Nations Unies

E/C.12/2012/SR.38

Conseil économique et social

Distr. générale

22 novembre 2012

Original: français

Comité des droits économiques, sociaux et culturels

Quarante - neuvième session

Compte rendu analytique de la 38 e séance

Tenue au Palais Wilson, à Genève, le vendredi 16 novembre 2012, à 15 heures

Président: M. Pillay

Sommaire

Examen des rapports:

a)Rapports soumis par les États parties conformément aux articles 16 et 17 du Pacte (suite)

Rapport initial de la Mauritanie (suite)

La séance est ouverte à 15 h 15.

Examen des rapports:

a)Rapports soumis par les États parties conformément aux articles 16 et 17 du Pacte (suite)

Rapport initial de la Mauritanie ( (E/C.12/MRT/1); liste de points à traiter (E/C.12/MRT/Q/1); réponses écrites du Gouvernement mau ritanien à la liste de points à  traiter (E/C.12/MRT/Q/1/Add.1) ) (suite)

1. Sur l’invitation du Président, la délégation mauritanienne reprend place à la table du Comité.

Articles 10 à 12 du Pacte (suite)

2.M.  Abdel-Moneim estime indispensable de trouver un équilibre entre le caractère universel des droits de l’homme et les valeurs fondamentales d’une société. L’aspect religieux, dont il a été beaucoup question au cours du débat avec la Mauritanie, n’est pas le seul à prendre en compte quand on examine la situation de ce pays. Les facteurs anthropologiques ou géographiques ont aussi leur importance pour les populations nomades, encore très nombreuses en Mauritanie, les sources d’eau potable et les transports sont des facteurs déterminants. L’amélioration de l’accès à l’eau et du réseau de transport peut contribuer au développement économique de ces populations et donc à l’exercice universel des droits de l’homme dans le pays.

3.M me Shin précise que le taux d’utilisation de contraceptif de 8 % qu’elle a mentionné à une séance précédente d’après les chiffres du Fonds des Nations Unies pour la population (FNUAP) concerne uniquement les femmes mariées.

4.M.  Ould  Zahaf (Mauritanie) dit que ses réponses aux membres du Comité, sur les questions religieuses notamment, étaient motivées par le souci de donner le maximum d’éléments sur la nature et la complexité des difficultés liées à l’application du Pacte dans le pays. La Mauritanie respecte les valeurs de l’islam, mais est aussi partie au Pacte et entend s’approcher autant que possible des valeurs universelles consacrées par celui-ci. Pour y parvenir, le Gouvernement s’emploie à faire évoluer les mentalités, mais il s’agit d’un lent processus. M. Ould Zahaf rappelle en outre que chaque pays musulman a ses particularités et son interprétation de l’islam. S’agissant de la situation des femmes, la délégation mauritanienne a exposé l’interprétation de l’islam d’une partie de la population, mais le Gouvernement lui-même n’a pris aucune mesure contraire aux libertés des femmes. Le Code de la famille reflète la complexité de la société mauritanienne. Il est le fruit d’un consensus entre l’État, la société civile, les chefs religieux et les représentantes des femmes. La volonté du Gouvernement est de tendre vers l’égalité entre les hommes et les femmes sur toutes les questions pouvant faire l’objet d’un consensus entre les différents acteurs. Les femmes représentent plus de 50 % de la société et leur autonomisation est un impératif pour le développement socioéconomique du pays.

5.M. Ould  Khattra (Mauritanie) dit que la pratique de l’islam en Mauritanie est considérée comme un modèle de tolérance dans la région. Les pouvoirs publics ont fait de la promotion des droits de l’homme un choix stratégique au cours des dernières années. À ce titre, la Mauritanie a ratifié récemment le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture ainsi que la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées. Elle s’est soumise à la procédure d’Examen périodique universel, acceptant plus de 90 % des recommandations qui lui ont été faites dans ce cadre. La Mauritanie s’engage à respecter l’esprit du Pacte et les retards dans l’application de celui-ci sont essentiellement imputables à la situation économique du pays.

6.M. Ould Khattra dit que la sédentarisation est un choix stratégique récent; plus de 40 % des Mauritaniens sont encore nomades, mais leur regroupement en grandes unités a été encouragé afin que l’État puisse concentrer ses ressources sur un certain nombre d’agglomérations. La sédentarisation favorise le respect des droits économiques, sociaux et culturels.

Articles 13 à 15 du Pacte

7.M.  Kerdoun demande à la Mauritanie si les objectifs de son programme national pour le développement du secteur éducatif, mené de 2001 à 2010, ont été atteints, notamment en ce qui concerne l’éducation de base obligatoire. La loi sur l’éducation publique n’impose cette obligation que dans la limite des possibilités, ce qui constitue une exclusion de fait de certains élèves d’âge scolaire. M. Kerdoun aimerait savoir ce que compte faire l’État partie pour que tous les enfants aient accès à l’enseignement, y compris dans les régions isolées. Il demande si le Gouvernement dispose des moyens financiers et des ressources humaines nécessaires à cette fin.

