Nations Unies

E/C.12/2011/SR.10

Conseil économique et social

Distr. générale

18 mai 2011

Original: français

Comité des droits économiques, sociaux et culturels

Quarante -sixième session

Compte rendu analytique de la première partie (publique)* de la 10 e séance

Tenue au Palais Wilson, à Genève, le vendredi 6 mai 2011, à 15 heures

Président: M. Pillay

Sommaire

Examen des rapports

a)Rapports présentés par les États parties conformément aux articles 16 et 17 du Pacte (suite)

Cinquième rapport périodique de l ’ Allemagne (suite)

La séance est ouverte à 15 heures.

Examen des rapports

a)Rapports présentés par les États parties conformément aux articles 16 et 17 du Pacte (point 7 de l ’ ordre du jour) (suite)

Cinquième rapport périodique de l’Allemagne( E/C.12/DEU/5; document de base (HRI/CORE/ 1 /Add .75 et Rev.1); liste des points à traiter (E/C.12/DEU/Q/5); réponses écrites du Gouvernement allemand à la liste des points à traiter (E/C.12/DEU/Q/5/Add.1) ) ( suite)

1. Sur l ’ invitation du Président, la délégation allemande rep rend place à la table du Comité.

Articles 6 à 9 du Pacte (suite)

2.M. Koller (Allemagne), répondant à la question sur le travail des prisonniers, affirme qu’on ne peut parler de travail forcé et ajoute qu’environ 55 % des prisonniers exercent de leur plein gré une activité rémunérée, dont 20 % pour le compte de sociétés privées. S’agissant du taux de chômage en Allemagne (environ 3 millions de personnes, soit le niveau le plus bas depuis 1990), il souligne que c’est un des taux les plus faibles parmi les pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) et de l’Union européenne (UE). Il réaffirme que l’interdiction de faire grève imposée aux fonctionnaires allemands est conforme au Pacte, qui prévoit la possibilité de soumettre l’exercice des droits des membres de la fonction publique à des restrictions légales. Cette interdiction, inscrite dans la Constitution allemande, est un facteur de paix sociale essentiel. Les employés de services privatisés (poste, transports ferroviaires) ont le droit de grève, tout comme les enseignants du secteur privé. À cet égard, il fait observer que les enseignants en recherche d’emploi, renonçant volontiers au droit de grève, privilégient les postes de fonctionnaire.

3.Le fait que les femmes sont moins touchées que les hommes par le chômage s’explique par des raisons structurelles, la crise touchant surtout les secteurs industriels où les hommes sont majoritaires. Les travailleurs de l’«économie souterraine» connaissent leurs droits sociaux, mais préfèrent ne pas payer d’impôts et de cotisations sociales. La possibilité, depuis le 1er mai 2011, pour les ressortissants des huit pays ayant rejoint l’UE en 2004 de jouir pleinement de la liberté de circulation à l’intérieur de l’Union, devrait porter un coup à cette économie informelle. De plus, les compétences du personnel des douanes ont été élargies pour renforcer la lutte contre le travail clandestin. Quant à la discrimination à l’égard des migrants, l’ouverture du marché européen du travail aux ressortissants des huit pays déjà évoqués est un grand pas en avant. Par ailleurs, l’Allemagne envisage de faciliter l’immigration des travailleurs qualifiés en provenance de pays tiers pour faire face à l’accroissement de la demande dans ce domaine, imputable à la situation démographique.

4.M. Koller explique les écarts de rémunération entre l’est et l’ouest par le fait que les salaires sont fixés par les partenaires sociaux et les forces du marché. Il précise que le droit au travail n’est pas inscrit dans la Constitution allemande, qui garantit néanmoins le droit de choisir librement sa profession, et que l’État a pour rôle d’aider les travailleurs à trouver un emploi.

5.M. Heyer (Allemagne) indique que la fusion des systèmes d’assistance chômage et d’aide sociale ayant créé l’obligation de s’inscrire au chômage pour percevoir des prestations sociales, 500 000 chômeurs supplémentaires apparaissent dans les statistiques à partir de 2005.

