NATIONS UNIES

E

Conseil économique et social

Distr.GÉNÉRALE

E/C.12/PHL/CO/42 décembre 2008

FRANÇAISOriginal: ANGLAIS

COMITÉ DES DROITS ÉCONOMIQUES,SOCIAUX ET CULTURELSQuarante et unième sessionGenève, 3‑21 novembre 2008

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT AUX ARTICLES 16 ET 17 DU PACTE

PHILIPPINES

Observations finales du Comité des droits économiques, sociaux et culturels

1.Le Comité des droits économiques, sociaux et culturels a examiné les deuxième à quatrième rapports périodiques des Philippines sur l’application du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (E/C.12/PHL/4), présentés en un seul document, à ses 39e, 40e et 41e séances, tenues les 11 et 12 novembre 2008 (E/C.12/2008/SR.39 à 41), et a adopté, à sa 56e séance, tenue le 21 novembre 2008, les observations finales ci‑après.

A. Introduction

2.Le Comité accueille avec satisfaction la présentation des deuxième à quatrième rapports périodiques des Philippines en un seul document, qui est dans son ensemble conforme aux directives du Comité, mais déplore qu’elle intervienne avec onze ans de retard. Il se félicite en outre des réponses écrites à sa liste de points à traiter (E/C.12/PHL/Q/4/Add.1) et du dialogue ouvert et constructif instauré avec la délégation de l’État partie, composée de représentants de divers ministères connaissant particulièrement bien les questions couvertes par le Pacte.

3.Le Comité se félicite que la Commission des droits de l’homme des Philippines ait participé au dialogue avec l’État partie, et prend note en s’en félicitant de la présentation orale faite par son président à l’occasion de l’examen du rapport.

B. Aspects positifs

4.Le Comité note avec satisfaction que l’État partie a ratifié les principaux instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme des Nations Unies ou y a adhéré.

5.Le Comité note avec satisfaction l’adoption de plusieurs mesures visant à interdire toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes et à promouvoir l’égalité entre les hommes et les femmes, notamment:

a)Le Plan philippin de développement favorisant l’égalité entre les sexes, 1995‑2025;

b)La loi de 1995 réprimant le harcèlement sexuel (loi de la République no 7877);

c)La loi de 2003 réprimant la traite des êtres humains (loi de la République no 9208); et

d)La loi de 2004 réprimant la violence à l’égard des femmes et de leurs enfants (loi de la République no 9262).

6.Le Comité prend également note avec satisfaction des diverses mesures législatives, administratives et politiques adoptées par l’État partie pour reconnaître, protéger et promouvoir les droits individuels et collectifs des peuples autochtones vivant sur le territoire de l’État partie, notamment:

a)La loi de 1997 relative aux droits des peuples autochtones (loi de la République no 8371);

b)Les directives relatives au consentement préalable libre et éclairé, adoptées en 2002 par la Commission nationale des peuples autochtones, qui mettent l’accent sur le droit des peuples autochtones à prendre part aux décisions les concernant; et

c)Le décret‑loi 270‑A, dont le but est de préserver l’intégrité écologique des terres et des ressources autochtones des effets négatifs des activités d’exploitation minière.

7.Le Comité salue les efforts mis en œuvre par l’État partie pour protéger et promouvoir les droits des travailleurs philippins expatriés, notamment l’adoption de la loi de 1995 sur les travailleurs migrants et les Philippins expatriés (loi de la République no 8042), la conclusion d’un certain nombre d’accords bilatéraux avec des pays de destination et la promotion de systèmes de sécurité sociale facultatifs pour les travailleurs philippins expatriés.

8.Le Comité note avec satisfaction l’adoption de la loi de 1997 abrogeant les dispositions interdisant le squat (loi de la République no 8368), qui dépénalise cette pratique, conformément aux recommandations formulées par le Comité dans ses précédentes observations finales (E/C.12/1995/7, par. 31).

9.Le Comité note avec satisfaction l’instauration par l’État partie d’un cadre législatif et de mécanismes institutionnels destinés à protéger l’environnement et à améliorer l’hygiène du milieu et l’hygiène du travail.

