Conseil Économique

et Social

Distr.

GÉNÉRALE

E/C.12/2002/SR.15

19 août 2002

Original: FRANÇAIS

COMITÉ DES DROITS ÉCONOMIQUES, SOCIAUX ET CULTURELS

Vingt-huitième session

COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA 16e SÉANCE

tenue au Palais Wilson, à Genève,le mercredi 8 mai 2002, à 10 heures

Président: Mme BONOAN‑DANDAN

SOMMAIRE

EXAMEN DES RAPPORTS:

a)RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT AUX ARTICLES 16 ET 17 DU PACTE (suite)

Deuxième rapport périodique de la Trinité‑et‑Tobago

______________

Le présent compte rendu est sujet à rectifications.

Les rectifications doivent être rédigées dans l’une des langues de travail. Elles doivent être présentées dans un mémorandum et être également incorporées à un exemplaire du compte rendu. Il convient de les adresser, une semaine au plus tard à compter de la date du présent document, à la Section d’édition des documents officiels, bureau E.4108, Palais des Nations, Genève.

Les rectifications aux comptes rendus des séances du Comité seront groupées dans un rectificatif unique qui sera publié peu après la session.

La séance est ouverte à 10 h 10.

EXAMEN DES RAPPORTS:

a)RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT AUX ARTICLES 16 ET 17 DU PACTE (point 6 de l’ordre du jour) (suite)

Deuxième rapport périodique de la Trinité‑et‑Tobago [(E/1990/6/Add.30); document de base (HRI/CORE/1/Add.110); liste des points à traiter (E/C.12/Q/T&T/1); réponses écrites de Trinité‑et‑Tobago (document sans cote distribué en séance, en anglais et en espagnol seulement); profil de pays (E/C.12/CA/TRI/1)]

Sur l’invitation de la Présidente, la délégation trinidadienne prend place à la table du Comité.

2.La PRÉSIDENTE souhaite la bienvenue à la délégation trinidadienne et l’invite à présenter le deuxième rapport périodique de l’État partie.

3.Mme RICHARDS (Trinité‑et‑Tobago) se félicite que le dialogue entre son pays et le Comité reprenne après une interruption de 12 ans.

4.Mme SIRJUSINGH (Trinité‑et‑Tobago) dit que le Gouvernement trinidadien reconnaît que le rapport et les réponses écrites ont été présentés tardivement et été établis sans la participation des organisations non gouvernementales. Pour combler ces lacunes, le Gouvernement a créé une section des droits de l’homme chargée d’établir les rapports sur la mise en œuvre des instruments ratifiés par la Trinité‑et‑Tobago, avec le concours des organisations non gouvernementales. Comme l’une des fonctions de cet organe est la diffusion et la vulgarisation des instruments relatifs aux droits de l’homme, il concentre cette année ses efforts sur l’éducation dans ce domaine dans le cadre d’un plan d’action national et prévoit de diffuser ses rapports sur le site Web du Gouvernement. Il semble en effet nécessaire de faire connaître leurs droits aux citoyens, car malgré le nombre important de violations des droits fondamentaux, aucun cas de jurisprudence concernant les droits inscrits dans le Pacte ne peut être cité en exemple.

5.Décrivant le contexte économique, Mme Sirjunsingh dit que la situation s’est améliorée depuis la crise des années 1980. Des efforts ont été déployés pour diversifier l’économie du pays en attirant des investissements dans le secteur du tourisme et l’industrie manufacturière. Grâce à cette politique, le secteur non énergétique a connu une croissance de 4 % par an, le tourisme ayant quant à lui augmenté d’environ 38 % entre 1995 et 1999.

6.Entre 1998 et 2000, le Gouvernement a promulgué divers textes législatifs sur le salaire minimum. Désormais, les litiges peuvent être soumis au Tribunal du travail. Le Gouvernement reconnaît toutefois que des progrès restent à faire étant donné qu’un grand nombre d’employeurs du secteur privé continuent à ne pas respecter cette législation. En matière de chômage, il est encourageant de constater que le taux continue de baisser. À cet égard, le Gouvernement a lancé en avril 2002 un programme spécial dont bénéficient 5 000 jeunes de 16 à 30 ans ayant obtenu un diplôme de l’enseignement secondaire ou supérieur. Le coût initial de ce programme, qui s’étale sur six mois, est de 35 millions de dollars de la Trinité‑et‑Tobago. De plus, dans le cadre d’un autre programme en faveur des jeunes lancé en mai 2002, 5 000 jeunes peuvent suivre une formation de six mois dans divers secteurs dont la construction, l’agriculture et le commerce.

