Nations Unies

E/C.12/68/3

Conseil économique et social

Distr. générale

3 novembre 2020

Français

Original : anglais

Comité des droits économiques, sociaux et culturels

Rapport intérimaire sur la suite donnée aux communications soumises par des particuliers *

A.Introduction

Le présent rapport est une compilation des renseignements reçus des États parties et des auteurs des communications sur les mesures prises pour donner suite aux constatations et recommandations relatives aux communications présentées par des particuliers en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels. Les renseignements ont été traités dans le cadre de la procédure de suivi établie en application de l’article 9 du Protocole facultatif et de l’article 18 du règlement intérieur au titre du Protocole facultatif.

B.Communications

I. D. G. c. Espagne (E/C.12/55/D/2/2014)

Constatations adoptées le  :

17 juin 2015

Teneur de la communication initiale  :

Le logement de l’auteure de la communication a fait l’objet d’une procédure de saisie hypothécaire. Toutefois, l’auteure n’a pas été notifiée personnellement du déclenchement de la procédure, qui a en effet été annoncé par un avis sur le panneau d’affichage du tribunal. L’auteure affirme qu’elle n’a pas eu connaissance de la notification et qu’elle n’a pas pu prendre part à la procédure et défendre ses droits concernant la demande de saisie hypothécaire. Elle considère que la notification de la procédure de saisie hypothécaire par voie d’affichage a porté atteinte, en l’espèce, aux droits qu’elle tient de l’article 11 du Pacte.

Article enfreint  :

Article 11 du Pacte

Recommandations du Comité concernant l ’ auteure  :

L’État partie est tenu d’offrir à l’auteure une réparation effective, et notamment :

a)De veiller à ce que la mise aux enchères du logement ne se fasse pas sans que l’auteure bénéficie de la protection appropriée en matière de procédure et d’une procédure respectant la légalité, conformément aux dispositions du Pacte et compte tenu des observations générales no 4 (1991) sur le droit à un logement suffisant et no 7 (1997) sur les expulsions forcées ;

b)De rembourser à l’auteure les frais de justice liés à la communication.

Recommandations générales du Comité  :

L’État partie a les obligations suivantes :

a)Assurer aux personnes concernées par des procédures de saisie hypothécaire pour non‑remboursement d’emprunt l’accès aux recours prévus par la loi ;

b)Adopter des mesures législatives ou administratives appropriées afin de veiller à ce que, dans les procédures de saisie hypothécaire, la notification par voie d’affichage soit strictement limitée aux cas où tous les moyens possibles ont été utilisés pour remettre une notification à personne, en garantissant une publicité et un préavis suffisants afin que l’intéressé puisse prendre dûment connaissance du déclenchement de la procédure et y prendre part ;

c)Adopter des mesures législatives appropriées pour garantir que la procédure de saisie hypothécaire et les règles de procédure établissent des conditions et procédures appropriées devant être suivies avant qu’il ne soit procédé à la mise aux enchères d’un logement ou à une expulsion, conformément au Pacte et compte tenu de l’observation générale no 7 du Comité.

Décision précédente  :

À sa soixante-sixième session, le Comité a adopté un rapport sur la suite donnée aux communications (E/C.12/66/3), dans lequel il a estimé que toutes les recommandations générales et la recommandation a) concernant l’auteure avaient été largement mises en œuvre. Le Comité a décidé de poursuivre la procédure de suivi de la recommandation b) concernant l’auteure.

Observations de l ’ État partie  :

Dans une note verbale datée du 6 février 2020, l’État partie a fourni des renseignements sur les mesures prises pour mettre en œuvre la recommandation b) du Comité concernant l’auteure et a demandé que la procédure de suivi des constatations du Comité soit close.

L’État partie fait valoir que le 4 juin 2018, le Tribunal supérieur de justice de Madrid a adopté un arrêt définitif déclarant irrecevable le recours contentieux administratif formé contre la décision de l’administration de rejeter la demande des avocats de l’auteure de payer 49 600 euros au titre des frais de justice et des intérêts de retard. L’arrêt souligne que c’est l’auteure, et non ses avocats, qui est en droit de demander le remboursement des dépens. Il est également fait observer que la demande de remboursement a été présentée par les avocats « agissant en leur nom et pour leur propre compte » et qu’il n’existe aucune preuve que l’auteure s’est acquittée des honoraires de ses avocats.

