NATIONS UNIES

E

Conseil économique et social

Distr.GÉNÉRALE

E/C.12/CRI/CO/4 4 janvier 2008

FRANÇAISOriginal: ANGLAIS

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT AUX ARTICLES 16 ET 17 DU PACTE

COSTA RICA

Projet d’observations finales du Comité des droits économiques, sociaux et culturels

1.Le Comité des droits économiques, sociaux et culturels a examiné le rapport, valant deuxième, troisième et quatrième rapports périodiques, du Costa Rica sur l’application du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (E/C.12/CRI/4) à ses 33e, 34e et 35e séances, les 6 et 7 novembre 2007 (E/C.12/2007/SR.33 à 35), et a adopté les observations finales ci‑après à sa 51e séance, le 19 novembre 2007.

A. Introduction

2.Le Comité prend note avec satisfaction de la présentation du rapport de l’État partie, valant deuxième, troisième et quatrième rapports périodiques, qui a été de façon générale établi conformément à ses directives. Il regrette toutefois que le rapport ait été soumis avec treize années de retard.

3.Le Comité se félicite du dialogue franc et constructif qu’il a eu avec la délégation de l’État partie et remercie celle‑ci de ses réponses écrites détaillées et des informations supplémentaires qu’elle a données oralement en réponse aux nombreuses questions qu’il lui a posées.

B. Aspects positifs

4.Le Comité note avec satisfaction que l’État partie a ratifié des instruments internationaux importants et a adopté une politique nationale pour l’égalité et l’équité des sexes (Política Nacional para la Igualdad y la Equidad de Género, PIEG), entre autres mesures juridiques et institutionnelles, afin de promouvoir l’égalité des sexes et de combattre la discrimination contre les femmes, en particulier sur le lieu de travail.

5.Le Comité accueille avec satisfaction l’entrée en vigueur récente de la loi criminalisant la violence contre les femmes et la mise en œuvre du Programme global de soins pour les victimes de violence intrafamiliale et des mesures institutionnelles adoptées par l’État partie pour assurer réparation à ces victimes sur les plans social, juridique et psychologique, en particulier sous la forme de foyers où elles sont en sécurité.

6.Le Comité est heureux des résultats obtenus par l’Institut costaricien de l’électricité (Instituto Costarricense de Electricidad, ICE) en ce qui concerne la fourniture de services d’électricité et de télécommunications de qualité sur l’ensemble du territoire, 98 % de l’énergie électrique venant de sources renouvelables. Il accueille également avec satisfaction les mesures prises par l’État partie pour préserver son patrimoine naturel et faire face aux menaces croissantes qui pèsent sur la biodiversité du pays, essentiellement le déboisement, la surexploitation agricole et la pollution des eaux, en vue de garantir un niveau de vie convenable.

7.Le Comité relève avec satisfaction les efforts accomplis par l’État partie pour promouvoir davantage le développement culturel de la population autochtone, notamment la création du Département de l’éducation autochtone au sein du Ministère de l’éducation, ce qui a contribué à faire revivre des langues vernaculaires, ainsi que l’intégration de la culture autochtone dans les programmes scolaires et l’adoption de programmes visant à promouvoir l’éducation bilingue dans la langue vernaculaire et en espagnol.

8.Le Comité salue le fait que les valeurs éthiques, esthétiques et civiques, ainsi que l’éducation aux droits de l’homme, ont été intégrées dans les programmes scolaires.

9.Le Comité relève avec satisfaction le taux élevé d’alphabétisation (97 % de la population) ainsi que les solides mesures d’ordre législatif et institutionnel et dans le domaine de la politique générale, adoptées par l’État partie afin d’améliorer l’accès à l’éducation et la qualité de l’enseignement, en particulier pour les communautés autochtones.

10.Le Comité accueille avec satisfaction la création de la Commission nationale des affaires autochtones (Comisión Nacional de Pueblos Indígenas, CONAI).

C. Facteurs et difficultés entravant l’application du Pacte

11.Le Comité note l’absence de tout facteur ou difficulté majeur entravant l’application du Pacte dans l’État partie.

D. Principaux sujets de préoccupation

12.Le Comité note que, selon l’article 7 de la Constitution du Costa Rica, les instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme l’emportent sur la législation interne, y compris sur les dispositions constitutionnelles, et peuvent être directement invoqués devant les autorités judiciaires, mais il constate que l’État partie n’a pas donné suffisamment d’exemples de jurisprudence pour démontrer que les dispositions du Pacte étaient systématiquement appliquées.

13.Le Comité relève avec préoccupation que la discrimination raciale n’est pas un délit pénal spécifique et qu’elle n’est punie que d’une amende.