7.Pour ce qui est de la sécurité sociale, un régime national d’assurance administré par un conseil indépendant a été mis au point. Quelque 300 000 personnes sont couvertes, dont plus de 100 000 bénéficiaires recevant 375 millions de dollars de la Trinité-et-Tobago par an. De plus, l’accès à la couverture sociale a été élargi grâce à des accords bilatéraux conclus avec le Canada et divers membres du CARICOM. La sixième révision actuarielle du régime national est en cours et vise notamment à étendre la protection aux travailleurs indépendants qui ne sont pas encore couverts. En ce qui concerne les personnes du troisième âge, il est prévu de mettre en œuvre divers programmes en leur faveur, dont un projet d’une durée de trois mois pendant lesquels 700 jeunes de 17 à 25 ans apprendront à s’occuper de personnes âgées. Par ailleurs, le montant de la retraite a été porté à 1 000 dollars de la Trinité-et-Tobago.

8.Afin de lutter contre l’aggravation du phénomène de la violence au sein de la famille, diverses mesures ont été prises, dont l’adoption d’un programme global, la mise en service une ligne téléphonique gratuite et la promulgation en 1999 d’une nouvelle loi alignée sur les normes internationales. Une organisation non gouvernementale a également établi un service téléphonique gratuit destiné spécifiquement aux enfants. De même, afin de lutter contre l’accroissement des violences sexuelles contre les femmes, des mesures législatives ont été prises afin de mieux protéger les victimes et de punir plus sévèrement les auteurs.

9.En matière de logement, le Gouvernement applique par étapes une politique dynamique de construction pour réduire la pénurie de logements et rendre l’accès à la propriété abordable pour les personnes à revenu faible ou moyen. Dans tout le pays, 2 925 logements seront construits et il est prévu d’assainir des zones d’habitat spontané grâce à un prêt de la Banque interaméricaine de développement d’un montant de 200 millions de dollars de la Trinité-et-Tobago. Dans le domaine de l’éducation, un programme visant à donner accès à l’enseignement secondaire à tous les enfants jusqu’à l’âge de 18 ans a été appliqué avec succès, bien que les effectifs par classe soient pour le moment pléthoriques.

10.La situation en matière de santé va en s’améliorant. Toutefois, les établissements médicaux souffrent d’un manque chronique de personnel, les infirmières ayant tendance à quitter le pays pour aller travailler dans des pays où de meilleures conditions de travail leur sont offertes. C’est pourquoi le ministère de la santé élabore toute une série de stratégies pour les inciter à rester dans le pays et pour accélérer la formation de nouvelles infirmières. En ce qui concerne la lutte contre le VIH/sida, depuis avril 2002, les personnes dont la maladie est à un stade avancé peuvent obtenir les médicaments nécessaires pour 10% de leur prix réel. Un accord avec le Canada a permis la création, en mars 2002, d’un centre national d’oncologie, dont les activités principales seront la prévention et le dépistage du cancer, principale cause de décès chez les femmes.

11.Quant à la discrimination, une loi sur l’égalité des chances a été adoptée en 2000, qui donne effet à la Convention No 111 de l’OIT concernant la discrimination (emploi et profession) et qui permet de protéger les employés du secteur public ainsi que ceux du secteur privé.

12.Passant à la situation politique, Mme Sirjunsingh dit qu’en décembre 2001, à la suite des élections générales, les deux principaux partis ont obtenu exactement le même nombre de sièges et n’ont pas pu élire un président du Parlement, faute de majorité. Par conséquent, aucune nouvelle loi ne peut être adoptée actuellement puisque le Parlement ne siège plus. En conclusion, MmeSirjusingh réaffirme la volonté de sa délégation de contribuer à un dialogue constructif avec le Comité.

13.La PRÉSIDENTE remercie la délégation trinidadienne et invite les membres du Comité à poser des questions sur les articles 1er à 5 du Pacte.

14.M. PILLAY juge étonnant que la délégation dise ne pouvoir citer aucun cas de jurisprudence, étant donné qu’il existe toute une série de lois sur les droits inscrits dans le Pacte. N’est-il pas possible de trouver quelques exemples concernant certains droits? M. Pilay souligne que la Constitution ne devrait pas stipuler que toute loi – y compris les traités internationaux – est nulle si elle n’est pas compatible avec la Constitution. En effet, les traités internationaux l’emportant sur le droit interne, c’est la Constitution qui devrait être conforme aux traités internationaux et non le contraire.

