Nations Unies

E/C.12/VEN/CO/3

Conseil économique et social

Distr. générale

7 juillet 2015

Français

Original : espagnol

Comité des droits économiques, sociaux et culturels

Observations finales concernant le troisième rapport périodique de la République bolivarienne du Venezuela *

Le Comité des droits économiques, sociaux et culturels a examiné le troisième rapport périodique de la République bolivarienne du Venezuela sur la mise en œuvre du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (E/C.12/VEN/3) à ses 24e et 25e séances, tenues les 2 et 3 juin 2015 (E/C.12/2015/SR.24 et 25), et a adopté, à sa 50e séance tenue le 19 juin 2015, les observations finales ci-après.

A.Introduction

Le Comité accueille avec satisfaction le troisième rapport périodique de la République bolivarienne du Venezuela, le document de base (HRI/CORE/VEN/2011) et les réponses à la liste de points (E/C.12/VEN/Q/3/Add.1). Il se félicite du dialogue constructif établi avec la délégation de haut niveau composée, de manière équitable, de spécialistes de plusieurs ministères.

B.Aspects positifs

Le Comité note avec satisfaction que l’État partie a ratifié les instruments internationaux ci-après :

a)La Convention relative aux droits des personnes handicapées et le Protocole facultatif s’y rapportant, le 24 septembre 2013 ;

b)Le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés, le 23 septembre 2003 ;

c)Le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants, le 8 mai 2002 ;

d)Le Protocole facultatif se rapportant à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, le 13 mai 2002.

Le Comité salue l’adoption de :

a)La loi pour la promotion et la protection du droit à l’égalité des personnes porteuses du VIH/sida et des membres de leur famille, en août 2014 ;

b)La loi organique relative au travail, aux travailleurs et aux travailleuses, en avril 2012 ;

c)La loi organique relative à l’éducation, en août 2009 ;

d)La loi relative aux langues autochtones, en mai 2008 ;

e)La loi pour la promotion et la protection de l’allaitement maternel, en septembre 2007.

Le Comité prend note avec satisfaction des progrès réalisés par l’État partie dans la réduction de la pauvreté et des inégalités. Il salue également les énormes progrès accomplis dans la lutte contre la dénutrition grâce à l’extension du programme de repas scolaires et à l’octroi d’une aide alimentaire aux familles à faible revenu.

Le Comité prend note avec satisfaction de l’engagement exprimé par la délégation, selon lequel l’État partie continuera de faire tout son possible pour que ses difficultés économiques, notamment dues à la diminution des recettes pétrolières, ne pèsent pas sur l’investissement social et la réalisation progressive des droits économiques, sociaux et culturels.

C.Principaux motifs de préoccupation et recommandations

Justiciabilité des droits consacrés dans le Pacte

Le Comité prend note des renseignements fournis par l’État partie sur l’application par les tribunaux des droits consacrés dans le Pacte. Il est préoccupé par le fait que ces droits ne soient pas appliqués de manière uniforme et que la Cour suprême ait décidé, dans certains cas, qu’ils sortaient du champ de la protection judiciaire.

Le Comité recommande à l ’ État partie de garantir l ’ applicabilité de tous les droits consacrés dans le Pacte et de faire le nécessaire pour que leur teneur et la possibilité de les invoquer devant les tribunaux soient mieux connus des juges, des avocats et des agents des forces de l ’ ordre, mais aussi des membres de l ’ Assemblée nationale, des autres acteurs chargés de l ’ application du Pacte et des titulaires des droits. Le Comité appelle aussi l ’ attention de l ’ État part ie sur son observation générale n o  9 ( 1998 ) , relative à l ’ application du Pacte au niveau national, et l ’ engage à ratifier le Protocole facultatif .

Dénonciation de la Convention américaine relative aux droits de l’homme

Le Comité prend note de la dénonciation par l’État partie de la Convention américaine relative aux droits de l’homme et craint qu’elle ne nuise à la protection effective des droits économiques, sociaux et culturels dans le pays.

