Conseil Économique

et Social

Distr.

GÉNÉRALE

E/C.12/2001/SR.32

21 août 2001

Original : FRANÇAIS

COMITÉ DES DROITS ÉCONOMIQUES, SOCIAUX ET CULTURELS

Vingt-sixième session (extraordinaire)

COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA 32e SÉANCE

tenue au Palais Wilson, à Genève,le mardi 14 août 2001, à 10 heures

Présidente: Mme BONOAN-DANDAN

SOMMAIRE

Déclaration de la Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme

EXAMEN DES RAPPORTS

a)RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT AUX ARTICLES 16 ET 17 DU PACTE

‑ Deuxième rapport périodique du Sénégal

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Le présent compte rendu est sujet à rectifications.

Les rectifications doivent être rédigées dans l'une des langues de travail. Elles doivent être présentées dans un mémorandum et être également incorporées à un exemplaire du compte rendu. Il convient de les adresser, une semaine au plus tard à compter de la date du présent document, à la Section d'édition des documents officiels, bureau E.4108, Palais des Nations, Genève.

Les rectifications aux comptes rendus des séances du Comité seront groupées dans un rectificatif unique qui sera publié peu après la session.

GE.01-44199 (F) 200801 210801

La séance est ouverte à 10 h 5.

Déclaration de la Haut‑Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme

1.Mme ROBINSON (Haut‑Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme), passant en revue les faits nouveaux intervenus depuis la vingt-cinquième session du Comité, informe celui‑ci de l’état d’avancement des préparatifs de la Conférence mondiale contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance qui y est associée, prévue à Durban (Afrique du Sud) du 31 août au 7 septembre 2001. À cet égard, elle remercie le Comité de sa contribution à ce processus préparatoire, sous la forme notamment des deux observations générales sur le droit à l’éducation et de recommandations concrètes devant figurer dans le document final de la Conférence. Abordant la question de l’adoption d’un protocole facultatif se rapportant au Pacte, elle estime que la décision de la Commission des droits de l’homme de désigner un expert indépendant chargé de cette question constitue une avancée importante à maints égards. En effet, l’adoption d’un tel protocole qui reconnaîtrait aux particuliers ou aux groupes le droit de présenter des communications relatives au non-respect du Pacte contribuerait à une meilleure application des droits consacrés dans cet instrument et à l’action menée par le Haut-Commissariat pour promouvoir les droits de l’homme.

2.Rappelant que le Comité, à sa vingt-cinquième session, a organisé un important débat sur la place des droits économiques, sociaux et culturels dans les activités de développement des institutions internationales, Mme Robinson est heureuse d’annoncer qu’une suggestion faite à cette occasion par le Rapporteur du Comité a conduit le Haut‑Commissariat à élaborer des principes directeurs relatifs à la prise en compte des droits de l’homme dans les documents de Stratégies pour la réduction de la pauvreté, nouveaux instruments d’action élaborés par la Banque mondiale et le Fonds monétaire international. S’agissant des méthodes de travail, elle se félicite de la décision du Comité de réduire de trois à deux le nombre des séances consacrées à l’examen des rapports périodiques des États parties. À l’heure où le Comité doit faire face à un volume de travail très important, cette initiative a le mérite de faire gagner du temps, le nombre des rapports examinés durant les sessions ordinaires passant de cinq à six. S’agissant de l’appui que le Haut‑Commissariat apporte aux organes conventionnels, Mme Robinson est consciente que des améliorations sont nécessaires et, à cet égard, attend avec intérêt les éventuelles suggestions des membres du Comité. En tout état de cause, le Haut‑Commissariat continuera d’œuvrer à la mobilisation de ressources supplémentaires en faveur des activités de ces organes, y compris en faisant appel au budget ordinaire de l’ONU.

3.La PRÉSIDENTE remercie Mme Robinson de son soutien indéfectible aux différents organes conventionnels et invite les membres du Comité à engager le dialogue avec la Haut‑Commissaire.

