Cinquante-sixième session

Compte rendu analytique de la 52e séance

Tenue au Palais des Nations, à Genève, le lundi 21 septembre 2015, à 15 heures

Président (e):M. Sadi

Sommaire

Examen des rapports

a)Rapports soumis par les États parties en application des articles 16 et 17 du Pacte

Rapport initial du Burundi

La séance est ouverte à 15 heures.

Examen des rapports

a)Rapports soumis par les États parties en application des articles 16 et 17 du Pacte

Rapport initial du Burundi (E/C.12/BDI/1; E/C.12/BDI/Q/1; E/C.12/BDI/Q/1/Add.1)

Sur l’invitation du Président, la délégation burundaise prend place à la table du Comité.

M.  Nivyabandi (Burundi) dit que le Burundi s’est engagé à bâtir une société fondée sur l’égalité et l’équité, malgré les difficultés financières qu’il connaît. L’article 19 de la Constitution du 18 mars 2005 garantit les droits visés par plusieurs instruments régionaux et internationaux relatifs aux droits de l’homme. Bien que le Burundi ait ratifié le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels en 1990, la guerre civile dans laquelle le pays a sombré peu après en a empêché la mise en œuvre jusqu’en 2005.

La liberté d’établissement et d’investissement est garantie à toute personne physique ou morale souhaitant installer une entreprise au Burundi. Les cadres stratégiques de croissance et de lutte contre la pauvreté ont permis d’assurer une stabilité macroéconomique et l’accès aux services sociaux de base, notamment en matière de santé et d’éducation, ainsi qu’une croissance redistributive. En vue de favoriser l’autonomisation des femmes, la dimension du genre a été intégrée, notamment dans le cadre de l’octroi de microcrédits.

Le Burundi s’est doté d’une politique nationale de protection sociale, qui vise à étendre la protection sociale à l’ensemble de la population, ainsi que d’une politique nationale de l’emploi dont le but est de promouvoir des emplois décents pour tous, dans le respect du dialogue et de la justice sociaux. En outre, le Gouvernement a lancé un programme de villagisation permettant aux personnes vulnérables et aux sinistrés de guerre de bénéficier d’un logement décent grâce à la construction de villages ruraux intégrés.

Plusieurs programmes ont été mis en place pour les mères en couche et les enfants de moins de cinq ans. L’État prend en charge les antirétroviraux et a organisé le dépistage systématique des femmes enceintes afin de limiter la transmission du VIH de la mère à l’enfant. De nouvelles infrastructures médicales ont été construites et la mise en place de la couverture santé universelle en facilitera l’accès aux patients, au niveau financier.

En ce qui concerne l’éducation, plusieurs programmes ont été adoptés, notamment pour permettre la gratuité de l’éducation primaire, assurer l’alphabétisation des adultes et mettre en place une éducation ouverte à tous. Le nombre d’étudiants dans le supérieur a augmenté grâce à la création d’universités privées et à la délivrance de bourses d’études.

Le Gouvernement a également fait des droits des minorités une priorité. Grâce aux mesures de discrimination positive prises, les Batwas sont représentés à l’Assemblée nationale et au Sénat. En outre, la Journée internationale des peuples autochtones est célébrée chaque année au Burundi. Aucune restriction n’est imposée à l’exercice des droits culturels.

M.  de Schutter (Rapporteur pour le Burundi) rappelle que le Burundi est sorti affaibli d’une guerre civile extrêmement problématique pour l’exercice des droits économiques, sociaux et culturels, et pénalisante pour les secteurs vulnérables. Bien que le pays tente de se reconstruire, la situation reste fragile. Toutefois, les droits économiques, sociaux et culturels doivent occuper une place centrale dans la mise en œuvre de l’Accord de paix et de réconciliation d’Arusha pour le Burundi et la Constitution car leur application est essentielle pour la pacification des différents groupes du pays.