6.M. Kedzia,s’appuyant sur l’exemple de l’assistance au Cambodge et des problèmes liés à l’enregistrement des biens fonciers (notamment les risques d’éviction), souhaite savoir si le projet de document de politique générale et de directives sur les droits de l’homme et le développement prévoit l’obligation de procéder à une évaluation de l’impact des projets d’aide au développement sur le plan des droits de l’homme et l’instauration d’une procédure de plainte permettant aux particuliers de contester les décisions prises en violation de leurs droits fondamentaux.

7.M. Texier demande un complément d’information sur la question des obligations extraterritoriales de l’État partie, s’agissant notamment des exportations au Bangladesh, au Burkina Faso et au Ghana, ainsi que de l’aide à la construction de barrages en Turquie.

8.M. Abdel-Moneim,revenant sur le droit au travail, fait observer que la question reste ouverte de savoir si, dans ce domaine, la Constitution de l’État partie prévaut sur le Pacte. Au sujet des personnes arrêtées dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, il demande dans quelle mesure leurs droits économiques, sociaux et culturels sont affectés et si les suspects placés en détention provisoire ne risquent pas de perdre leur emploi. Quant à la question du Protocole facultatif, il fait observer que les pays en développement risquent d’être un jour plus nombreux que les pays industrialisés à l’avoir ratifié, ce qui constituerait une situation paradoxale.

9.M. Ribeiro Leão, renvoyant au paragraphe 138 du rapport à l’examen, demande sur quels éléments repose l’interprétation du paragraphe 2 de l’article 8 du Pacte.

10.M. Kedzia souhaite savoir si l’État partie envisage de signer prochainement le Protocole no 12 à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales relatif à la discrimination.

11.M. Martynov demande à l’État partie de communiquer les taux d’emploi et de chômage des personnes handicapées pour la période qui suit 2005.

12.Le Président , s’exprimant en sa qualité de membre du Comité, demande à la délégation de préciser si l’État partie considère que les droits économiques, sociaux et culturels sont justiciables.

13.M. Koller (Allemagne) dit que l’Allemagne n’a pas l’intention de changer de position quant à son interprétation du paragraphe 2 de l’article 8 du Pacte, et que l’interdiction de faire grève imposée aux fonctionnaires est inscrite dans la Constitution nationale. L’Allemagne considère en outre que les droits inscrits dans le Pacte sont garantis par la Constitution nationale, et elle applique également la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne et d’autres instruments internationaux.

14.M me Chammas (Allemagne) confirme que l’obligation de procéder à une étude d’impact des projets d’assistance sur le plan des droits de l’homme est inscrite dans le projet de directives évoqué, et annonce que l’Allemagne compte établir un mécanisme de plainte. Elle informe que, en 2009, l’Allemagne a versé 1,6 milliard de dollars aux pays pauvres très endettés au titre de l’aide publique au développement et 184 millions de dollars au Fonds fiduciaire pour la réduction de la dette des pays pauvres très endettés (PPTE) de la Banque mondiale.

Articles 10 à 12 du Pacte

15.M. Tirado Mejia demande à l’État partie de fournir des chiffres sur la consommation d’alcool, de tabac et de stupéfiants et de faire part des mesures de prévention qui expliquent les bons résultats dont se prévaut l’Allemagne, notamment pour éclairer le débat sur les mérites comparés de la répression et de la prévention. S’agissant de la santé mentale, il s’interroge sur les liens éventuels entre les cas d’hospitalisation obligatoire et le nombre élevé de suicides et tentatives de suicide et sur les mesures prises pour améliorer les conditions inhumaines régnant dans les établissements de santé. Il demande en outre si le processus de privatisation des universités et les frais d’inscription, plus élevés dans certains Länder que dans d’autres, vont dans le sens de l’application du principe de l’éducation pour tous.

