Conseil Économique

et Social

Distr.

GÉNÉRALE

E/C.12/2002/SR.7

19 août 2002

Original: FRANÇAIS

COMITÉ DES DROITS ÉCONOMIQUES, SOCIAUX ET CULTURELS

Vingt-huitième session

COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA 7eSÉANCE

tenue au Palais Wilson, à Genève,le jeudi 2 mai 2002, à 10 heures

Président: M. RIEDEL (Vice-Président)

SOMMAIRE

EXAMEN DES RAPPORTS:

a)RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT AUX ARTICLES 16 ET 17 DU PACTE (suite)

Deuxième rapport périodique de l’Irlande (suite)

______________

Le présent compte rendu est sujet à rectifications.

Les rectifications doivent être rédigées dans l’une des langues de travail. Elles doivent être présentées dans un mémorandum et être également incorporées à un exemplaire du compte rendu. Il convient de les adresser, une semaine au plus tard à compter de la date du présent document, à la Section d’édition des documents officiels, bureau E.4108, Palais des Nations, Genève.

Les rectifications aux comptes rendus des séances du Comité seront groupées dans un rectificatif unique qui sera publié peu après la session.

La séance est ouverte à 9 h 55.

EXAMEN DES RAPPORTS:

a)RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT AUX ARTICLES 16 ET 17 DU PACTE (point 6 de l’ordre du jour) (suite)

Deuxième rapport périodique de l’Irlande [(E/1990/6/Add.29); document de base (HRI/CORE/1/Add.15/Rev.1); liste des points à traiter (E/C.12/Q/IRE/2); observations finales du Comité (E/C.12/1/Add.35); réponses écrites de l’Irlande (document sans cote distribué en séance, en anglais seulement)] (suite)

1. Sur l’invitation du Président, la délégation irlandaise reprend place à la table du Comité.

2.Le PRÉSIDENT invite la délégation à répondre aux questions du Comité posées à la séance précédente.

3.M. FANNING (Irlande), apportant des précisions sur la reconnaissance des diplômes et des qualifications professionnelles, dit qu’en vertu d’une nouvelle loi adoptée en 1999 [Qualifications (Education and Training) Act], un organe national chargé des équivalences a été créé. Ce dernier entre en contact avec les établissements d’enseignement supérieur d’autres pays et octroie des équivalences pour les diplômes obtenus à l’étranger, notamment aux réfugiés arrivant en Irlande.

4.Mme FLETCHER (Irlande) dit, à propos du taux de mortalité infantile chez les gens du voyage, qu’un plan de santé en faveur de ce groupe a été mis au point dès 1997. À cet égard, elle précise que la version révisée de la Stratégie nationale de lutte contre la pauvreté vise notamment à améliorer l’état de santé de certains groupes défavorisés. Les objectifs sont définis en concertation avec les intéressés et des mécanismes de suivi sont prévus afin d’évaluer les progrès réalisés.

5.Mme DOYLE (Irlande) dit qu’en ce qui concerne l’accès des personnes handicapées aux transports publics à Dublin, seule la moitié des bus sont adaptés aux besoins des handicapés. Toutefois, un processus est en cours, au terme duquel les anciens bus et trains seront remplacés par des véhicules accessibles aux handicapés.

6.Mme FLETCHER (Irlande) indique à ce propos que le Gouvernement a consacré 531 millions d’euros au financement de services en faveur des handicapés et qu’il s’est engagé à les soutenir financièrement dans la durée.

7.Mme O’DONNEL (Irlande), passant à la question de la participation des femmes à la prise de décisions, dit que le Gouvernement irlandais reconnaît que les femmes sont sous-représentées dans la vie publique. Toutefois, la situation va en s’améliorant comme en témoigne le fait que la Cour suprême et la Haute Cour comptent deux femmes parmi leurs juges. Deux études doivent être réalisées sur les causes de la sous-représentation féminine et sur les moyens d’établir un équilibre entre les sexes. Le besoin de services de garderie constituant l’obstacle principal à la participation des femmes à la vie publique, le Gouvernement a débloqué 436 millions d’euros pour la période 2000-2006 afin d’offrir de tels services.

