NATIONS UNIES

E

Conseil économique et social

Distr.GÉNÉRALE

E/C.12/2006/SR.3210 janvier 2007

Original: FRANÇAIS

COMITÉ DES DROITS ÉCONOMIQUES, SOCIAUX ET CULTURELS

Trente‑septième session

COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA 32e SÉANCE

tenue au Palais Wilson, à Genève,le lundi 6 novembre 2006, à 15 heures

Présidente: Mme BONOAN‑DANDAN

SOMMAIRE

RELATIONS AVEC LES ORGANISMES DES NATIONS UNIES ET LES AUTRES ORGANES CONVENTIONNELS (suite)

QUESTIONS DE FOND CONCERNANT LA MISE EN ŒUVRE DU PACTE INTERNATIONAL RELATIF AUX DROITS ÉCONOMIQUES, SOCIAUX ET CULTURELS: COMMUNICATIONS D’ONG

La séance est ouverte à 15 h 10.

RELATIONS AVEC LES ORGANISMES DES NATIONS UNIES ET LES AUTRES ORGANES CONVENTIONNELS (point 5 de l’ordre du jour) (suite)

1.M. SINGH (Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture − UNESCO) fait part au Comité du lancement, le 26 octobre 2006, par M. Matsuura, Directeur général de l’UNESCO, du Rapport mondial de suivi sur l’Éducation pour tous 2007, dont le thème central est la protection et l’éducation de la petite enfance. Ayant rappelé le même intérêt que partagent le Comité sur les conventions et recommandations de l’UNESCO et le Comité des droits économiques, sociaux et culturels pour l’application plus effective du droit à l’éducation, le représentant de l’UNESCO évoque la quatrième réunion du Groupe conjoint d’experts UNESCO (Comité sur les conventions et recommandations)/Conseil économique et social (Comité des droits économiques, sociaux et culturels), tenue sur le thème de la possibilité d’invoquer ce droit devant les tribunaux. Il cite en particulier le projet de décision adopté par le Conseil exécutif, dans lequel le Groupe conjoint d’experts est salué pour les activités qu’il accomplit et est encouragé à poursuivre ses travaux sur les questions qui revêtent une importance cruciale pour la réalisation du droit à l’éducation. La cinquième réunion du Groupe conjoint d’experts doit se tenir les 17 et 18 novembre 2006 au siège de l’UNESCO.

2.Rappelant que l’UNESCO mène actuellement sa septième consultation des États membres sur l’application de la Convention et de la Recommandation concernant la lutte contre la discrimination dans le domaine de l’enseignement (1960), M. Singh évoque son utilité dans la perspective du débat que va tenir le Comité des droits économiques, sociaux et culturels sur le projet d’observation générale sur la non‑discrimination. Faisant référence au suivi de la Déclaration de Jakarta adoptée lors de la Conférence internationale sur le droit à l’éducation de base en tant que droit fondamental de l’être humain et le cadre juridique nécessaire à son financement, il indique que l’UNESCO met en place le réseau de spécialistes dans le domaine de l’éducation.

3.Sur le plan technique, l’UNESCO continue d’offrir une aide aux États membres qui cherchent à actualiser leur législation nationale ou à établir de nouvelles lois dans le domaine de l’éducation, en privilégiant l’intégration des normes instituées dans le cadre des instruments de l’UNESCO et de l’ONU. M. Singh cite à cet égard le Brésil (nouvelle loi sur l’éducation de base adoptée début 2006) et la République du Nigéria (loi de 2004 sur l’éducation de base universelle, obligatoire et gratuite), deux exemples marquants dans la réalisation du droit à l’éducation en tant que droit fondamental.

4.Ayant évoqué le Cadre d’action mis au point par l’UNESCO (initiative «EDUSIDA») et l’initiative interinstitutions «Concentrer les ressources sur la santé à l’école» (FRESH), M. Singh dit que les efforts ainsi menés conjointement ont aidé une cinquantaine de pays à établir et appliquer des plans d’action nationaux dans le domaine de l’éducation et de la santé scolaire, et ajoute que le droit au travail, que l’UNESCO ne dissocie pas du droit à l’éducation et du droit à la santé, reçoit toute l’attention voulue de la part de son organisation.

5.M. SADI, ayant souligné l’importance particulière que revêt l’éducation pour le Comité, soulève le problème de l’interprétation du terme «tous» dans l’expression «l’éducation pour tous», certains pays en développement en limitant le sens aux citoyens et aux résidents légaux, sous la pression du contribuable. Pour le Comité, notamment, ce terme recouvre aussi les résidents illégaux. M. Sadi demande donc à M. Singh d’indiquer de quelle façon les pays en question peuvent utiliser les fonds collectés au moyen de l’impôt aux fins de l’éducation des résidents illégaux.

6.M. SINGH (UNESCO) confirme que les dispositions en question ne sont pas conformes aux obligations juridiques internationales. Il cite à cet égard l’article 13 du Pacte et l’Observation générale no 13 correspondante, consacrée au droit à l’éducation, qui précise clairement que ce droit s’applique aussi aux personnes qui se trouvent en situation illégale sur un territoire. Or les textes de loi élaborés aujourd’hui encore disposent souvent que le droit à l’éducation s’applique aux citoyens, et non à tous. Des politiques et des cadres juridiques complémentaires sont donc mis au point actuellement en vue de régler les questions liées à l’éducation de tous ceux qui ne sont pas compris comme des citoyens (immigrants, étrangers, réfugiés, notamment). Il faut bien veiller à ce que les révisions de constitution ou les modifications de lois aillent bien dans le sens d’une mise en conformité avec les obligations internationales.