Commentaires de l’auteure :

Le 15 avril 2020, l’auteur a fait parvenir ses commentaires sur les observations de l’État partie. Elle fait valoir que la demande de remboursement des dépens n’a pas été rejetée sur le fond, mais a été déclarée irrecevable pour des raisons formelles, et que l’État partie n’est donc pas empêché de lui rembourser les frais de justice. L’auteure estime que l’État partie devrait procéder au remboursement d’office et sans plus attendre.

Décision du Comité  :

Le Comité note que les représentants de l’auteure ont réclamé 49 600 euros à l’État partie, demande qui a été rejetée car les avocats ne sont pas en droit de demander le remboursement de ces honoraires. Il relève que selon l’auteure, l’État partie devrait la rembourser d’office et sans plus tarder. Le Comité souligne que les parties ont qualité pour chercher à obtenir l’application des recommandations du Comité, en tout temps, de bonne foi et dans une mesure raisonnable.

À cet égard, le Comité estime que certaines de ses recommandations peuvent être mises en œuvre d’office, tandis que d’autres peuvent nécessiter l’adoption d’une mesure quelconque de la part de la partie intéressée. Dans les circonstances de l’espèce, la mise en œuvre de cette recommandation, conformément au droit applicable de l’État partie, exigeait que l’auteure agisse de bonne foi et de manière raisonnable. En l’espèce, le 4 juin 2018, les autorités judiciaires ont indiqué à l’auteure le canal qu’elle devrait utiliser pour soumettre sa demande et, selon les informations dont dispose le Comité, l’auteure n’a pas encore soumis de demande. Le Comité considère donc que, selon les informations disponibles, l’État partie ne s’est pas opposé au remboursement des frais de justice dont l’auteure aurait raisonnablement pu s’acquitter pour soumettre sa communication au Comité, et l’a informée de la procédure pour demander ce remboursement. En conclusion, le Comité estime que le fait que cette recommandation n’a pas été mise en œuvre jusqu’à présent ne peut être attribué à l’État partie.

Le Comité rappelle qu’à sa soixante-sixième session, il a estimé que la mise en œuvre par l’État partie du reste des recommandations avait été largement satisfaisante et a mis fin au suivi de ces recommandations. Vu ce qui précède, le Comité décide de clore le suivi de ces constatations, estimant que leur mise en œuvre a été largement satisfaisante.

Trujillo Calero c. Équateur (E/C.12/63/D/10/2015)

Constatations adoptées le :

26 mars 2018

Teneur de la communication initiale :

L’auteure s’est affiliée à titre volontaire au système de sécurité sociale étant donné qu’elle avait exercé une activité d’employée de maison non rémunérée et avait versé des cotisations mensuelles à partir de novembre 1981, sauf pendant huit mois où elle n’a effectué aucun versement. Elle avait ensuite payé ces cotisations rétroactivement. Sur la base des informations fournies par les services de sécurité sociale, en 2001, l’auteure a demandé une retraite spéciale anticipée, mais sa demande a été rejetée au motif qu’elle n’avait pas versé le nombre minimum de cotisations et que toutes les cotisations volontaires payées après la période de huit mois pendant laquelle elle n’avait pas cotisé n’étaient pas valables.

Articles enfreints :

Article 9 et articles 2 (par. 2) et 3, lus conjointement avec l’article 9, du Pacte

Recommandations du Comité concernant l ’ auteure :

L’État partie est tenu d’offrir à l’auteure une réparation effective, et notamment :

a)D’accorder à l’auteure les prestations auxquelles elle a droit dans le cadre de son droit à la retraite, en tenant compte des cotisations qu’elle a versées à l’Institut équatorien de sécurité sociale (IESS) ou, à défaut, d’autres prestations de sécurité sociale équivalentes qui lui permettent d’avoir un niveau de vie suffisant et digne, conformément aux critères énoncés dans les constatations du Comité ;

b)D’accorder à l’auteure une indemnisation adéquate pour les violations subies au cours de la période pendant laquelle son droit à la sécurité sociale lui a été refusé et pour tout autre préjudice directement lié à ces violations ;

c)De rembourser à l’auteure les frais de justice raisonnablement engagés pour le traitement de la communication.

