Nations Unies

E/C.12/AFG/CO/2-4

Conseil économique et social

Distr. générale

7 juin 2010

Français

Original: anglais

Comité des droits économiques, sociaux et culturels Quarante-quatrième sessionGenève, 3‑21 mai 2010

Examen des rapports présentés par les États parties conformément aux articles 16 et 17 du Pacte

Observations finales du Comité des droits économiques,sociaux et culturels

Afghanistan

1.Le Comité des droits économiques, sociaux et culturels a examiné les deuxième à quatrième rapports périodiques de l’Afghanistan sur l’application du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, soumis en un seul document (E/C.12/AFG/2-4), à ses 15e, 16e et 17e séances, tenues les 12 et 14 mai 2010 (E/C.12/2010/SR.15, 16 et 17), et a adopté à ses 26e et 27e séances, le 21 mai 2010, les observations finales ci-après.

A.Introduction

2.Le Comité accueille avec satisfaction les deuxième à quatrième rapports périodiques de l’Afghanistan, soumis en un seul document, et les réponses écrites à la liste des points à traiter (E/C.12/AFG/Q/2-4/Add.1). Il se félicite du dialogue franc et constructif qui a eu lieu avec la délégation de l’État partie, composée de représentants de divers ministères connaissant particulièrement bien les questions couvertes par le Pacte.

3.Le Comité note avec satisfaction la contribution de la Commission indépendante afghane des droits de l’homme au processus d’établissement des rapports.

B.Aspects positifs

4.Le Comité se félicite des changements législatifs et institutionnels importants qui ont été faits dans l’État partie en vue de promouvoir et de protéger les droits de l’homme, y compris les droits économiques, sociaux et culturels, ainsi que des efforts réalisés pour mettre en place de nouveaux programmes et politiques conformément aux obligations qui lui incombent au titre du Pacte et aux objectifs du Millénaire pour le développement.

5.Le Comité accueille avec satisfaction l’adoption, en 2004, de la nouvelle Constitution qui aborde largement les domaines couverts par les normes internationales relatives aux droits de l’homme, y compris les droits économiques, sociaux et culturels et le principe de non-discrimination.

6.Le Comité note avec satisfaction que l’État partie a ratifié divers instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, dont: a) la Convention pour l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (en 2003); b) le Protocole facultatif se rapportant à la Convention relative aux droits de l’enfant concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés (en 2003) et le Protocole facultatif se rapportant à la Convention relative aux droits de l’enfant concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants (en 2002).

7.Le Comité note avec satisfaction la suppression des pratiques inhumaines et discriminatoires à l’égard des femmes, ainsi que l’adoption de la loi sur l’élimination de la violence contre les femmes en 2009; la mise en place, pour dix ans, du Plan d’action national pour les femmes afghanes, qui accorde toute l’attention voulue aux droits économiques, sociaux et culturels; et la création du Ministère des affaires féminines en 2008.

8.Le Comité note avec satisfaction l’adoption du décret présidentiel no 297 (2006) sur le retour dans la dignité et la réglementation sur les travailleurs afghans émigrés.

9.Le Comité prend note avec satisfaction des efforts réalisés par l’État partie pour améliorer le système de santé, notamment la mise en place d’équipes de santé mobiles dont le but est de fournir des services sanitaires dans les zones rurales.

10.Le Comité se félicite de la levée des restrictions à l’éducation des femmes imposées dans le passé et des efforts consentis par l’État partie pour garantir une éducation de base gratuite et obligatoire, qui se sont traduits par une augmentation du taux de scolarisation.

11.Le Comité note avec satisfaction la création et la poursuite des activités de déminage du Centre de coordination pour l’action antimines en Afghanistan.

C.Facteurs et difficultés entravant l’application du Pacte

12.Le Comité a conscience que l’Afghanistan est un pays en transition confronté à de multiples problèmes, ravagé par plus de trente ans de conflits armés qui ont détruit ses institutions et ses infrastructures et gravement nuit à la mise en œuvre des droits énoncés dans le Pacte.

D.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

13.Le Comité, tout en notant qu’en vertu de l’article 7 de sa nouvelle Constitution, l’État partie est tenu de respecter les instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, demeure préoccupé par le fait que le Pacte n’ait pas encore été totalement incorporé dans la législation interne et que les droits énoncés dans le Pacte n’aient pas été invoqués devant les cours, tribunaux et autorités administratives du pays ou directement appliqués par ceux-ci.