Le Comité demande instamment à l ’ État partie de revenir sur sa décision et de réintégrer le système de protection de la Convention américaine relative aux droits de l ’ homme.

Droits des peuples autochtones

Le Comité note avec satisfaction que le droit des peuples autochtones d’être consultés est reconnu dans l’ordre juridique de l’État partie, mais il trouve préoccupant que, selon les informations reçues, ce droit ne soit pas pleinement garanti et régulièrement exercé, notamment lorsqu’il est question d’octroyer des concessions d’exploration et d’exploitation de ressources naturelles (art. 1, par. 2).

Le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) De prendre les mesures nécessaires afin que toute décision susceptible d ’ entraver l ’ exercice des droits économiques, sociaux et culturels des peuples autochtones soit prise avec leur consentement préalable, libre et éclairé, en particulier dans le cas de l ’ octroi de concessions d ’ exploration et d ’ exploitation de ressources minières et d ’ hydrocarbures  ;

b) De faire en sorte que les décisions des peuples autochtones soient respectées par tous les acteurs, publics ou privés, en toute sécurité  ;

c) De prendre les mesures nécessaires afin que la délimitation des terres et des territoires ancestraux des peuples autochtones ainsi que la délivrance des titres de propriété correspondants soient menées à bonne fin, en application du droit des peuples autochtones de posséder, d ’ utiliser, de mettre en valeur et de contrôler les terres, territoires et ressources qu ’ ils possèdent, parce qu ’ ils leur appartiennent ou qu ’ ils les occupent ou les utilisent traditionnellement, ainsi que ceux qu ’ ils ont acquis.

Indépendance de l’organe judiciaire

Le Comité est préoccupé par le non-respect de la procédure de désignation et de révocation des juges prévue par la loi et par la désignation d’un grand nombre de juges à titre temporaire, au risque de compromettre sérieusement leur indépendance (art. 2, par. 1).

Le Comité recommande à l ’ État partie de prendre les mesures nécessaires afin que les juges et les magistrats soient sélectionnés et nommés selon une procédure transparente, en fonction de leur intégrité et de leurs compétences. Le Comité recommande aussi à l ’ État partie de prendre les mesures nécessaires pour garantir l ’ indépendance du pouvoir judiciaire.

Bureau du Défenseur du peuple

Le Comité constate avec préoccupation que le Bureau du Défenseur du peuple n’a pas accompli son mandat conformément aux Principes concernant le statut des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l’homme (Principes de Paris), notamment sur le plan de l’indépendance (art. 2, par. 1).

Le Comité engage instamment l ’ État partie à prendre toutes les mesures nécessaires pour que le Bureau du Défenseur du peuple satisfasse pleinement aux Principes de Paris.

Corruption

Le Comité prend note des mesures anticorruption prises par l’État partie, mais constate avec préoccupation qu’aucune information précise n’a été fournie sur l’issue des affaires ayant fait l’objet d’enquêtes et ayant donné lieu à des procès et que, à la lumière des renseignements communiqués, les organes mis en place pour prévenir et combattre la corruption ne semblent pas jouir pas d’une parfaite indépendance.

Le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) De prendre les mesures nécessaires pour garantir l ’ indépendance des organes chargés de prévenir et de combattre la corruption, conformément aux dispositions de la Convention des Nations Unies contre la corruption, de manière à ce qu ’ ils puissent mener des enquêtes indépendantes et impartiales sur toutes les affaires de corruption et exiger des coupables de rendre compte de leurs actes  ;

b) De mener des actions de sensibilisation, en particulier à l ’ intention des fonctionnaires et des membres de l ’ organe législatif, sur les effets dommageables de la corruption pour le plein exercice des droits économiques, sociaux et culturels, et à l ’ intention des juges, des procureurs et des membres de la police, sur la nécessité d ’ appliquer strictement la loi  ;

c) D ’ améliorer la transparence, notamment dans l ’ administration publique.

