Nations Unies

E/C.12/NER/FCO/1

Conseil économique et social

Distr. générale

2 novembre 2020

Original : français

Anglais, espagnol et français seulement

Comité des droits économiques, sociaux et culturels

Renseignements reçus du Niger au sujet de la suite donnée aux observations finales concernant son rapport initial *

[Date de réception : 16 octobre 2020]

I.Introduction

1.Du 13 au 14 mars 2018, le Niger a présenté son rapport initial sur la mise en œuvre des dispositions du Pacte International relatif aux Droits Economiques, Sociaux et Culturels (PIDESC) à Genève devant le Comité des droits économiques, sociaux et culturels. La délégation était conduite par le Ministre de l’Emploi, du Travail et de la Protection Sociale et comprenait des techniciens de plusieurs ministères et des parlementaires.

2.À l’issue du dialogue constructif, le Comité a adressé au Niger ses observations conclusives adoptées le 29 mars 2018 avec une liste de soixante-sept (67) recommandations et observations, parmi lesquelles il a érigé trois (3) en recommandations prioritaires devant faire l’objet d’un rapport intermédiaire avant le prochain rapport national attendu au plus tard le 31 mars 2023.

3.Ainsi, le Comité demande à l’État du Niger de lui fournir des réponses écrites dans un délai de dix-huit (18) mois, sur les mesures qu’il aura prises pour donner suite aux recommandations énoncées aux paragraphes 41, 45 et 52 c)des observations conclusives.

4.Les trois (3) recommandations prioritaires sont relatives :

•À l’inspection du travail ;

•Au mariage précoce ;

•Au droit à la santé.

5.Le présent document élaboré par le Comité interministériel chargé de la rédaction des rapports aux organes des traités et de l’Examen Périodique Universel (EPU) constitue la réponse du Niger auxdites recommandations.

II.Informations sur l’état de mise en œuvre de chaque recommandation prioritaire

A.L’inspection du travail

Réponse au paragraphe 41 des observations finales (E/C.12/NER/CO/1)

6.Au Niger, l’économie reste dominée par le secteur informel avec une part dans le PIB estimée à plus de 60 %. Ainsi, l’article 267 de la loi no 2012-45 du 25 septembre 2012, portant Code du travail de la République du Niger dispose : « Le contrôle de l’application de la législation et de la réglementation du travail est assuré par les inspecteurs du travail et les contrôleurs du travail. Les inspections du travail disposent en permanence des moyens en personnel et matériel qui sont nécessaires à leur fonctionnement ».

7.Des actions sont en cours pour faciliter la transition de l’économie informelle vers l’économie formelle notamment le renforcement des capacités des Inspecteurs du Travail pour leur permettre de mieux jouer leur rôle dans ce secteur. Le rapport d’activités de la Caisse Nationale de Sécurité Sociale pour l’exercice 2017, fait état d’environ 70 000 travailleurs du secteur informel immatriculés.

8.Le tableau ci-dessous dresse un aperçu de la création d’entreprises dans la seule ville de Niamey qui absorbe plus de 90 % des formalités réalisées par le Centre de Formalités des Entreprises.

Type d ’ entreprises

1T2018

2T2018

3T2018

4T2018

1T2019

2T2019

3T2019

4T2019

1T2020

2T2020

Entreprises individuelles

1 145

736

957

1 370

1 137

976

957

1 076

1 323

905

Sociétés

291

236

240

351

340

201

260

98

349

223

Total

1 436

972

1 197

1 721

1 477

1 177

1 217

1 174

1 672

1 128

9.L’État compte actuellement 70 inspecteurs du travail en activité. Il s’agit de 30 inspecteurs principaux du travail, 21 inspecteurs centraux et 19 contrôleurs. Leurs moyens matériels de fonctionnement n’ont pas évolué de manière significative depuis la présentation du rapport initial du Niger.

10.Les inspecteurs du travail bénéficient des formations diplômantes et des renforcements de capacités sur les normes internationales de travail de l’Organisation Internationale du Travail (OIT), sur la protection sociale, etc. Ces formations ont lieu à l’Ecole Nationale d’Administration (ENA) de Niamey, au Centre Régional Africain d’Administration du Travail (CRADAT) à Yaoundé ou au Centre International de Formation (CIF-OIT) de Turin en Italie.

B.Le mariage précoce

Réponse au paragraphe 45 des observations finales

11.Au Niger, le mariage est régi aussi bien par le droit écrit que par le droit coutumier. La loi no 2018-37 du 1er juin 2018, fixant l’ organisation et la compétence des juridictions en République du Niger dispose en son article 72 que « Sous réserve du respect des conventions internationales régulièrement ratifiées, des dispositions législatives ou des règles fondamentales concernant l’ordre public ou la liberté des personnes, les juridictions appliquent la coutume des parties dans les affaires concernant leur capacité à contracter et agir en justice, l’état des personnes, la famille, le mariage, le divorce, la filiation, les successions, les donations et testaments ».

