Azerbaïdjan

Troisième rapport périodique

CAT/C/AZE/3

CAT/C/AZE/CO/3

Colombie

Quatrième rapport périodique

CAT/C/COL/4

CAT/C/COL/CO/4

El Salvador

Deuxième rapport périodique

CAT/C/SLV/2

CAT/C/SLV/CO/2

Espagne

Cinquième rapport périodique

CAT/C/ESP/5

CAT/C/ESP/CO/5

République de Moldova

Deuxième rapport périodique

CAT/C/MDA/2

CAT/C/MDA/CO/2

Slovaquie

Deuxième rapport périodique

CAT/C/SVK/2

CAT/C/SVK/CO/2

Yémen

Deuxième rapport périodique

CAT/C/YEM/2

CAT/C/YEM/CO/2 *

* Observations finales provisoires dues au fait que l’État partie n’avait pas envoyé de délégation pour rencontrer les membres du Comité.

44.À sa quarante-quatrième session, le Comité était saisi des rapports ci-après et il a adopté les observations finales correspondantes:

Autriche

Quatrième et cinquième rapports périodiques

CAT/C/AUT/4-5

CAT/C/AUT/CO/4-5

Cameroun

Quatrième rapport périodique

CAT/C/CMR/4

CAT/C/CMR/CO/4

France

Quatrième à sixième rapports périodiques

CAT/C/FRA/4-6

CAT/C/FRA/CO/4-6

Jordanie

Deuxième rapport périodique

CAT/C/JOR/2

CAT/C/JOR/CO/2

Liechtenstein

Troisième rapport périodique

CAT/C/LIE/3 et Corr.1

CAT/C/LIE/CO/3

Républiquearabe syrienne

Rapport initial

CAT/C/SYR/1

CAT/C/SYR/CO/1

Suisse

Sixième rapport périodique

CAT/C/CHE/6

CAT/C/CHE/CO/6

Yémen

Deuxième rapport périodique

CAT/C/YEM/2

CAT/C/YEM/CO/2/Rev.1 *

* Observations finales définitives.

45.Conformément à l’article 66 de son règlement intérieur, le Comité a invité des représentants de tous les États parties qui présentaient des rapports à assister aux séances au cours desquelles leur rapport était examiné. Tous les États parties concernés, à l’exception du Yémen à la quarante-troisième session, ont envoyé des représentants pour participer à l’examen de leurs rapports respectifs. Le Comité les en a remerciés dans ses observations finales.

46.Des rapporteurs et des corapporteurs ont été désignés pour chacun des rapports examinés. On en trouvera la liste à l’annexe XI du présent rapport.

47.Dans le cadre de l’examen des rapports, le Comité était également saisi des documents suivants:

a)Directives générales concernant la forme et le contenu des rapports initiaux que les États parties doivent présenter en application du paragraphe 1 de l’article 19 de la Convention (CAT/C/4/Rev.2);

b)Directives générales concernant la forme et le contenu des rapports périodiques que les États parties doivent présenter en application de l’article 19 de la Convention (CAT/C/14/Rev.1).

48.Le Comité publie des listes de points à traiter depuis 2004 conformément à une demande formulée par des représentants d’États parties lors d’une réunion tenue avec les membres du Comité. Tout en comprenant le souci des États parties de recevoir à l’avance la liste des points susceptibles d’être examinés au cours du dialogue, le Comité tient à souligner que l’élaboration de telles listes a considérablement augmenté sa charge de travail. C’est là un fait dont il y a lieu de tenir compte dans le cas d’un organe conventionnel qui compte peu de membres.

B.Observations finales sur les rapports des États parties

49.Le texte des observations finales adoptées par le Comité à l’issue de l’examen des rapports des États parties susmentionnés figure ci-après.

50. Azerbaïdjan

1)Le Comité a examiné le troisième rapport périodique de l’Azerbaïdjan (CAT/C/AZE/3) à ses 907e et 909e séances, les 9 et 10 novembre 2009 (CAT/C/SR.907 et CAT/C/SR.909), et a adopté, à sa 920e séance, tenue le 18 novembre 2009 (CAT/C/SR.920), les observations finales ci-après.

A. Introduction

2)Le Comité accueille avec satisfaction le troisième rapport périodique de l’Azerbaïdjan ainsi que ses réponses écrites à la liste de points à traiter (CAT/C/AZE/Q/3).

3)Le Comité se félicite du dialogue approfondi qu’il a eu avec la délégation de haut niveau envoyée par l’État partie, dont il a apprécié les réponses aux questions soulevées pendant le dialogue. Il salue l’attitude constructive adoptée par l’État partie en vue de mettre en œuvre ses recommandations, dont témoignent les nombreuses réformes qu’il a entreprises sur les plans législatif et politique.

B. Aspects positifs

4)Le Comité accueille avec satisfaction les mesures, législatives et autres, qui ont été prises par l’État partie depuis l’examen de son précédent rapport, à savoir:

a)L’adoption en 2005 de la loi sur la lutte contre la traite des êtres humains, la modification du Code pénal (2005) et la création d’un fonds de secours aux victimes de la traite;

b)La promulgation, le 19 janvier 2006, d’un décret présidentiel sur la modernisation du système judiciaire et l’application de la loi du 19 janvier 2006 portant modification de la législation, ce qui a permis la création de tribunaux régionaux du deuxième degré et de services d’aide juridique, ainsi que l’adoption d’un programme public de renforcement du système judiciaire azerbaïdjanais pour la période 2009-2013, qui prévoit notamment des mesures visant à améliorer la situation des condamnés;

c)La ratification en 2009 du Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants;

d)La ratification en 2009 de la Convention relative aux droits des personnes handicapées et du Protocole facultatif s’y rapportant.

5)Le Comité salue également les mesures suivantes:

a)L’adoption, le 28 décembre 2006, d’un plan d’action national pour la protection des droits de l’homme;

b)Le lancement en 2006 d’un programme de réforme du système pénitentiaire;

c)La création d’un comité civil chargé d’inspecter les établissements pénitentiaires;

d)La création en 2007 du Conseil d’aide publique aux organisations non gouvernementales sous l’égide du Président et l’allocation de ressources supplémentaires aux ONG;

e)Les efforts déployés pour améliorer les conditions de détention et les mesures qui ont permis de réduire de manière significative le taux de mortalité liée à la tuberculose dans les prisons depuis 1995.

6)Le Comité accueille avec satisfaction l’engagement pris par la délégation de l’État partie de rendre publiques les conclusions du Comité européen pour la prévention de la torture sur les trois visites qu’il a effectuées en Azerbaïdjan depuis 2005.

C. Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Considérations générales concernant l’application

7)Le Comité regrette que les demandes d’informations statistiques formulées dans la liste de points à traiter et réitérées au cours du dialogue avec l’État partie n’aient pas été satisfaites. L’absence de données détaillées ou ventilées sur les plaintes, les enquêtes, les poursuites et les condamnations portant sur des actes de torture ou des mauvais traitements commis par des agents des forces de l’ordre ainsi que sur les conditions de détention, les exactions commises par des agents de l’État, la violence au foyer et la violence sexuelle, constitue un sérieux obstacle à la détermination de l’existence d’éventuels abus systématiques devant retenir l’attention (art. 2 et 19).

L’État partie devrait rassembler des données statistiques utiles pour la surveillance de l’application de la Convention au plan national, ventilées par sexe, âge, région géographique, type et lieu de privation de liberté, ainsi que des renseignements sur les plaintes, enquêtes, poursuites et condamnations portant sur des affaires de torture et de mauvais traitements, les conditions de détention, les exactions commises par des agents de l’État, l’internement administratif, la violence au foyer et la violence sexuelle, en indiquant, dans chaque cas, quel a été le résultat final. L’État partie devrait communiquer les données susmentionnées au Comité, y compris le nombre de plaintes pour torture qui ont été déposées depuis 2003.

Définition de la torture

8)Le Comité accueille avec satisfaction l’engagement pris par l’État partie de modifier l’article 133 du Code pénal afin de rendre la définition de la torture qui y figure pleinement conforme à la définition énoncée à l’article premier de la Convention. Il réitère sa préoccupation quant au fait que, dans sa formulation actuelle, l’article 133 du Code pénal ne fait aucune référence aux buts de la torture spécifiés dans la Convention, notamment aux cas où la torture est pratiquée «pour tout autre motif fondé sur une forme de discrimination quelle qu’elle soit», et ne contient pas de dispositions définissant comme une infraction la torture pratiquée avec le consentement exprès ou tacite d’un agent de la fonction publique ou de toute autre personne agissant à titre officiel (art. 1 et 4).

Compte tenu de l’obligation lui incombant de mettre sa législation en conformité avec l’article premier de la Convention, l’État partie devrait s’acquitter de l’engagement qu’il a pris au cours du dialogue avec le Comité et rendre sa définition de la torture pleinement conforme à la Convention afin de garantir que tous les agents de l’État et toute autre personne impliqués dans des actes de torture au sens de l’article 133 du Code pénal puissent être poursuivis.

Torture et mauvais traitements

9)Le Comité demeure préoccupé par la persistance de nombreuses allégations selon lesquelles les suspects et autres détenus seraient fréquemment torturés ou maltraités entre le moment de leur arrestation et celui de leur enregistrement officiel dans les centres de détention provisoire. Le Comité est également très préoccupé par les allégations indiquant que les autorités seraient réticentes à engager des poursuites pénales sur la base de plaintes pour actes de torture ou mauvais traitements, et note avec inquiétude que les fonctionnaires auxquels des faits de torture ou des mauvais traitements sont imputés ne sont pas inculpés des chefs de torture ou de mauvais traitements mais des chefs d’«abus d’autorité», de «négligence» ou de «dommage corporel léger, moyennement grave ou grave causé par imprudence». Le Comité est préoccupé par le climat d’impunité que ces pratiques contribuent à entretenir au sein des forces de l’ordre et, en particulier, par le fait qu’en dépit des nombreuses allégations de torture et de mauvais traitements mettant en cause des agents des forces de l’ordre, aucun d’entre eux n’a fait l’objet de poursuites en vertu de l’article 133, paragraphe 3, du Code pénal. Le Comité prend note avec intérêt du fait que depuis 2001, le Gouvernement a engagé des poursuites dans 161 affaires de violence au foyer en vertu de l’article 133 mais relève qu’aucune action n’a été engagée en application de cet article contre des personnes agissant sous couvert de leurs fonctions officielles (art. 2, 15 et 16).

L’État partie devrait prendre toutes les mesures nécessaires pour garantir dans la pratique que des enquêtes impartiales et efficaces soient menées sans délai sur toutes les allégations de torture, que les auteurs présumés soient poursuivis et, si leur responsabilité est établie, qu’ils soient punis en conséquence.

Services du Médiateur

10)Le Comité regrette l’absence d’informations sur le nombre d’allégations ou de plaintes portant spécifiquement sur des actes de torture ou des mauvais traitements dont les services du Médiateur ont été saisis et sur lesquelles ils ont ouvert des enquêtes, ainsi que sur le nombre d’enquêtes qu’ils ont ouvertes de leur propre chef sur des cas de torture ou de mauvais traitements. Bien que le Médiateur ait été reconnu comme une institution de catégorie A par l’organisme chargé de surveiller l’application des Principes de Paris, le Comité est très préoccupé par les informations communiquées par l’État partie, selon lesquelles le Médiateur n’est pas habilité par ses statuts à exercer sa surveillance sur tous les organes de l’État. Le Comité craint qu’il ne jouisse pas du degré d’indépendance requis pour être l’institution nationale chargée d’enquêter sur les plaintes pour torture et autres violations des droits de l’homme, ni pour assumer le rôle de mécanisme national de prévention tel que défini dans le Protocole facultatif se rapportant à la Convention (art. 2, 11 et 16).

L’État partie devrait prendre des mesures effectives pour faire en sorte que le Médiateur soit dans la pratique un organe conforme aux principes concernant le statut des institutions nationales pour la protection et la promotion des droits de l’homme (Principes de Paris), annexés à la résolution 48/134 de l’Assemblée générale, en particulier sur le plan de l’indépendance. L’État partie devrait fournir au Comité des informations au sujet de toutes les affaires de torture ou de mauvais traitements sur lesquelles le Médiateur a ouvert des enquêtes et des résultats auxquels celles-ci ont abouti.

Défaut de garanties juridiques fondamentales

11)En dépit des efforts déployés par l’État partie pour améliorer le système d’enregistrement des détenus, le Comité prend note avec préoccupation des allégations faisant état d’un recours généralisé à la torture et aux mauvais traitements à l’encontre des personnes amenées dans les postes de police, notamment avant leur placement officiel en gade à vue et pendant la détention avant jugement. Le Comité est également préoccupé par le fait que les détenus ne bénéficient pas de garanties juridiques suffisantes étant donné, entre autres choses, que leur accès à un médecin indépendant et à un conseil est soumis à des restrictions et qu’ils ne sont pas informés de leurs droits au moment de leur arrestation, notamment du droit de prévenir un membre de leur famille, comme cela a été allégué dans le cas d’Emin Milli et Adnan Hajizade et dans celui de Kamil Saddredinov. Le Comité s’inquiète en outre du nombre insuffisant d’avocats dans l’État partie et des allégations selon lesquelles la qualité de l’aide juridictionnelle serait médiocre en raison d’un manque de ressources. Le Comité est également préoccupé par les allégations selon lesquelles des suspects seraient délibérément détenus en tant que témoins de manière prolongée et, à ce titre, privés des garanties juridiques fondamentales, et ne seraient reconnus comme suspects qu’après cette longue période de détention. Le Comité regrette de ne pas avoir obtenu d’informations au sujet du mécanisme ou des dispositions légales permettant aux détenus de demander à être examinés par un médecin indépendant. Il demeure préoccupé par les allégations indiquant que, dans la pratique, l’accès à des soins médicaux serait fréquemment refusé aux détenus, comme dans le cas de Mahir Mutafayev qui, bien que brûlé aux deuxième et troisième degrés, n’aurait reçu des soins médicaux que onze ou douze heures après avoir été blessé, et dans le cas de Novruzali Mammadov (art. 2 et 16).

L’État partie devrait prendre sans délai des mesures effectives pour faire en sorte que les personnes privées de liberté soient enregistrées dès le moment de leur arrestation et qu’elles ne soient pas l’objet d’actes contraires à la Convention pendant qu’elles sont effectivement détenues, mais pas encore inscrites sur le registre d’écrou. Un registre central dans lequel seraient inscrits tous les détenus devrait être mis en place conformément aux recommandations du Comité européen pour la prévention de la torture. L’État partie devrait veiller à ce que les suspects soient déférés devant un juge dans les plus brefs délais à compter du moment de leur privation de liberté, afin que la légalité de leur détention puisse être examinée. L’utilisation de matériel audio et vidéo devrait être systématique dans les postes de police et les lieux de détention, en particulier dans les salles d’interrogatoire et pendant l’interrogatoire de mineurs.

L’État partie devrait également prendre des mesures effectives pour faire en sorte que, dans la pratique, tous les détenus, dans tous les lieux de détention, y compris les centres de détention provisoire, bénéficient de garanties leur assurant entre autres l’accès immédiat à un conseil indépendant et la possibilité d’être examinés par un médecin indépendant. En outre, des mesures devraient être prises pour établir clairement la procédure permettant au détenu de demander à être examiné par un médecin indépendant ou autorisant son conseil ou un juge à présenter une demande dans ce sens. L’État partie devrait également continuer à prendre des mesures pour remédier au nombre insuffisant d’avocats, notamment en veillant à ce qu’ils reçoivent une rémunération suffisante pour leurs services.

Surveillance des lieux de détention par un organe indépendant

12)Le Comité accueille avec une grande satisfaction la création d’un comité public composé de représentants d’organisations non gouvernementales chargé d’inspecter les établissements pénitentiaires. Bien que l’État partie l’ait assuré que les visites effectuées par le comité public ne sont soumises à aucune restriction, le Comité note avec préoccupation qu’il ne peut pas se rendre dans les lieux de détention sans notification préalable car en vertu de l’ordonnance du 25 avril 2006 du Ministre de la justice, ses visites sont assujetties aux dispositions du règlement intérieur des établissements pénitentiaires, lesquelles, dans la pratique, exigeraient que la visite soit annoncée vingt-quatre heures à l’avance. Le Comité est également préoccupé par la durée du mandat des membres du comité public, qui est d’un an, car elle limite indûment la possibilité de mettre à profit l’expérience acquise par ces derniers au fil des inspections. Le Comité s’inquiète en outre de ce que le comité public n’a pas accès aux centres de détention avant jugement ni au centre de détention temporaire du Ministère de la sécurité nationale (art. 2, 11 et 16).

L’État partie devrait garantir l’accès du comité public, sans restriction et sans avis préalable, à tous les lieux de détention du pays, y compris aux centres de détention avant jugement et au centre de détention temporaire du Ministère de la sécurité nationale.

Conditions de vie dans les lieux de privation de liberté et décès en détention

13)Le Comité salue les efforts déployés par l’État partie pour améliorer les conditions de détention dans les établissements pénitentiaires et les centres de détention provisoire, notamment les progrès notables qui ont été réalisés pour ce qui est des personnes condamnées à la réclusion criminelle à perpétuité, pour lesquelles le nombre de visites et d’appels téléphoniques autorisés ainsi que le montant de l’allocation mensuelle ont été augmentés, et la création de services médicaux. Le Comité accueille également avec satisfaction la construction de nouvelles prisons à Sheki, Gandja, Lenkoran, Nakhitchevan et dans d’autres régions, ainsi que la construction de centres de détention provisoire, comme celui de Bakou, dans le but d’améliorer les conditions de vie des détenus. Toutefois, le Comité demeure préoccupé par le nombre de décès et de suicides de détenus ainsi que par les restrictions qui entraveraient la réalisation d’examens médico-légaux par des spécialistes indépendants en vue de déterminer les causes de ces décès. Le Comité est également préoccupé par les allégations selon lesquelles des détenus seraient mis à l’isolement pendant de longues périodes (art. 11).

L’État partie devrait ouvrir sans délai des enquêtes approfondies et impartiales sur tous les cas de décès en détention et poursuivre les responsables. Il devrait informer le Comité de tout décès résultant d’actes de torture, de mauvais traitements ou d’une négligence délibérée.

Les familles des victimes devraient se voir accorder une indemnisation et des moyens de réadaptation adéquats.

L’État partie ne devrait recourir à la mise à l’isolement qu’en tant que mesure de dernier ressort, la limiter à une durée aussi courte que possible, la soumettre à une étroite surveillance et en permettre le réexamen par un organe judiciaire. Il devrait également déterminer les raisons qui poussent des détenus à se suicider, prendre les mesures correctives nécessaires et revoir sa législation en conséquence. Il devrait autoriser la réalisation d’examens médico-légaux par des spécialistes indépendants et en admettre les conclusions comme preuves dans le cadre de procédures pénales et civiles.

14)Le Comité demeure préoccupé par le fait que le centre de détention temporaire du Ministère de la sécurité nationale est toujours en activité et qu’il accueille des condamnés (art. 11).

Le Comité recommande de nouveau à l’État partie de faire passer le centre de détention temporaire du Ministère de la sécurité nationale sous l’autorité du Ministère de la justice ou de le fermer.

Internement en hôpital psychiatrique

15)Le Comité est préoccupé par les informations faisant état de nombreux cas de personnes internées en hôpital psychiatrique pour des raisons non médicales dans la région du Nakhitchevan (art. 11 et 16).

L’État partie devrait prendre des mesures pour garantir que nul ne soit interné dans un établissement psychiatrique pour des raisons non médicales. Lorsque l’hospitalisation est nécessaire d’un point de vue médical, l’État partie devrait veiller à ce qu’elle soit décidée exclusivement sur l’avis d’experts psychiatriques indépendants et que cette décision soit susceptible de recours.

16)Le Comité est préoccupé par l’état déplorable des établissements psychiatriques en dehors de Bakou. Il note également avec inquiétude qu’il n’existe pas d’organe indépendant chargé de contrôler le fonctionnement des établissements psychiatriques (art. 11 et 16).

L’État partie devrait mettre en place un mécanisme indépendant chargé de surveiller et d’inspecter les établissements psychiatriques. Il devrait améliorer les conditions de vie des patients dans ces établissements et faire en sorte que tous les lieux où sont internés des patients souffrant de troubles mentaux fassent l’objet d’inspections régulières par des organes de surveillance indépendants afin que soient correctement appliquées les garanties prévues pour protéger les droits de ces patients.

Indépendance de la magistrature

17)Le Comité note avec satisfaction que des améliorations notables ont été apportées au système judiciaire. Il salue le décret présidentiel du 17 août 2006 qui a permis d’augmenter de moitié le nombre de juges dans l’État partie ainsi que les changements introduits dans le processus de sélection des juges. Il demeure toutefois préoccupé par le manque d’indépendance de la magistrature vis-à-vis du pouvoir exécutif et par sa vulnérabilité face aux pressions politiques (art. 14).

Le Comité recommande de nouveau à l’État partie d’assurer pleinement l’indépendance et l’impartialité de la magistrature, conformément aux Principes fondamentaux relatifs à l’indépendance de la magistrature.

18)Rappelant l’arrêt du 10 mars 2000 rendu par le Présidium de la Cour suprême, qui donne pour instruction à tous les tribunaux de déclarer irrecevables les preuves obtenues par la torture, la violence ou l’exercice de pressions physiques ou psychologiques, le Comité note avec préoccupation que l’État partie n’a pas été en mesure de citer un seul cas où un tribunal a rejeté des preuves obtenues par des méthodes illégales. Le Comité est préoccupé par les allégations indiquant que, dans plusieurs procès, les tribunaux se seraient au contraire fondés sur des dispositions qui auraient été faites sous la contrainte (art. 14).

L’État partie devrait prendre sans délai des mesures pour faire en sorte que, dans la pratique, les éléments de preuve obtenus par la torture ne puissent pas être invoqués devant les tribunaux. Il devrait réexaminer les dossiers de personnes condamnées sur la seule foi d’aveux, sachant que beaucoup de ces aveux sont susceptibles d’avoir été obtenus par la torture ou par des mauvais traitements, et, le cas échéant, ouvrir sans délai des enquêtes impartiales et prendre les mesures de réparation qui s’imposent. L’État partie devrait mettre en place un mécanisme qui garantisse à toute personne condamnée sur la base d’éléments de preuve obtenus par la contrainte, par la torture ou par des mauvais traitements la possibilité d’être rejugée et l’accès à des voies de recours, à une réparation et à une indemnisation adéquates.

Violence au foyer

19)Le Comité prend note avec satisfaction des campagnes de sensibilisation au problème de la violence au foyer et de l’adoption d’une déclaration sur la lutte contre la violence à l’égard des femmes, y compris dans la famille. Toutefois, il demeure préoccupé par les allégations persistantes indiquant que la violence au foyer serait un phénomène répandu et qu’elle ne viserait pas seulement les femmes mais aussi les enfants, ainsi que par le report de l’adoption du projet de loi contre la violence au foyer. Le Comité est également préoccupé par le manque de refuges pour les victimes de violence au foyer. Il regrette en outre l’absence de données statistiques sur le nombre total de plaintes pour violence au foyer enregistrées et sur le nombre d’enquêtes, de condamnations et de peines auxquelles elles ont pu donner lieu (art. 2 et 16).

L’État partie devrait veiller à la protection des femmes et des enfants en adoptant dans les meilleurs délais le projet de loi contre la violence au foyer et en prenant des mesures concrètes pour prévenir ce type de violence. Il devrait assurer la protection des victimes et garantir leur accès à des services médicaux, sociaux et juridiques, à des lieux d’hébergement temporaire, à une indemnisation et à une réparation. Les coupables devraient aussi être punis en fonction de la gravité de leur crime.

L’État partie devrait rassembler des informations sur le nombre de cas de violence au foyer qui ont été signalés, le nombre de plaintes qui ont donné lieu sans délai à des enquêtes impartiales et indépendantes, le nombre d’enquêtes qui ont débouché sur des procès et les résultats auxquels ces derniers ont abouti, y compris les peines prononcées et le montant de l’indemnisation accordée aux victimes.

Traite

20)Le Comité prend note avec satisfaction de l’adoption de mesures législatives et politiques pour lutter contre la traite des êtres humains mais il demeure préoccupé par l’ampleur de ce phénomène en Azerbaïdjan (art. 2, 10, 12 et 16).

L’État partie devrait veiller à ce que la législation sur la lutte contre la traite soit pleinement mise en œuvre et poursuivre ses efforts pour que des enquêtes soient ouvertes et que les trafiquants, y compris les agents de l’État coupables de complicité, soient poursuivis, condamnés et punis.

Violence à l’égard des journalistes et des défenseurs des droits de l’homme

21)Le Comité est préoccupé par les allégations relatives aux pressions permanentes qui seraient exercées sur les médias, en particulier par des informations indiquant que des journalistes et des défenseurs des droits de l’homme auraient été harcelés et passés à tabac sans qu’aucune enquête n’ait été ouverte sur ces incidents. Le Comité est également préoccupé par les allégations selon lesquelles les garanties d’une procédure régulière n’auraient pas été respectées lors de la récente condamnation de personnes qui auraient exprimé leurs opinions dans des médias non conventionnels (art. 2, 10, 12 et 16).

L’État partie devrait pleinement garantir et protéger le droit à la liberté d’opinion et d’expression des journalistes et des représentants des médias et prendre des dispositions légales et des mesures concrètes à cet effet. Il devrait mener sans délai des enquêtes impartiales sur les allégations faisant état de violences contre des journalistes et des défenseurs des droits de l’homme, poursuivre les auteurs de ces violences et les punir. Le Comité renvoie à son Observation générale n o 2 (CAT/C/GC/2, par. 21), selon laquelle l’État partie devrait garantir la protection des membres de groupes particulièrement exposés à la torture, en poursuivant et en punissant les auteurs de tous les actes de violence ou mauvais traitements à l’encontre de ces personnes et en veillant à la mise en œuvre d’autres mesures positives de prévention et de protection.

Non-refoulement

22)Le Comité est préoccupé par les transferts illégaux, par exemple de Tchétchènes vers la Fédération de Russie, en application de conventions bilatérales d’extradition, et de Kurdes vers la Turquie, alors que les intéressés risquaient d’être torturés dans ces pays. Il regrette de n’avoir pas obtenu davantage d’informations concernant les demandes d’asile et les réfugiés, le nombre d’expulsions, de refoulements et d’extraditions et le nombre de décisions administratives ayant fait l’objet d’un réexamen par des autorités judiciaires. Le Comité regrette également l’absence de renseignements sur les assurances diplomatiques et sur l’existence éventuelle d’une procédure permettant de suivre la situation de la personne concernée après son expulsion dans les cas où de telles assurances ont été données (art. 3).

L’État partie devrait veiller à ce qu’aucune personne ne soit expulsée, renvoyée ou extradée vers un pays où il existe de sérieux motifs de penser qu’elle risque d’être soumise à la torture, et garantir aux demandeurs d’asile déboutés la possibilité d’exercer un recours utile avec effet suspensif. Il devrait établir des statistiques détaillées, ventilées par pays d’origine, sur le nombre de personnes ayant demandé l’asile ou le statut de réfugié et le sort donné à leur demande, ainsi que sur le nombre d’expulsions, de renvois ou d’extraditions auxquels il a été procédé et vers quels pays, et les communiquer au Comité. L’État partie devrait prendre toutes les mesures nécessaires pour garantir que les personnes qui risquent d’être torturées dans leur pays d’origine ne soient pas renvoyées, extradées ou expulsées vers ces pays. Il devrait éviter de recourir systématiquement aux assurances diplomatiques, et donner des informations détaillées sur tout accord conclu en vertu de telles assurances ainsi que sur les garanties minimales qui y sont prévues.

Formation

23)Le Comité prend note avec satisfaction de l’incorporation d’une formation aux droits de l’homme et à l’interdiction des mauvais traitements dans le programme de cours obligatoires destinés aux personnels pénitentiaires, y compris le personnel médical, ainsi que de la publication de manuels sur l’interdiction de la torture et de la traduction en azerbaïdjanais du manuel «Les droits de l’homme et les prisons». Le Comité regrette toutefois le peu d’informations données sur le suivi et l’évaluation de ces programmes de formation et l’absence de renseignements sur la portée de la formation dispensée à l’ensemble des fonctionnaires concernés, y compris aux agents des forces de l’ordre, aux personnels pénitentiaires et aux gardes frontière, et sur la mesure dans laquelle les programmes de formation ont permis de réduire le nombre de cas de torture et de mauvais traitements (art. 10).

L’État partie devrait développer plus avant les programmes de formation pour faire en sorte que tous les personnels, y compris les agents des forces de l’ordre, les personnels pénitentiaires et les gardes frontière, connaissent bien les dispositions de la Convention et sachent qu’aucune violation ne sera tolérée, que chacune donnera lieu à une enquête et que ses auteurs seront poursuivis. Tous les membres du personnel médical concernés devraient recevoir une formation spéciale afin d’apprendre à détecter les signes de torture et de mauvais traitements. Le Comité recommande que le Manuel pour enquêter efficacement sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (Protocole d’Istanbul) fasse partie intégrante de la formation de tous les personnels qui interviennent dans la détention ou l’emprisonnement d’individus ou dans les enquêtes visant à documenter les cas de torture. L’État partie devrait également élaborer et appliquer une méthode permettant d’évaluer l’efficacité des programmes de formation et d’enseignement ainsi que leur incidence sur la réduction du nombre de cas de torture, de violence et de mauvais traitements.

Réparation et indemnisation, y compris réadaptation

24)Le Comité accueille avec satisfaction les informations communiquées par l’État partie indiquant que la loi garantit aux victimes de la torture le droit d’obtenir une indemnisation, mais il est préoccupé par l’absence d’exemples de cas où des personnes ont effectivement reçu une telle indemnisation (art. 14).

Le Comité recommande de nouveau à l’État partie de garantir dans la pratique l’accès des victimes à une réparation et à une indemnisation, y compris à des moyens de réadaptation, et de lui donner des exemples de tels cas.

Mineurs

25)Le Comité est préoccupé par les informations faisant état de cas où des mineurs auraient été maltraités et torturés pour leur extorquer des aveux et des témoignages à charge et par le fait qu’aucune enquête efficace n’a été menée sur ces allégations (art. 2, 11 et 16).

L’État partie devrait veiller à ce que les mineurs soient accompagnés par un avocat et par un adulte de confiance à tous les stades de la procédure, y compris pendant leur interrogatoire par la police, qu’ils soient ou non privés de leur liberté. L’État partie devrait faire cesser toutes les pratiques exposant les mineurs à des violences dans les lieux de détention, en punir les auteurs et interdire la détention de mineurs en compagnie d’adultes.

Violence dans les forces armées

26)Le Comité est préoccupé par les informations indiquant que la pratique communément appelée dedovshchina (bizutage), qui consiste à infliger des violences et des mauvais traitements aux nouvelles recrues, serait répandue dans l’armée et aurait dans certains cas entraîné des blessures graves, ainsi que par le nombre élevé de décès non élucidés, y compris de suicides, parmi les appelés (art. 2 et 16).

L’État partie devrait ouvrir sans délai des enquêtes efficaces sur tous les cas de décès de soldats des forces armées dans des circonstances sans rapport avec des opérations de combat, y compris les suicides, poursuivre et punir les auteurs d’actes ayant entraîné la mort de ces soldats et prendre des mesures pour empêcher que de tels incidents ne se reproduisent à l’avenir.

27)L’État partie est encouragé à envisager d’adhérer à la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées et au Statut de Rome de la Cour pénale internationale.

28)L’État partie est encouragé à diffuser largement les rapports qu’il a soumis au Comité, ses réponses écrites à la liste des points à traiter, les comptes rendus analytiques des séances et les conclusions et recommandations du Comité, dans les langues voulues, au moyen de ses sites Web officiels et par l’intermédiaire des médias et des organisations non gouvernementales.

29)Le Comité invite l’État partie à soumettre un document de base conforme aux critères relatifs au document de base commun énoncés dans les Directives générales concernant la présentation et le contenu des rapports, telles qu’approuvées par les organes conventionnels (HRI/GEN/2/Rev.5).

30)Le Comité demande à l’État partie de fournir, dans un délai d’un an, des renseignements sur la suite qu’il aura donnée aux recommandations du Comité figurant aux paragraphes 9, 11, 12 et 26 ci-dessus.

31)L’État partie est invité à soumettre son prochain rapport périodique, le quatrième, d’ici au 20 novembre 2013.

51. Colombie

1)Le Comité contre la torture a examiné le quatrième rapport périodique de la Colombie (CAT/C/COL/4) à ses 908e et 911e séances (CAT/C/SR.908 et CAT/C/SR.911), les 10 et 11 novembre 2009. Il a adopté, à sa 925e séance (CAT/C/SR.925), les observations finales ci-après.

A. Introduction

2)Le Comité se félicite de la présentation du quatrième rapport périodique de la Colombie, ainsi que du dialogue franc et ouvert engagé avec la délégation de l’État partie. Il remercie ce dernier de ses réponses écrites à la liste des points à traiter (CAT/C/COL/Q/4/Add.1), qui ont facilité les débats entre la délégation et les membres du Comité. Le Comité remercie également l’État partie des renseignements que celui-ci a fait parvenir en 2006 (CAT/C/COL/CO/3/Add.1) et en 2007 (CAT/C/COL/CO/3/Add.2) sur la mise en œuvre de ses recommandations antérieures.

B. Aspects positifs

3)Le Comité note avec satisfaction que depuis l’examen du troisième rapport périodique l’État partie a ratifié les instruments internationaux suivants:

a)Le Protocole facultatif à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, le 23 janvier 2007;

b)Le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés, le 25 mai 2005;

c)La Convention interaméricaine sur la disparition forcée des personnes, le 12 avril 2005;

d)La Convention no 182 de l’Organisation internationale du Travail (OIT) concernant l’interdiction des pires formes de travail des enfants et l’action immédiate en vue de leur élimination, le 28 janvier 2005;

e)La Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée et son Protocole additionnel visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants, le 4 août 2004;

f)Le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants, le 11 novembre 2003.

4)Le Comité se félicite que l’État partie entretienne une collaboration continue avec le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme depuis que ce dernier a ouvert un bureau dans le pays en 1997.

5)Le Comité juge également positive la collaboration de l’État partie avec les rapporteurs spéciaux, représentants spéciaux et groupes de travail du Conseil des droits de l’homme, et se félicite des nombreuses missions effectuées en Colombie par ces différents mécanismes de protection des droits de l’homme.

6)Le Comité salue la jurisprudence de la Cour constitutionnelle et les nombreuses références que celle-ci a faites aux normes internationales relatives aux droits de l’homme.

7)Le Comité juge positif le fait que l’État partie reconnaisse la compétence de la Cour pénale internationale sans aucune réserve depuis 2009.

8)Le Comité se félicite que la peine de mort n’existe pas dans l’État partie.

9)Le Comité accueille avec satisfaction les efforts engagés par l’État partie pour réformer la législation, les politiques et les procédures en vue de mieux protéger le droit de chacun de n’être pas soumis à la torture ni à d’autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, en particulier les mesures suivantes:

a)L’obligation pour les agents de la force publique d’obtenir un «certificat» en matière de droits de l’homme avant toute promotion, instituée par le Ministère de la défense en novembre 2008;

b)Le Plan national de recherche des personnes disparues, adopté en 2007;

c)La politique publique de lutte contre l’impunité (CONPES 3411 de 2006);

d)Les formations sur les Protocoles d’Istanbul et du Minnesota, dispensées avec l’aide de conseillers du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme et de l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime;

e)La création d’une équipe spéciale d’enquêteurs chargée de la question de la torture au sein de l’Unité des droits de l’homme et du droit international humanitaire de la Fiscalía General de la Nación.

C. Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Définition de la torture

10)Le Comité note que la torture est incriminée dans le Code pénal. Toutefois, il constate avec préoccupation que, dans la pratique, lorsqu’une personne est inculpée pour torture, les actes de torture qu’elle a commis ne sont pas clairement identifiés comme un crime spécifique et autonome, car ils sont inclus dans les circonstances aggravantes liées à d’autres infractions considérées comme plus graves par les autorités judiciaires. Le Comité est aussi préoccupé par le fait que les actes de torture ne sont pas toujours qualifiés correctement, étant parfois assimilés à des infractions pénales moins graves comme les dommages corporels, pour lesquels l’intention de l’auteur n’a pas besoin d’être démontrée. Le Comité craint qu’en conséquence les cas de torture ne soient gravement minimisés et restent impunis (art. 1er, 2 et 4 de la Convention).

L’État partie devrait prendre les mesures nécessaires pour que le chef d’inculpation de torture corresponde à un crime autonome et conforme à la gravité des faits, et ne devrait pas permettre que les actes de torture soient considérés comme relevant d’autres infractions connexes. Il convient également de veiller à ce que les actes de torture ne soient pas qualifiés comme des infractions pénales moins graves, telles que les dommages corporels. Le Comité recommande de renforcer la formation des procureurs afin que ceux-ci qualifient les actes de torture de manière conforme aux obligations internationales de l’État partie.

Plaintes pour torture et impunité

11)Tout en observant une diminution globale du nombre de plaintes pour torture depuis l’examen du rapport périodique précédent en 2004, le Comité est préoccupé par le fait que la torture reste fréquente dans l’État partie et correspond à des schémas spécifiques qui témoignent d’une pratique généralisée. Il relève que, même si les groupes armés illégaux ont une responsabilité importante dans ces crimes, on continue de dénoncer la participation ou l’acquiescement d’agents de l’État aux actes commis. Le Comité est particulièrement alarmé par des informations qui révèlent une augmentation des cas dans lesquels des agents de l’État seraient directement impliqués. Il est également très préoccupé par la persistance de graves violations connexes à la torture, comme les exécutions extrajudiciaires, les disparitions forcées, les déplacements forcés, les viols et le recrutement d’enfants dans le cadre du conflit armé, ainsi que par la situation de vulnérabilité dans laquelle se trouvent certains groupes tels que les femmes, les enfants, les minorités ethniques, les personnes déplacées, les détenus et la communauté des lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres (art. 2 de la Convention).

12)Malgré les efforts de l’État partie pour lutter contre l’impunité, le Comité constate que celle-ci continue de prévaloir. Il est très préoccupé par l’absence de renseignements fiables sur les affaires de torture et par la lenteur des procédures en la matière. Il est également préoccupé par l’insuffisance des enquêtes conduites par la Fiscalía General de la Nación, ainsi que par le fait que nombre de ces enquêtes n’aboutissent pas à des poursuites et que l’Unité des droits de l’homme et du droit international humanitaire ne se voit pas confier les affaires qui relèvent de sa compétence. Le Comité s’inquiète de ce que les enquêtes sur des cas de torture continuent d’être menées exclusivement par les organes administratifs, disciplinaires et militaires, en marge des juridictions pénales. Il constate avec préoccupation que les statistiques fournies par diverses entités de l’État à propos des affaires de torture sont contradictoires, et que l’absence d’un système centralisé de collecte de données relatives à la torture empêche d’avoir une idée précise du nombre total de cas dénoncés, instruits et punis (art. 2, 4 et 12 de la Convention).

Le Comité invite instamment l’État partie à s’acquitter des obligations découlant de la Convention, en veillant à enquêter sur les actes de torture et à punir ces crimes de peines proportionnelles à leur gravité. Il souligne qu’il incombe à l’État partie de garantir que ces enquêtes soient menées par les autorités compétentes, sans délai et de manière impartiale, et que ces crimes soient punis de peines proportionnelles à leur gravité. Il encourage l’État partie à doter l’Unité des droits de l’homme et du droit international humanitaire de ressources supplémentaires, afin de lui permettre de diligenter ses travaux, et insiste sur l’importance de confier à cette unité les affaires qui relèvent de sa compétence. Le Comité recommande à l’État partie de créer un système centralisé qui permette de recenser tous les cas de torture et de connaître l’état d’avancement des enquêtes y relatives.

Indépendance de la Fiscalía

13)Le Comité est désireux de voir l’indépendance du Fiscal General de la Nación renforcée et respectée. Il s’inquiète aussi de la présence de procureurs représentant la Fiscalía General de la Nación dans les installations militaires, qui peut compromettre l’indépendance de leurs travaux (art. 2 et 12 de la Convention).

Le Comité invite instamment l’État partie à instituer pour la nomination du Fiscal General de la Nación des critères qui permettent de garantir l’élection d’un professionnel capable d’exercer ses fonctions en toute indépendance. Il le prie également de faire en sorte que des procureurs ne soient plus affectés aux installations militaires.

Démobilisation et amnistie de facto

14)Le Comité est profondément préoccupé par la situation au regard de la loi des membres démobilisés des groupes armés illégaux, dont quelque 30 000 sont des paramilitaires. Les avantages juridiques prévus par la loi no 975 de 2005 (loi de justice et paix) et par le décret no 128 de 2003 ne sont pas conformes au principe de la proportionnalité de la peine, et l’absence de condamnations montre qu’il existe une amnistie de facto contraire aux obligations internationales en matière de droits de l’homme. Le Comité constate avec une profonde inquiétude que, malgré la violence systématique dont rendent compte les dépositions volontaires et bien qu’il soit dit dans la loi no 975 de 2005 que l’application des dispositions prévues par ladite loi doit se faire «dans le respect des règles constitutionnelles et des instruments internationaux ratifiés par la Colombie», aucune condamnation pour graves violations des droits de l’homme n’a été prononcée à ce jour. Il souligne que l’adoption, en juillet 2009, de la loi no 1312 sur l’application du principe de «l’opportunité de poursuivre» conduit à l’impunité si la décision de renoncer aux poursuites est prise au mépris des normes relatives aux droits de l’homme et du droit de la victime d’obtenir réparation (art. 2, 4, 12 et 13 de la Convention).

Le Comité exhorte l’État partie à s’acquitter des obligations découlant de la Convention et d’autres instruments internationaux, notamment du Statut de Rome de la Cour pénale internationale, en veillant à enquêter sur les actes de torture et à punir ces crimes de peines proportionnelles à leur gravité. À ce sujet, il renvoie à son Observation générale n o 2 (CAT/C/GC/2), approuvée en 2007, et rappelle à l’État partie qu’il considère que les amnisties et autres obstacles qui empêchent de traduire en justice ou de punir rapidement et de manière impartiale les auteurs d’actes de torture ou de mauvais traitements, ou qui témoignent à l’évidence d’un manque de volonté à cet égard, portent atteinte au caractère impératif de l’interdiction de la torture.

Acquiescement aux actes commis et complicité avec les groupes armés illégaux

15)Le Comité est préoccupé par les nombreuses complicités qui existent entre des fonctionnaires et des élus et les groupes armés illégaux, comme le montre la fréquence des procédures pénales engagées pour collusion. Il est très préoccupé par le fait que des juges de la Cour suprême ont été menacés et ont dû demander des mesures de protection par l’intermédiaire du système interaméricain de protection des droits de l’homme. Le Comité est également consterné à l’idée que des juges de la Cour suprême aient fait l’objet de harcèlement et qu’ils aient été surveillés et placés sur écoute téléphonique par les services de renseignement du Département administratif de sécurité (DAS) (art. 2 de la Convention).

Le Comité prend note des efforts engagés par l’État partie pour poursuivre les fonctionnaires et les élus qui s’entendent avec les groupes armés illégaux, et l’invite instamment à protéger totalement l’intégrité et la sécurité des personnes qui travaillent pour l’administration de la justice. Il invite aussi l’État partie à prendre immédiatement des mesures pour faire cesser le harcèlement et la surveillance dont les juges font l’objet de la part des services du DAS et pour punir toute personne qui tente de porter atteinte à l’indépendance du pouvoir judiciaire.

Justice militaire et exécutions extrajudiciaires

16)Le Comité est profondément préoccupé par la pratique répandue des exécutions extrajudiciaires de civils dont les forces de sécurité disent ensuite qu’ils sont morts au combat (les «faux positifs»). Il réitère son inquiétude devant le fait que de graves violations des droits de l’homme, notamment les exécutions extrajudiciaires commises par des agents de la force publique, continuent de relever de la compétence des tribunaux militaires, ce qui compromet sérieusement l’impartialité des enquêtes (art. 2, 12 et 13 de la Convention).

L’État partie devrait s’acquitter pleinement de son obligation de veiller à ce que les violations flagrantes des droits de l’homme fassent l’objet d’enquêtes impartiales conduites par les juridictions ordinaires et que les responsables soient punis. De par leur gravité et leur nature, il est évident que ces crimes ne sont pas du ressort de la justice militaire. Le Comité insiste sur la responsabilité du Conseil supérieur de la magistrature dans la résolution des conflits de compétence. Il insiste également sur l’importance de confier aux autorités civiles les premiers actes d’investigation, la collecte des preuves et la levée des corps.

Disparitions forcées

17)Le Comité est préoccupé par l’ampleur de la pratique des disparitions forcées (28 000 cas officiellement reconnus dans le Registre national des personnes disparues) et par le nombre de corps trouvés dans les fosses communes (2 778 à ce jour, selon les chiffres de l’État partie). Il relève que ces fosses ont été découvertes principalement grâce aux informations contenues dans les déclarations des paramilitaires démobilisés et que la grande majorité des victimes avaient été torturées avant d’être exécutées, comme en témoigne le fait qu’elles étaient attachées ou démembrées. Le Comité salue l’adoption en 2007 du Plan national de recherche des personnes disparues, mais reste préoccupé par la lenteur avec laquelle celui-ci est mis en œuvre et par l’absence de coordination institutionnelle avec la Fiscalía General de la Nación. Le Comité regrette que le pouvoir exécutif se soit opposé à un projet de loi visant à faciliter l’élucidation des disparitions forcées et l’identification des corps trouvés dans des fosses communes (art. 2 de la Convention).

Le Comité invite instamment l’État partie à prendre des mesures efficaces et à allouer des ressources suffisantes à la mise en œuvre du Plan national de recherche des personnes disparues, en s’assurant à cet effet la participation voulue des familles des victimes et des organisations intéressées, et en instaurant la coordination interinstitutionnelle requise entre toutes les entités concernées. Le Comité recommande de soutenir les initiatives législatives visant à faciliter l’élucidation des disparitions forcées, à aider les victimes à faire valoir leurs droits et à accélérer l’identification des corps trouvés dans des fosses communes. Il invite l’État partie à ratifier la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées.

Prévention des actes de torture

18)Le Comité donne acte à l’État partie des efforts qu’il a réalisés pour prévenir les violations graves des droits de l’homme, en mettant en place le système d’alertes précoces et en assurant la présence de défenseurs communautaires pour les populations particulièrement vulnérables. Toutefois, il relève avec préoccupation que les ressources humaines et financières nécessaires pour ces initiatives sont insuffisantes et que le Comité interinstitutions pour les alertes précoces (CIAT), chargé d’émettre les alertes, ne semble pas répondre rapidement et de façon appropriée (art. 2 de la Convention).

Le Comité recommande à l’État partie de renforcer le système d’alertes précoces visant à prévenir les déplacements de population et les autres violations graves des droits de l’homme, en veillant à ce que des ressources financières et humaines suffisantes lui soient allouées et à ce que les alertes soient émises en temps voulu; il devrait faire en sorte que les autorités civiles, notamment au niveau des départements et des communes, participent à la coordination des mesures de prévention. Étant donné leur rôle précieux dans la prévention des violations, le Comité recommande à l’État partie d’affecter des ressources plus importantes aux défenseurs communautaires du Bureau du Défenseur du peuple et d’étendre la couverture du programme.

Extradition

19)Le Comité est préoccupé par le fait que l’extradition vers les États-Unis d’Amérique de chefs de groupes paramilitaires recherchés pour trafic de drogues a abouti à une situation qui entrave la réalisation des enquêtes pour établir leur responsabilité dans des violations graves des droits de l’homme. L’absence de cadre juridique garantissant le respect des obligations contractées en vertu de la Convention compromet l’exercice du droit à la justice, à la vérité et à la réparation et contrevient à l’obligation qu’a l’État partie d’enquêter sur les crimes de torture et de traduire leurs auteurs en justice (art. 6 et 9 de la Convention).

L’État partie doit veiller à ce que les extraditions n’entravent pas les actions nécessaires pour enquêter sur les violations graves des droits de l’homme, engager des poursuites et punir les responsables. Il doit prendre des mesures pour que les personnes extradées collaborent aux enquêtes réalisées en Colombie sur les violations graves des droits de l’homme. Il doit veiller à ce que les extraditions, à l’avenir, s’inscrivent dans un cadre juridique qui reconnaisse les obligations découlant de la Convention.

Détentions arbitraires

20)Le Comité est préoccupé par l’incidence élevée des détentions arbitraires, et en particulier par l’utilisation par la police de l’internement administratif à des fins préventives et par la pratique d’arrestations massives de la part de la police et de l’armée. Il relève que très souvent les mandats d’arrêt sont délivrés sans être fondés sur des éléments de preuve suffisants et que les arrestations servent à stigmatiser certains groupes comme les dirigeants sociaux, les jeunes, les autochtones, les Afro-Colombiens et les paysans (art. 2 de la Convention).

Le Comité recommande à l’État partie de prendre les mesures voulues pour supprimer la pratique de l’internement administratif à des fins préventives et des arrestations massives et de mettre en œuvre les recommandations formulées par le Groupe de travail sur la détention arbitraire à l’issue de sa mission en Colombie, en 2008 (A/HRC/10/21/Add.3).

Conditions de détention

21)Les conditions de détention continuent d’être source de préoccupation, étant donné que la surpopulation persiste et que des plaintes pour torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants dans les établissements pénitentiaires et les centres de détention provisoire continuent d’être enregistrées. Le Comité est préoccupé par la pratique de la mise à l’isolement pendant de longues durées à titre de mesure de punition. Il a reçu des informations indiquant que des traitements inhumains ou dégradants étaient infligés dans la prison de sécurité maximale et moyenne de Valledupar et dans la prison de Bellavista à Medellín. Le Comité note avec préoccupation que les plaintes dénonçant des cas de torture et de traitements inhumains sont en général traitées uniquement par l’autorité disciplinaire et que dans de rares cas seulement des enquêtes ont pu être ouvertes. De plus, le Comité s’inquiète de ce que les prisons aient un caractère militaire et que les services de santé mentale offerts aux détenus soient très insuffisants (art. 11 et 16 de la Convention).

L’État partie devrait adopter des mesures efficaces afin d’améliorer les conditions matérielles dans les établissements pénitentiaires, de réduire la surpopulation et de répondre comme il convient aux besoins fondamentaux de toutes les personnes privées de liberté. La pratique de la mise à l’isolement doit être revue et son application doit être limitée. Les plaintes pour torture et autres traitements ou peines cruels, inhumains ou dégradants commis dans les établissements pénitentiaires et les centres de détention provisoire doivent faire l’objet d’enquêtes rapides et impartiales et doivent être transmises à la justice pénale.

Protocole facultatif

22)Le Comité prend note de la décision de l’État partie de refuser de ratifier le Protocole facultatif se rapportant à la Convention au motif que les Comités des droits de l’homme constitués par le Bureau du Défenseur du peuple et des prisonniers s’acquittent déjà de cette fonction et que les instructions internes (décision no 5927/2007) de l’Institut national pénitentiaire (INPEC) offrent un mécanisme de garantie du respect des droits fondamentaux des prisonniers, grâce à un processus de consultation et de prise de décisions dans les comités de chaque établissement pénitentiaire, auxquels participent directement les détenus et les services de la Fiscalía et du Défenseur du peuple. Le Comité relève comme une initiative positive la création de comités des droits de l’homme dans les établissements pénitentiaires mais il reste préoccupé par le fait que ces mécanismes sont placés sous la supervision de l’INPEC et ne constituent pas un mécanisme indépendant de prévention tel que prévu par le Protocole facultatif (art. 2 de la Convention).

Le Comité invite instamment l’État partie à ratifier le plus tôt possible le Protocole facultatif se rapportant à la Convention, de façon à améliorer la prévention des violations de la Convention.

Défenseurs des droits de l’homme

23)Le Comité réitère sa préoccupation face à la stigmatisation subie par les défenseurs des droits de l’homme et leur famille, à l’incidence élevée des menaces et aux fréquentes atteintes à leur sécurité et à l’absence de mesures de protection efficaces. Il est également préoccupé par le fait que les défenseurs des droits de l’homme ont aussi été l’objet d’une surveillance et d’écoutes téléphoniques par les agents du DAS, tout comme d’autres acteurs de la société civile, tels que les syndicalistes, les organisations non gouvernementales et les journalistes (art. 2 de la Convention).

Le Comité engage instamment l’État partie à prendre immédiatement des mesures pour faire cesser le harcèlement dont font l’objet les défenseurs et autres agents de la société civile qui œuvrent en faveur des droits de l’homme de la part des agents du DAS et pour sanctionner les responsables des pratiques qui stigmatisent les défenseurs des droits de l’homme. L’État partie devrait veiller à ce que des mesures efficaces soient prises pour assurer la protection des défenseurs des droits de l’homme et de toutes les personnes victimes de menaces du fait de leur action.

Protection des témoins

24)Le Comité est préoccupé par le fait que les personnes qui ont été témoins de cas de torture et autres traitements cruels, inhumains ou dégradants sont fréquemment l’objet de menaces. Il est particulièrement préoccupé par les actes de harcèlement et les assassinats de témoins et de victimes ayant participé aux procès tenus en vertu de la loi no 975 de 2005. Le Comité considère que, malgré la mise en place de programmes de protection, l’État partie ne s’est pas acquitté intégralement de son obligation de garantir la sécurité et l’intégrité des témoins et des victimes (art. 13 de la Convention).

Le Comité engage l’État partie à prendre des mesures efficaces pour garantir la sécurité et l’intégrité des témoins et des victimes et à renforcer les programmes de protection en dégageant des ressources supplémentaires. Le Comité prie instamment l’État partie de porter une attention particulière aux mesures de protection et aux mesures provisoires demandées par la Commission interaméricaine des droits de l’homme et de prendre immédiatement des mesures effectives pour assurer leur mise en œuvre.

Réparation

25)Le Comité est préoccupé par l’absence de réparation en faveur des victimes d’actes de torture et d’autres traitements cruels, inhumains ou dégradants. Il relève qu’à ce jour quelque 250 000 victimes du conflit armé se sont enregistrées comme telles et que la loi no 975 de 2005 et le décret no 1290 de 2008 prévoient des réparations pour les victimes de violations commises par des groupes armés illégaux. La loi no 975 de 2005 (en son article 42) dispose que c’est aux groupes armés condamnés par décision judiciaire qu’incombe la responsabilité des réparations, ce qui a rendu la loi inopérante à ce jour puisque aucune condamnation n’a été prononcée. Le Comité donne acte à l’État partie des efforts qu’il déploie pour mettre en place un programme de réparation individuelle par la voie administrative, conformément au décret no 1290 de 2008, mais il relève que, bien qu’il y soit fait mention de «la responsabilité subsidiaire ou résiduelle de l’État», le programme repose sur le principe de la solidarité et non pas sur l’obligation de garantie de l’État. Étant donné que l’État partie est responsable des violations perpétrées avec le consentement ou la complicité d’agents de l’État ou du fait d’omissions commises par eux, le Comité est profondément inquiet de ce que la responsabilité de l’État ne soit pas définie clairement et de ce que la législation actuelle risque d’établir une discrimination entre les victimes (art. 14 de la Convention).

L’État partie devrait garantir sans réserve le droit à réparation pour les victimes d’actes de torture et autres traitements cruels, inhumains ou dégradants et veiller à ce que ce droit soit établi, sans discrimination, dans la législation nationale et soit effectivement exercé dans la pratique. La réalisation de ce droit doit tenir compte des Principes fondamentaux et directives concernant le droit à un recours et à réparation des victimes de violations flagrantes du droit international des droits de l’homme et de violations graves du droit international humanitaire et prévoir chacun des cinq éléments: restitution, indemnisation, réadaptation, satisfaction et garanties de non-répétition. Il convient de prêter une attention particulière aux aspects liés au sexe, ainsi qu’aux cas où les victimes sont des enfants, des Afro-Colombiens et des autochtones. Des ressources doivent être consacrées spécifiquement à la prise en charge psychosociale.

Restitution

26)Le Comité est préoccupé par les menaces dont sont la cible les victimes de déplacement forcé qui ont demandé la restitution de leurs terres. Il relève que les groupes principalement touchés sont les communautés paysannes, les Afro-Colombiens et les autochtones. Le Comité note avec préoccupation que des groupes armés illégaux se sont emparés de leurs terres et que dans certains cas celles-ci ont été vendues à des tiers pour qu’ils y pratiquent la monoculture et exploitent les ressources naturelles (art. 14 de la Convention).

Le Comité engage instamment l’État partie à prendre des mesures efficaces pour garantir la restitution de leurs terres aux victimes de déplacement et à faire en sorte que le droit de propriété des paysans, des Afro-Colombiens et des autochtones sur leurs terres soit respecté.

Droit à la vérité

27)Le Comité est préoccupé par le fait que les mécanismes établis par la loi no 975 de 2005 ne garantissent pas pleinement le droit à la vérité, même s’il y est fait référence dans le texte, et se limitent dans la pratique à la vérité procédurale. Si le Comité reconnaît l’action de la Commission nationale de réparation et de réconciliation, il note que celle-ci est principalement composée de représentants d’entités publiques (art. 14 de la Convention).

Le Comité recommande à l’État partie de prendre des mesures efficaces pour garantir l’exercice du droit à la vérité et d’envisager la mise en place d’une commission pour la vérité qui soit autonome et indépendante.

Violence sexuelle

28)Le Comité est préoccupé par l’incidence élevée de la violence sexuelle et par sa pratique comme arme de guerre. Il regrette que toutes les mesures voulues pour donner effet à l’ordonnance 092 de 2008 de la Cour constitutionnelle n’aient pas été prises, et déplore l’absence d’informations concernant les enquêtes qui ont pu être menées. Le Comité se déclare préoccupé par les viols imputés aux agents de la force publique et par l’absence de mesures énergiques visant à faire cesser de telles pratiques et d’enquêtes destinées à identifier les responsables. De même, il s’inquiète de ce qu’il ne soit fait aucune place aux crimes de violence sexuelle dans les mécanismes établis par la loi no 975 de 2005 et de ce que dans les rapports médico-légaux, malgré les instructions qui ont été adoptées, les marques de violence sexuelle constatées ne soient pas toujours indiquées (art. 2 et 16 de la Convention).

L’État partie devrait prendre d’urgence des mesures efficaces pour éliminer la violence sexuelle, notamment en tant qu’arme de guerre. En particulier, il devrait donner effet à l’ordonnance 092 de 2008 de la Cour constitutionnelle et faire procéder à des enquêtes sur les affaires visées par l’ordonnance. Les cas de violence sexuelle imputables à des agents de la force publique doivent faire l’objet d’enquêtes et de poursuites et être fermement réprimés. Des mesures doivent être mises en œuvre pour garantir l’application sans réserve et systématique des instructions qui obligent à signaler les marques de torture ou de violence sexuelle.

Enfants soldats

29)Le Comité est préoccupé par le fait que des enfants continuent d’être recrutés et utilisés par des groupes armés illégaux. Il reconnaît les efforts de l’État partie, qui a mis en place en décembre 2007 la Commission intersectorielle pour la prévention du recrutement des enfants et des adolescents par des groupes organisés illégaux et relève que, d’après des renseignements donnés par l’État partie, la démobilisation de 3 800 enfants a été obtenue. Toutefois, il regrette l’absence de renseignements sur la responsabilité pénale des individus qui recrutent des enfants. Le Comité est préoccupé par le fait que les enfants démobilisés ne reçoivent pas une assistance suffisante pour assurer leur réinsertion et leur réadaptation physique et psychologique, par le fait que le degré de protection diffère selon que les enfants démobilisés appartenaient à la guérilla ou à d’autres groupes armés illégaux et que, quand ils sont capturés par les agents de la force publique, ils ne sont pas toujours remis aux autorités civiles dans le délai légal de trente-six heures. Le Comité s’inquiète également de ce que les agents de la force publique se servent d’enfants à des fins de renseignement, occupent des écoles dans les zones de conflit et organisent des journées civiques militaires dans des établissements scolaires de tout le pays (art. 2 et 16 de la Convention).

L’État partie devrait renforcer les mesures visant à empêcher le recrutement d’enfants, apporter l’assistance nécessaire à leur réinsertion et à leur réadaptation physique et psychologique, et rechercher ceux qui les ont recrutés pour leur faire rendre compte pénalement de leurs actes. Les agents de la force publique devaient s’abstenir de mettre en péril la neutralité des établissements scolaires et respecter les règles pour la remise aux autorités civiles des enfants démobilisés ou capturés. Le Comité recommande à l’État partie de collaborer sans réserve avec la Représentante spéciale du Secrétaire général pour les enfants et les conflits armés, afin de progresser dans la mise en œuvre de la résolution n o 1612 du Conseil de sécurité.

Non-refoulement

30)Le Comité relève que le décret no 2450 de 2002 «par lequel est mise en place la procédure pour la détermination du statut de réfugié» tel qu’il est libellé, ne répond pas pleinement aux obligations découlant de l’article 3 de la Convention et de la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés. Toutefois, le Comité note qu’un nouveau décret sur la question, qui devrait consacrer le principe du non-refoulement, est en lecture et devrait être adopté (art. 3 de la Convention).

L’État partie devrait accélérer l’adoption d’une nouvelle législation qui prévoie le principe du non-refoulement. Par ailleurs, afin de garantir le respect du principe du non-refoulement dans la pratique, il devrait organiser une formation sur cette obligation à l’intention des agents d’immigration et des membres de la police.

31)Le Comité invite l’État partie à soumettre son document de base en suivant les directives harmonisées pour l’établissement des rapports destinés aux organes créés en vertu d’instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme (HRI/GEN/2/Rev.6, chap. I).

32)Le Comité recommande à l’État partie d’étudier la possibilité de faire les déclarations prévues aux articles 21 et 22 de la Convention.

33)Le Comité demande à l’État partie de lui faire parvenir, dans un délai d’un an, des renseignements sur la suite qu’il aura donnée aux recommandations formulées aux paragraphes 12 à 17.

34)Le Comité recommande à l’État partie de prendre toutes les dispositions voulues pour mettre en œuvre ces recommandations, et notamment en les portant à la connaissance des membres du Gouvernement et du Parlement, pour examen et adoption des mesures qui s’imposent.

35)L’État partie est encouragé à diffuser largement le rapport qu’il a soumis au Comité et les présentes observations finales, par le biais des sites Web officiels, des organes d’information et des organisations non gouvernementales.

36)Le Comité demande à l’État partie de faire figurer dans son prochain rapport périodique des renseignements détaillés sur les mesures qu’il aura prises pour donner suite aux recommandations formulées dans les présentes observations finales.

37)Le Comité invite l’État partie à soumettre son cinquième rapport périodique au plus tard le 20 novembre 2013.

52. El Salvador

1)Le Comité a examiné le deuxième rapport périodique d’El Salvador (CAT/C/SLV/2) à ses 902e et 904e séances (CAT/C/SR.902 et 904), les 5 et 6 novembre 2009, et a adopté à ses 920e et 921e séances (CAT/C/SR.920 et 921), le 18 novembre 2009, les observations finales ci-après.

A. Introduction

2)Le Comité accueille avec satisfaction le deuxième rapport périodique d’El Salvador, qui suit les directives générales relatives à la présentation et à la teneur des rapports périodiques. Il regrette toutefois que ce rapport ait été soumis avec six ans de retard. Il se félicite d’avoir eu un dialogue constructif avec la délégation de l’État partie et exprime ses remerciements pour les informations apportées en réponse à ses questions et préoccupations.

B. Aspects positifs

3)Le Comité note avec satisfaction que depuis l’examen du rapport initial l’État partie a ratifié les instruments internationaux suivants:

a)La Convention relative aux droits des personnes handicapées et son Protocole facultatif (ratifiés respectivement le 13 décembre 2006 et le 14 décembre 2007);

b)Le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants (ratifié le 17 mai 2004);

c)Le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés (ratifié le 18 avril 2002).

4)Le Comité relève avec satisfaction les invitations adressées par l’État partie à plusieurs titulaires de mandat au titre des procédures spéciales, comme le Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires et le Rapporteur spécial sur la violence contre les femmes, ses causes et ses conséquences.

5)Le Comité note avec satisfaction que l’État partie a aboli la peine de mort. Toutefois, il recommande à l’État partie de l’abolir également pour certains délits militaires, prévus dans les lois militaires en période de conflit international.

6)Le Comité prend note avec satisfaction de l’adoption de la loi spéciale relative à la protection des victimes et des témoins, en mai 2006.

7)Le Comité accueille avec satisfaction:

a)La création de l’Institut salvadorien pour le développement des enfants et des adolescents, par la modification de la loi portant création de l’Institut salvadorien pour le développement complet des enfants et des adolescents, en juillet 2006;

b)La création de la Commission de détermination du statut de réfugié (CODER), en juillet 2002;

c)La création, en juin 2000, au sein de la Police nationale civile, d’une Unité des droits de l’homme composée de trois départements chargés respectivement de la promotion, de la protection et de l’administration.

8)Le Comité note avec satisfaction que le 1er avril 2004 la Chambre constitutionnelle de la Cour suprême de justice a établi que certains articles de la loi antibandes étaient contraires à la Constitution et à la Convention relative aux droits de l’enfant car ils violaient le principe fondamental de l’égalité devant la loi. La Chambre constitutionnelle a également conclu que la loi présupposait que des personnes se livraient à des activités criminelles, en se fondant sur leur situation personnelle ou sociale et non sur la réalité de l’infraction, et qu’un enfant ne pouvait pas être jugé comme un adulte.

9)Le Comité salue l’intention du Gouvernement d’adopter une politique de pleine reconnaissance des obligations internationales relatives aux droits de l’homme découlant des instruments internationaux ratifiés par l’État partie, et de reconnaître le droit qu’ont les victimes de violations des droits de l’homme de connaître la vérité, d’avoir accès à la justice et d’obtenir une réparation appropriée.

C. Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Définition de la torture

10)Le Comité note que l’article 297 du Code pénal et la Constitution de l’État partie incriminent la torture, mais se déclare préoccupé, comme il l’avait déjà indiqué lors de l’examen du rapport initial, par le fait que l’État partie n’a toujours pas mis la définition de la torture que donne sa législation interne en conformité avec la définition énoncée à l’article premier et avec les prescriptions de l’article 4 de la Convention. Il note en particulier avec préoccupation que la définition de la torture ne précise pas la finalité de l’infraction, ne prévoit pas de circonstances aggravantes, exclut la tentative de pratiquer la torture, ne comprend pas les actes visant à intimider la victime ou une tierce personne ou à faire pression sur elles et n’envisage pas la discrimination, quelle qu’elle soit, comme motif ou raison d’infliger la torture. Le Code ne contient pas non plus de dispositions incriminant la torture infligée à l’instigation ou avec le consentement exprès ou tacite d’un agent de la fonction publique ou de toute autre personne agissant à titre officiel. En outre, le Comité note avec préoccupation que la législation nationale ne prévoit pas l’application de peines appropriées prenant en considération la gravité du crime de torture (art. 1er et 4).

L’État partie devrait prendre les mesures nécessaires pour faire en sorte que tous les actes de torture, y compris tous les éléments mentionnés à l’article premier et à l’article 4 de la Convention, constituent des infractions au regard de son droit pénal et à ce que, conformément au paragraphe 2 de l’article 4 de la Convention, des peines appropriées tenant compte de la gravité de ces infractions soient prononcées dans chaque cas.

Allégations de torture

11)Le Comité note avec préoccupation que continuent d’être reçues des allégations indiquant que des agents de la Police nationale civile et des membres du personnel pénitentiaire auraient commis des infractions graves, et notamment des actes de torture, dans l’exercice de leurs fonctions, en particulier dans le cadre des stratégies de lutte contre le niveau élevé de criminalité. Le Comité est particulièrement préoccupé par le fait que ces allégations font état d’actes de torture commis sur des personnes vulnérables comme les enfants et les adolescents des rues ou les enfants en rupture familiale. Il note également avec préoccupation que, malgré leur gravité, des cas possibles de torture ont fait l’objet d’enquêtes disciplinaires pour simple abus de pouvoir. Le Comité regrette qu’il n’existe pas un organisme indépendant chargé d’enquêter sur les plaintes pour mauvais traitements et actes de torture, ce qui contribue à ce que ces crimes restent impunis (art. 2 et 12).

Le Comité recommande à l’État partie de poursuivre ses réformes législatives en vue de créer un organe indépendant chargé de surveiller le comportement des forces de police et leur respect des règles. En outre, l’État partie devrait veiller à ce qu’aucun acte contraire à la Convention commis par les forces de police ne reste impuni et à ce que de tels actes donnent lieu à des enquêtes pénales efficaces et transparentes. Il devrait également renforcer les programmes de formation continue pour que tous les agents des forces de l’ordre connaissent parfaitement les dispositions de la Convention.

Impunité et absence d’enquêtes promptes, approfondies et impartiales

12)Le Comité note avec préoccupation que l’impunité généralisée est l’une des principales raisons pour lesquelles la torture n’a pas pu être éradiquée. Il est particulièrement préoccupé par les informations faisant état de plusieurs cas d’accusations graves portées contre des membres de la Police nationale civile et du personnel pénitentiaire qui en restent au stade de l’enquête, qui est toujours plus longue, et dans lesquels les auteurs n’ont pas été traduits en justice, et par d’autres informations indiquant que les auteurs présumés d’infractions continueraient d’exercer leurs fonctions. Le Comité s’inquiète également de ce que l’État partie n’ait pas établi un organe indépendant pour garantir l’indépendance de la justice (art. 12, 13 et 16).

Le Comité invite instamment l’État partie à prendre des mesures pour lutter contre l’impunité, et notamment à:

a) Faire savoir publiquement qu’il ne tolère pas la pratique de la torture et que les auteurs de tels actes seront traduits en justice;

b) Mener rapidement des enquêtes approfondies, impartiales et efficaces sur toute allégation de tortures et de mauvais traitements imputés à des agents des forces de l’ordre. En particulier, ces enquêtes devraient être entreprises non pas par la police ou des agents pénitentiaires ni sous leur autorité, mais par un organe indépendant. En cas de présomption de torture et de mauvais traitements, le suspect devrait, en règle générale, être suspendu ou réaffecté pendant la durée de l’enquête, surtout s’il y a risque d’obstruction de sa part;

c) Traduire en justice les responsables et condamner les personnes reconnues coupables à des peines appropriées, afin d’en finir avec l’impunité des agents des forces de l’ordre responsables de violations de la Convention;

d) Garantir l’indépendance totale du pouvoir judiciaire conformément aux Principes fondamentaux relatifs à l’indépendance de la magistrature (résolution 40/146 de l’Assemblée générale, en date du 13 décembre 1985) et créer un organe indépendant chargé de garantir l’indépendance du pouvoir judiciaire.

Sécurité publique

13)Le Comité note avec préoccupation que l’État partie a intégré 4 000 membres des forces armées dans des unités de police appelées Groupes de travail conjoints pour intervenir dans des domaines relevant de la police, tels que la prévention et la répression de la criminalité de droit commun liée au grand nombre de gangs, au lieu de renforcer les forces de police (art. 2).

L’État partie devrait prendre des mesures efficaces pour renforcer la Police nationale civile et supprimer les programmes, même temporaires, qui permettent à l’armée d’intervenir dans des opérations relevant purement de la police et de la prévention de la criminalité de droit commun, qui sont uniquement du ressort de la police.

Disparitions forcées ou involontaires pendant le conflit armé de 1980 à 1992

14)Le Comité salue le travail, limité à ce jour, accompli par la Commission interinstitutions pour la recherche des enfants disparus pendant le conflit armé, ainsi que le projet de restructuration de la Commission interinstitutions et de redéfinition de ses fonctions. Il salue également l’invitation adressée en 2007 par l’État partie au Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires. Toutefois, il s’inquiète de l’absence de réparation complète accordée aux victimes et aux familles de victimes de disparitions forcées ou involontaires pendant le conflit armé, de 1980 à 1992, et de manière générale de l’insuffisance des enquêtes et des peines et l’absence de réparation complète pour ces infractions. Il regrette en outre que les personnes adultes disparues ne soient pas recherchées (art. 2, 4 et 16).

Le Comité rappelle à l’État partie que l’infraction de disparition forcée est continue et doit faire l’objet d’une enquête tant que ses effets se poursuivent, jusqu’à ce que les responsables soient identifiés. De même, le Comité rappelle les recommandations du Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires, et note avec préoccupation qu’elles n’ont pas été entièrement suivies. Il exhorte l’État partie à prendre rapidement des mesures pour faire progresser la recherche des personnes disparues, mettre en place un programme complet de réparation et d’indemnisation en faveur des victimes et de leur famille, et empêcher que ne se produisent de nouveaux cas de disparition forcée ou involontaire.

Loi d’amnistie générale pour la consolidation de la paix et recommandations de la Commission de la vérité

15)Le Comité prend note avec satisfaction de l’intention du Gouvernement de ne pas maintenir la position des gouvernements précédents, qui consistait à justifier la loi d’amnistie au nom de la préservation de la paix dans l’État partie. Il note également que la Cour suprême de justice a indiqué dans son arrêt du 26 septembre 2000 que, même si la loi d’amnistie est conforme à la Constitution, les juges peuvent, lorsqu’ils statuent sur des affaires précises, ne pas l’appliquer. Elle a précisé que le juge devait déterminer, dans chaque cas, quand s’appliquait cette exception, au moyen d’une interprétation conforme à la Constitution, et que si les faits entraînant la responsabilité civile d’un fonctionnaire ou d’un agent public n’avaient pas été amnistiés − parce qu’il s’agissait d’infractions ne pouvant faire l’objet d’une amnistie − ou que l’amnistie accordée était contraire à la Constitution, la demande d’indemnisation était recevable par les tribunaux compétents. Toutefois, le Comité estime que cette loi viole le droit à un recours effectif car elle empêche que soient ouvertes des enquêtes dans tous les cas de violations des droits de l’homme et que tous les responsables soient sanctionnés et elle empêche l’exercice par les victimes du droit d’obtenir réparation, d’être indemnisé et de bénéficier de services de réadaptation. Le Comité note avec préoccupation que l’État partie n’a pas appliqué les recommandations formulées par la Commission de la vérité en 1993 (art. 2, 4, 5 et 14).

Le Comité engage instamment l’État partie à abroger la loi d’amnistie générale pour la consolidation de la paix. À ce sujet, il appelle l’attention de l’État partie sur le paragraphe 5 de son Observation générale n o  2 relative à l’application de l’article 2 par les États parties (CAT/C/GC/2), dans lequel il dit considérer qu’une amnistie ou tout autre obstacle juridique qui empêcherait que les auteurs d’actes de torture ou de mauvais traitements fassent rapidement l’objet de poursuites et de sanctions équitables, ou qui exprimerait une réticence à cet égard, violerait le principe d’intangibilité de l’interdiction de la torture. Le Comité recommande également à l’État partie de prendre toutes les mesures nécessaires pour que les enquêtes sur la torture et autres traitements cruels, inhumains ou dégradants soient menées de façon approfondie, avec diligence et impartialité, que les responsables fassent l’objet de poursuites et de sanctions, et que les victimes bénéficient de mesures de réparation, conformément aux dispositions de la Convention.