15.Abordant sur la question de la discrimination, M. Pillay dit que la loi sur l’égalité des chances est trop restrictive car elle omet plusieurs motifs possibles, notamment l’orientation sexuelle, qui constituerait une cause de discrimination à la Trinité-et-Tobago. Il souhaite en outre savoir si le droit au logement est inscrit dans la législation de l’État partie. Enfin, s’agissant de l’impasse politique empêchant le Parlement de siéger, il demande s’il existe un espoir d’amélioration de la situation.

16.M. MARCHAN ROMERO, notant qu’il est possible d’invoquer les droits civils et politiques devant les tribunaux de l’État partie, demande si le Gouvernement considère que les droits économiques, sociaux et culturels pourraient également être justiciables. S’agissant de la participation des organisations non gouvernementales, il précise que leur rôle ne doit pas se borner à contribuer à l’élaboration des rapports. Enfin, il souhaiterait savoir à quels projets les fonds reçus de la coopération internationale ont été affectés.

17.M. MALINVERNI demande pourquoi l’État partie n’a pas ratifié un nombre important de conventions de l’OIT, dont la Convention no 138 sur l’âge minimum d’admission à l’emploi et la Convention no 182 concernant les pires formes de travail des enfants. De plus, il juge extrêmement regrettable que la Trinité-et-Tobago ait dénoncé le Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques ainsi que la Convention américaine relative aux droits de l’homme. Les États parties sont en effet censés modifier leur législation et leur pratique en fonction des critiques qu’ils reçoivent et non pas dénoncer un traité dès que son application leur pose problème.

18.M. WIMER ZAMBRANOdemande ce qu’il en est de la loi sur l’égalité des chances, au vu des récents incidents racistes où des personnes de peau foncée se sont vu refuser l’entrée d’établissements publics.

19.M. AHMED se dit préoccupé par l’impasse politique dans laquelle se trouve le pays, qui l’empêche d’adopter les lois nécessaires à la réalisation des droits économiques, sociaux et culturels. Il déplore les dysfonctionnements graves du système judiciaire, et notamment le fait que plusieurs affaires pénales se sont soldées par un non-lieu. Il regrette en outre que les dispositions de la Constitution prévoyant la création d’un médiateur (ombudsman) n’aient pas été suivies d’effets. Il souligne enfin qu’aucune législation spécifique ne garantit les droits des handicapés, des femmes (notamment contre la violence domestique), des enfants (contre l’exploitation à des fins commerciales ou sexuelles) ou encore des Noirs. Peut‑on espérer une amélioration de cette situation générale?

20-M. ATANGANA fait observer que le taux de chômage des femmes est bien supérieur à celui des hommes (19,5 % contre 11,6 %). Se référant au tableau figurant à la page 15 du rapport, qui récapitule la situation de l’emploi par groupe ethnique et par sexe, il remarque d’une part que seules 34 chinoises appartiennent à la catégorie des professions libérales et d’autre part que seules 33 Syriennes/Pakistanaises appartiennent à celle des députés, hauts fonctionnaires et cadres supérieurs. Quel pourcentage de la population concernée ces chiffres représentent‑ils? M. Atangana déplore que les ménages qui ont une femme à leur tête aient du mal à accéder aux prestations sociales. L’État partie entend‑il prendre des mesures pour mettre un terme à ces inégalités?

21.M. SADI se demande si l’on peut réellement expliquer la quasi‑inexistence de jurisprudence en matière de droits économiques, sociaux et culturels par le fait que les citoyens ne sont pas suffisamment conscients des droits qui leur incombent en vertu du Pacte. Selon lui, la question est davantage de savoir si les responsables de l’élaboration des politiques eux‑mêmes accordent suffisamment d’importance à ces droits. Lorsqu’ils négocient avec la Banque mondiale, le FMI ou d’autres institutions internationales, les décideurs mettent‑ils en avant les obligations qui sont les leurs en vertu du Pacte? Avant de sensibiliser le public à ces questions, ne faudrait‑il pas éduquer les juges et les personnes qui ont un pouvoir décisionnel?

22.Après avoir noté le caractère multiracial de la société trinidadienne, M. Sadi fait observer qu’adopter une législation contre la discrimination ne suffit pas à lutter contre ce phénomène. L’État partie entreprend‑il de vastes campagnes de lutte contre la discrimination visant à encourager l’harmonie entre les races?

23.M. TEXIER demande pourquoi la Trinité‑et‑Tobago n’a pas signé le Protocole facultatif se rapportant à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale à l’égard des femmes, ni la Convention contre la torture et autres peines et traitements cruels, inhumains ou dégradants. En outre, quelles sont les raisons pour lesquelles le Gouvernement trinidadien a dénoncé en mai 1998 la Convention américaine relative aux droits de l’homme après y avoir adhéré 7 ans plus tôt? A‑t‑il l’intention d’y adhérer de nouveau et de ratifier le Protocole de San Salvador traitant des droits économiques, sociaux et culturels?

