Conseil Économique

et Social

Distr.

GÉNÉRALE

E/C.12/2003/SR.41*

24 décembre 2003

Original: FRANÇAIS

COMITÉ DES DROITS ÉCONOMIQUES, SOCIAUX ET CULTURELS

Trente et unième session

COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA 41e SÉANCE

tenue au Palais Wilson, à Genève,le lundi 17 novembre 2003, à 15 heures

Président: Mme Bonoan‑Dandan

SOMMAIRE

EXAMEN DES RAPPORTS:

a)RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT AUX ARTICLES 16 ET 17 DU PACTE (suite)

Quatrième rapport périodique de la Fédération de Russie

La séance est ouverte à 15 heures.

EXAMEN DES RAPPORTS:

a)RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT AUX ARTICLES 16 ET 17 DU PACTE (point 6 de l’ordre du jour) (suite)

Quatrième rapport périodique de la Fédération de Russie ((E/C.12/4/Add.10; document de base HRI/CORE/1/Add.52/Rev.1); observations finales du Comité sur le troisième rapport périodique de la Fédération de Russie (E/C.12/1/Add.13); liste des points à traiter (E/C.12/Q/RUS/2); profil de pays (E/C.12/RUS/2); réponses écrites du Gouvernement russe à la liste des points à traiter (HR/CESCR/NONE/2003/5 et Add.1))

1. Sur l’invitation de la Présidente, la délégation russe prend place à la table du Comité.

2.La PRÉSIDENTE souhaite la bienvenue à la délégation russe et l’invite à présenter le quatrième rapport périodique de l’État partie.

3.M. POCHINOK (Fédération de Russie) dit que la situation en Fédération de Russie a beaucoup évolué depuis la présentation du troisième rapport périodique et que toutes les conditions sont désormais réunies pour garantir la réalisation des droits économiques, sociaux et culturels de tous les citoyens. Plus de 56 lois fédérales concernant notamment l’emploi, le salaire minimum, la sécurité sociale, les syndicats, l’éducation et la santé sont entrées en vigueur au cours de la période considérée et l’État partie a systématiquement veillé à intégrer les normes internationales applicables dans ce nouvel arsenal législatif. L’année 2002 a été marquée par l’adoption de deux instruments essentiels: la loi portant réforme du système de retraite et le nouveau Code du travail.

4.La croissance économique soutenue en Fédération de Russie a grandement contribué à améliorer les conditions de vie de la population et à apaiser les tensions sociales. Le produit intérieur brut (PIB) s’est accru de 10 % en 2000 et de 7 % durant le premier trimestre de 2003. Le salaire minimum est aujourd’hui 4,5 fois plus élevé qu’en 2000 et le pourcentage de chômeurs est passé de 12 % en 1999 à 7,9 % en août 2003. La bonne santé de l’économie a permis à l’État partie d’augmenter les pensions de retraite et les allocations sociales. Selon les estimations du Ministère du travail, le nombre de travailleurs à temps partiel et de travailleurs mis en congé administratif est en recul. Afin de remédier au manque de main‑d’œuvre qualifiée dans certaines régions, le Gouvernement envisage d’encourager l’immigration des travailleurs et de faciliter le processus de naturalisation. Il convient également de noter que le nombre de grèves a sensiblement diminué, passant de 7 285 en 1999 à seulement 80 en 2002. Ces bons résultats ne signifient évidemment pas que tous les problèmes socioéconomiques soient réglés. L’inflation demeure élevée (12 % par an), 25 % de la population continue de vivre en deçà du seuil de pauvreté et l’instabilité financière demeure préoccupante.

5.M. Pochinok dit que les inégalités entre hommes et femmes sont toujours importantes sur le marché du travail mais qu’une nouvelle loi va permettre de sanctionner les employeurs qui ne respectent pas le principe de parité en ce qui concerne l’accès au travail. D’une manière générale, les services de l’emploi s’efforcent d’appeler l’attention des employeurs sur les catégories de travailleurs (femmes, handicapés, etc.) qui ont des difficultés à trouver du travail dans certains secteurs.

