NATIONS UNIES

E

Conseil économique et social

Distr.GÉNÉRALE

E/C.12/2005/SR.3817 novembre 2005

Original: FRANÇAIS

COMITÉ DES DROITS ÉCONOMIQUES, SOCIAUX ET CULTURELS

Trente‑cinquième session

COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA 38e SÉANCE

tenue au Palais des Nations, à Genève,le vendredi 11 novembre 2005, à 10 heures

Président:Mme BONOAN‑DANDAN

SOMMAIRE

EXAMEN DES RAPPORTS:

a)RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT AUX ARTICLES 16 ET 17 DU PACTE (suite)

Rapport initial de l’Ouzbékistan

La séance est ouverte à 10 h 5.

EXAMEN DES RAPPORTS: a) RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT AUX ARTICLES 16 ET 17 DU PACTE (point 6 de l’ordre du jour) (suite)

Rapport initial de l’Ouzbékistan [(E/1990/5/Add.63; document de base (HRI/CORE/1/Add.129); liste des points à traiter (E/C.12/9/UZB/1); réponses écrites du Gouvernement ouzbek à la liste des points à traiter (HR/CESCR/NONE/2005/12)].

1. Sur l’invitation de la Présidente, la délégation ouzbèke prend place à la table du Comité.

2.La PRÉSIDENTE souhaite la bienvenue à la délégation ouzbèke et l’invite à présenter le rapport initial de l’État partie.

3.M. SAIDOV (Ouzbékistan) rappelle que son pays a une culture multiséculaire de tolérance. Alors que coexistent plus de 100 nationalités et 14 religions, il n’y a pas eu depuis l’indépendance un seul conflit entre les différents groupes nationaux ou religieux. Malgré les difficultés liées à la période de transition et à la situation géopolitique de la région, la stabilité politique et les efforts déployés en faveur du développement économique ont créé des conditions propices à la réalisation des droits économiques, sociaux et culturels. Le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels a été ratifié le 31 août 1995. Le rapport initial a été élaboré conformément aux directives générales relatives à l’établissement des rapports et aux observations générales du Comité, et plus de 30 organisations publiques, scientifiques et non gouvernementales (ONG) ont été associées à sa préparation.

4.Le Gouvernement ouzbek est déterminé à s’acquitter de ses obligations au regard du Pacte et accorde à cet égard une grande importance à la coopération internationale. En 2004, il a adopté une nouvelle mouture de la loi sur le médiateur, qui élargit les compétences de celui‑ci. Conformément à la Déclaration et au Programme d’action de Vienne, plusieurs institutions nationales des droits de l’homme ont été mises en place, parmi lesquelles la Cour constitutionnelle et l’Observatoire parlementaire de la législation en vigueur. Dans le cadre de la Décennie des Nations Unies pour l’éducation dans le domaine des droits de l’homme, un système d’enseignement des droits de l’homme a été mis en place dans le pays et des cours sont dispensés dans les écoles et les universités, mais aussi aux membres des organes chargés de l’application des lois (juges, avocats, policiers et procureurs).

5.Toutefois, la réalisation des droits économiques, sociaux et culturels rencontre des difficultés compte tenu de la période de transition que traverse le pays et des réformes profondes qui sont menées. Dans ce contexte, les autorités s’efforcent de donner la priorité à la protection sociale de la population en ayant pour principes la conduite d’une politique sociale forte, la mise en place progressive des réformes et le refus de toute «thérapie de choc». Elles s’emploient à mieux sensibiliser la population aux droits économiques, sociaux et culturels. Un système de plaintes contre les actes illicites de fonctionnaires a été mis en place, qui vise entre autres à assurer la protection des droits économiques, sociaux et culturels. Par exemple, les citoyens peuvent déposer une requête devant le Médiateur pour violation de ces droits. Dans le domaine social, une attention particulière est accordée aux femmes et aux enfants. Les associations de femmes sont très nombreuses et très actives.

6.Les autorités reconnaissent l’importance des ONG à but non lucratif dans la défense des droits économiques, sociaux et culturels. Plus de 10 lois sur des institutions de la société civile ont été adoptées. Aujourd’hui, en Ouzbékistan, on compte plus de 5 000 ONG, dont la majorité sont actives dans les domaines de la santé, de l’éducation, de la défense des droits de l’homme et de l’aide aux groupes vulnérables de la population. Le rôle de contrôle social joué par les ONG à l’égard de la réalisation des droits économiques, sociaux et culturels est très important.

