NATIONS

UNIES

E

Conseil économique

et social

Distr.GÉNÉRALE

E/C.12/2005/SR.4421 novembre 2005

Original: FRANÇAIS

COMITÉ DES DROITS ÉCONOMIQUES, SOCIAUX ET CULTURELS

Trente‑cinquième session

COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA 44e SÉANCE

tenue au Palais Wilson, à Genève,le mercredi 16 novembre 2005, à 10 heures

Président: Mme BONOAN-DANDAN

SOMMAIRE

EXAMEN DES RAPPORTS

a)RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT AUX ARTICLES 16 ET 17 DU PACTE

Deuxième rapport périodique de la Jamahiriya arabe libyenne

La séance est ouverte à 10 h 5.

EXAMEN DES RAPPORTS

a)Rapports présentÉs par les États parties conformément aux articles 16 et 17 du Pacte (point 6 de l’ordre du jour) (suite)

Deuxième rapport périodique de la Jamahiriya arabe libyenne (E/1990/6/Add.38; document de base (HRI/CORE/1/Add.77); liste des points à traiter (E/C.12/Q/LBY/1); réponses écrites du Gouvernement libyen à la liste des points à traiter (HR/CESCR/NONE/2005/13))

1. Sur l’invitation de la Présidente, la délégation libyenne prend place à la table du Comité.

2.La PRÉSIDENTE souhaite la bienvenue à la délégation libyenne et l’invite à présenter le deuxième rapport périodique de l’État partie.

3.M. DERBI (Jamahiriya arabe libyenne) dit que conformément aux directives générales concernant l’établissement des rapports présentés par les États parties, le deuxième rapport périodique de la Jamahiriya arabe libyenne comporte deux parties, la première consacrée aux caractéristiques générales du pays sur les plans géographique, économique, démographique et politique, et la seconde à l’application des dispositions du Pacte. Il rappelle que le pouvoir exécutif est exercé par tous les citoyens sans discrimination, par l’intermédiaire de comités populaires répartis suivant la densité de la population, et que le pouvoir judiciaire est indépendant. En respectant pleinement les principes énoncés dans le Pacte, la Jamahiriya arabe libyenne ne fait qu’appliquer ceux qui sont déjà inscrits dans sa législation nationale, notamment la loi no 10 de 1990 sur le renforcement des libertés et la Grande Charte verte des droits de l’homme. Tous les citoyens jouissent de tous les droits consacrés par le Pacte, dans le respect des principes de l’islam. Enfin, le rapport a été établi par un groupe d’experts, sans complaisance et dans la plus grande transparence.

Articles 1er à 5 du Pacte

4.M. KERDOUN, rappelant que le Comité a demandé à l’État partie s’il envisageait de créer une institution nationale des droits de l’homme conformément aux Principes de Paris, juge la réponse du Gouvernement libyen peu satisfaisante, et demande à la délégation libyenne de fournir des précisions à ce sujet. Il réitère également la question concernant la mesure dans laquelle les tribunaux ont appliqué le principe énoncé par la loi no 6 de 1982 selon lequel les instruments internationaux ratifiés par la Jamahiriya arabe libyenne sont juridiquement contraignants et l’emportent sur la législation nationale, et souhaiterait connaître des exemples de jurisprudence.

5.M. ATANGANA s’étonne de l’affirmation selon laquelle le pouvoir judiciaire serait indépendant, car selon les informations dont dispose le Comité, les forces de l’ordre sont habilitées à régler certains conflits en dehors des tribunaux. À propos du principe de non‑discrimination, les différentes dispositions de la Constitution citées dans le deuxième rapport périodique de l’État partie ne font mention que du peuple arabe. Qu’en est-il des autres populations? Les Berbères, notamment, ne sont pris en compte dans aucun secteur de l’activité nationale. Par ailleurs, les femmes doivent à la charia un statut de deuxième ordre. Les enfants nés hors mariage sont stigmatisés. Les Noirs africains, enfin, qui affluent dans le pays pour rechercher du travail, sont victimes de toutes sortes d’actes de discrimination. M. Atangana souhaiterait donc connaître les mesures que l’État partie a prises pour répondre aux diverses préoccupations qui ont été exprimées dans tous ces domaines.

6.M. MALINVERNI, partageant l’inquiétude de M. Atangana à propos de la situation des Berbères et des Noirs africains, rappelle à la délégation libyenne que si l’État partie a ratifié la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale, il n’en a pas encore appliqué l’article 4, qui exige l’adoption d’une loi nationale reprenant les principes de la Convention. Il souhaiterait en outre savoir ce que fait le Gouvernement libyen pour faire connaître les droits de l’homme et assurer la diffusion du Pacte.

