NATIONS

UNIES

E

Conseil économique

et social

Distr.GÉNÉRALE

E/C.12/2004/SR.4424 janvier 2005

Original: FRANÇAIS

COMITÉ DES DROITS ÉCONOMIQUES, SOCIAUX ET CULTURELS

Trente‑troisième session

COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA 44e SÉANCE

tenue au Palais Wilson, à Genève,le jeudi 18 novembre 2004, à 10 heures

Président: Mme BONOAN‑DANDAN

SOMMAIRE

EXAMEN DES RAPPORTS:

a)rapports présentés par les États partiesconformément aux articles 16 et 17 du pacte (suite)

Troisième rapport périodique du Chili

La séance est ouverte à 10 h 10.

EXAMEN DES RAPPORTS:

a)RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT AUX ARTICLES 16 ET 17 DU PACTE (point 6 de l’ordre du jour)

Troisième rapport périodique du Chili [E/1994/104/Add.26; document de base (HRI/CORE/1/Add.103); liste des points à traiter (E/C.12/Q/CHL/1); réponses écrites du Gouvernement chilien à la liste des points à traiter (HR/CESCR/NONE/2004/5)]

1. Sur l’invitation de la Présidente, la délégation chilienne prend place à la table du Comité.

2.La PRÉSIDENTE souhaite la bienvenue à la délégation chilienne et l’invite à présenter le troisième rapport périodique de l’État partie.

3.M. MARTABIT (Chili) dit que le Gouvernement chilien attache la plus haute importance à la coopération avec les mécanismes internationaux de promotion et de protection des droits de l’homme, dans lesquels le Comité des droits économiques, sociaux et culturels joue un rôle fondamental.

4.Mme PROVOSTE (Chili) dit que les changements politiques réalisés par la coalition gouvernementale «Concertation de partis pour la démocratie» au cours des 14 dernières années ont visé à combiner croissance économique et justice sociale. Le rétablissement de la démocratie après 17 années de dictature militaire a bénéficié avant tout aux groupes de la société qui étaient marginalisés et victimes de discrimination. En effet, sur le plan social, les gouvernements successifs de la Concertation ont mené une politique d’investissement qui privilégie le développement du capital humain au détriment de l’assistance. L’augmentation des dépenses sociales s’est ainsi accompagnée d’une réorientation des politiques et programmes en faveur des plus pauvres et des groupes vulnérables, avec pour principes fondamentaux l’équité, la solidarité et l’efficacité. Les services sociaux de base (éducation, santé, logement et protection sociale) ont été améliorés et étendus à l’ensemble de la population. Parallèlement, l’accent a été mis sur la nécessité d’une gestion financière saine.

5.Dans le même temps, les gouvernements successifs de la Concertation ont œuvré sans relâche pour rétablir la vérité et la justice en faisant toute la lumière sur les graves violations des droits de l’homme commises entre le 11 septembre 1973 et le 10 mars 1990. Ils ont préconisé le pluralisme et la tolérance, la responsabilisation et la non-violence, et ont encouragé le système éducatif, les médias, les communautés et les organisations locales à mieux faire connaître et comprendre les questions en rapport avec l’intégration sociale. Depuis 1990, la politique adoptée par le Chili vise à atteindre progressivement la pleine réalisation des droits économiques, sociaux, culturels, civils et politiques de tous les citoyens.

6.Le développement économique national s’est accompagné d’une intégration croissante à l’économie mondiale. Le taux de croissance pour 2004 devrait avoisiner les 5 %. Cette expansion, conjuguée aux choix effectués en matière de politique fiscale, à l’établissement de mécanismes anticycliques visant à stabiliser l’économie, et à la redéfinition des priorités budgétaires, a permis de dégager des ressources pour financer la politique sociale. Ainsi, durant la période allant de 1990 à 2003, les dépenses sociales ont augmenté à un taux réel annuel moyen de 5,6 %, ce qui correspond à un doublement de leur montant en chiffres absolus. En ont particulièrement bénéficié l’éducation, la santé et les programmes en faveur des groupes les plus vulnérables.