4.M. SADI demande à la Haut‑Commissaire pourquoi, à son avis, la communauté internationale est si réticente à adopter un protocole facultatif se rapportant au Pacte et dans quelle mesure cette réticence entrave les efforts déployés par le Haut‑Commissariat pour faire avancer un tel projet. En ce qui concerne l’efficacité du Comité, M. Sadi craint que la rationalisation des méthodes de travail se fasse au détriment de la qualité. En effet, il voit mal comment le Comité peut, en seulement deux séances, faire le tour de la situation des droits économiques, sociaux et culturels dans un État partie donné. Enfin, s’agissant de la Conférence mondiale contre le racisme, M. Sadi demande à la Haut‑Commissaire en quoi le Comité pourrait contribuer aux préparatifs, qui semblent pour l’instant bloqués.

5.M. WIMER ZAMBRANO demande si les problèmes sur lesquels achoppent les préparatifs de la Conférence mondiale contre le racisme, à savoir les questions liées au sionisme et à l’esclavage, sont en passe d’être surmontés et dans quelle mesure on peut espérer voir tous les pays invités, y compris les États‑Unis, participer à la Conférence.

6.M. RIEDEL dit qu’il ressort clairement du dialogue régulier entre le Comité et les représentants des États parties que ceux‑ci ne comprennent pas toujours parfaitement la portée des obligations découlant pour eux du Pacte. Il est indéniable que l’adoption d’un protocole facultatif permettrait d’améliorer les choses. Par ailleurs, il est scandaleux que le Haut‑Commissariat en soit réduit à implorer les États pour mobiliser les fonds nécessaires au financement de ces activités. Il est tout à fait anormal que la part du budget ordinaire de l’ONU allouée au Haut‑Commissariat soit si faible, d’autant plus que les droits de l’homme figurent en tête des réussites reconnues à l’Organisation.

7.M. HUNT, abordant la question de la coordination des activités relatives aux droits de l’homme au sein du système des Nations Unies, estime que si le Comité pouvait recevoir régulièrement des informations des institutions spécialisées présentes sur le terrain, il pourrait avoir un dialogue plus constructif avec les États parties et élaborer des conclusions et des observations finales plus judicieuses dont les institutions spécialisées pourraient à leur tour se servir pour améliorer leur efficacité sur le terrain. Que pense la Haut‑Commissaire de ce type de relation mutuellement bénéfique entre le Comité et les organismes des Nations Unies?

8.Mme ROBINSON (Haut‑Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme) dit que la réticence évoquée par M. Sadi est également perceptible au niveau politique et peut s’expliquer par la pression médiatique à laquelle sont soumis les pays appelés à présenter leurs rapports devant le Comité. C’est ainsi que les pays développés vivent mal les critiques qui leur sont adressées au sujet de la pauvreté ou de leurs choix budgétaires. On peut d’ailleurs se demander si certains pays, en ratifiant le Pacte, n’ont pas quelque peu sous‑estimé les obligations qu’ils contractaient ainsi. En tout état de cause, il convient d’utiliser toutes les tribunes possibles pour faire campagne en faveur de l’adoption du Protocole facultatif, d’autant que le vaste débat suscité par la mondialisation fait apparaître la nécessité de règles, de valeurs et de normes acceptées par tous. Cela dit, il convient de prendre conscience des difficultés, notamment le fait que le Pacte n’a pas été ratifié par tous les grands pays.

9.En ce qui concerne la Conférence contre le racisme, Mme Robinson tient à souligner les progrès certains enregistrés dans les domaines les moins controversés, notamment les droits des peuples autochtones et des migrants. Elle est convaincue que l’élaboration d’une déclaration et d’un plan d’action serait menée à bien à Durban, d’autant plus que le comité de rédaction de la Conférence est déjà à pied d’œuvre. Les membres du Comité peuvent contribuer à l’amélioration de ces deux textes, par exemple par des contacts informels avec les délégations représentées au comité de rédaction. En ce qui concerne les questions les plus épineuses, notamment l’esclavage, des progrès considérables ont été accomplis principalement grâce à l’échange de documents non officiels. Les divergences sont peu à peu aplanies et il semble qu’aujourd’hui la question de la compensation monétaire n’est plus à l’ordre du jour. Un consensus semble plutôt se dégager sur la nécessité de trouver d’autres moyens de réparer les injustices nées de l’exploitation et des exactions du passé.