7.M. HEENAN (Coordonnateur pour le VIH/sida au Haut‑Commissariat aux droits de l’homme), ayant signalé la parution de la nouvelle édition des Directives concernant le VIH/sida et les droits de l’homme (E/CN.4/1997/37), informe les membres du Comité sur les problèmes de droits de l’homme liés au VIH/sida au Tadjikistan. À l’instar des autres pays de la région, la situation y est difficile à évaluer. Selon les autorités, le pays comptait 317 cas signalés en 2005, mais les estimations d’ONUSIDA évoquent 4 900 cas (fourchette de 2 400 à 16 000 cas), soit un taux de prévalence de 0,1 %. Si le taux de contamination par habitant est le plus faible d’Asie centrale, tout semble indiquer que le VIH s’y propage rapidement (taux d’infection quintuplé entre 2003 et 2004), et selon les prévisions de l’ONU et des donateurs, c’est 1 % de la population adulte qui vivra avec le VIH à la fin de l’année, prémices d’une épidémie généralisée, et plus de 250 000 personnes qui seront contaminées en 2014, si l’on en croit les projections les plus pessimistes.

8.Rappelant que le principal vecteur de la transmission du virus est l’usage de drogues par injection, facilité par la proximité de pays producteurs de drogues (Afghanistan) et des circuits de contrebande, M. Heenan indique que les groupes de population les plus touchés par le virus sont les consommateurs de drogues par injection, les professionnels du sexe, les détenus et les migrants, 80 % des cas signalés dans le pays concernant des jeunes de moins de 30 ans. La forte consommation de drogues par injection, les comportements sexuels et les pratiques médicales à risque, la grande méconnaissance de la maladie, la stigmatisation et la discrimination sont autant de facteurs d’une propagation rapide du VIH à l’ensemble de la population.

9.Ayant indiqué que le montant total du financement des donateurs en faveur de programmes de lutte et de prévention s’élève à 5 millions de dollars, M. Heenan salue les mesures prises par le Gouvernement pour enrayer l’épidémie, et sa volonté manifeste de reconnaître l’importance de la lutte contre le sida malgré la faible prévalence du virus dans le pays et malgré le manque de ressources évoqué au paragraphe 532 du rapport initial de l’État partie (E/C.12/TJK/1).

10.M. Heenan évoque ensuite les domaines de préoccupation: droit à l’information, stigmatisation et discrimination, droit au respect de la vie privée et droit à la santé. S’agissant du droit à l’information, il souligne que la prévention est capitale dans le cas du Tadjikistan, où la prévalence du VIH est remarquablement faible. La méconnaissance de la maladie et des moyens de s’en protéger est un vecteur majeur de l’épidémie. Une enquête de 2005 a révélé que seules 36,1 % des femmes rurales de 15 à 49 ans avaient entendu parler du VIH. Malgré les efforts du Gouvernement et des donateurs pour pallier le manque d’information (y compris dans le système éducatif), les populations vulnérables mais aussi les personnels de santé demeurent insuffisamment informés.

11.La stigmatisation et la discrimination persistent dans le pays, risquant d’entraver les initiatives les plus louables, notamment la fourniture d’une protection sociale particulière aux personnes vivant avec le VIH (qui passe par l’acceptation par ces personnes de leur condition). Il importe de s’efforcer davantage de faire évoluer les comportements des personnes contaminées et, parallèlement, de leur garantir la confidentialité sur leur état. Un certain nombre d’initiatives marquantes ont été prises à cet égard dans le pays − campagnes d’information locales et nationales, promotion de la formation aux droits de l’homme et à la déontologie ayant trait au VIH dans l’éducation aux soins de santé, appui renforcé aux personnes vivant avec le VIH pour qu’elles informent sur la prévention, le traitement et les services de soin et contribuent ainsi à la lutte contre les préjugés et la discrimination. Au sujet du droit au respect de la vie privée, les rapports font état du manque persistant de confidentialité sur le VIH. Étant donné les forts préjugés et la discrimination ambiante, le droit de chacun au respect de la vie privée est capital pour que la prévention et le traitement soient efficaces, et les professionnels de la santé doivent être tout spécialement formés aux moyens de garantir la confidentialité au malade, et répondre des manquements éventuels. De même, les systèmes judiciaire et de protection sociale doivent adopter des pratiques non discriminatoires tout en veillant au respect de la confidentialité.

12.Concernant le droit à la santé, M. Heenan évoque le dépistage, le traitement et la prévention du VIH. Le manque de services de dépistage au Tadjikistan engendre un certain nombre de problèmes, empêchant notamment d’établir avec exactitude la prévalence du VIH dans le pays et, partant, dans la sous‑région. Il faut donc intégrer pleinement le dépistage dans les établissements de santé, tout en veillant à y bannir les préjugés et la discrimination, et créer des services de conseil et de dépistage volontaires dans tout le pays. En matière d’accès au traitement, des progrès ont été accomplis récemment, avec l’aide du Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, et ce sont 60 personnes qui bénéficient du traitement antirétroviral aujourd’hui, mais les estimations de la prévalence appellent l’adoption de mesures importantes pour étendre la couverture du traitement, sur le long terme. Enfin, en termes d’accès à la prévention, il convient de mener des «programmes pour un moindre mal» et de lutter contre l’usage de drogues par injection chez les jeunes. Il faut aussi mener des campagnes d’information en faveur de l’utilisation du préservatif. Fin 2005, les opérations de l’ONU et du Fonds mondial ont permis de distribuer 8 millions de préservatifs, mais 100 millions seraient nécessaires pour enrayer efficacement la transmission par voie sexuelle.