24.M. MARCHAN ROMERO fait remarquer que si, avant d’adhérer à un instrument international, les pays en développement évaluaient les répercussions financières d’une telle adhésion comme le fait la Trinité‑et‑Tobago en prévision d’une éventuelle ratification du Protocole facultatif au Pacte relatif aux droits civils et politiques, ils seraient peu nombreux à s’engager, ce qui serait regrettable.

25.M. Marchan Romero se dit préoccupé par l’absence de législation garantissant l’égalité de traitement entre hommes et femmes en matière d’emploi (principe de «À travail égal, salaire égal»). L’État envisage‑t‑il de prendre des mesures pour atténuer, voire éliminer, cette inégalité? Enfin, la délégation pourrait‑elle fournir un complément d’information sur la Division de l’égalité des sexes qui relève du Ministère de la culture? Quelles sont ses fonctions précises? Reçoit‑elle une aide financière du Gouvernement?

26.Mme SIRJUSINGH (Trinité‑et‑Tobago) indique que la Constitution trinidadienne consacre l’égalité entre les hommes et les femmes. Ce principe a été repris dans la loi sur l’égalité des chances (Equal Opportunity Legislation), qui dispose que les femmes ne doivent pas faire l’objet de discrimination, en particulier dans les domaines de l’emploi, du logement et de l’éducation. Le Gouvernement a en outre créé une Division de l’égalité des sexes (Gender Affairs Division) – financée en partie par la Banque interaméricaine de développement – qui mène de vastes campagnes de formation et de sensibilisation en vue de mettre fin aux stéréotypes qui sont souvent à l’origine des violences que subissent les femmes. Cette Division a en outre mis en œuvre des programmes d’aide à la création d’entreprises spécialement destinés aux femmes, dont des programmes de microcrédit au niveau local. Pour les femmes de 35 ans ou plus, qui ont peu ou pas de qualifications, un programme de formation professionnelle principalement axé sur le travail du bois, la mécanique automobile et les métiers du bâtiment a été mis en place dans le cadre d’un programme financé par la Banque interaméricaine de développement au profit de quatre pays de la zone caraïbe.

27.À la Trinité‑et‑Tobago, les homosexuels ne font l’objet d’aucune discrimination. Toutefois, il ne semble pas que la société trinidadienne, très religieuse, soit prête à accepter une législation visant spécifiquement à protéger les droits de cette population.

28.Dès les premiers actes racistes dans les bars et les discothèques, le Gouvernement a adopté la loi sur l’agrément des discothèques (Registration of Clubs Act), qui subordonne l’ouverture de ce type d’établissements à l’octroi d’une licence et au respect d’une réglementation stricte. Cette loi vient compléter la loi sur l’égalité des chances, qui interdit toute forme de discrimination, fondée sur la race notamment. Les personnes handicapées sont elles aussi protégées par la loi sur l’égalité des chances, qui leur garantit l’égalité de traitement dans les domaines de l’éducation et de l’emploi. Les ministères compétents ont d’ailleurs adopté des lois visant à faciliter l’accès des handicapés aux lieux publics et aux transports en commun.

29.Mme Sirjusingh reconnaît que l’impasse politique dans laquelle se trouve le pays a eu pour conséquence de paralyser le système législatif. Elle annonce que des élections nationales devraient avoir lieu prochainement pour débloquer cette situation.

30.En vertu d’une décision du Conseil privé, les dispositions du Pacte doivent être incorporées dans le droit interne pour que les personnes qui s’estiment lésées puissent les invoquer directement devant les tribunaux . Mme Sirjusingh dit que le Gouvernement envisage d’adhérer de nouveau à la Convention américaine relative aux droits de l’homme.

31.La Trinité‑et‑Tobago a ratifié en 1995 la Convention n° 144 de l’OIT sur les consultations tripartites relatives aux normes internationales du travail. À ce titre, elle a créé l’année suivante, sous l’égide du Ministère du travail, un comité tripartite ‑ composé de représentants du Gouvernement, des syndicats nationaux et de l’association des employeurs ‑ chargé de promouvoir la ratification des conventions de l’OIT et de veiller par la suite à leur mise en œuvre. Le comité tripartite a notamment recommandé la ratification de la Convention n° 182 sur les pires formes de travail des enfants et de la Convention n° 138 concernant l’âge minimum d’admission à l’emploi. Le Gouvernement a également ratifié la Convention n° 100 sur l’égalité de rémunération, qui a été suivie, sur le plan national, d’un projet de loi sur les conditions élémentaires de travail et le salaire minimum (Basic Conditions of Work and Minimum Wages Bill), qui devrait être adopté dès que le Parlement siégera à nouveau.