8.Mme CANAVAN (Irlande) dit que dans le domaine de la santé, la nouvelle stratégie tient compte du fait que les facteurs socioéconomiques, dont la pauvreté, sont déterminants. Le but recherché est d’offrir un accès aux soins de santé à tous les patients en fonction de leurs besoins objectifs et non du système, public ou privé, par lequel ils sont pris en charge. Du reste, des mesures sont actuellement prises pour mettre en commun les ressources et les compétences des deux systèmes dans les hôpitaux mais des problèmes subsistent, notamment celui des listes d’attente. Pour les résoudre, il est prévu que les patients relevant du système public puissent désormais recevoir des soins prodigués par des médecins privés dans un hôpital public sans avoir à en supporter les frais et que des lits supplémentaires soient achetés, qui seront réservés intégralement à cette catégorie de patients. Une stratégie a été élaborée afin que, d’ici 2004, les patients n’attendent pas plus de trois mois de recevoir un traitement. Enfin, 48,3 millions de livres sont consacrés pour 2002 au financement de l’initiative sur les listes d’attente.

9.Mme DOYLE (Irlande) dit, en réponse à la question sur la discrimination dans l’emploi fondée sur l’âge, que l’Irlande est l’un des rares pays à avoir adopté une législation interdisant ce type de discrimination. Elle constitue le pendant de la loi sur les licenciements, qui interdit les licenciements pour des motifs liés à l’âge.

10.M. JESTIN (Irlande) dit qu’il convient de lever un malentendu concernant la ratification par l’Irlande des Conventions de l’Organisation internationale du travail (OIT) et de certains instruments européens. Il est vrai que l’Irlande n’a pas ratifié la Convention (No 107) relative aux populations aborigènes et tribales, mais elle a adhéré à la Convention (No 111) concernant la discrimination (emploi et profession) et à la Convention (No 182) sur les pires formes du travail des enfants. Elle a également adhéré en 2000 à la Charte sociale européenne révisée et au Protocole additionnel y relatif prévoyant un système de réclamations collectives. Pour ce qui est des licenciements, la loi offre une protection aux employés en fixant des critères qui permettent de déterminer le caractère abusif d’un licenciement et en prévoyant des possibilités de saisir les tribunaux pour demander réparation.

11.Mme DALY (Irlande) dit que le taux de chômage est passé, entre 1994 et 2002, de 14,7 % à 4,3 % et le pourcentage des chômeurs de longue durée de 9 % à 1,2 % pendant la même période. Cette évolution spectaculaire n’est pas uniquement due à la croissance économique, mais aussi à la politique de promotion de l’emploi qui a été mise en œuvre. Un projet de réintégration des chômeurs de longue durée dans la vie active a été mis au point, qui prévoit notamment de faire bénéficier les personnes au chômage depuis six mois des services d’un conseiller d’orientation professionnelle.

12.Mme O’DONNEL (Irlande), s’exprimant sur la question des travailleurs migrants, dit que l’Irlande n’a pas adhéré à la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, mais qu’elle est en train de revoir sa position dans le cadre du processus actuel d’évaluation de ses engagements internationaux.

13.M. SADI souhaiterait savoir pour quelle raison les femmes demeurent sous-représentées dans les secteurs public et privé, étant donné qu’il n’existe pas d’obstacles légaux à ce qu’elles obtiennent des postes élevés.

14.Mme LANGFORD (Irlande) dit qu’en Irlande les traditions culturelles font que les femmes choisissent souvent d’arrêter de travailler pour élever leurs enfants jusqu’à l’adolescence. Lorsqu’elles reviennent sur le marché du travail par la suite, elles ont perdu des années décisives pour une carrière professionnelle. D’après une étude effectuée en 2000, la principale difficulté rencontrée par les femmes qui souhaitent recommencer à travailler réside dans les horaires de travail. En effet, elles ne peuvent souvent accepter que des emplois où les horaires sont flexibles. Dans la fonction publique, des mesures d’action positive ont été prises pour aider les femmes à obtenir des promotions, afin qu’un tiers des postes de responsabilité soient occupés par des femmes.