7.Grâce à l’accord conclu le 9 novembre 2004 entre le Gouvernement et l’opposition, le Sénat a renvoyé à la Chambre des députés les réformes constitutionnelles de transition, qui marquent la fin des institutions héritées de la Constitution de 1980, à savoir l’inamovibilité des commandants en chef des forces armées, la présence de sénateurs désignés à vie, et la domination du Conseil de sécurité nationale par les chefs militaires. Par contre, les sénateurs de l’opposition ont empêché le remplacement du système électoral binominal par un système proportionnel qui aurait permis d’assurer une représentation populaire adéquate.

8.En août 2003, le Président du Chili, M. Lagos, a lancé le programme «Pas d’avenir sans passé», qui vise à rechercher des solutions globales à divers problèmes relatifs aux droits de l’homme. C’est dans ce contexte qu’a été créée la Commission nationale chargée de la question des prisonniers politiques et de la torture. En novembre 2004, le Président de la Commission, M. Sergio Valech, a remis au Président de la République un rapport rendant compte des travaux réalisés par cette instance, qui contient les témoignages d’environ 35 000 victimes assortis de propositions de réparation. Des mesures concrètes seront annoncées en décembre 2004.

9.Créé en 1991, le Service national de la femme oriente son action dans le cadre du Plan pour l’égalité des chances, lui-même fondé sur une approche participative. Chargé de réaliser des études et de proposer des mesures juridiques, administratives et sociales, il a permis d’instaurer des mécanismes d’action positive et de mettre en place des programmes et services adaptés aux besoins spécifiques des femmes, axés sur leur autonomie économique, la promotion de leurs droits et de leur participation, et la recherche d’un équilibre entre vie familiale et vie professionnelle. Avec le Conseil des ministres pour l’égalité des chances, il dispose d’un instrument lui permettant d’intégrer concrètement la question de la parité hommes‑femmes dans les politiques publiques.

10.En matière de politique autochtone, une étape essentielle a été la création, en 1990, de la Commission spéciale des populations autochtones (CEPI), chargée d’élaborer un projet de loi et un programme d’action visant à répondre aux besoins les plus urgents de ces populations. Ses travaux ont abouti à l’adoption, en 1993, de la loi sur les populations autochtones, et à la création de l’Office national de développement autochtone (CONADI). C’est alors qu’a véritablement débuté le processus de restitution de terres autochtones. Créée en mai 2000 à l’initiative du Gouvernement, la Commission Vérité historique et nouveau mode de traitement des populations autochtones est chargée d’aider le Président de la République à mieux connaître la vision qu’ont ces populations de l’histoire et de la formation du pays, et d’élaborer des recommandations en vue d’améliorer les relations entre l’État chilien, les populations autochtones et la société chilienne dans son ensemble. Le programme de développement des communautés autochtones pour 2004−2010 comprend trois volets: droits, développement et identité et adaptation de l’État à la diversité culturelle. Il est prévu de créer un sous-secrétariat aux affaires autochtones en vue de mieux coordonner les actions publiques en faveur de ces communautés.

11.Une série d’initiatives ont été prises dans le domaine de l’emploi: augmentation du salaire minimum, réduction de la journée de travail, extension de l’assurance chômage, amélioration du système de prévoyance, et réforme du droit du travail. S’y ajoutent des efforts considérables en matière de formation professionnelle. Le Chili a par ailleurs ratifié les Conventions de l’Organisation internationale du Travail (OIT) no 87 (sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical), no 98 (sur le droit d’organisation et de négociation collective) et no 111 (concernant la discrimination en matière d’emploi et de profession).

12.Dans le cadre de la protection de la famille, de la mère et de l’enfant, une série de lois ont été adoptées, en particulier la loi sur la filiation de 1998, qui a instauré l’égalité de statut pour tous les enfants, filles ou garçons, nés dans le mariage ou hors du mariage, la loi sur l’adoption de 1999, qui reprend les principes énoncés dans la Convention relative aux droits de l’enfant, et, en janvier 2004, la loi sur l’exploitation sexuelle des enfants à des fins commerciales. Le Code du travail a été modifié en vue d’interdire toute discrimination à l’égard des mères qui travaillent en matière de promotion, de mobilité ou de formation. En application de la loi portant création des tribunaux chargés des affaires familiales, adoptée très récemment, 258 juges spécialisés dans les questions de mariage, d’adoption, de garde des enfants, de violence familiale, etc., commenceront à travailler dans 60 tribunaux dès octobre 2005. Ces mesures législatives sont complétées par des programmes tels que le Plan d’action intégré en faveur des enfants et des adolescents.