10.Le Comité salue la ratification récente, par l’État partie, des protocoles facultatifs à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant respectivement l’implication d’enfants dans les conflits armés et la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants; de la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille; et du Protocole facultatif à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes. Il note également avec satisfaction la ratification de la Convention no 182 (1999) de l’OIT sur les pires formes de travail des enfants et de la Convention no 29 (1930) de l’OIT sur le travail forcé.

C. Facteurs et difficultés entravant la mise en œuvre du Pacte

11.Le Comité constate qu’aucun facteur ni aucune difficulté majeurs n’entravent l’application effective du Pacte dans l’État partie.

D. Principaux sujets de préoccupation et recommandations

12.Le Comité reste préoccupé par le fait que les dispositions du Pacte sont rarement invoquées devant les cours, les tribunaux ou les autorités administratives du pays ou appliquées directement par eux, en dépit du fait qu’aux termes de la section 2 de l’article II de la Constitution de 1987, le Pacte est considéré comme «faisant partie du droit interne».

Le Comité appelle l ’ attention de l ’ État partie sur son Observation générale n o  9 (1998) sur l ’ application du Pacte au niveau national, et recommande à l ’ État partie de prendre toutes les mesures nécessaires pour garantir l ’ application directe des dispositions du Pacte dans son ordre juridique interne, notamment en mettant en place des programmes de formation pour les juges, les avocats et les agents de la fonction publique. Le Comité prie également l ’ État partie de fournir, dans son prochain rapport périodique, des informations détaillées sur les décisions de cours, de tribunaux ou d ’ autorités administratives donnant effet aux droits visés par le Pacte.

13.Le Comité est préoccupé par le fait que la protection et la promotion des droits économiques, sociaux et culturels ne font pas partie du mandat de la Commission des droits de l’homme des Philippines. Il note également avec préoccupation le fait que celle‑ci ne dispose pas de ressources financières suffisantes pour s’acquitter de ses fonctions d’enquête et de surveillance.

Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ intensifier ses efforts visant à rendre la Commission des droits de l ’ homme des Philippines plus efficace, notamment en élargissant son mandat à la protection et à la promotion des droits économiques, sociaux et culturels, et en lui allouant les ressources financières dont elle a besoin pour mener à bien ses fonctions d ’ enquête et de surveillance. À cet égard, le Comité appelle l ’ État partie à progresser rapidement vers l ’ adoption de la Charte de la Commission des droits de l ’ homme des Philippines.

14.Le Comité note avec préoccupation qu’en dépit des efforts entrepris par l’État partie pour combattre la corruption, comme la création d’un certain nombre d’instances publiques de lutte contre la corruption telles que le tribunal anticorruption, ce phénomène reste largement répandu.

Le Comité recommande à l ’ État partie de redoubler d ’ efforts pour engager des poursuites dans les cas de corruption et de revoir le régime des peines applicable aux infractions liées à la corruption. Il recommande aussi à l ’ État partie de former les policiers et les autres membres des forces de l ’ ordre, les magistrats du parquet et les juges à la stricte application des lois anticorruption, d ’ organiser des campagnes de sensibilisation et de faire le nécessaire pour imposer, en droit et en pratique, la transparence du comportement des autorités publiques. Le Comité prie l ’ État partie de fournir, dans son prochain rapport périodique, des renseignements détaillés sur les progrès enregistrés et les obstacles rencontrés dans le cadre de la lutte contre la corruption et l ’ impunité.

15.Le Comité demeure préoccupé par les informations selon lesquelles les disparitions forcées et les exécutions extrajudiciaires de militants syndicaux, de dirigeants autochtones, de paysans militant pour la mise en œuvre de la réforme agraire et de défenseurs des droits de l’homme engagés dans la défense des droits économiques, sociaux et culturels de leurs communautés se poursuivent, en dépit des mesures adoptées par l’État partie, y compris la création de l’Équipe spéciale contre la violence politique, pour lutter contre ces phénomènes. Il est particulièrement préoccupé du peu d’avancement des enquêtes menées par l’État partie sur des affaires relatives à des disparitions forcées et des exécutions extrajudiciaires, et des poursuites engagées contre les auteurs de tels crimes.

