Nations Unies

E/C.12/2012/SR.44

Conseil économique et social

Distr. générale

26 novembre 2012

Original: français

Comité des droits économiques, sociaux et culturels

Quarante- neuvième session

Compte rendu analytique de la première partie (publique)* de la 44 e séance

Tenue au Palais Wilson, à Genève, le mercredi 21 novembre 2012, à 15 heures

Président: M. Pillay

Sommaire

Examen des rapports

a) Rapports soumis par les États parties conformément aux articles 16 et 17 du  Pacte (suite)

Quatrième rapport périodique de l ’ Islande(suite)

La séance est ouverte à 15 h 10.

Examen des rapports

a)Rapports soumis par les États parties conformément aux articles 16 et 17 du Pacte (suite)

Quatrième rapport périodique de l’Islande ((E/C.12/ISL/4); document de base (HRI/CORE/1/Add.26); liste des points à traiter (E/C.12/ISL/Q/4); réponses écrites du Gouvernement islandais à la liste de s points à traiter (E/C.12/ISL/Q/4/Add.1), en anglais seulement) (suite)

1. Sur l ’ invitation du Président, la délégation islandaise re prend place à la table du  Comité.

Articles 10 à 12 du Pacte (suite)

2.M me Thorsteinsdottir (Islande) dit que, en part du PIB, le budget de la santé est passé de 7,5 % en 2006 et 2007 à 7 % en 2011; le pic de 7,9 % atteint en 2009 s’explique par la baisse du PIB cette année-là. Les besoins de santé de toutes les personnes vivant sur le territoire islandais étant pris en charge, il n’existe pas de disposition financière particulière pour les migrants ou pour les enfants handicapés. Avec un taux d’environ 5 %, l’obésité chez les enfants de 12 ans est en baisse; des programmes scolaires encourageant les bonnes habitudes alimentaires et l’activité sportive ont été mis en place et la publicité pour les aliments à faible valeur nutritive, interdite pendant les émissions destinées à la jeunesse; l’obésité touche quelque 20 % des adultes. La consommation d’alcool, de tabac et de drogues chez les jeunes, surveillée de longue date, diminue régulièrement, à l’instar de la consommation de tabac chez les adultes (14 %). Le nombre des suicides s’élève à 33, dont 6 de jeunes de moins de 30 ans, en 2005; 32, dont 7 de jeunes de moins de 30 ans, en 2006; et 36, dont 4 de jeunes de moins de 30 ans, en 2009. Les restrictions qui ont frappé les services de santé n’ont pas influé sur la qualité des prestations, les délais d’attente ou les indicateurs, tels que l’espérance de vie ou le taux de mortalité infantile. Il ressort d’une récente enquête effectuée par l’Hôpital universitaire national auprès des usagers que ceux-ci sont satisfaits des services de santé.

3.M me Gunnsteinsdottir (Islande) dit que tous les secteurs d’activité sont régis par des conventions collectives. En ce qui concerne les conditions imposées par la loi sur l’assurance chômage, celle-ci prévoit, au paragraphe 3 de son article 14, un certain nombre d’exceptions dont le chômeur peut se prévaloir pour refuser un emploi. Le salaire minimum mensuel pour un travailleur non qualifié est de 193 000 couronnes islandaises, la pension de retraite et d’invalidité minimum de 203 000 couronnes par mois et l’indemnité de chômage minimum de 167 000 couronnes par mois. Entre 2010 et 2011, le revenu disponible des ménages a augmenté de 9,6 %, le revenu disponible par habitant de 9,3 % et le pouvoir d’achat par habitant de 5,1 %; dans la même période, le revenu total des ménages a progressé de 6,7 % et les dépenses de 2,7 %. La proportion de familles monoparentales courant le risque de tomber dans la pauvreté est passée de 30,1 % en 2010 à 28,4 % en 2011, tandis que celle des personnes âgées de plus de 65 ans se trouvant dans la même situation, qui était de 31 % en 2009, n’était plus que de 7,7 % en 2011. La loi qui prévoit une proportion de 40 % de femmes au sein des conseils d’administration de 321 entreprises et 31 fonds de pension entrera en vigueur en septembre 2013, mais 47 % de ces entreprises et 42 % de ces fonds de pension en respectent déjà les dispositions. Sur le plan social, des mesures spéciales ont été prises dans la région de Sudhurnes qui a subi la crise de plein fouet. Des indicateurs de développement social ont été élaborés et les crédits nécessaires à leur mise en œuvre par l’Office national de la statistique ont été réunis. De très nombreux projets de formation et d’aide financière favorisent la réorientation professionnelle des chômeurs, notamment des jeunes et des chômeurs de longue durée. En août 2010, le Gouvernement a institué un Médiateur pour les problèmes d’endettement, qui a pour mission de venir en aide aux particuliers en grande difficulté financière en appliquant les mesures d’allégement des dettes décidées par le Gouvernement. En novembre 2012, le Médiateur avait reçu 4 400 dossiers de demande d’allégement de dette. Des formules de réaménagement de la dette ou d’effacement des dettes dépassant 110 % de la valeur d’un bien immobilier ont également été mises en place.