7.M. TEXIER regrette que dans le deuxième rapport périodique de l’État partie, les articles 1er à 5 du Pacte occupent à peine une demi-page qui ne contient quasiment aucune information. Il demande à la délégation libyenne d’indiquer la composition de la population libyenne et se fait l’écho d’une organisation non gouvernementale (ONG) qui, s’appuyant sur des lois et règlements publiés, dénonce la discrimination officielle qui règne dans le pays. Compte tenu du fait que tous les organes conventionnels de l’Organisation des Nations Unies (ONU) ont soulevé cette question auprès de l’État partie, il demande si la Jamahiriya arabe libyenne compte enfin modifier son attitude et sa législation dans ce domaine afin que les minorités aient droit de cité dans le pays.

8.Mme BARAHONA RIERA regrette que comme seule information concernant l’égalité des sexes, le deuxième rapport périodique de l’État partie, en son paragraphe 14, renvoie au rapport sur la situation de la femme présenté par la Jamahiriya arabe libyenne à la quatrième Conférence mondiale sur les femmes tenue à Beijing en 1995. Elle demande quels sont les obstacles, en Libye, à la mise en œuvre des dispositions de la Constitution et des différentes lois consacrant l’égalité des sexes. Elle souhaiterait par exemple savoir si les femmes de la nouvelle génération, qui ont fait des études, peuvent accéder, au même titre que les hommes, et sur un pied d’égalité avec eux, à des postes de responsabilité et jouer un rôle dans la prise de décisions. Mme Barahona Riera demande quel est le pourcentage de femmes représentées au sein des comités populaires locaux, qui ont une réelle influence dans le domaine législatif et exécutif. Il serait intéressant de connaître le montant des ressources budgétaires allouées aux questions relatives à l’égalité des sexes et à la promotion de la femme et de savoir, en cas de contradiction entre la loi islamique et le droit national, si ce sont les dispositions de la charia ou des Codes civil ou pénal qui priment.

9.M. SADI insiste sur le fait que pour se faire une idée de la situation réelle des droits économiques, sociaux et culturels dans l’État partie, le Comité doit savoir non seulement quelle est la place du Pacte dans le droit interne − et notamment s’il est invoqué devant les tribunaux − mais aussi dans quelle mesure les ministères chargés de la planification dans le domaine économique et social s’y réfèrent pour élaborer leurs politiques.

10.Convaincu que la condition de la femme en Libye est en grande partie imputable aux traditions et aux usages, M. Sadi demande si les mentalités commencent à évoluer dans l’État partie pour s’orienter vers une égalité de fait entre les hommes et les femmes.

11.Mme GHOSE souhaite obtenir des informations supplémentaires sur le droit des personnes appartenant à une minorité nationale de ne pas faire l’objet de discrimination et notamment savoir si les Berbères bénéficient d’une protection en tant que minorité nationale compte tenu que d’après des informations dignes de foi dont elle dispose, ceux qui donneraient à leur enfant un nom d’origine berbère seraient passibles d’une amende. Elle voudrait également savoir si des ONG œuvrant en faveur de la reconnaissance de droits aux minorités nationales sont actives dans le pays, qui pourraient aider l’État partie à prendre conscience de certains des problèmes rencontrés par ces groupes minoritaires.

12.La délégation libyenne pourrait indiquer si les femmes jouissent d’une égalité de traitement non seulement de droit mais aussi de fait et si elles ont accès à l’éducation et à l’emploi. Dans l’affirmative, il serait intéressant de connaître le type d’emplois qu’elles occupent le plus souvent, le taux d’alphabétisation des femmes vivant dans les campagnes, et si les femmes employées dans l’armée ou le système judiciaire sont nombreuses, accèdent à des postes de responsabilité et peuvent espérer être promues. Il serait également intéressant de savoir si les femmes peuvent avoir accès à la propriété et si, à travail égal, elles peuvent espérer percevoir un salaire égal à celui des hommes. Les femmes et les Berbères étant manifestement victimes de discrimination dans l’État partie, un complément d’information sur le sort particulier des femmes berbères en Libye serait le bienvenu.

13.M. SHEN Yongxiang regrette quant à lui que pour toute réponse à la question relative aux droits des non‑ressortissants, l’État partie invite les membres du Comité à se référer au rapport initial de la Jamahiriya arabe libyenne qui, datant de 1997, ne contient pas d’informations récentes sur le sujet. Il demande donc quelles mesures l’État partie a prises en faveur des étrangers.

