NATIONS UNIES

E

Conseil économique et social

Distr.GÉNÉRALE

E/C.12/2009/SR.1115 juin 2009

Original: FRANÇAIS

COMITÉ DES DROITS ÉCONOMIQUES, SOCIAUX ET CULTURELS

Quarante-deuxième session

COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA 11e SÉANCE

tenue au Palais Wilson, à Genève,le lundi 11 mai 2009, à 10 heures

Président: M. MARCHAN ROMERO

SOMMAIRE

EXAMEN DES RAPPORTS

a)EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT AUX ARTICLES 16 ET 17 DU PACTE (suite)

Rapport initial du Cambodge

La séance est ouverte à 10 h 5.

Examen des rapports

a)Rapports présentés par les États parties conformément aux articles 16 et 17 du Pacte (point 8 de l’ordre du jour) (suite)

Rapport initial du Cambodge ((E/C.12/KHM/1); liste des points à traiter (E/C.12/KHM/Q/1); réponses écrites du Gouvernement cambodgien à la liste des points à traiter (E/C.12/KHM/Q/1/Add.1))

1. Sur l’invitation du Président, la délégation cambodgienne prend place à la table du Comité.

2.Le PRÉSIDENT souhaite la bienvenue à la délégation cambodgienne et l’invite à présenter le rapport initial de l’État partie.

3.M. SUN Suon (Cambodge), présentant le rapport initial de l’État partie, évoque brièvement l’histoire tragique du Cambodge et estime qu’elle devrait être prise en compte lors de l’évaluation de la situation des droits de l’homme dans ce pays.

4.Depuis la conclusion des Accords de paix de Paris en 1991, le Cambodge a œuvré inlassablement pour la paix et la stabilité, la reconstruction et le développement avec l’appui de la communauté internationale et dans le cadre d’une politique de réconciliation nationale. La stabilité politique instaurée après les élections générales de 1993 lui a permis d’engager des réformes dans tous les secteurs, de créer un climat propice à l’investissement national et étranger et d’afficher une croissance économique soutenue et de bons résultats en matière de réduction de la pauvreté. Aujourd’hui, le Cambodge est salué pour les progrès politiques, économiques, sociaux et culturels qu’il a réalisés grâce au processus de démocratisation qui lui a permis d’organiser avec succès plusieurs scrutins nationaux et locaux et de montrer que le pays avance sur la voie de la démocratie, du développement durable et du respect des droits de l’homme.

5.La promotion et la protection des droits de l’homme sont consacrées dans la Constitution cambodgienne. Le Royaume du Cambodge reconnaît et respecte les droits de l’homme énoncés dans la Charte des Nations Unies, la Déclaration universelle des droits de l’homme, les pactes et les conventions relatifs à tous les droits de l’homme, y compris les droits de la femme et de l’enfant. Il est en outre partie à la plupart des principaux instruments internationaux et régionaux relatifs aux droits de l’homme et au droit humanitaire. Le principe de l’économie de marché adopté dans la Constitution de 1993 garantit aux citoyens la protection de leurs droits et de leurs libertés individuelles et la libre participation de la société civile et des autres acteurs à la vie politique, économique et sociale.

6.L’État partie coopère avec l’Organisation des Nations Unies (ONU) depuis l’ouverture, en 1993, d’un bureau du Haut‑Commissariat aux droits de l’homme dans le pays et la nomination du Représentant spécial du Secrétaire général pour les droits de l’homme au Cambodge. Le Cambodge est doté d’un comité national des droits de l’homme, et le parlement, depuis sa première législature, d’une commission des droits de l’homme. De très nombreux textes législatifs nouveaux, y compris des textes relatifs aux droits économiques, sociaux et politiques, ont été adoptés. Au prix d’efforts considérables, le Cambodge s’acquitte de ses obligations en matière d’établissement de rapports en présentant des rapports nationaux au titre de certains organes conventionnels, dont le Comité des droits économiques, sociaux et culturels.

7.Convaincu de l’indivisibilité et de l’interdépendance des droits de l’homme, fondés sur le principe de l’universalité et du respect des particularités historiques, politiques, économiques, sociales et culturelles des pays, le Gouvernement n’a pas ménagé ses efforts pour promouvoir l’ensemble de ces droits. La Stratégie rectangulaire mise en œuvre durant la troisième législature a eu des effets positifs sur le tissu social et la culture de la paix, de la sécurité et de la démocratie, et a contribué au progrès des droits de l’homme au Cambodge. Dans ce contexte, le Gouvernement s’est attelé au renforcement de la gouvernance, notamment en menant des réformes dans l’administration publique, le système juridique et l’appareil judiciaire, et en développant les capacités et l’efficacité du secteur public, y compris en luttant contre la corruption.

