NATIONS UNIES

E

Conseil économique et social

Distr.GÉNÉRALE

E/C.12/2009/SR.916 juin 2009

Original: FRANÇAIS

COMITÉ DES DROITS ÉCONOMIQUES, SOCIAUX ET CULTURELS

Quarante‑deuxième session

COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA 9e SÉANCE

tenue au Palais Wilson, à Genève,le vendredi 8 mai 2009, à 10 heures

Président: M. MARCHAN ROMERO

SOMMAIRE

EXAMEN DES RAPPORTS

a)EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT AUX ARTICLES 16 ET 17 DU PACTE (suite)

Quatrième et cinquième rapports périodiques de Chypre

La séance est ouverte à 10 h 5.

EXAMEN DES RAPPORTS

a)EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT AUX ARTICLES 16 ET 17 DU PACTE (point 8 de l’ordre du jour) (suite)

Quatrième et cinquième rapports périodiques de Chypre [E/C.12/CYP/5; document de base (HRI/CORE/CYP/2007); observations finales du Comité sur le troisième rapport périodique de Chypre (E/C.12/1/Add.28); liste des points à traiter (E/C.12/CYP/Q/5); réponses écrites du Gouvernement chypriote à la liste des points à traiter (E/C.12/CYP/Q/5/Add.1)]

1. Sur l ’ invitation du Président, la délégation chypriote prend place à la table du Comité.

2.Le PRÉSIDENT souhaite la bienvenue à la délégation chypriote et l’invite à présenter les quatrième et cinquième rapports périodiques de l’État partie.

3.Mme  KOURSOUMBA (Chypre) présente les quatrième et cinquième rapports combinés de Chypre diffusés auprès de la population chypriote, et indique que la délégation vient de remettre au Comité une version actualisée très récente du document de base accompagnée de la liste à jour des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme auxquels Chypre est partie, qui atteste l’importance qu’attache l’État partie à la promotion et la protection des droits de l’homme pour tous ceux qui se trouvent sous sa juridiction. Des obstacles bureaucratiques et des ressources limitées expliquent le retard pris dans la soumission du rapport, mais Chypre est véritablement déterminée à coopérer étroitement avec les organes conventionnels de l’Organisation des Nations Unies (ONU), et élabore actuellement son rapport national au titre de la procédure d’Examen périodique universel, que le Conseil des droits de l’homme doit examiner en novembre 2009.

4.Du fait de la poursuite de l’occupation illégale et du contrôle par les forces armées turques de 37 % du territoire de l’État partie, qui le privent d’appliquer les dispositions du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels aux populations vivant dans cette zone et de recueillir des données fiables, les quatrième et cinquième rapports combinés ne portent que sur les zones contrôlées par le Gouvernement. Malgré tout, les Chypriotes turcs jouissent, à titre individuel et collectif, des prestations d’un vaste éventail de services garantis par le Gouvernement, y compris l’approvisionnement en eau potable, l’entretien des barrages et des systèmes d’irrigation et l’approvisionnement en électricité. Entre janvier 2004 et décembre 2008, ce sont quelque 169 millions d’euros qui y ont été consacrés.

5.En vertu de la Constitution chypriote, qui garantit la protection des droits de l’homme, toute loi nationale a rang de priorité inférieur à celui de la Constitution et des traités ratifiés par l’État partie, donc toute loi nationale contraire à la Constitution ou à un instrument international est nulle et de nul effet. À cet égard, la délégation chypriote tient à souligner qu’en application de l’article 188 de la Constitution, toute loi en vigueur au moment de la création de la République de Chypre (16 août 1960), y compris la loi sur les étrangers et l’immigration, est interprétée et appliquée sous réserve de la Charte intégrée dans la Constitution ainsi que de tout instrument international ratifié par Chypre, y compris le Pacte.

6.Doté d’un système démocratique de gouvernement, l’État partie dispose d’une vraie séparation des pouvoirs, et l’appareil judiciaire est véritablement indépendant. Toute décision contraire à la loi et aux instruments internationaux prise par l’administration ou le bras exécutif peut se voir annulée par la Cour suprême, et quiconque se sent lésé de ses droits fondamentaux consacrés par la Constitution ou tout instrument international en vigueur peut, en application d’une loi spécialement adoptée à cet effet, bénéficier d’une assistance juridique, et obtenir réparation.