13.Les politiques économiques et sociales appliquées au cours des 10 dernières années ont permis de réduire considérablement les taux de pauvreté (de 38,6 % en 1990 à 18,8 % en 2003) et d’extrême pauvreté (de 12,9 % à 4,7 %). L’écart entre les revenus des 20 % les plus riches et des 20 % les plus pauvres a été réduit de moitié. Cette amélioration s’étant notablement ralentie à la fin des années 90, un système coordonné de protection sociale a été instauré en faveur des familles pauvres du pays. Le système de protection sociale «Chili solidaire» a été adopté en avril 2004. Il s’agit avant tout de renforcer et d’intégrer le réseau social public et privé existant aux niveaux national, régional et local.

14.Le droit à l’éducation constitue l’une des priorités de la politique sociale du Chili, et c’est la raison pour laquelle a été lancée en 1996 la réforme de l’éducation, qui a instauré la journée d’école complète, a fixé à 12 ans la durée de la scolarité obligatoire, et a prévu le recours accru aux technologies de l’information dans le système scolaire. Les dépenses allouées à l’éducation ont augmenté de 221 % entre 1990 et 2002, ce qui a permis d’enregistrer d’importants progrès dans ce domaine en matière d’accès, de qualité et d’équité notamment, et ce, à tous les niveaux d’enseignement. Dans le même temps, les taux de redoublement et d’abandon scolaire ont chuté. La durée moyenne de la scolarité de la population chilienne est quant à elle passée de 9 ans à 10,1 ans entre 1990 et 2003, et les écarts observés entre les différents groupes socio‑économiques et régions du pays en la matière se sont réduits.

15.L’amélioration des services de santé a elle aussi été l’un des objectifs majeurs de la politique sociale. Le secteur de la santé a connu de profonds changements, tant pour ce qui est de l’affiliation aux systèmes de prévoyance sociale existants que de l’étendue de la prise en charge des maladies et des programmes de prévention spécifiques. Le pays s’est en effet doté d’un système de santé élargi et d’un réseau de soins de santé primaires desservant l’ensemble du territoire, y compris les zones les plus reculées. Il en a résulté une amélioration de la qualité de vie de la population en général et des plus démunis en particulier, comme en attestent les indicateurs sanitaires, avec notamment une baisse de la mortalité infantile néonatale, de la mortalité fœtale tardive et du taux de malnutrition (notamment chez les enfants de moins de 6 ans) et une hausse de l’espérance de vie.

16.La première phase de la réforme de la santé repose principalement sur la mise en œuvre du plan AUGE (Aceso universal de garantias explicitas), qui bénéficie à tous les Chiliens, indépendamment de leur âge, de leur sexe, de leur situation économique, de leur lieu de résidence ou du système d’assurance santé auquel ils sont affiliés. Ce plan prévoit actuellement la prise en charge de 56 pathologies, qui sont responsables de 70 % du taux de morbidité national, et devrait être étendu à un plus grand nombre de maladies par la suite.

17.Dans le domaine de la santé publique, le Gouvernement chilien s’est donné pour objectif de lutter contre les effets du vieillissement de la population et de la vie moderne que sont notamment l’obésité, l’hypertension et les risques cardiovasculaires, et a introduit des réglementations visant à décourager le tabagisme et à promouvoir l’activité physique et une alimentation saine. Enfin, le Gouvernement chilien espère que sera adoptée la loi relative aux institutions de santé prévisionnelle qui réglementera les régimes privés d’assurance maladie et visera à améliorer la gestion des hôpitaux publics.

18.La situation du logement s’est beaucoup améliorée dans le pays, grâce notamment à la construction de 100 000 logements par an en moyenne au cours des 10 dernières années, à la révision des normes de construction et d’habitabilité, et à la volonté du Gouvernement de résoudre le problème de la ségrégation dans les villes. Le Programme Chile Barrio relatif à l’habitat précaire a notamment pour objectif d’améliorer la qualité de vie des personnes vivant dans des logements précaires et de leur donner la possibilité de se réinsérer dans la société et le monde du travail. Le Gouvernement réforme également les politiques de la ville, y compris celles qui ont trait aux transports publics, aux équipements et aux infrastructures.