Le Comité invite instamment l ’ État partie à prendre toutes les mesures nécessaires pour protéger les militants syndicaux, les dirigeants autochtones, les militants paysans et les défenseurs des droits de l ’ homme engagés dans la défense des droits économiques, sociaux et culturels de leurs communautés contre tout acte d ’ intimidation, toute menace ou violence perpétrés par les forces de sécurité et des agents de l ’ État ou des acteurs non étatiques. Il demande également à l ’ État partie de faire en sorte que toutes les affaires de disparitions forcées et d ’ exécutions extrajudiciaires qui sont signalées fassent l ’ objet d ’ enquêtes approfondies engagées sans délai et que les auteurs présumés des crimes soient poursuivis et dûment sanctionnés si leur culpabilité est établie. Le Comité invite l ’ État partie à fournir, dans son prochain rapport périodique, des renseignements détaillés sur l ’ avancement des actions visant à prévenir les disparitions forcées et les exécutions extrajudiciaires et à en châtier les auteurs.

16.Le Comité note avec préoccupation les effets néfastes que les activités économiques liées à l’exploitation des ressources naturelles, notamment les activités d’extraction minière menées sur des territoires autochtones, continuent d’avoir sur le droit qu’ont les peuples autochtones sur leurs domaines ancestraux, leurs terres ancestrales et leurs ressources naturelles, tel qu’il est consacré par la loi de 1997 sur les droits des peuples autochtones. Il s’inquiète du conflit entre la loi sur les activités extractives et la loi sur les droits des peuples autochtones, et note en particulier que l’article 56 de cette loi, qui prévoit la protection des droits de propriété déjà existants sur des terres ancestrales, risque en pratique de compromettre la protection des droits reconnus aux peuples autochtones par la loi (art. 1, 11, 12 et 15).

L e Comité prie l ’ État partie d ’ appliquer pleinement la loi de 1997 sur les droits des peuples autochtones, notamment en garantissant la jouissance effective, par les peuples autochtones, de leurs droits sur leurs domaines ancestraux, leurs terres ancestrales et leurs ressources naturelles, et en empêchant que les activités économiques − en particulier l ’ extraction minière − menées sur les territoires autochtones nuisent à la protection des droits reconnus aux peuples autochtones par la loi susmentionnée.

17.Le Comité note avec préoccupation qu’en dépit de la croissance élevée du PIB, les dépenses publiques consacrées aux services sociaux tels que le logement, la santé et l’éducation restent faibles et ont même diminué au cours des dernières années (art. 2, par. 1).

Le Comité appelle l ’ attention de l ’ État partie sur sa déclaration relative à l ’ appréciation de l ’ obligation d ’ agir «au maximum de ses ressources disponibles» dans le contexte d ’ un protocole facultatif au Pacte (E/C.12/2007/1), et recommande à l ’ État partie d ’ accroître ses dépenses publiques consacrées aux services sociaux tels que le logement, la santé et l ’ éducation en vue d ’ assurer, conformément au paragraphe 1 de l ’ article 2 du Pacte, la réalisation progressive des droits économiques, sociaux et culturels consacrés par le Pacte.

18.Le Comité relève avec préoccupation que l’État partie n’a pas fait suffisamment de progrès s’agissant de la révision et de l’abrogation des dispositions discriminatoires à l’égard des femmes qui existent toujours dans la législation nationale. Il regrette que le projet de loi relatif à l’infidélité conjugale, qui a vocation à supprimer les dispositions discriminatoires du Code pénal révisé ayant trait au «concubinage» et à «l’adultère», n’ait pas encore été adopté. Il regrette également que l’interprétation qui est faite des dispositions du Code islamique du statut personnel (décret présidentiel no 1083) permette la polygamie et le mariage des filles âgées de moins de 18 ans et que les mariages forcés continuent d’être tolérés dans certaines zones du territoire de l’État partie (art. 2, par. 2 et 3, et art. 10, par. 1).

Le Comité prie instamment l ’ État partie d ’ entreprendre, à titre prioritaire, une révision complète de sa législation en vue de garantir l ’ égalité de droit et de fait entre les hommes et les femmes dans tous les domaines, conformément au paragraphe 2 de l ’ article 2 et à l ’ article 3 du Pacte. Il l ’ exhorte en particulier à adopter le projet de loi relatif à l ’ infidélité conjugale et à revoir l ’ interprétation du Code islamique du statut personnel. Le Comité appelle l ’ attention de l ’ État part ie sur son Observation générale  n o  16 (2005) sur le droit égal de l ’ homme et de la femme au bénéfice de tous les droits économiques, sociaux et culturels et prie l ’ État partie de fournir, dans son prochain rapport périodique, des informations détaillées sur les progrès enregistrés dans le domaine de l ’ égalité des sexes.

