Nations Unies

E/C.12/NER/CO/1

Conseil économique et social

Distr. générale

4 juin 2018

Original : français

Comité des droits économiques, sociaux et culturels

Observations finales concernant le rapport initial du Niger *

1.Le Comité a examiné le rapport initial du Niger (E/C.12/NER/1) à ses 4e, 5e et 6e séances (E/C.12/2018/SR.4, 5 et 6), les 13 et 14 mars 2018, et a adopté les présentes observations finales, à sa 28e séance, le 29 mars 2018.

A.Introduction

2.Le Comité accueille avec satisfaction le rapport initial de l’État partie, bien que ce dernier ait été soumis avec beaucoup de retard. Il se félicite du dialogue constructif qu’il a eu avec la délégation de haut niveau de l’État partie.

B.Aspects positifs

3.Le Comité accueille avec satisfaction la ratification, en 2014, par l’État partie du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, permettant aux individus de présenter des communications devant le Comité en cas de violations des droits consacrés par le Pacte. Il prend note avec satisfaction de l’élargissement de la liste des motifs de discrimination proscrits, de l’augmentation des sanctions en cas de discrimination et de l’interdiction du harcèlement sexuel au travail dans le Code du travail, ainsi que des mesures prises pour renforcer la lutte contre la traite des personnes et de l’adoption de la loi relative au trafic illicite des migrants.

C.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Applicabilité du Pacte

4.Le Comité note que, selon l’article 171 de la Constitution de l’État partie, les instruments internationaux ratifiés ont une autorité supérieure à celle des lois internes. Cependant, il regrette le manque de renseignements fournis sur les affaires invoquant le Pacte devant les tribunaux nationaux. Par ailleurs, il regrette l’absence d’information concernant les mesures pour sensibiliser la population ainsi que les juges, les avocats et les autres agents publics aux droits du Pacte et à leur justiciabilité (art. 2, par. 1).

5. Le Comité engage l ’ État partie, dans la mise en œuvre de la p olitique nationale justice et droits humains et du plan d ’ action décennal 2016-2025 :

a) À s ensibiliser la population aux droits consacrés dans le Pacte et à leur justiciabilité ;

b) À inclure les droits économiques, sociaux et culturels, leur justiciabilité, et la teneur du Protocole facultatif se rapportant au Pacte dans les programmes de l’École de formation judiciaire et dans les manuels de formation à l’usage des juges, des avocats et des agents publics  ;

c) À i nclure dans son prochain rapport périodique des renseignements sur l es décisions adoptées par les juridictions internes ainsi que par l es autorités administratives invoquant le Pacte.

6. Le Comité appelle l ’ attention de l ’ État partie sur son observation générale n o  9 (1998) sur l ’ application du Pacte au niveau national.

Droit coutumier et droits de l’homme

7.Le Comité est préoccupé par le fait que le cadre légal de l’État partie n’établit pas clairement que le droit coutumier doit respecter les obligations internationales de l’État partie en matière de droits de l’homme.

8. Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ adapter son cadre légal afin qu ’ il soit clairement établi qu ’ en cas de conflit ses obligations internationales en matière de droits de l ’ homme priment le droit coutumier.

Allocation des ressources maximales disponibles

9.Tout en reconnaissant les facteurs et les difficultés d’ordre sécuritaire, démographique et climatique auxquels l’État partie est confronté et la priorité accordée aux biens et aux services publics eu égard aux ressources disponibles, notamment pour l’éducation, le Comité n’en est pas moins préoccupé par le manque de ressources allouées visant à la réalisation des droits du Pacte (art. 2, par. 1).

10. Le Comité recommande à l ’ État partie :

a) De vérifier régulièrement que les ressources budgétaires allouées à la mise en œuvre des droits du Pacte sont appropriées ;

b) De consacrer davantage de ressources en vue d’assurer progressivement le plein exercice des droits reconnus dans le Pacte, notamment en matière de protection sociale, de santé et d’inspection du travail , conformément au parag raphe  1 de l’article 2 du Pacte.