12.Le Code civil, contrairement à la coutume, fixe un âge minimum du mariage pour l’homme et la femme et exige leur consentement. L’article 144 dispose que « l’homme avant dix-huit (18) ans révolus, la femme avant quinze (15) ans révolus, ne peuvent contracter mariage » et l’article 147 de préciser « il n’y a pas de mariage lorsqu’il n’y a point de consentement ». Ces deux dispositions combinées sont respectées en ce qui concerne le mariage civil en raison notamment de la présence de l’officier d’état civil chargé de vérifier le respect des conditions préalables. Un projet de loi visant à porter l’âge du mariage à 18 ans aussi bien pour le garçon que pour la fille, est en cours d’élaboration.

13.Pour prévenir et lutter contre les mariages d’enfants et promouvoir le mariage après 18 ans, beaucoup de mesures et actions ont été prises et se poursuivent. On peut citer entre autres :

•L’adoption du décret no 2019-369/PRN/MPF/PE du 19 juillet 2019, portant création des Comités de protection de l’enfant prévus dans le cadre de la mise en œuvre du Plan Stratégique National 2019-2021 pour mettre fin au mariage des enfants au Niger et son arrêté d’application ;

•L’adoption du décret no 2017-935/PRN/MEP/A/PLN/EC/MES du 5 décembre 2017, portant sur la protection, le soutien et l’accompagnement de la jeune fille en cours de scolarité et ses arrêtés d’application ;

•L’organisation d’une rencontre de haut niveau des experts de la protection de l’enfant lors du sommet des premières dames de la CEDEAO à Niamey en juillet 2019 ;

•L’état des lieux dressé en 2018 du phénomène de mariage des enfants au Niger ;

•L’élaboration en 2017 d’un guide de dialogue social sur le mariage des enfants à l’usage des travailleurs sociaux ;

•La mise en œuvre de l’approche de protection de l’enfant à base communautaire basée sur :

•L’importance de la participation des communautés (familles, parents, enfants, membres de la communauté) dans la protection de l’enfant au regard des rôles fondamentaux que jouent ses membres dans la vie sociale et communautaire ;

•La prise en compte des normes sociales et culturelles traditionnelles positives des communautés de base dans la définition des approches et stratégies en matière de protection des enfants ;

•La mobilisation et la responsabilisation des communautés autour des problématiques de protection des enfants ;

•Le renforcement des capacités et des connaissances des communautés afin qu’elles soient en mesure de développer des mécanismes et des approches appropriés aussi bien de prévention que de prise en charge des violences et abus contre les enfants, y compris le mariage des enfants ;

•Le plaidoyer auprès des autorités, des leaders sociaux et des décideurs au niveau local pour la prise en compte des questions de protection de l’enfant dans les politiques et stratégies de développement local ;

•L’adoption d’un Plan stratégique national 2019-2021 pour mettre fin au mariage des enfants au Niger comportant 4 axes d’intervention à savoir : (i) autonomiser les filles avec des compétences et des réseaux de soutien, (ii) permettre le renforcement des capacités des parents et des membres de la communauté, (iii) améliorer l’accessibilité et la qualité des services d’éducation de protection et d’autres services sociaux pour les filles, (iv) créer de nouvelles plateformes pour le dialogue social qui aboutira à un abandon collectif ;

•La tenue en juin 2019 d’un forum national sur le mariage des enfants au Niger à Maradi sous l’égide du Médiateur de la République en vue de renforcer la synergie d’action entre partenaires, communautés et État pour agir efficacement dans l’élimination du mariage des enfants au Niger ;

•Le lancement de la campagne nationale contre les mariages précoces depuis décembre 2014 faisant suite à celle lancée par l’Union Africaine.

14.Dans la mise en œuvre de ces différentes mesures, des résultats aussi bien qualitatifs que quantitatifs ont été obtenus notamment :

•L’engagement des autorités régionales et locales, administratives et coutumières, à s’investir dans la lutte contre les mariages d’enfants ;

•La mise en place des comités communautaires (villageois) de protection ;

•L’élaboration des plans d’actions par les villages concernés par l’approche ;

•Le report ou l’annulation volontaires entre 2013 et 2018, de 1922 cas de mariage d’enfants, par les populations elles-mêmes.