32.Mme Sirjusingh convient de ce qu’il est particulièrement important de sensibiliser non seulement le public, mais aussi les juges et les responsables de l’élaboration des politiques et autres décideurs aux questions relatives aux droits de l’homme. À cet effet, le Gouvernement communique à ces derniers chacun des rapports présentés en vertu des instruments internationaux auxquels la Trinité‑et‑Tobago est partie. Les juges bénéficient également de formations dans le domaine des droits de l’homme.

33.Contrairement à ce qui a été dit, la Trinité‑et‑Tobago s’est dotée d’un médiateur, chargé d’examiner les plaintes à caractère administratif. Un projet de loi visant à lui conférer davantage de pouvoirs est à l’étude, qui prévoit notamment de rendre ses recommandations obligatoires.

34.Le Gouvernement n’est aucunement opposé à l’idée de ratifier le Protocole facultatif au Pacte relatif aux droits économiques, sociaux et culturels ; s’il a mené une étude préalable, ce n’est pas seulement pour estimer les répercussions financières d’une telle adhésion mais pour faire un tour d’horizon des moyens que le Gouvernement devrait mettre en œuvre pour s’acquitter de ses nouvelles obligations, en particulier l’établissement de rapports.

35.S’il est vrai que le droit à un logement suffisant n’est pas consacré dans la Constitution, le Gouvernement, conscient de la grave pénurie dans ce domaine, prend des mesures radicales en vue de construire des logements abordables et de rénover ceux qui relèvent de l’Office national du logement.

36.M. PILLAY estime que l’absence de toute mention du droit au logement dans la Constitution de l’État partie, alors qu’il s’agit d’un droit directement applicable, montre que le droit trinidadien n’est pas conforme aux dispositions du Pacte. M. Pillay se déclare par ailleurs préoccupé par la disposition constitutionnelle en vertu de laquelle toute loi qui serait contraire aux dispositions de la Constitution serait sans effet. Etant donné que le Pacte n’a pas été incorporé dans la Constitution, cette disposition pourrait être interprétée, dans certains cas, de façon à considérer le Pacte lui‑même comme étant sans effet.

37.Par ailleurs, il convient de rappeler, comme l’a souligné le Comité dans son Observation générale no 9 sur l’application du Pacte au niveau national, qu’en vertu de l’article 27 de la Convention de Vienne sur le droit des traités, «une partie ne peut invoquer les dispositions de son droit interne comme justifiant la non‑exécution d’un traité». En conséquence, M. Pillay ne peut accepter que la délégation invoque les pratiques traditionnelles de la société trinidadienne pour expliquer que l’État ne se conforme pas aux obligations qui découlent du Pacte dans certains domaines, tels que l’interdiction de la discrimination en raison des orientations sexuelles ou l’abolition des châtiments corporels.

38.Enfin, M. Pillay constate qu’à l’heure actuelle, le mandat du Médiateur ne semble pas porter sur les droits de l’homme, et encore moins sur les droits économiques, sociaux et culturels. Il aimerait savoir s’il est envisagé d’élargir son mandat pour y inclure ces droits. Enfin, pourquoi la Trinité‑et‑Tobago n’a‑t‑elle pas défini un plan d’action national pour les droits de l’homme?

39.M. SADI se dit préoccupé par la lenteur de la réalisation progressive de certains des droits consacrés par le Pacte et rappelle que d’autres droits doivent prendre effet immédiatement. Il est également préoccupé par l’affirmation de la délégation selon laquelle il n’appartient pas aux autorités politiques de prendre les mesures nécessaires pour que les droits consacrés par le Pacte puissent être invoqués en justice mais bien au pouvoir judiciaire. Il semble évident, pourtant, que les magistrats ne peuvent s’appuyer sur les droits consacrés par le Pacte que si des lois sont adoptées en ce sens par les autorités politiques.

40.La PRÉSIDENTE, s’exprimant en sa qualité de membre, demande si les autorités trinidadiennes ont pris connaissance des Observations générales du Comité.

41.Mme SIRJUSINGH (Trinité‑et‑Tobago) confirme que la Trinité‑et‑Tobago n’a pas encore défini de plan d’action national pour les droits de l’homme mais précise qu’il existe différents programmes en la matière, par exemple dans le domaine de l’éducation aux droits de l’homme. Les Observations générales du Comité ont par ailleurs été examinées en détail par les autorités compétentes même si elles leur ont été transmises trop tard pour être prises en compte lors de la rédaction du deuxième rapport périodique.

