Nations Unies

E/C.12/2009/SR.39

Conseil économique

et social

Distr. générale

8 septembre 2010

Français

Original: anglais

Comité des droits économiques, sociaux et culturels

Quarante-troisième session

Compte rendu analytique (partiel) * de la 39ème séance

Tenue au Palais Wilson à Genève, le lundi 9 novembre 2009 à 10 heures.

Président: M. Marchán Romero

Sommaire

Examen des rapports:

a)Rapports soumis par les Etats parties conformément aux articles 16 et 17 du Pacte (suite)

Deuxième rapport périodique de Madagascar

Le débat traité dans le présent compte rendu analytique débute à 10h 30.

Examen des rapports:

a)Rapports soumis par les Etats parties conformément aux articles 16 et 17 du Pacte (suite)

Deuxième rapport périodique de Madagascar (E/C.12/MDG/2; E/C.12/MDG/Q/2 et Add.1; HRI/CORE/1/Add.31/Rev.1)

1.Le Président déclare que bien que le Comité n’ignore rien des récents évènements survenus à Madagascar et de la situation politique du pays, il s’attache avant tout au degré de mise en œuvre des engagements nationaux au titre du Pacte. Il invite le chef de la délégation à présenter le deuxième rapport périodique de son pays (E/C.12/MDG/2).

2.Mme Razanamahasoa (Madagascar) signale qu’en 2003, son Gouvernement a créé un Comité interministériel chargé de rédiger les rapports relatifs aux droits de l’homme, afin de remédier à tout retard lors de la soumission des rapports établis au titre des instruments internationaux y afférents. Depuis lors, 15 rapports de ce type ont été soumis, dont trois ont déjà été examinés par les comités compétents. Le fait que Madagascar ait également signé le Protocole facultatif témoigne de sa volonté de renforcer la mise en oeuvre du Pacte.

3.L’inscription des droits économiques, sociaux et culturels dans la Constitution a une incidence sur la législation nationale fondée sur les principes de non-discrimination et d’égalité des genres. Par exemple, le Code du travail prévoit le principe du salaire égal pour un travail égal et en septembre 2003, la Cour suprême a cassé une décision de la Cour d’appel discriminatoire à l’égard d’une requérante, en raison de son âge et de son sexe. Bien que le Code du travail énonce également les moyens par lesquels les travailleurs peuvent exercer et mettre en œuvre les droits syndicaux, la culture syndicale n’est pas encore très développée, car les salariés craignent les représailles et les licenciements.

4.Les réformes apportées au droit de la famille ont amélioré l’égalité hommes-femmes. L’âge de la majorité est maintenant fixé à 18 ans pour les deux sexes et les épouses ont à présent un droit égal en matière d’administration des biens de la communauté.

5.S’agissant des violences familiales et des abus d’enfants, les peines applicables aux violences à l’encontre des femmes, dont celles commises sur des femmes enceintes, ont été renforcées. La traite des personnes et le tourisme sexuel sont érigés en infractions pénales et sévèrement punis. Depuis 2001, 63 réseaux supplémentaires de protection des droits de  l’enfant ont été créés en collaboration avec le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF), en vue de détecter les cas de violence, d’abus et de maltraitance à l’encontre d’enfants. Un centre d’analyse criminelle a été crée au sein de la Police nationale afin de collecter les informations relatives au trafic et à l’exploitation des enfants, et de saisir les autorités compétentes. En outre, le harcèlement sexuel est également pénalisé.

6.Madagascar a adopté une stratégie de lutte contre les coutumes néfastes incompatibles avec le Pacte. Le Gouvernement a fait procéder à une étude dans deux régions du pays, pour déterminer l’origine et l’importance de telles coutumes et leur incidence sur les femmes et les enfants jumeaux, et il a organisé des débats communautaires auxquels ont participé des chefs religieux, des chefs traditionnels et des autorités locales, conformément aux recommandations de l’étude. Une feuille de route a été établie en vue d’interdire le « moletry », coutume aux termes de laquelle les filles de moins de 18 ans sont soumises à des mariages forcés précoces.