15.Outre les mesures citées ci-dessus, il faut noter l’établissement du programme Initiative pour les adolescentes du Niger « ILLIMIN » qui a pour objectif de réduire le mariage des adolescentes et retarder les grossesses précoces. Cette Initiative cible les adolescentes âgées de 10 à 14 ans et de 15 à 19 ans mariées ou non mariées, déscolarisées et non scolarisées. Elle a touché de 2013 à 2018 :

•132 715 adolescentes (bénéficiaires des sessions modulaires et des séances d’alphabétisation) pour une cible de 248 000 (qui représente 1/8 des adolescentes à couvrir) d’ici 2021 ;

•421 filles retournées à l’école ;

•1 471 mariages d’enfants annulés ou retardés ;

•540 607 soit 41,15 % d’adolescentes qui mènent des Activités Génératrices de Revenus ;

•1 800 bénéficiaires de formation professionnelle à divers métiers tels que photographie, réparation moto, réparation cellulaire, plomberie…

16.L’État a également mis en place une approche communautaire de protection des enfants mise en œuvre dans quatre (4) régions du pays (Maradi, Tahoua, Tillabéri et Zinder). Elle vise la responsabilisation des Communautés à la base pour la Protection de leurs enfants et est exécutée de manière holistique, avec comme base sur les Droits Humains en général et ceux des enfants en particulier.

17.L’approche est appelée « communautaire » parce qu’elle est mise en œuvre par des membres de la Communauté pour la Communauté. Elle responsabilise la Communauté pour identifier ses propres problèmes et trouver des solutions consensuelles. Elle vise le changement de comportement collectif au sein de la communauté en incluant tous les membres de la communauté à travers un mécanisme de partage d’informations.

18.Les différents droits sont étudiés à travers des modules autour desquels des discussions sont menées par groupes d’âge (30 hommes, 30 femmes, 30 adolescentes et 30 adolescents) choisis par les communautés. Un Facilitateur Communautaire (FACOM) qui réside dans le village durant les six (6) mois de la vie du programme, organise les débats et aide les populations à proposer des solutions aux problèmes qu’elles ont elles-mêmes identifiés au cours des discussions.

19.Cinq (5) modules sont déroulés dans chaque localité hôte, dont le module « Anatomie, Physiologie des organes génitaux, sexualité » à travers lequel les Communautés sont sensibilisées sur les risques que courent les filles mariées à bas âge, en raison de l’immaturité de leur organisme à gérer une grossesse.

20.Les résultats obtenus dans la mise en œuvre de cette approche communautaire sont éloquents. En effet, 1 084 villages ont mis en place chacun un Comité Villageois de protection de l’enfant ; 235 adolescentes de 14 à 18 ans ont directement participé au Programme et leurs capacités ont été renforcées en matière de Droits Humains et sur les compétences de vie courante ; les participantes directes du Programme, appelées correspondantes pour la protection ont été formées et outillées afin de poursuivre les activités de sensibilisation dans les villages et sur les radios communautaires; 52 % des 854 villages cibles ont publiquement déclaré leur intention de promouvoir un environnement protecteur pour les enfants. Plusieurs villages ont adopté comme symbole d’abandon des pratiques néfastes, un drapeau blanc accroché sur les arbres à palabre et ceux des entrées du village ; 451 cas de mariage d’enfants ont été annulés ou retardés dont 229 grâce au programme communautaire; 614 enfants dont 243 filles sont retournées à l’école grâce à l’effort des comités appuyés par les facilitateurs communautaires.

21.Des actions de sensibilisation ont enfin été menées par l’Association des Chefs Traditionnels du Niger (ACTN). C’est ainsi que certains chefs de canton, notamment ceux d’Illéla dans la région de Tahoua et de Chadakori dans la région de Maradi, ont pris des « circulaires » interdisant la pratique de mariage précoce sur leurs territoires. Beaucoup de cas de mariages de filles en cours de scolarité ont été reportés ou annulés par ces chefs coutumiers avec l’assentiment des populations.

C.Le droit à la santé

Réponse au paragraphe 52 c) des observations finales

22.La politique de gratuité des soins instituée par l’État pour les populations vulnérables se poursuit par la prise en charge des femmes enceintes, des enfants âgés de moins de cinq (5) ans et les prestations liées aux cancers féminins.

23.En ce qui concerne les personnes handicapées, le Niger a fourni des efforts considérables pour améliorer la qualité et l’accès aux services de santé voire la mise en œuvre des stratégies spécifiques pour la gratuité des soins.

24.À la date du 31 janvier 2019, les services sociaux de l’action sociale ont enregistré plus de quatre mille (4 000) personnes handicapées et les membres de leurs familles qui ont bénéficié de cette prise en charge médicale.

25.La gratuité des soins aux enfants de moins de cinq ans et aux femmes, notamment les consultations prénatales, la césarienne, la planification familiale, le dépistage, la prise en charge des cancers féminins et de la fistule obstétricale, bénéficient également aux personnes handicapées.

