Nations Unies

E/C.12/2011/SR.16

Conseil économique et social

Distr. générale

3 juin 2011

Original: français

Comité des droits économiques, sociaux et culturels

Quarante -sixième session

Compte rendu analytique de la 16 e séance

Tenue au Palais Wilson, à Genève, le mercredi 11 mai 2011, à 15 heures

Président: M. Pillay

Sommaire

Examen des rapports

a)Rapports présentés par les États parties conformément aux articles 16 et 17 du Pacte (suite)

Cinquième rapport périodique de la Fédération de Russie (suite)

La séance est ouverte à 15 heures.

Examen des rapports

a)Rapports présentés par les États parties conformément aux articles 16 et 17 du Pacte (point 7 de l ’ ordre du jour) ( suite)

Cinquième rapport périodique de la Fédération de Russie ((E/C.12/RUS/5); document de base (HRI/CORE/1/Add.52 et Rev.1); liste des points à traiter (E/C.12/RUS/Q/5); réponses écrites du Gouvernement de la Fédération de Russie à la liste des points à traiter (E/C.12/RUS/Q/5/Add.1)) (suite)

1. Sur l ’ invitation du Président, la délégation russe reprend place à la table du Comité.

Articles 1er à 5 du Pacte (suite)

2.M. Yurakov (Fédération de Russie) dit que, selon la législation en vigueur en Fédération de Russie, le droit de propriété collective des peuples autochtones sur les territoires n’existe pas; ces peuples ont en revanche un accès prioritaire à ces territoires et la possibilité de les exploiter. Le terme de privatisation est inapproprié: les entreprises industrielles occupent généralement des terres où les minorités ont coutume de vivre parce que le sol est riche en combustibles fossiles. Cette occupation pose naturellement problème mais elle est provisoire car accordée au titre d’une licence qui ne confère que des droits temporaires, et elle s’accompagne de mesures de compensation. Pour dédommager les minorités autochtones lésées de l’activité économique déployée par les entreprises industrielles ou d’autres entités et des dégâts causés à l’environnement, le Ministère du développement régional a mis en place, en 2009, une procédure de compensation. Aucune étude n’a été réalisée pour mesurer précisément l’ampleur du phénomène, mais on peut raisonnablement considérer qu’il existe des activités industrielles dans la moitié des territoires habités par les minorités autochtones.

3.Des réserves de chasse et de pêche sont actuellement mises aux enchères par les pouvoirs publics, certaines pour des durées déterminées. Ces réserves empiètent sur des territoires habités par les minorités autochtones. Pour que celles-ci puissent continuer de pratiquer la pêche, le Gouvernement a élaboré un projet de loi portant modification de la loi fédérale sur la pêche, qui autorise la pêche traditionnelle, gratuite et libre, pour la consommation privée mais interdit la pêche commerciale. Un projet de loi prévoit que les minorités autochtones et les autorités locales puissent utiliser les territoires ancestraux pour des activités et des modes de vie conformes aux traditions. Il est toutefois impossible de déterminer si la superficie concernée diminuera ou non, dans la mesure où les zones protégées qui vont être créées ne pourront pas être utilisées à des fins traditionnelles. Tout dépendra du dynamisme des représentants des peuples autochtones: si le nombre de demandes est élevé, on étudiera la possibilité de créer plus de territoires à usage traditionnel qu’initialement prévu.

4.M. Voronin (Fédération de Russie) explique à nouveau sa position sur l’adoption possible par la Fédération de Russie d’un projet de loi sur l’égalité entre les femmes et les hommes. Il insiste sur le fait que toutes les dispositions relatives à l’égalité entre les femmes et les hommes intégrées dans les textes législatifs sont imposées au niveau fédéral. Il ne s’agit en aucun cas de déléguer ces pouvoirs législatifs à la région ou à la municipalité. Dans la tradition législative russe, les questions traitées par les lois fédérales sont intégrées dans la législation relative à chaque secteur; elles ne font pas l’objet d’une loi spécifique. Toutes les dispositions relatives à l’égalité entre femmes et hommes dans le monde du travail, par exemple, seront intégrées dans la législation fédérale relative au travail, et ainsi de suite, secteur après secteur. M. Voronin estime donc que la question de savoir si la Fédération de Russie se dote d’une loi spécifique sur l’égalité ou si celle-ci est consacrée par une série de lois ne fait, en définitive, guère de différence pour le respect des droits des citoyens dans ce domaine.