14.Le Comité relève avec préoccupation que la CONAI ne représente pas entièrement les intérêts de toutes les populations autochtones.

15.Le Comité regrette que, par rapport à la moyenne nationale, le taux de pauvreté et le taux de chômage soient plus élevés parmi les communautés autochtones et les personnes d’ascendance africaine. De plus, le taux d’analphabétisme est élevé chez les autochtones, qui souffrent aussi d’un accès limité à l’eau, au logement, aux services de santé et à l’éducation.

16.Le Comité regrette en outre que les communautés autochtones ne soient pas représentées aux postes de responsabilité de la fonction publique.

17.Le Comité est préoccupé par la persistance de l’écart des salaires entre hommes et femmes et par le taux de chômage élevé chez les femmes.

18.Le Comité est préoccupé par les conditions de travail défavorables des employés de maison notamment, dont la plupart sont des migrantes, qui perçoivent le salaire minimum le plus bas pour des journées de travail de plus de huit heures et ont des temps de repos, des prestations de pension et des congés insuffisants.

19.Le Comité est préoccupé par la forte proportion de travailleurs dans le secteur non structuré. Il s’agit de personnes et de groupes défavorisés et marginalisés, notamment des immigrés et des réfugiés, qui viennent principalement du Nicaragua et de la Colombie, ainsi que de minorités ethniques et de personnes handicapées. Le Comité est également préoccupé par les mauvaises conditions de travail dans les zones rurales et reculées, qui contribuent à accroître les migrations vers les villes.

20.Le Comité est préoccupé par les informations faisant état de cas de harcèlement, d’établissement de listes noires et de licenciements de syndicalistes, en particulier dans l’industrie bananière où de nombreux licenciements de travailleurs syndiqués ont été signalés. Il regrette que l’État partie n’ait pas donné suite à ses recommandations précédentes concernant l’incompatibilité entre la limitation du droit des étrangers de s’affilier à un syndicat et l’article 8 du Pacte.

21.Le Comité est préoccupé par le fait que les personnes et les groupes marginalisés et défavorisés notamment, y compris les employés de maison, les travailleurs agricoles et les travailleurs migrants, ne bénéficient toujours pas d’une couverture suffisante dans le domaine des pensions, malgré les progrès réalisés dans la couverture du système national de santé.

22.Le Comité regrette que diverses mesures législatives et institutionnelles adoptées par l’État partie pour assurer réparation aux victimes de violence intrafamiliale ne suffisent pas à juguler l’augmentation de ce type de violence contre les femmes et les enfants.

23.Le Comité est préoccupé par le fait que l’article 143 du Code de la famille autorise toujours les châtiments corporels dans la famille, sous la forme de «correction modérée».

24.Le Comité est profondément préoccupé par l’augmentation de l’exploitation sexuelle à des fins commerciales, du tourisme sexuel et de la traite des personnes, notamment des femmes et des filles, dans l’État partie, malgré l’adoption de mesures institutionnelles et de plans d’action pour combattre ce fléau. L’absence de toute loi interdisant spécifiquement la traite des personnes ou de précédents jurisprudentiels en la matière, ainsi que l’absence de données ventilées sur la nature, l’ampleur et les causes du phénomène, est source de préoccupation.

25.Le Comité est profondément préoccupé par le taux de plus en plus élevé de grossesses chez les adolescentes, malgré l’adoption de politiques et de programmes dans le domaine de la santé sexuelle et reproductive, ainsi que par le fait qu’il ne soit prévu aucune exception à l’interdiction générale de l’avortement.

26.Le Comité juge préoccupant qu’en dépit des efforts accomplis par l’État partie pour remédier à la pénurie de logements, un pourcentage élevé de logements, notamment ceux où vivent des autochtones, des personnes d’ascendance africaine et des migrants, sont en mauvais état et souvent dépourvus d’accès à l’eau potable et d’installations sanitaires adéquates, et qu’un grand nombre de membres de ces communautés vivent encore dans des taudis et des squats, parfois même sur les berges des cours d’eau ou dans d’autres zones à haut risque. Le Comité est également préoccupé par l’absence de données ventilées sur le nombre d’expulsions forcées dans l’État partie.

27.Le Comité note avec préoccupation les effets que pourrait avoir l’entrée en vigueur du Traité de libre‑échange entre les États‑Unis et les pays d’Amérique centrale (CAFTA) sur les obligations souscrites par l’État partie au titre du Pacte et, en particulier, sur l’agriculture traditionnelle, les droits des travailleurs, l’accès aux services de santé et à la sécurité sociale, et les droits de propriété intellectuelle protégeant, notamment, l’accès aux médicaments génériques et à l’eau, la biodiversité et le droit des communautés autochtones lié à ces ressources.