Articles 11 à 15

15.M. PILLAY demande si la loi sur le logement de 2002 est susceptible d’améliorer la situation pour les 30 à 40 000 ménages en attente d’un logement social, sachant que tous les logements construits en 2000 sont des logements privés et que les loyers sont en hausse. Quel est le délai considéré comme acceptable par le Gouvernement pour l’obtention d’un logement social ? Passant à la question du logement des gens du voyage, M. Pillay dit qu’alors que 1 200 familles vivent dans des campements dépourvus d’installations d’hygiène de base, le Gouvernement a approuvé un projet de loi [Housing (Miscellaneous Provisions) Bill] criminalisant toute intrusion sur les terres appartenant à l’État. Ce projet de loi, qui vise directement les gens du voyage, est manifestement contraire à la teneur de l’Observation générale no 7 du Comité sur les expulsions forcées et ne devrait donc pas être adopté. S’agissant des sans-abri, dont le nombre s’élève à 5 000, il est louable que le Gouvernement ait élaboré une stratégie intégrée pour lutter contre ce phénomène. Toutefois, il semble que sa mise en œuvre dépende de la volonté des autorités locales et des moyens mis à disposition par les associations caritatives. Le Gouvernement considère-t-il qu’il est possible d’éradiquer le phénomène des sans-abri de longue durée par cette méthode ?

16.M. Pillay juge préoccupantes les informations qu’il a reçues selon lesquelles quelque 8 000 handicapés mentaux vivraient dans des conditions déplorables dans des hôpitaux. Quelles mesures sont prises pour aider ces personnes à mener une vie indépendante dans des structures adaptées? Enfin, étant donné que les personnes concernées par les politiques appliquées dans le domaine des droits économiques, sociaux et culturels n’ont aucun moyen légal de demander justice si les objectifs ne sont pas atteints, M. Pillay estime qu’il serait grand temps que l’État partie adopte une approche fondée sur les droits.

17.M. HUNT constate que, dans sa réponse à la question no 22 du Comité sur l’intégration d’une approche fondée sur les droits à sa Stratégie nationale de lutte contre la pauvreté, l’État partie confond l’intégration d’une telle approche et la justiciabilité. Il fait observer que si l’État est responsable de ses politiques, cela ne signifie pas nécessairement qu’il doive répondre de leur application devant des tribunaux. Est-il vrai que l’institution responsable de la lutte contre la pauvreté s’est publiquement prononcée pour l’intégration d’une approche fondée sur les droits dans les politiques de réduction de la pauvreté en général et que cet avis a été rejeté par le Gouvernement?

18.M. MARTYNOV, s’exprimant au sujet du statut des handicapés qui travaillent dans des ateliers protégés, demande si le Gouvernement a l’intention de faire profiter tous les handicapés concernés du programme pilote leur conférant le statut d’employé sans qu’ils soient privés du droit à des soins de santé gratuits. Par ailleurs, au vu de l’élargissement du fossé entre les riches et les pauvres que l’on observe actuellement dans l’État partie et que les organisations non gouvernementales attribuent au fait que les aides sociales sont fixées en fonction du salaire minimum plutôt que du salaire moyen, le Gouvernement prévoit-il de prendre des mesures pour inverser cette tendance?

19.M. KOLOSOV souhaite savoir à ce propos si le salaire minimum, qui est fixé à 1 000 euros, peut garantir un niveau de vie suffisant à une famille comptant quatre membres, lorsque seul l’un des parents travaille. Abordant les questions relatives à la santé, M. Kolosov demande si les handicapés mentaux et physiques placés dans des hôpitaux psychiatriques subissent des examens médicaux réguliers et s’il existe un contrôle indépendant, par des ONGpar exemple, de leurs conditions d’internement. Par ailleurs, il juge qu’il serait intéressant de savoir si l’Irlande a participé aux derniers Jeux paralympiques. Le système de santé irlandais est-il un système à deux vitesses? Les personnes à faible revenu ont‑elles accès à des soins de santé de qualité? En d’autres termes, les prestations de santé, l’accès aux médicaments, le degré de qualification des médecins sont‑ils identiques dans les cliniques privées et les cliniques publiques?

20.M. MALINVERNI demande s’il est toujours question d’inclure dans la Constitution irlandaise un article concernant le droit à des conditions minimales d’existence permettant de vivre dans la dignité. Il ajoute qu’il s’agit là d’un droit tout à fait justiciable, un juge devant être capable de fixer un seuil en deçà duquel les conditions minimales d’existence ne sont pas réunies.