Le Comité prend note avec satisfaction de la volonté du nouveau gouvernement d’adopter une politique de réparation intégrale − du préjudice matériel comme du préjudice moral − à l’intention des victimes de violations des droits de l’homme commises actuellement ou récemment. Cependant, il engage instamment l’État partie à prendre rapidement des mesures pour mettre en œuvre les recommandations de la Commission de la vérité, et en particulier à poursuivre et sanctionner sans délai et en toute impartialité les auteurs d’actes de torture, de mauvais traitements ou de disparitions forcées ou involontaires, à démettre de leurs fonctions tous les agents de l’État qui ont été identifiés comme les auteurs présumés de violations des droits de l’homme, à créer un fonds spécial d’indemnisation pour les victimes, à construire un monument national portant le nom de toutes les victimes, et à décréter un jour férié national en mémoire des victimes.

Détention provisoire

16)Le Comité est préoccupé par la durée de la détention provisoire et par le grand nombre de personnes qui se trouvent en prévention du fait, comme l’État partie l’a reconnu lui-même, d’une augmentation générale de la violence dans le pays (art. 2).

L’État partie devrait prendre les mesures voulues pour limiter le placement en détention provisoire et réduire la durée de la détention provisoire, en recourant à des mesures de substitution chaque fois que possible et quand l’inculpé ne représente pas une menace pour la société.

Conditions de détention

17)Le Comité relève avec satisfaction le plan de mesures et d’actions de l’administration du système pénitentiaire visant à faire cesser les violations des droits fondamentaux de la population privée de liberté. Il exprime néanmoins sa préoccupation face au grave problème de surpopulation; d’après les renseignements donnés par l’État partie la population carcérale s’élève à 21 671 personnes pour une capacité d’accueil de 9 000, ce qui a des répercussions négatives sur les autres aspects des conditions de vie en prison. Le Comité est préoccupé en particulier par le fait que les prévenus ne sont pas détenus séparément des condamnés, les hommes séparément des femmes et les enfants séparément des adultes et par le fait que l’accès aux services de santé et d’hygiène, à l’eau potable et à l’éducation est insuffisant et que les possibilités de visite sont inadéquates. Il est également préoccupé par les plaintes dénonçant l’utilisation de la détention au secret pendant de longues périodes.

18)Le Comité note avec regret le niveau élevé de violence entre détenus et l’absence de contrôle dans les centres pénitentiaires, qui a été la cause de décès chez les détenus. Il est préoccupé également de ce que ces incidents n’aient pas fait l’objet d’enquêtes rapides et impartiales et de ce que les responsables n’aient pas été sanctionnés. Dans ce contexte, le Comité relève avec préoccupation que l’article 45 de la loi pénitentiaire prévoit un délai maximal de quinze jours à partir de la perpétration des faits pour que le détenu dépose une plainte en justice.

19)De plus, le Comité est particulièrement préoccupé par les conditions de détention des mineurs, qui subissent des mauvais traitements et pour qui les services médicaux et éducatifs sont insuffisants (art. 11 et 16).

Le Comité recommande à l’État partie:

a) De prendre immédiatement des mesures en vue de réduire la surpopulation dans les centres de détention, en particulier en appliquant des mesures de substitution à l’emprisonnement, et d’adopter des mesures pour améliorer les infrastructures, les conditions d’hygiène et les services de santé;

b) De veiller à ce que dans tous les centres de détention les prévenus soient séparés des condamnés, les femmes des hommes et les enfants des adultes;

c) De fournir l’équipement, le personnel et les ressources budgétaires nécessaires pour que les conditions carcérales sur tout le territoire soient conformes aux normes et aux principes minimaux en matière de droits des personnes privées de liberté internationalement reconnues;

d) De supprimer toute forme de détention au secret;

e) De progresser dans l’élaboration de programmes de resocialisation et de réinsertion pour les personnes privées de liberté;

f) De prendre d’urgence des mesures visant à prévenir la violence entre détenus et de faire en sorte que tous les cas de violence dans les centres de détention fassent l’objet sans délai d’une enquête impartiale et approfondie et que les responsables soient condamnés. Il ne devrait pas y avoir de délai impératif pour le dépôt de plainte en justice par les détenus;

g) De mener sans délai des enquêtes impartiales et approfondies sur toutes les plaintes pour mauvais traitement infligés à des mineurs privés de liberté et de prendre d’urgence des mesures pour empêcher tout acte de torture et de mauvais traitement sur la personne de mineurs privés de liberté. L’État partie devrait en outre veiller à ce que la privation de liberté ne soit ordonnée qu’à titre de mesure de dernier recours et pour la durée la plus brève possible, et concevoir d’autres mesures que la privation de liberté et en favoriser l’application.

Conditions de vie des détenus en régime d’incarcération spécial

20)Le Comité prend note avec préoccupation des informations signalant le transfèrement de détenus au Centre de sécurité sans un ordre des autorités et faisant état de la mise au secret de prisonniers. Il est également préoccupé par les conditions de vie des détenus en régime d’incarcération spécial dans le Centre de sécurité, en particulier par les allégations faisant état de mauvais traitements infligés par le personnel pénitentiaire à l’arrivée du détenu et dénonçant le maintien prolongé en cellule d’isolement, l’accès limité aux parloirs, l’insuffisance de la nourriture et le manque de lumière et d’air (art. 11 et 16).

Le Comité recommande à l’État partie de faire en sorte que le droit à une procédure régulière dans l’application du régime d’incarcération spécial soit respecté et de supprimer toute forme de détention au secret. L’État partie devrait faire ouvrir sans délai des enquêtes impartiales et approfondies sur toutes les plaintes pour mauvais traitements. Il devrait également prendre des mesures pour améliorer les conditions de vie des détenus en régime d’incarcération spécial afin de les rendre conformes aux normes et principes minimaux en matière de droits des personnes privées de liberté internationalement reconnus.

Violences contre la femme et féminicide

21)Le Comité prend note de la création de 14 comités interinstitutions pour l’exécution du Plan national contre la violence dans la famille, de la création d’observatoires de la violence ainsi que de la conduite, en 2005, de l’enquête nationale sur le féminicide. Il prend note de l’avant-projet de loi contre la violence à l’égard des femmes et de l’organisation de campagnes de prévention visant à informer et éduquer la population sur la question de la violence dans la famille. Néanmoins, il se déclare profondément préoccupé par la prévalence de nombreuses formes de violence à l’égard des femmes et des filles, notamment des violences sexuelles, des violences dans la famille ainsi que des morts violentes de femmes (féminicides). Le Comité est également préoccupé par l’insuffisance d’enquêtes rigoureuses dans les affaires dénoncées et par l’impunité dont jouissent les auteurs de tels actes (art. 12, 13 et 16).

L’État partie devrait intensifier ses efforts pour assurer l’application d’urgence de mesures de protection efficaces visant à prévenir et combattre la violence contre les femmes et les filles, en particulier les sévices sexuels, la violence dans la famille et les morts violentes de femmes. Le Comité considère que ces crimes ne doivent pas rester impunis et l’État partie devrait allouer des ressources humaines et financières pour punir les auteurs. Il devrait également organiser de vastes campagnes de sensibilisation et des cours de formation sur la violence à l’égard des femmes et des filles, à l’intention des agents de l’État qui sont en contact direct avec les victimes (agents des forces de l’ordre, juges, avocats, travailleurs sociaux, etc.) et de la population en général.

22)De même, le Comité est préoccupé par les informations selon lesquelles les femmes sont soumises à des fouilles intimes humiliantes quand elles arrivent dans les lieux de détention pour rendre visite à un détenu, et en particulier par le fait que ces fouilles peuvent être effectuées par des personnes non qualifiées, y compris par des personnels sans formation médicale (art. 16).

Le Comité souligne que la fouille intime des femmes peut constituer un traitement cruel ou dégradant et que l’État partie devrait prendre des mesures pour faire en sorte que ces fouilles soient effectuées uniquement quand les circonstances l’exigent, par des femmes ayant des compétences médicales et de la façon la plus respectueuse possible afin de ne pas porter atteinte à la dignité de la femme.

Allégations de viol ou d’inceste

23)Le Comité est particulièrement préoccupé de ce que, d’après les renseignements qu’il a reçus, plus de la moitié des plaintes pour viol ou inceste sont portées par des victimes qui étaient mineures au moment des faits. Il est également préoccupé par le fait que le Code pénal de 1998, actuellement en vigueur, réprime et punit d’un emprisonnement pouvant aller de six mois à douze ans toutes les formes de recours à l’interruption volontaire de grossesse, même en cas de viol ou d’inceste, ce qui a entraîné des préjudices graves pour les femmes, y compris la mort (art. 2 et 16).

Rappelant son Observation générale n o  2 (CAT/C/GC/2), le Comité recommande à l’État partie de prendre les mesures nécessaires, notamment d’ordre législatif, pour prévenir efficacement les délits et tous les actes qui nuisent gravement à la santé des femmes et des filles, procéder aux enquêtes nécessaires et punir les auteurs et apporter les soins médicaux requis, renforcer les programmes de planification familiale et offrir un meilleur accès à l’information et aux services de santé de la procréation, y compris pour les adolescents.

Traite des êtres humains

24)Le Comité donne acte à l’État partie des efforts qu’il a accomplis pour faire face à la traite des femmes et des enfants, comme la création d’un foyer d’accueil temporaire pour les femmes accompagnées de leurs enfants qui ont été victimes d’exploitation sexuelle à des fins commerciales ou d’autres formes d’exploitation et d’un foyer pour les filles victimes de traite. Toutefois il est préoccupé par le fait que des cas de trafic de femmes et d’enfants à l’intérieur du pays et à travers les frontières, à des fins sexuelles ou autres, sont toujours dénoncés, et il regrette que les agents de l’État soupçonnés d’avoir commis de tels actes ne fassent pas l’objet d’enquêtes adéquates, et ne soient pas poursuivis et punis (art. 2, 10 et 16).

L’État partie doit veiller à ce que toutes les allégations de traite fassent l’objet sans délai d’enquêtes impartiales et approfondies et à ce que les auteurs de ces faits soient traduits en justice et punis pour le crime de traite d’êtres humains. Il devrait continuer à organiser des campagnes de sensibilisation dans tout le pays, à offrir des programmes adéquats d’aide, de réadaptation et de réinsertion pour les victimes de la traite et à dispenser une formation aux membres des forces de l’ordre, aux fonctionnaires des services d’immigration et de la police des frontières sur les causes, les conséquences et les répercussions de la traite et des autres formes d’exploitation. Le Comité recommande en outre à l’État partie d’intensifier ses efforts pour mettre en place des modes et des mécanismes de coopération internationale, régionale et bilatérale avec les pays d’origine, de transit et de destination, afin de prévenir la traite.

Principe du «non-refoulement»

25)Le Comité regrette d’apprendre que le principe du non-renvoi, le droit à une procédure régulière et l’accès à l’information ne seraient pas respectés systématiquement dans le cas des réfugiés ou des requérants d’asile potentiels et que les dispositifs qui empêchent de faire courir un risque à des individus en les renvoyant dans leur pays d’origine ne seraient pas pleinement appliqués. Il regrette également l’insuffisance des mécanismes qui permettent aux autorités d’immigration de vérifier qu’un individu encourt le risque d’être soumis à la torture s’il retourne dans son pays d’origine. Le Comité note en outre avec préoccupation les allégations faisant état d’un traitement discriminatoire appliqué par les autorités de l’État partie aux demandeurs d’asile (art. 3 et 6).

L’État partie devrait adopter des mesures d’ordre administratif et législatif de façon à garantir le respect des règles d’une procédure régulière pendant la phase de détermination du statut de réfugié et la procédure d’expulsion, en particulier du droit à la défense, et la présence de personnel du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés. De même, le Comité recommande la mise en place de programmes de formation sur le droit international humanitaire applicable aux réfugiés en mettant l’accent sur la teneur et la portée du principe du «non-refoulement», à l’intention des membres de la police de l’immigration et des fonctionnaires de l’administration chargés de la procédure de détermination du statut de réfugié et des procédures d’expulsion.

Bureau du Procureur pour la défense des droits de l’homme

26)Le Comité accueille avec satisfaction l’augmentation du budget alloué au bureau du Procureur pour la défense des droits de l’homme et l’amélioration du dialogue entre celui-ci et le Gouvernement. Il constate toutefois que ce budget reste insuffisant. Il regrette d’apprendre qu’il y a eu des ingérences dans le travail de cette institution nationale des droits de l’homme et qu’elle a reçu des menaces quand elle enquêtait sur certains incidents (art. 2).

Le Comité rappelle à l’État partie l’importance de l’action de l’institution nationale des droits de l’homme et l’engage à assurer la protection de ses activités et à lui allouer un budget suffisant. Il lui recommande également de donner la suite voulue aux recommandations du bureau du Procureur pour la défense des droits de l’homme et de renforcer les liens entre ses activités, les procédures de plainte et les autres mécanismes officiels de surveillance afin que les problèmes rencontrés soient effectivement résolus.

Défenseurs des droits de l’homme

27)Le Comité est préoccupé par les allégations faisant état d’actes de harcèlement et de menaces de mort dont sont victimes les défenseurs des droits de l’homme, et par le fait que ces actes demeurent impunis (art. 2).

L’État partie devrait adopter des mesures efficaces pour faire cesser les actes de harcèlement et les menaces de mort dont sont victimes les défenseurs des droits de l’homme et pour prévenir de nouveaux actes de violence. Il devrait de plus veiller à ce qu’une enquête diligente, exhaustive et efficace soit menée rapidement et à ce que les auteurs de tels actes soient dûment punis.

Formation sur l’interdiction de la torture et l’application du Protocole d’Istanbul

28)Le Comité relève avec satisfaction que l’étude et la pratique des droits de l’homme, comprenant la Convention contre la torture et le Protocole d’Istanbul, sont au programme de la formation de base dispensée par l’École de la sécurité publique aux membres des forces de police, et que des journées de formation aux droits de l’homme sont organisées à l’intention des personnels de police. Il regrette toutefois de ne pas avoir reçu assez de renseignements sur le suivi et l’évaluation des programmes de formation existants, et de ne pas avoir eu non plus de renseignements sur les résultats des formations et sur l’utilité des programmes, mesurée par la diminution du nombre de cas de torture et de mauvais traitements. Il regrette également le manque de renseignements sur les formations relatives au Protocole d’Istanbul à l’intention des personnels qui participent à la recherche et à l’identification des cas de torture (art. 10).

L’État partie devrait concevoir et appliquer une méthode pour évaluer l’efficacité des programmes de formation et d’enseignement, ainsi que leur incidence sur la réduction du nombre de cas de torture, de violence et de mauvais traitements. Le Comité recommande à l’État partie de redoubler d’efforts afin que tous les personnels qui participent à la recherche et à l’identification des cas de torture connaissent la teneur du Protocole d’Istanbul et reçoivent une formation leur permettant de l’appliquer.

Réparation et réadaptation

29)Le Comité constate avec préoccupation qu’il n’existe dans l’État partie aucun programme de réparation et de réadaptation pour les victimes de torture et que toutes les victimes n’ont pas eu droit à une réparation équitable et adéquate (art. 14).

Le Comité rappelle à l’État partie son obligation de veiller à ce que toutes les victimes d’actes de torture aient le droit, prévu par la loi, à une réparation équitable et adéquate.

30)Le Comité invite l’État partie à ratifier le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

31)Le Comité invite l’État partie à ratifier les principaux instruments des Nations Unies relatifs aux droits de l’homme auxquels il n’est pas encore partie: le Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (signé le 25 septembre 2009), le Protocole facultatif à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (signé le 4 avril 2001), le deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques et la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées.

32)Le Comité note que le Programme de gouvernement pour 2009-2014 dans le cadre de la réforme politique − Droits de l’homme − prévoit la possibilité de lever les réserves à la reconnaissance de la compétence contentieuse. Il recommande néanmoins à l’État partie d’étudier la possibilité de faire les déclarations prévues aux articles 21 et 22 de la Convention.

33)Le Comité demande à l’État partie de faire figurer dans son prochain rapport périodique des renseignements détaillés sur les mesures qu’il aura prises pour donner suite aux recommandations formulées dans les présentes observations finales. Il lui recommande de prendre toutes les dispositions voulues pour mettre en œuvre ces recommandations, notamment en les portant à la connaissance des membres du Gouvernement et du Parlement pour examen et adoption des mesures qui s’imposent.

34)Le Comité recommande à l’État partie de diffuser largement, y compris dans les langues autochtones, les rapports qu’il soumet ainsi que les présentes observations finales, par le biais des organes d’information, des sites Web officiels et des organisations non gouvernementales.

35)Le Comité demande à l’État partie de lui faire parvenir, dans un délai d’un an, des renseignements sur la suite qu’il aura donnée aux recommandations formulées aux paragraphes 15, 19 et 21.

36)L’État partie est invité à soumettre son document de base en suivant les directives harmonisées pour l’établissement des rapports (HRI/GEN/2/Rev.6).

37)L’État partie est invité à soumettre son troisième rapport périodique au plus tard le 20 novembre 2013.

53. République de Moldova

1)Le Comité contre la torture a examiné le deuxième rapport périodique de la République de Moldova (CAT/C/MDA/2) à ses 910e et 912e séances (CAT/C/SR.910 et 912), les 11 et 12 novembre 2009, et a adopté, à sa 922e séance (CAT/C/SR.922), le 19 novembre 2009, les observations finales ci-après.

A. Introduction

2)Le Comité accueille avec satisfaction la présentation du deuxième rapport périodique de la République de Moldova qui, s’il a été établi en suivant généralement les directives du Comité, est soumis avec près de trois ans de retard et ne contient pas de statistiques et d’informations concrètes sur l’application des dispositions de la Convention. Il accueille également avec satisfaction les réponses écrites à la liste des points à traiter (CAT/C/MDA/Q/2/Add.1), dans lesquelles l’État partie a apporté des renseignements complémentaires sur les mesures prises pour donner effet à la Convention. Le Comité regrette toutefois de n’avoir pas reçu de réponses dans le cadre de la procédure du suivi aux questions qu’il avait soulevées lors de l’examen du rapport initial de l’État partie (CAT/C/32/Add.4), malgré un rappel adressé le 7 mars 2006 par le Rapporteur du Comité chargé du suivi des observations finales concernant la République de Moldova (CAT/C/CR/30/7).

3)Le Comité note avec satisfaction qu’il a eu un dialogue constructif avec la délégation de haut niveau envoyée par l’État partie.

4)Le Comité prend note de la déclaration de l’État partie qui affirme qu’il ne peut pas être tenu pour responsable des violations des droits de l’homme commises dans le territoire sur lequel il «n’exerce pas de contrôle effectif», ce qui est le cas de la rive gauche du Dniestr (HRI/CORE/1/Add.114, par. 33 et 34). Il tient néanmoins à réaffirmer que l’État partie a l’obligation continue de garantir que les actes de torture et de mauvais traitements soient interdits sur toute l’étendue de son territoire.

B. Aspects positifs

5)Le Comité constate avec satisfaction que depuis l’examen du rapport initial l’État partie a ratifié les instruments internationaux et régionaux suivants ou y a accédé:

a)Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (2006);

b)Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés (2004);

c)Protocole additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée, visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants (2005);

d)Protocole facultatif à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (2006);

e)Deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, visant à abolir la peine de mort (2006);

f)Convention du Conseil de l’Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains (2006);

g)Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants (2007);

h)Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques (2008).

6)Le Comité relève avec satisfaction les efforts entrepris par l’État partie pour réformer sa législation de façon à assurer une meilleure protection des droits de l’homme, notamment du droit de ne pas être soumis à la torture et à d’autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, en particulier:

a)La révision du Code pénal et spécialement l’ajout de l’article 309/1 qui, pour ce qui est de la définition de la torture, met la législation de l’État partie en conformité avec l’article premier de la Convention;

b)L’introduction dans le nouveau Code de procédure pénale du paragraphe 1 de l’article 94, qui rend irrecevables en tant que preuves les déclarations obtenues par la torture, et l’ajout du paragraphe 3/1 à l’article 10, qui dispose que la charge de la preuve dans les affaires de torture incombe à l’établissement dans lequel la victime présumée a été détenue, qui doit montrer qu’aucun acte de torture n’a été commis;

c)La réforme du système de justice pénale et l’instauration de la probation, des travaux d’intérêt général et d’autres formes de peines de substitution, qui a eu pour effet une diminution de la population carcérale et une amélioration des conditions de détention;

d)La loi no 270-XVI de décembre 2008 sur l’asile en République de Moldova, qui est dans une large mesure conforme aux normes internationales et européennes;

e)La loi no 45-XVI de mars 2007 visant à prévenir et combattre la violence au foyer.

7)Le Comité relève également avec satisfaction:

a)L’invocation directe par la Cour suprême de justice des articles 12 et 13 de la Convention dans le cadre d’affaires examinées en février 2006 et en mars 2008;

b)L’allocation par l’État partie de ressources additionnelles destinées à améliorer les normes dans les lieux de détention, notamment en ce qui concerne l’accès aux soins de santé, les activités, la formation et les conditions de vie.

C.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Torture et mauvais traitements

8)Le Comité est préoccupé par les allégations nombreuses et concordantes, corroborées par le Rapporteur spécial sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants dans son rapport (A/HRC/10/44/Add.3, par. 82) faisant état de la pratique généralisée de la torture et d’autres formes de mauvais traitements dans les locaux de garde à vue. Il est également préoccupé par les allégations selon lesquelles la torture et les mauvais traitements seraient utilisés pour obtenir des aveux ou des informations pouvant servir de preuves dans les procédures pénales, en dépit des changements dans l’organisation et les modifications législatives opérés par l’État partie (art. 2, 15 et 16).

À titre d’urgence, l’État partie devrait prendre des mesures immédiates pour prévenir les actes de torture et les mauvais traitements et faire savoir qu’aucune forme de torture ou de mauvais traitement ne sera tolérée. Il devrait en particulier condamner publiquement et sans ambiguïté la pratique de la torture sous toutes ses formes, en s’adressant en particulier aux membres des forces de police et du personnel pénitentiaire occupant des fonctions de direction, et indiquer clairement dans le même temps que toute personne qui commettrait de tels actes, ordonnerait que des tortures ou des mauvais traitements soient commis, ou y consentirait de façon expresse ou tacite, serait tenue personnellement responsable devant la loi et encourrait une peine à la mesure de la gravité du crime commis.

9)Le Comité est particulièrement préoccupé par les allégations nombreuses, persistantes et concordantes selon lesquelles des actes de torture et d’autres formes de mauvais traitements seraient commis dans les centres de détention provisoire relevant du Ministère de l’intérieur. Il note également avec préoccupation qu’en dépit de l’intention de l’État partie de placer ces centres sous la responsabilité du Ministère de la justice, dans le cadre du Plan d’action pour les droits de l’homme (2004-2008), le transfert n’a pas encore eu lieu et est aujourd’hui subordonné à la construction de huit nouveaux centres de détention provisoire (art. 2 et 16).

Comme le Comité le lui a recommandé dans ses précédentes observations finales (CAT/C/CR/30/7, par. 6 i)), l’État partie devrait prendre immédiatement des mesures pour faire en sorte que les centres de détention temporaire qui relèvent actuellement du Ministère des affaires intérieures soient placés sous l’entière responsabilité du Ministère de la justice, à titre de mesure permettant de prévenir la torture et les mauvais traitements.

Garanties fondamentales

10.Le Comité est préoccupé par les allégations selon lesquelles les garanties fondamentales pour la protection des personnes détenues par la police, comme l’accès sans restriction à un avocat et à un médecin indépendant, ne sont pas respectées, en particulier au début de la détention, en dépit des garanties énoncées aux articles 64 et 167 du Code de procédure pénale et de l’adoption de la loi sur l’aide juridictionnelle et du Code des infractions. De plus il note avec préoccupation qu’il n’existe pas de système d’enregistrement obligatoire dans tous les postes de police et que dans la pratique les détenus ne sont pas toujours enregistrés, ce qui les prive d’une protection effective contre les actes de torture. En outre les rapports médicaux établis par des médecins indépendants n’ont pas la même valeur probante que ceux qui émanent du personnel médical des lieux de détention (art. 2 et 16).

L’État partie devrait:

a) Faire en sorte que dans la pratique tous les détenus, y compris ceux qui sont détenus en application de la législation administrative, bénéficient de toutes les garanties fondamentales pendant la détention. Il s’agit en particulier, dès le moment de la privation de liberté, du droit de communiquer avec un avocat et de se faire examiner par un médecin indépendant, de prévenir rapidement un proche et d’être informé de ses droits, y compris des motifs de la détention. L’État partie devrait veiller à ce que nul ne puisse être placé en détention arbitrairement, à ce que tous les détenus soient déférés sans délai devant un juge et à ce que la possibilité de contester efficacement et rapidement la légalité de la détention soit garantie, par l’exercice du recours en habeas corpus ;

b) Mettre en place une procédure d’examen médical obligatoire des détenus chaque fois qu’ils sont admis dans un lieu de détention provisoire ou en partent comme celle qui est prévue au paragraphe 1 de l’article 251 du Code de l’application des peines pour les personnes condamnées incarcérées dans un établissement pénitentiaire;

c) Garantir dans la pratique que les conclusions et les rapports médicaux des médecins indépendants, dont l’avis peut être sollicité en application de l’alinéa e de l’article 5 de la loi de 2005 sur les droits et les responsabilités des malades, ou du paragraphe 4 de l’article 251 du Code de l’application des peines, aient pour les juges la même valeur probante que les rapports médicaux établis par le service médical d’un lieu de détention;

d) Adopter des règles qui rendent obligatoire la tenue de registres dans tous les locaux de police conformément aux instruments internationaux applicables dans ce domaine, en particulier l’Ensemble de principes pour la protection de toutes les personnes soumises à une forme quelconque de détention ou d’emprisonnement. Le registre devrait indiquer l’identité du détenu, la date, l’heure et le lieu du placement en détention, l’identité de l’autorité qui a ordonné la détention, les motifs de la mesure, la date et l’heure de l’admission dans le centre de détention, l’état de santé du détenu et toute évolution de cet état, la date et le lieu des interrogatoires et le nom de toutes les personnes qui y ont participé, ainsi que la date et l’heure de la remise en liberté ou du transfert dans un autre lieu de détention. L’État partie devrait également faire en sorte que tous les détenus, y compris les mineurs, soient inscrits dans un registre central fonctionnant correctement.

Indépendance de la magistrature

11)Le Comité demeure préoccupé par les dysfonctionnements du pouvoir judiciaire en général et du système de justice pénale en particulier tenant, en premier lieu, au manque d’indépendance de la magistrature et, en deuxième lieu, au manque de stabilité de fonction pour les magistrats (art. 2, 15 et 16).

L’État partie devrait prendre des mesures concrètes et efficaces pour garantir l’indépendance de sa magistrature conformément aux Principes fondamentaux relatifs à l’indépendance de la magistrature, si nécessaire en faisant appel à la coopération internationale.

Détention avant jugement

12)Le Comité fait part de sa préoccupation au sujet du système de détention avant jugement, qui permet de fixer de longues périodes de détention en fonction de la peine prévue pour l’infraction dont l’intéressé est accusé (art. 2, 11 et 16).

L’État partie devrait prendre les mesures voulues pour faire en sorte que sa politique de détention avant jugement soit compatible avec le statut de personnes non condamnées des intéressés et soit conforme aux normes internationales, notamment à l’Ensemble de principes pour la protection de toutes les personnes soumises à une forme quelconque de détention ou d’emprisonnement, et qu’il n’ait recours à ce type de détention qu’en tant que mesure exceptionnelle d’une durée limitée. En outre, le Comité encourage l’État partie à appliquer des mesures non privatives de liberté en remplacement de la détention avant jugement.

Avocats parlementaires et mécanisme national de prévention

13)Le Comité note avec préoccupation que des obstacles législatifs et logistiques majeurs entravent le bon fonctionnement du mécanisme national de prévention mis en place conformément au Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Il s’inquiète en particulier du manque de clarté au sujet de ce qui constitue le mécanisme national de prévention (art. 2, 11 et 16).

L’État partie devrait définir clairement ce qui constitue son mécanisme national de prévention et renforcer l’indépendance et les moyens des avocats parlementaires et du mécanisme national de prévention, y compris son Conseil consultatif, pour leur permettre d’effectuer des visites régulières sans préavis dans tous les lieux de détention. Il devrait en particulier:

a) Préciser les dispositions en ce qui concerne le droit des membres du mécanisme national de prévention d’effectuer, sans restriction, des visites régulières et inopinées dans tous les lieux de détention et faire en sorte que tous les membres du conseil consultatif opèrent dans des conditions d’égalité, en tant qu’éléments faisant partie intégrante du mécanisme national de prévention, de façon à lui permettre de s’acquitter efficacement de sa tâche en tant que mécanisme de prévention de la torture;

b) Fournir à l’ensemble du mécanisme national de prévention, y compris au conseil consultatif, un soutien et des ressources suffisantes, notamment dans le domaine logistique et en ce qui concerne les services de secrétariat;

c) Dispenser une formation et prendre les mesures requises pour garantir que toutes les personnes qui effectuent des visites conformément au Protocole facultatif se rapportant à la Convention soient en mesure de s’acquitter de leur tâche consistant à recueillir des renseignements sur le traitement des détenus;

d) Faire en sorte que toutes les personnes participant à l’administration des lieux de détention sachent que tous les membres du mécanisme national de prévention ont le droit d’accéder librement, sans restriction ni supervision à toutes les parties des lieux où des personnes sont privées de liberté sans prévenir de leur visite; ce droit devrait inclure la possibilité pour le mécanisme national de prévention de consulter, s’il le souhaite, les registres de détention, y compris les registres médicaux, compte dûment tenu des droits des personnes concernées;

e) Engager des procédures disciplinaires contre les agents qui entravent le libre accès de toutes les personnes chargées d’effectuer des visites conformément au Protocole facultatif se rapportant à la Convention à tous les lieux où des personnes sont privées de liberté ou qui les empêchent, de toute autre façon, de s’acquitter de leur tâche;

f) Faire en sorte qu’en règle générale, sauf si des raisons impérieuses ayant trait aux droits de l’homme l’interdisent, les rapports et les recommandations établis à la suite de chaque visite du mécanisme national de prévention soient rendus publics et diffusés rapidement sur le site Web du Centre pour les droits de l’homme de la République de Moldova, une fois que les mesures visant à garantir les droits à la sécurité de la personne et au respect de la vie privée des détenus auront été prises et que l’ensemble des membres du mécanisme national de prévention auront donné de façon collégiale leur accord;

g) Prendre d’autres mesures pour sensibiliser le public au problème de la torture et des autres formes de mauvais traitements dans les centres de détention.

Peines appropriées prévues dans le Code pénal pour les actes de torture

14)Le Comité prend acte des efforts de l’État partie qui, par le biais du nouvel article 309/1 du Code pénal, a adopté une définition de la torture qui contient tous les éléments énoncés dans l’article premier de la Convention et a fait de la torture une infraction pénale spécifique, mais il note avec préoccupation que les peines dont sont passibles les auteurs d’actes de torture ne sont pas à la mesure de la gravité de l’infraction et que souvent les personnes reconnues coupables d’actes de torture sont condamnées à des peines avec sursis. Le Comité est également préoccupé par le faible taux de condamnation et de mesures disciplinaires contre les agents chargés de faire respecter la loi, au regard des nombreuses allégations de torture et autres traitements cruels, inhumains et dégradants, ainsi que par le manque d’information publique sur de tels cas (art. 4).

L’État partie devrait faire en sorte que la torture emporte des peines à la mesure de la gravité de l’infraction, comme le prévoit le paragraphe 2 de l’article 4 de la Convention, et que les statistiques sur les condamnations et les mesures disciplinaires soient régulièrement publiées et portées à l’attention du grand public. Le Comité considère que de cette manière l’État partie pourra promouvoir directement le but central de la Convention consistant à prévenir la torture, notamment en sensibilisant chacun, y compris les auteurs, les victimes et la population en général à la gravité du crime et en renforçant l’effet dissuasif de l’interdiction elle-même.

Emploi excessif de la force par les agents de la force publique

15)Le Comité note avec inquiétude les rapports crédibles dénonçant un emploi excessif de la force par les agents chargés de faire respecter la loi, notamment dans le contexte des manifestations qui ont eu lieu après les élections, en avril 2009. Il est particulièrement préoccupé par les informations faisant état d’arrestations arbitraires, d’application de moyens de contrôler la foule inappropriés, notamment de passages à tabac, d’actes de torture et de mauvais traitements infligés à des personnes arrêtées à la suite des manifestations postélectorales (art. 2, 10, 11, 12, 13, 14 et 16).

L’État partie devrait:

a) Mener sans délai des enquêtes impartiales et approfondies sur toutes les plaintes et allégations d’exactions de la part d’agents chargés de faire respecter la loi pendant les manifestations qui ont eu lieu après les élections, en avril 2009, par l’intermédiaire d’un organe indépendant, impartial et crédible − établi conformément aux normes internationales applicables dans ce domaine, en particulier l’Ensemble de principes actualisés pour la protection et la promotion des droits de l’homme par la lutte contre l’impunité − dont les conclusions seraient rendues publiques;

b) Faire en sorte que les agents chargés de faire respecter la loi responsables d’actes de torture et de mauvais traitements sur la personne de manifestants et de détenus, y compris ceux qui occupent des postes de rang élevé, soient poursuivis et, s’ils sont déclarés coupables, soient condamnés à des peines appropriées. Lorsqu’il y a des raisons sérieuses de penser que des actes de torture et des mauvais traitements ont été commis, les fonctionnaires impliqués devraient en règle générale être suspendus ou mutés pendant la durée de l’enquête, en particulier lorsqu’il y a un risque d’interférence;

c) Veiller à ce que des excuses officielles soient faites et à ce qu’une indemnisation appropriée soit accordée à toutes les victimes d’actes de torture et d’autres formes de mauvais traitements commis dans le contexte des manifestations postélectorales d’avril 2009, quelle que soit l’issue des poursuites pénales engagées contre les auteurs, et faire en sorte que des mesures de réadaptation médicale et psychologique appropriées soient prises en faveur des victimes.

16)Le Comité est préoccupé par les informations selon lesquelles la police et d’autres agents chargés de faire respecter la loi étaient masqués et ne portaient pas de plaquette d’identification pendant les manifestations postélectorales d’avril 2009, et des personnes ont été appréhendées par des policiers en civil, ce qui a rendu impossible l’identification des responsables lorsque des plaintes pour torture ou mauvais traitements ont été déposées (art. 12 et 13).

L’État partie devrait adopter et mettre en œuvre des textes législatifs faisant obligation à tous les agents chargés de faire respecter la loi, y compris à la police antiémeute et aux membres des forces spéciales, de porter des plaquettes d’identification, et fournir à tous les agents de la force publique des uniformes permettant de les identifier facilement afin qu’ils rendent compte individuellement de leurs actes, et pour assurer une protection contre les actes de torture et les mauvais traitements.

Formation

17)Le Comité note qu’il existe une gamme étendue de programmes éducatifs à l’intention des membres de la police, des fonctionnaires chargés des enquêtes pénales et des procureurs, du personnel des établissements pénitentiaires, du personnel de l’administration judiciaire et d’autres agents de l’État travaillant dans le domaine des droits de l’homme, mais il regrette le manque de renseignements sur la formation dispensée concernant l’emploi de moyens non violents, le contrôle des foules et l’utilisation de la force et des armes à feu, ainsi que sur tout programme de formation à l’intention des juges, des procureurs, des médecins légistes et du personnel médical qui s’occupent des détenus pour leur permettre de détecter les séquelles physiques et psychologiques de la torture et d’établir la réalité des faits. Le Comité note également avec préoccupation l’absence de programmes conçus pour évaluer l’incidence des activités de formation et déterminer leur efficacité en ce qui concerne la réduction du nombre de cas de torture, de violences et de mauvais traitements (art. 10).

L’État partie devrait:

a) Faire en sorte que tous les agents de la force publique soient convenablement équipés et formés à l’emploi de moyens non violents et apprennent à n’utiliser la force et les armes à feu qu’en cas d’absolue nécessité et de façon proportionnée à la situation. À ce sujet les autorités de l’État partie devraient procéder à un examen approfondi des méthodes de police actuelles, y compris de la formation et du déploiement des agents de la force publique, pour contenir la foule, et de la réglementation de l’emploi de la force et des armes à feu par la police. En particulier, l’État partie devrait envisager d’adopter un manuel sur l’utilisation de la force de manière conforme aux instruments internationaux relatifs à la question, tels que les Principes de base des Nations Unies sur le recours à la force et l’utilisation des armes à feu par les responsables de l’application des lois;

b) Faire également en sorte que tous les personnels concernés et en particulier les personnels médicaux reçoivent une formation spécialisée sur les méthodes de détection des signes de torture et de mauvais traitements et que le Protocole d’Istanbul de 1999 (Manuel pour enquêter efficacement sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants) fasse partie intégrante du programme de formation;

c) Élaborer et appliquer une méthode pour évaluer l’efficacité et l’incidence de tous les programmes de formation et d’enseignement pour la réduction des cas de torture, de violence et de mauvais traitements.

Conditions de détention

18)Le Comité accueille avec satisfaction la modification apportée au Code pénal en décembre 2008 en vertu de laquelle les peines minimales et maximales ont été réduites, un réexamen général des peines et des situations de récidive a été lancé et des mesures de substitution à l’emprisonnement ont été adoptées, ce qui a contribué à faire diminuer la population carcérale dans l’État partie. Il relève en outre avec satisfaction les travaux de reconstruction, de rénovation et d’entretien entrepris dans plusieurs établissements pénitentiaires depuis 2007. En dépit des efforts de l’État partie pour améliorer les conditions de détention, le Comité demeure préoccupé par le surpeuplement dans certains établissements et par les conditions de détention qui demeurent mauvaises (ventilation et éclairage insuffisants, installations sanitaires et d’hygiène laissant à désirer et accès insuffisant aux soins de santé). Il est aussi préoccupé par les informations faisant état de violences entre prisonniers, notamment de violences sexuelles, et d’actes d’intimidation dans les lieux de détention (art. 10).

L’État partie devrait:

a) Prendre les mesures nécessaires pour désengorger les établissements pénitentiaires, notamment en appliquant des peines de substitution à l’emprisonnement et en lançant, de sa propre initiative, une révision des peines prononcées pour les rendre conformes aux modifications apportées au Code pénal en décembre 2008. Il devrait continuer d’allouer les ressources matérielles, humaines et financières nécessaires pour que les conditions de détention puissent satisfaire aux normes internationales minimales;

b) Prendre rapidement sans délai des mesures concrètes pour protéger les détenus contre la violence entre prisonniers. En outre, il devrait mettre en place et promouvoir un dispositif efficace pour recueillir les plaintes concernant la violence sexuelle, y compris dans les lieux de détention, et faire en sorte que le personnel chargé du maintien de l’ordre reçoive une formation au sujet de l’interdiction absolue de la violence sexuelle et du viol en détention en tant que formes de torture, ainsi qu’aux moyens de recueillir ce type de plaintes.

Plaintes et enquêtes promptes, efficaces et impartiales

19)Le Comité est préoccupé:

a)Par le petit nombre d’enquêtes qui ont été menées par l’État partie au regard du grand nombre de cas de torture et de mauvais traitements imputés aux services de répression qui ont été signalés et par le très petit nombre de poursuites et de condamnations auxquelles ces enquêtes ont abouti;

b)Par le fait que la fonction double des autorités de poursuites chargées des poursuites d’une part, et du contrôle de la bonne conduite des enquêtes d’autre part, constitue un obstacle majeur à l’impartialité des enquêtes sur les allégations de tortures et d’autres formes de mauvais traitements imputées à la police;

c)Par l’absence d’une autorité indépendante, sans lien avec l’organe chargé de l’enquête ou des poursuites dans la procédure pénale engagée contre la victime présumée de torture et de mauvais traitements, qui pourrait enquêter d’office, sans délai et de manière approfondie, sur toutes les allégations de tortures et de mauvais traitements imputés à la police;

d)De ce que, ainsi que le reconnaît l’État partie, le Comité des plaintes institué en vertu de l’article 177 du Code d’application des peines n’est pas habilité à contrôler la manière dont les détenus sont traités pour déceler l’application de tortures ou de traitements inhumains ou dégradants par le personnel pénitentiaire (CAT/C/MDA/Q/2Add.1, par. 254);

e)De ce que, comme le reconnaît l’État partie, il est fréquent que les enquêtes ne confirment pas que les victimes présumées dans des affaires pénales ont été maltraitées par des policiers et en pareil cas le parquet met fin aux poursuites en raison de l’absence de preuve montrant qu’une infraction a été commise (CAT/C/MDA/Q/2/Add.1, par. 46). Outre que les signes physiques de la torture sont plus difficiles à constater à mesure que le temps passe, le Comité est préoccupé par les informations indiquant que les enquêtes peuvent ne pas être assez poussées au motif que le bureau du Procureur serait dans l’impossibilité de prouver qu’un crime de torture a été commis;

f)Par les informations faisant état de mesures d’intimidation et de représailles que subissent ceux qui signalent des cas de torture ou de mauvais traitements, notamment les médecins et avocats. Le Comité note avec une préoccupation particulière qu’en juin 2006 le bureau du Procureur général a adressé une lettre au Collège des avocats dans laquelle il lui recommandait d’examiner les activités de certains jeunes avocats qui «ternissent l’image de la Moldova» en envoyant des «informations non vérifiées faisant état d’actes de torture» à des organisations internationales «en violation des procédures nationales en matière de droits de l’homme» (art. 11, 12 et 13).

L’État partie devrait renforcer les mesures prises pour garantir que soient menées sans délai des enquêtes impartiales et efficaces sur toute allégation d’actes de torture ou de mauvais traitements imputés à des agents des forces de l’ordre, au personnel de sécurité, à l’armée ou au personnel pénitentiaire, y compris à des personnes occupant des fonctions de commandement. En particulier:

a) Ces enquêtes ne devraient pas être menées par le bureau du Procureur général ou sous son autorité ou par tout autre organe chargé de faire appliquer la loi, ou sous l’autorité de celui-ci, mais par un organe indépendant. Dans le cas où il existe de fortes présomptions d’actes de torture ou de mauvais traitements, le suspect devrait en règle générale être suspendu de ses fonctions ou muté pendant la durée de l’enquête, pour éviter qu’il ne l’entrave ou ne l’empêche ou continue de perpétrer des actes constituant une violation de la Convention;

b) Mener des enquêtes sur les actes de torture et les mauvais traitements, poursuivre les auteurs présumés et condamner à des peines appropriées ceux qui sont reconnus coupables;

c) L’État partie devrait modifier le Code de procédure pénale de manière que soit spécifié un délai dans lequel des mesures devraient être prises pour ouvrir une enquête pénale sur toute allégation crédible de torture et de mauvais traitements, et indiquer clairement que les effets physiques et mentaux, ponctuels ou cumulés, du traitement ou de la peine, devraient être examinés;

d) Des mesures efficaces devraient être adoptées pour garantir que les personnes qui dénoncent des actes de torture ou des mauvais traitements, notamment les médecins et les avocats, soient protégées contre toute intimidation et risque de représailles pour avoir dénoncé ces actes. En particulier, la lettre adressée par le bureau du Procureur au Collège des avocats en juin 2006 devrait être d’urgence désavouée publiquement et les garanties nécessaires devraient être mises en place pour empêcher que des violations analogues ne se produisent à l’avenir.

Réparation, y compris indemnisation et réadaptation

20)Le Comité constate que si la loi de 1998 sur la procédure d’indemnisation des dommages causés par des actes illégaux commis par des organes de poursuites pénales, des bureaux de procureurs et des tribunaux et l’article 1405 du Code civil contiennent des dispositions concernant le droit des victimes à une indemnisation, aucune loi explicite ne prévoit pleine réparation, y compris une forme ou une autre de traitement psychosocial et de réadaptation. Le Comité regrette l’absence de statistiques centralisées sur le nombre des victimes d’actes de torture et de mauvais traitements qui ont pu être indemnisées ainsi que sur les sommes versées (CAT/C/MDA/Q/2/Add.1, par. 294 et 295), et l’absence d’informations sur toute autre forme d’assistance, y compris en matière de réadaptation médicale ou psychosociale, fournie aux victimes d’actes de torture et de mauvais traitements. Il regrette également l’absence d’informations sur les mesures prises par l’État partie pour donner effet aux arrêts dans lesquels la Cour européenne des droits de l’homme constate que la République de Moldova a violé l’article 3 de la Convention européenne, et sur l’indemnisation accordée aux victimes (art. 14).

L’État partie devrait:

a) Intensifier ses efforts pour assurer une réparation et une indemnisation aux victimes de torture et de mauvais traitements, y compris en ce qui concerne les moyens de leur assurer une réadaptation aussi complète que possible, et développer les services de santé et de réadaptation à leur intention;

b) Prendre des mesures pour donner effet aux arrêts dans lesquels la Cour européenne des droits de l’homme constate que la République de Moldova a violé l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme;

c) Faire figurer dans son prochain rapport périodique des informations sur tout programme de réparation, ainsi que les programmes de traitement des traumatismes et d’autres formes de réadaptation assurés aux victimes de tortures et de mauvais traitements, et sur l’allocation de ressources suffisantes pour garantir le fonctionnement efficace de ces programmes. L’État partie est encouragé à adopter la législation nécessaire, à constituer un fonds national pour les victimes de la torture et à allouer des ressources financières suffisantes pour garantir son fonctionnement effectif.

Aveux sous la contrainte

21)Le Comité note que le paragraphe 1 de l’article 94 du Code de procédure pénale interdit de considérer comme recevables les éléments de preuve obtenus par la torture, mais il est préoccupé par le fait que plusieurs cas d’aveux obtenus par la torture et les mauvais traitements ont été rapportés et par le manque d’informations concernant les fonctionnaires qui peuvent avoir été poursuivis et punis pour avoir obtenu des aveux de cette manière (art. 15).

L’État partie devrait prendre les mesures nécessaires pour garantir l’irrecevabilité en justice des aveux obtenus par la torture et les mauvais traitements, en toutes circonstances, conformément à la législation nationale et aux dispositions de l’article 15 de la Convention. Il devrait en particulier améliorer les méthodes d’enquête pénale pour mettre fin aux pratiques par lesquelles les aveux constituent la preuve principale et centrale dans les poursuites pénales, parfois en l’absence de tout autre moyen de preuve. Le Comité demande à l’État partie de lui faire parvenir des informations sur l’application des dispositions qui interdisent d’admettre des preuves obtenues sous la contrainte et d’indiquer si des agents de l’État ont été poursuivis et punis pour avoir arraché des aveux de cette manière.

Traite des êtres humains

22)Le Comité relève avec satisfaction la diversité des mesures législatives, politiques et autres, et notamment l’adoption en octobre 2005 de la loi no 241‑XVI visant à prévenir et à combattre la traite des êtres humains et la création du Centre de réadaptation des victimes de la traite des êtres humains. Toutefois, il est préoccupé par la persistance d’informations selon lesquelles l’État partie continue d’être un pays d’origine et de transit pour la traite, en particulier des femmes et des enfants (art. 2, 10, 12 et 16).

L’État partie devrait continuer de renforcer les efforts qu’il déploie pour combattre la traite des femmes et des enfants et prendre des mesures efficaces pour poursuivre et punir les responsables présumés, notamment en appliquant strictement la législation pertinente, en menant des actions de sensibilisation et en dispensant une formation aux membres des forces de l’ordre et à d’autres groupes concernés. L’État partie devrait également appliquer plus largement les mesures visant à favoriser la réinsertion sociale des victimes et à permettre un accès véritable aux soins de santé et à une prise en charge psychologique.

Violence dans la famille

23)Le Comité prend acte des diverses mesures adoptées par l’État partie, y compris la décision prise le 25 septembre 2009 par un tribunal d’Anenii Noi concernant la délivrance d’une ordonnance de protection en faveur de la victime dans une affaire de violence au foyer, mais il demeure préoccupé par la violence dont les femmes et les enfants sont toujours victimes, y compris au sein de la famille, par la rareté des mesures d’intervention de la part de la justice, par le petit nombre et la capacité limitée des foyers d’accueil pour les victimes de la violence dans la famille, et par les informations selon lesquelles la violence au foyer est considérée comme justifiant l’intervention de la police uniquement s’il en est résulté des blessures graves (art. 2, 13 et 16).

L’État partie devrait faire appliquer la loi visant à prévenir et à combattre la violence dans la famille et apporter une aide aux victimes en créant des nouveaux foyers, en faisant en sorte qu’elles bénéficient d’une prise en charge psychologique gratuite et en prenant toute autre mesure nécessaire pour les protéger. Le Comité invite instamment l’État partie à lutter contre l’impunité dans ce domaine, à prendre des mesures de prévention appropriées et à dispenser une formation sur la façon de traiter les cas de violence au foyer à tous les professionnels qui interviennent dans ce genre d’affaires, c’est-à-dire les policiers, les procureurs, les juges et les travailleurs sociaux, en mettant l’accent sur les aspects de la violence familiale liés au sexe. L’État partie devrait également fournir des informations, dans son prochain rapport, sur les cas de violence familiale, sur les mesures prises pour lutter contre celle-ci, notamment la délivrance d’ordonnances d’interdiction temporaire et sur les effets éventuels de ces mesures.

Placement en détention forcée des personnes atteintes de tuberculose

24)Le Comité note avec préoccupation que, en vertu d’un règlement promulgué en août 2009, les personnes atteintes de tuberculose peuvent être placées de force en détention dans les cas où elles sont réputées «se soustraire au traitement». En particulier, la réglementation est peu claire en ce qui concerne ce que l’on entend par «se soustraire au traitement» et ne prévoit pas, notamment, de garanties suffisantes quant à l’accès régulier à un conseil juridique, sur demande, aux droits procéduraux, concernant notamment le réexamen régulier des raisons de la mise en détention et du maintien en détention prolongée, au respect de la vie privée, de la vie familiale et de la correspondance, à la confidentialité, à la protection des données, à la non-discrimination et à la non-stigmatisation (art. 16).

L’État partie devrait réexaminer d’urgence le règlement relatif à la détention forcée des personnes atteintes de tuberculose, ainsi que les politiques connexes et rendre celles-ci conformes à la Convention, notamment en garantissant un examen régulier et indépendant des mesures de placement en détention, la confidentialité, le respect de la vie privée ainsi que la non-discrimination dans leur application.

Violence dans les forces armées

25)Le Comité donne à l’État partie acte des progrès réalisés en ce qui concerne la baisse du nombre de cas de bizutage dans les forces armées (dedovshchina) et des mesures prises pour lutter contre ce type de pratique, mais il demeure préoccupé par la persistance des cas de torture et d’autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants dans les forces armées (art. 2 et 16).

L’État partie devrait:

a) Prendre des mesures efficaces pour faire disparaître la pratique du bizutage dans les forces armées, renforcer les mesures de prévention et garantir que des enquêtes impartiales et efficaces soient menées sans délai et les responsables soient poursuivis et rendre publics les résultats de ces enquêtes;

b) Assurer la réadaptation des victimes, en veillant notamment à ce qu’elles bénéficient d’une aide médicale et psychologique appropriée.

Établissements psychiatriques

26)Le Comité est préoccupé par la façon dont les personnes atteintes de troubles mentaux sont traitées, et notamment par le manque de garanties juridiques et les mauvaises conditions de vie dans les lieux où des personnes hospitalisées d’office sont placées, ainsi que par l’absence de contrôle indépendant dans ces lieux de privation de liberté (art. 11 et 16).

L’État partie devrait améliorer les conditions de vie des patients dans les établissements psychiatriques et veiller à ce que tous les lieux où sont hospitalisés d’office des patients souffrant de troubles mentaux fassent l’objet d’inspections régulières par des organismes de surveillance indépendants, afin que soient correctement appliquées les garanties prévues pour protéger les droits des patients, et que d’autres formes de traitement soient mises en place.

Minorités et groupes marginalisés

27)Le Comité relève avec préoccupation des informations faisant état de violence et de haine à l’égard des minorités, en particulier des Roms, et d’autres groupes vulnérables en République de Moldova, y compris des propos haineux et des manifestations d’intolérance dont les homosexuels auraient été récemment la cible (art. 16).

Le Comité rappelle, à la lumière de son Observation générale n o 2 sur l’application de l’article 2 (CAT/C/GC/2, 2008), que la protection spéciale des minorités ou des personnes ou groupes marginalisés particulièrement vulnérables fait partie de l’obligation de prévenir la torture et les mauvais traitements. À cet égard, l’État partie devrait:

a) Introduire dans le Code pénal une infraction visant les crimes motivés par la haine en tant qu’actes d’intolérance et d’incitation à la haine et à la violence fondés sur l’orientation sexuelle. En outre, l’État partie devrait continuer à exercer sa vigilance et à veiller à ce que les mesures administratives et juridiques existantes soient strictement observées et à ce que les programmes de formation ainsi que les directives administratives rappellent en permanence au personnel que l’incitation à la haine et à la violence ne sera pas tolérée et sera dûment sanctionnée;

b) Fournir des renseignements et des statistiques détaillés sur le nombre et le type de crimes motivés par la haine ainsi que sur les mesures judiciaires et administratives prises pour enquêter sur ce genre de crime, et poursuivre leurs auteurs, ainsi que sur les condamnations prononcées.

Collecte de données

28)Le Comité demande à l’État partie de faire figurer dans son prochain rapport périodique des statistiques détaillées, ventilées par infraction, condamnation, origine ethnique, âge et sexe, sur le nombre de personnes privées de liberté, sur les plaintes relatives aux actes de torture et aux mauvais traitements imputés à des membres des forces de l’ordre, sur les enquêtes menées à cet égard, les poursuites engagées et les sanctions pénales ou disciplinaires prononcées, ainsi que sur les personnes en détention avant jugement et les prisonniers condamnés. Le Comité demande en outre des informations sur l’indemnisation et la réadaptation assurées aux victimes.

29)Le Comité recommande à l’État partie d’envisager de faire les déclarations prévues aux articles 21 et 22 de la Convention.

30)Le Comité recommande à l’État partie d’envisager d’adhérer à la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, à la Convention relative au statut des apatrides et à la Convention sur la réduction des cas d’apatridie. Il l’encourage également à ratifier la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, la Convention relative aux droits des personnes handicapées et le Statut de Rome de la Cour pénale internationale.

31)Le Comité invite l’État partie à soumettre son document de base en suivant les instructions relatives à l’établissement du document de base commun figurant dans les directives harmonisées pour l’établissement des rapports, approuvées par les organes créés en vertu d’instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme (HRI/GEN/2/Rev.5).

32)L’État partie est encouragé à diffuser largement les rapports qu’il a soumis au Comité, ses réponses à la liste des points à traiter, les comptes rendus analytiques de séance et les conclusions et recommandations du Comité, dans les langues voulues, par le biais des sites Web officiels, des médias et des organisations non gouvernementales.

33)Le Comité demande à l’État partie de lui faire parvenir, dans un délai d’un an, des renseignements sur la suite qu’il aura donnée aux recommandations formulées aux paragraphes 13, 15, 16, 20 et 24.

34)L’État partie est invité à soumettre son prochain rapport périodique, qui sera le troisième, le 20 novembre 2013 au plus tard.

54. Slovaquie

1)Le Comité contre la torture a examiné le deuxième rapport périodique de la Slovaquie (CAT/C/SVK/2) à ses 899e et 901e séances (CAT/C/SR.899 et 901), les 3 et 4 novembre 2009, et a adopté à sa 916e séance (CAT/C/SR.916), le 16 novembre 2009, les observations finales ci-après.

A.Introduction

2)Le Comité accueille avec satisfaction la présentation du deuxième rapport périodique de la Slovaquie, qui couvre la période allant du 1er janvier 2001 au 31 décembre 2006 et qui est conforme aux directives pour la présentation des rapports, ainsi que les réponses à la liste de points à traiter (CAT/C/SVK/Q/2/Add.1) qui ont fourni un complément d’information sur les mesures prises par l’État partie pour mettre en œuvre la Convention. Le Comité prend également note avec satisfaction du dialogue constructif tenu avec la délégation de haut niveau de l’État partie.

B.Aspects positifs

3)Le Comité relève avec satisfaction:

a)Le fait que les instruments internationaux l’emportent sur les lois de la Slovaquie;

b)La ratification des protocoles facultatifs à la Convention relative aux droits de l’enfant, à savoir, en 2004, le Protocole concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants et, en 2006, le Protocole concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés;

c)La ratification du Statut de Rome de la Cour pénale internationale le 11 avril 2002;

d)Les révisions législatives visant à améliorer le respect des engagements que l’État partie a souscrits en vertu de la Convention, comme l’adoption du nouveau Code pénal no 300/2005, du nouveau Code de procédure pénale no 301/2005, de la loi no 475/2005 sur l’exécution des peines d’emprisonnement et de la loi no 221/2006 sur le régime de la détention provisoire;

e)La création en 2001 du défenseur public des droits (bureau du Médiateur).

4)Le Comité se félicite aussi de la décision prise par la Cour constitutionnelle le 26 juin 2008 de ne pas renvoyer M. Mustapha Labsi en Algérie, au motif qu’il risquait d’y être soumis à la torture.

C.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Définition de la torture

5)Tout en notant la large définition de la torture figurant dans le Code pénal slovaque, le Comité est préoccupé par le fait que cette définition n’inclut pas la notion de discrimination et ne vise pas l’instigation ou le consentement exprès ou tacite d’un agent de la fonction publique ou de toute autre personne agissant à titre officiel, comme éléments de cette définition (art. 1er).

L’État partie devrait mettre sa définition de la torture en conformité avec l’article premier de la Convention, en y incluant l’élément de discrimination et en incriminant l’instigation ou le consentement exprès ou tacite d’un agent de la fonction publique ou de toute autre personne agissant à titre officiel.

Garanties fondamentales

6)Le Comité est préoccupé par le fait que les personnes en garde à vue ne peuvent exercer leur droit de prendre contact avec un membre de leur famille et d’avoir accès à un médecin indépendant et à un avocat que «dès que possible», et non dès le début de leur détention (art. 2).

L’État partie devrait faire en sorte que les personnes en garde à vue puissent exercer leur droit de prendre contact avec un membre de leur famille et aient accès à un médecin indépendant, de préférence de leur choix, et à un avocat dès le début de leur privation de liberté.

Indépendance de la justice

7)Le Comité est préoccupé par le fait que les juges sont nommés par le Président de la République slovaque sur proposition du Conseil de la magistrature, dès lors que certains des membres du Conseil de la magistrature sont nommés et révoqués par le Président de la République et le Gouvernement (art. 2).

L’État partie devrait garantir la pleine indépendance et impartialité de la justice, y compris pour les nominations et révocations de juges. À cet égard, le Comité rappelle les Principes fondamentaux relatifs à l’indépendance de la magistrature adoptés à Milan en 1985 et approuvés par l’Assemblée générale dans ses résolutions 40/32 et 40/146 de 1985.

Non-refoulement et risque de torture

8)Le Comité est préoccupé par le fait que, selon l’article 13 de la loi relative à l’asile, les personnes considérées comme représentant une menace pour la sécurité nationale ou un danger pour la collectivité ne sont pas protégées par le principe de non-refoulement, ce qui peut exposer ces personnes à un risque de torture ou d’autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Il est en outre préoccupé par le très faible taux de succès des demandes d’asile (art. 3).

L’État partie devrait adopter d’urgence les mesures nécessaires, notamment juridiques, en vue d’assurer la protection des droits de l’ensemble des demandeurs d’asile et des personnes demandant le statut de réfugié. En outre, l’État partie devrait appliquer le principe de non-refoulement sans aucune discrimination ni exception.

Plaintes, enquêtes et condamnations

9)Le Comité note que le Bureau des services d’inspection relève du Ministre de l’intérieur et est censé être indépendant de la police mais constate avec préoccupation que les enquêtes sur les allégations d’actes illicites, y compris de torture et de mauvais traitements, commis par la police, sont effectuées par des fonctionnaires de police du Bureau des services d’inspection. À cet égard, le Comité est préoccupé par le fait que très peu de plaintes portées contre des fonctionnaires de police sont acceptées, donnent lieu à une enquête et aboutissent à des poursuites et des condamnations (art. 12 et 13).

L’État partie devrait encore renforcer l’indépendance du Bureau des services d’inspection, en y incluant notamment des experts indépendants extérieurs à la police, et faire en sorte que les allégations de torture et d’autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants fassent l’objet d’enquêtes impartiales, approfondies et efficaces.

Mécanisme indépendant de surveillance

10)Le Comité regrette le manque d’information quant à l’existence éventuelle, dans l’État partie, d’un organe indépendant habilité, entre autres, à procéder à des visites inopinées de tous les lieux de privation de liberté, y compris les commissariats de police et centres de détention provisoire (art. 2, 11 et 16).

L’État partie devrait garantir une surveillance pleinement indépendante et régulière, y compris par des visites inopinées, de tous les lieux de privation de liberté. Il devrait en outre veiller à ce que tout mécanisme établi à cette fin, à l’échelon local ou national, soit doté d’un mandat approprié et de ressources suffisantes.

Formation

11)Le Comité prend note des efforts de l’État partie en ce qui concerne la formation des agents de la force publique. Il s’inquiète toutefois de l’efficacité de cette formation, en raison du nombre élevé d’allégations de harcèlement et de mauvais traitements lors des arrestations et des gardes à vue, en particulier de suspects roms. Il est en outre préoccupé par le fait que les programmes destinés à former le personnel médical à la détection et au signalement de cas de torture, conformément au Protocole d’Istanbul, pourraient être insuffisants (art. 10 et 11).

L’État partie devrait:

a) Inclure dans les modules de formation sur les règles, instructions et méthodes d’interrogatoire, des renseignements sur toutes les dispositions de la Convention et en particulier sur l’interdiction absolue de la torture;

b) Faire en sorte que le personnel participant au traitement des détenus soit formé sur la manière de déceler des signes de torture et de traitement cruel, inhumain ou dégradant, conformément au Protocole d’Istanbul, et renforcer la formation sur le Protocole d’Istanbul de tous les professionnels qui participent aux enquêtes et à la collecte de preuves sur des cas de torture;

c) Évaluer régulièrement la formation dispensée aux agents de la force publique.

Justice pour mineurs

12)Le Comité est préoccupé par les conditions de détention des mineurs, comme le régime d’isolement cellulaire pouvant aller jusqu’à dix jours, et le placement de détenus mineurs en détention provisoire avec des adultes (art. 11 et 16).

Conformément aux observations finales de 2007 du Comité des droits de l’enfant (CRC/C/SVK/CO/2, par. 68), le Comité recommande à l’État partie:

a) De mettre en œuvre l’Ensemble de règles minima des Nations Unies concernant l’administration de la justice pour mineurs (Règles de Beijing), adopté en 1985, et les Règles des Nations Unies pour la protection des mineurs privés de liberté (Règles de La Havane), adoptées en 1990;

b) De faire en sorte que les mineurs ne soient placés en détention qu’en dernier recours et dans le strict respect de la loi, et de garantir le réexamen régulier des conditions de détention des mineurs;

c) D’instituer un programme de formation de juges spécialisés pour les mineurs, notamment sur l’application de mesures non privatives de liberté;

d) Si nécessaire, de solliciter l’assistance technique et d’autres formes de coopération du Groupe interinstitutions sur la justice pour mineurs.

Allégations de torture et de mauvais traitements durant la garde à vue

13)Le Comité est préoccupé par les sérieuses allégations de mauvais traitements infligés à des détenus par les agents des forces de l’ordre (gifles, coups de poing, coups de pied ou autres coups assénés avec des objets durs notamment), ainsi que par le décès d’un homme en 2001 après un interrogatoire brutal par la police. Il est en outre préoccupé par la pratique consistant à menotter des détenus et à les attacher pendant de longues périodes à des fixations dans un couloir ou un bureau (art. 12 et 16).

L’État partie devrait prendre les mesures appropriées pour que des enquêtes soient conduites promptement et de manière impartiale sur toutes les allégations de torture ou de traitements cruels, inhumains ou dégradants, que les auteurs de tels actes soient dûment poursuivis et, si leur culpabilité est établie, qu’ils soient condamnés à des peines tenant compte de la gravité de leurs actes, et que les victimes reçoivent une réparation suffisante, y compris les moyens nécessaires à leur pleine réadaptation. L’État partie devrait en outre mettre fin à la pratique consistant à menotter les détenus pour de longues périodes, ainsi qu’à tout autre mauvais traitement de suspects durant la détention.

Stérilisation de femmes roms

14)Le Comité est profondément préoccupé par les allégations concernant la persistance de la pratique des stérilisations forcées sur les femmes roms.

L’État partie devrait:

a) Prendre d’urgence des mesures pour faire ouvrir sans délai des enquêtes impartiales et approfondies sur toutes les allégations de stérilisation forcée de femmes roms , poursuivre et sanctionner les auteurs de ces actes et garantir aux victimes une réparation juste et adéquate;

b) Mettre effectivement en application la loi sur les soins de santé de 2004, en publiant des lignes directrices et en dispensant une formation aux agents de l’État, notamment sur la responsabilité pénale du personnel médical pratiquant des stérilisations sans le consentement libre et éclairé des femmes concernées, et sur la manière de recueillir un tel consentement.

La minorité rom

15)Le Comité est préoccupé par les informations faisant état de mauvais traitements infligés à des suspects roms par des fonctionnaires de police lors de leur arrestation et de leur garde à vue. Il s’inquiète aussi du pourcentage élevé d’enfants roms placés dans des écoles pour enfants déficients mentaux. Il est en outre préoccupé par la discrimination à l’encontre de la minorité rom qui se traduit par des violations des droits protégés par la Convention (art. 10 et 16).

Le Comité rappelle, compte tenu de son Observation générale n o 2 sur l’application de l’article 2 (CAT/C/GC/2), que la protection spéciale de certaines personnes ou populations minoritaires ou marginalisées particulièrement exposées à un risque fait partie de l’obligation de prévenir la torture et les mauvais traitements. À cet égard, l’État partie devrait:

a) Intensifier ses efforts pour lutter contre la maltraitance de détenus roms en garantissant l’exercice des droits qui leur sont reconnus par la loi dès le début de leur détention;

b) Faire appliquer la loi scolaire n o 245/2008 en veillant à ce que les enfants roms soient admis dans l’enseignement général, à moins qu’un examen en bonne et due forme ait conclu que l’enfant est atteint d’une déficience mentale et que le représentant légal de l’enfant ait demandé le placement de celui-ci dans un établissement scolaire spécialisé. Il devrait en particulier dissocier la notion de «désavantage social» de celle de «déficience mentale».

Réparation, indemnisation et réadaptation

16)Le Comité regrette l’absence de programme spécifique visant à mettre en œuvre les droits à réparation et à indemnisation, y compris à réadaptation, des victimes de torture et de mauvais traitements. Le Comité déplore aussi l’absence de renseignements concernant le nombre de victimes d’actes de torture ou de mauvais traitements susceptibles d’avoir reçu une indemnisation et les montants alloués dans ces cas, ainsi que les autres formes d’assistance offertes aux victimes, comme une aide médicale ou des mesures de réadaptation psychosociale (art. 14).

L’État partie devrait faire en sorte que les victimes de torture ou d’autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants puissent exercer leurs droits à réparation et indemnisation, y compris la réadaptation, et obtenir une indemnisation équitable et adéquate ainsi que les moyens nécessaires à leur réadaptation la plus complète possible. Il devrait également collecter des données sur le nombre de victimes qui ont reçu une indemnisation et d’autres formes d’assistance.

Violence contre les femmes et les enfants

17)Le Comité est préoccupé par l’insuffisance des mesures prises pour protéger les femmes et les enfants contre la violence. À cet égard, il partage la préoccupation exprimée par le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes (CEDAW/C/SVK/CO/4, par. 20) à propos du taux élevé de violences à l’égard des femmes et des filles, y compris du nombre de féminicides résultant de la violence dans les ménages (art. 16).

L’État partie devrait:

a) Intensifier ses efforts pour que des mesures de protection urgentes et efficaces soient mises en place, que des enquêtes impartiales soient ouvertes sans délai sur toutes les allégations de violence contre les femmes et les filles, y compris les féminicides commis dans la famille, et les auteurs de ces actes soient poursuivis et punis;

b) Créer des centres d’accueil et des services de conseil pour les femmes victimes de violence, en nombre suffisant et répondant aux normes pertinentes;

c) Élargir les campagnes de sensibilisation et la formation à propos de la violence domestique à l’intention des juges, procureurs, avocats, agents de la force publique et travailleurs sociaux, ainsi que pour le grand public;

d) Prendre les mesures nécessaires pour renforcer la coopération avec les organisations non gouvernementales qui s’emploient à protéger les femmes et les filles contre la violence.

Châtiments corporels

18)Le Comité est préoccupé par le fait que l’interdiction des châtiments corporels n’est pas expressément inscrite dans la loi sur la famille et que les châtiments corporels sont largement admis dans la société (art. 16).

L’État partie devrait expressément interdire les châtiments corporels au sein de la famille. Il devrait en outre veiller à la stricte application de la législation interdisant les châtiments corporels et organiser des campagnes de sensibilisation et d’éducation à cet effet.

Traite des personnes

19)Le Comité est préoccupé par des informations faisant état de la traite transfrontalière de femmes à des fins d’exploitation sexuelle et autre, ainsi que de la traite d’enfants roms vers l’étranger, en particulier aux fins de mendicité forcée. Le Comité est en outre préoccupé par la traite interne de femmes et d’enfants roms. Il déplore l’absence de statistiques sur ces questions, le faible nombre de poursuites engagées et le recours fréquent à des peines avec sursis contre les auteurs de ces faits. Le Comité est en outre préoccupé par l’insuffisance des services de réinsertion et de réadaptation pour les victimes de la traite (art. 16).

L’État partie devrait:

a) Faire procéder à des enquêtes rapides et impartiales sur toutes les allégations de traite d’êtres humains, en particulier les femmes et les enfants, poursuivre les auteurs présumés de tels actes et condamner les coupables aux peines appropriées;

b) Intensifier ses efforts visant à offrir des services de réinsertion et de réadaptation aux victimes;

c) Mener des campagnes nationales de sensibilisation et dispenser aux agents des forces de l’ordre, aux fonctionnaires de l’immigration et à la police des frontières une formation sur les causes et les conséquences de la traite d’êtres humains et sur l’incidence du phénomène.

Établissements psychiatriques

20)Le Comité est préoccupé par les mauvais traitements infligés aux patients dans les établissements psychiatriques, notamment l’emploi de lits à grillage, ainsi que par l’absence de contrôle indépendant de tels lieux de privation de liberté (art. 11 et 16).

L’État partie devrait améliorer les conditions de vie des patients dans les établissements psychiatriques et veiller à ce que tous les lieux où séjournent pour un traitement non volontaire des patients souffrant de troubles mentaux fassent l’objet d’inspection régulières par des organismes de surveillance indépendants, afin que soient correctement appliquées les garanties prévues pour protéger les droits des patients, et que d’autres formes de traitement soient mises en place.

Collecte de données

21)Le Comité prie l’État partie de fournir dans son prochain rapport périodique des données statistiques détaillées, ventilées par infraction, condamnation, origine ethnique, âge et sexe, sur le nombre de personnes privées de liberté; sur les plaintes relatives à des actes de torture et des mauvais traitements qui auraient été commis par des agents des forces de l’ordre; sur les enquêtes, les poursuites et les sanctions pénales ou disciplinaires correspondantes; et sur les personnes en détention provisoire et les détenus condamnés. Le Comité demande en outre des renseignements sur l’indemnisation accordée et les moyens de réadaptation offerts aux victimes.

22)Le Comité engage l’État partie à ratifier le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture.

23)Le Comité invite l’État partie à devenir partie aux principaux instruments des Nations Unies relatifs aux droits de l’homme auxquels il n’est pas encore partie, à savoir: la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille et la Convention relative aux droits des personnes handicapées. Le Comité invite l’État partie à ratifier la Convention internationale pour la protection des droits de toutes les personnes contre les disparitions forcées.

24)L’État partie est encouragé à diffuser largement ses rapports au Comité et les observations finales et comptes rendus analytiques du Comité par l’intermédiaire des sites Web officiels, auprès des médias et des organisations non gouvernementales.

25)Le Comité invite l’État partie à soumettre son document de base en suivant les instructions relatives à l’établissement du document de base commun qui figurent dans les directives harmonisées pour l’établissement des rapports, approuvées par les organes créés en vertu d’instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme (HRI/GEN/2/Rev.5).

26)Le Comité prie l’État partie de lui communiquer, dans un délai d’un an, des informations sur la suite donnée à ses recommandations figurant aux paragraphes 8, 13, 14 et 15 ci-dessus.

27)L’État partie est invité à soumettre son prochain rapport périodique, qui sera le troisième, au plus tard le 20 novembre 2013.

55. Espagne

1)Le Comité contre la torture a examiné le cinquième rapport périodique de l’Espagne (CAT/C/ESP/5) à ses 913e et 914e séances (CAT/C/SR.913 et 914), les 12 et 13 novembre 2009, et a adopté à sa 923e séance, le 19 novembre (CAT/C/SR.923), les observations finales ci-après.

A.Introduction

2)Le Comité accueille avec satisfaction le cinquième rapport périodique de l’Espagne, qui suit les directives pour la présentation des rapports, ainsi que les réponses apportées à la liste des points à traiter. Il relève aussi avec satisfaction les efforts constructifs consentis par la délégation plurisectorielle de l’État partie pour apporter des renseignements et des explications supplémentaires au cours du dialogue.

B.Aspects positifs

3)Le Comité accueille avec satisfaction la ratification des instruments internationaux ci-après:

a)Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (4 avril 2006);

b)Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées (24 septembre 2009);

c)Convention relative aux droits des personnes handicapées et Protocole facultatif se rapportant à la Convention (3 décembre 2007);

d)Convention du Conseil de l’Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains (2 avril 2009).

4)Le Comité relève avec satisfaction les efforts que l’État partie continue de déployer pour réviser la législation, les politiques et les procédures en vue de garantir une meilleure protection des droits de l’homme, en particulier du droit de ne pas être soumis à la torture ni à d’autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, en particulier:

a)L’adoption de la loi de mémoire (loi no52/2007), du 26 décembre, par laquelle l’État reconnaît et étend les droits et prévoit des mesures en faveur des personnes qui ont souffert de persécutions ou de violences pendant la guerre civile et la dictature, y compris le droit d’obtenir une déclaration de réparation;

b)La révision de l’article 154 du Code civil, tendant à supprimer explicitement tout doute ou lacune pouvant excuser toute forme de violence ou de châtiment corporel sur les enfants;

c)L’instruction émise conjointement en décembre 2005 par le Secrétaire général de l’État et le Commissaire général de la police, accompagnée d’une notice explicative sur la procédure d’asile à distribuer à toutes les personnes qui pénètrent clandestinement en Espagne par la mer et aux personnes placées dans les Centres de rétention pour étrangers des Canaries ou d’Andalousie;

d)L’arrêt du Tribunal suprême no829/2006 dans lequel M. Hamed Abderrahman Ahmed était acquitté du crime de terrorisme, attendu que les accusations portées contre lui reposaient sur des interrogatoires menés pendant la détention de l’intéressé à Guantanamo, lieu qualifié de «zone grise dans l’ordre juridique, lequel est défini par une multitude de traités et de conventions signés par la communauté internationale»;

e)L’adoption, en Conseil des ministres, le 12 décembre 2008, du Plan pour les droits de l’homme;

f)L’adoption, le 12 décembre 2008, du Plan de lutte contre la traite à des fins d’exploitation sexuelle, et son suivi par la création et la mise sur pied du Forum espagnol contre la traite;

g)Le fait que non seulement depuis 1995 (année de l’abolition de la peine de mort en temps de guerre) la peine de mort est abolie en tout temps, mais aussi que l’État partie participe activement aux colloques internationaux pour promouvoir un moratoire mondial sur les exécutions capitales.

