Nations Unies

E/C.12/2009/SR.30

Conseil économique et social

Distr. générale

27 novembre 2009

Original: français

Comité des droits économiques, sociaux et culturels

Quarante ‑ tro i si ème session

Compte rendu analytique de la deuxième partie ( p ublique )* de la 30 e séance

Tenue au Palais Wilson, à Genève, le lundi 2 novembre 2009, à 15 heures

Président: M. Marchán Romero

Sommaire

Questions de fond concernant la mise en œuvre du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels: documents soumis par des organisations non gouvernementales

La deuxième partie (publique) de la séance commence à 16 h 25.

1.Le Président se félicite du soutien massif accordé en septembre 2009, à New York, au Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, instrument qui place le Comité sur un pied d’égalité avec ses homologues. Rappelant la participation active de la société civile à l’élaboration de ce texte, il souligne la grande valeur que le Comité attache à l’association des organisations non gouvernementales à ses travaux et dit qu’il compte sur elles pour plaider en faveur de la ratification du Protocole.

Questions de fond concernant la mise en œuvre du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels: documents soumis par des organisations non gouvernementales (point 3 de l ’ ordre du jour)

République démocratique du Congo

2.M. Nsapu (Ligue des électeurs) dénonce les nombreux actes de harcèlement dont ont été victimes en 2008 et 2009 les défenseurs des droits économiques, sociaux et culturels en République démocratique du Congo, agissements liés à la sensibilité des questions soulevées par ces personnes dans leurs activités de surveillance et de dénonciation de violations. Il cite en exemples la dispersion en octobre 2008 de manifestations d’enseignants et d’élèves, et l’arrestation en août 2009 de plusieurs membres d’organisations non gouvernementales ayant protesté contre les conditions de travail d’ouvriers.

3.Ceux qui luttent contre la corruption sont également victimes de harcèlement, tel ce responsable syndical du Ministère de l’économie nationale et du commerce, arrêté en janvier 2009 pour avoir tenté de dénoncer le détournement de fonds publics par son administration. De même, les défenseurs qui s’élèvent contre les répercussions des activités minières et forestières sur l’environnement et la collusion des autorités locales avec les entreprises exploitantes sont la cible de menaces (arrestation en mars 2008 de l’auteur d’un dépliant dénonçant les contrats léonins signés par le Gouvernement et des sociétés multinationales dans le secteur minier ainsi que le détournement de fonds publics par les autorités, poursuite de 27 défenseurs des droits de l’homme auteurs d’une pétition contre l’exploitation forestière abusive, arrestation en juillet 2009 de l’auteur d’un rapport sur l’exploitation artisanale illégale de la mine uranifère de Shinkolobwe).

4.Compte tenu de la multiplication de ces actes de répression, l’organisation suggère aux experts du Comité de recommander au Gouvernement congolais de garantir en toutes circonstances l’intégrité physique et psychologique des défenseurs des droits de l’homme dans le pays, de mettre fin à l’impunité des auteurs de telles violations, de cesser toute activité de dénigrement et de harcèlement visant les défenseurs des droits de l’homme, d’assurer leur protection et de faire des déclarations publiques sur l’importance de leur rôle.

5.M me Gromellon (Fédération internationale des ligues des droits de l’homme) s’exprime au nom de l’Association africaine des droits de l’homme, auteur du rapport publié en juillet 2009 sur l’exploitation illégale de la mine uranifère de Shinkolobwe, qui se poursuit − par le biais d’un réseau maffieux et avec la complicité de certaines autorités étatiques, notamment du Centre d’instruction militaire de Mura − malgré le décret présidentiel no 04/17 du 27 janvier 2004 interdisant toute activité minière dans cette localité en raison du danger qu’elle représente pour la santé publique et la sécurité internationale. Le délaissement de ce dossier par l’ONU et par l’Agence internationale de l’énergie atomique a abouti à la conclusion en mars 2009 d’un accord entre la République démocratique du Congo et la société AREVA − dont les pratiques sociétales sont dénoncées en particulier au Niger −, qui confère à cette dernière un droit exclusif d’exploration et d’exploitation de l’ensemble de l’uranium congolais, exposant la population à des risques sanitaires et environnementaux très graves.