13.M. Heenan évoque ensuite un certain nombre de groupes de population à risque au Tadjikistan. Les migrants tout d’abord, qui présentent un taux de prévalence supérieur à celui de la population en général. Le fait que ces personnes, en particulier celles qui sont en situation irrégulière, risquent d’être expulsées en cas de séropositivité, freine le développement de l’accès aux services de prévention, de soins et d’aide, et le nombre croissant de Tadjiks ayant émigré et revenant dans le pays porteurs du virus pose un véritable problème. Les détenus sont un autre groupe vulnérable qui, selon le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), représente 20 % des séropositifs dans le pays. Au‑delà des mesures prises pour étendre les services de prévention et de traitement dans les prisons (distribution de 45 000 préservatifs, notamment), il faut mener une action durable pour garantir le respect du droit à la santé des détenus et, dans une démarche de santé publique, éviter que les anciens détenus ne propagent la maladie. Quant à la catégorie des professionnels du sexe, groupe de population croissant, le Gouvernement et ses partenaires internationaux ont veillé à leur offrir l’accès aux services de santé (traitement des maladies sexuellement transmissibles, notamment), et à les informer sur le VIH. Se pose la difficulté du développement des services de prévention, de traitement et de soins dans le contexte particulier du pays, notamment des migrations et de la traite d’êtres humains. Enfin, concernant les enfants, M. Heenan signale que le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF) a présenté un document d’information distinct.

14.M. RIEDEL remercie M. Heenan d’avoir soulevé la question particulièrement importante des migrants en situation irrégulière dans le pays et dit que toute information concernant ce groupe de population est bienvenue. Étant donné l’ampleur de la contamination par le VIH parmi la population carcérale du Tadjikistan (28 %), les chiffres communiqués sont précieux pour le Comité car ils lui permettent de poser des questions mieux ciblées et de fixer à l’État partie des critères mieux adaptés et plus aisément acceptables par ce dernier.

15.M. SADI, évoquant la mesure proposée pour lutter contre la contamination entre détenus − qui consiste à fournir 100 millions de préservatifs −, pose la question de la pertinence d’une telle solution, qui ne lui semble pas appropriée et trop restrictive, en particulier au vu des projections du nombre de cas de séropositifs en 2014, et souhaite que soit menée une réflexion plus en profondeur sur la question.

16.M. RZEPLINSKI demande quelle est, du VIH ou de la tuberculose, la maladie qui pose le plus grand problème au Tadjikistan.

17.M. KOLOSOV demande si la question des immigrants tadjiks en Fédération de Russie, groupe de population considérable comptant au moins un million de personnes, a bénéficié de l’attention voulue de la part des auteurs de l’étude, et souhaite connaître la situation de ce groupe à l’égard du VIH.

18.M. HEENAN (Haut‑Commissariat aux droits de l’homme), répondant à M. Sadi, fait, en termes de prévention, la différence entre l’approche axée sur les droits de l’homme et la démarche de santé publique. Contrairement à la seconde, qui fait appel à des moyens radicaux, la première – favorisée ces 10 dernières années − vise à protéger les droits des personnes atteintes et des groupes vulnérables et est donc plus à même d’enrayer le fléau. Il évoque à cet égard la grande offensive récente en faveur d’une démarche de santé publique, que certains appellent la «revanche des médecins», qu’il convient de contrebalancer par une action de sensibilisation aux bienfaits de l’approche axée sur les droits. Concernant la question de la vie sexuelle des détenus, M. Heenan dit que l’activité sexuelle en prison est une réalité, qu’elle s’accompagne ou non de violences. La solution proposée de distribuer des préservatifs n’est qu’une composante d’une action plus vaste et pluridimensionnelle, et il serait intéressant de rapprocher le chiffre proposé (100 millions) du nombre de préservatifs distribués dans les pays occidentaux au cours de la même période.

19.Répondant à M. Rzeplinski, M. Heenan indique que VIH et tuberculose sont liés. Si la tuberculose pose, à l’heure actuelle, le plus grand problème, elle est en passe d’être reléguée au second plan par le VIH. Le problème de la tuberculose est qu’elle tue, et qu’elle devient résistante aux traitements.

20.La Fédération de Russie est une destination privilégiée pour les Tadjiks à la recherche d’un emploi et les statistiques concernant le nombre de Tadjiks qui reviennent chez eux porteurs du virus sont inquiétantes.

21.M. ABDEL‑MONEIM, ayant pris connaissance des recommandations proposées sur la note d’information distribuée par M. Heenan, dit que, s’agissant de la première qui a trait à la tuberculose et au paludisme, il conviendra, lors de l’examen de la situation dans le pays, de porter une attention particulière au paragraphe 55 du rapport initial de l’État partie (E/C.12/TJK/1), qui énumère les différentes mesures de santé publique prises dans ce domaine, notamment de la politique de prévention du VIH/sida, liée ici aux maladies sexuellement transmissibles. Se référant au paragraphe 105 de la brochure distribuée sur les Directives internationales concernant le VIH/sida et les droits de l’homme, il dit qu’il faudra également voir si l’État partie a évoqué de quelconques restrictions aux droits de l’homme dans le contexte du VIH/sida.