5)Le Comité constate avec satisfaction que l’État partie a adressé des invitations à différents titulaires de mandat au titre des procédures spéciales, dont dernièrement au Rapporteur spécial sur la protection des droits de l’homme et des libertés fondamentales dans la lutte antiterroriste.

6)Le Comité note avec appréciation que l’Espagne n’a pas créé de système de justice parallèle pour lutter contre le fléau du terrorisme et relève qu’elle a reconnu à plusieurs reprises le caractère absolu de l’interdiction de la torture et le fait qu’en aucun cas des circonstances exceptionnelles ne pourraient être invoquées pour la justifier.

C.Principaux motifs de préoccupation et recommandations

Définition de la torture et crime de torture

7)Le Comité prend note avec satisfaction de la modification de l’article 174 du Code pénal par la loi organique no 15/2003 incorporant dans la définition de la torture le membre de phrase «ou pour tout autre motif, fondé sur une forme de discrimination quelle qu’elle soit», qui répond comme il convient à une préoccupation exprimée précédemment par le Comité. Néanmoins, le Comité, − malgré les explications données à ce sujet par la délégation de l’État partie − considère qu’il y aurait lieu d’inclure explicitement, dans la définition de l’article 174 du Code pénal, deux autres éléments importants pour le rendre pleinementconforme à l’article premier de la Convention: que l’acte de torture peut avoir été commis par «toute autre personne agissant à titre officiel» et que la finalité de la torture peut s’étendre aux fins «d’intimider ou de faire pression sur cette personne ou une tierce personne» (art. 1er).

Le Comité encourage l’État partie à continuer d’aligner la définition de la torture contenue à l’article 174 du Code pénal sur l’article premier de la Convention.

8)Le Comité constate que l’article 174 du Code pénal punit les faits de torture «d’un emprisonnement de deux à six ans si l’atteinte est grave et d’un à trois ans si elle ne l’est pas», ce qui ne semble pas être tout à fait conforme au paragraphe 2 de l’article 4 de la Convention, qui prévoit l’obligation de tout État partie de rendre tous les actes de torture passibles de peines appropriées qui prennent en considération leur gravité (art. 1er et 4).

L’État partie devrait rendre tous les actes de torture passibles de peines appropriées à la mesure de leur gravité, conformément au paragraphe 2 de l’article 4 de la Convention. De plus, l’État partie devrait veiller à ce que, dans tous les cas, les actes de torture soient considérés comme des infractions graves, étant donné qu’il y va nécessairement et intrinsèquement de la notion même de torture.

Garanties fondamentales

9)Le Comité s’inquiète de l’information émanant de différentes sources qui signalent que les déclarations faites par les détenus devant la police pourraient être utilisées au procès − dans des conditions déterminées et à la suite d’un changement de jurisprudence du Tribunal suprême. Il prend note à ce sujet de la teneur du paragraphe 21 des réponses de l’État partie à la liste des points à traiter, où il est clairement dit que «conformément à l’ordonnancement juridique espagnol, et afin de décider de la culpabilité ou de l’innocence de l’inculpé, ne pourront être prises en compte que les preuves produites pendant la procédure orale en présence de l’autorité judiciaire, de l’inculpé et de l’avocat qu’il aura désigné» (art. 2 et 15).

L’État partie − comme lui-même l’a rappelé dans ses réponses à la liste des points à traiter − devrait veiller au respect du principe selon lequel, dans tous les cas, le moment essentiel, pour que l’on puisse attribuer de la valeur à la preuve administrée, doit être celui de la procédure orale. Ce principe général a encore plus de poids en tant que garantie du principe énoncé à l’article 15 de la Convention − qui interdit que toute déclaration obtenue par la torture puisse être invoquée comme un élément de preuve − dans le cas où, malheureusement, il est permis de procéder, dans les locaux de la police, à l’interrogatoire du détenu en l’absence de l’avocat de son choix ou dans le cas où l’avocat est empêché de s’entretenir en privé avec le détenu (si l’intéressé est placé au secret par exemple).

10)Le Comité note que, selon la Mesure no 96 du Plan pour les droits de l’homme, soucieux d’améliorer les garanties offertes aux personnes placées en détention, le Gouvernement propose une révision du paragraphe 4 de l’article 520 de la loi de procédure criminelle afin de réduire le délai actuel maximal de huit heures dans lequel le détenu doit pouvoir exercer son droit à bénéficier des services d’un avocat. Il constate toutefois avec préoccupation que, parmi les droits énumérés à l’article 520 de la loi de procédure criminelle, le droit de solliciter l’habeas corpus n’est pas expressément cité (art. 2).

L’État partie devrait mettre sans délai en application la version révisée du paragraphe 4 de l’article 520 de la loi de procédure criminelle afin de réduire le délai actuel maximal de huit heures dans lequel le détenu doit pouvoir exercer son droit à bénéficier des services d’un avocat. En outre, le Comité − qui partage le souci du Défenseur du peuple à ce sujet − encourage l’État partie à procéder ultérieurement à une révision de ce même article 520 pour faire en sorte qu’au moment critique où il est procédé à l’arrestation, alors qu’il est donné lecture de ses droits à l’intéressé, on inclue parmi ceux-ci son droit de solliciter sa comparution immédiate devant un juge.

11.Le Comité prend note de l’instruction no12/2007 du Secrétariat d’État à la sécurité, relative au comportement exigé des membres des forces de police et de sécurité de l’État pour garantir les droits des personnes en état d’arrestation ou en garde à vue. S’il s’agit en principe d’une mesure positive, le Comité considère que le rang occupé dans la hiérarchie des textes par cette instruction tendant à renforcer les garanties en question n’est pas à la hauteur de l’enjeu (art. 2).

L’État partie devrait régler ce qui touche aux droits fondamentaux comme le droit à la liberté et le droit à l’intégrité de la personne par une norme appropriée qui ne consiste pas en une simple décision d’un Secrétariat d’État adressée à son personnel.

Régime de mise au secret

12)Le Comité prend note des dispositions adoptées pour améliorer les garanties dont bénéficient les détenus placés au secret, en particulier: a) de ce qui est connu sous le nom de «Protocole Garzón», qui prévoit des visites par un médecin de confiance du détenu (encore que ce protocole n’ait pas été appliqué uniformément); b) de la Mesure no 97 c) du Plan pour les droits de l’homme, qui prévoit que le détenu soumis à ce régime peut être examiné non seulement par le médecin légiste, mais aussi par un autre médecin membre du système public de santé, librement désigné par le responsable du futur mécanisme national de prévention de la torture; et c) de la Mesure no 97 b) qui dispose que − conformément aux recommandations de divers organismes internationaux des droits de l’homme − l’État partie prendra les mesures législatives et techniques pour faire procéder à l’enregistrement vidéo ou autre support audiovisuel de toute la durée de la mise au secret du détenu dans les locaux de la police. Le Comité prend également note avec satisfaction de l’engagement pris dans la Mesure no97 a) d’interdire expressément la mise au secret de mineurs. Il lui faut malgré tout réitérer sa préoccupation − partagée par tous les organes régionaux et internationaux de protection des droits de l’homme compétents − devant le fait que le régime de mise au secret appliqué par l’État partie dans les affaires impliquant des terroristes et des groupes armés, qui peut durer jusqu’à treize jours, nuit aux garanties de l’état de droit en ce qui concerne les mauvais traitements et les actes de torture. Le Comité demeure tout spécialement préoccupé par les restrictions que ce régime impose à l’accès aux garanties et aux droits fondamentaux accordés partout dans le monde aux personnes privées de liberté et à leur exercice (art. 2).

L’État partie doit revoir le régime de la mise au secret en vue de l’abolir et veiller à ce que tout individu privé de liberté ait accès aux droits fondamentaux suivants:

a) Droit de choisir son avocat;

b) Droit d’être examiné par le médecin de son choix;

c) Droit à ce qu’un membre de sa famille ou une personne qu’il a désignée soit informé du placement en détention et du lieu de détention où il se trouve à tout moment;

d) Droit de s’entretenir en privé avec un avocat (droit actuellement restreint même lorsqu’il s’agit d’un avocat commis d’office).

L’État partie devrait aussi mettre en œuvre et renforcer les mesures prévues dans le Plan pour les droits de l’homme dans la Mesure n o  97; à ce propos, il est particulièrement important que le système d’enregistrement prévu s’étende à tous les commissariats de police du pays et soit installé dans les cellules et salles d’interrogatoire et ne soit pas limité aux espaces communs.

Principe du non-refoulement

13)Le Comité prend note de la position de l’État partie qui estime que les garanties diplomatiques ne vont pas à l’encontre du principe consacré à l’article 3 de la Convention − s’il est par exemple créé des dispositifs de contrôle supplémentaires expressément acceptés et respectés par le pays intéressé. À ce sujet, le Comité tient à réitérer la position qu’il a déjà eu l’occasion d’exprimer antérieurement et réaffirme que les États parties ne peuvent en aucun cas recourir aux assurances diplomatiques comme garanties contre la torture ou les mauvais traitements lorsqu’il y a des motifs sérieux de croire qu’une personne risque d’être soumise à la torture si elle retourne dans son pays (art. 3).

S’il recourt aux assurances diplomatiques dans toute autre situation que celles qui doivent être exclues en vertu de l’article 3 de la Convention, l’État partie doit faire figurer, dans son prochain rapport, des informations sur le nombre de cas d’extradition ou d’expulsion subordonnés à l’obtention d’assurances ou de garanties diplomatiques qui ont été recensés depuis l’examen du présent rapport, sur les conditions minimales exigées par l’État partie au titre de ces assurances ou garanties, sur les mesures de suivi qu’il a prises en pareil cas et sur la valeur juridiquement contraignante des assurances ou garanties données.

14)Le Comité prend note des informations données par la délégation de l’État partie au sujet des allégations selon lesquelles depuis 2002 des aéroports espagnols ont été utilisés pour transférer des prisonniers dans le cadre de ce que l’on appelle le programme de «transferts illégaux», ainsi que de la condamnation de telles pratiques par l’État partie et du fait qu’il s’est engagé à enquêter et à faire la lumière sur les actes dénoncés (art. 3 et 12).

Le Comité engage instamment l’État partie à poursuivre sa coopération sur les investigations que les autorités judiciaires ont entreprises sur la question et à faire figurer dans son prochain rapport périodique tous les renseignements utiles.

15)Le Comité accueille avec satisfaction l’adoption, en octobre 2009, de la loi portant réglementation du droit d’asile et de protection subsidiaire dont l’objectif est de s’inscrire dans un système européen commun d’asile qui garantisse le niveau de protection maximal aux réfugiés et aux personnes persécutées. Néanmoins, il craint que, selon la nouvelle loi, on ne se serve éventuellement, pour rejeter les demandes d’asile, de la clause d’exception à l’interdiction du refoulement énoncée au paragraphe 2 de l’article 33 de la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés. Il est préoccupé en particulier par le fait que, d’après la loi en question, les demandes peuvent être rejetées avec la procédure accélérée, y compris à la frontière même, sans que chaque requête ait pu être examinée au fond et que chaque élément d’appréciation possible ait pu être pris en considération (art. 3).

L’État partie doit revoir l’application des clauses d’exclusion dans la nouvelle loi, pour garantir qu’en aucun cas il ne pourra être contrevenu au principe du non-refoulement énoncé à l’article 3 de la Convention.

16)Le Comité prend note des accords bilatéraux de rapatriement assisté de mineurs que l’Espagne a signés avec le Maroc et le Sénégal. Cependant il est préoccupé par l’absence, dans l’application de ces accords, de garanties assurant l’identification des enfants qui pourraient avoir besoin d’une protection internationale et, par conséquent, avoir droit de bénéficier de l’asile (art. 3).

L’État partie doit veiller à ce que les accords bilatéraux de rapatriement assisté de mineurs signés par lui contiennent des garanties suffisantes pour assurer la protection contre le refoulement des enfants victimes de la traite, de la prostitution et de la pornographie, ainsi que de ceux qui ont été impliqués dans des conflits ou qui ont fui leur pays par crainte fondée de persécutions. Le Comité tient à souligner que l’enfant ne doit être renvoyé dans son pays d’origine que s’il y va de son intérêt supérieur.

Compétence pour les actes de torture

17)Le Comité reconnaît que les tribunaux de l’État partie ont été pionniers dans l’application de la compétence universelle pour les crimes internationaux, notamment le crime de torture. Il prend note de la modification apportée récemment dans ce domaine par la loi organique no 1/2009 du 3 novembre, qui établit les conditions de l’exercice de cette compétence (art. 5 et 7).

L’État partie devrait veiller à ce que cette réforme ne fasse pas obstacle à l’exercice de sa compétence pour toutes les autres infractions de torture, conformément aux articles 5 et 7 de la Convention, et en particulier au principe aut dedere aut judicare consacré dans ces articles.

Formation

18)Le Comité relève que la Mesure no 103 du Plan pour les droits de l’homme prévoit l’organisation de cours et de programmes de formation initiale et continue portant sur le comportement exigé de tous les membres des forces de police et de sécurité de l’État, afin de garantir le respect des droits des personnes détenues ou sous garde policière. Il note de plus que des cours portant sur les droits de l’homme et le Protocole d’Istanbul (Manuel pour enquêter efficacement sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants) vont être intégrés dans le plan de formation continue à partir de 2010 (art. 10).

L’État partie devrait:

a) Continuer d’élaborer et de mettre en œuvre des programmes de formation théorique et pratique à l’intention de tous les fonctionnaires, notamment des agents des forces de l’ordre et des agents pénitentiaires, de façon à leur faire parfaitement connaître les dispositions de la Convention et du Protocole facultatif s’y rapportant afin qu’ils ne tolèrent jamais les exactions ou les violations;

b) Faire en sorte que tous les personnels concernés reçoivent une formation spécifique les rendant en mesure de reconnaître les signes de torture et de mauvais traitements;

c) Concevoir et appliquer une méthodologie pour évaluer l’efficacité des programmes de formation et leur incidence, mesurée en termes de réduction des cas de torture et de mauvais traitements.

Conditions de détention

19)Le Comité relève avec appréciation le programme-cadre de prévention des suicides établi par la Direction générale des institutions pénitentiaires avec l’instruction no 14/2005 qui, d’après les informations données, a permis de faire baisser le nombre de suicides, mais il continue de considérer que le nombre de suicides et de morts violentes tant dans les locaux de garde à vue que dans les établissements pénitentiaires est élevé (art. 11).

L’État partie devrait poursuivre ses efforts pour faire baisser le nombre de suicides et de morts violentes dans tous les lieux de détention. Le Comité invite aussi instamment l’État partie à faire procéder sans délai à des enquêtes approfondies et impartiales sur tous les décès en détention et à offrir une indemnisation appropriée aux familles des victimes dans les cas voulus.

20)Le Comité regrette de n’avoir pas reçu d’informations suffisantes sur les mesures adoptées pour donner suite aux graves préoccupations exprimées par le Défenseur du peuple dans son rapport de 2009 en ce qui concerne les conditions dans les centres de protection des mineurs ayant des problèmes de comportement et en situation sociale difficile. En particulier, le Comité est préoccupé par les informations dénonçant un usage excessif de la mise à l’isolement dans nombre de ces centres ainsi que l’administration de médicaments sans garanties suffisantes (art. 11 et 12).

L’État partie devrait prendre les mesures nécessaires pour garantir des conditions humaines et dignes dans les centres de protection des mineurs ayant des problèmes de comportement et en situation sociale difficile. Il devrait également enquêter de façon approfondie sur toute plainte pour sévices ou mauvais traitements commis dans ces centres.

Loi d’amnistie et imprescriptibilité des faits de torture

21)Le Comité note que l’État partie a fait observer que la Convention contre la torture était entrée en vigueur le 26 juin 1987, alors que les faits visés dans la loi d’amnistie de 1977 sont antérieurs à l’adoption de celle-ci mais il tient à réaffirmer que, eu égard au principe de la reconnaissance du caractère de jus cogens de l’interdiction de la torture, les poursuites pour faits de torture ne doivent pas être limitées par le principe de légalité ni par l’effet de la prescription. Le Comité a reçu en outre différentes interprétations de l’alinéa c de l’article premier de la loi d’amnistie − qui prévoit que l’amnistie ne s’appliquera pas si les actes ont «impliqué des atteintes graves à la vie ou à l’intégrité des personnes» − dans le sens où cet alinéa exclurait dans tous les cas les actes de torture des faits amnistiés (art. 12, 13 et 14).

L’État partie devrait veiller à ce que les actes de torture, qui comprennent également les disparitions forcées, ne puissent pas faire l’objet d’une amnistie. À ce sujet, le Comité engage l’État partie à poursuivre et à renforcer ses efforts visant à aider les familles des victimes à faire la lumière sur le sort des disparus, les identifier et obtenir l’exhumation, dans les cas où c’est possible. Le Comité rappelle aussi que, conformément à l’article 14 de la Convention, l’État partie doit assurer réparation à toute victime d’actes de torture et garantir le droit à une indemnisation.

22)Le Comité est préoccupé par le fait que le crime de torture, entendu comme une infraction autonome visée à l’article 174 du Code pénal se prescrit au bout de quinze ans au maximum, et qu’il est imprescriptible uniquement s’il est constitutif d’un crime contre l’humanité − c’est-à-dire quand il est commis dans le cadre d’une agression généralisée ou systématique contre la population civile ou une partie de la population civile (art. 607 bis du Code pénal) (art. 1er, 4 et 12).

L’État partie devrait garantir l’imprescriptibilité des actes de torture dans tous les cas.

Données relatives aux plaintes pour torture et mauvais traitements

23)Le Comité relève que la Mesure no 102 du Plan pour les droits de l’homme prévoit la collecte de données actualisées sur les cas dans lesquels il peut s’être produit une restriction ou une violation des droits des personnes placées sous la garde de la police. Il note toutefois qu’il est impossible actuellement d’obtenir des données relatives aux plaintes pendant la garde à vue. De plus, s’il apprécie les renseignements complémentaires apportés par écrit sur cette question, le Comité relève également que les données sur les cas de torture dans les établissements pénitentiaires, qui sont certes disponibles, sont souvent imprécises et contradictoires, en particulier en ce qui concerne les résultats des enquêtes sur des faits de torture, les condamnations judiciaires et les peines prononcées (art. 2, 12 et 13).

L’État partie devrait mettre en œuvre dans les meilleurs délais la Mesure n o 102 du Plan pour les droits de l’homme et faire en sorte que soient rassemblées des données exactes et fiables relatives aux actes de torture et aux mauvais traitements en garde à vue et dans les autres lieux de détention. Ces statistiques devraient renseigner également sur la suite donnée aux plaintes pour torture et mauvais traitements, y compris sur les résultats des enquêtes menées à bien, et sur les condamnations judiciaires et les sanctions pénales ou disciplinaires éventuellement prononcées.

Violence contre les femmes

24)Le Comité accueille avec satisfaction les mesures prises par l’État partie pour lutter contre la violence à l’égard des femmes comme, par exemple, la loi organique relative aux mesures de protection complète contre la violence à l’égard des femmes (2004). Il reste toutefois préoccupé par les informations faisant état d’un nombre inacceptable d’actes de violence contre la femme, notamment au foyer, qui finissent souvent par la mort de la victime (art. 16).

Le Comité invite instamment l’État partie à intensifier ses efforts pour placer la lutte contre la violence à l’égard des femmes parmi les priorités de son agenda politique. Le Comité recommande également à l’État partie de développer les campagnes de sensibilisation du public au sujet de toutes les formes de violence à l’égard des femmes.

25)Le Comité est préoccupé par la situation de vulnérabilité particulière des femmes migrantes en situation irrégulière victimes de violence sexiste, étant donné que la législation en vigueur oblige les fonctionnaires de police à ouvrir une procédure pour vérifier la régularité de la situation des femmes migrantes qui dénoncent des actes de violence et de mauvais traitements. À ce sujet, le Comité relève qu’il existe un projet de réforme de la loi organique no 4/2000 (relative aux droits et libertés des étrangers en Espagne et à leur intégration sociale), dont l’objectif est de favoriser le dépôt de plaintes pour des faits constitutifs de violence sexiste et de prévoir la possibilité pour les femmes étrangères qui portent plainte de ne pas encourir de sanctions administratives en raison de leur séjour irrégulier sur le territoire (art. 13 et 16).

L’État partie devrait accélérer l’adoption du projet de réforme de la loi organique n o  4/2000, afin de permettre que la femme étrangère en situation irrégulière dont il est reconnu qu’elle est victime de violence sexiste puisse demander et obtenir un permis de séjour et de travail en raison de circonstances exceptionnelles.

Violence pour motif racial

26)Le Comité prend note des efforts de l’État partie pour lutter contre le racisme et la xénophobie qui se sont traduits, entre autres choses, par l’adoption de nombreux textes législatifs dans ce domaine et du Plan stratégique pour la citoyenneté et l’intégration (2007-2010). Toutefois, il est préoccupé par les informations indiquant une plus grande fréquence des actes d’intolérance et des incidents de violence raciste dirigés contre les migrants et les personnes d’une ethnie ou d’une religion différente et par les allégations selon lesquelles la réponse des autorités face à de tels actes ne serait pas toujours diligente et adéquate (art. 13 et 16).

L’État partie devrait renforcer ses efforts pour enquêter de façon approfondie sur tous les actes de violence raciste et punir les responsables comme il convient. Les mesures d’ordre législatif, les enquêtes et les actions judiciaires qui répondent à ces phénomènes odieux devraient s’accompagner d’une plus grande information et sensibilisation de la population.

Armes neutralisantes «Taser»

27.le Comité note que les membres des Forces de police et de sécurité de l’État n’utilisent pas les armes neutralisantes de type «Taser» mais il a appris avec préoccupation que les polices locales les utilisaient bien (art. 2 et 16).

L’État partie devrait envisager la possibilité de faire interdire l’utilisation d’armes neutralisantes à impulsion électrique « Taser » par les polices locales car ces dispositifs, en raison des conséquences qu’ils ont sur l’état physique et mental des personnes contre lesquelles ils sont dirigés, pourraient être incompatibles avec les articles 2 et 16 de la Convention.

Traite des êtres humains

28)Le Comité accueille avec satisfaction l’adoption du Plan de lutte contre la traite à des fins d’exploitation sexuelle (voir plus haut par. 4 f)). Il regrette toutefois que ce plan soit axé sur la prévention du crime plutôt que sur les droits fondamentaux et la protection des victimes. Il est également préoccupé de ce que le Code pénal ne prévoit pas une infraction visant spécifiquement la traite à des fins d’exploitation sexuelle (art. 16).

Le Comité encourage l’État partie à achever l’élaboration de l’avant-projet de code pénal en y introduisant un titre spécifiquement consacré à la question de la traite à des fins d’exploitation sexuelle et d’exploitation du travail. L’État partie devrait également veiller à ce que le Plan de lutte contre la traite reconnaisse que les victimes de la traite peuvent avoir besoin d’une protection internationale. À ce sujet, l’État partie devrait:

a) Établir un mécanisme national pour l’identification de toutes les victimes;

b) Prendre les mesures voulues pour garantir que la procédure d’asile soit ouverte aux femmes étrangères victimes de traite − ou exposées au risque d’être victimes de traite − qui peuvent montrer qu’elles ont besoin d’une protection internationale.

Protocole facultatif et mécanisme national de prévention

29)Le Comité note que, par la loi organique no 1/2009, il a été établi que le Défenseur du peuple exercerait les fonctions de mécanisme national de prévention de la torture, dont la mise en place est exigée par le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Il note également que cette loi prévoit la création d’un conseil consultatif en tant qu’organe de coopération technique et juridique pour l’exercice des fonctions conférées au mécanisme national de prévention, qui sera présidé par l’adjoint auquel le Défenseur du peuple déléguera les fonctions prévues dans cette disposition (art. 2).

L’État partie devrait veiller à ce que le Défenseur du peuple dispose des ressources humaines, matérielles et financières suffisantes pour exercer en toute indépendance et avec efficacité son mandat de prévention dans tout le pays. Il devrait également veiller à ce que le Conseil consultatif ait une compétence et un mandat clairement définis et à ce que la relation entre le mécanisme national de prévention et le Conseil soit déterminée avec précision. Le Comité encourage l’État partie à s’assurer que les membres du Conseil soient désignés à l’issue d’un processus public et transparent et qu’il compte des experts reconnus dans diverses disciplines touchant à la prévention de la torture, y compris des représentants de la société civile.

30)Le Comité invite l’État partie à ratifier les principaux instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme auxquels il n’est pas encore partie, c’est-à-dire la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille et le Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels.

31)Le Comité invite l’État partie à soumettre son document de base en suivant les directives harmonisées pour l’établissement des rapports adoptées par les organes créés en vertu d’instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme (HRI/GEN/2/Rev.6).

32)L’État partie est encouragé à diffuser largement le rapport qu’il a soumis au Comité et les présentes observations finales, par le biais des sites Web officiels, des organes d’information et des organisations non gouvernementales.

33)Le Comité demande à l’État partie de lui faire parvenir, dans un délai d’un an, des renseignements sur la suite qu’il aura donnée aux recommandations formulées aux paragraphes 10, 12, 20, 23 et 25 des présentes observations finales.

34)Le Comité invite l’État partie à soumettre son cinquième rapport périodique au plus tard le 20 novembre 2013.

56.Yémen

1)Le Comité contre la torture a examiné le deuxième rapport périodique du Yémen (CAT/C/YEM/2) à sa 898e séance (CAT/C/SR.898), le 3 novembre 2009, et a adopté, à sa 917e séance (CAT/C/SR.917), les observations finales provisoires ci-après.

A.Introduction

2)Le Comité accueille avec satisfaction la soumission du deuxième rapport périodique du Yémen qui, s’il suit dans l’ensemble les directives du Comité concernant l’établissement des rapports, est dépourvu de données statistiques et de renseignements concrets sur l’application des dispositions de la Convention et de la législation interne pertinente. Le Comité regrette le retard avec lequel le rapport a été soumis. Il regrette également que l’État partie n’ait pas fait parvenir des réponses écrites à sa liste de points à traiter (CAT/C/YEM/Q/2) ni répondu à la lettre datée du 21 avril 2006 par laquelle le Rapporteur du Comité chargé du suivi des observations finales concernant le Yémen (CAT/C/CR/31/4 et Add.1) lui demandait des renseignements complémentaires.

3)Le Comité regrette l’absence d’une délégation de l’État partie qui aurait pu participer à un dialogue avec lui et relève que, faute de représentants de l’État partie, l’examen du rapport s’est déroulé conformément au paragraphe 2 b) de l’article 66 de son règlement intérieur. Il invite l’État partie à soumettre des réponses et des commentaires écrits comme suite aux présentes observations finales et l’engage instamment à s’acquitter pleinement à l’avenir des obligations découlant de l’article 19 de la Convention.

B.Aspects positifs

4)Le Comité relève avec satisfaction que, depuis l’examen du rapport initial, l’État partie a adhéré aux instruments internationaux ci-après ou les a ratifiés:

a)La Convention relative aux droits des personnes handicapées et le Protocole facultatif s’y rapportant, en 2009;

b)Le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés, en 2007;

c)Le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants, en 2004.

5)Le Comité prend note des efforts que l’État continue de faire pour réformer sa législation, ses politiques et ses procédures de façon à mieux protéger les droits de l’homme, y compris le droit de ne pas être soumis à la torture et à d’autres traitements cruels, inhumains ou dégradants, en particulier:

a)La signature par l’État partie de plusieurs mémorandums d’accord avec le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés en 2004, 2005 et 2007, ainsi que la volonté qu’il a exprimée d’élaborer une loi relative aux réfugiés et d’en promouvoir la mise en œuvre;

b)Les différentes activités d’éducation et de formation dans le domaine des droits de l’homme et l’ouverture de l’État partie à la coopération internationale.

C.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Application de la Convention

6)Le Comité note avec préoccupation que les conclusions et recommandations qu’il a adressées au Yémen en 2003 n’ont pas été suffisamment prises en considération. Il insiste sur l’obligation qu’ont les États, quel que soit leur système politique, économique et culturel, de promouvoir et de protéger tous les droits de l’homme et toutes les libertés fondamentales. À son avis, les spécificités culturelles et religieuses peuvent être prises en considération pour élaborer des moyens appropriés permettant d’assurer le respect des droits de l’homme universels, mais elles ne peuvent pas compromettre la mise en œuvre de toutes les dispositions de la Convention ni aller à l’encontre de la primauté du droit. À ce sujet, le Comité note avec préoccupation qu’une Commission de protection de la vertu et de lutte contre le vice a été créée en 2008, et qu’il n’a pas reçu d’information sur le mandat et la compétence de cette commission, sur les procédures de recours ni sur l’éventuel contrôle exercé sur elle par les autorités judiciaires ordinaires (art. 2).

L’État partie devrait appliquer de bonne foi toutes les recommandations que le Comité lui a adressées, et trouver des moyens pour garantir que ses principes et lois religieux soient compatibles avec les droits de l’homme et avec ses obligations découlant de la Convention. À ce propos, le Comité appelle l’attention de l’État partie sur l’Observation générale n o 2, relative à la mise en œuvre de l’article 2. L’État partie est invité à donner des informations sur le mandat de la nouvelle Commission sur la vertu et le vice et à indiquer si elle exerce une compétence précise, en pleine conformité avec les prescriptions de la Convention, ou si elle est soumise au contrôle des autorités judiciaires ordinaires.

Définition de la torture

7)Le Comité note que la Constitution du Yémen interdit la torture, mais il se déclare de nouveau préoccupé par l’absence dans le droit interne d’une définition complète de la torture reprenant celle de l’article premier de la Convention (CAT/C/CR/31/4, par. 6 a)). Il est préoccupé par le fait que la définition figurant actuellement dans la Constitution interdit uniquement le recours à la torture pour obtenir des aveux pendant l’arrestation, l’enquête, le placement en détention et l’incarcération, et que ne puissent être condamnées que les personnes qui ordonnent de commettre ou commettent des actes de torture, à l’exclusion de celles qui sont complices de ces actes. Il note également avec préoccupation qu’alors que la Constitution prévoit l’imprescriptibilité des actes de torture physique ou psychologique, la loi de procédure pénale pourrait prévoir un délai de prescription pour ces crimes (art. 1er et 4).

L’État partie devrait introduire dans son droit interne l’infraction de torture et adopter une définition de la torture comprenant tous les éléments énoncés dans l’article premier de la Convention. Le Comité estime que les États parties, en nommant et en définissant l’infraction de torture conformément à la Convention et en la distinguant des autres crimes, serviront directement l’objectif fondamental de la Convention qui consiste à prévenir la torture, notamment en faisant savoir à tous − auteurs, victimes et public − que ce crime est d’une gravité particulière et en renforçant l’effet dissuasif de l’interdiction elle-même. L’État partie est prié de préciser au Comité si les actes de torture sont prescriptibles; dans l’affirmative, il devrait revoir ses règles et dispositions relatives à la prescription pour les rendre entièrement conformes à la Constitution et aux obligations de l’État partie découlant de la Convention.

Impunité pour les actes de torture et les mauvais traitements

8)Le Comité est profondément préoccupé par les nombreuses allégations, corroborées par plusieurs sources yéménites et internationales, signalant que la torture et les mauvais traitements sont généralisés dans les prisons yéménites, notamment les prisons de sécurité de l’État gérées par le Département de sécurité publique, l’Autorité de sécurité nationale et le Département de lutte contre le terrorisme qui relève du Ministère de l’intérieur. Il note également avec préoccupation que ces allégations font rarement l’objet d’enquêtes et de poursuites et que les auteurs d’actes de torture semblent bénéficier d’un climat d’impunité. À ce sujet, le Comité se dit préoccupé par l’article 26 du Code de procédure pénale qui semble prévoir que des poursuites pénales ne peuvent pas être engagées contre un policier ou un agent de l’État pour une infraction commise dans l’exercice de ses fonctions ou en résultant, sauf avec l’autorisation du Procureur général, d’un magistrat du ministère public ou des chefs des services chargés des poursuites, et par l’absence d’informations sur l’application de cette disposition (art. 2, 4, 12 et 16).

L’État partie devrait prendre d’urgence des mesures d’application immédiate pour prévenir les actes de torture et les mauvais traitements dans tout le pays et annoncer une politique d’élimination totale de tout acte de torture ou tous mauvais traitements commis par des agents de l’État.

L’État partie devrait veiller à ce que toutes les allégations de torture et de mauvais traitements fassent sans délai l’objet d’une enquête, efficace et impartiale, et que les auteurs soient poursuivis et condamnés à une peine proportionnée à la gravité de leurs actes, comme l’exige l’article 4 de la Convention.

L’État partie est prié d’expliquer si l’article 26 du Code de procédure pénale est toujours en vigueur et, dans l’affirmative, comment cette disposition est appliquée dans la pratique.

Garanties fondamentales

9)Le Comité reste gravement préoccupé par l’incapacité de l’État partie à offrir dans la pratique à tous les détenus, y compris ceux placés dans les prisons de sécurité de l’État, toutes les garanties fondamentales dès le début de la détention, notamment le droit de communiquer sans délai avec un avocat et de bénéficier d’un examen médical indépendant, d’aviser un proche et d’être informés de leurs droits au moment du placement en détention, ainsi que des accusations portées contre eux, et de comparaître devant un juge dans un délai conforme aux normes internationales. À ce sujet, le Comité note avec préoccupation que selon le rapport de l’État partie (par. 199), «[l]es personnes placées en détention avant jugement peuvent s’entretenir avec leurs proches et leurs avocats, à condition d’avoir obtenu l’autorisation écrite de l’entité qui a rendu l’ordonnance de détention». Il est également préoccupé par l’absence de registre central de toutes les personnes placées en détention, y compris des mineurs (art. 2, 11 et 12).

L’État partie devrait mettre en œuvre sans délai des mesures efficaces pour que tous les détenus bénéficient dans la pratique de toutes les garanties fondamentales, dès le début de leur détention; en particulier, ils doivent pouvoir exercer le droit d’avoir rapidement accès à un avocat et de bénéficier d’un examen médical indépendant, d’aviser un proche et d’être informés de leurs droits au moment du placement en détention, ainsi que des accusations portées contre eux, et de comparaître devant un juge dans un délai conforme aux normes internationales. L’État partie devrait également veiller à ce que tous les détenus, y compris les mineurs, soient inscrits dans un registre central fonctionnant efficacement.

L’État partie est prié d’expliquer quelles sont les conditions à remplir par les personnes en détention provisoire pour obtenir l’autorisation écrite de voir leurs proches et leur avocat et quels sont les motifs pour lesquels l’autorisation peut être refusée.

Surveillance et inspection des lieux de détention

10)Le Comité note que la responsabilité générale de la supervision et de l’inspection des prisons incombe au ministère public (Procureur général) et que des bureaux du procureur ont été créés dans les prisons centrales des différents gouvernorats en application du décret no 91 de 1995, mais il relève avec préoccupation qu’il n’y a pas de surveillance et d’inspection systématiques et efficaces de tous les lieux de détention ou de garde à vue, notamment de visites régulières et inopinées de ces lieux par des observateurs nationaux et internationaux. À ce sujet, il est préoccupé par la prolifération des lieux de détention, notamment des prisons réservées aux personnes détenues pour des raisons de sécurité politique ou de sécurité nationale et des prisons militaires, ainsi que des centres de détention privés gérés par des chefs tribaux, et par l’apparente absence de contrôle de ces prisons et centres de détention par le Procureur général. En conséquence, les détenus seraient privés des garanties fondamentales, notamment de mécanisme de supervision de leur traitement et de procédures de réexamen de leur détention (art. 11 et 16).

Le Comité engage l’État partie à établir un système national permettant de surveiller et d’inspecter tous les lieux de détention et à donner suite aux résultats de cette surveillance systématique. L’État partie devrait également faire en sorte que des médecins légistes formés à la détection des signes de torture soient présents pendant ces visites. Le Comité demande à l’État partie de préciser si le Département de la sécurité politique , l’Autorité de sécurité nationale et le Département de la lutte contre le terrorisme qui relève du Ministère de l’intérieur sont placés sous le contrôle des autorités civiles et si le Procureur général a accès à leurs centres de détention, ainsi qu’aux prisons militaires et aux établissements de détention privés. L’État partie devrait interdire expressément tous les établissements de détention qui ne relèvent pas de l’autorité civile.

Mesures de lutte contre le terrorisme

11)Le Comité a conscience des difficultés que rencontre l’État partie dans sa longue lutte contre le terrorisme. Cependant, il rappelle l’interdiction absolue de la torture, et se dit préoccupé par les informations faisant état de violations graves de la Convention commises dans le cadre de la lutte contre le terrorisme. Il s’agit notamment d’exécutions extrajudiciaires, de disparitions forcées, d’arrestations arbitraires, de placements en détention illimitée sans inculpation ni jugement, d’actes de torture et de mauvais traitements, et d’expulsions d’étrangers vers des pays où ils risquent d’être soumis à la torture ou à des mauvais traitements. Le Comité est également préoccupé par la teneur des projets de loi relatifs à la lutte contre le terrorisme, au blanchiment de capitaux et au financement du terrorisme, en particulier par la définition apparemment large du terrorisme et par l’absence de procédures légales ou judiciaires relatives à la remise, à l’arrestation ou à la détention de personnes (art. 2 et 16).

L’État partie devrait prendre toutes les mesures nécessaires pour que ses mesures législatives, administratives et autres de lutte contre le terrorisme soient compatibles avec les dispositions de la Convention, en particulier le paragraphe 2 de l’article 2. Le Comité rappelle qu’aucune circonstance exceptionnelle, quelle qu’elle soit, ne peut être invoquée pour justifier la torture, et que conformément aux résolutions du Conseil de sécurité, et tout spécialement la résolution 1624 (2005), les mesures de lutte contre le terrorisme doivent être mises en œuvre dans le strict respect du droit international des droits de l’homme, en particulier de la Convention. L’État partie est également prié de donner des informations sur la teneur et l’état des projets de loi relatifs à la lutte contre le terrorisme, au blanchiment de capitaux et au financement du terrorisme.

Détention au secret

12)Le Comité se dit de nouveau préoccupé par les informations étayées qui indique que les fonctionnaires du Département de la sécurité politique garderaient souvent des détenus au secret, y compris pendant de longues périodes sans procès (CAT/C/CR/31/4, par. 6 c)), et s’inquiète de ce que d’autres organismes de sécurité se livreraient également à de telles pratiques. Il est également préoccupé par l’absence d’informations sur le nombre exact et l’emplacement des lieux de détention dans l’État partie (art. 2 et 11).

L’État partie devrait prendre toutes les mesures appropriées pour supprimer de fait la détention au secret et veiller à ce que toutes les personnes placées au secret soient remises en liberté ou inculpées et jugées selon une procédure régulière. Il devrait donner des informations sur le nombre exact et l’emplacement des lieux de détention utilisés par le Département de la sécurité politique et d’autres forces de sécurité, et sur le nombre de personnes privées de liberté qui se trouvent dans ces lieux. Il devrait également donner des informations à jour sur le cas des quatre ressortissants camerounais, Mouafo Ludo, Pengou Pierpe , Mechoup Baudelaire et Ouafo Zacharie, qui sont détenus au secret et sans jugement à Sanaa depuis 1995.

Disparitions forcées et arrestations et détentions arbitraires

13)Le Comité se déclare préoccupé par les informations faisant état de disparitions forcées ainsi que de la pratique généralisée des arrestations massives sans mandat et des détentions arbitraires et prolongées sans inculpation ni procédure judiciaire. Il est également préoccupé par le fait qu’un grand nombre de forces et services de sécurité yéménites différents sont habilités à arrêter et à détenir des personnes et par l’absence d’éclaircissements sur la question de savoir si ces pouvoirs sont prévus par la législation, notamment la loi de procédure pénale. Il souligne que les arrestations sans mandat et l’absence de contrôle judiciaire de la légalité de la détention sont susceptibles de favoriser la torture et les mauvais traitements (art. 2 et 11).

L’État partie devrait prendre toutes les mesures nécessaires pour lutter contre les disparitions forcées et la pratique des arrestations massives sans mandat et des détentions arbitraires sans inculpation ni procédure judiciaire. Il devrait expliquer si les pouvoirs d’arrestation et de détention qu’ont les différents services et forces de sécurité sont prévus par la législation, notamment la loi de procédure pénale; il devrait réduire au minimum le nombre de forces et services de sécurité dotés de ces pouvoirs. En outre, il devrait prendre toutes les mesures appropriées pour garantir l’application de la législation pertinente, afin de réduire encore la durée de la détention avant inculpation, et concevoir et appliquer des mesures de substitution à la privation de liberté, comme la libération conditionnelle, la médiation, le travail d’intérêt général ou les peines avec sursis. Il est invité à donner des informations détaillées sur toute enquête menée sur les nombreux cas de détention signalés pendant les «événements de Bani Hashish », survenus en mai 2008.

Prise en otage de proches

14)Le Comité se dit gravement préoccupé par la pratique, qui lui a été signalée, consistant à prendre en otage des proches d’auteurs présumés d’infractions, y compris des enfants et des personnes âgées, et de les garder parfois pendant des années, afin de contraindre les délinquants présumés à se livrer à la police; il souligne aussi que cette pratique constitue une violation de la Convention. À ce sujet, il prend note avec une préoccupation particulière du cas de Mohammed Al-Baadani, enlevé par un chef de tribu en 2001, à l’âge de 14 ans, parce que son père n’avait pas remboursé des dettes, et qui serait toujours détenu dans une prison d’État sans qu’il y ait de date fixée pour son procès (art. 12 et 16).

L’État partie devrait, à titre prioritaire, cesser la pratique consistant à prendre en otage des proches d’auteurs présumés d’infractions et punir les coupables, conformément à la Convention internationale contre la prise d’otages. Il devrait également donner des informations à jour sur le cas de Mohammed Al- Baadani .

Allégations d’exécutions extrajudiciaires

15)Le Comité se dit gravement préoccupé par les informations faisant état d’exécutions extrajudiciaires par les forces de sécurité et d’autres violations graves des droits de l’homme commises dans la province septentrionale de Saada et dans le sud (art. 2, 12 et 16).

L’État partie devrait prendre des mesures efficaces pour enquêter sans délai de manière impartiale sur toutes les allégations d’implication de membres des forces de l’ordre et des organes de sécurité dans des exécutions extrajudiciaires et d’autres violations graves des droits de l’homme commises dans différentes régions du pays, en particulier dans la province septentrionale de Saada et dans le sud.

Plaintes et enquêtes promptes, efficaces et impartiales

16)Le Comité demeure préoccupé par l’apparente incapacité des autorités à mener sans délai des enquêtes impartiales sur les nombreuses allégations de torture et de mauvais traitements et à poursuivre les auteurs présumés. Il est particulièrement préoccupé par le fait que l’on ne sait pas clairement à quelle autorité incombe la responsabilité générale d’examiner les plaintes individuelles pour torture et mauvais traitements imputés à des membres des forces de l’ordre, de la sécurité, de l’armée et du personnel pénitentiaire et d’ouvrir des enquêtes sur ces affaires. Il regrette également l’absence d’informations, notamment statistiques, sur le nombre de plaintes pour torture et mauvais traitements et sur les résultats et l’issue de toutes les procédures engagées tant dans le domaine pénal que sur le plan disciplinaire (art. 11, 12 et 16).

L’État partie devrait renforcer les mesures prises pour que des enquêtes approfondies, impartiales et efficaces soient menées rapidement sur toutes les allégations de torture et de mauvais traitements imputés à des membres des forces de l’ordre, de la sécurité, de l’armée et du personnel pénitentiaire. En particulier, ces enquêtes ne devraient pas être effectuées par la police ou l’armée ni sous leur autorité, mais par un organisme indépendant. Pour les affaires dans lesquelles il existe une forte présomption que la plainte pour torture ou mauvais traitements est fondée, la règle devrait être que le suspect soit suspendu de ses fonctions ou muté pendant la durée de l’enquête, afin d’éviter tout risque qu’il fasse obstruction à celle-ci, ou qu’il continue de commettre des actes proscrits par la Convention.

L’État partie devrait poursuivre les auteurs et prononcer contre ceux qui sont reconnus coupables des peines appropriées, afin que les agents de l’État qui sont responsables d’actes contraires à la Convention en répondent.

Le Comité demande à l’État partie de donner des informations, notamment statistiques, sur le nombre de plaintes pour torture et de mauvais traitements et sur les résultats et l’issue de toutes les procédures engagées au pénal et sur le plan disciplinaire. Ces informations devraient être ventilées par sexe, âge et origine ethnique de l’auteur de la plainte et préciser quelle autorité a mené l’enquête.

Poursuites judiciaires et indépendance du pouvoir judiciaire

17)Le Comité se dit préoccupé par les informations faisant état du manque d’efficacité et d’indépendance du pouvoir judiciaire, malgré l’existence de garanties constitutionnelles et les mesures prises pour réformer le système judiciaire, notamment dans le cadre de la Stratégie nationale pour la modernisation et le développement de la magistrature (2005-2015). Il craint en particulier que cela ne fasse obstacle à l’ouverture d’enquêtes et de poursuites dans les affaires de torture et de mauvais traitements. À ce sujet, il est préoccupé par les informations faisant état de l’ingérence de l’exécutif et de l’amovibilité des juges. Il note que l’article 150 de la Constitution interdit sans exception la création de tribunaux spéciaux, mais il est aussi préoccupé par la création, en vertu d’un décret de 1999, du Tribunal pénal spécial, et par le fait que ce tribunal ne respecterait pas les normes internationales d’équité des procès (art. 2, 12 et 13).

L’État partie devrait prendre les mesures nécessaires pour établir et garantir l’indépendance et l’impartialité totales du pouvoir judiciaire dans l’exercice de ses fonctions, conformément aux normes internationales, notamment aux Principes fondamentaux relatifs à l’indépendance de la magistrature. À ce sujet, il devrait veiller à ce que le pouvoir judiciaire soit protégé contre toute ingérence, en particulier du pouvoir exécutif, en droit et dans la pratique. Il devrait également renforcer le rôle des juges et des procureurs en ce qui concerne l’ouverture d’enquêtes et de poursuites dans les affaires de torture et de mauvais traitements ainsi que la légalité de la détention, notamment en dispensant aux juges et aux procureurs une formation appropriée sur les obligations découlant de la Convention.

L’État partie est invité à donner des informations détaillées sur les garanties juridiques existantes qui assurent l’inamovibilité des juges et sur leur application. En particulier, il devrait donner des informations sur la procédure de nomination des juges, la durée de leur mandat, les règles constitutionnelles ou législatives qui régissent leur inamovibilité et la façon dont ils peuvent être démis de leurs fonctions.

En outre, l’État partie devrait dissoudre le Tribunal pénal spécial , étant donné que les procès tenus devant cette juridiction d’exception représentent une violation des principes fondamentaux d’un procès équitable.

Sanctions pénales

18)Le Comité est toujours préoccupé par le fait que certaines sanctions pénales (houdoud) telles que la flagellation, les coups et même l’amputation de membres, sont encore prévues par la loi et appliquées dans l’État partie, en violation de la Convention. Il est également préoccupé par les informations indiquant que, dans tout le pays, des tribunaux prononcent presque quotidiennement des peines de flagellation pour des infractions liées à la consommation d’alcool et des infractions sexuelles, et que ces peines sont exécutées immédiatement, en public, sans possibilité de faire appel. Il s’inquiète aussi du pouvoir discrétionnaire étendu conféré aux juges pour prononcer ces peines et de ce qu’elles puissent être imposées de manière discriminatoire contre certains groupes, notamment les femmes (art. 1er et 16).

L’État partie devrait mettre immédiatement un terme à ces pratiques et modifier sa législation en conséquence, eu égard en particulier aux effets discriminatoires de ces sanctions pénales sur différents groupes, notamment les femmes, afin qu’elle soit pleinement compatible avec la Convention.

Personnes déplacées

19)Le Comité est gravement préoccupé par le grand nombre de personnes déplacées dans la province septentrionale de Saada et par le fait que l’État n’aurait pas pris des mesures suffisantes pour assurer la protection des personnes touchées par le conflit dans le nord, en particulier des personnes déplacées qui sont actuellement enfermées dans des camps (art. 12 et 16).

L’État partie devrait prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer la protection des personnes touchées par le conflit dans la province septentrionale de Saada, en particulier des personnes déplacées actuellement enfermées dans des camps.

Défenseurs des droits de l’homme, militants politiques, journalistes et autres personnes en danger

20)Le Comité prend note avec préoccupation des allégations indiquant, notamment au sujet des événements survenus dans la région de Saada en janvier 2007, que de nombreux opposants au Gouvernement, notamment des défenseurs des droits de l’homme, des militants politiques et des journalistes, ont fait l’objet d’arrestations et de détentions arbitraires, ont été détenus au secret pour des périodes allant de plusieurs jours à plusieurs mois, se sont vu refuser l’accès à un avocat et n’ont pas eu la possibilité de contester la légalité de leur détention devant les tribunaux. Le Comité regrette l’absence d’informations sur les enquêtes menées sur ces allégations (art. 2, 12 et 16).

L’État partie devrait prendre toutes les mesures nécessaires pour que toutes les personnes, y compris les personnes qui surveillent la situation des droits de l’homme, soient protégées contre tout acte d’intimidation ou de violence du fait de leurs activités et de l’exercice des garanties des droits de l’homme, pour que de tels actes fassent rapidement l’objet d’une enquête impartiale et efficace, et pour que leurs auteurs soient poursuivis et condamnés à des peines en rapport avec la nature de leurs actes. L’État partie devrait donner des informations au sujet des enquêtes menées sur les événements survenus dans la région de Saada en janvier 2007, ainsi que sur les résultats de ces enquêtes.

Application de la peine de mort

21)Le Comité est profondément préoccupé par les informations selon lesquelles des mineurs âgés de 15 à 18 ans auraient été condamnés à mort. Le Comité s’inquiète également des conditions d’incarcération des condamnés à mort, qui sont telles qu’elles peuvent constituer un traitement cruel, inhumain ou dégradant, en particulier à cause de la durée excessive de la détention dans le quartier des condamnés à mort. Il note également avec préoccupation que le rapport de l’État partie ne donne pas d’informations ventilées par sexe, âge et appartenance ethnique sur le nombre de personnes exécutées pendant la période considérée, les infractions commises par ces personnes, et le nombre de personnes se trouvant actuellement dans le quartier des condamnés à mort (art. 16).

Le Comité recommande à l’État partie d’envisager de ratifier le deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, visant à l’abolition de la peine capitale. En attendant, l’État partie devrait revoir sa politique en matière de condamnation à la peine de mort, et en particulier prendre les mesures nécessaires pour que la peine capitale ne soit pas prononcée dans le cas d’enfants. De plus, l’État partie devrait faire en sorte que sa législation prévoie la possibilité de commuer la condamnation à mort, en particulier quand il s’est écoulé de longues années depuis qu’elle a été prononcée. L’État partie devrait veiller à ce que tous les condamnés à mort bénéficient de la protection assurée par la Convention et soient traités avec humanité.

Le Comité prie l’État partie de donner des informations détaillées sur le nombre exact de personnes exécutées pendant la période considérée, en précisant quelles infractions avaient été commises et si des enfants ont été condamnés à mort et exécutés. L’État partie devrait également indiquer le nombre de personnes se trouvant actuellement dans le quartier des condamnés à mort, en ventilant les données par sexe, âge, origine ethnique et infraction.

Non-refoulement

22)Le Comité demeure préoccupé par les nombreux cas de retour forcé d’étrangers dans leur pays, notamment vers l’Égypte et l’Érythrée, sans que les intéressés aient accès à un recours utile, ce qui pourrait être contraire aux obligations imposées par l’article 3 de la Convention. Il regrette également le manque d’informations sur les mesures prises par l’État partie pour s’assurer que ces personnes ne couraient pas un risque réel d’être soumises à la torture ou à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants dans le pays de destination, ou qu’elles ne seraient pas ultérieurement expulsées vers un autre pays où elles courraient un risque réel d’être soumises à la torture ou à de mauvais traitements. Il regrette aussi que l’État partie n’ait pas pris de mesures de suivi à cet égard (art. 3).

L’État partie ne devrait en aucun cas expulser, renvoyer ou extrader une personne vers un État où il y a des motifs sérieux de croire qu’elle risque d’être soumise à la torture ou à des mauvais traitements. Il devrait veiller à respecter intégralement les dispositions de l’article 3 de la Convention et faire en sorte que la situation des personnes relevant de sa juridiction soit prise suffisamment en considération par les autorités compétentes et que ces personnes soient traitées de façon équitable à tous les stades de la procédure, y compris en ayant la possibilité d’obtenir un réexamen effectif, indépendant et impartial des décisions d’expulsion, de renvoi ou d’extradition.

Lorsqu’il détermine si l’obligation de non-refoulement découlant de l’article 3 de la Convention s’applique, l’État partie devrait examiner minutieusement, sur le fond, chaque cas particulier, s’assurer qu’il existe des mécanismes judiciaires appropriés pour réexaminer la décision, et mettre en place des arrangements effectifs pour suivre la situation de l’intéressé après son retour. Les mêmes dispositions devraient être prises pour les personnes susceptibles de constituer une menace pour la sécurité.

Institution nationale de défense des droits de l’homme

23)Le Comité note que l’État partie envisage de créer une institution nationale indépendante des droits de l’homme mais ne l’a pas encore fait. Il note également que le Ministère des droits de l’homme a pour mandat de recevoir les plaintes, mais regrette l’absence d’informations sur la façon dont ces plaintes sont traitées ainsi que sur les enquêtes et les poursuites engagées et les sanctions pénales ou administratives prononcées contre les auteurs (art. 2, 11 et 12).

L’État partie devrait, en priorité, continuer d’œuvrer à la mise en place d’une institution nationale de défense des droits de l’homme conformément aux Principes concernant le statut des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l’homme (Principes de Paris) (résolution 48/134 de l’Assemblée générale). Il est également prié de fournir des informations, y compris des données statistiques, sur les plaintes reçues par le Ministère des droits de l’homme et sur les enquêtes et les poursuites engagées et les sanctions pénales ou administratives prononcées contre les auteurs.

Situation des femmes en détention

24)Le Comité est gravement préoccupé par les informations indiquant que les conditions de détention ne sont pas appropriées pour les femmes, qu’il n’y a pas de personnel féminin dans les prisons pour femmes, à l’exception du centre de détention de Hajah, et qu’il n’y a pas de soins de santé spécifiques pour les prisonnières, notamment pour les femmes enceintes et pour les enfants. Les détenues sont fréquemment harcelées, humiliées et maltraitées par les gardiens et certaines seraient victimes de violence sexuelle, notamment de viol. Le Comité se dit une nouvelle fois préoccupé par la situation des femmes qui ont exécuté leur peine mais qui restent en prison pendant une longue période, parce que leur tuteur ou leur famille refusent de les recevoir ou ne sont pas en mesure d’acquitter le «prix du sang» qu’elles ont été condamnées à payer (CAT/C/CR/31/4, par. 6 h)). Le Comité relève aussi avec préoccupation que la majorité des détenues ont été condamnées pour prostitution, adultère, alcoolisme ou comportement illégal ou indécent dans un lieu public ou privé, ainsi que pour avoir enfreint les restrictions à la liberté de mouvement imposées par les traditions familiales et les lois yéménites; il note aussi avec préoccupation que les peines en question sont appliquées de manière discriminatoire envers les femmes (art. 11 et 16).

L’État partie devrait prendre des mesures efficaces pour prévenir la violence sexuelle contre les femmes en détention, et notamment revoir les politiques et procédures qui régissent la surveillance et le traitement des détenus, séparer les femmes des hommes, faire appliquer les règlements qui prévoient que les détenues doivent être surveillées par des femmes, et suivre les cas de violence sexuelle en détention et en établir l’existence.

L’État partie devrait également prendre des mesures efficaces pour que les détenus qui auraient été victimes de violence sexuelle puissent en faire état sans s’exposer à des mesures punitives de la part du personnel, pour protéger les détenus qui dénoncent des violences sexuelles contre les représailles du ou des agresseurs, pour ouvrir sans délai des enquêtes efficaces et impartiales et engager des poursuites dans tous les cas de violence sexuelle en détention et pour garantir aux victimes l’accès à des soins médicaux et des soins de santé mentale, en toute confidentialité, ainsi qu’une réparation, y compris sous la forme d’une indemnisation et d’une aide à la réadaptation. L’État partie est prié de fournir des données ventilées par sexe, âge et origine ethnique des victimes de violence sexuelle, et des informations sur les enquêtes, les poursuites engagées et les sanctions prononcées.

En outre, l’État partie devrait veiller à ce que les femmes incarcérées aient accès à des infrastructures de santé adéquates et à ce que des programmes de réadaptation soient mis en place pour assurer la réinsertion de ces femmes dans la communauté même si leur tuteur ou leur famille refuse de les accueillir. À ce sujet, le Comité demande à l’État partie de l’informer de toute mesure prise pour créer des foyers de transition pour ces femmes, comme il l’avait recommandé dans ses précédentes observations finales (CAT/C/CR/31/4, par. 7 k)).

Enfants en détention

25)Le Comité note une nouvelle fois avec une vive inquiétude que des enfants peuvent être placés en détention dès l’âge de 7 ou 8 ans. Il est également préoccupé par les informations selon lesquelles les enfants, souvent, ne sont pas séparés des adultes dans les établissements de détention et sont fréquemment victimes de violence. Le Comité reste également préoccupé par le fait que l’âge minimum de la responsabilité pénale, fixé à 7 ans, est extrêmement bas, et par d’autres carences du système de justice pour mineurs (art. 11 et 16).

L’État partie devrait d’urgence relever l’âge minimum de la responsabilité pénale afin de le rendre conforme aux normes internationales généralement acceptées. Il devrait également prendre toutes les mesures nécessaires pour réduire sensiblement le nombre d’enfants en détention et veiller à ce que les personnes de moins de 18 ans ne soient pas détenues avec des adultes, à ce que soient appliquées des mesures de substitution à la privation de liberté, comme la libération conditionnelle, le travail d’intérêt général ou les peines avec sursis, à ce que les professionnels de la réadaptation et de la réinsertion sociale des enfants bénéficient d’une formation suffisante et à ce que la privation de liberté ne soit prononcée qu’à titre de mesure de dernier ressort, pour une durée aussi brève que possible et dans des conditions appropriées. Le Comité fait siennes les recommandations formulées par le Comité des droits de l’enfant (CRC/C/15/ Add .267, par. 76 et 77). Il demande à l’État partie de fournir des statistiques sur le nombre d’enfants en détention, ventilées par sexe, âge et appartenance ethnique.

Formation

26)Le Comité prend note des informations détaillées sur les programmes de formation et de sensibilisation figurant dans le rapport. Toutefois, il est préoccupé par l’absence d’informations sur les programmes de sensibilisation et de formation qui peuvent être dispensés aux membres du Département de la sécurité politique, de l’Autorité de la sécurité nationale et du Ministère de l’intérieur ainsi que sur les éventuels programmes de formation destinés aux juges, aux procureurs, aux médecins légistes et au personnel médical qui s’occupe des détenus, pour leur apprendre à déceler les séquelles physiques et psychologiques de la torture et à en consigner l’existence. Il regrette également l’absence d’informations sur le suivi des programmes de formation et l’évaluation de leur efficacité pour la réduction du nombre de cas de torture et de mauvais traitements (art. 10).

L’État partie devrait continuer à concevoir et à renforcer les programmes de formation pour garantir que tous les fonctionnaires − forces de l’ordre, agents de sécurité, militaires et personnel pénitentiaire − connaissent bien les dispositions de la Convention, que les violations signalées ne seront pas tolérées et donneront lieu à enquête, et faire en sorte que les contrevenants seront poursuivis en justice. À ce sujet, il est prié de fournir des informations sur tout programme de sensibilisation et de formation destiné aux membres du Département de la sécurité politique, de l’Autorité de la sécurité nationale et du Ministère de l’intérieur. En outre, tous les personnels concernés devraient recevoir une formation spécifique sur la façon de déceler les signes de torture et de mauvais traitements, et cette formation devrait notamment porter sur l’utilisation du Manuel pour enquêter efficacement sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (Protocole d’Istanbul), qui devrait être fourni aux médecins et effectivement utilisé. En outre, l’État partie devrait évaluer l’efficacité et l’incidence de ces programmes de formation et d’enseignement.

Réparation, y compris l’indemnisation et la réadaptation

27)Le Comité se dit une nouvelle fois préoccupé par l’absence d’informations sur les modalités d’indemnisation et de réadaptation des victimes d’actes de torture et de mauvais traitements infligés par des agents de l’État partie (CAT/C/CR/31/4, par. 6 g)) ainsi que sur le nombre de victimes de la torture et de mauvais traitements qui ont pu recevoir une indemnisation et le montant des sommes accordées en pareil cas. Le Comité regrette également l’absence d’informations sur les services de traitement et de réadaptation sociale et sur les autres formes d’assistance, notamment les services de réadaptation médicale ou psychosociale proposés aux victimes (art. 14).

L’État partie devrait intensifier ses efforts pour offrir aux victimes d’actes de torture et de mauvais traitements une indemnisation juste et adéquate, une réparation et la réadaptation la plus complète possible. En outre, il devrait donner des informations sur les mesures de réparation et d’indemnisation ordonnées par les tribunaux et dont ont bénéficié les victimes de la torture ou leur famille au cours de la période considérée. Ces informations devraient notamment porter sur le nombre de requêtes présentées, le nombre de requêtes satisfaites, et les montants accordés et effectivement versés dans chaque cas. En outre, l’État partie devrait donner des renseignements sur tout programme de réparation, notamment sur le traitement des traumatismes et les autres formes de réadaptation offertes aux victimes d’actes de torture et de mauvais traitements, et indiquer si des ressources suffisantes ont été allouées pour assurer le bon fonctionnement de ces programmes.

Aveux obtenus sous la contrainte

28)Le Comité note qu’en vertu des garanties constitutionnelles et des dispositions du Code de procédure pénale les preuves obtenues par la torture ne sont pas recevables, mais il est préoccupé par les informations faisant état de plusieurs cas d’aveux obtenus sous la contrainte et par l’absence d’informations sur les agents publics qui auraient pu être poursuivis et sanctionnés pour avoir ainsi extorqué des aveux (art. 15).

L’État partie devrait prendre les mesures nécessaires pour garantir dans tous les cas que les aveux obtenus sous la torture ou la contrainte soient irrecevables par les tribunaux conformément à la législation interne et aux dispositions de l’article 15 de la Convention. Le Comité demande à l’État partie de donner des renseignements sur l’application des dispositions interdisant que des preuves obtenues sous la contrainte soient recevables et d’indiquer si des agents publics ont été poursuivis et sanctionnés pour avoir ainsi extorqué des aveux.

Violence familiale

29)Le Comité note que dans le rapport de l’État partie il est fait référence à l’adoption de la loi no 6 de 2008 sur la protection contre la violence familiale (CAT/C/YEM/2, par. 132 à 146). Il regrette le peu d’informations fournies sur la teneur et la mise en œuvre de cette loi. Il note avec préoccupation que la violence contre les femmes et les enfants, y compris la violence familiale, reste répandue au Yémen. Il constate également avec préoccupation que les femmes rencontrent des difficultés pour porter plainte et demander réparation pour de tels actes. En outre, il est préoccupé par le fait que, en vertu de l’article 232 du Code pénal, un homme, ou un parent de sexe masculin, qui tue sa femme ou une femme de la famille soupçonnée d’adultère n’est pas poursuivi pour meurtre mais pour un délit moins grave. Il est aussi préoccupé par l’absence de données, notamment de statistiques, sur les plaintes, les poursuites et les condamnations dans le cas des homicides commis contre des femmes par leur mari ou un parent de sexe masculin et des actes de violence familiale (art. 1er, 2, 12 et 16).

L’État partie devrait intensifier ses efforts pour prévenir, combattre et réprimer la violence contre les femmes et les enfants, y compris la violence familiale. Le Comité l’encourage à participer directement aux programmes de réadaptation et d’assistance juridique et à mener des campagnes de sensibilisation à plus grande échelle à l’intention de tous les agents (juges, personnel de justice, membres des forces de l’ordre et travailleurs sociaux) qui sont en contact direct avec les victimes. Il lui recommande également d’établir des procédures claires pour le dépôt de plaintes concernant la violence contre les femmes et de créer dans les postes de police des sections féminines qui seraient chargées de ces plaintes et enquêtes.

L’État partie devrait abroger l’article 232 du Code pénal pour que les homicides de femmes commis par leur mari ou un parent de sexe masculin fassent l’objet des mêmes poursuites et des mêmes peines que tout autre meurtre. Il devrait également intensifier ses efforts dans les domaines de la recherche et de la collecte de données sur l’ampleur de la violence familiale et des homicides de femmes tuées par leur mari ou un parent. Le Comité lui demande de lui fournir des données statistiques sur les plaintes déposées pour de tels faits, les poursuites engagées et les condamnations prononcées.

Traite

30)Le Comité est préoccupé par les informations indiquant que des femmes et des enfants font l’objet d’un trafic à des fins d’exploitation sexuelle ou autre, notamment de cas de traite d’enfants à destination de l’étranger, en particulier de l’Arabie saoudite. Il est également préoccupé par le manque général d’informations sur l’ampleur de la traite dans l’État partie, notamment sur le nombre de plaintes, les enquêtes, les poursuites et les condamnations, ainsi que sur les mesures concrètes adoptées pour prévenir et combattre ce phénomène (art. 1er, 2, 12 et 16).

L’État partie devrait intensifier ses efforts pour prévenir et combattre la traite des femmes et des enfants et coopérer étroitement avec les autorités saoudiennes dans les affaires de traite d’enfants. Il devrait offrir une protection aux victimes et leur assurer l’accès aux services médicaux, sociaux et juridiques et aux services de réadaptation, y compris, le cas échéant, à des services de conseil. Il devrait également créer les conditions permettant aux victimes d’exercer leur droit de porter plainte, mener sans délai des enquêtes impartiales et efficaces sur toutes les allégations de traite et veiller à ce que les coupables soient traduits en justice et condamnés à des peines à la mesure de la gravité des infractions. Il est prié d’apporter des informations sur les mesures prises pour offrir une assistance aux victimes de la traite ainsi que des données statistiques sur le nombre de plaintes, d’enquêtes, de poursuites et de condamnations.

Mariages précoces

31)Le Comité est vivement préoccupé par la modification apportée à la loi no 20 de 1992 relative au statut personnel par la loi no 24 de 1999, qui a légalisé le mariage des filles de moins de 15 ans, avec le consentement de leur tuteur. Il se dit préoccupé par la «légalité» de ces mariages précoces de filles qui n’ont parfois pas plus de 8 ans, et souligne qu’ils s’apparentent à une forme de violence à l’encontre des filles concernées ainsi qu’à une forme de traitement inhumain ou dégradant, et constituent donc une violation de la Convention (art. 1er, 2 et 16).

L’État partie devrait prendre d’urgence des mesures législatives pour relever l’âge minimum du mariage pour les filles, conformément à l’article premier de la Convention relative aux droits de l’enfant, selon lequel toute personne de moins de 18 ans doit être considérée comme un enfant, et au paragraphe 2 de l’article 16 de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, et disposer expressément que les mariages d’enfants n’ont pas d’effet juridique. Le Comité engage instamment l’État partie à faire respecter l’obligation d’enregistrer tous les mariages afin de contrôler leur légalité, ainsi que la stricte interdiction des mariages précoces, et à poursuivre les contrevenants, conformément aux recommandations faites par le Comité sur l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes (CEDAW/C/YEM/CO/6, par. 31) et dans le cadre de l’Examen périodique universel (A/HRC/12/13).

Collecte de données

32)Le Comité regrette l’absence de données complètes et détaillées sur les plaintes, les enquêtes, les poursuites et les condamnations dans les affaires de torture et de mauvais traitements infligés par les forces de l’ordre, le personnel de sécurité, les militaires et le personnel pénitentiaire, ainsi que sur les exécutions extrajudiciaires, les disparitions forcées, la traite et la violence familiale et sexuelle (art. 12 et 13).

L’État partie devrait compiler des données statistiques pertinentes pour la surveillance de l’application de la Convention au niveau national, notamment des données sur les plaintes, les enquêtes, les poursuites et les condamnations dans les affaires de torture et de mauvais traitements, les exécutions extrajudiciaires, les disparitions forcées, la traite et la violence familiale et sexuelle ainsi que sur la réparation offerte aux victimes, y compris l’indemnisation et la réadaptation.

Coopération avec les mécanismes des Nations Unies relatifs aux droits de l’homme

33)Le Comité recommande à l’État partie de renforcer sa coopération avec les mécanismes des Nations Unies relatifs aux droits de l’homme, notamment en autorisant les visites, entre autres, du Rapporteur spécial sur la torture, du Rapporteur spécial sur la promotion et la protection des droits de l’homme et des libertés fondamentales dans la lutte antiterroriste, du Rapporteur spécial sur les exécutions extrajudiciaires et du Groupe de travail sur la détention arbitraire.

34)Prenant acte de l’engagement pris par le Yémen dans le cadre de l’examen périodique universel (A/HRC/12/13, par. 93 4)), le Comité recommande à l’État partie d’envisager de ratifier dès que possible le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

35)Le Comité recommande à l’État partie d’envisager de faire les déclarations prévues aux articles 21 et 22 de la Convention.

36)Rappelant ses observations finales précédentes (CAT/C/CR/31/4, par. 4 d)), le Comité recommande à l’État partie d’envisager de ratifier le Statut de Rome de la Cour pénale internationale.

37)Le Comité invite l’État partie à signer et à ratifier les principaux instruments des Nations Unies relatifs aux droits de l’homme auxquels il n’est pas encore partie: la Convention sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille et la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées.

38)Le Comité invite l’État partie à soumettre son document de base en suivant les instructions relatives à l’établissement du document de base commun qui figurent dans les directives harmonisées pour l’établissement des rapports, approuvées par les organes créés en vertu d’instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme (HRI/GEN/2/Rev.6).

39)L’État partie est invité à diffuser largement les rapports qu’il a soumis au Comité ainsi que les observations finales, dans les langues voulues, par l’intermédiaire des sites Web officiels, des médias et des organisations non gouvernementales.

40)Le Comité demande à l’État partie de faire part de ses réponses et commentaires au sujet des questions soulevées dans les présentes observations finales provisoires, et notamment de donner suite aux demandes d’informations, d’ici le 15 février 2010. Conformément au paragraphe 2 b) de l’article 66 de son règlement intérieur, le Comité examinera les présentes observations finales provisoires à la lumière des réponses et des commentaires fournis par l’État partie et adoptera ses observations finales définitives à sa prochaine session.

57.Autriche

1)Le Comité contre la torture a examiné les quatrième et cinquième rapports périodiques de l’Autriche, présentés en un seul document (CAT/C/AUT/4-5), à ses 940e et 942e séances les 5 et 6 mai 2010 (CAT/C/SR.940 et 942), et a adopté à sa 950e séance les observations finales ci-après (CAT/C/SR.950).

A.Introduction

2)Le Comité accueille avec satisfaction la présentation, en temps voulu, des quatrième et cinquième rapports périodiques de l’Autriche et des réponses à la liste des points à traiter. Il regrette toutefois que les rapports ne suivent pas ses directives concernant l’établissement des rapports.

3)Le Comité apprécie les efforts constructifs faits par la délégation de haut niveau pour fournir des informations et des explications complémentaires au cours de l’examen du rapport.

B.Aspects positifs

4)Le Comité constate avec satisfaction que depuis l’examen du troisième rapport périodique de l’État partie, ce dernier a ratifié les instruments internationaux suivants:

a)La Convention relative aux droits des personnes handicapées et son Protocole facultatif (26 septembre 2008);

b)La Convention du Conseil de l’Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains (12 octobre 2006);

c)La Convention européenne relative au dédommagement des victimes d’infractions violentes (30 août 2006).

5)Le Comité prend note avec satisfaction des efforts incessants déployés par l’État partie pour réviser sa législation afin de donner effet aux recommandations du Comité et d’améliorer l’application de la Convention, notamment:

a)L’entrée en vigueur, le 1er janvier 2008, de la loi relative à la réforme de la procédure pénale et des amendements au Code de procédure pénale. Le Comité se félicite en particulier des nouvelles dispositions concernant:

i)L’interdiction d’utiliser des preuves obtenues en recourant à la torture ou à d’autres traitements cruels, inhumains ou dégradants, ou à des méthodes d’interrogatoire illégales;

ii)L’obligation pour les tribunaux de signaler immédiatement et d’office au procureur les affaires dans lesquelles des preuves auraient été obtenues en recourant à de tels moyens illégaux;

iii)La mention expresse du droit du prévenu à s’abstenir de toute déclaration;

iv)Le droit de se mettre en rapport avec un avocat avant l’interrogatoire;

v)Le droit du prévenu de se faire assister d’un interprète;

vi)Le droit du prévenu d’avoir accès à son dossier lors de l’enquête de police;

b)L’entrée en vigueur, en juin 2009, de la seconde loi relative à la protection contre la violence, qui modifie la loi relative aux victimes d’infractions en élargissant la gamme des services et des aides mis à la disposition de ces victimes, y compris des victimes d’actes de violence sexiste.

6)Le Comité approuve également les efforts faits par l’État partie pour modifier ses politiques et procédures afin de renforcer la protection des droits de l’homme et de donner effet à la Convention, notamment:

a)L’adoption d’une position de principe ferme contre l’utilisation des assurances diplomatiques pour faciliter le transfert de personnes vers un pays où elles seraient exposées au risque de torture ou d’autres peines inhumaines ou dégradantes;

b)L’adoption de deux plans d’action nationaux contre la traite des êtres humains respectivement pour les périodes 2007-2009 et 2009-2011;

c)L’établissement du Comité de coordination pour la protection des enfants contre l’exploitation sexuelle, qui est chargé de coordonner et d’évaluer en permanence le respect par l’État partie de ses engagements internationaux en matière de lutte contre les abus sexuels à l’égard des enfants;

d)La publication, en mars 2010, du rapport du Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants sur la visite qu’il a effectuée en Autriche en février 2009, et la réponse de l’État partie à ce rapport.

7)Le Comité apprécie le fait que l’État partie a adressé une invitation permanente aux procédures spéciales du Conseil des droits de l’homme.