14.Se félicitant de l’adhésion de la Jamahiriya arabe libyenne à la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, M. Shen Yongxiang demande à la délégation libyenne d’exposer le contenu des lois adoptées au niveau national pour lui donner effet, dans le domaine de la protection des droits sociaux notamment.

15.Mme BRAS GOMES demande à la délégation libyenne de confirmer ou d’infirmer les informations communiquées au Comité, selon lesquelles les ONG ayant pour vocation de défendre la langue et la culture berbères ne seraient pas autorisées dans la République de Jamahiriya arabe libyenne, en dépit de la loi no 19 de 2002 sur la réorganisation des organismes de la société civile et de leur statut, qui confère à tous les citoyens qui souhaitent promouvoir la société civile le droit de constituer des associations.

16.Mme Bras Gomes demande quelles sont les «pratiques traditionnelles portant atteinte à l’exercice par les femmes des droits économiques, sociaux et culturels», et notamment si le fait que les femmes ne puissent pas se rendre à l’étranger sans l’autorisation de leur mari ou qu’elles n’aient pas accès à la propriété constitue pour la délégation libyenne des pratiques négatives. Mme Bras Gomes voudrait savoir si des mesures spécifiques ont été prises pour combattre ces pratiques et si les femmes dont les droits économiques, sociaux et culturels ont été bafoués disposent des mêmes voies de recours que les hommes.

17.M. RZEPLINSKI demande si la Cour suprême a déjà été saisie d’affaires concernant des actes de discrimination, et le cas échéant, si le plaignant a obtenu réparation. Il voudrait savoir si le service d’inspection du travail chargé des cas de discrimination est quant à lui indépendant, et dans quelle mesure les recommandations qu’il formule sont suivies d’effets.

18.M. Rzeplinski souhaiterait également savoir s’il existe dans l’État partie des ONG chargées de combattre la discrimination, et le cas échéant, si celles-ci ont déjà publié des rapports critiques envers la politique menée par l’État, qui auraient fait l’objet d’un débat public.

19.M. MARCHÁN ROMERO voudrait comprendre le contexte sociojuridique et religieux dans lequel le Pacte est appliqué, et demande donc quelle est la portée de la déclaration du 2 mars 1977, qui énonce que «le saint Coran est le code social de la Jamahiriya arabe libyenne populaire et socialiste».

20.M. PILLAY déplore que l’État partie n’ait pas eu la courtoisie de répondre à un certain nombre des questions de la liste des points à traiter, notamment la question no 1 de la liste des points à traiter relative à la volonté de l’État partie d’adopter et de mettre en œuvre un plan d’action national en faveur des droits de l’homme, et les questions nos 20, 21 et 23.

21.M. Pillay souhaiterait savoir si le public a connaissance des droits qui sont les siens en vertu du Pacte, et si les fonctionnaires, les magistrats, les officiers de police, les directeurs d’établissements pénitentiaires entre autres reçoivent une formation aux droits de l’homme en général, et aux droits économiques, sociaux et culturels en particulier.

22.La PRÉSIDENTE, s’exprimant au nom de tous les membres du Comité, juge regrettable que les informations contenues tant dans le deuxième rapport périodique que dans les réponses écrites du Gouvernement libyen à la liste des points à traiter ne soient pas suffisantes, et rappelle que l’État partie s’était engagé, lors de l’examen de son rapport initial, à communiquer au Comité par écrit la réponse à toutes les questions auxquelles il n’avait pas répondu au cours du dialogue, ce qu’il n’a pas fait − pas plus d’ailleurs qu’il n’a fourni dans son deuxième rapport périodique davantage d’informations sur l’exercice et la mise en œuvre effectifs des droits garantis par le Pacte, ce qu’il était également tenu de faire. Aussi la Présidente invite-t-elle instamment l’État partie à donner des informations complémentaires sur les questions qui lui ont été posées, de manière à ce que le dialogue entre le Comité et la délégation ne soit pas inutile.

23.M. DERBI (Jamahiriya arabe libyenne) affirme que bien que l’État partie n’ait pas fourni suffisamment d’informations écrites sur l’application du Pacte dans son pays − qui pourront être données oralement − la Libye accorde une grande importance aux droits de l’homme. La législation consacre en effet l’égalité entre les hommes et les femmes, et un certain nombre de lois garantissent aux femmes des droits tout à fait spécifiques, du fait même de leur condition de femmes, notamment dans le domaine de la santé. La Libye a notamment ratifié la Convention n° 103 de l’OIT sur la protection de la maternité (révisée) et a adopté une législation nationale dans ce domaine. Conformément aux normes internationales relatives au travail, les femmes ne peuvent être contraintes d’effectuer des travaux pénibles.