19.Le Comité est préoccupé par les taux de chômage et de sous‑emploi qui demeurent élevés dans l’État partie. Il note en particulier que l’offre limitée d’emplois nouveaux conduit une grande partie de la population en âge de travailler à émigrer (art. 6).

Le Comité prie instamment l ’ État partie d ’ accroître ses efforts en vue de réduire le chômage et le sous ‑emploi au moyen de mesures bien ciblées, dont des programmes mis en œuvre au niveau local pour favoriser la création d ’ emplois destinés aux travailleurs jeunes, non qualifiés et sans expérience vivant dans les zones urbaines ainsi qu ’ aux personnes vivant dans les zones rurales.

20.Tout en saluant les efforts entrepris par l’État partie pour répondre aux préoccupations des personnes travaillant dans le secteur informel de l’économie et faciliter leur adhésion au système de sécurité sociale ainsi qu’à PhilHealth, le Comité reste préoccupé par le fait qu’un grand nombre de personnes travaillant dans le secteur informel − 44,6 % de la main‑d’œuvre totale d’après les estimations − ne bénéficient toujours pas de la couverture actuelle prévue par le droit social et le droit du travail (art. 6, 7, 8 et 9).

Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ accroître ses efforts en vue de régulariser la situation des personnes qui travaillent dans le secteur informel de l ’ économie en faisant en sorte qu ’ elles bénéficient d ’ une manière adéquate de la protection prévue par le droit social et le droit du travail.

21.Le Comité constate avec préoccupation qu’en dépit des efforts entrepris par l’État partie, les Philippins travaillant à l’étranger continuent d’être l’objet de traitements discriminatoires et d’abus dans de nombreux pays de destination. Il constate en particulier que les travailleuses migrantes, notamment celles qui sont employées comme domestiques, infirmières ou soignantes, sont souvent victimes de sévices psychologiques et de violences physiques ou sexuelles et ont des conditions de travail qui s’apparentent à de l’esclavage. Le Comité est également préoccupé de constater que les Philippins travaillant à l’étranger, en particulier ceux qui sont en situation irrégulière, ont des difficultés à obtenir une protection juridique et réparation dans les affaires portant sur des traitements discriminatoires et des abus sur le lieu de travail (art. 6, 7 et 10).

Le Comité recommande à l ’ État partie de mettre en œuvre des politiques efficaces pour protéger les droits des Philippins travaillant à l ’ étranger, notamment:

a) En améliorant les services, en matière de conseil et d ’ assistance médicale notamment, dispensés par l ’ Office d ’ assistance juridique dans le cadre des affaires relatives aux travailleurs migrants et les missions diplomatiques dans les pays de destination;

b) En concluant des accords bilatéraux avec les pays de destination , où les traitements discriminatoires et les abus sont les plus fréquents et en les invoquant; et

c) En fournissant une assistance juridique et consulaire à ses nationaux souhaitant saisir la justice en cas de traitement discriminatoire ou d ’ abus sur le lieu de travail, y compris de viol ou de violences sexuelles à l ’ encontre de travailleuses migrantes, et en veillant à ce que les cas signalés fassent l ’ objet d ’ enquêtes approfondies de la part des autorités comp étentes des pays de destination .

22.Le Comité constate avec préoccupation que les salaires minimaux, en particulier dans le secteur agricole, sont trop bas pour permettre aux travailleurs et à leur famille d’avoir un niveau de vie suffisant. Il déplore par ailleurs que la législation relative aux salaires minimaux ne s’applique pas dans certains secteurs importants, notamment le secteur public et le secteur manufacturier à forte intensité de main‑d’œuvre, orienté vers l’exportation, et que son application soit rendue difficile par l’insuffisance du nombre d’inspecteurs du travail, en particulier.