22.Mme GHOSE voudrait savoir comment on distingue, en matière de lutte contre le VIH/sida, une approche fondée sur les droits de l’homme d’une démarche de santé publique et se demande s’il ne serait pas préférable d’aborder la question dans sa globalité et s’il convient de parler de «revanche des médecins».

23.M. HEENAN (Haut‑Commissariat aux droits de l’homme) répond qu’une approche fondée sur les droits de l’homme a pour vocation de protéger les personnes dans leur individualité tandis qu’une démarche de santé publique protège la population dans son ensemble, au mépris parfois des droits individuels. En matière de lutte contre le VIH/sida, la mesure de santé publique qui consisterait à isoler les séropositifs au même titre qu’on isole les personnes atteintes de maladies infectieuses comme le choléra tendrait à restreindre les droits de ces personnes et n’est pas viable puisqu’elle reviendrait à les mettre au ban de la société jusqu’à leur mort du fait qu’il n’existe pas de traitement.

24.M. RIEDEL rappelle que dans son Observation générale no 14 sur le droit à la santé, le Comité a mis l’accent sur l’approche fondée sur les droits de l’homme, compte tenu que les institutions spécialisées, et notamment l’Organisation mondiale de la santé (OMS), axent leur action sur la santé publique. Le Comité n’a pas pour autant négligé cet aspect‑là, insistant dans son observation sur la nécessité, pour les États parties, de «mettre en œuvre» les politiques et stratégies de santé publique, tandis que l’obligation qui leur incombe de «respecter» et «protéger» fait qu’ils sont tenus d’accorder la plus haute importance aux droits de la personne.

25.M. NOWOSAD (Équipe chargée des institutions nationales de défense des droits de l’homme au Haut‑Commissariat aux droits de l’homme) dit que l’équipe chargée des institutions nationales de défense des droits de l’homme au sein du Haut‑Commissariat se fonde souvent sur les observations finales des organes conventionnels pour définir son action dans un pays donné et compte sur lesdits organes pour qu’ils invitent les États parties à renforcer les capacités des institutions nationales à l’occasion de l’examen de leurs rapports périodiques.

26.M. Nowosad indique que le Haut‑Commissariat a élaboré un recueil des observations finales de tous les organes créés en vertu d’instruments internationaux faisant référence au travail des institutions nationales, qui contient 79 pages, ce qui montre que lesdits organes ont pris conscience de l’importance de ces instances et de la nécessité pour les États de les doter de davantage de moyens. Disponible en anglais, en arabe, en espagnol et en français, ce document dresse la liste des conditions requises pour que ces institutions puissent travailler le plus efficacement possible.

27.M. Nowosad salue le rôle de chef de file joué par le Comité dans le cadre de l’élaboration de directives harmonisées applicables aux organes conventionnels dans leurs relations avec les institutions nationales et rappelle qu’il a été le premier organe à inviter lesdites institutions à participer à l’examen des rapports des États parties et à présenter des rapports informels sur la situation des droits de l’homme au niveau national. Il regrette que les dates de l’atelier sur les institutions nationales organisé à Berlin les 23 et 24 novembre 2006 par l’Institut allemand des droits de l’homme et l’Institut danois des droits de l’homme se chevauchent avec celles de la session en cours du Comité mais ne doute pas que le Comité sera tenu informé des conclusions de cet atelier, à l’occasion notamment de la prochaine réunion intercomités. M. Nowosad salue en outre le rôle actif du Comité dans la promotion de la ratification du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, notamment la participation de certains de ses membres à de nombreuses réunions régionales sur ce thème.

28.Il serait très utile que conformément aux Principes de Paris, le Comité encourage les États parties à consulter les institutions nationales dans le cadre de l’élaboration de leurs rapports, sans pour autant les charger de l’élaborer dans son intégralité de manière à préserver leur indépendance. Les institutions nationales sont manifestement de plus en plus disposées à se charger du suivi des observations finales et il est donc très important que les États parties comprennent que les critiques qu’elles formulent parfois sont constructives et ont pour seul objet de renforcer le système de protection des droits. Aussi le Comité devrait‑il veiller à ce que les États parties prennent conscience de l’importance de créer les conditions favorables à l’indépendance financière des institutions nationales, et à ce qu’elles soient dotées de personnels qualifiés et dirigées par des personnes compétentes choisies selon une procédure qui empêche l’exécutif d’exercer une quelconque influence en la matière.

29.S’agissant d’El Salvador, M. Nowosad indique que la Procureure à la défense des droits de l’homme (Procuradora para la Defensa de los Derechos Humanos) a été agressée et a fait l’objet de menaces; il serait de ce fait important d’appeler l’attention de la délégation salvadorienne, lors de l’examen de son deuxième rapport périodique (E/1990/6/Add.39), sur la nécessité de garantir la protection de la Procureure.

30.Dans le cas des Pays‑Bas, il serait intéressant que le Gouvernement mette en place une instance de défense des droits de l’homme dotée d’un mandat plus large que celui de la Commission de l’égalité de traitement (CGB) actuellement en place, instance qui protégerait non seulement les droits civils et politiques mais aussi les droits économiques, sociaux et culturels.