6.Le Comité pourrait donc recommander aux autorités congolaises de publier tous les contrats miniers, y compris celui passé avec AREVA, et de soumettre ces contrats au Parlement afin qu’y soient inclus les principes du respect des droits des communautés locales et de la responsabilité sociale des entreprises. Le Gouvernement pourrait aussi être invité à rendre plus transparents les appels d’offres pour la recherche d’investissements dans l’exploitation des ressources naturelles, à diligenter une mission médico-sanitaire à Shinkolobwe, Likasi, Kolwezi, Lubumbashi et Kambove afin d’y mesurer le taux d’irradiation de la population, à dissoudre la Police des mines et des hydrocarbures, structure autonome au mandat mal défini et qui favorise en outre l’exploitation illégale des ressources minières, et à mener une enquête afin de déterminer le niveau d’implication des différentes autorités locales dans la poursuite de l’exploitation illégale de la mine de Shinkolobwe.

7.M me Ratjen (FIAN International) aborde la question du droit à une nourriture suffisante en République démocratique du Congo, où ce sont les populations rurales et le monde paysan qui souffrent le plus dans ce domaine et dans celui de l’accès à l’eau, notamment en raison de l’insécurité du régime foncier, de la concurrence entre activités minières et production alimentaire ou encore de l’absence de soutien aux petits producteurs de denrées alimentaires. L’agriculture demeure officiellement une priorité en termes de politiques publiques, mais les programmes mis en œuvre n’ont pas réussi à améliorer l’exercice du droit à une nourriture suffisante pour l’ensemble des paysans en situation de vulnérabilité dans le pays. Ceux-ci sont victimes non seulement des négligences des pouvoirs publics mais aussi de la violence: dans le Nord-Kivu, par exemple, ceux qui décident de retourner sur leurs terres pour y produire des denrées de base se voient confisquer leurs outils pour éviter qu’ils ne servent d’arme. Cherchant à établir un dialogue entre la population et les autorités, la Confédération paysanne du Congo a lancé une campagne nationale sur le droit à une nourriture suffisante, qui devrait permettre de trouver des solutions durables aux différends fonciers et, à plus long terme, d’améliorer l’exercice du droit en question par les populations rurales.

8.La situation dénoncée en République démocratique du Congo étant révélatrice des problèmes rencontrés par les paysans dans le monde en général − ce sont en effet les plus touchés par la faim et la malnutrition −, FIAN International, qui surveille de près la réponse apportée par la communauté internationale à la crise mondiale de la sécurité alimentaire, signale au Comité trois initiatives intéressant ses travaux à cet égard, à savoir l’étude sur la discrimination dans la réalisation du droit à l’alimentation, menée par le Comité consultatif du Conseil des droits de l’homme, la réforme du Comité de la sécurité alimentaire mondiale de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture et le Sommet mondial sur la sécurité alimentaire qui doit se tenir en novembre 2009, à Rome.

9.M. Agbetse (Franciscans International) dit que, compte tenu des articles 444 et 448 à 450 du Code de la famille congolais, qui établissent un traitement discriminatoire à l’égard des femmes, et de l’évolution de la société congolaise qui tend à ce que la femme détrône l’homme de son rôle traditionnel, le Comité pourrait recommander au Gouvernement d’établir un calendrier de réformes juridiques visant à éliminer les dispositions discriminatoires à l’égard des femmes, et de mettre en place un plan national assorti d’objectifs mesurables pour combattre les préjugés, stéréotypes et pratiques discriminatoires contre les femmes par des initiatives de sensibilisation et de mobilisation des forces vives du pays. En matière de droit au logement, les autorités congolaises ayant failli à leurs obligations lorsqu’elles ont ordonné l’expulsion de nombreuses familles de leur logement en mars 2009, à Kinshasa, le Comité pourrait recommander au Gouvernement de reloger sans délai ces familles et de procéder au plus vite à leur indemnisation.