M. de Schutter demande à la délégation de donner des informations concrètes sur les conséquences des troubles survenus après que le Président de la République eut annoncé sa candidature à l’élection présidentielle pour les droits visés par le Pacte, notamment les droits à l’éducation, à l’alimentation et à la santé. Notant que l’indépendance du système judiciaire burundais est compromise par le fait que l’exécutif en nomme les membres et en fixe le budget, M. de Schutter demande si les juges sont formés aux droits économiques, sociaux et culturels. Il souhaiterait également connaître les mesures prises pour garantir l’indépendance de la Commission nationale indépendante des droits de l’homme, créée par la loi no 1-4 du 5 janvier 2011, ainsi que les compétences qui lui sont confiées. Il demande si le Burundi envisage de ratifier le Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels.

Articles 1er à 5 du Pacte

M me Bras Gomes, se référant au paragraphe 2 des réponses à la liste de points concernant le rapport, demande si le Burundi envisage de sensibiliser les ministères concernés aux droits économiques, sociaux et culturels, et d’associer la société civile à l’élaboration des rapports de l’État partie concernant la mise en œuvre du Pacte.

Elle demande si les fonds récupérés par les autorités dans le cadre de la lutte contre la corruption ont servi à améliorer l’exercice des droits économiques, sociaux et culturels, et si le Burundi envisage d’adopter une loi générale contre la discrimination. Elle souhaiterait savoir si les programmes de lutte contre la discrimination sont réellement efficaces, en particulier en ce qui concerne l’accès aux soins, et si le projet de loi sur les successions et les régimes matrimoniaux sera bientôt adopté en vue de combler le vide juridique en la matière qui dessert les femmes.

M. Kedzia, soulignant que les dispositions relatives aux droits économiques, sociaux et culturels dans la Constitution sont très générales, demande comment l’applicabilité du Pacte est possible en droit. Tout en saluant l’existence de l’article 52 de la Constitution, il insiste sur le fait que cela ne suffit pas pour permettre à un individu de faire valoir ses droits économiques, sociaux et culturels. Il demande à la délégation d’indiquer les mesures prises ou envisagées pour faire en sorte que les juges appliquent davantage le Pacte, de manière à étoffer la jurisprudence s’y référant, et à assurer ainsi une meilleure protection des droits économiques, sociaux et culturels.

Se référant au paragraphe 25 des réponses à la liste de points, M. Kedzia demande si les mesures prises par le Gouvernement pour protéger les droits économiques, sociaux et culturels des personnes atteintes d’albinisme sont efficaces et si le Gouvernement collabore en la matière avec les chefs et les structures traditionnels. En outre, il demande à la délégation de donner des informations détaillées sur l’éducation aux droits de l’homme dispensée dans le pays.

M .  Uprimny fait observer que, bien que le Pacte fasse partie de l’ordre juridique interne, les juges rendent parfois des décisions contraires aux principes qu’il consacre en se référant à d’autres sources de droit, comme le droit coutumier, pour ce qui est des droits des femmes en matière de succession notamment. Il aimerait donc savoir si le droit coutumier prime le droit positif en cas de conflit, et si les juges sont suffisamment indépendants pour rendre des décisions défavorables au Gouvernement sans avoir peur d’être limogés.

M. Uprimny voudrait en outre savoir si l’État partie envisage de revoir son système d’exonérations fiscales – qui, d’après des estimations, prive celui-ci de 3 % de son PIB – afin de disposer de davantage de ressources à allouer à ses politiques sociales et de ne plus être dépendant de l’aide étrangère à cet égard. Il aimerait en outre savoir s’il est exact que l’État partie a adopté en 2009 une loi qui interdit les relations sexuelles entre personnes du même sexe et prévoit l’exclusion scolaire des enfants lesbiens, gays, bisexuels et transgenres (LGBT).