Le Comité recommande à l ’ État partie de prendre toutes les mesures qui s ’ imposent pour garantir que les salaires minim aux fixés par les comités tripartites régionaux sur les salaires et la productivité permettent aux travailleurs d ’ avoir un niveau de vie suffisant pour eux ‑mêmes et pour leur famille, conformément à l ’ article 7 a) ii) du Pacte. Il lui recommande en outre de faire en sorte que la législation sur les salaires minim aux s ’ applique aussi aux secteurs dans lesquels elle ne s ’ applique pas actuellement et d ’ intensifier ses efforts pour garantir l ’ application du salaire minim al légal en renforçant les inspections du travail et en imposant des amendes ou d ’ autres sanctions appropriées aux employeurs qui ne respectent pas la législation.

23.Le Comité constate avec préoccupation que les inspections des lieux de travail pour inciter au respect de la législation relative à la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles sont rares et inefficaces. Il constate également que le mécanisme d’autoévaluation, introduit par le cadre d’application des normes du travail de 2004 (ordonnance du Département no 57‑04) pour les établissements de plus de 200 travailleurs, risque de porter atteinte à la réalisation effective du droit à des conditions de travail où la sécurité et l’hygiène du travail sont assurées, énoncé à l’article 7 b) du Pacte (art. 7 b)).

Le Comité recommande à l ’ État partie de doter le Ministère du travail et de l ’ emploi de ressources humaines et financières suffisantes pour lui permettre d ’ organiser des inspections régulières et indépendantes dans le but de faire respecter la législation relative à la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles. Il lui recommande également de surveiller étroitement la mise en œuvre du cadre d ’ application des normes du travail de 2004 de manière que l ’ application du mécanisme d ’ autoévaluation ne porte pas atteinte à la réalisation effective du droit à des conditions de travail sûres et salubres dans les établissements de plus de 200 travailleurs.

24.Le Comité déplore l’absence de dispositions législatives sur le divorce (art. 10).

Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ adopter des textes législatifs reconnaissant l ’ égalité des hommes et des femmes en ce qui concerne le droit de divorcer, d ’ obtenir la dissolution du lien conjugal par voie judiciaire et de se remarier après un divorce.

25.Tout en se félicitant du fait que la loi de 1997 requalifiant le viol en crime contre la personne (loi de la République no 8353) redéfinit et élargit le champ du crime de viol et reconnaît la notion de viol conjugal, le Comité est préoccupé de constater que le pardon ultérieur de l’épouse, en tant que partie lésée, éteint la responsabilité pénale de l’époux (art. 10).

Le Comité recommande à l ’ État partie de renforcer la protection conférée par la loi requalifiant le viol en crime contre la personne aux femmes victimes de viol conjugal en supprimant la possibilité que la responsabilité de l ’ époux soit éteinte par le pardon ultérieur de l ’ épouse.

26.Le Comité note avec préoccupation qu’en dépit des nombreuses mesures législatives, administratives et politiques adoptées par l’État partie pour lutter contre la traite, un grand nombre de femmes et d’enfants continuent d’en être victimes, qu’ils soient acheminés vers d’autres pays, qu’ils transitent dans le pays ou que la traite soit pratiquée à l’intérieur du pays, à des fins d’exploitation sexuelle ou de travail forcé. Le Comité juge particulièrement préoccupant le petit nombre de poursuites et de condamnations de responsables (art. 10).

Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ intensifier ses efforts de lutte contre la traite des êtres humains, en particulier des femmes et des enfants, à des fins d ’ exploitation sexuelle et de travail forcé, notamment en soutenant les programmes et campagnes d ’ information axés sur la prévention de la traite, en rendant obligatoire la formation des membres des forces de l ’ ordre, des magistrats du parquet et des juges aux questions relatives à la législation réprimant la traite et en apportant une aide médicale, psychologique et juridique accrue aux victimes.

27.Le Comité demeure préoccupé de ce que, en dépit des efforts déployés par l’État partie pour lutter contre le travail des enfants, un grand nombre d’enfants âgés de 5 à 14 ans travaillent dans le secteur informel de l’économie. Il est particulièrement préoccupé de ce qu’un grand nombre d’entre eux travaillent dans des conditions dangereuses et sont exposés à diverses formes d’exploitation sexuelle et économique, y compris les pires formes de travail des enfants (art. 10).