31.En février 2006, le Haut‑Commissariat a mené une mission au Tadjikistan pour donner suite aux observations finales d’autres organes conventionnels et envisager la possibilité d’établir une commission des droits de l’homme dotée d’un vaste mandat et il serait bon que le Comité insiste lors de l’examen du rapport initial de cet État partie (E/C.12/TJK/1) sur la nécessité d’instaurer une telle commission.

32.Lors de l’examen des rapports initiaux de l’ex‑République yougoslave de Macédoine (E/C.12/MKD/1) et de l’Albanie (E/1990/S/Add.67), qui ont chacune institué la fonction d’ombudsman (médiateur), il faudrait que le Comité encourage ces deux États parties à veiller à maintenir le niveau de protection des droits qu’ils sont parvenus à atteindre.

33.La PRÉSIDENTE affirme que depuis de nombreuses années, le Comité n’a eu de cesse d’encourager les États parties à créer des institutions nationales, et déplore que peu d’entre elles visent à faire respecter aussi les droits économiques, sociaux et culturels. En outre, bien que le Comité encourage vivement les institutions nationales à assister à l’examen des rapports des États parties, cela n’a jamais été le cas en pratique, ce qui est regrettable. Cela dit, lorsque le cas se présentera, la question se posera de savoir comment les faire participer, et à quel titre: les représentants de telles institutions devront‑ils prendre place à la table du Comité en tant que membres de la délégation et le Comité pourra‑t‑il leur poser des questions en tant que tels? L’opinion du Haut‑Commissariat sur ce point serait la bienvenue.

34.M. ABDEL‑MONEIM estime que les rôles respectifs des institutions nationales et des organisations non gouvernementales (ONG) doivent être définis, les secondes reprochant souvent aux premières de mettre en œuvre des actions qui interfèrent avec leurs activités.

35.M. SADI fait observer que le Comité encourage toujours les États parties à instaurer des institutions nationales de défense des droits de l’homme et à créer des plans d’action nationaux dans le cadre du dialogue avec les États parties mais qu’il hésite parfois avant de faire figurer cette recommandation dans les observations finales compte tenu qu’il ne s’agit pas là d’une obligation découlant du Pacte.

36.M. RIEDEL pense que le degré d’importance accordé aux institutions nationales qui assisteraient à l’examen des rapports des États parties pourrait dépendre de leur niveau d’accréditation, et notamment du fait qu’elles réunissent ou non tous les critères énoncés dans les Principes de Paris. Compte tenu que certaines institutions nationales sont réellement indépendantes et d’autres non, il n’est pas possible d’établir une règle applicable à toutes et l’importance qui leur est accordée doit être décidée au cas pas cas.

37.M. TEXIER, appuyé par Mme BARAHONA RIERA, demande un complément d’information sur les menaces dont a fait l’objet la Procureure à la défense des droits de l’homme en El Salvador, et souhaite savoir si le Gouvernement salvadorien a ouvert une enquête à ce sujet, et le cas échéant engagé des poursuites contre les auteurs desdites menaces.

38.M. RZEPLINSKI dit que seule une procédure de nomination des dirigeants des institutions nationales indépendante du pouvoir exécutif peut garantir leur réelle indépendance et regrette que la fonction de médiateur dans de nombreux pays ne dispose généralement pas de suffisamment de pouvoirs.

39.Mme BARAHONA RIERA pense qu’il faudrait que tous les États parties se dotent à la fois d’une institution nationale de défense des droits de l’homme, chargée d’agir sur le plan législatif, et d’un médiateur, chargé de défendre les droits des particuliers. Elle demande dans quelle mesure le Haut‑Commissariat entend aider les États parties à se familiariser avec les nouveaux indicateurs proposés, qui pourraient sembler faire double emploi avec les indicateurs déjà existants, comme les indicateurs structurels, quantitatifs ou qualitatifs.

40.Mme BRAS GOMES dit que le degré d’indépendance d’une institution nationale des droits de l’homme ne devrait pas être le seul critère à prendre en considération pour accorder du poids aux informations fournies par cette institution. Il existe dans certains pays des commissions sectorielles qui dépendent de ministères et ne sont donc pas indépendantes au sens des Principes de Paris. Celles-ci jouent pourtant un rôle essentiel en examinant la législation en vigueur et en recommandant des amendements si nécessaire. La question est de savoir quelle place le Haut‑Commissariat et les organes conventionnels doivent leur accorder.

41.M. NOWOSAD (Haut‑Commissariat aux droits de l’homme), répondant brièvement à certaines observations et interrogations exprimées par les membres du Comité, dit qu’une institution nationale des droits de l’homme est un organisme de contrôle créé par la Constitution ou un texte législatif et doté de pouvoirs et d’attributions spécifiques pour œuvrer dans le domaine des droits de l’homme. Cette institution doit remplir un certain nombre de critères: jouir d’un certain degré d’indépendance fonctionnelle et juridique, être pluraliste, être accessible à tous, collaborer avec la société civile et rendre des comptes, la plupart du temps au Parlement. Si le critère de la conformité aux Principes de Paris est important, il ne saurait être exclusif.

42.S’agissant de la question de la participation des institutions nationales aux travaux des organes conventionnels en général et du Comité en particulier, M. Nowosad estime qu’il n’est pas souhaitable que les institutions fassent partie intégrante des délégations qui viennent présenter leur rapport périodique devant le Comité car cela laisserait planer des doutes sur leur indépendance. Avant d’envisager toute coopération, les organes conventionnels doivent surtout faire connaître leurs travaux auprès des institutions nationales des droits de l’homme car, dans certaines régions, beaucoup ignorent même l’existence de ces organes.