Accès aux informations d’intérêt général

Le Comité s’inquiète de ce que, selon les renseignements reçus, l’accès aux informations d’intérêt général est limité et n’est régi par aucune loi. Il constate aussi avec préoccupation qu’il n’existe pas de mécanismes de responsabilisation efficaces, ce qui empêche une évaluation objective des mesures adoptées par l’État partie pour rendre pleinement effectifs les droits économiques, sociaux et culturels (art. 2, par. 1).

Le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) De prendre les mesures nécessaires pour que les informations sur l ’ organisation, le fonctionnement et les processus décisionnels de l ’ administration publique soient en libre accès, notamment en adoptant une loi qui garantisse l ’ accès aux informations d ’ intérêt général et la transparence des pratiques de l ’ administration publique  ;

b) De pourvoir à la bonne application des mécanismes de responsabilisation  − par exemple, à la communication en temps voulu d ’ informations sur les recettes et les dépenses  −  ainsi qu ’ à l ’ indépendance des normes de contrôle  ;

c) D ’ instaurer des dispositifs qui assurent une diffusion efficace des informations sur la réalisation des droits économiques, sociaux et culturels présentant un intérêt pour les titulaires de ces droits, tel s que les critères d ’ éligibilité aux programmes sociaux, les résultats d ’ indicateurs et les comptes rendus.

Coopération avec les organisations de la société civile

Le Comité est préoccupé par le manque de coopération entre les pouvoirs publics et les organisations de la société civile chargées de la défense des droits de l’homme qui, selon les informations reçues, a parfois débouché sur des actes de discréditation grave. Le Comité s’inquiète aussi de ce que les représentants des organisations de la société civile qui participent par leurs témoignages aux mécanismes des Nations Unies chargés de la protection des droits de l’homme ne bénéficient pas dans leur travail de toutes les garanties requises (art. 2, par. 1).

Le Comité recommande à l ’ État partie de redoubler d ’ efforts pour établir une coopération constructive avec les organisations de la société civile et garantir que tous les défenseurs des droits de l ’ homme, y compris ceux des droits économiques, sociaux et culturels, exercent leurs fonctions à l ’ abri de toute forme d ’ intimidation ou de menace. Le Comité demande instamment à l ’ État partie de mettre un terme aux déclarations diffamatoires visant certaines des personnes qui s ’ expriment publiquement dans les espaces que, conformément à ses méthodes de travail, il réserve aux organisations de la société civile.

Statistiques

Le Comité prend note des explications données par la délégation sur le système de collecte de données qui a été mis au point, mais regrette que des données suffisantes et actualisées sur la mise en œuvre des droits économiques, sociaux et culturels dans l’État partie n’aient pas été communiquées (art. 2, par. 1).

Le Comité recommande à l ’ État partie de continuer de contribuer à la collecte systématique de données ainsi qu ’ à l ’ établissement et à l ’ utilisation de statistiques sur les indicateurs des droits de l ’ homme, y compris les droits économiques, sociaux et culturels, obtenues à partir de ces données. À cet égard, le Comité renvoie l ’ État partie au cadre conceptuel et méthodologique des indicateurs des droits de l ’ homme élaboré par le Haut-Commissariat aux droits de l ’ homme (voir HRI/MC/2008/3). Le Comité engage instamment l ’ État partie à faire figurer dans son prochain rapport périodique des données statistiques annuelles comparatives sur l ’ exercice de chacun des droits consacrés dans le Pacte, ventilées par âge, par sexe, par origine ethnique, par type de population (urbaine ou rurale) et selon d ’ autres critères pertinents.

Législation contre la discrimination

Le Comité constate avec préoccupation que l’État partie, bien qu’il ait adopté des mesures législatives en faveur de la non-discrimination, ne s’est toujours pas doté d’un cadre légal de lutte contre la discrimination qui tienne compte de tous les critères énoncés dans le Pacte (art. 2, par. 2).

Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ accélérer l ’ élaboration et l ’ adoption d ’ une législation garantissant une protection suffisante contre la discrimination, conformément aux dispositions de l ’ article 2 du Pacte, et couvrant tous les motifs de discrimination ainsi que toute autre situation telle que l ’ orientation sexuelle et l ’ identité de genre. À ce sujet, le Comité appelle l ’ attention de l ’ État partie sur son o bservation générale n o  20 (2009) relative à la non-discrimination dans l ’ exercice des droits économiques, sociaux et culturels.

Égalité des sexes

Le Comité constate avec préoccupation que, malgré les mesures adoptées par l’État partie en faveur de l’égalité des sexes, notamment le plan « Mamá Rosa » (2013-2019), l’inégalité entre hommes et femmes persiste dans l’exercice des droits économiques, sociaux et culturels, en particulier dans le domaine du travail (art. 3).

Le Comité recommande à l ’ État partie de renforcer sa politique en faveur de l ’ égalité des sexes et de bien veiller à son application. Il lui recommande aussi d ’ intensifier ses initiatives visant à remettre en question les stéréotypes et les rôles attribués à chaque sexe dans le cercle familial et dans la société  −  par exemple, en menant des campagnes de sensibilisation, en inculquant le partage des tâches domestiques et en informant sur l ’ égalité des chances de développement professionnel assurée par l ’ éducation et la formation dans des domaines autres que ceux traditionnellement dominés par l ’ un ou l ’ autre sexe.

Chômage

Le Comité note avec préoccupation que, malgré un taux en baisse, le chômage concerne encore un grand nombre de personnes dans l’État partie et que les chômeurs sont surtout des jeunes et des femmes (art. 3, 6 et 7).

Le Comité recommande à l ’ État partie de renforcer sa stratégie nationale de l ’ emploi, en définissant des objectifs précis et en cherchant avant tout à réduire le chômage des jeunes et des femmes, notamment en améliorant la qualité de l ’ éducation et de la formation techniques et professionnelles pour les mettre en adéquation avec le marché du travail. Le Comité appelle l ’ attention de l ’ État partie sur son o bservation générale n o  18 ( 2005 ) , relative au droit au travail.

Salaire minimum

Le Comité prend note des mises à jour du salaire minimum. Il s’inquiète toutefois de ce que, selon les informations reçues, le salaire minimum établi ne suffit pas à assurer un niveau de vie décent aux travailleurs et aux membres de leur famille et il n’existe pas de système transparent d’indexation et d’adaptation (art. 7).

Le Comité recommande à l ’ État partie de veiller à réviser le salaire minimum national selon un système efficace et transparent d ’ indexation et d ’ adaptation, de manière à ce que son montant permette à tous les travailleurs et aux membres de leur famille de jouir d ’ un niveau de vie digne. Le Comité rappelle à l ’ État partie l ’ importance de négociations tripartites transparentes entre les pouvoirs publics, les représentants élus des travailleurs et les employeurs, pour mettre en place un système efficace de fixation du salaire minimum.

Droits syndicaux

Le Comité prend note avec préoccupation des actes de violence et d’intimidation à l’encontre de dirigeants et de membres de syndicats qui lui ont été rapportés. Il est également préoccupé par l’ingérence de certaines autorités de l’État dans les élections de représentants syndicaux (art. 8).

Le Comité exhorte l ’ État partie à protéger les droits syndicaux et à mener des enquêtes efficaces sur toutes les plaintes pour violation de ces droits dont il a connaissance. Il lui recommande de revoir les dispositions juridiques qui limitent le droit des syndicats d ’ organiser librement les élections de leurs représentants.

Sécurité sociale

Le Comité prend note des efforts réalisés par l’État partie pour étendre la couverture de la protection sociale, mais s’inquiète du manque d’informations sur les mesures prises afin que le système de sécurité sociale couvre l’ensemble de la population, y compris les personnes et les groupes les plus défavorisés et les plus marginalisés, et satisfasse aux niveaux minimaux indispensables. Le Comité constate aussi avec préoccupation que le système de sécurité sociale prévu par la loi organique relative au système de sécurité sociale n’a pas encore été créé (art. 9).