26.Les textes réglementaires qui prévoient la gratuité des soins aux personnes vulnérables sont :

•Le décret no 2005-316/PRN/MSP/LCE du 11 novembre 2005, accordant aux femmes la gratuité des prestations liées aux césariennes fournies par les Etablissements de Santé publics ;

•Le décret no 2007-261/PRN/MSP du 19 juillet 2007, instituant la gratuité des prestations liées aux cancers féminins, fournies par les Etablissements de Santé publics, modifié par le décret no 2007-410/PRN/MSP du 1er octobre 2007 ;

• L’arrêté no 015/MSP/LCE/DGSP du 27 janvier 2006, portant modalités d’application du décret no 2005-316/PRN/MSP/LCE du 11 novembre 2005, accordant aux femmes la gratuité des prestations liées aux césariennes fournies par les Etablissements de Santé publics ;

•L’arrêté no 65/MSP/LCE/DPHL/MT du 7 avril 2006, instituant la gratuité des contraceptifs et préservatifs dans les Etablissements de Santé publics ;

•L’arrêté no 79/MSP/LCE/ME/F du 26 avril 2006, portant gratuité de la consultation prénatale et des soins aux enfants de zéro à cinq ans.

27.En ce qui concerne les anti-retro-viraux (ARV), le Niger a mis en place depuis 2004 une politique de gratuité appelée Initiative Nigérienne d’Accès aux ARV (INARV). Ainsi les ARV et autres soins sont offerts gratuitement à tous les patients. C’est d’ailleurs pour cela que le Niger a inscrit une ligne budgétaire ARV depuis 2011 qui est devenue actuellement « ligne appui à la riposte au VIH » régulièrement inscrite dans la loi des finances. Elle permet, en plus des ARV, d’acquérir des réactifs et d’autres équipements biomédicaux en lien avec la prise en charge médicale du VIH.

28.Afin d’améliorer l’organisation du système de la gratuité des soins, le gouvernement a donné des orientations pour une décentralisation de la gratuité des soins aux collectivités territoriales.

29.L’État envisage également la mise en place d’un Fonds social pour la santé qui, à terme, devrait favoriser la gratuité des soins.

30.Pour renforcer la couverture de la population par les mécanismes de protection contre les risques financiers, plusieurs actions sont envisagées. Il s’agit de : (i) consolider les acquis de la mesure de la gratuité en mettant à la disposition des collectivités territoriales les ressources financières devant permettre de faire face à leurs nouvelles responsabilités avec le transfert des compétences et des ressources de l’État, (ii) promouvoir les mutuelles de santé notamment pour les populations qui vivent d’une économie informelle, (iii) dynamiser le Fonds Social pour améliorer l’accès financier des indigents et certains groupes spécifiques aux services et soins de santé, (iv) mettre en place un régime obligatoire d’assurance maladie-universelle.

31.La mise en place d’un régime obligatoire d’assurance maladie universelle est nécessaire dans la mesure où l’expérience de plusieurs pays relatifs aux régimes d’assurances maladies non obligatoires, a montré les limites d’une telle approche. Le régime d’assurance maladie universelle une fois en place et fonctionnel va être la principale action de protection des populations contre le risque financier. Il intégrera tous les autres mécanismes existants. Le financement de la gratuité par le gouvernement deviendra l’une des contributions du gouvernement au financement du régime d’assurance maladie universelle au côté de la prise en charge des indigents à travers le Fonds Social.

32.Une feuille de route a été établie pour permettre au gouvernement de mieux coordonner ses efforts en vue de la Couverture Universelle Sanitaire (CUS) dans le cadre de la Politique de Protection Sociale qui a été adoptée en 2011. Cette feuille de route met de la cohérence entre l’amélioration de la couverture des services essentiels préventifs, promotionnels et curatifs et la protection de la population contre le risque financier. Son élaboration et sa mise en œuvre se sont faites dans un cadre multisectoriel qui implique le Ministère de la Santé Publique (MSP), le Ministère des Finances (MF), les ministères en charge de la protection sociale, les collectivités territoriales, etc.

33.Parmi les activités inscrites dans cette feuille de route figure l’élaboration et l’adoption d’un dispositif juridique devant accompagner la mise en œuvre de la Couverture Sanitaire Universelle (textes législatifs et réglementaires). Actuellement les projets de textes ont été élaborés et leur adoption est prévue au cours de cette année.

34.Le Financement Basé sur les Résultats (FBR) est une stratégie de financement des services de santé qui vise l’amélioration quantitative et qualitative de l’offre de soins d’une part et l’augmentation de la demande d’autre part à travers une approche contractuelle.

35.La stratégie suggère principalement qu’un contrat de performance soit conclu entre l’acheteur et le prestataire des services tout en spécifiant les ressources financières qui seront remboursées en fonction de la quantité et de la qualité des prestations fournies.

36.Le Ministère entend s’appuyer sur le FBR et la gratuité des soins pour développer la stratégie de couverture universelle en santé en vue d’une meilleure protection des populations.