8.Estimant que la réduction de la pauvreté est un moyen efficace de promouvoir et de protéger les droits de l’homme, le Cambodge lui a accordé une place prioritaire dans la Stratégie rectangulaire et la Stratégie nationale de développement pour 1996-2010 qui vise à accélérer le développement, surtout dans les zones rurales où vivent 90% de la population pauvre. La pauvreté recule de plus de 1 % par an, et les principaux indicateurs sociaux se redressent. Le revenu par habitant progresse de 9,5 % par an en moyenne depuis 1999.

9.Pour des raisons liées à l’histoire du pays et aux défis économiques actuels, la réforme foncière est le sujet le plus sensible. Le Gouvernement s’est occupé avant tout de renforcer le système de gestion, de distribution, d’occupation et de propriété des terres, de sécuriser les droits fonciers, de faire cesser les empiètements illégaux sur les propriétés d’autrui et de prendre des mesures visant à empêcher la concentration de terres inutilisées et improductives. Le cadastrage systématique a été très bien accueilli par les populations rurales. Plus d’un million de titres de propriété ont été délivrés à ce jour. Des mécanismes institutionnels et juridiques relatifs aux réformes foncières passées et futures ont été mis en place, ce qui a amené le Gouvernement à réaliser des programmes visant à protéger les droits et les intérêts des communautés ethniques et des minorités.

10.Les programmes de déminage ont contribué à l’amélioration des conditions socioéconomiques d’agriculteurs pauvres vivant dans les zones reculées et, partant, à la promotion du développement rural. Les accidents liés aux mines sont passés de 800 en 2003 à 315 en 2007. État partie à la Convention d’Ottawa sur l’interdiction de l’emploi, du stockage, de la production et du transfert des mines antipersonnel et sur leur destruction, le Cambodge a pris une part active à la campagne mondiale contre les mines terrestres.

11.Estimant que les femmes jouent un rôle primordial dans l’économie et la société cambodgiennes, le Gouvernement s’est efforcé de promouvoir leur statut dans le cadre du programme Neary Rattanak («Les femmes sont des pierres précieuses») qui met l’accent sur l’équité du traitement entre hommes et femmes dans le développement économique. En 2005, il a également adopté la loi sur la prévention de la violence domestique et la protection des victimes de ce type de violence qui sont en majorité des femmes et des enfants et prépare actuellement un plan visant à sensibiliser la population aux lois relatives aux femmes et à les faire appliquer. Depuis 2008 et l’adoption d’une loi contre la traite des femmes et des enfants, le Gouvernement met tout en œuvre pour lutter contre cette pratique. La deuxième phase de la stratégie pour l’intégration de l’égalité hommes-femmes dans tous les secteurs est lancée.

12.Le droit à l’éducation est inscrit dans la Constitution du Cambodge. Dans le cadre de la Stratégie rectangulaire et de la Stratégie nationale de développement pour 2006-2010, le Gouvernement a élaboré une stratégie en faveur de l’éducation pour 2006-2010 qui vise à ce que tous les Cambodgiens, enfants et adultes, sans aucune discrimination, bénéficient du même droit et du même accès à un enseignement de base scolaire et extrascolaire. Cette stratégie est liée à l’éducation à la paix, ainsi qu’au respect des droits de l’homme, des principes juridiques et démocratiques et de la justice. Des progrès importants ont été enregistrés: tous les enfants suivent une scolarité de base d’une durée de neuf ans. Le nombre d’écoles a augmenté de 30 % entre les années scolaires 2003/04 et 2006/07, et le nombre d’élèves dans tous les degrés s’est accru. Dans le secondaire, les boursiers sont à présent plus de 45 000, dont 63,2 % de filles. L’effectif d’enseignants a été porté de quelque 70 000 en 2003/04 à près de 80 000 en 2006/07. Le développement du secteur éducatif se concentre à présent sur la qualité de l’éducation de base dans le contexte du développement économique. Le Gouvernement a rattaché la stratégie éducative à la stratégie de réduction de la pauvreté.

