanien a mis en place des services d’aide juridictionnelle et des structures éducatives dans tous les districts du pays. La loi relative aux terres villageoises garantit aux femmes des droits identiques à ceux des hommes en matière de transmission du patrimoine foncier.

50.Mme Kairuki explique que le Gouvernement n’a pas reconnu aux peuples ancestraux le statut spécial d’autochtones car, d’après les critères utilisés, tous les Tanzaniens ou presque pourraient être considérés comme tels. Pour ce qui est de la pénalisation de l’homosexualité, le Gouvernement tanzanien continue de considérer immorales les relations entre personnes du même sexe. Les organisations de la société civile seront invitées à participer pleinement au suivi de la mise en œuvre des observations finales du Comité.

51.M me  Mwaipopo (République-Unie de Tanzanie), répondant à une question sur le système dualiste régissant la mise en œuvre des instruments internationaux, dit qu’une fois ratifié par le Parlement, un traité international entre en vigueur dès lors qu’il a donné lieu à l’adoption d’une nouvelle loi, ou que les lois existantes ont été modifiées en conséquence. Plusieurs droits visés par le Pacte ont été inscrits dans la Constitution, tandis que d’autres sont garantis par d’autres lois. La Constitution consacre le principe de non-discrimination, et le Gouvernement envisage d’élaborer une loi portant spécifiquement sur cette question. Les dernières modifications de la Constitution ont permis aux Tanzaniens de jouir d’un plus large éventail de droits fondamentaux; en outre, aucun pays ne prévoit la jouissance de tels droits sans aucune restriction. La question consiste à savoir si les restrictions existantes sont judicieuses et si les personnes estimant que leurs droits fondamentaux ont été lésés ont accès à des voies de recours, ce qui est le cas en Tanzanie.

52.Les ONG jouent un rôle important dans l’élaboration des rapports soumis aux organes conventionnels relatifs aux droits de l’homme. Le Gouvernement tanzanien a prévu d’organiser un atelier sur la diffusion du Pacte. Certaines décisions de justice concernent certains droits expressément visés par le Pacte, tels que le droit à l’éducation. Pour ce qui est du terme «autochtone», il n’en existe aucune définition universelle, que ce soit au niveau national ou international. Ce qui compte, c’est la manière dont un État fait respecter les droits de l’ensemble de ses citoyens.

53.M. Rweyemamu (République-Unie de Tanzanie) explique qu’il existe deux types d’expulsions: les expulsions de personnes occupant illégalement une zone ou un bâtiment et les expulsions à des fins de développement. Les personnes dont il est établi qu’elles vivent illégalement dans une zone protégée sont expulsées sans indemnisation. Toutefois, pour ce qui est des expulsions dans le cadre de projets de développement économique ou la création de nouvelles zones protégées, la loi est claire: en vertu de la loi relative à la propriété foncière et de la loi relative aux terres villageoises, les personnes expulsées sont indemnisées en fonction du prix du marché et se voient octroyer d’autres terres. Lorsqu’il cherche à créer une zone protégée, comme un parc national ou une réserve, l’État doit consulter les populations concernées en vue d’obtenir leur consentement, conformément à la loi sur la gestion de l’environnement et à la Constitution. Les Tanzaniens sont tous des autochtones, bien qu’il existe le statut de «communautés traditionnelles», que la loi relative à la préservation de la flore et de la faune sauvages décrit comme des groupes de personnes résidant habituellement dans une zone d’habitat de la faune sauvage et qui y puisent leurs moyens de subsistance. Ces groupes, dont la plupart sont des chasseurs-cueilleurs, sont soumis à des quotas de chasse annuels et sont généralement autorisés à rester dans lesdites zones protégées, car leur mode de subsistance ne met en péril ni la flore et la faune sauvages ni l’environnement.