10.Concernant le droit à un niveau de vie suffisant, alors que le pays dispose de ressources hydriques abondantes, les taux de couverture pour l’approvisionnement en eau et l’assainissement en milieu rural ne sont que de 26 % et 6 %, respectivement. La fourniture d’électricité est, elle aussi, très insuffisante et les raccordements frauduleux non sécurisés sont à l’origine d’un grand nombre de décès d’enfants. De même, alors que le pays regorge de minerais et de ressources forestières, l’opacité et la corruption dans la passation des contrats miniers ont abouti à une dilapidation des ressources qui devraient être affectées aux projets sociaux. C’est pourquoi il importe de recommander aux autorités congolaises d’assurer l’entretien des barrages d’Inga en vue d’un approvisionnement optimal de la population en électricité, et de mettre en œuvre les recommandations énoncées dans les rapports établis par les sept titulaires de mandat au titre des procédures spéciales du Conseil des droits de l’homme.

11.Sur le plan de la santé, avec plus de 18 millions de Congolais n’ayant accès à aucune forme de soins de santé, l’espérance de vie a diminué. L’automédication s’est propagée dans le pays, entraînant des risques d’intoxication. Les retards dans le versement des salaires du personnel de santé ont favorisé la corruption et notamment l’émergence d’un système parallèle avec revente des médicaments et le délaissement des patients moins fortunés au profit des plus nantis. Il serait bon que le Comité recommande aux autorités de combattre la mauvaise gestion du système de santé et la corruption; de réunir des statistiques sur l’état de santé de la population en vue d’une affectation plus judicieuse des ressources; d’entreprendre un programme national de formation du personnel de santé, comportant un volet sur la corruption; de réformer en profondeur l’agriculture afin de satisfaire les besoins en nutriments de la population; et de prendre toutes les mesures requises pour atteindre les objectifs de la Décennie internationale d’action sur le thème «L’eau, source de vie» (2005-2015) et de la Vision africaine de l’eau pour 2025.

12.Enfin, en matière d’éducation et de formation, la Stratégie nationale d’accélération de l’éducation des filles (2003-2007) n’ayant pas eu les effets escomptés, surtout dans l’est du pays, et plus de 4,5 millions d’enfants, dont 2,5 millions de filles, n’ayant pas accès à l’éducation de base, le Comité pourrait recommander au Gouvernement de rendre l’éducation primaire gratuite et obligatoire, avec des mesures d’accompagnement, afin de combler l’écart entre filles et garçons et entre zones rurales et zones urbaines dans ce domaine; de lutter contre l’abandon scolaire en améliorant les infrastructures scolaires; et de mettre en place un plan national de restructuration et de dynamisation de l’éducation qui prévoie la formation professionnelle des enseignants et l’amélioration de leurs conditions de vie et de travail afin de répondre aux besoins en matière d’éducation.

Pologne

13.M me Dabkowska (Polish Drug Policy Network) dit que la question du droit des personnes toxicomanes au meilleur état de santé possible est largement absente du rapport de l’État partie, où il est affirmé que «l’usage de produits psychoactifs autres que l’alcool ou le tabac est un phénomène très rare» (E/C.12/POL/5, par. 595). Bien au contraire, d’après des estimations, le nombre d’utilisateurs de drogues problématiques dans le pays se situerait entre 100 000 et 120 000, dont 25 000 à 27 000 utilisateurs d’opiacés qui ont besoin d’un traitement. Sur ce nombre, seulement 1 500 personnes environ, soit entre 4 et 6 %, bénéficient d’un traitement de substitution aux opiacés (TSO), alors que la moyenne européenne est de 20 %. Les TSO font partie intégrante d’une stratégie de réduction des risques pour les toxicomanes et jouent un rôle important dans la réduction de l’exposition au VIH et à l’hépatite C. En outre, les deux principaux produits utilisés dans le cadre d’une telle stratégie, la méthadone et la buprénorphine, font partie de la liste type de médicaments essentiels de l’Organisation mondiale de la santé.

14.Or, pour avoir accès aux TSO en Pologne, les personnes doivent prouver qu’elles sont dépendantes depuis trois ans. Cette condition trop stricte expose les personnes vulnérables, en particulier les utilisateurs de seringues, à des risques de santé importants dans l’attente d’un traitement. Il existe seulement 13 programmes d’échange de seringues dans tout le pays. Pour les personnes approuvées, le délai d’attente moyen pour recevoir un TSO est de soixante-deux semaines, du fait notamment des crédits budgétaires très réduits alloués à cette forme de traitement. Il peut donc s’écouler plus de quatre ans entre le moment où le début de la dépendance est constaté et celui où le traitement est administré. La loi exclut d’office de ce type de traitement les personnes âgées de moins de 18 ans. D’après une étude récente, 8,3 % des personnes en attente d’un TSO contractent le VIH avant d’en avoir bénéficié.