16.M. Atangana (Rapporteur pour le pays) demande des précisions sur la politique adoptée par l’État partie pour lutter contre la violence familiale et s’enquiert du nombre de cas portés devant les tribunaux et des sanctions qui ont été prononcées. Revenant sur les frais d’inscription dans l’enseignement supérieur, il demande ce qui a été fait pour les supprimer à terme, conformément aux recommandations du Comité.

17.M me Shin invite une nouvelle fois l’État partie à répondre à sa question concernant les transsexuels, et demande des précisions sur l’initiative prise par l’État partie de proclamer 2011 Année des soins de longue durée.

18.M. Martynov demande quelle politique a été mise en place dans l’État partie pour lutter contre le phénomène croissant de la malnutrition des enfants scolarisés. Faisant observer que, malgré les efforts louables accomplis par le Gouvernement, un enfant sur cinq seulement obtient une place dans une structure d’accueil (crèche, garderie), ce qui entrave l’accès des parents au marché du travail, il demande à la délégation ce qui est prévu pour améliorer la situation et lutter contre l’exclusion sociale des enfants défavorisés. Il souhaite également confirmation du nombre d’enfants des rues − évalué à 7 000 − et de celui des enfants maltraités − évalué à 100 000. La délégation est invitée à faire part du montant du seuil de pauvreté en 2011 (celui indiqué dans le rapport − 938 euros − remontant à 2003).

19.M. Kedzia dit que selon certaines informations, il semblerait que la loi générale d’égalité de traitement produise parfois l’effet inverse recherché: elle favoriserait par exemple l’augmentation des loyers, forçant les communautés migrantes à quitter les villes pour la périphérie. M. Kedzia souhaite un complément d’information sur le sujet ainsi que des renseignements sur la jurisprudence en la matière.

20.M me Cong dit que si, aux paragraphes 292 à 302 de son rapport, l’État partie donne de nombreuses informations sur différents aspects de la lutte contre le VIH/sida, il n’y aborde pas les aspects sociaux. La délégation pourrait donc préciser comment les personnes infectées sont perçues par la société, si elles se heurtent à des difficultés pour obtenir un emploi ou encore si elles souffrent de discrimination.

21.M me Barahona Riera demande si la lutte contre la violence domestique relève de l’État fédéral ou de chaque Land. Il serait également utile de savoir si les autorités allemandes, devant l’ampleur du phénomène, envisagent par exemple d’ériger la violence domestique en infraction pénale et quelles sont les sanctions actuellement appliquées. Mme Barahona Riera aimerait aussi disposer de statistiques sur la violence domestique faisant apparaître, par exemple, l’origine ethnique des victimes, et demande si des mesures particulières ont été prises pour cibler les différents groupes de victimes, y compris les mineures, et pour lutter par exemple contre le mariage forcé. Elle s’enquiert du nombre de personnes âgées qui ne bénéficient pas d’une retraite parce qu’ayant travaillé dans le secteur informel de l’économie, de leur droit éventuel à des aides particulières et de leur origine ethnique.

22.M. Ribeiro Leão demande si les enfants étrangers sont vaccinés au même titre que les enfants allemands et si le système de santé inclut l’accès gratuit aux médicaments.

23.Le Président, s’exprimant en sa qualité de membre du Comité, dit que, selon les informations dont il dispose, 8 % de la population allemande vivrait sous le seuil de pauvreté; il demande si les plans de réduction de la pauvreté en Allemagne sont axés sur les droits de l’homme, s’ils intègrent pleinement les droits économiques, sociaux et culturels, et si la prestation visant à assurer la subsistance couvre les besoins vitaux. Il ne s’explique ni la réticence de l’Allemagne à s’atteler au problème des sans-abri − sur lequel le Comité des droits économiques, sociaux et culturels a appelé son attention à plusieurs reprises −, ni l’absence de plan stratégique en la matière, et regrette que les seuls sans-abri dont il est fait mention soient les personnes incapables de payer leur loyer, sachant que le phénomène peut avoir bien d’autres causes. Le Président souhaiterait savoir ce que les autorités font pour remédier au problème du surpeuplement des centres d’accueil pour réfugiés et pour améliorer les conditions d’hygiène dans ces établissements.

