Observations finales concernant le quatrième rapport périodique du Chili *

Le Comité des droits économiques, sociaux et culturels a examiné le quatrième rapport périodique du Chili sur l’application du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (E/C.12/CHL/4) à ses 34e et 35e séances, les 9 et 10 juin 2015 (E/C.12/2015/SR.34 et 35), et a adopté, à sa 50e séance, le 19 juin 2015, les observations finales ci-après.

A.Introduction

Le Comité accueille avec satisfaction le quatrième rapport périodique du Chili, le document de base (HRI/CORE/CHL/2013) et les réponses à sa liste de points (E/C.12/CHL/Q/4/Add.1). Il se félicite du dialogue constructif établi avec la délégation de haut niveau composée de spécialistes de plusieurs ministères.

B.Aspects positifs

Le Comité note avec satisfaction que l’État partie a ratifié les instruments internationaux suivants :

a)La Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, le 8 décembre 2009;

b)Le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, le 12 décembre 2008;

c)Le deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, visant à abolir la peine de mort, le 26 septembre 2008;

d)La Convention relative aux droits des personnes handicapées et le Protocole facultatif s’y rapportant, le 29 juillet 2008;

e)La Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, le 21 mars 2005.

Le Comité salue l’adoption de :

a)La loi no 20845 relative à l’accès à l’école pour tous, le 29 mai 2015;

b)La loi no 20830 portant création de l’Accord d’union civile, le 28 janvier 2015;

c)La loi no 20786 portant modification des dispositions relatives à la journée de travail, au repos et à la composition de la rémunération des domestiques, le 19 octobre 2014;

d)La loi no 20545 portant modification des normes sur la protection de la maternité et incorporant le congé parental postnatal, le 6 octobre 2011.

Le Comité salue l’action menée par l’État partie pour intégrer les droits de l’homme dans la planification, la conception, l’exécution, le suivi et l’évaluation des politiques et programmes sociaux. En particulier, le Comité salue la création :

a)Du Ministère de la femme et de l’égalité des sexes, en 2015;

b)Du Conseil national de l’enfance, en 2014;

c)De l’Institut national des droits de l’homme, en 2009.

Le Comité accueille avec satisfaction le projet de l’État partie de ratifier le Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels.

C.Principaux motifs de préoccupation et recommandations

Justiciabilité des droits consacrés par le Pacte

Le Comité note avec satisfaction les renseignements fournis par l’État partie sur l’application du Pacte par les tribunaux nationaux et sur la réforme constitutionnelle qui va commencer, mais il souhaite exprimer de nouveau sa préoccupation (voir E/C.12/1/Add.105, par. 12) sur le fait que certains droits économiques, sociaux et culturels ne sont pas reconnus dans la Constitution. Il est également préoccupé de constater que le recours en protection créé par la Constitution exclut de la protection juridique certains des droits protégés par le Pacte et en limite ainsi l’applicabilité directe par les tribunaux nationaux (art. 2, par. 1).

Compte tenu de sa recommandation précédente (E/C.12/1/Add.105, par. 29), le Comité recommande à l ’ État partie de garantir la reconnaissance complète et la protection juridique nécessaire des droits économiques, sociaux et culturels dans le nouveau texte constitutionnel, et de faire en sorte que la réforme constitutionnelle prévue soit transparente et participative. Il appelle aussi l ’ attention de l ’ État partie sur son o bservation générale n o 9 (1998) concernant l ’ application du Pacte au niveau national.

Droits des peuples autochtones

Le Comité demeure préoccupé par le fait que les droits des peuples autochtones ne sont toujours pas reconnus au niveau constitutionnel et que l’État partie ne s’est toujours pas doté d’un dispositif juridique qui oblige d’obtenir le consentement libre et éclairé des peuples autochtones préalablement à toute décision susceptible d’avoir une incidence sur l’exercice de leurs droits économiques, sociaux et culturels. Il est aussi préoccupé par le fait que, malgré l’action menée par l’État partie concernant la délimitation des terres autochtones, le droit qu’ont les peuples autochtones de disposer librement de leurs richesses et de leurs ressources naturelles ainsi que de leurs terres ancestrales jouit d’une protection limitée (art. 1).