19.Depuis l’avènement de la démocratie en 1990, le respect des droits culturels a progressé. Les ressources allouées à la culture ont beaucoup augmenté, passant de 13 millions de dollars en 1991 à 58 millions de dollars en 2003. C’est cette même année qu’a été promulguée la loi relative aux droits sociaux des professionnels des arts et du spectacle, qui réglemente les conditions de travail et d’embauche dans ce secteur. Il convient également de souligner la création, en 2003, du Conseil national de la culture et des arts, regroupant un certain nombre d’organismes publics déjà existants, dont la Division de la culture du Ministère de l’éducation, qui a œuvré entre 1989 et 2003 en faveur de la création et de la diffusion des arts. Toutes ces mesures traduisent la volonté du Gouvernement d’élargir l’accès à la culture et de préserver l’identité et le patrimoine culturels du pays.

20.Enfin, Mme Provoste indique que le Gouvernement chilien attache une grande importance aux travaux du Groupe de travail chargé d’élaborer un protocole facultatif se rapportent au Pacte, dont il appuie l’adoption. Les débats actuels devraient, selon elle, porter essentiellement sur la question de l’élaboration d’un mécanisme qui permette de garantir plus efficacement la protection de ces droits. Il apparaît à cet égard essentiel de souligner les obligations fondamentales des États, qui sont d’appliquer ces droits sans discrimination et d’adopter toutes les mesures voulues pour favoriser leur réalisation. C’est d’ailleurs la voie sur laquelle le Chili s’est engagé et qu’il entend poursuivre.

Articles 1 er à 5 du Pacte

21.M. ATANGANA, se référant à la réponse écrite du Gouvernement chilien à la question no 5 de la liste des points à traiter, demande si la Cour suprême a rendu un arrêt similaire à celui du 22 octobre 1984 relatif au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, qui aurait pour effet de rendre exécutoire dans l’État partie le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels.

22.M. MALINVERNI, lisant dans la réponse écrite du Gouvernement chilien à la question no 4 de la liste des points à traiter que seuls les instruments ou accords internationaux dûment ratifiés, approuvés, promulgués et publiés au Journal officiel ont le même rang et la même force qu’une loi nationale, déplore que l’État partie ne respecte pas le principe de la primauté du droit international sur le droit interne. Il demande pourquoi le Chili n’a pas ratifié les Conventions nos 81, 102, 117, 118, 160 et 169 de l’OIT, et s’il envisage de le faire.

23.M. TIRADO MEJĺA demande où en est le projet de loi portant création d’un Institut national des droits de l’homme conforme aux Principes de Paris, et ce qui fait dire à certaines organisations non gouvernementales (ONG) que la création d’une telle institution nécessiterait de modifier la Constitution. Il souhaite savoir si l’État partie envisage de mettre un terme à la pratique héritée de la dictature qui veut que certains sénateurs soient nommés à vie. Il demande ensuite quelles sont les mesures d’action positive que prend le Gouvernement chilien dans le domaine de la santé et de l’éducation en faveur des populations autochtones, qui sont davantage touchées par la pauvreté que les autres groupes de population et vivent dans des régions où l’indice de développement humain est inférieur à celui d’autres régions. Enfin, se référant au paragraphe 49 du rapport de l’État partie, il demande ce que le Gouvernement chilien entend faire pour remédier à un système électoral qui ne permet pas une représentation proportionnelle adéquate des majorités et des minorités.

24.M. PILLAY demande si le Pacte a été ratifié, approuvé, promulgué et publié au Journal officiel. Il voudrait savoir si, conformément aux recommandations du Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme et des libertés fondamentales des populations autochtones, le Chili a accru les ressources du Fonds pour les terres et les eaux autochtones afin de répondre aux revendications des autochtones en matière foncière, a accéléré le processus de restitution de leurs terres aux autochtones, et a amélioré les conditions de vie des femmes autochtones dans les régions rurales, notamment en matière de santé et d’éducation.