13.En matière de santé, la priorité a été donnée à la prévention et à la prise en charge de toutes sortes de maladies épidémiques, aux soins de santé et à la nutrition, et des efforts ont été déployés en vue d’améliorer le bien-être de la population en général et celui des femmes et des enfants démunis en particulier, qui se sont soldés par la baisse des taux de mortalité maternelle, infantile, et des moins de cinq ans. Un nouveau plan pour le secteur de la santé couvrant la période 2008-2015 a été établi, et 130 organisations non gouvernementales (ONG) environ apportent leur concours dans le domaine de la santé.

14.Durant son troisième mandat, le Gouvernement est parvenu à porter secours et à offrir un soutien à un grand nombre de vagabonds, de personnes vulnérables ou handicapées et de victimes de la traite ou de catastrophes naturelles. Il a cherché à développer le système de protection sociale afin d’améliorer les conditions de vie des Cambodgiens, en augmentant pour cela les pensions des membres retraités de la fonction publique et des anciens combattants. Divers projets de loi ont été élaborés dans ce domaine et devraient être adoptés sous peu. Enfin, des initiatives ont été prises pour multiplier les offres d’emploi (dans le pays et à l’étranger) et développer la formation professionnelle et technique. Un plan quinquennal (2006-2012) a par ailleurs été en partie mis en œuvre pour lutter contre les formes les plus graves d’exploitation des enfants par le travail.

15.En ce qui concerne la culture, inscrite en bonne place dans la Constitution (art. 69), les autorités ont accordé une grande priorité à la protection du riche patrimoine culturel du pays afin de préserver et cimenter le tissu social à tous les niveaux. Pays de tolérance et de traditions, le Cambodge attache une haute importance au respect de la diversité et considère ses minorités comme une composante essentielle du développement démocratique. Un conseil national sur les questions ethniques et démographiques vient d’ailleurs d’être créé dans le pays.

16.L’économie du pays reposant sur les quatre piliers trop fragiles encore que sont l’industrie du vêtement, le tourisme, la construction et l’agriculture, et 30 % de la population vivant encore en dessous du seuil de pauvreté, il est certain qu’il reste encore beaucoup à faire pour améliorer la situation, d’autant que les efforts du Gouvernement ont été compromis par la crise financière mondiale et les autres tensions ou crises internationales. Conscient de toutes ces difficultés et de la nécessité de redoubler d’efforts, le Premier Ministre est déterminé à mettre en œuvre la deuxième phase de la stratégie rectangulaire sur la croissance, l’emploi, l’équité et l’efficacité, axée sur la politique socioéconomique, avec pour objectif premier de progresser sur la voie du développement dans tous les domaines, réduire la pauvreté et avancer dans la réalisation des droits économiques, sociaux et culturels.

17.Le représentant conclut en remerciant la communauté internationale et les partenaires de développement pour leur appui et leur coopération. Conscient que le rapport initial présente des lacunes, il voit dans ce premier exercice une excellente expérience et dit attendre beaucoup des échanges avec les membres du Comité, de leurs suggestions et de leurs recommandations.

Articles 1er à 5 du Pacte

18.M. SADI, déplorant qu’aucun haut responsable cambodgien n’ait fait le déplacement pour présenter le rapport à l’examen, demande à la délégation cambodgienne de préciser davantage la place du Pacte et d’exposer les cas de jurisprudence sur son application attestant la justiciabilité des droits économiques, sociaux et culturels. Il aimerait savoir par ailleurs comment le Comité national des droits de l’homme respecte les Principes de Paris, quels sont les domaines dans lesquels il a œuvré, et quels cas de violations il a été amené à traiter. Si l’État partie est à féliciter pour le renforcement de l’appareil judiciaire, il doit prendre conscience que la reconstruction du pays ne pourra s’asseoir que sur un pouvoir judiciaire compétent, indépendant et à l’abri de toute corruption.