7.Un financement mis en place dans tous les établissements publics de santé permet de couvrir les frais médicaux des membres les plus défavorisés de la population. Des campagnes d’élimination des parasites, de vaccination et d’apports de suppléments vitaminiques pour améliorer la santé maternelle et infantile ont lieu deux fois par an, en partenariat avec l’Organisation mondiale de la Santé, l’UNICEF, le Fonds des Nations Unies pour la population, et la Banque mondiale. De 1992 à 2003, les taux de mortalité infantile ont été réduits de 73 %.

8.Dans le domaine de l’éducation, les effectifs de l’enseignement primaire ont doublé suite à la mise en œuvre du programme « Education pour tous ». En matière de scolarisation, on n’enregistre pas de disparité significative entre garçons et filles. Des mesures d’allègement des charges parentales ont été adoptées pour encourager les parents à envoyer leurs enfants à l’école.

9.La politique culturelle nationale est fondée sur la valorisation et la protection de la diversité culturelle afin de promouvoir la culture de la tolérance et de renforcer l’unité nationale.

10.L’enseignement des droits de l’homme est intégré au programme à tous les niveaux du système éducatif. Une formation est également dispensée à l’intention des magistrats, des policiers, du personnel des services pénitentiaires et des organisations de la société civile dans diverses régions du pays

11.Madagascar s’est doté de mécanismes de recours non juridictionnels par l’institution du Conseil national des droits humains, conformément aux Principes de Paris et à la recommandation du Comité des droits de l’homme en 2007, et qui a compétence pour rechercher les violations individuelles ou collectives des droits de l’homme quel qu’ils soient. En outre, cinq « cliniques juridiques » locales, créées pour aider les personnes démunies à faire valoir leurs droits, sont chargées de résoudre les litiges communautaires par la voie de la conciliation et également de diffuser les droits de l’homme au niveau local. D’autres centres de consultation de ce type sont prévues.

12.Madagascar manque des ressources nécessaires pour mettre pleinement en pratique les droits visés dans le Pacte et compte sur l’aide de la communauté internationale pour y parvenir. En application de l’article 22 du Pacte, l’Etat partie souhaite bénéficier de l’appui technique et financier de la communauté internationale, dont celui du système des Nations Unies. Madagascar souhaite également renforcer la coopération avec l’Union Européenne, la Banque africaine de développement, l’Agence américaine pour le développement international et d’autres partenaires. L’aide à l’élaboration d’une politique agricole nationale qui améliorerait la production et contribuerait à l’obtention de la sécurité alimentaire, permettrait de lutter contre la pauvreté et d’améliorer le niveau de vie de la population rurale. Un renforcement de la coopération internationale en matière de développement permettrait à Madagascar de mieux concrétiser les droits inscrits dans le Pacte.

13.Le Président invite les membres du Comité à poser des questions eu égard aux articles 1er à 5 du Pacte.

14.M. Kerdoun, notant l’existence du Document d’orientation pour la réduction de la pauvreté, qui couvre la période 2003-2006 et aboutit à la Note d’orientation de la politique économique, demande si le niveau actuel de pauvreté a été évalué, et si l’Etat partie pourrait fournir des chiffres à cet égard. Il souhaite en outre savoir dans quelle mesure le Document d’orientation relatif à la réduction de la pauvreté a été concluant, si des statistiques pourraient être communiquées à cet égard, et quelles sont les ressources économiques, culturelles, politiques et environnementales disponibles pour lutter contre la pauvreté. M. Kerdoun demande si, pour contribuer à la réduire rapidement et durablement, l’Etat partie propose des mesures d’incitation aux partenaires internationaux, ou si ces derniers agissent pour de simples motifs philanthropiques.

15.S’agissant de la réponse écrite de l’Etat partie à la liste des points traités (E/C.12/MDG/Q/2/Add.1), et notamment à la question n°4, il demande qui est chargé de mener les études d’évaluation de l’incidence des négociations relatives à l’investissement et des accords sur l’exercice des droits économiques, sociaux et culturels. La prise en compte des intérêts de l’Etat sera garantie si le Gouvernement est responsable, mais si les études d’impact sont effectuées par l’entreprise elle-même, M. Kerdoun s’enquiert de la manière dont elles seront contrôlées pour garantir le respect des intérêts nationaux, car l’évaluation de l’entreprise sera inévitablement influencée par ses propres intérêts.