5.Outre le Commissaire fédéral aux droits de l’homme et le Médiateur pour les droits de l’enfant auprès du Président de la Fédération de Russie, des institutions analogues sont en place au niveau des régions. Plus de 50 régions sont dotées d’un Commissaire aux droits de l’homme et, pour certaines, d’un Défenseur des enfants. Ces médiateurs rendent compte aux parlements régionaux qui les désignent et réglementent leurs activités. Ils n’ont pas de lien organique avec le Commissaire fédéral mais, sur l’initiative de ce dernier, une forme de coordination des activités est instaurée avec l’échange de données d’expérience, et l’organisation de séminaires et d’autres réunions. La structure actuelle est certes un peu redondante en ce sens que les problèmes qui se posent au niveau régional se retrouvent dans ceux relevés au niveau fédéral par le Commissaire fédéral, lequel en rend compte dans son rapport annuel présenté au Président et au Parlement. Ce rapport est rendu public, ce qui contribue à l’harmonisation des mécanismes de médiation en faveur des droits de l’homme en Fédération de Russie.

Articles 6 à 9 du Pacte

6.M. Ribeiro Leão demande si les personnes sans abri et les personnes dépourvues de titre de résidence ont accès aux droits sociaux relevant de l’article 9 du Pacte, mentionnés par l’État partie aux paragraphes 135, 143 et 145 du rapport à l’examen.

7.M me Shin fait observer que 456 activités professionnelles sont interdites aux femmes par les divers textes réglementaires. Or, si ces interdictions sont vraisemblablement motivées par des préoccupations d’ordre sanitaire, les emplois dangereux pour les femmes le sont aussi pour les hommes; elle demande donc si l’État partie envisage de supprimer ces règles qui font obstacle à l’emploi des femmes. Au vu de l’important écart salarial entre hommes et femmes, elle s’enquiert des projets de l’État partie à cet égard. Enfin, constatant que le rapport à l’examen ne fait état d’aucune définition du harcèlement sexuel et d’aucune législation spécifique en la matière, elle demande si, dans l’État partie, le harcèlement sexuel est une notion qui existe, distincte de celles de viol ou d’agression sexuelle, et s’il constitue un motif pouvant être invoqué pour saisir le Commissaire aux droits de l’homme.

8.M. Texier demande à la délégation des éclaircissements sur les dispositions relatives à l’élargissement du recours aux contrats à durée déterminée et à la simplification des procédures de résiliation des contrats figurant dans le nouveau Code du travail de la Fédération de Russie, adopté en 2002, estimant qu’une telle réforme n’apporte pas aux travailleurs la protection accrue nécessaire. La délégation est invitée à fournir des précisions sur la réponse de l’État partie à la demande directe individuelle en rapport avec la Convention no 29 sur le travail forcé, que lui avait faite en 2010 la Commission d’experts pour l’application des conventions et des recommandations de l’Organisation internationale du Travail (OIT) au sujet des articles 280 et 282 du Code pénal, qui prévoient des peines d’emprisonnement avec travail forcé obligatoire pour les personnes condamnées pour activités extrémistes. Des précisions sont également souhaitées sur la réponse à une demande de même nature concernant la Convention no 156 sur les travailleurs ayant des responsabilités familiales, et plus particulièrement sur la question relative au droit d’occuper ou d’obtenir un emploi sans faire l’objet de discrimination. M. Texier s’enquiert des retards persistants et systématiques dans le règlement des salaires dans un certain nombre d’entreprises du secteur privé, ainsi que des différends concernant les jours de repos hebdomadaire pendant lesquels les employés peuvent être appelés à travailler et de la compensation correspondante. Enfin, la Confédération internationale des syndicats signale un nombre important de cas de violation des droits syndicaux, notamment du droit de grève, et la Commission d’experts de l’OIT note que le Code du travail impose souvent un arbitrage obligatoire qui est normalement strictement limité à certaines situations; la délégation est invitée à fournir des précisions sur ces points.