24.M. Koller (Allemagne) rappelle que l’Allemagne est un État social, où personne n’est laissé pour compte. Il arrive cependant que certaines catégories de population ne soient pas bien informées de l’aide dont elles peuvent bénéficier, malgré les nombreux programmes mis en place, déjà évoqués.

25.M. Kamperhoff (Allemagne) dit qu’à partir de 2011, tous les établissements de soins de longue durée doivent faire l’objet d’un contrôle annuel donnant lieu à un rapport établi selon des critères précis. L’Allemagne entend développer l’offre de soins à domicile pour les personnes âgées désirant rester dans leur famille, cette solution étant moins onéreuse que le placement en institution et plus respectueuse du bien-être de la personne. Un certain nombre d’initiatives ont été lancées afin de former et de recruter du personnel plus qualifié; elles reposent notamment sur l’uniformisation des dispositions légales en la matière.

26.M. Heyer (Allemagne) déplore que le taux de chômage des personnes handicapées soit deux fois plus élevé que celui des personnes valides et explique que les personnes handicapées représentent actuellement 3,8 % de la population active. Dans le cadre de la lutte contre la pauvreté, les demandeurs d’emploi reçoivent une aide particulière et sont autorisés à occuper de petits emplois temporaires. Une initiative permet désormais d’aider les enfants pauvres − dont la famille bénéficie des prestations sociales de base de la sécurité sociale pour demandeurs d’emploi, de l’aide au logement ou d’une aide supplémentaire pour les enfants −, en finançant leur scolarité voire, pour 30 % des enfants, les repas à l’école. Les efforts visent également la pratique d’activités sportives et culturelles, avec la mise en place d’un programme doté de 3 millions d’euros par an qui sera mis en œuvre dans le cadre de la coopération entre les autorités fédérales et locales. Les statistiques concernant la pauvreté ne sont pas collectées chaque année, mais un rapport consacré à la richesse et à la pauvreté est attendu en 2012.

27.M. Koller (Allemagne) dit que, dans le cadre de la stratégie «Europe 2020» de l’Union européenne (UE), l’Allemagne s’est fixé comme objectif d’atteindre, en 2020, un taux d’emploi de 77 % de sa population (l’objectif de l’UE étant de 75 %) et des taux d’emploi de 73 % pour les femmes et de 63 % pour la population de 55 à 64 ans. Dans le cadre de cette stratégie et de la lutte contre la pauvreté, l’Allemagne axera ses efforts sur les ménages sans emploi afin de réduire leur nombre de 20 %.

28.M. Fuchs (Allemagne) explique qu’en Allemagne, le taux de pauvreté des plus de 65 ans est faible, ces personnes étant couvertes par le système de sécurité sociale de base, ce qui évite de faire appel aux enfants et d’induire ainsi davantage de pauvreté. Chacun peut bénéficier d’une aide au titre de ce régime, même s’il a travaillé dans le secteur informel. Parallèlement, le Gouvernement fédéral s’attache aujourd’hui à trouver des solutions pour que les personnes ayant dû interrompre leur carrière touchent malgré tout une pension acceptable.

29.M. Gehrmann (Allemagne) indique que l’Allemagne compte aujourd’hui 1,3 million de personnes alcooliques, environ 200 000 toxicomanes (hors consommateurs de cannabis) − essentiellement héroïnomanes − et plus de 525 000 consommateurs de cannabis. En 2009, le pays a déploré 9 571 suicides, d’hommes essentiellement (75 %). Par ailleurs, la loi sur les personnes transsexuelles, qui avait été jugée en partie inconstitutionnelle par la Cour constitutionnelle fédérale, est actuellement en cours de révision afin notamment que le coût des traitements hormonaux ou des interventions chirurgicales puisse être pris en charge.