6.Les problèmes financiers de l’État partie ne lui permettent pas de mettre en œuvre toutes les dispositions de la loi sur les personnes handicapées mais les fonds alloués à l’aide aux handicapés ont triplé ces trois dernières années. Les efforts portent surtout sur l’amélioration des conditions de vie des enfants handicapés. En 2002, 260 centres de rééducation et de réhabilitation ont ainsi accueilli 145 000 enfants. La Fédération de Russie a également intensifié son action en faveur des enfants des rues grâce notamment à la création de 1 220 institutions spécialisées qui ont pour objet de faciliter la réinsertion sociale des mineurs qui posent des problèmes. De cette manière, l’État partie a pu réduire de 25 % le nombre de délits commis par des mineurs.

7.En ce qui concerne le logement, les investissements de l’État partie ont considérablement augmenté et le nombre de familles dans l’attente d’un logement est passé de 9,45 millions en 1993 à 4,4 millions en 2003. En outre, la Fédération de Russie a créé 140 centres, dont 12 à Moscou, où les sans-abri peuvent être temporairement hébergés et soignés.

8.S’agissant de la santé, la Douma d’État a récemment adopté 40 lois fédérales et les entités constitutives de la Fédération en ont adopté 256. Les plus importantes ont trait à la prévention de la tuberculose, à la qualité et à la sécurité des aliments et à l’immunoprophylaxie des maladies infectieuses. M. Pochinok indique que les autorités sont parvenues à freiner la propagation de la tuberculose et accordent une attention particulière à la lutte contre le VIH/sida. En janvier 2003, on comptait 229 000 personnes séropositives et 804 malades du sida, parmi lesquels 191 enfants. En coopération avec l’OMS et le Programme commun des Nations Unies sur le VIH/sida, le Gouvernement a mis en œuvre un plan de prévention à l’intention des populations à risque, qui sont surtout des toxicomanes en ce qui concerne l’État partie, et des femmes enceintes qui peuvent effectuer gratuitement un test de dépistage du sida. Concernant le secteur de la santé en général, le Gouvernement s’emploie à mettre en place un système qui permettra à chaque individu de bénéficier de soins de santé primaires.

9.En ce qui concerne l’éducation, les principaux faits nouveaux concernent l’augmentation sensible du nombre d’étudiants dans l’enseignement supérieur et la refonte des programmes afin de mieux tenir compte des exigences du marché du travail. Le Ministère de l’éducation s’efforce également d’adapter le contenu des programmes aux enfants qui ont des difficultés ou des besoins particuliers.

10.M. Pochinok souligne que la Fédération de Russie attache beaucoup d’importance à la coopération avec les partenaires sociaux et les organisations non gouvernementales (ONG) dans tous les domaines. Les ONG sont invitées à participer à la mise en œuvre des programmes publics et à exercer des fonctions de contrôle.

11.Si la situation en Tchétchénie est loin d’être satisfaisante, elle s’est toutefois nettement améliorée dans la mesure où la charia était auparavant appliquée en Tchétchénie et que les femmes ne pouvaient y exercer aucun droit. L’État partie est parvenu à rétablir l’état de droit, à restaurer les services sociaux de base et à créer quelque 60 000 emplois. En 2002, il a également commencé à verser des indemnités de chômage, des pensions de retraite et des allocations familiales.

12.La Fédération de Russie n’a ménagé aucun effort pour mieux s’acquitter de ses obligations en vertu du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels. Sans idéaliser la situation dans le pays, on peut dire que des progrès notables ont été accomplis. La délégation russe attend avec beaucoup d’intérêt les observations et recommandations que formuleront les experts.

Articles 1er à 5

13.M. KERDOUN dit que la réponse donnée à la question no4 de la liste des points à traiter n’est pas suffisamment détaillée. En particulier, il faudrait préciser les moyens mis en œuvre par le Médiateur aux droits de l’homme pour protéger l’environnement, dans la mesure où cet aspect a des retombées sur le droit à l’alimentation et à l’eau. En outre, l’Etat partie signale que, dans les régions où l’institution n’existe pas encore, des commissions des droits de l’homme ont été créées. Il serait bon de savoir quelles sont les entités constitutives de la Fédération qui se sont prévalues des dispositions de la Loi constitutionnelle relative au Médiateur et celles qui ont créé des commissions des droits de l’homme.