16.M. Pillay demande s’il est réaliste de la part de l’Etat partie de compter sur l’aide internationale pour mettre en pratique les droits économiques, sociaux et culturels, compte tenu du fait que le pays est tenu à l’écart par la communauté internationale, y compris par la Communauté de développement de l’Afrique australe, l’Union africaine et l’Organisation internationale de la francophonie; les accords Maputo sont tombés en désuétude et toutes les prévisions des institutions telles la Banque mondiale et le Fonds monétaire international indiquent que l’Etat partie se dirige en 2010 vers une grave récession et une crise financière, consécutives à l’impasse politique dans laquelle il se trouve. Relevant que dans ses réponses écrites à la question n°1 de la liste des points étudiés, Madagascar avait reconnu l’applicabilité directe du Pacte par la législation nationale, l’absence actuelle de jurisprudence sur la question, et la nécessite de former les membres du système judiciaire en vue de corriger la situation, M. Pillay demande si le public en général a connaissance de ses droits au titre du Pacte, et s’il existe un système pour aider les citoyens à faire valoir leurs droits devant les tribunaux. Reconnaissant que le Conseil national des droits humains se conforme aux Principes de Paris, il souhaite obtenir des détails quant aux cas qui lui ont été soumis eu égard aux droits économiques, sociaux et culturels, et quant aux décisions adoptées. Rappelant que selon un rapport de la Banque mondiale, les deux institutions les plus corrompues de l’Etat partie sont le Parlement et le pouvoir judiciaire, M. Pillay demande quelles sont les mesures prises pour s’attaquer au climat de corruption et d’impunité qui prévaut, y compris l’exposé détaillé des affaires portées devant le Haut Conseil contre la corruption, et de toutes éventuelles poursuites pénales ultérieures.

17.M. Zhan Daode souhaite obtenir la description d’un cas particulier afin d’illustrer la disposition législative opportune mentionnée au paragraphe 124 du rapport de l’Etat partie, aux termes de laquelle les fonctionnaires coupables d’une violation des droits civils se verront dépouillés de leurs propres droits civils. Il exhorte l’Etat partie à fournir des exemples dans son prochain rapport périodique, pour illustrer les incidences spécifiques des mesures adoptées par le Gouvernement, de manière à faciliter la tâche des membres du Comité.

18.M. Atangana, notant que l’Etat partie dans sa réponse écrite à la question n°1 de la liste des points relatifs à la nature justiciable et directement applicable du Pacte, avait spécifié l’absence de jurisprudence en la matière, attire l’attention, dans la réponse écrite à la question n°6 de la liste des points traités, sur une affaire dans laquelle un jugement fondé sur une convention collective discriminatoire a été cassé par la Cour Suprême. M. Atangana souhaite savoir la raison pour laquelle ce cas a dû être porté devant la Cour Suprême pour qu’elle statut en faveur de l’applicabilité directe des instruments internationaux, alors que la Constitution est claire à ce sujet. Il demande un exposé détaillé des mesures adoptées pour améliorer la connaissance des droits économiques, sociaux et culturels dans le public en général, et des résultats obtenus.

19.M. Kedzia, notant l’observation de l’Etat partie selon laquelle il n’existe pas de jurisprudence se référant expressément à l’application du Pacte, demande si une telle jurisprudence existe eu égard aux autres instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme ou à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, et si le Gouvernement a déjà tenté d’instaurer une coopération technique dans ce domaine avec le Haut-Commissariat des Nations Unies aux Droits de l’Homme. Relevant l’intention de l’Etat partie d’assurer une formation aux magistrats, tel qu’énoncé au paragraphe 3 de ses réponses écrites, M. Kedzia souhaite obtenir une explication sur la signification de l’observation formulée au paragraphe 14 des réponses écrites, selon laquelle le Gouvernement considérait comme prioritaires les mesures destinées à endiguer les fréquentes violations des instruments internationaux, et estimait que l’amélioration de la connaissance des droits économiques, sociaux et culturels viendrait “à un stade ultérieur”. M. Kedzia souhaite obtenir d’autres exemples de jurisprudence liée aux droits économiques, sociaux et culturels, outre celui fourni au paragraphe 19 des réponses écrites. Notant le caractère assez restreint de la réponse écrite à la question n°4 de la liste des points traités, puisqu’elle porte uniquement sur l’environnement et la création d’emplois, il souhaite obtenir davantage de précisions sur la manière dont des garanties ont été prévues dans le cas des autres droits, tel le droit à des conditions de travail justes et favorables et le droit de participer à des activités syndicales.