19.Se référant au paragraphe 72 du rapport à l’examen, M. KERDOUN demande quelle est l’importance des investissements déjà réalisés dans l’État partie, avec les parts respectives des investissements nationaux et des investissements étrangers, quels sont les secteurs qui en ont le plus bénéficié ces dernières années et quelles en sont les retombées pour la population. Il souhaite également avoir confirmation de la rumeur selon laquelle le pays serait «à vendre», et s’enquiert de la vaste concession accordée au Koweït en vue de la production de riz destiné à l’exportation vers le Koweït, soulevant également la question des répercussions sur le Pacte, sur la situation alimentaire du pays, sur l’environnement (organismes génétiquement modifiés) et sur le développement. Il demande en outre s’il existe dans l’État partie une loi ou un code encadrant les investissements, qui détermine les secteurs susceptibles d’être concernés ainsi que les avantages accordés aux investissements étrangers directs. Enfin, il voudrait savoir si ce sont les investissements dits «de consommation» ou les investissements dits «productifs» qui sont privilégiés au Cambodge.

20.M. TIRADO MEJIA, qui aurait souhaité que des représentants ayant une meilleure connaissance de la situation du pays sur le plan technique fassent partie de la délégation cambodgienne, soulève la question de l’absence d’indépendance du pouvoir judiciaire et, partant, de son manque d’efficacité, problème évoqué par le Représentant spécial du Secrétaire général dans ses rapports. Outre la question de la corruption, la composition même du Conseil suprême de la magistrature (qui compte un ministre du Gouvernement et un membre permanent du parti au pouvoir) fait entrave à l’exercice de la justice et à celui des droits économiques, sociaux et culturels. M. Tirado Mejia demande donc à la délégation cambodgienne d’exposer de façon plus détaillée le mode de fonctionnement du pouvoir judiciaire dans l’État partie.

21.M. PILLAY s’étonne que dans sa déclaration liminaire, le Chef de la délégation cambodgienne n’ait pas évoqué le problème du logement ni celui des expulsions forcées alors que quatre citadins sur cinq vivent dans des bidonvilles, et que les expulsions se multiplient. Si le Pacte fait partie intégrante de l’ordre juridique interne en vertu de l’article 31 de la Constitution, il semblerait que dans la pratique, aucune loi n’ait été adoptée pour mettre en œuvre les droits économiques, sociaux et culturels, et qu’aucun recours ne soit offert aux victimes de violations de ces droits. Selon plusieurs sources d’information, l’appareil judiciaire ne serait ni indépendant ni impartial, et serait tellement corrompu qu’il favoriserait les couches les plus aisées et les plus hautes de la société. Certaines victimes d’expulsion forcée ont saisi la justice mais, dans l’attente d’une décision des tribunaux, elles ont été contraintes d’abandonner leurs terres et leurs biens sur décision du Gouvernement. En outre, en l’absence d’aide judiciaire, beaucoup ne peuvent exercer leur droit à la justice. Enfin, M. Pillay évoque la situation des défenseurs des droits de l’homme qui seraient harcelés et, dans certains cas, emprisonnés. La délégation cambodgienne est invitée à revenir sur tous ces points. Enfin, M. Pillay la prie de répondre précisément à la question no 32 de la liste des points à traiter.

22.M. KEDZIA demande quelle sorte de mesures le Gouvernement cambodgien a adoptées pour renforcer l’état de droit et quelles sont les voies de recours offertes à ceux qui se disent victimes de violations de leurs droits économiques, sociaux et culturels. Il voudrait également en savoir plus sur l’accès à l’aide judiciaire pour les catégories les plus défavorisées et les plus démunies, notamment les ruraux et les membres de minorités ethniques. En outre, il souhaite connaître la suite donnée à la recommandation formulée par le Représentant spécial du Secrétaire général dans son rapport de 2008 (A/HRC/7/42) tendant à adopter de toute urgence une loi sur la lutte contre la corruption. Il relève au paragraphe 63 du rapport à l’examen que le Comité national des droits de l’homme est chargé par le Gouvernement de mener des enquêtes et de recueillir des informations concernant l’application des droits de l’homme, ce qui n’est pas conforme aux Principes de Paris. Enfin, il voudrait savoir si le Cambodge envisage, comme le demande le Conseil des droits de l’homme, d’adresser une invitation permanente à tous les titulaires de mandat au titre des procédures spéciales car le Gouvernement cambodgien pourrait tirer grandement parti de leurs suggestions et observations.