14.M. CEAUSU constate que la Constitution de la Fédération de Russie proclame le principe de l’autodétermination des peuples alors que le rapport fait uniquement référence à l’autonomie culturelle des nationalités. Il demande comment le droit à l’autodétermination politique et économique des peuples, consacré à l’article premier du Pacte, est garanti et, en ce qui concerne l’autonomie culturelle, quelles sont les mesures concrètes et, en particulier, financières, en faveur des populations visées. Le droit à l’autodétermination incluant le droit de disposer des ressources et des richesses naturelles, dans quelle mesure les peuples autochtones bénéficient-ils des recettes générées par l’exploitation et l’exportation des ressources situées sur leur territoire?

15.Par ailleurs, M. Ceausu voudrait savoir comment la Fédération de Russie s’assure que la législation adoptée par les autorités locales n’entre pas en conflit avec les instruments internationaux qu’elle a ratifiés. Il demande si les autorités utilisent tous les moyens dont elles disposent pour combattre les violations des droits de l’homme. La Procurature en particulier, qui émet des notifications exigeant la cessation immédiate des violations constatées, dispose‑t‑elle de moyens plus contraignants de faire respecter les droits des citoyens? Comment l’État partie peut‑il invoquer la pénurie de fonds publics à tous les niveaux comme principale cause de violation des droits des personnes âgées et des personnes handicapées lorsqu’en 2002 notamment, le budget de l’État a enregistré un excédent de quelque huit milliards de dollars? Enfin, l’État partie signale que des poursuites ont été engagées par la Procurature générale contre les dirigeants du Fonds fédéral de l’assurance médicale obligatoire pour forfaiture et excès de pouvoir. Que font les autorités pour s’assurer que les fonds publics sont dépensés conformément à la loi et pour faire preuve d’une plus grande transparence dans ce domaine?

16.M. MALINVERNI, constatant que l’État partie a ratifié la Convention européenne des droits de l’homme, mais pas la Charte sociale européenne, demande si l’État partie accorde aux droits civils et politiques plus d’importance qu’aux droits économiques, sociaux et culturels. Il voudrait par ailleurs savoir quelles mesures prend le Gouvernement russe pour améliorer les conditions de vie de la population carcérale. Il s’inquiète des pratiques discriminatoires qui empêchent d’anciens citoyens soviétiques d’obtenir un permis de résidence permanente dans la Fédération de Russie, voire d’obtenir la citoyenneté russe, ainsi que du régime des passeports internes. Enfin, il demande de préciser la situation des personnes déplacées à l’intérieur du pays et, en particulier, des Tchétchènes.

17.M. TEXIER se dit déçu de ne pas trouver d’informations sur la Tchétchénie dans le quatrième rapport périodique. Il serait probablement souhaitable que l’État partie élabore un rapport écrit complet sur le sujet. M. Texier rappelle que la Tchétchénie a été en grande partie détruite par la guerre, que le taux de chômage y avoisine les 90 %, qu’une part importante de la population n’a pas accès aux soins de santé primaires ou à l’éducation et que le droit au logement y est gravement atteint - conséquence de la destruction de nombreux villages. Ainsi, le respect de l’ensemble des droits économiques, sociaux et culturels y est compromis. La Tchétchénie ayant le statut de république autonome de la Fédération de Russie, l’État partie a l’obligation de répondre de la situation de cette république, quelle que soit la méthode qu’il choisira pour le faire.

18.Mme IYER constate que l’État partie admet qu’il subsiste des cas de violation des droits des citoyens et qu’il existe un fossé entre les principes constitutionnels et la pratique. Elle demande si, pour remédier aux abus constatés, l’Etat partie envisage de prendre des mesures concrètes allant au‑delà d’une réforme des textes de loi.