20.Faisant observer qu’il est étonnant que Madagascar n’ait jamais sollicité de procédures spéciales thématiques, et ne figure pas au nombre des 65 pays qui les ontouvertement sollicitées, étant donné ses difficultés et compte tenu du fait que beaucoup d’autres pays trouvent une telle coopération très utile, et notant la possibilité récemment examinée de convier le Rapporteur spécial sur le droit à la sécurité alimentaire, M. Kedzia s’enquiert de l’existence de plans éventuels destinés à solliciter, dans un avenir proche, le dit Rapporteur ou d’autres procédures spéciales thématiques. Il demande en outre si l’Etat partie a sollicité ou prévoit de solliciter l’agrément de son Conseil national des droits humains par le Comité de coordination internationale des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l’homme, notant que l’organe antérieur au Conseil avait été classifié dans la catégorie C ou “Non conforme aux Principes de Paris ».

21.M. Abdel-Moneim, rappelant la réserve de l’Etat partie eu égard à l’article 13, paragraphe 2 du Pacte, relatif à l’enseignement primaire, dans laquelle il relève également que l’Etat partie prévoie d’appliquer cette disposition le plus rapidement possible, demande si la réserve reste nécessaire compte tenu de l’amélioration de la croissance économique nationale, et de l’avis général selon lequel les réserves doivent rester minimales.

22.M. Tirado Mejía s’enquiert des mesures spécifiques adoptées pour lutter contre la discrimination à l’encontre des descendants d’esclaves qui perdure malgré l’abolition de l’esclavage dans l’Etat partie en 1896. Il relève que la législation sur la nationalité semble archaïque et confuse et génère des difficultés dans le cas d’enfants nés d’une mère malgache et d’un père étranger, comme dans d’autres secteurs de la population, notamment la communauté musulmane. M. Tirado Mejia note en outre que la législation relative à la nationalité se fonde uniquement sur le jus sanguinis et ne reconnaît pas le jus soli, ce qui signifie que les communautés présentes de longue date dans le pays ne peuvent en obtenir la nationalité. Il demande à l’Etat partie de confirmer les informations selon lesquelles 5 % des deux millions de musulmans ne peuvent obtenir la citoyenneté, et de fournir davantage de détails eu égard à la législation concernée. Le Comité recommandera en outre au Gouvernement de moderniser la dite législation qui semble arbitraire et contraire au Pacte.

23.S’agissant de la discrimination à l’encontre des femmes, M. Tirado Mejia demande quelles mesures l’Etat partie prévoit d’adopter pour corriger la situation s’agissant du droit d’héritage, compte tenu du fait que bien que la législation traite de manière égale les hommes et les femmes à cet égard, en pratique, notamment dans certaines communautés, les femmes sont privées de leur droit d’hériter de biens immobiliers et reçoivent leur héritage sous une autre forme. Notant que les hommes et les femmes sont, en cas d’adultère, passibles de peines identiques allant de trois mois à un an de prison, il recommande à l’Etat partie de dépénaliser l’adultère, compte tenu notamment de la situation carcérale très difficile à Madagascar.