10.Concernant le conflit au Moyen‑Orient et son incidence sur la Conférence mondiale contre le racisme, Mme Robinson reconnaît que la situation sur le terrain est particulièrement délicate et difficile, mais elle est frappée par la volonté de tous les groupes politiques et de tous les pays d’aller de l’avant. À son avis, il faut tout faire pour que la Conférence ait lieu.

11.Au sujet de l’organisation des travaux du Comité, elle répond à M. Sadi que l’objectif du secrétariat est d’appuyer de son mieux les organes conventionnels. Il est vrai que le montant alloué au Haut‑Commissariat dans le budget ordinaire de l’Organisation des Nations Unies (ONU) est extrêmement faible et que les ressources extrabudgétaires sont et continueront d’être indispensables. Si le Secrétaire général de l’ONU a proposé d’augmenter ce montant dans le prochain budget-programme, c’est aussi pour encourager les pays donateurs à accroître leurs contributions dans le cadre de l’appel annuel lancé par le Haut‑Commissariat.

12.Enfin, Mme Robinson se félicite des efforts que le Comité déploie pour collaborer plus étroitement avec les institutions spécialisées des Nations Unies, lesquelles prennent aussi de plus en plus en compte les questions relatives aux droits de l’homme dans leurs activités. Afin que le Comité puisse disposer d’informations de qualité, elle continuera d’encourager aussi la coopération avec les équipes de pays et avec les bureaux régionaux des institutions spécialisées.

13.La PRÉSIDENTE dit que les institutions spécialisées se sont engagées à informer tous les organes conventionnels de l’évolution récente survenue dans la situation des pays dont le rapport est examiné. Il est, par ailleurs, nécessaire que les coordonnateurs résidents se tiennent informés des travaux des organes conventionnels.

14.Mme ROBINSON (Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme) précise que le Haut-Commissariat s’apprête à détacher auprès des commissions économiques régionales de l’ONU des spécialistes des droits de l’homme qui auront pour mission de sensibiliser les États Membres à l’importance des travaux des organes conventionnels et qui pourront collaborer avec le Comité.

15.M. SADI souhaite savoir quelle est la contribution des organes conventionnels aux travaux du Comité préparatoire de la Conférence mondiale contre le racisme. Étant donné la nécessité de rationaliser les travaux des organes conventionnels afin d’éviter les chevauchements, il demande si une action est menée en ce sens.

16.M. RIEDEL dit que la réorganisation des activités du Haut‑Commissariat a déjà eu des répercussions positives sur les travaux du Comité. Les membres du Comité apprécient particulièrement les informations factuelles émanant des organisations non gouvernementales. M. Riedel souhaiterait que les responsables de secteur, dont les suggestions et les recommandations contribueront à améliorer les débats, aident aussi le Comité à assurer le suivi de ses observations finales.

17.M. GRISSA demande s’il serait possible d’obtenir des rapports d’institutions spécialisées, afin de compléter les informations données par les pays et par les ONG.

18.Mme ROBINSON (Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme) précise que les organes conventionnels ont envoyé des représentants aux réunions du Comité préparatoire de la Conférence mondiale contre le racisme et que leurs contributions sont fort utiles. La question des chevauchements est examinée à la réunion annuelle des présidents des organes conventionnels. La Haut-Commissaire prend note de l’importance que revêt le suivi des observations finales du Comité par les responsables de secteur. Enfin, elle assure que le Secrétariat continuera de veiller à ce que les membres du Comité puissent avoir accès aux rapports qui leur sont utiles.

La séance est suspendue à 11 h 5; elle est reprise à 11 h 15.

EXAMEN DES RAPPORTS

a)RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT AUX ARTICLES 16 ET 17 DU PACTE (point 6 de l’ordre du jour)

Deuxième rapport périodique du Sénégal [(E/1990/6/Add.25); document de base(HRI/CORE/Add.51/Rev.1); liste des points à traiter (E/C.12/Q/SEN/1); profil de pays (E/C.12/CA/SEN/1); conclusions adoptées à l’issue de l’examen du rapport initial (E/C.12/1993/18); E/1984/6/Add.22]

19.M. TIKHONOV (Secrétaire) donne lecture d’une note verbale adressée par la Mission permanente du Sénégal au Comité et dont le texte est libellé comme suit: «En raison de certaines contraintes d’ordre interne, il n’a pas été possible d’assurer la coordination nécessaire au niveau national pour une bonne présentation du rapport périodique du Sénégal sur l’application des articles 1er à 16 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels. En conséquence, la Mission permanente du Sénégal demande au Comité le report de l’examen dudit rapport à une date ultérieure au cours de la présente session ou lors de la prochaine session».

