Nations Unies

E/C.12/2020/SR.3

Conseil économique et social

Distr. générale

26 février 2020

Original : français

Comité des droits économiques, sociaux et culturels

Soixante-septième session

Compte rendu analytique de la 3 e séance

Tenue au Palais Wilson, à Genève, le mardi 18 février 2020, à 10 heures

Président (e):M. Zerbini Ribeiro Leão

Sommaire

Examen de rapports

a)Rapports soumis par les États parties en application des articles 16 et 17 du Pacte

Rapport initial de la Guinée

La séance est ouverte à 10 heures.

Examen de rapports

a)Rapports soumis par les États parties en application des articles 16 et 17 du Pacte

Rapport initial de la Guinée(E/C.12/GIN/1) ; document de base faisant partie intégrante des rapports présentés par les États parties (HRI/CORE/1/Add.80/Rev.1)

1. Sur l ’ invitation du Président, la délégation guinéenne prend place à la table du Comité.

M. Diallo (République de Guinée) dit qu’après 2016, dernière année couverte par le rapport initial de l’État partie, la Guinée a adopté un plan de développement économique et social (PNDES) pour la période 2016-2020 qui vise notamment à transformer l’économie de façon durable et inclusive, à instaurer un développement inclusif du capital humain et à gérer durablement le capital naturel, en application des objectifs de développement durable et de l’Agenda 2063 de l’Union Africaine.

En 2016, la Guinée a créé le Fonds national de développement local (FNDL), par l’intermédiaire duquel 15 % des revenus miniers de l’État sont transférés à l’ensemble des collectivités locales du pays. Le FNDL contribue notamment au financement de mesures de renforcement des institutions et des capacités des collectivités locales. En 2019, 517,81 milliards de francs guinéens ont été versés au Fonds. La mobilisation, la collecte et la distribution des ressources du FNDL en faveur des collectivités sont assurées par l’Agence nationale de financement des collectivités (ANAFIC), créée en 2017. Le Fonds de développement économique local (FODEL), créé en 2017, a pour mission de promouvoir le développement des collectivités locales abritant des sites d’exploitation minière. Ce fonds, qui s’appuie sur des mécanismes de gestion rigoureux, est alimenté par les contributions des entreprises minières qui exploitent les richesses locales. Il doit remplacer à terme la contribution au développement local (CDL), mécanisme plus ancien, au titre duquel quatre entreprises (Compagnie des bauxites de Guinée − CBG, Compagnie des bauxites de Kindia − CBK, Société minière de Dinguiraye − SMD et Société AngloGold Ashanti de Guinée − SAG) ont convenu du versement de cette contribution dans leurs conventions de développement local, sur une base individuelle, à des taux variés et en fixant des modes de liquidation différents.

Le Gouvernement guinéen a mis en place l’Agence nationale d’inclusion économique et sociale (ANIES), qui a pour objectifs de mobiliser au moins 2 % du produit intérieur brut (PIB) en faveur du partage de la prospérité, conformément aux recommandations de l’Africa Progress Panel ; de faire en sorte que d’ici à cinq ans, 4 % du PIB soient affectés à la lutte contre la pauvreté afin de réduire, à moyen terme, la pauvreté dont souffre actuellement 60 % de la population ; de favoriser l’inclusion financière, qui reste très faible, en garantissant l’accès d’au moins 40 % de la population aux services et instruments financiers de base. D’autres activités de l’ANIES visent à garantir la scolarisation des enfants et à prévenir les mutilations génitales féminines et les mariages précoces.

Le Gouvernement guinéen est conscient des obstacles à surmonter pour que les projets et programmes destinés à améliorer les conditions de vie de la population guinéenne qui sont décrits dans le rapport initial aboutissent aux résultats escomptés. La République de Guinée prend en considération les droits économiques, sociaux et culturels de la population. La défense, la promotion et la mise en œuvre de ces droits sont indispensables pour extraire la population des pays en développement de la précarité et de la pauvreté. La Guinée est déterminée à accorder la priorité à la réalisation de ces droits, outre les droits civils et politiques, pour le bien des plus démunis.

Articles 1er à 5 du Pacte

M. De Schutter (Rapporteur pour la République de Guinée) demande quelles organisations de la société civile ont été associées à l’élaboration du rapport initial de l’État partie, assurée par le Comité interministériel sur les droits de l’homme en coopération avec le Bureau du Haut-Commissariat aux droits de l’homme (HCDH) en Guinée. L’article 151 de la Constitution guinéenne de 2010 prévoyant que les traités ou accords régulièrement approuvés ou ratifiés ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois, M. De Schutter demande s’il existe des cas d’application directe des dispositions du Pacte par des juridictions guinéennes. Il note avec préoccupation que 14 des 33 membres de l’Institution nationale indépendante des droits humains (INIDH) sont des agents de l’État et que celle-ci ne dispose pas de ressources humaines et financières suffisantes pour fonctionner efficacement et en toute indépendance ; il demande si la Guinée compte solliciter l’appui du Bureau du HCDH pays pour rendre l’INIDH conforme aux Principes de Paris. Au vu des éléments concordants dont dispose le Comité selon lesquels les défenseurs des droits de l’homme feraient l’objet d’actes d’intimidation et de représailles en Guinée, et leur travail serait entravé par le cadre juridique interne, M. De Schutter demande quelles mesures la Guinée peut s’engager à prendre afin d’améliorer le climat de travail de ces personnes.