9.M. Kedzia demande à la délégation une estimation de l’importance de l’économie informelle; il voudrait savoir si ce secteur pose un problème en Fédération de Russie et dans quelle mesure ceux qui y travaillent ont accès à la sécurité sociale et aux droits économiques, sociaux et culturels. Évoquant les informations selon lesquelles, chez les peuples autochtones, la très grande majorité des personnes actives touchent des salaires et ont des revenus proches du seuil de pauvreté, voire inférieurs, M. Kedzia demande des indications des mesures prises par l’État partie pour remédier à la situation.

10.M. Martynov demande si l’État partie compte mettre en place le mécanisme d’incitation indispensable pour assurer le fonctionnement du système de quota visant à favoriser l’emploi des personnes handicapées, actuellement inefficace faute précisément de mesures d’incitation, et s’il est prévu d’encourager les régions à l’adopter. Il s’enquiert également du nombre de régions qui ont déjà mis en place des mécanismes de ce type. La délégation est invitée à fournir des statistiques sur l’emploi des personnes handicapées, ventilées par entreprise notamment. M. Martynov s’interroge sur les raisons pour lesquelles la loi fédérale sur la protection sociale des personnes handicapées fixe un plafond (4 %) au quota de personnes handicapées que les entreprises visées par cette loi doivent employer. Il s’enquiert des mesures (programmes, lois) que le Gouvernement a prises pour rendre les lieux publics accessibles aux personnes à mobilité réduite, ainsi que du nombre de personnes employées dans le secteur informel de l’économie et de la part qu’elles représentent dans l’économie nationale. Enfin, il demande ce que représente le minimum vital garanti aux retraités par rapport à celui des personnes en âge de travailler, s’il a augmenté au même rythme que les pensions et si les indemnités de chômage suivent la même évolution. La délégation est invitée à expliquer les raisons pour lesquelles l’État partie n’a pas ratifié les Conventions nos 117 (politique sociale), 118 (égalité de traitement) et 132 (congés payés) de l’OIT, importantes pour les droits économiques et sociaux, et à indiquer s’il compte le faire.

11.M. Sadi fait observer que la plupart des pays ont inscrit le harcèlement sexuel au travail dans leur code pénal, et s’enquiert des raisons pour lesquelles l’État partie n’en a pas fait de même. Il demande si l’augmentation de 50 % des salaires de certaines catégories professionnelles est jugée suffisante et si le risque d’exode des médecins et des scientifiques, notamment, est écarté. Enfin, il aimerait savoir si les nombreuses mesures annoncées au paragraphe 93 des réponses écrites à la liste des points à traiter (E/C.12/RUS/Q/5/Add.1), que l’État partie comptait prendre à partir de 2010 pour relever le niveau des pensions pour toutes les catégories de retraités, ont déjà été prises, ou si elles sont en cours.

12.M me Kovyazina (Fédération de Russie) dit que l’interdiction faite aux femmes d’exercer certaines activités professionnelles n’est pas un acte de discrimination mais une mesure d’ordre sanitaire que la Fédération de Russie ne compte pas lever. Les écarts salariaux entre hommes et femmes existent certes, mais ils sont plus ou moins importants selon les secteurs et tendent à se réduire. Les contrats à durée déterminée confèrent aux travailleurs les mêmes droits que les contrats à durée indéterminée; ils sont conclus avec l’accord de l’employé et sont strictement encadrés par la législation du travail qui limite leur utilisation à des situations bien particulières – emploi de retraités, remplacements.

13.La Fédération de Russie a entrepris de mettre son Code du travail en conformité avec la Convention n° 183 de l’OIT (2000) sur la protection de la maternité. Les droits de la mère ont été étendus à toute personne élevant un enfant, et il est prévu d’offrir des garanties supplémentaires en ce qui concerne le droit de travailler à temps partiel ou à domicile, l’interdiction de licencier une femme pendant son congé de maternité et l’octroi de jours de congés payés supplémentaires aux mères d’enfants de moins de 15 ans.