Le Comité invite instamment l ’ État partie à intensifier ses efforts pour lutter contre le travail des enfants et protéger les enfants contre toutes les formes d ’ exploitation économique et sexuelle, y compris les pires formes de travail des enfants, notamment:

a) En renforçant sa législation nationale interdisant le travail des enfants;

b) En accroissant le nombre des inspections du travail pour faire respecter la législation nationale interdisant le travail des enfants;

c) En veillant à ce que des amendes et des sanctions pénales soient imposées aux personnes qui ont recours à de la main ‑d ’ œuvre enfantine illégale;

d) En organisant des formations obligatoires pour les membres des forces de l ’ ordre, les magistrats du parquet et les juges; et

e) En prenant toutes les mesures appropriées pour faciliter la réadaptation des enfants qui ont été contraints de travailler et leur accès à des possibilités d ’ éducation.

Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ entreprendre une enquête nationale sur la nature et l ’ ampleur du travail des enfants et d ’ inclure dans son prochain rapport périodique des informations sur les progrès réalisés dans la lutte contre le travail des enfants.

28.Le Comité est vivement préoccupé de constater qu’en dépit du taux de croissance économique élevé de ces dernières années, la proportion de la population vivant en dessous du seuil officiel de pauvreté a en fait augmenté pour s’établir en 2007, d’après les estimations, à 36 %. Il prend note également avec préoccupation des disparités importantes qui existent entre la région de la capitale nationale et les régions les plus pauvres du pays, en particulier la Région autonome du Mindanao musulman, ainsi que des fortes inégalités de répartition des revenus entre les zones urbaines et les zones rurales pauvres (art. 11).

Le Comité recommande à l ’ État partie de consacrer des fonds suffisants à la mise en œuvre de sa stratégie d ’ élimination de la pauvreté et de garantir la pleine intégration des droits économiques, sociaux et culturels dans la stratégie, ainsi qu ’ il l ’ a recommandé dans sa Déclaration sur la pauvreté et le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (E/C.12/2001/10). Il demande à l ’ État partie de donner, dans son prochain rapport périodique, des informations détaillées sur les résultats des mesures prises en vertu de cette stratégie, y compris des statistiques à jour, par année, sur le pourcentage de la population vivant dans la pauvreté, ventilées par sexe, âge, nombre d ’ enfants par foyer, nombre de familles monoparentales, population rurale/urbaine et groupe ethnique.

29.Le Comité constate avec préoccupation que, selon les estimations, quelque 16,5 millions de personnes, soit environ 30 % de la population urbaine, continuent de vivre dans des logements improvisés et des taudis, construits parfois sur les rives d’un fleuve, en bordure de voies de chemin de fer et dans d’autres zones à haut risque, en étant privés ou en disposant d’un nombre limité d’infrastructures et de services de base, sans sécurité de jouissance et constamment menacés d’expulsion. Le Comité note également avec préoccupation que le pourcentage du budget national alloué à la réalisation de programmes de logement visant à garantir la sécurité de jouissance et des logements abordables, en vertu de la Proclamation présidentielle relative aux questions foncières, n’est pas suffisant pour permettre d’accroître l’offre de logements sociaux aux membres des groupes les plus défavorisés et marginalisés (art. 11).

Le Comité invite l ’ État partie à consacrer des fonds suffisants à la réalisation de programmes visant à garantir la sécurité de jouissance et des logements abordables, en particulier aux membres des groupes les plus défavorisés et marginalisés, conformément à son Observation générale n o  4 (1991) sur le droit à un logement suffisant.

30.Le Comité déplore que l’État partie n’ait pas donné suite à la plupart des recommandations qu’il a déjà formulées concernant la prévention des expulsions illégales forcées (E/C.12/1995/7, par. 31 et 32) et demeure vivement préoccupé par l’expulsion forcée à grande échelle de familles de zones urbaines, à des fins de rénovation et d’embellissement des villes, qui aurait touché plus de 1,2 million de personnes entre 1995 et 2008. Il est préoccupé également par l’absence de consultation effective et de garanties du droit à réparation des personnes touchées par les expulsions forcées ainsi que par le caractère inapproprié des mesures visant à garantir une indemnisation suffisante ou des sites de réinstallation convenables aux familles qui ont été expulsées de leur bien (art. 11).