M me Shin demande comment sont recrutés les membres de la Commission nationale indépendante des droits de la personne humaine, et s’il existe une procédure de recrutement transparente permettant aux organisations de la société civile de présenter des candidats. Elle souhaiterait savoir quel est le pourcentage de personnes handicapées dans l’État partie, si une loi interdit la discrimination à leur égard, si un système de quotas d’embauche a été instauré pour leur permettre de s’intégrer sur le marché de l’emploi et si un cadre juridique leur garantit l’égalité de droits.

Mme Shin demande si l’État partie envisage de prendre des mesures en faveur de l’égalité des hommes et des femmes en matière d’accès à la propriété foncière, pour que les 21 % des ménages ruraux dirigés par une femme ne soient pas privés de moyens de subsistance. La délégation pourrait indiquer si la politique nationale sur le genre est intégrée dans l’action de tous les ministères, et quels mécanismes ont été mis en place pour effectuer un suivi régulier de sa mise en œuvre, dans la capitale comme dans les zones rurales.

M. Pillay, relevant avec préoccupation que très peu de plaintes dénonçant des violations graves des droits de l’homme, comme des actes de torture ou des exécutions extrajudiciaires, donnent lieu à des poursuites et aboutissent à des condamnations, demande quelles mesures l’État partie entend prendre pour combattre l’impunité et faire en sorte que les auteurs présumés soient tenus de rendre des comptes dans le cadre d’enquêtes transparentes, et ce, quelle que soit leur affiliation politique. Il aimerait savoir si un cadre juridique de protection des défenseurs des droits de l’homme a été mis en place et si le projet de loi de 2013 portant sur la protection des défenseurs des droits de l’homme a été adopté.

M. Abdel-Moneim demande si les sanctions économiques imposées à l’État partie ont eu des effets préjudiciables sur la jouissance des droits économiques, sociaux et culturels dans le pays et si celui-ci a bénéficié du soutien de la communauté internationale pour les atténuer.

M. de S c hutter (Rapporteur pour le Burundi) demande ce que l’État partie compte faire pour garantir l’accès des Batwas à la terre, et quelles initiatives l’État partie a prises en application du Protocole IV aux Accords d’Arusha pour la paix et la réconciliation au Burundi concernant la reconstruction et le développement, notamment pour ce qui est de la réinstallation des réfugiés et des sinistrés.

À en juger par les conditions dans lesquelles certains propriétaires ont dû céder leurs terres à des réfugiés, la sécurité foncière n’est toujours pas garantie dans l’État partie, et un complément d’information sur le fonctionnement de la Commission nationale des terres et autres biens, décriée pour son manque d’indépendance et d’impartialité, serait le bienvenu. Il serait utile aussi d’en savoir plus sur le fonctionnement de la Cour spéciale des terres et autres biens, dont les décisions ne sont pas susceptibles d’appel, et sur les mesures que l’État partie entend prendre pour combattre le harcèlement dont sont victimes les membres d’organisations non gouvernementales (ONG) qui dénoncent la corruption, manifestement endémique dans le pays.

Le Président, prenant la parole en sa qualité de membre du Comité, demande si la discrimination à l’égard des femmes en matière de succession trouve ses racines dans la religion ou dans la tradition.

Articles 6 à 9

M me Bras Gomes demande quel serait le meilleur moyen, d’après le Gouvernement burundais, pour protéger les droits du travail des personnes employées dans l’économie informelle, et si l’État partie entend s’inspirer à cette fin de la recommandation no 204 de l’Organisation internationale du Travail (OIT) concernant la transition de l’économie informelle vers l’économie formelle. Elle demande aussi si, pour surmonter les obstacles au plein emploi décrits au paragraphe 106 du rapport, l’État partie a cherché à coopérer avec le Marché commun de l’Afrique de l’Est et de l’Afrique australe, la Communauté de l’Afrique de l’Est et la Communauté économique des États pour l’Afrique des Grands Lacs. Elle souhaiterait en outre savoir quelles mesures celui-ci a prises pour supprimer les inégalités entre les hommes et les femmes en termes de répartition des biens successoraux et faire en sorte que les femmes puissent elles aussi contrôler les moyens de production. Elle demande si les Batwas sont soumis au travail forcé.