7.En ce qui concerne la protection judiciaire, les tribunaux sont compétents pour examiner les plaintes relatives aux violations des droits économiques, sociaux et culturels. Le Gouvernement ouzbek met tout en œuvre pour assurer la réalisation des dispositions du Pacte. Au plan législatif, afin de traduire les dispositions du Pacte dans la législation nationale, le Parlement a adopté plus de 100 lois. Les dispositions du Pacte priment sur l’ordre législatif national. En outre, plus de 10 programmes nationaux visant à favoriser la jouissance des droits économiques, sociaux et culturels ont été mis en place dans les années qui ont suivi la ratification du Pacte.

8.Dans le domaine institutionnel, la mise en œuvre des droits économiques, sociaux et culturels est assurée à la fois par des organismes publics et des organismes non gouvernementaux. Au sein de toutes les administrations, il existe des unités chargées de surveiller la réalisation de ces droits. Les résultats de ce suivi servent de base à la modification des textes normatifs en vue de leur amélioration. Les institutions de la société civile qui défendent la réalisation des droits économiques, sociaux et culturels sont très actives. Dans le domaine de l’information et de l’éducation, sept recueils, contenant plus de 100 documents internationaux relatifs aux droits de l’homme, ont été traduits en langue ouzbèke. Au niveau international, l’Ouzbékistan s’acquitte des obligations qui lui incombent au regard des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme et coopère activement avec les organes et institutions des Nations Unies.

9.Toutefois, note M. Saidov, malgré les efforts déployés par les autorités et les succès obtenus, des problèmes subsistent. Certaines difficultés sont liées à la transition d’un système d’administration centralisée et de planification économique à un système démocratique et d’économie de marché. D’autres s’expliquent par la situation géopolitique de l’Ouzbékistan, au cœur de l’Asie centrale. La mise en œuvre des droits économiques, sociaux et culturels est également entravée par le manque de ressources et le fait que les mentalités traditionnelles ont de la peine à évoluer. Enfin, la majorité de la population connaît mal ses droits, notamment à cause des changements rapides et profonds de la législation. Un des principaux problèmes a été celui de l’incorporation des normes internationales dans le droit et la pratique internes. Le Gouvernement ouzbek souhaite coopérer étroitement avec le Comité aux fins de l’application du Pacte et soutient la conception du Comité d’une mise en œuvre progressive des droits économiques, sociaux et culturels.

Articles 1 à 5 du Pacte

10.M. MALINVERNI, se référant à la réponse écrite du Gouvernement ouzbek à la question no 1 de la liste des points à traiter, note que le Président de la République de l’Ouzbékistan assure le respect des traités et des accords conclus par la République, alors qu’à son avis cette tâche incombe également à d’autres organes de l’État, et en particulier aux tribunaux. Il constate également que l’Ouzbékistan reconnaît la primauté des «normes universellement reconnues du droit international». Le concept de normes universellement reconnues étant imprécis, la question est de savoir si l’Ouzbékistan reconnaît la primauté du droit international en général. Par ailleurs, M. Malinverni estime que pour être pleinement indépendant du Gouvernement, le Centre national pour les droits de l’homme ne devrait pas dépendre de l’exécutif.

11.En ce qui concerne le principe de non‑discrimination, il semble que, s’il existe une loi en faveur des handicapés qui notamment accorde des subventions aux entreprises qui engagent des handicapés, dans la vie de tous les jours, ceux‑ci soient victimes de discrimination, notamment dans le domaine de l’emploi. Les enfants handicapés seraient placés dans des écoles spéciales alors que la tendance actuelle veut qu’ils suivent un enseignement dans les établissements ordinaires. Est‑il vrai que des enfants handicapés seraient devenus des enfants des rues?