M. De Schutter demande si le Bureau du HCDH a été associé à l’élaboration de l’avant-projet de loi visant à modifier la loi L/013 de 2005 relative aux associations, texte qui contient des dispositions très contestables, de nature à restreindre la liberté d’association. Il constate par ailleurs que l’INIDH n’a pas assuré le suivi du projet de loi organique sur la promotion et la protection des défenseurs des droits de l’homme et s’interroge dès lors sur les perspectives d’adoption de ce projet. Il demande si le Gouvernement envisage de relancer le processus d’adoption de l’avant-projet de loi sur l’accès à l’information conçu en 2008-2009, car une telle loi serait un moyen très efficace de permettre à la société civile d’exercer son rôle de vigile du respect des droits de l’homme. Enfin, compte tenu de la vulnérabilité particulière de la Guinée aux changements climatiques, il serait utile de connaître les mesures prises pour garantir la promotion et la protection de tous les droits de l’homme dans le cadre de la préparation aux catastrophes, conformément au Cadre de Sendai pour la réduction des risques de catastrophe (2015‑2030).

La modification du Code minier en 2013 doit être saluée compte tenu du fait que la Guinée est un important producteur de bauxite, de diamants et de nombreux minerais tels que le manganèse, le zinc, le cobalt, le nickel et l’uranium, et tire 80 % de ses revenus d’exportation de l’extraction minière. Dans certains cas cependant, les sociétés minières n’ont pas respecté leurs engagements envers la population locale, ce qui a entraîné des tensions, voire des violences, notamment dans les régions de Boké et de Siguiri. Il semble donc urgent que la Guinée renforce le contrôle des sociétés minières et veille à ce que la présence de ces sociétés soit bénéfique pour les populations locales concernées. M. De Schutter demande si, conformément à l’article 123 du Code minier relatif aux droits des propriétaires, ainsi qu’à l’article 21 de la Constitution de 2010, le droit des populations concernées par l’exploitation des ressources minières d’être consultées et associées à toutes les décisions ayant une incidence sur leurs conditions d’existence est appliqué dans la pratique. Il note avec préoccupation que certaines communautés ont été expulsées de leurs terres sans contrepartie et qu’un certain nombre de projets miniers n’ont pas respecté les dispositions du Code foncier relatives à l’expropriation.

En application de l’article 130 du Code minier, tel que révisé en 2013, le détenteur d’un titre d’exploitation minière doit contracter une convention de développement local avec les collectivités vivant dans la zone de l’exploitation minière ou à proximité immédiate, mais dans plusieurs régions du pays, notamment à Kindia, les fonds qui sont reçus ne vont pas aux collectivités locales mais aux services de l’État. En outre, il semblerait qu’actuellement, plusieurs de ces conventions de développement local n’aient pas été validées par le Ministère des mines et de la géologie et ne soient pas appliquées. La délégation est invitée à donner des renseignements sur l’application des conventions de développement local qui ont été négociées. Elle pourrait aussi indiquer si la Guinée s’apprête à revitaliser les Comités de concertation dans les localités minières (CCLM), qui avaient été créés en 2012 pour servir d’instances de dialogue et de négociation, mais que les sociétés minières ne paraissent guère prendre au sérieux, et si elle envisage d’étendre la compétence du FODEL à toutes les zones minières du pays au cours des mois qui viennent.

Les effets sur la population de la pollution importante résultant de l’exploitation minière constituent une violation du droit à la santé garanti par l’article 12 du Pacte, et semblent aussi en contradiction avec le paragraphe 2 de l’article 5 de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des paysans et des autres personnes travaillant dans les zones rurales, qui dispose que les paysans doivent être protégés de ce type de pollution. Le Comité des droits de l’enfant, dans ses observations finales (CRC/C/GIN/CO/3-6), a recommandé à la Guinée de soustraire dans les meilleurs délais les enfants de tous âges vivant dans les régions minières aux emplois dangereux et de leur faire réintégrer l’école, et de garantir que les exploitants de mines qui sont responsables de cette exploitation fassent l’objet de poursuites et de sanctions à la mesure de leurs actes. M. De Schutter est préoccupé notamment par les maladies et les risques d’éboulement auxquels sont exposés les enfants qui travaillent dans les puits d’or, ainsi que par la présence dans les zones minières de réseaux de prostitution exploitant des filles mineures. Il demande quelles mesures la Guinée peut envisager pour mieux protéger les droits de l’enfant autour des exploitations de gisements miniers.

En ce qui concerne l’obligation d’agir au maximum des ressources disponibles pour réaliser les droits prévus par le Pacte, M.De Schutter constate avec satisfaction que le Code pénal de 2016 réprime les infractions de corruption, de blanchiment et de détournement de fonds publics, qui compromettent l’exercice des droits économiques, sociaux et culturels. L’adoption par la Guinée de la loi de 2017 portant prévention, détection et répression de la corruption et des infractions assimilées, et le fait que cette loi soit appliquée très sérieusement, doivent aussi être salués. Cependant, tous les textes d’application de cette loi n’ont pas encore été adoptés. M.De Schutter aimerait des renseignements sur les perspectives de renforcement du cadre juridique de la lutte contre la corruption en Guinée.

Constatant que les services de santé et d’éducation sont très insuffisants en Guinée malgré une croissance économique annuelle atteignant environ 10 %, M. De Schutter demande comment les priorités budgétaires sont définies, et si les fonds disponibles sont effectivement investis dans l’amélioration des conditions sociales, en particulier dans la santé, l’éducation et le logement. Il demande si à l’avenir, la Guinée tiendra compte plus systématiquement des obligations liées au Pacte dans la définition des priorités budgétaires.