Mme Bras Gomes aimerait en savoir plus sur les attributions et les programmes de l’Institut national de sécurité sociale ainsi que sur la protection du droit à la sécurité sociale. Elle demande si l’État partie envisage d’instaurer un socle de protection sociale et a connaissance à cet égard de la recommandation no 202 de l’OIT sur les socles de protection sociale.

M. Ribeiro Le ão  demande si tous les instruments énumérés au paragraphe 79 du rapport peuvent être invoqués directement devant les tribunaux.

M. Kedzia  demande à la délégation de compléter à l’oral les réponses trop succinctes que l’État partie a fournies par écrit aux questions no 15 et no 16 de la liste de points.

M. Martynov  demande si l’État partie a adopté des mesures fiscales ou autres pour inciter, voire obliger, les employeurs de l’économie formelle, du secteur privé comme du secteur public, à embaucher des personnes handicapées, s’il a instauré un système de collecte de données sur les enfants handicapés, s’il s’est employé à mieux adapter les programmes de formation professionnelle aux besoins du marché et si les mesures décrites aux paragraphes 101 à 105 du rapport ont donné de bons résultats. M. Martynov aimerait connaître le nombre d’élèves actuellement inscrits dans les centres d’enseignement des métiers (CEM) et savoir s’il existe un système de collecte de données relatives à l’emploi. Il demande en outre si l’Inspection générale du travail est dotée de suffisamment de ressources humaines et financières pour mener à bien sa mission, et si la Commission nationale de protection sociale a vocation à mieux défendre les droits des travailleurs indépendants et des personnes employées dans le secteur informel.

M. de S c hutter  (Rapporteur pour le Burundi)demande s’il est exact que, faute de moyens, l’Inspection du travail a des difficultés à mener à bien sa mission première d’inspection, et quelles mesures l’État partie envisage de prendre pour combattre la ségrégation professionnelle. Jugeant que les conditions prévues à l’article 275 du Code du travail pour pouvoir être élu en tant que représentant syndical (ne pas avoir été condamné au pénal et avoir travaillé au cours de la dernière année) portent atteinte à la liberté syndicale, il aimerait connaître l’avis de la délégation sur ce point. Il voudrait en outre savoir si l’État partie envisage de réviser son Code du travail à la lumière de l’article 8 du Pacte et de la Convention no 87 de l’OIT sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical et de rendre ainsi moins restrictifs les critères régissant le droit de grève.

La séance est suspendue à 16 h 25; elle est reprise à 16 h 50.

M. Nivyabandi  (Burundi) dit que, depuis qu’il a recouvré la paix en 2005, le Burundi a beaucoup avancé en matière de promotion des droits économiques, sociaux et culturels. L’économie a repris, notamment grâce aux investissements, qui pour 70 % provenaient de ressortissants burundais vivant à l’étranger. Les manifestations qui ont éclaté en avril 2015 ont paralysé l’activité économique et sociale à Bujumbura : les écoles et les entreprises ont fermé, les administrations et les secours ont fonctionné au ralenti et il y a eu de réels problèmes d’approvisionnement en nourriture. La police a dû intervenir pour débloquer la situation. Le manque à gagner qui en a résulté a été considérable.

Le Pacte peut être invoqué directement devant les tribunaux en ce qu’il fait partie intégrante du droit interne. En cas de litige du travail, toute personne estimant avoir été lésée peut saisir le tribunal du commerce, et a accès à toute une série de recours, pouvant aller jusqu’à la Cour suprême.

Pour garantir l’indépendance de la magistrature, il a été décidé, lors des états généraux qui ont été convoqués sur cette question, que les magistrats des juridictions supérieures seraient sélectionnés sur concours et que le Président de la Cour suprême serait élu par ses pairs.