24.Mme Bonoan-Dandan demande si l’Etat partie admet qu’un cours d’instruction civique, tel celui mentionné dans sa réponse écrite à la question n°5 relative à l’enseignement des droits de l’homme, n’est pas de manière spécifique un cours sur les droits de l’homme. Eu égard au paragraphe 14 des réponses écrites, elle observe que privilégier un ensemble de droits et en ignorer un autre jusqu’à un stade ultérieur, ne respecte pas la nature indivisible et interdépendante des droits de l’homme. Compte tenu du fait que les violations des droits civiques et politiques sont presque toujours associées aux violations des droits économiques, sociaux et culturels, Mme Bonoan-Dandan s’interroge sur la manière dont l’Etat partie relie les deux séries de droits, et souligne que la pleine mise en œuvre de l’une entraînera obligatoirement une meilleure connaissance de l’autre. Elle demande en outre de quelle manière le cours de formation destiné aux membres du pouvoir judiciaire mentionné dans le rapport pourra être profitable, avec une telle conception déformée de ce que sont les droits de l’homme dans leur globalité. Mme Bonoan-Dandan note le caractère partiel de la réponse écrite à la question n°8, car elle se rapporte uniquement à la réduction de la pauvreté, et non aux mesures visant à éliminer la discrimination à l’encontre des descendants d’esclaves. Elle souhaite obtenir une réponse directe à cette question.

25.S’agissant de l’article 3 du Pacte, Mme Bonoan-Dandan s’enquiert de la manière dont sera mis en oeuvre le Plan d’action national genre et développement, compte tenu du fait que l’Etat partie ne dispose pas d’une loi-cadre sur l’égalité des genres. Elle souhaite connaître la réaction des chefs traditionnels face aux campagnes de sensibilisation relatives aux droits d’héritage et aux autres aspects de l’égalité des genres.

26.M. Sadi félicite Madagascar d’être l’un des premiers signataires du Protocole facultatif au Pacte, et il demande quand l’Etat partie envisage de le ratifier. Il souhaite savoir s’il existe des obstacles particuliers à l’application du Pacte à Madagascar. Selon le paragraphe 3 des réponses écrites à la liste des questions du Comité, le Gouvernement prévoit de former les membres du système judiciaire à l’application du Pacte par les tribunaux. Toutefois, la seule intention de former les magistrats ne suffit pas et M. Sadi souhaite savoir quels sont les plans spécifiques en place pour assurer la mise en œuvre concrète de cette formation. S’agissant des autres formations proposées aux magistrats, les données portent sur la torture, la détention arbitraire et les violences à l’encontre des femmes et des enfants. M. Sadi souhaite connaître les mesures particulières adoptées pour élargir la formation et y inclure les droits inscrits dans le Pacte.

27.M. Sadi demande de quelle manière l’indépendance du Conseil national des droits humains pourra être garantie, alors que certains de ses membres appartiennent également au pouvoir exécutif. Il souhaite également savoir quelles sont les mesures adoptées pour protéger les nombreuses minorités ethniques, raciales et religieuses qui résident à Madagascar et quelle est l’action entreprise pour éliminer la discrimination dont elles font l’objet. Le Comité a appris que les populations d’origine indienne et pakistanaise subissent davantage de discrimination à Madagascar; M. Sadi aimerait donc savoir s’il existe à leur intention des mesures de protection spécifiques. Il conviendrait par ailleurs, de pallier à l’absence de législation nationale interdisant la discrimination à l’encontre des femmes.

28.Mme Brás Gomes demande de quelle manière s’exerce l’aide financière internationale, suite à la crainte, exprimée par les donateurs, que les fonds ne servent pas à faire évoluer les conditions de vie des membres les plus vulnérables de la population. Elle souhaite connaître les difficultés présentes lors de l’affectation des fonds d’aide, et les éventuelles mesures adoptées ou stratégies mises en place pour améliorer le fonctionnement des services publics. Le Plan d’action de Madagascar ne contient pas de cibles spécifiques en vue de réaliser les objectifs clés du développement, bien qu’il serve de fondement à la stratégie malgache de réduction de la pauvreté. Mme Bras Gomes demande donc si le Gouvernement envisage de le réviser pour y inclure des indicateurs ciblés destinés à améliorer l’affectation et l’utilisation de l’aide internationale.