M. De Schutter note que l’interdiction de la discrimination fondée sur l’orientation sexuelle ne figure ni dans le Code pénal ni dans le Code du travail. Il constate avec préoccupation qu’en Guinée, les rapports homosexuels entre adultes consentants restent une infraction pénale et que la législation ne reconnaît pas le mariage, ni l’union civile entre personnes de même sexe. En outre, l’article 4 du Code du travail n’interdit pas expressément les différences de traitement fondées sur l’exercice de responsabilités familiales, dans la perspective, pour les personnes actives concernées, de pouvoir concilier vie professionnelle et vie privée. Il s’enquiert des mesures envisagées par l’État partie pour mettre fin à cette forme de discrimination. Il souhaiterait savoir également quelle est l’étendue exacte de l’interdiction de la discrimination « sous toutes ses formes » (art. 4 du Code du travail) et si cette interdiction englobe la discrimination directe aussi bien qu’indirecte ; d’après quels textes législatifs sont définis les travaux interdits aux femmes mentionnés dans le Code du travail ; et à quelles activités précises renvoient les travaux pénibles dont il est question au paragraphe 200 du rapport initial, où il est indiqué que Code du travail prend en compte la fragilité des femmes dans l’exécution des travaux pénibles, et si certaines professions sont interdites aux femmes au motif de les protéger. La délégation est aussi invitée à indiquer si le projet de loi portant promotion et protection des droits des personnes atteintes d’albinisme a déjà été promulgué et si les textes d’application correspondants ont été adoptés. Vu l’absence de loi générale contre la discrimination et pour l’égalité de traitement dans tous les domaines de la vie économique et sociale, M. De Schutter demande s’il ne serait pas opportun d’envisager l’élaboration d’une telle loi, au-delà des cas justifiant l’application du Code pénal. Enfin, saluant les mesures encourageantes prises par la Guinée pour améliorer la représentation politique des femmes et leur participation à la vie publique, M. De Schutter demande si la loi du 2 mai 2019 sur la parité sera entrée en vigueur pour le scrutin du 1er mars 2020. Il demande également si le projet de loi générale sur l’égalité des sexes sera adopté prochainement.

M. Diallo (République de Guinée) dit que de nombreux ministères, ainsi que des organisations de la société civile œuvrant pour la défense des droits de l’homme et pour l’amélioration de la transparence des activités des entreprises d’extraction minière, ont participé à l’élaboration du rapport initial de son pays. En ce qui concerne l’indépendance et l’autonomie de l’INIDH, la Guinée a tenu compte des observations qui ont été formulées dans le cadre de l’Examen périodique universel (EPU) et va prendre des mesures pour faire en sorte que cette institution soit conforme aux Principes de Paris. Faute d’une loi sur les défenseurs des droits de l’homme, une loi nationale de promotion et de protection des droits de l’homme a été adoptée. On ne saurait considérer que la situation de quelques « cas singuliers » de défenseurs des droits de l’homme ayant rencontré des difficultés s’étend à l’ensemble des défenseurs en Guinée. La liberté d’association est consacrée par le droit interne. L’État n’impose pas de blocage systématique aux associations, mais souhaite simplement pouvoir identifier celles qui existent sur son territoire et les localiser, et connaître leurs domaines d’activité. Il se préoccupe aussi leur légitimité, de leur représentativité et de leur efficacité sur le terrain, notamment dans le cas des associations dont le travail porte sur les activités minières. La Guinée est consciente que la composition des membres de l’INIDH n’est pas pleinement conforme aux Principes de Paris et que des progrès restent à faire, ayant reçu des recommandations à ce propos dans le cadre de l’EPU. Si des renseignements précis sont demandés aux associations dans le cadre de la procédure d’enregistrement, notamment sur leur domaine d’activité, c’est parce que ces renseignements permettent ensuite aux autorités de savoir quelles associations consulter lorsqu’un projet de loi sur une question relevant de leur domaine de compétence est en cours d’élaboration. Les autorités ne cherchent donc nullement à empêcher les associations d’obtenir leur enregistrement.

Dès l’arrivée au pouvoir du Président Condé, en 2010, les acteurs de la société civile ont demandé et obtenu que tous les contrats conclus par les autorités avec des sociétés minières soient systématiquement publiés, ce qui leur a donné la possibilité de réclamer la révision de certains contrats. En 2011, la loi portant Code minier a été adoptée et, en 2013, certaines de ses dispositions ont été modifiées. Ce texte, qui a été élaboré par les ministères compétents, avec la participation des acteurs de la société civile concernés et de représentants des sociétés minières, prévoit que les populations locales vivant à proximité de ressources visées par un projet d’exploitation doivent être préalablement consultées lorsqu’il est envisagé de les déplacer aux fins du lancement du projet, et qu’elles doivent être indemnisées. M. Diallo cite un cas récent dans lequel la population locale, a été consultée et a approuvé le choix du lieu de réinstallation. Avant son déplacement, un inventaire détaillé de son habitat et de ses biens fonciers a été effectué et des logements ont été construits en vue de sa réinstallation. Les personnes qui avaient des jardins potagers ont été indemnisées. Les comités de concertation dans les localités minières n’ont pas cessé de mener leurs activités et sont toujours opérationnels. En 2012, la Guinée a lancé l’Initiative pour la transparence dans les industries extractives, mécanisme prévoyant des mesures contraignantes visant à garantir la transparence des activités menées dans le secteur minier. Grâce à la mise en place du FODEL, les collectivités vivant à proximité d’un site d’exploitation reçoivent 0,5 % du chiffre d’affaires de la société minière concernée. Cependant, afin que les collectivités qui ne se trouvent pas dans des régions riches en ressources minières puissent bénéficier également des retombées des activités d’exploitation, le FNDL reverse 15 % des recettes minières de l’État à l’ensemble des collectivités locales du pays. Les problèmes évoqués par le Rapporteur − travail des enfants, prostitution de mineures aux abords des exploitations minières et autres − concernent les sites d’exploitation artisanale de l’or, dans lesquels les autorités ont davantage de difficultés à faire respecter les lois. Des projets de décrets d’application de la loi relative à la lutte contre la corruption ont été élaborés et devraient être adoptés pendant la prochaine législature. La délégation fournira ultérieurement au Comité des réponses écrites sur les articles du Code de l’environnement portant sur les conséquences des changements climatiques et les dispositions de la législation qui ont trait à la conciliation de la vie familiale avec la vie professionnelle, ainsi que des statistiques sur la pollution produite par les activités minières, les allocations budgétaires pour la période 2015-2020 et la représentation des femmes dans la fonction publique.