La Commission nationale indépendante des droits de la personne humaine a été mise en place pour faire de la protection des droits de l’homme une réalité dans le pays. Les commissaires sont recrutés dans le cadre d’une procédure ouverte à tous reposant sur un avis officiel publié dans les journaux, et les candidatures sont examinées par une commission ad hoc composée de membres de l’Assemblée nationale et du Sénat avant d’être soumises pour examen en séance plénière. La Commission nationale jouit d’une réelle indépendance et collabore avec le Gouvernement, à qui elle adresse des recommandations. Elle peut se rendre librement dans les administrations pour enquêter.

L’adhésion au Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels est actuellement examinée par des experts.

Les séances de formation et les séminaires portant sur les droits économiques, sociaux et culturels sont ouverts à tous les représentants de la société civile et des ministères compétents ainsi qu’aux citoyens intéressés. De nombreuses ONG œuvrent sur le terrain à faire mieux connaître ses droits à la population. La lutte contre la corruption relève de la Brigade spéciale anticorruption, qui dispose d’informateurs sur tout le territoire. Le Procureur général de la Brigade anticorruption examine les affaires avant de les transmettre à la Cour anticorruption. Depuis la mise en place du dispositif anticorruption, les sommes soustraites dans de nombreux dossiers de détournement de fonds ont été restituées par les auteurs des malversations. Toutes les données sur la situation financière du pays et les sommes restituées au Trésor dans le cadre de la lutte anticorruption sont consignées dans un rapport accessible à tous.

Les Batwas vivent sur les mêmes collines que les autres groupes de population qui composent le pays et ne sont pas victimes de discrimination. Ayant toujours tiré leur revenu de la poterie, ils sont devenus particulièrement vulnérables dès lors que les ustensiles en métal se sont imposés. Le Gouvernement a donc prévu de leur distribuer des terres pour qu’ils puissent pratiquer la culture et changer ainsi de moyen de subsistance. La Constitution prévoit que les Batwas doivent avoir trois représentants au Sénat ainsi qu’à l’Assemblée nationale. Le Gouvernement distribue des fournitures scolaires à tous les enfants d’école primaire, y compris aux Batwas. Les membres de cette communauté se voient également attribuer la carte d’assurance maladie distribuée aux populations les plus vulnérables et sont encouragés à déclarer leur enfant à l’état civil afin que celui-ci puisse avoir accès gratuitement aux soins de santé et à l’enseignement primaire.

Les questions relatives aux régimes matrimoniaux et à la succession sont très sensibles au Burundi, qui est un pays de très petite taille où les litiges sont très fréquemment liés à la terre. Dans les années 1980, le Gouvernement a encouragé les Burundais à s’établir dans des provinces peu peuplées situées dans le nord-est du pays, notamment les provinces de Kirundo et de Muyinga, qui sont désormais saturées.

Les personnes atteintes d’albinisme jouissent des mêmes avantages et du même niveau de protection que les autres catégories de population en situation de vulnérabilité. Après plusieurs séries d’enlèvements d’albinos burundais revendus dans les pays voisins pour leurs soi-disant « pouvoirs magiques », affaires qui avaient fortement ému et choqué la société burundaise, le Gouvernement a décidé de s’attaquer au problème notamment en donnant mandat à l’Association Albinos sans frontière de mener des actions de sensibilisation sur la situation des albinos et en lui fournissant des subventions annuelles pour pourvoir à leurs besoins essentiels. En concertation avec cette association, les autorités ont décidé de regrouper les populations menacées dans ces centres établis dans l’est du pays, où elles sont logées et nourries. Grâce à cette politique, le Burundi n’a eu à déplorer qu’un seul cas de fillette albinos attaquée au cours des trois années antérieures.

S’agissant des ressources allouées à la mise en œuvre du Pacte, il convient de se souvenir que même après son indépendance, en 1962, le Burundi a été fortement marqué par la corruption au plus haut sommet de l’État, un legs du colonialisme qui a paralysé pendant de longues années les efforts déployés par le Gouvernement démocratique pour sortir le pays de la pauvreté et renouer avec la croissance. Les phases de violence cycliques et la guerre civile qui a duré plus de quinze ans ont ruiné le pays et absorbé toutes les ressources dont il disposait.