20.La PRÉSIDENTE donne la parole au Rapporteur pour le Sénégal et invite les membres du Comité à examiner, conformément aux règles du Comité, le deuxième rapport périodique de l’État partie en l’absence de délégation. Elle précise qu’un membre de la Mission permanente du Sénégal assiste aux débats en qualité d’observateur.

21.M. PILLAY (Rapporteur pour le Sénégal) dit que la situation du Sénégal n’a pas beaucoup évolué depuis l’adoption par le Comité de ses observations finales (E/C.12/1993/18) sur le rapport initial du Sénégal (E/1984/6/Add.22) à la fin de 1993. En outre, la plupart des recommandations formulées par le Comité n’ont pas été mises en œuvre. Parmi les problèmes qui entravent l’application du Pacte, il convient de mentionner les programmes d’ajustement structurel, l’endettement, les violences en Casamance, les pratiques culturelles coutumières qui sont à l’origine de diverses formes de discrimination à l’égard des femmes, le travail des enfants, le taux de chômage élevé, la crise du logement dans la capitale, l’absence de services de santé et la mauvaise allocation des ressources. Jugeant positive la campagne de lutte contre le VIH/sida organisée par les autorité sénégalaise, M. Pillay considère qu’une action de sensibilisation toute aussi importante devrait être menée pour combattre les pratiques de mutilation sexuelle dont les femmes sont victimes.

22.La PRÉSIDENTE invite les membres du Comité à prendre, comme point de départ de leur analyse, le paragraphe 10 des observations finales (E/C.12/1993/18) élaborées à l’issue de l’examen du rapport initial de l’État partie (E/1984/6/Add.22). Dans ce paragraphe, le Comité demandait notamment à l’État partie de lui fournir des renseignements plus complets sur la jurisprudence concernant l’exercice des droits énoncés dans le Pacte ainsi que sur les mesures envisagées pour surmonter les difficultés rencontrées dans l’application du Pacte.

23.M. RIEDEL regrette que le Comité soit dans l’obligation d’examiner le rapport du Sénégal en l’absence de délégation. L’État partie perd ainsi l’occasion d’établir un dialogue constructif avec les membres du Comité et de faire valoir certains aspects positifs.

24.M. Riedel constate que, le plus souvent, les problèmes du Sénégal viennent non pas de l’absence de dispositions juridiques, mais du non-respect des obligations que l’État partie a contractées en vertu du Pacte. Les questions les plus préoccupantes sont le travail des enfants, en particulier ceux qui sont employés de maison, et la discrimination à l’égard des femmes.

25.M. TEXIER fait siennes les observations formulées par M. Riedel. Il estime que l’absence de délégation est extrêmement regrettable étant donné notamment que l’un des objectifs de l’examen d’un rapport est l’instauration d’un dialogue avec l’État partie. Il note que le deuxième rapport périodique du Sénégal décrit essentiellement le système législatif et administratif, mais rend très peu compte de la réalité.

26.La consultation de diverses sources d’information révèle les nombreux problèmes auxquels est confronté le Sénégal, entre autres la liberté syndicale, le licenciement des militants syndicaux et les licenciements massifs dus à la libéralisation de l’économie. Un autre problème grave est celui du travail des enfants et des enfants des rues. Selon certaines sources, 400 000 enfants travailleraient. Il serait intéressant de savoir si, pour les autorités, ce chiffre correspond à la réalité. La situation des travailleurs domestiques est très préoccupante car ils ne bénéficient d’aucune protection sociale et sont très mal payés; la plupart percevraient une rémunération égale à 5 000 francs CFA, soit 1/8e environ du salaire minimum.