14.Le montant des arriérés de salaire dus aux travailleurs (2,7 milliards de roubles) s’explique essentiellement par le nombre élevé de faillites. Le Code du travail prévoit le doublement du salaire pour les jours fériés travaillés et l’obligation de payer les heures supplémentaires. Les neuf conflits collectifs du travail survenus en 2010 ont été réglés sans recourir à la grève. Les autorités russes comptent toutefois prendre en considération les observations formulées au sujet de la longueur excessive des délais de notification (10 jours). D’après les estimations, 5 millions de personnes (7 % de la population active) travailleraient dans le secteur informel et la Fédération de Russie entend accorder une attention particulière à ce problème.

15.La Convention no132 de l’OIT sur les congés payés (révisée) (1970) a été ratifiée en 2010 et devrait entrer en vigueur dans les mois qui suivent. Enfin, l’écart entre les salaires moyens des médecins et enseignants et ceux des employés du secteur industriel est passé de 56 % en 2005 à 80 % en 2011. Les autorités nationales évaluent la situation budgétaire chaque trimestre et s’efforcent de réduire les disparités entre régions.

16.M me Taradanova (Fédération de Russie) annonce que les salaires des enseignants ont été relevés en avril 2011. Cette augmentation prendra la forme de subventions prélevées sur le budget fédéral (20 milliards de roubles en 2011, puis 60 milliards en 2012 et 40 milliards en 2013).

17.M. Voronin (Fédération de Russie) fait observer que, l’enregistrement du lieu de séjour ou de résidence n’étant pas obligatoire, les sans-abri peuvent percevoir leurs allocations sociales ou leur pension à l’adresse de leur choix, et que même les personnes n’ayant pas d’assurance santé bénéficient de l’assistance médicale. Il fait valoir aussi que, si les femmes n’ont pas le droit d’exercer certaines professions particulièrement dangereuses ou pénibles, c’est pour protéger leur santé et plus particulièrement leur fonction de procréation, comme le veut la tradition. Ce principe n’a jamais été contesté lors des discussions tenues régulièrement avec les syndicats et les partenaires sociaux au sujet du Code du travail. Par ailleurs, les écarts de salaire entre les hommes et les femmes ont tendance à diminuer et ne sont pas liés à la législation mais à des facteurs économiques. S’agissant du harcèlement sexuel, l’expression ne figure pas dans la législation de la Fédération de Russie mais les crimes sexuels sont sévèrement punis, qu’ils soient ou non liés au travail.

18.Les nouvelles dispositions relatives aux contrats de travail à durée déterminée visent à réduire le nombre d’emplois informels qui, eux, n’offrent absolument aucune protection sociale et échappent au droit du travail. De plus, le Parlement examine un projet de loi tendant à faciliter la prévention et à renforcer les sanctions en ce qui concerne le recours à des contrats de droit civil en lieu et place de contrats de travail en bonne et due forme. S’agissant des dispositions de l’article 280 (appels publics à l’accomplissement d’actes extrémistes) et de l’article 282 (incitation à l’hostilité ou à la haine nationale et religieuse et atteinte à la dignité de la personne) du Code pénal, M. Voronin est d’avis que les sanctions imposant une période de travail forcé rémunéré au salaire minimal sont plus humaines que les peines d’emprisonnement et permettent de dédommager les victimes. Il fait observer que les limitations au droit de grève inscrites dans la Constitution concernent les secteurs directement liés à la santé et à la survie et visent à protéger les citoyens, et ajoute qu’elles n’ont jamais fait l’objet de critiques de la part de l’OIT. Quant au recours à l’arbitrage pour régler les différends, il n’est pas obligatoire. Pour ce qui est de la protection sociale des personnes travaillant dans l’économie informelle, des mécanismes ont été mis en place pour permettre à ces travailleurs de cotiser à une assurance sociale.

19.M. Gadenko (Fédération de Russie) rappelle que, au-delà des quotas, la législation prévoit de réserver certains postes aux personnes handicapées. Chaque entité constituante de la Fédération de Russie établit un plafond (2 à 4 %) pour l’emploi de personnes handicapées. En 2010, 87 000 personnes handicapées ont trouvé un emploi en Fédération de Russie et de nombreux programmes de formation ont été proposés. Le Gouvernement entend poursuivre ses mesures d’incitation à l’emploi de personnes handicapées, qu’il s’agisse des programmes de formation professionnelle, du soutien psychologique ou encore de la subvention accordée aux employeurs pour chaque personne handicapée recrutée (elle sera portée de 30 000 à 50 000 roubles). Il est aussi prévu de remplacer les subventions par des ressources permanentes inscrites au budget.