Recommandations générales du Comité :

L’État partie a les obligations suivantes :

a)Adopter des mesures législatives et/ou administratives appropriées pour garantir le droit de tout affilié de demander, recueillir et recevoir des informations concernant son droit à la sécurité sociale, y compris sa pension ou sa future pension de retraite ;

b)Prendre les mesures nécessaires pour faire en sorte que l’IESS ou toute autre institution chargée de la sécurité sociale, y compris les cotisations des affiliés et les pensions de retraite, fournisse en temps voulu aux affiliés/bénéficiaires des informations utiles, notamment sur la validité de leurs cotisations et sur toute modification de leur statut ;

c)Adopter les mesures nécessaires, y compris sur le plan législatif, afin que les sanctions à l’égard des affiliés de l’IESS ou de toute autre institution chargée de la sécurité sociale soient proportionnelles et ne constituent pas en pratique un obstacle à l’obtention d’une pension de retraite ;

d)Faire en sorte que les affiliés de l’IESS ou de toute autre institution chargée de la sécurité sociale disposent en temps utile de recours administratifs et judiciaires appropriés, en vue de remédier aux violations du droit à la sécurité sociale ;

e)Adopter des mesures législatives et/ou administratives spéciales qui permettent de garantir aux hommes et aux femmes la jouissance effective du droit à la sécurité sociale, y compris l’accès à une pension de retraite, dans des conditions d’égalité, notamment des mesures visant à corriger les facteurs empêchant les femmes qui effectuent des tâches domestiques non rémunérées de cotiser aux régimes de sécurité sociale ;

f)Compte tenu des éléments présentés par le Comité au paragraphe 18 de ses constatations, élaborer dans un délai raisonnable, au maximum de ses ressources disponibles, un plan global et intégral de prestations non contributives.

Observations de l ’ État partie :

Dans une note verbale datée du 6 décembre 2018, l’État partie a fourni des renseignements sur les mesures prises pour mettre en œuvre les recommandations du Comité.

En ce qui concerne les recommandations concernant l’auteure, les autorités de l’État ont tenu plusieurs réunions avec les représentants de l’auteure. Le 6 septembre 2018, l’Institut équatorien de sécurité sociale a informé l’auteure qu’elle remplissait toutes les conditions pour bénéficier d’une pension de vieillesse, mais que pour jouir de ce droit, elle devait cesser de verser des cotisations volontaires au système de sécurité sociale. L’État partie a calculé le préjudice matériel infligé à l’auteur, en tenant compte du taux d’intérêt, et a conclu que le montant dû à l’auteure s’élevait à 122,11 dollars. En ce qui concerne les autres préjudices directement liés à la violation des droits de l’auteure, l’État partie relève que le Comité n’a pas fixé de montant précis correspondant à une indemnisation adéquate, mais en prenant comme référence des violations analogues constatées par la Cour interaméricaine des droits de l’homme, l’État partie a conclu que l’auteure devrait recevoir 2 500 dollars. En ce qui concerne les frais de justice engagés par l’auteure, l’État partie estime qu’aucun remboursement ne peut être effectué puisque l’auteure était représentée par le Bureau du Défenseur du peuple de l’Équateur, dont les services sont offerts.

En ce qui concerne les recommandations générales du Comité, l’État partie indique qu’il fournit des informations détaillées et personnalisées aux utilisateurs de l’Institut équatorien de sécurité sociale par l’intermédiaire de ses bureaux, et que les affiliés peuvent accéder à leur historique d’affiliation sur Internet. En outre, il existe des campagnes d’information dans les médias et sur les médias sociaux. Les affiliés peuvent également demander des renseignements par téléphone en utilisant la ligne directe de l’Institut. En ce qui concerne les sanctions appliquées aux affiliés, l’État partie fait valoir qu’il existe des mécanismes permettant de vérifier les faits avant l’imposition de telles sanctions.