Le Président invite les membres du Comité à poser des questions de suivi.

M. Uprimny note que, d’après des informations émanant du Fonds monétaire international (FMI), les dépenses publiques augmentent sensiblement pendant les périodes électorales dans l’État partie, alors que, parallèlement, les recettes fiscales diminuent. Il invite la délégation à préciser si l’État partie compte prendre des mesures afin que le niveau des dépenses publiques et des recettes fiscales dépende de l’application des politiques de mise en œuvre des droits économiques, sociaux et culturels plutôt que des cycles électoraux, et si des mécanismes de transparence ont été mis en place pour garantir l’accès des organisations de la société civile à l’information relative aux dépenses publiques.

M. De Schutter (Rapporteur pour la Guinée) souhaiterait recevoir des réponses aux questions qu’il a posées précédemment sur la discrimination fondée sur l’orientation sexuelle et la discrimination indirecte, qui sont restées en suspens. Se référant à des informations selon lesquelles, si l’égalité entre les hommes et les femmes en matière d’accès à la terre est garantie par le Code foncier, les femmes seraient privées de facto d’accès à la propriété foncière en raison de la persistance de certaines normes coutumières, l’expert demande à la délégation de bien vouloir commenter ces informations, et communiquer des statistiques sur la proportion de femmes parmi les propriétaires fonciers dans l’État partie.

M. Diallo (Guinée) dit que les dépenses publiques sont en effet plus élevées pendant les périodes électorales dans son pays. Du fait que les élections sont souvent une source d’instabilité et que les campagnes électorales sont fréquemment émaillées de violences parfois meurtrières, il est actuellement envisagé d’organiser simultanément plusieurs élections (présidentielles, législatives et locales) afin de neutraliser les tensions et de réduire les coûts d’organisation des élections. En ce qui concerne l’accès de la société civile à l’information relative aux dépenses publiques, M. Diallo indique que, lorsque les projets de budget élaborés par le Ministère compétent, en collaboration avec tous les autres ministères, sont examinés par l’Assemblée nationale, les représentants de la société civile sont autorisés à assister aux débats en tant qu’observateurs et à soumettre des propositions de modification. Une fois adopté, le projet de budget est rendu public. En ce qui concerne l’interdiction de la discrimination fondée sur l’orientation sexuelle, M. Diallo dit que son pays a pris bonne note des recommandations formulées à ce sujet dans le cadre de l’EPU mais que les mentalités n’ont pas encore assez évolué dans la société guinéenne pour qu’il soit possible de légiférer sur ce point. Il n’y a plus de discrimination à l’égard des femmes en matière d’accès à la terre et les normes coutumières prévoient que les femmes reçoivent une partie de l’héritage. Des statistiques précises seront fournies ultérieurement au Comité sur ce point.

Articles 6 à 15 du Pacte

M. Abdel-Moneim demande si l’État partie est satisfait des progrès réalisés dans l’application des plans de développement économique et si les infrastructures économiques guinéennes sont suffisamment robustes pour remplir toutes les obligations prévues aux articles 6 à 15 du Pacte.

M. De Schutter (Rapporteur pour la Guinée) demande si les partenaires sociaux et les travailleurs − y compris les travailleurs ruraux et les travailleurs du secteur informel − participent à l’élaboration des politiques de l’emploi. S’agissant de l’accès des personnes handicapées à l’emploi, il souhaiterait des précisions sur l’étendue de l’obligation de l’employeur de procéder à des aménagements raisonnables pour garantir l’accès des personnes handicapées à l’emploi, et savoir dans quelles circonstances un employeur peut être traduit en justice pour discrimination, s’il n’a pas fait le nécessaire pour aménager un poste de travail. Il aimerait savoir également quand l’État partie compte adopter les textes d’application de la loi de 2018 portant protection et promotion des personnes handicapées.