12.L’Ouzbékistan a conservé la procédure de la «propiska», selon laquelle toute personne doit être enregistrée dans une commune, soit celle où elle est née, soit celle où elle est domiciliée. Cette institution n’a en soi rien de négatif, si ce n’est qu’en cas de déplacement des ressortissants ouzbeks dans une localité dans laquelle ils ne sont pas enregistrés, ils ne peuvent pas bénéficier d’un certain nombre des droits protégés par le Pacte, par exemple du droit de recevoir des soins médicaux, du droit à la sécurité sociale ou du droit au travail.

13.Enfin, est‑il exact que l’Ouzbékistan n’a pas de législation sur les réfugiés et les demandeurs d’asile et, dans l’affirmative, cela a‑t‑il pour conséquence que les demandeurs d’asile n’ont pas accès aux prestations sociales? Combien de réfugiés y a‑t‑il dans le pays?

14.M. RZEPLINSKI ajoute que la «propiska» incite à la corruption et porte atteinte aux droits des personnes de se déplacer librement dans le pays. En outre, il serait intéressant d’avoir des précisions sur le Plan d’action national en faveur des droits de l’homme, en particulier de savoir quand et par qui il a été adopté et s’il a été diffusé largement auprès du grand public. Dans quelle mesure les ONG ont‑elles contribué à son élaboration?

15.M. Rzeplinski aimerait avoir des renseignements sur les personnes qui sont membres du Centre national pour les droits de l’homme et savoir si certaines ont été révoquées. Le Centre est‑il doté de bureaux répartis dans l’ensemble du pays ou bien n’existe‑t‑il qu’un bureau central à Tachkent?

16.En ce qui concerne le Commissaire aux droits de l’homme ou Médiateur, les statistiques sur les requêtes présentées sont difficiles à comprendre: combien de requêtes concernent les droits économiques, sociaux et culturels? En outre, alors qu’en général le Médiateur est plus une autorité morale qu’un organe doté de pouvoirs d’exécution, il semble qu’en Ouzbékistan les recommandations émises par le Médiateur dans ses conclusions doivent être appliquées par l’organisation ou le fonctionnaire mis en cause. Serait‑il possible d’avoir des précisions sur les compétences du Médiateur et sur les requêtes qu’il a examinées?

17.Au sujet des ONG qui doivent être enregistrées auprès du Ministère de la justice, il semble que certaines associations, dont la Société des droits de l’homme de l’Ouzbékistan, doivent attendre plusieurs années avant d’être légalement enregistrées. Si tel était le cas, les difficultés que ces organisations rencontrent pour s’enregistrer porteraient atteinte à leur droit d’être reconnues comme des personnes morales.

18.M. Rzeplinski demande comment l’Ouzbékistan peut garantir l’indépendance des juges si le Président de la République a le pouvoir de les nommer ou de les révoquer comme bon lui semble. Il note avec préoccupation que les magistrats perçoivent des salaires très médiocres et inférieurs à ceux des membres des forces de l’ordre et doivent s’adresser aux autorités locales pour obtenir un logement de fonction, système qui favorise la corruption.

19.M. Rzeplinski voudrait des informations sur la discrimination dont les citoyens d’origine russe seraient victimes en matière d’accès à l’emploi dans la fonction publique et le système judiciaire. Il demande à la délégation ouzbèke des précisions au sujet des difficultés d’accès à l’éducation, à l’emploi et à la santé que rencontreraient ceux qui n’ont pas le statut de résident permanent. Par ailleurs, il s’inquiète du sort réservé à de nombreux écoliers des zones rurales qui, pendant près de quatre mois par an, doivent travailler à la récolte du coton et demande ce que les autorités entendent faire pour remédier à cette situation. Enfin, il souhaite savoir pourquoi le nombre d’enfants handicapés est si élevé en Ouzbékistan et pourquoi ils sont séparés des autres à l’école.

20.M. TEXIER s’étonne que, d’après les informations fournies par l’État partie, plus de 5 000 ONG, dont 500 étrangères, sont actives au niveau national alors que le Comité n’a reçu aucune information de l’une d’entre elles. Il se demande donc si les ONG sont vraiment indépendantes.

21.Par ailleurs, M. Texier souhaite savoir pourquoi l’Ouzbékistan n’a toujours pas ratifié plusieurs conventions importantes de l’OIT, comme la Convention no 138 concernant l’âge minimum d’admission à l’emploi, la Convention no 182 sur les pires formes de travail des enfants, la Convention no 2 sur le chômage, la Convention no 87 sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical et la Convention no 81 sur l’inspection du travail.