L’État partie fait également valoir que les citoyens ont accès à des recours administratifs et judiciaires pour contester les décisions de l’Institut équatorien de sécurité sociale. Le 7 juillet 2018, le nouveau Code de procédure administrative est entré en vigueur, en application duquel les délais de traitement des recours administratifs ont été raccourcis. Les particuliers peuvent faire appel des décisions administratives dans les 10 jours suivant leur notification, et l’appel doit être traité dans un délai d’un mois. Ce recours peut avoir un effet suspensif sur les décisions antérieures lorsqu’il est demandé dans les trois jours et lorsqu’il existe un risque de préjudice irréparable ou difficilement réparable. En outre, les citoyens disposent de recours judiciaires, en particulier de recours de protection constitutionnelle, en cas de violation présumée des droits de l’homme, en vertu desquels ils peuvent également demander des mesures provisoires pour prévenir une violation des droits de l’homme ou y mettre fin.

L’État partie a également pris des mesures pour que les femmes et les hommes aient accès dans des conditions d’égalité aux régimes de sécurité sociale. L’Institut équatorien de sécurité sociale échange constamment des informations avec le Ministère de l’inclusion économique et sociale afin de garantir l’octroi adéquat des pensions. L’Institut propose également une page web consacrée à l’information et à l’assistance aux domestiques non rémunérés. Le 20 avril 2015, l’État partie a adopté la loi organique relative à la justice dans le travail et à la reconnaissance du travail domestique ; il y est indiqué que les domestiques remplissent une fonction essentielle pour la société dans son ensemble et que ce sont principalement des femmes.

L’État partie précise qu’il offre des pensions de retraite contributives et non contributives. Les pensions de retraite non contributives sont gérées par le Ministère de l’inclusion économique et sociale. L’État partie fournit également des soins de santé universels et gratuits à tous les citoyens.

L’État partie fait valoir qu’il a pris toutes les mesures nécessaires pour accorder à l’auteure les prestations auxquelles elle a droit dans le cadre de sa retraite et pour l’indemniser du préjudice subi. Il ne peut pas rembourser les frais de justice, car les services fournis par le Bureau du Défenseur du peuple sont gratuits. L’État partie fait également valoir qu’il a pris toutes les mesures nécessaires pour se conformer aux recommandations générales du Comité.

Commentaires de l ’ auteure :

Le 3 juillet 2020, l’auteure a fait parvenir ses commentaires sur les observations de l’État partie. L’auteure affirme qu’elle et ses représentants ont rencontré des représentants de l’Institut équatorien de sécurité sociale, et qu’elle a été informée qu’elle pourrait se voir accorder une pension mensuelle de 272 dollars, ce qui correspond à 70 % du salaire minimum. Elle soutient que ce montant ne lui permet pas d’avoir un niveau de vie adéquat et digne, à l’abri de l’exploitation et des mauvais traitements physiques et psychologiques. En outre, selon l’auteure, le calcul ne tient toujours pas compte des cotisations versées entre août 1989 et février 1995, qui ont été annulées. Le 26 décembre 2018, l’auteure a été informée que, même si les cotisations annulées étaient prises en compte, la pension d’une personne ayant cotisé durant 21 à 30 années s’élevait à 270 dollars. L’auteure affirme qu’elle continue actuellement de verser volontairement des cotisations à l’Institut équatorien de sécurité sociale. En ce qui concerne l’indemnisation offerte par les autorités, elle dit ne pas être d’accord avec le montant. L’auteure a soumis aux autorités des factures indiquant les dépenses engagées, notamment pour sa santé, car elle avait dû recourir à des assurances maladie privées et avait effectué des versements, en tant qu’affiliée volontaire, au système de sécurité sociale. Ces dépenses s’élèvent à plus de 20 000 dollars, car l’auteure souffre de diabète et d’autres maladies. Elle reçoit actuellement une aide financière de sa famille pour couvrir ces dépenses. En ce qui concerne les frais de justice, l’auteure fait valoir que, même si elle n’a pas eu à en payer elle-même, le Bureau du Défenseur du peuple a engagé des dépenses et a présenté aux autorités des factures s’y rapportant. En outre, l’auteure a engagé des frais dans le cadre de la procédure interne pour un montant d’environ 4 000 dollars.