C.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Définition de la torture et infraction de torture

8)Tout en notant que l’État partie est en train de préparer un amendement au Code pénal en vue d’inclure dans celui-ci une définition de la torture, le Comité constate avec préoccupation que l’État partie n’a toujours pas incorporé dans sa législation interne l’infraction de torture telles qu’elle est définie à l’articler premier de la Convention (art. 1er, et 4).

Le Comité réitère sa recommandation précédente (A/55/44, par. 50 a) et CAT/C/AUT/ CO/3, par. 6), tendant à ce que l’État partie prenne les dispositions nécessaires pour incorporer dans sa législation interne l’infraction de torture et adopter une définition de la torture qui couvre tous les éléments figurant à l’article premier de la Convention. L’État partie devrait également prendre les mesures voulues pour rendre ces infractions passibles de peines appropriées qui prennent en considération leur gravité, ainsi qu’il est stipulé à l’article 4, paragraphe 2, de la Convention.

Garanties fondamentales 

9)Le Comité est préoccupé par les restrictions appliquées par l’État partie à l’exercice du droit de toute personne arrêtée ou détenue de communiquer avec un avocat et de bénéficier de la présence d’un avocat pendant l’interrogatoire. Il note à cet égard avec préoccupation que, conformément à l’article 59, paragraphe 1, du Code de procédure pénale tel qu’il a été modifié, la police peut surveiller les contacts entre la personne arrêtée ou détenue et son avocat et exclure la présence de l’avocat pendant l’interrogatoire s’il s’avère nécessaire «de prévenir toute ingérence dans l’enquête en cours ou toute altération des preuves». Dans un tel cas, un enregistrement audio ou visuel de l’interrogatoire doit être réalisé si cela est possible (art. 164, par. 2, du Code de procédure pénale). Le Comité est également préoccupé par la teneur du paragraphe 24 de l’instruction interne (Erlass) Ref. BMI-EE1500/0007-II/2/a/2009 du Ministère fédéral de l’intérieur en date du 30 janvier 2009, d’après lequel il semblerait que la police ne soit pas tenue de différer un interrogatoire pour permettre à l’avocat de se rendre sur le lieu de l’interrogatoire (art. 2 et 11).

Le Comité réitère sa recommandation (CAT/C/AUT/CO/3, par. 11) tendant à ce que l’État partie adopte toutes les garanties juridiques et administratives nécessaires pour assurer que les prévenus aient le droit de s’entretenir avec un avocat en privé, y compris pendant la détention, et de bénéficier d’une assistance judiciaire dès le moment de leur arrestation et quelle que soit la nature de l’infraction dont ils sont soupçonnés. L’État partie devrait également étendre l’usage des techniques audio et vidéo à tous les commissariats de police et lieux de détention, non seulement dans les salles d’interrogatoire mais aussi dans les cellules et les couloirs.

L’État partie devrait modifier sans tarder le paragraphe 24 de l’instruction interne susmentionnée afin d’empêcher des situations dans lesquelles les détenus seraient privés de leur droit à une défense effective à un moment crucial de la procédure et seraient exposés au risque de torture ou de mauvais traitements.

Délinquants mineurs

10)Le Comité note que, d’après l’article 164, paragraphe 2, du Code de procédure pénale, les délinquants mineurs ne peuvent pas être interrogés en l’absence d’un avocat. Il a cependant reçu des informations selon lesquelles des délinquants mineurs, certains âgés seulement de 14 ans, auraient été interrogés par la police, parfois pendant des périodes prolongées, et invités à signer des déclarations sans bénéficier de la présence d’une personne de confiance ou d’un avocat (art. 2 et 11).

L’État partie devrait prendre les mesures nécessaires pour assurer le bon fonctionnement du système d’administration de la justice pour mineurs conformément aux normes internationales et pour garantir que les mineurs soient toujours entendus en présence d’un représentant légal.

Assistance judiciaire

11)Le Comité prend note du programme d’assistance judiciaire introduit par le Ministère fédéral de la justice et l’Association fédérale du barreau. Il demeure toutefois préoccupé par les informations faisant état de la persistance d’insuffisances au niveau de l’application concrète du droit d’accès à un avocat pendant la garde à vue, notamment en ce qui concerne le respect du caractère privé des communications avec l’avocat (art. 2).

Le Comité réitère sa recommandation (CAT/C/AUT/CO/3, par. 12) tendant à ce que l’État partie établisse un véritable système d’assistance judiciaire doté des fonds nécessaires. Il rappelle à cet égard les recommandations faites en 2004 et 2009 par le Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants. Le Comité recommande en outre à l’État partie de prendre les mesures nécessaires pour mettre en place un système d’assistance judiciaire gratuit et efficace, en particulier pour les personnes indigentes soupçonnées d’une infraction.

Composition des forces de police et des services pénitentiaires

12)Tout en se félicitant des mesures prises par l’État partie pour améliorer la représentation des femmes et des minorités ethniques au sein de la police, mesures qui auront un effet bénéfique sur l’activité de la police, notamment dans les affaires de violence sexiste et toute affaire de discrimination, le Comité constate avec préoccupation que la représentation des femmes et des minorités ethniques dans la police et le système pénitentiaire reste très faible (art. 2).

L’État partie devrait poursuivre ses efforts pour diversifier la composition de ses services de police et des services pénitentiaires et pour étendre les campagnes de recrutement en direction des communautés ethniques minoritaires dans l’ensemble du pays. Le Comité invite l’État partie à faire figurer dans son prochain rapport périodique des informations sur les mesures prises pour améliorer la représentation de ces communautés, ainsi que des statistiques détaillées sur la composition des forces de police et des services pénitentiaires.

Non‑refoulement et accès à une procédure d’asile équitable et rapide

13)Le Comité se félicite des amendements apportés à la loi sur l’asile suite à l’arrêt G151/02 de la Cour constitutionnelle en date du 12 décembre 2002, qui répondent aux préoccupations qu’il avait exprimées dans ses observations finales précédentes (CAT/C/AUT/CO/3). Le Comité constate avec préoccupation que, selon l’article 12, alinéa a, de la loi révisée sur l’asile, les personnes qui soumettent une nouvelle demande de protection internationale fondée sur de nouveaux motifs ne peuvent pas bénéficier d’un sursis à l’expulsion si cette demande est présentée dans les deux jours avant la date fixée pour l’expulsion, et qu’elles risquent donc le refoulement. En outre, les personnes dont la première demande d’asile a été jugée irrecevable conformément au Règlement Dublin II sont, dès lors qu’elles soumettent une nouvelle demande, privées de la protection de facto contre le déplacement (faktischer Abschiebeschutz) qu’assurait le permis de résidence octroyé aux demandeurs d’asile durant la procédure d’admission qui les préservait de l’expulsion. Le Comité note avec préoccupation que, dans les deux cas, les demandeurs d’asile ne bénéficient pas d’un recours effectif. Il est en outre préoccupé par l’information communiquée par l’État partie selon laquelle la formation d’un recours contre une décision de refus du droit d’asile fondée sur des questions de procédure, et non de fond, n’a pas d’effet suspensif automatique (art. 3) (voir la lettre datée du 15 novembre 2008 du Rapporteur chargé du suivi des observations finales).

L’État partie devrait prendre les mesures nécessaires pour faire en sorte que les individus relevant de sa juridiction se voient garantir un traitement équitable à tous les stades de la procédure, y compris la possibilité d’un examen effectif, indépendant et impartial des décisions d’expulsion, de renvoi ou de reconduite à la frontière.

14)Le Comité note que les dispositions juridiques concernant les besoins fondamentaux des demandeurs d’asile, notamment l’assistance en matière de santé, qui figurent dans la loi fédérale relative aux soins (2005) telle que modifiée, ainsi que dans l’Accord sur l’assistance de base (2004), ont à présent été adoptées par tous les Länder, comme il l’avait recommandé dans ses précédentes observations finales (CAT/C/AUT/CO/3, par. 17). Il est toutefois préoccupé par les informations faisant état des nombreux motifs réglementaires invoqués pour supprimer ou interrompre cette assistance, comme le fait de soumettre une nouvelle demande d’asile dans les six mois suivant le rejet d’une demande précédente (art. 16).

L’État partie devrait prendre des mesures efficaces pour faire en sorte que les demandeurs d’asile dans le besoin bénéficient de conditions d’accueil adéquates, notamment d’un hébergement et d’une assistance en matière de santé, et qu’une aide sociale suffisante leur soit accordée tout au long de la procédure d’asile.

Formation

15)Le Comité prend note des informations communiquées par l’État partie en ce qui concerne les programmes de formation destinés aux juges, procureurs, policiers et autres agents de la force publique. Il déplore toutefois la rareté des informations concernant le suivi et l’évaluation de ces programmes de formation ainsi que l’absence de renseignements sur l’impact de la formation dispensée et son efficacité dans la réduction des cas de torture et de mauvais traitements (art. 10).

L’État partie devrait:

Continuer d’élaborer et de mettre en œuvre des programmes de formation pour assurer que les juges, les procureurs, les agents de la force publique et les agents pénitentiaires soient pleinement informés des dispositions de la Convention et du fait que les infractions ne seront pas tolérées et donneront lieu à des enquêtes et que leurs auteurs seront poursuivis;

Veiller à ce que l’ensemble du personnel concerné reçoive une formation spécifique sur le Manuel pour enquêter efficacement sur la torture et autres peines ou traitements cruels inhumains ou dégradants (Protocole d’Istanbul);

Mettre au point et appliquer une méthode permettant d’évaluer l’efficacité de ces programmes de formation et d’éducation et leur impact sur la réduction des cas de torture et de mauvais traitements.

Conditions de détention

16)Le Comité est préoccupé par la politique de détention appliquée aux demandeurs d’asile, notamment par les informations indiquant qu’ils sont placés dans des centres de détention de la police réservés aux auteurs d’infractions pénales et administratives (Polizeianhaltezentrum − PAZ), parfois confinés vingt‑trois heures par jour dans des cellules fermées, séparés de leur famille, n’ayant droit à des visites que dans des conditions strictes, et sans accès à des soins médicaux adéquats ni possibilité de bénéficier de conseils juridiques professionnels. À cet égard, le Comité déplore la modification du cadre législatif résultant de la dernière réforme de la loi relative à l’asile et de la loi sur la police des étrangers, entrée en vigueur en janvier 2006. Selon le nouvel article 76, paragraphe 2a, de cette dernière loi, le placement en détention de demandeurs d’asile dont la demande d’asile n’a pas encore fait l’objet d’une décision définitive ou qui a été rejetée uniquement pour des questions de procédure, est devenu, dans certaines circonstances, impératif lorsqu’il est considéré comme nécessaire pour assurer l’expulsion (art. 11).

Conformément aux attentes d’autres organes compétents créés en vertu d’instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, l’État partie devrait:

a) Veiller à ce que le placement en détention de demandeurs d’asile ne soit utilisé que dans des circonstances exceptionnelles ou en dernier ressort;

b) Envisager des solutions de substitution à la détention et mettre fin à la pratique consistant à placer des demandeurs d’asile dans des centres de détention de la police;

c) Prendre des mesures immédiates et effectives pour faire en sorte que les demandeurs d’asile en attente d’expulsion soient placés dans des centres conçus spécialement à cet effet, où ils bénéficient de conditions matérielles et d’un régime adaptés à leur situation juridique;

d) Veiller à ce que les demandeurs d’asile bénéficient d’un plein accès à des consultations juridiques gratuites par des personnes qualifiées ainsi qu’à des services médicaux adéquats, à des activités professionnelles et au droit de recevoir des visites.

17)Tout en notant les mesures prises par l’État partie pour améliorer les conditions de vie dans les centres de détention, notamment l’ensemble de mesures législatives («Haftenlastungspaket ») visant à réduire le délai d’attente avant la libération conditionnelle et les motifs de détention préventive, le Comité constate avec préoccupation que les lieux de détention sont toujours surpeuplés, notamment les prisons de Josefstadt et Simmerig II à Vienne, et qu’il y a des problèmes d’effectifs. Le Comité est également préoccupé par la réintroduction en juin 2009 de dispositifs créant une rupture électromusculaire («Taser») en milieu pénitentiaire (art. 2, 11 et 16).

L’État partie devrait intensifier ses efforts visant à réduire la surpopulation carcérale, notamment en appliquant des mesures de substitution à l’emprisonnement et en prévoyant de nouveaux établissements de détention en fonction des besoins. L’État partie devrait également prendre des mesures propres à accroître les effectifs en général, et le nombre des agents pénitentiaires de sexe féminin, en particulier.

Le Comité réitère sa préoccupation devant le fait que l’utilisation de dispositifs créant une rupture électromusculaire peut provoquer de fortes douleurs assimilables à de la torture et, dans certains cas, être mortelle. L’État partie devrait envisager de renoncer à l’utilisation de tels dispositifs pour maîtriser des personnes en détention, qui conduit à des violations de la Convention.

18)Tout en prenant note du programme de prévention du suicide mis en place par le Ministère fédéral de la justice en décembre 2007, le Comité juge élevé le nombre des suicides et autres décès subits survenant en détention (art. 11).

L’État partie devrait intensifier ses efforts pour empêcher les suicides et autres décès subits dans tous les lieux de détention. Le Comité prie instamment l’État partie d’enquêter rapidement et de façon approfondie et impartiale sur tous les décès de détenus, en évaluant les soins dont ont bénéficié les prisonniers en matière de santé ainsi que les éventuelles responsabilités du personnel pénitentiaire, et de verser le cas échéant des dédommagements adéquats aux familles des victimes.

L’État partie devrait en outre faire figurer dans son prochain rapport périodique des renseignements sur les enquêtes indépendantes menées dans les cas de suicide et autres décès subits, ainsi que sur toute consigne adoptée à cet égard pour la prévention des suicides.

Enquêtes rapides, approfondies et impartiales

19)Le Comité regrette l’insuffisance des données statistiques fournies par l’État partie sur les allégations de cas de tortures et de mauvais traitements ainsi que l’absence d’informations sur les résultats des enquêtes menées au sujet de ces allégations. Le Comité note avec préoccupation que près de la moitié des cas survenus en 2009 concernent des étrangers. À cet égard, le Comité demeure préoccupé par le taux élevé d’impunité constaté dans les affaires de brutalités policières, notamment de brutalités considérées comme ayant une motivation raciste. Jusqu’à janvier 2010, les allégations de torture et de mauvais traitements étaient examinées par le Bureau des affaires intérieures (BIA), une division spéciale du Ministère fédéral de l’intérieur, qui informait le procureur compétent des résultats des enquêtes internes. Le Bureau des affaires intérieures transmettait une copie de ses rapports au Conseil consultatif des droits de l’homme, mais les membres de cette institution nationale des droits de l’homme n’étaient pas investis de pouvoirs d’investigation. Depuis l’entrée en vigueur, le 1er janvier 2010, de la loi fédérale relative à la création et à l’organisation du Bureau fédéral de lutte contre la corruption (BAK), le BIA a été remplacé par le BAK, c’est-à-dire, d’après les informations fournies par la délégation, par «un organe indépendant, qui ne relève pas des structures traditionnelles chargées de faire appliquer la loi et qui mène des enquêtes indépendantes en étroite coopération avec le parquet» (art. 12 et 13).

Le Comité recommande à l’État partie de:

Prendre les mesures nécessaires pour faire en sorte que toutes les allégations d’actes de torture ou de traitements cruels, inhumains ou dégradants fassent rapidement l’objet d’enquêtes impartiales, que les auteurs de tels actes soient dûment poursuivis et, s’ils sont jugés coupables, condamnés à des peines qui prennent en considération la gravité de leurs actes, et que les victimes bénéficient d’une indemnisation adéquate, y compris d’une réadaptation complète;

Renforcer et étendre le mandat du Bureau autrichien du Médiateur afin d’y inclure la protection et la promotion de tous les droits de l’homme conformément aux Principes de Paris;

Veiller à ce que des données précises et fiables soient collectées sur les actes de torture et d’abus commis dans les locaux de la police pendant la garde à vue et dans d’autres lieux de détention.

L’État partie devrait communiquer au Comité des informations complémentaires sur le mandat du nouveau Bureau fédéral de lutte contre la corruption et les procédures établies pour mener des enquêtes indépendantes sur toutes les allégations d’actes de torture ou de mauvais traitements commis par des agents de la force publique. L’État partie devrait également donner au Comité des renseignements sur les cas de torture et de mauvais traitements pour lesquels des circonstances aggravantes, telles qu’elles sont énoncées à l’article 33 du Code pénal, y compris le racisme et la xénophobie, ont été invoquées pour déterminer les peines à prononcer pour les infractions.

20)Le Comité demeure profondément préoccupé par la clémence des peines prononcées par les tribunaux autrichiens dans les affaires de torture ou autres mauvais traitements commis par des agents de la force publique. Il est particulièrement préoccupé par l’affaire Cheibani Wague, un Mauritanien qui est mort le 16 juillet 2003 à Vienne alors qu’il était immobilisé par des policiers et une équipe d’agents paramédicaux. En novembre 2009, le médecin urgentiste et un policier ont été condamnés tous deux à sept mois d’emprisonnement avec sursis, peine qui a été réduite en appel à quatre mois avec sursis dans le cas du policier. Le Comité est également préoccupé par l’affaire Mike B., un enseignant américain noir qui a été roué de coups en février 2009 dans le métro viennois par des policiers en mission (art. 11 et 16).

L’État partie devrait:

Faire en sorte que des enquêtes rapides, approfondies et impartiales soient menées sur les allégations d’actes de torture et de mauvais traitements, que les auteurs de ces actes soient poursuivis et punis et que les victimes bénéficient de recours effectifs et d’une aide à la réadaptation.

Veiller à ce que les peines prononcées pour actes de torture et mauvais traitements soient proportionnelles à la gravité de l’infraction.

Informer l e Comité des résultats de toute enquête menée dans l’affaire Mike B ., ainsi que sur les poursuites engagées et les condamnations prononcées dans cette affaire.

Réparation et indemnisation, y compris réadaptation

21)Tout en notant que l’information communiquée par l’État partie selon laquelle les victimes de torture ou de mauvais traitements ont droit à réparation, le Comité n’en est pas moins préoccupé par les difficultés rencontrées par certaines victimes pour obtenir réparation et être indemnisées de façon adéquate. Le Comité est particulièrement préoccupé par l’affaire Bakary Jassay, un Gambien qui a été brutalisé et grièvement blessé par des policiers à Vienne le 7 avril 2006 et qui n’a toujours pas été indemnisé, n’ayant même pas reçu les 3 000 euros que lui a accordés le tribunal en réparation des souffrances subies. Le Comité déplore également l’absence de données statistiques ou d’exemples de cas où des personnes ont effectivement reçu une telle indemnisation (art. 14).

L’État partie devrait garantir dans la pratique l’accès des victimes à une réparation et à une indemnisation, y compris à des moyens de réadaptation, et donner au Comité des exemples de tels cas.

L’État partie devrait fournir au Comité, dans son prochain rapport périodique, des données statistiques pertinentes et des exemples de cas où des personnes ont reçu une telle indemnisation.

22)Le Comité est préoccupé par les allégations faisant état d’un manque de respect de l’intimité des personnes et de l’existence de circonstances humiliantes assimilables à un traitement dégradant lors des examens médicaux pratiqués à l’Office sanitaire communal de Vienne, où des prostituées fichées sont tenues de subir des contrôles médicaux hebdomadaires, y compris des examens gynécologiques, ainsi que des tests de dépistage des maladies sexuellement transmissibles (art. 16).

L’État partie devrait veiller à ce que ces examens médicaux soient pratiqués dans des conditions respectant l’intimité des femmes concernées et avec toutes les précautions nécessaires à la préservation de leur dignité.

Traite des personnes

23)Tout en notant les nouveaux programmes adoptés par l’État partie pour lutter contre la traite des êtres humains et l’exploitation sexuelle des femmes et des enfants, le Comité est préoccupé par les informations persistantes faisant état de cas de traite de femmes et d’enfants à des fins d’exploitation sexuelle ou autre, ainsi que par l’absence de renseignements sur les poursuites engagées et les peines prononcées dans des affaires de traite (art. 16).

L’État partie devrait intensifier ses efforts pour lutter contre la traite des femmes et des enfants et prendre des mesures efficaces pour poursuivre et punir les auteurs de traite d’êtres humains, et renforcer encore sa coopération internationale avec les pays d’origine, de transit et de destination en vue d’enrayer ce phénomène.

Violence dans la famille

24)Le Comité est préoccupé par les cas très médiatisés de violence dans la famille, notamment à l’égard d’enfants, qui se sont produits dans l’État partie pendant la période considérée (art. 16).

L’État partie devrait intensifier ses efforts pour assurer que des mesures de protection efficaces soient mises en place d’urgence afin de prévenir, combattre et punir les actes de violence à l’égard des femmes et des enfants, notamment la violence familiale et les abus sexuels, et mener de vastes campagnes de sensibilisation et de formation sur la violence visant les femmes et les filles auprès des responsables (juges, avocats, membres des forces de l’ordre et travailleurs sociaux) qui sont en contact direct avec les victimes, ainsi qu’en direction de la population en général.

Utilisation de lits-cages dans les établissements psychiatriques

25)En dépit de l’explication donnée par la délégation, le Comité est préoccupé par le fait que l’on continue d’utiliser des lits-cages pour maîtriser les patients dans des établissements psychiatriques et des instituts d’aide sociale (art. 16).

L’État partie devrait mettre immédiatement un terme à l’utilisation des lits-cages, qui constitue une violation de l’article 16 de la Convention.

Collecte de données

26)Le Comité se déclare préoccupé par le fait que, dans de nombreux domaines couverts par la Convention, l’État partie n’a pas fourni de statistiques, ou n’a pas ventilé comme il aurait fallu les données dont il disposait, en ce qui concerne, par exemple, les allégations de violences sexuelles en prison; les allégations d’abus commis par des agents de la force publique à l’encontre de demandeurs d’asile; les affaires dans lesquelles une demande de sursis à l’extradition invoquant l’applicabilité du principe de non-refoulement a été rejetée par la Chambre fédérale indépendante compétente en matière d’asile (aujourd’hui, Cour fédérale du droit d’asile); et le nombre de demandeurs d’asile expulsés ou extradés avant qu’une décision n’ait été prise concernant leur recours contre une décision de refus du droit d’asile fondée sur des questions de procédure.

L’État partie devrait mettre en place un système efficace pour recueillir toutes les données statistiques, ventilées par sexe, âge et appartenance ethnique, concernant le suivi de l’application de la Convention au niveau national, y compris les plaintes, les enquêtes, les poursuites et les condamnations dans les affaires de torture et de mauvais traitements, de traite et de violence familiale et sexuelle, ainsi que les mesures d’indemnisation et de réadaptation en faveur des victimes.

27)Le Comité recommande également à l’État partie de faire figurer dans son prochain rapport périodique des renseignements sur le respect de ses obligations découlant de la Convention par les forces armées autrichiennes déployées à l’étranger.

28)Le Comité invite l’État partie à ratifier les principaux instruments des Nations Unies relatifs aux droits de l’homme auxquels il n’est pas encore partie, à savoir le Protocole facultatif à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, et la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées.

29)Le Comité invite l’État partie à soumettre son document de base conformément aux prescriptions énoncées en la matière dans les directives harmonisées concernant l’établissement de rapports approuvées par les organes créés en vertu d’instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme (HRI/GEN/2/Rev.6).

30)Le Comité prie instamment l’État partie de diffuser largement les rapports qu’il lui a soumis ainsi que les présentes observations finales par le biais des sites Web officiels, des médias et des organisations non gouvernementales.

31)Le Comité demande à l’État partie de lui fournir, dans un délai d’un an, des renseignements sur la suite donnée aux recommandations formulées aux paragraphes 9, 16 et 19 ci‑dessus.

32)L’État partie est invité à soumettre son sixième rapport périodique avant le 14 mai 2014.

58.Cameroun

1)Le Comité contre la torture a examiné le quatrième rapport périodique du Cameroun (CAT/C/CMR/4) à ses 930e et 944e séances, les 28 avril et 7 mai 2010 (CAT/C/SR.930 et 944), et a adopté, à ses 950e et 951e séances, tenues le 12 mai 2010 (CAT/C/SR.950 et 951), les observations finales ci-après.

A.Introduction

2)Le Comité accueille avec satisfaction le quatrième rapport périodique du Cameroun qui est conforme à ses directives pour l’établissement des rapports, ainsi que les réponses écrites à la liste des points à traiter (CAT/C/CMR/Q/4 et Add.1). Cependant, il regrette que l’État partie n’ait pas répondu à la lettre datée du 17 février 2006 par laquelle le Rapporteur du Comité chargé du suivi des observations finales concernant le Cameroun (CAT/C/CR/31/6) lui demandait des renseignements complémentaires.

3)Le Comité se félicite du dialogue constructif engagé avec la délégation de haut niveau qui a représenté l’État partie, et la remercie des réponses écrites apportées aux questions posées par les membres du Comité.

B.Aspects positifs

4)Le Comité se félicite de ce que, conformément à l’article 45 de la Constitution de 1972 telle que révisée le 18 janvier 1996, les traités et accords internationaux ratifiés par l’État partie, y compris la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants («la Convention»), ont une autorité supérieure à celle des lois internes.

5)Le Comité note avec satisfaction des avancées normatives et institutionnelles réalisées par l’État partie depuis l’examen du troisième rapport périodique (CAT/C/34/Add.17), en particulier l’adoption des textes ci-après:

a)Décret no 2004/320 du 8 décembre 2004 portant organisation du Gouvernement et ainsi rattachant l’administration pénitentiaire au Ministère de la justice;

b)Décret no 2005/122 du 15 avril 2005 portant organisation du Ministère de la justice créant une Direction des droits de l’homme et de la coopération internationale;

c)Loi no 2005/006 du 27 juillet 2005 portant statut des réfugiés;

d)Loi no 2005/007 du 27 juillet 2005 portant Code de procédure pénale (CPP);

e)Loi no 2005/015 du 29 décembre 2005 relative à la lutte contre le trafic et la traite des enfants.

6)Le Comité accueille avec satisfaction la ratification par l’État partie, le 18 mai 2004, de la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée et de deux de ses trois Protocoles, celui visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants, et celui contre le trafic illicite des migrants par terre, air et mer.

7)Le Comité prend note avec satisfaction de la ratification du Protocole à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples relatif aux droits des femmes, le 28 mars 2009.

8)Le Comité se félicite de l’accueil par l’État partie duCentre sous-régional des Nations Unies pour les droits de l’homme et la démocratie en Afrique centrale ainsi que du soutien constant qu’il apporte à ses activités.

9)Le Comité note avec satisfaction la coopération de l’État partie avec l’Union européenne dans le cadre du programme d’amélioration des conditions de détention et respect des droits de l’homme (PACDET).

C.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Définition de la torture et peines appropriées

10)Le Comité a noté que l’article 132 bis du Code pénal contient une définition de la torture, mais il regrette que, même sur demande répétée, l’État partie ne lui ait pas fourni une copie du texte. Le Comité n’est ainsi pas en mesure d’évaluer si l’État partie a pleinement intégré la définition de la torture conforme aux articles 1er et 4 de la Convention. En outre, le Comité note avec préoccupation que la législation nationale ne prévoit pas l’application de peines appropriées en fonction de la gravité de l’infraction (art. 1er et 4).

L’État partie devrait fournir au Comité les informations nécessaires afin qu’il puisse évaluer si l’État partie a intégré à son Code pénal une définition de la torture conforme aux articles 1 er et 4 de la Convention. Le Comité souligne que la définition de torture devrait préciser la finalité de l’infraction, prévoir des circonstances aggravantes, inclure la tentative de pratiquer la torture, et inclure également des actes visant à intimider la victime ou une tierce personne ou à faire pression sur elle et envisager la discrimination, quelle qu’elle soit, comme motif ou raison d’infliger la torture. La définition devrait également prévoir l’incrimination de la torture infligée à l’instigation ou avec le consentement exprès ou tacite d’un agent de la fonction publique ou de toute autre personne agissant à titre officiel. L’État partie devrait également veiller à ce que l es dispositions érigeant en infraction les actes de torture et les rendant passibles de sanctions pénales soient proportionnelles à la gravité des actes commis.

Garanties juridiques fondamentales

11)Le Comité prend note des dispositions des articles 37 et 116 du Code de procédure pénale qui prévoient que la personne arrêtée bénéficie de toutes les facilités raisonnables en vue d’entrer en contact avec sa famille, de constituer un conseil et consulter un médecin. Néanmoins, le Comité s’inquiète de l’information reçue selon laquelle, en pratique, les personnes détenues ne bénéficient que rarement, dès le moment de leur arrestation, des garanties prévues par le Code de procédure pénale. Par ailleurs, le Comité est vivement préoccupé par le fait que le délai de garde à vue, fixé à quarante-huit heures et renouvelable une fois sur autorisation du Procureur de la République, n’est pas respecté dans la pratique et que les arrestations ne sont pas enregistrées de suite. Il s’inquiète en particulier des allégations crédibles selon lesquelles les prolongations des gardes à vue sont utilisées par les agents des forces de l’ordre pour extorquer de l’argent (art. 2 et 11).

L’État partie devrait mettre en œuvre sans délai des mesures efficaces pour que tous les suspects bénéficient dans la pratique de toutes les garanties fondamentales, dès leur mise en détention, en particulier: le droit d’avoir accès à un avocat; d’être examiné par un médecin indépendant; de contacter un proche; d’être informé de leurs droits au moment du placement en détention, y compris des charges retenues contre eux; et d’être présenté dans les plus brefs délais devant un juge. En outre, les autorités devraient tenir à jour, d’une manière systématique et régulière, des registres d’écrou où figurent le nom de chaque personne détenue, l’identité des fonctionnaires qui effectuent la mise en détention, la date d’admission et de sortie du détenu ainsi que tous les autres éléments afférents à la tenue de tels registres.

Mécanisme de plaintes accessible et aide juridictionnelle

12)Le Comité s’inquiète des allégations reçues témoignant de difficultés d’accès à la justice pour les victimes d’actes de torture ou de traitements cruels, inhumains ou dégradants, en particulier pour les femmes. Il s’inquiète également du fait que le droit à l’aide juridictionnelle est limité aux accusés qui encourent une peine perpétuelle ou une peine capitale (art. 2 et 11).

L’État partie devrait prendre des mesures afin de faciliter l’accès à la justice de toute victime d’actes de torture ou de traitements cruels, inhumains ou dégradants et étendre la possibilité d’accès à l’aide juridictionnelle à toutes les personnes démunies, indépendamment des peines qu’elles encourent.

Habeas corpus

13)Le Comité note les dispositions prévues dans le Code de procédure pénale sur l’habeas corpus et l’indemnisation pour garde à vue ou détention provisoire abusive. Cependant, il s’inquiète du fait que l’ordonnance d’habeas corpus doive être accompagnée par un ordre de libération du Procureur de la République. Il est également préoccupé du fait que la commission d’indemnisation instituée en vertu de l’article 237 du Code de procédure pénale, ne soit pas encore opérationnelle (art. 2).

L’État partie devrait réviser son Code de procédure pénale en vue de permettre à toute personne bénéficiant d’une ordonnance d’ habeas corpus d’être libérée immédiatement. L’État partie devrait également mettre en œuvre sans délai la commission d’indemnisation.

Détention provisoire

14)Tout en prenant note des explications de l’État partie relatives aux nombre élevé des détenus préventifs, le Comité s’inquiète vivement du nombre de personnes en détention provisoire qui, en 2009, s’élevait à 14 265 par rapport à 8 931 condamnés. Il s’inquiète également du fait que le délai maximal de détention provisoire qui, en vertu de l’article 221 du Code de procédure pénale, est de douze mois en cas de délit et de dix-huit mois en cas de crime, ne soit pas respecté dans la pratique (art. 2).

L’État partie devrait en urgence prendre des mesures en vue de réduire la durée de la détention provisoire, en veillant notamment à ce que les délais maximaux prévus par la loi en la matière soient respectés et en appliquant le principe selon lequel la détention provisoire devrait être conçue comme une mesure exceptionnelle.

Conditions de détention

15)Tout en prenant note des projets de l’État partie appuyés par la communauté internationale et de son engagement, lors de l’examen périodique universel (A/HRC/11/21/ Add. 1, recommandation 76 [14, 21 et 33]), à améliorer la situation carcérale et les conditions de détention, le Comité demeure profondément préoccupé par les conditions de vie déplorables dans les lieux de détention. Les informations reçues par le Comité font état de surpopulation carcérale; de violences entre détenus; de corruption, portant notamment sur la location des cellules et la vente de matériel médical; de manque d’hygiène et de nourriture adéquate; d’insécurité sanitaire; d’absence de soins de santé adaptés; de violations du droit aux visites; et du fait que certains prévenus auraient déjà purgé plus que leur peine en prison sans avoir été libérés. Il s’inquiète également du recours à la contrainte par corps, en vertu de l’article 564 du Code de procédure pénale, qui a pour effet que les personnes, y compris les mineurs, ayant purgé leur peine sont maintenues en détention pour une période de vingt jours à cinq ans, en fonction de la somme due. Le Comité est également préoccupé par les informations faisant état de l’absence de séparation systématique entre mineurs et adultes, prévenus et condamnés, femmes et hommes. Il s’inquiète également du fait que les femmes peuvent être gardées par du personnel masculin (art. 2, 11 et 16).

L’État partie devrait prendre des mesures urgentes afin de mettre les conditions de détention dans tous les lieux de détention, y compris les gendarmeries et les commissariats de police, en conformité avec l’Ensemble de principes pour la protection de toutes les personnes soumises à une forme quelconque de détention ou d’emprisonnement (résolution 43/173 de l’Assemblée générale) et notamment:

a) Réduire la surpopulation carcérale en privilégiant dans sa politique pénale les peines autres que celles qui sont privatives de liberté, comme la mise à l’épreuve, les peines assorties du sursis, les travaux d’intérêt général, ainsi que les voies non contentieuses de règlement des litiges, comme la médiation. Il devrait, dans le même sens, accroître le nombre de personnel judiciaire et non judicaire. D ans le cas des enfants en conflit avec la loi, l’État partie devrait veiller à ce que la détention ne soit utilisée qu’en dernier recours;

b) Améliorer la nourriture et les soins de santé offerts aux détenus;

c) Prendre les mesures appropriées afin de mettre un terme définitif aux allégations d’actes de corruption et de rançonnement dans les prisons;

d) Renforcer le contrôle judiciaire des conditions de détention;

e) Réviser les dispositions du Code de procédure pénale relatives à la contrainte par corps et adopter un nouveau système permettant aux détenus de payer leurs dettes;

f) Réorganiser les prisons de manière à ce que les prévenus soient séparés des condamnés et améliorer les conditions de détention des mineurs en s’assurant qu’ils sont détenus à l’écart des adultes en toutes circonstances, et développer davantage les centres pour la détention des mineurs en dehors de la prison;

g) Prendre des mesures pour que les femmes soient séparées des hommes et gardées par du personnel féminin uniquement;

h) Fournir des informations détaillées sur les résultats obtenus et/ou difficultés rencontrées dans le développement du projet d’amélioration de la vie carcérale, élaboré par le Cameroun avec le Fonds européen de développement entre décembre 2006 et décembre 2010.

16)Le Comité s’inquiète vivement du nombre élevé de décès en détention. Selon les statistiques fournies par l’État partie, 178 détenus sont décédés entre janvier et octobre 2008, dont 38 décès enregistrés pour lesquels la cause n’a pas été précisée. Il est également préoccupé par les informations concernant l’utilisation excessive des armes par les forces de l’ordre lors des tentatives d’évasion par les détenus (art. 2, 11 et 16).

L’État partie devrait prendre d’urgence des mesures visant à prévenir la violence entre détenus et contre les détenus ainsi que les décès en détention. Il devrait faire en sorte que tous les cas de violence et de décès dans les centres de détention fassent l’objet sans délai d’une enquête impartiale, approfondie et, le cas échéant, médico-légale et que les responsables soient traduits en justice et condamnés. Le dépôt de plainte en justice par les détenus devrait être facilité.

17)Tout en se félicitant de l’étude menée par l’État partie afin de réviser le décret no 92/52 du 27 mars 1992, le Comité s’inquiète de l’utilisation de mesures telles que l’enchaînement et l’isolement comme mesures disciplinaires en milieu carcéral, qui peuvent constituer un traitement cruel, inhumain ou dégradant (art. 11 et 16).

Le Comité encourage l’État partie à abroger le décret relatif aux mesures disciplinaires en milieu carcéral et à trouver des méthodes en conformité avec la Convention pour les détenus représentant un risque pour la sécurité.

Journalistes et défenseurs des droits de l’homme

18)Le Comité est préoccupé par les allégations faisant état d’actes de harcèlement, de détention arbitraire, d’actes de torture ou de traitements cruels, inhumains ou dégradants et de menaces de mort dont sont victimes les journalistes et défenseurs des droits de l’homme, et du fait que ces actes demeurent impunis. Tout en prenant note des renseignements détaillés fournis par l’État partie, et en particulier de la conduite d’une enquête administrative sur la mort en détention, le 22 avril 2010, d’un journaliste, M. Germain Cyrille Ngota, alias Bibi Ngota, le Comité s’inquiète du nombre élevé de journalistes et défenseurs des droits de l’homme en détention et des allégations d’actes de torture ou de traitements cruels, inhumains et dégradants. Il s’inquiète également des informations concernant la répression par les forces de l’ordre des manifestations de journalistes qui ont eu lieu pour protester contre les conditions dans lesquelles un journaliste est mort en détention (art. 2, 11, 12 et 16).

L’État partie devrait adopter des mesures efficaces en vue de faire cesser les actes de harcèlement, de détention arbitraire, de torture ou de traitements cruels, inhumains ou dégradants et les menaces de mort dont sont victimes les journalistes et défenseurs des droits de l’homme et de prévenir de nouveaux actes de violence. Il devrait de plus veiller à ce qu’une enquête diligente, exhaustive et efficace soit menée rapidement et à ce que les auteurs de tels actes soient dûment punis. En outre, le Comité se joint à l’appel lancé par l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO) pour l’ouverture d’une enquête juridique, exhaustive et médico-légale sur la mort du journaliste M. Ngota dans la prison de Kondengui.

Événements de février 2008

19)Le Comité prend note des enquêtes qui ont été diligentées sur les événements de février 2008 et du rapport établi en 2009, bien qu’il n’en ait pas reçu de copie. Il note également l’enquête administrative sur les allégations de violations des droits de l’homme, notamment du droit à la vie, commises par les forces de l’ordre, qui a conclu que les forces de l’ordre avaient agi en état de légitime défense. Cependant, le Comité s’inquiète des informations crédibles provenant de sources diverses faisant état d’exécutions extrajudiciaires, de détentions arbitraires, d’actes de torture et de traitements cruels, inhumains ou dégradants et de violations du droit à un procès équitable qui auraient été commis par les forces de l’ordre contre des adultes et des enfants. Il s’inquiète également de l’absence d’enquêtes individuelles, impartiales, exhaustives et médico-légales à propos des allégations d’exécutions extrajudiciaires et d’actes de torture et de traitements cruels, inhumains ou dégradants par les forces de l’ordre (art. 2, 11, 12 et 16).

Le Comité recommande l’ouverture d’une enquête globale, indépendante et approfondie concernant les événements de février 2008. L’État partie devrait également publier le rapport sur les enquêtes qu’il a menées et en soumettre une copie au Comité pour son appréciation. Parallèlement, l’État partie devrait ouvrir sans délai des enquêtes, impartiales, exhaustives et médico-légales sur les allégations d’exécutions extrajudiciaires et d’actes de torture et de traitements cruels, inhumains ou dégradants par les forces de l’ordre et veiller à ce que les responsables soient traduits en justice et condamnés à des peines appropriées .

Impunité

20)Tout en se félicitant des informations transmises par l’État partie relatives aux poursuites engagées contre des agents des forces de l’ordre, coupables de violations de la Convention, le Comité reste sérieusement préoccupé par:

a)Les allégations crédibles selon lesquelles les enquêtes et poursuites pour actes de torture et traitements cruels, inhumains ou dégradants ne sont pas systématiquement ordonnées et quand les auteurs sont condamnés, ils le sont à des peines légères qui ne sont pas proportionnelles à la gravité de leurs crimes;

b)Le fait que les gendarmes et les militaires ne peuvent être poursuivis, dans les cas d’infractions commises dans une caserne militaire ou à l’occasion du service, qu’après autorisation du Ministère de la défense;

c)L’absence de mesures visant à assurer la protection du plaignant et des témoins contre tout mauvais traitement ou toute intimidation suivant le dépôt d’une plainte ou une déposition, pratiques qui font qu’un nombre restreint de plaintes sont déposées pour actes de torture ou traitements cruels, inhumains ou dégradants;

d)L’article 30, paragraphe 2, du Code de procédure pénale selon lequel «l’officier, l’agent de police judiciaire ou l’agent de la force de l’ordre qui procède à une arrestation enjoint à la personne à arrêter de le suivre et, en cas de refus, fait usage de tout moyen de coercition proportionné à la résistance de l’intéressé»;

e)Le manque de données statistiques exhaustives sur le nombre d’enquêtes et de poursuites à l’encontre d’agents des forces de l’ordre pour actes de torture et de traitements cruels, inhumains ou dégradants (art. 2, 12, 13 et 16).

L’État partie devrait faire preuve d’un engagement ferme en vue d’éliminer le problème persistant de la torture et de l’impunité. Il devrait:

a) Condamner publiquement et sans ambiguïté la pratique de la torture sous toutes ses formes, en s’adressant en particulier aux agents des forces de l’ordre, aux forces armées et au personnel pénitentiaire, et en accompagnant ses déclarations d’avertissements clairs quant au fait que toute personne commettant de tels actes, y participant ou s’en rendant complice, sera tenue personnellement responsable devant la loi et soumise à des sanctions pénales;

b) Adopter immédiatement des mesures pour garantir dans la pratique que toutes les allégations de torture et de mauvais traitements fassent l’objet d’enquêtes promptes, impartiales et efficaces et que les responsables – agents de la force publique et autres – soient poursuivis et sanctionnés sans autorisation préalable de leur supérieur ou du Ministre de la défense. Les enquêtes devraient être menées à bien par un organe pleinement indépendant;

c) En cas de présomption de cas de torture, veiller à ce que les suspects soient immédiatement suspendus de leurs fonctions pendant la durée de l’enquête, en particulier s’il existe un risque que leur maintien puisse entraver l’enquête;

d) Veiller, dans la pratique, à ce que les plaignants et les témoins soient protégés contre tout mauvais traitement et tout acte d’intimidation lié à leur plainte ou à leur témoignage;

e) Réviser l’article 30, paragraphe 2, du Code de procédure pénale et veiller à ce que tous les actes de torture et de traitements cruels, inhumains et dégradants fassent l’objet des poursuites pénales et des condamnations appropriées;

f) Compiler dans les plus brefs délais des données statistiques pertinentes et complètes sur les plaintes, les enquêtes, les poursuites, les condamnations, ainsi que les peines encourues dans les affaires de torture et de traitements cruels, inhumains et dégradants.

Conseil constitutionnel

21)Le Comité accueille avec satisfaction l’instauration le 21 avril 2004 du Conseil constitutionnel qui est l’organe régulateur du fonctionnement des institutions. Il constate pourtant avec préoccupation que cette institution n’est toujours pas opérationnelle par manque de nomination de ses membres. Il constate également qu’une incertitude demeure quant à la possibilité de renouvellement du mandat des membres du Conseil constitutionnel (art. 2).

L’État partie devrait accélérer la procédure de nomination des membres du Conseil constitutionnel et veiller à ce que cette institution commence son travail dans les plus brefs délais. Il devrait envisager de réviser les lois n os   2004/004 et 2004/005 du 21 avril 2004 portant organisation et fonctionnement du Conseil constitutionnel et fixant le statut de ses membres afin d’éviter toute incertitude quant au renouvellement du mandat de ses membres.

Organe de surveillance des forces de l’ordre dit «Police des Polices»

22)Tout en prenant note de la création en 2005 d’une Division spéciale de contrôle des services de police dite «Police des Polices» rattachée à la Délégation générale à la sûreté nationale, le Comité est préoccupé par le manque d’indépendance et d’objectivité de cette institution. Il relève avec préoccupation que les enquêtes sur les allégations d’actes illicites, y compris de torture ou de traitements cruels, inhumains ou dégradants, commis par la police, sont effectuées par des fonctionnaires de police de la Division spéciale de contrôle des services de police. À cet égard, le Comité est préoccupé du fait que seul un petit nombre de plaintes portées contre des fonctionnaires de police est accepté, donne lieu à une enquête prompte, impartiale et exhaustive, et aboutit à des poursuites et des condamnations (art. 2, 12, 13 et 16).

L’État partie devrait créer une instance indépendante extérieure à la police, et faire en sorte que les allégations de torture et d’autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants fassent l’objet d’enquêtes impartiales, approfondies et efficaces.

Justice militaire

23)Le Comité prend acte de la loi no 2008/015, portant organisation judiciaire militaire. Pourtant, il s’inquiète des compétences étendues de la justice militaire envers les civils dans les cas d’infractions à la législation sur les armes de guerre et de défense, vol avec port d’arme à feu et toutes les infractions connexes (art. 2).

Le Comité rappelle les compétences classiques de la justice militaire, qui devraient se limiter à des crimes commis dans le cadre du service militaire, et recommande à l’État partie de réviser sa législation afin d’exclure la compétence de la justice militaire pour les infractions commises par des civils, y compris les infractions à la législation sur les armes de guerre, de défense, vol avec port d’arme à feu et toutes les infractions connexes.

Arrêt des poursuites pénales dans «l’intérêt social» ou pour la «paix publique»

24.Le Comité constate avec préoccupation que le Code de procédure pénale en vigueur contient une disposition en vertu de laquelle le Ministre de la justice peut arrêter des poursuites pénales dans «l’intérêt social» ou pour «la paix publique». Tout en prenant acte de l’article 2 de la loi no 2006/022 fixant l’organisation et le fonctionnement des tribunaux administratifs, qui contient des dispositions sanctionnant l’excès de pouvoir, ainsi que l’affirmation par l’État partie que cette procédure n’a été utilisée qu’une fois depuis l’entrée en vigueur en 2006, le Comité est préoccupé par l’absence de recours contre la décision du Ministre de la justice, ainsi que par l’absence d’une définition des termes contenus en l’article 64 du Code de procédure pénale (art. 2, 12 et 13).

L’État partie devrait réviser le Code de procédure pénale afin d’assurer que toute poursuite pénale aboutisse à un acquittement ou une condamnation du responsable. Tout arrêt de poursuites pénales sur décision du Ministre de la justice, y compris dans «l’intérêt social» ou pour «la paix publique», devrait être susceptible d’un recours juridictionnel.

Loi sur l’état d’urgence et loi relative au maintien de l’ordre

25)Le Comité note avec préoccupation que la loi no 90/047 du 19 décembre 1990 sur l’état d’urgence est en vigueur. Considérant les garanties énoncées au paragraphe 2 de l’article 2 de la Convention, le Comité constate avec préoccupation que la loi sur l’état d’urgence et la loi no 90/054 relative au maintien de l’ordre prévoient en cas d’état d’urgence une garde à vue pour une durée de deux mois renouvelable une fois, et en cas de banditisme le délai de garde à vue peut être fixé pour une durée de quinze jours renouvelables (art. 2).

L’État partie devrait veiller au respect des principes internationaux relatifs aux états d’exception en examinant notamment la nécessité du maintien de sa législation sur l’état d’urgence eu égard aux critères établis par l’article 4 du Pacte relatif aux droits civils et politiques, auquel le Cameroun est partie depuis 1984. L’État partie devrait également veiller à la stricte application de la prohibition absolue de la torture, conformément au paragraphe 2 de l’article 2 de la Convention prescrivant qu’aucune circonstance exceptionnelle, quelle qu’elle soit, qu’il s’agisse de l’état de guerre ou de menace de guerre, d’instabilité politique intérieure ou de tout autre état d’exception, ne peut être invoquée pour justifier la torture.

Surveillance systématique des lieux de détention

26)Le Comité note l’adoption de la loi no 2004/016 portant création de la Commission nationale des droits de l’homme et des libertés (CNDHL), établie en conformité avec les principes de Paris (résolution 48/134 de l’Assemblée générale) et accréditée au «Statut B» par le Sous-Comité d’accréditation du Comité international de coordination des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l’homme (CIC). Néanmoins, le Comité s’étonne que la Commission ait participé à l’examen du rapport du Cameroun non pas en tant qu’organe indépendant, mais en tant que membre de la délégation de l’État partie. Par ailleurs, le Comité relève la basse fréquence des visites (d’après les informations émanant de l’État partie et de la CNDHL, la Commission a visité huit prisons entre l’année 2000 et 2010) et l’absence d’un suivi rigoureux par les autorités saisies par la Commission. Le Comité note également que certaines organisations non gouvernementales (ONG) bénéficient d’une accréditation leur permettant d’avoir accès aux prisons, mais s’inquiète des allégations concernant les difficultés d’accès et la basse fréquence des visites effectuées par les ONG (art. 2, 11 et 13).

L’État partie devrait donner tous les moyens humains et financiers nécessaires à la Commission nationale des droits de l’homme et des libertés pour lui permettre de s’acquitter de son mandat, et veiller à son indépendance. Le Comité encourage l’État partie à abolir le droit de vote reconnu aux représentants de l’administration au sein de la Commission nationale des droits de l’homme et des libertés. L’État partie devrait prendre toutes les mesures appropriées afin d’octroyer aux ONG la possibilité d’effectuer des visites régulières, indépendantes, inopinées et illimitées dans les lieux de détention.

Formation sur l’interdiction de la torture

27)Prenant note des efforts considérables fournis par l’État partie en matière de formation des agents de l’État en droits de l’homme, le Comité s’inquiète de ce que l’information, l’éducation et la formation du personnel de maintien de l’ordre, des établissements pénitentiaires, de l’armée, des juges et des procureurs ne sont pas suffisantes et ne portent pas sur toutes les dispositions de la Convention, particulièrement eu égard au caractère absolu de l’interdiction de la torture et à la prévention des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Le Comité note aussi avec préoccupation que le personnel médical exerçant dans les lieux de détention ne reçoit pas de formation spécifique et exhaustive fondée sur le Manuel pour enquêter efficacement sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (Protocole d’Istanbul) pour détecter les signes de torture ou de traitements cruels, inhumains ou dégradants (art. 10 et 15).

L’État partie devrait renforcer les programmes de formation destinés à l’ensemble du personnel chargé de l’application des lois et des forces armées concernant l’interdiction absolue de la torture et des traitements cruels, inhumains ou dégradants, ainsi que les formations à l’intention des procureurs et des juges concernant les obligations contractées par l’État partie en vertu de la Convention. Il s’agirait notamment d’une formation sur l’irrecevabilité des aveux et dépositions obtenus sous la torture. L’État partie devrait aussi faire en sorte que tout le personnel médical qui s’occupe des détenus bénéficie d’une formation adéquate pour détecter les signes de torture ou de traitements cruels, inhumains ou dégradants conformément aux normes internationales, telles qu’elles sont énoncées dans le Manu el pour enquêter efficacement sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (Protocole d’Istanbul).

Non-refoulement

28)Le Comité se félicite de l’accueil des réfugiés au Cameroun, mais regrette que le décret d’application de la loi no 2005/006 du 27 juillet 2005 portant statut des réfugiés n’ait pas encore été adopté. Il s’inquiète du pouvoir des chefs de poste frontière qui peuvent refouler des individus jugés indésirables ou autoriser ou non l’entrée d’un individu sur le territoire de l’État partie. Il regrette également le manque d’informations sur les recours juridiques visant à s’assurer que ces personnes ne courent pas de risque réel d’être soumises à la torture ou à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants dans le pays de destination, ou qu’elles ne seront pas ultérieurement expulsées vers un autre pays où elles courent un risque réel d’être soumises à la torture ou à des traitements cruels, inhumains ou dégradants. (art. 3)

Le Comité recommande à l’État partie d’adopter d’urgence le décret d’application de la loi nº 2005/006 du 27 juillet 2005 portant statut des réfugiés. Il devrait également réviser ses procédures et pratiques actuelles en matière d’expulsion, de refoulement et d’extradition afin de s’acquitter de ses obligations en vertu de l’article 3 de la Convention.

Pratiques préjudiciables aux femmes

29.Le Comité réitère ses observations finales précédentes en ce qui concerne des pratiques nocives, dans certaines régions du pays et parmi des populations réfugiées au Cameroun, telles que les mutilations génitales féminines et le repassage des seins, que l’État partie n’a pas entrepris résolument et systématiquement d’éliminer (voir CAT/C/34/CR/31/6, par. 11 (c)) (art. 1er, 2, 10 et 16).

Le Comité recommande que l’État partie adopte une loi interdisant les mutilations génitales féminines et les autres pratiques traditionnelles nocives, notamment le repassage des seins, quelles que soient les circonstances, et assure son effective application pratique. Il invite aussi l’État partie à concevoir des programmes en vue d’offrir d’autres sources de revenus aux personnes pour qui la pratique des mutilations génitales féminines et d’autre pratiques traditionnelles nocives constitue un moyen de subsistance. Il devrait également redoubler d’efforts en matière de sensibilisation et d’éducation des femmes comme des hommes au moyen de programmes d’information sur l’impérieuse nécessité de mettre fin à la pratique des mutilations génitales féminines et du repassage des seins.

Violence à l’égard des femmes

30)Le Comité est préoccupé par le nombre élevé de cas de violences faites aux femmes et aux filles, notamment la violence familiale généralisée qui reste impunie. Par ailleurs, il réitère sa recommandation précédente, dans laquelle il a encouragé l’État partie à modifier sa législation, en vue de mettre fin à l’exemption de peine de l’auteur d’un viol si celui-ci se marie avec la victime, qui était mineure lors de la commission du crime (CAT/C/CR/31/6, par. 11 (d)) (art. 1er, 2, 10 et 16).

Le Comité recommande que l’État partie sensibilise la population, au moyen de programmes d’information et d’éducation, au fait que toute forme de violence à l’égard des femmes et des filles constitue une violation de la Convention. Le Comité demande à l’État partie de veiller à ce que la violence à l’égard des femmes et des filles, y compris la violence familiale, le viol, − même lorsqu’il est conjugal − et toutes les formes de sévices sexuels, soient érigés en infraction pénale, que les auteurs soient poursuivis et punis et les victimes réhabilitées, et que les femmes et les filles victimes de violence aient immédiatement accès à des voies de recours, des moyens de protection et à une réparation. Par ailleurs, le Comité demande que l’État partie lève tous les obstacles qui empêchent les femmes et les filles d’avoir accès à la justice et recommande que les victimes de violence puissent bénéficier d’une aide juridictionnelle. En outre, le Comité réitère sa recommandation précédente relative à la révision de la législation en ce qui concerne l’exemption de peine d’un auteur qui se marie avec la victime de viol.

Collecte de données statistiques

31)Le Comité note que certaines données statistiques lui ont été communiquées, mais regrette l’absence de données détaillées et ventilées concernant les plaintes, les enquêtes, les poursuites et les condamnations dans les affaires de torture et de traitements cruels, inhumains ou dégradants imputés à des membres des forces de l’ordre, de même que concernant la traite des êtres humains, la violence familiale et la violence sexuelle (art. 1er, 2, 12, 13, 14 et 16).

L’État partie devrait mettre en place un système efficace pour recueillir toutes les données statistiques pertinentes pour le suivi de la mise en œuvre de la Convention au plan national, notamment celles qui concernent les plaintes, les enquêtes, les poursuites, les condamnations et les indemnisations versées dans les affaires de torture et de mauvais traitements, de violence entre détenus, de traite des êtres humains et de violence familiale ou sexuelle. Le Comité reconnaît que la collecte de données personnelles soulève des problèmes délicats de confidentialité, et souligne que des mesures appropriées devraient être prises pour garantir qu’il n’est pas fait un usage abusif de ces données.

32)Le Comité prend note de la réponse de l’État partie concernant la recommandation formulée lors de l’Examen périodique universel de ratifier le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants et de mettre en place un mécanisme national de prévention (A/HRC/11/21/Add. 1, recommandation 76 [1]) et l’encourage à prendre toutes les mesures nécessaires afin de le ratifier dans les plus brefs délais.

33)Le Comité encourage l’État partie à poursuivre sa coopération technique avec le Centre pour les droits de l’homme et la démocratie en Afrique centrale, en tant que bureau sous-régional du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme, pour mettre en œuvre les recommandations du Comité.

34)L’État partie devrait instaurer des mécanismes efficaces pour collecter des données et élaborer des statistiques pénales et de criminologie ainsi que toutes statistiques pertinentes quant au suivi de la mise en œuvre de la Convention au plan national. L’État partie devra ainsi faire figurer dans son prochain rapport périodique les données suivantes, qui permettront au Comité de mieux apprécier la mise en œuvre des obligations qui lui incombent au titre de la Convention:

a)Des statistiques sur la capacité d’accueil et la population de chaque prison sur le territoire du Cameroun, ventilées, par sexe et par tranche d’âge (adulte/mineur), en distinguant les détenus à titre préventif des condamnés;

b)Des statistiques sur les violences dans les centres de détention, les commissariats de police et les locaux de gendarmerie;

c)Des statistiques sur les plaintes pour torture et les suites qui leur ont été données;

d)Des statistiques sur les cas de corruption des agents chargés de l’application de la loi et sur les sanctions à leur encontre;

e)Des statistiques sur les cas d’extradition, d’expulsion ou de refoulement;

f)Des statistiques sur les violences à l’égard des femmes et des enfants et les résultats des poursuites initiées.

35)L’État partie est encouragé à diffuser largement les rapports qu’il soumet au Comité, ainsi que les observations finales de celui-ci, dans les langues appropriées et par tous les moyens adéquats, notamment par le biais des médias et des ONG.

36)Le Comité invite l’État partie à mettre à jour son document de base du 19 juin 2000 (HRI/CORE/1/Add.109) en suivant les directives harmonisées pour l’établissement des rapports, approuvées par les organes créés en vertu d’instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme (HRI/GEN/2/Rev.6).

37)Le Comité encourage l’État partie à ratifier la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, signée le 6 février 2007.

38)Le Comité demande à l’État partie de lui fournir, dans un délai d’un an, des renseignements sur la suite qu’il aura donnée aux recommandations formulées aux paragraphes 14, 18, 19 et 25 ci-dessus.

39)Le Comité demande à l’État partie de lui soumettre son cinquième rapport périodique le 14 mai 2014 au plus tard.

59.France

1)Le Comité a examiné les quatrième, cinquième et sixième rapports périodiques de la France, soumis en un seul document (CAT/C/FRA/4-6), à ses 928e et 931e séances, les 27 et 28 avril 2010 (CAT/C/SR.928 et 931), et a adopté à sa 946e séance, le 10 mai 2010 (CAT/C/SR.946), les observations finales ci‑après.

A.Introduction

2)Le Comité accueille avec satisfaction le document contenant les quatrième au sixième rapports périodiques de la France qui, dans l’ensemble, est conforme aux directives concernant la forme et le contenu des rapports périodiques.

3)Le Comité a apprécié la qualité des réponses écrites bien documentées apportées par la France à la liste des points à traiter (CAT/C/FRA/Q/4-6 et Add.1) et des renseignements complémentaires fournis oralement lors de l’examen du rapport. Le Comité a également apprécié le dialogue constructif engagé avec la délégation qui a représenté l’État partie, et la remercie des réponses claires apportées aux questions posées par les membres du Comité.

B.Aspects positifs

4)Le Comité prend note avec satisfaction de:

a)La ratification par l’État partie du Protocole facultatif se rapportant à la Convention, et de la création corollaire du Contrôleur général des lieux de privation de liberté par la loi du 30 octobre 2007, institué comme mécanisme national de prévention indépendant, au sens du Protocole facultatif;

b)L’accession de l’État partie, le 2 octobre 2007, au deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, visant à abolir la peine de mort;

c)La ratification par l’État partie de la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, le 23 septembre 2008;

d)La ratification par l’État partie de la Convention relative aux droits des personnes handicapées et de son Protocole facultatif, le 18 février 2010.

5)Le Comité note également avec satisfaction:

a)L’instauration d’un recours juridictionnel suspensif de plein droit, introduit par la loi du 20 novembre 2007, contre une décision de non-admission suite à une demande d’asile présentée à la frontière;

b)L’adoption de la loi du 4 avril 2006 renforçant la prévention et la répression des violences au sein du couple, ou commises contre les mineurs, et qui accroît la répression des violences faites aux femmes.

6)Le Comité prend également acte du projet immobilier entrepris, visant à augmenter considérablement la capacité des établissements pénitentiaires.

7)Le Comité note également les démarches volontaristes entreprises par l’État partie en vue d’augmenter le nombre de condamnés susceptibles de bénéficier d’un aménagement de peine, ce y compris à travers la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 instaurant la mesure d’assignation à résidence sous surveillance électronique, comme alternative à la détention provisoire.

8)Le Comité prend également acte avec satisfaction du Plan d’action de 2009 de la Garde des Sceaux en matière de prévention du suicide en milieu carcéral, et souhaiterait obtenir des informations périodiques quant à sa mise en œuvre, y compris dans les territoires d’outre-mer.

9)Le Comité note avec intérêt la mise en place d’une procédure permettant à l’Inspection générale de la gendarmerie nationale, nouvellement créée, d’effectuer des visites inopinées des locaux de garde à vue et contrôler les conditions de l’accueil des plaignants dans les unités territoriales.

10)Le Comité salue la suppression, depuis le 16 août 2007, du système pénitentiaire des «rotations de sécurité», par lequel les détenus étaient assujettis à des transfèrements répétés. Le Comité note également l’inscription à l’ordre du jour du Comité des Ministres en mars 2010 du suivi de l’affaire Khiderc. France (Cour européenne des droits de l’homme, arrêt du 9 juillet 2009).

11)Le Comité note avec satisfaction la création de deux lignes d’appel téléphonique visant au signalement des actes de maltraitance et de violence au sein du couple, ou commis contre des mineurs (le 3977 et le 3919). Le Comité salue également le projet visant à introduire dans le Code pénal la référence aux violences psychologiques.

12)Le Comité a également pris note avec intérêt de l’information communiquée par l’État partie, selon laquelle il envisagerait une réforme législative qui permettrait, à terme, de destituer une personne d’une distinction honorifique qui lui a été accordée, lorsque cette personne est soupçonnée d’avoir commis une violation de la Convention, ou une autre violation grave du droit international.

C.Sujets de préoccupation et recommandations

Définition de la torture

13)Tout en reconnaissant le fait que la législation pénale de l’État partie incrimine les actes de torture ainsi que les actes de barbarie et de violence, et prenant acte des éléments jurisprudentiels relatifs à l’incrimination des actes de torture qui ont été portés à son attention, le Comité demeure préoccupé par l’absence d’intégration, dans le Code pénal français, d’une définition de la torture qui soit strictement conforme à l’article premier de la Convention. (art. 1er)

Le Comité réitère sa recommandation précédente tendant à ce que l’État partie intègre dans sa législation pénale une définition de la torture qui soit strictement conforme à l’article premier de la Convention (CAT/C/FRA/CO/3, par. 5). Une telle définition répondrait, d’une part, à l’impératif de clarté et de prévisibilité en droit pénal et, d’autre part, à la nécessité, au titre de la Convention, de distinguer les actes de torture commis par un agent de la fonction publique, ou toute autre personne agissant à titre officiel ou à son instigation ou avec son consentement exprès ou tacite, des actes de violence au sens large, commis par des acteurs non étatiques. Le Comité réitère en outre sa recommandation d’ériger la torture en infraction imprescriptible.

Non-refoulement

14)Tout en prenant acte des informations fournies par l’État partie, selon lesquelles ces chiffres seraient en baisse par rapport à l’année 2008, le Comité reste préoccupé du fait que 22 % des demandes d’asile présentées en 2009 auraient été traitées sous la procédure dite prioritaire, qui n’offre pas de recours suspensif contre un refus initial de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA). Le demandeur peut donc être renvoyé vers un pays où il risque la torture, et ce avant que la Cour nationale du droit d’asile ait pu entendre sa demande de protection. En l’absence de données chiffrées relatives aux requêtes introduites contre une mesure d’éloignement pour cause de risque de torture, ainsi qu’au nombre d’annulations de mesures d’éloignement prononcées par le juge administratif sur la base de l’article 3, le Comité n’est pas convaincu que la procédure prioritaire offre des garanties suffisantes contre un éloignement emportant un risque de torture (art. 3).

Le Comité recommande que l’État partie instaure un recours suspensif pour les demandes d’asile placées en procédure prioritaire. Il recommande également que les situations couvertes par l’article 3 de la Convention fassent l’objet d’un examen approfondi des risques, notamment en assurant une formation adéquate des juges aux risques de torture dans les pays de renvoi et en procédant d’une manière systématique à des entretiens individuels à même d’évaluer le risque personnel encouru par les demandeurs.

15)Tout en notant avec satisfaction que, suite à l’entrée en vigueur de la loi du 20 novembre 2007, les demandeurs d’asile se trouvant à la frontière disposent désormais d’un recours suspensif contre le refus d’entrée sur le territoire au titre de l’asile, le Comité est préoccupé du fait que le délai imparti pour présenter une telle demande est très court (48 heures), que la langue dans laquelle il doit être présenté est obligatoirement le français, et que le juge administratif ait la possibilité de rejeter le recours par voie d’ordonnance, privant ainsi le demandeur de la tenue d’une audience au cours de laquelle il puisse défendre son recours, ainsi que des garanties procédurales telles le droit à un interprète et à un avocat (art. 3).

Le Comité recommande que les recours qui peuvent être engagés suite à une demande d’asile présentée à la frontière fassent l’objet d’une audience permettant au demandeur sujet à un éloignement de faire une présentation effective de son recours, et que celui-ci soit assorti de toutes les garanties procédurales essentielles, notamment le droit à un interprète et à un conseil.

16)Le Comité est par ailleurs préoccupé par les difficultés spécifiques rencontrées par les demandeurs d’asile se trouvant dans un lieu de privation de liberté comme un centre de rétention, qui doivent présenter leur demande dans un délai de cinq jours à compter de la notification de ce droit, en vertu du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA). Un tel délai n’est pas compatible avec la nécessité imposée aux demandeurs de présenter un dossier crédible établissant un risque en cas de retour, ce qui implique, entre autre, la collecte d’éléments probants, de témoignages ou d’autres pièces dans leur pays d’origine (art. 3).

À l’instar du Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT) suite à sa visite en France, effectuée du 27 septembre au 9 octobre 2006, le Comité recommande à l’État partie d’accorder un délai adéquat, ainsi que toutes les garanties procédurales essentielles à toute personne retenue en centre de rétention administrative, et souhaitant déposer une demande d’asile, tout en veillant à ne pas indûment prolonger la durée de sa rétention.

17)Depuis ses précédentes conclusions et recommandations, le Comité demeure préoccupé par les dispositions de la loi du 10 décembre 2003 introduisant des notions d’«asile interne» et de «pays d’origine sûrs», qui ne garantissent pas une protection absolue contre le risque de renvoi d’une personne vers un État où elle risquerait d’être soumise à la torture. Ceci est corroboré par l’absence d’information précise quant aux sources documentaires retenues pour l’établissement d’une liste de «pays d’origine sûrs», et aux échéances de révision d’une telle liste. Par ailleurs, il est intéressant d’observer que selon l’OFPRA, le taux de reconnaissance de la qualité de réfugié, ou l’octroi de la protection subsidiaire pour des personnes originaires de dits «pays d’origine sûrs» avoisinait les 35 % en 2008 (art. 3).

Le Comité réitère sa recommandation, à l’effet que l’État partie prenne les mesures idoines pour s’assurer que les demandes d’asile de personnes provenant d’États auxquels s’appliquent les notions d’«asile interne» ou de «pays d’origine sûrs» soient examinées en tenant compte de la situation personnelle du demandeur et en pleine conformité avec les dispositions de l’article 3 de la Convention.

18)Le Comité déplore qu’il ait été saisi de plusieurs allégations documentées relatives au renvoi d’individus vers des pays où ils risquaient d’être soumis à des actes de torture, des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, ainsi que de personnes renvoyées vers leur pays d’origine ayant fait part de leur arrestation et de mauvais traitements subis à leur arrivée, ce parfois en dépit de mesures provisoires de protection du Comité ou de la Cour européenne des droits de l’homme (art. 3).

Le Comité réitère sa recommandation que l’État partie prenne les mesures nécessaires afin de garantir en tout temps qu’aucune expulsion ne soit exécutée à l’encontre de quiconque risquerait d’être soumis à la torture en cas de renvoi vers un État tiers.

Compétence universelle

19)Tout en prenant acte de la possibilité de poursuivre et de juger dans l’État partie, sur la base du Code de procédure pénale, toute personne se trouvant en France et suspectée d’avoir commis des actes de tortures, le Comité demeure néanmoins préoccupé par les limitations que le projet de loi impose au champ d’application de la compétence universelle, notamment en imposant un critère de résidence habituelle en France pour les suspects. Le Comité exprime en outre sa préoccupation quant au fait que le projet de loi portant adaptation de la législation française au Statut de la Cour pénale internationale ne soit toujours pas inscrit à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale pour adoption, alors qu’il a été adopté par le Sénat en juin 2008 (art. 5, 6, 7 et 13).

Le Comité réitère sa recommandation à l’État partie de garantir le droit des victimes à un recours effectif contre des violations de la Convention, notamment en établissant sa compétence vis-à-vis de toute infraction commise par un suspect se trouvant sur son territoire, en accord avec l’article 5 de la Convention. Le Comité recommande à l’État partie de remplacer la condition de résidence habituelle de l’auteur présumé des faits par un critère de simple présence sur le territoire, en conformité avec l’article 6.

Formation des agents de la force publique

20)Tout en prenant acte des informations fournies par l’État partie en rapport avec la rénovation des dispositifs de formation initiale des officiers et gardiens de la paix, ainsi que du fait que la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 introduise un Code de déontologie pour le service pénitentiaire, le Comité demeure préoccupé face au peu d’information reçue quant au contenu de la formation initiale et continue relative aux instruments des droits de l’homme. Le Comité serait particulièrement intéressé de recevoir des renseignements sur les protocoles de formation et sur l’évaluation qui en est faite a posteriori (art. 10).

Le Comité souhaiterait obtenir plus d’informations concernant l’évaluation par l’État partie de la formation dispensée au personnel policier, pénitentiaire et médical, à la lumière d’indicateurs précis. Le Comité recommande également que le Protocole d’Istanbul (Manuel pour enquêter efficacement sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants) fasse partie intégrante de la formation du personnel.

L’État partie devrait en outre communiquer des renseignements au Comité sur la formation éventuelle dispensée aux compagnies privées de sécurité auxquelles l’État partie a recours, tant sur son territoire qu’à l’étranger.

21)Le Comité demeure particulièrement préoccupé face à la persistance d’allégations qu’il a reçues au sujet de cas de mauvais traitements qui auraient été infligés par des agents de l’ordre public à des détenus et à d’autres personnes entre leurs mains (art. 16).

L’État partie devrait prendre les mesures nécessaires pour veiller à ce que chaque allégation de mauvais traitements imputable à des agents des forces de l’ordre fasse promptement l’objet d’une enquête transparente et indépendante, et que les auteurs soient sanctionnés d’une manière appropriée.

L’État partie devrait en outre transmettre au Comité des informations relatives à la Note de l’inspection générale de la police nationale qui aurait été distribuée en octobre 2008, en rapport avec l’usage des méthodes de contention par les forces de l’ordre contre un suspect ou des personnes faisant l’objet d’une mesure d’éloignement du territoire, méthode qui a déjà entraîné la mort par asphyxie (cas de Mohamed Saoud en 1998 et de Abdelhakim Ajimi en 2007).

Dispositions concernant la garde et le traitement des personnes arrêtées, détenues ou emprisonnées

Garde à vue

22)Le Comité demeure préoccupé par les modifications apportées par la loi du 9 mars 2004, lesquelles, dans le cadre de la procédure particulière applicable en matière de terrorisme et de criminalité organisée, retardent l’accès à un avocat à la soixante-douzième heure de la garde à vue. Ces dispositions sont de nature à entraîner des violations aux dispositions de l’article 11 de la Convention, dans la mesure où c’est pendant les premières heures de l’arrestation et, en particulier, pendant la période de détention au secret, que le risque de torture est le plus grand. Le Comité demeure en outre préoccupé tant par le recours fréquent à la détention provisoire, que par sa durée (art. 2 et 11).

Le Comité réitère sa recommandation précédente tendant à ce que l’État partie prenne les mesures législatives adéquates afin de garantir l’accès immédiat à un avocat lors d’une garde à vue, conformément à l’article 11 de la Convention. Le Comité recommande également que des mesures soient prises afin de réduire le recours à la détention provisoire, ainsi que sa durée.

Interrogatoires

23)Tout en notant avec satisfaction que la loi du 5 mars 2007 rend obligatoire l’enregistrement audiovisuel des interrogatoires conduits par l’autorité policière et judiciaire, à l’exception des poursuites pour délits mineurs, le Comité constate que la loi ne s’applique pas aux personnes accusées de terrorisme ou de crime organisé, sauf autorisation du procureur de la République ou du juge d’instruction. Par ailleurs, la loi ne prévoit pas l’installation de caméras de vidéosurveillance dans l’ensemble du commissariat de police ou de la brigade de gendarmerie ou les gardés à vue sont susceptibles de se trouver, comme les couloirs (art. 11 et 16).

Le Comité recommande à l’État partie de généraliser l’enregistrement audiovisuel des auditions à l’ensemble des personnes interrogées et d’installer des caméras de surveillance dans l’ensemble des locaux de police et de gendarmerie, de façon à élargir et renforcer le spectre de protection des personnes gardées à vue et détenues.

Conditions carcérales et politique pénale

24)Le Comité a pris acte avec satisfaction de l’instauration du Contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL) par la loi du 30 octobre 2007, ainsi que des mesures prises par l’État partie pour répondre au problème crucial de la surpopulation carcérale, notamment par la construction de nouveaux établissements, y compris dans les Territoires d’Outre-mer. Il a aussi pris note de l’étude entreprise par l’État partie, visant à un plus grand recours à l’aménagement de peines alternatives à la détention. Le Comité demeure cependant vivement préoccupé par les taux de surpopulation carcérale, qui, même si, dans certains établissements, ils sont sensiblement à la baisse, demeurent alarmants, particulièrement dans les territoires d’Outre-mer. Tout en prenant acte de l’information transmise par l’État partie quant au Plan d’action de la Garde des Sceaux de juin 2009, le Comité est également préoccupé par le taux de suicide qui lui a été rapporté, ainsi que celui d’incidents violents entre détenus (art. 11 et 16).

Outre l’élargissement nécessaire de l’infrastructure immobilière pénitentiaire entrepris par l’État partie et à la lumière de nombreuses lois pénales récentes visant un durcissement des peines et une diminution de la récidive, avec comme corollaire direct un recours accru à la détention, le Comité invite l’État partie à entreprendre une réflexion importante sur les effets de sa politique pénale récente sur la surpopulation carcérale, à la lumière des articles 11 et 16.