M. De Schutter s’enquiert des paramètres utilisés par la Commission consultative du travail et des lois sociales pour soumettre une proposition de montant à fixer pour le salaire minimum. Le montant fixé dans le décret relatif au salaire minimum peut-il s’écarter de la recommandation de cette commission, et le Conseil national pour le dialogue social, organe tripartite, joue-t-il un rôle dans la définition du salaire minimum ? L’expert demande ensuite comment les normes de salaire minimum sont appliquées lorsque l’employeur rémunère l’employé à la tâche ou à la pièce, et si une certaine somme est retenue sur le salaire quand l’employeur met un logement à disposition. La délégation voudra bien préciser comment le salaire minimum est garanti dans le secteur informel et si les personnes travaillant dans ce secteur ont accès à une instance de recours dans le respect de l’anonymat et sans crainte d’éventuelles représailles, quand leur salaire est inférieur au salaire minimum. D’après des informations portées à la connaissance du Comité, des syndicalistes qui revendiquaient certains droits auraient été victimes de harcèlement. En particulier, le responsable syndical de l’Union générale des travailleurs aurait été arrêté en mai 2018 à Boké pour avoir organisé des manifestations sur un site d’une société minière.

La délégation est invitée à commenter ces informations et à préciser si les dispositions de l’article 431.5 du Code du travail, dans lesquelles la notion de service minimum semble avoir une portée très large, sont interprétées à la lumière des dispositions de l’article 433.1 dudit Code, qui sont plus restrictives. Les articles 433 et 434 du Code du travail prévoient la possibilité de faire appel à un arbitrage en cas de contentieux entre les travailleurs et l’employeur, mais en vertu du paragraphe 4 de l’article 434, le Conseil des Ministres peut rendre une sentence arbitrale exécutoire, même en cas d’opposition formée par l’une des parties. Il semble donc que dans certaines situations, le Conseil des Ministres peut interrompre une grève de manière unilatérale. M. De Schutter demande donc s’il est prévu de modifier la disposition relative aux modalités du recours à l’arbitrage, compte tenu notamment des préoccupations déjà exprimées à ce sujet par la Commission d’experts pour l’application des conventions et recommandations de l’OIT.

M. De Schutter croit comprendre que les nombreuses personnes employées dans le secteur informel n’ont pas accès à une protection sociale. Il rappelle à cet égard que la recommandation no 204 concernant la transition de l’économie informelle vers l’économie formelle, adoptée par la Conférence internationale du Travail, donne un cadre aux États pour opérer cette transition, notamment par la promotion et de la protection effectives des droits de l’homme de tous les travailleurs du secteur informel, et la réalisation pour tous du travail décent par le respect, dans la loi et la pratique, des principes et droits fondamentaux au travail. Il s’agit en effet d’appliquer le droit du travail au secteur informel, faute de quoi les employeurs qui ne déclarent pas leurs employés seront encouragés à demeurer dans l’informalité. M. De Schutter souhaiterait donc savoir comment l’État partie gère cette situation et si la recommandation no 204 est appliquée.

Concernant le Projet de filets sociaux productifs (PFSP), le Fonds de développement économique et social (FDES) et le Fonds de développement social et de solidarité (FDSS), M. De Schutter demande quelle est la couverture de ces programmes et comment les bénéficiaires sont identifiés. En particulier, il aimerait savoir comment l’État procède pour limiter le non-recours aux droits, situation dans laquelle les personnes ne sont pas informées de leurs prérogatives.

M. Diallo (Guinée) dit que de 1958 à 1984, le pays a été géré selon un système de planification et de développement dans lequel des infrastructures et des entreprises d’État étaient créées et la gratuité de la scolarité et des soins de santé étaient assurés. À partir de 1984, la Guinée est passée, sous l’influence des institutions de Bretton Woods, à un modèle économique fondé sur la croissance et la privatisation, avant de revenir en 2011 à la planification, comme en témoigne l’adoption du Plan national de développement économique et social et des Documents de stratégie de réduction de la pauvreté. Le droit au développement et, partant, l’accès de tous aux retombées découlant de l’exploitation des ressources nationales sont des valeurs fondamentales pour la Guinée.

Le droit du travail est appliqué dans le secteur privé et le secteur public et son respect est contrôlé, mais le secteur informel est particulièrement difficile à réglementer. La liberté syndicale, quant à elle, est consacrée et respectée. Il est vrai que des grèves successives ont entraîné la fermeture de l’usine d’alumine de Fria et que cet événement a eu un impact direct et considérable sur les travailleurs et la ville, qui dépendaient entièrement de l’activité de l’usine, mais après de nombreuses négociations, l’usine a fini par rouvrir.

Pour ce qui est des questions relatives au droit du travail, aux conditions de travail ainsi qu’à la sécurité et à la couverture sociales, la délégation fournira ultérieurement des réponses écrites au Comité.

M. Emuze salue les lois en vigueur dans l’État partie pour réaliser les droits sociaux, économiques et culturels, en particulier la Vision Guinée 2040. Sachant que les autorités guinéennes ont pour objectif de répondre aux différents problèmes de développement liés à la situation socioéconomique et environnementale du pays, d’assurer le relèvement après Ébola et de s’aligner sur les programmes internationaux de développement, notamment les objectifs de développement durable, l’Accord de Paris, l’Agenda 2063 de l’Union africaine, le New Deal et la Vision 2020 de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), M. Emuze souhaiterait savoir quelles ont été les retombées de la première phase de mise en œuvre du PNDES (2016‑2020), en particulier en ce qui concerne les droits économiques et sociaux.

M. Diallo (Guinée) dit que le PNDES (2016-2020) arrive bientôt à son terme et que ses retombées seront évaluées le moment venu. La délégation fournira ultérieurement des réponses écrites au Comité à ce sujet.