21.M. RIEDEL, s’agissant de l’accès aux soins de santé, rappelle la dualité public/privé du système irlandais. L’État partie envisage‑t‑il de mettre au point un système unique d’accès aux services de santé, en établissant une liste d’attente commune aux deux systèmes, qui garantirait l’égalité d’accès aux soins médicaux? M. Riedel déplore l’absence d’indicateurs et autres données de référence dans la stratégie sanitaire nationale et dans la stratégie nationale de lutte contre la pauvreté, qui empêche d’évaluer leur impact et les résultats obtenus.

22.M. CEAUSU, rappelle que le Comité, dans ses observations finales formulées à l’occasion de l’examen du rapport initial de l’Irlande (E/C.12/1/Add.35), avait exprimé sa préoccupation quant à la situation des handicapés mentaux internés dans des hôpitaux psychiatriques. En outre, si l’on en croit des informations fournies par des ONG irlandaises, le Gouvernement tarde à transférer ces patients vers des établissements plus appropriés, comme il s’était engagé à le faire. Compte tenu de la prospérité économique du pays, M. Ceausu estime que l’État partie dispose des moyens pour résoudre ce problème et devrait s’engager à le faire dans un délai raisonnable. Qu’entend faire le Gouvernement à cet égard?

23.M. GRISSA se dit surpris que seuls trois paragraphes du rapport soient consacrés à l’article 12 relatif au droit à la santé. Il regrette notamment l’absence d’informations sur la pandémie de VIH/sida en Irlande et sur la question de l’avortement. Dans le domaine de l’éducation, il croit comprendre que seules les écoles agréées par l’État sont financées par le Gouvernement. Est‑ce vraiment le cas? Les écoles non agréées sont‑elles financées par des fonds privés? Il semblerait également que la formation professionnelle ne soit pas suffisamment développée dans le pays, ce qui serait un obstacle à l’insertion professionnelle des personnes qui ont abandonné leurs études. La délégation pourrait-elle fournir un complément d’information sur ces différents sujets?

24.M. SADI demande ce qui explique que les personnes handicapées reçoivent si peu d’attention en Irlande. En particulier, pourquoi sont‑elles reléguées dans des cliniques psychiatriques? Y aurait‑il à cela des raisons d’ordre culturel ou religieux? M. Sadi demande en outre si le nombre élevé de handicapés mentaux en Irlande peut être imputé à la fréquence des mariages consanguins. Enfin, la délégation estime‑t‑elle que le système de santé publique irlandais est un système qui fonctionne bien, un système viable qui saura répondre aux exigences de demain?

25.M. WIMER ZAMBRANO regrette quant à lui l’absence d’informations dans le rapport sur le système universitaire et notamment sur les universités privées. Universités privées et universités publiques dispensent‑elles un enseignement de même qualité? Si le niveau d’enseignement dans le secteur public est satisfaisant, qu’est‑ce qui explique que les étudiants se tournent vers les universités privées? Enfin, la délégation peut‑elle dresser un tableau général des universités privées: quel est leur nombre? Est‑il supérieur à celui des universités publiques? L’Église catholique exerce‑t‑elle une influence sur ces universités?

26.M. HUNT demande dans quelle mesure l’État partie est dans l’obligation de garantir des services éducatifs aux autistes adultes.

27.M. MARCHAN ROMERO demande quel régime le Gouvernement irlandais a adopté pour protéger les droits d’auteur. Il souhaiterait également savoir quels programmes le Gouvernement mène dans le domaine de la culture et de l’éducation pour préserver la langue irlandaise, langue officielle au même titre que l’anglais.

28.M. GRIFFIN (Irlande) indique que le Groupe de révision de la Constitution a recommandé, dans le cadre de la réforme constitutionnelle en cours, l’adoption d’un nouvel article relatif au droit à des conditions de travail justes et favorables, ainsi qu’au droit à un niveau de vie suffisant tenant compte d’un certain nombre de facteurs tels que l’alimentation, l’habillement ou encore le logement. M. Griffin précise que ces droits ne peuvent être invoqués devant les tribunaux. Cette recommandation sera examinée par la Commission multipartite de l’Oireachtas sur la Constitution.