7.Depuis 1960, le paysage économique, social et culturel de Chypre a fondamentalement évolué. L’une des mesures les plus importantes prises en conséquence a été l’adhésion à l’Union européenne (UE), le 1er mai 2004, qui a eu pour résultat de renforcer la protection des droits de l’homme dans le pays. Cette adhésion s’est aussi accompagnée de nouvelles obligations et de nouvelles règles plus strictes à respecter. Il a fallu harmoniser le cadre juridique du pays avec l’acquis communautaire, donc adopter des lois extrêmement importantes relatives aux droits économiques, sociaux et culturels et, parallèlement, créer l’infrastructure administrative correspondante requise.

8.Dotée d’une économie de marché dominée par le secteur des services, Chypre affiche depuis 2000 un taux de croissance bien supérieur à la moyenne de l’Union Européenne. Dans l’objectif de l’adhésion à l’UE, le Gouvernement avait mis en œuvre un programme d’austérité énergique qui a permis de passer d’un déficit budgétaire qui atteignait 6,3 % en 2003 à un excédent de 1,2 % en 2008. Une telle prospérité devrait toutefois souffrir du ralentissement des secteurs de la construction et du tourisme, induit par la crise financière mondiale. Pour contrer ce ralentissement de la croissance, le Gouvernement a annoncé la mise en place de mesures fiscales à court terme ayant des effets budgétaires directs.

9.Sur le plan social, Chypre fait œuvre de pionnier dans le règlement des conflits du travail, comme il est indiqué au paragraphe 75 du rapport à l’examen, et la concertation entre les différents partenaires sociaux est remarquable, ce que l’Organisation internationale du Travail (OIT) ne manque pas de saluer comme une pratique exemplaire favorisant le fonctionnement sans heurt du marché du travail. Dans le domaine de l’éducation, l’article 20 de la Constitution garantit le droit de tous, sans aucune discrimination, à l’éducation, y compris des ressortissants de pays tiers et notamment des enfants de parents se trouvant illégalement sur l’île. Le Gouvernement a adopté une batterie de mesures visant à améliorer les résultats des élèves issus de minorités ou venant de l’étranger, à commencer par la mise en place de l’éducation aux droits de l’homme et au respect de la dignité de chacun, ainsi qu’aux autres droits consacrés par la Convention relative aux droits de l’enfant. Des cours d’apprentissage accéléré de la langue grecque sont aussi organisés, avec des supports pédagogiques spécialement adaptés aux besoins des élèves migrants, et les informations relatives à Chypre et à son système d’éducation sont mises à la disposition des élèves et de leur famille en huit langues étrangères.

10.Avec l’afflux sans précédent de migrants clandestins au cours des dix dernières années, en particulier depuis l’adhésion à l’Union européenne et du fait que l’île se trouve à la frontière orientale de l’UE, les migrants et les demandeurs d’asile ont été un sujet de préoccupation majeur pour les autorités chypriotes, situation rendue d’autant plus délicate du fait de l’occupation étrangère du tiers du territoire. Selon les statistiques du Haut‑Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, entre 2004 et 2008, Chypre a accueilli le plus grand nombre de demandeurs d’asile par rapport à sa population nationale (38 pour 1 000 habitants). La majorité des immigrants sont des migrants économiques venus de pays asiatiques (Pakistan, Bangladesh, Syrie notamment), qui entrent illégalement via les ports de la zone d’occupation turque. Chypre offre toutefois une protection intégrale à certains ressortissants (Iraquiens, Palestiniens). La délégation chypriote renvoie à cet égard aux paragraphes 75 à 77 de son rapport, et précise que par une récente modification de la loi relative aux réfugiés, les personnes ayant le statut de réfugié ou bénéficiant de la protection subsidiaire voient leur protection accrue par suite de la mise en conformité avec la Directive 2004/83/EC de l’Union européenne (art. 23 à 30 en particulier). Fermement déterminé à respecter ses obligations envers les véritables réfugiés, le Gouvernement chypriote applique une politique globale nationale de gestion des migrations qui veille au respect des droits et de la dignité de tous les migrants, légaux et illégaux, et il en appelle à tous les États en jeu pour tenter de régler les problèmes aux niveaux régional et international.