Conformément aux recommandations qui figurent dans les paragraphes 31 et 32 de ses précédentes observations finales, le Comité invite instamment l ’ État partie à s ’ engager de manière prioritaire à:

a) Garantir l ’ application effective de la loi de 1992 sur le développement urbain et le logement (loi de la République n o  7279) ainsi que d ’ autres lois et dispositions législatives interdisant les expulsions forcées illégales et les démolitions;

b) Renforcer le mandat de la Commission présidentielle pour les populations démunies des zones urbaines, en tant qu ’ organisme centralisateur unique des opérations de démolition et d ’ expulsion, conformément au décret ‑loi n o  152 de 2002;

c) Entreprendre des consultations ouvertes, participatives et constructives avec les résidents et les communautés touchés avant de mettre en œuvre des projets de développement et de rénovation urbaine;

d) Garantir que les personnes expulsées de force de leur bien reçoivent une indemnisation suffisante et/ou soient relogées, conformément à l ’ article 28 de la loi de 1992 sur le développement urbain et le logement et aux directives adoptées par le Comité dans son Observation générale n o  7 (1997) sur les expulsions forcées; et

e) Garantir que les sites de relogement soient équipés des services de base (eau potable, électricité, équipements sanitaires et installations d ’ assainissement notamment) et disposent des structures nécessaires (y compris des écoles, des centres de soins de santé et des moyens de transport) au moment où la réinstallation a lieu.

31.Le Comité note avec préoccupation que, d’après le système juridique de l’État partie, l’avortement est illégal en toutes circonstances, même lorsque la vie ou la santé de la mère est en danger ou lorsque la grossesse est le résultat d’un viol ou d’un inceste, et que les complications d’avortements clandestins, pratiqués dans des conditions de sécurité inexistantes, sont parmi les principales causes de la mortalité maternelle. Il est également préoccupé par l’insuffisance des services et de l’information en matière de santé de la procréation, les faibles taux d’utilisation de moyens contraceptifs et la difficulté d’accès aux méthodes artificielles de contraception, qui contribuent au fait que le nombre de grossesses d’adolescentes et le taux de mortalité maternelle dans l’État partie sont élevés.

Le Comité appelle l ’ attention de l ’ État partie sur son Observation générale n o  14 (2000) sur le droit au meilleur état de santé susceptible d ’ être atteint et invite instamment l ’ État partie à prendre toutes les mesures nécessaires pour protéger les droits des femmes et des filles en matière d ’ hygiène de la sexualité et de la procréation, et notamment pour réduire la mortalité maternelle et infantile et faciliter l ’ accès aux services de santé sexuelle et de la procréation, y compris l ’ accès au planning familial et à une information. Le Comité encourage en particulier l ’ État partie à se pencher, à titre prioritaire, sur le problème de la mortalité maternelle résultant d ’ avortements clandestins et à envisager de revoir les dispositions législatives criminalisant l ’ avortement en toutes circonstances.

32.Le Comité demande à l’État partie de diffuser largement les présentes observations finales à tous les niveaux de la société et de l’informer, dans son prochain rapport périodique, de toutes les mesures qu’il aura prises pour les mettre en œuvre. Il encourage aussi l’État partie à continuer d’associer des organisations non gouvernementales et d’autres membres de la société civile au processus de discussion au niveau national avant la présentation de son prochain rapport périodique.

33.Le Comité encourage l’État partie à envisager de ratifier la Convention no 169 (1989) de l’OIT concernant les peuples indigènes et tribaux dans les pays indépendants.

34.Le Comité encourage également l’État partie à envisager de ratifier la Convention no 81 (1947) de l’OIT concernant l’inspection du travail dans l’industrie et le commerce et sa Convention no 102 (1952) concernant la norme minimale de la sécurité sociale.

35.Le Comité invite l’État partie à soumettre un document de base commun conformément aux directives harmonisées de 2006 concernant l’établissement des rapports destinés aux organes créés en vertu d’instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme (HRI/GEN/2/Rev.5).

36.Le Comité demande à l’État partie de présenter ses cinquième et sixième rapports périodiques en un seul document d’ici le 30 juin 2013.

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