Le Comité invite instamment l ’ État partie :

a) À respecter l ’ engagement pris pendant le dialogue de garantir la reconnaissance des droits des peuples autochtones dans la nouvelle Constitution;

b) À prendre toutes les mesures d ’ ordre législatif et administratif nécessaires pour garantir l ’ obtention du consentement libre et éclairé des peuples autochtones préalablement à toute décision susceptible d ’ avoir une incidence directe sur l ’ exercice de leurs droits économiques, sociaux et culturels;

c) À intensifier ses efforts pour garantir le droit qu ’ ont les peuples autochtones de disposer librement de leurs terres, territoires et ressources naturelles, notamment par la reconnaissance légale et la protection juridique nécessaires.

Institut national des droits de l’homme

Le Comité note avec préoccupation que l’Institut national des droits de l’homme ne dispose pas des ressources nécessaires pour s’acquitter efficacement de son mandat (art. 2, par. 1).

Le Comité recommande à l ’ État partie de doter l ’ Institut national des droits de l ’ homme des ressources financières, matérielles et humaines qui lui sont nécessaires pour s ’ acquitter efficacement de son mandat.

Données statistiques

Le Comité note avec préoccupation que l’État partie a fourni peu de données statistiques actualisées sur l’application des droits économiques, sociaux et culturels (art. 2, par. 1).

Le Comité recommande à l ’ État partie de continuer à encourager la collecte systématique de données ainsi que l ’ élaboration, à partir de ces données, de statistiques sur les indicateurs des droits de l ’ homme, notamment des droits économiques, sociaux et culturels, et l ’ utilisation de ces statistiques. À cet égard, il renvoie l ’ État partie au cadre conceptuel et méthodologique applicable aux indicateurs des droits de l ’ homme mis au point par le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l ’ homme (voir HRI/MC/2008/3). Le Comité demande instamment à l ’ État partie de faire figurer dans son prochain rapport périodique des données statistiques annuelles comparatives concernant l ’ exercice de chacun des droits consacrés par le Pacte, ventilées par âge, par sexe, par origine ethnique, par groupe de population (urbaine/rurale) et selon d ’ autres critères pertinents.

Droits économiques, sociaux et culturels et entreprises

Le Comité note avec satisfaction les renseignements donnés sur la création d’un plan national sur les entreprises et les droits de l’homme, mais il est préoccupé par le fait que l’État partie ne s’est toujours pas doté d’un cadre normatif assurant le plein respect des droits économiques, sociaux et culturels par les entreprises qui opèrent dans l’État partie et les entreprises soumises à sa juridiction opérant à l’étranger. En particulier, le Comité trouve préoccupant que les peuples autochtones continuent d’être touchés par les activités d’entreprises qui exploitent les ressources naturelles de leurs territoires (art. 2, par. 1).

Compte tenu de sa déclaration sur les obligations des États parties en ce qui concerne le secteur des entreprises et les droits économiques, sociaux et culturels (E/2012/22-E/C.12/2011/3, annexe VI, sect. A), le Comité recommande à l ’ État partie :

a) D ’ établir un cadre normatif clair pour les entreprises, y compris les caisses de retraite, qui ont des activités dans l ’ État partie afin que celles-ci n ’ aient pas d ’ incidences néfastes sur l ’ exercice des droits économiques, sociaux et culturels;

b) D ’ adopter les mesures législatives et administratives voulues pour garantir la responsabilité juridique des entreprises et de leurs filiales qui exercent leurs activités ou sont implantées sur son territoire en ce qui concerne les violations des droits économiques, sociaux et culturels commises dans le cadre de projets menés à l ’ étranger;

c) D ’ élaborer des directives et des règlements clairs pour l ’ évaluation de l ’ effet social et environnemental éventuel des projets d ’ exploitation de ressources naturelles, particulièrement dans les territoires autochtones;

d) De veiller à ce que les contrats de licence conclus avec des entités privées prévoient l ’ octroi d ’ une indemnité suffisante aux communautés touchées, en particulier, aux membres des peuples autochtones.

Non-discrimination

Le Comité prend note des renseignements donnés par la délégation concernant la révision de la loi nº 20609, qui établit des mesures de lutte contre la discrimination. Néanmoins, il est préoccupé par la discrimination persistante subie par les peuples autochtones, les personnes lesbiennes, gays, bisexuelles et transgenres, les migrants, les demandeurs d’asile et les réfugiés, particulièrement dans les domaines du travail, de l’éducation et de l’accès aux services de santé (art. 2, par. 2).