Articles 6 à 10 du Pacte

42.M. TEXIER souhaite avoir des précisions quant au taux de chômage actuel et aux mesures prises par les autorités pour lutter contre ce problème. À cet égard, les chiffres récemment publiés par le BIT pour la période 1980-2000 sont assez surprenants, dans la mesure où ils montrent que, à l’inverse de ce que l’on observe généralement, les femmes sont plus nombreuses que les hommes dans la population active et que le chômage semble frapper d’abord les hommes. Il serait en outre intéressant d’avoir des renseignements précis quant à l’importance que revêt le travail informel à la Trinité‑et‑Tobago.

43.Le Comité d’experts de l’OIT a par ailleurs fait plusieurs observations à l’État partie en ce qui concerne le travail forcé, que l’on peut observer dans divers secteurs. M. Texier souhaite savoir, à cet égard, si le Gouvernement entend adopter une législation interdisant le travail forcé et prendre des mesures pour empêcher cette pratique dans les secteurs où elle sévit. D’autre part, comme de nombreux autres pays, la Trinité‑et‑Tobago est confrontée à un problème grave de travail des enfants. Il semble d’ailleurs y avoir à cet égard une carence dans le domaine législatif, puisque aucune loi ne fixe d’âge minimum d’admission à l’emploi. D’après des informations concordantes, certains secteurs emploieraient des enfants âgés de 12 ans. Une telle pratique serait constitutive d’une violation de plusieurs dispositions du Pacte, à savoir les articles 6, 13 et 14.

44.On ne peut que se féliciter de l’existence d’une loi sur le salaire minimum. Toutefois, il semblerait que le salaire minimum horaire ait été fixé à un niveau très faible, qui ne permettrait pas à un travailleur de vivre décemment. M. Texier aimerait donc savoir selon quels critères ce salaire minimum peut faire l’objet d’augmentations régulières et demande s’il existe des cas où cette loi n’a pas été respectée et, dans l’affirmative, si des sanctions ont été prises à l’égard des employeurs fautifs. Il faut également saluer l’adoption d’une loi sur l’égalité des chances mais l’on peut se demander si l’égalité de rémunération entre les hommes et les femmes pour un travail de valeur égale est réellement appliquée.

45.Enfin, il semble que le droit de grève fasse l’objet d’un nombre beaucoup trop élevé de restrictions. Pourtant, si l’article 8 du Pacte autorise bien les États parties à limiter le droit de grève, cette limitation ne peut concerner que les services essentiels, c’est-à-dire les services qui assurent l’ordre public. Or, selon la Commission d’experts indépendants de l’OIT, ces restrictions touchent également des services tels que les services sanitaires ou les transports scolaires. Il semble que le droit à la négociation collective fasse également l’objet de restrictions importantes, notamment en ce qui concerne les critères de représentativité des syndicats qui ont le droit de participer à la négociation collective. Ces restrictions ont pour conséquence pratique d’empêcher les travailleurs appartenant à des syndicats minoritaires de prendre part aux négociations. Les autorités ont‑elles l’intention de modifier la législation applicable en la matière?

46.M. KOLOSOV estime important de souligner que lorsque le taux de chômage est élevé, les conditions de travail et les salaires s’en ressentent, puisque les employeurs se trouvent en position de force pour dicter leurs conditions aux travailleurs. En conséquence, l’État doit participer activement au renforcement des conditions de travail et notamment veiller à ce que le salaire minimum soit suffisant pour permettre à un travailleur de subvenir aux besoins de sa famille, ce qui n’est pas le cas à l’heure actuelle à la Trinité-et-Tobago. Lorsque les conditions de travail ne sont pas favorables, on assiste également à un phénomène d’exode des cerveaux et d’émigration des personnels qualifiés. C’est ainsi que la Trinité-et-Tobago souffre d’une pénurie d’enseignants. M. Kolosov demande si les autorités envisagent d’augmenter sensiblement le salaire des enseignants, ce qui contribuerait à mettre un terme à cette situation.

47.Par ailleurs, M. Kolosov aimerait disposer de statistiques plus précises en ce qui concerne le travail des enfants, sans lesquelles il est difficile d’évaluer les progrès réalisés par l’État partie dans ce domaine. Il note également que la main‑d’œuvre féminine du secteur privé ne semble pas protégée par une législation adéquate, ce qui entraîne une discrimination dans le domaine de la rémunération. Enfin, il recommande au Gouvernement trinidadien d’envisager de ratifier les conventions nos138 et 182 de l’OIT portant respectivement sur l’âge minimum d’admission à l’emploi et sur les pires formes de travail des enfants.