M. Uprimny note avec satisfaction que le Code civil réprime le mariage d’enfants, le mariage précoce et la violence conjugale, mais est préoccupé par la persistance des mariages précoces, qui touchent principalement les filles. Cette pratique est particulièrement courante dans les régions rurales et pauvres et perpétue la pauvreté. Il demande pourquoi les mariages précoces sont si répandus, s’il existe une loi coutumière qui prime le droit positif, et ce que l’État partie compte faire pour mettre fin à cette pratique. En outre, la délégation pourrait préciser les mesures qui sont prises pour réduire le taux élevé de grossesses chez les adolescentes, et indiquer les stratégies de santé sexuelle et procréative adoptées pour faire face au besoin croissant de planification familiale, en particulier chez les femmes issues des milieux ruraux et pauvres. M. Uprimny demande si des mesures sont prises pour réduire le taux élevé de mortalité maternelle et améliorer l’accès aux soins prénatals, qui demeure très insuffisant, en particulier dans les zones rurales. Il souhaiterait savoir s’il existe des mécanismes spécifiques de protection des femmes contre la violence domestique, en particulier le viol conjugal.

Le taux de pauvreté demeure très élevé bien qu’ayant diminué au cours des dernières années, le taux d’extrême pauvreté atteignant 30 % d’après les données de la Banque mondiale. M. Uprimny souhaiterait un complément d’information sur la Stratégie de réduction de la pauvreté, notamment sur ses différentes composantes, ses mécanismes d’évaluation et les mesures qui sont prises dans le cadre de cette stratégie pour lutter efficacement contre la pauvreté.

La Guinée est réputée pour être le « château d’eau de l’Afrique » car elle abrite les bassins des principaux fleuves de l’Afrique occidentale, mais sa population souffre néanmoins d’un manque d’accès à l’eau potable, notamment dans les zones rurales. En effet, la moitié seulement des Guinéens auraient accès à l’eau potable et seuls 15 % auraient accès à l’assainissement. M. Uprimny demande pourquoi le cadre juridique et les programmes établis pour assurer l’accès de la population à l’eau potable ont produit si peu de résultats.

Le secteur agricole emploie plus de 75 % de la population active du pays et représente un quart du PIB, mais l’agriculture reste peu productive. Pour pallier ce problème, la Guinée a adopté le Programme accéléré de sécurité alimentaire et nutritionnelle et de développement agricole durable (2016-2020), qui repose sur des techniques de type « révolution verte » (utilisation d’engrais et de pesticides).  M. Uprimny souhaiterait des précisions sur le mode de désignation des bénéficiaires de ce programme et les dispositions prises pour que tous, y compris les cultivateurs des régions isolées, puissent bénéficier d’un soutien. Il demande si, pour recevoir un soutien, les agriculteurs doivent cultiver certaines variétés de fruits ou légumes ou approvisionner certaines filières, ou si les agriculteurs approvisionnant les marchés locaux ou cultivant pour leur propre consommation y ont droit eux aussi. Il demande également si d’autres formes de soutien sont prévues pour les agriculteurs qui ne souhaitent pas recourir à ces techniques pour ne pas s’endetter, et si des efforts sont consentis pour soutenir l’agroécologie, conformément à la Déclaration des Nations Unies sur les droits des paysans et des autres personnes travaillant dans les zones rurales. Quelles mesures concrètes, enfin, sont-elles prises pour lutter contre la malnutrition et l’insécurité alimentaire, en particulier chez les enfants, et pour augmenter le taux d’allaitement en Guinée, l’un des plus bas d’Afrique occidentale ?

L’accès au logement étant insuffisant dans les régions urbaines, M. Uprimny demande si l’État partie envisage d’adopter une stratégie de réforme urbaine. Se référant à une affaire d’expulsion de 20 000 personnes, sans notification préalable, de leur logement à Conakry, l’expert demande ce que le Gouvernement envisage pour remédier à cette situation, et s’il existe un cadre général de protection contre les expulsions forcées.

Tout en se félicitant de l’augmentation des ressources budgétaires consacrées à la santé au cours des dernières années, et en gardant à l’esprit les conséquences de l’épidémie d’Ébola pour le pays, M. Uprimny note que les dépenses de santé des ménages restent trop élevées, tandis qu’il n’existe pas de système de couverture maladie universelle. Il demande si l’État partie prévoit d’élaborer une stratégie de financement d’une couverture maladie universelle qui permette de réduire les dépenses de santé des ménages et de combler les disparités dans l’accès aux soins. Enfin, il s’enquiert des mesures prises pour lutter contre la mortalité infantile, réduire la prévalence de maladies contagieuses comme la tuberculose, le paludisme et le VIH/sida, augmenter le nombre de médecins, renforcer l’offre de services de santé, et améliorer l’accès aux antirétroviraux, notamment en Guinée forestière.

M. Diallo (Guinée) souligne que les points soulevés par le Comité relèvent de questions sociales qui nécessitent une action progressive dans les domaines de la formation, la sensibilisation et l’éducation, pour donner corps à la volonté qu’a le Gouvernement de l’État partie de mettre un terme aux pratiques traditionnelles mises en cause en faisant appliquer les lois existantes. Il cite l’exemple des grossesses hors mariage, qui sont généralement perçues comme un déshonneur par les familles concernées et relèvent des droits de l’homme. Il indique que les cas de violence domestique et de viol conjugal signalés sont traduits devant la justice. En ce qui concerne l’examen de l’article 11 sur le droit à un niveau de vie suffisant et l’article 12 sur le droit à la santé, ainsi que les points soulevés sur le niveau élevé de pauvreté, la stratégie de réduction de la pauvreté ou encore le droit à l’alimentation, il est fréquent que les États ne soient pas en mesure d’accorder des subventions dans ces domaines, tandis que les institutions financières internationales se préoccupent des équilibres macroéconomiques aux dépens des secteurs sociaux. Le Gouvernement guinéen accorde cependant une attention prioritaire aux secteurs de la santé et de l’éducation, mais ses moyens sont modestes, d’où la nécessité de faire appel à une aide extérieure. Il propose d’adresser au Comité des réponses écrites plus détaillées concernant les mesures concrètes engagées dans ces domaines.