27.Les inégalités entre hommes et femmes sont fortes et se manifestent essentiellement dans deux domaines: le secteur foncier et l’accès au travail. Il semble que la décision d’accorder un congé de maternité de 14 semaines, qui est une bonne mesure en soi, a pour conséquence concrète que les employeurs embauchent en priorité des hommes. En ce qui concerne les mutilations génitales féminines, il est à noter qu’une loi de 1999 interdit cette pratique, mais que son application se heurte à de fortes résistances, notamment d’ordre religieux. Sur les sujets qu’il a mis en évidence et sur d’autres, M. Texier souhaiterait que le Comité puisse avoir un dialogue avec les représentants de l’État partie, si possible dans un avenir proche.

28.M. GRISSA note aussi que le deuxième rapport périodique du Sénégal porte essentiellement sur le cadre juridique, et ne fait que peu mention de la réalité et de l’évolution de la situation depuis la présentation du rapport initial en 1993. Il estime, pour sa part, que les résistances qui font obstacle à l’application de la loi réprimant les mutilations génitales féminines ont un caractère non pas religieux, mais plutôt traditionnel. D’ailleurs, la pratique des mutilations génitales n’existe pas dans de nombreux pays musulmans. En outre, une des raisons pour lesquelles les lois sont en général mal appliquées au Sénégal est que, y compris à Dakar l’administration n’a que peu de moyens.

29.Par ailleurs, M. Grissa insiste sur le rôle capital que jouent les femmes dans l’économie sénégalaise. Ce sont essentiellement elles qui sont dans le commerce et font vivre les familles. Ce sont elles que l’on voit travailler très tard, la nuit, sur les marchés par exemple. Pourtant, elles sont loin de bénéficier des mêmes droits que les hommes dans le domaine familial ou en matière successorale. Il semble qu’environ 50 % des enfants fréquentent l’école. Cela veut dire que les autres enfants vivent dans la rue, ou travaillent comme domestiques ou dans les champs. Le chiffre de 400 000 enfants travailleurs cités par M. Texier est donc sans doute inférieur à la réalité. Le secteur informel représente la plus large part de l’économie, et la plupart des activités industrielles et agricoles ne sont donc pas organisées sur le plan des relations professionnelles.

30.M. SADI se déclare préoccupé par le fait que, apparemment, l’examen du rapport initial du Sénégal par le Comité et les observations finales adoptées en 1993 n’ont pas eu de suites. Notant que le dialogue avec l’État partie a été engagé il y a sept ans, M. Sadi se demande combien de temps va encore s’écouler avant que le dialogue soit repris. La question se pose de savoir si les relations entre l’État partie et le Comité constituent une perte de temps pour les deux parties et si les observations finales que le Comité va adopter sur le deuxième rapport périodique seront suivies d’effet.

31.Mme BARAHONA‑RIERA souligne que le Sénégal s’est doté d’un nouvel arsenal juridique et qu’il aurait été intéressant d’examiner avec une délégation du pays le contenu des nouvelles lois et les difficultés de leur application. Elle aurait aimé avoir des informations sur le programme de lutte contre la pauvreté, les mesures qu’il prévoit et l’évaluation de leurs effets. Elle aurait également souhaité en savoir plus sur les nombreuses discriminations dont sont victimes les femmes dans les domaines social et économique, par exemple savoir s’il est exact que 60 % des femmes subissent des mutilations génitales et, plus généralement, essayer de comprendre le décalage qui existe entre le corpus légal et la réalité.

32.M. MALINVERNI regrette, comme les autres membres, l’absence de délégation et la pauvreté du rapport. Sur le fond, il existe plusieurs sujets de préoccupation. La pauvreté est en augmentation, et il faut s’interroger sur les causes de ce phénomène. En matière syndicale, on constate une assez forte limitation de la liberté syndicale pour les étrangers et le fait que la création des syndicats est soumise au régime de l’autorisation. S’agissant de la situation des femmes, outre les mutilations génitales, il est à déplorer que, si on en croit certaines sources, plus de 70 % des femmes soient analphabètes et que le taux de mortalité des femmes pendant l’accouchement soit très élevé. Les nombreux travailleurs du secteur informel de l’économie ne bénéficient pas de la sécurité sociale. La différence de niveau de vie entre les villes, notamment Dakar, et les campagnes, est considérable. Le taux de scolarisation est extrêmement faible. En ce qui concerne les aspects positifs, le Gouvernement sénégalais doit être félicité pour son succès dans la lutte contre le sida.