15.Les lois polonaises réprimant la toxicomanie comptent parmi les plus strictes d’Europe et donnent lieu à environ 30 000 arrestations chaque année. Des programmes de TSO ne sont en place que dans cinq prisons. Souvent, les toxicomanes détenus doivent se sevrer sans assistance médicale appropriée. Bien que la toxicomanie soit reconnue comme une maladie chronique récurrente, nombre de pays, dont la Pologne, considèrent les personnes qui en souffrent comme des délinquants, ce qui peut les éloigner des services de santé.

16.À la suite de la visite qu’il a effectuée en Pologne dans la ville de Gdansk en mai 2009, le Rapporteur spécial sur le droit à la santé s’est inquiété de l’accès insuffisant aux TSO, et plus généralement de la politique du pays sur les questions de toxicomanie, et a recommandé que des objectifs soient fixés pour que les personnes ayant besoin d’un traitement de substitution y aient accès dans les meilleurs délais. Depuis cette visite, les autorités locales de Gdansk ont exprimé leur souhait d’améliorer l’accès aux TSO, mais aucune mesure concrète n’a encore été prise. L’organisation Polish Drug Policy Network espère que le Comité pourra mettre à profit le dialogue avec l’État partie pour exploiter les résultats de la visite du Rapporteur spécial. Elle prie en outre le Comité de souligner le caractère indispensable des TSO pour réaliser le droit à la santé des personnes dépendantes aux opiacés dans l’État partie. Ce faisant, il est essentiel que le Comité aborde la question des conséquences des lois pénales en la matière et des pratiques répressives pour le droit à la santé des personnes toxicomanes en Pologne.

République de Corée

17.M me  Moon, s’exprimant au nom d’un groupe de 56 organisations coréennes de défense des droits de l’homme, dit que la situation générale des droits économiques, sociaux et culturels en République de Corée a fortement régressé en raison des politiques économiques néolibérales du Gouvernement coréen, conjuguées à l’intensification de la crise financière mondiale au milieu de l’année 2008. Aucun procès n’a été instruit sur la base du Pacte jusqu’à présent, et selon une déclaration de la Cour suprême coréenne, le Gouvernement coréen conteste le caractère juridiquement contraignant du Pacte sur le plan intérieur. Contre l’avis des organisations de défense des droits de l’homme, le Gouvernement a réduit les effectifs de la Commission nationale des droits de l’homme de plus de 20 %, ce qui compromet l’indépendance et le fonctionnement de cette institution. Le Plan d’action national pour la promotion et la protection des droits de l’homme a été révisé de manière préjudiciable aux populations les plus vulnérables. La législation antidiscriminatoire n’a pas été votée à la dix-septième session de l’Assemblée nationale et n’a pas été réintroduite à la dix-huitième session. Enfin, le Gouvernement coréen n’a pas donné suite aux 33 recommandations qui lui ont été adressées en juin 2008 dans le cadre de l’Examen périodique universel.

18.Concernant le droit au travail, les politiques du Gouvernement visent à affaiblir les dispositions législatives relatives à la protection des travailleurs, entraînant la précarité et l’instabilité de l’emploi ainsi que des remises en cause du salaire minimum et du droit syndical. La grève de soixante-dix-sept jours à l’usine de Ssangyong Motors a été déclarée illégale et aucune mesure n’a été prise face aux violations des droits de l’homme commises par la direction − coupures d’eau et d’électricité et mobilisation de briseurs de grève violents, par exemple. Un recours excessif à la force et des violences de la part de la police ont également été constatés. À la suite de l’accord conclu entre le syndicat et la direction, le Gouvernement a arrêté et poursuivi en justice 67 travailleurs. Le Gouvernement s’est en outre opposé au rapprochement entre le Syndicat unifié des agents de la fonction publique et la Confédération coréenne des syndicats, qui adopte une position critique à son égard.