En ce qui concerne les recommandations générales, l’auteure fait valoir que, même si des efforts ont été faits pour mieux informer les affiliés, il n’en reste pas moins que ce n’est qu’une fois qu’une personne a pris sa retraite et fait une demande de pension que l’on examine si elle remplit les conditions requises. Cela signifie que les citoyens doivent souvent attendre longtemps et peuvent constater, trop tard, que certaines des contributions qu’ils ont versées ne sont pas valables. L’auteure soutient que la validité des cotisations doit être établie au moment où elles sont versées, et non au moment où une pension est demandée. La Cour constitutionnelle a évoqué ce problème en jugeant illogique que l’Institut équatorien de sécurité sociale n’assume pas la responsabilité de son propre contrôle lorsqu’il reçoit des affiliations.

L’auteure fait valoir que les constatations n’ont pas encore été mises en œuvre, en particulier les recommandations à son égard.

Décision du Comité :

Le Comité note que, selon les informations fournies par les parties, l’État partie a rencontré l’auteure et lui a offert une pension mensuelle de 272 dollars, ce qui correspond à 70 % du salaire minimum dans l’État partie. L’Institut équatorien de sécurité sociale affirme que, même en tenant compte des 305 cotisations versées, la pension mensuelle due s’élèverait à 270 dollars. Le Comité se félicite des négociations en cours concernant la pension de l’auteure. Il se félicite en particulier du fait que l’auteure se soit vu offrir une prestation de sécurité sociale et considère que cette mesure pourrait équivaloir à une mise en œuvre satisfaisante de la recommandation a) à son égard. Toutefois, le Comité constate que selon l’auteure, cette pension ne lui permettrait pas d’avoir un niveau de vie adéquat et digne. Le Comité estime que l’auteure n’a pas étayé cette affirmation. Il engage l’État partie et l’auteure à poursuivre leurs échanges de bonne foi pour parvenir à un accord sur une pension mensuelle et demande à l’auteure de fournir une estimation de la pension minimale qui permettrait à quelqu’un d’avoir un niveau de vie suffisant et digne dans l’État partie, et d’expliquer les raisons de ce calcul.

Le Comité constate que l’État partie a offert à l’auteure une indemnisation de 2 500 dollars. Le Comité se félicite de cette mesure et estime qu’elle pourrait équivaloir à une mise en œuvre satisfaisante de la recommandation b) en ce qui concerne l’auteure. Toutefois, il observe que l’auteure n’est pas d’accord avec ce montant et qu’elle a soumis aux autorités des factures indiquant les dépenses encourues qui sont directement liées à la violation reconnue par le Comité dans ses constatations, et qu’elle a fait valoir que ces dépenses s’élevaient à plus de 20 000 dollars. Le Comité engage les parties à poursuivre leur dialogue de bonne foi afin de parvenir à un accord sur une indemnisation satisfaisante de l’auteure. Le Comité demande aux parties de l’informer de la teneur et de l’issue de ces négociations, et demande en particulier à l’auteure de lui donner des renseignements supplémentaires sur la nature de ses griefs et leur relation directe avec les violations.

Le Comité prend note de l’argument de l’État partie selon lequel il ne peut pas rembourser les frais de justice de l’auteure, puisque celle-ci était représentée par le Bureau du Défenseur du peuple, dont les services sont gracieusement fournis. L’auteure fait valoir que le Bureau du Défenseur du peuple a engagé des frais de justice pour la représenter et que les frais qu’elle a elle-même engagés dans le cadre de la procédure interne s’élèvent à environ 4 000 dollars. Le Comité rappelle qu’il a recommandé le remboursement des frais de justice engagés par l’auteure elle‑même. Étant donné que l’auteure était gracieusement représentée par le Bureau du Défenseur du peuple, le Comité estime qu’on ne peut attendre de l’État partie qu’il rembourse les frais encourus par ce Bureau. En ce qui concerne les frais encourus par l’auteure dans le cadre de la procédure interne, le Comité rappelle que sa recommandation fait référence aux dépenses engagées pour le traitement de la communication devant le Comité, et invite l’auteure à en réclamer le remboursement dans le cadre de sa demande d’indemnisation pour la violation subie et les préjudices directement liés à cette violation.