33.M. THAPALIA espère que le Gouvernement sénégalais tiendra compte des observations finales du Comité. Notant que la Constitution sénégalaise proclame que les hommes et les femmes sont égaux en droit, il dénonce le fait que, dans la réalité, les femmes sont victimes de nombreuses discriminations et que donc le Gouvernement ne fait pas respecter la loi à leur égard. Il note entre autres que beaucoup de femmes subissent des violences conjugales et que les tiers sont réticents à intervenir dans les affaires de la famille. Par ailleurs, des mesures devraient être prises pour améliorer la situation des réfugiés qui se heurtent à des difficultés administratives et qui, pour la plupart, faute de statut juridique, ne peuvent trouver de travail ni, par exemple, être admis dans un hôpital.

34.M. AHMED soulève une question générale, à laquelle est souvent confronté le Comité, celle de savoir jusqu’à quel point un gouvernement doit sacrifier les besoins sociaux et éducatifs de sa population sur l’autel des exigences du Fonds monétaire international et de la Banque mondiale. Cette question se pose avec acuité en ce qui concerne le Sénégal. Depuis 1979, ce pays applique les programmes d’ajustement structurel des deux institutions financières précitées mais, selon diverses sources, les résultats sont mitigés, et ce même si la Banque mondiale et le FMI se sont déclarés à plusieurs reprises globalement satisfaits du processus de réforme engagé. Selon un rapport de 1997 de Social Watch sur le Sénégal, la pauvreté s’accroît au Sénégal, l’indice de croissance par habitant est négatif pour la période de 15 ans allant de 1980 à 1994. Le rapport de 2000 de cette organisation signale que, selon le rapport du PNUD sur la pauvreté, 32 % des Sénégalais vivent dans la pauvreté et 30 % dans la grande pauvreté. La pauvreté touche d’abord les zones rurales et les femmes.

35.M. SADI soulève la question des conditions du divorce au Sénégal et suggère que le Comité, qui a aussi pour tâche de défendre la famille et les enfants, revienne sur ce sujet plus longuement en séance privée.

36.M. CEAUSU, regrette lui aussi que le Comité n’ait pu dialoguer avec une délégation de l’État partie et que le deuxième rapport périodique ne dise rien de la suite donnée aux recommandations formulées par le Comité dans ses observations finales de 1993 sur le rapport initial. Il lui semble que la seule mesure prise par le Gouvernement sénégalais en application des recommandations du Comité réside dans la modification de la législation sur le droit de grève supprimant la procédure d’arbitrage. Si l’on essaie de comprendre les causes de la situation qui prévaut au Sénégal, on peut voir qu’au cours des 20 années écoulées, le PIB total a augmenté tandis que le PIB par habitant a diminué. Le pays connaît donc une croissance économique avec un PIB par habitant en baisse. La cause des difficultés économiques semble être la croissance démographique, ce que reconnaît d’ailleurs l’État partie qui s’efforce de faire baisser le taux de fécondité. À la différence de M. Ahmed, M. Ceausu ne pense pas que les grandes difficultés du pays découlent des accords conclus avec les institutions financières internationales. La croissance économique a repris. Certes les programmes d’ajustement ont causé la fermeture et la privatisation de certaines entreprises publiques, mais il faut plutôt rechercher l’explication des difficultés que connaît le pays dans le fait que le Gouvernement ne s’est pas attaqué à des problèmes de fond, ce qui a gêné la diversification économique et le développement d’un secteur privé dynamique.

37.Un des facteurs clefs du développement est l’éducation et la formation professionnelle. Le Gouvernement sénégalais ne semble pas avoir donné suite aux recommandations du Comité visant à ce qu’il facilite l’accès à l’éducation et entreprenne un examen approfondi de ses politiques en matière d’éducation et de formation professionnelle. Le taux de mortalité infantile est particulièrement élevé chez les femmes qui n’ont pas reçu d’éducation. Donc, la mauvaise situation économique et sociale s’explique pour une large part par le très bas niveau de formation et d’éducation.