En ce qui concerne les expulsions forcées dans la zone de Kaporo-rails en banlieue de Conakry, M. Diallo indique que les terres concernées appartenaient à l’État et qu’il avait été demandé aux personnes visées par une expulsion si elles détenaient un titre foncier. En outre, il avait été précisé que tous les titulaires pourraient adresser une réclamation directement au Ministère de la justice et que toutes les personnes en difficulté sur le plan social pourraient s’adresser au Ministère de la citoyenneté et de l’unité nationale. À ce titre, un certain nombre de réclamations avaient été transmises par l’intermédiaire d’organisations de la société civile et un plaidoyer avait été présenté en conseil interministériel et en conseil de gouvernement. Néanmoins, les victimes avaient fait savoir par l’intermédiaire de l’association qui les représentait qu’elles ne reconnaissaient pas la légitimité des personnes qui s’étaient présentées en leur nom devant le Ministère. Il avait donc été préconisé aux personnes concernées d’en référer à la justice, et le Gouvernement attend les suites de cette affaire.

En ce qui concerne l’accès à la santé et l’augmentation des dépenses de santé, M. Diallo dit qu’à la suite de la crise sanitaire qui a durement frappé la Guinée deux années durant, l’augmentation du budget de l’État n’a pas suffi à satisfaire les besoins dans ce domaine, s’agissant notamment des infrastructures et de la formation des professionnels de santé. Il en va de même pour la mortalité infantile, le nombre insuffisant de médecins, les moyens hospitaliers et l’accès aux antirétroviraux. La volonté politique se heurte à l’insuffisance des moyens. La délégation pourra communiquer les textes législatifs applicables.

M. Uprimny souhaite un complément d’information sur les expulsions forcées à Kaporo-rails. Il souligne que les terres concernées, si elles sont la propriété de l’État, ont néanmoins été occupées de fait pendant des années et sont devenues le foyer de nombreuses personnes. Il s’enquiert des mesures prises par l’État partie pour reloger les personnes expulsées qui n’avaient pas de logement de remplacement et s’interroge sur le bien-fondé de ces expulsions.

M. De Schutter (Rapporteur pour la Guinée) souhaite savoir quelles mesures réalistes l’État partie peut envisager compte tenu de ses moyens pour améliorer le taux d’enregistrement des naissances et de délivrance d’actes de naissance. Étant donné qu’une proportion non négligeable d’enfants n’est pas enregistrée dès la naissance et que, pour ceux qui le sont, la délivrance d’un acte de naissance n’est pas systématique, il pourrait être envisagé, pour remédier au problème, de coupler l’enregistrement des naissances avec les services de santé maternelle et infantile, de créer des équipes mobiles d’enregistrement, de rendre gratuite la délivrance des actes de naissance, d’accélérer le processus d’informatisation du système d’enregistrement, ou encore de créer des centres secondaires d’état civil décentralisés dans les différents quartiers et secteurs.

Le Comité a eu connaissance d’informations selon lesquelles la traite des enfants resterait un problème de taille en Guinée, notamment dans les préfectures de Koundara, Labé, Dinguiraye, Guéckédou et Siguiri. L’État partie a d’ailleurs reconnu le problème au paragraphe 137 de son rapport. Il n’est pas rare que les familles concernées soient réticentes à porter plainte et à faire appel à la justice par manque de confiance dans la justice, manque d’accès à la justice, ou manque d’information sur les recours. Quelles mesures l’État partie peut-il envisager pour améliorer la situation à cet égard, de manière à lutter plus contre l’impunité ?

Compte tenu du fait que le travail des enfants est pratiqué dans certaines zones et certains secteurs (par. 136 du rapport de l’État partie), M. De Schutter demande quelles mesures la Guinée compte prendre pour lutter plus efficacement contre l’exploitation économique des enfants, notamment ceux qui sont employés comme domestiques et ceux qui exercent des activités dans le secteur informel, qui travaillent dans des mines et qui mendient dans la rue, y compris les talibés (élèves des écoles coraniques).

En ce qui concerne le droit à la santé, il souligne que l’article 263 du Code pénal guinéen érige en infraction l’interruption volontaire de grossesse (IVG) « sauf cas prévus et autorisés par la loi pour raisons de santé », notamment en cas « de viol, d’inceste et d’affections graves de l’enfant à naître ». Compte tenu de l’ampleur du phénomène des grossesses précoces, il s’inquiète du risque sanitaire que poserait la multiplication des accouchements clandestins faute d’une libéralisation de l’IVG. Il rappelle que le Comité a réaffirmé, dans son observation générale no 22 de 2016, le droit des femmes de prendre des décisions autonomes en ce qui concerne leur santé sexuelle et procréative et demande si l’État partie envisage de prendre des mesures à cet effet.