11.Récemment, les centres de détention de la police ont été rénovés dans le pays et sont à présent conformes aux normes en vigueur. Un nouveau centre destiné à accueillir 256 détenus doit être construit dans les deux années à venir. En outre, en vertu d’une ordonnance récente du Chef de la police, les visites sur place des représentants d’organes de surveillance nationaux et internationaux doivent être facilitées. Désormais, la détention de migrants en situation irrégulière ne peut excéder six mois, sauf cas particuliers (condamnation antérieure, menace pour l’ordre public).

12.De nouveaux mécanismes de surveillance ont été mis en place récemment. Le Bureau du Médiateur, créé en 1991, fait désormais office d’organe national de lutte contre la discrimination et d’autorité en matière d’égalité dans l’emploi. En 2007, une loi a porté création de la fonction de Commissaire aux droits de l’enfant. Celui‑ci est chargé de promouvoir et protéger les droits des enfants, en pleine conformité avec les Principes de Paris et l’Observation générale no 2 du Comité des droits de l’enfant. Quant à l’Institution nationale de protection des droits de l’homme, elle subit actuellement une restructuration visant à la mettre en conformité avec les Principes de Paris, et le Conseil des ministres devrait, dans les semaines à venir, désigner un nouveau président, ainsi que les membres du Comité directeur de l’Institution.

13.Consciente du chemin qu’il reste à parcourir, et de ses faiblesses et lacunes, Chypre a le sentiment d’avoir franchi une étape décisive sur la voie de la réalisation de l’objectif du plein respect des dispositions du Pacte, et elle compte bien prendre dûment en considération les recommandations avisées et impartiales des membres du Comité pour atteindre le but recherché.

Articles 1er à 5 du Pacte

14.M. SADI s’enquiert de la place du Pacte dans la législation de l’État partie et, compte tenu des efforts déployés par le pays pour mettre sa législation en conformité avec les principes et directives de l’Union européenne, demande ce qui l’empêche de faire de même pour les dispositions du Pacte. Se félicitant des informations communiquées sur les différentes affaires en rapport notamment avec le droit à l’éducation ou le droit de faire grève, M. Sadi aimerait que la délégation chypriote explique de façon précise comment ces affaires sont liées aux dispositions du Pacte. S’étonnant de ce que l’État partie ne se conforme pas encore aux Principes de Paris, il souhaite connaître les raisons d’une telle lenteur. Par ailleurs, M. Sadi demande ce qui rattache les activités du Bureau du Médiateur et l’Organe de lutte contre la discrimination aux dispositions du Pacte, et souhaite disposer d’exemples de cas spécifiques à ce sujet. De même, il aimerait que la délégation chypriote précise si l’éducation aux droits de l’homme est bien dispensée de façon formelle, à titre obligatoire. En outre, se référant au paragraphe 19 des réponses écrites du Gouvernement chypriote à la liste des points à traiter, il relève que dans la Constitution les différentes communautés ne sont pas considérées comme des «minorités», mais comme des «groupes religieux», qualification totalement dépassée; il demande donc si l’État partie compte modifier la Constitution à cet égard. Enfin, il souhaiterait que la délégation expose de façon plus étoffée les mesures législatives prises pour lutter contre les discriminations à l’égard des Roms, des Grecs pontiques et des Maronites.

15.M. PILLAY demande si la Charte des droits inscrite dans la Constitution consacre tous les droits économiques, sociaux et culturels visés par le Pacte, notamment le droit à la santé, le droit à un logement suffisant ou encore le droit à la culture, et si, compte tenu que dans la hiérarchie juridique, les traités sont supérieurs aux lois nationales, les dispositions du Pacte sont directement applicables en droit interne.

16.M. Pillay souhaiterait connaître la raison pour laquelle l’Institution nationale chargée de la protection des droits de l’homme n’a toujours pas été dotée des ressources humaines et financières voulues. Il voudrait en outre savoir si le fait que l’État partie se soit abstenu de répondre à la deuxième partie de la question no 2 de la liste des points à traiter − dans laquelle il lui est demandé si le mandat de cette institution couvre les droits économiques, sociaux et culturels − signifie que ces droits ne font de fait pas partie du mandat de ladite institution.