19.Mme BRAS GOMES dit que le système d’enregistrement des citoyens n’est que trop souvent la cause d’une discrimination à l’encontre de minorités ethniques. Le défaut d’enregistrement conduit à l’absence de documents d’identité qui, à son tour, entrave l’exercice du droit au travail, à la santé, au logement et à l’éducation. Ces difficultés touchent notamment les anciens détenus, les personnes qui souhaitent modifier leur lieu d’enregistrement ou les citoyens ayant résidé au préalable en dehors du territoire de la Fédération de Russie. L’on constate une discrimination de fait touchant les citoyens de la Fédération de Russie qui ne sont pas enregistrés, et l’on peut prévoir une discrimination potentielle à l’égard des citoyens de l’ancienne Union soviétique qui ne se seront pas enregistrés d’ici à la date d’expiration des passeports de l’ex‑URSS – soit à fin 2003. Quelles mesures l’État partie prend‑il en la matière?

20.M. SADI déplore l’absence d’un responsable de la santé au sein de la délégation russe. Le statut du Pacte dans l’ordre juridique interne n’est pas clairement indiqué dans le rapport de l’État partie. M. Sadi voudrait savoir pourquoi les droits économiques, sociaux et culturels sont relégués au second rang. À propos du Haut‑Commissariat aux droits de l’homme, il demande à la délégation des exemples concrets de son action, ainsi que des informations à jour sur la mise en œuvre du Plan d’action sur les droits de l’homme.

21.En ce qui concerne la corruption et le crime organisé, M. Sadi voudrait savoir s’il est vrai que le problème a des ramifications trop importantes pour pouvoir être résolu. Rappelant les poursuites engagées à l’encontre de hauts responsables pour corruption, il demande s’il faut y voir le signe d’un changement de politique des autorités.

22.MmeBARAHONARIERA souhaite obtenir une définition du principe de non‑discrimination qui servirait de fondement pour l’action en justice, et voudrait savoir quelles mesures l’État partie a adoptées pour mettre à jour la législation pertinente. Elle demande comment les cas de violences dans la famille, de harcèlement sexuel ou de viol conjugal sont traités en droit pénal, ce que fait le Gouvernement russe pour promouvoir l’égalité des sexes, quel est l’organe d’État chargé de cette question et quelle en est la dotation budgétaire.

23.M. GRISSA constate l’absence d’un responsable de l’éducation au sein de la délégation russe. Il estime que le régime des passeports internes n’a pas sa raison d’être dans un pays démocratique et devrait être aboli. S’inquiétant de voir que l’État partie reconnaît que des violations des droits des citoyens subsistent et qu’un fossé existe entre les principes constitutionnels et la pratique, il demande comment, dans ces conditions, on peut s’assurer que les droits de l’homme sont respectés dans la Fédération de Russie.

24.M. RIEDEL signale que, dans ses réponses écrites à la question no 2 de la liste des points à traiter, l’État partie mentionne plusieurs décisions rendues par la Cour constitutionnelle, sans fournir toutefois de détails sur les résultats, les fondements des décisions ou les mesures prises par le pouvoir exécutif pour y donner suite. Il serait bon que la délégation russe fournisse rapidement ces informations au Comité. En particulier, M. Riedel voudrait connaître les mesures prises par la Cour constitutionnelle pour traiter la question des expulsions forcées et des sans‑abri.

25.M. POCHINOK (Fédération de Russie) répond que le Haut‑Commissariat aux droits de l’homme a pour objet de garantir le respect des droits et des libertés des citoyens. D’une part, celui‑ci surveille la situation des droits de l’homme et présente des rapports, auxquels les organes de l’exécutif sont tenus de donner suite. D’autre part, il s’occupe de cas concrets puisque, chaque année, il reçoit entre 15 000 et 20 000 plaintes de citoyens. Dans tous les cas, il donne des avis aux organes compétents afin qu’ils prennent les mesures voulues. Actuellement, l’on dénombre 24 hauts‑commissariats dans les entités constitutives de la Fédération de Russie; aucune plainte présentée n’a été rejetée.

26.Les autorités fédérales sont très attachées au respect des droits des populations qui vivent dans les différentes républiques et régions autonomes. Elles tiennent à ce que cette «autonomie culturelle» soit garantie même aux populations très peu nombreuses. La Douma compte un très grand nombre de représentants de ces communautés (il existe en Fédération de Russie plus de 140 nationalités) et des crédits fédéraux sont alloués à la promotion des diverses identités culturelles.