Le Comité recommande à l ’ État partie de procéder à une révision complète de la loi n o 20 609 et de faire en sorte que cette loi garantisse une protection efficace. En particulier, il lui recommande :

a) D ’ énoncer expressément tous les motifs de discrimination interdits énumérés au paragraphe 2 de l ’ article 2 du Pacte, compte tenu de l ’ o bservation générale n o 20 (2009) sur la non-discrimination et les droits économiques, sociaux et culturels;

b) De définir la discrimination directe et indirecte, comme il en a l ’ obligation en vertu du Pacte;

c) D ’ incorporer des dispositions prévoyant des réparations en cas de discrimination, notamment dans le cadre de procédures judiciaires et administratives, et d ’ offrir des recours utiles et appropriés aux victimes de discrimination;

d) D ’ adopter les mesures voulues, notamment par le biais de campagnes de sensibilisation, pour prévenir et combattre la discrimination dont sont toujours l ’ objet les peuples autochtones, les personnes lesbiennes, gays, bisexuelles ou transgenres, les migrants, les demandeurs d ’ asile et les réfugiés ainsi que toutes les personnes ou groupes défavorisés ou marginalisés, afin de leur garantir l ’ exercice sans réserve des droits reconnus dans le Pacte, en particulier l ’ accès à l ’ emploi, à la sécurité sociale, aux s oins de santé et à l ’ éducation.

Égalité des hommes et des femmes

Le Comité constate avec préoccupation que les stéréotypes sur les rôles de chaque sexe demeurent enracinés dans la famille et dans la société. Il est également préoccupé par les inégalités dans le domaine du travail et par les écarts salariaux persistants et considérables (art. 3).

Compte tenu de son o bservation générale n o  16 (2005) sur le droit égal de l ’ homme et de la femme aux bénéfices des droits économiques, sociaux et culturels, le Comité recommande à l ’ État partie :

a) De prendre des mesures pour modifier la perception qu ’ a la société du rôle des hommes et des femmes, notamment en menant des campagnes de sensibilisation au partage des responsabilités familiales entre hommes et femmes et à l ’ égalité des chances professionnelles dont ils peuvent bénéficier en poursuivant des études et en suivant une formation dans des domaines autres que ceux où l ’ un ou l ’ autre sexe est traditionnellement majoritaire;

b) De prendre des mesures pour éliminer l ’ écart salarial persistant entre les hommes et l es femmes, en luttant contre la ségrégation verticale et horizontale sur le marché de l ’ emploi qui fait que les femmes occupent des emplois peu rémunérés et se heurtent à des obstacles qui les empêchent de jouir des mêmes possibilités de carrière que les hommes.

Administration des biens matrimoniaux

Le Comité est préoccupé par le maintien de dispositions juridiques discriminatoires à l’encontre des femmes en ce qui concerne l’administration des biens des époux soient encore en vigueur (art. 3 et 10).

Le Comité invite instamment l ’ État partie à prendre les mesures voulues pour réformer les dispositions du Code civil qui régissent les régimes des biens des époux, de manière à ce que la femme ait la pleine capacité d ’ administrer ses biens ou d ’ en disposer librement et que les deux époux jouissent des mêmes droits sur les biens issus de la communauté conjugale .

Chômage

Le Comité trouve préoccupant que, malgré les mesures adoptées pour lutter contre le chômage, celui-ci continue de toucher de manière disproportionnée les jeunes et les femmes (art. 6).

Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ intensifier ses efforts pour réduire le taux élevé de chômage, notamment par la conception d ’ une politique d ’ emploi globale, comportant un plan d ’ action assorti d ’ objectifs spécifiques, centré particulièrement sur les groupes les plus exposés au chômage, comme les jeunes et les femmes. Il lui recommande de continuer à privilégier les programmes de formation technique et professionnelle de qualité, adaptés aux besoins du marché du travail et tenant compte des besoins des personnes et des groupes les plus défavorisés et marginalisés.