20.M. Voronin (Fédération de Russie) fait observer qu’il est délicat de ménager à la fois les intérêts des travailleurs handicapés et ceux des employeurs, et convient que les mesures d’incitation à la création d’emplois sont plus efficaces que le système des quotas. Il n’existe pas de statistiques sur le taux de chômage des personnes handicapées dans les différents secteurs, mais les autorités russes envisagent de mener une étude dans ce domaine.

21.M. Kolbanov (Fédération de Russie) souligne que la Fédération de Russie a entrepris de mettre sa législation en conformité avec la Convention relative aux droits des personnes handicapées, notamment en vue de garantir l’accès à toutes les infrastructures. Quant au montant de la pension de retraite minimale, il est fixé à environ 5 000 roubles par mois et, globalement, les pensions de retraite ont connu une forte augmentation (30 % en termes réels) en 2010.

22.M. Soloviev (Fédération de Russie) insiste sur l’ampleur des mesures prises en faveur des retraités et signale que la pension sociale prévue par la loi doit correspondre au minimum vital et est indexée chaque année sur ce dernier. Depuis 2010, la loi prévoit le versement de prestations sociales pour tous les types de pension, afin de garantir un minimum vital à tous, grâce au budget fédéral et au budget des régions. À long terme, la Fédération de Russie compte relever le niveau de toutes les prestations en les indexant sur le coût de vie et sur l’augmentation des salaires.

23.M. Voronin (Fédération de Russie) indique qu’un programme de mesures concrètes assorti d’échéances a été mis en œuvre en vue de l’adhésion aux conventions internationales de l’OIT. Plus de 19 conventions sont sur le point d’être présentées à la Douma, pour adoption.

24.M. Texier, faisant observer que le Comité d’experts de l’OIT et les syndicats avaient déjà remis en question le fait d’imputer aux risques pour la santé procréative la limitation de l’accès des femmes à un certain nombre de professions, souligne qu’il convient plutôt d’assurer un accès égal des hommes et des femmes à toutes les professions et un environnement de travail sain pour tous. Précisant qu’il est essentiel de disposer d’une législation distincte relative au harcèlement sexuel au travail, en raison des rapports hiérarchiques en jeu, il confirme qu’il existe une observation de l’OIT relative à la limitation du droit de grève.

25.M. Sadi précise qu’invoquer les fonctions procréatives de la femme pour l’empêcher d’accéder à une profession donnée est une violation des dispositions du Pacte: il s’agit d’une discrimination fondée sur le sexe. Il rappelle que les femmes occupent aujourd’hui des emplois jadis traditionnellement réservés aux hommes et ajoute que si une profession est trop risquée, elle l’est aussi bien pour les hommes que pour les femmes.

26.M me Shin dit que le harcèlement sexuel ne concerne pas forcément les relations sexuelles; elle demande que l’expression soit clairement définie. S’agissant des peuples autochtones dont la survie dépend du territoire sur lequel ils vivent, elle demande si l’indemnisation perçue une fois l’exploitation économique achevée et l’environnement détruit est suffisante, et insiste sur la participation des représentants des peuples concernés aux débats relatifs à toute exploitation, afin que leurs droits soient protégés.

27.M me Barahona Riera (Rapporteur pour le pays)souhaite des précisions, par écrit, quant à la différence entre les territoires naturels et traditionnels, et à son impact sur les droits des peuples autochtones. Soulignant que les pensions perçues par les retraités demeurent très faibles, elle dit qu’il convient de les augmenter à un rythme accéléré. Elle demande si les permis des travailleurs étrangers pourraient être prolongés afin que ceux-ci puissent plus facilement percevoir des prestations sociales, et s’enquiert des mesures prises pour régler la question des soins de santé accordés aux travailleurs sans papiers ou détenteurs de permis courts. Consciente de l’impossibilité de disposer de chiffres exacts, elle demande une simple indication du nombre de travailleurs migrants clandestins et des secteurs dans lesquels ils travaillent, et souhaite savoir si les demandeurs d’asile bénéficient de prestations, s’ils ont droit à des services de santé de base et si leurs frais de santé sont pris en charge par la Fédération de Russie.