17.MmeBRAS GOMES demande si l’État partie estime avoir mis en place un niveau minimal de garanties pour chacun des droits visés par le Pacte, qui lui permettrait d’affirmer que la dignité humaine de chaque citoyen est préservée.

18.Mme Bras Gomes voudrait savoir si l’Organe de lutte contre la discrimination est enfin doté de ressources financières et humaines suffisantes et si son action est ainsi plus efficace.

19.Étant donné qu’après avoir été un pays d’origine de l’immigration, la République de Chypre est devenue un pays destinataire de l’immigration, il serait intéressant de savoir comment, dans ce contexte, elle est parvenue à la fois à adapter son cadre juridique en conséquence, et à faire évoluer les mentalités face à l’afflux constant d’immigrés.

20.M. ZHAN Daode souhaiterait obtenir des explications sur les réponses figurant aux paragraphes 274 à 284 du rapport à l’examen – ou plutôt sur l’absence de réponses. Sans informations sur la situation des divers groupes de population dont il est question, le Comité ne peut se faire une idée précise et exacte de l’application du Pacte dans l’État partie.

21.M. TEXIER juge inadmissible qu’aucun des documents relatifs à l’application du Pacte par la République de Chypre n’ait été traduit en français. Si cela se conçoit pour le document de base soumis au début de la session par l’État partie, cela ne l’est pas pour les quatrième et cinquième rapports périodiques de l’État partie présentés en un seul document, soumis le 6 août 2007 et daté du 21 octobre 2008 pour la version anglaise.

22.Déplorant que le pays soit divisé en deux parties, M. Texier rappelle l’article premier du Pacte et demande à quel stade en sont les négociations entre le Gouvernement chypriote et la Turquie. Il souhaiterait savoir si les Chypriotes turcs qui vivent dans le sud ont accès à la sécurité sociale, à l’éducation, aux soins de santé, et plus généralement aux droits économiques, sociaux et culturels.

23.Saluant le fait que, proportionnellement à son nombre d’habitants, l’État partie reçoit un très grand nombre de réfugiés, M. Texier demande si les demandeurs d’asile et leur famille ont accès à un logement, aux soins de santé, à de la nourriture et à des vêtements en quantité suffisante, et si ceux qui ont été victimes de mauvais traitements ou de torture dans leur pays d’origine bénéficient de soins de santé particuliers.

24.M. SHRIJVER demande si, compte tenu du niveau élevé de son revenu national brut, Chypre envisage d’accroître son niveau d’aide au développement, conformément aux engagements internationaux qu’elle a pris en adhérant en 2002 au Consensus de Monterrey ainsi qu’en tant que membre de l’UE. Les membres de l’UE se sont en effet engagés à accroître de manière significative leur aide au développement, l’objectif étant de la porter à 0,33 % de leur PIB d’ici à 2015. Se référant au paragraphe 25 du rapport à l’examen, M. Shrijver voudrait savoir si c’est au Parlement européen ou à Chypre qu’il advient de consacrer 35 % du montant de l’aide au développement aux services sociaux de base. Si c’est à Chypre que cette tâche incombe, la délégation pourrait indiquer ce qu’il en est en pratique dans l’État partie. Enfin, la délégation voudra bien préciser dans quelle mesure les dispositions du Pacte orientent la politique de développement de l’État partie.

25.M. KEDZIA s’étonne que bien que, d’après la jurisprudence, des particuliers aient déjà invoqué le Pacte devant les tribunaux, ces derniers n’aient jusqu’à présent fondé leurs décisions que sur la Constitution et n’aient jamais expressément cité le Pacte comme source de droit. Si c’est bien le cas, l’on peut craindre que le niveau de protection des droits économiques, sociaux et culturels soit inférieur à ce qu’il pourrait être si les juges s’appuyaient sur le Pacte pour prendre leurs décisions. Aussi est-il important de savoir quelle est la place du Pacte dans l’ordre juridique interne.

26.M. Kedzia aimerait ensuite savoir si les groupes défavorisés, et notamment pauvres, les migrants et autres demandeurs d’asile ont accès à une aide juridique. Enfin, il demande si ces groupes ont été consultés dans le cadre de la formulation des lois ayant vocation à faire respecter les droits économiques, sociaux et culturels qui les intéressent de près et associés à l’élaboration du rapport à l’examen.