29.En Irlande, l’octroi de logements sociaux est régi par les différentes lois sur le logement adoptées entre 1966 et 2002. La diversité et la portée des mesures mises en œuvre en vertu de ces lois attestent la volonté de longue date de l’État de répondre aux besoins de la population en matière de logement de manière générale, et de logement social en particulier. Il convient de remarquer que les besoins des sans‑abri, des gens du voyage, des handicapés et des personnes âgées sont également pris en considération dans les politiques de logement actuelles. À cet effet, le Gouvernement a alloué 9 milliards d’euros au plan national de développement couvrant la période 2000‑2006 en vue de créer et/ou d’améliorer les logements au niveau local. La loi sur la planification et le développement (2000) exige des autorités locales qu’elles élaborent des stratégies en matière de logement en vue d’évaluer, dans la région, la demande de logements sociaux à un prix modique et d’envisager les moyens d’y répondre. L’on peut se féliciter que toutes les autorités locales se soient acquittées de cette tâche dans le délai statutaire, à savoir avant la fin de 2001. Cette loi a ceci de novateur, elle permet aux autorités locales de réserver jusqu’à 20 % des zones à urbaniser à la création de logements sociaux à un prix modique. Depuis 1997, les différents programmes ont permis de loger 55 000 familles dans 220 000 logements neufs, soit 20 % du parc immobilier.

30.Les sans‑abri ne sont pas oubliés des politiques gouvernementales, comme en témoigne l’adoption en mai 2000 d’une stratégie nationale intégrée visant à remédier au phénomène des sans‑abri. Dans ce cadre, des plans d’action ont été mis en place par les autorités locales et les services de santé en vue de venir en aide à ces personnes. Le financement, par les autorités locales, des services destinés aux sans‑abri a été multiplié par neuf à l’échelle du pays, entre 1997 et 2002, période au cours de laquelle on a construit divers types de logement où les sans‑abri peuvent, selon les cas, trouver refuge pour une nuit ou s’établir à plus long terme. Une stratégie de prévention a également été lancée en février 2002, pour mettre certaines catégories de personnes vulnérables à l’abri de ce phénomène. Il convient de noter que tous les plans mis en œuvre en faveur des sans‑abri sont élaborés au niveau central par une équipe interministérielle chargée de la question du logement, qui effectue un suivi des mesures mises en œuvre au niveau local.

31.Les gens du voyage ne sont pas laissés pour compte non plus, le Gouvernement ayant adopté en 1996 une stratégie quinquennale pour le logement des gens du voyage, suivie en juillet 1998 par l’adoption d’une loi portant sur le même sujet. Par la suite, des procédures ont été mises en place pour que les autorités locales adoptent des programmes quinquennaux visant à octroyer un logement aux gens du voyage, l’objectif final étant de parvenir à loger toutes les familles qui en ont besoin d’ici la fin de 2004. À cet égard, M. Griffin réfute les chiffres avancés par certains experts selon lesquels seulement 111 unités de logement auraient été octroyées à des gens du voyage depuis 1995, chiffres qui sont bien en deçà de la réalité. En effet, entre 1996 et 2001, 1 591 unités de logement, nouvelles ou rénovées, ont été mises à la disposition de cette communauté, 23 millions d’euros ayant été alloués en 2002 à cet effet.

32.La nouvelle disposition visant à ériger en infraction la violation de la propriété privée a été élaborée pour éviter que ne se reproduisent des semblables à ceux des années précédentes, où de vastes campements ont été établis sans autorisation et à long terme. Cette nouvelle disposition a une portée générale et ne concernera pas les 1 017 familles de gens du voyage qui sont sans logement, installés au bord de la route pour la plupart. Quoi qu’il en soit, la question a été portée devant le Ministère de la justice, de l’égalité et de la réforme législative. Un sous‑comité a été créé et chargé d’étudier la question de manière plus approfondie; il est composé de représentants de deux des trois groupes de soutien aux gens du voyage ainsi que de représentants du Département de la justice, de l’égalité et de la réforme législative.