30.Toutes les personnes résidant sur le territoire national ont accès gratuitement aux médicaments. Ainsi, les séropositifs et les malades du sida ont tous accès aux traitements voulus, et des programmes et projets spécifiques destinés à mieux les intégrer et à mieux répondre à leurs besoins sont mis en œuvre à tous les niveaux du Gouvernement. Pour combattre ce fléau, l’Allemagne mène de nombreuses campagnes et associe à cette fin des personnalités en vue aux spots publicitaires diffusés dans le cadre de la célébration de la Journée mondiale de lutte contre le sida. La loi générale d’égalité de traitement est applicable aux malades du sida, ce qui les met à l’abri de la discrimination en matière de logement et d’emploi, entre autres.

31.M. Kamperhoff (Allemagne) dit que l’Allemagne a adopté deux plans d’action successifs pour combattre la violence intrafamiliale ainsi que la violence contre les femmes en général, qui prévoient l’un comme l’autre la création de centres d’accueil pour femmes battues et l’adoption de mesures de lutte contre les mariages forcés. En matière de violence conjugale, le problème réside dans le fait qu’il est très difficile d’obtenir des données fiables et donc de se faire une idée précise de l’ampleur du phénomène.

32.Certains des projets élaborés dans le cadre du deuxième plan d’action − qui couvrait la période 2002-2010 − sont toujours en cours. Un groupe de travail a été créé au sein du Ministère de la famille pour veiller à leur mise en œuvre, en coopération avec les pouvoirs publics, les collectivités locales et les responsables de centres d’accueil qui travaillent en réseau afin de mieux prévenir la violence intrafamiliale et la traite des femmes. Une permanence téléphonique d’urgence chargée de répondre aux victimes vingt-quatre heures sur vingt-quatre devrait être mise en place d’ici à la fin de 2012. Il est essentiel de créer un tel service car dans 80 % des cas, les autorités n’ont connaissance de la situation des victimes que beaucoup plus tard, lorsqu’elles sont admises dans d’autres services sociaux.

33.Un premier rapport faisant état de la situation dans les centres d’accueil devrait être publié d’ici à la fin de 2011, et une étude est en cours sur la violence conjugale. Le deuxième plan d’action prévoyait également l’adoption d’une loi destinée à combattre les mariages forcés et à mieux protéger les victimes. Cette loi, qui criminalise cette pratique ainsi que l’enlèvement aux fins d’un mariage forcé, entrera en vigueur en mai 2012. Quant aux décisions d’hospitalisation forcée, elles sont rares et sont généralement prononcées pour de courtes durées, au-delà desquelles l’intéressé est libre de choisir son médecin et son traitement médical. Comme dans de nombreux autres pays du monde, il arrive que des électrochocs soient pratiqués sur les patients atteints de dépression majeure, mais à titre exceptionnel.

34.M. Koller (Allemagne) indique que, bien que certains Länder semblent opter pour la privatisation de l’enseignement supérieur en instaurant des frais de scolarité élevés à la charge des étudiants, la grande majorité des universités restent publiques.

35.M me Shin demande si l’État partie entend mettre en place un plan d’action pour que les personnes chargées de prodiguer des soins dans le cadre de l’hospitalisation à domicile, ou encore les personnels qui s’occupent de personnes handicapées ou de personnes âgées, ne soient pas exclusivement des femmes, et combattre ainsi les idées reçues quant aux rôles respectifs des hommes et des femmes au sein de la société. Mme Shin dit qu’il serait bon que l’État partie organise des rencontres avec les personnes intersexuées et transsexuelles − ou les ONG chargées de défendre leurs droits − pour qu’elles puissent exposer leurs souffrances spécifiques et les difficultés diverses liées à leur condition, et qu’il en soit tenu compte lors de l’élaboration des politiques et l’adoption de nouvelles lois.