27.MmeBARAHONA RIERA ne comprend pas pourquoi l’Institution nationale chargée de la protection des droits de l’homme n’a toujours pas été déclarée conforme aux Principes de Paris, et demande si le problème réside dans un manque d’autonomie, de ressources ou de compétences.

28.Mme Barahona Riera souhaiterait savoir si le plan en faveur de l’égalité entre les hommes et les femmes a eu pour conséquence d’améliorer en pratique la situation des femmes dans l’État partie et si cette problématique est toujours au centre des débats.

29.M. ATANGANA, se référant aux paragraphes 8 et 9 du rapport à l’examen, demande si le Gouvernement de la République de Chypre entend rapidement trouver une solution viable au conflit qui l’oppose à la Turquie et sera ainsi à même de présenter, dans le cadre de son sixième rapport périodique, des informations détaillées au sujet de la mise en œuvre du Pacte sur l’intégralité de son territoire. Il voudrait aussi savoir si des droits visés par le Pacte qui n’ont pas été inscrits dans la Constitution ont déjà donné lieu à des procédures judiciaires, et dans l’affirmative, lesquels.

30.M. KERDOUN souhaite savoir pourquoi la République de Chypre n’a ni signé ni ratifié la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille alors qu’elle occupe une place centrale dans la Méditerranée et est grandement confrontée au problème de l’asile. La délégation pourrait indiquer quels sont les principaux pays d’origine des immigrants clandestins à Chypre, et si ceux-ci sont placés dans des centres de rétention comme l’impose l’Union européenne dans certains pays comme les pays du Maghreb ou la Libye.

31.MmeKOURSOUMBA (Chypre) dit que la Constitution chypriote, qui inclut la Charte des droits, ne traite effectivement pas des droits économiques, sociaux et culturels car elle a été élaborée à la fin des années 50, période au cours de laquelle on accordait sans doute moins d’importance aux droits au travail, au logement, à la culture, etc. Il n’en reste pas moins qu’en ratifiant les instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, Chypre a reconnu que les droits économiques, sociaux et culturels faisaient partie intégrante de sa législation interne et étaient directement applicables. Le Pacte et les droits économiques, sociaux et culturels sont et doivent être respectés dans le pays. En outre, aucune violation des instruments internationaux ratifiés par Chypre n’est tolérée. En ce qui concerne les droits des minorités, la représentante explique que si la Constitution parle de groupes religieux pour se référer aux communautés maronite, arménienne et latine, c’est que la notion de minorité n’était pas encore connue et reconnue dans les années 60, date d’entrée en vigueur de la Constitution. La notion de groupes religieux n’est certes pas pleinement compatible avec le droit international et les instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme mais le Conseil de l’Europe, reconnaissant la spécificité de la situation chypriote, a jugé inutile de demander à Chypre de modifier sa Constitution tant qu’une solution n’avait pas été trouvée au problème politique. Afin qu’elles puissent exercer leurs droits civils et politiques, il a été demandé aux communautés maronite, arménienne et latine de choisir entre la communauté chypriote grecque ou la communauté chypriote turque pour être représentées au sein des Chambres de communauté. Toutes ont choisi la communauté grecque. Par ailleurs, les Chypriotes turcs font partie de la société chypriote et bénéficient des mêmes droits et services. Un nombre croissant de Chypriotes turcs fait quotidiennement le trajet entre la zone occupée et le reste du territoire, sans rencontrer le moindre obstacle.

32.Créée par le Conseil des ministres en 1998, l’Institution nationale des droits de l’homme est présidée par un haut fonctionnaire indépendant. Ses compétences sont les suivantes: engager des procédures judiciaires en cas de violation des droits consacrés par la législation nationale et par les instruments internationaux, recevoir et examiner des plaintes et effectuer des visites dans les prisons. Chypre n’épargne aucun effort pour améliorer la transparence et l’indépendance de son institution nationale des droits de l’homme mais dispose de moyens financiers limités. En 2004, les autorités chypriotes ont sollicité l’assistance du Haut-Commissariat aux droits de l’homme (HCDH) pour trouver des moyens de rendre cette institution plus conforme aux Principes de Paris. Depuis lors, d’autres institutions ont été créées telles que celles du Médiateur et du Commissaire aux droits de l’enfant.