19.Dans le domaine du droit au logement, les projets de réhabilitation entrepris par le Gouvernement, bien que visant officiellement à promouvoir ce droit, constituent une menace pour les droits des résidents. Dans le cadre du projet d’aménagement urbain censé équilibrer le développement entre les régions de Kangnam et Kangbook, de nombreux logements occupés à peu de frais par des pauvres ont été détruits sans être remplacés par des logements à loyer modéré en nombre suffisant, et moins de 20 % des personnes concernées ont été relogées. Le mouvement de protestation des habitants de Yongsan (Séoul), qui exigeaient d’être relogés, a été écrasé en une journée par le Gouvernement, l’opération mobilisant 1 600 policiers. Six personnes dont un policier ont été tuées, mais le Gouvernement n’a pas présenté d’excuses officielles. Le procès de plusieurs participants à la manifestation est en cours.

20.Les dépenses nationales de sécurité sociale s’élevaient en 2003 à seulement 5,7 % du produit intérieur brut (PIB), soit le niveau le plus bas des 24 pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Malgré le creusement des inégalités, le nombre des bénéficiaires du régime national de sécurité des moyens de subsistance de base reste limité. Par ailleurs, outre les risques qu’il pourrait comporter pour l’accès à l’eau, l’environnement, les droits des résidents et le droit à l’alimentation, le plan général de gestion des eaux de quatre cours d’eau principaux, projet au budget considérable, pèse déjà fortement sur les dépenses publiques, comme le montre la contraction du budget de la sécurité sociale.

21.Si les dépenses de l’État pour l’éducation publique sont inférieures à la moyenne de l’OCDE, les dépenses privées pour l’éducation sont trois fois plus élevées que cette moyenne, augmentant de 25 % par an. Ces dépenses sont cinq à huit fois plus élevées parmi les catégories de revenus élevés, ce qui montre de sérieuses disparités en fonction de la situation économique.

Questions d’ordre général

22.M. Porter (Coalition internationale d’ONG pour un protocole facultatif au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels) remercie le Président pour ses remarques concernant la nécessité d’une campagne active visant à promouvoir la signature et la ratification du Protocole facultatif, à laquelle la Coalition internationale d’ONG entend contribuer en soulignant l’importance du Protocole comme élément de l’architecture fondamentale du système des Nations Unies pour la protection des droits de l’homme, et son potentiel comme moyen d’assurer des recours effectifs aux personnes qui n’en disposaient pas auparavant. Il attire l’attention des membres du Comité sur une contribution de la Coalition internationale d’ONG (document sans cote, distribué en séance) aux travaux futurs du Comité visant à élaborer un règlement intérieur et des méthodes de travail, dont il résume les principaux points.

23.L’interprétation de l’article 2 du Protocole facultatif soulève la question de la compétence de tiers pour présenter des communications au nom d’un groupe de particuliers. La tâche principale du Comité à cet égard sera de vérifier que tout auteur représentant des particuliers le fait avec leur consentement ou, à défaut, puisse justifier de l’absence de consentement.

24.À propos de l’article 3, qui énonce que le Comité n’examine aucune communication sans avoir vérifié que tous les recours internes ont été épuisés, M. Porter souligne que l’un des grands mérites du Protocole facultatif est d’attirer davantage l’attention sur la question de l’existence de recours internes effectifs. Cette question ne devra pas nécessairement être formalisée dans le cadre du règlement intérieur, mais sera développée au fur et à mesure dans le cadre de la jurisprudence du Comité.

25.L’article 4, relatif aux communications dont il ne ressort pas un désavantage notable, est interprété par la Coalition internationale d’ONG, à la lumière de sa participation aux travaux du groupe de travail chargé d’élaborer le Protocole facultatif, comme visant à permettre au Comité de maîtriser sa charge de travail pour se concentrer sur les aspects les plus importants, où il est à même d’être plus efficace. Le règlement intérieur pourrait préciser que cet article ne serait invoqué que si c’est indispensable en raison de la charge de travail.