24.En outre, certains secteurs d’activité sont exclusivement réservés aux femmes, comme l’informatique, et celles-ci sont représentées au sein des congrès populaires, dont elles ont le droit d’élire les membres et au sein desquels elles peuvent accéder à des postes de responsabilité, comme celui de présidente ou de secrétaire générale. Le poste de secrétaire des affaires sociales du Congrès populaire général, qui est l’entité chargée des questions relatives aux affaires féminines, est lui aussi systématiquement pourvu par une femme.

25.La législation libyenne a instauré le principe de «À travail égal, salaire égal», et aucun obstacle de nature discriminatoire ne s’oppose à ce que les femmes soient promues.

26.Les restrictions aux voyages des femmes ont disparu depuis quelques années avec la suppression du visa de sortie que chaque citoyen devait obtenir pour pouvoir sortir du pays. Toutes les listes de citoyens interdits de voyages ont également été supprimées. À présent, toutes les femmes peuvent sortir du pays sans devoir obtenir l’autorisation de leur mari ou de leur père.

27.Mme ALBASHA (Jamahiriya arabe libyenne) réaffirme solennellement que les femmes ont les mêmes droits que les hommes dans son pays et que toutes les lois en vigueur visent à garantir l’égalité entre les sexes et même, dans certains domaines, à accorder un traitement préférentiel aux femmes. En vertu du Code du travail, les femmes ont le droit d’exercer toutes sortes d’activités lucratives et de choisir librement leur travail, même s’il s’agit de travaux pénibles. Les salaires sont fixés selon des critères objectifs et il n’existe pas d’inégalités de traitement entre hommes et femmes.

28.Les femmes bénéficient d’une liberté de circulation totale et ont le droit de choisir librement leur époux. La polygamie est certes autorisée mais pour pouvoir épouser une deuxième femme, l’homme doit en faire la demande, motivée, auprès des tribunaux. En cas de divorce, le législateur a veillé à ce que les femmes ne soient pas jetées à la rue et à ce qu’elles aient le droit de conserver le logement du couple ou, si cela est impossible, d’obtenir un autre logement de l’État.

29.En vertu de la loi sur le renforcement des libertés, qui est pleinement conforme aux dispositions du Pacte, femmes et hommes jouissent des mêmes droits politiques et civils. Les femmes ont le droit d’ester en justice et d’exercer librement leur droit de vote. En outre, elles occupent toutes sortes de postes de responsabilité dans les domaines de la justice et de la sécurité publique où elles ne font l’objet d’aucune discrimination. Il existe même des mesures de discrimination positive qui visent à élargir l’accès des femmes aux professions judiciaires.

30.Les femmes étrangères qui ont épousé un Libyen ont les mêmes droits que les citoyennes libyennes. D’une manière générale, la loi garantit les droits de tous les étrangers en situation régulière, y compris le droit au travail.

31.M. DERBI (Jamahiriya arabe libyenne) précise, au sujet des droits des travailleurs migrants, que la Libye a ratifié la Convention n° 111 de l’OIT concernant la discrimination en matière d’emploi et de profession, ainsi que de nombreuses autres conventions de l’OIT qui assurent aux étrangers en Libye les mêmes droits qu’aux nationaux en matière d’accès à la sécurité sociale, aux soins de santé et aux autres prestations telles que l’assurance invalidité ou vieillesse.

32.Le Code du travail est conforme aux dispositions de la plupart des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme. Aussi, les ouvriers migrants en situation régulière jouissent-ils des mêmes droits que les travailleurs libyens et ne font l’objet d’aucune discrimination sur le lieu de travail.

33.La Jamahiriya arabe libyenne attire une importante main‑d’œuvre étrangère clandestine mais n’a guère les moyens de régler tous les problèmes liés aux clandestins. Afin de dissuader les étrangers de rentrer clandestinement dans le pays pour y rechercher du travail, les autorités exigent qu’ils possèdent des titres de séjour en règle pour obtenir un contrat de travail. La Jamahiriya arabe libyenne est également un pays de transit depuis quelques années et les autorités libyennes collaborent étroitement avec l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) afin d’atténuer les effets négatifs des flux migratoires dans le pays.