Le Comité recommande à l’État partie d’accorder au Pacte un statut juridique qui lui permettrait d’ en invoquer directement les dispositions dans le cadre du système juridique national. À cet égard, il renvoie à son Observation générale n o 9 (1998) sur l’application du Pacte au niveau national. Le Comité demande à l’État partie d’inclure, dans son prochain rapport périodique, des informations détaillées sur les décisions des cours, tribunaux et autorités administratives du pays donnant effet aux droits énoncés dans le Pacte.

14.Le Comité note avec préoccupation que, bien que la Stratégie nationale de développement de l’Afghanistan comprenne des critères pertinents du point de vue des droits de l’homme, ceux-ci n’apparaissent pas comme des droits et n’intègrent que quelques éléments des divers droits économiques, sociaux et culturels, alors que l’accent est mis sur les droits civils et politiques.

Le Comité recommande vivement à l’État partie de prendre des mesures pour veiller à mettre en œuvre une approche intégrée fondée sur les droits de l’homme dans l’application de la Stratégie nationale de développement de l’Afghanistan, qui tienne expressément compte du cadre international relatif aux droits de l’homme incluant les droits économiques, sociaux et culturels.

15.Le Comité note avec préoccupation que l’État partie n’a pas adopté de mesures efficaces pour combattre la corruption et l’impunité généralisées. Il regrette l’absence d’informations concrètes sur des affaires dans lesquelles des fonctionnaires, des juges et d’autres responsables ont été poursuivis et condamnés pour corruption.

Le Comité recommande à l’État partie: a) d’adopter un cadre juridique pour lutter contre la corruption et l’impunité, dans le respect des normes internationales; b) de sensibiliser les législateurs, les fonctionnaires nationaux et locaux et les agents de la force publique au coût économique et social de la corruption; c) de prendre des mesures pour engager des poursuites dans les affaires de corruption; d) de s’assurer de la transparence des décisions des autorités publiques, en droit et en fait, et de créer un mécanisme de contrôle indépendant à cette fin; e) d’élaborer, en coopération avec les organisations et institutions compétentes, des directive s et un code de déontologie; f)  de mener d es campagnes de sensibilisation . Le Comité demande à l’État partie de fournir, dans son prochain rapport périodique, des informations détaillées sur les progrès réalisés dans la lutte contre la corruption et l’impunité, et sur les éventuels obstacles rencontrés.

16.Le Comité note avec préoccupation que les mécanismes traditionnels de règlement des différends, qui traitent davantage d’affaires que le système judiciaire officiel, sont incompatibles avec les normes relatives aux droits de l’homme, y compris les droits énoncés dans le Pacte. Il regrette que ce soient les droits des femmes et des enfants, ainsi que ceux des tribus nomades et des groupes les plus vulnérables de la société, qui pâtissent particulièrement de l’absence de mécanismes de justice formels.

Le Comité prie instamment l’État partie de prendre des mesures efficaces pour garantir l’entière compatibilité des mécanismes traditionnels de règlement des différends avec les normes internationales relatives aux droits de l’homme, y compris les droits énoncés dans le Pacte. Le Comité recommande à l’État partie d’intensifier son action pour garantir l’accès de la population au système judiciaire officiel et de prendre les mesures qui s’imposent pour renforcer la confiance de la population dans ce système .

17.Le Comité, tout en prenant note de l’adoption, en 2008, du Plan d’action national afghan en faveur des personnes handicapées, déplore que le rapport à l’examen ne rende pas compte avec exactitude de la situation actuelle des personnes handicapées et présente le handicap essentiellement comme une question relevant de la charité et de la médecine. Le Comité est préoccupé par le nombre insuffisant de mesures prises pour exécuter le Plan d’action (art. 2).

Le Comité recommande à l’État partie de prendre des mesures concrètes pour exécuter le Plan d’action national afghan de 2008 en faveur des personnes handicapées sans discrimination et, à cet égard, d’envisager de ratifier la Convention relative aux droits des personnes handicapées et le Protocole facultatif s ’y rapportant.

18.Le Comité est préoccupé par le fait que les femmes continuent à être victimes de discrimination dans de nombreux domaines, parce que la discrimination sociale, politique et économique à l’égard des femmes est la norme, que l’insécurité règne dans le pays et que les stéréotypes et les pratiques coutumières qui marginalisent les femmes persistent, malgré les efforts réalisés par l’État partie pour promouvoir l’égalité des sexes. Le Comité déplore les différences qui existent entre le cadre juridique et les inégalités de fait dans des domaines comme le travail, la vie publique, l’éducation et la santé. Il s’inquiète particulièrement de ce que certaines dispositions de la loi sur le statut personnel des chiites demeurent discriminatoires à l’égard des femmes, notamment en matière de garde, de succession, de mariages précoces et de restrictions de déplacement en dehors du foyer (art. 2 et 3).