33.M. MANGAN (Irlande) dit que le Bureau de lutte contre la pauvreté est un organe statutaire que l’on peut consulter pour tous les aspects de la planification économique et sociale visant à combattre la pauvreté. Le plan stratégique que le Bureau a adopté part du principe que la lutte contre la pauvreté, passe par la reconnaissance des droits économiques, sociaux et culturels. Dans le cadre de la Stratégie nationale de lutte contre la pauvreté (NAPS), des normes précises seront établies pour l’accès aux services et des indicateurs et des mécanismes accessibles, transparents et efficaces seront créés pour veiller au respect de ces normes. Dans cette optique, l’accent est mis sur la nécessité de définir de manière plus formelle les droits dont pourront se prévaloir les citoyens en matière de services publics et de définir des directives concernant les normes applicables à la prestation de services. Un bureau national pour l’intégration sociale sera créé et chargé de veiller à ce que l’accès aux services publics et la définition de normes précises soient les éléments clefs de la Stratégie nationale de lutte contre la pauvreté. Ce bureau sera également chargé de réfléchir, en collaboration avec les départements et les organismes concernés, au moyen de renforcer la Stratégie nationale. Pour cela, les parties prenantes s’inspireront du Pacte ainsi que des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme auxquels l’Irlande a adhéré.

34.M. Mangan ajoute que le concept de pauvreté est extrêmement difficile à définir. Des indicateurs ont toutefois été mis au point, de sorte que l’on considère désormais qu’un ménage est durablement pauvre si son revenu est inférieur à 50 % du revenu moyen et s’il se trouve en situation de privation (huit facteurs entrent en ligne de compte pour déterminer s’il y a ou non privation). La pauvreté a considérablement reculé en quelques années et l’objectif de la Stratégie nationale de lutte contre la pauvreté est d’aboutir à l’élimination de la pauvreté durable avant 2007.

35.Les prestations de sécurité sociale ne sont pas inscrites dans la loi, dans la mesure où il est impossible d’engager l’État dans le domaine du versement de prestations sociales, alors que la situation économique du pays peut évoluer à tout moment. Cela étant, la démarche est simple : quand les ressources du pays augmentent, les prestations augmentent également. Le Fonds de réserve des retraites a été constitué pour pallier le vieillissement relativement important constaté dans la société irlandaise, qui devrait avoir des répercussions notables dans un délai de 10 ans. Ce Fonds a, dans un premier temps, bénéficié d’une partie des recettes issues de la vente de l’opérateur irlandais de télécommunications et est désormais financé sur fonds publics, à hauteur de 1 % du PNB par an.

36.Mme FLETCHER (Irlande) dit que la Loi de 2001 sur la santé mentale prévoit la création d’une Commission indépendante de la santé mentale, dont les fonctions principales consisteront à promouvoir des normes de qualité et des bonnes pratiques dans le domaine de la prestation de soins de santé mentale et à veiller aux intérêts des personnes internées. Toute décision d’internement d’un patient pour un traitement psychiatrique, ainsi que toute décision visant à prolonger la durée de cet internement, devront être portées à l’attention de la Commission, qui demandera à des tribunaux de la santé mentale, composés chacun d’un juriste, d’un psychologue et d’un membre non professionnel, d’en vérifier le bien-fondé. Il convient de signaler qu’en ce qui concerne le placement des handicapés mentaux, la situation s’est nettement améliorée, puisque l’on ne compte plus que 485 personnes internées en 2002 contre 970 en 1996. Enfin, l’affirmation selon laquelle de très nombreux handicapés mentaux seraient hébergés dans de mauvaises conditions ne correspond pas à la réalité. Les personnes en question sont généralement hébergées dans des résidences, voire dans des logements individuels, au sein même de la communauté. De plus, en 2000, un groupe de travail a été mis sur pied et chargé de définir un code de conduite applicable à l’emploi de personnes handicapées dans des ateliers protégés. Des consultations sont actuellement en cours dans ce contexte.

37.M. JESTIN (Irlande) précise que les emplois protégés sont des emplois proposés dans le cadre d’entreprises ordinaires, qui fonctionnent selon les règles du marché. Cela étant, les règles applicables à l’emploi protégé définissent un certain nombre d’objectifs en ce qui concerne les salaires, les conditions d’emploi, les possibilités de progression, ainsi que le niveau de subventions que peuvent obtenir les entreprises qui emploient des personnes dans ce cadre.