4.M me Bjarnadottir (Islande) dit que le Gouvernement compte désigner rapidement une institution nationale des droits de l’homme mais est en quête d’une organisation non gouvernementale (ONG) ayant l’expérience requise. Compte tenu du lien manifeste entre la traite des êtres humains et la prostitution, le Gouvernement a renforcé la législation contre la seconde, pour mieux lutter contre la première adaptant le Code pénal en fonction des instruments internationaux ratifiés qui s’y rapportent. Suivant le modèle suédois et norvégien, le Gouvernement a choisi de lutter contre la prostitution en criminalisant les proxénètes et les clients, et non les personnes qui se prostituent. Il a mis en place un plan de lutte contre la traite des êtres humains, qui repose sur la formation des forces de police, la coopération internationale et l’octroi de fonds publics à des ONG qui viennent en aide aux victimes de mauvais traitements et de violences sexuelles. Il a aussi ouvert un large débat national sur ce sujet.

5.M. Texier demande si l’État partie est confronté au problème du travail informel.

6.M me Shin souhaite savoir quelles peines encourent les clients de personnes qui se prostituent et si des peines sont prévues pour les ressortissants islandais qui achètent ce type de services à l’étranger dans le cadre du tourisme sexuel.

7.M. Abdel- Moneim estime que les conditions qui sont imposées aux demandeurs d’emploi sont contraires à l’exigence de liberté de choix et d’acceptation prévue à l’article 8 du Pacte. Il espère qu’en dépit de son libellé, la loi est appliquée dans le respect de cette disposition importante.

8.Le Président, prenant la parole en tant que membre du Comité, demande quelles mesures sont prises pour faire face à l’augmentation du nombre de personnes vivant sous le seuil de pauvreté, notamment les familles monoparentales et les familles nombreuses.

9.M me Gunnsteinsdottir (Islande) dit que le travail informel pose problème en Islande, notamment dans le bâtiment, l’hôtellerie et la restauration, et que les autorités coopèrent étroitement avec les partenaires sociaux pour l’éliminer. Après l’effondrement économique du pays, le Gouvernement a lancé une campagne destinée à inciter les particuliers à recourir à des travailleurs déclarés, notamment en remboursant la TVA sur les travaux effectués. Les personnes dont le salaire est inférieur au salaire minimum sont prises en charge par les services sociaux de leur municipalité et ont accès à de nombreuses prestations.

10.M me Bjarnadottir (Islande) dit que la peine maximum encourue pour l’achat de services de prostitution est d’une année d’emprisonnement. La compétence extraterritoriale s’applique à l’achat de services de prostitution enfantine. L’Islande a publié cette année, en s’inspirant des bonnes pratiques de la Norvège, les premières règles déontologiques pour les fonctionnaires islandais, qui interdisent à ces derniers d’acheter des services de prostitution. Six articles du projet de nouvelle Constitution examiné actuellement par le Parlement font directement référence au Pacte, et cinq autres s’inspirent d’autres dispositions du Pacte. La délégation islandaise ne manquera pas de signaler au groupe de rédaction du projet de nouvelle Constitution que les dispositions prévues à l’alinéa b du paragraphe 1 de l’article 15 du Pacte, relatives au droit de bénéficier du progrès scientifique et de ses applications, n’ont pas été intégrées dans ledit projet.

11.M. Tirado Mejia, notant que la prostitution est criminalisée en Islande, demande si le recours aux services de prostitution d’un mineur constitue une double infraction, donnant lieu à deux sanctions.

12.Le Président, intervenant en sa qualité de membre du Comité, demande pour quelle raison il faudrait attendre 2013 pour augmenter le montant des allocations familiales.

13.M me Thorsteinsdottir (Islande) répond que l’augmentation des allocations familiales et autres prestations sociales est inscrite dans la loi de finances pour 2013, qui doit être adoptée dans les semaines qui suivent.

14.M me Bjarnadottir  (Islande) précise que ce n’est pas l’acte de prostitution qui est passible de sanctions, mais l’achat ou la facilitation de services sexuels. La peine est plus élevée lorsqu’un mineur est en jeu et peut aller jusqu’à deux ans d’emprisonnement.