36.M me Barahona Riera apprécierait un complément d’information sur le cadre juridique applicable à la violence intrafamiliale. Elle souhaiterait notamment savoir si, en la matière, ce sont les dispositions générales du Code pénal qui s’appliquent ou celles d’une loi spécifique que l’État aurait adoptée, érigeant en infraction les actes de cette nature. Dans ce dernier cas, la délégation allemande pourrait indiquer s’il s’agit d’une loi fédérale ou si chacun des Länder peut arrêter sa propre définition de la violence familiale et décider quels actes sont passibles de poursuites pénales. Elle pourrait en outre indiquer si le projet de loi sur les mariages forcés a été adopté et intégré dans le Code pénal. Enfin, des informations seraient appréciées sur les droits en matière de santé sexuelle, qui compléteraient celles fournies sur les droits en matière de procréation.

37.M. Sadi aimerait connaître les avantages comparatifs de l’hospitalisation à domicile pour les maladies de longue durée, en termes financiers notamment. Notant que l’Allemagne est un pays de destination de la traite des êtres humains, il voudrait savoir si la législation en vigueur est efficace et si les peines prévues et appliquées sont suffisamment sévères pour combattre ce phénomène et si, d’une manière générale, ce dernier a tendance à prendre de l’ampleur ou à diminuer.

38.M. Koller (Allemagne) indique que les hospitalisations à domicile sont la réponse que l’Allemagne a trouvée aux changements démographiques qui la touchent au même titre que le reste des pays d’Europe occidentale. Afin d’encourager la population à opter pour cette solution, le montant des salaires des personnels soignants est déductible du revenu imposable, et des allocations sont prévues lorsque c’est un proche qui s’occupe du malade. Pour combattre les idées reçues quant à la répartition des rôles au sein de la société, le Ministère de l’éducation a instauré une séance hebdomadaire d’éveil des petites filles aux activités jugées «masculines» et inversement.

39.Ce sont les dispositions du Code pénal qui s’appliquent en cas d’actes de violence familiale, que la victime ait subi une agression physique ou une tentative de meurtre. Ce code a une portée fédérale et s’impose donc à tous les Länder. Par ailleurs, bien que la traite des êtres humains reste un phénomène limité en Allemagne, une étude a été diligentée sur la question, qui devrait permettre de se faire une idée plus précise de la situation et donc de prendre les mesures appropriées.

40.M. Merz (Allemagne) ajoute que d’après les statistiques officielles, 534 enquêtes ont été menées en 2009 pour des affaires relevant de la traite des êtres humains, ce qui représentait une hausse de 11 % par rapport à l’année précédente. Les 710 victimes recensées étaient originaires de Roumanie, de Bulgarie, de Turquie, de Hongrie, de Pologne et du Nigéria.

Articles 13 à 15 du Pacte

41.M. Atangana (Rapporteur pour le pays) demande à combien s’élèvent les frais d’inscription à l’université.

42.M. Abashidze demande si l’État partie a mis en place des mécanismes d’intégration des minorités autres que celles qui sont officiellement reconnues en tant que minorités nationales − Frisons, Danois, Sorabes, Sintis et Roms − et de quelle manière il veille à ce que soient respectés les droits linguistiques des minorités se trouvant sur son territoire.

43.M. Sadi demande si l’État partie a créé des écoles séparées pour les enfants issus de certains groupes ethniques − notamment dans les villes où ces groupes ethniques seraient particulièrement nombreux − et dans l’affirmative, si ce type d’écoles a engendré des problèmes particuliers en pratique. La délégation allemande est invitée à préciser s’il est vrai que les enfants de demandeurs d’asile n’ont pas systématiquement accès à l’enseignement, ce qu’il en est des classes que l’État partie a créées pour les enfants ayant des difficultés scolaires − vers lesquelles doivent sans aucun doute être orientés les enfants d’immigrants − et si le Pacte a été inscrit dans les programmes d’éducation aux droits de l’homme mis en place par l’État partie.