22.M. Texier souhaiterait avoir des informations précises au sujet du statut du Pacte et il voudrait par exemple savoir si un citoyen qui s’estime victime de violation de ses droits peut saisir les tribunaux en invoquant les dispositions du Pacte. Si tel est le cas, il souhaiterait des exemples de jurisprudence.

23.M. ATANGANA demande à la délégation ouzbèke comment l’indépendance du Médiateur est garantie. Il voudrait par ailleurs savoir si l’État partie a pris des mesures pour réduire la discrimination à l’égard des femmes et améliorer leur statut dans la société, sachant que la plupart d’entre elles sont reléguées à des tâches domestiques et à des travaux agricoles.

24.Mme BARAHONA RIERA dit que le passage à l’économie de marché et à une société apparemment plus libérale semble avoir eu pour effet de renforcer le système patriarcal, en particulier dans les campagnes, où il existe de nombreux problèmes de violence à l’égard des femmes, de polygamie et d’enlèvement des femmes pour les contraindre à se marier. Elle voudrait connaître le point de vue de la délégation ouzbèke à cet égard. Elle demande si le Code pénal réprime les actes de violence à l’égard des femmes, étant donné qu’il n’existe apparemment aucune loi concernant la violence conjugale. Par ailleurs, elle note dans la réponse du Gouvernement ouzbek à la question no 10 de la liste des points à traiter que le Président de la République a adopté en mai 2004 un décret visant à appuyer les activités du Comité des femmes d’Ouzbékistan. Elle demande en quoi consistent ces mesures d’appui et voudrait savoir si les femmes peuvent constituer librement des associations.

25.M. TIRADO MEJÍA dit que la Constitution ouzbèke établit expressément l’égalité entre hommes et femmes mais que la réalité semble différente sur le terrain. Pour se faire une idée précise de la situation des femmes, il demande des renseignements sur les disparités de salaire entre hommes et femmes et le nombre de femmes qui occupent des postes de responsabilités dans le secteur privé et public. Il note avec préoccupation que le nombre de femmes a diminué dans l’enseignement supérieur et souhaite savoir quelles sont les mesures prises ou envisagées par l’État pour remédier à cette situation.

26.Mme BRAS GOMES note que les bienfaits de la croissance économique ne sont pas équitablement répartis entre les différentes couches de la société et que les disparités de revenus augmentent dans le pays. Elle demande à l’État partie ce qu’il entend faire pour mieux intégrer les notions de solidarité et de développement social dans ses politiques économiques. Elle souhaite obtenir des renseignements plus précis sur la composition et les compétences du Comité des femmes d’Ouzbékistan. Elle note au paragraphe 114 du rapport initial que, selon l’État partie, le Comité aide à défendre efficacement les droits des femmes. Pourtant, il semblerait que beaucoup reste à faire en la matière. Elle demande quels sont les résultats des inspections de garderies, de maternités et de centres de détention auxquelles il est fait référence au paragraphe 115 du rapport. Enfin, elle lit au paragraphe 117 que les médias font une grande place aux problèmes des femmes mais s’inquiète de ce que les programmes télévisés renforcent les stéréotypes sur les femmes au lieu de contribuer à faire évoluer les mentalités.

27.M. SADI demande si le passage de l’économie planifiée à l’économie de marché a été favorable à l’exercice des droits économiques, sociaux et culturels en Ouzbékistan. D’une manière générale, il voudrait obtenir des informations plus concrètes sur la situation des droits de l’homme et l’application des dispositions du Pacte au niveau national. Enfin, il demande des renseignements sur la nature des plaintes dont est saisi le Médiateur.

28.M. KERDOUN s’interroge sur le degré d’autonomie dont bénéficie le Centre national pour les droits de l’homme et demande quels sont les liens entre celui‑ci et les ONG. Il souhaite savoir pourquoi les ONG sont agréées par le Ministère de la justice et non par le Ministère de l’intérieur comme dans la plupart des pays. Enfin, il demande quels sont les moyens dont disposent les autorités ouzbèkes pour faire évoluer les mentalités et instaurer une société plus moderne et égalitaire.