33.S’agissant de la condition de la femme et des inégalités entre les sexes, la situation s’est sensiblement améliorée mais il faudra encore du temps pour faire évoluer les mentalités et les pratiques traditionnelles machistes. Le taux de scolarisation des filles est plus élevé que celui des garçons et les femmes sont toujours plus nombreuses à occuper des postes à responsabilité. Le Médiateur, qui s’occupe des questions relatives à l’égalité entre les sexes, n’a signalé jusqu’à présent aucun cas manifeste de discrimination à l’égard des femmes. À l’évidence, le Gouvernement chypriote devra mettre en place les structures et services nécessaires pour permettre aux femmes de participer davantage au marché de l’emploi et de concilier plus aisément vie professionnelle et vie familiale. En ce qui concerne les paragraphes 274 à 276 du rapport à l’examen, la représentante reconnaît que Chypre aurait dû fournir des renseignements plus précis même si, comme indiqué dans le rapport à l’examen, il n’existe aucun problème de famine et de malnutrition dans l’État partie.

34.S’agissant des questions relatives aux migrations, jusqu’en 1970, Chypre était un pays d’où partaient de nombreux travailleurs à la recherche de conditions de vie meilleures. Depuis l’adhésion à l’Union européenne, la situation s’est totalement inversée et Chypre est devenue un pays de destination, qui accueille de nombreux migrants clandestins. Le cadre juridique est en cours de révision pour mieux tenir compte de l’évolution de la situation. Des mesures sont également prises pour favoriser l’intégration de tous les migrants, quel que soit leur statut. Aucun incident grave de discrimination à l’encontre de migrants n’a été signalé. Les demandeurs d’asile ne sont pas considérés comme des clandestins et bénéficient des meilleures conditions d’accueil possibles, compte tenu des moyens financiers restreints de l’État. Ces derniers mois, la situation a empiré sur le front de l’immigration. Quelque 5 000 clandestins sont passés par le territoire occupé pour se rendre essentiellement à Nicosie et près de la moitié ont demandé l’asile. La plupart des clandestins sont des Kurdes iraquiens, des Syriens, des Pakistanais, des Bangladais, et des Sri‑Lankais. Quiconque s’estime victime d’une violation de ses droits peut porter plainte et bénéficier d’une aide juridique. En outre, le Gouvernement va prochainement présenter un projet de loi permettant de fournir une aide juridique gratuite aux demandeurs d’asile.

35.Pour ce qui est d’une solution politique au conflit, elle ne peut dire si la situation aura évolué d’ici la présentation du prochain rapport périodique. Enfin, la délégation fournira des réponses écrites à un certain nombre de questions posées par les membres du Comité, notamment pour ce qui est de la ratification de la Convention internationale sur la protection des droits des travailleurs migrants et des membres de leur famille.

36.M. SAVVIDES (Chypre) dit que les droits de l’homme sont enseignés dans les écoles selon une approche pluridisciplinaire et seront intégrés plus systématiquement dans les nouveaux programmes scolaires. Les directives communiquées à toutes les parties prenantes de la réforme en cours se réfèrent expressément au droit à l’éducation et à la Convention relative aux droits de l’enfant, et au fait que les enfants doivent apprendre à respecter et accepter les différences de tous les groupes vivant sur l’île et des enfants d’autres origines. L’accent est mis également sur l’égalité de traitement de tous les enfants et sur la protection des enfants ayant des besoins spéciaux ou provenant de milieux défavorisés ou de cultures différentes. Un certain nombre d’activités de formation des enseignants dans le domaine des droits de l’homme sont aussi menées par le Ministère de l’éducation.

37.M. VEIS (Chypre) indique à propos des centres de détention qu’il doit être tenu compte du fait que le système de détention chypriote n’a jamais été conçu à l’origine pour permettre de répondre à la situation actuelle de l’immigration à Chypre. Il est prévu d’en augmenter la capacité au cours des prochaines années afin d’appliquer la loi plus efficacement, tout en respectant les droits et la dignité de tous les détenus, quelle que soit leur situation. Deux centres de détention d’une capacité totale de 69 places sont utilisés exclusivement pour les personnes en situation irrégulière, non par volonté de discrimination à leur égard, mais pour les séparer des détenus de droit commun. Il existe en outre des centres d’accueil pour demandeurs d’asile qui n’ont aucun caractère obligatoire.