28.Le Comité est préoccupé par la qualité des soins de santé dispensés, en particulier dans les zones reculées et rurales.

29.Le Comité relève avec préoccupation que les taux d’analphabétisme parmi les membres des communautés autochtones demeurent sensiblement plus élevés que la moyenne nationale, bien que l’État partie ait adopté des lois, des politiques et des programmes qui permettent aux communautés autochtones d’avoir accès à l’éducation.

30.Le Comité est préoccupé par l’augmentation du pourcentage d’abandon scolaire dans le secondaire, dû notamment à l’éclatement de la cellule familiale, au manque d’attention pédagogique, au travail des enfants et à la consommation de drogues, malgré les mesures institutionnelles et les politiques adoptées dans ce domaine.

31.Le Comité s’inquiète de ce que ces dernières années le budget du Ministère de la culture, de la jeunesse et des sports ait été réduit dans des proportions considérables.

E. Suggestions et recommandations

32.Le Comité recommande à l’État partie de veiller à ce que les dispositions du Pacte soient directement applicables dans l’ordre juridique interne et le prie de faire figurer dans son prochain rapport périodique des exemples de jurisprudences concernant l’application du Pacte.

33.Le Comité engage instamment l’État partie à faire en sorte que la discrimination raciale constitue un délit pénal spécifique, puni en fonction de la gravité des faits, que les actes de discrimination raciale soient identifiés et leurs auteurs dûment traduits en justice, qu’une formation soit assurée aux agents de l’État afin de les sensibiliser davantage aux questions de discrimination raciale et que des campagnes de prévention soient menées pour sensibiliser le public au problème de la discrimination raciale.

34.Le Comité recommande à l’État partie de veiller à ce que les intérêts de toutes les communautés autochtones soient pleinement représentés dans l’organe directeur de la Commission nationale des affaires autochtones, et à ce que cette institution reçoive le soutien financier et institutionnel nécessaire à son fonctionnement.

35.Le Comité engage instamment l’État partie à prendre toutes les mesures nécessaires pour réduire les niveaux de pauvreté, d’analphabétisme et de chômage parmi les communautés autochtones et les personnes d’ascendance africaine et à faire en sorte que les communautés autochtones aient un accès suffisant à l’eau, au logement, aux services de santé et à l’éducation.

36.L’État partie devrait prendre des mesures positives pour obtenir une meilleure représentation des minorités aux postes de responsabilité dans la fonction publique.

37.Le Comité recommande à l’État partie d’intensifier ses efforts pour promouvoir une participation accrue des femmes sur le marché du travail et garantir l’égalité des conditions de travail, y compris un salaire égal pour un travail égal.

38.Le Comité recommande à l’État partie de prendre des mesures efficaces pour améliorer la situation des employés de maison, conformément aux dispositions de l’article 7 du Pacte.

39.Le Comité engage instamment l’État partie à intensifier ses efforts pour réduire le chômage parmi les personnes et les groupes marginalisés et défavorisés, au moyen de mesures ciblées, notamment en veillant à ce que la législation antidiscrimination soit strictement appliquée par les tribunaux, les autorités locales et les bureaux de placement, en adoptant et en faisant appliquer des dispositions législatives exigeant que les groupes ethniques soient proportionnellement représentés dans les effectifs des secteurs public et privé, et en améliorant la formation professionnelle et les chances d’obtenir un emploi durable dans les régions reculées où vivent les populations autochtones.

40.Le Comité invite l’État partie à envisager de ratifier la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille ainsi que la Convention relative aux droits des personnes handicapées.

41.Le Comité engage instamment l’État partie à accélérer le processus d’adoption des réformes actuellement proposées de l’article 60 de la Constitution et à garantir le respect du droit de chacun de former un syndicat et de s’affilier à un syndicat ainsi que de prendre part à des activités syndicales, conformément au paragraphe 1 a) de l’article 8 du Pacte.

42.Le Comité engage l’État partie à veiller à ce que tous les travailleurs bénéficient de la sécurité sociale, en particulier les personnes appartenant à des groupes défavorisés ou marginalisés. Il l’encourage aussi à ratifier les Conventions nos 103 sur la protection de la maternité (révisée, 1952) et 118 sur l’égalité de traitement (sécurité sociale), 1962, de l’Organisation internationale du Travail.

43.Le Comité recommande à l’État partie de prendre des mesures efficaces pour mettre en œuvre la législation existante sur la violence intrafamiliale, de dispenser à cette fin une formation aux membres de la police et autres responsables de l’ordre public ainsi qu’aux juges, et de faire figurer dans son prochain rapport périodique des renseignements sur le nombre d’affaires de violence intrafamiliale portées devant les tribunaux et sur les décisions rendues.