23.Mme BRAS GOMES note que, d’après les renseignements fournis par l’État partie, tous les principaux projets de développement font l’objet d’une évaluation et d’un suivi rigoureux pour évaluer leurs effets. Or, selon d’autres sources d’information, dans le cadre de sa politique de développement, le Gouvernement cambodgien prendrait des décisions sans consulter préalablement les personnes concernées. Ainsi, près d’un million d’hectares de terres arables auraient été octroyés à des entreprises privées, avec de graves conséquences pour les communautés autochtones qui vivent dans la région ainsi que pour l’exploitation des ressources naturelles. D’autres sources font état de la militarisation progressive de territoires autochtones et de cas dans lesquels les ruraux autochtones qui tentent de s’opposer à leur expulsion sont victimes de harcèlement et d’intimidation pour ne parler que des affaires les moins préoccupantes. À ce sujet, Mme Bras Gomes voudrait un complément d’information sur le cadre juridique qui régit les expulsions forcées, ainsi que sur les terres qui ont été louées au Gouvernement koweïtien pour une période allant de soixante‑dix à quatre‑vingt dix ans. Elle souhaite en particulier savoir si les habitants de cette zone ont été préalablement consultés et si d’autres modes de subsistance leur ont été proposés. Enfin, elle déplore l’absence d’une loi interdisant expressément la discrimination, et évoque plusieurs cas dans lesquels des enfants handicapés ont été victimes de discrimination. Elle voudrait donc connaître le pourcentage du budget de l’éducation alloué à la mise en œuvre de la politique visant à favoriser l’accès des enfants handicapés à l’éducation.

24.M. ATANGANA aimerait savoir quelles mesures le Gouvernement cambodgien a prises pour donner suite à son engagement de combattre la corruption. Il déplore l’absence d’aide judiciaire et le montant exorbitant des frais de justice, et demande comment les Cambodgiens les plus démunis peuvent exercer leur droit à la justice.

25.M. ZHAN Daode voudrait obtenir des renseignements détaillés sur les attributions, les compétences et les activités du Comité national des droits de l’homme.

26.M. TEXIER se félicite que le Gouvernement cambodgien ait décidé de nouer un dialogue avec le Comité dix-sept ans après avoir ratifié le Pacte. Il constate qu’il existe un écart frappant entre les informations fournies par l’État partie, selon lesquelles les juges sont indépendants et impartiaux, et les nombreux sujets de préoccupation évoqués par le Représentant spécial du Secrétaire général dans ses précédents rapports. En l’absence d’un système judiciaire indépendant, impartial et efficace, aucun droit économique, social et culturel ne peut être respecté. Il déplore particulièrement le fait que les auteurs de violations des droits de l’homme restent impunis alors que les défenseurs des droits de l’homme sont victimes de harcèlement. Il invite la délégation cambodgienne à réagir aux observations particulièrement inquiétantes du Représentant spécial du Secrétaire général selon lesquelles le Gouvernement n’aurait aucun intérêt à procéder à des réformes du système juridique et judiciaire puisque la communauté internationale continue de lui verser de généreuses contributions financières quelle que soit l’ampleur des violations des droits de l’homme. M. Texier demande à quelle fin est utilisée l’aide internationale dans la mesure où celle‑ci ne sert apparemment pas à faire progresser le respect des droits de l’homme au Cambodge.

27.Mme BARAHONA RIERA voudrait savoir comment les peuples autochtones peuvent exercer leur droit à la propriété si l’État cambodgien mène une vaste politique de concession de territoires, notamment autochtones, à des investisseurs privés. La Constitution cambodgienne garantit l’égalité entre les sexes mais il semblerait que les femmes rencontrent notamment de nombreuses difficultés à accéder à la terre. De même, Mme Barahona Riera note avec satisfaction qu’il existe une politique de promotion de l’égalité entre les sexes et demande si cette politique s’accompagne de mesures d’action positive visant à favoriser la participation des femmes à la vie politique et économique. Elle voudrait savoir en particulier si des quotas permettent de garantir un certain nombre de postes aux femmes dans le domaine politique. Enfin, elle évoque des cas de discrimination à l’égard des femmes handicapées et des femmes appartenant à des minorités ethniques et demande si le Cambodge envisage d’adopter une loi‑cadre pour combattre la discrimination.

28.Mme BONOAN-DANDAN souhaiterait des précisions sur la manière dont est assurée une gestion transparente et responsable des montants très importants alloués au Cambodge pour la réforme de ses institutions et de son système judiciaire. Elle s’étonne qu’un projet de loi sur les ONG soit examiné actuellement en priorité, alors qu’une loi contre la corruption n’a toujours pas été adoptée. Par ailleurs, elle aimerait des précisions sur l’importance relative des sous-décrets, et des décrets royaux, dans la hiérarchie des normes, par rapport aux lois et aux décrets.