43.Pour ce qui est de la place accordée aux droits économiques, sociaux et culturels, M. Nowosad signale que le Haut‑Commissariat aux droits de l’homme a publié un manuel sur les droits économiques, sociaux et culturels à l’intention des institutions nationales des droits de l’homme. Il en sera distribué un exemplaire aux membres du Comité. Si les institutions nationales des droits de l’homme n’ont pas une connaissance approfondie des droits consacrés par le Pacte international, elles manifestent un vif intérêt pour les questions de réduction de la pauvreté et l’approche du développement fondée sur les droits de l’homme et ont donc beaucoup à apprendre des travaux du Comité des droits économiques, sociaux et culturels.

44.Selon les pays, il n’est pas toujours facile de faire la différence entre un ombudsman et une institution nationale des droits de l’homme et il n’est pas souhaitable que les deux entités coexistent dans la mesure où elles peuvent faire double emploi. Dans de nombreux pays, notamment en Amérique latine, l’ombudsman dispose de compétences plus larges que les institutions nationales des droits de l’homme. La procédure de nomination de l’ombudsman est une question délicate. Si les Principes de Paris ne comprennent pas de dispositions précises en la matière, ils préconisent toutefois que cette procédure soit transparente et que les comités de nomination incluent des représentants de la société civile. Au sujet des indicateurs relatifs aux droits de l’homme, M. Nowosad dit qu’ils servent notamment à évaluer la conformité des institutions nationales des droits de l’homme aux Principes de Paris. Au fur et à mesure de leur exploitation, ils devraient avoir une utilité plus large.

45.M. Nowosad regrette de ne pouvoir fournir en séance plus de renseignements détaillés sur les menaces dont a fait l’objet la Procureure à la défense des droits de l’homme en El Salvador mais il signale que les autorités salvadoriennes ont été chargées de l’affaire et ont assigné des gardes du corps à la Procureure.

QUESTIONS DE FOND CONCERNANT LA MISE EN ŒUVRE DU PACTE RELATIF AUX DROITS ÉCONOMIQUES, SOCIAUX ET CULTURELS: COMMUNICATIONS D’ONG (point 3 de l’ordre du jour)

46.M. SANTAMARIA (Fundación de estudios para la aplicación del derecho − FESPAD) dit qu’en 2001, El Salvador a adopté une loi d’intégration monétaire pour recourir au dollar comme unité d’échange et de compte. Avec cette dollarisation de l’économie, le Gouvernement a perdu toute autonomie en matière économique et monétaire. La FESPAD exhorte le Gouvernement à garantir le bimonétarisme conformément à la loi d’intégration monétaire, à définir une politique commerciale pour garantir le développement national, le plein emploi et la production agricole et à mettre en place des programmes de compensation économique pour les petits producteurs agricoles touchés par les accords de commerce et d’investissement.

47.Si les chiffres du chômage ont officiellement baissé, la précarité et le sous‑emploi se développent et l’on observe un assouplissement des règles régissant le marché du travail, en particulier dans les maquiladoras où les règles d’embauche et les conditions définies dans le Code du travail ne sont pas toujours respectées. La FESPAD recommande au Gouvernement d’établir des indicateurs fiables en matière d’emploi pour avoir un tableau objectif de la situation, à partir duquel il pourra élaborer des politiques de création d’emplois dans les secteurs les plus touchés. Elle l’engage également à appliquer sans plus tarder les conventions de l’OIT qu’il a récemment ratifiées et à faire en sorte que la promotion de l’emploi ne se fasse pas au détriment des garanties prévues par le Code du travail.

48.Durant la période couverte par le deuxième rapport périodique d’El Salvador (E/1990/6/Add.39), les travailleurs ont continué de se heurter à d’énormes difficultés pour exercer leurs droits syndicaux. El Salvador refuse notamment de reconnaître les syndicats dans la fonction publique en violation flagrante des conventions de l’OIT auxquelles il est partie. La FESPAD recommande au Gouvernement de ne pas interpréter de façon restrictive les dispositions de la Constitution en matière de liberté syndicale et de n’imposer aucune restriction à la liberté d’association dans la fonction publique, notamment dans la police nationale civile.

49.La loi sur les retraites d’avril 1998 a confié l’administration des fonds de pension à des entités privées et a obligé les personnes âgées de plus de 35 ans à s’affilier au nouveau système privé, qui ne respecte pas le principe de solidarité et ne garantit pas la revalorisation périodique des fonds de pension. La FESPAD recommande au Gouvernement de revoir le système actuel et de procéder aux revalorisations nécessaires pour que les retraités puissent vivre dans des conditions décentes.

50.Si El Salvador reconnaît dans son deuxième rapport périodique avoir des problèmes d’insécurité alimentaire, de déficit de sa production alimentaire et de dépendance à l’égard des importations de céréales et de viande bovine, il omet de parler des facteurs structurels et des politiques économiques qui sont à l’origine de l’insécurité alimentaire. La composition du panier alimentaire de base varie grandement entre les villes et les campagnes. Le panier familial de base des zones urbaines comprend davantage d’aliments que celui des zones rurales. En tout état de cause, après avoir rempli son panier alimentaire de base, un foyer urbain qui perçoit le salaire minimum ne dispose que de 13 dollars pour s’habiller, se loger et payer ses factures d’éducation, de santé et d’électricité. Dans ce contexte, la FESPAD recommande notamment au Gouvernement de reconsidérer d’urgence sa politique agricole, en particulier pour protéger les petits et moyens producteurs agricoles, d’établir un programme d’aide à la production agricole et de s’attaquer au problème des importations de produits agricoles.