28.M. Ribeiro Leão demande si les étrangers sans papiers, les demandeurs d’asile et les personnes non immatriculées ont accès aux agences fédérales d’emploi et au statut de chômeur. Dans la négative, il souhaite connaître les mesures prises par l’État partie à cet égard.

29.M. Voronin (Fédération de Russie) insiste sur le caractère évolutif du Code du travail et convient qu’il est indispensable d’améliorer les conditions de travail aussi bien pour les femmes que pour les hommes. Il précise que des efforts considérables ont été déployés ces dernières années en vue d’améliorer les conditions de travail et de préserver les emplois, et qu’un programme pluridisciplinaire complexe a été mis en œuvre. La question de l’accès des femmes à des activités à risque demeure théorique, puisque jusqu’ici, celles-ci ne demandent pas à occuper ce genre de postes. Toute modification du Code du travail nécessitant un consensus et l’accord des syndicats et des employeurs, le Gouvernement tient compte de l’évolution du marché du travail et collabore avec les organisations internationales et les partenaires sociaux en vue d’améliorer l’accès à l’emploi et le droit de grève, conformément aux normes internationales.

30.En ce qui concerne le harcèlement sexuel, M. Voronin précise que le terme «contrainte» qu’il a employé, et qui est celui utilisé dans le droit pénal russe, ne se limite pas aux relations sexuelles mais correspond bel et bien au harcèlement. Conscient des problèmes liés aux relations hiérarchiques sur le lieu de travail, il signale que la législation pénale a été modifiée de façon à ce que les personnes victimes de harcèlement sexuel bénéficient d’une protection juridique et que les coupables soient traduits en justice.

31.S’agissant du niveau des pensions de retraite, la Fédération de Russie est le seul pays à avoir adopté, en temps de crise, des mesures d’une telle envergure en vue d’augmenter les prestations de retraite, allant jusqu’à les tripler. L’État, qui envisage d’adhérer au Code européen de sécurité sociale, garantit déjà les normes minimales, soit 40 % du salaire moyen versé, et le niveau des prestations de retraite ne peut être dissocié de l’augmentation des salaires, les deux étant étroitement corrélés. En outre, le Gouvernement a mis en œuvre une politique de redressement progressif des salaires, qui se traduira par une augmentation des retraites.

32.Sur le droit aux assurances sociales des travailleurs migrants ou des personnes travaillant dans le secteur informel, M. Voronin précise qu’en l’absence d’emploi officiel, l’employeur ne peut verser de contribution à cet effet. Toutefois, les travailleurs du secteur informel ne sont pas pour autant privés de garantie sociale, puisque les instruments de protection sociale ne sont pas limités aux garanties prévues par le système obligatoire d’assurance sociale. Outre la possibilité de se déclarer et de participer volontairement, chacun, qu’il ait travaillé ou non, est en droit de percevoir des prestations de pension de retraite, d’invalidité et de perte du chef de famille ou une indemnisation sociale, pour laquelle un montant minimal est prévu.

33.Les examens médicaux sont gratuits pour tous et les services y afférents sont payés grâce aux contributions versées par l’employeur au fonds d’assurance médicale obligatoire, pour les travailleurs, ou grâce au budget des régions, doté par le budget fédéral, pour les non-actifs. Les détenteurs de permis permanent ou temporaire, les apatrides ou les personnes ayant obtenu l’asile bénéficient des mêmes droits dans le domaine médical, du moment qu’ils peuvent prouver qu’ils se trouvent légalement sur le territoire de la Fédération. Grâce au régime de visas et aux accords conclus avec les pays de la Communauté d’États indépendants, une aide médicale est accordée à toute personne en ayant besoin, qu’elle soit réfugiée ou non.

34.M. Yurakov (Fédération de Russie) signale que toutes les informations relatives au projet de loi sur les territoires traditionnels peuvent être consultées sur le site du Ministère du développement régional de la Fédération de Russie (www.minregion.ru). Le texte a fait l’objet d’un examen public pendant la période prescrite.