29.Évoquant des questions liées à l’environnement, Mme Bonoan‑Dandan demande si le moratoire décidé sur les concessions et l’exploitation forestières, notamment dans le nord du pays où la destruction des forêts se poursuit, est toujours d’application. En outre, des concessions seraient délivrées pour des projets hydroélectriques sans consultation préalable des populations, alors même que ces projets ne bénéficieraient pas aux Cambodgiens, devant servir à alimenter en électricité des pays voisins. Mme Bonoan‑Dandan demande si ces informations sont exactes, et aimerait savoir ce qu’il en est des textes en projet − un sous-décret et une loi − sur l’expropriation. Elle souhaite également des éclaircissements sur les «droits de possession» qui sont un préalable à l’obtention d’un titre foncier, et sur le processus par lequel un droit de possession devient un titre foncier. Elle aimerait aussi en savoir plus au sujet de la délimitation des terrains publics, car des informations ont été rapportées selon lesquelles des terrains publics seraient subitement transformés en concessions économiques, et les populations qui y vivent en seraient parfois expulsées.

La séance est suspendue à 12 h 5; elle est reprise à 12 h 20.

30.M. SUN Suon (Cambodge) dit qu’un laps de temps relativement court s’est écoulé depuis la fin de la période khmer rouge, qui a laissé un traumatisme profond dans la société cambodgienne, et souligne les difficultés du Cambodge à refermer ce chapitre. Le tribunal créé pour juger les responsables du génocide, juridiction mixte entre la justice cambodgienne et la communauté internationale, doit y contribuer.

31.La question de la création d’une commission nationale des droits de l’homme conforme aux Principes de Paris est suivie par le Gouvernement. Elle a fait l’objet de plusieurs réunions et séminaires, et les autorités cambodgiennes ont été approchées par des défenseurs des droits de l’homme au sujet de la création d’une telle commission et des moyens d’y parvenir.

32.Le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels est incorporé dans le droit interne cambodgien au moyen de l’article 31 de la Constitution. Tous les droits fondamentaux énoncés dans le Pacte ont été intégrés dans des dispositions concrètes de la Constitution dont certains articles s’inspirent du Pacte. Par ailleurs, l’article 150 de la Constitution prévoit que les lois et les décisions des institutions publiques doivent être rigoureusement conformes à la Constitution. En vertu de ce principe important, toutes les lois relatives aux droits économiques, sociaux et culturels − la loi sur le travail et la loi sur la famille, par exemple − sont régies conformément aux principes fondamentaux de la Constitution. Les tribunaux cambodgiens n’ont pas directement recours au Pacte car ils se réfèrent d’abord aux lois nationales; mais ces lois sont elles-mêmes conformes à la Constitution, qui intègre les principes fondamentaux du Pacte.

33.Pour ce qui est de la conversion de zones protégées en zones d’investissement ou zones économiques spéciales, il convient de noter que le Gouvernement cambodgien a adopté une politique d’investissement libérale afin d’attirer les capitaux étrangers et de créer des emplois destinés aux Cambodgiens. Cette politique a été couronnée de succès, notamment dans le secteur de l’agriculture. Les investisseurs qui peuvent faire la preuve que leur projet est susceptible de favoriser le développement économique du Cambodge et de créer des emplois se voient octroyer une concession pour une durée pouvant aller jusqu’à quatre‑vingt‑dix‑neuf ans. Ces zones sont actuellement au nombre de 15, et se situent généralement dans des régions stratégiques, soit à Phnom Penh, soit dans des villes frontalières faciles d’accès pour les entreprises et investisseurs étrangers, ce qui facilite le transport des marchandises de part et d’autre de la frontière.

34.Un comité interministériel, composé notamment de représentants du Ministère de l’environnement, mène une étude de faisabilité chaque fois qu’il est question de créer une nouvelle zone économique spéciale. Tout projet qui risquerait d’avoir des effets négatifs sur l’environnement ou sur le sort des populations locales est systématiquement rejeté. En revanche, les projets qui peuvent se révéler bénéfiques pour le développement économique du pays sont acceptés, pour autant qu’ils ne soient pas préjudiciables à l’environnement. Enfin, si un projet donné va a l’encontre des droits fonciers d’un groupe de population, celui-ci se voit octroyer une indemnisation.