29.S’agissant de l’accord agro-industriel conclu entre Madagascar et Daewoo Logistics, Mme Bras Gomes dit le Comité de plus en plus préoccupé par la confiscation des terres qui viole l’obligation nationale eu égard au droit à la sécurité alimentaire, tout en enfreignant les obligations extraterritoriales de l’autre partenaire contractuel. Elle souhaite savoir si l’annulation de ce contrat a été finalisée, et si tous les aspects de cette annulation ont été traités. Mme Bras Gomes s’enquiert en outre de l’éventuelle révision de la Loi 2007-036 en vue d’éviter le transfert de grandes surfaces foncières à des investisseurs étrangers, et de favoriser l’acquisition des droits de propriété aux agriculteurs malgaches. Elle s’enquiert aussi de l’existence d’un débat public sur l’investissement dans l’agriculture. Selon une enquête organisée par l’UNICEF en 2008, relative aux soins de santé maternelle et infantile, les femmes se voient rarement confier la responsabilité des décisions en cas d’hospitalisation des enfants, ou celle d’utiliser les ressources familiales pour les soins de santé de base et pour recourir aux services sociaux. Une telle situation est particulièrement regrettable car les femmes devraient être habilitées à prendre les décisions relatives à la famille. Mme Bras Gomes demande ce que le Gouvernement envisage pour corriger cet état de fait.

30.M. Schrijver, notant que plus de 70 % de la population malgache vit au-dessous du seuil de pauvreté, demande quels sont les obstacles spécifiques qui s’opposent à l’application des droits inscrits dans le Pacte. Il souhaite savoir à quel type d’aide internationale le Gouvernement a spécifiquement recouru pour mettre en oeuvre les droits inhérents au Pacte. Il demande si l’Etat partie envisage de ratifier le Protocole facultatif au Pacte et, dans l’affirmative, quels amendements concomitants à la législation nationale s’imposeront, et quelle sera l’incidence de l’entrée en vigueur du Protocole facultatif sur l’exercice des droits inhérents au Pacte à Madagascar.

31.Mme Barahona Riera (Rapporteuse de pays) demande quelles sont les mesures adoptées pour améliorer le système d’alerte aux catastrophes naturelles et la défense civile de la population, dont les cyclones et autres catastrophes naturelles aggravent la vulnérabilité, celle des femmes et des enfants en particulier, en violation des droits humains. Mme Barahona Riera souhaite connaître les progrès réalisés en matière d’anticipation des catastrophes naturelles. Elle demande en outre comment est assurée la transparence dans l’utilisation de l’aide internationale pour les secours suite aux catastrophes naturelles, et si de quelconques preuves permettent d’affirmer que ces fonds ne font pas l’objet de détournements ou de corruption. Bien que le Plan d’action de Madagascar pour 2007-2011 soit un plan d’ensemble, elle demande comment pourra-t-il être efficacement mis en oeuvre dans un climat d’instabilité politique.

32.En ce qui concerne la sécurité alimentaire, Mme Barahona Riera s’enquiert des progrès accomplis par le Gouvernement dans ses efforts pour doubler la production alimentaire de subsistance et mettre en pratique la politique de révolution verte. Qu’a-t-il fait pour garantir que la promotion de la production alimentaire et la révolution verte n’aillent pas à l’encontre des droits d’héritage des propriétés foncières? Elle souhaite savoir si le contrat accordant à Daewoo l’accès à plus d’un million d’hectares de terre a été révoqué, en application de la politique de la révolution verte. Mme Barahona Riera demande en outre si l’Etat partie prévoit d’amender sa législation pour y inclure les normes légales relatives à la non discrimination et à l’égalité des genres, et quelles sont les autres mesures éventuelles envisagées, telles la création d’un comité ou d’un service de coordination des genres.

La séance est suspendue à 12 heures et reprend à 12h 20.

33.M. Rakotoniaina (Madagascar) fait savoir que comme les engagements souscrits par Madagascar au titre du Pacte ont force obligatoire et pourront faire l’objet d’une application progressive, ils ne seront pas suspendus lors des périodes d’instabilité politique. L’Article 22 du Pacte invite la communauté internationale à aider les pays à mettre en oeuvre certains droits énoncés dans le Pacte. Pour être en mesure de remplir un certain nombre de ses obligations au titre du Pacte, Madagascar est tributaire de l’aide de plusieurs sources, notamment de celle des organisations onusiennes pour ce qui est de l’application des droits du Pacte relevant de leur domaine d’activité, telle l’Organisation internationale du travail, qui fournit son concours eu égard aux droits du travail et à la protection des travailleurs et des migrants. Le Fonds des Nations Unies pour l’Education, la Science et la Culture, l’UNICEF, le Programme des Nations Unies pour le développement et d’autres organes assurent une assistance ciblée similaire. Un soutien financier accru pourrait faciliter une application élargie des droits inhérents au Pacte, car l’aide au développement renforcerait l’efficacité de la lutte contre la pauvreté. Celle-ci constitue un obstacle majeur à l’exercice des droits inscrits dans le Pacte, en particulier ceux concernant les soins de santé et à l’éducation.