11. Le Comité appelle l ’ attention de l ’ État partie sur son observation générale n o  3 (1990) sur la nature des obligations des États parties.

Collecte et analyse des données

12.Le Comité prend note des récentes données statistiques fournies par l’État partie lors du dialogue mais regrette qu’une grande partie des informations statistiques incluses dans le rapport initial de l’État partie n’aille pas au-delà de 2012 (art. 2).

13. Le Comité recommande à l ’ État partie :

a) D’a méliorer la collecte, l ’ analyse et la diffusion de données complètes et comparables , afin de déterminer dans quelle mesure les groupes et les personnes défavorisés et marginalisés, notamment les personnes vivant dans les zones rurales, les personnes déplacées, les minorités ethniques et les personnes handicapées, jouissent de leurs droits éc onomiques, sociaux et culturels ;

b) De f aire figurer dans son prochain rapport périodique les statistiques comparatives annuelles les plus récentes, ventilées en fonction du sexe, de l’ âge, de l’ethnie, de la zone géographique, du handicap, de la religion et d’autres paramètres nécessaires , pour évaluer les progrès accomplis dans la réalisation des droits énoncés dans le Pacte.

Institution nationale des droits de l’homme

14.Tout en accueillant avec satisfaction l’octroi du statut A à la Commission nationale des droits humains, le Comité est préoccupé par l’absence de mesures prises par l’État partie à ce jour pour répondre aux préoccupations et aux recommandations formulées en 2017 par le Sous-Comité d’accréditationdel’Alliance mondiale des institutions nationales des droits de l’homme (art. 2, par. 1).

15. Le Comité recommande à l ’ État partie :

a) De v eiller à ce que la mise en œuvre des dispositions de la loi n o  2012-44 du 24  août 2012 concernant la sélection et la désignation des membres de la Commission nationale des droits humains garantisse un processus formel et unifié de sélection ainsi qu ’ une composition permettant d ’ assurer son indépendance, en pleine conformité avec les Principes concernant le statut des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l’homme ( Principes de Paris )  ;

b) De prendre des mesures visant à renforcer la représentation des femmes dans la Commission et son personnel ;

c) De d oter la Commission de ressources suffisantes et d ’ allouer celles-ci sans délai , permettant à la Commission d ’ a ccomplir pleinement son mandat.

16. À ce sujet, le Comité appelle l ’ attention de l ’ État partie sur son observation générale n o  10 (1998) sur le rôle des institutions nationales de défense des droits de l ’ homme dans la protection des droits économiques, sociaux et culturels.

Entreprises et droits de l’homme

17.Tout en notant les efforts accomplis pour mieux gérer les ressources naturelles de l’État partie, le Comité est préoccupé par les impacts négatifs des activités extractives sur l’environnement, sur la santé et sur les droits des travailleurs, des communautés rurales, des petits exploitants agricoles et des agropasteurs vivant dans les zones d’exploitation minière, en particulier d’uranium, d’or et de pétrole. Il est alarmé par : a) les niveaux inquiétants de contamination à l’uranium dans la localité d’Arlit ; b) l’énorme consommation d’eau par les activités d’extraction et la contamination des sources hydriques ; c) les nombreux cas d’expropriation de terrains pour cause d’utilité publique dans les zones d’extraction minière, au cours desquels les garanties légales pour les propriétaires fonciers et pour ceux qui jouissent de droits d’usage semblent ne pas avoir été respectées.