27.L’exploitation de ressources naturelles (pétrole, gaz) sur les territoires où vivent des populations autochtones est assortie de mécanismes de compensation: une partie des revenus tirés de l’exploitation est ensuite versée aux autorités locales qui prélèvent en outre un impôt direct.

28.Les conflits entre la législation fédérale et les lois régionales ont posé un tel problème dans les années 90 que le Président de la Fédération a demandé un inventaire détaillé de ces contradictions. Aujourd’hui, la plupart d’entre elles ont été résolues (dans la majorité des cas, les lois régionales ont été mises en conformité avec la législation fédérale et les instruments internationaux auxquels la Fédération est partie).

29.Il n’est pas possible d’utiliser l’excédent budgétaire pour remédier aux problèmes sociaux car cela risquerait de se traduire notamment par une hausse rapide de l’inflation. Il convient de noter qu’à l’heure actuelle, les dépenses sociales représentent déjà un cinquième du budget fédéral.

30.Le projet de programme de lutte contre la corruption prévoit une centaine de mesures différentes. Désormais, non seulement le détournement de fonds publics mais aussi le mauvais usage qui peut en être fait sont érigés en délits. Il est toutefois évident que c’est l’ensemble du système qui doit changer, c’est pourquoi une réforme complète de l’administration s’impose.

31.M. PARSHIKOV (Fédération de Russie) dit que le Gouvernement est, dans l’ensemble, favorable à l’idée d’un protocole facultatif se rapportant au Pacte, en vertu duquel le Comité serait habilité à examiner des plaintes de particuliers faisant état de violations des droits énoncés dans le Pacte. Il faudrait toutefois que les États qui adhèrent au protocole aient la possibilité de préciser les articles pour lesquels ils reconnaissent la compétence du Comité.

32.Au cours des trois derniers mois, des personnalités telles que le Représentant du Secrétaire général chargé de la question des personnes déplacées dans leur propre pays et l’Ambassadeur itinérant du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés se sont rendus sur le terrain. Bien que le caractère volontaire des déplacements qui ont lieu en Ingoushétie et enTchétchénie ait été mis en doute, ils n’ont constaté aucun cas de déplacement forcé. De fait, un certain nombre de camps sous tente en Ingoushétie où les conditions de vie n’étaient pas acceptables ont été fermés, ce qui a entraîné des mouvements de personnes, mais celles-ci ont toujours eu le choix et se sont même vu offrir des dédommagements et des aides au logement.

33.M. POCHINOK (Fédération de Russie) dit qu’il est effectivement regrettable que la Fédération de Russie n’ait pas encore ratifié la Charte sociale européenne, mais que le Gouvernement, souhaitant être certain de pouvoir tenir ses engagements, a préféré prendre le temps nécessaire pour examiner attentivement la compatibilité de la législation nationale avec les dispositions de cet instrument. Les travaux préparatoires en sont maintenant à leur phase finale et la ratification ne saurait tarder.

34.Des efforts ont été entrepris en vue d’améliorer les conditions de détention, dont la responsabilité a été transférée du Ministère de l’intérieur au Ministère de la justice. Le nombre de détenus a diminué de 300 000 au cours des années précédentes; désormais, nul ne peut être arrêté sans ordre du juge; l’espace minimum disponible pour chaque détenu a été porté à 4 m2; les cas d’alimentation insuffisante ou d’absence d’électricité ont totalement disparu. Des efforts supplémentaires sont prévus en ce qui concerne la rénovation des établissements et la modernisation des équipements. Il est à noter que les conditions de détention sont transparentes, puisque les organisations non gouvernementales, notamment, ont librement accès aux prisons.

35.Tous les citoyens de la Fédération de Russie ont le droit de résider où ils le souhaitent sur le territoire national, il n’existe aucune discrimination à cet égard. À Moscou même, des milliers d’appartements sont occupés par des personnes qui ne possèdent pas de papiers les autorisant à vivre à cet endroit. Pendant une dizaine d’années, aucun obstacle n’entravait l’entrée sur le territoire. Des centaines de milliers d’Azerbaïdjanais, par exemple, s’y sont installés sans avoir de passeport soviétique. C’est pourquoi une nouvelle loi sur les migrations a été adoptée, mais malgré cela, toute personne ayant un passeport soviétique peut obtenir la nationalité russe. Pour les autorités, le passeport n’est qu’une pièce d’identité, il n’induit aucune restriction quant à la possibilité de se déplacer et de travailler sur l’ensemble du territoire national.