48.M. THAPALIA croit savoir que les violences au sein de la famille, ainsi que les mauvais traitements et les violences sexuelles contre les enfants sont en augmentation. Par ailleurs, les enfants sans abri restent nombreux et le phénomène du travail des enfants s’aggrave. M. Thapalia souhaite savoir quelles sont les mesures prises par les autorités pour lutter contre ces phénomènes.

49.M. MARCHAN ROMERO demande des précisions quant à la situation et au statut juridique des enfants nés hors mariage. Il apparaît en effet que les unions libres sont relativement nombreuses dans la société trinidadienne et qu’elles ne sont susceptibles d’être reconnues par un tribunal qu’après cinq ans de vie commune. Dans ces circonstances quel est le statut d’un enfant né d’une telle union avant l’expiration de ce délai de cinq ans? Les enfants nés de ces unions ont‑ils les mêmes droits que les enfants nés dans le mariage?

50.La violence au sein de la famille semble être l’un des problèmes majeurs de la société trinidadienne puisque, d’après certaines statistiques, 30 % des femmes décédées de mort violente auraient été assassinées par leur conjoint. Dans le même ordre d’idées, M. Marchan Romero souhaite connaître les mesures qui ont été prises pour lutter contre les mauvais traitements dont les enfants sont victimes tant au sein de leur famille que dans les établissements d’enseignement, où les châtiments corporels semblent encore de mise. Enfin, il serait intéressant de disposer d’informations détaillées quant à la situation des enfants de la rue.

51.M. ATANGANA demande des précisions quant au statut des enfants naturels. D’après le rapport de l’État partie, tout enfant naturel est légitimé par le mariage de ses parents. Cette légitimation est‑elle automatique ou nécessite‑t‑elle une démarche devant les tribunaux? D’autre part, il semble que l’incidence du suicide chez les jeunes soit relativement importante. Quelles sont les causes d’un tel phénomène et quelles sont les mesures prises par les autorités pour y remédier? Enfin, M. Atangana demande si des mesures ont été prises pour pallier les difficultés que rencontrent les familles qui comptent plusieurs personnes âgées en leur sein.

52.M. CEAUSU demande quels sont les projets du Gouvernement pour tirer parti de l’essor économique récent du pays et créer de nouveaux emplois? Notant que l’industrie pétrochimique est un secteur en plein développement qui semble offrir des débouchés intéressants, il souhaite savoir si la main‑d’œuvre locale est suffisamment qualifiée pour être employée dans ce secteur. Dans la négative, a-t-on mis en place des programmes de formation et créé des écoles spécialisées? Se référant à la réponse écrite à la question no 16 de la liste des points à traiter (HR/CESCR/NONE/2002/2), M. Ceausu ne comprend pas pourquoi le Gouvernement ne parvient pas à faire appliquer dans le secteur privé la législation concernant la non-discrimination entre hommes et femmes en matière de rémunération. Quelles sont les difficultés rencontrées dans ce domaine? Au paragraphe 100 du rapport (E/1990/6/Add.30), il est indiqué que la loi sur la sécurité et la santé du travail a été adoptée en 1998 mais que le texte a été amendé et à nouveau soumis au Parlement. Pourrait-on savoir pourquoi? Le Parlement a-t-il adopté le nouveau texte?

53.En ce qui concerne les syndicats, l’une des conditions à remplir pour être officiellement reconnus et participer aux négociations collectives est de représenter plus de 50 % des travailleurs d’une entreprise. Faisant observer que dans de nombreux pays aucun syndicat ne pourrait satisfaire à cette condition, M. Ceausu demande si le Gouvernement trinidadien envisage de la supprimer.

54.M. WIMER ZAMBRANO dit qu’il n’y a aucune explication logique ou juridique à ce que la Trinité-et-Tobago ne considère pas comme travailleurs les personnes énumérées au paragraphe 132 du rapport (E/1990/6/Add.30). Est-il envisagé de modifier la législation en la matière? N’existe‑t‑il aucun mouvement de contestation de la part des individus concernés?