18. Le Comité recommande à l ’ État partie :

a) D’a ppliquer rigoureusement le cadre légal prévu par la Constitution et la législation relative à l’exploitation des ressources naturelles, en particulier les dispositions visant à la protection de l’environnement et à la santé des travailleurs ainsi qu’aux droits des communautés vivant dans les zones d’exploitation minière ;

b) De mener des enquêtes indépendantes sur l’impact des activités extractives sur les droits économiques, sociaux et culturels avant le commencement et au cours de la mise en œuvre des projets ;

c) D ’ e ffectuer des inspections régulières sur les sites d’exploitation minière et d’allouer des ressources techniques et financières adéquates aux entités chargées de ces inspections ;

d) D ’ a ccentuer ses efforts pour garantir la qualité des sources d ’ eau, y compris en engageant la responsabilité des entreprises ou des individus impliqués dans les activités d ’ extraction minière à l ’ origine des p ollutions des sources hydriques ;

e) De respecter les garanties légales en faveur des personnes expropriées, qu’elles soient propriétaires fonciers ou bénéficiaires de droits d’usage, et d’assurer des indemnisations et des dédommagements adéquats reflétant les valeurs réelles des terrains.

19. Le Comité appelle l ’ attention de l ’ État partie sur son observation générale n o  24 (2017) sur les obligations des États en vertu du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels dans le contexte des activités des entreprises , et sur son observation générale n o  15 (2002) sur le droit à l ’ eau.

Non-discrimination

20.Tout en reconnaissant que le cadre constitutionnel et législatif contient des dispositions contre la discrimination, notamment dans les domaines de l’emploi, de la santé et de l’éducation, le Comité est préoccupé par l’absence d’une législation générale contre la discrimination. Par ailleurs, il est préoccupé par la discrimination fondée sur l’ascendance que subissent les anciens esclaves et leurs descendants, ce qui entrave leur jouissance de certains des droits consacrés dans le Pacte, comme le droit à l’éducation (art. 2, par. 2).

21. Le Comité recommande à l ’ État partie :

a) D’adopter une législation générale contre la discrimination, qui interdit toute discrimination directe et indirecte, quel qu’en soit le motif, y compris l’ascendance ;

b) D’adopter des politiques et des programmes, y compris des mesures temporaires, destinés à garantir aux anciens esclaves et à leurs descendants la jouissance des droits énoncés dans le Pacte.

22. Le Comité appelle l ’ attention de l ’ État partie sur son observation générale n o 20 (2009) sur la non-discrimination dans l ’ exercice des droits économiques, sociaux et culturels.

Personnes handicapées

23.Tout en prenant acte des mesures en faveur des personnes handicapées, notamment les dispositions de l’article 10 du Code du travail instituant un quota de 5 % des postes au profit des personnes handicapées ainsi que la création de classes intégratrices, le Comité est préoccupé par le fait que les enfants handicapés sont défavorisés en matière d’accès à l’éducation et que très peu de personnes handicapées ont un emploi rémunéré. Il est également préoccupé par le manque de progrès accomplis pour améliorer l’accessibilité des personnes handicapées aux biens et aux services publics (art. 2, par. 2).

24. Le Comité recommande à l ’ État partie :

a) De garantir des aménagements raisonnables pour les personnes handicapées, en droit et en pratique ;

b) D’a llouer davantage de ressources pour améliorer l ’accès des enfants handicapées à l’éducation, et notamment à un enseignement inclusif  ;

c) De surveiller l’application des mesures spéciales prévues dans le Code du travail afin de promouvoir l ’ e mploi des personnes handicapées ;

d) D’adopter un calendrier et d’allouer les ressources nécessaires pour améliorer l ’ accessibilité et la disponibilité des biens et des services publics en faveur des personnes handicapées.

Égalité entre les hommes et les femmes

25.Le Comité prend note des mesures pour instaurer l’égalité entre les hommes et les femmes au moyen de la politique nationale y afférente. Néanmoins, il constate avec inquiétude que :

a)Les femmes sont toujours victimes de discrimination dans de nombreux domaines ;

b)Le droit coutumier, qui perpétue la discrimination envers les femmes et les fillesen matière de droits de propriété, d’héritage et de mariage, entre autres, continue de prévaloir ;

c)Le taux de cas de violence à l’égard des femmes, y compris la violence familiale et la violence sexuelle, est élevé (art.3).