8.M. Kerdoun aimerait savoir si l’enseignement dispensé dans les établissements secondaires, supérieurs ou techniques permet aux élèves de trouver facilement un emploi à la fin de leurs études. Il demande si les descendants d’esclaves ont les mêmes possibilités d’accès à l’éducation publique. Il souhaite connaître la part du budget de l’État consacrée à l’éducation et le montant du budget du Ministère de l’éducation, par rapport aux autres ministères. Il demande des précisions sur les critères d’admission dans les différentes filières d’enseignement supérieur et sur les choix offerts aux étudiants.

9.M.  Marchá n Romero demande de quelle façon le droit à l’autodétermination et le droit de ne pas subir d’assimilation forcée sont garantis dans le cadre de la politique de sédentarisation des populations nomades, car certaines populations préfèrent conserver leur mode de vie nomade, et leur volonté doit être respectée. M. Marchán Romero aimerait savoir si la Mauritanie envisage de mettre en place un système de santé interculturel tenant compte de la médecine traditionnelle.

10.M.  Kedziaprie la délégation de fournir des données actualisées concernant l’analphabétisme, d’indiquer l’effet des mesures prises pour garantir l’égalité d’accès à tous les niveaux d’enseignement et de préciser les priorités du Gouvernement pour les cinq années à venir, notamment en matière d’accès à l’éducation des populations défavorisées et marginalisées ou vivant dans les zones éloignées. M. Kedzia demande des précisions sur la part des établissements privés dans le système scolaire, l’incidence de l’enseignement privé sur l’égalité des chances et le type de contrôle exercé sur ces établissements par les pouvoirs publics. Il s’enquiert également du taux d’accès de la population à Internet.

11.M.  Sadi aimerait connaître les mécanismes mis en place pour garantir, en milieu rural, l’application des sanctions prévues pour les parents et les tuteurs qui ne respectent pas l’obligation de scolarité primaire. Il s’enquiert du taux d’abandon scolaire, notamment en milieu rural. Il demande également si la Mauritanie envisage de rendre l’enseignement secondaire obligatoire, si l’enseignement est mixte, s’il est prévu d’instaurer progressivement la gratuité de l’enseignement supérieur et s’il y a conflit entre la religion et la science dans le système éducatif.

12.Le Président, s’exprimant en qualité de Rapporteur pour la Mauritanie, aimerait savoir si les droits culturels des Peuls, des Soninkés et des Wolofs sont promus et respectés.

13.M.  Ould Zahaf(Mauritanie) dit que l’arabe est la langue de communication car c’est le support de l’islam, religion commune aux différentes composantes du pays. Depuis l’indépendance, la Mauritanie a reconnu sa pluralité culturelle, reflétée dans sa Constitution qui reconnaît le caractère islamique et pluriculturel de la Mauritanie, notamment grâce à de récents amendements. L’arabe constitue la langue d’enseignement et le français la «langue d’ouverture». Il existe des émissions de radio et de télévision dans toutes les langues ainsi que plusieurs festivals régionaux consacrés aux cultures locales.

14.Fin 2012, la Mauritanie tiendra des «états généraux de l’éducation», afin de repenser la totalité du système éducatif. La loi sur l’enseignement obligatoire dispose qu’un enfant doit être accueilli dans l’école la plus proche de son lieu d’habitation. L’implantation des écoles est fonction du nombre d’habitants dans les villages, sauf dans le cas des anciens esclaves, dont les villages constituent des zones d’enseignement prioritaire. Depuis 2009, le Gouvernement œuvre en faveur du désenclavement des régions éloignées en construisant des routes qui permettent non seulement l’acheminement des services d’éducation et de santé mais aussi l’approvisionnement en eau et en électricité.

15.Les diplômes délivrés en Mauritanie ne correspondant pas nécessairement aux besoins du pays, les autorités mettent actuellement l’accent sur les centres d’enseignement professionnel, qui aident à lutter contre l’échec scolaire et à former des jeunes aux métiers les plus recherchés, comme ceux de plombier, d’électricien ou de mécanicien. En outre, le Gouvernement mène une campagne de sensibilisation pour lutter contre le principal obstacle à la scolarisation des enfants descendants d’esclaves, à savoir leurs parents qui ne mesurent pas les retombées de la scolarisation de leurs enfants.

16.Du fait de la désertification et de la sécheresse et de leur impact sur l’environnement, le nomadisme attire de moins en moins de personnes. En outre, la sédentarisation présente de nombreux avantages, notamment l’accès à différents services, en particulier aux services de santé, et à des conditions de vie permettant une certaine promotion sociale. Bien que très répandue dans le pays, la médecine traditionnelle ne fait pas partie intégrante du système de santé publique et n’est donc pas réglementée par l’État. Elle ne comporte toutefois aucune pratique qui soit contraire aux droits de l’homme.

17.En prévision de la tenue prochaine des états généraux de l’éducation, l’Office national de statistique pourrait mener des enquêtes sectorielles mais celles-ci coûtent cher et supposent d’importants moyens financiers, techniques et logistiques. L’objectif fondamental de cette réflexion est de repenser l’ensemble d’un système éducatif arrivé à saturation et de concevoir et appliquer une politique éducative qui privilégie les filières offrant des débouchés.