38.M. MICHAELIDES (Chypre) indique que les Chypriotes turcs bénéficient de l’égalité de traitement, qui est un principe de toutes les politiques chypriotes, y compris dans le domaine de l’emploi. De pays d’émigration, Chypre est devenu un pays d’immigration, qui essaye d’attirer sur le marché du travail autant que possible des compétences locales, y compris des Chypriotes turcs. Le Gouvernement a mis en place un comité chargé de faciliter l’emploi des Chypriotes turcs. Les services de l’emploi de Nicosie où travaillent la plupart des Chypriotes turcs disposent de fonctionnaires turcophones, et il existe également une ligne d’information téléphonique. En janvier 2009, 3 000 Chypriotes turcs étaient enregistrés à la sécurité sociale, et 4 200 recevaient une pension, indépendamment de leur lieu de résidence.

39.M. kerdoun aimerait savoir comment s’est effectué le passage de Chypre d’un pays d’émigration à un pays d’immigration, et si cela tient au fait que Chypre est entrée dans l’Union européenne et en a reçu de l’aide. Dans ce cas, il est de la responsabilité de Chypre et des pays de l’UE, pour arrêter l’immigration clandestine, d’aider les pays du Sud à se développer.

40.M. Texier demande si Chypre envisage de ratifier le Protocole facultatif se rapportant au Pacte.

41.MmeKOURSOUMBA (Chypre) dit que son gouvernement examine activement la question de la ratification du Protocole facultatif et que Chypre y souscrira rapidement, en cas d’avis favorable, lorsque cet instrument sera ouvert à la signature.

Articles 6 à 9 du Pacte

42.M. TEXIER demande quelle est la tendance actuelle du chômage, notamment en ce qui concerne le chômage des jeunes et le chômage de longue durée. Il souhaiterait savoir s’il existe un problème particulier concernant les étrangers, et si les migrants ont accès à tous les emplois possibles dans le secteur privé, étant donné la préférence dont semblent bénéficier les Chypriotes et les ressortissants de pays de l’UE dans l’accès à l’emploi. Les étrangers hors Union européenne qui sont en situation régulière bénéficient-ils du même accès à l’emploi? Qu’en est-il des étrangers en situation irrégulière?

43.M. Texier demande ensuite si le montant actuel du salaire minimum permet aux travailleurs, conformément à l’article 7 du Pacte, de vivre dignement ainsi que leur famille, et si ce montant est réajusté périodiquement en fonction du coût de la vie. Il souhaiterait aussi savoir s’il existe à Chypre une proportion importante de travailleurs non déclarés, c’est-à-dire illégaux.

44.Notant que selon les chiffres dont il dispose, la différence de niveau de salaire entre les hommes et les femmes atteint 25 %, M. Texier demande quelles mesures sont prises par Chypre pour réduire cet écart, et si, en outre, Chypre a une politique dynamique concernant l’accès des femmes aux emplois de la fonction publique, notamment aux échelons élevés.

45.Au sujet de la liberté syndicale, M. Texier demande si l’accès aux syndicats est ouvert à tous les travailleurs quelle que soit leur origine. Enfin, les services d’inspection du travail disposent-ils de moyens suffisants pour vérifier notamment que les employés de maison travaillent dans des conditions normales et saines?

46.MmeBRAS GOMES, concernant le versement des pensions de retraite, aimerait savoir comment est traité le cas des étrangers qui quittent Chypre trop tôt pour avoir acquis leurs droits à pension, mais qui ont néanmoins cotisé pendant un certain temps à la sécurité sociale.

47.Mme Bras Gomes croit savoir que les demandeurs d’asile n’ont droit à aucune prestation sociale, hormis une allocation pendant les six premiers mois du séjour, et souhaiterait des éclaircissements à ce sujet, ainsi que sur la situation, parmi les demandeurs d’asile, des sans-abri, qui ne peuvent pas bénéficier de prestations faute de pouvoir indiquer un lieu de résidence, et des personnes ayant des besoins spéciaux.