26. Le Comité recommande à l ’ État partie, dans la mise en œuvre du p lan d ’ action national en matière d ’ égalité de s sexes :

a) De c ontinuer à p rendre des mesures pour prévenir efficacement toute forme de discrimination envers les femmes et les filles, y compris en matière de succession et d’accès à la terre , ainsi que de s ’ attaquer aux pratiques coutumières et aux attitudes patriarcales et stéréotypées ;

b) De m en er des campagnes d ’ information pour sensibiliser l ’ opinion publique aux droits des femmes et au fait que certaines pratiques relevant du droit coutumier sont préjudiciables ;

c) De p rendre des mesures pour promouvoir la pleine participation des femmes à la prise de décision dans tous les domaines de la vie politique et publique  ;

d) De v eiller à ce que les cas de violence envers les femmes fassent l ’ objet de poursuites diligentes et impartiales, que les auteurs soient poursuivis et punis proportionnellement à la gravité de leurs actes, et que les victimes obtiennent réparation et aient accès à des services de rétablissement.

27.Le Comité appelle l ’ attention de l ’ État partie sur son observation générale n° 16 (2005) sur le droit égal de l ’ homme et de la femme au bénéfice de tous les droits économiques, sociaux et culturels.

Personnes déplacées et réfugiés

28.Tout en félicitant l’État partie d’accueillir des réfugiés provenant des pays voisins et en prenant note des mesures ciblées telles que la distribution gratuite de céréales pour les personnes déplacées et les réfugiés, le Comité est préoccupé par l’absence de législation et de politiques nationales globales pour venir en aide à ces personnes ainsi que par l’accès limité de ces personnes aux services sociaux de base (art. 2 et 11).

29. Le Comité recommande à l ’ État partie :

a) D’a dopter un cadre législatif concernant spécifiquement les personnes déplacées et les réfugiés ;

b) D’a méliorer l ’ accès aux services sociaux de base des personnes déplacées et d es réfugiés , y compris l’accès à la santé, à l ’ éducation et aux autres services publics .

Personnes appartenant à des minorités

30.Le Comité note avec intérêt les dispositions constitutionnelles protégeant les droits des personnes appartenant à des minorités ethniques. Il note cependant l’absence de stratégie globale pour mettre en œuvre lesdites dispositions (art. 15).

31. Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ adopter une stratégie globale prévoyant des mesures spécifiques et ciblées pour améliorer l ’ accès des groupes minoritaires aux droits consacrés dans le Pacte, notamment l ’ accès adéquat à l ’ éducation, à l ’ emploi, à la santé et à l ’ eau.

Droit au travail

32.Le Comité reste préoccupé par le faible taux de participation des femmes au marché du travail, malgré les progrès accomplis par l’État partie (art. 6).

33. Le Comité recommande à l ’ État partie de prendre des mesures en faveur de l ’ autonomisation des femmes, notamment :

a) En menant des politiques de l ’ emploi qui prévoient des programmes adéquats de formation et de reconversion pour faciliter l ’ accès des femmes au marché du travail , et aux professions et aux carrières traditionnellement dominées par les hommes ;

b) En introduisant un quota de parité dans le secteur public et dans les programmes de formation préparant les candidats aux fonctions au sein de l ’ administration publique ;

c) En s ’ attaquant efficacement aux obstacles socioculturels, tels que les attentes en matière de responsabilités familiales, susceptibles de compromettre les chances des femmes de t rouver du travail.

Salaire minimum

34.Malgré les efforts déployés par l’État partie, le Comité constate avec inquiétude que le salaire minimum n’a pas changé depuis 2012 et qu’il est insuffisant pour assurer des conditions de vie décentes aux travailleurs et à leurs familles (art. 7).