25.M. TEXIER demande si l’on peut espérer que la réforme constitutionnelle intervienne rapidement et si le peuple a manifesté la volonté qu’elle aboutisse. Il voudrait savoir si, comme l’affirme une source digne de foi, la ratification de la Convention no 169 de l’OIT relative aux peuples indigènes et tribaux a tardé en raison de la résistance opposée par certaines sphères politiques du pays, et s’il ne serait pas possible que le Gouvernement chilien saisisse l’occasion de la réforme de la Constitution pour octroyer aux Mapuches le statut de «peuple autochtone». Par ailleurs, après avoir salué la mise en place de la Commission Vérité historique et nouveau mode de traitement des populations autochtones (Verdad historica y Nuevo Trato a los Pueblos Indígenas) par le Président Lagos, il demande ce que le Chili entend faire pour mettre un terme aux différends fonciers entre les communautés mapuches et les entreprises d’exploitation forestière.

26.Mme BARAHONA RIERA souhaiterait savoir si l’État partie envisage une réforme de la Constitution qui aurait pour effet de consacrer les principes d’égalité et de non‑discrimination, ce qui tendrait à garantir l’exercice des droits économiques, sociaux et culturels. Elle demande quel sera le mandat de l’Institut national des droits de l’homme, si ce dernier sera habilité à recevoir des plaintes relatives à la violation des droits consacrés dans le Pacte et à prendre des décisions en la matière, de quels mécanismes et procédures il sera doté, s’il jouira d’une totale indépendance, et s’il sera financé sur le budget de l’État.

27.En matière de lutte contre la discrimination, il serait intéressant, selon elle, de savoir si la nationalité chilienne est octroyée aux enfants nés de parents chiliens à l’étranger au même titre qu’aux enfants nés sur le territoire chilien, et si l’État partie entend supprimer le traitement préférentiel dont jouit l’Église catholique par rapport aux nombreuses autres confessions présentes dans le pays. Enfin, l’État partie envisage-t-il de prendre les mesures qui s’imposent pour lutter contre les inégalités de salaire entre les hommes et les femmes pour des emplois de même nature, de faire changer les mentalités par le biais de campagnes d’éducation et d’adopter une loi contre le harcèlement sexuel?

28.Mme IYER engage l’État partie à poursuivre ses efforts en faveur des communautés autochtones et surtout à accélérer la mise en œuvre du programme de restitution des terres. Elle demande combien d’hectares de terre ont été restitués à ce jour et quel investissement le programme représente pour le Gouvernement chilien. Elle fait en outre observer que le Chili doit indemniser les familles qui ne peuvent obtenir de terres s’il veut mettre un terme aux fortes tensions liées au problème foncier.

29.Mme BRAS GOMES demande si l’État partie envisage d’adopter une loi relative aux migrations et s’il a élaboré l’ensemble de critères et principes évoqués au paragraphe 64 de son rapport. Elle souhaite également savoir si le Chili envisage de ratifier la Convention internationale sur la protection de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille. Après avoir salué la franchise du Chili, qui reconnaît la persistance de pratiques sexistes et la nécessité de changer les mentalités dans le pays, elle demande quels sont les efforts systématiques déployés pour sensibiliser la population à la question de l’égalité entre les sexes.

30.M. MARCHÁN ROMERO dit que la promotion de la démocratie passe aussi par la sensibilisation des forces de l’ordre et des organes judiciaires à l’importance des droits de l’homme, et des droits économiques, sociaux et culturels en particulier. Il demande donc quelles sont les mesures visant à mieux faire connaître et appliquer les dispositions du Pacte. Il s’étonne par ailleurs que le processus de ratification de la Convention no 169 de l’OIT relative aux peuples indigènes et tribaux ait été entravé par l’impossibilité de réunir le quorum nécessaire au Congrès. Il souhaite savoir si le Gouvernement chilien ne se heurte pas à des problèmes plus politiques et l’engage à accélérer les réformes visant à améliorer la situation des autochtones.

31.M. KERDOUN note au paragraphe 12 des réponses écrites du Gouvernement chilien à la liste des points à traiter qu’un instrument international dûment ratifié et promulgué a le même rang qu’une loi nationale, et demande ce qu’il se passe en cas de conflit entre une loi nationale et un accord international. En pareil cas, l’accord a‑t‑il primauté sur la loi?

32.M. SADI souhaite savoir comment les organisations non gouvernementales ont été consultées dans le cadre de l’élaboration du troisième rapport périodique et quelles observations elles ont formulées. Il voudrait aussi obtenir des informations plus concrètes sur les résultats des mesures prises par l’État partie pour garantir un traitement non discriminatoire aux communautés autochtones, en particulier à la communauté mapuche, ainsi que sur l’état d’avancement du projet de plan national de lutte contre la discrimination mentionné au paragraphe 23 des réponses écrites du Gouvernement chilien à la liste des points à traiter. En outre, il demande comment le Gouvernement chilien a donné suite aux recommandations formulées par la Commission Vérité historique.