55.M. MARTYNOV demande si le Gouvernement entend intensifier ses efforts pour s’attaquer au problème du chômage des jeunes et développer les programmes de formation professionnelle à leur intention. S’agissant du travail des enfants, la Trinité‑et‑Tobago avait, en 1997, déclaré au Comité des droits de l’enfant qu’elle envisageait de ratifier la Convention n°138 de l’OIT sur l’âge minimum d’admission à l’emploi. Aujourd’hui, elle déclare la même chose devant le présent Comité. La délégation peut-elle fournir des précisions à ce sujet? Pour ce qui est des accidents du travail, l’OIT a indiqué dans plusieurs rapports que leur nombre avait tendance à augmenter. Or, il ressort des statistiques fournies au paragraphe 117 du rapport (E/1990/6/Add.30) que cela n’est pas le cas. Les statistiques du Ministère du travail sont-elles fiables? Ne sont-elles pas révélatrices de lacunes en matière d’inspection du travail? M. Martynov souhaite savoir si la Trinité-et-Tobago entend retirer les réserves qu’elle a émises au sujet de l’article 8 du Pacte. Par ailleurs, il demande pourquoi les conditions d’octroi de l’aide aux handicapés (parmi lesquelles, être âgé de 40 à 65 ans, avoir résidé sur le territoire de manière continue pendant 20 ans avant la présentation de la demande) sont si restrictives. Est-il prévu de les modifier?

56.Mme SIRJUSINGH (Trinité-et-Tobago) dit qu’au premier trimestre de 2002, le taux de chômage s’élevait à 11,2 %. Le Gouvernement trinidadien a pris un certain nombre de mesures pour réduire le chômage, qui sont présentées dans la réponse écrite à la question n° 12 de la liste des points à traiter (HR/CESCR/NONE/2002/2). La délégation ne dispose d’aucune statistique concernant l’emploi dans le secteur informel mais tentera d’en obtenir auprès du Ministère du travail. Selon Mme Sirjusingh, il n’existe aucun problème de travail forcé à la Trinité-et-Tobago, ce qui explique qu’aucune législation n’ait été adoptée dans ce domaine. Le seul problème qui se pose est celui de l’âge minimum d’admission à l’emploi. Il est en effet de 12 ans si l’enfant travaille dans l’entreprise familiale et de 14 à 16 ans pour les autres secteurs. Des consultations sont actuellement menées au niveau national pour relever à 16 ans l’âge minimum d’emploi dans tous les secteurs. Par ailleurs, la loi relative à la défense a été amendée pour relever l’âge minimum de l’enrôlement dans les forces armées et interdire l’enrôlement forcé. Comme indiqué au paragraphe 177 du rapport (E/1990/6/Add.30), la Loi sur l’enfance (chap. 46: 07) impose des restrictions très strictes au travail des enfants. Il faut en outre souligner que les enfants n’ont pas le droit d’être employés dans des établissements industriels.

57.S’agissant du salaire minimum, la Trinité-et-Tobago a indiqué dans sa réponse écrite à la question 15 (HR/CESCR/NONE/2002/2) qu’il était passé, après révision, à 8 dollars par heure afin de tenir compte de l’augmentation de la valeur du panier de la ménagère. Les syndicats font actuellement campagne pour qu’il passe à 10 dollars par heure mais les employeurs s’y opposent. En tout état de cause, la situation devrait évoluer prochainement dans ce domaine.

58.Pour ce qui est des inégalités de rémunération entre hommes et femmes, la Trinité‑et‑Tobago a ratifié la Convention n°100 de l’OIT concernant l’égalité de rémunération entre la main d’œuvre masculine et la main d’œuvre féminine pour un travail de valeur égale et s’emploie à faire appliquer autant que possible les dispositions de cette Convention. A cet effet, elle a élaboré, en 2000, un projet de loi sur les conditions de base en matière d’emploi, dont certaines dispositions relatives à la non-discrimination sur le lieu de travail sont citées dans la réponse écrite à la question n°16 (HR/CESCR/NONE/2002/2). En ce qui concerne les conditions que doivent remplir les syndicats pour être officiellement reconnus, Mme Sirjusingh ne pense pas que le Gouvernement envisage de modifier la législation en la matière, mais elle se propose de consulter le Ministère du travail pour obtenir de plus amples renseignements à ce sujet.

59.S’agissant de la violence familiale, la Gender Affairs Division (division chargée des questions d’équité entre les sexes) a réalisé une étude qui a révélé que les causes de ce phénomène étaient essentiellement culturelles. Sur la base de ce constat, le Gouvernement a adopté de nombreuses mesures pour combattre les stéréotypes généralement appliqués aux femmes, modifier les comportements des hommes et offrir une protection aux victimes de violence. Les mesures prises sont exposées en détail dans les réponses écrites aux questions n°s 10 et 23 de la liste des points à traiter (HR/CESCR/NONE/2002/2).

La séance est levée à 13 heures