36.En ce qui concerne la situation en Tchétchénie, il ne faut pas oublier que les Russes y ont ouvert 459 écoles, 19 centres de formation professionnelle et 2 universités. Il y a aussi 60 hôpitaux, 230 centres de soins et plus de 2 000 médecins et malgré les destructions liées au conflit, les services de santé fonctionnent. Il est d’ailleurs regrettable que si peu d’observateurs se soient déplacés à l’occasion des élections qui y ont eu lieu tout récemment, car la communauté internationale aurait ainsi pu constater la détermination de la Fédération de Russie à ramener la stabilité en Tchétchénie.

37.M. Pochinok dit que bien que la Constitution de la Fédération de Russie et le Code fédéral du travail interdisent la discrimination, la promulgation d’une loi définissant ce délit et les peines prévues serait souhaitable.

38.Dans le cadre du projet de loi établissant la stratégie de lutte contre la discrimination fondée sur le sexe, la Fédération de Russie a mis en place une commission interdépartementale qui coordonne tous les travaux des organes exécutifs et des ONG visant à supprimer tout obstacle à la réalisation des droits des femmes, et notamment de leur droit au travail. Elle s’est dotée d’une inspection du travail très efficace qui répertorie tous les cas de discrimination signalés dans le monde du travail, dont il faut dire qu’ils sont plus nombreux dans les entreprises privées que dans le secteur public. Elle procède actuellement à l’informatisation de cette base de données dans le but de se faire une idée plus précise de la situation à l’échelle de son territoire ainsi qu’à la réorganisation de ses organes de contrôle prévoyant notamment de confier aux ONG locales la responsabilité de vérifier la bonne application du droit du travail et la consignation des violations. Il convient de noter que toutes les procédures engagées pour discrimination ont abouti à la condamnation de l’employeur.

39.Certaines dispositions législatives accordent un traitement différent aux femmes sur le marché du travail en raison de leur statut ou de leurs capacités physiques, comme la possibilité pour les mères d’allaiter leur enfant ou une réglementation plus stricte du travail de nuit et des déplacements mais ces dispositions ne vont nullement à l’encontre du principe de l’égalité entre les hommes et les femmes.

40.M. Pochinok affirme que le système des passeports internes est maintenu non pas à des fins de contrôle mais d’identification, ce qui permet aux personnes enregistrées de bénéficier d’une couverture sociale et de cotiser pour leur retraite. Il ajoute que le fait que toute personne en possession d’un passeport soviétique peut obtenir la nationalité russe n’est en rien discriminatoire à l’égard de certains groupes ethniques. Si la Russie a instauré des cartes de migration, c’est pour que les personnes qui ne sont pas enregistrées puissent bénéficier de tous les droits sociaux découlant d’une activité professionnelle et non pas pour traquer les étrangers employés dans le secteur informel. La Russie n’est nullement opposée à l’idée d’accueillir des travailleurs étrangers sur son territoire, d’autant moins qu’elle souffre d’une pénurie de main‑d’œuvre. Elle a d’ailleurs engagé des pourparlers avec certains de ses voisins pour réglementer les conditions d’obtention des documents de séjour et de travail. Quant aux livrets de travail, qui consignent l’expérience professionnelle des employés, le Gouvernement ne voit aucune objection à ce qu’ils soient supprimés mais les employés eux-mêmes et les syndicats s’opposent à leur retrait.

41.M. Pochinok dit que la Fédération de Russie fournira ultérieurement un complément d’information sur toutes les questions relatives à la santé posées par les membres du Comité.