Le Comité demande à l’État partie de prendre des mesures juridiques et pratiques plus rigoureuses et efficaces, y compris en recourant aux médias et à l’éducation, pour s’attaquer à la discrimination et aux inégalités héritées du passé, aux obstacles culturels et aux attitudes patriarcales , afin de lutter contre l’inégalité entre les sexes et la discrimination à l’égard des femmes, comme le prescrivent le paragraphe 2 de l’article 2 et l’article 3 du Pacte. À cet égard, il prie instamment l’État partie d’harmoniser totalement son droit interne, y compris la loi sur le statut personnel des chiites, avec les normes internationales relatives aux droits de l’homme. Dans cette optique, le Comité appelle l’attention de l’État partie sur son Observation générale n o 16 (2005) sur le droit égal de l’homme et de la femme au bénéfice de tous les droits économiques, sociaux et culturels. Il lui recommande également de concevoir et de mettre en œuvre une campagne nationale de sensibilisation du public, visant les femmes comme les hommes, y compris les responsables locaux.

19.Le Comité, tout en notant que l’État partie a mis en place un quota temporaire pour l’élection de femmes au Parlement et aux conseils de province, demeure préoccupé par le faible taux de représentation féminine aux postes décisionnaires en Afghanistan (art. 3).

Le Comité recommande à l’État partie de promouvoir la participation des femmes, sur un pied d’égalité, aux processus décisionnels, en particulier aux processus de consolidation de la paix et de réconciliation, et de prendre des mesures temporaires spéciales pour corriger le déséquilibre de la représentation hommes/femmes conformément aux dispositions de l’article 3 du Pacte.

20.Le Comité note avec préoccupation que des personnes ont été soumises à des travaux forcés ou obligatoires dans l’État partie comme sanction pour avoir eu ou exprimé des opinions politiques ou idéologiques (art. 6).

Le Comité prie instamment l’État partie de prendre les mesures qui s’imposent, y compris de revoir le Code pénal, pour veiller à ce que le travail forcé ou obligatoire ne soit pas utilisé comme sanction.

21.Le Comité est préoccupé par le fait que le chômage dans l’État partie est difficile à quantifier en l’absence de statistiques du travail pertinentes et fiables ainsi que d’informations sur le marché du travail (art. 6).

22.Le Comité est préoccupé par l’absence de possibilités d’emploi pour les jeunes, les rapatriés et les personnes déplacées dans leur propre pays, en particulier dans le secteur agricole (art. 6).

Le Comité recommande à l’État partie de se doter de mécanismes appropriés pour calculer le taux de chômage sur son territoire afin de prendre des mesures efficaces pour traiter le problème. Il recommande à l’État partie de solliciter l’assistance technique officielle de l’Organisation internationale du Travail à cet effet.

Le Comité prie instamment l’État partie d’adopter et de mettre en œuvre des plans d’action pour l’emploi afin de faire progressivement reculer le chômage dans le secteur informel, en particulier dans l’agriculture.

23.Le Comité regrette que le salaire minimum fixé par l’État partie ne suffise pas à assurer aux travailleurs et à leur famille un niveau de vie décent (art. 7).

Le Comité prie instamment l ’ État partie de prendre les mesures voulues pour relever le salaire minimum et permettre ainsi aux travailleurs et à leur famille de satisfaire leurs besoins essentiels.

24.Le Comité note avec préoccupation que le principe d’une rémunération égale pour les hommes et les femmes pour un travail de valeur égale n’est pas garanti dans l’État partie (art. 7).

Le Comité prie instamment l ’ État partie d ’ intensifier ses efforts pour garantir une rémunération égale pour un travail de valeur égale, conformément aux dispositions du Pacte, et pour réduire l ’ écart salarial qui existe entre les hommes et les femmes. En particulier, le Comité recommande à l ’ État partie de mettre en place un mécanisme destiné à contrôler la réalisation des droits des travailleurs, y compris la rémunération égale pour un travail de valeur égale, et de mener des campagnes de sensibilisation sur le sujet.

25.Le Comité, tout en notant que le Code du travail intègre de multiples dispositions du Pacte, déplore les nombreuses lacunes qui demeurent, comme l’absence de référence au droit de grève et au règlement des différends. Il est préoccupé par l’absence de mécanisme de contrôle de l’application du Code du travail, ainsi que par le faible impact du Programme national d’acquisition de compétences (art. 8).

Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ intensifier ses efforts de protection des droits des travailleurs et, dans cette optique, de réviser le Code du travail, conformément aux dispositions du Pacte, afin d ’ y incorporer le droit de former un syndicat, le droit de négociation collective et le droit de grève. Le Comité recommande également à l ’ État partie de mettre en place un mécanisme destiné à améliorer la coordination et la communication entre les administrations publiques dans l’élaboration de projets de loi sur le travail.

26.Le Comité note avec préoccupation que l’État partie n’a pas encore mis en place de système de sécurité sociale de base et que, par conséquent, un grand nombre de personnes et de groupes défavorisés et marginalisés, y compris les personnes âgées, les travailleurs indépendants, les femmes − en particulier les mères célibataires −, les personnes déplacées, les rapatriés et les réfugiés, ne bénéficient d’aucune protection (art. 9).

Le Comité recommande à l ’ État partie de concevoir un plan national pour la sécurité sociale et de renforcer progressivement le système de sécurité sociale pour assurer la protection des groupes défavorisés et marginalisés. À cet égard, l ’ État partie est invité à étudier les possibilités de coopération internationale conformément au paragraphe 1 de l ’ article 2 du Pacte et à l ’ Observation générale n o 19 (2008) du Comité sur le droit à la sécurité sociale.

27.Le Comité est préoccupé par le nombre important de familles pauvres qui ne sont pas prises en compte dans les divers programmes de lutte contre la pauvreté (art. 9).

Le Comité recommande à l ’ État partie, en collaboration avec les organisations non gouvernementales, de revoir les conditions à remplir pour accéder aux programmes de lutte contre la pauvreté afin de veiller à ce que les familles pauvres y soient incluses.

Compte tenu de la situation particulièrement difficile dans laquelle se trouvent les personnes âgées, soit parce qu ’ elles n ’ ont pas de famille, soit parce que leur famille n ’ est plus en mesure d ’ en prendre soin, le Comité suggère de faire de la protection des personnes âgées une priorité dans le plan national pour la sécurité sociale.

28.Le Comité, tout en prenant note de la Stratégie nationale en faveur de l’enfance en danger adoptée en 2006, demeure préoccupé par l’étendue de la violence à l’égard des enfants, notamment par les mariages forcés et les mariages d’enfants. Il déplore qu’un grand nombre d’enfants, dont un des parents est encore vivant, restent inutilement placés en institution (art. 10).

Le Comité recommande à l ’ État partie: a) d ’ intensifier ses efforts pour lutter contre la violence à l ’ égard des enfants et d ’ interdire les châtiments corporels infligés aux enfants dans tous les contextes; et b) d ’ adopter et de mettre en œuvre des programmes de protection sociale destinés à permettre aux familles les plus défavorisées et marginalisées de satisfaire leurs besoins fondamentaux et de prendre soin de leurs enfants. Il lui demande de fournir, dans son prochain rapport périodique, des informations complémentaires sur le système de placement institutionnel des enfants, le dispositif réglementaire, des données actualisées sur le nombre de personnes employées par les orphelinats et leurs qualifications, ainsi que les règles d ’ admission. Le Comité apprécierait également qu ’ on lui communique des informations récentes sur les résultats de la mise en œuvre de la Stratégie nationale en faveur de l ’ enfance en danger.

29.Le Comité note avec préoccupation que le travail des enfants est un problème sérieux dans l’État partie et que de nombreux enfants sont vulnérables aux pires formes de travail des enfants, y compris le travail forcé ou le travail sous contrainte pour dette et l’exploitation sexuelle à des fins commerciales (art. 10).

Le Comité prie instamment l ’ État partie d ’ intensifier ses efforts pour lutter contre le travail des enfants et protéger ceux-ci de toutes les formes d ’ exploitation sexuelle et économique, y compris les pires formes de travail, notamment en: a) renforçant la législation nationale interdisant le travail des enfants conformément aux normes internationales; b) augmentant le nombre d ’ inspecteurs du travail afin de contrôler le respect de la législation nationale interdisant le travail des enfants; c) veillant à ce que des amendes et de s sanctions pénales soient bien imposées aux personnes qui font travailler illégalement des enfants; d) organisant des formations obligatoires à l ’ intention des forces de l ’ ordre, des procureurs et des juges; e) adoptant les mesures voulues pour faciliter l ’ accès des anciens enfants travailleurs à l’ éducation. L ’ État partie est invité à mener une étude complète mesurant l ’ ampleur du phénomène du travail des enfants, si besoin en faisant appel à l ’ assistance et à la coopération internationales.