Le Comité recommande notamment à l’État partie d’envisager un recours plus important à la substitution de peines non privatives de liberté aux peines d’emprisonnement encourues en l’état actuel. Le Comité recommande également à l’État partie de lui fournir des informations quant à la mise en œuvre concrète et périodique des recommandations du Contrôleur général des lieux de privation de liberté adoptées à la suite de ses visites, y compris en ce qui concerne les détenus atteints de pathologies psychiatriques.

Zones d’attente

25)Tout en prenant acte des efforts entrepris par l’État partie pour améliorer la situation des zones d’attentes, notamment aéroportuaires, en particulier à travers la création d’un groupe de travail ministériel sur la question des mineurs dans ces zone d’attente, le Comité demeure néanmoins vivement préoccupé par l’annonce, dans le contexte du projet de loi relatif à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité du 31 mars 2010, de l’extension des zones d’attente à toutes les frontières de l’État partie lorsque des étrangers arriveront à la frontière en dehors d’un point de passage frontalier, assujettissant par conséquent ces personnes en attente à un régime dépourvu des garanties procédurales applicables hors de ces zones, notamment en ce qui concerne le droit de voir un médecin, de communiquer avec un conseil, et d’être assisté d’un interprète (art. 11 et 16).

Le Comité recommande à l’État partie de prendre les mesures nécessaires pour s’assurer que les conditions de vie en zone d’attente soient conformes aux exigences des articles 11 et 16 de la Convention, en veillant particulièrement à épargner les mineurs d’actes de violence, en assurant la séparation stricte des mineurs des adultes, et en veillant scrupuleusement à ce que chaque mineur bénéficie obligatoirement de l’assistance d’un administrateur ad hoc, et que toute procédure de renvoi garantisse la sécurité des mineurs, en tenant compte de leur vulnérabilité et du respect dû à leur personne. Par ailleurs, l’État partie est encouragé à ne pas étendre les zones d’attente actuelles, et à se montrer particulièrement attentif à la mise en œuvre et au suivi des recommandations du CGLPL suite à ses visites des zones d’attente existantes.

Suicide en détention

26)Le Comité est vivement préoccupé par le fait que l’État partie est décrit comme l’un des pays d’Europe où le nombre de décès par suicide en milieu carcéral compte parmi les plus élevés. Par ailleurs, les chiffres qui ont été portés à la connaissance du Comité révèlent que plus de 15 % des personnes détenues qui ont mis fin à leurs jours en 2009 subissaient une sanction en quartier disciplinaire (art. 16).

Le Comité recommande que l’État partie prenne toutes les mesures nécessaires à la prévention du suicide en détention. Par ailleurs, il devrait, sous contrôle des parquets, adopter les mesures idoines pour que l’isolement demeure une mesure exceptionnelle et limitée dans le temps, en accord avec les normes internationales.

Régime de différenciation de peines

27)Le Comité a pris note avec préoccupation du fait que la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 semble doter l’administration pénitentiaire d’une vaste discrétion permettant, sur la base de l’article 89 de la loi, une différenciation de régime de détention sur la base d’une classification des détenus sur des critères subjectifs, tels la personnalité ou la dangerosité. Un tel régime emporte nécessairement des conséquences pouvant relever de l’arbitraire dans les conditions d’exécution de la peine. Il est ainsi possible d’imaginer qu’un traitement punitif disciplinaire, ou des privations d’accès à certains droits en détention, pourraient, par leur répétition, leur absence de justification, et/ou la façon arbitraire dont ils sont dispensés constituer des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants au titre de l’article 16 (art. 16).

Le Comité engage l’État partie à prendre les mesures idoines pour assurer un contrôle de la marge discrétionnaire, et du potentiel corollaire d’arbitraire, inhérents aux prérogatives dont a été investie l’administration pénitentiaire. Un tel contrôle devrait être entrepris notamment à travers des visites régulières par les mécanismes de contrôle indépendants existants, qui devraient à leur tour soumettre immédiatement aux autorités judiciaires appropriées toute irrégularité ou toute méthode pouvant s’apparenter à une mesure arbitraire constatée, en particulier lorsqu’une telle mesure concerne le placement en quartier d’isolement.

Fouilles corporelles

28)Tout en prenant acte des informations soumises par l’État partie, selon lesquelles le régime actuel des fouilles, tel que régi par la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009, est plus restrictif que celui qui prévalait auparavant, et à la lumière de deux condamnations par la Cour européenne des droits de l’homme (affaires Khider c. France et Frérot c. France), le Comité demeure préoccupé par la nature intrusive et humiliante des fouilles corporelles, a fortiori internes. Le Comité est en outre soucieux que le régime relatif à la fréquence et aux modalités des fouilles dans les prisons et les centres de rétention émane de l’administration pénitentiaire. Par ailleurs, le Comité est préoccupé du manque d’information relatif au suivi des affaires Khider c. France et Frérot c. France, notamment l’absence d’indicateurs susceptibles de permettre une évaluation possible du risque futur de violation de l’article 16 par l’imposition de fouilles corporelles (art. 16).

Le Comité recommande à l’État partie d’exercer un strict contrôle de l’application du régime des fouilles corporelles, a fortiori les fouilles intégrales et internes, en veillant à ce que seules les méthodes les moins intrusives et les plus respectueuses de l’intégrité physique des personnes soient appliquées, et à ce qu’elles soient dans tous les cas conformes à la Convention. Le Comité recommande en outre la mise en place de mesures de détection par équipement électronique annoncée par l’État partie, ainsi que la généralisation d’un tel mécanisme, de façon à supprimer totalement la pratique des fouilles corporelles.

Rétention de sûreté

29)Le Comité est vivement préoccupé par la mesure dite de rétention de sûreté, créée par la loi no 2008-174 du 25 février 2008 relative à la rétention de sûreté et à la déclaration d’irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental, et complétée par la loi no 2010-242 du 10 mars 2010 tendant à amoindrir le risque de récidive criminelle et portant diverses dispositions de procédure pénale. Outre la remise en cause flagrante du principe de légalité pénale que cette mesure emporte, de par l’absence d’éléments matériels objectivement définissables et prévisibles, l’absence de lien causal entre l’infraction et la peine en jeu, ainsi que par sa possible application rétroactive, la mesure, qui ne semble dotée d’aucune limite temporelle d’enfermement, est également de nature à soulever des questions au titre de l’article 16 (art. 16).

Le Comité recommande vivement à l’État partie d’envisager d’abroger ce dispositif, qui est en violation flagrante avec le principe fondamental de la légalité en droit pénal, mais qui est aussi en potentielle contradiction avec l’article 16.

Usage du pistolet à impulsion électrique en détention

30)Le Comité est particulièrement préoccupé par l’annonce faite par l’État partie de sa volonté d’expérimenter l’usage du pistolet à impulsion électrique («PiE», parfois également appelé «Taser») dans des lieux de détention. Le Comité note que le Conseil d’État, dans un arrêt du 2 septembre 2009, a annulé le décret du 22 septembre 2008 autorisant l’emploi de ce pistolet par les agents de la police municipale. Le Comité relève en outre un manque d’information précise concernant les modalités exactes de son utilisation, le statut des personnes l’ayant déjà utilisé, ainsi que les précautions spécifiques, telles la formation et l’encadrement du personnel concerné (art. 2 et 16).

Se déclarant de nouveau préoccupé par le fait que l’usage de ces armes peut provoquer une douleur aiguë, constituant une forme de torture, et que, dans certains cas, il peut même causer la mort, le Comité souhaiterait obtenir de l’État partie des données actualisées sur l’usage fait de cette arme dans les lieux de détention .

Enquête impartiale

31)Le Comité demeure préoccupé par le système de l’opportunité des poursuites, qui laisse au procureur de la République la discrétion de ne pas poursuivre des auteurs d’actes de torture et de mauvais traitements impliquant des agents de la force publique, ni même d’ordonner une enquête, ce qui est en contradiction évidente avec les dispositions de l’article 12 de la Convention. Le Comité note en outre avec préoccupation l’absence d’information précise et récente qui permette de comparer le nombre de plaintes reçues, relatives à des agissements des forces de l’ordre contraires à la Convention, à la réponse pénale et disciplinaire qui a pu s’en suivre (art. 12).

Le Comité réitère sa recommandation précédente (CAT/C/FRA/CO/3, par. 20) selon laquelle le respect des dispositions de l’article 12 de la Convention emporte la nécessité d’une dérogation au système de l’opportunité des poursuites, de façon à consacrer l’obligation pour les autorités compétentes de déclencher spontanément et systématiquement des enquêtes impartiales dans tous les cas où existent des motifs raisonnables de croire qu’un acte de torture a été commis sous sa juridiction afin de prévenir d’une manière efficace l’impunité des auteurs de tels crimes.

32)Outre le principe de l’opportunité des poursuites qui est dévolu au procureur de la République et qui restreint le déclenchement spontané des poursuites, le Comité est préoccupé des conséquences du «Rapport Léger» du 1er septembre 2009, dont les conclusions, si elles étaient entérinées par le Parlement, pourraient mener à terme à la suppression du juge d’instruction, avec la conséquence que toutes les enquêtes seraient dirigées par le ministère public, soulevant ainsi des conséquences directes quant à l’indépendance de ces enquêtes (art. 2, 12 et 13).

Le Comité invite l’État partie à prendre toutes les mesures à même de garantir l’indépendance et l’intégrité des procédures judiciaires, ainsi que des enquêtes engagées par les mécanismes indépendants de contrôle existants, en les dotant notamment d’une saisine directe, ainsi que des moyens nécessaires à mettre en œuvre leur mission de contrôle en toute indépendance, impartialité et transparence.

Droit de porter plainte

33)Le Comité demeure préoccupé par le mode de saisine de la Commission nationale de déontologie de la sécurité (CNDS), qui ne peut être saisie directement par une personne ayant fait l’objet de torture ou de traitements cruels, inhumains ou dégradants, mais uniquement par l’entremise d’un parlementaire, du Premier ministre ou du Défenseur des enfants (art. 13).

Le Comité recommande que l’État partie prenne les mesures nécessaires permettant la saisine directe de la CNDS par toute personne qui prétend avoir été soumise à la torture ou à un traitement cruel, inhumain ou dégradant sur tout territoire sous sa juridiction, conformément aux dispositions de l’article 13 de la Convention.

34)Le Comité est soucieux des conséquences de la création, par la réforme constitutionnelle de 2008, d’un «Défenseur des droits», dont le projet de loi organique prévoit que celui-ci intègrerait les missions du Médiateur de la République, du Défenseur des enfants et de la Commission nationale de déontologie de la sécurité. Il semble également envisagé qu’à terme, le Contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL) puisse également être amené à disparaître, puisqu’il pourrait lui aussi être intégré à la nouvelle institution (art. 13).

Le Comité invite l’État partie à prendre les mesures nécessaires pour assurer le fonctionnement effectif et non-interrompu, d’une part, du mécanisme de contrôle institué sous le Protocole facultatif à la Convention (CGLPL), ainsi que celui des autres instances indépendantes complémentaires qui, outre leur rôle de médiation, assurent une fonction essentielle de contrôle du respect des droits, et veillent ainsi au respect de l’application de la Convention, avec chacune une expertise particulière.

Mesures provisoires de protection

35)Le Comité se déclare préoccupé par le fait que l’État partie estime qu’il n’est pas tenu de donner suite aux demandes de mesures de sécurité provisoires formulées par le Comité (en référence aux communications no 195/2002, Brada c. France (17 mai 2005) et no 300/2006, Tebourski c. France (1er mai 2007).

Rappelant que l’article 108 du règlement intérieur du Comité vise à donner un sens et une portée aux articles 3 et 22 de la Convention, qui autrement n’offriraient aux demandeurs d’asile invoquant un risque sérieux de torture qu’une protection théorique, le Comité exhorte l’État partie à revoir sa politique en la matière, en examinant de bonne foi les demandes de mesures provisoires dont il est saisi, et en conformité avec ses obligations au sens des articles 3 et 22 de la Convention.

Traite des personnes

36)Le Comité est préoccupé par le manque d’information fournie par l’État partie sur la problématique de la traite des personnes et l’exploitation sexuelle. Le Comité n’a pas été adéquatement informé de la prévalence du phénomène, ni sur les mesures prises par l’État partie pour lutter contre la traite des femmes et des enfants sur son territoire (art. 2 et 16).

Le Comité recommande à l’État partie d’adopter un plan national visant à lutter contre toutes les formes de traite des femmes et des enfants, qui inclue aussi bien des mesures de justice pénale relatives à la poursuite des trafiquants, que des mesures de protection et de réhabilitation des victimes. Pour ce faire, le Comité recommande à l’État partie de renforcer sa coopération internationale avec les pays d’origine, de trafic et de transit, ainsi que de veiller à l’allocation de ressources suffisantes aux politiques et aux programmes dans ce domaine. Le Comité recommande également à l’État partie de le tenir informé des développements à cet égard.

37)Le Comité recommande à l’État partie d’inclure dans son prochain rapport des données, ventilées par âge, sexe et appartenance ethnique, sur:

a)Le nombre de plaintes enregistrées pour allégations de torture ou de traitements cruels, inhumains ou dégradants;

b)Le nombre correspondant d’enquêtes, de poursuites et de condamnations pour actes de tortures ou de mauvais traitements ayant eu lieu depuis le dernier rapport soumis au Comité.

38)Tout en prenant acte du droit des défendeurs de porter eux-mêmes plainte contre ce qu’ils considèrent comme des plaintes calomnieuses ou diffamatoires, le Comité souhaiterait en outre recevoir des données quant aux mesures spécifiques prises par l’État partie pour protéger les personnes signalant des agressions commises par des responsables de l’application de la loi contre des actes d’intimidation, notamment sous forme de plainte en diffamation et éventuelles représailles.

39)Le Comité souhaiterait en outre recevoir des informations concernant la mise en œuvre de la Convention dans les territoires où ses forces armées sont déployées.

40)Le Comité invite l’État partie à diffuser largement sur son territoire les présentes observations finales, dans toutes les langues appropriées, par le biais de sites Internet officiels, de la presse et des organisations non gouvernementales.

41)Le Comité invite l’État partie à mettre à jour son document de base du 7 octobre 1996 (HRI/CORE/1/Add.17/Rev.1), en suivant les directives harmonisées pour l’établissement de rapports, approuvées par les organes créés en vertu d’instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme (HRI/GEN/2/Rev.6).

42)Le Comité demande à l’État partie de lui fournir d’ici un an des informations sur la suite qu’il aura donnée aux recommandations formulées aux paragraphes 14, 21, 24, 28, 30 et 36 ci-dessus.

43)L’État partie est invité à soumettre son septième rapport périodique au plus tard le 14 mai 2014.

60. Jordanie

1)Le Comité contre la torture a examiné le deuxième rapport périodique de la Jordanie (CAT/C/JOR/2) à ses 932e et 934e séances (CAT/C/SR.932 et 934), tenues les 29 et 30 avril 2010, et a adopté, à ses 947e et 948e séances (CAT/C/SR.947 et 948), les observations finales ci-après.

A.Introduction

2)Le Comité se félicite de la présentation du deuxième rapport périodique de la Jordanie qui, tout en étant généralement conforme aux directives du Comité pour l’établissement des rapports, ne contient pas suffisamment de données statistiques et pratiques sur l’application des dispositions de la Convention et de la législation interne relative à la question. Le Comité regrette que le rapport ait été présenté avec treize années de retard, ce qui l’a empêché de procéder à une analyse régulière de l’application de la Convention par l’État partie.

3)Le Comité note avec satisfaction les réponses écrites très étoffées à sa liste de points à traiter (CAT/C/JOR/Q/2/Add.1) qui lui ont permis d’obtenir d’importants renseignements complémentaires, notamment sur l’éventail des institutions jordaniennes qui ont participé à l’élaboration du rapport. Le Comité se félicite en outre du dialogue avec la délégation de l’État partie et des renseignements supplémentaires qu’elle a fournis oralement. Il regrette cependant l’absence dans la délégation de représentants de la Direction des renseignements généraux, qui a, elle aussi, participé à l’élaboration du rapport.

B.Aspects positifs

4)Le Comité note avec satisfaction que, depuis l’examen de son rapport initial, l’État partie a ratifié les instruments internationaux suivants ou y a adhéré:

a)Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée, en mai 2009, et Protocole additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants, en juin 2009;

b)Convention relative aux droits des personnes handicapées, en mars 2008;

c)Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés, en mai 2007;

d)Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants, en décembre 2006;

e)Statut de Rome de la Cour pénale internationale, en avril 2002.

5)Le Comité note les efforts que consacre l’État partie à la réforme de sa législation, de ses politiques et de ses procédures en vue d’assurer une meilleure protection des droits de l’homme, notamment du droit de ne pas être soumis à la torture et d’autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, en particulier:

a)La création, en 2003, du Centre national des droits de l’homme en tant qu’institution nationale indépendante des droits de l’homme;

b)La création, en 2008, du Bureau du Médiateur en tant qu’organe indépendant habilité à recevoir les plaintes depuis le 1er février 2009;

c)L’adoption par le Gouvernement jordanien, en 2007, du plan global pour le développement et la modernisation des établissements pénitentiaires et des centres de réadaptation ainsi que la fermeture du centre de redressement et de réinsertion d’Al-Jafr en décembre 2006;

d)L’appui du Gouvernement à l’exécution du projet Karama, en coopération avec la société civile, dont les principaux objectifs sont l’élimination de la torture et des mauvais traitements et leur criminalisation, l’adoption de mesures pour enquêter sur de tels actes et poursuivre et punir leurs auteurs conformément aux obligations juridiques internationales de la Jordanie en la matière;

e)La mise en place d’un centre des services intégrés et de la justice familiale au refuge pour femmes Dar Al-Wifaq.

6)Le Comité note avec satisfaction l’information fournie par la délégation selon laquelle la peine de mort n’est plus appliquée dans l’État partie depuis mars 2006.

C.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Incorporation de la Convention dans la législation interne

7)Le Comité note avec satisfaction que la Convention a été publiée au Journal officiel en 2006, en sorte que ses dispositions font désormais partie intégrante de la législation interne et peuvent être appliquées par les tribunaux nationaux. Se référant toutefois à ses précédentes observations finales (A/50/44, par. 165), le Comité regrette que bien que l’État partie y soit partie depuis 1991 la Convention n’a, aux dires des représentants de l’État partie, pris effet dans l’ordre juridique interne, qu’à sa publication (art. 2 et 10).

Pour faire en sorte que la Convention soit effectivement incorporée dans la législation interne et prévenir les comportements qui vont à son encontre, l’État partie devrait dispenser une formation complète aux autorités publiques, aux fonctionnaires chargés d’appliquer la loi et autres fonctionnaires concernés et aux membres du corps judiciaire pour qu’ils soient pleinement conscients des dispositions de la Convention.

Considérations générales concernant l’application

8)Le Comité regrette que, bien qu’ayant demandé des statistiques dans la liste des points à traiter et pendant le dialogue avec l’État partie, aucune donnée de ce type ne lui a été fournie. L’absence de données détaillées ou ventilées sur les plaintes, les enquêtes, les poursuites et les condamnations dans les affaires de torture et de mauvais traitement imputés à des agents de la force publique, de la sûreté, à des membres des services du renseignement et au personnel des prisons ainsi que sur l’internement administratif, la traite, les mauvais traitements subis par les travailleurs migrants et la violence au foyer et sexuelle entrave considérablement les efforts pour mettre en lumière de nombreuses violations auxquelles il est nécessaire de porter attention (art. 2, 12, 13 et 19).

L’État partie devrait recueillir des données statistiques utiles pour le suivi de l’application de la Convention au niveau national, ventilées par sexe, âge et nationalité, des informations sur les plaintes, les enquêtes, les poursuites et les condamnations dans les affaires de torture et de mauvais traitements, ainsi que sur l’internement administratif, la traite, les mauvais traitements subis par les travailleurs migrants et la violence au foyer et sexuelle et sur l’issue des plaintes et des affaires en question. L’État partie devrait communiquer sans délai au Comité les informations détaillées susmentionnées, notamment le nombre des plaintes pour torture qui ont été présentées depuis 1995, date de l’examen du précédent rapport de l’État partie.

Définition et criminalisation de la torture

9)Tout en notant qu’une définition de la torture a été incorporée à l’article 208 du Code pénal, le Comité regrette que le chapitre 2 de la Constitution jordanienne, qui énonce les droits et les devoirs des Jordaniens, ne contienne aucune interdiction explicite de la torture et d’autres formes de peines ou de mauvais traitements. Il note avec préoccupation que l’article 208 fait référence à «tout type de torture inadmissible en vertu de la loi», ce qui donne à penser qu’il existe des formes ou des cas de torture qui sont permis. Le Comité note également avec préoccupation que la torture n’est pas traitée comme un crime grave mais plutôt comme un délit et qu’elle n’est pas passible de peines à la mesure de sa gravité (celles qui sont actuellement prévues variant entre six mois et trois ans d’emprisonnement). Il regrette l’absence dans le Code pénal d’une disposition rendant imprescriptible le crime de torture et craint que les délais de prescription applicables aux dispositions du Code pénal soient un obstacle aux efforts pour enquêter sur ce crime grave, en poursuivre leurs auteurs et les punir (art. 1er et 4).

L’État partie devrait incorporer l’interdiction de la torture dans sa Constitution pour bien montrer qu’il est dûment reconnu que la torture constitue un crime et une violation des droits de l’homme extrêmement grave et combattre l’impunité. Le Comité estime qu’en qualifiant et en définissant le crime de torture en tant qu’infraction distincte des autres conformément aux articles 1 er et 4 de la Convention, les États parties progresseront directement vers la réalisation de l’objectif général consistant à prévenir la torture, entre autres en alertant chacun, y compris les auteurs, les victimes et le public à l’extrême gravité de cette infraction et en améliorant l’effet dissuasif de l’interdiction elle-même. L’État partie devrait faire en sorte que les auteurs d’actes de torture soient poursuivis et condamnés à des peines à la mesure de la gravité de ces actes comme le requiert l’article 4 de la Convention. À cet effet, l’État partie devrait, selon qu’il convient, modifier le Code pénal pour alourdir les peines applicables.

L’État partie devrait revoir ses règles et dispositions relatives à la prescription pour les rendre pleinement conformes aux obligations qui lui incombent en vertu de la Convention, de façon que ceux qui se rendent coupables d’actes de torture, tentent de commettre de tels actes, sont complices dans leur commission ou y participent puissent faire l’objet d’enquêtes et soient poursuivis et punis sans qu’aucun délai de prescription leur soit appliqué.

Impunité des auteurs d’actes de torture et de mauvais traitements

10)Le Comité est profondément préoccupé par les allégations nombreuses, cohérentes et crédibles faisant état d’un recours routinier et sur une vaste échelle à la torture et aux mauvais traitements dans les lieux de détention, notamment dans les centres relevant de la Direction des renseignements généraux et du Département des enquêtes criminelles. Le Comité note en outre avec préoccupation que de telles allégations donnent rarement lieu à des enquêtes et des poursuites et qu’un climat d’impunité s’est semble-t-il instauré en l’absence de véritables mesures disciplinaires et poursuites pénales contre les agents de l’État accusés d’actes visés dans la Convention. Le Comité est particulièrement préoccupé par le fait qu’aucun responsable n’a jamais été poursuivi pour torture au titre de l’article 208 du Code pénal mais que des procédures ont été engagées en vertu de l’article 37 de la loi sur la sûreté publique de 1965 en tant que lex specialis prévoyant uniquement des mesures disciplinaires. Le Comité note en outre avec préoccupation que l’article 61 du Code pénal stipule qu’une personne ne sera pas tenue responsable au pénal d’actes exécutés en application d’ordres émanant d’un supérieur (art. 2, 4, 12 et 16).

Le Comité devrait prendre d’urgence des mesures concrètes pour prévenir les actes de torture et les mauvais traitements dans tout le pays et annoncer une politique qui soit de nature à produire des résultats mesurables dans l’optique de l’élimination des actes de torture et des mauvais traitements imputés aux agents de l’État.

L’État partie devrait faire en sorte que toutes les allégations de torture et de mauvais traitements fassent rapidement l’objet d’une enquête efficace et impartiale et que les auteurs soient poursuivis et condamnés à des peines à la mesure de la gravité de leurs actes comme le requiert l’article 4 de la Convention.

En outre, l’État partie devrait modifier sa législation pour qu’y soit explicitement stipulé que l’ordre d’un supérieur ou d’une autorité publique ne peut être invoqué pour justifier la torture.

Plaintes et enquêtes rapides et impartiales

11)Le Comité est préoccupé par le nombre élevé de plaintes de torture et de mauvais traitements imputés à des responsables de l’application des lois, à des agents de la sûreté, à des membres des services du renseignement et au personnel des prisons, par le nombre restreint d’enquêtes ouvertes par l’État partie dans de telles circonstances et le nombre très limité de condamnations prononcées à l’issue des enquêtes menées. En outre, le Comité note avec préoccupation que les services d’enquête en place n’ont pas l’indépendance nécessaire pour examiner les plaintes émanant de particuliers au sujet d’abus commis par des membres de la sûreté publique. Le Comité regrette le manque d’informations détaillées, notamment de données statistiques, sur le nombre de plaintes pour torture et mauvais traitements et l’issue de toutes les procédures engagées, tant pénales que disciplinaires (art. 11, 12 et 16).

L’État partie devrait renforcer les mesures prises pour que des enquêtes approfondies, impartiales et efficaces soient menées rapidement sur toutes les allégations de torture et de mauvais traitements infligés à des prisonniers et à des détenus et traduire en justice les membres des forces de l’ordre, de la sûreté, des services du renseignement et du personnel pénitentiaire qui ont commis de tels actes, les ont ordonnés ou y ont consenti. De telles enquêtes devraient en particulier être effectuées par un organe indépendant. Pour les affaires dans lesquelles il existe une forte présomption que la plainte pour torture ou mauvais traitements est fondée, la règle devrait être que le suspect soit suspendu de ses fonctions ou muté pendant la durée de l’enquête, afin d’éviter tout risque qu’il fasse obstruction à celle-ci ou qu’il continue de commettre des actes proscrits par la Convention.

L’État partie devrait poursuivre les auteurs d’actes de torture et de mauvais traitements et imposer des peines appropriées à ceux qui en auront été déclarés coupables en vue d’assurer que les agents de l’État qui commettent des actes interdits par la Convention en soient tenus responsables.

Garanties juridiques fondamentales

12)Le Comité note avec une vive préoccupation que l’État partie n’accorde pas, dans la pratique, à tous les détenus, y compris ceux qui se trouvent dans les locaux de la Direction des renseignements généraux et du Département de la sûreté publique, toutes les garanties juridiques fondamentales dès le début de leur détention. De telles garanties comprennent le droit du détenu d’être assisté par un avocat et d’être examiné par un médecin indépendant et le droit d’informer un proche et d’être informé de ses droits au moment de l’arrestation, notamment de toute accusation portée contre lui, ainsi que le droit de comparaître devant un juge dans des délais conformes aux normes internationales. Le Comité est particulièrement préoccupé par le fait qu’une personne arrêtée n’a pas le droit de s’entretenir avec un avocat dès son arrestation et, en particulier, pendant les premières phases de sa détention, entre le moment de son arrestation et sa présentation au procureur, et que le paragraphe 2 de l’article 63 et l’article 64 du Code de procédure pénale autorisent à titre exceptionnel en «cas d’urgence» les procureurs à interroger les détenus en l’absence de leur avocat. Le Comité note en outre avec préoccupation que les rencontres entre les avocats et leurs clients auraient lieu en présence de nombreuses autres personnes et de procureurs (art. 2, 11 et 12).

L’État partie devrait prendre rapidement des mesures concrètes pour faire en sorte que tous les détenus bénéficient, dans la pratique, de toutes les garanties juridiques fondamentales dès le début de leur détention. Cela inclut, en particulier, le droit d’être assistés rapidement par un avocat et de subir un examen médical indépendant, le droit d’informer un proche et d’être informé de leurs droits au moment de l’arrestation, notamment de toute accusation portée contre eux, ainsi que le droit de comparaître rapidement devant un juge. L’État partie devrait en outre prendre des mesures pour aménager des pièces où les avocats pourront s’entretenir en toute confidentialité avec leurs clients.

Internement administratif

13)Selon le rapport de l’État partie (par. 45), le Gouvernement a intimé aux juges des tribunaux administratifs de mettre fin à la pratique de l’internement administratif et de nombreuses personnes ont ainsi été libérées. Toutefois, le Comité se déclare gravement préoccupé par la persistance de la pratique de l’internement administratif (selon les réponses aux listes des questions, plus de 20 000 personnes étaient détenues sous ce régime en 2006 et ce nombre a été ramené depuis lors à environ 16 000). Le Comité note en particulier avec préoccupation que la loi sur la prévention des crimes de 1954 habilite les gouverneurs qui relèvent du Ministère de l’intérieur à placer en détention toute personne soupçonnée d’avoir commis un crime ou considérée comme une menace à la collectivité pour une période d’une année pouvant être indéfiniment renouvelée. Le Comité est également préoccupé par le fait que le Code de procédure pénale autorise actuellement l’arrestation et la détention de personnes sans fondement juridique explicite ainsi que l’arrestation sans base objective (art. 2, 11 et 16).

Comme l’internement administratif place les détenus en dehors de tout contrôle judiciaire et les expose ainsi à des actes allant à l’encontre de la Convention, le Comité demande instamment à l’État partie de prendre toutes les mesures requises pour mettre fin à la pratique de l’internement administratif. L’État partie devrait mettre sa législation susmentionnée en conformité avec les normes internationales relatives aux droits de l’homme et les obligations qui lui incombent en vertu de la Convention.

Système de tribunaux spéciaux

14)Le Comité se déclare vivement préoccupé par le système de tribunaux spéciaux en place au sein des services de la sûreté, qui comprend la Cour de la sûreté de l’État, la Cour de police spéciale et le tribunal militaire de la Direction des renseignements généraux, qui aurait mis des militaires et des membres des services de la sûreté ayant commis des violations présumées des droits de l’homme à l’abri de toutes poursuites. Le Comité craint que les principes de transparence, d’indépendance et d’impartialité soient mis en péril par ce système et que les procédures devant les tribunaux spéciaux ne soient pas toujours conformes aux normes garantissant un procès équitable (art. 2 et 12).

Compte tenu de sa précédente recommandation (A/50/44, par. 175), le Comité demande à l’État partie de prendre immédiatement des mesures pour mettre le fonctionnement de la Cour de la sûreté de l’État et d’autres tribunaux spéciaux en pleine conformité avec les dispositions de la Convention et les normes internationales applicables aux tribunaux et, en particulier, pour faire en sorte que les accusés aient le droit de faire appel des décisions de la Cour; dans le cas contraire, l’État partie devrait abolir les tribunaux spéciaux.

Surveillance et inspection des lieux de détention

15)Le Comité prend acte avec satisfaction de l’information fournie par les représentants de l’État partie selon laquelle plusieurs organismes, notamment le Centre national des droits de l’homme, l’Office des doléances et des droits de l’homme du Département de la sûreté publique, certaines organisations non gouvernementales internationales et le Comité international de la Croix-Rouge effectuent des visites périodiques et régulières dans les centres d’enquête et de détention et les lieux de réadaptation. Il est toutefois préoccupé par l’absence d’une surveillance et d’une inspection systématiques et effectives de tous les lieux de détention, notamment des locaux de la Direction des renseignements généraux et note avec préoccupation que les visites effectuées dans ces lieux par des observateurs nationaux, notamment le Centre national des droits de l’homme, doivent être annoncées à l’avance et effectuées sur demande préalable souvent en présence de représentants du Département de la sûreté publique, ainsi qu’il ressort du Mémorandum d’accord conclu par les deux parties en mars 2009. Le Comité note en outre avec préoccupation que le Rapporteur spécial sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants se serait vu refuser l’accès à ces lieux pendant sa visite en Jordanie en juin 2006 (art. 2, 11 et 16).

Le Comité invite l’État partie à mettre en place un mécanisme national pour surveiller et inspecter de manière effective tous les lieux de détention, y compris les locaux de la Direction des renseignements généraux et à assurer le suivi nécessaire pour que cette surveillance soit systématique. Ce mécanisme devrait prévoir des visites périodiques et inopinées effectuées par des observateurs nationaux et internationaux aux fins de prévenir la torture et d’autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

Direction des renseignements généraux

16)Comme suite à ses précédentes observations finales (A/50/44, par. 168), le Comité se déclare préoccupé par les informations faisant état d’actes de torture et de mauvais traitements dans les locaux de la Direction des renseignements généraux et demeure préoccupé par le fait que cette dernière continue de détenir arbitrairement et au secret des suspects, souvent pendant de longues périodes, et que les détenus n’ont pas accès à des juges, des avocats et des médecins (art. 2, 11 et 16).

Le Comité demande à l’État partie de placer tous les organes de la sûreté de l’État, et en premier lieu la Direction des renseignements généraux, sous contrôle civil, de mettre en place une inspection indépendante de ces organes, de restreindre les pouvoirs de la Direction et d’assurer, en droit et en pratique, la séparation des pouvoirs des autorités chargées de la détention des suspects de ceux des autorités responsables des enquêtes préliminaires.

Mesures antiterroristes

17)Eu égard à l’interdiction absolue de la torture, le Comité note avec préoccupation que la loi sur la prévention du terrorisme de 2006 contient une définition des «activités terroristes» qui est vague et trop vaste. Il est également préoccupé par le renforcement présumé des pouvoirs déjà excessifs des agents de la sûreté (art. 2 et 16).

Le Comité rappelle qu’aucune circonstance exceptionnelle quelle qu’elle soit ne peut être invoquée pour justifier la torture et que, conformément aux résolutions du Conseil de sécurité et à d’autres résolutions relatives à la question, les mesures de lutte contre le terrorisme doivent être appliquées dans le plein respect du droit international relatif aux droits de l’homme. À cet effet, l’État partie devrait revoir la loi sur la prévention du terrorisme de 2006 et la modifier, si nécessaire, pour la mettre en conformité avec les normes internationales relatives aux droits de l’homme.

Impunité des auteurs de crimes d’honneur et de viol

18)Le Comité note avec préoccupation que la violence à l’égard des femmes, en tant que forme de discrimination, est un problème profondément enraciné en Jordanie et qu’en conséquence, une culture de l’impunité des auteurs d’actes de violence au foyer et fondée sur le sexe s’est instaurée. À cet égard, le Comité note avec une vive préoccupation que les crimes dans lesquels l’«honneur» de la famille est considéré comme avoir été bafoué, restent souvent impunis et que lorsqu’ils sont réprimés, les peines infligées sont plus légères que celles imposées pour d’autres crimes de la même violence (art. 1er, 2, 4, 13et 16).

Le Comité invite l’État partie à modifier sans délai les dispositions applicables du Code pénal pour faire en sorte que les auteurs de crime d’«honneur» ne bénéficient d’aucune réduction de peine en application de l’article 340, que les auteurs de crime d’«honneur» prémédité ne bénéficient d’aucune réduction de peine en application de l’article 98 et que l’article 99 ne soit pas applicable aux crimes d’«honneur» ou dans le contexte d’autres crimes où la victime a des liens avec l’auteur. Le Comité demande en outre instamment à l’État partie de faire en sorte que les crimes d’«honneur» reçoivent la même attention que les autres crimes violents dans le cadre des enquêtes et des poursuites et que des efforts en vue d’une prévention efficace soient mis en place.

19)Tout en notant l’information fournie par la délégation selon laquelle l’État partie revoit actuellement la question, le Comité est gravement préoccupé par la pratique permettant aux auteurs de viol d’échapper aux poursuites en épousant leur victime (art. 308 du Code pénal) ou autorisant les familles à renoncer à leur «droit de plainte» (art. 1er 2, 4, 13 et 16).

Rappelant que de nombreux organes judiciaires et quasi judiciaires internationaux ont assimilé le viol à une forme de torture, le Comité demande à l’État partie d’abolir la disposition figurant à l’article 308 du Code pénal et de faire en sorte que les auteurs de viol n’échappent pas à toute sanction en épousant leur victime.

Violence au foyer

20)Le Comité note avec préoccupation que la nouvelle loi sur la protection contre la violence au foyer de janvier 2009 n’érige pas explicitement en infraction pénale cette violence ou ne contient pas les dispositions voulues pour assurer que ceux qui s’en rendent coupables soient poursuivis. Selon les réponses à la liste des points à traiter, la question de la criminalisation de la violence au foyer est couverte par le Code pénal. Le Comité note également avec préoccupation que le champ d’application de la nouvelle loi est limité, dans la mesure où elle fixe comme condition que l’auteur vive avec la victime au foyer familial. Le Comité se dit en outre préoccupé par le manque de données, notamment de statistiques, sur les plaintes, les poursuites et les condamnations pour crime de violence au foyer (art. 1er, 2, 4, 12 et 16).

L’État partie devrait intensifier ses efforts pour prévenir et combattre les actes de violence au foyer, faire en sorte que de tels actes fassent rapidement l’objet d’une enquête impartiale et efficace et que ceux qui s’en rendent coupables soient poursuivis et punis. L’État partie est encouragé à contribuer directement aux programmes de réadaptation et d’assistance juridique et à mener de vastes campagnes de sensibilisation à l’intention des responsables (juges, fonctionnaires judiciaires, membres de la force publique et travailleurs sociaux) qui sont en contact direct avec les victimes.

L’État partie devrait renforcer ses efforts de recherche et de collecte de données sur l’ampleur de la violence au foyer; il est prié de fournir au Comité dans son prochain rapport périodique des données statistiques sur les plaintes, les poursuites et les condamnations.

Détention à des fins de protection

21)Le Comité note avec préoccupation que la loi de 1954 sur la répression des infractions autorise la «détention à des fins de protection» des femmes exposées à la violence, mesure qui, selon les informations reçues, s’apparente à un internement administratif, et que certaines femmes continuent de faire l’objet d’une telle détention (art. 2, 11 et 16).

Le Comité demande instamment à l’État partie de remplacer la «détention à des fins de protection» par d’autres mesures de façon à assurer la protection des femmes sans porter atteinte à leur liberté, et de transférer, en conséquence, toutes les femmes actuellement en «détention à des fins de protection» dans des refuges et des lieux de réadaptation sûrs. À cet effet, le Comité encourage l’État partie à adopter un plan national pour la protection des femmes en danger.

Traite

22)Tout en se félicitant de l’adoption, en 2009, de la loi no 9 sur l’interdiction de la traite des êtres humains, qui érige en infraction toutes les formes de traite de personnes, le Comité se déclare préoccupé par les informations faisant état de la traite de femmes et d’enfants à des fins d’exploitation sexuelle et autres. Il est préoccupé par l’absence générale de renseignements sur l’ampleur de la traite dans l’État partie, notamment sur le nombre de plaintes, d’enquêtes, de poursuites et de condamnations et sur les mesures concrètes prises pour prévenir et combattre ce phénomène (art. 1er, 2, 4, 12 et 16).

L’État partie devrait intensifier ses efforts pour prévenir et combattre la traite des femmes et des enfants, notamment en appliquant les lois sur la lutte contre la traite déjà en vigueur, en fournissant une protection aux victimes et en leur assurant l’accès aux services médicaux, sociaux, de réadaptation et juridiques ainsi qu’à des services de conseil selon que de besoin. L’État partie devrait en outre créer des conditions propices à l’exercice par les victimes de leur droit de déposer plainte, mener rapidement des enquêtes impartiales et efficaces sur toutes les allégations de traite et faire en sorte que les responsables soient traduits en justice et que des peines à la mesure de la gravité de leurs actes leur soient infligées.

Réfugiés, violations de l’article 3 et absence d’enquêtes

23)Le Comité regrette l’absence dans la législation de l’État partie de texte garantissant les droits des réfugiés et des demandeurs d’asile. Il note avec préoccupation l’absence, notamment dans la loi sur les auteurs d’infraction en fuite de 1927 ou la loi no 2 de 1973 sur la résidence des étrangers, de dispositions interdisant explicitement l’expulsion, le refoulement ou l’extradition d’une personne vers un autre État où il y a des motifs sérieux de penser qu’elle risque d’être soumise à la torture. Le Comité est également préoccupé par les informations selon lesquelles des personnes n’ont pas bénéficié de la pleine protection prévue à l’article 3 de la Convention en cas d’expulsion, de refoulement ou d’extradition. Parmi ces personnes figurent Maher Arar, Mohamed Farag Bashamilah et Salah Naser Salem Ali Darwish. Le Comité est en outre préoccupé par les informations selon lesquelles la coopération de la Jordanie avec d’autres gouvernements dans le contexte de la «guerre contre le terrorisme» a donné lieu à de nouvelles violations des droits de l’homme, notamment des placements en détention au secret et des transferts extrajudiciaires de terroristes présumés en violation de la Convention. À cet égard, le Comité regrette le manque d’informations sur la question de savoir si l’État partie songe à ouvrir une enquête indépendante sur de telles allégations (art. 3, 12 et 13).

L’État partie devrait élaborer et adopter des textes de loi pour garantir les droits des réfugiés et des demandeurs d’asile. Il devrait en outre formuler et adopter un texte de loi pour donner effet à l’article 3 de la Convention dans son droit interne. En aucune circonstance, l’État partie ne devrait expulser, refouler ou extrader une personne vers un État où il y a des motifs sérieux de croire qu’elle risque d’être soumise à la torture ou à des mauvais traitements. En outre, l’État partie devrait ouvrir une enquête indépendante pour examiner les allégations sur son implication dans des «transferts extrajudiciaires» et informer le Comité de l’issue d’une telle enquête.

Retrait de la nationalité

24)Tout en notant que plus de 200 000 réfugiés palestiniens ont obtenu la citoyenneté jordanienne, le Comité constate avec préoccupation que plus de 2 700 Jordaniens d’origine palestinienne auraient été dépouillés de leur nationalité. Malgré les explications fournies par la délégation et le fait qu’elle ait déclaré que de telles allégations sont une déformation grossière des faits et des chiffres, le Comité note avec préoccupation que cette mesure est appliquée de manière arbitraire et aléatoire sans base juridique claire, privant ainsi les personnes concernées de leurs droits civiques et les exposant au risque d’être expulsées sans bénéficier des garanties prévues à l’article 3 de la Convention (art. 3 et 16).

Le Comité invite l’État partie à cesser de dépouiller arbitrairement des Jordaniens d’origine palestinienne de leur nationalité.

Défenseurs des droits de l’homme

25)Le Comité note avec préoccupation les informations selon lesquelles les personnes qui surveillent la situation des droits de l’homme dans l’État partie font l’objet de menaces et d’actes de harcèlement et d’intimidation et craint que cela n’entrave les activités des groupes de surveillance des droits de l’homme de la société civile et partant, leur capacité de fonctionner efficacement (art. 2, 12 et 16).

L’État partie devrait prendre toutes les mesures nécessaires pour faire en sorte que toutes les personnes, y compris celles qui surveillent la situation des droits de l’homme, soient protégées contre tout acte d’intimidation ou de violence dont elles pourraient faire l’objet du fait de leurs activités et jouissent des garanties relatives aux droits de l’homme et de faire en sorte que les actes mis en cause fassent rapidement l’objet d’une enquête impartiale et efficace et que les auteurs soient poursuivis et punis.

Enfants en détention

26)Le Comité se félicite des efforts de l’État partie pour réformer son système de justice pour mineurs. Il note toutefois avec préoccupation que, malgré les informations fournies indiquant que les dispositions de la loi sur les mineurs sont actuellement modifiées aux fins de relever à 12 ans l’âge minimum de la responsabilité pénale, cet âge, qui est actuellement de 7 ans, demeure inférieur aux normes internationales et aucune mesure de substitution aux peines d’emprisonnement n’est prévue. En outre, le Comité note avec préoccupation qu’un mineur qui commet un crime avec un adulte est jugé par le tribunal compétent pour connaître des accusations portées contre l’adulte (art. 2, 11 et 16).

L’État partie devrait relever d’urgence l’âge minimum de la responsabilité pénale de façon à le mettre en conformité avec les normes internationales généralement acceptées. Il devrait en outre prendre toutes les mesures nécessaires pour concevoir et mettre en place un système complet de mesures de substitution afin de garantir que la privation de liberté ne soit utilisée dans le cas des mineurs qu’en dernier ressort, qu’elle soit de la durée la plus brève possible et qu’elle soit appliquée dans des conditions appropriées. En outre, l’État partie devrait faire en sorte que les mineurs soient jugés par des tribunaux pour mineurs.

Conditions de détention

27)Tout en notant que les conditions se sont améliorées dans les prisons et les centres de détention, notamment dans le contexte du plan global du Gouvernement pour le développement et la modernisation des établissements de redressement et des centres de réadaptation, le Comité demeure préoccupé par des informations persistantes faisant état d’un surpeuplement des prisons, d’un manque de personnel, de nourriture et de soins de santé et de l’inefficacité des programmes mis en œuvre avant et après la libération (art. 11 et 16).

L’État partie devrait continuer d’adopter des mesures concrètes pour améliorer les conditions dans les lieux de détention et réduire le surpeuplement de ces lieux, notamment par l’application de peines de substitution non privatives de liberté.

Formation

28)Le Comité prend note de l’information fournie dans le rapport de l’État partie sur les programmes de formation et de sensibilisation. Il regrette toutefois l’absence de renseignements quant à la fourniture d’une formation ciblée au personnel de la sûreté et des services du renseignement, aux juges, aux procureurs, aux médecins légistes et au personnel médical qui s’occupent des détenus, notamment une formation aux méthodes pour déceler les séquelles physiques et psychologiques de la torture (art. 10).

L’État partie devrait continuer à développer et renforcer les programmes éducatifs pour faire en sorte que tous les fonctionnaires, y compris les membres de la force publique, des services de la sûreté, des services du renseignement et le personnel des prisons, soient pleinement au fait des dispositions de la Convention, et qu’ils sachent que les violations ne seront pas tolérées et feront l’objet d’enquêtes et que les auteurs seront poursuivis. En outre, tout le personnel concerné, y compris les agents chargés d’enquêter sur ces actes et de les documenter, devraient recevoir une formation aux techniques permettant de déceler les signes de torture et de mauvais traitements. Une telle formation devrait inclure l’utilisation du manuel pour enquêter efficacement sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (Protocole d’Istanbul). En outre, l’État partie devrait évaluer l’impact et l’efficacité de tels programmes de formation/d’éducation.

Réparation (indemnisation et réadaptation)

29)Tout en notant que les plaignants sont, conformément à l’article 256 du Code civil, en droit de réclamer des dommages en cas de préjudice, le Comité note avec préoccupation que la législation jordanienne ne contient pas de disposition explicite sur le droit des victimes de la torture à une indemnisation équitable et suffisante, et qu’aucune information n’est disponible sur d’éventuels services de traitement et de réadaptation sociale, notamment médicale et psychosociale, en faveur de ces victimes (art. 14).

L’État partie devrait intensifier ses efforts pour assurer aux victimes de la torture et des mauvais traitements une réparation sous la forme d’une indemnisation équitable et suffisante et d’une réadaptation aussi complète que possible. À cet effet, il devrait inclure dans sa législation des dispositions sur le droit des victimes de la torture d’être indemnisées de manière équitable et adéquate du préjudice causé par cette pratique. En outre, l’État partie devrait fournir des informations sur les mesures de réparation et d’indemnisation ordonnées par les tribunaux dont ont bénéficié les victimes d’actes de torture ou leur famille pendant la période considérée. Ces informations devraient inclure le nombre de demandes formulées, le nombre de demandes satisfaites et les montants accordés et effectivement versés dans chaque cas. En outre, l’État partie devrait fournir des informations sur tout programme de réparation en cours.

Aveux obtenus sous la contrainte

30)Tout en prenant acte de l’article 159 du Code de procédure pénale, qui ne mentionne pas explicitement la torture, le Comité exprime sa préoccupation au sujet d’informations selon lesquelles les aveux obtenus sous la contrainte seraient largement utilisés comme éléments de preuve dans les tribunaux de l’État partie. Le Comité est également préoccupé par l’absence d’information sur les cas où des agents de l’État ont été poursuivis et punis pour avoir extorqué de tels aveux (art. 15).

L’État partie devrait prendre les mesures nécessaires pour garantir l’irrecevabilité devant les tribunaux des aveux obtenus sous la torture dans toutes les affaires, conformément aux dispositions de l’article 15 de la Convention. Le Comité prie l’État partie d’interdire fermement la prise en compte d’éléments de preuve obtenus sous la torture dans toute procédure et de faire savoir au Comité si des fonctionnaires ont déjà été poursuivis et punis pour avoir extorqué des aveux.

Travailleuses domestiques migrantes

31)Le Comité note la création en 2006 de la Direction des employés domestiques qui est chargée de surveiller et de réglementer les pratiques des bureaux d’emploi. Il se déclare toutefois préoccupé par les informations faisant état de violations dont seraient victimes sur une vaste échelle des travailleuses domestiques migrantes, dont la grande majorité sont originaires de l’Asie du Sud et du Sud-Est et qui font souvent l’objet d’abus physiques, psychologiques et sexuels (art. 13 et 16).

L’État partie devrait renforcer les mesures destinées à prévenir la violence et les abus dont sont victimes les travailleuses domestiques migrantes dans l’État partie en garantissant leur droit de déposer plainte contre les auteurs de ces abus et en veillant à ce que de telles affaires soient examinées et tranchées rapidement et de manière impartiale par un mécanisme de contrôle compétent et que tous les employeurs et les représentants des bureaux d’emploi qui se rendent coupables d’abus à l’encontre de travailleuses domestiques migrantes soient traduits en justice.

32)Le Comité recommande à l’État partie d’envisager de ratifier le Protocole facultatif à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

33)Le Comité recommande à l’État partie d’envisager de faire les déclarations prévues aux articles 21 et 22 de la Convention.

34)Le Comité invite l’État partie à envisager de ratifier les principaux instruments des Nations Unies relatifs aux droits de l’homme auxquels il n’est pas encore partie, notamment la Convention sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille et la Convention internationale sur la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées.

35)Le Comité invite l’État partie à présenter son document de base suivant les instructions relatives à l’établissement du document de base commun qui figurent dans les directives harmonisées pour l’établissement des rapports approuvées par les organes créés en vertu d’instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme (HRI/GEN/2/Rev.6).

36)L’État partie est encouragé à diffuser largement ses rapports au Comité ainsi que les présentes observations finales par le biais de sites Web officiels, des médias et des organisations non gouvernementales.

37)Le Comité demande à l’État partie de fournir, dans un délai d’un an, des informations sur la suite qu’il aura donnée aux recommandations figurant aux paragraphes 10, 11, 18 et 31 ci-dessus.

38)L’État partie est invité à présenter son troisième rapport périodique au plus tard le 14 mai 2014.

61. Liechtenstein

1)Le Comité contre la torture a examiné le troisième rapport périodique du Liechtenstein (CAT/C/LIE/3 et Corr. 1) à ses 938e et 941e séances (CAT/C/SR.938 et 941), les 4 et 5 mai 2010, et a adopté à sa 948e séance (CAT/C/SR.948) les observations finales ci-après.

A.Introduction

2)Le Comité accueille avec satisfaction le troisième rapport périodique du Liechtenstein, qui a été soumis avec un certain retard mais qui suit globalement ses directives concernant la forme et le contenu des rapports périodiques. Il remercie l’État partie pour ses réponses écrites détaillées à la liste des points à traiter qui contenaient d’importants renseignements complémentaires et pour la traduction du rapport annuel établi en 2009 par le mécanisme national de prévention, fournie par ses soins à temps pour l’examen du rapport.

3)Le Comité se félicite du dialogue franc, constructif et fructueux qu’il a eu avec la délégation de l’État partie, à laquelle il exprime ses remerciements pour les réponses claires et détaillées qui ont été apportées oralement et par écrit à ses questions et préoccupations.

B.Aspects positifs

4)Le Comité prend note avec satisfaction de la ratification par l’État partie des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme ci-après pendant la période considérée:

a)Protocole facultatif à la Convention contre la torture, en 2006;

b)Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale, en 2000;

c)Protocole facultatif à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, en 2001;

d)Convention de 1954 relative au statut des apatrides, en 2009;

e)Convention de 1961 sur la réduction des cas d’apatridie, en 2009.

5)Le Comité prend note avec satisfaction de:

a)La révision complète de la loi sur l’exécution des peines du 20 septembre 2007 qui, entre autres, renforce les garanties juridiques concernant le droit des détenus condamnés d’avoir accès à un médecin;

b)La création en décembre 2007, en vertu de la loi révisée sur l’exécution des peines (2007), d’une commission pénitentiaire, et sa désignation comme mécanisme national de prévention comme suite à la ratification par le Liechtenstein du Protocole facultatif, ainsi que la participation active de l’État partie à l’élaboration de cet instrument;

c)L’entrée en vigueur, le 1er janvier 2008, de l’amendement au Code de procédure pénale garantissant, entre autres, le droit de toute personne arrêtée de prévenir un proche ou une autre personne de confiance, de consulter un conseil et de garder le silence.

6)Le Comité prend également note avec satisfaction:

a)De la création de la Commission pour l’égalité des chances et de son Bureau de l’égalité des chances, du Bureau du Médiateur pour les enfants et du Bureau de l’aide aux victimes;

b)Du soutien apporté par l’État partie aux mécanismes des Nations Unies établis dans le but de prévenir et éliminer la torture et les autres formes de mauvais traitements, notamment de l’augmentation de sa contribution au Fonds de contributions volontaires pour les victimes de la torture et de sa collaboration avec le Rapporteur spécial sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

C.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Définition de la torture et crime de torture

7)Le Comité prend note avec satisfaction des amendements apportés en 2003 à la Constitution, qui font de l’interdiction de la torture et des traitements inhumains un principe absolu, qui n’est susceptible d’aucune dérogation, ni en vertu de la loi, ni en application de décrets d’urgence (art. 10, par. 2, de la Constitution), et de l’amendement de 2005, qui interdit les peines ou traitements inhumains ou dégradants (art. 27 bis). Le Comité note également que, comme l’État partie applique le système moniste, les dispositions de la Convention font partie de l’ordre juridique interne depuis la ratification de cet instrument. Malgré tout, il est convaincu que l’incorporation dans la législation interne de l’État partie d’un crime distinct de torture défini conformément à l’article premier de la Convention servirait directement l’objectif premier de la Convention qui est de prévenir la torture ou les mauvais traitements (art. 1er et 4).

Le Comité recommande à l’État partie d’incorporer dans sa législation pénale un crime distinct de torture, dont la définition soit strictement conforme à celle de l’article premier de la Convention. Le Comité estime que l’État partie, en établissant et en définissant ce crime conformément aux articles 1 er et 4 de la Convention et en l’érigeant en une infraction distincte, servira directement l’objectif primordial de la Convention qui est de prévenir la torture, entre autres, en appelant l’attention de chacun, notamment des auteurs, des victimes et du public, sur la gravité exceptionnelle du crime de torture et en renforçant l’effet dissuasif de l’interdiction de la torture.

Peines appropriées

8)Le Comité, rappelant qu’il est indispensable que les peines prévues soient proportionnelles à la gravité du crime de torture afin d’être pleinement dissuasives, considère que les dispositions actuelles du Code pénal de l’État partie applicables aux actes de torture, qui prévoient deux ans d’emprisonnement à l’encontre de tout fonctionnaire ayant causé des souffrances physiques ou morales à un détenu ou manqué à ses devoirs à l’égard d’un détenu par négligence (art. 312 du Code pénal) et jusqu’à cinq ans d’emprisonnement lorsque les actes commis ont entraîné des lésions corporelles (art. 83 à 85 du Code pénal), ne sont pas assez sévères. Il rappelle à l’État partie que la Convention dispose que tout État partie doit rendre ces infractions passibles de peines appropriées, qui prennent en considération leur gravité (art. 4).

L’État partie devrait rendre les actes de torture passibles de peines appropriées, qui prennent en considération leur gravité, conformément à l’article 4 de la Convention.

Prescription

9)Le Comité relève avec préoccupation que, étant donné que les actes de torture tombent sous le coup des articles 83 à 85 et 312 du Code pénal, le délai de prescription pour ces actes est de cinq ans seulement. À cet égard, il est préoccupé par le fait que l’État partie n’a pas l’intention de modifier le Code pénal pour «supprimer le délai de prescription applicable aux actes de torture». Aucun motif n’est acceptable pour justifier de fixer une limite dans le temps à l’obligation de l’État partie d’enquêter sur les actes de torture et de poursuivre leurs auteurs, même l’absence de décision judiciaire mentionnée par l’État partie dans ses réponses écrites (art. 2, 4 et 12).

L’État partie devrait faire en sorte que les faits de torture soient imprescriptibles.

Garanties fondamentales

Droit d’avoir accès à un médecin

10)Le Comité accueille avec satisfaction la nouvelle loi sur l’exécution des peines qui garantit, entre autres, le droit des détenus condamnés d’être examinés par un médecin dès leur entrée en prison ou le plus rapidement possible. Il relève toutefois avec préoccupation que le même droit n’est pas garanti par la loi à toutes les personnes privées de liberté dès leur placement en détention. À cet égard, il regrette que la nouvelle loi sur la santé publique ne contienne plus de dispositions concernant expressément l’accès à un médecin pendant la garde à vue (ancien art. 7 a), par. 3 b)), qui n’est pas non plus clairement garanti par le Code pénal ni par le Code de procédure pénale. De plus, le Comité note que l’imprimé remis par la police nationale aux personnes privées de liberté pour les informer des garanties prévues par la loi énonce clairement le droit d’être examiné par un médecin dès le début de la détention mais il s’inquiète de ce qu’il n’en soit pas de même pour l’imprimé remis aux étrangers (art. 2 et 11).

L’État partie devrait veiller à ce que le droit de toutes les personnes privées de liberté, y compris les ressortissants étrangers, d’avoir accès à un médecin indépendant, si possible de leur choix, dès le début de la détention, soit expressément garanti dans la législation interne.

Droit d’avoir accès à un avocat et de prévenir un proche

11)Le Comité note avec satisfaction qu’en vertu du Code de procédure pénale révisé, toutes les personnes arrêtées ont le droit d’avoir accès à un avocat et de prévenir un proche ou une personne de confiance dès leur arrestation ou immédiatement après (art. 128 a)). Prenant note des restrictions applicables aux interrogatoires, le Comité accueille avec satisfaction les renseignements fournis par l’État partie concernant la révision complète du Code de procédure pénale et l’incorporation dans le Code révisé d’une disposition énonçant le droit de toute personne interrogée par la police à la présence d’un avocat dès le tout premier interrogatoire. Le Comité est néanmoins préoccupé par le fait qu’à l’heure actuelle, les ressortissants étrangers qui sont arrêtés par la police doivent choisir entre le droit de prévenir un membre et la famille et celui d’appeler un avocat (art. 2, 11 et 12).

L’État partie devrait veiller à ce que le droit de toute personne privée de liberté d’avoir accès à un avocat dès le début de la privation de liberté, sans aucune restriction, soit inclus dans le Code de procédure pénale révisé. La rédaction de l’imprimé remis aux ressortissants étrangers au moment de leur arrestation devrait être revue de façon à garantir dans la pratique tant le droit d’avoir accès à un avocat que celui de prévenir un proche.

Séparation des responsabilités entre les autorités pénitentiaires et les autorités d’enquête

12)Le Comité relève avec préoccupation l’absence de séparation des compétences entre le Ministère de la justice et le Ministère de l’intérieur dans le domaine pénitentiaire et s’inquiète des pouvoirs et de l’influence qu’exerce la police dans ce domaine, sur lesquels la Commission pénitentiaire a appelé l’attention. Il note cependant avec satisfaction que la recommandation formulée par la Commission pénitentiaire à ce sujet est actuellement examinée à la lumière des conseils d’experts autrichiens (art. 2).

L’État partie devrait faire en sorte que son système pénitentiaire relève entièrement et exclusivement du Ministère de la justice, comme recommandé par la Commission pénitentiaire en 2008 et 2009.

Statut, mandat et composition du mécanisme national de prévention

13)Le Comité se félicite de la création de la Commission pénitentiaire, devenue opérationnelle en 2008 en tant que mécanisme national de prévention. Il note avec satisfaction que, d’après les renseignements recueillis pendant sa visite à la prison nationale de Vaduz en 2009, une très bonne collaboration s’est instaurée entre les autorités et la Commission pénitentiaire, dont les recommandations sont rendues publiques et font l’objet d’un véritable suivi et dont le rapport annuel de 2009 a été traduit en anglais. Le Comité relève que le Protocole facultatif est directement applicable dans l’État partie mais s’inquiète de ce que le mandat de la Commission pénitentiaire en tant que mécanisme national de prévention ne soit pas spécifié dans la loi sur l’exécution des peines, qui fixe néanmoins le nombre de visites que la Commission peut effectuer chaque année sans préavis. Le Comité s’inquiète également du risque de manque d’indépendance découlant du paragraphe 3 de l’article 17 de la loi sur l’exécution des peines, qui concerne la composition de la Commission et qui dispose que deux de ses cinq membres ne doivent pas travailler dans la fonction publique (art. 2).

L’État partie devrait modifier la loi sur l’exécution des peines de façon que le mandat et les pouvoirs de la Commission pénitentiaire en tant que mécanisme national de prévention y soient clairement spécifiés, conformément aux articles 17 à 23 du Protocole facultatif. À cet égard, une attention particulière devrait être accordée au paragraphe 4 de l’article 18 du Protocole facultatif, qui invite les États parties à tenir dûment compte des Principes concernant le statut des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l’homme (Principes de Paris), ainsi qu’à l’importance d’un processus public et transparent, ouvert à tous, pour la nomination des membres de la Commission.

Non-refoulement, droits des réfugiés et des demandeurs d’asile

14)Le Comité constate que le nombre de demandes d’asile dans l’État partie a considérablement augmenté ces dernières années, passant de 66 demandes par an en moyenne pour la période 2004-2008 à 294 demandes en 2009. Il est particulièrement préoccupé par les renseignements reçus selon lesquels les demandeurs d’asile n’auraient pas toujours la possibilité de voir leur demande examinée au fond. À ce sujet, il note avec préoccupation que la majorité des demandes d’asile rejetées, ou écartées d’une autre manière, en 2009 concernaient des personnes venant de deux États dans lesquels le risque de torture ou d’autres formes de mauvais traitements pouvait être considéré comme sérieux. Le Comité est également préoccupé par les renseignements faisant état de pressions exercées par les agents de l’État sur les demandeurs d’asile pour les inciter à quitter volontairement le pays, y compris moyennant le versement d’une somme d’argent (art. 3).

15)Notant que l’expulsion à titre préventif vers un pays tiers sûr est subordonnée notamment à l’obligation conventionnelle de cet État d’examiner la demande d’asile et au principe de non-refoulement, le Comité s’inquiète de ce que, d’après les renseignements reçus, les personnes qui ont demandé l’asile au Liechtenstein n’ont pas toutes eu la possibilité de soumettre une demande à l’État tiers concerné (habituellement la Suisse ou l’Autriche), ce qui signifie que ces personnes n’ont pas bénéficié de garanties suffisantes contre le refoulement. À ce sujet, le Comité relève avec préoccupation la durée très courte (vingt-quatre heures) du délai accordé aux demandeurs d’asile tombant sous le coup d’une mesure d’expulsion à titre préventif pour soumettre une demande de rétablissement de l’effet suspensif aux autorités compétentes (art. 3).

Le Comité recommande à l’État partie de prendre les mesures ci-après afin de s’acquitter des obligations qui lui incombent en vertu de l’article 3 de la Convention:

a) Veiller à ce que toutes les demandes d’asile, y compris celles soumises en 2009, soient examinées quant au fond;

b) Allonger le délai accordé aux demandeurs d’asile tombant sous le coup d’une mesure d’expulsion à titre préventif pour demander le rétablissement de l’effet suspensif, et garantir le droit des personnes faisant appel d’une décision de rejet de leur demande d’effet suspensif d’être dûment entendues par un tribunal administratif afin de s’assurer que toutes les personnes renvoyées dans des pays tiers sûrs en vertu d’une mesure d’expulsion à titre préventif pourront réellement avoir accès à la procédure d’asile dans ces États;

c) Enquêter sur les allégations de versement d’argent par les agents de l’État aux demandeurs d’asile pour les persuader de quitter le pays afin d’éviter d’avoir à procéder à une évaluation approfondie de leur demande d’asile;

d) Mettre sur pied un système efficace de collecte de données permettant de connaître: i) les motifs des demandes d’asile, y compris celles fondées sur la crainte du demandeur d’être victime de tortures ou d’autres mauvais traitements, et le nombre de demandes de ce type qui ont reçu une suite favorable; ii) le nombre de recours contre des décisions de rejet de demande d’asile et les suites qui leur ont été données; iii) le nombre de demandes d’asile et de permis de séjour de longue durée qui ont été acceptées en application des dispositions de la Convention.

16)Le Comité prend note des explications fournies par l’État partie, selon lesquelles les demandeurs d’asile sont détenus pendant la procédure d’expulsion s’ils ont tenté de se soustraire à la justice en se rendant dans un autre pays pendant une procédure en cours et/ou s’ils ont déclaré une fausse identité. Il est néanmoins préoccupé par les renseignements reçus faisant état de la détention de demandeurs d’asile au seul motif de leur entrée illégale sur le territoire de l’État partie. Tout en notant avec satisfaction que les demandeurs d’asile ont droit à l’assistance gratuite d’un conseil, le Comité s’inquiète de ce que ces personnes rencontrent apparemment des difficultés pour contacter un avocat et bénéficier d’une aide juridictionnelle (art. 3, 11 et 16).

L’État partie devrait veiller à ce que la détention des demandeurs d’asile ne soit utilisée qu’en dernier recours et pour une période aussi courte que possible, conformément à l’article 31 de la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés, et que tous les demandeurs d’asile placés en détention administrative aient accès à un avocat et à l’aide juridictionnelle.

17)Le Comité note avec préoccupation que la durée de la détention administrative dans le cadre de la procédure d’expulsion peut aller jusqu’à neuf mois, ou six mois pour les mineurs âgés de 15 à 18 ans (art. 3, 11 et 16).

L’État partie devrait envisager de réduire la durée maximale de la détention administrative préalable à l’expulsion, en particulier pour les personnes de moins de 18 ans. Le Comité lui recommande vivement de prendre des dispositions à cet effet dans le cadre de la révision de la loi sur l’asile et de la loi sur les étrangers.

Hébergement des demandeurs d’asile

18)Le Comité est préoccupé par les renseignements indiquant qu’en raison de la capacité limitée (60 places) du centre d’accueil pour les réfugiés au Liechtenstein, conjuguée à l’augmentation soudaine du nombre de demandeurs d’asile en 2009, des demandeurs d’asile ont été logés dans des abris fortifiés sans accès à la lumière du jour (art. 3, 11 et 16).

L’État partie devrait accroître la capacité d’accueil du centre pour réfugiés, où les demandeurs d’asile peuvent se faire soigner, suivre des cours de langue et recevoir des coupons alimentaires et de l’argent de poche. Il devrait également mettre sur pied des plans lui permettant de proposer d’autres solutions d’hébergement, qui respectent la dignité et les droits de tous les demandeurs d’asile, en cas de situation d’urgence.

Compétence pour connaître des actes de torture

19)Le Comité prend note de l’accord bilatéral sur la prise en charge des détenus conclu en 1982 entre le Liechtenstein et l’Autriche, en vertu duquel les peines d’emprisonnement de plus de deux ans sont exécutées en Autriche. Il note que cet accord s’applique également aux personnes qui ont commis une infraction pénale sous l’influence de troubles psychiques et qui font l’objet d’une demande de mesures de sûreté et, si besoin est, aux délinquants mineurs. Tout en relevant que la législation autrichienne s’applique à ces détenus, le Comité s’inquiète de l’absence de disposition expresse visant à prévenir la torture et les autres formes de mauvais traitements dans l’Accord bilatéral de 1982. En outre, il se déclare vivement préoccupé par le fait qu’il n’existe pas de procédure ou de mécanisme permettant de garantir le respect des droits des personnes incarcérées en Autriche dans le cadre de la mise en œuvre de l’Accord susmentionné. Le Comité prend note des renseignements indiquant qu’en principe la compétence de la Commission pénitentiaire autrichienne s’étend également aux détenus liechtensteinois qui purgent leur peine en Autriche (art. 2, 5, 12, 13 et 14).

Le Comité recommande à l’État partie de renégocier l’Accord de 1982 sur la prise en charge des détenus afin de garantir le respect des droits des personnes privées de liberté énoncés dans la Convention en instaurant une surveillance par la Commission pénitentiaire du Liechtenstein ou par un autre mécanisme indépendant. L’État partie devrait en outre veiller à ce que les personnes détenues en Autriche aient le droit de porter plainte devant un organe indépendant en cas d’acte de torture ou de mauvais traitements commis par le personnel pénitentiaire, que leurs plaintes donnent rapidement lieu à une enquête impartiale et à des poursuites et que les victimes puissent obtenir réparation conformément à l’article 14 de la Convention.

Formation et éducation

20)Tout en accueillant avec satisfaction les renseignements fournis par l’État partie concernant la formation initiale et continue du personnel pénitentiaire, le Comité note que, d’après le rapport de la Commission pénitentiaire, aucun cours n’a en réalité été dispensé au personnel de la prison nationale de Vaduz en 2009. Il note par ailleurs avec satisfaction que l’État partie étudie actuellement la possibilité de mettre sur pied des programmes de supervision, comme recommandé par la Commission pénitentiaire, et de rendre ces programmes obligatoires (art. 10).

L’État partie devrait veiller à ce que les programmes de formation initiale et continue obligatoire ainsi que les programmes de supervision à l’intention du personnel pénitentiaire soient effectivement mis en œuvre et suivis par le personnel concerné afin que celui-ci soit pleinement conscient des droits des personnes privées de liberté.

21)Le Comité est préoccupé par l’absence de programmes de formation spécifiques sur l’interdiction de la torture et des autres formes de mauvais traitements à l’intention du personnel médical formé à l’étranger, étant donné les variations possibles dans le contenu des cours dispensés à l’étranger. Le Comité note en outre qu’il ne dispose d’aucune information sur la formation des juges et des procureurs concernant la Convention et le Manuel pour enquêter efficacement sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (Protocole d’Istanbul) (art. 10).

L’État partie devrait prendre les mesures voulues pour que tout le personnel médical s’occupant des personnes privées de liberté reçoive une formation complémentaire à l’enseignement suivi à l’étranger, sur l’interdiction et la prévention de la torture. Le Comité recommande que le Manuel pour enquêter efficacement sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants («Protocole d’Istanbul») soit incorporé dans les programmes de formation du personnel médical concerné mais aussi de tous ceux qui enquêtent sur la torture, comme les juges et les procureurs, en complément de la formation sur la Convention contre la torture. L’ensemble de ces programmes devrait faire l’objet d’une évaluation régulière.

Conditions de détention

22)Le Comité prend note de la capacité d’accueil limitée et du manque d’espace et de personnel de la prison nationale de Vaduz. Il est préoccupé en particulier par le fait que, en raison de l’insuffisance des locaux et des effectifs disponibles, des détenus ont parfois été emmenés de la prison pour être interrogés par la police sans la présence d’un agent pénitentiaire, en violation de la législation nationale applicable (art. 89 de la loi sur l’exécution des peines). Le Comité est également préoccupé par le fait que la prison nationale regroupe différentes catégories de détenus, à la fois des condamnés, des prévenus, des personnes en attente d’expulsion et des délinquants mineurs. Tout en accueillant avec satisfaction les renseignements donnés sur les dispositions prises pour séparer les femmes des hommes et les mineurs des adultes, le Comité note avec préoccupation qu’il n’est pas toujours possible de séparer les détenus en attente de jugement, les personnes en attente d’expulsion et les détenus condamnés. À cet égard, il note avec regret que le projet lancé en 2002 dans le but d’améliorer les infrastructures de la prison nationale de Vaduz et de mieux séparer les détenus dans cet établissement a été suspendu en 2002 à la suite d’un référendum (art. 11 et 16).

L’État partie devrait procéder à une évaluation des installations de la prison nationale de Vaduz afin de s’assurer que celle-ci dispose de suffisamment de personnel et d’espace, conformément aux normes international es relatives aux droits de l’homme en vigueur. Des mesures devraient être prises immédiatement pour faire en sorte que les interrogatoires menés par la police aient toujours lieu en présence d’un agent pénitentiaire. Le Comité recommande vivement à l’État partie de reprendre et de mener à bien la mise en œuvre du projet lancé en 2002 dans le but d’améliorer les infrastructures et de mieux séparer les détenus dans la prison de Vaduz.

Traitement des personnes privées de liberté

23)Le Comité est préoccupé par la pratique de la police nationale consistant à bander les yeux des personnes arrêtées lorsque celles-ci sont considérées comme extrêmement dangereuses et violentes et, jusqu’en 2007, à couvrir la tête de ces personnes d’un sac, en invoquant comme motif la nécessité de protéger l’identité du suspect et la sécurité des policiers. Tout en notant que les agents des forces de l’ordre n’ont eu recours aux yeux bandés qu’une fois en 2007 et une fois en 2008, le Comité relève que cette pratique est toujours autorisée par la loi et peut encore être utilisée à titre exceptionnel. Or une telle pratique rend pratiquement impossible de poursuivre les auteurs d’actes de torture (art. 2, 11 et 16).

L’État partie devrait prendre des mesures pour interdire à la police nationale de couvrir la tête ou les yeux des suspects et abolir cette pratique dans la loi et dans les faits. Il devrait proposer des mesures de remplacement, qui respectent la dignité du suspect tout en garantissant la sécurité et la protection des policiers.

24)Le Comité note avec satisfaction que les détenus de la prison nationale de Vaduz peuvent à nouveau bénéficier d’un accompagnement psychologique avec la reprise en 2010 des consultations de la Division des services thérapeutiques du Bureau des affaires sociales, conformément à la recommandation de la Commission pénitentiaire. Étant donné l’absence d’infirmière ou d’autre personnel médical à plein temps dans la prison, le Comité note également avec satisfaction que l’État partie a entrepris d’étudier la possibilité de faire en sorte que les médicaments soient délivrés uniquement par du personnel médical et non par le personnel pénitentiaire (art. 11 et 16).

Le Comité recommande à l’État partie d’envisager de nommer une infirmière ou un autre professionnel de la santé à temps partiel dans la prison nationale de Vaduz afin de garantir que les médicaments soient délivrés uniquement par du personnel médical.

Interrogatoires

25)Le Comité note que tous les interrogatoires de police doivent faire l’objet d’un procès-verbal mais s’inquiète de ce qu’ils ne soient pas enregistrés sur support audio ou vidéo, sauf lorsque la personne interrogée est une victime d’infraction à caractère sexuel (art. 2, 11, 12 et 16).

L’État partie devrait améliorer les règles et procédures d’interrogatoire de la police nationale en modifiant le Code de procédure pénale afin d’instaurer l’enregistrement audio et − de préférence − vidéo de tous les interrogatoires de police dans le cadre de ses efforts pour prévenir la torture et les mauvais traitements.

Enquêtes sur les allégations de mauvais traitements

26)Le Comité prend note avec préoccupation des allégations faisant état d’un recours excessif à la force, de la pose de menottes extrêmement serrées et d’insultes par la police au moment de l’arrestation, rapportées en 2007 par le Comité pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT) du Conseil de l’Europe. À ce sujet, prenant note de la création d’une unité spéciale au sein de la police nationale chargée d’enquêter sur les allégations concernant certaines infractions pénales graves commises par des policiers et d’autres agents de l’État, le Comité souligne qu’il est essentiel de garantir l’indépendance de ce type d’organe (art. 11, 12 et 16).