Secteur informel de l’économie

Le Comité est préoccupé par les renseignements reçus faisant état d’un nombre considérable de personnes qui travaillent dans le secteur informel de l’économie et ne sont donc pas couvertes par la législation du travail ni par le système de protection sociale (art. 6, 7 et 9).

Le Comité recommande à l ’ État partie :

a) D ’ adopter toutes les mesures nécessaires pour régulariser progressivement le secteur informel de l ’ économie et promouvoir l ’ accès des personnes qui travaillent dans ce secteur aux bénéfices essentiels de la protection sociale et autres droits protégés par le Pacte;

b) D ’ étendre de façon systématique les services de l ’ inspection du travail au secteur informel.

Conditions de travail des domestiques

Malgré les renseignements donnés par la délégation sur la ratification de la Convention no 189 (2011) de l’Organisation internationale du Travail (OIT) sur les travailleuses et travailleurs domestiques et les mesures législatives prises pour améliorer leurs conditions de travail, le Comité est préoccupé par les renseignements faisant état de pratiques discriminatoires concernant le travail domestique (art. 7).

Le Comité recommande à l ’ État partie :

a) D ’ adopter les mesures nécessaires pour garantir aux domestiques les mêmes conditions de travail qu ’ aux autres travailleurs;

b) D ’ établir un mécanisme d ’ inspection du travail efficace pour contrôler les conditions de travail des domestiques;

c) D ’ établir des mécanismes efficaces pour signaler les abus et l ’ exploitation, compte tenu de la vulnérabilité dans laquelle se trouvent de nombreux domestiques.

Salaire égal pour un travail d’égale valeur

Le Comité note avec préoccupation que la législation de l’État incorpore le principe du salaire égal pour un travail d’égale valeur d’une manière limitée (art. 7).

Le Comité recommande à l ’ État partie de redoubler d ’ efforts pour garantir aux hommes et aux femmes une rémunération égale pour un travail de valeur égale, conformément aux dispositions de l ’ article 7 a) i) du Pacte, notamment en procédant à des études comparatives de la situation entre les différentes catégories professionnelles qui permettront d ’ élaborer une stratégie complète en la matière.

Droits syndicaux

Le Comité juge préoccupant que l’exercice des droits syndicaux, notamment la négociation collective et le droit de grève, fasse encore l’objet de restrictions excessives, ces droits n’ayant pas été dûment reconnus au niveau constitutionnel et dans la loi (art. 8).

Le Comité recommande à l ’ État partie de prendre les mesures requises pour garantir que les droits syndicaux sont dûment reconnus dans la nouvelle Constitution, conformément aux normes internationales, et que les modifications apportées au Code du travail qui ont été soumises au Congrès national sont pleinement compatibles avec les dispositions de l ’ article 8 du Pacte ainsi qu ’ avec les dispositions des Conventions n os 87 (1948) et 98 (1949) de l ’ OIT, portant respectivement sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical et sur le droit d ’ organisation et de négociation collective. Il engage vivement l ’ État partie à mettre en place des mécanismes qui protègent efficacement les droits syndicaux, notamment en instruisant toutes les plaintes portées à leur attention et en décidant d ’ une indemnisation appropriée pour les travailleurs lésés.

Système de sécurité sociale

Le Comité accueille avec satisfaction les réformes concernant le système de sécurité sociale, qui prévoient la création et le financement d’un volet solidarité. Cela étant, il note avec préoccupation qu’une grande partie de la population demeure encore exclue du régime de prévoyance et que l’État partie ne dispose pas encore d’un régime de protection sociale universelle garantissant des normes minimales de protection à l’ensemble de la population (art. 9).

Conformément à son o bservation générale nº 19 (2008) sur le droit à la sécurité sociale et à sa Déclaration sur les socles de protection sociale (2015), le Comité engage vivement l ’ État partie à :

a) Intensifier l ’ action menée en vue d ’ élaborer un système de protection sociale offrant une vaste couverture sociale qui garantisse les prestations appropriées à tous les travailleurs et à toutes les personnes, y compris aux groupes les plus défavorisés et marginalisés, afin qu ’ ils puissent avoir des conditions de vie décentes;

b) Redoubler d ’ efforts pour établir des socles de protection sociale minimaux qui comportent les garanties élémentaires de sécurité sociale; et

c) Prendre les mesures nécessaires pour faire en sorte que le système de sécurité sociale fonctionne véritablement, même si la responsabilité de la mise en œuvre du droit à la sécurité sociale, en particulier dans le système des pensions, a été déléguée à des organismes non gouvernementaux.