30.Le Comité note avec préoccupation que des enfants sont recrutés par des bandes et des forces armées, y compris les forces de sécurité nationale afghanes (art. 10).

Le Comité recommande à l ’ État partie de prendre des mesures fermes pour mettre fin à tous les recrutements d ’ enfants soldats par des bandes et des forces armé e s. Pour ce faire, il conviendrait de mettre en place un système pour prévenir tout nouveau recrutement de mineurs. Le Comité recommande également à l ’ État partie de redoubler d ’ efforts pour aider et réintégrer les enfants ayant été recrutés par des bandes et des forces armé e s.

31.Le Comité est vivement préoccupé par les niveaux alarmants de violence à l’égard des femmes, en particulier par la violence familiale et ce qu’on appelle les crimes d’honneur, malgré l’adoption, en 2009, de la loi visant à éliminer la violence contre les femmes. Le Comité est également préoccupé par le fait que les auteurs de ces délits demeurent impunis (art. 10).

Le Comité recommande à l ’ État partie: a) de prendre des mesures efficaces pour mettre un terme aux pratiques néfastes pour les femmes et les filles en adoptant une législation et des politiques, conformément à l ’ article 54 de la Constitution; b) de réviser l ’ ensemble de la législation nationale, notamment le Code pénal, le Code civil et la loi sur le mariage pour garantir leur conformité avec la Constitution et le droit international des droits de l ’ homme; c) de veiller à ce que les femmes puissent déposer plainte auprès de la police sans craindre des représailles, à ce que toutes les affaires soient dûment instruites sans délai, et à ce que les auteurs d ’ actes de violence à l ’ égard de femmes soient sanctionnés; et d) de lancer des campagnes de sensibilisation pour lutter contre les pratiques traditionnelles néfastes dont sont victimes les femmes, et éduquer les parents, en particulier les mères et les enfants, ainsi que les responsables locaux.

32.Le Comité note avec préoccupation que l’État partie est un pays d’origine, de transit et de destination de la traite d’êtres humains et que des femmes et des enfants y sont enlevés, attirés par des promesses frauduleuses de mariage ou d’emploi, ou vendus à des fins de mariage ou d’exploitation sexuelle, malgré les efforts réalisés par l’État partie (art. 10).

Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ intensifier ses efforts visant à mettre un terme à la traite d ’ êtres humains, y compris en imposant des sanctions appropriées aux auteurs.

33.Le Comité note avec préoccupation que le trafic de stupéfiants persiste en Afghanistan, et que l’État partie est le principal transformateur et exportateur d’héroïne et d’opium. Il est également préoccupé par la violence et les effets négatifs du trafic de stupéfiants sur l’exercice des droits énoncés dans le Pacte, notamment le droit de jouir du meilleur état possible de santé physique et mentale.

Le Comité prie instamment l ’ État partie d ’ adopter une stratégie globale de lutte contre le trafic de stupéfiants, compte tenu du fait que cette lutte ne devrait pas aller à l ’ encontre de l ’ exercice des droits économiques, sociaux et culturels.

34.Le Comité note avec préoccupation que, nonobstant la Stratégie nationale de développement de l’Afghanistan, un grand nombre d’Afghans vivent dans la pauvreté ou l’extrême pauvreté, en particulier les habitants des zones rurales et des zones urbaines défavorisées, les personnes sans terres, les enfants, les familles et les ménages dont le chef est une femme, les personnes handicapées, les personnes déplacées à l’intérieur du pays et les réfugiés (art. 11).

Le Comité recommande à l ’ État partie de prendre des mesures pour veiller à ce que la Stratégie nationale de développement de l ’ Afghanistan intègre pleinement les droits économiques, sociaux et culturels, dans le sens de la déclaration du Comité sur la pauvreté et le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (E/2002/22-E /C .12/2001/17 , annexe VII). Il recommande à l ’ État partie d ’ adopter des mesures pour évaluer l ’ impact et identifier les faiblesses de la Stratégie nationale de développement. Il lui demande de fournir, dans son prochain rapport périodique, des données comparatives, ventilées par sexe, âge et population rurale ou urbaine, ainsi que des données chiffrées faisant apparaître le nombre de personnes vivant dans l ’ extrême pauvreté et des indicateurs sur les progrès réalisés dans la lutte contre la pauvreté.