51.M. GARCIA MELENDEZ (Comunidades eclesiales de base en El Salvador − CEBES) dit que les mesures prises par les gouvernements salvadoriens depuis 1989 ont eu de lourdes répercussions sur l’exercice des droits économiques, sociaux et culturels en raison de l’affaiblissement du rôle de l’État, de l’absence de contrôle du marché et de l’accumulation démesurée de capitaux qui favorise le modèle néolibéral. La pauvreté, les écarts de richesse et la collusion entre pouvoir économique et pouvoir politique ne permettent pas d’améliorer la situation sur le plan des droits économiques, sociaux et culturels. La justiciabilité des droits économiques, sociaux et culturels est limitée alors même que les Salvadoriens sont de plus en plus désireux de faire valoir leurs droits. Les indicateurs et chiffres officiels utilisés pour suivre la situation en ce qui concerne les droits économiques, sociaux et culturels présentent des lacunes, ce qui explique que le Gouvernement salvadorien offre une vue différente de la réalité. Les envois de fonds des travailleurs à leurs familles cachent également la gravité de la situation économique en El Salvador.

52.Dans ce contexte, la CEBES recommande au Gouvernement salvadorien de respecter les engagements économiques et sociaux contractés dans les Accords de paix, notamment la création d’un forum de concertation économique et sociale; d’appliquer les Conventions nos 87, 98, 131 et 151 de l’OIT; de mettre en œuvre les recommandations formulées par Human Rights Watch dans son rapport de 2003 intitulé «Indiferencia intencionada» et les recommandations du Comité de la liberté syndicale de l’OIT; de revenir sur les mesures d’ajustement structurel qui ont porté atteinte aux droits économiques, sociaux et culturels, telles que la privatisation des services publics et la déréglementation qui touche les producteurs locaux; de faire en sorte que l’Accord de libre-échange entre les États-Unis, l’Amérique centrale et la République dominicaine soit conforme aux instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme ratifiés par El Salvador; d’honorer les engagements souscrits dans la Convention sur la diversité biologique; et de prendre des mesures pour lutter contre le travail des enfants.

53.M. GARCIA (Commission des droits de l’homme d’El Salvador) rappelle que dès avant la signature des Accords de paix de 1992, le pays s’est engagé dans un processus d’ajustement structurel qui a privilégié les intérêts du marché au détriment de ceux de la grande majorité de la population. En 1996, l’économie salvadorienne est entrée dans une phase de ralentissement et en 2004 le taux de croissance du PIB a connu son niveau le plus bas depuis le début des années 90 (1,5 %). El Salvador et Haïti sont désormais les deux pays d’Amérique latine dont le taux de croissance est le plus faible. La dette publique a augmenté jusqu’à dépasser 40 % du PIB, frôlant les limites établies par les institutions financières internationales. Selon le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), en 2003, au moins 43 % des Salvadoriens vivaient dans une pauvreté relative et 19 % dans une pauvreté absolue. La diminution de la pauvreté constatée depuis la signature des Accords de paix est due, dans une large mesure, non pas à l’efficacité des politiques publiques mais au rapatriement des salaires des émigrés, lequel représente une source de devises considérable, d’un montant d’environ 3 milliards de dollars par an (17 % du PIB).

54.Dans la région latino-américaine, El Salvador se distingue également par l’ampleur des inégalités sociales. Depuis la signature des Accords de paix, l’écart de revenu entre les plus riches et les plus pauvres a été multiplié par 25. Le Gouvernement indique lui-même dans son rapport sur la réalisation des objectifs du Millénaire pour le développement que sur 1 000 dollars de revenu national, les 20 % des Salvadoriens les plus riches reçoivent 569 dollars et les 20 % des plus pauvres seulement 27 dollars.

55.La détérioration de la situation économique a entraîné une diminution de l’emploi dans le secteur formel. La moitié de la population active travaille à son compte ou connaît le sous‑emploi, sans avoir accès au salaire minimum légal ni aux prestations sociales. Par ailleurs, la liberté syndicale est limitée et le salaire minimum en stagnation. Les crédits alloués à la santé et à l’éducation figurent parmi les plus bas de toute la région.

56.El Salvador est l’un des pays les plus violents d’Amérique latine, avec un taux d’homicide de 56 pour 1 000 habitants, supérieur à celui que connaît la Colombie. La violence y a fait plus de morts en 14 années de paix qu’en 12 ans de conflit armé. Or, cette violence affecte directement l’exercice des droits économiques, sociaux et culturels.

57.Le Gouvernement favorise la détérioration des services publics afin de faciliter leur privatisation. Toutes ces difficultés sont aggravées par la corruption et par la mise en œuvre de politiques qui engendrent l’exclusion. Comme l’a indiqué le Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies dans son rapport sur la situation en Amérique centrale (A/57/384), «les efforts pour instaurer une société équitable sont loin d’être achevés … le Gouvernement, les institutions, les acteurs politiques et la société civile salvadoriens doivent redoubler d’efforts pour donner pleinement suite aux Accords de paix et aller de l’avant sur cette base. … De manière générale, les autorités ne consultent ni la société ni les milieux politiques sur les décisions importantes à prendre et, lorsque des consultations se tiennent, leurs vues sont souvent passées sous silence. … Les Accords de paix sont un canevas pour atteindre les objectifs de paix, de respect des droits de l’homme, de démocratisation et de réconciliation.».