29.Mme GHOSE souhaite obtenir des précisions sur le statut juridique des ONG, dans la mesure où certaines semblent entretenir des liens très étroits avec les pouvoirs publics. Elle demande un complément d’information sur la composition du collège de qualification des juges et de la Haute Commission de qualification auxquels il est fait référence dans la réponse du Gouvernement ouzbek à la question no 6 de la liste des points à traiter. Elle s’étonne à cet égard que des représentants chargés de l’application de la loi soient membres de la Haute Commission. Elle note que les juges sont nommés par le Président de la République et demande si cela signifie que le Président se contente d’entériner les décisions des organes chargés de sélectionner les juges ou exerce un pouvoir décisionnaire.

30.Mme Ghose s’interroge sur les stéréotypes qui apparaissent dans le rapport initial de l’État partie et les réponses écrites du Gouvernement ouzbek à la liste des points à traiter quant au rôle des femmes dans la société. Elle demande si les femmes, lorsqu’elles veulent sortir de leur rôle familial traditionnel, ont aussi la possibilité de travailler dans le secteur public ou le secteur privé. Elle souhaite savoir si le Gouvernement mène des politiques spécifiques pour favoriser une prise de conscience par les hommes de l’égalité des femmes et promouvoir l’égalité des chances entre hommes et femmes. Elle souhaiterait également des précisions sur le plan d’action mis en œuvre pour améliorer la condition des femmes.

31.M. SAIDOV (Ouzbékistan) dit que les ONG sont un acteur à part entière de la société civile. Elles sont associées à la préparation des rapports officiels et présentent des rapports indépendants aux organes chargés de veiller à l’application des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme. Comme dans de nombreux pays, c’est le Ministère de la justice qui est habilité à homologuer les ONG, ce qu’il fait en application de la loi sur les organisations à but non lucratif et les partis politiques. Il est vrai qu’un certain nombre d’ONG de défense des droits de l’homme ne sont pas enregistrées, mais cela ne les empêche pas d’exercer leurs activités. Quant à la Société des droits de l’homme, le Ministère de la justice est prêt à l’homologuer, à condition qu’elle retire de ses statuts une disposition contraire à la Constitution dans laquelle elle s’arroge le droit d’initiative législative.

32.Concernant le statut du Pacte dans l’ordre juridique interne de l’Ouzbékistan, M. Saidov précise que la Constitution reconnaît la primauté des principes communément admis du droit international sur les lois nationales. Ainsi, toutes les lois qui traitent des droits économiques, sociaux et culturels comportent un article indiquant que les normes consacrées dans les traités internationaux prévalent en cas de contradiction avec la loi. Tout citoyen ouzbek a le droit de se référer au Pacte. Le Commissaire parlementaire aux droits de l’homme (Médiateur) peut également se référer à un article du Pacte, de même que les juges, en particulier ceux des juridictions supérieures. La Cour constitutionnelle a ainsi abrogé une disposition du Code civil qui interdisait de posséder deux maisons. Elle a de même aboli la pratique consacrée par le Code du travail qui imposait un âge minimum pour l’accession à certaines fonctions, en considérant qu’il s’agissait d’une discrimination fondée sur l’âge.

33.L’Observatoire parlementaire de la législation en vigueur a vérifié la concordance de la législation avec le Pacte lorsque celui‑ci a été ratifié. Pour ce qui est des projets de loi, le travail de concordance est effectué préalablement lors de l’élaboration du projet. L’Ouzbékistan reçoit l’aide de plusieurs organisations à titre bilatéral et multilatéral pour former les juges à l’application des instruments internationaux.

34.Concernant la nomination des juges, les membres de la Cour constitutionnelle, de la Cour suprême et de la Haute Cour économique sont élus par le Sénat sur proposition du Président de la République, les juges des juridictions inférieures étant quant à eux nommés par le Président. L’Ouzbékistan ne constitue pas une exception à cet égard. Les juges sont nommés pour cinq ans, durée qui n’est pas de nature à garantir pleinement l’indépendance de la justice, et on étudie actuellement la possibilité d’étendre le mandat des juges. S’agissant des garanties matérielles de la fonction de juge, les rémunérations sont il est vrai peu attrayantes. Cette situation est liée aux ressources économiques de l’État qui fait son possible pour y remédier.