35.Le Comité note avec préoccupation qu’une proportion élevée de la population en Afghanistan n’a pas accès à des services de base comme l’eau potable, l’évacuation des déchets, l’assainissement et l’électricité, et qu’en raison de l’absence de réseaux d’égouts, les sources d’eau sont polluées et insalubres, ce qui engendre de graves problèmes de santé (art. 11).

Le Comité prie instamment l ’ État partie de fournir aux populations rurales et urbaines des systèmes appropriés pour leur garantir un accès à l ’ eau potable et à des infrastructures d ’ assainissement adéquates, conformément à l ’ Observation générale n o 15 (2002) du Comité sur le droit à l ’ eau, en particulier pour les personnes et les groupes à faible revenu, défavorisés et marginalisés, si besoin en faisant appel à l ’ assistance et à la coopération internationales.

36.Le Comité note avec préoccupation la persistance de confiscations illégales de terres en Afghanistan ainsi que l’existence de nombreux cas de litige foncier qui sapent l’état de droit et l’exercice des droits énoncés dans le Pacte. Il regrette qu’en raison du manque de confiance dans le système judiciaire officiel, de nombreux problèmes liés à des litiges fonciers ont été dévolus aux mécanismes informels de règlement des différends, et que des pratiques discriminatoires ont permis à certains groupes ethniques d’avoir un accès privilégié à la terre au détriment, en particulier, des Kuchis. Le Comité note que la dégradation des conditions de sécurité et le manque de terres contribuent à empêcher la réintégration des personnes déplacées et des rapatriés, ainsi que la réinstallation des réfugiés (art. 11).

Le Comité recommande à l ’ État partie: a) d ’ adopter un cadre juridique complet et cohérent ainsi que des politiques et des mesures administratives pour régler les différends liés à la terre; b) de revoir l e système d ’ allocation des terres de 2005 et de l ’ harmoniser avec les droits énoncés dans le Pacte et les normes internationales relatives aux droits de l ’ homme; c) de renforcer les programmes concernant le manque de terre s , en mettant l ’ accent en particulier sur les rapatriés et les personnes déplacées; d) de mettre en place un système de contrôle pour lutter contre les risques de corruption au sein du système d ’ allocation des terres; et e) de prendre des mesures efficaces pour empêcher toute discrimination à l ’ égard des femmes en cas de différend foncier.

37.Le Comité note avec préoccupation l’incidence élevée de la malnutrition et de la faim dans l’État partie, ainsi que le nombre élevé de personnes victimes de l’insécurité alimentaire. Il déplore le peu de soutien dont bénéficie le secteur agricole et le fait que l’accès à l’alimentation se restreigne considérablement dans les zones rurales depuis 2006, en raison de l’écart croissant entre les prix des produits alimentaires et les revenus (art. 11).

Le Comité recommande à l ’ État partie de revoir les politiques, stratégies et programmes en place, y compris le programme «Sécurité alimentaire pour tous», afin de traiter comme il se doit le problème de l ’ insécurité alimentaire et les besoins alimentaires de la population, et de garantir le droit à l ’ alimentation pour tous, en particulier les personnes et les groupes les plus défavorisés et marginalisés en Afghanistan. Il conviendrait d ’ envisager la mise en place d ’ une politique et d ’ une stratégie interministérielles pour adopter une démarche plus globale afin de lutter efficacement contre l ’ insécurité alimentaire et la malnutrition.

38.Le Comité est vivement préoccupé par la grave pénurie de logements décents dans l’État partie, notamment de logements sains, en particulier dans les zones urbaines à forte densité de population où les personnes et les groupes les plus défavorisés et marginalisés, comme les familles pauvres, les personnes déplacées, les personnes âgées et les handicapés, vivent dans des établissements, abris et camps de fortune dépourvus des infrastructures de base et des services essentiels.

39.Le Comité est préoccupé par les expulsions forcées et la démolition d’immeubles qui se déroulent dans l’État partie sans respecter une procédure régulière ou des délais suffisants ni donner lieu à une indemnisation adéquate ou un relogement.