35.Les peuples autochtones sont en droit d’étudier les projets d’exploitation des territoires où ils résident en consultation avec les entreprises concernées. Une méthode est en place pour évaluer les préjudices causés par les activités d’exploitation, de même qu’un mécanisme de compensation et des activités de remise en état de l’environnement. M. Yurakov signale à cet égard le plan de mise en œuvre du développement durable, dont un volet important est consacré à la protection de l’environnement ancestral et de l’habitat des populations autochtones.

Articles 10 à 12 du Pacte

36.M. Dasgupta souhaite savoir ce que recouvre l’expression «mode de vie inacceptable d’un point de vue social», au paragraphe 22 des réponses écrites du Gouvernement à la liste des points à traiter, et notamment s’il s’agit du mode de vie des populations nomades ou autochtones. S’agissant de la pauvreté, il demande si la situation des peuples autochtones des régions septentrionales s’est améliorée et dans quelle mesure ces peuples tirent avantage du fait que les salaires sont plus élevés dans le Nord du pays. Il souhaite savoir si la très faible espérance de vie des hommes vivant en zone rurale est imputable à des facteurs tels que le mode de vie, l’alcoolisme ou la prise de stupéfiants, et si des mesures sont prises à cet égard.

37.M. Ribeiro Leão demande si l’État partie prévoit de mettre en œuvre un plan durable de lutte contre la pauvreté.

38.M. Schrijver souhaite connaître le nombre de sans-abri en Fédération de Russie, et savoir si les mesures prises jusqu’à présent pour lutter contre ce phénomène ont été efficaces et ce qu’il est prévu de faire à l’avenir. La délégation est invitée à indiquer ce que les autorités font pour accélérer le processus d’adoption du projet de loi visant à lutter contre la traite des êtres humains et remédier à ce problème. Elle pourrait également préciser si ce projet tient compte des dispositions de la Convention no 182 de l’OIT sur les pires formes de travail des enfants, et indiquer les mesures prises en faveur de la réadaptation des enfants et de leur réintégration dans la société. Sachant que le taux de pauvreté dans l’État partie se situe entre 13 % et 15 % selon les sources, il serait utile d’avoir une idée des dispositions prises par les autorités pour faire baisser ces chiffres encore élevés pour un pays développé.

39.M. Riedel demande comment fonctionne le système de véhicules sanitaires itinérants mis en place pour dispenser des soins de santé aux populations autochtones des régions reculées, et apprécierait que l’État partie fournisse des données chiffrées, ventilées par année − au plus tard dans son prochain rapport périodique − sur les services de santé. Il voudrait savoir si le recul de la tuberculose dans les établissements pénitentiaires, évoqué au paragraphe 314 du rapport à l’examen, se poursuit et comment de tels résultats ont été obtenus. S’étonnant des affirmations de l’État partie selon lesquelles les traitements de substitution aux opiacés susceptibles d’être proposés aux toxicomanes sont inefficaces, en contradiction totale avec les constatations de nombreux organismes spécialisés et de nombreux pays, dont les États-Unis d’Amérique, la Chine ou encore l’Iran et l’ensemble des pays membres de l’Union européenne, M. Riedel prie la délégation d’indiquer si l’État partie maintient cette position. Il la prie également de donner des exemples de procès intentés contre des établissements de soins et des médecins, et d’en indiquer les résultats, chiffres à l’appui. Au vu des données communiquées, il semblerait que les programmes de lutte contre le VIH/sida aient permis de juguler la progression de l’épidémie, même si les indicateurs montrent que cette amélioration est moins importante et plus lente que dans d’autres régions; il serait utile de connaître les raisons d’une telle situation.

40.M. Sadi ne s’explique pas la réticence de l’État partie à l’égard des traitements de substitution aux opiacés, dont l’efficacité est avérée et qui permettent de traiter les toxicomanes comme des patients plutôt que comme des criminels. Il s’enquiert de ce que font les autorités, plus de vingt-cinq ans après, pour faire face aux conséquences tant environnementales que sanitaires de l’accident de Tchernobyl, et, dans un autre registre, des mesures prises pour lutter contre la pollution, particulièrement importante à Moscou. Enfin, la délégation est priée d’indiquer quelles campagnes ont été menées en vue de sensibiliser aux effets nocifs de l’alcoolisme et du tabagisme.