54.M. Makame (République-Unie de Tanzanie) dit que, à Zanzibar, la loi islamique régit les questions relatives au mariage, au divorce et à la transmission du patrimoine et que, en vertu de la loi sur les juridictions de cadis, les décisions d’une telle juridiction peuvent faire l’objet d’un recours devant les tribunaux ordinaires. Aucune distinction n’est faite entre les musulmans sunnites et les musulmans chiites, et il n’existe pas de données statistiques sur le nombre de musulmans, compte tenu que l’État ne mène pas d’enquête sur la religion.

55.M me  Shin demande s’il existe une version anglaise du projet de plan d’action national pour les droits de l’homme.

56.M me  Kairuki (République-Unie de Tanzanie) dit que ledit plan d’action est encore en cours d’élaboration et qu’il doit avoir été présenté au Cabinet avant d’être diffusé.

57.M. Abashidze demande si la Commission de la réforme législative est parvenue à aligner la législation nationale sur les dispositions du Pacte. Il souhaiterait obtenir des exemples de décisions de justice qui auraient porté sur la protection de droits économiques, sociaux ou culturels.

58.M. Kedzia voudrait être sûr que la mise en œuvre des observations finales soit de nature participative, et demande si l’État partie a adopté un plan précis prévoyant d’associer tous les partenaires à ce processus.

59.M me  Cong, faisant référence au paragraphe 67 des réponses écrites à la liste des points à traiter, dit qu’il existe une grande différence entre le fait de posséder des terres et d’y avoir accès, et demande ce que prévoient la loi foncière et la loi relative aux terres villageoises en matière d’accès, par les hommes et par les femmes, à la propriété foncière.

60.M me  Kairuki (République-Unie de Tanzanie) dit que la promulgation de la loi foncière constitue le meilleur exemple concret des travaux de la Commission de la réforme législative. Aucun cadre juridique spécifique ne prévoit d’associer les organisations de la société civile et les ONG au suivi des observations finales mais la pratique veut que ce soit le cas, et rien ne justifie que cela change. La loi foncière et la loi relative aux terres villageoises ne sont pas discriminatoires à l’égard des femmes en matière de propriété foncière, qu’il s’agisse d’accès aux terres ou de leur utilisation, et plusieurs affaires de discrimination pour ce motif ont été déclarées inconstitutionnelles par les tribunaux.

Articles 6 à 9

61.M. Texier demande pourquoi l’État partie n’a pas ratifié la Convention no 169 de l’OIT relative aux peuples indigènes et tribaux (1989). Il regrette que le rapport ne livre pas davantage d’informations sur les articles 6 à 9 du Pacte et espère que le prochain rapport sera plus complet à cet égard. Il demande des informations plus détaillées sur tout un éventail de sujets, dont l’ampleur du secteur informel, l’existence de cas de travail forcé et les éventuelles mesures prises pour le combattre, la durée hebdomadaire du travail prévue par la loi, les congés payés, le salaire minimum, l’inspection du travail et le rôle que joue la Commission de médiation et d’arbitrage dans le domaine de la sécurité au travail et dans la définition des sanctions à appliquer aux employeurs qui ne respectent pas les normes relatives à la santé au travail. Il demande également s’il est exact que certaines entreprises d’exploitation minière et entreprises du bâtiment interdisent aux salariés de se syndiquer, quel rôle la Commission joue en pareil cas, et ce qu’il en est du droit de négociation collective et du droit de grève dans le secteur public et le secteur privé.