Le Comité recommande vivement que toutes les allégations de mauvais traitements par la police fassent rapidement l’objet d’enquêtes impartiales menées par des organes indépendants et non par d’autres membres de la police.

Justice pour mineurs

27)Le Comité rappelle les renseignements fournis par l’État partie selon lesquels la prison nationale de Vaduz n’a pas été conçue pour la détention des mineurs et note avec préoccupation que la Commission pénitentiaire indiquait dans son rapport annuel de 2009 que pendant le dernier trimestre de 2009, plusieurs mineurs, dont une fille, avaient été détenus dans la prison de Vaduz, en violation du principe de la séparation entre adultes et mineurs consacré par les normes internationales relatives aux droits de l’homme. Le Comité prend note de la réduction de la durée maximale de la détention avant jugement des personnes de moins de 18 ans (art. 19, par. 2, de la loi sur les tribunaux pour mineurs) mais s’inquiète de ce que celle-ci demeure longue (un an). Il est également préoccupé par le fait que certains mineurs condamnés à des peines de prison purgent leur peine en Autriche en vertu de l’accord bilatéral de 1982, qui ne contient aucune disposition garantissant une protection spéciale aux moins de 18 ans. Il rappelle à l’État partie que la privation de liberté, et en particulier la détention avant jugement, des mineurs ne devrait être utilisée qu’en dernier recours et pour une durée aussi brève que possible (art. 11 et 16).

Le Comité recommande à l’État partie d’étendre et de renforcer les mesures autres que la privation de liberté pour remplacer la détention avant jugement et l’emprisonnement des personnes de moins de 18 ans. Conformément au principe de la séparation des détenus mineurs et adultes, l’État partie devrait en particulier veiller à ce que des mesures de remplacement soient appliquées aux personnes de moins de 18 ans actuellement détenues à la prison nationale de Vaduz et aux mineurs purgeant une peine en Autriche. L’État partie devrait en outre réduire la durée maximale de la détention des mineurs avant jugement, en modifiant la loi sur les tribunaux pour mineurs.

28)Le Comité note avec préoccupation que l’État partie n’a pas l’intention de modifier la loi sur les tribunaux pour mineurs (art. 21 a)), qui ne prévoit la présence d’une personne de confiance pendant l’interrogatoire d’un mineur par la police (ou par un juge) que dans les cas où le mineur l’a demandé. Le Comité considère que la présence d’un conseil ou d’un autre représentant légal ne devrait pas se limiter aux audiences devant le tribunal ou un autre organe judiciaire mais s’étendre à tous les autres stades de la procédure, à commencer par l’interrogatoire de l’enfant par la police, comme recommandé par le Comité des droits de l’enfant dans son Observation générale no 10 (2007) relative aux droits de l’enfant dans le système de justice pour mineurs (par. 52) (art. 11 et 16).

Le Comité invite instamment l’État partie à revoir sa position et à modifier l’article 21 de la loi sur les tribunaux pour mineurs afin de garantir la présence d’une personne de confiance pendant tout interrogatoire d’un mineur par la police, sans exiger une demande du mineur concerné.

Placement civil sous contrainte

29)Le Comité note avec préoccupation que la loi ne garantit pas expressément le droit des personnes placées sous contrainte de donner leur consentement à un traitement ni leur droit de demander à tout moment à quitter l’hôpital psychiatrique ou l’établissement des services sociaux dans lequel elles ont été placées. Il note néanmoins avec satisfaction que l’État partie étudie la possibilité d’adopter, dans le cadre d’une révision future de la loi sur la protection sociale, une disposition prévoyant le droit de demander sa sortie et que les tribunaux interprètent les dispositions du paragraphe 2 de l’article 13 de l’actuelle loi sur la protection sociale comme habilitant les intéressés à demander leur sortie (art. 2 et 16).

Le Comité recommande vivement à l’État partie de modifier la loi sur la protection sociale de façon à énoncer expressément le droit des personnes privées de liberté dans le cadre d’un placement civil sous contrainte de demander à tout moment leur sortie.

Violence dans la famille

30)Le Comité note avec satisfaction que l’État partie a approuvé la proposition de révision de la loi sur les crimes sexuels tendant à ériger les actes de violence dans la famille en infraction donnant lieu à des poursuites d’office. Il est toutefois préoccupé par l’absence de données spécifiques sur la violence dans la famille dans les statistiques criminelles de l’État partie, les termes employés pour désigner ce type de violence recouvrant plusieurs infractions qui peuvent aussi être commises dans un autre environnement. L’État partie n’est donc pas en mesure de donner des informations sur le nombre de cas de violence dans la famille et le nombre d’enquêtes, de poursuites et de condamnations s’y rapportant, ainsi que sur le nombre d’affaires dans lesquelles les tribunaux ont accordé une réparation. Le Comité est également préoccupé par les renseignements faisant état d’actes de violence contre les femmes, y compris de violences conjugales. La police a indiqué qu’elle était intervenue 32 fois en 2009 pour des cas de violence dans la famille. Malheureusement, le Comité n’a reçu aucun renseignement concernant les enquêtes ouvertes, les poursuites engagées et les condamnations éventuellement prononcées par les autorités compétentes de l’État partie (art.1, 2, 12 et 16).

L’État partie devrait veiller à ce que la loi révisée sur les infractions sexuelles prévoie des poursuites d’office pour toutes les formes de violence dans la famille. Il devrait en outre faire en sorte que toutes les allégations de violence dans la famille fassent rapidement l’objet d’une enquête impartiale et que les auteurs de ces actes soient poursuivis et punis. Le Comité invite instamment l’État partie à prendre toutes les mesures voulues pour que les victimes reçoivent une indemnisation adéquate et bénéficient de mesures de réadaptation; il souligne l’importance du rôle du Bureau de l’aide aux victimes dans ce domaine. L’État partie devrait en outre améliorer ses activités de recherche et de collecte de données sur l’ampleur du phénomène de la violence dans la famille. Il est prié d’inclure dans son prochain rapport au Comité des données statistiques sur les plaintes déposées, les poursuites engagées et les jugements rendus ainsi que sur les réparations accordées aux victimes, y compris les moyens d’une réadaptation complète.

Traite des personnes

31)Le Comité relève que de nombreuses femmes étrangères travaillent comme danseuses dans sept night-clubs de l’État partie et qu’une grande partie d’entre elles viennent de pays comptant parmi les principaux pays d’origine du trafic d’êtres humains. Tout en notant qu’aucun cas de traite n’a été enregistré, le Comité est préoccupé par les renseignements qui semblent indiquer que des cas de trafic de femmes se sont produits mais n’ont pas été signalés. S’il accueille avec satisfaction les mesures prises par l’État partie pour prévenir la traite et l’exploitation sexuelle dans ce contexte, notamment l’organisation de sessions d’information obligatoires pour les nouvelles danseuses sur leurs droits et leurs devoirs et l’inspection régulière des night-clubs par la Police nationale et le Bureau de l’immigration et des passeports, le Comité constate néanmoins avec préoccupation que l’État partie n’a pas ouvert d’enquêtes d’office sur les cas présumés de traite ni entrepris d’analyse complète en vue d’évaluer la situation de ce groupe de femmes, qui est particulièrement exposé aux mauvais traitements et aux violations. Ceci est d’autant plus important que, d’après les renseignements reçus, la prostitution, bien qu’illégale dans l’État partie, est «tolérée» dans les night-clubs dans la mesure où elle ne porte pas atteinte à l’ordre public (art. 2, 14 et 16).

L’État partie devrait entreprendre une analyse de la situation des femmes étrangères qui travaillent comme danseuses dans les night-clubs et redoubler d’efforts pour lutter contre la traite, notamment en enquêtant sur toute allégation de cas présumé de traite, et assurer aux victimes un recours utile leur permettant d’obtenir une réparation juste et adéquate, y compris les moyens nécessaires à une réadaptation aussi complète que possible.

32)Le Comité recommande à l’État partie de ratifier les principaux instruments des Nations Unies relatifs aux droits de l’homme auxquels il n’est pas encore partie, à savoir la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, le Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, la Convention relative aux droits des personnes handicapées et son Protocole facultatif et le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants.

33)Le Comité invite l’État partie à soumettre son document de base conformément aux prescriptions énoncées en la matière dans les directives harmonisées pour l’établissement des rapports approuvées par les organes créés en vertu d’instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme (HRI/GEN/2/Rev.6).

34)L’État partie est encouragé à diffuser largement les rapports qu’il a soumis au Comité, ainsi que les observations finales de celui-ci, au moyen des sites Web officiels et par l’intermédiaire des médias et des organisations non gouvernementales.

35)Le Comité prie l’État partie de lui fournir, dans un délai d’un an (d’ici au 14 mai 2011), des renseignements sur la suite donnée aux recommandations formulées aux paragraphes 14, 15 a), 30 et 31 du présent document.

36)L’État partie est invité à soumettre son quatrième rapport périodique d’ici au 14 mai 2014.

62. Suisse

1)Le Comité contre la torture a examiné le sixième rapport périodique de la Suisse (CAT/C/CHE/6) à ses 935e et 936e séances (CAT/C/SR.935 et 936), les 30 avril et 3 mai 2010, et a adopté à sa 948e séance, le 11 mai 2010 (CAT/C/SR.948), les observations finales ci-après.

A.Introduction

2)Le Comité accueille avec satisfaction le sixième rapport périodique de la Suisse, qui suit les directives pour la présentation des rapports, ainsi que les réponses apportées à la liste des points à traiter (CAT/C/CHE/Q/6 et Add.1). Il se félicite du dialogue franc et constructif qu’il a eu avec la délégation de haut niveau et plurisectorielle de l’État partie, ainsi que des renseignements et des explications supplémentaires qu’elle a fournis au le Comité.

B.Aspects positifs

3)Le Comité accueille avec satisfaction la ratification des instruments internationaux ci-après:

a)Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (24 septembre 2009);

b)Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants (19 septembre 2006);

c)Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés (26 juin 2002);

d)Protocoles no 1 et 2 à la Convention européenne pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (1er mars 2002);

e)Protocole additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants (27 octobre 2006);

f)Protocole contre le trafic illicite de migrants par terre, air et mer, additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée (27 octobre 2006);

g)Statut de Rome de la Cour pénale internationale (12 octobre 2001);

h)Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée (27 octobre 2007).

4)Le Comité relève avec satisfaction les efforts que l’État partie continue de déployer pour réviser la législation, les politiques et les procédures en vue de garantir une meilleure protection des droits de l’homme, en particulier du droit de ne pas être soumis à la torture ni à d’autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, en particulier:

a)L’adoption du Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007 (qui doit entrer en vigueur le 1er janvier 2011) qui renforce les droits de la défense, accorde des droits plus étendus aux victimes, ainsi que des mesures de protection pour les témoins;

b)La révision totale de la loi fédérale du 4 octobre 1991 sur l’aide aux victimes d’infractions, entrée en vigueur le 1er janvier 2009;

c)L’entrée en vigueur le 1er janvier 2007, de la loi fédérale du 20 juin 2003 régissant la condition pénale des mineurs;

d)La prorogation dans le nouveau Code pénal (art. 97) entré en vigueur le 1er janvier 2007, du délai de prescription à 25 ans de la victime en cas d’infractions graves à l’intégrité sexuelle des enfants;

e)La procédure civile unifiée (qui doit entrer en vigueur le 1er janvier 2011);

f)La création d’une commission nationale de prévention de la torture, entrée en fonction le 1er janvier 2010, suite à la ratification du Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

C.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Définition de la torture

5)Tout en prenant note qu’un bon nombre d’actes, par ailleurs constitutifs de torture, sont incriminés dans le droit pénal suisse (art. 111-117, 122-128, 180-185 et 189-193), le Comité est préoccupé par l’absence dans la législation suisse d’une définition de la torture qui couvre tous les éléments constitutifs figurant à l’article premier de la Convention, et ce malgré sa recommandation précédente (CAT/C/CR/34/CHE, par. 4 b) et 5 a)) (art. 1er).

Le Comité réitère sa recommandation à l’État partie d’inclure dans son Code pénal une définition de la torture reprenant tous les éléments qui figurent à l’article premier de la Convention.

Garanties fondamentales

6)Tout en notant la structure fédérale de l’État partie, le Comité est préoccupé du fait que le respect par l’État partie des obligations qui lui incombent en vertu de la Convention peut entraîner un traitement différencié dans l’exécution de ces obligations par les différents cantons (art. 2).

L’État partie devrait prendre les mesures nécessaires pour veiller à ce que les autorités de tous les cantons aient connaissance des droits énoncés dans la Convention et puissent en assurer l’application le plus rapidement possible, quelle que soit la structure de l’État partie.

7)Le Comité relève avec préoccupation que l’État partie n’a toujours pas mis en place d’institution nationale des droits de l’homme ayant une compétence étendue dans le domaine des droits de l’homme, conformément aux Principes de Paris. Le Comité prend note de l’initiative prise par l’État de conduire un projet pilote sur une durée de cinq ans, consistant à créer un «Centre de compétences dans le domaine des droits de l’homme» par le biais d’appel d’offres à des universités. Le Comité estime néanmoins qu’une telle solution ne peut pas remplacer la mise en place d’une institution nationale des droits de l’homme (art. 2).

L’État partie devrait envisager d’établir une institution nationale des droits de l’homme jouissant d’une compétence étendue dans le domaine des droits de l’homme qui pourrait jouer un rôle dans la coordination et la mise en œuvre des politiques en matière des droits de l’homme et la mise en œuvre des recommandations des organes conventionnels, et la doter de ressources financières et humaines nécessaires à son fonctionnement conformément aux Principes de Paris (résolution 48/134 de l’Assemblée générale).

Violences policières

8)Le Comité est préoccupé par les allégations de violences policières ou d’usage excessif de la force ou d’autres mauvais traitements par les forces de police lors de l’interpellation de suspects à leur domicile ou dans les postes et commissariats de police.Le Comité est préoccupé en particulier du fait que certaines de ces allégations font état d’un recours excessif à la force à l’égard des étrangers, notamment des demandeurs d’asile et des migrants, surtout d’origine africaine, et en particulier dans les cantons de Genève et de Vaud (art. 2, 12, 13, 14 et 16).

L’État partie doit veiller à mener une enquête prompte, approfondie et impartiale sur toutes les allégations de violences ou de mauvais traitements de la part des forces de police, à poursuivre les auteurs, et, si leur culpabilité est établie, à les sanctionner à la hauteur de leurs actes; veiller à ce que les victimes puissent être indemnisées et bénéficier, s’il y a lieu, des moyens de réhabilitation et de réadaptation. L’État partie doit poursuivre la formation et la sensibilisation des agents de police aux droits de l’homme et, en particulier, aux dispositions de la Convention. Il est invité à inclure dans son prochain rapport des renseignements sur les procédures en cours d’instruction et leurs résultats.

Mécanismes indépendants d’enquête sur les violences policières

9)Le Comité prend note du fait que, dans l’État partie, les plaintes pour violences policières, torture et mauvais traitements peuvent être déposées auprès des tribunaux ordinaires. Il est néanmoins préoccupé du fait que l’État partie n’a pas encore totalement mis en œuvre sa recommandation tendant à instaurer, dans chaque canton, des mécanismes d’enquête indépendants pour recevoir les plaintes contre les membres de la police pour violences ou mauvais traitements. Il rappelle que la possibilité de recours à des tribunaux ordinaires ne doit pas empêcher la mise en place de tels mécanismes (art. 2, 12 et 16).

L’État partie doit veiller à ce qu’un mécanisme indépendant habilité à recevoir toutes les plaintes relatives à des violences ou à des mauvais traitements de la part de la police et à enquêter d’une manière prompte, approfondie et impartiale sur ces plaintes, soit créé dans chaque canton.

Non-refoulement

10)Le Comité note que selon l’article 5, paragraphe 2, de la loi sur l’asile de 1999, l’interdiction du refoulement ne peut être invoquée lorsqu’il y a de sérieuses raisons d’admettre que la personne qui l’invoque compromet la sécurité de la Suisse ou que, ayant été condamnée par un jugement passé en force à la suite d’un crime ou d’un délit particulièrement grave, cette personne doit être considérée comme dangereuse pour la communauté. Le Comité note également que l’article 68, paragraphe 4, de la loi sur les étrangers de 2005, prévoit une expulsion immédiatement exécutoire d’un étranger du territoire de l’État partie lorsque cet étranger attente de manière grave ou répétée à la sécurité et l’ordre publics, les met en danger ou représente une menace pour la sécurité intérieure ou extérieure. Le Comité est préoccupé du fait que l’application de l’article 68, paragraphe 4, de la loi sur les étrangers de 2005 peut entraîner une violation du principe de non-refoulement et n’offre pas de recours possible contre la décision. Il est également préoccupé du fait que l’article 5, paragraphe 2, de la loi sur l’asile de 1999 va à l’encontre des obligations relatives au principe de non-refoulement qui incombent à l’État partie au titre l’article 3 de la Convention (art. 3).

L’État partie devrait envisager de modifier sa législation afin de permettre une évaluation du risque et prendre des mesures garantissant pour la personne expulsée en vertu de l’article 68, paragraphe 4, de la loi sur les étrangers de 2005 et de l’article 5, paragraphe 2, de la loi sur l’asile de 1999 la pleine conformité de la procédure avec l’article 3 de la Convention. Il devrait également offrir la possibilité d’un recours effectif contre la décision d’expulsion, avec un effet suspensif.

11)Le Comité note que l’initiative populaire «Pour le renvoi des étrangers criminels» en discussion au Parlement prévoit que des étrangers soient privés de leur titre de séjour et de tous les droits de séjourner en Suisse, indépendamment de leur statut, s’ils sont condamnés par un jugement entré en force, pour meurtre, viol, ou tout autre délit sexuel grave, pour acte de violence d’une autre nature tel que le brigandage, la traite d’êtres humains, le trafic de drogue ou l’effraction, ou s’ils ont abusivement perçu des prestations des assurances sociales ou de l’aide sociale. Le Comité note également que ces personnes doivent être expulsées et frappées d’une interdiction d’entrée sur le territoire allant de 5 à 15 ans, et que la marge de manœuvre des autorités doit disparaître. Le Comité note enfin que le Conseil fédéral a proposé un contre-projet et a recommandé le rejet de cette initiative, après avoir constaté sa non-conformité avec le droit international et la Constitution suisse. Le Comité reste néanmoins préoccupé du fait que l’application de cette initiative qui devrait être adoptée par référendum poserait un risque sérieux de violation du principe de non-refoulement (art. 3).

L’État partie doit poursuivre ses efforts en vue de s’assurer que l’initiative «Pour le renvoi des étrangers criminels», n’enfreigne pas les obligations internationales souscrites par la Suisse, notamment la Convention contre la torture, de même que l’article 25 de la Constitution suisse concernant le principe de non-refoulement.

12)Le Comité prend note du fait que certaines dispositions de la loi sur les étrangers régissant la procédure de refus d’entrée sur le territoire à l’aéroport (art. 65) prévoient qu’une décision soit rendue en 48 heures, pouvant faire l’objet d’un recours sans effet suspensif dans un délai de 48 heures à compter de la notification et que la décision sur le recours soit rendue dans les 72 heures. Le Comité est préoccupé du fait que cette procédure accélérée et sans effet suspensif empêche l’examen adéquat des motifs du recours et puisse constituer une violation du principe de non-refoulement (art. 3).

L’État partie devrait envisager une modification de la procédure prévue à l’article 65 de la loi sur les étrangers afin de prolonger le délai permettant un examen substantiel des recours et l’évaluation des risques de violation du principe de non-refoulement et de prévoir un effet suspensif de ces recours.

13)Le Comité est préoccupé par le fait que la loi sur les étrangers de 2005 qui durcit les mesures de contrainte (art. 73 à 78) liées à l’absence d’autorisation de séjour des étrangers et étend la durée maximale de détention administrative de 12 à 24 mois, y compris pour les mineurs de 15 à 18 ans qui peuvent être détenus jusqu’à 12 mois, est excessive. Le Comité note que, dans le cadre de la reprise par l’État partie de la directive sur le retour de l’Union européenne, la durée maximale de la détention administrative sera de 18 mois pour les adultes et de 9 mois pour les mineurs (art. 3).

L’État partie devrait revoir la durée maximale de la détention administrative, n’y recourir que dans des cas exceptionnels et en limiter la durée eu égard au principe de proportionnalité.

14)Tout en notant que les demandeurs d’asile peuvent être assistés d’un avocat dont les services sont gratuits dans le cadre de la procédure d’asile ordinaire, le Comité reste préoccupé par le fait que l’aide judiciaire gratuite peut être soumise à des restrictions lorsque les demandeurs d’asile déposent une requête dans le cadre d’un recours extraordinaire (art. 3).

L’État partie devrait revoir sa législation de façon à accorder gratuitement l’assistance d’un avocat aux demandeurs d’asile pendant toutes les procédures, qu’elles soient ordinaires ou extraordinaires.

Rapatriements et mauvais traitements

15)Tout en prenant note des mesures prises par l’État partie pour assurer le bon déroulement des rapatriements sous contrainte par voie aérienne, notamment la formation d’agents spéciaux, le Comité est préoccupé par la persistance d’allégations de mauvais traitements et de violences policières lors des renvois de personnes par contrainte par voie aérienne. Le Comité relève avec préoccupation que la loi fédérale sur l’usage de la contrainte et des mesures policières dans les domaines relevant de la compétence de la Confédération (LUsC) entrée en vigueur le 1er janvier 2009 ne prévoit pas la présence d’observateurs des droits de l’homme ou de médecins indépendants lors des rapatriements forcés par voie aérienne ainsi que le Comité l’avait recommandé (CAT/C/CR/34/CHE, par. 5 b)) (art. 2, 3 et 16).

L’État partie doit:

a) Assurer la présence d’observateurs des droits de l’homme et de médecins indépendants lors des rapatriements forcés par voie aérienne;

b) Prévoir une telle présence dans le projet de directives en cours d’élaboration par l’Office fédéral des migrations (ODM) concernant le recours à la contrainte par les escortes policières dans le cadre des renvois;

c) Prévenir les violences policières et les mauvais traitements dont peuvent être victimes les personnes en cours de rapatriement par la contrainte, ouvrir une enquête sur les allégations, poursuivre et punir les responsables et indemniser les victimes;

d) Poursuivre la formation des agents de police et des personnes intervenants lors de ces rapatriements aux droits de l’homme et, en particulier, aux garanties prévues par la Convention.

16)LeComité est très préoccupé par la mort d’un citoyen nigérian, Joseph Ndukaku Chiakwa, le 10 mars 2010 lors d’une procédure de rapatriement forcé par voie aérienne. Tout en notant qu’une enquête a été décidée par les autorités de l’État partie, le Comité est préoccupé par la compatibilité des mesures de contrainte édictées par l’État partie avec les dispositions de la Convention. Le Comité reste également préoccupé par l’absence de la part de l’État partie d’une réponse à la demande d’indemnisation des familles des deux dernières victimes dans des affaires récentes de rapatriement forcé (art. 2, 3 et 14).

L’État partie doit:

a) Mener une enquête indépendante et impartiale en vue d’établir les circonstances de la mort de Joseph Ndukaku Chiakwa , déterminer les éventuelles responsabilités pour l’usage de la force ayant causé la mort, poursuivre et punir les responsables et offrir une indemnisation à sa famille;

b) Fournir au Comité des informations sur l’indemnisation des familles des deux dernières victimes lors des rapatriements forcés par voie aérienne;

c) Informer le Comité sur la conformité avec ses obligations internationales, et particulièrement celles découlant de la Convention contre la torture, du projet de directive en cours d’élaboration par l’Office fédéral de migrations (ODM) concernant le recours à la contrainte par les escortes policières dans le cadre des renvois.

Conditions de détention

17)Le Comité prend note des informations fournies par l’État partie concernant les efforts qu’il entreprend et les projets visant à offrir une meilleure dignité et une meilleure sécurité aux détenus, notamment la construction en 2008 du centre de détention de la Brenaz, les projets d’agrandissement et d’extension de Champ Dollon et de la Brenaz. Cependant, le Comité relève avec préoccupation que le niveau élevé de surpopulation carcérale à la prison de Champ Dollon et les conditions de détention dans les prisons suisses, en particulier en Suisse romande, ne sont pas adéquates et que la séparation entre mineurs et adultes n’est pas toujours garantie. Le Comité est en outre préoccupé par les conditions de santé et la procédure d’accès aux soins pour les détenus, notamment ceux qui présentent des pathologies psychiatriques et, en particulier, au Centre de rétention de Frambois (art. 11 et 16).

L’État partie doit prendre des mesures immédiates pour résoudre le problème de la surpopulation carcérale dans la prison de Champ Dollon et pour améliorer les conditions de détention dans les tous les lieux de détention en Suisse. Le Comité encourage l’État partie à faire usage des peines alternatives et des peines non privatives de liberté et à réduire les délais de détention préventive. L’État partie doit également prendre des mesures visant à garantir la séparation entre mineurs et adultes et selon les régimes de détention. Il doit enfin prendre des mesures garantissant l’application de la législation et les procédures relatives à l’accès aux soins pour tous les détenus, notamment pour les détenus souffrant de problèmes psychiatriques.

18)Le Comité prend note des informations fournies par l’État partie relatives aux procédures à suivre concernant l’internement à vie. Cependant, le Comité reste préoccupé par le fait que l’article 123a de la Constitution précisé dans la loi du 1er août 2008 permet un internement à vie d’un délinquant dangereux ou sexuel jugé non amendable. Le Comité est, à ce sujet, préoccupé par les conditions de détention de tels détenus, en particulier par le décès de Skander Vogt, détenu dans sa cellule du quartier de sécurité renforcée des Établissements pénitentiaires de la Plaine de l’Orbe, après avoir mis le feu à sa cellule (art. 10, 12 et 13).

L’État partie devrait revoir les conditions d’application de l’article 123a de la Constitution tel que précisé dans la loi du 1 er août de 2008 et examiner les conditions de détention de tels détenus. L’État partie devrait mener une enquête prompte et indépendante, afin de dégager toutes les responsabilités dans le cas du décès de Skander Vogt et informer le Comité des résultats de cette enquête dans son prochain rapport périodique.

Plaintes et poursuites

19)Le Comité relève de nouveau avec préoccupation que seule une minorité de plaintes pour violences ou mauvais traitements de la part la police aboutissent à des poursuites ou à des inculpations et qu’un petit nombre d’entre elles donne lieu à des indemnisations des victimes ou de leur famille (art. 2, 12, 13).

L’État partie doit de manière systématique conduire des enquêtes impartiales, approfondies et effectives sur toutes les allégations de violences commises par la police, poursuivre et punir les coupables à la hauteur de leurs actes. Il devrait veiller également à ce qu’une indemnisation soit fournie aux victimes ou à leurs familles. L’État partie devrait informer le Comité du résultat des procédures en cours.

Violence à l’égard des femmes

20)Le Comité note que le Code pénal permet de lutter contre la violence à l’égard des femmes sous les incriminations d’atteintes à l’intégrité corporelle et à la liberté (art. 122 et suivants et art. 180) et qu’il prévoit également une poursuite d’office si l’auteur s’en prend à son conjoint ou à son partenaire. Il note également que le Code civil en son article 28b prévoit plusieurs mesures de protection. Néanmoins, il reste préoccupé par les informations faisant état d’un nombre inacceptable d’actes de violence contre les femmes, notamment au sein de leur foyer. À ce sujet, il est préoccupé par la déclaration des autorités critiquant les interventions de la police dans des cas impliquant des personnes qui jouissent d’une protection internationale, envoyant ainsi un message contraire à la lutte contre l’impunité. Il relève aussi avec préoccupation, qu’il n’existe toujours pas de disposition spécifique dans le Code pénal visant à combattre la violence à l’égard des femmes (art. 2 et 16).

L’État doit veiller à prévoir une disposition spécifique dans son Code pénal visant à prévenir et à lutter contre la violence à l’égard des femmes. L’État partie doit également développer des campagnes de sensibilisation du public au sujet de toutes les formes de violence à l’égard des femmes. Il doit garantir que les victimes de violence peuvent porter plainte sans crainte de représailles, former et encourager la police à protéger les victimes de violence domestique, y compris à leur domicile, et en conformité avec l’article 5 de la LAVI II. L’État doit ensuite lutter fermement contre l’impunité en ce qui concerne les violences domestiques, en menant des enquêtes, en poursuivant et punissant les responsables à la hauteur de leurs actes.

21)Le Comité est préoccupé du fait que les prescriptions de l’article 50 de la loi sur les étrangers de 2005, en particulier l’obligation pour la personne concernée de prouver qu’il lui est difficile de se réinsérer dans son pays de provenance, créent, pour des femmes étrangères qui sont mariées depuis moins de trois ans avec un Suisse ou un étranger titulaire d’un titre de séjour d’établissement et qui sont victimes de violences, des difficultés à quitter leur conjoint et à rechercher une protection, par crainte d’un non-renouvellement de leur permis de séjour (art. 13, 14 et 16).

L’État partie devrait envisager de modifier l’article 50 de la loi sur les étrangers afin de permettre aux femmes migrantes victimes de violences de chercher protection sans pour autant perdre leur permis de séjour en s’inspirant de l’arrêt du 4 novembre 2009 du Tribunal fédéral (ATF 136 II 1), d’après lequel «la violence conjugale ou la réintégration fortement compromise dans le pays d’origine peuvent […] suffire isolément à admettre des raisons personnelles majeures».

Traite des êtres humains

22)Tout en notant les mesures prises par l’État partie pour lutter contre la traite des personnes, en particulier des femmes et des fillettes, notamment à des fins d’exploitation sexuelle,le Comité est préoccupé du fait que la traite des êtres humains reste un phénomène persistant dans l’État partie (art. 12, 13 et 16).

L’État partie doit poursuivre sa lutte contre le phénomène de traite des personnes, notamment des femmes et des jeunes filles, à des fins d’exploitation sexuelle, en adoptant une stratégie globale de lutte, en renforçant les mesures de prévention et en assurant la protection des victimes, y compris dans des cas de collaboration avec la justice. L’État partie doit également poursuivre et punir les responsables et informer le Comité du résultat des poursuites en cours.

Châtiments corporels

23)Tout en prenant note des informations fournies par l’État partie d’après lesquelles la jurisprudence du Tribunal fédéral confirme l’interdiction des châtiments corporels, y compris à des fins éducatives et, que les châtiments corporels sont couverts par l’article 126, alinéa 2, du Code pénal, le Comité relève avec préoccupation que les châtiments corporels ne sont pas interdits de façon spécifique dans la législation de l’État partie (art. 16).

L’État partie devrait interdire de façon spécifique les châtiments corporels dans sa législation. En ce sens, le Comité encourage l’État partie à reprendre l’initiative parlementaire 06.419 Vermont- Mangold , visant à édicter une loi en vue de protéger les enfants des châtiments corporels et des autres atteintes à leur dignité, qui a été abandonnée par le Parlement. Le Comité invite également l’État partie à mener des campagnes de sensibilisation sur les effets négatifs de la violence à l’égard des enfants, en particulier les châtiments corporels.

Disparition des mineurs non accompagnés

24)Tout en notant les informations fournies par l’État partie sur la procédure de protection des mineurs non accompagnés ainsi que les statistiques concernant les mineurs prétendument disparus du territoire de l’État partie, le Comité est préoccupé par le phénomène de disparitions des mineurs non accompagnés, et par le risque pour ces mineurs de devenir victimes de la traite d’être humains ou d’autres formes d’exploitation (art. 16).

L’État partie doit mener une analyse approfondie sur la situation des mineurs non accompagnés et trouver des solutions adéquates de prévention contre leur disparition, améliorer leur protection, et en informer le Comité le plus rapidement possible.

25)Le Comité invite l’État partie à ratifier les principaux instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme auxquels il n’est pas encore partie, c’est-à-dire la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, le Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels; la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées; la Convention relative aux droits des personnes handicapées et son Protocoleet le Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

26)Le Comité attire l’attention de l’État partie sur le fait que de nouvelles directives harmonisées pour l’établissement des rapports ont été adoptées en 2009 par les organes créés en vertu d’instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme (HRI/GEN/2/Rev.6) et l’invite à soumettre son document de base en suivant ces nouvelles directives.

27)L’État partie est encouragé à diffuser largement, dans toutes les langues officielles et dans tous les cantons de l’État partie, le rapport qu’il a soumis au Comité et les présentes observations finales, par le biais des sites Internet officiels, des organes d’information et des organisations non gouvernementales.

28)Le Comité demande à l’État partie de lui faire parvenir, dans un délai d’un an, des renseignements sur la suite qu’il aura donnée aux recommandations formulées aux paragraphes 8, 11, 16, 23 des présentes observations finales.

29)Le Comité invite l’État partie à soumettre son septième rapport périodique au plus tard le 14 mai 2014.

63. République arabe syrienne

1)Le Comité contre la torture a examiné le rapport initial de la République arabe syrienne (CAT/C/SYR/1) à ses 937e et 939e séances (CAT/C/SR.937 et 939), les 3 et 4 mai 2010, et a adopté, à sa 951e séance (CAT/C/SR.951), les observations finales ci-après.

A.Introduction

2)Le Comité se félicite de la présentation du rapport initial de la République arabe syrienne qui suit généralement les directives du Comité pour l’établissement des rapports mais ne contient pas suffisamment d’informations statistiques et pratiques sur l’application des dispositions de la Convention et la législation interne relative à la question. Toutefois, le Comité regrette que le rapport ait été présenté avec cinq années de retard, ce qui l’a empêché de procéder à une analyse de l’application de la Convention par l’État partie après la ratification de celle-ci en 2004.

3)Le Comité note avec satisfaction que l’État partie a envoyé une délégation de haut niveau à la quarante‑quatrième session du Comité et se réjouit de pouvoir engager un dialogue constructif avec la République arabe syrienne sur les questions d’intérêt commun concernant la Convention.

B.Aspects positifs

4)Le Comité note avec satisfaction que l’État partie a ratifié les instruments internationaux suivants ou y a adhéré:

a)Pacte international relatif aux droits civils et politiques, le 21 avril 1969;

b)Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, le 21 avril 1969;

c)Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale, le 21 avril 1969;

d)Convention relative aux droits de l’enfant, le 15 juillet 1993 et Protocoles facultatifs s’y rapportant, concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés et la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants, le 25 mai 2000;

e)Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, le 28 mars 2003;

f)Convention internationale sur la protection des droits des travailleurs migrants et des membres de leur famille, le 2 juin 2005;

g)Convention relative aux droits des personnes handicapées, le 10 juillet 2009.

C.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Définition de la torture

5)Tout en relevant que l’article 28 de la Constitution de la République arabe syrienne interdit la torture, le Comité note avec préoccupation l’absence dans le système juridique de l’État partie d’une définition de la torture conforme à l’article premier de la Convention, ce qui entrave sérieusement l’application de la Convention dans l’État partie (art. 1er).

L’État partie devrait modifier sa législation de façon à y incorporer une définition de la torture qui soit pleinement conforme à la définition qui figure à l’article premier de la Convention, avec tous les éléments de cette définition. Le Comité estime qu’en qualifiant et en définissant le crime de torture conformément aux articles 1 er et 4 de la Convention, les États parties contribueront directement à promouvoir la réalisation de son objectif central qui est de prévenir la torture, entre autres, en alertant chacun, y compris les auteurs d’actes de torture, les victimes et le public, à l’extrême gravité de ce crime et en améliorant l’effet dissuasif de l’interdiction elle-même.

Criminalisation de la torture

6)Tout en constatant que la torture est réprimée par le paragraphe 1 de l’article 391 du Code pénal et que, conformément à l’article 29 de la Constitution, aucune infraction ni peine n’est reconnue en l’absence d’une disposition législative correspondante, le Comité note avec une vive préoccupation que ces dispositions ne permettent pas de réprimer comme il convient les actes de torture, dans la mesure où ils fixent la peine maximum à trois ans d’emprisonnement (art. 4).

L’État partie devrait revoir sa législation en vue de faire en sorte que les actes de torture soient érigés en infraction dans son droit pénal et emportent des peines appropriées qui tiennent compte de la gravité des actes en cause, comme le requiert le paragraphe 2 de l’article 4 de la Convention.

Pratique généralisée de la torture

7)Le Comité est profondément préoccupé par les allégations nombreuses, persistantes et cohérentes concernant le recours systématique à la torture par les fonctionnaires chargés de l’application de la loi et des enquêtes, à leur instigation ou avec leur consentement, en particulier dans les lieux de détention. Il est également préoccupé par des informations crédibles indiquant que de tels actes sont courants avant même que des accusations soient portées, ainsi que pendant la détention avant jugement, lorsque le détenu est privé des garanties juridiques fondamentales, en particulier du droit d’accéder à un avocat. Cette situation est exacerbée par l’application présumée de règlements internes qui, dans la pratique, autorisent des procédures contraires aux lois publiées et allant à l’encontre de la Convention. Le Comité est également gravement préoccupé par l’absence d’enregistrement systématique de tous les détenus dans les lieux de détention relevant de la juridiction de l’État partie (art. 2, 12 et 13).

L’État partie devrait:

a) Réaffirmer clairement l’interdiction absolue de la torture et condamner publiquement sa pratique, en particulier par la police et le personnel des prisons, en faisant clairement savoir que quiconque commettrait de tels actes en serait complice ou y participerait serait tenu personnellement responsable devant la loi, ferait l’objet de poursuites pénales et se verrait infliger des peines appropriées;

b) Adopter immédiatement, en vue de combattre l’impunité, toutes les mesures nécessaires pour faire en sorte que dans la pratique toutes les allégations de torture fassent l’objet d’une enquête rapide, impartiale et efficace, poursuivre ceux qui s’en rendent coupables, y compris les agents chargés de l’application de la loi et des enquêtes, et leur infliger des peines à la mesure de la gravité du crime de torture. Les enquêtes devraient être menées par un organe pleinement indépendant;

c) Faire en sorte que tous les détenus soient dûment et promptement enregistrés dans les lieux de détention aux fins de prévenir les actes de torture. L’enregistrement devrait inclure l’identité du détenu, la date, l’heure, le lieu et le motif de l’arrestation, l’identité de l’autorité chargée de la détention, le lieu et l’heure d’admission du détenu dans le centre de détention, l’état de santé de ce dernier au moment de la mise en détention et tout changement que connaîtrait cet état, ainsi que l’heure et le lieu des interrogatoires et le nom de toutes les personnes qui y participent et la date et le lieu de la libération ou du transfert dans un autre lieu de détention.

8)Le Comité est profondément préoccupé par les nombreuses informations faisant état d’actes de torture, de mauvais traitements, de décès en détention et de détention au secret de personnes appartenant à la minorité kurde, qui sont nombreuses à être apatrides, en particulier de militants politiques d’origine kurde. Le Comité est en outre préoccupé par les condamnations prononcées par les tribunaux militaires à l’encontre de détenus kurdes, qui avaient fait l’objet de chefs d’accusation aussi vagues que l’«affaiblissement du sentiment national» ou la «propagation de nouvelles fausses ou exagérées». En outre, le Comité note avec préoccupation les informations faisant état d’un nombre croissant de décès parmi les conscrits kurdes effectuant leur service militaire obligatoire et indiquant que les dépouilles, remises aux familles, portaient des marques de graves blessures (art. 1er, 2, 12 et 16).

L’État partie devrait prendre des mesures urgentes pour faire en sorte qu’il soit enquêté rapidement et de manière approfondie, impartiale et efficace sur toutes les allégations de torture, de mauvais traitements, de décès en détention, de décès pendant le service militaire et de détention au secret de personnes appartenant à la minorité kurde, notamment de militants politiques d’origine kurde et pour poursuivre et punir les agents chargés d’appliquer la loi et le personnel des forces de sécurité, des services du renseignement et des prisons qui se sont livrés à de telles pratiques, les ont ordonnées ou y ont consenti. En outre, l’État partie devrait modifier ou abolir les vagues dispositions relatives à la sécurité figurant dans le Code pénal qui restreignent illégalement le droit à la liberté d’expression, d’association ou de réunion.

Garanties juridiques fondamentales dont doit jouir le détenu dès le début de sa détention

9)Tout en notant que le Règlement no 1222 relatif aux prisons garantit le droit des prisonniers de voir un avocat et les membres de leur famille, ainsi que le droit de recevoir des visites, le Comité note avec une vive préoccupation que, dans la pratique, ces dispositions ne permettent pas à tous les détenus de jouir de toutes leurs garanties juridiques fondamentales et qu’elles ne sont pas appliquées dès le début de la détention. De telles garanties comprennent le droit du détenu de voir rapidement un avocat, de subir un examen médical indépendant, d’informer un proche, d’être informé de ses droits au moment de son arrestation, ainsi que de toute accusation portée contre lui et de comparaître devant un juge dans un délai déterminé, conforme aux normes internationales (art. 2).

L’État partie devrait prendre rapidement les mesures voulues pour faire en sorte que tous les détenus jouissent, en pratique, de toutes les garanties juridiques fondamentales dès le début de leur détention, notamment des droits de voir rapidement un avocat, de subir un examen médical indépendant, d’informer un proche, d’être informés de leurs droits au moment de leur arrestation, ainsi que des accusations portées contre eux, et de comparaître devant un juge dans un délai conforme aux normes internationales.

État d’urgence

10)En dépit des informations fournies par la délégation de l’État partie pendant le dialogue, le Comité note avec préoccupation que l’état d’urgence proclamé en vertu du décret-loi no51 du 22 décembre 1962 et modifié par le décret-loi no1 du 9 mars 1963, qui est censé être appliqué dans des circonstance exceptionnelles où il y a une menace interne ou externe à la survie de la nation, revêt désormais un caractère quasi permanent et permet de suspendre les droits et les libertés fondamentaux. Le Comité note avec préoccupation que du fait de l’état d’urgence, de vastes pouvoirs exceptionnels sont conférés à différents corps des forces de sécurité sans aucun contrôle judiciaire, ce qui donne lieu dans la pratique à de graves violations de la Convention par les agents de l’État. En particulier, le Comité est préoccupé par le fait que l’état d’urgence est incompatible avec les engagements pris par la République arabe syrienne au titre de l’article 4 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et de l’article 2 et d’autres articles pertinents de la Convention (art. 2, 4, 11, 12, 13, 15 et 16).

L’État partie devrait faire en sorte que soit intégré dans sa législation pénale le principe de l’interdiction absolue de la torture et veiller au strict respect de ce principe conformément au paragraphe 2 de l’article 2 de la Convention, aux termes duquel aucune circonstance exceptionnelle, quelle qu’elle soit, qu’ils s’agisse d’un état de guerre ou d’une menace de guerre, d’instabilité politique intérieure ou de tout autre état d’exception, ne peut être invoquée pour justifier la torture. En outre, l’État partie devrait prendre immédiatement des mesures pour mettre sa législation en pleine conformité avec les dispositions du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et de la Convention.

Cour suprême de sûreté de l’État

11)Tout en prenant acte des informations fournies par l’État partie sur la composition, les fonctions et les procédures de la Cour suprême de sûreté de l’État, le Comité est profondément préoccupé par les allégations nombreuses, cohérentes et graves selon lesquelles cette juridiction ne fonctionne pas selon les normes internationales régissant les tribunaux. Il note que la Cour suprême de sûreté de l’État a été créée en vertu du décret no 47 de 1968 en tant que juridiction d’exception opérant en marge du système de justice pénale ordinaire, ne rendant compte qu’au Ministère de l’intérieur. La Cour, qui est composée de deux magistrats, un juge civil et un juge militaire, est habilitée à prononcer des condamnations et imposer des sanctions pénales pour des crimes qui sont très vaguement définis tels que «l’affaiblissement du sentiment national» ou «le fait de susciter des tensions raciales ou sectaires alors que la République arable syrienne est en guerre ou s’attend à l’être». Selon les informations dont dispose le Comité, la Cour n’est pas obligée d’appliquer les règles de procédure pénale et autorise la détention au secret prolongée sans contrôle judiciaire. En outre, les avocats ne sont pas autorisés à rencontrer leur client avant le début du procès et les décisions de la Cour ne sont pas susceptibles d’appel (art. 2, 11 et12).

L’État partie devrait prendre immédiatement des mesures pour faire en sorte que la composition et le fonctionnement de la Cour suprême de sûreté de l’État soient rendus pleinement conformes aux dispositions de la Convention et aux normes internationales régissant les tribunaux et, qu’en particulier, les personnes traduites devant cette juridiction bénéficient de toutes les garanties juridiques fondamentales, notamment du droit de faire appel des décisions de la Cour, ou envisager, si cela n’est pas possible, d’abolir cette juridiction.

Indépendance des tribunaux

12)Le Comité est préoccupé par des informations selon lesquelles le manque d’indépendance du pouvoir judiciaire et des procédures arbitraires fait que le droit à un procès équitable est systématiquement violé. En outre, en vertu des dispositions du décret-loi no40 du 21mai 1966, les juges ne jouissent pas de l’immunité, pouvant être mutés en application d’un ordre qui n’est soumis à aucune forme de contrôle (art. 2 et 11).

L’État partie devrait adopter d’urgence toutes les mesures nécessaires pour protéger l’indépendance des tribunaux, ainsi que l’indépendance et l’immunité des juges, conformément aux normes internationales.

Immunité de poursuites

13)Selon les informations dont dispose le Comité, le décret-loi no61 de 1950 et le décret no64 de 2008 confèrent aux membres des organes du renseignement, notamment militaire, et des forces de la sûreté publique une immunité de poursuites de facto en cas de crime commis dans l’exercice de leurs fonctions. Le Comité est profondément préoccupé par le fait que l’impunité qui règne sur une vaste échelle empêche l’engagement de poursuites contre les personnes qui commettent des crimes, notamment des actes de torture et des mauvais traitements, dans l’exercice de leurs fonctions en violation totale des dispositions de la Convention (art. 2, 4, 12, 15 et 16).

L’État partie devrait prendre d’urgence des mesures vigoureuses pour abolir les décrets qui légalisent l’immunité pour les crimes commis par des personnes dans l’exercice de leurs fonctions, lesquels consacrent dans la pratique l’immunité des membres des services de la sûreté, des organes du renseignement et de la police qui commettent des actes de torture. En outre, l’État partie devrait enquêter rapidement et de manière impartiale et approfondie sur de tels actes, traduire leurs auteurs en justice et leur imposer, lorsqu’ils sont condamnés, des peines à la mesure de la gravité des infractions commises.

Surveillance et inspection des lieux de privation de liberté

14)Le Comité note que le Ministère de la justice, le Ministère de l’intérieur et le Procureur général sont habilités à inspecter les prisons pour vérifier si les détenus sont traités avec humanité. Le Comité est néanmoins préoccupé par l’absence d’une surveillance et d’une inspection systématique, effective et indépendante de tous les lieux de détention (art. 11 et 12).

Le Comité demande instamment à l’État partie de mettre en place un mécanisme national pour assurer une surveillance et une inspection effectives de tous les lieux de détention et de faire en sorte qu’il soit donné suite au résultat d’un tel processus. Le mécanisme en question devrait inclure des visites périodiques et inopinées effectuées par des observateurs nationaux et internationaux destinées à prévenir la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

Centres de détention secrets

15)Le Comité est également préoccupé par les informations selon lesquelles l’État partie a créé des centres de détention secrets placés sous l’autorité des organes du renseignement tels que le service du renseignement militaire, la Direction de la sûreté politique, la Direction générale des services du renseignement et la Direction des services du renseignement des forces aériennes. Les centres relevant de ces services ne font l’objet d’aucune surveillance ou inspection par des organes indépendants et ne sont pas contrôlés par les autorités. Le Comité note en outre avec préoccupation que les détenus sont privés des garanties juridiques fondamentales, notamment d’un contrôle de leur traitement et des procédures relatives à leur détention. Le Comité est également préoccupé par les allégations selon lesquelles les personnes qui se trouvent dans ces centres peuvent être détenues pendant de longues périodes sans contrôle judiciaire, font l’objet, en pratique, d’une détention au secret et sont soumises à la torture et à d’autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (art. 2, 11 et 16).

L’État partie devrait faire en sorte que nul ne soit gardé dans un centre de détention secret placé sous son contrôle effectif de facto. Comme le Comité l’a souvent souligné, la détention de personnes dans de telles conditions constitue en elle-même une violation de la Convention. L’État partie devrait en ouvre enquêter sur de tels lieux de détention, en révéler l’existence, et indiquer sous la responsabilité de quelles autorités ils ont été mis en place et la manière dont les détenus y sont traités. Le Comité demande instamment à l’État partie de fermer tous ces centres.

Mécanisme de plainte

16)En dépit des informations fournies au Comité dans le rapport de l’État partie quant à la possibilité qu’a une personne de présenter au Bureau du Procureur public une plainte contre des actes de torture imputés à un agent de l’État, le Comité regrette l’absence d’un mécanisme de plainte indépendant habilité à recevoir les nombreuses allégations de torture transmises aux autorités, à enquêter de manière impartiale et approfondie sur ces allégations et à faire en sorte que ceux qui s’en rendent coupables soient punis comme il convient. Il regrette également l’absence d’informations, notamment de statistiques, sur le nombre de plaintes pour torture et mauvais traitements et les résultats de toutes les procédures entamées tant pénales que disciplinaires (art. 2, 5, 12, 13 et 16).

L’État partie devrait prendre d’urgence des mesures pour mettre en place un mécanisme de plainte entièrement indépendant, faire en sorte qu’il soit enquêté rapidement et de manière impartiale et approfondie sur les nombreuses allégations de torture et poursuivre les auteurs présumés de tels actes et les punir comme il convient. Il devrait en outre faire en sorte que, dans la pratique, ceux qui déposent des plaintes soient protégés contre tout mauvais traitement ou acte d’intimidation dont ils pourraient faire l’objet en raison de leur plainte ou de leur déposition. Le Comité invite l’État partie à fournir des informations, notamment des données statistiques, sur le nombre de plaintes pour torture et mauvais traitements déposées contre des agents de l’État, ainsi que des renseignements sur l’issue des procédures engagées tant pénales que disciplinaires.

Réfugiés et demandeurs d’asile

17)Tout en prenant acte avec satisfaction de la généreuse politique de l’État partie, qui a admis un grand nombre de réfugiés originaires d’Iraq et des territoires palestiniens occupés et a autorisé leur séjour, le Comité est préoccupé par l’absence d’une procédure nationale pour déterminer le statut de réfugié et par le fait que la législation sur les étrangers ne reconnaît aucun statut spécial attribué par le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR). Le Comité note avec préoccupation que l’État partie n’a pas adhéré à la Convention relative au statut des réfugiés de 1951 et à son protocole facultatif de 1967, ni à la Convention relative au statut des apatrides de 1954 ou à la Convention sur la réduction des cas d’apatridie de 1961 (art. 2, 3, 11 et 16).

L’État partie devrait mettre en place une procédure nationale pour déterminer le statut de réfugié et modifier sa législation dans le sens d’une reconnaissance du statut spécial attribué par le HCR. Le Comité recommande à l’État partie de songer à adhérer à la Convention relative au statut des réfugiés et au protocole facultatif s’y rapportant, ainsi qu’à d’autres instruments internationaux connexes.

Non-refoulement

18)Le Comité est gravement préoccupé par les nombreuses informations faisant état de mesures d’expulsion, de refoulement ou d’extradition, touchant, dans bien des cas, des réfugiés ou des demandeurs d’asile reconnus auprès du HCR, en violation du principe de non-refoulement figurant à l’article 3 de la Convention. Le Comité est en outre préoccupé par les informations selon lesquelles la participation de la République arabe syrienne dans la guerre dite «contre le terrorisme» s’est traduite par la détention au secret et le transfert de terroristes présumés en violation du principe de non-refoulement (art. 3).

L’État partie devrait formuler, incorporer dans son droit interne et appliquer de manière effective des dispositions législatives conformes à l’article 3 de la Convention, y compris la garantie d’un traitement équitable à tous les stades de la procédure et la possibilité d’un contrôle effectif indépendant et impartial des décisions d’expulsion, de refoulement ou d’extradition. En aucune circonstance, l’État partie ne doit expulser, refouler ou extrader une personne vers un État où il y a des sérieux motifs de croire qu’elle risque d’être soumise à la torture ou à des mauvais traitements. L’État partie devrait aussi assurer une protection contre le refoulement, notamment en s’abstenant d’expulser ou de renvoyer de force des personnes détentrices d’un certificat de réfugié ou d’un certificat de demandeur d’asile établi par le HCR. En outre, il devrait ouvrir une enquête indépendante sur les allégations relatives à sa participation à des «transferts extrajudiciaires» et informer le Comité de l’issue de cette enquête dans son prochain rapport périodique.

19)Le Comité est en outre préoccupé par le recours persistant à l’internement administratif pour une durée indéterminée − et donc arbitraire − de ressortissants iraniens d’origine arabe (Ahwazis) en vue de leur expulsion (art. 3).

L’État partie devrait fournir des renseignements sur la situation des ressortissants iraniens d’origine arabe ( Ahwazis ) et les mesures prises pour assurer leur protection contre le refoulement.

Formation

20)Le Comité prend note des renseignements figurant dans le rapport de l’État partie et fournis dans sa présentation orale concernant la formation, les séminaires et les cours sur les droits de l’homme destinés aux membres de la police. Il regrette toutefois de n’avoir reçu que des informations peu nombreuses et incomplètes sur les programmes pour la formation du personnel des forces de sécurité et des services du renseignement, ainsi que des juges, des procureurs, des médecins légistes et du personnel médical en contact avec les détenus, aux dispositions de la Convention et à la façon de déceler et de documenter les séquelles physiques et psychologiques de la torture. Le Comité regrette aussi le manque d’informations sur le suivi et l’évaluation de l’impact de tels programmes de formation quant à la diminution des cas de torture et de mauvais traitements (art. 10).

L’État partie devrait développer et renforcer des programmes éducatifs pour faire en sorte que tous les fonctionnaires, y compris les agents chargés d’appliquer la loi, les membres de la sûreté et des services du renseignement et le personnel pénitentiaire soient pleinement au fait des dispositions de la Convention et sachent que les violations de cet instrument ne seront pas tolérées et feront l’objet d’enquêtes rapides et efficaces et que leurs auteurs seront poursuivis. En outre, tout le personnel concerné, y compris le corps médical, devrait recevoir une formation spécifique à la façon de déceler les signes de torture et de mauvais traitements et, notamment, à l’utilisation du Manuel pour enquêter efficacement sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (Protocole d’Istanbul), lequel devrait être suivi de manière effective. En outre, l’État partie devrait mesurer l’efficacité et l’impact de tels programmes de formation/d’éducation.

Disparitions forcées

21)Le Comité est profondément préoccupé par les nombreuses informations faisant état d’un nombre élevé de disparitions involontaires dans l’État partie. Le rapport du Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires de 2009 (A/HRC/13/31) mentionne les disparitions forcées présumées de 28 personnes à propos desquelles la délégation n’a pas fourni d’explication ni d’informations suffisantes et précises. En outre, le Comité a reçu de nombreuses informations crédibles faisant état d’un nombre encore plus grand de disparitions forcées. Ces allégations concernent en particulier la disparition de membres de l’association des Frères musulmans ainsi que des disparitions survenues pendant la présence militaire de la République arabe syrienne au Liban à compter du début des années 70. Le Comité a été informé qu’une commission officielle libano-syrienne avait été créée le 31 juillet 2005 pour examiner la question des Syriens disparus au Liban et des Libanais disparus en République arabe syrienne. Au total, 640 cas ont été soumis à la Commission mais aucune mesure n’a jusqu’à présent été prise pour enquêter sur ces cas. En outre, le Secrétaire général du Centre libanais des droits de l’homme, qui est aussi un membre du Comité exécutif du Réseau euroméditerranéen des droits de l’homme, n’a pas été autorisé à se rendre dans l’État partie pour y effectuer des recherches. Le Comité a noté avec préoccupation que les autorités compétentes n’ont ouvert aucune procédure d’enquête sur le sort des personnes disparues et pour identifier, poursuivre et punir ceux qui sont à l’origine de disparitions forcées en violation de la Convention (art. 1er, 2, 11, 12, 13, 14 et 16).

L’État partie devrait enquêter d’urgence sur chaque cas de disparition forcée présumée et communiquer les résultats de ses investigations aux familles des personnes disparues. Le Comité invite instamment l’État partie à mettre en place, dans des délais appropriés, une commission indépendante pour enquêter sur toutes les disparitions, y compris celles de membres de l’association des Frères musulmans et celles qui se sont produites pendant la présence militaire de la République arabe syrienne au Liban à compter du début des années 70, en vue de poursuivre et de punir les auteurs et d’assurer un recours utile et une réadaptation aux victimes. Le Comité encourage l’État partie à collaborer avec les organisations internationales sur les questions relatives aux disparitions forcées et involontaires.

Enquêtes

22)Compte tenu des explications fournies par l’État partie pendant le dialogue, le Comité reste préoccupé par les émeutes qui se seraient produites dans la prison de Sednaya, le 4 juillet 2008, où une intervention des forces de police à la suite d’un mouvement de protestation des prisonniers a fait plusieurs morts ou blessés. Malgré des demandes répétées, il n’y a eu aucune enquête officielle et indépendante sur cet incident ni annonce publique de l’identité des personnes tuées ou blessées ni la moindre information sur les mesures prises pour faire la lumière sur les conditions dans lesquelles la force a été employée et sur d’autres circonstances entourant l’événement (art. 12).

L’État partie devrait ouvrir d’urgence une enquête indépendante sur les événements de la prison de Sednaya de juillet 2008 et fournir au Comité des informations détaillées sur les circonstances dans lesquelles des prisonniers ont trouvé la mort lors de cet incident. Il devrait également faire savoir aux familles des prisonniers impliqués dans l’incident si leurs proches sont encore vivants et détenus dans la prison. L’État partie devrait en outre faire savoir au Comité s’il effectue une surveillance régulière de la prison.

23)Le Comité est préoccupé par le cas de trois ressortissants canadiens, Ahmed Al-Maati (arrêté à son arrivée à l’aéroport de Damas le 12 novembre 2001), Abdullah Almalki (arrêté à son arrivée à l’aéroport de Damas le 3 mai 2002), et Maher Arar (arrêté en septembre 2002 aux États-Unis d’Amérique, où il a été détenu sans que la procédure légale ait été respectée pendant quinze jours avant d’être expulsé en Jordanie puis en République arabe syrienne). Le Comité craint que ces trois personnes aient été détenues et torturées dans le principal centre de détention des services du renseignement militaire, dans la section Palestine, en raison de leurs liens présumés avec Al-Qaida. Le Comité note avec préoccupation qu’aucune enquête n’a été menée sur cette affaire et que les victimes n’ont bénéficié d’aucune indemnisation. Il note en outre avec préoccupation que l’État partie n’a mené aucune enquête complète et efficace sur cette affaire (art. 12, 13 et 14).

Le Comité invite instamment l’État partie à ouvrir rapidement des enquêtes approfondies et impartiales sur les cas d’Ahmed Al- Maati , d’Abdullah Almalki et de Maher Arar en vue de faire en sorte que tous les responsables présumés de violations de la Convention soient traduits en justice. Le Comité recommande que de telles enquêtes soient menées par des experts indépendants afin que toutes les informations soient examinées de manière complète, de parvenir à des conclusions sur les faits et les mesures prises et d’indemniser les victimes.

24)Le Comité est préoccupé par la détention prolongée d’Abdelkader Mohammed Sheikh Ahmed, qui a déjà purgé sa peine et aurait dû être libéré en 1979, mais qui, selon des informations reçues par le Comité, était toujours en prison en 2004. Le Comité regrette qu’aucune information n’ait été fournie pendant le dialogue sur le cas de cette personne (art. 12).

Le Comité invite instamment l’État partie à fournir des informations sur la situation actuelle d’Abdelkader Mohammed Sheikh Ahmed et d’ouvrir promptement une enquête approfondie et impartiale sur cette affaire et sur les raisons pour lesquelles l’intéressé n’a pas été remis en liberté après avoir purgé sa peine. Le Comité recommande qu’une telle enquête soit menée par des experts indépendants afin que toutes les informations soient examinées de manière complète, de parvenir à des conclusions sur les faits et les mesures prises, et de faire en sorte que les personnes responsables de violations soient traduites en justice.

Absence de protection juridique pour les femmes et impunité des auteursde crimes d’«honneur»

25)Le Comité note avec préoccupation que le rapport de l’État partie ne contient pas suffisamment d’informations sur le régime juridique des femmes et les pratiques qui les touchent. Il est préoccupé par les nombreuses informations selon lesquelles la violence contre les femmes, en tant qu’acte de discrimination, est un problème très répandu dans l’État partie et que le processus de réforme législative et, plus précisément, la modification de la loi sur le statut personnel, du Code pénal et de la loi sur la nationalité, a été différé, et qu’en conséquence une culture de l’impunité en cas de violences au foyer et fondées sur le sexe s’est instaurée. À ce propos, le Comité note avec une vive préoccupation que les crimes intervenant dans des situations où l’«honneur» de la famille est considéré comme avoir été bafoué restent souvent impunis et que lorsqu’ils le sont les peines prononcées sont plus légères que celles infligées pour d’autres crimes de la même violence (art. 1er, 2, 4 et 16).

Le Comité demande à l’État partie de prendre des mesures globales pour faire face à toutes les formes de violence contre les femmes et d’adopter, dans les meilleurs délais, une législation sur la violence contre les femmes, y compris au foyer. Le Comité invite en outre l’État partie à modifier sans délai les dispositions applicables du Code pénal pour faire en sorte que les auteurs de crimes d’«honneur» ne bénéficient pas d’une réduction de peine en application de l’article 548. Il invite instamment l’État partie à faire en sorte que les crimes d’«honneur» soient traités aussi sérieusement dans le cadre des enquêtes et des poursuites que les autres crimes violents, et que des efforts de prévention effectifs soient entrepris.

26)Tout en prenant acte des informations fournies par la délégation de l’État partie pendant le dialogue, le Comité est vivement préoccupé par la pratique consistant à permettre aux auteurs de viol d’échapper aux poursuites en épousant leur victime (art. 508 du Code pénal) ou à autoriser les familles à renoncer à leur «droit de porter plainte» (art. 2, 13 et 16).

Rappelant que de nombreux organes judiciaires et quasi judiciaires internationaux ont assimilé le viol à une forme de torture, le Comité invite l’État partie à abolir la disposition d’exonération de responsabilité prévue à l’article 508 du Code pénal pour qu’aucun violeur ne puisse échapper aux sanctions en épousant sa victime.

Violence au foyer

27)Le Comité est préoccupé par l’absence d’informations dans le rapport concernant les mesures prises pour combattre la torture et les mauvais traitements dont sont victimes les femmes et les filles, eu égard en particulier à la fréquence des cas de violence au foyer et d’autres formes de violence fondée sur le sexe dans l’État partie. À ce propos, il note avec préoccupation que le viol conjugal n’est pas une infraction pénale en vertu de la loi. Le Comité est en outre préoccupé par le fait que la législation nationale n’érige pas explicitement en infraction la violence au foyer et ne prévoit pas de poursuites à l’encontre de ceux qui s’en rendent coupables; il relève en particulier avec préoccupation que la définition du viol à l’article 489 du Code pénal exclut le viol conjugal, que l’article 508 du Code pénal permet aux violeurs d’échapper à toute punition s’ils épousent leur victime et que l’article 548 du Code pénal exempte de sanctions les auteurs de crimes d’«honneur». Le Comité est en outre préoccupé par le manque d’informations, en particulier de données statistiques, sur les plaintes, les poursuites et les condamnations dans les affaires de violence au foyer (art. 1er, 2, 4, 12 et 16).

a) L’État partie devrait prendre immédiatement des mesures pour renforcer ses efforts visant à prévenir et à combattre la violence contre les femmes et les enfants et faire en sorte que la législation nationale couvre les nombreuses formes de violation commises contre les femmes, notamment en érigeant en infraction pénale le viol conjugal;

b) L’État partie est encouragé à participer directement aux programmes de réadaptation et d’assistance juridique et à mener de vastes campagnes de sensibilisation à l’intention des fonctionnaires (juges, membres du personnel judiciaire, agents chargés d’appliquer la loi et travailleurs sociaux) qui sont en contact direct avec les victimes;

c) L’État partie devrait fournir aux victimes qui déposent des plaintes pour viol, sévices et autres formes de violence fondée sur le sexe une protection contre les représailles;

d) L’État partie devrait également renforcer ses efforts dans le domaine de la recherche et de la collecte de données sur l’ampleur de la violence au foyer et fournir au Comité, dans son prochain rapport périodique, des données statistiques sur les plaintes, les poursuites et les condamnations.

Traite des personnes

28)Tout en se félicitant de la ratification de la Convention pour la répression de la traite des femmes et des enfants de 1921, de la Convention internationale relative à la répression de la traite des femmes majeures de 1933 et de la Convention pour la répression de la traite des êtres humains et de l’exploitation de la prostitution d’autrui de 1950, le Comité note avec préoccupation l’absence générale d’informations sur l’ampleur de la traite dans l’État partie, notamment sur le nombre de plaintes, d’enquêtes, de poursuites et de condamnations dans des affaires de traite, ainsi que sur les mesures concrètes prises pour prévenir et combattre ce phénomène (art. 1er, 2, 4, 12 et 16).

Le Comité recommande l’adoption d’une loi spécifique contre la traite des personnes pour qualifier les crimes et fixer les peines appropriées et prévoir des mesures pour faciliter la réadaptation et la réintégration sociale des victimes. L’État partie devrait intensifier ses efforts pour prévenir et combattre la traite des femmes et des enfants, notamment en appliquant les lois en vigueur destinées à combattre la traite, en apportant une protection aux victimes et en leur assurant l’accès aux services médicaux, sociaux, de réadaptation et juridiques, ainsi qu’aux services de conseil, selon que de besoin. L’État partie devrait en outre instaurer des conditions propices à l’exercice par des victimes de leur droit de porter plainte, mener rapidement des enquêtes impartiales et efficaces sur toutes les allégations de traite de personnes et faire en sorte que les auteurs soient traduits en justice et que leur soient infligées des peines à la mesure de la gravité de leur crime.

Réparation et indemnisation des victimes de la torture, y compris les mesures de réadaptation

29)Le Comité note que le Code de procédure pénale et le Code pénal contiennent certaines dispositions sur le droit de saisir un tribunal compétent pour obtenir une indemnisation équitable, qui tienne compte de tout le préjudice matériel et psychologique subi. Il note avec préoccupation l’absence d’informations sur tout service de traitement et de réadaptation sociale des victimes et d’autres formes d’assistance, notamment en matière de réadaptation médicale et psychosociale (art. 14).

L’État partie devrait prendre les mesures nécessaires pour garantir l’application effective de la loi et assurer à toutes les victimes d’actes de torture et de mauvais traitements un recours sous la forme d’une indemnisation appropriée et d’une réadaptation aussi complète que possible. Il devrait fournir, dans son prochain rapport périodique, des informations sur les mesures de réparation et d’indemnisation ordonnées par les tribunaux dont ont bénéficié les victimes d’actes de torture ou leur famille pendant la période considérée. Cette information devrait inclure des données sur le nombre des demandes qui ont été déposées et de celles auxquelles il a été fait droit ainsi que sur les montants accordés et effectivement versés dans chaque cas. En outre, l’État partie devrait fournir des informations sur tout programme de réparation en cours, notamment pour le traitement des traumatismes, et sur d’autres formes de service de réadaptation fournis aux victimes d’actes de torture et de mauvais traitements, ainsi que sur l’affectation des ressources requises pour assurer le bon fonctionnement d’un tel programme.

Conditions de détention

30)Tout en notant que le règlement des prisons prévoit la fourniture de soins de santé aux prisonniers, le Comité est préoccupé par les informations faisant état de conditions de vie déplorables dans les lieux de détention, d’un surpeuplement des prisons, d’un manque d’hygiène, d’une alimentation insuffisante, de risques sanitaires et de soins de santé insuffisants. Il est également préoccupé par le fait que les mineurs ne sont pas séparés des adultes dans les lieux de détention (art. 11 et 16).

L’État partie devrait prendre d’urgence des mesures pour mettre les conditions de détention dans les postes de police, les prisons et les autres lieux de détention en conformité avec l’Ensemble de règles minima pour le traitement des détenus, notamment en:

a) Réduisant le surpeuplement carcéral, grâce en particulier au recours à des formes de détention non privatives de liberté et en veillant, dans le cas des mineurs, à ce que la détention ne soit utilisée qu’en dernier ressort;

b) Améliorant la nourriture et les soins de santé offerts aux détenus;

c) Améliorant les conditions de détention des mineurs, qui doivent être séparés des adultes;

d) Renforçant le contrôle judiciaire des conditions de détention.

Enfants en détention

31)Tout en prenant acte des informations émanant de l’État partie selon lesquelles les mineurs délinquants n’ont pas de casier judiciaire et ne sont pas passibles de la peine de mort, le Comité est préoccupé par le fait que la loi no 18 sur les délinquants mineurs ne s’applique qu’aux enfants âgés de moins de 15 ans (art. 2, 11 et 16).

L’État partie devrait classer toutes les personnes âgées de moins de 18 ans dans la catégorie des mineurs pour les faire bénéficier de la protection prévue dans la loi sur les délinquants mineurs.

Décès en détention

32)Le Comité note avec préoccupation les informations crédibles sur le nombre de décès en détention et sur les restrictions présumées au droit à un examen par un médecin légiste indépendant en cas de décès en détention (art. 12 et 16).

L’État partie devrait enquêter rapidement et de manière approfondie et impartiale sur tous les décès en détention et poursuivre ceux qui en sont responsables. Il devrait fournir au Comité des informations sur tout cas de décès en détention résultant d’actes de torture, de mauvais traitements ou d’une négligence volontaire. L’État partie devrait aussi assurer des examens par des médecins légistes indépendants et accepter les conclusions de ces examens en tant que preuves dans les affaires pénales et civiles.

Aveux obtenus par la contrainte

33)Le Comité est préoccupé par l’absence de disposition législative interdisant explicitement l’utilisation d’aveux et de déclarations obtenus sous la torture comme éléments de preuve dans les procédures judiciaires. Il est alarmé par les informations selon lesquelles des aveux obtenus sous la torture sont utilisés comme éléments de preuve par les tribunaux, en particulier par la Cour suprême de la sûreté de l’État et les tribunaux militaires, et que les affirmations des défenseurs selon lesquelles ils auraient été torturés ne font presque jamais l’objet d’une enquête (art. 15).

L’État partie devrait modifier le Code de procédure pénale en vue d’interdire explicitement l’utilisation de toute déclaration obtenue sous la torture comme élément de preuve dans une procédure judiciaire. Il devrait également prendre les mesures nécessaires pour faire en sorte que, conformément aux dispositions de la Convention, les déclarations faites sous la torture ne puissent pas être invoquées en tant qu’éléments de preuve dans de telles procédures sauf contre des personnes accusées de torture. L’État partie est prié de revoir les condamnations pénales fondées uniquement sur des aveux, notamment celles prononcées par la Cour suprême de la sûreté de l’État et les tribunaux militaires en vue d’identifier celles qui reposent sur des éléments de preuve obtenus sous la torture ou par des mauvais traitements et prendre les mesures correctives requises.

Défenseurs des droits de l’homme

34)Le Comité est préoccupé par des informations faisant état d’actes persistants de harcèlement et de persécution, notamment de menaces et d’autres violations des droits de l’homme, à l’encontre des défenseurs des droits de l’homme et par le fait que de tels actes restent impunis (art. 12 et 16).

L’État partie devrait prendre les mesures nécessaires pour faire en sorte que toutes les personnes, notamment les observateurs des droits de l’homme, soient protégées contre les actes d’intimidation ou de violence dont elles sont victimes du fait de leurs activités et jouissent des garanties relatives aux droits de l’homme, et qu’il soit enquêté rapidement et de manière impartiale et efficace sur de tels actes, que leurs auteurs soient poursuivis et punis et que les victimes soient indemnisées.

35)Le Comité est préoccupé par le cas de Muhannad Al-Hassani, Président de l’Organisation syrienne des droits de l’homme (Swasiah), qui a été arrêté le 28 juillet 2009 et accusé d’«affaiblissement du sentiment national» et de «propagation de nouvelles fausses ou exagérées» dans le cadre de ses activités d’observation des délibérations de la Cour suprême de la sûreté de l’État. Le Comité est également préoccupé par le cas de Haytham al-Maleh, éminent avocat de 79 ans travaillant dans le domaine des droits de l’homme, qui a été maintes fois détenu et qui est actuellement jugé (art. 12 et 16).

Le Comité invite instamment l’État partie à fournir des informations sur la situation juridique et l’intégrité physique et mentale de Muhannad Al-Hassani , ainsi que sur le procès en cours de Haytham al- Maleh .

Institution nationale des droits de l’homme

36)Le Comité note avec préoccupation que l’État partie n’a pas encore mis en place d’institution nationale pour promouvoir et protéger les droits de l’homme conformément aux Principes de Paris (art. 2).

L’État partie devrait mettre en place une institution nationale des droits de l’homme indépendante conformément aux Principes relatifs au statut des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l’homme (Principes de Paris), qui figurent en annexe de la résolution 48/134 de l’Assemblée générale.

Collecte de données

37)Tout en notant que certaines statistiques ont été fournies, le Comité regrette l’absence de données globales et ventilées sur les plaintes, les enquêtes, les poursuites et les condamnations pour des actes de torture imputés à des fonctionnaires chargés d’appliquer la loi, ainsi que sur la traite des personnes et la violence au foyer et sexuelle (art. 2, 12, 13 et 16).

L’État partie devrait mettre en place un système efficace en vue de recueillir toutes les données statistiques utiles pour le suivi de l’application de la Convention au niveau national, notamment sur les plaintes, les enquêtes, les poursuites et les condamnations dans des affaires de torture et de mauvais traitements, et sur la traite des personnes et les actes de violence au foyer et sexuelle.

Coopération avec les mécanismes des droits de l’homme de l’Organisation des Nations Unies

38)Le Comité recommande à l’État partie de renforcer sa coopération avec les mécanismes des droits de l’homme de l’Organisation des Nations Unies, notamment en autorisant les visites, entre autres, du Rapporteur spécial sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, du Rapporteur spécial sur la promotion et la protection des droits de l’homme dans la lutte antiterroriste, du Rapporteur spécial sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires, du Groupe de travail sur la détention arbitraire et du Rapporteur spécial sur la situation des défenseurs des droits de l’homme.

39)Le Comité recommande à l’État partie d’envisager de ratifier le Protocole facultatif à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

40)L’État partie devrait envisager de retirer sa réserve à l’article 20 de la Convention.

41)Le Comité recommande à l’État partie d’envisager de faire les déclarations prévues aux articles 21 et 22 de la Convention.

42)Le Comité recommande à l’État partie d’envisager de ratifier le Statut de Rome de la Cour pénale internationale.

43)Le Comité invite l’État partie à ratifier les principaux instruments relatifs aux droits de l’homme de l’ONU auxquels il n’est pas encore partie, notamment la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées.