18.Les pouvoirs publics ne s’immiscent pas dans l’enseignement dispensé dans les écoles coraniques du fait que les religieux chargés de l’enseignement du Coran s’inscrivent dans une longue tradition et jouissent du respect de tous. L’État exerce un contrôle indirect sur les établissements d’enseignement privé, en ce sens que l’éducation nationale définit la teneur des programmes, et que les sujets d’examen du brevet et du baccalauréat sont les mêmes pour tous les élèves du pays, qu’ils soient scolarisés dans le public ou dans le privé.

19.L’accès aux nouvelles technologies de l’information et de la communication et à Internet est encore réservé à une élite, même si de plus en plus d’élèves du secondaire disposent d’un ordinateur. L’enseignement est obligatoire dans tout le pays, mais compte tenu de l’immensité du territoire et des distances qui séparent les villages, la scolarisation des enfants continue de poser problème en milieu rural. Les filles et les garçons sont scolarisés dans les mêmes classes, l’islam pratiqué en Mauritanie étant très ouvert et tolérant. Il n’y a aucun conflit entre la religion et la science, la Mauritanie étant traditionnellement avancée dans les domaines des sciences de la terre, de l’astronomie et de la médecine, notamment.

La séance est suspendue à 17 h 10; elle est reprise à 17 h 25.

20.M.  Ould Khattra (Mauritanie) dit que le Gouvernement mauritanien a adopté une loi qui étend l’accès de tous à l’assurance maladie, que l’on soit fonctionnaire, salarié du secteur privé ou travailleur indépendant (comme les agriculteurs ou les éleveurs), ce qui va dans le sens d’une couverture médicale universelle. En outre, une proposition de loi antitabac doit être présentée au Parlement prochainement. Le pourcentage du budget de l’État consacré à la santé, qui était de 4 % en 2011, passera à 13 % en 2013. En vue d’atteindre les objectifs du Millénaire pour le développement dans le domaine de la santé, le Gouvernement mauritanien a élaboré un plan national de développement sanitaire 2011-2020, doté d’un budget de 19 milliards d’ouguiyas, et dont les priorités sont la lutte contre la mortalité maternelle et infantile, ainsi que la lutte contre les maladies transmissibles. En outre, le Président de la République a mis en place en 2012 une unité spécialement chargée d’accélérer la réalisation de ces objectifs.

21.Dans le domaine de la santé mentale, la Mauritanie a établi à Nouadhibou, Nouakchott et Kaédi trois antennes ayant vocation à offrir aux patients souffrant de troubles mentaux des soins de proximité. Elle a aussi adopté une loi dans le domaine pharmaceutique qui s’applique à l’ensemble du territoire et qui fixe les procédures de fabrication, de vente, d’importation et de distribution des médicaments. En application de cette loi, plusieurs dépôts et officines qui ne respectaient pas les normes requises ont été fermés en 2011. En outre, la création du laboratoire national de contrôle des médicaments a permis de réduire la quantité de médicaments de contrefaçon entrant dans le pays.

22.Dans le domaine de la lutte contre le VIH/sida, les efforts mis en œuvre par le Gouvernement en matière de coordination, de sensibilisation, de dépistage et de prise en charge ont permis de maintenir un taux de prévalence de 0,7 %. L’État s’engage en outre à financer en 2013 les activités du Secrétariat exécutif national de lutte contre le VIH/sida ainsi que l’acquisition des antirétroviraux.

23.M.  Abdel Moneim estime que l’éducation ne doit pas seulement répondre aux besoins du marché mais faire en sorte que chacun puisse s’épanouir et participer activement à la promotion d’une société libre.

24.M.  Ould Zahaf (Mauritanie) dit que les états généraux de l’éducation ont pour objectif de trouver les moyens de pallier la détérioration du niveau général de l’enseignement, et de faire en sorte que davantage de professionnels que de littéraires sortent du système éducatif, même si en effet l’éducation n’a pas uniquement vocation à alimenter le marché de l’emploi.

25.M.  Ould Khattra (Mauritanie) rappelle l’importance stratégique que le Président de la République accorde à la promotion des droits de l’homme, même si la Mauritanie se heurte en pratique à des obstacles liés à la mauvaise situation économique. Il rappelle également que la Mauritanie a ratifié les principaux instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme et a soumis en temps voulu les rapports qui lui étaient demandés.

26.Le Président ,s’exprimant en qualité de Rapporteur pour la Mauritanie, salue le dialogue franc et utile instauré avec la délégation mauritanienne et insiste sur le fait que pour le Comité, les États parties sont libres de choisir le système juridique qui leur convient le mieux, à condition de veiller à faire respecter tous les droits consacrés par le Pacte, notamment les droits des femmes, le droit à la non-discrimination et le droit à l’égalité de traitement. Il annonce que le Comité a achevé l’examen du rapport initial de la Mauritanie et rendra publiques ses observations finales à la fin de la 49e session, le vendredi 30 novembre 2012.

La séance est levée à 17 h 55.