35. Le Comité recommande à l ’ État partie de prendre des mesures législatives et administratives pour garantir que le salaire minimum est régulièrement réexaminé et fixé à un montant suffisant permet tant à tous les travailleurs et à leurs familles de jouir de conditions de vie décentes.

36. Le Comité appelle l ’ attention de l ’ État partie sur son observation générale n o 23 (2016) sur le droit à des conditions de travail justes et favorables.

Secteur informel

37.Tout en prenant note des mesures adoptées par l’État partiepour assurer la transition de l’emploi informel à l’emploi formel, le Comité est préoccupé par la prédominance de l’économie informelle, qui représente 70 % des emplois(art. 6, 7 et 9).

38. Le Comité recommande à l ’ État partie de r edoubler d ’ efforts en vue de surveiller et de lutter contre les violations des droits économiques, sociaux et culturels dans le secteur de l’économie informelle et, simultanément, d’incorporer progressivement les travailleurs informels dans l’économie formel le , notamment en renforçant le rôle du Centre de f ormalités des e ntreprises et les politiques et les mesures visant à créer un environnement favorable au développement du secteur privé formel .

39. Le Comité appelle l ’ attention de l ’ État partie sur la recommandation n o 204 (2015) de l ’ O rganisation internationale du Travail concernant la transition de l ’ économie informelle vers l ’ économie formelle.

Inspection du travail

40.Le Comité est préoccupé par le fait que le système d’inspection du travail de l’État partiene dispose pas des ressources financières et humaines nécessaires à l’accomplissement efficace de ses missions, et ne couvre pas le secteur informel. Il est aussi préoccupé par l’absence d’information relative à l’inspection dans les entreprises qui comptent moins de 20 employés, qui constituent la majorité des établissements de travail dans l’État partie (art. 7).

41. Le Comité engage l ’ État partie à adopter des mesures visant à veiller à ce que l ’ inspection du travail couvre également l ’ économie informelle, qu ’ elle centre ses efforts sur le respect de la législation du travail et qu ’ elle soit dotée de ressources appropriées, notamment d ’ un nombre suffisant d ’ inspecteurs adéquatement formés.

Sécurité sociale

42.Le Comité est préoccupé par la couverture très limitée du système de protection sociale malgré les efforts déployés par l’État partie (art. 9).

43. Le Comité engage l ’ État partie à intensifier ses efforts afin de mettre en place le plus rapidement possible les socles de protection sociale garantissant un niveau minimum de prestations afin que les groupes les plus défavorisés et marginalisés puissent vivre dans des conditions décentes, y compris ceux qui sont dans l ’ économie informelle. À cet égard, il recommande à l ’ État partie d ’ accélérer l ’ adoption des mesures législatives prévu e s par l ’ État partie visant à mettre en place un système de protection sociale . Le Comité appelle l ’ attention de l ’ État partie sur son observation générale n o 19 (200 7 ) sur le droit à la sécurité sociale ainsi que sur sa déclaration concernant les socles de protection sociale : un élément essentiel du droit à la sécurité sociale et des objectifs de développement durable (2015).

Mariage précoce

44.Le Comité est préoccupé par le nombre très élevé de mariages précoces de filles à cause du droit coutumier qui l’autorise. Il déplore également que, malgré l’annonce faite par l’État partie en 2014 dans son rapport périodique combiné (2013-2014) sur la mise en œuvre de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, les réformes législatives pour mettre fin aux mariages précoces n’ont pas été adoptées à ce jour et que la question est absente du décret sur la protection, le soutien et l’accompagnement de la jeune fille en cours de scolarité (art. 10).

45. Le Comité recommande à l ’ État partie de prendre des mesures visant à proscrire et à prévenir la célébration de mariages d ’ enfants contractés en vertu du droit coutumier, notamment des mesures législatives, administratives ainsi que des campagnes de sensibilisation culturellement adaptées , afin que ces pratiques soient abandonnées.