34.Les ouvriers d’origine africaine en situation régulière sont protégés par la loi de la même façon que les autres ouvriers migrants. Ils sont pour la plupart titulaires de contrats à durée déterminée, que les employeurs peuvent renouveler ou non selon leurs besoins. Un certain nombre d’ouvriers africains ont participé à des bagarres de rue mais il ne s’agit que de simples incidents montés en épingle par des médias, notamment étrangers. D’une manière générale, ces ouvriers ne posent ni ne rencontrent aucun problème dans leur vie quotidienne.

35.La Jamahiriya arabe libyenne a toujours lutté contre toutes les formes de discrimination raciale et compte parmi les rares pays à avoir toujours critiqué ouvertement les régimes qui pratiquaient la discrimination raciale et l’apartheid, comme ce fut le cas de l’Afrique du Sud.

36.Mme ALBASHA (Jamahiriya arabe libyenne) dit que la loi sur le renforcement des libertés et la Charte verte disposent que les droits des minorités, quelles qu’elles soient, doivent être scrupuleusement respectés et s’étonne donc des informations selon lesquelles des minorités comme les Berbères seraient victimes de discrimination, notamment en ce qui concerne l’emploi de leur propre langue. Elle ajoute que les Berbères sont arabes et musulmans comme les citoyens libyens. La loi no 24 qui est critiquée par certains vise simplement à promouvoir la langue arabe et à lutter contre l’emploi de mots étrangers, notamment anglais et français, dans les médias et dans la vie quotidienne. La langue berbère n’est aucunement remise en cause.

37.S’agissant des critiques formulées à propos de la discrimination dont seraient l’objet les Berbères, M. ZAMOUNA (Jamahiriya arabe libyenne) observe que les informations avancées par l’ONG en question, qui n’a aucun lien avec l’État, ne proviennent d’aucune source officielle.

38.M. DERBI (Jamahiriya arabe libyenne) dit que ce ne sont pas les forces de l’ordre qui jouent un rôle dans la résolution amiable des conflits en dehors des tribunaux mais des conseils tribaux ou familiaux, pour parvenir à une solution de conciliation qu’elles transmettent par écrit au tribunal, qui peut en tenir compte ou non lors du jugement. La conciliation constitue seulement une mesure sociale visant à éviter que le conflit ne s’élargisse au groupe tribal ou familial.

39.Le pouvoir judiciaire jouit d’une totale indépendance et n’est pas placé sous l’autorité de l’État. Le Ministère de la justice et le Ministère de la sécurité intérieure sont deux organes indépendants, qui n’ont pas le même ministre à leur tête.

40.M. ALNAMI (Jamahiriya arabe libyenne) dit que les lois nos 56 de 1975 et 20 de 1991 garantissent l’indépendance des magistrats et des procureurs, qui ne subissent aucune pression ni ne reçoivent aucune instruction du Ministère de la justice dans l’exercice de leurs fonctions. Comme il a été dit précédemment, les femmes peuvent exercer les fonctions de juge et de procureur et la délégation pourrait citer beaucoup d’exemples de femmes magistrates.

41.En vertu de la loi no 6 de 1988, les principes juridiques décidés par la Haute Cour constitutionnelle ont force de loi dans tous les tribunaux de la Jamahiriya arabe libyenne. La Haute Cour a rendu un arrêt selon lequel les instruments internationaux, et notamment le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, ont primauté sur la législation nationale. Cela signifie donc que les tribunaux sont tenus d’appliquer les dispositions du Pacte et que tout plaignant peut se prévaloir de ses dispositions devant la justice.

42.M. ZAMOUNA (Jamahiriya arabe libyenne) dit que les droits de l’homme sont enseignés comme matière dans les facultés de droit, de lettres et dans les écoles de police, notamment. Cet enseignement porte sur les grands instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme et la législation adoptée sur le plan interne pour rendre ces textes applicables en Libye. À propos d’une question posée sur la discrimination entre les sexes, M. Zamouna indique que selon les statistiques du Ministère de l’enseignement supérieur publiées sur les 165 000 étudiants que comptait le pays en 1999, 83 000 étaient des femmes.