26.En ce qui concerne l’article 6 relatif à la transmission de la communication, la Coalition internationale d’ONG estime que le rôle du secrétariat va être très important à cet égard et qu’il devrait établir une relation constructive avec les auteurs pour leur fournir un appui concernant les procédures et les éléments nécessaires pour établir leur communication. Elle recommande donc au Comité de permettre au secrétariat de jouer ce rôle d’appui en amont et en aval du processus, notamment en demandant des informations de suivi aux auteurs, et d’élaborer un questionnaire indiquant clairement à ceux-ci les éléments qu’ils doivent fournir dans leur communication.

27.L’article 7 relatif au règlement amiable est une innovation très importante du Protocole facultatif. L’idée qui sous-tend cet article est que le règlement amiable − comme l’atteste l’expérience des mécanismes régionaux − peut être un moyen très efficace de traiter tous les aspects des violations des droits économiques, sociaux et culturels. À cet égard, l’article 7 attribue un rôle important au Comité en le chargeant de s’assurer que le règlement amiable est fondé sur le respect des obligations énoncées dans le Pacte. Par ailleurs, il est très important que les auteurs sachent que le processus de règlement amiable n’est pas utilisé pour retarder leur action ou leur dénier le droit à un recours utile. La Coalition internationale d’ONG recommande au Comité de veiller à ce que le règlement amiable couvre tous les aspects de la communication, et de promouvoir ce mode de règlement. L’article 8 est exceptionnel à double titre. Premièrement, il établit une norme d’examen des communications et des obligations découlant du paragraphe 1 de l’article 2 du Pacte concernant la mise en œuvre progressive des droits par l’État partie. Deuxièmement, il permet au Comité d’avoir accès à des informations soumises par des tiers, et pas seulement à celles communiquées par les États parties. Le Comité peut donc consulter la documentation pertinente émanant d’experts, d’institutions nationales des droits de l’homme et d’autres organes ou institutions spécialisées du système des Nations Unies. À cet égard, la Coalition internationale d’ONG engage le Comité à envisager de nouveaux types de procédures lui permettant de recevoir efficacement toutes les informations nécessaires pour traiter les communications relatives aux violations du Pacte d’une manière qui puisse servir de modèle aux juridictions nationales.

28.M me Rakotondrainibe (Collectif pour la Défense des Terres Malgaches) dit qu’elle consacrera son intervention à un projet agricole de la société Daewoo à Madagascar, dont les conséquences sont très importantes car il entraîne l’accaparement d’une très grande surface de terres sans aucune compensation financière. En outre, l’opacité de l’information a été l’une des caractéristiques de ce projet. Dans un article paru dans le Financial Times en 2008, le Directeur financier de Daewoo Logistics a indiqué que le groupe sud-coréen avait l’intention de produire du maïs et de l’huile de palme afin de «renforcer la sécurité alimentaire de la Corée du Sud». Jusqu’alors, les données précises concernant l’étendue des surfaces visées, la forme du contrat et la durée d’acquisition des terres malgaches n’avait pas été divulguées. Or il est apparu qu’il s’agissait d’un bail de quatre-vingt-dix-neuf ans portant sur 1,3 million d’hectares et qu’il n’y avait pas de loyer à payer pour la cession de ces terres. L’annonce de ces détails a déclenché l’indignation des Malgaches et de l’opinion publique mondiale. C’est ainsi qu’a été créé le Collectif pour la Défense des Terres Malgaches et, en janvier 2009, un manifeste demandant plus de transparence et l’arrêt des procédures en cours dans l’affaire Daewoo a été adressé aux autorités et à la presse. Une pétition demandant principalement l’annulation du contrat et l’organisation d’un débat national sur l’octroi de terres aux sociétés étrangères a ensuite été signée par 1 800 personnes, et des ONG ont lancé des campagnes de sensibilisation sur ce problème. Parallèlement, à Madagascar, des organisations nationales ont également réagi et des politiciens de l’opposition ont utilisé le dossier Daewoo pour stigmatiser la colère de la population contre la mauvaise gouvernance de l’exécutif en place.