Le Comité prie instamment l ’ État partie d ’ imposer un moratoire sur l ’ ensemble des expulsions forcées, conformément à la recommandation formulée par le Rapporteur spécial sur le droit à un logement convenable en tant qu ’ élément du droit à un niveau de vie suffisant dans son rapport de 2004 sur la mission qu ’ il avait effectuée en Afghanistan (E/CN.4/2004/48/Add.2, par. 73) jusqu ’ à ce qu ’ il adopte et mette en œuvre un cadre juridique approprié qui garantisse que les personnes expulsées de force bénéficient d ’ une indemnisation appropriée et/ou soient relogées, conformément aux directives adoptées par le Comité dans son Observation générale n o 7 de 1997 sur le droit à un logement décent (art. 11.1 du Pacte) et les expulsions forcées. Le Comité demande à l ’ État partie de lui fournir toute information détaillée sur les progrès réalisés en la matière. Il réitère également sa demande à l ’ État partie de lui fournir, dans son prochain rapport périodique, des informations réc entes sur la situation des sans- abri sur son territoire et sur les mesures prises pour régler ce problème.

40.Le Comité, tout en prenant note des efforts entrepris par l’État partie pour promouvoir le droit à la santé, grâce au programme de prestations de santé de base, demeure préoccupé par les taux élevés de morbidité et de mortalité maternelle, infantile et juvénile, ainsi que par l’incapacité du système de santé de répondre de façon appropriée aux besoins des femmes, et par l’absence d’approche différenciée en fonction du sexe dans la prestation des services de santé. Le Comité prend note également des pratiques préjudiciables et des obstacles (une femme, par exemple, ne peut pas être examinée par un médecin homme sans chaperon) qui nuisent à la santé des femmes, et regrette qu’il n’y ait pas suffisamment d’infirmières et de médecins femmes dans les hôpitaux (art. 12).

Le Comité prie instamment l ’ État partie de prendre les mesures voulues pour satisfaire les besoins essentiels de la population en matière de santé, notamment en améliorant les services sanitaires de base et en augmentant le budget de l ’ État consacré à la santé. À cette fin, le Comité appelle l ’ attention de l ’ État partie sur son Observation générale n o 14 (2000) sur le droit au meilleur état de santé susceptible d ’ être atteint. Il lui recommande de former et de recruter des personnels médicaux féminins, en particulier des sages-femmes, des infirmières, des obstétriciennes et des gynécologues, spécialement dans les zones rurales. Le Comité recommande également à l ’ État partie de redoubler d ’ efforts pour mettre en œuvre le programme de prestations de santé de base, notamment en augmentant le nombre d ’ équipes de santé mobiles pour atteindre une plus grande partie de la population.

41.Le Comité note avec préoccupation l’absence de services de santé procréative à l’attention des femmes dans l’État partie.

Le Comité recommande à l ’ État partie de mettre en place des services de santé procréative à l ’ attention des femmes et de mettre en œuvre des programmes de santé sexuelle et procréative .

42.Le Comité est préoccupé par le fait que plus de 2 millions d’Afghans souffrent de problèmes de santé mentale dus au conflit armé prolongé (art. 12).

Le Comité recommande à l ’ État partie de prendre les mesures voulues pour s ’ attaquer aux problèmes de santé dont sont atteints les Afghans qui souffrent de troubles traumatiques liés à la guerre, si besoin en faisant appel à l ’ assistance et à la coopération internationales.

43.Le Comité, tout en prenant acte des efforts faits par l’État partie pour améliorer et promouvoir l’accès à l’éducation et réduire les écarts entre les sexes, note avec préoccupation, et en particulier que le droit à l’éducation sans discrimination n’est pas garanti dans l’État partie, et est également préoccupé par les conditions d’éducation médiocres en Afghanistan. En particulier, le Comité est vivement préoccupé par l’augmentation du nombre d’enfants victimes d’attaques lancées contre des écoles par les insurgés et par les jets d’acide destinés à empêcher les filles et les enseignantes d’aller à l’école (art. 13 et 14).

Le Comité recommande à l ’ État partie, dans l ’ application de son Plan stratégique national pour l ’ éducation, de prendre en compte ses Observations générales n o 11 (1999) sur les p lans d ’ action pour l ’ enseignement primaire et n o 13 (1999) sur le droit à l ’ éducation et de mettre sur pied un mécanisme efficace pour le contrôle du plan. Plus particulièrement, le Comité recommande à l ’ État partie de prendre les mesures voulues pour favoriser la scolarisation des filles, y compris en dotant les écoles de certains équipements (par exemple des toilettes séparées pour les filles), et en formant et recrutant des enseignantes, surtout dans les zones rurales. L ’ État partie devrait renforcer la sécurité des enfants à l ’ école ainsi que sur le trajet de l ’ école, et sensibiliser davantage à l ’ importance de l ’ éducation des filles. Il est également invité à continuer de solliciter les conseils et l ’ assistance techniques de l ’ Organisation des Nations Unies pour l ’ éducation, la science et la culture (UNESCO) afin d ’ améliorer l ’ accès à l ’ éducation.