43.M. MALINVERNI rappelle que l’État partie n’a pas ratifié la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés et ne dispose d’aucune loi sur les réfugiés, si bien que ces personnes sont laissées sans protection juridique, ce qui peut avoir des conséquences néfastes sur l’exercice de leurs droits économiques, sociaux et culturels. Sur la question de la protection des minorités, M. Malinverni souhaiterait savoir si les minorités peuvent utiliser leur langue devant les tribunaux et les autorités. Une minorité devrait en effet pouvoir s’exprimer dans sa propre langue en dehors de la sphère privée dans la mesure où elle représente un pourcentage important de la population. Sur le fond, M. Malinverni estime que si l’analogie avec l’apartheid peut paraître grossière, il n’en reste pas moins qu’une discrimination peut exister sans atteindre cette forme extrême.

44.M. Malinverni prend note avec intérêt des renseignements fournis sur le nombre d’étudiantes mais souhaiterait également des indications sur le pourcentage de femmes occupant des postes de responsabilité dans les sociétés privées et les administrations publiques.

45.M. RZEPLINSKI souhaiterait en savoir davantage sur les décisions concrètes des tribunaux et des services d’inspection du travail concernant la non‑discrimination.

46.M. SADI souhaite savoir si les congrès populaires ont connaissance des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme et s’ils disposent d’informations au sujet du Pacte. Il souhaiterait savoir également si les Berbères sont représentés dans les congrès et selon quel pourcentage, et avoir des exemples de la manière dont les tribunaux assurent la primauté des instruments internationaux. M. Sadi demande dans quelle mesure les citoyens peuvent invoquer le Pacte devant les tribunaux. Si ce n’est pas le cas, il aimerait savoir si cela traduit un manque d’information au sujet du Pacte.

47.Mme GHOSE souligne que le rôle d’un État n’est pas seulement d’édicter des lois mais aussi de remédier aux problèmes qui, sur le plan pratique, peuvent faire obstacle à leur application. Elle souhaiterait davantage d’informations sur la scolarisation des enfants berbères.

48.Mme BRAS GOMES demande, à propos des mesures de discrimination positive prévues en faveur des femmes, si l’État souscrit à l’observation générale no 16 (2005) du Comité sur le droit égal de l’homme et de la femme au bénéfice de tous les droits économiques, sociaux et culturels. Elle souhaiterait des exemples de mesures de discrimination positive.

49.Concernant les ONG, Mme Bras Gomes souligne que la question n’est pas de savoir si une ONG est liée à l’État mais si celui‑ci l’autorise par des règles claires à s’enregistrer et à travailler dans le pays.

50.M. MARCHÁN ROMERO remarque qu’aucune minorité n’est mentionnée dans le deuxième rapport périodique de l’État partie et souhaiterait savoir si un statut quelconque est reconnu aux minorités dans ses lois. Sur le fait que le Coran régit la conduite sociale, M. Marchán Romero souhaiterait davantage de précisions dans la mesure où cela peut éventuellement avoir des conséquences sur la jouissance des droits énoncés dans le Pacte.

51.Mme BARAHONA RIERA souhaiterait en savoir davantage sur le contenu des programmes et des politiques qui ont permis les progrès en matière d’égalité dont l’État partie a informé le Comité.

52.M. KOLOSOV souhaiterait savoir si parmi les Berbères, dont il est indiqué qu’ils se déplacent constamment d’un pays à l’autre, certains sont sédentaires.

53.M. DERBI (Jamahiriya arabe libyenne) dit qu’il est question des réfugiés dans la loi no 24 sur la promotion de la liberté et dans la loi no 20 de 1991, dont l’article 21 prévoit que la Jamahiriya arabe libyenne est un État qui accueille les réfugiés et les persécutés et a pour devoir de les protéger. Lorsque le droit d’asile leur est accordé, les réfugiés jouissent de tous les droits qui leur sont reconnus. Ainsi, les réfugiés somaliens venus en Jamahiriya arabe libyenne ont pu travailler dans le pays comme n’importe quel citoyen libyen. Une fois la crise passée, certains sont retournés chez eux, d’autres sont restés dans le pays.

54.Les associations de femmes sont présentes à tous les échelons de la société et jouent un rôle actif dans la vie économique et sociale du pays. Elles s’emploient notamment à promouvoir la formation et l’éducation, et reçoivent une aide de l’État pour élaborer des programmes et des plans d’activités.

55.En ce qui concerne les minorités, M. Derbi a l’impression que les membres du Comité considèrent que les Berbères sont dans une situation défavorable. Il y a pourtant des mariages mixtes, les Berbères sont souvent sédentarisés et sont considérés comme des citoyens libyens. Ils peuvent à ce titre participer aux congrès populaires du lieu où ils résident et sont représentés dans ces instances.

La séance est levée à 13 heures.

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