Exploitation économique des enfants

Le Comité est préoccupé par le nombre important d’enfants qui travaillent, notamment dans des conditions dangereuses, en particulier dans les secteurs de l’agriculture, de l’extraction minière et de la domesticité (art. 10).

Le Comité engage vivement l ’ État partie à intensifier sa lutte contre le travail des enfants, notamment en garantissant que la législation qui protège les enfants contre l ’ exploitation économique est appliquée avec vigueur et en renforçant les mécanismes de contrôle du travail des enfants. Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ adopter des mesures pour renforcer les programmes visant à prévenir et à éliminer l ’ exploitation économique des enfants et l ’ appui aux familles pauvres.

Violence faite aux enfants

Le Comité est préoccupé par la prévalence de la violence physique et psychologique faite aux enfants dans l’État partie (art. 10).

Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ adopter les mesures législatives et administratives nécessaires à la prévention et à la répression de toute forme de violence contre les enfants.

Violence intrafamiliale

Le Comité prend note de l’élaboration d’une loi globale visant à éliminer toutes les formes de violence contre les femmes, tout en se disant préoccupé par le nombre élevé de cas de violence intrafamiliale dans l’État partie et par les restrictions que renferme la législation actuelle s’agissant de l’accès des victimes à la justice (art. 10).

Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ accélérer le processus d ’ élaboration et d ’ approbation d ’ une loi globale visant à éliminer toutes les formes de violence intrafamiliale, qui érigera en infraction les actes de violence dans la famille et contre les femmes, de quelque forme et de quelque degré qu ’ ils soient, et prévoira des sanctions appropriées. Le Comité exhorte l ’ État partie à prendre toutes les mesures efficaces nécessaires pour empêcher les cas de violence intrafamiliale et protéger toutes les victimes en leur ménageant l ’ accès voulu à des centres d ’ accueil qui leur assurent une protection physique immédiate, des services de conseil juridique et une assistance médicale, ainsi qu ’ aux voies de recours et aux moyens de réparation. Le Comité exhorte aussi l ’ État partie à organiser des campagnes d ’ information pour sensibiliser l ’ opinion et à fournir aux agents des forces de l ’ ordre et aux juges une formation qui mette l ’ accent sur la gravité et le caractère criminel de la violence intrafamiliale.

Pauvreté et inégalité

Bien que l’État partie connaisse une forte croissance économique et qu’il ait adopté diverses mesures pour lutter contre la pauvreté, dont des programmes de prestations monétaires, le Comité s’inquiète que de telles mesures n’aient pas été assez efficaces pour réduire les inégalités et que les niveaux de pauvreté et d’extrême pauvreté concernent encore les groupes les plus défavorisés et marginalisés, en particulier les peuples autochtones (art. 11).

À la lumière de sa Déclaration sur la pauvreté et le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (2001), le Comité recommande à l ’ État partie :

a) D ’ adopter un plan complet de lutte contre la pauvreté et l ’ extrême pauvreté comportant des objectifs spécifiques et mettant en place des mécanismes efficaces de coordination entre les différents secteurs et ministères, qui vise à réduire fortement les inégalités, en tenant compte des besoins des groupes sociaux les plus défavorisés et marginalisés, en milieu rural comme en milieu urbain, et tout particulièrement ceux des peuples autochtones; et

b) De veiller à ce que les programmes sociaux de lutte contre la pauvreté, et tout particulièrement l ’ extrême pauvreté, soient mis en œuvre dans l ’ optique des droits de l ’ homme, qu ’ ils soient dotés de ressources suffisantes pour leur bonne exécution et que l ’ attention voulue soit portée aux différences et écarts existants en tre les divers groupes sociaux.

Droit à l’alimentation

Le Comité est préoccupé par la hausse du taux d’obésité, due à la transition nutritionnelle dans l’État partie, et par l’absence de mesures globales contre ce problème (art. 11).