44.Le Comité encourage l’État partie à accélérer l’adoption des propositions actuelles visant à modifier l’article 143 du Code de la famille et du projet de loi qui interdit expressément les châtiments corporels, actuellement à l’examen.

45.Le Comité engage instamment l’État partie à combattre efficacement l’exploitation sexuelle à des fins commerciales, le tourisme sexuel et la traite des personnes, et lui recommande d’adopter un amendement à la loi contre l’exploitation sexuelle à des fins commerciales (Ley contra la Explotación Sexual Comercial). Il l’engage aussi instamment à surveiller de près le nombre de femmes et d’enfants victimes de la traite qui quittent son territoire, le traversent ou y arrivent chaque année et à rendre obligatoire une formation en ce qui concerne la traite pour les membres de la police, les procureurs et les juges. L’État partie est invité à faire figurer dans son prochain rapport périodique des données actualisées et ventilées par année sur les cas de traite signalés, les condamnations et les peines infligées aux responsables, ainsi que sur l’assistance et les programmes de réadaptation dont bénéficient les victimes.

46.Le Comité demande instamment à l’État partie de prendre des mesures préventives pour combattre le problème du taux élevé de grossesses chez les adolescentes et de prévoir des exceptions à l’interdiction générale de l’avortement dans les cas où la vie de la mère est en danger (considérations d’ordre thérapeutique) ou lorsque la grossesse résulte d’un viol ou d’un inceste.

47.Le Comité engage instamment l’État partie à consacrer les fonds nécessaires à l’amélioration des infrastructures et à l’augmentation du nombre de logements sociaux disponibles, conformément à son Observation générale no 4 (1991) sur le droit à un logement suffisant. En outre, il le prie instamment de veiller à ce que les droits des personnes et des groupes victimes d’une expulsion forcée soient protégés et à ce que d’autres logements adéquats leur soient procurés, conformément à son Observation générale no 7 (1997) sur les expulsions forcées, et de faire figurer dans son prochain rapport périodique des données ventilées sur le nombre d’expulsions forcées et les mesures prises pour reloger les victimes.

48.Le Comité recommande à l’État partie de faire le nécessaire pour évaluer les effets néfastes que ses engagements au titre du CAFTA pourraient avoir sur les droits économiques, sociaux et culturels, et de veiller à ce que les droits énoncés dans le Pacte, en particulier les droits des travailleurs, les droits d’accès aux services de santé, à la sécurité sociale et aux médicaments génériques, ainsi que les droits de propriété intellectuelle ne s’en trouvent pas compromis.

49.Le Comité recommande que les installations, les biens et les services de santé soient renforcés dans les zones reculées et rurales et que le prochain rapport périodique de l’État partie contienne des données ventilées par année à ce sujet.

50.Le Comité encourage l’État partie à améliorer davantage la mise en œuvre des lois, politiques et programmes existants pour éliminer l’analphabétisme chez les autochtones.

51.Le Comité recommande à l’État partie d’intensifier ses efforts pour lutter contre le taux d’abandon scolaire dans le secondaire. L’État partie devrait aussi veiller à mettre effectivement en œuvre les programmes existants visant à améliorer la qualité de l’enseignement secondaire.

52.Le Comité encourage l’État partie à améliorer la qualité de l’enseignement universitaire et à faire en sorte que les universités publiques aient bien une fonction d’ascenseur social.

53.Le Comité recommande à l’État partie de prendre toutes les mesures appropriées pour assurer la mise en œuvre intégrale des présentes recommandations, notamment en les communiquant au Conseil des ministres et au Parlement pour examen et suite à donner.

54.Le Comité demande aussi à l’État partie de diffuser largement les présentes observations finales dans tous les secteurs de la société et en particulier parmi les hauts fonctionnaires, les procureurs et les juges, ainsi que les organisations de la société civile en général, et de l’informer dans son prochain rapport périodique de toutes les mesures qu’il aura prises pour y donner suite. Il l’encourage notamment à continuer d’inviter le Défenseur des habitants (Defensoría de los habitantes), les organisations non gouvernementales et d’autres membres de la société civile à participer au processus de discussion au niveau national avant la présentation de son prochain rapport périodique.

55.Le Comité invite l’État partie à mettre à jour son document de base conformément aux directives harmonisées de 2006 pour l’établissement de rapports englobant le document de base (HRI/GEN/2/Rev.4).

56.Le Comité prie l’État partie de soumettre son cinquième rapport périodique d’ici au 30 juin 2012.

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