38.De l’avis de M. WIMER ZAMBRANO, il faut néanmoins féliciter le Gouvernement sénégalais pour la part du budget national allouée à l’éducation, à savoir 30 %. Ce point positif mérite d’être évoqué dans les observations finales du Comité.

39.M. MARTYNOV comprend certes qu’il soit difficile pour le Sénégal de mettre en œuvre le Pacte, dans les circonstances actuelles, mais à son avis, il y a réellement un problème de volonté politique de la part du Gouvernement. Dans le domaine de la santé, la situation est catastrophique: seulement 40 % de la population a en effet accès à des soins de santé de base. Pour ce qui est de l’éducation, le Gouvernement reconnaît que le taux de scolarisation dans le primaire a chuté durant les dix années écoulées. En ce qui concerne les langues, la Constitution reconnaît d’autres langues que le français comme langue officielle. Toutefois, aucune information n’est fournie sur le droit des groupes minoritaires de parler leur propre langue. Parmi les autres problèmes, celui de l’accès à la terre et au crédit n’est pas vraiment traité par le Gouvernement. Étant donné que le rapport manque de statistiques, le Comité pourrait recommander au Gouvernement d’améliorer la collecte de statistiques.

40.M. HUNT espère que le Gouvernement sénégalais comprend bien que le Comité souhaite l’aider à s’acquitter de ses obligations en vertu du Pacte. Aussi est-il regrettable qu’aucune délégation n’ait pris place à la table du Comité. Il y a lieu de signaler un certain nombre de points positifs parmi lesquels l’importance des dépenses publiques dans le secteur de l’éducation, la démarche constructive adoptée par le Sénégal pour lutter contre le VIH/sida et la création d’institutions nationales s’occupant des droits de l’homme. Il faudrait peut‑être noter dans les observations finales qu’il n’existe pas de plans d’action dans les domaines des droits de l’homme et de l’éducation.

41.L’insuffisance des informations fournies dans le rapport s’explique peut‑être par le manque de capacités au niveau national. Ne conviendrait-il pas de demander à certains organismes des Nations Unies de fournir une assistance technique et financière au Gouvernement sénégalais pour lui permettre de présenter un rapport beaucoup plus complet?

42.La PRÉSIDENTE s’étonne que le deuxième rapport périodique de l’État partie soit si peu étoffé, compte tenu des observations finales (E/C.12/1993/18) que le Comité avait formulées en 1993, à l’issue de l’examen du rapport initial du Sénégal (E/1984/6/Add.22).

43.M. RIEDEL dit que le Comité s’est toujours montré désireux d’entretenir un dialogue constructif et une coopération étroite avec le Gouvernement sénégalais, aussi était-ce légitime d’attendre de celui-ci qu’il se fasse représenter lors de l’examen de son deuxième rapport périodique.

44.M. PILLAY regrette que le Gouvernement n’ait même pas répondu aux questions de la liste des points à traiter établie par le Comité (E/C.12/Q/SEN/1). Force est de constater qu’il existe encore un écart énorme entre les engagements pris - par exemple, l’adoption d’une nouvelle Constitution qui reconnaît les droits économiques, sociaux et culturels - et la pratique.

45.M. THIOUNE (Observateur du Sénégal) présente les excuses du Gouvernement sénégalais qui n’a pas pu envoyer de délégation en raison de certaines contraintes d’ordre interne. En effet, il n’a pas été possible d’assurer la coordination nécessaire au niveau national pour une bonne présentation du deuxième rapport périodique. En outre, le Sénégal doit faire face à de nombreux problèmes aux niveaux national et régional, qui expliquent qu’il lui soit difficile d’appliquer les recommandations du Comité. C’est une situation que le Gouvernement déplore et il tient à réaffirmer fermement sa volonté de continuer à collaborer avec le Comité.

46.La PRÉSIDENTE dit que le Comité prend note des remarques formulées par l’observateur du Sénégal et que le texte des observations finales qui seront adoptées sur le deuxième rapport périodique du Sénégal sera transmis à l’État partie.

La séance est levée à 12 h 45.

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