Face à une productivité au plus bas, le Gouvernement a pris des mesures de relance de l’économie dans lesquelles le secteur privé joue un rôle moteur. Les modifications apportées au Code des investissements afin d’accélérer la création de petites et moyennes entreprises ont eu une incidence très positive sur le climat des affaires et la création d’emplois. Pour remédier à l’inadéquation chronique entre formation et emploi, imputable à un système éducatif hérité de la colonisation qui a longtemps privilégié la formation de généralistes et non de créateurs d’emploi, le Gouvernement a décidé de réformer l’école fondamentale afin que des cours d’entreprenariat soient dispensés aux élèves dans des disciplines ayant davantage de débouchés concrets. L’Université du Burundi vient également d’ouvrir les portes de l’École polytechnique.

Le droit à la liberté syndicale est reconnu par la Constitution et le Code du travail burundais mais les partenaires sociaux et le patronat du Burundi s’accordent à privilégier le dialogue social afin d’éviter le recours à la grève. Des mécanismes de dialogue auxquels participent les représentants des travailleurs ont été établis dans quasiment toutes les entreprises, y compris dans les entreprises publiques. Le Code de la magistrature, qui fonctionnait selon un modèle hérité de la colonisation en vertu duquel les juges et les magistrats étaient nommés par le Ministre de la justice, a par ailleurs été modifié. Aujourd’hui, les juges et les magistrats sont recrutés par concours et nommés par une Commission indépendante. Ils sont aussi inamovibles.

M.Nivyabandi indique que le Burundi ne dispose pas de loi spécifique relative au handicap mais que la question du handicap est prise en compte de façon transversale dans tous les programmes et projets relatifs aux droits de l’homme. Il fait valoir que la société burundaise devra évoluer pour mieux accepter les homosexuels, bisexuels, transgenres et intersexués (LGTBI), même s’il n’existe à sa connaissance aucun cas de personne emprisonnée ou qui ait été victime de ségrégation ou de discrimination en raison de ses pratiques sexuelles.

M me  Nkerabirori (Burundi) explique que c’est parce que les exécutions extrajudiciaires constituent un délit de droit commun au Burundi qu’elles ne sont pas réprimées par le Code pénal.

M. Nivyabandi (Burundi) indique que le Gouvernement a pris des mesures énergiques pour lutter contre la corruption mais que ce phénomène est devenu endémique pendant la guerre civile. Les habitudes prises pendant cette période sont difficiles à éradiquer. En concertation avec la société civile, plusieurs institutions ont été mises en place afin de lutter contre ce fléau, comme la Brigade anticorruption et la Cour anticorruption créées en application de deux lois adoptées en 2006. Plusieurs dirigeants d’entreprises publiques, cadres et agents de l’État ont été sanctionnés par révocation, emprisonnement, suspension temporaire et amendes, pour corruption ou malversations économiques.

La Commission vérité et réconciliation est un mécanisme qui a été institué dans le cadre de l’Accord d’Arusha pour la paix et la réconciliation au Burundi afin, notamment, de rétablir les réfugiés dans leurs droits. Après la guerre civile, quelque 700 000 Burundais ont quitté les camps où ils avaient trouvé refuge et sont rentrés au pays. Nombreux sont ceux dont les terres avaient entre-temps été attribuées à d’autres personnes. Beaucoup de cas de cette nature ont été réglés à l’amiable, notamment grâce à l’intercession de la Commission, qui a effectué un travail louable de réconciliation entre les ethnies en privilégiant les droits des rapatriés et de ceux qui avaient obtenu des terres de la part de l’État.

Le Président invite la délégation burundaise, vu l’heure tardive, à répondre aux autres questions des membres du Comité à la séance suivante.

La séance est levée à 18 heures.