44.M. Sadi aimerait également savoir quelle place est faite au Pacte dans les cours d’éducation en matière de droits de l’homme, dont il croit savoir qu’ils ne sont pas dispensés de manière systématique. Il demande si des initiatives − campagnes, programmes − sont prises en faveur des immigrés de la première et de la deuxième génération qui, semble-t-il, réussissent moins bien dans le système éducatif que leurs camarades allemands et dont les chances d’intégration se trouveraient ainsi renforcées.

45.M. Marchán Romero regrette l’absence de statistiques ethniques qui permettraient de mesurer précisément l’exercice par les minorités des droits visés dans le Pacte. Il comprend les raisons historiques pour lesquelles la législation allemande les a bannies mais fait observer que l’État partie a également ratifié la Convention-cadre du Conseil de l’Europe pour la protection des minorités nationales et la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires. Il l’invite donc à modifier sa législation afin que les communautés minoritaires soient reconnues. Il souligne d’ailleurs une certaine contradiction entre la législation qui ne permet pas d’identifier les minorités et l’information fournie au paragraphe 215 des réponses écrites à la liste des points à traiter (E/C.12/DEU/Q/5/Add.1), où sont désignées les «minorités nationales reconnues». M. Marchán Romero relève que les droits culturels sont des droits fondamentaux dans l’ensemble du corpus juridique de l’État partie, qu’il loue pour la grande richesse de l’offre culturelle; il relève toutefois que, dans le rapport, il est dit que cette offre est souvent perçue comme trop élitiste par certaines catégories moins instruites de la population. Il invite donc l’État partie à s’efforcer de rendre l’offre culturelle accessible à un public plus large. Enfin, exprimant sa déception de voir le Protocole facultatif mis entre parenthèses par le Gouvernement allemand qui s’était pourtant montré très actif pendant la négociation, il insiste sur l’importance de la ratification de cet instrument qui est un moyen supplémentaire pour les individus d’exercer leurs droits.

46.M me Barahona Riera souhaite savoir quelle suite l’État partie a donnée aux recommandations formulées en 2006 par le Rapporteur spécial sur le droit à l’éducation (A/HRC/4/29/Add.3), dont il n’est fait mention ni dans le rapport périodique (E/C.12/DEU/5), ni dans les réponses écrites à la liste des points à traiter (E/C.12/DEU/Q/5/Add.1). Elle s’intéresse surtout aux recommandations concernant les écoles spécialisées et le système de sélection qui, selon le Rapporteur spécial, sont autant de sources de discrimination à l’égard des enfants de milieux défavorisés pour qui l’éducation devrait pourtant jouer un rôle d’ascenseur social. La délégation est invitée à fournir des informations sur l’éducation à la santé sexuelle et procréative, et notamment sur les initiatives prises non seulement en faveur des jeunes dans les établissements d’enseignement mais aussi en faveur des adultes. En ce qui concerne la violence familiale, la législation de l’État partie accuse un certain retard par rapport à d’autres pays où ce type de violence est déjà un délit pénal. Il serait bon que l’État partie revoie sa législation à cet égard.

47.M. Kedzia invite la délégation à fournir des informations plus détaillées sur l’éducation en matière de droits de l’homme, et plus particulièrement en matière de droits économiques, sociaux et culturels; il souhaite savoir notamment si cette matière occupe une place importante dans les programmes et à quelle niveau elle est enseignée. Rappelant que, dans une étude réalisée en 2003, l’Institut allemand des droits de l’homme avait noté que l’éducation dans ce domaine était un concept relativement nouveau, M. Kedzia demande si la situation a évolué et de quelle manière.

48.M me Cong voudrait savoir comment l’État partie répond aux besoins particuliers des «jeunes adultes quittant l’école sans diplôme», d’une part, mentionnés au paragraphe 348 du rapport à l’examen et dont elle suppose qu’ils sont de nationalité allemande, et des «migrantes/migrants», d’autre part, mentionnés au paragraphe suivant, qui quittent également l’école sans diplôme en raison de leur mauvaise connaissance de l’allemand. Elle demande des précisions sur le rôle des médias dans la lutte menée contre le racisme et la xénophobie et souhaite savoir si l’État partie utilise Internet à cette fin.