M. Uprimny souligne la complexité du débat sur la compatibilité entre la coutume et les droits économiques, sociaux et culturels. Si l’adoption de textes de loi ne peut tout résoudre instantanément, des précisions seraient bienvenues sur les stratégies concrètes envisagées ou suivies par l’État partie pour faire respecter la loi et mettre fin à des pratiques néfastes persistantes comme le mariage précoce et les mutilations génitales féminines.

M. Diallo (Guinée) s’engage à fournir des réponses écrites au Comité concernant le relogement des personnes expulsées à Kaporo-rails et l’enregistrement des naissances par les services d’état civil. Il souligne que les problèmes de la traite et du travail des enfants touchent surtout les zones minières, dont Siguiri. Le phénomène de l’exploitation des enfants par les marabouts reste assez limité en Guinée. Dans la mesure où, par le passé, l’enseignement moderne coexistait avec l’enseignement coranique traditionnel, l’emploi du temps des élèves était très rempli, ce qui limitait les risques de délinquance. S’agissant du mariage précoce et des mutilations génitales féminines, l’enjeu principal est d’expliquer aux parents que ces pratiques portent préjudice à la santé de leur enfant, plutôt que de les interdire, car il est fréquent que les parents n’aient pas conscience des dangers encourus. Si l’État partie a érigé ces faits en infraction, il importe au premier chef d’éduquer la population.

Articles 13 à 15 du Pacte

M. Caunhye note que le taux d’illettrisme est d’environ 68 % chez les personnes âgées de 15 ans et au-delà et serait encore plus élevé chez les femmes. Il demande quelles mesures ont été prises pour augmenter le taux de scolarisation au primaire et au secondaire et réduire le taux d’abandon scolaire. Il souhaite savoir si l’État partie suit un plan d’action ou une stratégie pour consacrer les ressources nécessaires à la construction d’établissements scolaires dotés d’infrastructures adaptées, notamment sur le plan de l’approvisionnement en eau potable et de l’assainissement. Concernant les déséquilibres éducatifs entre les régions, les préfectures, et les campagnes et les villes, ainsi qu’entre les garçons et les filles, que l’État partie mentionne dans son rapport initial, M. Caunhye aimerait en savoir davantage sur les mesures prises pour réduire ces disparités afin de garantir l’éducation pour tous.

Dans ses observations finales formulées en 2019, le Comité des droits de l’enfant s’est dit vivement préoccupé par le fait que les filles ne sont pas suffisamment en sécurité à l’école et courent un risque élevé d’être victimes de harcèlement sexuel et de violences sexuelles de la part des enseignants. À cet égard, le comité en question a prié instamment l’État partie de prendre toutes les mesures voulues pour lutter contre les violences faites aux filles dans le cadre scolaire, en mettant l’accent sur les politiques de prévention et la poursuite des auteurs de violences, et de prendre sans délai des mesures pour aider les mères adolescentes et les adolescentes enceintes à poursuivre leurs études. M. Caunhye souhaite savoir si des mesures ont été prises pour garantir l’accès des filles à l’éducation sans risque de violence et de discrimination et si la violence à l’égard des filles dans le cadre scolaire a été interdite par la loi.

En ce qui concerne la qualité de l’éducation, M. Caunhye demande quelles mesures ont été prises pour allouer des ressources humaines, techniques et financières à l’augmentation du nombre d’enseignants par nombre d’élèves ainsi qu’à la formation des enseignants et à l’amélioration de leurs conditions de travail, et pour assurer la fourniture de manuels d’enseignement. Il souhaiterait également recevoir des données précises concernant les résultats des diverses évaluations du niveau des élèves dans le primaire et le secondaire. Pour ce qui est de l’enseignement supérieur et de la formation technique et professionnelle, M. Caunhye souhaiterait des renseignements chiffrés concernant, notamment, le type et le nombre d’établissements, les différents programmes proposés et le nombre d’étudiants. La délégation pourrait aussi communiquer des informations sur les politiques et les plans d’action qui seraient menés afin que davantage d’enfants de moins de 7 ans bénéficient d’un enseignement préscolaire public.

M. Caunhye demande si l’État partie a pris des mesures pour remédier au manque de prise en charge des enfants handicapés en établissement spécialisé, de sorte que ces enfants reçoivent une formation leur permettant de s’intégrer dans la société, y compris sur le plan professionnel. En outre, compte tenu de la forte augmentation de la scolarisation dans des établissements privés par rapport à la scolarisation dans des établissements publics entre 1984 et 2012, il demande quelles mesures ont été prises pour améliorer l’accès à une éducation gratuite pour tous, notamment dans le primaire et le secondaire, et pour atténuer les effets discriminatoires de l’essor de l’enseignement privé pour les enfants issus de familles défavorisées.

Enfin, en ce qui concerne les droits culturels, M. Caunhye souhaite savoir si l’État partie a mis en place une stratégie globale dans le domaine culturel pour créer des conditions propices à la participation effective de toutes les personnes à la vie culturelle quelle que soit leur appartenance ethnique, aussi bien en milieu urbain qu’en milieu rural, et pour préserver, protéger et promouvoir les coutumes, langues et traditions culturelles des différents groupes ethniques du pays. Il prie l’État partie de transmettre au Comité des renseignements sur la situation actuelle en matière d’accès à Internet en Guinée, notamment dans les régions rurales, et demande si un quelconque plan d’action a été élaboré pour mettre en place progressivement les infrastructures permettant de garantir l’accès à cette ressource.

La séance est levée à 12 h 55.