44)Le Comité invite l’État partie à soumettre son document de base en suivant les directives harmonisées pour l’établissement de rapports approuvées par les organes créés en vertu d’instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme (HRI/GEN/2/Rev.6).

45)L’État partie est encouragé à diffuser largement les rapports présentés au Comité et les présentes observations finales, dans les langues appropriées, par le biais des sites Web officiels, des médias et des organisations non gouvernementales.

46)Le Comité prie l’État partie de lui fournir, dans un délai d’un an, des informations sur la suite qu’il aura donnée aux recommandations figurant aux paragraphes 15, 24, 25 et 35 du présent document.

47)L’État partie est invité à présenter son prochain rapport périodique, qui sera son deuxième, au plus tard le 14 mai 2014.

64.Yémen

1)Le Comité contre la torture a examiné le deuxième rapport périodique du Yémen (CAT/C/YEM/2) à sa 898e séance (CAT/C/SR.898), le 3 novembre 2009, et a adopté, à sa 917e séance (CAT/C/SR.917), des observations finales provisoires (CAT/C/YEM/CO/2). Le Comité a rencontré une délégation de l’État partie à sa 943e séance (CAT/C/SR.943), le 6 mai 2010. En application du paragraphe 2 b) de l’article 66 de son règlement intérieur, le Comité a examiné les observations finales provisoires à la lumière des réponses apportées par l’État partie à la liste des points à traiter (CAT/C/YEM/Q/2/Add.1), et a adopté, à sa 952e séance (CAT/C/SR.952), les observations finales ci-après.

A.Introduction

2)Le Comité accueille avec satisfaction la soumission du deuxième rapport périodique du Yémen qui, s’il suit dans l’ensemble les directives du Comité concernant l’établissement des rapports, est dépourvu de données statistiques et de renseignements concrets sur l’application des dispositions de la Convention et de la législation interne pertinente. Le Comité regrette toutefois le retard avec lequel le rapport et les réponses écrites à sa liste des points à traiter (CAT/C/YEM/Q/2) ont été soumis. Il regrette également que l’État partie n’ait pas répondu à la lettre datée du 21 avril 2006 par laquelle le Rapporteur du Comité chargé du suivi des observations finales concernant le Yémen (CAT/C/CR/31/4 et Add.1) lui demandait des renseignements complémentaires.

3)Le Comité regrette l’absence d’une délégation de l’État partie qui aurait pu participer à un dialogue avec lui dans le cadre de son examen du rapport du Yémen à sa quarante-troisième session et relève que, faute de représentants de l’État partie, l’examen du rapport s’est déroulé conformément au paragraphe 2 b) de l’article 66 de son règlement intérieur. Le Comité accueille cependant avec satisfaction le fait qu’une délégation de haut niveau de l’État partie l’a rencontré à sa quarante-quatrième session pour fournir de plus amples renseignements concernant les faits nouveaux récents et les mesures pertinentes se rapportant à la mise en œuvre de la Convention dans l’État partie. Tout en regrettant que l’État partie n’ait pas soumis de réponses et de commentaires écrits comme suite aux observations finales provisoires, le Comité note avec satisfaction la soumission, par l’État partie, de réponses à la liste des points à traiter (CAT/C/YEM/Q/2/Add.1). Le Comité engage instamment l’État partie à s’acquitter pleinement à l’avenir des obligations découlant de l’article 19 de la Convention.

B.Aspects positifs

4)Le Comité relève avec satisfaction que, depuis l’examen du rapport initial, l’État partie a adhéré aux instruments internationaux ci-après ou les a ratifiés:

a)La Convention relative aux droits des personnes handicapées et le Protocole facultatif s’y rapportant, en 2009;

b)Le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés, en 2007;

c)Le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants, en 2004.

5)Le Comité prend note des efforts que l’État continue de faire pour réformer sa législation, ses politiques et ses procédures de façon à mieux protéger les droits de l’homme, y compris le droit de ne pas être soumis à la torture et à d’autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, en particulier:

a)La signature par l’État partie de plusieurs mémorandums d’accord avec le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés en 2004, 2005 et 2007, ainsi que la volonté qu’il a exprimée d’élaborer une loi relative aux réfugiés et d’en promouvoir la mise en œuvre;

b)L’examen approfondi par l’État partie de la législation pénale interne et de son application, notamment du point de vue du droit de ne pas être soumis à la torture;

c)Les différentes activités d’éducation et de formation dans le domaine des droits de l’homme et l’ouverture de l’État partie à la coopération internationale.

C.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Application de la Convention

6)Le Comité note avec préoccupation que les conclusions et recommandations qu’il a adressées au Yémen en 2003 n’ont pas été suffisamment prises en considération. Il insiste sur l’obligation qu’ont les États, quel que soit leur système politique, économique et culturel, de promouvoir et de protéger tous les droits de l’homme et toutes les libertés fondamentales. À son avis, les spécificités culturelles et religieuses peuvent être prises en considération pour élaborer des moyens appropriés permettant d’assurer le respect des droits de l’homme universels, mais elles ne peuvent pas compromettre la mise en œuvre de toutes les dispositions de la Convention ni aller à l’encontre de la primauté du droit. À ce sujet, le Comité note avec préoccupation qu’une Commission de protection de la vertu et de lutte contre le vice a été créée en 2008, et qu’il n’a pas reçu d’informations sur le mandat et la compétence de cette commission, sur les procédures de recours, pas plus que sur l’éventuel contrôle exercé sur cette commission par les autorités judiciaires ordinaires (art. 2).

L’État partie devrait appliquer de bonne foi toutes les recommandations que le Comité lui a adressées, et trouver des moyens pour garantir que ses principes et lois religieux soient compatibles avec les droits de l’homme et avec ses obligations découlant de la Convention. À ce propos, le Comité appelle l’attention de l’État partie sur l’Observation générale n o 2, relative à la mise en œuvre de l’article 2. L’État partie est invité à donner des informations sur le mandat de la nouvelle Commission sur la vertu et le vice et à indiquer si elle exerce une compétence précise, en pleine conformité avec les prescriptions de la Convention, ou si elle est soumise au contrôle des autorités judiciaires ordinaires.

Définition de la torture

7)Le Comité note que la Constitution du Yémen interdit la torture, mais il se déclare de nouveau préoccupé par l’absence dans le droit interne d’une définition complète de la torture reprenant celle de l’article premier de la Convention (CAT/C/CR/31/4, par. 6 a)). Il est préoccupé par le fait que la définition figurant actuellement dans la Constitution interdit uniquement le recours à la torture pour obtenir des aveux pendant l’arrestation, l’enquête, le placement en détention et l’incarcération, et que ne peuvent être condamnées que les personnes qui ordonnent de commettre ou commettent des actes de torture, à l’exclusion de celles qui sont complices de ces actes. Il note également avec préoccupation qu’alors que la Constitution prévoit l’imprescriptibilité des actes de torture physique ou psychologique, la loi de procédure pénale pourrait prévoir un délai de prescription pour ces crimes (art. 1er et 4).

L’État partie devrait introduire dans son droit interne l’infraction de torture et adopter une définition de la torture comprenant tous les éléments énoncés dans l’article premier de la Convention. Le Comité estime que les États parties, en nommant et en définissant l’infraction de torture conformément à la Convention et en la distinguant des autres crimes, serviront directement l’objectif fondamental de la Convention qui consiste à prévenir la torture, notamment en faisant savoir à tous − auteurs, victimes et public − que ce crime est d’une gravité particulière et en renforçant l’effet dissuasif de l’interdiction elle-même. L’État partie est prié de préciser au Comité si les actes de torture sont prescriptibles; dans l’affirmative, il devrait revoir ses règles et dispositions relatives à la prescription pour les rendre entièrement conformes à la Constitution et aux obligations de l’État partie découlant de la Convention.

Impunité pour les actes de torture et les mauvais traitements

8)Le Comité est profondément préoccupé par les nombreuses allégations, corroborées par plusieurs sources yéménites et internationales, signalant que la torture et les mauvais traitements sont généralisés dans les prisons yéménites, notamment les prisons de sécurité de l’État gérées par le Département de sécurité publique, l’Autorité de sécurité nationale et le Département de la lutte contre le terrorisme qui relève du Ministère de l’intérieur. Il note également avec préoccupation que ces allégations font rarement l’objet d’enquêtes et de poursuites et que les auteurs d’actes de torture semblent bénéficier d’un climat d’impunité. À ce sujet, le Comité se dit préoccupé par l’article 26 du Code de procédure pénale qui semble prévoir que des poursuites pénales ne peuvent pas être engagées contre un policier ou un agent de l’État pour une infraction commise dans l’exercice de ses fonctions ou en résultant, sauf avec l’autorisation du Procureur général, d’un magistrat du ministère public ou des chefs des services chargés des poursuites, et par l’absence d’informations sur l’application de cette disposition (art. 2, 4, 12 et 16).

L’État partie devrait prendre d’urgence des mesures d’application immédiate pour prévenir les actes de torture et les mauvais traitements dans tout le pays et annoncer une politique d’élimination totale de tous actes de torture ou tous mauvais traitements commis par des agents de l’État.

L’État partie devrait veiller à ce que toutes les allégations de torture et de mauvais traitements fassent sans délai l’objet d’une enquête, efficace et impartiale, et que les auteurs soient poursuivis et condamnés à une peine proportionnée à la gravité de leurs actes, comme l’exige l’article 4 de la Convention.

L’État partie est prié d’expliquer si l’article 26 du Code de procédure pénale est toujours en vigueur et, dans l’affirmative, comment cette disposition est appliquée dans la pratique.

Garanties fondamentales

9)En dépit des renseignements qui ont été communiqués dans les réponses à la liste des points à traiter et par la délégation de l’État partie, le Comité reste gravement préoccupé par l’incapacité de l’État partie à offrir dans la pratique à tous les détenus, y compris ceux placés dans les prisons de sécurité de l’État, toutes les garanties fondamentales dès le début de la détention, notamment le droit de communiquer sans délai avec un avocat et d’être examinés par un médecin indépendant, d’aviser un proche et d’être informés de leurs droits au moment du placement en détention, ainsi que des accusations portées contre eux, et de comparaître devant un juge dans un délai conforme aux normes internationales. À ce sujet, le Comité note avec préoccupation que selon le rapport de l’État partie (par. 199) «[l]es personnes placées en détention avant jugement peuvent s’entretenir avec leurs proches et leurs avocats, à condition d’avoir obtenu l’autorisation écrite de l’entité qui a rendu l’ordonnance de détention». Il prend note des informations relatives à la tenue de registres communiquées dans les réponses à la liste des points à traiter, mais il reste préoccupé par l’absence de registre central de toutes les personnes placées en détention, y compris des mineurs (art. 2, 11 et 12).

L’État partie devrait mettre en œuvre sans délai des mesures efficaces pour que tous les détenus bénéficient dans la pratique de toutes les garanties fondamentales, dès le début de leur détention; en particulier, ils doivent pouvoir exercer le droit d’avoir rapidement accès à un avocat et d’être examinés par un médecin indépendant, d’aviser un proche et d’être informés de leurs droits au moment du placement en détention, ainsi que des accusations portées contre eux, et de comparaître devant un juge dans un délai conforme aux normes internationales. L’État partie devrait également veiller à ce que tous les détenus, y compris les mineurs, soient inscrits dans un registre central fonctionnant efficacement.

Le Comité prie de nouveau l’État partie d’expliquer quelles sont les conditions à remplir par les personnes en détention provisoire pour obtenir l’autorisation écrite de voir leurs proches et leur avocat et quels sont les motifs pour lesquels l’autorisation peut être refusée.

Surveillance et inspection des lieux de détention

10)Le Comité note que la responsabilité générale de la supervision et de l’inspection des prisons incombe au ministère public (Procureur général) et que des bureaux du procureur ont été créés dans les prisons centrales des différents gouvernorats en application du décret no 91 de 1995. Il note également l’information donnée par l’État partie qui indique qu’un nombre important d’inspections des lieux d’arrestation, de détention et d’incarcération, notamment les visites des locaux du Département de la sécurité politique, ont lieu chaque année. Le Comité reste toutefois préoccupé par l’absence de surveillance et d’inspection systématiques et efficaces de tous les lieux de détention ou de garde à vue, notamment de visites régulières et inopinées de ces lieux par des observateurs nationaux et internationaux. À ce sujet, il est préoccupé par la prolifération des lieux de détention, notamment des prisons réservées aux personnes détenues pour des raisons de sécurité politique ou de sécurité nationale et des prisons militaires, ainsi que des centres de détention privés gérés par des chefs tribaux, et par l’apparente absence de contrôle de ces prisons et centres de détention par le Procureur général. En conséquence, les détenus seraient privés des garanties fondamentales, notamment de mécanisme de supervision de leur traitement et de procédures de réexamen de leur détention (art. 11 et 16).

Le Comité engage l’État partie à établir un système national efficace permettant de surveiller et d’inspecter tous les lieux de détention et à donner suite aux résultats de cette surveillance systématique. L’État partie devrait également faire en sorte que des médecins légistes formés à la détection des signes de torture soient présents pendant ces visites. Le Comité demande à l’État partie de préciser si le Département de la sécurité politique , l’Autorité de sécurité nationale et le Département de la lutte contre le terrorisme qui relève du Ministère de l’intérieur sont placés sous le contrôle des autorités civiles et si le Procureur général a accès à leurs centres de détention, ainsi qu’aux prisons militaires et aux établissements de détention privés. L’État partie devrait interdire expressément tous les établissements de détention qui ne relèvent pas de l’autorité civile.

Mesures de lutte contre le terrorisme

11)Le Comité reconnaît que l’État partie est engagé dans une longue lutte contre le terrorisme. Cependant, il rappelle l’interdiction absolue de la torture, et se dit préoccupé par les informations faisant état de violations graves de la Convention commises dans le cadre de la lutte contre le terrorisme. Il s’agit notamment d’exécutions extrajudiciaires, de disparitions forcées, d’arrestations arbitraires, de placements en détention illimitée sans inculpation ni jugement, d’actes de torture et de mauvais traitements, et d’expulsions d’étrangers vers des pays où ils risquent d’être soumis à la torture ou à des mauvais traitements. Le Comité est également préoccupé par la teneur des projets de loi relatifs à la lutte contre le terrorisme, au blanchiment de capitaux et au financement du terrorisme, en particulier par la définition apparemment large du terrorisme et par l’absence de procédures légales ou judiciaires relatives à la remise, à l’arrestation ou à la détention de personnes (art. 2 et 16).

L’État partie devrait prendre toutes les mesures nécessaires pour que ses mesures législatives, administratives et autres de lutte contre le terrorisme soient compatibles avec les dispositions de la Convention, en particulier le paragraphe 2 de l’article 2. Le Comité rappelle qu’aucune circonstance exceptionnelle, quelle qu’elle soit, ne peut être invoquée pour justifier la torture et que, conformément aux résolutions du Conseil de sécurité et aux autres résolutions pertinentes, les mesures de lutte contre le terrorisme doivent être mises en œuvre dans le strict respect du droit international des droits de l’homme, en particulier de la Convention. L’État partie est prié de donner des informations sur la teneur et l’état des projets de loi relatifs à la lutte contre le terrorisme, au blanchiment de capitaux et au financement du terrorisme.

Détention au secret

12)Tout en notant que des renseignements concernant le Département de la sécurité politique ont été donnés dans les réponses à la liste des points à traiter, le Comité se dit de nouveau préoccupé par les informations dignes de foi indiquant que les fonctionnaires du Département de la sécurité politique garderaient souvent des détenus au secret, y compris pendant de longues périodes sans procès (CAT/C/CR/31/4, par. 6 c)), et s’inquiète de ce que d’autres organismes de sécurité se livreraient également à de telles pratiques. Il est également préoccupé par l’absence d’informations sur le nombre exact et l’emplacement des lieux de détention dans l’État partie (art. 2 et 11).

L’État partie devrait prendre toutes les mesures appropriées pour supprimer de fait la détention au secret et veiller à ce que toutes les personnes placées au secret soient remises en liberté ou inculpées et jugées selon une procédure régulière. Il devrait donner des informations sur le nombre exact et l’emplacement des lieux de détention utilisés par le Département de la sécurité politique et d’autres forces de sécurité, et sur le nombre de personnes privées de liberté qui se trouvent dans ces lieux. Il devrait également donner des informations à jour sur le cas des quatre ressortissants camerounais, Mouafo Ludo, Pengou Pierpe , Mechoup Baudelaire et Ouafo Zacharie, qui sont détenus au secret et sans jugement à Sanaa depuis 1995.

Disparitions forcées et arrestations et détentions arbitraires

13)Le Comité se déclare préoccupé par les informations faisant état de disparitions forcées ainsi que de la pratique généralisée des arrestations massives sans mandat et des détentions arbitraires et prolongées sans inculpation ni procédure judiciaire. Il est également préoccupé par le fait qu’un grand nombre de forces et services de sécurité yéménites différents sont habilités à arrêter et à détenir des personnes et par l’absence d’éclaircissements sur la question de savoir si ces pouvoirs sont prévus par la législation, notamment la loi de procédure pénale. Il souligne que les arrestations sans mandat et l’absence de contrôle judiciaire de la légalité de la détention sont susceptibles de favoriser la torture et les mauvais traitements (art. 2 et 11).

L’État partie devrait prendre toutes les mesures nécessaires pour lutter contre les disparitions forcées et la pratique des arrestations massives sans mandat et des détentions arbitraires sans inculpation ni procédure judiciaire. Il devrait expliquer si les pouvoirs d’arrestation et de détention qu’ont les différents services et forces de sécurité sont prévus par la législation, notamment la loi de procédure pénale; il devrait réduire au minimum le nombre de forces et services de sécurité dotés de ces pouvoirs. En outre, il devrait prendre toutes les mesures appropriées pour garantir l’application de la législation pertinente, afin de réduire encore la durée de la détention avant inculpation, et concevoir et appliquer des mesures de substitution à la privation de liberté, comme la libération conditionnelle, la médiation, le travail d’intérêt général ou les peines avec sursis. Il est invité à donner des informations détaillées sur toute enquête menée sur les nombreux cas de détention signalés pendant les «événements de Bani Hashish », survenus en mai 2008.

Prise en otage de proches

14)Bien que la délégation de l’État partie ait affirmé que la prise d’otages était illégale au Yémen, le Comité se dit gravement préoccupé par la pratique, qui lui a été signalée, consistant à prendre en otage des proches d’auteurs présumés d’infractions, y compris des enfants et des personnes âgées, et de les garder parfois pendant des années, afin de contraindre les délinquants présumés à se livrer à la police; il souligne aussi que cette pratique constitue une violation de la Convention. À ce sujet, il prend note avec une préoccupation particulière du cas de Mohammed Al-Baadani, enlevé par un chef de tribu en 2001, à l’âge de 14 ans, parce que son père n’avait pas remboursé des dettes, et qui serait toujours détenu dans une prison d’État sans qu’il y ait de date fixée pour son procès (art. 12 et 16).

L’État partie devrait, à titre prioritaire, cesser la pratique consistant à prendre en otage des proches d’auteurs présumés d’infractions, et punir les coupables. Il devrait également donner des informations à jour sur le cas de Mohammed Al- Baadani .

Allégations d’exécutions extrajudiciaires

15)Tout en prenant note de ce qu’il est indiqué dans les réponses à la liste de points que les exécutions extrajudiciaires, arbitraires ou sommaires constituent des violations de la Convention et des lois en vigueur, et qu’il est «peu probable qu’elles soient pratiquées», le Comité se dit gravement préoccupé par les informations faisant état d’exécutions extrajudiciaires par les forces de sécurité et d’autres violations graves des droits de l’homme commises dans différentes régions du pays, en particulier dans la province septentrionale de Saada et dans le sud (art. 2, 12 et 16).

L’État partie devrait prendre des mesures efficaces pour enquêter sans délai et de manière impartiale sur toutes les allégations d’implication de membres des forces de l’ordre et des organes de sécurité dans des exécutions extrajudiciaires et d’autres violations graves des droits de l’homme commises dans différentes régions du pays, en particulier dans la province septentrionale de Saada et dans le sud.

Plaintes et enquêtes promptes et impartiales

16)Le Comité note les informations sur le mécanisme de plainte données par l’État partie dans ses réponses à la liste des points à traiter, mais il demeure préoccupé par l’apparente incapacité des autorités à mener sans délai des enquêtes impartiales sur les nombreuses allégations de torture et de mauvais traitements et à poursuivre les auteurs présumés. Il est particulièrement préoccupé par le fait que l’on ne sait pas clairement à quelle autorité incombe la responsabilité générale d’examiner les plaintes individuelles pour torture et mauvais traitements imputés à des membres des forces de l’ordre, de la sécurité, de l’armée et du personnel pénitentiaire et d’ouvrir des enquêtes sur ces affaires. Il regrette également l’absence d’informations, notamment statistiques, sur le nombre de plaintes pour torture et mauvais traitements et sur les résultats et l’issue de toutes les procédures engagées tant dans le domaine pénal que sur le plan disciplinaire (art. 11, 12 et 6).

L’État partie devrait renforcer les mesures prises pour que des enquêtes approfondies, impartiales et efficaces soient menées rapidement sur toutes les allégations de torture et de mauvais traitements imputés à des membres des forces de l’ordre, de la sécurité, de l’armée et du personnel pénitentiaire. En particulier, ces enquêtes ne devraient pas être effectuées par la police ou l’armée ni sous leur autorité, mais par un organisme indépendant. Pour les affaires dans lesquelles il existe une forte présomption que la plainte pour torture ou mauvais traitements est fondée, la règle devrait être que le suspect soit suspendu de ses fonctions ou muté pendant la durée de l’enquête, afin d’éviter tout risque qu’il fasse obstruction à celle-ci, ou qu’il continue de commettre des actes proscrits par la Convention.

L’État partie devrait poursuivre les auteurs et prononcer contre ceux qui sont reconnus coupables des peines appropriées, afin que les agents de l’État qui sont responsables d’actes contraires à la Convention en répondent.

Le Comité demande à l’État partie de donner des informations, notamment statistiques, sur le nombre de plaintes pour torture et mauvais traitements et sur les résultats et l’issue de toutes les procédures engagées au pénal et sur le plan disciplinaire. Ces informations devraient être ventilées par sexe, âge et origine ethnique de l’auteur de la plainte et préciser quelle autorité a mené l’enquête.

Poursuites judiciaires et indépendance du pouvoir judiciaire

17)Le Comité accueille avec satisfaction les renseignements détaillés donnés par l’État partie sur les garanties juridiques qui assurent l’inamovibilité des juges, la procédure de nomination des juges, la durée de leur mandat, les règles constitutionnelles ou législatives qui régissent leur inamovibilité et la façon dont ils peuvent être démis de leurs fonctions. Tout en notant les informations données dans les réponses à la liste des points à traiter qui indiquent que des modifications sont actuellement apportées aux lois relatives au pouvoir judiciaire de façon à renforcer l’indépendance de ce dernier, le Comité se dit préoccupé par les informations faisant état du manque d’efficacité et d’indépendance du pouvoir judiciaire, malgré l’existence de garanties constitutionnelles et les mesures prises pour réformer le système judiciaire, notamment dans le cadre de la Stratégie nationale pour la modernisation et le développement de la magistrature (2005-2015). Il craint en particulier que cela ne fasse obstacle à l’ouverture d’enquêtes et de poursuites dans les affaires de torture et de mauvais traitements. À ce sujet, il est préoccupé par les informations faisant état de l’ingérence du pouvoir exécutif, et de l’amovibilité des juges. Il note que l’article 150 de la Constitution interdit sans exception la création de tribunaux spéciaux, mais il est aussi préoccupé par la création, en vertu d’un décret de 1999, du Tribunal pénal spécial, et par le fait que ce tribunal ne respecterait pas les normes internationales d’équité des procès (art. 2, 12 et 13).

L’État partie devrait prendre les mesures nécessaires pour établir et garantir l’indépendance et l’impartialité totales du pouvoir judiciaire dans l’exercice de ses fonctions, conformément aux normes internationales, notamment aux Principes fondamentaux relatifs à l’indépendance de la magistrature. À ce sujet, il devrait veiller à ce que le pouvoir judiciaire soit protégé contre toute ingérence, en particulier du pouvoir exécutif, en droit et dans la pratique. Il devrait également renforcer le rôle des juges et des procureurs en ce qui concerne l’ouverture d’enquêtes et de poursuites dans les affaires de torture et de mauvais traitements ainsi que la légalité de la détention, notamment en dispensant aux juges et aux procureurs une formation appropriée sur les obligations découlant de la Convention.

En outre, l’État partie devrait dissoudre le Tribunal pénal spécial , étant donné que les procès tenus devant cette juridiction d’exception représentent une violation des principes fondamentaux d’un procès équitable.

Sanctions pénales

18)Le Comité est toujours préoccupé par le fait que certaines sanctions pénales (houdoud) telles que la flagellation, les coups et même l’amputation de membres, sont encore prévues par la loi et appliquées dans l’État partie, en violation de la Convention. Il est également préoccupé par les informations indiquant que, dans tout le pays, des tribunaux prononcent presque quotidiennement des peines de flagellation pour des infractions liées à la consommation d’alcool et des infractions sexuelles, et que ces peines sont exécutées immédiatement, en public, sans possibilité de faire appel. Il s’inquiète aussi du pouvoir discrétionnaire étendu conféré aux juges pour prononcer ces peines et de ce qu’elles puissent être imposées de manière discriminatoire contre certains groupes, notamment les femmes (art. 1er, 2 et 16).

L’État partie devrait mettre immédiatement un terme à ces pratiques et modifier sa législation en conséquence, eu égard en particulier aux effets discriminatoires de ces sanctions pénales sur différents groupes, notamment les femmes, afin qu’elle soit pleinement compatible avec la Convention.

Personnes déplacées

19)Le Comité est gravement préoccupé par le grand nombre de personnes déplacées dans la province septentrionale de Saada et par le fait que l’État partie n’aurait pas pris des mesures suffisantes pour assurer la protection des personnes touchées par le conflit dans le nord, en particulier des personnes déplacées qui sont actuellement enfermées dans des camps (art. 12 et 16).

L’État partie devrait prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer la protection des personnes touchées par le conflit dans la province septentrionale de Saada, en particulier des personnes déplacées actuellement enfermées dans des camps.

Défenseurs des droits de l’homme, militants politiques, journalistes et autres personnes en danger

20)Le Comité prend note avec préoccupation des allégations indiquant, notamment au sujet des événements survenus récemment dans la région de Saada, que de nombreux opposants au Gouvernement, notamment des défenseurs des droits de l’homme, des militants politiques et des journalistes, ont fait l’objet d’arrestations et de détentions arbitraires, ont été détenus au secret pour des périodes allant de plusieurs jours à plusieurs mois, se sont vu refuser l’accès à un avocat et n’ont pas eu la possibilité de contester la légalité de leur détention devant les tribunaux. Le Comité regrette l’absence d’informations sur les enquêtes menées sur ces allégations (art. 2, 12 et 16).

L’État partie devrait prendre toutes les mesures nécessaires pour que toutes les personnes, y compris les personnes qui surveillent la situation des droits de l’homme, soient protégées contre tout acte d’intimidation ou de violence du fait de leurs activités et de l’exercice des garanties des droits de l’homme, pour que de tels actes fassent rapidement l’objet d’une enquête impartiale et efficace, et pour que leurs auteurs soient poursuivis et condamnés à des peines en rapport avec la nature de leurs actes. L’État partie devrait donner des informations au sujet des enquêtes menées sur les événements survenus récemment dans la région de Saada, ainsi que sur les résultats de ces enquêtes.

Application de la peine de mort

21)Tout en notant les informations données par l’État partie dans les réponses à la liste des points à traiter, le Comité se dit préoccupé par le fait que 283 condamnations à mort ont été exécutées durant la période 2006-2008. Il reste également profondément préoccupé par les informations selon lesquelles des mineurs âgés de 15 à 18 ans auraient été condamnés à mort. Le Comité s’inquiète aussi des conditions d’incarcération des condamnés à mort, qui sont telles qu’elles peuvent constituer un traitement cruel, inhumain ou dégradant, en particulier à cause de la durée excessive de la détention dans le quartier des condamnés à mort. Il note en outre avec préoccupation que le rapport de l’État partie et les réponses à la liste de points ne donnent pas d’informations ventilées par sexe, âge et appartenance ethnique sur le nombre exact de personnes exécutées pendant la période considérée, les infractions commises par ces personnes, et le nombre de personnes se trouvant actuellement dans le quartier des condamnés à mort (art. 2 et 16).

Le Comité recommande à l’État partie d’envisager de ratifier le deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, visant à l’abolition de la peine capitale. En attendant, l’État partie devrait revoir sa politique en matière de condamnation à la peine de mort, et en particulier prendre les mesures nécessaires pour que la peine capitale ne soit pas prononcée dans le cas d’enfants. De plus, l’État partie devrait faire en sorte que sa législation prévoie la possibilité de commuer la condamnation à mort, en particulier quand il s’est écoulé de longues années depuis qu’elle a été prononcée. L’État partie devrait veiller à ce que tous les condamnés à mort bénéficient de la protection assurée par la Convention et soient traités avec humanité.

Le Comité prie de nouveau l’État partie de donner des informations détaillées sur le nombre exact de personnes exécutées pendant toute la période considérée, en précisant quelles infractions avaient été commises et si des enfants ont été condamnés à mort et exécutés. L’État partie devrait également indiquer le nombre de personnes se trouvant actuellement dans le quartier des condamnés à mort, en ventilant les données par sexe, âge, origine ethnique et infraction.

Non-refoulement

22)Tout en notant les informations données par l’État partie dans les réponses à la liste des points à traiter, le Comité demeure préoccupé par les nombreux cas de retour forcé d’étrangers dans leur pays, notamment vers l’Égypte, l’Érythrée et l’Arabie saoudite, sans que les intéressés aient accès à un recours utile, ce qui pourrait être contraire aux obligations imposées par l’article 3 de la Convention. Il regrette également le manque d’informations sur les mesures prises par l’État partie pour s’assurer que ces personnes ne couraient pas un risque réel d’être soumises à la torture ou à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants dans le pays de destination, ou qu’elles ne seraient pas ultérieurement expulsées vers un autre pays où elles courraient un risque réel d’être soumises à la torture ou à des mauvais traitements. Il regrette aussi que l’État partie n’ait pas pris de mesures de suivi à cet égard (art. 3).

L’État partie ne devrait en aucun cas expulser, renvoyer ou extrader une personne vers un État où il y a des motifs sérieux de croire qu’elle risque d’être soumise à la torture ou à des mauvais traitements. Il devrait veiller à respecter intégralement les dispositions de l’article 3 de la Convention et faire en sorte que la situation des personnes relevant de sa juridiction soit prise suffisamment en considération par les autorités compétentes et que ces personnes soient traitées de façon équitable à tous les stades de la procédure, y compris en ayant la possibilité d’obtenir un réexamen effectif, indépendant et impartial des décisions d’expulsion, de renvoi ou d’extradition.

Lorsqu’il détermine si l’obligation de non-refoulement découlant de l’article 3 de la Convention s’applique, l’État partie devrait examiner minutieusement, sur le fond, chaque cas particulier, s’assurer qu’il existe des mécanismes judiciaires appropriés pour réexaminer la décision, et mettre en place des arrangements effectifs pour suivre la situation de l’intéressé après son retour. Les mêmes dispositions devraient être prises pour les personnes susceptibles de constituer une menace pour la sécurité.

Institution nationale de défense des droits de l’homme

23)Le Comité note avec intérêt les informations communiquées par la délégation de l’État partie qui indiquent que le Gouvernement a décidé d’étudier la possibilité de créer une institution nationale indépendante des droits de l’homme. Il regrette cependant que cette institution n’ait pas encore été mise en place. Il note également que le Ministère des droits de l’homme a pour mandat de recevoir les plaintes, mais il regrette l’absence d’informations sur la façon dont ces plaintes sont traitées ainsi que sur les enquêtes et les poursuites engagées et les sanctions pénales ou administratives prononcées contre les auteurs (art. 2, 11 et 12).

L’État partie devrait, en priorité, continuer d’œuvrer à la mise en place d’une institution nationale de défense des droits de l’homme conformément aux Principes concernant le statut des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l’homme (Principes de Paris) (résolution 48/134 de l’Assemblée générale). Il est également prié de fournir des informations, y compris des données statistiques, sur les plaintes reçues par le Ministère des droits de l’homme et sur les enquêtes et les poursuites engagées et les sanctions pénales ou administratives prononcées contre les auteurs.

Situation des femmes en détention

24)Le Comité prend note des informations données par l’État partie dans les réponses à la liste des points à traiter. Il se dit toutefois gravement préoccupé par les informations indiquant que les conditions de détention ne sont pas appropriées pour les femmes, qu’il n’y a pas de personnel féminin dans les prisons pour femmes, à l’exception du centre de détention de Hajah, et qu’il n’y a pas de soins de santé spécifiques pour les prisonnières, notamment pour les femmes enceintes et pour les enfants. Les détenues sont fréquemment harcelées, humiliées et maltraitées par les gardiens et certaines seraient victimes de violence sexuelle, notamment de viol. Le Comité se dit une nouvelle fois préoccupé par la situation des femmes qui ont exécuté leur peine mais qui restent en prison pendant une longue période, parce que leur tuteur ou leur famille refusent de les accueillir ou ne sont pas en mesure d’acquitter le «prix du sang» qu’elles ont été condamnées à payer (CAT/C/CR/31/4, par. 6 h)). Le Comité relève aussi avec préoccupation que la majorité des détenues ont été condamnées pour prostitution, adultère, alcoolisme ou comportement illégal ou indécent dans un lieu public ou privé, ainsi que pour avoir enfreint les restrictions à la liberté de mouvement imposées par les traditions familiales et les lois yéménites; il note aussi avec préoccupation que les peines en question sont appliquées de manière discriminatoire envers les femmes (art. 1er, 2, 4, 11 et 16).

L’État partie devrait prendre des mesures efficaces pour prévenir la violence sexuelle contre les femmes en détention, et notamment revoir les politiques et procédures qui régissent la surveillance et le traitement des détenus, séparer les femmes des hommes, faire appliquer les règlements qui prévoient que les détenues doivent être surveillées par des femmes, et suivre les cas de violence sexuelle en détention et en établir l’existence.

L’État partie devrait également prendre des mesures efficaces pour que les détenus qui auraient été victimes de violence sexuelle puissent en faire état sans s’exposer à des mesures punitives de la part du personnel, pour protéger les détenus qui dénoncent des violences sexuelles contre les représailles du ou des agresseurs, pour ouvrir sans délai des enquêtes efficaces et impartiales et engager des poursuites dans tous les cas de violence sexuelle en détention et pour garantir aux victimes l’accès à des soins médicaux et des soins de santé mentale, en toute confidentialité, ainsi qu’une réparation, y compris, le cas échéant, sous la forme d’une indemnisation et d’une aide à la réadaptation. L’État partie est prié de fournir des données ventilées par sexe, âge et origine ethnique des victimes de violence sexuelle, et des informations sur les enquêtes, les poursuites engagées et les sanctions prononcées.

En outre, l’État partie devrait veiller à ce que les femmes incarcérées aient accès à des infrastructures de santé adéquates et à ce que des programmes de réadaptation soient mis en place pour assurer la réinsertion de ces femmes dans la communauté même si leur tuteur ou leur famille refuse de les accueillir. À ce sujet, le Comité demande à l’État partie de l’informer de toute mesure prise pour créer des foyers de transition pour ces femmes, comme il l’avait recommandé dans ses précédentes observations finales (CAT/C/CR/31/4, par. 7 k)).

Enfants en détention

25)Tout en notant avec satisfaction les informations données par l’État partie sur les progrès accomplis en ce qui concerne le système de justice pour mineurs, et indiquant qu’un projet de modification de la loi sur la protection des mineurs qui porterait à 10 ans l’âge minimum de la responsabilité pénale est actuellement à l’examen, le Comité reste vivement préoccupé par la persistance de la pratique consistant à placer en détention des enfants, y compris des enfants de 7 ou 8 ans. Il est également préoccupé par les informations selon lesquelles les enfants, souvent, ne sont pas séparés des adultes dans les établissements de détention et sont fréquemment victimes de violence. Le Comité reste également préoccupé par le fait que l’âge minimum de la responsabilité pénale, fixé à 7 ans, est extrêmement bas, et par d’autres carences du système de justice pour mineurs (art. 2, 4, 11 et 16).

L’État partie devrait d’urgence relever l’âge minimum de la responsabilité pénale afin de le rendre conforme aux normes internationales généralement acceptées. Il devrait également prendre toutes les mesures nécessaires pour réduire sensiblement le nombre d’enfants en détention et veiller à ce que les personnes de moins de 18 ans ne soient pas détenus avec des adultes, à ce que soient appliquées des mesures de substitution à la privation de liberté, comme la libération conditionnelle, le travail d’intérêt général ou les peines avec sursis, à ce que les professionnels de la réadaptation et de la réinsertion sociale des enfants bénéficient d’une formation suffisante et à ce que la privation de liberté ne soit prononcée qu’à titre de mesure de dernier ressort, pour une durée aussi brève que possible et dans des conditions appropriées. À ce sujet, le Comité fait siennes les recommandations formulées par le Comité des droits de l’enfant (CRC/C/15/ Add .267, par. 76 et 77). Il demande à l’État partie de fournir des statistiques sur le nombre d’enfants en détention, ventilées par sexe, âge et appartenance ethnique.

Formation

26)Le Comité prend note des informations détaillées sur les programmes de formation et de sensibilisation figurant dans le rapport de l’État partie et les réponses à la liste des points à traiter. Toutefois, il est préoccupé par les informations limitées sur les programmes de sensibilisation et de formation qui peuvent être dispensés aux membres du Département de la sécurité politique, de l’Autorité de sécurité nationale et du Ministère de l’intérieur ainsi que sur les éventuels programmes de formation destinés aux médecins légistes et au personnel médical qui s’occupe des détenus, pour leur apprendre à déceler les séquelles physiques et psychologiques de la torture et à en consigner l’existence. Il regrette également l’absence d’informations sur le suivi des programmes de formation et l’évaluation de leur efficacité pour la réduction du nombre de cas de torture et de mauvais traitements (art. 10).

L’État partie devrait continuer à concevoir et à renforcer les programmes de formation pour garantir que tous les fonctionnaires − forces de l’ordre, agents de sécurité, militaires et personnel pénitentiaire − connaissent bien les dispositions de la Convention, que les violations signalées ne seront pas tolérées et donneront lieu à enquête, et faire en sorte que les contrevenants seront poursuivis en justice. À ce sujet, il est prié de fournir des informations sur tout programme de sensibilisation et de formation destiné aux membres du Département de la sécurité politique, de l’Autorité de sécurité nationale et du Ministère de l’intérieur. De plus, tous les personnels concernés devraient recevoir une formation spécifique sur la façon de déceler les signes de torture et de mauvais traitements, et cette formation devrait notamment porter sur l’utilisation du Manuel pour enquêter efficacement sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (Protocole d’Istanbul), qui devrait être fourni aux médecins et effectivement utilisé. En outre, l’État partie devrait évaluer l’efficacité et l’incidence de ces programmes de formation et d’enseignement.

Réparation, y compris l’indemnisation et la réadaptation

27)Le Comité se dit une nouvelle fois préoccupé par l’absence d’informations sur les modalités d’indemnisation et de réadaptation des victimes d’actes de torture et de mauvais traitements infligés par des agents de l’État partie (CAT/C/CR/31/4, par. 6 g)) ainsi que sur le nombre de victimes de la torture et de mauvais traitements qui ont pu recevoir une indemnisation et le montant des sommes accordées en pareil cas. Le Comité regrette également l’absence d’informations sur les services de traitement et de réadaptation sociale et sur les autres formes d’assistance, notamment les services de réadaptation médicale ou psychosociale proposés aux victimes (art. 14).

L’État partie devrait intensifier ses efforts pour offrir aux victimes d’actes de torture et de mauvais traitements une indemnisation juste et adéquate, une réparation et la réadaptation la plus complète possible. En outre, il devrait donner des informations sur les mesures de réparation et d’indemnisation ordonnées par les tribunaux et dont ont bénéficié les victimes de la torture ou leur famille au cours de la période considérée. Ces informations devraient notamment porter sur le nombre de requêtes présentées, le nombre de requêtes satisfaites, et les montants accordés et effectivement versés dans chaque cas. En outre, l’État partie devrait donner des renseignements sur tout programme de réparation, notamment sur le traitement des traumatismes et les autres formes de réadaptation offertes aux victimes d’actes de torture et de mauvais traitements, et allouer des ressources suffisantes pour assurer le bon fonctionnement de ces programmes.

Aveux obtenus sous la contrainte

28)Le Comité note qu’en vertu des garanties constitutionnelles et des dispositions du Code de procédure pénale les preuves obtenues par la torture ne sont pas recevables, mais il est préoccupé par les informations faisant état de nombreux cas d’aveux obtenus par la torture et par l’absence d’informations sur les agents publics qui auraient pu être poursuivis et sanctionnés pour avoir ainsi extorqué des aveux (art. 15).

L’État partie devrait prendre les mesures nécessaires pour garantir dans tous les cas que les aveux obtenus par la torture ou la contrainte soient irrecevables par les tribunaux conformément à la législation interne et aux dispositions de l’article 15 de la Convention. Le Comité demande à l’État partie de donner des renseignements sur l’application des dispositions interdisant que des preuves obtenues par la torture soient recevables et d’indiquer si des agents publics ont été poursuivis et sanctionnés pour avoir ainsi extorqué des aveux.

Violence familiale

29)Le Comité note qu’une équipe de juristes a été chargée d’examiner la législation interne relative aux femmes et d’en supprimer toutes les dispositions discriminatoires qui seraient incompatibles avec les instruments internationaux relatifs aux droits des femmes. Il note également que dans le rapport de l’État partie il est fait référence à l’adoption de la loi no 6 de 2008 sur la protection contre la violence familiale (CAT/C/YEM/2, par. 132 à 146). Il regrette le peu d’informations fournies sur la teneur et la mise en œuvre de cette loi. Il note avec une vive préoccupation que la violence contre les femmes et les enfants, y compris la violence familiale, reste répandue au Yémen. Il s’inquiète également de ce que les femmes rencontreraient des difficultés pour porter plainte et demander réparation pour de tels actes. En outre, il est préoccupé par le fait que, en vertu de l’article 232 du Code pénal, un homme, ou un parent de sexe masculin, qui tue sa femme ou une femme de la famille soupçonnée d’adultère n’est pas poursuivi pour meurtre mais pour un délit moins grave. Il est aussi préoccupé par l’absence de données, notamment de statistiques, sur les plaintes, les poursuites et les condamnations dans le cas des homicides commis contre des femmes par leur mari ou un parent de sexe masculin et des actes de violence familiale (art. 1er, 2, 12 et 16).

L’État partie devrait intensifier ses efforts pour prévenir, combattre et réprimer la violence contre les femmes et les enfants, y compris la violence familiale. Le Comité l’encourage à participer directement aux programmes de réadaptation et d’assistance juridique et à mener des campagnes de sensibilisation à plus grande échelle à l’intention de tous les agents (juges, personnel de justice, membres des forces de l’ordre et travailleurs sociaux) qui sont en contact direct avec les victimes. Il lui recommande également d’établir des procédures claires pour le dépôt de plaintes concernant la violence contre les femmes et de créer dans les postes de police et les services des procureurs des sections féminines qui seraient chargées de ces plaintes et enquêtes.

L’État partie devrait abroger l’article 232 du Code pénal pour que les homicides de femmes commis par leur mari ou un parent de sexe masculin fassent l’objet des mêmes poursuites et des mêmes peines que tout autre meurtre. Il devrait aussi intensifier ses efforts dans les domaines de la recherche et de la collecte de données sur l’ampleur de la violence familiale et des homicides de femmes tuées par leur mari ou un parent. Le Comité lui demande également de lui fournir des données statistiques sur les plaintes déposées pour de tels faits, les poursuites engagées et les condamnations prononcées.

Traite

30)Le Comité note qu’il est indiqué dans les réponses à la liste des points à traiter que «le problème de la traite des enfants» relève pour une grande part des migrations irrégulières des enfants, et non pas du trafic des enfants, et il note également que l’État partie a adopté plusieurs mesures pour prévenir et combattre ce phénomène. Le Comité se dit toutefois profondément préoccupé par les informations indiquant que des femmes et des enfants font l’objet d’un trafic à des fins d’exploitation sexuelle ou autre, notamment de cas de traite d’enfants à destination de l’étranger, essentiellement de l’Arabie saoudite. Il est également préoccupé par le manque général d’informations sur l’ampleur de la traite dans l’État partie, notamment sur le nombre de plaintes, les enquêtes, les poursuites et les condamnations, ainsi que sur les mesures concrètes prises pour prévenir et combattre ce phénomène (art. 1er, 2, 12 et 16).

L’État partie devrait intensifier ses efforts pour prévenir et combattre la traite des femmes et des enfants et coopérer étroitement avec les autorités saoudiennes dans les affaires de traite d’enfants. Il devrait offrir une protection aux victimes et leur assurer l’accès aux services médicaux, sociaux et juridiques et aux services de réadaptation, y compris, le cas échéant, à des services de conseil. Il devrait également créer les conditions permettant aux victimes d’exercer leur droit de porter plainte, mener sans délai des enquêtes impartiales et efficaces sur toutes les allégations de traite et veiller à ce que les coupables soient traduits en justice et condamnés à des peines à la mesure de la gravité des infractions. Il est prié de fournir de plus amples informations sur les mesures prises pour offrir une assistance aux victimes de la traite ainsi que des données statistiques sur le nombre de plaintes, d’enquêtes, de poursuites et de condamnations.

Mariages précoces

31)Le Comité note avec intérêt les informations communiquées par la délégation de l’État partie indiquant qu’un projet d’amendement législatif visant à relever l’âge minimum du mariage a été approuvé par le Conseil des ministres et est actuellement devant le Parlement. Le Comité demeure cependant vivement préoccupé par la modification apportée à la loi no 20 de 1992 relative au statut personnel par la loi no 24 de 1999, qui a légalisé le mariage des filles de moins de 15 ans, avec le consentement de leur tuteur. Il se dit préoccupé par la «légalité» de ces mariages précoces de filles qui n’ont parfois pas plus de 8 ans, et souligne qu’ils s’apparentent à une forme de violence à l’encontre des filles concernées ainsi qu’à une forme de traitement inhumain ou dégradant, et constituent donc une violation de la Convention. Le Comité se dit également préoccupé par les taux de mortalité maternelle et infantile très élevés, notamment par le nombre considérable de filles qui mourraient chaque jour des complications d’un accouchement (art. 1er, 2 et 16).

L’État partie devrait prendre d’urgence des mesures législatives pour relever l’âge minimum du mariage pour les filles, conformément à l’article premier de la Convention relative aux droits de l’enfant, selon lequel toute personne de moins de 18 ans doit être considérée comme un enfant, et au paragraphe 2 de l’article 16 de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, et disposer expressément que les mariages d’enfants n’ont pas d’effet juridique. Le Comité engage aussi instamment l’État partie à faire respecter l’obligation d’enregistrer tous les mariages afin de contrôler leur légalité, ainsi que la stricte interdiction des mariages précoces, et à poursuivre les contrevenants, conformément aux recommandations faites par le Comité sur l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes (CEDAW/C/YEM/CO/6, par. 31) et dans le cadre de l’Examen périodique universel (A/HRC/12/13).

Harcèlement d’une organisation non gouvernementale participant aux travauxdu Comité

32)Le Comité se dit gravement préoccupé par les informations faisant état de menaces, d’intimidations et de harcèlement visant les membres de l’organisation non gouvernementale Forum arabe des sœurs pour les droits de l’homme, qui a coordonné un rapport conjoint présenté en parallèle au Comité avant qu’il n’examine la situation dans l’État partie à sa quarante-troisième session, et qui lui a également communiqué des informations au cours de la présente session. Le Comité s’inquiète de ce que ces menaces et intimidations pourraient être liées aux activités pacifiques de cette organisation non gouvernementale en ce qui concerne la promotion et la protection des droits de l’homme, en particulier le dépistage et la consignation des cas de torture. Il regrette vivement que l’État partie n’ait pas répondu à la lettre que le Président du Comité lui a adressée le 3 décembre 2009, dans laquelle il appelait son attention sur cette question et lui demandait de donner des informations sur les mesures prises pour appliquer, en particulier à l’égard de la Présidente de l’organisation non gouvernementale, les articles 12, 13 et 16 de la Convention ainsi que le paragraphe 20 des observations finales provisoires du Comité.

Le Comité demande une nouvelle fois à l’État partie de donner d’urgence des informations sur les mesures prises pour appliquer, en particulier à l’égard des membres du Forum arabe des sœurs pour les droits de l’homme, les articles 12, 13 et 16 de la Convention ainsi que le paragraphe 20 des observations finales provisoires du Comité.

Collecte de données

33)Le Comité regrette l’absence de données complètes et détaillées sur les plaintes, les enquêtes, les poursuites et les condamnations dans les affaires de torture et de mauvais traitements infligés par les forces de l’ordre, le personnel de sécurité, les militaires et le personnel pénitentiaire, ainsi que sur les exécutions extrajudiciaires, les disparitions forcées, la traite et la violence familiale et sexuelle (art. 12 et 13).

L’État partie devrait compiler des données statistiques pertinentes pour la surveillance de l’application de la Convention au niveau national, notamment des données sur les plaintes, les enquêtes, les poursuites et les condamnations dans les affaires de torture et de mauvais traitements, les exécutions extrajudiciaires, les disparitions forcées, la traite et la violence familiale et sexuelle ainsi que sur la réparation offerte aux victimes, y compris l’indemnisation et la réadaptation.

Coopération avec les mécanismes des Nations Unies relatifs aux droits de l’homme

34) Le Comité recommande à l’État partie de renforcer sa coopération avec les mécanismes des Nations Unies relatifs aux droits de l’homme, notamment en autorisant les visites, entre autres, du Rapporteur spécial sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, du Rapporteur spécial sur la promotion et la protection des droits de l’homme et des libertés fondamentales dans la lutte antiterroriste, du Rapporteur spécial sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires, et du Groupe de travail sur la détention arbitraire.

35) Prenant acte de l’engagement pris par le Yémen dans le cadre de l’examen périodique universel (A/HRC/12/13, par. 93 4)), le Comité recommande à l’État partie d’envisager de ratifier dès que possible le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

36) Le Comité recommande à l’État partie d’envisager de faire les déclarations prévues aux articles 21 et 22 de la Convention.

37) Rappelant ses observations finales précédentes (CAT/C/CR/31/4, par. 4 d)), le Comité recommande à l’État partie d’envisager de ratifier le Statut de Rome de la Cour pénale internationale.

38) Le Comité invite l’État partie à signer et à ratifier les principaux instruments des Nations Unies relatifs aux droits de l’homme auxquels il n’est pas encore partie: la Convention sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille et la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées.

39) Le Comité invite l’État partie à soumettre son document de base en suivant les instructions relatives à l’établissement du document de base commun qui figurent dans les directives harmonisées pour l’établissement des rapports, approuvées par les organes créés en vertu d’instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme (HRI/GEN/2/ Rev .6).

40) L’État partie est invité à diffuser largement les rapports qu’il a soumis au Comité ainsi que les observations finales, dans les langues voulues, par l’intermédiaire des sites Web officiels, des médias et des organisations non gouvernementales.

41) Le Comité demande à l’État partie de donner, dans un délai d’un an, des informations sur la suite qu’il aura donnée aux recommandations du Comité contenues dans les paragraphes 10, 12, 16, 31 et 32 qui précèdent.

42) L’État partie est invité à soumettre son prochain rapport périodique, qui sera son troisième rapport, d’ici au 14 mai 2014.

IV.Suivi des observations finales relatives aux rapportsdes États parties

65.Dans le présent chapitre, le Comité dresse un tableau actualisé de ses constatations et activités au titre du suivi des observations finales adoptées en application de l’article 19 de la Convention, conformément à la procédure établie pour le suivi des observations finales relatives aux rapports de pays. On y trouvera ci-après un récapitulatif des réponses reçues des États parties et des activités de la Rapporteuse pour le suivi des observations finales au titre de l’article 19 de la Convention, y compris les vues de la Rapporteuse sur les résultats de cette procédure. Ces renseignements ont été mis à jour à la date de la clôture de la quarante-quatrième session, le 14 mai 2010.

66.Au chapitre IV de son rapport annuel pour 2005-2006 (A/61/44), le Comité a exposé le cadre qu’il avait mis en place pour assurer le suivi des conclusions et recommandations adoptées relativement aux rapports soumis par les États parties en application de l’article 19 de la Convention. Il a inclus dans chacun de ses rapports annuels des renseignements sur les réponses reçues des États parties depuis le lancement de cette procédure en mai 2003.

67.Conformément au paragraphe 2 de l’article 68 de son règlement intérieur, le Comité a institué le poste de rapporteur pour le suivi des observations finales au titre de l’article 19 de la Convention et nommé Mme Felice Gaer pour le pourvoir. La Rapporteuse a présenté un rapport intérimaire sur les résultats de la procédure en novembre 2009 et mai 2010.

68.À l’issue de l’examen de chaque rapport d’État partie, le Comité expose des sujets de préoccupation et recommande des mesures spécifiques visant à prévenir les actes de torture et les mauvais traitements. Le Comité aide ainsi les États parties à déterminer les mesures législatives, judiciaires, administratives et autres à mettre en œuvre pour faire en sorte que leur législation et leur pratique soient parfaitement conformes aux obligations énoncées dans la Convention.

69.Le Comité a identifié un certain nombre de recommandations qui requéraient un complément d’information spécifique dans un délai d’un an aux fins de la procédure de suivi. Les recommandations ainsi retenues ont en commun de porter sur des faits graves, d’avoir une finalité de protection et de pouvoir être mises en œuvre en l’espace d’un an. Les États parties sont priés de fournir dans les douze mois des renseignements sur les mesures qu’ils auront prises pour donner une suite auxdites recommandations, lesquelles sont explicitement mentionnées dans l’un des derniers paragraphes des observations finales les concernant.

70.Entre la mise en place de la procédure (en mai 2003, lors de la trentième session) et la fin de la quarante-quatrième session, en mai 2010, le Comité a examiné 95 rapports d’États parties pour lesquels il a demandé des renseignements sur la suite donnée à ses recommandations. Il convient de noter que le Comité a examiné deux rapports périodiques du Chili, de la Lettonie, de la Lituanie et de la Nouvelle-Zélande depuis la mise en place de la nouvelle procédure. Sur les 81 États parties qui devaient envoyer des renseignements aux fins du suivi avant le 14 mai 2010, 57 l’avaient fait. Les 24 États qui n’avaient envoyé aucune réponse au 14 mai 2010 alors que le délai était échu étaient les suivants: République de Moldova, Cambodge, Cameroun, Bulgarie, Ouganda, République démocratique du Congo, Pérou, Togo, Burundi, Afrique du Sud, Tadjikistan, Luxembourg, Bénin, Costa Rica, Indonésie, Zambie, Lituanie (observations finales de 2009), Tchad, Chili, Honduras, Israël, Nouvelle-Zélande, Nicaragua, Philippines.

71.La Rapporteuse envoie un rappel à chacun des pays qui n’ont pas fourni les renseignements demandés sur la suite donnée aux recommandations. Des informations sur les réponses reçues des États parties dans le cadre du suivi des observations finales sont disponibles sur le site Web du Comité, pour chacune de ses sessions. A compter de 2010, une page Web séparée est consacrée au suivi (http://www2.ohchr.org/english/bodies/ cat/follow-procedure.htm).

72.Les 24 États parties qui n'avaient fourni aucune information au titre du suivi au 14 mai 2010 appartenaient à toutes les régions du monde. Alors qu'environ un tiers avait soumis un rapport initial, les deux tiers en étaient à leur deuxième, troisième ou même quatrième rapport périodique.

73.La Rapporteuse se félicite des renseignements envoyés par les États parties sur les mesures prises pour s’acquitter de leurs obligations en vertu de la Convention. Elle a procédé à une évaluation des réponses reçues pour déterminer si tous les points mentionnés par le Comité (généralement entre trois et six recommandations) avaient été suivis d’effet, si les renseignements pouvaient être qualifiés de satisfaisants et si de plus amples renseignements s’imposaient. Chacune de ses lettres répond spécifiquement et en détail aux renseignements fournis par l’État partie concerné. Lorsqu’un complément d’information est nécessaire, la Rapporteuse écrit à l’État partie pour lui demander des éclaircissements sur certains points précis. Elle écrit aussi aux États qui n’ont pas donné du tout les renseignements demandés pour les inviter à le faire.

74.À sa trente-huitième session, en mai 2007, le Comité a décidé de rendre publiques les lettres de la Rapporteuse aux États parties et de les afficher sur son site Web. Le Comité a également décidé d’attribuer une cote de l’ONU à toutes les réponses des États parties au titre du suivi et de les afficher aussi sur son site.

75.Comme les recommandations adressées à chaque État partie sont formulées en fonction de la situation propre au pays concerné, les réponses reçues et les lettres de la Rapporteuse sollicitant des éclaircissements portent sur des sujets très divers. Dans les lettres demandant aux États parties de plus amples renseignements sont abordés des points précis jugés essentiels pour la mise en œuvre de la recommandation considérée. Un certain nombre des points mentionnés tiennent compte des renseignements donnés alors que d’autres concernent des sujets non traités qui sont estimés essentiels pour les travaux du Comité dans l’optique de l’adoption de mesures efficaces de prévention et de protection propres à éliminer la torture et les mauvais traitements.

76.Les principales activités de la Rapporteuse pendant l'année écoulée ont été les suivantes: participation aux réunions intercomités tenues à Genève, au cours desquelles les procédures de suivi ont été débattues avec les membres des autres organes conventionnels et il a été décidé de créer un groupe de travail sur le suivi; déclaration devant le Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes à sa session d’août 2009 à New York concernant différents aspects de la procédure de suivi; évaluation des réponses des États parties et rédaction des lettres de suivi adressées aux pays, selon les besoins; mise à jour des renseignements reçus dans le cadre de la procédure de suivi.

77.En outre, la Rapporteuse a entrepris une étude de la procédure de suivi du Comité, en commençant par un examen du nombre et de la nature des sujets abordés par le Comité dans les demandes de renseignements adressées aux États parties au titre du suivi. Elle a exposé certaines de ses conclusions préliminaires au Comité en novembre 2009 puis en mai 2010; elle a notamment présenté des graphiques montrant que le nombre de sujets ayant fait l’objet d’un suivi a nettement augmenté depuis la trente-cinquième session du Comité. Sur les 87 pays examinés entre le lancement de la procédure et la quarante-troisième session (novembre 2009), les demandes de renseignements aux fins du suivi ont porté sur un à trois paragraphes pour 14 États parties, quatre ou cinq paragraphes pour 38 États parties, et six paragraphes ou plus pour 35 États parties. La Rapporteuse a appelé l'attention des membres du Comité sur cette tendance et il a été convenu en mai 2010 que des efforts seraient faits pour limiter, chaque fois que possible, le nombre de paragraphes visés par les demandes de suivi à cinq au maximum.

78.La Rapporteuse a également constaté que certains sujets étaient plus souvent abordés que d'autres dans le cadre de la procédure de suivi. Plus précisément, pour tous les États parties examinés depuis le lancement de la procédure de suivi, les sujets les plus fréquemment retenus ont été les suivants:

Ouverture immédiate d’enquêtes impartiales et efficaces

76 %

Poursuites et sanctions à l’encontre des auteurs de violations

61 %

Garanties légales

57 %

Droit de porter plainte et de voir sa cause examinée

43 %

Formation et sensibilisation

43 %

Techniques d'interrogatoire conformes à la Convention

39 %

Réparation et réadaptation

38 %

Lutte contre la violence fondée sur le sexe, protection des femmes

34 %

Surveillance des lieux de détention/visites par un organisme indépendant

32 %

Collecte de données sur la torture et les mauvais traitements

30 %

Amélioration des conditions de détention, y compris la réductionde la surpopulation

28 %

79.Dans sa correspondance avec les États parties, la Rapporteuse a dégagé plusieurs sujets de préoccupation récurrents qui ne sont pas pleinement traités dans les réponses; une liste de ces sujets (indicative et non exhaustive) a été donnée dans les rapports annuels précédents. En résumé, la Rapporteuse considère qu’il serait extrêmement utile de disposer de renseignements plus précis, par exemple de listes de prisonniers et de détails sur les décès en détention et les enquêtes médico-légales.

80.À l’issue de nombreux échanges avec les États parties, la Rapporteuse a constaté la nécessité de renforcer les activités d’établissement des faits et de surveillance dans de nombreux États parties. En outre, la collecte et l'analyse des statistiques de la police et de la justice pénale laissent souvent à désirer. Lorsque le Comité demande de telles données, il est fréquent que les États parties ne les fournissent pas. La Rapporteuse a souligné en outre l’importance de l’ouverture immédiate d’enquêtes approfondies et impartiales sur les allégations de violations dans une optique de protection. Le meilleur moyen d’agir en la matière est souvent la réalisation d’inspections inopinées par des organismes indépendants. Le Comité a reçu des documents, des renseignements et des plaintes dénonçant l'absence de tels organes de surveillance, le manque d'indépendance de ces organes ou le fait que ceux-ci ne mettent pas en œuvre les recommandations visant à améliorer leur fonctionnement.

81.La Rapporteuse a également souligné qu’il était important que les États parties donnent des instructions claires sur l'interdiction absolue de la torture dans le cadre de la formation des forces de l'ordre et autres personnels concernés. Les États parties devraient fournir des informations sur les résultats des examens médicaux et des autopsies et recenser les signes de torture, y compris en particulier la violence sexuelle. Les États parties devraient également informer le personnel sur la nécessité de garantir et préserver les preuves. La Rapporteuse a constaté de nombreuses lacunes dans les statistiques nationales, y compris sur les mesures pénales et disciplinaires contre les membres des forces de l'ordre. La tenue de registres exacts, couvrant toutes les étapes de la procédure de détention, est essentielle et requiert une plus grande attention. Toutes ces mesures contribuent à protéger l'individu contre la torture ou d'autres formes de mauvais traitements, telles que définies dans la Convention.

82.Les tableaux ci-après récapitulent les réponses reçues dans le cadre de la procédure de suivi au 14 mai 2010, date de la clôture de la quarante-quatrième session du Comité. Y figurent également, le cas échéant, les remarques des États parties concernant les observations finales.

Procédure de suivi des observations finales (mai 2003 ‑mai 2010)

Trentième session (mai 2003)

État partie

Informations demandées pour

Informations reçues le (y compris les remarques)

Mesure prise

Azerbaïdjan

Mai 2004

7 juillet 2004CAT/C/CR/30/RESP/1

Demande d’éclaircissements

Rép. de Moldova

Mai 2004

-

Rappel

Trente et unième session (novembre 2003)

État partie

Informations demandées pour

Informations reçues le

Mesure prise

Cambodge

Novembre 2004

-

Rappel

Cameroun

Novembre 2004

-

Rappel

Colombie

Novembre 2004

24 mars 2006CAT/C/COL/CO/3/Add.1

RappelDemande d’éclaircissements

17 octobre 2007CAT/C/COL/CO/3/Add.2

Demande d’éclaircissements

Remarques:17 décembre 2009CAT/C/COL/CO/3/Add.3

Lettonie

Novembre 2004

3 novembre 2004CAT/C/CR/31/RESP/1

Demande d’éclaircissements

14 mai 2007CAT/C/LVA/CO/1/Add.2

Informations en cours d’examen

Lituanie

Novembre 2004

7 décembre 2004CAT/C/CR/31/RESP/1

Demande d’éclaircissements

25 octobre 2006CAT/C/LTU/CO/1/Add.2

Demande d’éclaircissementsInformations en cours d’examen

Maroc

Novembre 2004

22 novembre 2004CAT/C/CR/31/2/Add.1

Demande d’éclaircissements

31 juillet 2006CAT/C/MAR/CO/3/Add.2

30 octobre 2006CAT/C/MAR/CO/3/Add.3

Informations en cours d’examen

Yémen

Novembre 2004

22 août 2005CAT/C/CR/31/4/Add.1

Demande d’éclaircissements

Trente-deuxième session (mai 2004)

État partie

Informations demandées pour

Informations reçues le

Mesure prise

Allemagne

Mai 2005

4 août 2005CAT/C/CR/32/7/RESP/1

Demande d’éclaircissements

27 septembre 2008CAT/C/CR/32/7/RESP/2

Informations en cours d’examen

Bulgarie

Mai 2005

-

Rappel

Chili

Mai 2005

22 janvier 2007CAT/C/38/CRP.4

RappelDemande d’éclaircissements

Croatie

Mai 2005

16 février 2009CAT/C/HRV/CO/3/Add.2

RappelDemande d’éclaircissements

12 juillet 2006CAT/C/HRV/CO/3/Add.1

Informations en cours d’examen

Monaco

Mai 2005

30 mars 2006CAT/C/MCO/CO/4/Add.1

RappelDemande d’éclaircissements

Nouvelle-Zélande

Mai 2005

9 juin 2005CAT/C/CR/32/4/RESP/1

Remarques:19 décembre 2006CAT/C/NZL/CO/3/Add.2

Demande d’éclaircissements

République tchèque

Mai 2005

25 avril 2005CAT/C/CZE/CO/3/Add.1

Demande d’éclaircissements

14 janvier 2008CAT/C/CZE/CO/3/Add.2

Informations en cours d’examen

Trente-troisième session (novembre 2004)

État partie

Informations demandées pour

Informations reçues le

Mesure prise

Argentine

Novembre 2005

2 février 2006CAT/C/ARG/CO/4/Add.1

Demande d’éclaircissements

Grèce

Novembre 2005

14 mars 2006CAT/C/GRC/CO/4/Add.1

RappelDemande d’éclaircissements

8 octobre 2008CAT/C/GRC/CO/4/Add.2

Informations en cours d’examen

Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord

Novembre 2005

14 mars 2006CAT/C/GBR/CO/4/Add.1

RappelDemande d’éclaircissements

Trente-quatrième session (mai 2005)

État partie

Informations demandées pour

Informations reçues le

Mesure prise

Albanie

Mai 2006

15 août 2006CAT/C/ALB/CO/1/Add.1

Demande d’éclaircissements

Bahreïn

Mai 2006

21 novembre 2006CAT/C/BHR/CO/1/Add.1

Demande d’éclaircissementsInformations en cours d’examen

13 février 2009 CAT/C/BHR/CO/1/Add.2

Canada

Mai 2006

2 juin 2006CAT/C/CAN/CO/4/Add.1

Demande d’éclaircissements

Finlande

Mai 2006

19 mai 2006CAT/C/FIN/CO/4/Add.1

Demande d’éclaircissements

2 décembre 2008CAT/C/FIN/CO/4/Add.2

Informations en cours d’examen

Ouganda

Mai 2006

-

Rappel

Suisse

Mai 2006

16 juin 2005CAT/C/CR/34/CHE/Add.1

Rappel

15 mai 2007CAT/C/CHE/CO/4/Add.2

Demande d’éclaircissements

Trente-cinquième session (novembre 2005)

État partie

Informations demandées pour

Informations reçues le

Mesure prise

Autriche

Novembre 2006

24 novembre 2006CAT/C/AUT/CO/3/Add.1

Demande d’éclaircissements

Bosnie-Herzégovine

Novembre 2006

Remarques:1er février 2006CAT/C/BIH/CO/1/Add.1

RappelDemande d’éclaircissements

6 mai 2007CAT/C/BIH/CO/1/Add.2

Équateur

Novembre 2006

20 novembre 2006CAT/C/ECU/CO/3/Add.1

Demande d’éclaircissements

France

Novembre 2006

13 février 2007CAT/C/FRA/CO/3/Add.1

Informations en cours d’examen

Népal

Novembre 2006

1er juin 2007CAT/C/NPL/CO/2/Add.1

RappelDemande d’éclaircissements

Rép. démocratique du Congo

Novembre 2006

-

Rappel

Sri Lanka

Novembre 2006

22 novembre 2006CAT/C/LKA/CO/2/Add.1

Demande d’éclaircissements

Trente-sixième session (mai 2006)

État partie

Informations demandées pour

Informations reçues le

Mesure prise

États-Unis d’Amérique

Mai 2007

25 juillet 2007CAT/C/USA/CO/2/Add.1

Demande d’éclaircissementsDemande d’éclaircissements supplémentaires

Géorgie

Mai 2007

31 mai 2007CAT/C/GEO/CO/3/Add.1

Demande d’éclaircissements

Guatemala

Mai 2007

15 novembre 2007CAT/C/GTM/CO/4/Add.1

RappelDemande d’éclaircissements

1er juin 2009 CAT/C/GTM/CO/4/Add.2

Informations en cours d’examen

Pérou

Mai 2007

-

Rappel

Qatar

Mai 2007

12 décembre 2006CAT/C/QAT/CO/1/Add.1

Demande d’éclaircissements

République de Corée

Mai 2007

27 juin 2007CAT/C/KOR/CO/2/Add.1

Demande d’éclaircissementsInformations en cours d’examen

10 juillet 2009 CAT/C/KOR/CO/2/Add.2

Togo

Mai 2007

-

Rappel

Trente-septième session (novembre 2006)

État partie

Informations demandées pour

Informations reçues le

Mesure prise

Afrique du Sud

Novembre 2007

-

Rappel

Burundi

Novembre 2007

-

Rappel

Fédération de Russie

Novembre 2007

23 août 2007CAT/C/RUS/CO/4/Add.1

Demande d’éclaircissements

Guyana

Novembre 2007

5 décembre 2008 CAT/C/GUY/CO/1/Add.1

RappelDemande d’éclaircissements

Hongrie

Novembre 2007

15 novembre 2007CAT/C/HUN/CO/4/Add.1

Demande d’éclaircissements

Mexique

Novembre 2007

14 août 2008CAT/C/MEX/CO/4/Add.1

Demande d’éclaircissements Informations en cours d’examen

7 janvier 2010 CAT/C/MEX/CO/4/Add.1

Tadjikistan

Novembre 2007

-

Rappel

Trente-huitième session (mai 2007)

État partie

Informations demandées pour

Informations reçues le

Mesure prise

Danemark

Mai 2008

18 juillet 2008CAT/C/DNK/CO/5/Add.1

Demande d’éclaircissements

Italie

Mai 2008

9 mai 2008CAT/C/ITA/CO/4/Add.1

Demande d’éclaircissements

Japon

Mai 2008

29 mai 2008CAT/C/JPN/CO/1/Add.1

Demande d’éclaircissements

Luxembourg

Mai 2008

-

Rappel

Pays-Bas

Mai 2008

17 juin 2008CAT/C/NET/CO/4/Add.1

Informations en cours d’examen

Pologne

Mai 2008

12 juin 2008CAT/C/POL/CO/4/Add.1

Informations en cours d’examen

Ukraine

Mai 2008

21 avril 2009CAT/UKR/CO/5/Add.1

RappelInformations en cours d’examen

Trente-neuvième session (novembre 2007)

État partie

Informations demandées pour

Informations reçues le

Mesure prise

Bénin

Novembre 2008

-

Rappel

Estonie

Novembre 2008

19 janvier 2009CAT/C/EST/CO/4/Add.1

RappelInformations en cours d’examen

Lettonie

Novembre 2008

9 février 2010 CAT/C/LVA/CO/2/Add.1

RappelInformations en cours d’examen

Norvège

Novembre 2008

9 juillet 2009 CAT/C/NOR/CO/5/Add.1

RappelDemande d’éclaircissements

Ouzbékistan

Novembre 2008

19 février 2008(y compris remarques)CAT/C/UZB/CO/3/Add.1

Rappel et demande d’éclaircissements

7 janvier 2010 CAT/C/UZB/CO/3/Add.2

Informations en cours d’examen

Portugal

Novembre 2008

23 novembre 2007(y compris remarques)CAT/C/PRT/CO/4/Add.1

Demande d’éclaircissements

Quarantième session (mai 2008)

État partie

Informations demandées pour

Informations reçues le

Mesure prise

Algérie

Mai 2009

29 mai 2008(y compris remarques)CAT/C/DZA/CO/3/Add.1

Rappel et demande d’éclaircissements

Australie

Mai 2009

29 mai 2009 CAT/C/AUS/CO/3/Add.1

Demande d’éclaircissements

Costa Rica

Mai 2009

-

Rappel

Ex-Rép. yougoslave de Macédoine

Mai 2009

15 septembre 2009 CAT/C/MKD/CO/Add.1

Informations en cours d’examen

Indonésie

Mai 2009

-

Rappel

Islande

Mai 2009

22 décembre 2009 CAT/C/ISL/CO/3/Add.1

Rappel Informations en cours d’examen

Suède

Mai 2009

11 juin 2009 CAT/C/SWE/CO/5/Add.1

Informations en cours d’examen

Zambie

Mai 2009

-

Rappel

Quarante et unième session (novembre 2008)

État partie

Informations demandées pour

Informations reçues le

Mesure prise

Belgique

Novembre 2009

17 mars 2010 CAT/C/BEL/CO/2/Add.1

Informations en cours d’examen

Chine

Novembre 2009

Remarques:17 décembre 2008 CAT/C/CHN/CO/4/Add.1

26 novembre 2009CAT/C/CHN/CO/4/Add.2

Informations en cours d’examen (Chine)

Hong Kong

7 janvier 2010(Hong Kong) (CAT/C/HKG/CO/4/Add.1

Informations en cours d’examen (Hong Kong)

Macao

8 mars 2010 (Macao) CAT/C/MAC/CO/4/Add.1

Informations en cours d’examen (Macao)

Kazakhstan

Novembre 2009

25 février 2010 CAT/C/KAZ/CO/2/Add.1

Informations en cours d’examen

Kenya

Novembre 2009

30 novembre 2009 CAT/C/KEN/CO/1/Add.1

Demande d’éclaircissements

Lituanie

Novembre 2009

Monténégro

Novembre 2009

6 avril 2009CAT/C/MNE/CO/1/Add.1

Informations en cours d’examen

Serbie

Novembre 2009

5 février 2010 CAT/C/SRB/CO/1/Add.1

Informations en cours d’examen

Quarante-deuxième session (mai 2009)

État partie

Informations demandées pour

Informations reçues le

Mesure prise

Chili

Mai 2010

Honduras

Mai 2010

Israël

Mai 2010

Nicaragua

Mai 2010

Nouvelle-Zélande

Mai 2010

Philippines

Mai 2010

Tchad

Mai 2010

Quarante-troisième session (novembre 2009)

État partie

Informations demandées pour

Informations reçues le

Mesure prise

Azerbaïdjan

Novembre2010

Colombie

Novembre2010

El Salvador

Novembre 2010

Espagne

Novembre2010

République de Moldova

Novembre2010

Slovaquie

Novembre2010

Quarante-quatrième session (mai 2010)

État partie

Informations demandées pour

Informations reçues le

Mesure prise

Autriche

Mai 2011

Cameroun

Mai 2011

France

Mai 2011

Jordanie

Mai 2011

Liechtenstein

Mai 2011

République arabe syrienne

Mai 2011

Suisse

Mai 2011

Yémen

Mai 2011

V.Activités menées par le Comité en application de l’article 20 de la Convention

83.En vertu du paragraphe 1 de l’article 20 de la Convention, s’il reçoit des renseignements crédibles qui lui semblent contenir des indications fondées attestant que la torture est pratiquée systématiquement sur le territoire d’un État partie, le Comité invite ledit État à coopérer à l’examen des renseignements et, à cette fin, à lui faire part de ses observations à ce sujet.