34.Suite aux questions relatives à l’absence de législation interdisant la discrimination fondée sur le genre, il souligne que Madagascar est partie presque à tous les instruments internationaux consacrés au droit à la non-discrimination et qu’aux termes de la Constitution malgache, la loi internationale prévaut sur la loi nationale. Tous les instruments internationaux auxquels Madagascar est partie peuvent donc être appliqués directement par les tribunaux. Le Plan d’action national genre et développement, mis en œuvre par décret, et fondement légal à son exécution, a été évalué et certains résultats ont été relevés. L’un de ses résultats positifs a été la modification de l’âge minimum de mariage qui est passé de 14 ans pour les femmes et 17 ans pour les hommes, à 18 ans pour les deux sexes. Le Plan a également permis de reconsidérer le rôle des femmes dans la famille, pour garantir aux hommes et aux femmes des responsabilités égales au sein du ménage et de la communauté.

35.Suite aux questions relatives à l’applicabilité directe et à la justiciabilité des droits économiques, sociaux et culturels, M. Rakotoniaina précise que la Constitution garantit l’applicabilité directe lorsque les dispositions du Pacte sont claires, mais que d’autres dispositions peuvent exiger des amendements à la législation et ne sont donc pas directement applicables. Par exemple, les dispositions impliquant le droit pénal ou des modifications statutaires, ne peuvent faire l’objet d’une applicabilité directe ; tel est le cas de l’élévation de l’âge minimum du mariage, de l’emploi ou du recrutement au service national.

36.Il reconnaît l’absence de jurisprudence relative aux dispositions du Pacte, qui s’explique par la diffusion insuffisante de celui-ci dans le public en général et chez les magistrats.

37.L’Etat partie a décidé d’accorder la priorité à certaines questions, plutôt que d’essayer d’assimiler les dispositions du Pacte dans leur globalité, de manière à s’attaquer aux problèmes omniprésents dans certaines régions du pays, et ayant trait aux nombreux actes de torture, de violence à l’encontre des femmes et des filles, et aux arrestations arbitraires fréquentes.

38.Afin d’améliorer la connaissance des droits de l’homme, une équipe est déjà en place pour mettre en oeuvre un programme de formation à l’intention des membres des services judiciaires et à la société civile. Le Gouvernement envisage en outre de diffuser une circulaire à tous les juges pour leur rappeler que d’une façon générale les droits de l’homme, y compris ceux inscrits dans le Pacte, pourront être invoqués devant les tribunaux.

39.S’agissant des inquiétudes évoquées quant à l’impact environnemental de l’exploitation minière et des activités d’exploration menées par les compagnies multinationales à Madagascar, M. Rakotoniaina signale que les négociations engagées avec Daewoo ayant trait à un contrat relatif à l’acquisition à grande échelle de terres, ont pris fin et qu’aucun contrat n’a été signé. En tout état de cause, pour se prémunir de tout effet potentiel négatif sur la vie de la population, l’Etat partie dispose d’une charte environnementale invoquée chaque fois qu’un projet majeur est controversé. Quant au contrat avec QIT Madagascar Minerals, M. Rakotoniaina précise qu’avant sa signature, le Bureau national de l’environnement a mené une étude d’impact environnemental et que des études de suivi régulières sont effectuées.

40.Pour répondre rapidement et efficacement aux catastrophes naturelles, un organe spécial a été créé pour travailler en coopération avec les partenaires locaux afin de gérer et de restreindre les risques en la matière, et de mettre en œuvre les mesures destinées à éviter les violations des droits de l’homme consécutives à ce type de catastrophe.