Articles 13 à 15 du Pacte

15.M. March á n Romero demande ce que représente sur l’échelle des salaires la somme mensuelle qui est versée aux artistes afin qu’ils puissent se consacrer à leur travail de création. Il s’enquiert également des conditions d’attribution de ce salaire et demande si des écrivains étrangers résidant dans le pays peuvent y prétendre. Il aimerait connaître les incidences budgétaires de la mesure permettant aux écrivains de recevoir des droits d’auteurs pour l’utilisation et le prêt de leurs livres dans les bibliothèques. Il demande pourquoi seuls les citoyens de pays de l’espace économique européen bénéficient de cette mesure. Il s’enquiert en outre des mesures prises pour faciliter la participation à la vie culturelle des enfants de familles défavorisées, des enfants migrants, des personnes âgées et des personnes handicapées.

16.M. Kerdoun demande des précisions sur la nouvelle loi relative à l’éducation, adoptée en 2011. Il s’enquiert des conséquences des restrictions budgétaires imposées au système éducatif depuis 2008 et des mesures prises pour en atténuer les effets néfastes sur les enfants scolarisés. S’interrogeant sur les causes de l’abandon scolaire, il demande si les élèves peuvent interrompre leur scolarité et la reprendre plus tard. Il demande aussi des précisions sur la formation des enseignants de l’enseignement primaire et secondaire, le nombre d’élèves issus de l’immigration et leurs pays d’origine, et les éventuelles mesures prises pour prévenir l’abandon scolaire de cette catégorie d’élèves. Enfin, il souhaite connaître le nombre d’universités en Islande, et savoir si toutes les filières y sont représentées et dans quelle(s) langue(s) est dispensé l’enseignement.

17.M. Schrijver s’enquiert de l’existence de peuples autochtones en Islande.

18.M. Kedzia demande quelles sont les mesures prises pour garantir l’accès des personnes les plus défavorisées à l’Internet.

19.M. Riedel (Rapporteur pour l’Islande) demande des précisions sur l’application du paragraphe 3 de l’article 15 du Pacte, relatif à la recherche scientifique et aux activités créatrices.

20.M. Olgeirsson (Islande) dit que les enfants handicapés, seul groupe à ne pas connaître l’abandon scolaire, sont intégrés au système éducatif à tous les niveaux. De gros progrès ont été réalisés ces dernières années et des départements spéciaux ont été créés pour les élèves handicapés dans l’enseignement secondaire, où ceux-ci bénéficient d’un soutien très actif. Des établissements spécialisés accueillent les enfants atteints de handicaps multiples ou présentant des problèmes de comportement lourds, mais 99,5 % des enfants handicapés sont scolarisés dans l’enseignement général. Les crédits budgétaires destinés à ce groupe sont restés constants malgré la crise économique. L’immigration étant un phénomène récent en Islande, les immigrés de deuxième génération représentent moins de 1 % de la population. Les immigrés ont les mêmes droits que les Islandais en matière d’éducation. Les enfants immigrés fréquentent tous l’école obligatoire de 6 à 16 ans mais leur taux d’abandon est élevé dans l’enseignement secondaire de deuxième degré. Les causes en sont mal connues, mais les écoles n’ont certainement pas été bien préparées à accueillir ces élèves. Une consultation s’est tenue récemment avec toutes les parties prenantes, dont les résultats serviront de base pour l’élaboration d’un plan d’action qui prévoira, notamment, des services de conseil et d’orientation à l’intention des élèves immigrés et de leurs parents, ainsi qu’un programme d’apprentissage de l’islandais et d’enseignement des langues parlées par les immigrés. Il n’y a pas de peuple autochtone en Islande ni d’autre langue que l’islandais. La langue des signes est reconnue par la loi comme étant la langue maternelle des sourds et elle est enseignée à l’école et dans les universités.

21.Il existe six universités indépendantes qui enseignent toutes les matières au niveau de la licence et de plus en plus au niveau du Master et du doctorat. De nombreux étudiants islandais participent à des échanges avec des universités étrangères, notamment dans le cadre du programme Erasmus. Une vaste réforme du système éducatif, devant s’achever en 2015, avait été entreprise avant la crise économique, qui prévoyait une refonte complète du programme d’enseignement, notamment de l’enseignement secondaire de deuxième degré. Le nouveau Gouvernement issu des élections de 2009 a poursuivi la mise en œuvre de cette réforme qui repose désormais sur plusieurs piliers fondamentaux − alphabétisation, pérennité, santé et bien-être, démocratie et droits de l’homme, égalité et créativité. Pour la première fois, l’enseignement des droits de l’homme figure dans les programmes scolaires en Islande. Cette initiative a emporté l’adhésion des élèves, des parents, des enseignants et des municipalités.