Exploitation économique des enfants

46.Le Comité est préoccupé par le nombre important d’enfants qui sont exploités à des fins économiques dans les abattoirs, dans l’agriculture et dans les travaux domestiques, en particulier dans des conditions dangereuses, notamment dans les mines. Il est également préoccupé par le fait que la pauvreté des familles et l’accès restreint à l’enseignement augmentent le risque d’exploitation économique des enfants (art. 10).

47. Le Comité recommande à l ’ État partie :

a) De r enforcer sa législation interdisant le travail des enfants et de favoriser l a mise en œuvre de celle-ci , notamment en multipliant les inspections du travail , surtout dans les secteurs minier et agricole , et dans les abattoirs ;

b) De f aire en sorte que les personnes qui emploient d es enfants so ient poursuivies et sanctionnées ;

c) D’a dopter des mesures de réadaptation des enfants qui travaillent et de garantir l ’ accès de ces derniers à l ’ éducation , y compris en renforçant les mesures de soutien aux familles pauvres afin de maintenir les enfants dans le système scolaire ;

d) De r éaliser une enquête nationale sur la nature et l ’ ampleur du travail des enfants.

Droit à l’alimentation

48.Le Comité salue l’adoption par l’État partie de plusieurs mesures visant à assurer la sécurité alimentaire et nutritionnelle de sa population. Il est cependant préoccupé par le fait que l’insécurité alimentaire et la malnutrition touchent une grande partie de la population. Il est également préoccupé par l’absence de données ventilées sur le sujet (art.11).

49. Le Comité recommande à l ’ État partie :

a) D’a dopter une loi-cadre sur le droit à l ’ alimentation ;

b) De m ettre pleinement en œuvre l ’ Initiative 3N (« les Nigériens nourrissent les Nigériens ») et les stratégies connexes, en veillant à ce que les collectivités locales et les communautés bénéficiaires ainsi que la société civile soient impliqué e s pour orienter lesdites stratégies , et d’ en surveiller la mise en œuvre ;

c) D’a ccroître ses efforts pour améliorer la productivité des petits producteurs agricoles en favorisant l’ accès de ces derniers aux technologies appropriées et aux marchés, afin d ’ améliorer les revenus en zone rurale ;

d) De c ollecter des données ventilées sur la prévalence de la faim et de la malnutrition, notamment par sexe, par âge et par milieu de vie (rural/urbain).

50. Le Comité appelle l ’ attention de l ’ État partie sur son observation générale n o 12 (1999) sur le droit à une nourriture suffisante, ainsi qu ’ aux Directives volontaires à l ’ appui de la concrétisation progressive du droit à une alimentation adéquate dans le contexte de la sécurité alimentaire nationale, adoptées en 2004 par les États membres de l ’ Organisation des Nations Unies pour l ’ alimentation et l ’ agriculture.

Droit à la santé

51.Tout en saluant la gratuité de certains soins de santé et malgré l’amélioration de quelques indicateurs en matière de santé, le Comité constate avec préoccupation que :

a)La mortalité infantile et maternelle reste encore élevée ;

b)Les soins de santé gratuits ne sont pas disponibles pour la majorité de la population, en particulier pour les groupes les plus vulnérables, et moins de 5% de la population est couverte par un système d’assurance santé ;

c)Lescrédits budgétaires alloués au secteur de la santé et l’accès aux servicesde santé sont très limités, en particulier dans les zones rurales (art. 12).

52. Le Comité recommande à l ’ État partie, dans la mise en œuvre de la Politique nationale de santé (2016-2035) :

a) De p rendre d ’ urgence des mesures visant à réduire le niveau élevé de mortalité maternelle et infantile , et de faire en sorte que les naissances se déroulent avec l ’ assistance de personnel qualifié ;

b) D’é largir les segments de la population qui peuvent accéder à des soins de santé gratuits, en particulier les groupes les plus vulnérables ;

c) D’a ccélérer l ’ adoption des mesures législatives prévues par l ’ État partie visant à développer une assurance maladie universelle , y compris un régime non contributif pour les populations vulnérables ;

d) D ’accélérer la réalisation de l’objectif de la Déclaration d ’ Abuja relatif à l’allocation budgétaire au secteur de la santé et de poursuivre ses efforts pour garantir l ’ accessibilité, la disponibilité et la qualité des services de santé, en particulier dans les zones rurales .