35.Le Cambodge a besoin d’investisseurs étrangers pour se développer sur le plan économique et prospérer; c’est la raison pour laquelle il a accepté que le Koweït investisse dans le secteur de l’agriculture. Toutefois aucun accord bilatéral n’a été conclu entre les deux pays.

36.La question de la réforme foncière est délicate car elle a une dimension à la fois politique, économique, sociale et historique. Sous le régime des Khmers rouges, toutes les terres avaient été nationalisées. Par la suite, elles ont été remises en vente, mais aucun investisseur ne s’y intéressait jusqu’à ce que le pays connaisse un nouvel essor économique. C’est à ce moment-là qu’a commencé la spéculation que le Gouvernement cambodgien doit combattre.

37.Dans le cadre de la réforme foncière, le Gouvernement cambodgien a élaboré un cadre juridique destiné à protéger les droits fonciers des peuples autochtones et, partant, à renforcer la mise en valeur des terres, des forêts et des ressources naturelles nécessaires à leur survie. Il combat ainsi la pauvreté, la déforestation et l’occupation illégale des terres, et, d’une manière générale, protège les générations futures.

38.D’autres mesures ont déjà été prises pour protéger les droits fonciers des peuples autochtones. L’on peut notamment citer le sous-décret sur l’enregistrement des terres autochtones, le projet de politique sur le système d’évaluation des terres, la mise en place d’une autorité chargée de résoudre les différends dans le domaine foncier. En 2008, la Commission chargée du cadastre s’était déjà prononcée sur 1 400 affaires concernant des parcelles de 2 500 hectares impliquant plus de 7 500 ménages. Aussi s’imposait-il de poursuivre la procédure d’enregistrement des terres. En 2007, 37 % des terres agricoles appartenant à des ménages et exploitées par eux avaient donné lieu à l’octroi d’un titre de propriété. En outre, entre 2002 et 2007, 12 000 hectares de terres déminées avaient été distribués à quelque 27 000 familles qui n’en possédaient pas, et ce, grâce au système d’évaluation des terres toujours plus transparent et efficace.

39.Il est légitime que la communauté des donateurs ait la volonté d’évaluer chaque année les programmes mis en place dans le pays, que ce soit pour ce qui est de l’octroi de titres fonciers, de la lutte contre la corruption ou encore du respect de la règle de droit ou des droits de l’homme.

40.Pour combattre l’occupation illégale des terres ainsi que la concentration des terres entre les mains de personnes qui ne les exploitent pas, le Gouvernement a entrepris de passer en revue toutes les grandes concessions pour en vérifier la taille et en retirer les parcelles appartenant à des zones protégées ou qui y ont été rattachées à tort, au détriment de plus petits propriétaires terriens. Il poursuivra sur cette voie et veillera à ce que l’enregistrement des terres du domaine public se fasse dans le respect des procédures prévues dans le sous-décret sur le cadastrage des terres du domaine public et le sous‑décret sur l’enregistrement des terres autochtones. Les spéculateurs ont été repérés et les terres qu’ils occupaient illégalement leur ont été retirées pour être affectées à des ménages qui en avaient besoin et favoriser ainsi le développement social. En outre, l’État prélève un impôt sur les terres en friche. Un plan de développement stratégique a également été mis au point pour les terres situées dans des zones économiquement intéressantes afin d’éviter la concentration des terres et permettre à 10 000 familles d’en profiter d’ici 2010.

41.Les projets hydroélectriques de la vallée du Mékong sont nombreux. Ils sont toutefois l’œuvre non pas du Cambodge mais des pays riverains, dont la Chine, la Thaïlande, la République démocratique populaire lao. Quoi qu’il en soit, conformément aux principes sur lesquels se sont accordés ces pays dans le cadre du développement durable de la région du Mékong, tout aménagement doit faire l’objet de discussions au niveau régional avant d’être lancé, et une étude de faisabilité menée pour étudier notamment les effets que le projet envisagé aurait sur les communautés établies le long du fleuve du point de vue économique et social ainsi que sur l’environnement, l’objectif étant de préserver les ressources naturelles des peuples concernés. Si toutefois les villageois concernés risquaient d’être lésés, ils seraient évacués et indemnisés. Pour ce qui est de la construction de barrages, le Cambodge est très en retard par rapport aux pays voisins.

La séance est levée à 13 heures.

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