35.Conformément à la Déclaration et au Programme d’action de Vienne, l’Ouzbékistan a adopté en 1997 un plan d’action national sur les droits de l’homme qui portait sur la période 1998‑1999. Plusieurs plans d’action ont été élaborés pour appliquer les recommandations des organismes des Nations Unies chargés de veiller à l’application des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme. Le plan d’action établi sur la base des recommandations du Comité des droits économiques, sociaux et culturels a été conçu avec le concours des ONG, des services de l’État compétents et de représentants du monde des affaires et de la société civile.

36.Le Médiateur, le Centre national pour les droits de l’homme et l’Observatoire parlementaire de la législation en vigueur ont été institués conformément aux Principes de Paris concernant le statut des institutions nationales. Le Médiateur, première institution de ce genre créée en Asie centrale, existe depuis 1995. Il coopère étroitement avec le Haut‑Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme et avec les institutions nationales de plusieurs pays. Son statut évolue actuellement vers une plus grande indépendance. Depuis 2005, le Médiateur n’est plus un parlementaire mais une personnalité nommée par les deux chambres du Parlement, l’objectif étant qu’il devienne à terme complètement indépendant. Ses avis ont le caractère de recommandations et ne sont pas obligatoires pour les organes de l’État auxquelles elles sont adressées lorsque des atteintes aux droits de l’homme sont commises.

37.L’examen des plaintes émanant de citoyens est normalement du ressort du Médiateur, mais un centre d’accueil social reçoit également ces plaintes afin d’améliorer l’accès des citoyens. Contrairement au Bureau du Médiateur, toutefois, ce centre n’a pas de représentation dans les régions.

38.M. OBIDOV (Ouzbékistan) dit que le Médiateur a publié un rapport sur l’action qu’il a menée au cours des cinq dernières années (2000‑2004). La hausse du nombre de plaintes portées à la connaissance du Médiateur au cours de la période considérée − près de 25 000 requêtes, contre moins de 10 000 au cours de la période précédente − témoigne en outre de la confiance que les citoyens accordent à cette institution. C’est sans aucun doute grâce aux divers moyens que cette dernière met à leur disposition pour se faire entendre − possibilité de contacter directement les services du Médiateur, d’adresser à ce dernier une requête écrite ou de bénéficier d’une consultation juridique par téléphone − qu’elle est aussi efficace.

39.L’une des principales fonctions du Médiateur est de faire le lien entre les plaignants et les organes judiciaires et, à cet égard, le Bureau du Médiateur a rédigé, sur la période considérée, 57 conclusions, dont 27 à l’intention de la Cour suprême et 15 à l’intention du Procureur général. Entre 2000 et 2004. l’institution du Médiateur a, grâce à ses représentants régionaux, été en mesure d’effectuer 273 visites sur le terrain, de se rendre dans des lieux de privation de liberté et de participer, en qualité d’observateur, à 175 procès concernant des affaires pénales et civiles.

40.Une grande partie des plaintes dont le Médiateur a été saisi au cours de cette période concernait les droits économiques, sociaux et culturels; 2 116 d’entre elles avaient trait à l’administration de la justice, dont 1 554 à une violation du droit du travail (licenciement abusif, décision arbitraire de la part d’un employeur ou encore arriérés de salaires). Par ailleurs, 206 plaintes dénonçaient le non‑paiement de prestations sociales telles que pensions de retraite ou d’invalidité ou la réduction injustifiée du montant de la pension des plaignants. D’autres encore concernaient certains aspects du droit au logement (services communaux, chauffage, eau chaude, rénovation de logements), la liberté de mouvement (autorisations de voyage, passeports, documents d’identité) ou encore l’éducation.