53. Le Comité appelle l ’ attention de l ’ État partie sur son observation générale n o  14 (2000) sur le droit au meilleur état de santé susceptible d ’ être atteint.

Droit à la santé sexuelle et procréative

54.Le Comité est préoccupé par le taux élevé de grossesses précoces dû en partie à l’inaccessibilité et à l’indisponibilité de services appropriés de santé sexuelle et procréative, et aux difficultés rencontrées par les femmes pour accéder à une information suffisante sur la santé sexuelle et procréative, y compris la planification familiale, et aux moyens de contraception (art. 12).

55. Le Comité recommande à l ’ État partie :

a) De r edoubler d ’ efforts pour assurer la disponibilité et l ’ accessibilité des services de santé sexuelle et procréative, notamment l ’ accès à des moyens de contraception abordables, sûrs et efficaces , et aux contraceptifs d ’ urgence, y compris pour les adolescents, en particulier dans les zones rurales ;

b) De d évelopper et de renforcer l ’ éducation à la santé sexuelle et procréative , y compris la planification familiale, dans les programmes des établissements d ’ enseignement primaire et secondaire pour filles et garçons, de façon à ce qu e l’éducation soit complète et adaptée à chaque tranche d’âge.

56. Le Comité appelle l ’ attention de l ’ État partie sur son observation générale n o  22 (2016) sur le droit à la santé sexuelle et procréative.

Droit à l’éducation

57.Le Comité prend note des renseignements complets transmis par la délégation de l’État partie concernant les défis en matière d’éducation au Niger et accueille avec satisfaction l’approche intégrale adoptée pour surmonter ces défis. Toutefois, il est préoccupé par :

a)La persistance d’inégalités dans l’accès à l’éducation touchant particulièrement les enfants vivant en zone rurale et des enfants ayant un handicap ;

b)Le taux élevé d’abandon scolaire dans l’enseignement primaire et secondaire, en particulier des filles, dû entre autres aux mariages précoces et à la perception que l’éducation des filles constitue une charge pour les familles ;

c)La faible qualité de l’enseignement en raison du nombre insuffisant d’enseignants qualifiés et de matériels pédagogiques, et du manque d’infrastructures, en particulier en milieu rural ;

d)L’accès limité à l’eau et au système d’assainissement dans les écoles ;

e)Le taux élevé d’analphabétisme, principalement dans les zones rurales et en particulier parmi les femmes (art. 13 et 14).

58. Le Comité recommande à l ’ État partie :

a) De r enforcer ses mesures et ses programmes divers en vue de remédier au problème de l ’ accès à l ’ école des enfants vivant en zone rurale  ;

b) De r emédier d ’ urgence au taux élevé d ’ abandon scolaire dans l ’enseignement primaire et secondaire, particulièrement concernant les filles ;

c) De r elever la qualité de l ’ enseignement dispensé et d’ investir davantage dans la formation des enseignants, en particulier en augmentant la capacité de l ’ école normale afin de pouvoir former adéquatement les enseignants nécessitant un renforcement de capacité ;

d) De r edoubler d’ efforts afin d’ améliorer les infrastructures scolaires et les matériels d ’ apprentissage, en particulier dans les régions rurales, et de veiller à ce que tous les établissements scolaires disposent d ’ installations de distribution d ’ eau et d ’ assainissement adéquates, en particulier d ’ installations sanitaires séparées pour les filles et les garçons ;

e) De renforcer les mesures de mise en œuvre de la politique nationale d ’ alphabétisation et d ’ éducation non formelle ;

f) D ’ a ccélérer l’intégration de la formation en droits de l’homme à tous les niveaux de l’éducation.