22.Force est de reconnaître que, jadis, près de la moitié des enseignants n’avait pas de qualifications. Si cela est encore le cas dans certaines zones rurales reculées, les personnes chargées d’enseignement ont acquis une certaine expérience et ont la possibilité de suivre des formations qui leur sont spécialement destinées. Depuis l’adoption de la loi sur la formation des enseignants, tous les professeurs, y compris ceux de l’enseignement préscolaire, doivent désormais être titulaires d’un diplôme du niveau de la maîtrise. Par le passé, les enseignants se refusaient à aborder en classe les questions relatives à la sexualité et à la santé sexuelle, mais ces matières font désormais partie intégrante des programmes scolaires. Préoccupé par la consommation croissante de films et d’images pornographiques par les jeunes garçons, l’État a mis à la disposition des écoles et des enseignants des manuels d’éducation sexuelle, espérant ainsi donner aux enfants des références plus saines en la matière.

23.La vie culturelle est très riche en Islande, la culture sous toutes ses formes faisant partie intégrante de la vie quotidienne de la plupart des Islandais. De nombreuses initiatives sont mises en œuvre pour associer les écoliers à divers projets culturels en collaboration avec des artistes, des écoles de musique ou encore des groupes de théâtre. Des auteurs connus viennent en outre donner lecture de leurs œuvres dans les écoles. La culture est aussi de plus en plus accessible sur Internet. L’Islande, qui consacre beaucoup de fonds à la traduction de ses auteurs, ainsi que des auteurs étrangers, s’enorgueillit d’avoir été le pays à l’honneur du Salon du livre de Francfort, ce qui, par ricochet, a redynamisé les traductions littéraires vers l’allemand. L’objectif de la nouvelle politique culturelle actuellement examinée par le Parlement est de veiller à ce que la culture soit accessible à tous les groupes sociaux, y compris les émigrés et les groupes les plus pauvres et marginalisés.

24.M me Bjarn a dottir (Finlande) explique que certains artistes perçoivent à titre honorifique un salaire pour la contribution qu’ils ont apportée au monde des arts, tandis que d’autres, professionnels, peuvent présenter un dossier auprès d’un comité spécialisé pour prétendre à un salaire mensuel payé par l’État, dont le montant est supérieur à celui d’un ouvrier non qualifié. Avec un taux de 94,6 % de foyers connectés à l’échelle du pays, l’accès à Internet est quasi universel. Seules les personnes âgées l’utilisent peu (21,7 %).

25.M. Olgeirsson (Islande) dit que, de tout temps, les pouvoirs publics se sont inquiétés du faible niveau d’instruction de la population, plus de 30 % des adultes n’ayant pas poursuivi leurs études au-delà de la fin de la scolarité obligatoire. L’un des objectifs, particulièrement ambitieux, de la stratégie «Islande 2020» est de ramener ce pourcentage à 10 % à l’horizon 2020. Pour cela, les établissements d’enseignement secondaire proposeront aux adultes qui le souhaitent des cours de remise à niveau. Les immigrés, qui sont quelque 50 % à abandonner leurs études avant d’avoir obtenu le diplôme de fin d’études secondaires, estiment que le système éducatif islandais est trop éloigné de leur propre système, et que la langue est un réel obstacle. Aussi des associations leur proposent-elles, le soir et le week-end, des cours dans leur langue maternelle qui leur permettent de mieux s’approprier les savoirs en islandais. Des cours dans leur langue maternelle leur sont également offerts à distance via l’Internet.

26.M. Sadi demande si le taux élevé d’abandon scolaire des enfants d’immigrés peut avoir un lien avec d’éventuelles brimades qu’ils subiraient à l’école.

27.M. Olgeirsson (Islande) rappelle que les Polonais (2 à 3 % de la population), constituent le groupe minoritaire le plus important. Conscient que le phénomène des brimades, longtemps passé sous silence, est une réalité en Islande, et pas seulement à l’école mais aussi sur le lieu de travail et au sein de tous les groupes de population, le Gouvernement islandais a mené une campagne de sensibilisation à ce sujet, largement relayée dans les médias. Il a en outre décrété que chaque année serait observée, le 8 novembre, la Journée de sensibilisation au phénomène des brimades à l’école et sur le lieu de travail. En outre, les internautes sont invités à signer sur Internet une pétition en faveur d’une action contre ce phénomène.

28.M me Thorsteinsdottir (Islande) dit que son pays a été très durement frappé par la crise financière internationale, qui a précipité la dévaluation de sa monnaie, poussé l’inflation à la hausse et fait passer le taux de chômage de 1 % à 10 %. Le Gouvernement a certes dû réduire les dépenses publiques mais est parvenu à préserver son système de protection sociale, en prenant notamment des mesures en faveur des plus pauvres et en encourageant la création d’emplois. Mme Thorsteinsdottir remercie les membres du Comité pour leurs observations utiles qui serviront à mieux définir le plan d’action national en faveur des droits de l’homme, en cours d’élaboration.

29.Le Président remercie la délégation islandaise et annonce que le Comité a achevé l’examen du rapport

La première partie (publique) de la séance prend fin à 17 h 35.