41.M. SAIDOV (Ouzbékistan) dit que le Centre national pour les droits de l’homme est un organe du pouvoir exécutif créé en 1996 par décret présidentiel et remplit quatre fonctions. Il coordonne les activités menées à l’initiative du pouvoir exécutif pour appliquer les traités internationaux souscrits par l’Ouzbékistan. Il est chargé ensuite de l’élaboration des rapports nationaux adressés aux instruments des Nations Unies relatifs aux droits de l’homme souscrits par l’Ouzbékistan. L’élaboration d’un rapport prend deux à trois ans et nécessite un grand travail de coordination dès lors que plus d’une trentaine d’organisations y participent. Le Centre mène également des activités d’information dans le domaine des droits de l’homme à l’intention de la population. L’enseignement des droits de l’homme dispensé depuis 1997 dans toutes les écoles et les universités est conçu à partir des programmes, documents, brochures et affiches élaborés par le Centre. Celui‑ci assure également la formation continue des fonctionnaires chargés de l’application des lois au sujet des droits de l’homme et des traités internationaux souscrits dans ce domaine par l’Ouzbékistan. Le Centre se charge enfin de publier les textes des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme; le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels a ainsi été publié à 20 000 exemplaires sous la forme de recueils, d’éditions à part et de deux brochures explicatives.

42.Le fait que le Centre national pour les droits de l’homme dépende du chef de l’État est naturel en période de transition, dans la mesure où c’est l’État qui est l’initiateur des réformes. Cela ne pose pas de problèmes étant donné que cette institution coopère avec des organisations internationales comme l’OSCE, l’Union européenne (UE) et l’Organisation des Nations Unies (ONU), la société civile et les ONG. La coopération des ONG avec le Centre est libre et n’est soumise en aucune manière à des instructions de la part des autorités.

43.Le Comité des femmes d’Ouzbékistan est une organisation semi‑gouvernementale qui dispose de pouvoirs très étendus, dont celui de prendre l’initiative de projets de loi. Il a d’ailleurs élaboré avec le Gouvernement un projet de loi sur l’égalité des chances. S’il a fait l’objet d’un décret présidentiel en 2004, c’est que l’État, observant une tendance nette à la bureaucratisation de ce comité, tenait à garantir son indépendance et, partant, l’efficacité de son action.

44.En vertu de la nouvelle loi électorale, les partis politiques sont tenus de présenter 30 % de candidates, ce qui a eu pour résultat de faire augmenter le nombre de femmes représentées au sein du Parlement. De fait, depuis les élections législatives de 2004, la Chambre basse compte 19 % de femmes et la Chambre haute 15 %. M. Saidov réfute l’affirmation selon laquelle celles‑ci se contenteraient d’approuver les décisions de leurs homologues masculins, affirmant qu’au contraire elles sont la plupart du temps beaucoup plus actives qu’eux.

45.La République d’Ouzbékistan n’a pas ratifié la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés, ni son Protocole additionnel de 1967 mais coopère étroitement avec le HCR, s’agissant notamment du retour des réfugiés tadjiks du nord de l’Afghanistan. Le Parlement ouzbek examine actuellement un projet de loi sur les réfugiés.

47.M. Saidov convient qu’au cours des cinq ans qui ont suivi l’effondrement de l’Union soviétique puis l’indépendance de l’Ouzbékistan, ce pays a connu une nette régression dans le domaine de la réalisation des droits économiques, sociaux et culturels. En revanche, une fois la stabilité macroéconomique rétablie, la croissance économique (6 %) a eu pour effet d’inverser cette tendance. Malgré cela, des problèmes demeurent, comme les inégalités de salaire.

47.M. Saidov réfute l’affirmation selon laquelle la population d’origine russe serait victime de discrimination, alléguant qu’au contraire le pays est un exemple de tolérance sur le plan linguistique et religieux. M. Saidov en veut pour preuve le fait que plus de 15 nationalités soient représentées au sein du Parlement et que l’éducation soit dispensée dans 15 langues.

Articles 6 à 10 du Pacte

48.M. RZEPLINSKI demande dans quelle mesure les syndicats sont indépendants de l’exécutif, et s’il existe des exemples de négociation collective entre syndicats et employeurs, et ce, tant dans le secteur privé que dans le secteur public.

49.M. Rzeplinski, notant qu’aucune femme ne peut obtenir le divorce sans l’accord préalable du makhallya, voudrait savoir s’il arrive que ces associations traditionnelles soient dirigées non pas par un homme mais par une femme, qui pourrait par exemple être la femme la plus âgée de la communauté. De plus, il serait intéressant de savoir quelle institution est habilitée à accorder le divorce aux femmes qui n’obtiennent pas l’aval du makhallya.