Le Comité recommande à l ’ État partie de redoubler d ’ efforts pour élaborer une stratégie nationale intégrée de protection et de promotion du droit à une alimentation suffisante, qui promouvra des régimes alimentaires plus sains, qui tiendra compte des questions relatives au commerce, à l ’ aménagement du territoire, à l ’ éducation et à la politique budgétaire, et qui mobilisera toutes les parties prenantes. Le Comité invite l ’ État partie à se reporter à son observation générale nº 12 (1999) sur le droit à une nourriture suffisante et aux Directives volontaires à l ’ appui de la concrétisation progressive du droit à une alimentation adéquate dans le contexte de la sécurité alimentaire nationale, adoptées par l ’ Organisation des Nations Unies pour l ’ alimentation et l ’ agriculture.

Droit à un logement décent

En dépit des mesures adoptées, la pénurie de logements perdure dans l’État partie et touche plus particulièrement les familles les plus défavorisées et marginalisées, qui vivent dans des zones rurales, des zones urbaines défavorisées et des bidonvilles. Le Comité s’inquiète que les mesures prises n’aient pas été suffisantes pour éliminer la ségrégation qui persiste en matière de logement et d’exclusion sociale (art. 11).

À la lumière de ses o bservations générales nº 4 (1991) sur le droit à un logement décent et n o 7 (1997) sur les expulsions forcées, le Comité recommande à l ’ État partie de revoir les mesures adoptées en matière de logement, dans l ’ optique d ’ adopter une stratégie globale sur le logement social, qui :

a) Repose sur le droit de chacun à un logement décent d ’ un coût abordable et respecte les normes établies en matière de qualité et d ’ habitabilité;

b) Accorde dûment la priorité aux personnes et groupes défavorisés et marginalisés qui vivent dans des camps, des bidonvilles ou dans des conditions précaires et défavorables, et les protège des expulsions forcées, en leur assurant une indemnisation appropriée ou la possibilité d ’ un logement décent;

c) N ’ aboutisse pas à la ségrégation et à l ’ exclusion sociale liées à la situation économique et sociale, ou à quelque autre motif de discrimination interdit par le Pacte; et

d) Prévoie d ’ allouer des ressources suffisantes pour pourvoir aux besoins non satisfaits encore en matière de logement social, ainsi que des mesures efficaces permettant de surveiller la situation du logement dans l ’ État partie et de définir les responsabilités dans la mise en œuv re des politiques et des plans.

Droit à l’eau potable et à l’assainissement

Le Comité est préoccupé par les services limités d’approvisionnement en eau et d’assainissement, en particulier en milieu rural, ainsi que par la consommation disproportionnée et non viable d’eau dans l’industrie de l’exploitation minière (art. 11).

Le Comité recommande à l ’ État partie de garantir aux groupes les plus défavorisés et marginalisés, en particulier ceux qui vivent en milieu rural, l ’ accès à l ’ eau et aux services d ’ assainissement, et de prendre les mesures voulues pour modérer la consommation d ’ eau dans l ’ industrie de l ’ extraction minière, par exemple, en adoptant des normes relatives au traitement de cette eau.

Système de santé

Le Comité juge préoccupant que, en dépit de la réforme de santé adoptée en vue d’améliorer l’accès à la santé, l’accessibilité des services de santé de base est encore limitée en particulier pour les groupes marginalisés et défavorisés à faibles revenus économiques (art. 12).

Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ allouer des ressources suffisantes au secteur de la santé et de poursuivre l ’ action menée en vue de garantir l ’ accessibilité, la disponibilité et la qualité des soins de santé, en tenant tout spécialement compte des besoins des groupes marginalisés et défavorisés, en particulier ceux dont les revenus économiques sont faibles, notamment les peuples autochtones, les migrants, les demandeurs d ’ asile et les réfugiés. Le Comité appelle l ’ attention de l ’ État partie sur son o bservation générale nº 14 (2000) sur le droit au meilleur état de santé susceptible d ’ être atteint.

Santé sexuelle et procréative

Le Comité prend note du débat tenu sur le projet de loi concernant l’interruption volontaire de grossesse, mais il est préoccupé par le maintien d’une interdiction stricte de l’avortement. De même, il est préoccupé par les taux élevés de grossesse chez les adolescentes, dus en partie à l’absence de services appropriés de santé sexuelle et procréative et d’information (art. 12).