44.Le Comité, tout en reconnaissant les efforts faits par l’État partie pour permettre la réapparition de l’art en Afghanistan, note avec préoccupation qu’au cours des dernières décennies, nombre de zones et d’éléments du patrimoine culturel de l’État partie ont été illégalement fouillés, vandalisés, pillés, délibérément détruits ou simplement laissés à l’abandon sans protection. Le Comité regrette également qu’aucune mesure appropriée n’ait été prise pour protéger la diversité linguistique de l’État partie (art. 15).

Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ adopter une politique nationale complète en matière de culture qui veille au respect du patrimoine culturel et linguistique et de sa diversité. Il recommande également à l ’ État partie de renforcer la pratique actuelle en matière d ’ enregistrement et de protection des monuments historiques et des sites archéologiques et de poursui vr e son action visant à faciliter le rapatriement des objets exportés illégalement d ’ Afghanistan. Le Comité recommande aussi à l ’ État partie de mettre en place des mécanismes pour coordonner les activités des administrations publiques et des ministères relatives aux fouilles illégales et à l ’ exportation de biens culturels.

Le Comité recommande à l ’ État partie de prendre les mesures qui s ’ imposent pour veiller à ce que la Commission indépendante afghane des droits de l ’ homme reçoive les fonds appropriés pour mener à bien toutes les fonctions énoncées dans son mandat, conformément aux principes concernant le statut des institutions nationales de promotion et de protection des droits de l ’ homme (Principes de Paris, résolution  48/134 de l ’ Assemblée générale).

45. Le Comité recommande à l ’ État partie d ’enseigner aux élèves et aux étudiants , à tous les niveaux, les droits économiques, sociaux et culturels, et de dispenser une formation complète aux droits de l ’homme aux membres de tou s les secteurs et professions participant directement à la promotion et à la protection des droits de l ’ homme, notamment les juges, avocats, fonctionnaires, enseignants, agents de la force publique, agents des services d ’ immigration, responsables locaux, membres de la police et de l ’ armée.

46. Le Comité recommande vivement à l ’ État partie de recourir à l ’ assistance technique offerte par le Haut-Commissariat aux droits de l ’ homme et les institutions et programmes spécialisés compétents des Nations Unies dans ses efforts visant à faire respecter les droits économiques, sociaux et culturels conformément à ses obligations légales internationales au titre du Pacte, ainsi que dans l’établissement et la soumission de son prochain rapport et la mise en œuvre des présentes observations finales.

47. Le Comité invite l ’ État partie à envisager de signer et de ratifier le Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels.

48. Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ envisager de ratifier la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille et la Convention relative aux droits des personnes handicapées et le Protocole facultatif s ’ y rapportant.

49. Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ envisager de ratifier les conventions de l ’ Organisation internationale du Travail ci-après: Convention n o 2 concernant le chômage; Convention n o 102 concernant la norme minimum de la sécurité sociale; Convention n o 117 concernant les objectifs et les normes de base de la politique sociale; Convention n o 118 concernant l ’ égalité de traitement des nationaux et des non-nationaux en matière de sécurité sociale; Convention n o 122 concernant la politique de l ’ emploi; Convention n o 160 concernant les statistiques du travail; Convention n o 169 concernant les peuples indigènes et tribaux dans les pays indépendants; et Convention n o 174 concernant la prévention des accidents industriels majeurs.

50. Le Comité demande à l ’ État partie de diffuser largement les présentes observations finales à tous les niveaux de la société, en particulier auprès de la fonction publique, de l ’ appareil judiciaire, des responsables locaux et des organisations de la société civile, et de l ’ informer, dans son prochain rapport périodique, des mesures qu ’ il aura prises pour les mettre en œuvre. Il l ’ encourage aussi à associer des organisations non gouvernementales et d ’ autres membres de la société civile au processus de discussion à l ’ échelon national avant la soumission de son prochain rapport périodique.

51. Le Comité invite l ’ État partie à mettre à jour son document de base conformément aux dispositions relatives au document de base commun dans les directives harmonisées concernant l ’ établissement des rapports.

52. Le Comité demande à l ’ État partie de soumettre son cinquième rapport périodique, établi conformément aux directives révisées du Comité concernant l ’ établissement de rapports, adoptées en 2008 (E/C.12/2008/2), d ’ ici au 30 juin 2014.