62.M. Martynov fait observer que du fait que les chiffres fournis dans le rapport datent de l’Enquête économique de 2006 et n’ont pas été réactualisés, il est difficile au Comité d’évaluer le respect des droits de l’homme depuis lors. Aussi demande-t-il si les établissements qui dispensent une formation professionnelle mentionnée au paragraphe 56 du rapport sont toujours ouverts, et quels sont les taux de scolarisation les plus récents dans ces établissements. Il salue la ratification, par l’État partie, de la Convention relative aux droits des personnes handicapées et de son Protocole facultatif, ainsi que l’adoption de la loi relative aux personnes handicapées, et demande quelles mesures incitatives l’État partie a prises pour promouvoir l’emploi des personnes handicapées, et quels sont les effets de l’inflation galopante sur le salaire minimum. Il salue aussi l’adoption de la politique nationale relative à la santé et la sécurité, mais se dit préoccupé par sa mise en œuvre compte tenu du manque de ressources dont dispose le Ministère du travail et de l’emploi et du fait que les inspecteurs du travail se voient manifestement refuser l’accès à certaines entreprises. Il demande quelle est la situation actuelle de la sécurité au travail. D’après les rares informations dont dispose le Comité, il semblerait qu’une portion infime de la population soit couverte par la sécurité sociale et l’assurance santé, et que les personnes employées dans le secteur informel ne bénéficient d’aucune couverture. La délégation est-elle en mesure de fournir des chiffres qui lèveraient ces préoccupations?

63.M. Abdel-Moneim, faisant référence à la libération de l’économie mentionnée aux paragraphes 51 à 54 du rapport, demande ce que l’État partie entend par «préoccupations individuelles». Il salue la mise en œuvre de la Stratégie nationale de croissance et de réduction de la pauvreté (MKUKUTA), mais se demande dans quelle mesure celle-ci est parvenue à offrir des possibilités d’emploi à tous, et qualifie de frappantes les inégalités en matière d’emploi entre les zones urbaines et les zones rurales. Promouvoir le travail indépendant en tant que mesure de réduction de la pauvreté est certes une bonne idée, mais, malheureusement, le nombre de travailleurs indépendants reste limité.

64.M. Abashidze demande des informations sur l’emploi dans le secteur privé et dans le secteur informel, sur les femmes occupant un travail rémunéré, sur le principe de l’égalité de salaire pour un travail égal, sur le respect des normes de l’OIT et leur suivi, sur les poursuites engagées en cas de décès sur le lieu de travail, sur les restrictions du droit de grève et du droit syndical imposées par les entreprises étrangères, notamment, et enfin sur l’étendue de la couverture sociale.

65.M me  Kairuki (République-Unie de Tanzanie) dit que la Tanzanie ne juge pas nécessaire de ratifier la Convention no 169 de l’OIT car il n’existe pas de peuples autochtones dans le pays. Assurant les membres du Comité que la délégation a bien pris note de la nécessité de fournir davantage de données statistiques, elle explique que si le rapport s’est autant appuyé sur les données de l’Enquête économique de 2006, c’est parce que ce sont les données les plus récentes dont dispose le pays. Aucune périodicité n’a été fixée pour réaliser l’Enquête économique, et, bien que le Gouvernement souhaiterait se soumettre à cet exercice plus régulièrement, il n’en a pas les moyens. Mme Kairuki indique que les collèges d’enseignement professionnel existent toujours, que les personnes handicapées doivent constituer au moins 3 % de la masse salariale des entreprises, que le Gouvernement s’efforce de juguler l’inflation et ses répercussions dans tous les domaines du développement économique et enfin que les inspecteurs du travail se rendent régulièrement dans les entreprises.

66.M. Mwita (République-Unie de Tanzanie) dit qu’il n’y a pas d’écart de salaire entre les hommes et les femmes car le niveau de rémunération est fonction des qualifications, de l’ancienneté et des compétences.

67.M. Muzee (République-Unie de Tanzanie) dit que les employeurs ont le droit de déclarer un lock-out et les employés ont le droit de grève. Toutefois, seules les personnes invoquant un conflit d’intérêts peuvent appeler à la grève, à savoir en cas d’échec des négociations. Le mandat de la Commission de médiation et d’arbitrage consiste à superviser la relation employeur-employé et à combattre les pratiques injustes en matière d’emploi, telles que la discrimination, les licenciements abusifs et les restrictions imposées au droit de grève. La Commission joue également un rôle éducatif en appelant l’attention des partenaires sociaux sur le fait qu’ils peuvent grandement contribuer à l’instauration de relations de travail harmonieuses.

La séance est levée à 13 heures.