38.Mme CANAVAN (Irlande) dit que plusieurs référendums ont été organisés sur la question de l’avortement et qu’à la suite d’une de ces consultations, qui a eu lieu en 1992, le droit de se rendre librement dans un autre État a été confirmé. En conséquence, il est fréquent que des femmes fassent le voyage au Royaume-Uni pour y subir un avortement légal. Il convient également de signaler que lorsque des actions en justice ont été engagées pour avortement clandestin, ce sont les personnes ayant pratiqué l’avortement qui ont été poursuivies et non les femmes qui avaient subi l’intervention. Dans le domaine de la lutte contre le sida, une stratégie nationale a été définie à la suite de consultations avec des professionnels de l’éducation et de la santé, notamment, et ces consultations ont permis d’aboutir à la conclusion que la question du sida ne pouvait pas être traitée dans le cadre de la santé génésique et que la lutte contre cette maladie ne pouvait pas non plus s’inscrire dans le seul cadre de la lutte contre les maladies sexuellement transmissibles.

39.M. FANNING (Irlande) dit que la Cour suprême a été saisie du cas d’un jeune adulte autiste, âgé de 20 ans, dont les parents contestaient le fait qu’il n’avait plus accès à l’éducation. La Cour a statué que les obligations de l’État en matière d’éducation primaire concernaient toutes les personnes âgées de moins de 18 ans. Cela étant, elle a aussi indiqué que les personnes ayant des besoins particuliers devaient pouvoir bénéficier de l’appui constant de l’État. En conséquence, le nouveau projet de loi sur l’éducation des personnes handicapées traite également des besoins des personnes âgées de plus de 18 ans. Ainsi, plusieurs possibilités s’offrent aux adultes handicapés: rester scolarisés ou bénéficier du système le plus approprié à leur situation, qui sera déterminé en consultation avec les parents et les éducateurs; il peut s’agir, par exemple, d’une formation professionnelle dans un cadre approprié. En outre, le projet de loi prévoit un droit de recours pour les personnes concernées ou leurs parents, ce qui leur permettra de prendre part aux décisions qui les concernent ou de les contester.

40.C’est la loi sur l’éducation qui régit la reconnaissance des écoles aux fins de financement par l’État. Pour être reconnues, les écoles doivent adopter le programme scolaire défini par l’État, être dotées d’un conseil de direction composé notamment de représentants des parents et d’enseignants et être nécessaires à l’endroit où elles sont créées, en fonction de données démographiques et autres. Certaines écoles privées ne souhaitent pas être reconnues par l’État et se passent, en conséquence, de financement public. Par ailleurs, il n’y a pas d’université privée en Irlande, qui compte toutefois un certain nombre d’établissements d’enseignement supérieur privés. La délégation ne dispose d’aucune information en ce qui concerne le rôle que joue l’Église catholique au sein de ces établissements. Enfin, il convient de signaler que les écoles des zones défavorisées bénéficient de subventions spéciales et que des postes y sont pourvus depuis 1997; on y compte à l’heure actuelle un enseignant pour 19,5 élèves en moyenne.

41.Mme DOYLE (Irlande) signale que les pouvoirs publics subventionnent les organismes qui se consacrent aux activités sportives destinées aux personnes handicapées et que, grâce notamment à ces subventions, des équipes irlandaises participent régulièrement aux Jeux paralympiques.

42.M. FANNING (Irlande) indique qu’un projet de loi sur l’égalité officielle des langues (l’anglais et l’irlandais) a été approuvé par le Gouvernement et que cette future loi est destinée à fixer une base juridique pour les deux langues officielles. Elle garantira aux citoyens le droit d’être servis dans les deux langues. Par ailleurs, il existe un certain nombre de projets culturels visant à la promotion de l’irlandais. On peut notamment citer un projet d’apprentissage de l’irlandais prévoyant des bourses pour les familles d’accueil d’étudiants d’irlandais ou un projet de cours d’irlandais pour adultes résidant en dehors des régions où cette langue est parlée.

43.M. JESTIN (Irlande) dit qu’en 2000, l’Irlande a adopté une loi sur les droits d’auteurs et les droits connexes qui porte création d’un système moderne et très efficace de protection des droits d’auteur. Ce système satisfait pleinement aux normes internationales et aux directives de l’Union européenne en la matière.

44.M. GRISSA croit comprendre que les établissements privés d’enseignement supérieur sont moins bien considérés que les universités publiques car ils accueillent des étudiants qui n’ont pas réussi l’examen d’entrée aux universités publiques. Les diplômes qu’ils délivrent sont-ils néanmoins reconnus par l’Etat ? Permettent-ils de poursuivre des études à l’université?