41.Pour ce qui est du nouveau Conseil des droits humains, il confirme le vote d’une loi en 2008, portant création du Conseil conformément aux Principes de Paris. En raison de la situation politique du pays, il n’est pas encore opérationnel et le recrutement de ses membres est actuellement en suspens. Il se composera de membres de l’Exécutif, mais également de la société civile, du Barreau, de l’Union nationale des journalistes et d’autres organes, ce qui signifie que l’Exécutif ne sera pas en position d’exercer une trop grande influence sur ses décisions.

42.M. Andriamaholy (Madagascar) déclare que la lutte contre la corruption est une priorité du Gouvernement et qu’un ensemble de dispositions a été mis en oeuvre pour s’attaquer au problème. La corruption étant étroitement liée à la pauvreté, une mesure a consisté à augmenter les salaires des fonctionnaires dans les secteurs clés de l’Etat, pour qu’ils bénéficient d’un niveau de vie décent. En outre, le Gouvernement a pris des dispositions pour éliminer le blanchiment d’argent et empêcher la fuite illégale des ressources financières du pays. Il a également mis en place des règlementations visant à imposer à tous les hauts fonctionnaires de divulguer leurs avoirs, et à demander aux banques de dévoiler les informations relatives aux comptes des fonctionnaires, de manière à surveiller étroitement tout mouvement de fonds suspect.

43.Quant à la non-discrimination, M. Andriamaholysignale la reconnaissance du principe d’égalité des genres dans la Constitution de Madagascar et qu’en conséquence, toute la législation parlementaire est contrôlée pour garantir qu’elle se conforme au principe en question.

44.M. Randrianandrasana (Madagascar), suite aux questions relatives à l’enseignement des droits de l’homme, signale que le Gouvernement a révisé les programmes scolaires pour y inclure l’enseignement des droits civiques et des valeurs morales. En outre, le Ministère de l’éducation a entrepris la mise en oeuvre d’un projet pluridimensionnel visant à promouvoir et à défendre les droits de l’homme dans les programmes des écoles primaires et secondaires, des établissements d’enseignement professionnel et des institutions de formation des enseignants. Des plans existent en vue d’étendre le projet au personnel enseignant actuel, aux journalistes, aux ONG et autres personnes physiques ou organes concernés de manière plus générale par les questions de droits humains. Une campagne d’information a été lancée à l’intention du public, et la législation indispensable a été traduite dans un malgache simple, usuel, pour en faciliter l’accès au public dans son ensemble. Le Ministère de l’éducation a également créé un organe novateur, appelé « Bureau pour l’instruction civique de la population », en vue d’assurer un enseignement sur les questions de citoyenneté, et de promouvoir les droits de l’homme.

45.M. Andriamaholy (Madagascar) signale que le taux de pauvreté est passé de 85 % en 2002 à 68,5 % en 2009, et que des progrès importants ont été réalisés en matière de santé, d’éducation et de droits des enfants.

46.M. Rakotoniaina (Madagascar), suite aux préoccupations exprimées quant à la nationalité des enfants issus de mariages mixtes, signale que Madagascar vient de ratifier la Convention sur la nationalité de la femme mariée, et qu’un projet de loi a déjà été élaboré sur l’abrogation de toutes les dispositions discriminatoires, en particulier pour ce qui est de l’octroi automatique de la nationalité à un enfant issu d’un mariage mixte. Dès la mise en place du nouveau Parlement, l’adoption de la législation anti-discriminatoire relative à la nationalité sera votée.

47.S’agissant de la crainte exprimée quant à la protection des droits des minorités ethniques à Madagascar, M. Rakotoniaina déclare que l’Etat partie se compose de plusieurs groupes ethniques et que sa Constitution reconnaît à tous les individus placés sous sa juridiction, des droits égaux et une protection, quelque soit leur origine ethnique. La question posée aurait été d’actualité il y a quelques décennies, quand les communautés pakistanaises ou indiennes du pays faisaient l’objet de certains comportements racistes ou discriminatoires, impliquant notamment des actes de pillage, mais de tels comportements n’ont plus court.

La séance est levée à 13 heures.