29.Il subsiste aujourd’hui des contradictions au sujet de cette affaire. Notamment, lorsque le Collectif pour la Défense des Terres Malgaches a demandé au Ministre de l’aménagement du territoire les preuves de l’annulation des procédures engagées, celui-ci a indiqué que seul un contrat de prospection de terrains favorables au projet avait été signé et qu’il n’y avait donc rien à annuler. Pourtant, le secteur agricole figure encore sur la liste des activités de Daewoo Logistics à Madagascar. Alors que le Programme alimentaire mondial intervient beaucoup à Madagascar du fait de la malnutrition, les droits des citoyens et paysans malgaches à l’alimentation seraient fortement lésés par ce contrat s’il devenait effectif.

30.En conclusion, le Collectif pour la Défense des Terres Malgaches prie le Comité de recommander aux dirigeants de Madagascar de confirmer officiellement l’annulation du bail de location, la résiliation de tout contrat et l’abandon du projet avec Daewoo; d’arrêter toutes les procédures en cours et d’annuler toutes les autorisations de prospection ou d’acquisition déjà délivrées; et de réviser la loi de 2007 qui facilite la cession de terres à de riches investisseurs, particulièrement la cession de terres agricoles. Il prie également le Comité de recommander aux dirigeants sud-coréens d’adopter des lois adéquates sur les investissements agricoles des sociétés sud-coréennes à l’étranger afin d’éviter de compromettre le droit à l’alimentation des habitants des autres pays.

31.M. Kerdoun s’étonne des interventions très critiques faites à propos de la République démocratique du Congo. À les entendre, il semblerait qu’il n’y ait pas de lois, de tribunaux ni de Parlement dans ce pays. Il souhaiterait donc savoir ce qu’il en est réellement.

32.M. Schrijver demande à M. Porter quel type d’activités la Coalition internationale d’ONG envisage de mener au titre de sa campagne pour la ratification du Protocole et si elle a des propositions à faire aux membres du Comité à cet égard.

33.M. Agbetse répond à M. Kerdoun que la situation des droits économiques, sociaux et culturels en République démocratique du Congo est dramatique et qu’elle s’est encore aggravée en raison des conflits que connaît le pays, notamment à l’est, au Kivu. En ce qui concerne le droit au logement évoqué précédemment, le Parlement avait bien appelé le Ministère des affaires foncières à la retenue mais cet appel n’a pas été entendu et le Ministère a quand même procédé à l’expulsion des habitants de Kasa Vubu (Kinshasa) en mars 2009.

34.S’agissant des défenseurs des droits de l’homme, le représentant de la FIDH a évoqué la situation d’un défenseur des droits économiques, sociaux et culturels dans le contexte de l’octroi des contrats miniers. Il existe certes un code minier mais il n’est pas respecté dans la pratique. Le Gouvernement a mis en place un chantier de construction d’infrastructures, mais il peut octroyer des contrats pour le même chantier minier à deux compagnies différentes, ce qui crée évidemment des problèmes. Lorsque les défenseurs des droits de l’homme dénoncent cet état de choses, on les accuse de trahir l’État. Il est reconnu que les ressources financières de la République démocratique du Congo pourraient contribuer à améliorer le niveau de vie de la population mais on constate que la corruption et le bradage des ressources ont entraîné une désagrégation du secteur minier.

35.M. Porter (Coalition internationale d’ONG pour un protocole facultatif au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels) indique que la Coalition a envisagé un certain nombre de stratégies pour promouvoir la ratification du Protocole. La première consiste à s’adresser en priorité aux pays qui ont fortement appuyé le projet de protocole facultatif durant son élaboration. Ensuite, la Coalition internationale d’ONG s’appuiera sur un réseau d’organisations nationales qui œuvrent en faveur des droits économiques, sociaux et culturels dans la plupart des États. Par ailleurs, la question de la ratification du Protocole facultatif devrait être soulevée plus régulièrement lors de l’Examen périodique universel. Les représentations régionales peuvent également jouer un rôle utile pour promouvoir la ratification. La Coalition internationale d’ONG entend aussi sensibiliser les pays au fait que la ratification du Protocole facultatif ne nécessite pas d’en intégrer immédiatement les dispositions dans la Constitution et le droit interne. Enfin, elle engage le Comité à encourager tous les États parties, lorsqu’ils présentent leur rapport périodique, à envisager sérieusement de signer et ratifier le Protocole facultatif.

La séance est levée à 18 heures .