En ce qui concerne ses recommandations générales, le Comité prend note de l’argument de l’État partie selon lequel il existe plusieurs canaux d’information pour les affiliés au régime de sécurité sociale. L’auteure explique toutefois que la pratique toujours en vigueur fait que les affiliés ne sont informés de la validité de leurs cotisations qu’après avoir demandé une pension de retraite. Le Comité rappelle que le manque de clarté concernant la validité des cotisations avant une demande de pension crée des attentes légitimes et peut avoir de graves répercussions sur le projet de vie d’une personne, comme ce fut le cas pour l’auteure (E/C.12/63/D/10/2015, par. 16.3). Un élément essentiel de sa recommandation est donc la fourniture d’informations sur la validité des cotisations avant qu’une personne ne prenne des décisions qui changent sa vie, comme la décision de prendre sa retraite. Le Comité estime que l’État partie n’a pas encore pris toutes les mesures nécessaires pour fournir en temps voulu aux affiliés des informations appropriées concernant leurs droits à la sécurité sociale (recommandations générales a) et b)). Le Comité prend note de l’argument de l’État partie selon lequel il veille à ce que l’imposition de sanctions aux affiliés se fasse sur la base de faits vérifiés. Toutefois, il rappelle que dans sa recommandation générale c), il a recommandé à l’État partie de veiller à ce que toutes les sanctions imposées soient proportionnelles et ne constituent pas un obstacle à l’obtention d’une pension de retraite, comme le refus d’une pension après une période de six mois sans cotisation (E/C.12/63/D/10/2015, par. 17.1). Le Comité estime que l’État partie n’a pas encore pris toutes les mesures nécessaires pour mettre en œuvre cette recommandation. L’État partie affirme également, de manière générale, qu’il a adopté une nouvelle loi prévoyant des recours administratifs plus clairs et plus efficaces, et qu’il a mis en place une coordination afin de garantir l’octroi adéquat de pensions aux femmes. Le Comité considère qu’il ne dispose pas d’informations suffisantes pour conclure que l’État partie a pris toutes les mesures nécessaires pour mettre en œuvre ses recommandations générales c), d) et e), et il demande à l’État partie de fournir des précisions sur les mesures concrètes adoptées en vue de l’application de ces recommandations. Enfin, le Comité prend note de l’argument de l’État partie selon lequel il propose des pensions à la fois contributives et non contributives. Toutefois, la question de savoir si le régime de pension non contributif est nouveau ou s’il existait déjà n’est pas claire, ni quelle est sa portée. Par conséquent, le Comité demande à l’État partie de fournir des informations complémentaires sur les groupes de la population qui sont couverts par le régime non contributif et sur la couverture globale de la population par les régimes contributif et non contributif.

Le Comité considère donc que ses recommandations n’ont pas encore été mises en œuvre et décide de poursuivre la procédure de suivi de la communication. Il invite l’État partie à fournir des informations sur les mesures prises à la lumière de ses recommandations. Il lui demande en particulier de fournir des précisions sur toutes ses recommandations générales et ses recommandations a) et b) à l’égard de l’auteure, comme indiqué ci-dessus. Les informations devraient être communiquées au Comité dans les 90 jours suivant la publication du présent document. Le Comité transmettra les informations de l’État partie à l’auteure pour qu’elle lui fasse part de ses commentaires, en particulier en ce qui concerne les recommandations a) et b) la concernant, comme demandé ci-dessus.

S. C. et G .  P. c. Italie (E/C.12/65/D/22/2017)

Constatations adoptées le :

7 mars 2019

Teneur de la communication initiale :

Les auteurs, pour des raisons médicales, ont eu recours à une fécondation in vitro. Ils ont affirmé que S. C. avait été contrainte d’accepter le transfert d’un embryon dans son utérus contre sa volonté et qu’on leur avait interdit de faire don de leurs embryons à la recherche scientifique. Ils affirment que l’État partie a violé les droits qu’ils tiennent des articles 10, 12 (par. 1 et 2 c) et d)), et 15 (par. 1 b), 2 et 3), lus conjointement avec le paragraphe 1 de l’article 2 du Pacte.

Articles enfreints :

Article 12 seul et lu conjointement avec l’article 3 du Pacte.