59. Le Comité appelle l ’ attention de l ’ État partie sur son observation générale n o 13 (1999) sur le droit à l ’ éducation.

Droits culturels

60.Tout en prenant acte de la phase d’expérimentation de l’enseignement dans les langues maternelles pendant les premières années de scolarisation, le Comité regrette l’absence d’informations sur les autres mesures prises pour promouvoir la diversité culturelle de l’État partie (art. 15).

61. Le Comité recommande à l ’ État partie :

a) D ’ a dopter des mesures additionnelles visant à promouvoir et à préserver la culture des différents groupes culturels, ethniques et linguistiques qui constituent sa population ;

b) De f ournir non seulement un enseignement dans la langue maternelle des enfants, mais aussi des programmes scolaires et un environnement culturel appropriés, tenant compte des particularités des groupes linguistiques et ethniques .

62. Le Comité appelle l ’ attention de l ’ État partie sur son observation générale n o 21 (2009) sur le droit de chacun de participer à la vie culturelle.

D.Autres recommandations

63. Le Comité recommande à l ’ État partie de tenir pleinement compte des obligations que lui impose le Pacte et de garantir le plein exercice des droits qui y sont énoncés dans la mise en œuvre au niveau national du Programme de développement durable à l ’ horizon 2030, avec l ’ aide et la coopération de la communauté internationale en cas de besoin. La réalisation des objectifs de développement durable serait grandement facilitée si l ’ État partie établissait des mécanismes indépendants pour suivre les progrès réalisés et s ’ il considérait que les bénéficiaires des programmes publics étaient titulaires de droits qu ’ ils peuvent faire valoir. La réalisation des objectifs dans le respect des principes de participation, de responsabilité et de non-discrimination permettrait de garantir que nul n ’ est laissé à l ’ écart.

64. Le Comité recommande à l ’ État partie de prendre des mesures pour mettre au point et appliquer progressivement des indicateurs appropriés à la mise en œuvre des droits économiques, sociaux et culturels, et pour faciliter ainsi l ’ évaluation des progrès réalisés pour se conformer aux obligations que lui impose le Pacte pour diverses catégories de la population. À cet égard, il renvoie au cadre conceptuel et méthodologique concernant les indicateurs des droits de l ’ homme mis au point par le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l ’ homme (voir HRI/MC/2008/3).

65. Le Comité prie l ’ État partie de diffuser largement les présentes observations finales à tous les niveaux de la société, aux échelons national et régional, en particulier auprès des parlementaires, des responsables publics et des autorités judiciaires, et de l ’ informer dans son prochain rapport périodique des mesures prises pour y donner suite. Il l’encourage à associer la Commission nationale des droits humains, les organisations non gouvernementales et les autres membres de la société civile au suivi des présentes observations finales et au processus de consultation nationale avant la soumission de son prochain rapport périodique.

66. Conformément à la procédure de suivi des observations finales adoptées par le Comité, l ’ État partie est prié de fournir, dans un délai de dix-huit mois à compter de l ’ adoption des présentes observations finales, des informations sur la mise en œuvre des recommandations faites par le Comité aux paragraphes 41 (inspection d u travail), 4 5 (mariage précoce) et 5 2  c) (droit à la santé) ci-dessus.

67. Le Comité prie l ’ État partie de lui soumettre, le 31 mars 2023 au plus tard , son deuxième rapport périodique, qui sera établi conformément aux directives concernant les rapports que le Comité a adoptées en 2008 ( voir E/C.12/2008/2). Il l ’ invite aussi à mettre à jour, selon qu ’ il conviendra, son document de base commun conformément aux directives harmonisées pour l ’ établissement de s rapports à présenter en vertu des instruments internationaux relatifs aux droits de l ’ homme ( voir HRI/GEN/2/Rev.6, chap . I).