48.Mme Bras Gomes demande ensuite des précisions sur le pourcentage de travailleurs chypriotes turcs non inscrits à la sécurité sociale, qui apparaît sensiblement plus élevé que pour l’ensemble de la population; sur le fait que plus de 40 % de ceux qui sont inscrits ne bénéficient pas d’une couverture effective; et sur le fait que la plupart de ces travailleurs payent les cotisations sur leur salaire, 11 % seulement bénéficiant du paiement de leurs cotisations par l’employeur.

Articles 10 à 12 du Pacte

49.M. SADI demande quel est le pourcentage de mariages mixtes à Chypre entre les communautés grecque et turque, si ces mariages durent, et si l’État partie a une politique globale visant à promouvoir l’identité chypriote indépendamment de l’origine ethnique. À propos du remplacement de la loi de 2000 contre la traite des êtres humains et l’exploitation sexuelle des enfants par la loi de 2007 contre la traite et l’exploitation des êtres humains et la protection des victimes, dont la portée est plus générale que la loi de 2000, M. Sadi se demande s’il ne serait pas plus opportun d’avoir, comme c’était le cas avec la précédente loi, un traitement spécifique pour les enfants étant donné leur vulnérabilité particulière.

50.MmeBARAHONA RIERA souhaiterait savoir quelle est la part des programmes de santé sexuelle et procréative dans les budgets de santé publique. Elle demande si les moyens de contraception sont distribués et font partie des soins de santé universels, et s’il existe des pressions venant de la société pour que certains soins relevant de la santé sexuelle et procréative ne soient pas distribués par l’État. Enfin, elle aimerait connaître la position actuelle de l’État partie au sujet de l’avortement.

51.M. ATANGANA, relevant une divergence entre le nombre de cas de poursuites dont le Gouvernement chypriote fait état au début de sa réponse écrite à la question no 28 de la liste des points et les chiffres indiqués ensuite concernant le nombre d’affaires jugées, demande ce qu’il est advenu des procédures absentes du décompte, ou mentionnées comme étant toujours en instance. Il souhaiterait également à propos de cette réponse des éclaircissements sur la différence entre affaires «suspendues» et affaires «interrompues».

52.MmeBRAS GOMES relève une inégalité de traitement persistante entre les enfants de personnes déplacées selon que le parent ayant le statut de personne déplacée est un homme ou une femme. Les enfants de femmes déplacées n’ont pas droit à une carte d’identité de réfugié mais à une attestation qui ne donne pas droit aux allocations-logement et aux transports scolaires. Par ailleurs, certains migrants ne sont pas en mesure de satisfaire aux conditions demandées pour obtenir un permis de résidence permanente, ce qui pose des problèmes en matière de réunification familiale.

53.Concernant la situation des familles roms, qui connaissent toujours d’importantes disparités dans l’accès aux services sociaux, au logement ou à l’éducation, Mme Bras Gomes souhaiterait des informations sur les résultats des mesures prises afin d’améliorer la situation de ces familles et sur les difficultés qui subsistent. Elle demande également s’il est exact que les soins gynécologiques ne font pas partie de la couverture minimum, et ne sont donc pas remboursés aux femmes qui ne bénéficient que de cette couverture. Dans l’affirmative, l’État partie envisage-t-il de changer cette politique?

54.M. ZHAN Daode relève au paragraphe 292 du rapport à l’examen qu’il n’y avait aucun sans-abri à Chypre selon les données du recensement de 2001, et demande si la situation a évolué depuis cette date.

55.M. SADI souhaite savoir si les règles applicables aux mariages sont différentes pour la communauté musulmane et pour la communauté chrétienne, et si Chypre s’efforce d’adopter un code qui réglementerait uniformément le mariage pour les deux communautés.

56.M. SRIVJER dit que selon certaines sources, les Chypriotes turcs qui souhaitent épouser un ressortissant turc rencontreraient parfois des difficultés à le faire; il souhaiterait des précisions à ce sujet, en particulier sur les conséquences que cela peut avoir concernant l’acquisition de la nationalité, non seulement pour le partenaire, mais pour les enfants qui peuvent naître de ces mariages.

57.M. KERDOUn demande pourquoi le Gouvernement chypriote n’envisage pas d’abroger la circulaire de 2005 demandant à tous les chefs d’établissements primaires et secondaires d’informer les autorités de l’immigration de la présence d’enfants de migrants scolarisés dans ces établissements afin que des enquêtes sur leur statut juridique puissent être menées.

La séance est levée à 12 h 55 .

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