49.M. Koller (Allemagne) indique que le montant des droits d’inscription à l’université se situe entre 500 et 600 euros par semestre dans les cinq Länder où de tels droits sont prélevés, l’enseignement universitaire étant gratuit dans les 11 autres Länder. L’Allemagne n’établit pas de statistiques ethniques et ne restreint en aucune manière l’expression de la diversité culturelle, qui ne pose pas de problème: les minorités sont parfaitement libres d’organiser les manifestations culturelles de leur choix. M. Koller s’engage à transmettre l’avis formulé par Mme Barahona Riera concernant la criminalisation de la violence familiale.

50.M. Gehrmann (Allemagne) dit qu’il existe une multitude de services dans le domaine de la santé sexuelle et procréative. Pendant et après leur grossesse, les femmes assurées ont accès à un suivi médical complet ainsi qu’à toute une série de consultations sur des questions telles que l’importance de l’hygiène dentaire, les relations mère-enfant, la nutrition et les maladies, les risques de transmission du VIH. Il existe aussi des consultations sur la sexualité et les services d’aide à la procréation ainsi qu’un réseau national de centres de consultation sur la grossesse. Toutes les prestations médicales et psychosociales liées à la santé procréative et la grossesse s’inscrivent dans le cadre d’une loi fédérale spécifique. La Fondation fédérale d’aide à la mère et à l’enfant à naître fournit une assistance financière aux femmes enceintes qui en font la demande auprès des centres de consultation sur la grossesse, tandis que le Centre fédéral d’éducation pour la santé organise des campagnes d’information de grande envergure sur la santé sexuelle et procréative; par ailleurs, les services de planification familiale et de santé sexuelle se développent pour assurer une prise en charge adaptée des personnes marginalisées et des membres de minorités ethniques, notamment.

51.M. Merz (Allemagne) souligne que le Gouvernement fédéral a créé, au sein du Ministère fédéral de l’intérieur, un poste de représentant spécial des minorités nationales qui a rang de secrétaire d’État parlementaire, témoignant ainsi de l’importance accordée par les autorités politiques à la question.

52.M. Heyer (Allemagne) considère qu’il appartient aux écoles de lutter contre le phénomène de l’abandon scolaire. Le Ministère fédéral du travail s’efforce, de son côté, de donner une deuxième chance à ceux qui ont quitté l’école sans diplôme. Ainsi quelque 400 000 jeunes bénéficient de programmes de formation professionnelle, sanctionnés par un certificat, qui leur permettent de faire la transition entre le système scolaire et l’emploi. Les personnes entrées sur le marché du travail sans avoir achevé leurs études et qui souhaitent les compléter ont, pour leur part, la possibilité d’obtenir un diplôme de fin d’études secondaires tout en suivant une formation professionnelle. En effet, il est plus facile de motiver ces étudiants en associant une formation pratique à la formation purement théorique. Les plus difficiles à motiver sont les jeunes femmes d’origine turque dont le bagage scolaire est souvent très mince et l’intérêt très faible. Pour remédier à cette situation, le Ministère fédéral du travail s’efforce de mener des opérations de sensibilisation dans les écoles et les agences pour l’emploi. Il est prévu, par exemple, de consacrer la journée du 28 juin aux centres pour l’emploi, avec une attention particulière portée aux immigrés, et l’intervention de spécialistes, eux-mêmes immigrés ou d’origine étrangère, pour animer les débats. De plus, un programme baptisé «IQ» (l’intégration par la qualification) a été mis en place. D’ici à 2015, l’Allemagne a l’ambition de consacrer 10 % du PIB à l’éducation, qui relève essentiellement des Länder; les efforts requis pour assurer la bonne coordination et la coopération entre autorités des Länder et autorités fédérales vont être d’autant plus considérables.

53. La délégation allemande se retire.

La première partie (publique) de la séance prend fin à 17 h 40.