Le Comité recommande à l ’ État partie :

a) D ’ accélérer l ’ adoption du projet de loi sur l ’ interruption volontaire de grossesse (IVG) et de garantir sa compatibilité avec les droits fondamentaux tels que le droit de la femme à la santé et à la vie, en envisageant l ’ élargissement des circonstances dans lesquelles l ’ IVG est autorisée;

b) De redoubler d ’ efforts pour assurer l ’ accessibilité et la disponibilité des services de santé sexuelle et procréative, y compris la délivrance de contraceptifs d ’ urgence; et

c) De développer et renforcer l ’ éducation à la santé sexuelle et procréative dans les programmes des établissements d ’ enseignement primaire et secondaire pour filles et garçons, de façon à ce qu ’ elle soit complète et adaptée à chaque tranche d ’ âge.

Droit à l’éducation

Le Comité accueille avec satisfaction la réforme de l’enseignement engagée par l’État partie et les efforts déployés pour relever le taux d’inscription dans l’enseignement primaire. Il est toutefois préoccupé par le manque de ressources et, dans certains cas, par la mauvaise qualité de l’enseignement public, qui maintiennent un degré élevé de ségrégation et de discrimination socioéconomiques et qui freinent l’ascension sociale dans l’État partie (art. 13).

Le Comité recommande à l ’ État partie :

a) De prendre les mesures nécessaires afin que la réforme du système éducatif porte suppression de tous les mécanismes qui entraînent une discrimination et une ségrégation à l ’ encontre des étudiants en raison de leur situation économique et sociale et, notamment, que la loi sur l ’ intégration, qui régit les admissions, supprime le subventionnement et fait interdiction aux établissements bénéficiaires de contributions de l ’ État partie de réaliser des profits, soit dûment appliquée;

b) De prendre les mesures nécessaires pour éliminer les fortes disparités qui existent actuellement, en termes de qualité de l ’ enseignement dispensé, entre les écoles privées, les établissements subventionnés et les écoles publiques, en veillant également à ce que tous les établissements d ’ enseignement disposent de l ’ infrastructure appropriée et d ’ un personnel enseignant dûment formé;

c) De procéder régulièrement à une évaluation de la mise en œuvre des mesures adoptées dans le cadre de la réforme du système éducatif; et

d) D ’ adopter des mesures concrètes visant à mettre progressivement en place l ’ enseignement secondaire et supérieur gratuit, selon les compétences de chacun.

Droits culturels

En dépit des efforts réalisés, le Comité relève que les mesures adoptées pour promouvoir la diversité culturelle et encourager l’emploi des langues autochtones sont encore limitées, et que l’emploi de ces langues n’est pas promu d’une façon suffisamment poussée, en particulier dans le système éducatif (art. 15).

Le Comité recommande à l ’ État partie de :

a) Prendre les mesures nécessaires pour renforcer la protection des droits culturels et le respect de la diversité culturelle, en mettant notamment l ’ accent sur l ’ enseignement bilingue interculturel;

b) Faire prendre conscience du patrimoine des peuples autochtones; et

c) De créer les conditions favorables à la protection, au développement, à l ’ expression et à la diffusion, par les peuples autochtones, de leur histoire, de leur culture, de leurs langues, de leurs traditions et de leurs coutumes.

D.Autres recommandations

Le Comité encourage l ’ État partie à ratifier le Protocole facultatif à la Convention sur l ’ élimination de toutes les formes de discrimination à l ’ égard des femmes.

Le Comité demande à l ’ État partie de diffuser largement les présentes observations finales dans tous les secteurs de la société, en particulier auprès des peuples autochtones, des agents de l ’ État, des autorités judiciaires, des parlementaires, des avocats et des organisations de la société civile, et de l ’ informer, dans son prochain rapport périodique, des mesures qu ’ il aura prises pour les mettre en œuvre. Il encourage aussi l ’ État partie à associer les organisations de la société civile aux discussions qui se tiennent au niveau national avant la présentation de son prochain rapport périodique.

Le Comité prie l ’ État partie de soumettre son cinquième rapport périodique d ’ ici au 30 juin 2020 et l ’ invite à présenter une version actualisée de son document de base commun, selon qu ’ il convient, conformément aux directives harmonisées pour l ’ établissement de rapports au titre des instruments internationaux relatifs aux droits de l ’ homme.