33.M. MUÑOZ (Chili) dit que la réforme du système de santé s’inscrit dans le cadre de la lutte contre la discrimination fondée sur la fortune et sur le sexe. En effet, deux systèmes coexistaient par le passé: le premier, privé, était essentiellement accessible aux personnes aisées tandis que le second, public, prenait en charge surtout des personnes vulnérables comme les autochtones et les personnes âgées. La réforme vise à mieux faire respecter le droit fondamental à la santé et oblige les compagnies privées à inclure dans tous leurs contrats d’assurance un minimum de soins et de services de base. Jusqu’à présent, certaines compagnies refusaient de couvrir les dépenses d’accouchement et de maternité. En 2003, avec le concours de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), le Gouvernement chilien a publié pour la première fois un bulletin de statistiques ventilées par sexe, qui contribuera à donner une image plus claire des problèmes de santé des femmes. Il a également conclu un accord-cadre avec l’OMS afin de mieux lutter contre le tabagisme et d’améliorer les politiques publiques dans le domaine de la santé. Cet accord-cadre n’a pas été encore approuvé par le Congrès. D’une manière générale, l’État partie a lancé plusieurs initiatives de sensibilisation de la population aux problèmes du tabagisme, de l’alcoolisme et de l’hypertension. S’agissant en particulier des communautés autochtones, le Chili a lancé, dès 1992, un programme de santé spécifique qui visait les objectifs suivants: créer des dispensaires pour faciliter l’accès des autochtones aux soins de santé; désigner des médiateurs interculturels pour favoriser la communication entre les groupes autochtones et les autorités centrales; reconnaître et promouvoir les médecines traditionnelles tout en encourageant les communautés autochtones à recourir aussi à des traitements médicaux classiques. Enfin, M. Muñoz signale l’existence d’un programme de santé intégrée en faveur des victimes de violations des droits de l’homme.

34.M. SAEZ (Chili) dit que son pays n’a effectivement pas encore ratifié la plupart des Conventions de l’OIT, mais a mis en œuvre, depuis l’avènement de la démocratie en 1990, une politique qui consiste à étudier toutes les conventions en vue d’établir un ordre de priorité aux fins de leur ratification et à procéder aux réformes nécessaires pour assurer la conformité de la législation du travail avec les normes internationales. M. Saez note avec satisfaction que le Chili a fait le nécessaire pour pouvoir adopter prochainement la Convention no 87 de l’OIT sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, ainsi que la Convention no 88 sur le service de l’emploi. Le Gouvernement a par ailleurs pris des mesures pour renforcer les compétences de la Direction générale du travail, qui est chargée de mieux faire appliquer les normes du travail et de contrôler les conditions de travail dans les entreprises. Enfin, M. Saez signale qu’un projet de loi a été soumis au Congrès afin d’accélérer les procédures de règlement des litiges entre travailleurs et employeurs.

35.Mme de la Luz SILVA (Chili) dit que le Chili s’efforce de supprimer progressivement les stéréotypes sexuels dans tous les manuels scolaires et d’introduire dans les programmes de formation des maîtres, dans les nouveaux manuels et dans l’enseignement, en tant que matière transversale, la question de l’égalité entre les sexes, y compris dans l’enseignement supérieur, et de mettre en valeur le rôle joué par les femmes dans différents domaines, notamment l’histoire, la politique et les arts. Le Gouvernement chilien veille également à ce que l’égalité entre les sexes soit à l’ordre du jour dans la fonction publique et, d’une manière générale, dans le monde du travail. Il convient d’indiquer à ce propos que le projet de loi qui sanctionne le harcèlement sexuel et qui a pour origine une motion parlementaire de 1994 devrait finalement être adopté et entrer en vigueur en 2005. Quant au projet de loi sur les quotas, il suscite des divisions au sein même des partis politiques et ne semble donc pas devoir être adopté dans un proche avenir.