41.M. Atangana déplore le manque de réponses précises de l’État partie sur les questions touchant à la violence familiale. Il comprend que le sujet soit complexe dans une société comme la société russe où la femme a un statut inférieur à celui de l’homme et où la violence reste du domaine privé. Le Code pénal ne semblant pas comporter de définition spécifique de la violence familiale et ne prévoyant donc pas de sanctions particulières, il serait utile de savoir comment la justice sanctionne ce type de comportement. M. Atangana demande si le projet de loi fédérale de 2007 sur la tutelle et la curatelle a été adopté. Dans les documents dont il dispose, M. Atangana relève un certain nombre de problèmes comme les mariages précoces ou les nombres élevés de suicides et d’enfants des rues, sur lesquels il souhaiterait de plus amples informations.

42.M. Martynov souhaite savoir quelle suite a été donnée au projet de loi fédérale tendant à modifier la loi fédérale sur les garanties complémentaires concernant l’aide sociale aux orphelins et aux enfants privés de protection parentale. S’il se félicite de la baisse de la mortalité infantile et de la hausse de la natalité enregistrées par la Fédération de Russie, il déplore que l’État partie ne fournisse pas, dans son rapport, de données postérieures à 2006; des statistiques plus récentes seraient donc les bienvenues pour permettre au Comité de juger de l’évolution de la situation. Selon certaines informations, le budget alloué à la santé aurait été réduit ces dernières années; la délégation est invitée à confirmer ou infirmer cette réduction, à fournir des statistiques ventilées pour les cinq dernières années et à préciser ce que représente ce budget dans le produit intérieur brut du pays.

43.M. Abdel-Moneim, notant que le recul de l’inflation évoqué par l’État partie est dû à la baisse de la demande de consommation, s’interroge sur les mesures prévues au cas où surviendrait une augmentation. Il demande pourquoi le prix des céréales de la dernière récolte a augmenté de 50 % depuis le début de 2011 et s’étonne de l’augmentation de 17,1 % du prix de l’électricité prévue en 2011, chiffre encore trop élevé malgré les progrès marqués. Si, comme l’indique l’État partie, de forts écarts de revenus persistent entre les différents segments de la population, il serait intéressant de savoir quelles sont les mesures supplémentaires prises par les autorités pour aider les citoyens pauvres qui s’approchent du seuil de pauvreté (par. 121 des réponses écrites du Gouvernement à la liste des points à traiter), et si elles reposent sur une redistribution du revenu national dans le cadre de la politique fiscale nationale.

44.M me Barahona Riera (Rapporteur pour le pays) conteste la position de l’État partie selon laquelle, dans certains domaines, les traditions juridiques dispenseraient de l’adoption d’un cadre normatif général; elle estime au contraire que de nombreux pays ont fait des progrès considérables en adoptant un cadre général pour l’égalité des sexes, la lutte contre la discrimination ou encore le harcèlement sexuel qui n’est pas sanctionné pénalement dans le droit russe, pas plus d’ailleurs que la violence domestique, les crimes d’honneur ou encore la traite des personnes. La délégation est invitée à informer le Comité des projets en la matière et à détailler, dans un autre domaine, les politiques nationales concernant la santé sexuelle et procréative, en particulier les aspects liés à l’information, l’éducation et la fourniture de services spécialisés, tout en renseignant sur les possibilités d’accès à la contraception ou encore la politique en matière d’avortement. Il serait intéressant également de savoir si le système de santé public prend en charge le coût des médicaments prescrits pour les pathologies peu communes et les soins palliatifs, et d’avoir une indication de ce que couvre l’assurance santé obligatoire.

45.Le Président , s’exprimant en sa qualité de membre du Comité, déplore que, dans le rapport à l’examen, l’État partie n’ait pas apporté de réponses de suivi aux précédentes observations finales du Comité sur la question des sans-abri et de la fourniture de logements sociaux aux plus démunis (E/C.12/1/Add.94, par. 55), et que la délégation n’ait pas répondu à la question de M. Texier sur les campements roms non enregistrés.

La séance est levée à 18 heures.