Compte tenu de son o bservation générale n o  19 (2008) relative au droit à la sécurité sociale et de sa déclaration sur les socles de protection sociale (2015), le Comité engage l ’ État partie  :

a) À intensifier ses efforts pour que chacun soit couvert par le système de sécurité sociale, y compris les personnes et les groupes les plus défavorisés ou marginalisés, sans discrimination fondée sur l ’ un des motifs énoncés au paragraphe 2 de l ’ article 2 du Pacte  ;

b) À prendre les mesures nécessaires pour que le montant des prestations d ’ aide sociale permette à chaque citoyen ou famille de faire face au coût réel de la vie, notamment en mettant en place un système d ’ indexation efficace et transparent  ;

c) À prendre les mesures nécessaires pour créer le système de sécurité sociale prévu par la loi organique relative au système de sécurité sociale.

Exploitation économique des enfants

Le Comité prend note des progrès accomplis dans la lutte contre le travail des enfants, mais il est préoccupé par les informations qu’il a reçues sur la prévalence de ce problème dans l’État partie et regrette que des données statistiques actualisées permettant de l’évaluer n’aient pas été fournies (art. 10).

Le Comité recommande à l ’ État partie de renforcer sa lutte contre l ’ exploitation économique des enfants, notamment en garantissant l ’ application rigoureuse de la loi et en renforçant les mécanismes de surveillance du travail des enfants ainsi que les mesures d ’ appui aux familles pauvres. Il l ’ engage à faire figurer dans son prochain rapport des statistiques ventilées qui permettront d ’ évaluer l ’ incidence de l ’ exploitation économique dans l ’ État partie.

Violence intrafamiliale

Le Comité est préoccupé par le faible nombre d’enquêtes menées et de condamnations prononcées dans les affaires de violence à l’égard des femmes et par le manque de stratégies nationales de prévention de la violence intrafamiliale et sexiste (art. 10).

Le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) De faire preuve d ’ efficacité en enquêtant sur tous les actes de violence intrafamiliale et sexiste, en traduisant en justice et en condamnant leurs auteurs  ;

b) D ’ élaborer une stratégie cohérente de prévention des violences intrafamiliales et sexistes, qui prévoit des campagnes de sensibilisation aux effets négatifs de ces violences à l ’ intention de l ’ ensemble de la population  ;

c) D ’ organiser des programmes de formation à l ’ intention des fonctionnaires (membres des forces de l ’ ordre, procureurs et juges) ainsi que des travailleurs sociaux et des enseignants sur le caractère délictueux et la gravité de la violence intrafamiliale et sexiste  ;

d) Étendre la protection accordée aux victimes de violences intrafamiliales et sexistes, notamment en créant un nombre suffisant de foyers sur le territoire national, y compris pour les membres des communautés autochtones.

Pauvreté

Bien que la mise en œuvre de programmes sociaux ou « missions » ait permis de réduire considérablement la pauvreté, le Comité note avec préoccupation que les résultats de la lutte contre la pauvreté ont plutôt été en recul ces dernières années (art. 11).

Le Comité recommande à l ’ État partie de procéder à une évaluation exhaustive et indépendante des « missions » afin de recenser les obstacles à une lutte plus efficace contre la pauvreté et d ’ adopter les mesures correctives voulues, en faisant en sorte que ces programmes et ceux poursuivant des objectifs analogues reposent sur une approche fondée sur les droits de l ’ homme et soient dotés des ressources nécessaires, compte dûment tenu des spécificités et des disparités entre les zones urbaines et les zones rurales et des besoins des groupes les plus défavorisés et marginalisés.

Droit à un logement convenable

Le Comité juge préoccupant que, malgré les progrès réalisés grâce à la mise en œuvre d’un important programme de logement (Gran Misión Vivienda Venezuela) et à la participation de différents mouvements de citoyens, l’État partie soit toujours confronté à des implantations sauvages et à un déficit chronique de logements. Il s’inquiète aussi des défauts des logements construits et de la détérioration du milieu urbain dont font état les informations reçues (art. 11).