50.M. Rzeplinski voudrait connaître les mesures prises par le Gouvernement ouzbek pour prévenir la polygamie, tradition qui semble perdurer bien que le Code pénal l’interdise. Il souhaiterait aussi avoir un complément d’information au sujet de l’enlèvement de jeunes filles en vue de leur mariage forcé, dont le nombre de cas est manifestement plus élevé encore qu’à l’époque soviétique et constitue une atteinte grave aux droits fondamentaux de ces jeunes femmes.

51.M. MARTYNOV dit que s’il convient de se féliciter de l’existence d’une disposition dans le droit du travail prévoyant le versement de subventions aux entreprises employant plus de 50 % de personnes handicapées, il semble peu probable que les chefs d’entreprise disposés à employer autant de handicapés soient très nombreux, ce qui aura pour conséquence de confiner les handicapés dans des emplois non qualifiés. Aussi M. Martynov se demande‑t‑il si l’État partie n’envisage pas de remplacer cette disposition par un système de quotas qui obligerait les entreprises à employer un pourcentage donné de handicapés, faute de quoi elles s’exposeraient à une amende.

52.Mme BRAS GOMES estime que la réponse écrite du Gouvernement ouzbek à la question n°18 de la liste des points à traiter ne permet pas de comparer le niveau des pensions de retraite et l’allocation de chômage au salaire minimum obligatoire et demande si les montants de 6 530 soums pour le salaire minimum et de 12 920 soums pour le montant minimum de la pension de vieillesse, soit quasiment le double, sont représentatifs de la réalité.

53.Se référant à cette même réponse, Mme Bras Gomes souhaite savoir quelles sont les «primes [fixées] pour tous les types de pension en pourcentage du salaire minimum établi par les autorités le jour où la pension est accordée», et notamment si tous les retraités peuvent en bénéficier. Dans l’affirmative, elle aimerait connaître les raisons pour lesquelles ces primes ne sont pas systématiquement versées avec la pension et, dans la négative, les conditions requises pour en bénéficier. Elle voudrait également savoir ce que sont les «fonctions et indicateurs» donnant droit à une pension de vieillesse avant l’âge statutaire et, en particulier, qui est chargé de les évaluer.

54.Mme Bras Gomes demande si les personnes travaillant dans le secteur informel bénéficient d’un certain niveau de protection, en particulier les femmes enceintes et les mères d’enfants en bas âge. Elle se félicite de ce que la loi sur les pouvoirs locaux des citoyens (nouvelle version) ait confié aux makhallyas le soin de gérer l’octroi d’une aide sociale aux membres de la communauté mais se dit préoccupée par des informations selon lesquelles ces comités de quartier favoriseraient certaines familles et certaines ethnies au détriment d’autres. Aussi voudrait‑elle savoir si le Gouvernement ouzbek entend prendre des mesures pour garantir le traitement égalitaire de tous les citoyens et prévenir ainsi le favoritisme.

55.Mme GHOSE, se référant aux articles 108 et 109 du rapport initial de l’État partie, demande quel est le pourcentage de femmes dans les secteurs de la finance, du crédit et des assurances − dans lesquels le salaire mensuel moyen féminin est le plus élevé − et dans les secteurs financés par l’État − dans lesquels le niveau des traitements reste bas. Il serait intéressant de connaître le salaire mensuel moyen des hommes dans ces mêmes secteurs.

56.Lisant au paragraphe 110 du rapport initial que «les employeurs s’efforcent de recruter une main‑d’œuvre principalement masculine [...] dans la mesure où une femme revient plus cher à un employeur qu’un homme», Mme Bras Gomes se demande si l’État partie, manifestement conscient du problème, envisage de remédier à cette situation.

57.Enfin, se référant à la réponse écrite du Gouvernement ouzbek à la question n°15 de la liste des points à traiter, Mme Bras Gomes voudrait savoir si les différences de traitement liées aux caractéristiques propres à un type de travail ou au souci du Gouvernement de favoriser les personnes nécessitant une protection sociale plus élevée (les femmes, les mineurs, les personnes handicapées, etc.) − qui d’après le rapport initial «ne constituent pas une discrimination» − sont assimilables à des quotas.

La séance est levée à 13 heures.

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