Recommandations du Comité concernant les auteurs :

L’État partie est tenu d’offrir aux auteurs une réparation effective, et notamment :

a)De créer les conditions appropriées pour que les auteurs puissent exercer leur droit de recourir à la fécondation in vitro avec l’assurance que leur droit de révoquer leur consentement aux traitements médicaux sera respecté ;

b)De veiller à ce que S. C. soit protégée contre toute intervention médicale non désirée et à ce que son droit de prendre librement des décisions concernant son propre corps soit respecté ;

c)D’accorder à S. C. une indemnisation adéquate pour le préjudice physique, psychologique et moral subi ;

d)De rembourser aux auteurs les frais de justice raisonnablement engagés pour le traitement de la communication.

Recommandations générales du Comité :

L’État partie a les obligations suivantes :

a)Adopter les mesures législatives et/ou administratives appropriées pour garantir le droit de toutes les femmes de prendre librement des décisions concernant les interventions médicales qu’elles subissent, en particulier leur droit de révoquer leur consentement à l’implantation d’embryons dans leur utérus ;

b)Adopter les mesures législatives et/ou administratives appropriées pour garantir l’accès à tous les soins de santé procréative généralement disponibles et pour permettre à quiconque de révoquer son consentement à l’implantation d’embryons à des fins de procréation, en veillant à ce que toutes les restrictions à l’accès à ces traitements répondent aux critères énoncés à l’article 4 du Pacte.

Observations de l ’ État partie :

Dans une note verbale datée du 26 septembre 2019, l’État partie a fourni des informations sur diverses politiques adoptées en rapport avec l’utilisation des technologies de procréation médicalement assistée, qui visaient à protéger les droits des personnes bénéficiant de ces technologies. Un certain nombre de politiques ne sont pas directement liées aux recommandations en question, mais concernent d’autres aspects de l’utilisation de la procréation médicalement assistée. L’État partie fait valoir que l’Institut national de la santé recueille et diffuse les informations nécessaires pour garantir la transparence en ce qui concerne les techniques utilisées pour la procréation médicalement assistée. L’Institut enregistre également les données relatives au consentement à l’utilisation de la procréation médicalement assistée, ainsi qu’à la suspension et au retrait du consentement.

L’État partie rappelle les décisions adoptées par la Cour constitutionnelle qui ont modifié la législation régissant le recours à la procréation médicalement assistée (E/C.12/65/D/22/2017, par. 2.2 à 2.4).

L’État partie fait valoir que le Ministre de la justice et le Ministre de la santé ont adopté le décret no 265, publié le 17 février 2017, qui contient des règles expresses sur l’expression de la volonté (consentement éclairé) de recourir à des techniques de procréation médicalement assistée, conformément au paragraphe 3 de l’article 6 de la loi no 40/2004 (E/C.12/65/D/22/2017, par. 2.2). Il indique en outre que la région de la Toscane, par l’intermédiaire de sa commission régionale de bioéthique, a récemment approuvé une série d’exigences formelles pour le consentement éclairé concernant certaines utilisations des technologies de procréation médicalement assistée, qui seront bientôt complétées.

L’État partie indique que les constatations du Comité ont été publiées sur le site web du Comité interministériel des droits de l’homme (https://cidu.esteri.it), y compris une traduction en italien. Les constatations figureront également dans le rapport destiné au Parlement.

L’État partie note que les auteurs n’ont pas poursuivi leur procédure civile devant le tribunal de Florence à la suite de la décision de la Cour constitutionnelle.

Commentaires des auteurs :

Le 4 juin 2020, les auteurs ont fait parvenir leurs commentaires sur les observations de l’État partie. Ils font valoir que les faits présentés par l’État partie sont antérieurs à l’adoption des constatations par le Comité et ne disent rien d’une quelconque application des recommandations du Comité. Les auteurs affirment que l’État partie n’a pas pris de mesures pour mettre en œuvre les recommandations et qu’il a au contraire adopté des mesures qui portent davantage préjudice aux droits des auteurs.

Les auteurs indiquent que le 3 juin 2020, ils ont adressé une lettre à différents organes nationaux pour demander la mise en œuvre des constatations.