45.M. FANNING (Irlande) indique que les diplômes délivrés par les établissements privés sont dûment reconnus et permettent aux étudiants de poursuivre des études de deuxième et de troisième cycles à l’université. Il faut souligner qu’un comité national a été créé et chargé d’harmoniser les diplômes dans l’enseignement supérieur.

46.Mme FLETCHER (Irlande) ajoute que les établissements privés soumettent leurs programmes aux deux conseils de l’enseignement supérieur existants afin de recevoir une accréditation, ce qui signifie que la plupart des cours dispensés par le privé répondent aux normes de qualité définies par ces conseils.

47.M. KOLOSOV demande si un migrant qui a reçu l’autorisation de travailler en Irlande pour y occuper un emploi précis peut changer d’emploi s’il se rend compte que les conditions offertes ne sont pas les mêmes que celles promises par son employeur à l’embauche. Par ailleurs, il souhaite savoir si les enfants de réfugiés et demandeurs d’asile peuvent recevoir un enseignement, y compris dans une autre langue que l’anglais.

48.M. JESTIN (Irlande) dit que les travailleurs migrants sont parfaitement au courant de leurs futures conditions d’emploi dans la mesure où, en vertu de la nouvelle législation, ils doivent contresigner la promesse d’embauche de leur employeur, qui récapitule toutes les conditions d’emploi. S’il s’avère que ses conditions d’emploi sont différentes, le travailleur migrant peut saisir les institutions compétentes en matière de droit du travail pour obtenir réparation.

49.M. FANNING (Irlande) dit que les enfants de réfugiés et demandeurs d’asile bénéficient, comme tous les autres enfants, d’un accès libre et gratuit à l’enseignement primaire et secondaire. Toutefois, le Ministère de l’éducation ne dispose pas des ressources financières voulues pour dispenser un enseignement spécifique aux enfants de réfugiés et demandeurs d’asile. D’une manière générale, les enfants de nationalité étrangère qui ont des problèmes pour comprendre et parler l’anglais peuvent suivre des cours de langue en sus du programme scolaire normal. Par ailleurs, un programme de subventions a été mis en place pour développer l’enseignement dans les principales langues parlées par les émigrés.

50.M. CEAUSU, revenant sur une précédente intervention d’un membre de la délégation irlandaise, croit comprendre que le nombre de patients en hôpitaux psychiatriques a diminué, passant de 919 à 485. Il souhaite savoir quand le programme de transfert de ces patients doit prendre fin.

51.Mme FLETCHER (Irlande) dit que le programme de transfert doit être mené à bien au plus tard en 2006 conformément à l’objectif fixé dans la stratégie nationale de santé.

52.Mme CANAVAN (Irlande), répondant à une question sur l’évaluation du système national de santé, explique que l’Irlande a récemment adopté plusieurs lois qui définissent clairement les responsabilités des différents prestataires de services sanitaires. Ainsi, ceux-ci doivent chaque année présenter en détail les activités qu’ils ont menées en application de la stratégie nationale de santé et rendre compte de l’utilisation des fonds qui leur ont été alloués. La stratégie nationale de santé comprend un mécanisme interne d’évaluation des progrès accomplis dans sa mise en œuvre ainsi que des plans d’action détaillés, assortis des mesures à prendre et des résultats attendus. L’Irlande est toutefois consciente que son système actuel d’informations sur la santé présente des lacunes et qu’il est important d’y remédier afin de mieux évaluer la qualité des services de santé. C’est pourquoi elle élabore actuellement une stratégie nationale d’information sanitaire qui visera principalement à investir dans le domaine informatique.

53.Mme LANGFORD (Irlande) espère que les membres de sa délégation ont réussi à démontrer au Comité que l’Irlande, dans le cadre de ses stratégies nationales en matière de santé, d’éducation et de logement et de ses politiques de lutte contre la pauvreté, attache une grande importance à la promotion et à la défense des droits de l’homme. La délégation irlandaise a pris note avec beaucoup d’intérêt des vues exprimées par les membres du Comité et s’engage à diffuser le plus largement possible les observations finales de ce dernier, notamment auprès des institutions gouvernementales compétentes.

54.Le PRÉSIDENT remercie la délégation irlandaise d’avoir répondu avec compétence aux nombreuses questions posées par les membres du Comité. Il déclare clos l’examen du deuxième rapport périodique de l’Irlande.

La séance est levée à 12 h 25.

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