58.Mme BRAS GOMES demande s’il existe encore un système public de sécurité sociale et, dans le cas contraire, ce qu’il est advenu des fonds qui y avaient été capitalisés. Elle souhaiterait également des précisions sur les différences entre le panier alimentaire des zones urbaines et celui des zones rurales.

59.Mme BARAHONA RIERA demande des renseignements supplémentaires sur les incidences de l’Accord de libre-échange ainsi que sur la privatisation, non seulement du système de retraites, mais aussi de la santé.

60.M. TIRADO MEJIA, notant que l’émigration concerne 2 millions de personnes, ce qui représente environ un tiers de la population du pays, souhaiterait savoir quelles mesures le Gouvernement a prises pour la freiner. Il s’étonne en outre qu’El Salvador figure parmi les pays d’Amérique latine dont le taux de croissance économique est le plus bas alors que les envois de fonds faits par les émigrés représentent un montant de 3 milliards de dollars par an.

61.M. MARCHAN ROMERO demande des informations sur l’état actuel et les incidences du problème des bandes de jeunes délinquants (maras), qui non seulement reste entier, mais s’est aussi exporté dans d’autres pays.

62.M. MONTENEGRO (Président de la Commission des droits de l’homme d’El Salvador) explique que malgré les problèmes de désintégration familiale engendrés par l’émigration, celle‑ci est encouragée par le Gouvernement parce qu’elle représente une source de devises considérable. Malheureusement, cet afflux de devises ne bénéficie pas aux plus défavorisés car il est aussitôt absorbé à cause du solde négatif de la balance commerciale et de la balance des paiements, eux-mêmes dus à la mondialisation et à la libéralisation accrues. Dans le cadre de la privatisation du système de retraites, les personnes encore jeunes, donc «rentables», ont été quasiment obligées de cotiser à des fonds privés, dont le nombre est passé de 5 à 2 et qui deviennent de plus en plus puissants. Ce mouvement a brisé l’esprit de solidarité qui prévalait auparavant. En outre, le montant des pensions n’a pas été réévalué tandis que les cotisations ne cessent d’augmenter. La privatisation a gagné les services de santé, ce qui pose des problèmes liés au fait que les services privés sont plus chers et parfois de moindre qualité. L’absence de vision intégratrice de la société accroît notamment les effectifs des bandes de jeunes délinquants, où l’identité joue un rôle très fort.

63.La différence entre le panier alimentaire des zones rurales et celui des zones urbaines n’est nullement justifiée et tient probablement des considérations d’ordre idéologique.

64.M. GARCIA MELENDEZ (CEBES) dit que le pays souffre essentiellement d’un problème structurel lié à la concentration de l’économie nationale autour de huit familles qui détiennent une vingtaine d’entreprises, où se déroulent 80 % de l’activité économique. L’Accord de libre‑échange a favorisé ce groupe minoritaire. Or, la santé, par exemple ne les intéresse pas; ce qui les intéresse, c’est de vendre leurs médicaments. Les mécanismes de privatisation, très puissants, ont pu être freinés grâce à la lutte menée par certains médecins et responsables d’établissements hospitaliers publics, mais le Gouvernement maintient ses politiques d’exclusion.

65.M. GARCIA (Commission des droits de l’homme d’El Salvador) dit que le Gouvernement a appliqué à la lettre les règles du Consensus de Washington, notamment la privatisation de l’épargne des travailleurs, ce au mépris des vues de ces derniers qui réclamaient un système mixte. L’augmentation des cotisations au cours des 20 dernières années a représenté plus de 400 % des salaires. Les fonds de pension privés perçoivent en outre des frais de gestion considérables. Quant à l’Accord de libre‑échange, il a été négocié avec une rapidité surprenante, en excluant les travailleurs et la société civile, et adopté par le Congrès à la majorité simple, sans que son contenu n’ait été réexaminé. Il a eu des effets désastreux, dont les premiers ont été la perte de près de 20 millions de dollars de droits de douane l’année qui a suivi son entrée en vigueur et la saturation du marché due aux céréales et autres produits subventionnés en provenance des États‑Unis. Parallèlement, El Salvador connaît effectivement l’un des taux de croissance les plus bas de l’Amérique latine: 1,5 % en 2004 et en 2005 contre 4,5 % pour l’ensemble de la région, selon les chiffres fournis par la Commission économique pour l’Amérique latine et les Caraïbes (CEPALC). L’absence de véritable vision nationale a pour conséquence l’aggravation de problèmes tels que celui des bandes de jeunes délinquants. Les maras échappent au contrôle du Gouvernement, qui ne sait y répondre que par la répression, sans prévoir aucun programme de réadaptation et de réinsertion. Il en résulte des tensions marquées entre l’exécutif et le judiciaire.

66.M. SANTAMARIA (FESPAD) confirme que la situation des droits économiques, sociaux et culturels dans le pays est difficile, et dit que les représentants des ONG salvadoriennes pourraient en fournir beaucoup d’autres exemples si le temps n’était pas compté.

67.La PRÉSIDENTE remercie les représentants d’ONG de leur présence et de leur collaboration et espère qu’ils pourront fournir plus de détails en privé aux membres du Comité.

La séance est levée à 18 heures.

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