42.D’une manière générale, l’on peut dire que les coupes claires qui ont gravement grevé les budgets consacrés à l’action sociale sont dues non pas à la volonté du Gouvernement d’abandonner sa tradition sociale, mais à l’effondrement de l’économie russe dans les années 80 et de la terrible crise qui a frappé le pays en 1998. Toutefois l’heure est de nouveau à l’optimisme, comme le confirment différents indicateurs sociaux qui sont en nette progression dans la plupart des régions et ont parfois atteint des niveaux supérieurs à ceux de l’ère soviétique.

43.M. Pochinok rappelle que le Code pénal sanctionne très sévèrement les actes de violence conjugale, comme en témoigne l’abondante jurisprudence en la matière. Si le nombre d’affaires est très élevé, c’est que toute plainte adressée aux services compétents donne immédiatement lieu à l’ouverture d’une procédure judiciaire.

44.Il faut reconnaître que la Fédération de Russie souffre d’une pénurie de juges et de ressources qui explique la lenteur de la justice. Pour pallier cette situation, une réforme du système est en cours, qui prévoit d’accroître le budget de la justice, et se traduira notamment par une augmentation du traitement du personnel judiciaire.

45.Le Gouvernement fait tout ce qui est en son pouvoir pour diffuser le plus largement possible − publication au Journal officiel et publicité dans les médias − le texte des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme pour que les citoyens aient connaissance de leurs droits et entreprennent des démarches pour obtenir réparation s’ils s’estiment lésés. C’est sans doute ce qui explique que de plus en plus de travailleurs entreprennent des actions contre leur employeur sans avoir peur d’être licenciés ou font grève pour obtenir une augmentation de salaire, ce qui n’était pas envisageable il y a quelques années encore.

46.M. PARSHIKOV (Fédération de Russie) dit que les décisions de la Cour constitutionnelle ont un effet immédiat et sont irrévocables, ce qui garantit la stabilité législative de la Russie. En effet, le législateur doit veiller à ce qu’aucune loi adoptée ultérieurement ne soit contraire à l’esprit d’une décision de la Cour constitutionnelle.

47.Lorsqu’une décision porte sur le rétablissement de victimes dans leurs droits, elle peut avoir d’importantes répercussions financières pour l’État, comme cela a été le cas pour la catastrophe de Tchernobyl. En effet, 30 000 victimes ont dû être indemnisées pour les dommages qu’elles avaient subis suite à une décision de la Cour constitutionnelle justifiant le versement d’une compensation financière à une victime ayant engagé une procédure individuelle.

48.M. LUBLIN (Fédération de Russie) dit qu’en matière de logement, la procédure d’expulsion est très complexe et qu’elle va dans le sens de la protection des locataires plutôt que des propriétaires. Il préconise de prendre avec circonspection les statistiques présentées dans la presse russe s’agissant du nombre d’enfants sans abri. Ces derniers seraient, selon les statistiques officielles, au nombre de 130 000 sur l’ensemble du territoire de la Russie, contre un million annoncé dans les médias pour la seule ville de Moscou.

49.M. SADI se demande si la réticence de l’État partie à utiliser l’excédent budgétaire de peur d’accroître l’inflation ne traduit pas une préoccupation propre à l’économie de marché et si l’État partie ne devrait pas plutôt affecter ces fonds à des programmes sociaux ou à l’éducation, au logement ou à la santé, en vertu de quoi il s’acquitterait des obligations qui lui incombent en vertu du Pacte.

50.M. MALINVERNI voudrait savoir si l’État partie entend ratifier le Protocole additionnel à la Charte sociale européenne prévoyant un système de réclamations collectives et demande un complément d’information sur les actes de bizutage que les officiers de l’armée font subir aux nouvelles recrues à Saint‑Pétersbourg, et notamment sur les mesures prises pour éviter que ceux‑ci soient victimes de violences au sein de l’armée.

51.M. TEXIER demande à quel stade en est l’exécution du Plan de reconstruction en Tchétchénie annoncé en 2000 ainsi que celle du processus d’indemnisation des personnes dont le logement a été détruit. Enfin, il souhaite savoir si les mauvais traitements et les humiliations infligés aux postes de contrôle en Tchétchénie se font plus rares et insiste sur le fait que ces arrêts aux postes de contrôle constituent une atteinte grave à la liberté de mouvement dans l’État partie.

La séance est levée à 18 heures.

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