Compte tenu de son o bservation générale n o  4 (1991) relative au droit à un logement suffisant, le Comité recommande à l ’ État partie d ’ adopter une stratégie globale en matière de logement social  :

a) Qui soit fondée sur le droit de toute personne à un logement convenable et abordable, conforme à des normes de qualité et d ’ habitabilité bien définies  ;

b) Qui n ’ aboutisse pas à une ségrégation fondée sur des critères de nature économique ou sociale, sur l ’ opinion publique ou sur tout autre motif de discrimination énoncé dans le Pacte  ;

c) Qui prévoie une dotation en ressources, y compris en matériaux de construction, propre à répondre aux besoins en logement social, des mesures efficaces pour contrôler la situation du logement dans l ’ État partie et un cadre de responsabilisation pour l ’ application des politiques et des plans  ;

d) Qui prévoie l ’ accès aux services de base tels que l ’ eau, l ’ assainissement et l ’ électricité ainsi qu ’ aux installations et aux services qui facilitent l ’ usage des transports en commun et rationnalisent la consommation d ’ énergie.

Droit à l’alimentation

Le Comité est préoccupé par le fait que, malgré les progrès réalisés pour renforcer la production agricole et faire participer les petits producteurs à l’économie locale, l’État partie est devenu plus tributaire des importations de produits alimentaires, ce qui a contribué à provoquer une grave pénurie d’aliments et de produits de première nécessité (art. 11).

Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ augmenter ses investissements dans la production agricole locale, de manière à améliorer la productivité des petits producteurs agricoles et leur accès aux marchés locaux, dans le but d ’ accroître les revenus dans les zones rurales. Il l ’ engage également à évaluer les résultats de la réforme agraire, qui suppose une redéfinition de la stratégie nationale de réalisation du droit à l ’ alimentation. Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ adopter des mesures d ’ urgence face à la pénurie d ’ aliments et de produits de première nécessité, et le renvoie à son o bservation générale n o  12 (1999) relative au droit à une nourriture suffisante et aux Directives volontaires à l ’ appui de la concrétisation progressive du droit à une alimentation adéquate dans le contexte de la sécurité alimentaire nationale, adoptées par l ’ Organisation des Nations Unies pour l ’ alimentation et l ’ agriculture.

Système de santé

Le Comité note avec préoccupation que, selon les informations reçues, le système de santé de l’État partie est dans une situation critique en raison de la grave pénurie et de la fourniture irrégulière de moyens de production, de médicaments, de matériel chirurgical et d’équipements médicaux. Il est également préoccupé par le mauvais état de certains hôpitaux et par le manque de personnel médical (art. 12).

Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ allouer des ressources suffisantes au secteur de la santé et l ’ engage à adopter d ’ urgence les mesures propres à garantir la disponibilité et la qualité des services de santé, de manière à ce qu ’ il y ait un nombre suffisant d ’ établissements et de services de santé publique dotés d ’ un personnel médical qualifié, de médicaments approuvés par les instances scientifiques et d ’ équipements hospitaliers en bon état, et que les conditions sanitaires soient satisfaisantes.

Santé sexuelle et génésique

Le Comité est préoccupé par les taux élevés de mortalité maternelle, résultant notamment du nombre insuffisant de services de santé sexuelle et génésique et du nombre élevé d’avortements non médicalisés. Le Comité est aussi préoccupé par les taux élevés de grossesse chez les adolescentes (art. 12).