36.Des mesures sont également prises pour prévenir les grossesses chez les adolescentes et faire prendre conscience aux hommes de leurs responsabilités dans le domaine de la procréation et de l’éducation des enfants. Il y a lieu de rappeler à ce propos que jusqu’à l’entrée en fonction du premier gouvernement de la Concertation, au début des années 90, les écolières qui tombaient enceintes étaient renvoyées de l’école.

37.Mme SOTO (Chili) dit que le système électoral établi en vertu de la Constitution de 1980 ne permet pas une représentation équitable des minorités autochtones. Les gouvernements de la Concertation s’efforcent depuis 1990 de modifier la Constitution pour remédier à cette situation, mais ils se sont jusqu’à présent heurtés au refus systématique de l’opposition. Toutefois, les partis de la Concertation ne désespèrent pas de convaincre l’opposition du bien-fondé d’une telle réforme et de la persuader qu’elle ne porterait en rien atteinte à la souveraineté nationale du Chili. Cela dit, des autochtones occupent d’ores et déjà des postes de responsabilité importants, que ce soit dans les communes, comme maire ou conseiller municipal, ou au sein du Gouvernement, comme ministre, vice‑ministre ou secrétaire d’État.

38.Quant à la Convention no 169 de l’OIT relative aux peuples indigènes et tribaux, les partis de la Concertation ont là aussi bon espoir qu’elle sera rapidement approuvée par le Congrès malgré les réticences de l’opposition.

39.En ce qui concerne les terres revendiquées par les communautés autochtones, le Fonds pour les terres de l’Office national de développement autochtone en a déjà restitué 3 600 000 hectares à ces communautés. Ce processus est relativement lent car l’État doit, pour éviter tout conflit, racheter les terres avant de les remettre aux autochtones, et ses ressources sont limitées. Il convient d’indiquer à ce propos que les grandes compagnies forestières et minières prennent peu à peu conscience de la nécessité, d’une part, de vendre à l’État les terres revendiquées par les autochtones et, d’autre part, de vivre en bon voisinage avec ces communautés et de reconnaître leurs droits.

40.Par ailleurs, le Gouvernement chilien a pris en considération les recommandations du Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme et des libertés fondamentales des populations autochtones, notamment en ce qui concerne la reconnaissance des droits des autochtones dans la législation nationale. En outre, des programmes et des politiques sont également mis en œuvre pour lutter contre la pauvreté de ces populations, améliorer leur santé et faciliter le développement de leur culture.

41.Mme ESQUIVEL (Chili) dit que l’organisme qu’elle dirige, la Direction des droits de l’homme, est chargé d’établir les différents rapports du Chili destinés aux organes conventionnels et que, par souci d’indépendance, les ONG ne souhaitent pas être associées à l’élaboration de ces rapports. De même, la Direction des droits de l’homme respecte l’autonomie des ONG, notamment celle de FORJA, l’ONG qui a rédigé, à l’intention du Comité, un rapport parallèle à celui du Gouvernement. Cela n’empêche pas le Gouvernement et les ONG de collaborer et d’organiser conjointement des séminaires comme celui qui s’est tenu les 4 et 5 novembre à Santiago en présence de la Présidente du Groupe de travail chargé d’élaborer le projet de protocole facultatif se rapportant au Pacte, projet dont le Gouvernement espère qu’il sera adopté prochainement.

42.En ce qui concerne les enfants qui sont nés à l’étranger de mère ou de père chilien et à qui la Constitution de 1980 refusait d’octroyer la nationalité chilienne, les partis de la Concertation ont obtenu que ces enfants soient considérés comme des citoyens chiliens, mais ont dû admettre, pour parvenir à ce compromis avec l’opposition, que ces personnes ne pourraient exercer leur droit de vote au Chili qu’à condition d’y avoir résidé au moins une année.

43.Mme PROVOSTE (Chili) dit que la réforme constitutionnelle proposée par les partis de la coalition démocratique vise à supprimer les postes de sénateur non pourvus par le suffrage populaire, et que les préoccupations du Gouvernement en faveur des groupes vulnérables, notamment les communautés autochtones, ont trouvé une expression directe dans la définition des priorités programmatiques.

44.Mme ESQUIVEL (Chili) dit que la majorité des droits consacrés dans le Pacte sont garantis par la Constitution chilienne, dont l’article 20 consacre de façon expresse un recours en protection, qui est un dispositif conservatoire particulièrement efficace en cas d’atteinte à l’un de ces droits.

La séance est levée à 12 h 55.

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