En ce qui concerne les recommandations relatives aux auteurs, le 12 janvier 2017, le Conseil des ministres a adopté le décret no 502 sur les nouveaux niveaux essentiels d’assistance, qui fixe à 46 ans l’âge limite pour les femmes qui sollicitent une assistance à la procréation auprès du Service national de santé. Les auteurs soulignent que le décret ne fixe aucune limite pour les hommes. Les régions sont autorisées à fixer une limite d’âge inférieure à la limite nationale. La Toscane, région des auteurs, ayant fixé une limite d’âge de 43 ans, l’auteure, née en 1969, ne peut pas recourir à une fécondation in vitro subventionnée par le Service national de santé. En outre, ce décret ne prévoit pas de diagnostic génétique préimplantatoire, qui est essentiel pour que l’auteure, en tant que porteuse d’un trouble génétique, puisse recourir à la fécondation in vitro tout en évitant le risque d’avortement traumatique (E/C.12/65/D/22/2017, par. 2.1 à 2.5). Dans leur lettre aux autorités, les auteurs ont demandé au Ministère de la santé d’abroger la limite d’âge et d’inclure le diagnostic génétique préimplantatoire dans les niveaux essentiels d’assistance. Enfin, les auteurs indiquent qu’ils n’ont pas encore reçu d’indemnisation, mais que dans leur lettre aux autorités, ils demandaient 20 000 euros d’indemnisation pour S. C. et 5 000 euros pour le remboursement des frais de justice.

En ce qui concerne les recommandations générales, les auteurs affirment qu’il n’y a pas de volonté de modifier la loi no 40/2004 et qu’elle reste inchangée, mais que l’accès à la procréation médicalement assistée a été encore restreint par le décret no 502. Les auteurs affirment en particulier qu’il est toujours impossible pour quiconque de retirer son consentement au transfert d’embryons. Les auteurs indiquent que les constatations du Comité ont été invoquées dans une affaire en instance devant le tribunal de Pérouse.

Les auteurs considèrent que la publication des constatations sur le site web du Comité interministériel des droits de l’homme, accompagnée d’une traduction en italien, ne constitue pas une large diffusion des constatations auprès de tous les secteurs de la population.

Décision du Comité :

Le Comité prend note de l’argument des auteurs selon lequel les mesures présentées par l’État partie n’indiquent rien de la mise en œuvre des recommandations. En ce qui concerne les recommandations visant à garantir que toutes les femmes, y compris l’auteure, puissent revenir sur leur consentement à des interventions médicales, en particulier dans le cadre de la procréation médicalement assistée, le Comité prend note de l’argument de l’État partie selon lequel il a adopté un décret sur l’expression du consentement éclairé, et qu’une série d’exigences formelles pour ce consentement ont été approuvées dans la région des auteurs. Le Comité note qu’aucun autre détail n’a été fourni et que les auteurs affirment qu’ils ne peuvent pas encore recourir à la procréation médicalement assistée sans craindre des interventions médicales non désirées. Les auteurs font référence à d’autres faits relatifs à leur accès à une fécondation in vitro subventionnée. Le Comité se limitera à évaluer la mise en œuvre des recommandations formulées dans ses constatations. Le Comité estime que ces recommandations n’ont pas encore été mises en œuvre et demande à l’État partie de fournir des informations complémentaires sur les mesures adoptées pour y donner suite.

Le Comité constate en outre que les auteurs ont, dans une lettre récente adressée aux autorités nationales, demandé une indemnisation et le remboursement des frais de justice raisonnablement encourus pour le traitement de la communication, comme il l’a recommandé. Le Comité n’a encore reçu aucune information selon laquelle il a été répondu à cette demande.

Le Comité estime donc que ses recommandations n’ont pas encore été mises en œuvre et décide de poursuivre la procédure de suivi de la communication. Il invite l’État partie à fournir des renseignements sur les mesures prises à la lumière de ses recommandations. En particulier, il demande à l’État partie de fournir des précisions sur le décret no 265 et sur les mesures adoptées par la région de la Toscane, ainsi que sur toute autre mesure susceptible de contribuer à protéger le droit de toutes les femmes de retirer leur consentement au transfert d’embryons dans leur utérus. Les informations devraient être communiquées au Comité dans les 90 jours suivant la publication du présent document.

Le Comité constate que l’État partie a publié les constatations et les a traduites en italien. Il note que les auteurs considèrent que cette publication n’équivaut pas à une large diffusion des constatations. Le Comité se félicite de la publication et de la traduction de ses constatations et engage l’État partie à continuer d’utiliser des canaux qui permettront de les diffuser auprès de tous les secteurs de la population.