Le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) De prendre les mesures législatives et administratives qui s ’ imposent pour résoudre le problème de la mortalité maternelle, à la lumière du Guide technique du Haut-Commissariat aux droits de l ’ homme concernant l ’ application d ’ une approche fondée sur les droits de l ’ homme à la mise en œuvre des politiques et des programmes visant à réduire la mortalité et la morbidité maternelles évitables (A/HRC/21/22)  ;

b) De revoir sa législation, qui interdit l ’ avortement, afin de la rendre compatible avec d ’ autres droits fondamentaux de la femme, comme son droit à la santé et à la vie, et avec sa dignité  ;

c) De redoubler d ’ efforts pour garantir l ’ accessibilité, la disponibilité et l ’ abordabilité des services de santé sexuelle et génésique, en particulier dans les zones rurales  ;

d) D ’ étendre et d ’ étoffer l ’ éducation en matière de santé sexuelle et génésique dispensée aux élèves des deux sexes dans le cadre des programmes de l ’ enseignement primaire et secondaire afin qu ’ elle soit complète et adaptée à chaque âge.

Prévention et traitement des maladies

Le Comité juge préoccupant que les cas de VIH/sida aient augmenté et que les antirétroviraux soient en constante rupture de stock dans l’État partie. Il est également préoccupé par l’augmentation du nombre de cas de paludisme et d’autres maladies transmissibles par le moustique (art. 12).

Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ adopter un plan national de prévention de la propagation du VIH/sida, du paludisme et d ’ autres maladies transmissibles par le moustique, en accordant l ’ attention voulue aux groupes à risque. Il lui demande instamment de prendre les mesures nécessaires pour que les médicaments antirétroviraux soient disponibles en quantité suffisante et soient plus facilement accessibles aux personnes atteintes du VIH/sida. Le Comité engage l ’ État partie à mener des activités de sensibilisation auprès du personnel médical et des employeurs, en particulier, et de la population, en général, pour faire mieux connaître les modes de transmission du VIH et inciter à la tolérance envers les personnes qui vivent avec le VIH/sida.

Droit à l’éducation

Le Comité salue les mesures adoptées par l’État partie en faveur de l’investissement et de l’accès à l’éducation. Il est toutefois préoccupé par les informations selon lesquelles les programmes d’enseignement font intervenir des supports et des activités d’endoctrinement qui peuvent être incompatibles avec le plein épanouissement de la personnalité humaine et du sens de sa dignité et avec le respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales (art. 13).

Le Comité recommande à l ’ État partie de faire tout son possible pour que l ’ éducation encourage à respecter pleinement les droits de l ’ homme et les libertés fondamentales ainsi qu ’ à participer activement à une société libre, qui accorde la plus haute importance à la compréhension, à la tolérance et à l ’ amitié entre les nations.

Droits culturels et liberté d’expression et d’information

Le Comité est préoccupé par le manque d’informations concernant les mesures adoptées pour lever les obstacles à l’exercice de la liberté d’information et d’expression, élément indispensable de l’exercice du droit de participer à la vie culturelle et de bénéficier du progrès technologique et scientifique (art. 15).

Le Comité engage l ’ État partie à adopter des mesures efficaces afin que les restrictions à la liberté d ’ expression et d ’ information soient éliminées et que toutes les personnes sous sa juridiction puissent participer à la vie culturelle et bénéficier du progrès scientifique et de ses applications.

D.Autres recommandations

Le Comité invite l ’ État partie à ratifier la Convention internationale relative à la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille ainsi que la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées.

Le Comité demande à l ’ État partie de diffuser largement les présentes observations finales dans tous les groupes de la société, notamment les peuples autochtones, les fonctionnaires, les autorités judiciaires, les législateurs, les avocats et les organisations de la société civile, et de l ’ informer dans son prochain rapport périodique des mesures qu ’ il aura prises pour les mettre en œuvre. Il l ’ engage aussi à associer les organisations de la société civile aux débats qui auront lieu au niveau national avant la soumission de son prochain rapport périodique.

Le Comité demande à l ’ État partie de présenter son quatrième rapport périodique au plus tard le 30 juin 2020 et l ’ invite à mettre à jour son document de base commun, selon que de besoin, conformément aux directives harmonisées concernant l ’ établissement des rapports destinés aux organes créés en vertu d ’ instruments internationaux relatifs aux droits de l ’ homme (HRI/GEN/2/Rev.6, chap. I).