84.Conformément à l’article 69 du Règlement intérieur du Comité, le Secrétaire général porte à l’attention du Comité les renseignements qui sont ou semblent être présentés pour examen par le Comité au titre du paragraphe 1 de l’article 20 de la Convention.

85.Le Comité ne reçoit aucun renseignement concernant un État partie qui, conformément au paragraphe 1 de l’article 28 de la Convention, a déclaré, au moment où il a ratifié la Convention ou y a adhéré, qu’il ne reconnaissait pas la compétence accordée au Comité aux termes de l’article 20, à moins que cet État n’ait ultérieurement levé sa réserve conformément au paragraphe 2 de l’article 28 de la Convention.

86.Le Comité a poursuivi ses travaux en application de l’article 20 de la Convention pendant la période couverte par le présent rapport. Conformément aux dispositions de l’article 20 de la Convention et des articles 72 et 73 du Règlement intérieur, tous les documents et tous les travaux du Comité afférents aux fonctions qui lui sont confiées en vertu de l’article 20 sont confidentiels et toutes les séances concernant ses travaux au titre de ce même article sont privées. Toutefois, conformément au paragraphe 5 de l’article 20, le Comité peut, après consultations avec l’État partie intéressé, décider de faire figurer dans son rapport annuel aux États parties et à l’Assemblée générale un résumé des résultats desdits travaux.

87.Dans le cadre des activités de suivi, les rapporteurs pour l’article 20 ont continué à encourager les États parties ayant fait l’objet d’une enquête dont les résultats ont été publiés à prendre des mesures pour donner suite aux recommandations du Comité.

VI.Examen de requêtes reçues en application de l’article 22de la Convention

A.Introduction

88.Conformément à l’article 22 de la Convention, les particuliers qui affirment être victimes d’une violation par un État partie de l’un quelconque des droits énoncés dans la Convention ont le droit d’adresser une requête au Comité contre la torture pour examen, sous réserve des conditions énoncées dans cet article. Soixante-quatre États, qui ont adhéré à la Convention ou l’ont ratifiée, ont déclaré reconnaître la compétence du Comité pour recevoir et examiner des requêtes en vertu de l’article 22 de la Convention. La liste de ces États figure à l’annexe III. Le Comité ne peut pas recevoir de requête concernant un État partie à la Convention qui n’a pas reconnu sa compétence en vertu de l’article 22.

89.Conformément au paragraphe 1 de l’article 98 de son règlement intérieur, le Comité a créé la fonction de rapporteur chargé des nouvelles requêtes et des mesures provisoires qui est actuellement occupée par M. Fernando Mariño. M. Mariño a donné au Comité un aperçu de la situation relative aux nouvelles requêtes présentées conformément à l’article 22 de la Convention.

90.Les requêtes soumises en vertu de l’article 22 de la Convention sont examinées en séance privée (art. 22, par. 6). Tous les documents relatifs aux travaux du Comité au titre de l’article 22 (observations des parties et autres documents de travail du Comité) sont confidentiels. Les modalités de la procédure d’examen des requêtes sont définies en détail aux articles 107 et 109 du Règlement intérieur du Comité.

91.Le Comité formule une décision à la lumière de tous les renseignements qui lui ont été apportés par le requérant et par l’État partie. Ses constatations sont communiquées aux parties (art. 22, par. 7, de la Convention, et art. 112 du Règlement intérieur) et sont ensuite rendues publiques. Le texte des décisions du Comité déclarant des requêtes irrecevables en vertu de l’article 22 de la Convention est également rendu public, sans révéler l’identité du requérant mais en identifiant l’État partie.

92.Conformément au paragraphe 1 de l’article 115 de son règlement intérieur, le Comité peut décider d’inclure dans son rapport annuel un résumé des requêtes examinées. Il inclut aussi dans son rapport annuel le texte de ses décisions en vertu du paragraphe 7 de l’article 22 de la Convention.

B.Mesures provisoires de protection

93.Il est fréquent que les requérants demandent une protection à titre préventif, en particulier quand ils sont sous le coup d’une mesure d’expulsion ou d’extradition imminente et invoquent une violation de l’article 3 de la Convention. En vertu du paragraphe 1 de l’article 108 du Règlement intérieur, le Comité, par l’intermédiaire de son Rapporteur chargé des nouvelles requêtes et des mesures provisoires, peut, à tout moment après avoir reçu une requête, adresser à l’État partie une demande tendant à ce qu’il prenne les mesures provisoires que le Comité juge nécessaires pour éviter qu’un préjudice irréparable ne soit causé à la victime ou aux victimes de la violation alléguée. L’État partie est informé que la demande de mesures provisoires ne préjuge pas la décision qui sera prise en définitive sur la recevabilité ou sur le fond de la requête. Le Rapporteur chargé des nouvelles requêtes et des mesures provisoires vérifie régulièrement s’il est donné suite aux demandes de mesures provisoires émanant du Comité.

94.Le Rapporteur chargé des nouvelles requêtes et des mesures provisoires a élaboré les méthodes de travail concernant le retrait des demandes de mesures provisoires. Lorsque les circonstances donnent à penser qu’une demande de mesures provisoires peut être reconsidérée avant l’examen de la requête quant au fond, il convient d’ajouter à la demande une formule type indiquant que la demande est adressée à l’État partie compte tenu d’éléments d’information communiqués par le requérant dans sa requête mais qu’elle peut être reconsidérée, à l’initiative de l’État partie, à la lumière des renseignements ou observations reçus de sa part ou, le cas échéant, d’observations complémentaires apportées par le requérant. Certains États parties ont adopté la pratique de demander systématiquement le retrait de la demande de mesures provisoires de protection. La position du Rapporteur est que pareille demande n’appelle une réponse que si des éléments nouveaux et pertinents, dont le Rapporteur n’avait pas connaissance quand il a pris la décision de demander l’application de mesures provisoires, sont avancés.

95.Le Comité a arrêté les critères de fond et de forme devant être appliqués par le Rapporteur chargé des nouvelles requêtes et des mesures provisoires pour accepter ou ne pas accepter une demande de mesures provisoires de protection. Outre la présentation en temps voulu de la demande de mesures provisoires par le requérant, en application du paragraphe 1 de l’article 108, les critères de recevabilité principaux énoncés aux paragraphes 1 à 5 de l’article 22 de la Convention doivent être remplis pour que le Rapporteur donne suite à la demande. L’épuisement des recours internes n’est nécessaire que si les seuls recours ouverts au requérant n’ont pas d’effet suspensif − par exemple dans le cas de recours dont le dépôt n’entraîne pas automatiquement le sursis à exécution d’un arrêté d’expulsion − ou si le requérant risque l’expulsion immédiate après le rejet définitif de sa demande d’asile. En pareil cas, le Rapporteur peut demander à l’État partie de ne pas expulser le requérant tant que le Comité est saisi de sa plainte, même avant que les recours internes ne soient épuisés. Pour ce qui est des critères portant sur le fond, la plainte doit avoir de fortes chances d’aboutir sur le fond pour que le Rapporteur conclue qu’un préjudice irréparable risque d’être causé à la victime présumée si elle est expulsée.

96.Dans les cas où l’expulsion ou l’extradition est imminente, lorsque la requête ne donne pas à penser que la plainte aura des chances raisonnables d’aboutir sur le fond, ce qui permettrait au Rapporteur chargé des nouvelles requêtes et des mesures provisoires de conclure qu’un préjudice irréparable risque d’être causé à la victime alléguée si elle est expulsée, le requérant est invité par écrit à confirmer qu’il souhaite voir le comité examiner sa communication bien que le Rapporteur chargé des nouvelles requêtes et des mesures provisoires ait rejeté la demande de mesures provisoires le concernant.

97.Le Comité n’ignore pas qu’un certain nombre d’États parties ont signalé avec préoccupation que des mesures provisoires de protection étaient trop souvent demandées au motif d’une violation de l’article 3, en particulier quand l’expulsion du requérant est dite imminente, alors qu’il n’y a pas suffisamment d’éléments factuels pour justifier une demande de mesures provisoires. Le Comité prend cette préoccupation au sérieux et est disposé à en discuter avec les États parties. Il souhaite souligner à ce sujet que, dans certains cas, les demandes de mesures provisoires sont levées par le Rapporteur, sur la base des renseignements donnés par l’État partie concerné montrant que ces mesures ne sont plus nécessaires.

C.Travaux accomplis

98.Au moment de l’adoption du présent rapport, le Comité avait, depuis 1989, enregistré 420 requêtes, concernant 30 États parties, dont 106 avaient été classées et 60 déclarées irrecevables. Le Comité avait adopté des constatations sur le fond pour 164 requêtes et constaté que 49 faisaient apparaître des violations de la Convention. Il avait encore à examiner 88 plaintes et avait suspendu l’examen d’une plainte jusqu’à l’épuisement des recours internes.

99.À sa quarante-troisième session, le Comité a déclaré irrecevable la requête no 307/2006 (E. Y. c. Canada). Le requérant affirmait que son renvoi forcé en Iraq constituerait une violation par l’État partie de l’article 3 de la Convention car il existe des motifs sérieux de croire qu’il serait torturé, voire tué dans l’Iraq actuel, parce qu’il avait été membre de la Garde républicaine de Saddam Hussein et qu’il était musulman sunnite. Le Comité a déclaré cette requête irrecevable pour non-épuisement des recours internes, estimant que le requérant n’avait pas produit suffisamment d’éléments justifiant qu’il ne s’était pas prévalu de la possibilité de demander le contrôle judiciaire de la décision d’examen des risques avant renvoi ou de la décision concernant sa demande pour motifs humanitaires. Il n’avait pas non plus expliqué pourquoi il n’avait pas complété le dossier de sa demande d’autorisation de contrôle judiciaire par la Cour fédérale de la décision de l’Agence des services frontaliers du Canada de ne pas surseoir à son expulsion. Le texte de cette décision est reproduit dans la section B de l’annexe XIII du présent rapport.

100.Toujours à sa quarante-troisième session, le Comité a adopté des constatations au sujet des requêtes nos 331/2007 (M. M. c. Canada) et 348/2008 (F. A. B. c. Suisse). Le texte de ces décisions est reproduit dans la section A de l’annexe XIII du présent rapport.

101.La requête no 331/2007 (M. M. c. Canada) concernait un ressortissant burundais membre de l’organisation burundaise Puissance Autodéfense (PA)-Amasekanya qui, depuis 1994, dénonçait l’impunité dont bénéficiaient les responsables du génocide contre les Tutsis. Pour l’auteur, les membres de cette organisation impliquée dans la lutte contre le génocide et la protection des minorités au Burundi couraient des risques de torture ou de mauvais traitements lorsqu’ils s’exprimaient ou tentaient de faire des manifestations publiques. Le requérant faisait valoir que s’il était renvoyé au Burundi, il ferait l’objet de tortures, en violation de l’article 3 de la Convention, du fait de son appartenance et de son engagement au sein de l’association PA-Amasekanya. Après avoir examiné ces griefs et les éléments présentés par le requérant ainsi que les arguments de l’État partie, le Comité a conclu, sur le fond, que le requérant n’avait pas apporté d’éléments suffisants pour étayer son affirmation selon laquelle il serait torturé s’il était renvoyé au Burundi et, par conséquent, que son renvoi dans ce pays ne constituerait pas une violation de l’article 3 de la Convention.

102.S’agissant de la requête no 348/2008 (F. A. B. c. Suisse), le requérant affirmait que son expulsion vers la Côte d’Ivoire constituerait une violation de l’article 3 de la Convention car il risquait d’y être torturé ou de subir des traitements inhumains ou dégradants par les soldats ivoiriens, les rebelles libériens ou les habitants de Para, village situé dans le département ivoirien de Tabou, à la frontière avec le Libéria. Le Comité a noté que, selon l’État partie, le récit par le requérant des événements qui avaient précipité son départ de Côte d’Ivoire était peu vraisemblable, qu’il n’avait ni prétendu avoir été actif politiquement, ni avoir subi de la torture et que sa persécution par les autorités, à son retour, semblait peu probable. Le Comité a observé que depuis l’accord de paix en Côte d’Ivoire, le pays ne connaissait pas de violence généralisée, ni de violations systématiques, graves, flagrantes ou massives de droits de l’homme. Il a constaté par ailleurs que les allégations du requérant n’allaient pas au-delà de supputations et que le risque émanant des rebelles libériens et villageois, en plus d’apparaître peu probable, ne pouvait pas être imputé aux autorités ivoiriennes. En ce qui concerne le risque de torture par les autorités ivoiriennes, le Comité a noté l’absence d’éléments objectifs permettant d’établir son existence au-delà du récit du requérant. Il a également noté que le requérant n’avait à aucun moment cherché la protection des autorités ivoiriennes. Le Comité a donc considéré que le requérant n’avait pas fourni d’éléments de preuve suffisants permettant de conclure que son retour en Côte d’Ivoire lui ferait courir un risque réel, actuel et personnel d’être soumis à la torture. Aucune violation de l’article 3 de la Convention n’a été constatée en l’espèce.

103.À sa quarante-quatrième session, le Comité a adopté des décisions sur le fond concernant les requêtes nos 302/2006 (A.M. c. France), 322/2007 (Njamba et Balikosac. Suède), 355/2008 (C.M. c. Suisse) et 356/2008 (N.S. c. Suisse). Le texte de ces décisions est reproduit dans la section A de l’annexe XIII du présent rapport.

104.Dans la requête no 300/2006 (A.M. c. France) le requérant a affirmé qu’il craignait pour sa vie dans son pays d’origine, la République démocratique du Congo, en raison, entre autres, de l’appui qu’il avait apporté au régime de Mobutu, et que la France violerait les obligations qui lui incombaient en vertu de l’article 3 de la Convention si elle le renvoyait de force dans son pays. L’État partie a contesté la crédibilité du requérant et l’authenticité de plusieurs documents fournis au Comité. Après avoir examiné l’ensemble des informations et des éléments de preuve soumis par le requérant et les arguments de l’État partie, le Comité a conclu que le requérant n’avait pas réfuté d’une manière suffisamment convaincante les objections de l’État partie concernant sa crédibilité et qu’il n’avait pas été en mesure de prouver l’authenticité de certains des documents qu’il avait fournis. Le Comité a estimé que le requérant n’avait pas apporté suffisamment de preuves satisfaisantes ou de détails pour corroborer son affirmation quant à l’existence d’un risque réel et personnel d’être torturé en cas de renvoi en République démocratique du Congo. En conséquence, le Comité a conclu que le requérant n’avait pas étayé son affirmation selon laquelle il courait un risque prévisible réel et personnel d’être torturé à son retour en République démocratique du Congo. De ce fait, aucune violation de l’article 3 n’a été constatée.

105.La requête no 322/2007 (Njamba et Balikosac. Suède) a été présentée par une femme et sa fille mineure qui affirment qu’il y aurait violation de l’article 3 de la Convention au cas où elles seraient expulsées de Suède en République démocratique du Congo. Elles font valoir qu’il existe de sérieux motifs de croire qu’elles risquent d’être torturées par les forces de sécurité, ainsi que par des familles cherchant à se venger de l’appartenance et de l’appui de l’époux/père des requérantes aux forces rebelles. Elles affirment également que la première requérante était infectée par le VIH et qu’elle ne serait pas en mesure de se procurer des médicaments antiviraux en République démocratique du Congo. Tout en reconnaissant que la situation des droits de l’homme laissait à désirer dans certaines parties de la République démocratique du Congo, en particulier dans les zones de conflit, l’État partie a fait valoir, entre autres, qu’il avait l’intention de renvoyer les requérantes dans la province de l’Équateur, qui selon lui était épargnée par le conflit. Il a en outre affirmé que les requérantes n’avaient pas prouvé qu’elles couraient un risque réel et personnel d’être torturées. En ce qui concerne la recevabilité le Comité a rappelé, à propos de l’affirmation de la première requérante relative à son expulsion et à sa séropositivité, que selon sa jurisprudence l’aggravation de l’état de santé physique ou mentale d’une personne à la suite de son expulsion ne constituait généralement pas, en l’absence de facteurs supplémentaires, un traitement dégradant contraire à l’article 16, et note qu’il n’avait pas constaté l’existence de tels facteurs dans les circonstances de la cause. Sur le fond, le Comité a noté que même si certains aspects du récit des requérantes étaient contestés, notamment les affirmations concernant les activités politiques de leur époux/père, les principales questions soulevées dans la communication concernaient le poids juridique à donner aux faits qui ne sont pas contestés, tels que le risque que courraient les requérantes sur le plan de la sécurité en cas de renvoi. Il a noté que l’État partie lui-même reconnaissait qu’il y avait des cas de violence sexuelle dans la province de l’Équateur, surtout dans les villages ruraux. Il a fait observer que depuis la dernière réponse de l’État partie, en date du 19 mars 2010, au sujet de la situation générale des droits de l’homme en République démocratique du Congo, de nouvelles informations émanant de l’Organisation des Nations Unies faisaient état d’une violence d’une ampleur alarmante à l’encontre des femmes à travers le pays. Le Comité a estimé que l’état de conflit en République démocratique du Congo, dont témoignent tous les rapports récents de l’Organisation des Nations Unies, faisait qu’il lui était impossible de trouver des régions particulières du pays qui pourraient être considérées comme sûres pour les requérantes, au regard de leur situation actuelle et de l’évolution de celle-ci. En conséquence, le Comité a conclu, après avoir pesé tous les facteurs, qu’il existait de sérieux motifs de craindre que les requérantes soient torturées si elles sont renvoyées en République démocratique du Congo.

106.Dans la requête no 355/2008 (C.M. c. Suisse) le requérant a fait valoir qu’il serait torturé s’il était renvoyé au Congo (Brazzaville), en violation de l’article 3 de la Convention. Soldat de l’armée nationale, il avait été accusé de soutenir l’ancien Président Pascal Lissouba au sein des forces nationales. Ces soupçons étaient nés après que les rebelles eurent attaqué Brazzaville en 1999. Le requérant avait décidé de fuir et de demander l’asile en Suisse parce que, selon lui, les milices «Cobra» le recherchaient depuis l’année 2000. Après avoir examiné les affirmations et les éléments de preuve soumis par le requérant et les arguments de l’État partie, le Comité a conclu que le requérant n’avait pas été en mesure d’expliquer les incohérences relevées par l’État partie dans les documents qu’il avait fournis et dans ses déclarations. Le Comité a également noté que l’État partie avait fait preuve de la diligence voulue dans l’appréciation du risque couru par le requérant. En conséquence, aucune violation de l’article 3 n’a été constatée.

107.La requête no 356/2008 (N.S. c. Suisse) émane d’un ressortissant turc d’origine kurde qui affirme qu’il risque d’être torturé en cas de renvoi en Turquie. Le requérant a expliqué qu’il avait été arrêté et torturé par les autorités en 1993, après avoir été témoin d’une attaque menée par les troupes gouvernementales contre un village qui avait été attribuée par la suite au Parti des travailleurs du Kurdistan. Le Comité n’a pas été convaincu que les faits présentés étaient suffisants pour conclure que le requérant courait un risque prévisible réel et personnel d’être torturé en cas de retour en Turquie. En conséquence, il a conclu que l’expulsion du requérant vers ce pays ne constituerait pas une violation de l’article 3 de la Convention.

D.Activités de suivi

108.À sa vingt‑huitième session, en mai 2002, le Comité contre la torture a modifié son règlement intérieur et institué la fonction de rapporteur chargé du suivi des décisions prises au sujet des requêtes présentées en vertu de l’article 22. À sa 527e séance, le 16 mai 2002, il a décidé que le rapporteur exercerait notamment les activités suivantes: surveiller l’application des décisions du Comité en envoyant des notes verbales aux États parties pour s’informer de la suite qu’ils ont donnée auxdites décisions, recommander au Comité les mesures qu’il convient de prendre au vu des réponses des États parties ou de l’absence de réponse de leur part, ainsi qu’en réponse aux lettres reçues ultérieurement de la part de requérants concernant la non‑application des décisions du Comité, rencontrer les représentants des missions permanentes des États parties pour encourager ceux‑ci à appliquer les décisions du Comité et déterminer s’il serait opportun ou souhaitable que le Haut‑Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme leur fournisse des services consultatifs ou une assistance technique, effectuer, avec l’approbation du Comité, des visites de suivi dans les États parties, et établir périodiquement un rapport sur ses activités à l’intention du Comité.

109.À sa trente‑quatrième session, le Comité, agissant par l’intermédiaire de son rapporteur chargé du suivi des décisions au sujet des requêtes, a décidé qu’en cas de constatation d’une violation de la Convention, y compris dans les décisions prises par le Comité avant la mise en place de la procédure de suivi, les États parties devraient être priés de donner des informations sur toutes les mesures qu’ils auraient prises pour donner suite aux décisions du Comité. À ce jour, les pays ci‑après n’ont pas encore répondu à ces demandes: Canada (Tahir Hussain Khan, requête no 15/1994), la Serbie-et-Monténégro (Dimitrov, requête no 171/2000, Danil Dimitrijevic, requête no 172/2000, Nikolić , Slobodan et Ljiljana, requête no 174/2000, Dragan Dimitrijevic, requête no 207/2002 et Besim Osmanic. République de Serbie, requête no 261/2005) et la Tunisie (Ali Ben Salem, requête no 269/2005).

110.Les mesures prises par les États parties dans les affaires mentionnées ci‑après étaient entièrement conformes aux décisions du Comité et aucune autre mesure ne sera donc prise dans le cadre de la procédure de suivi: Halimi ‑Nedibi Quani c. Autriche (no 8/1991), M. A. K. c. Allemagne (no 214/2002), Hajrizi Dzemajl et consorts c. Serbie-et-Monténégro (no 161/2000), A. J. c. Pays ‑Bas (no 91/1997), Mutombo c. Suisse (no 13/1993), Alan c. Suisse (no 21/1995), Aemei c. Suisse (no 34/1995), V. L. c. Suisse (no 262/2005), El Rgeig c. Suisse (no 280/2005), Tapia Paez c. Suède (no 39/1996), Kisoki c. Suède (no 41/1996), Tala c. Suède (no 43/1996), Avedes Hamayak Korban c. Suède (no 88/1997), Ali Falakaflaki c. Suède (no 89/1997), Orhan Ayas c. Suède (no 97/1997), Halil Haydin c. Suède (no 101/1997), A. S. c. Suède (no 149/1999), Chedli Ben Ahmed Karoui c. Suède (no 185/2001), Dar c. Norvège (no 249/2004), Tharina c. Suède (no 266/2003), C. T. et K. M. c. Suède (no 279/2005), et Jean ‑Patrick Iya c. Suisse (no 299/2006).

111.Dans les affaires ci‑après, le Comité a estimé que, pour diverses raisons, aucune autre mesure ne devait être prise dans le cadre de la procédure de suivi: Elmi c. Australie (no 120/1998), Arana c. France (no 63/1997), et Ltaief c. Tunisie (no 189/2001). Dans une affaire, il a déploré que l’État partie ait manqué à ses obligations en vertu de l’article 3 en expulsant le requérant alors que le Comité avait conclu qu’il existait de motifs sérieux de croire que l’intéressé risquait d’être soumis à la torture: Dadar c. Canada (no 258/2004). Dans une autre affaire, vu le retour volontaire du requérant dans son pays, le Comité a décidé d’interrompre le suivi de l’affaire: Falcon Ríosc. Canada (133/1999).

112.Dans les affaires ci-après, des renseignements supplémentaires sont attendus de l’État partie ou des requérants et/ou le dialogue avec l’État partie se poursuit: Dadar c. Canada (no 258/2004), Brada c. France (no 195/2003), Guengueng et consorts c. Sénégal (no 181/2001),Ristic c. Serbie-et-Monténégro (no 113/1998), Blanco Abadc. Espagne (no 59/1996), Urra Guridi c. Espagne (no 212/2002), Agiza c. Suède (no 233/2003), Thabti c. Tunisie (no 187/2001), Abdelli c. Tunisie (no 188/2001), M’ Barek c. Tunisie (no 60/1996), Saadia Ali c. Tunisie (no 291/2006), Chipana c. Venezuela (no 110/1998), Pelit c. Azerbaïdjan (no 281/2005), Bachan Singh Sogic. Canada (no 297/2006), Tebourski c. France (no 300/2006) et Besim Osmani c. République de Serbie (no 261/2005).

113.Au cours des quarante-troisième et quarante-quatrième sessions, le Rapporteur chargé du suivi des décisions au sujet des requérants a présenté de nouveaux renseignements reçus depuis le dernier rapport annuel concernant le suivi des affaires suivantes: Guengueng et consorts c. Sénégal (no 181/2001), Agizac. Suède (no 233/2003), Bachan Singh Sogic. Canada (no 297/2006), Falcon Ríosc. Canada(no 133/1995), Blanco Abadc. Espagne (no 59/1996), Urra Guridic. Espagne (no 212/2002), M’ Barekc. Tunisie (no 60/1996), etSaadia Alic. Tunisie (no 291/2006).

114.On trouvera ci-après un état complet des réponses reçues au sujet des 49 affaires dans lesquelles le Comité a constaté des violations de la Convention à ce jour, et au sujet d’une affaire dans laquelle il n’a constaté aucune violation mais a fait une recommandation.

Requêtes pour lesquelles le Comité a constaté des violationsde la Convention (jusqu’à la quarante-quatrième session)

État partie

Autriche

Affaire

Halimi- Nedibi Quani , n o 8/1991

Nationalité et pays de renvoi, le cas échéant

Yougoslave

Date d’adoption des constatations

18 novembre 1993

Questions soulevées et violations constatées

Absence d’enquête sur des allégations de torture − article 12

Mesures provisoires demandées et réponse de l’État partie

Aucune

Réparation recommandée

L’État partie est prié de faire en sorte que des violations similaires ne se reproduisent pas.

Date fixée pour la réponse de l’État partie

Aucune

Date de la réponse

12 janvier 2007

Réponse de l’État partie

La décision du Comité a été communiquée aux chefs de tous les parquets. Il a été demandé aux magistrats du ministère public de suivre les principes généraux figurant dans les constatations pertinentes du Comité contre la torture. Le décret du Ministère fédéral de la justice daté du 30 septembre 1999 a renouvelé l’instruction permanente adressée aux parquets d’assurer le suivi de chaque allégation de brutalités de la part des autorités chargées de faire respecter la loi en ouvrant des enquêtes préliminaires ou des instructions préalables. Dans le même temps, le Ministère fédéral de l’intérieur a prié les autorités chargées de faire respecter la loi de notifier sans délai aux parquets compétents les allégations de brutalités portées contre leurs propres agents et tous autres indices d’une affaire de cet ordre. En outre, le décret du Ministère de l’intérieur du 10 novembre 2000 énonce que les autorités chargées de faire respecter la loi sont tenues de communiquer une description des faits ou la teneur de la plainte sans délai au ministère public si l’un de leurs agents fait l’objet d’allégations de brutalités. Par le décret du Ministère fédéral de la justice du 21 décembre 2000, les directeurs d’établissement pénitentiaire ont été priés de suivre la même procédure en cas d’allégations visant des agents chargés de l’exécution des peines.

Commentaires du requérant

Aucun

Décision du Comité

Le Comité a considéré la réponse satisfaisante, compte tenu du temps écoulé depuis qu’il a adopté ses constatations et de l’imprécision de la réparation recommandée. Il a décidé de mettre un terme à l’examen de l’affaire dans le cadre de la procédure de suivi.

État partie

Australie

Affaire

Shek Elmi , n o 120/1998

Nationalité et pays de renvoi, le cas échéant

Somalienne; Somalie

Date d’adoption des constatations

25 mai 1999

Questions soulevées et violations constatées

Renvoi − article 3

Mesures provisoires demandées et réponse de l’État partie

Demandées; acceptées par l’État partie

Réparation recommandée

L’État partie est tenu de s’abstenir de renvoyer de force le requérant en Somalie ou dans tout autre pays d’où il risque d’être expulsé ou renvoyé en Somalie.

Date fixée pour la réponse de l’État partie

Aucune

Date de la réponse

23 août 1999 et 1er mai 2001

Réponse de l’État partie

Le 23 août 1999, l’État partie a répondu aux constatations du Comité, informant ce dernier que le 12 août 1999 le Ministère de l’immigration et des affaires multiculturelles avait décidé qu’il était dans l’intérêt de la société d’exercer les pouvoirs dont l’investissait l’article 48B de la loi sur les migrations de 1958 en autorisant M. Elmi à présenter une autre demande de visa de protection. L’avocat de M. Elmi avait été informé de cette mesure le 17 août 1999 et M. Elmi avait été personnellement avisé le 18 août 1999.

Le 1er mai 2001, l’État partie a informé le Comité que le requérant avait quitté l’Australie de son plein gré et avait par la suite «retiré» sa requête contre l’État partie. Il a expliqué que le requérant avait déposé sa deuxième demande de visa de protection le 24 août 1999. Le 22 octobre 1999, M. Elmi et son conseil avaient eu un entretien avec un agent de l’immigration. Dans sa décision du 2 mars 2000, le Ministre de l’immigration et des affaires multiculturelles s’était déclaré convaincu que le requérant n’était pas une personne envers laquelle l’Australie avait une obligation de protection au titre de la Convention relative au statut des réfugiés et avait refusé de lui accorder un visa de protection. Cette décision avait été confirmée en appel par le tribunal principal. L’État partie a informé le Comité que la nouvelle demande du requérant avait été examinée de manière approfondie à la lumière des nouveaux éléments apparus à la suite de l’examen de la requête par le Comité. Le tribunal n’avait pas jugé le requérant crédible et n’avait pas ajouté foi à sa déclaration selon laquelle il était le fils d’un des anciens du clan Shikal.

Commentaires du requérant

Sans objet

Décision du Comité

Vu que le requérant est parti de son plein gré, aucune autre mesure de suivi n’est nécessaire.

État partie

Azerbaïdjan

Affaire

Pelit , n o 281/2005

Nationalité et pays de renvoi, le cas échéant

Turque; Turquie

Date d’adoption des constatations

30 avril 2007

Questions soulevées et violations constatées

Renvoi − articles 3 et 22

Mesures provisoires demandées et réponse de l’État partie

Demandées; refusées par l’État partie (assurances obtenues)

Réparation recommandée

Réparer la violation de l’article 3 et s’enquérir auprès des autorités turques du lieu où se trouve la requérante et de son état de santé.

Date fixée pour la réponse de l’État partie

29 août 2007

Date de la réponse

4 septembre 2007

Réponse de l’État partie

Les autorités azerbaïdjanaises ont obtenu des assurances diplomatiques que la requérante ne serait pas maltraitée ou torturée après son retour. Plusieurs mécanismes ont été mis en place aux fins d’une surveillance après extradition. Ainsi, le Premier Secrétaire de l’ambassade de l’Azerbaïdjan lui a rendu visite en prison et la visite a eu lieu en privé. Lors de cette rencontre, elle a déclaré n’avoir été ni torturée ni maltraitée et a été examinée par un médecin qui n’a pas constaté de problèmes de santé. Elle a pu s’entretenir avec son avocat et des proches parents et passer des appels téléphoniques. Elle a en outre été autorisée à recevoir des journaux et d’autres documents. Le 12 avril 1997, elle a été libérée sur décision de la cour d’assises d’Istanbul.

Commentaires du requérant

Le 13 novembre 2007, le conseil a informé le Comité que le 1er novembre 2007 Mme Pelit avait été condamnée à six ans d’emprisonnement. Son avocat d’Istanbul a fait appel du jugement.

Décision du Comité

Le Comité considère que le dialogue se poursuit. Il a décidé que l’État partie devrait continuer à surveiller la situation de la requérante en Turquie et tenir le Comité informé.

État partie

Bulgarie

Affaire

Keremedchiev , n o 257/2004

Nationalité et pays de renvoi, le cas échéant

Sans objet

Date d’adoption des constatations

11 novembre 2008

Questions soulevées et violations constatées

Peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, droit à une enquête immédiate et impartiale − article 12 et paragraphe 1 de l’article 16

Mesures provisoires demandées et réponse de l’État partie

Sans objet

Réparation recommandée

Accorder une réparation appropriée au requérant, y compris sous la forme d’une indemnisation adéquate pour les souffrances infligées, conformément à l’Observation générale no 2 (2007) du Comité, ainsi qu’une réadaptation médicale.

Date fixée pour la réponse de l’État partie

17 février 2009

Date de la réponse

Néant

Réponse de l’État partie

Aucune

Commentaires du requérant

Sans objet

Décision du Comité

Poursuite du dialogue au titre du suivi

État partie

Canada

Affaire

Tahir Hussain Khan, n o 15/1994

Nationalité et pays de renvoi, le cas échéant

Pakistanaise; Pakistan

Date d’adoption des constatations

15 novembre 1994

Questions soulevées et violations constatées

Renvoi − article 3

Mesures provisoires demandées et réponse de l’État partie

Demandées; acceptées par l’État partie

Réparation recommandée

L’État partie est tenu de s’abstenir de renvoyer de force M. Tahir Hussain Khan au Pakistan.

Date fixée pour la réponse de l’État partie

Aucune

Date de la réponse

Néant

Réponse de l’État partie

Aucun renseignement fourni au Rapporteur chargé du suivi des décisions au sujet des requêtes; toutefois, au cours de l’examen du rapport de l’État partie par le Comité contre la torture en mai 2005, l’État partie a indiqué que le requérant n’avait pas été expulsé.

Commentaires du requérant

Aucun

Décision du Comité

Poursuite du dialogue au titre du suivi

Affaire

Falcon Ríos , n o 133/1999

Nationalité et pays de renvoi, le cas échéant

Mexicaine; Mexique

Date d’adoption des constatations

30 novembre 2004

Questions soulevées et violations constatées

Renvoi − article 3

Mesures provisoires demandées et réponse de l’État partie

Demandées; acceptées par l’État partie

Réparation recommandée

Mesures appropriées

Date fixée pour la réponse de l’État partie

Aucune

Date de la réponse

Dernières informations reçues le 9 juillet 2009 (réponses précédentes le 9 mars 2005, le 17 mai 2007 et le 14 janvier 2008)

Réponse de l’État partie

Le 9 mars 2005, l’État partie a fourni des renseignements sur les mesures qu’il avait prises pour donner suite à la décision du Comité. Il a indiqué que le requérant avait déposé une demande d’examen des risques auxquels l’exposerait son renvoi au Mexique et que le Comité serait informé du résultat. Si le requérant pouvait justifier l’existence d’un des motifs de protection prévus dans la loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, il aurait la possibilité de présenter une demande de résidence permanente au Canada. La décision du Comité serait prise en compte par le fonctionnaire qui examinerait la demande et, au cas où le Ministre le jugerait nécessaire, le requérant serait entendu. Comme la demande d’asile avait été examinée avant l’entrée en vigueur de la loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, en juin 2002, le fonctionnaire des services de l’immigration ne serait pas tenu de se limiter aux faits survenus après le rejet de la demande initiale mais pourrait aussi examiner des faits et des informations, anciens et nouveaux, présentés par le requérant. À ce propos, l’État partie conteste la conclusion faite par le Comité au paragraphe 7.5 de sa décision, selon laquelle seules les nouvelles informations pourraient être prises en compte au cours de cet examen.

Commentaires du requérant

Le 5 février 2007, le requérant a transmis au Comité une copie de la décision rendue à l’issue de l’examen des risques avant renvoi, dans laquelle il avait été débouté de sa demande et prié de quitter le territoire. Aucun autre renseignement n’a été fourni.

Réponse de l’État partie

Le 17 mai 2007, l’État partie a informé le Comité que le 28 mars 2007, le requérant avait déposé deux recours devant la Cour fédérale et qu’à ce stade le Gouvernement canadien n’entendait pas exécuter l’ordonnance de renvoi du requérant au Mexique.

Le 14 janvier 2008, l’État partie a informé le Comité que la Cour fédérale avait rejeté les deux appels en juin 2007 et que la décision des services de l’immigration était désormais définitive. Pour l’instant, le Gouvernement canadien n’entendait toutefois pas renvoyer le requérant au Mexique. Il informerait le Comité de toute évolution dans cette affaire.

Le 9 juillet 2009, l’État partie a informé le Comité que le requérant était retourné de son plein gré au Mexique le 1er juin 2009. Il a signalé que le 21 mai 2009, l’auteur avait été intercepté par les services canadiens de l’immigration alors qu’il tentait de partir au Mexique. Il était en possession d’un passeport mexicain, délivré le 12 janvier 2005. L’État partie a souligné le fait qu’en dépit des craintes présumées de l’auteur d’être torturé à son retour au Mexique, il avait demandé un passeport dès 2005. En outre, il indiquait que le passeport en question portait plus d’une autorisation d’entrée au Mexique depuis la décision prise par le Comité. Le requérant était aussi en possession de deux faux documents, une carte d’identité canadienne et une carte d’assuré, avec sa propre photo mais un autre nom. Il détenait aussi un certificat indiquant son l’intention de s’établir au Mexique. Le requérant a été placé en détention par les autorités car il était probable qu’il prenne la fuite s’il était relâché. Le 25 mai 2009, il a comparu devant les mêmes autorités pour examiner les raisons de sa détention. Il a été maintenu en détention pendant sept jours de crainte qu’il ne prenne la fuite. Il a eu accès à un avocat et a un interprète. Le 1er juin 2009, le requérant a quitté de son plein gré le Canada après s’être entretenu avec son avocat et avoir signé une déclaration de départ volontaire. Vu ce qui précède, l’État partie demande au Comité de ne plus examiner l’affaire dans le cadre de sa procédure de suivi.

Décision du Comité

Le requérant ayant décidé de sa propre initiative de rentrer au Mexique, le Comité a décidé de ne plus examiner l’affaire dans le cadre de sa procédure de suivi.

Affaire

Dadar , n o 258/2004

Nationalité et pays de renvoi, le cas échéant

Iranienne; Iran (République islamique d’)

Date d’adoption des constatations

3 novembre 2005

Questions soulevées et violations constatées

Renvoi − article 3

Mesures provisoires demandées et réponse de l’État partie

Demandées; acceptées par l’État partie

Réparation recommandée

Le Comité engage l’État partie, en application du paragraphe 5 de l’article 112 de son règlement intérieur, à l’informer, dans un délai de quatre-vingt-dix jours à compter de la date de transmission de la présente décision, des mesures qu’il aura prises pour donner effet à cette décision.

Date fixée pour la réponse de l’État partie

26 février 2006

Date de la réponse

Dernière réponse en date du 10 octobre 2007 (l’État partie avait précédemment répondu les 22 mars et 24 avril 2006 − voir rapport annuel A/61/44 − le 9 août 2006 et le 5 avril 2007 − voir rapport annuel A/62/44)

Réponse de l’État partie

Le Comité se rappellera que l’État partie a renvoyé le requérant en Iran le 26 mars 2006 alors qu’une violation de la Convention avait été constatée. Dans sa réponse du 24 avril 2006, l’État partie a signalé que, depuis le retour du requérant, un neveu de M. Dadar avait indiqué à un représentant du Canada que son oncle était arrivé à Téhéran sans encombre et se trouvait auprès de sa famille. L’État partie n’avait plus de contact avec M. Dadar depuis son renvoi en Iran. Eu égard à cette information et à sa propre conviction que le requérant ne courait pas de risque réel d’être torturé à son retour en Iran, l’État partie estimait ne pas avoir besoin d’envisager de procédure de suivi en l’espèce. (Pour un compte rendu complet de la réponse de l’État partie, voir le rapport A/61/44.)

Commentaires du requérant

Le 29 juin 2006, le conseil a informé le Comité qu’après sa détention initiale le requérant avait été assigné à résidence chez sa vieille mère. Les autorités iraniennes lui avaient demandé à plusieurs reprises de se présenter pour être interrogé à nouveau. Les interrogatoires avaient porté, entre autres, sur les activités politiques du requérant au Canada. Le requérant avait exprimé son mécontentement face à son statut manifeste de persona non grata en Iran et indiqué que cela lui interdisait d’obtenir un emploi ou de voyager. Il lui était en outre impossible de se procurer les médicaments prescrits au Canada pour se soigner. En outre, les autorités iraniennes lui avaient remis une copie de la décision du Comité à son domicile et lui avaient demandé de se présenter pour interrogatoire.

Réponse de l’État partie

Le 9 août 2006, l’État partie a signalé au Comité que le requérant s’était présenté le 16 mai 2006 à l’ambassade du Canada à Téhéran pour certaines questions personnelles et administratives relatives à son séjour au Canada et sans rapport avec les allégations dont était saisi le Comité. Le requérant ne s’était plaint d’aucun mauvais traitement en Iran et n’avait formulé aucune plainte à l’encontre des autorités iraniennes. La visite du requérant confirmant les informations fournies précédemment par son neveu, les autorités canadiennes ont demandé que la question ne soit plus soumise à la procédure de suivi.

Le 5 avril 2007, en réponse aux commentaires du conseil en date du 24 juin 2006, l’État partie a indiqué qu’il ne disposait d’aucune information sur les conditions de vie du requérant et que si ce dernier avait été interrogé par les autorités iraniennes ce devait être en rapport avec leur prise de connaissance de la décision du Comité. L’État partie considérait qu’il s’agissait là d’un «facteur incident» intervenu depuis le retour du requérant, qu’il n’aurait pu prendre en considération au moment du renvoi. En outre les préoccupations du requérant ne faisaient apparaître aucun grief qui pourrait amener le Comité, s’il en était saisi, à conclure à l’existence d’une violation de la Convention. Le fait d’être interrogé par les autorités ne pouvait être assimilé à de la torture. Quoi qu’il en soit, la crainte du requérant d’être torturé pendant des interrogatoires n’était que pure spéculation, étant donné que l’Iran avait ratifié le Pacte international relatif aux droits civils et politiques et que le requérant avait la possibilité de se prévaloir des mécanismes offerts par les procédures spéciales de l’ONU et de s’adresser par exemple au Rapporteur spécial sur la question de la torture; l’État partie estimait que l’ONU était mieux placée pour enquêter sur la situation du requérant.

Commentaires du requérant

Le 1er juin 2007, le conseil a informé le Comité que si le frère du requérant n’était pas intervenu auprès d’un membre haut placé du Service de renseignements iranien avant l’arrivée du requérant à Téhéran puis durant sa détention, tout de suite à son arrivée, le requérant aurait été torturé voire exécuté. Il a demandé que l’affaire ne soit pas retirée de la procédure de suivi du Comité.

Réponse de l’État partie

Le 10 octobre 2007, l’État partie a réaffirmé que le requérant n’avait pas été torturé depuis son retour en Iran. Le Canada s’était donc pleinement conformé aux obligations lui incombant en vertu de l’article 3 de la Convention et n’était nullement tenu de surveiller l’état de santé du requérant. L’absence d’éléments prouvant qu’il eût subi des tortures à son retour étayait la position du Canada, qui estimait qu’on ne saurait lui imputer une prétendue violation de l’article 3 puisque les événements postérieurs confirment son évaluation selon laquelle le requérant ne courait pas un risque grave de torture. Au vu de cette situation, l’État partie demandait de nouveau que l’affaire soit retirée de la procédure de suivi.

Commentaires du requérant

Le conseil du requérant a contesté la décision de l’État partie d’expulser le requérant en dépit des conclusions du Comité. Il n’a jusqu’à présent donné aucune information dont il pourrait disposer sur la situation du requérant depuis son arrivée en Iran. Le conseil du requérant a indiqué que, le 24 juin 2006, son client l’avait informé que les autorités iraniennes lui avaient envoyé une copie de la décision du Comité à son domicile et demandé de se présenter pour répondre à des questions. Il semblait très inquiet au téléphone et le conseil avait perdu tout contact avec lui depuis lors. En outre le conseil indiquait que M. Dadar était persona non grata en Iran. Il ne pouvait ni travailler ni voyager et n’arrivait pas à obtenir le traitement médical qui lui avait été prescrit au Canada.

Mesures prises

Pour un résumé du contenu des notes verbales envoyées par le Rapporteur chargé du suivi des décisions au sujet des requêtes à l’État partie, voir le rapport annuel du Comité (A/61/44).

Décision du Comité

Pendant l’examen de la suite donnée à ses décisions, à sa trente-sixième session, le Comité a déploré que l’État partie ne se soit pas acquitté des obligations lui incombant en vertu de l’article 3, et a conclu que l’État partie avait commis une violation de cet article qui lui fait obligation de ne pas «expulser», «refouler» ni «extrader» «une personne vers un autre État où il y a des motifs sérieux de croire qu’elle risque d’être soumise à la torture». Le dialogue se poursuit.

Affaire

Bachan Singh Sogi , n o 297/2006

Nationalité et pays de renvoi, le cas échéant

Indienne; Inde

Date d’adoption des constatations

16 novembre 2007

Questions soulevées et violations constatées

Renvoi − article 3

Mesures provisoires demandées et réponse de l’État partie

Demandées; refusées par l’État partie

Réparation recommandée

Accorder réparation pour la violation de l’article 3 de la Convention et déterminer, en consultation avec le pays vers lequel le requérant a été expulsé, le lieu où il se trouve et sa situation actuelle.

Date fixée pour la réponse de l’État partie

28 février 2008

Date de la réponse

Dernière réponse le 31 août 2009 (réponses précédentes de l’État partie le 29 février 2008, le 21 octobre 2008 et le 7 avril 2009)

Réponse de l’État partie

Le 29 février 2008, l’État partie a répondu qu’il regrettait de ne pas être en mesure de donner suite aux constatations du Comité. Il considérait que ni une demande de mesures provisoires ni les constatations elles-mêmes du Comité n’étaient juridiquement contraignantes et estimait s’être acquitté de toutes ses obligations internationales. Le refus du Canada de donner suite aux constatations du Comité ne devait pas être interprété comme un manque de respect envers son travail. L’État partie estimait que le Gouvernement indien était mieux placé pour informer le Comité du lieu où résidait le requérant ainsi que de sa situation, et il rappelait au Comité que l’Inde est partie à la Convention ainsi qu’au Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Il avait cependant écrit au Ministère indien des affaires étrangères pour l’informer des constatations du Comité, en particulier de la demande d’informations du Comité sur la situation actuelle du requérant.

L’État partie estimait que la décision d’expulser le requérant n’était pas un cas de «circonstances exceptionnelles», comme le Comité l’avait laissé entendre dans sa décision (par. 10.2). Il rappelait au Comité que la décision du 2 décembre 2003 avait été annulée par la Cour d’appel fédérale du Canada le 6 juillet 2005 et que l’expulsion du requérant était fondée sur la décision du 11 mai 2006. Dans cette décision, la déléguée du Ministre avait conclu que le requérant ne risquait pas la torture et qu’il n’était donc pas nécessaire de pondérer l’aspect risque avec l’aspect danger pour la société afin de déterminer si la situation du requérant donnait lieu à des «circonstances exceptionnelles» justifiant le renvoi malgré le risque de torture.

Pour l’État partie, il était inexact de conclure que la déléguée du Ministre avait nié l’existence d’un risque et que la décision n’était pas motivée. L’existence d’une nouvelle loi en Inde n’était pas le seul fondement de cette décision. La déléguée du Ministre avait tenu compte tant de la situation générale en Inde que de la situation particulière du requérant. Le bien-fondé de cette décision avait été confirmé par la Cour d’appel fédérale le 23 juin 2006.

L’État partie contestait avoir conclu que le requérant ne risquait pas la torture sur la base d’éléments de preuve qui n’avaient pas été divulgués à l’intéressé. Il réitérait que le risque avait été évalué indépendamment de la question du danger que le requérant présentait pour la société et que les éléments de preuve en question ne concernaient que ce danger. Qui plus est, dans le cas du requérant, la Cour d’appel fédérale avait jugé que la loi même qui autorise la prise en compte d’informations pertinentes sans les divulguer au demandeur n’était pas inconstitutionnelle, et le Comité des droits de l’homme avait considéré qu’une procédure analogue n’était pas contraire au Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

L’État partie informait toutefois le Comité que la loi en question avait été modifiée et que, depuis le 22 février 2008, elle autorisait la nomination d’un «avocat spécial» pour défendre l’intéressé en son absence et en celle de son conseil, lorsque ces éléments de preuve sont examinés à huis clos.

Le Comité ayant fait observer qu’il avait la faculté d’apprécier librement les faits dans les circonstances de chaque affaire (par. 10.3), l’État partie le renvoyait à sa jurisprudence, rappelant que le Comité avait déclaré qu’il ne lui appartenait pas de remettre en question les conclusions des autorités nationales en l’absence d’erreur manifeste, d’abus de procédure, d’irrégularité grave, etc. (voir affaires nos 282/2005 et 193/2001). À ce propos, il affirmait que la décision de la déléguée du Ministre avait été examinée dans le détail par la Cour d’appel fédérale, qui avait elle-même revu les documents soumis par le requérant à l’appui de ses affirmations ainsi que de nouveaux éléments de preuve et conclu qu’elle ne pouvait pas considérer la décision de la déléguée comme déraisonnable.

Commentaires du requérant

Le 12 mai 2008, la représentante du requérant a répondu aux observations de l’État partie. Rappelant les arguments précédemment avancés, elle faisait valoir que des changements intervenus ultérieurement dans la législation ne justifiaient pas les atteintes aux droits du requérant, ni le refus des autorités de l’indemniser. L’État partie avait enfreint les obligations qui lui incombaient au regard du droit international en refusant d’accepter les constatations du Comité et d’y donner suite, et en refusant de prendre les mesures provisoires de protection demandées par le Comité. Les efforts faits par l’État partie pour s’enquérir de la situation actuelle du requérant étaient insuffisants, et il avait négligé d’informer tant la représentante du requérant que le Comité des résultats de la demande qu’il avait adressée au Ministère indien des affaires étrangères. La représentante du requérant était même d’avis que cette prise de contact avait peut-être fait courir des risques supplémentaires au requérant. Enfin, bien que l’État partie n’en convînt pas, le fait que les autorités indiennes continuent à pratiquer la torture était, selon elle, largement attesté.

Le 27 février 2008, le conseil du requérant avait reçu d’Inde, par téléphone, les informations suivantes: lorsqu’il avait été renvoyé du Canada en Inde, le requérant avait été maintenu attaché durant les vingt heures du vol et en dépit de ses demandes répétées les gardes canadiens avaient refusé de desserrer les liens qui le faisaient souffrir. En outre, l’autorisation d’utiliser les toilettes lui avait été refusée et il avait été obligé d’uriner dans une bouteille devant des gardes de sexe féminin, ce qu’il avait trouvé humiliant. Toute boisson et nourriture lui avaient en outre été refusées durant tout le voyage. La représentante du requérant estimait que le traitement infligé par les autorités canadiennes constituait une violation des droits fondamentaux de son client.

Le requérant avait également décrit la façon dont il avait été traité à son retour en Inde. À son arrivée, il avait été remis aux autorités indiennes et interrogé à l’aéroport durant environ cinq heures, au cours desquelles on l’avait, entre autres, accusé de terrorisme et menacé de mort s’il ne répondait pas aux questions posées. Il avait ensuite été conduit à un commissariat de police de Guraspur; au cours de ce voyage qui avait duré cinq heures, ceux qui l’escortaient l’avaient cruellement battu à coups de poing et de pied et s’étaient assis sur lui après l’avoir fait se coucher sur le plancher du véhicule. Ils lui avaient aussi tiré les cheveux et la barbe, ce qui était une offense à sa religion. À son arrivée au commissariat, il avait été interrogé et torturé dans un local qui devait être des toilettes désaffectées. Des chocs électriques lui avaient été administrés sur les doigts, les tempes et le pénis, on avait fait rouler sur lui un engin pesant, ce qui lui avait causé de fortes douleurs, et il avait été battu à coups de bâton et de poing. Durant les six premiers jours de sa détention, il avait été mal nourri et ni sa famille ni son avocat n’avaient été informés du lieu où il se trouvait. Vers le sixième jour, il avait été transféré dans un autre commissariat de police où il avait été traité de la même façon, pendant trois jours encore. Le neuvième jour, il avait comparu devant un juge pour la première fois et avait pu voir sa famille. Après avoir été inculpé − il était accusé d’avoir fourni des explosifs à des terroristes et d’avoir participé à un complot visant à assassiner des dirigeants du pays −, il avait été transféré dans un centre de détention à Nabha, où il avait encore été détenu durant sept mois sans rencontrer aucun membre de sa famille ni son avocat. Le 29 janvier 2007, il avait contesté son placement en détention provisoire et avait été remis en liberté le 3 février 2007 sous certaines conditions.

Depuis sa remise en liberté, le requérant lui-même mais aussi des membres de sa famille étaient surveillés et interrogés tous les deux ou quatre jours. Le requérant avait été interrogé au commissariat de police à quelque six reprises, et avait fait l’objet à ces occasions de harcèlement psychologique et de menaces. Tous ses proches, notamment sa famille, son frère (qui affirme lui aussi avoir été torturé) et le médecin qui l’avait examiné après sa sortie de prison, avaient trop peur pour donner la moindre information concernant les mauvais traitements dont eux-mêmes et le requérant avaient tous été victimes. Le requérant craignait de subir des représailles de la part des autorités indiennes s’il révélait les actes de torture et mauvais traitements qui lui avaient été infligés.

Pour ce qui est des réparations, le conseil demandait que les autorités canadiennes enquêtent au sujet des allégations de torture et de mauvais traitements subis par le requérant depuis son arrivée en Inde (comme dans l’affaire Agiza c. Suède, requête no 233/2003). Il demandait aussi au Canada de prendre toutes mesures nécessaires pour que le requérant puisse rentrer au Canada et être autorisé à y demeurer à titre permanent (comme dans l’affaire Dar c. Norvège, requête no 249/2004). Une autre solution suggérée par le conseil était que l’État partie obtienne d’un pays tiers qu’il accepte d’accueillir le requérant à titre permanent. Enfin, il réclamait une somme de 368 250 dollars canadiens à titre d’indemnisation pour les préjudices subis par son client.

Réponse de l’État partie

Le 21 octobre 2008, dans une réponse complémentaire, l’État partie a rejeté les allégations du requérant, qui affirmait que les autorités canadiennes n’avaient pas respecté ses droits au moment de son renvoi du Canada. L’État partie précisait que dans des circonstances où un individu faisant l’objet d’une mesure de renvoi présentait une menace importante pour la sécurité, le renvoi s’effectuait sur un vol affrété plutôt que sur un vol commercial. Le requérant était entravé par les mains et les pieds, les menottes étant reliées à une sangle attachée à sa ceinture de sécurité et les entraves aux chevilles étant fixées à une courroie de sécurité. Il était retenu à son siège par une ceinture passée autour du corps. Ces mesures étaient systématiques lorsqu’il existait un risque très élevé pour la sécurité sur un vol affrété. Les entraves n’empêchaient pas le requérant de remuer un peu les mains et les pieds, ni de manger ou de boire. Les représentants des autorités lui avaient proposé à plusieurs reprises de modifier la position de son siège, mais il avait refusé. Pour ce qui était de la nourriture, des repas végétariens spécialement préparés lui avaient été proposés, mais il avait tout refusé à l’exception de jus de pomme. Les W.C. chimiques n’ayant pas été montés sur l’appareil, il n’était pas possible de les utiliser, si bien qu’un «dispositif sanitaire» avait été mis à la disposition du requérant. Lors du départ, l’escorte à bord de l’appareil ne comprenait pas de femmes. Malheureusement, le requérant n’a pas pu faire usage du dispositif sanitaire de manière satisfaisante.

L’État partie a relevé qu’il était étrange que le requérant n’ait pas formulé ces allégations à un stade plus précoce de la procédure alors qu’il s’était adressé deux fois au Comité avant son départ et avant que le Comité ne prenne sa décision. Le Comité s’était désormais prononcé et, en tout état de cause, la requête ne concernait que l’article 3 de la Convention.

En ce qui concerne les actes de torture que le requérant aurait subis à son retour en Inde, l’État partie estimait que de telles allégations étaient certes fort préoccupantes, mais soulignait qu’elles n’étaient pas antérieures à la décision du Comité, ni aux lettres du requérant datées du 5 avril 2007 et du 24 septembre 2007. L’État partie relevait également que, selon divers journaux indiens, le requérant avait comparu devant un juge le 5 septembre 2006, soit six jours après son arrivée en Inde. En tout état de cause, le requérant n’était plus sous juridiction canadienne et si l’Inde n’avait peut-être pas ratifié la Convention, elle avait ratifié le Pacte international relatif aux droits civils et politiques et adhéré à d’autres mécanismes, relevant ou non des Nations Unies, qui pouvaient être saisis en cas d’allégation de torture. Quant à la question de savoir si l’Inde avait répondu à la lettre initiale de l’État partie, ce dernier indiquait qu’il avait effectivement reçu une réponse, mais que celle-ci ne comportait aucun renseignement sur le lieu de résidence ou les conditions de vie du requérant. En outre, le conseil du requérant ayant affirmé que la dernière note adressée à l’Inde par l’État partie pouvait avoir fait courir des risques supplémentaires au requérant, l’État partie déclarait ne plus vouloir désormais communiquer avec les autorités indiennes.

Commentaires du requérant

Le 2 février 2009, la représentante du requérant a répondu aux observations présentées par l’État partie le 21 octobre 2008. Elle réitérait les arguments précédemment avancés et indiquait que si le requérant ne s’était pas plaint de la façon dont il avait été traité par les autorités canadiennes lors de son voyage de retour en Inde, ni même du traitement qui lui avait été réservé à son arrivée en Inde, c’était en raison de l’action judiciaire intentée contre lui en Inde et du fait qu’il ne pouvait pas communiquer avec son conseil. En outre, la représentante du requérant indiquait que les autorités indiennes auraient menacé son client de représailles s’il divulguait les mauvais traitements qu’il avait subis, ce qui expliquait qu’il fût réticent à donner des renseignements détaillés. Selon elle, le requérant était resté aux mains de la police jusqu’au 13 juillet 2006, date de sa première comparution devant un tribunal. Compte tenu des menaces proférées contre lui, il craignait que toute plainte adressée aux autorités indiennes ne lui vaille de nouveaux sévices. La représentante estimait que les efforts des autorités canadiennes pour localiser le requérant et vérifier ses conditions de vie avaient été insuffisants. Elle précisait qu’un échange d’informations entre les autorités canadiennes et indiennes pouvait faire courir un risque au requérant, mais qu’il n’en irait pas de même si l’État partie adressait une demande d’information aux autorités indiennes, à condition de ne pas y évoquer les allégations de torture formulées par le requérant à l’encontre des autorités indiennes.

Réponse de l’État partie

Le 7 avril 2009, l’État partie a répondu aux observations présentées par le requérant le 2 février 2009 ainsi qu’aux préoccupations exprimées par le Comité au sujet de la façon dont le requérant avait été traité lors de son renvoi en Inde. L’État partie affirmait que le requérant avait été traité avec tout le respect et la dignité possibles, mais qu’il avait fallu en même temps veiller à la sécurité de toutes les personnes concernées. Il prenait note de ce que le Comité, ainsi qu’il l’avait lui-même fait observer, ne pouvait pas accueillir dans le cadre de sa procédure de suivi de nouveaux griefs formulés à l’encontre du Canada. Dès lors, l’État partie estimait que l’affaire était close et ne devait plus être examinée dans le cadre de la procédure de suivi.

Le 31 août 2009, l’État partie a répondu à la demande formulée par le Comité à sa quarante-deuxième session de redoubler d’efforts pour contacter les autorités indiennes. L’État partie maintient que sa position sur cette affaire n’a pas changé, qu’il s’est acquitté de toutes ses obligations en vertu de la Convention et qu’il n’a pas l’intention d’essayer de mieux communiquer avec les autorités indiennes. Il demande à nouveau que l’affaire ne soit plus examinée dans le cadre de la procédure de suivi. Dans l’impossibilité d’accepter la décision du Comité, l’État partie considère l’affaire close.

Décision du Comité

À sa quarantième session, le Comité a décidé d’écrire à l’État partie pour lui préciser quelles étaient ses obligations au titre des articles 3 et 22 de la Convention et lui demander notamment d’établir, en consultation avec les autorités indiennes, l’endroit où se trouve le requérant en Inde, sa situation actuelle et ses conditions de vie.

Concernant les nouvelles allégations formulées par le requérant dans les observations communiquées par son conseil le 12 mai 2008 au sujet de la façon dont il avait été traité par les autorités canadiennes lors de son renvoi en Inde, le Comité a estimé qu’il avait déjà examiné cette communication, au sujet de laquelle il avait adopté ses constatations, et qu’elle relevait désormais de la procédure de suivi. Il a regretté que ces allégations n’aient pas été formulées avant l’examen de la communication. Toutefois, dans sa réponse du 21 octobre 2008, l’État partie avait confirmé certains aspects des affirmations du requérant, en particulier la manière dont il avait été attaché durant toute la durée du voyage, ainsi que le fait qu’il n’avait pas bénéficié d’installations sanitaires adéquates au cours de ce vol long courrier.

Bien que le Comité ait estimé qu’il ne pouvait pas examiner si ces nouvelles allégations révélaient une violation de la Convention dans le cadre de la présente procédure et non d’une nouvelle communication, il a fait part des inquiétudes que lui inspiraient la façon dont le requérant avait été traité par l’État partie lors de son renvoi, ainsi que cela avait été confirmé par l’État partie lui-même. Le Comité a considéré que les procédés utilisés et en particulier le fait que le requérant ait été totalement immobilisé pendant toute la durée du voyage au point de ne pouvoir bouger un peu que les mains et les pieds, et qu’il n’ait disposé pour uriner que d’un simple «dispositif sanitaire» décrit par le requérant comme une bouteille, étaient déplorables et pour le moins inadéquats. Quant à la question de savoir si l’État partie devait tenter à nouveau de recueillir des informations sur l’endroit où se trouvait le requérant et sur ses conditions de vie, le Comité a noté que la représentante du requérant avait commencé par indiquer que ces démarches pouvaient faire courir des risques supplémentaires au requérant mais que dans ses observations du 2 février 2009, elle avait précisé qu’une simple demande d’informations ne faisant pas mention des allégations de torture formulées à l’encontre des autorités indiennes contribuerait quelque peu à remédier aux préjudices subis.

À sa quarante-deuxième session et en dépit de la demande formulée par l’État partie de ne plus examiner cette question au titre du suivi, le Comité a décidé de demander à l’État partie de prendre contact avec les autorités indiennes afin de se renseigner sur l’endroit où se trouve le requérant et sur son état. Il a aussi rappelé à l’État partie qu’il était tenu d’offrir réparation pour la violation de l’article 3 et que toute demande future du requérant visant à revenir dans l’État partie devrait être sérieusement examinée.

À sa quarante-troisième session, le Comité a décidé qu’il rappellerait de nouveau à l’État partie ses précédentes demandes formulées en vertu de la procédure de suivi concernant le respect de ses obligations au titre de l’article 3 de la Convention. Il regrettait que l’État partie ait refusé d’adopter les recommandations du Comité à cet égard. Il a décidé d’informer les autres mécanismes des Nations Unies traitant des questions de torture de la réponse de l’État partie.

Le Comité considère que le dialogue au titre du suivi se poursuit.

État partie

France

Affaire

Arana , n o 63/1997

Nationalité et pays de renvoi, le cas échéant

Espagnole; Espagne

Date d’adoption des constatations

9 novembre 1999

Questions soulevées et violations constatées

L’expulsion du requérant vers l’Espagne a constitué une violation de l’article 3.

Mesures provisoires demandées et réponse de l’État partie

Demandées; refusées par l’État partie qui affirme avoir reçu la demande du Comité après avoir procédé à l’expulsion

Réparation recommandée

Mesures à prendre

Date fixée pour la réponse de l’État partie

5 mars 2000

Date de la réponse

Dernière réponse en date reçue le 1er septembre 2005

Réponse de l’État partie

Le Comité se rappellera que le 8 janvier 2001, l’État partie a fourni des informations au titre du suivi, indiquant, entre autres, qu’une nouvelle procédure administrative permettant la suspension d’une décision, y compris d’un arrêté d’expulsion, par une requête en référé, était en vigueur depuis le 30 juin 2000. Pour un compte rendu complet de la réponse de l’État partie, se référer au rapport annuel du Comité (A/61/44).

Commentaires du requérant

Le 6 octobre 2006, le conseil a répondu que, le 17 janvier 1997, le Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT) avait rendu visite au requérant et avait conclu que ses allégations de mauvais traitement étaient crédibles. Le 12 juin 1998, après avoir été reconnu coupable sur la base d’aveux faits sous la torture en violation des règles relatives à l’extradition, le requérant avait été condamné à quatre-vingt-trois ans d’emprisonnement par l’Audiencia Nacional, dont les décisions sont sans appel.

Le conseil indiquait également que depuis la décision du Comité et par suite de nombreux actes de protestation, notamment des grèves de la faim observées par des nationalistes basques qui risquaient d’être expulsés de France vers l’Espagne, les autorités françaises avaient cessé de remettre les personnes dans cette situation aux autorités espagnoles et se contentaient de les renvoyer en Espagne en les laissant libres.

En outre, le 18 janvier 2001, le Ministère français de l’intérieur avait déclaré, entre autres, que les nationalistes basques se trouvant sous le coup d’un mandat d’arrêt émis par les autorités espagnoles ne pouvaient être expulsés que dans le cadre d’une procédure d’extradition.

Le Ministère avait cependant ajouté que de nombreuses sources corroboraient le recours à la torture et aux traitements inhumains par les forces de sécurité espagnoles contre les nationalistes basques accusés de terrorisme, ainsi que la tolérance manifestée par les autorités espagnoles à l’égard de ces traitements.

Décision du Comité

Étant donné que le requérant a été expulsé près de dix ans auparavant, aucune autre mesure ne devrait être prise par le Comité pour suivre sa situation.

Affaire

Brada, n o 195/2003

Nationalité et pays de renvoi, le cas échéant

Algérienne; Algérie

Date d’adoption des constatations

17 mai 2005

Questions soulevées et violations constatées

Renvoi − articles 3 et 22

Mesures provisoires demandées et réponse de l’État partie

Demandées; refusées par l’État partie

Réparation recommandée

Indemniser le requérant de la violation de l’article 3 de la Convention et déterminer en consultation avec le pays de destination (qui est aussi un État partie à la Convention) le lieu où se trouve le requérant et ses conditions de vie.

Date fixée pour la réponse de l’État partie

Aucune

Date de la réponse

21 septembre 2005

Réponse de l’État partie

En réponse à la demande d’informations sur les mesures prises pour donner suite aux constatations du Comité, qui lui a été adressée le 7 juin 2005, l’État partie a informé le Comité que le requérant serait autorisé à retourner en France s’il le souhaitait et qu’un permis spécial de résidence lui serait délivré en application de l’article L.523-3 du Code relatif à l’entrée et au séjour des étrangers. Cette mesure était rendue possible par l’arrêt de la cour d’appel de Bordeaux du 18 novembre 2003, qui a annulé la décision du tribunal administratif de Limoges du 8 novembre 2001. Cette dernière décision avait confirmé que l’Algérie était le pays vers lequel le requérant devait être renvoyé. En outre, l’État partie a informé le Comité qu’il s’apprêtait à contacter les autorités algériennes par la voie diplomatique pour s’informer du lieu où se trouvait le requérant et de sa situation.

Commentaires du requérant

Aucun

Décision du Comité

Poursuite du dialogue au titre du suivi

Affaire

Tebourski , n o 300/2006

Nationalité et pays de renvoi, le cas échéant

Tunisienne; Tunisie

Date d’adoption des constatations

1er mai 2007

Questions soulevées et violations constatées

Renvoi − articles 3 et 22

Mesures provisoires demandées et réponse de l’État partie

Demandées; refusées par l’État partie

Réparation recommandée

Réparer la violation de l’article 3 et s’enquérir auprès des autorités tunisiennes du lieu où se trouve le requérant et de sa situation

Date fixée pour la réponse de l’État partie

13 août 2007

Date de la réponse

15 août 2007

Réponse de l’État partie

Suite à plusieurs demandes d’informations de l’État partie, les autorités tunisiennes ont indiqué que le requérant n’avait pas été inquiété depuis son arrivée en Tunisie le 7 août 2006 et qu’aucune action judiciaire n’avait été ouverte contre lui. Il vit avec sa famille à Testour (gouvernorat de Béja). L’État partie suit la situation du requérant et tente de vérifier les informations fournies par les autorités tunisiennes.

Commentaires du requérant

Non encore reçus

Décision du Comité

Le Comité considère que le dialogue se poursuit.

État partie

Pays-Bas

Affaire

A. J., n o 91/1997

Nationalité et pays de renvoi, le cas échéant

Tunisienne; Tunisie

Date d’adoption des constatations

13 novembre 1998

Questions soulevées et violations constatées

Renvoi − article 3

Mesures provisoires demandées et réponse de l’État partie

Demandées; acceptées par l’État partie

Réparation recommandée

L’État partie est tenu de s’abstenir de renvoyer de force le requérant en Tunisie ou vers un autre pays où il court un risque réel d’être expulsé ou renvoyé en Tunisie.

Date fixée pour la réponse de l’État partie

Aucune

Date de la réponse

7 juillet 2008

Réponse de l’État partie

L’État partie a informé le Comité qu’à la suite de sa décision, le Gouvernement avait décidé de ne pas expulser le requérant vers la Tunisie et de lui accorder, en réponse à sa demande d’asile, un permis de séjour valable du 2 janvier 2001 au 2 janvier 2011.

Commentaires du requérant

Attendus

Décision du Comité

Compte tenu de la décision de l’État partie d’octroyer un permis de séjour au requérant, le Comité décide de mettre fin au dialogue engagé avec l’État partie au titre de la procédure de suivi.

État partie

Norvège

Affaire

Dar, n o 249/2004

Nationalité et pays de renvoi, le cas échéant

Pakistanaise; Pakistan

Date d’adoption des constatations

11 mai 2007

Questions soulevées et violations constatées

Renvoi − article 22

Mesures provisoires demandées et réponse de l’État partie

Demandées; refusées par l’État partie

Réparation recommandée

Aucune − l’État partie a déjà réparé la violation

Date fixée pour la réponse de l’État partie

Sans objet

Décision du Comité

L’examen au titre du suivi n’est pas nécessaire.

État partie

Sénégal

Affaire

Guengueng et consorts, n o 181/2001

Nationalité et pays de renvoi, le cas échéant

Sans objet

Date d’adoption des constatations

17 mai 2006

Questions soulevées et violations constatées

Absence de poursuites − articles 5 (par. 2) et 7

Mesures provisoires demandées et réponse de l’État partie

Sans objet

Réparation recommandée

En application du paragraphe 5 de l’article 112 de son règlement intérieur, le Comité prie l’État partie de l’informer, dans un délai de quatre‑vingt‑dix jours à compter de la date de la transmission de la présente décision, des mesures qu’il aura prises en réponse aux constatations du Comité.

Date fixée pour la réponse de l’État partie

16 août 2006

Date de la réponse

Dernière réponse en date le 28 avril 2010 (l’État partie avait déjà répondu les 18 août et 28 septembre 2006, et les 7 mars, 31 juillet 2007, et 17 juin 2008).

Réponse de l’État partie

Le 18 août 2006, l’État partie a nié avoir violé la Convention et a réitéré ses arguments quant au fond, dont celui avancé au sujet de l’article 5, à savoir que la Convention n’oblige pas un État partie à s’acquitter de ses obligations dans un délai particulier. La demande d’extradition avait été examinée dans le cadre de la législation nationale applicable entre l’État partie et les États avec lesquels il est lié par un traité d’extradition. L’État partie indiquait que toute autre façon de procéder en l’espèce aurait constitué une violation de sa législation. L’incorporation de l’article 5 dans le droit interne était arrivée au stade final et le texte à incorporer allait être examiné par l’autorité législative. Afin d’éviter un éventuel état d’impunité, l’affaire avait été soumise à l’Union africaine pour examen, et il n’y avait donc pas eu violation de l’article 7. L’Union africaine n’ayant pas encore statué, il n’était pas encore possible d’indemniser les requérants.

Le 28 septembre 2006, l’État partie a fait savoir que le Comité d’éminents juristes africains de l’Union africaine avait décidé de le charger de juger M. Hissène Habré. Les autorités judiciaires sénégalaises examinaient la faisabilité de cette mesure sous l’angle juridique ainsi que les éléments nécessaires du contrat qui devrait être conclu avec l’Union africaine concernant la logistique et le financement.

Le 7 mars 2007, l’État partie a fourni une mise à jour, indiquant que le 9 novembre 2006 le Conseil des ministres avait adopté deux nouvelles lois sur la reconnaissance du génocide, des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité, ainsi que sur la compétence universelle et l’entraide judiciaire. Leur adoption comblait le vide juridique qui avait empêché l’État partie de se saisir de l’affaire Habré. Le 23 novembre 2006, un groupe de travail avait été créé aux fins d’examiner les mesures à prendre pour assurer à M. Habré un procès équitable. Le groupe de travail avait examiné les éléments suivants: textes de l’Assemblée nationale sur les modifications qu’il convenait d’apporter à la loi pour lever les obstacles mis en évidence lors de l’examen de la requête d’extradition, le 20 septembre 2005; cadre pour les changements nécessaires sur le plan de l’infrastructure, de la législation et de l’administration pour faire droit à la demande de l’Union africaine visant à assurer un procès équitable; mesures à prendre au niveau diplomatique pour assurer une coopération entre tous les États concernés ainsi qu’avec d’autres États et l’Union africaine; mesures de sécurité; soutien financier. Ces éléments avaient fait l’objet d’un rapport présenté à l’Union africaine à sa huitième session, tenue les 29 et 30 janvier 2007.

Le rapport soulignait la nécessité de mobiliser des ressources financières auprès de la communauté internationale.

Commentaires des requérants

Le 9 octobre 2006, les requérants fait part de leurs commentaires sur les observations de l’État partie en date du 18 août 2006. Ils ont noté que l’État partie n’avait fourni aucune information quant aux mesures qu’il entendait prendre pour donner effet à la décision du Comité. Bien que trois mois se fussent écoulés depuis la décision de l’Union africaine demandant au Sénégal de juger M. Habré, l’État partie n’avait pas encore expliqué comment il entendait l’appliquer.

Le 24 avril 2007, les requérants ont répondu aux observations de l’État partie en date du 7 mars 2007. Ils remerciaient le Comité de sa décision et d’avoir institué une procédure de suivi qui était à n’en pas douter pour beaucoup dans les efforts de l’État partie tendant à donner effet à la décision. Ils saluaient les amendements que l’État partie indiquait avoir apportés aux dispositions de sa législation l’empêchant de se saisir de l’affaire Habré.

Tout en reconnaissant les efforts consentis à ce jour par l’État partie, les requérants soulignaient que la décision du Comité n’avait pas encore été complètement appliquée et que l’affaire n’avait pas encore été soumise aux autorités compétentes. Ils appelaient également l’attention sur les points suivants:

a)La nouvelle législation portait sur le génocide, les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre mais pas sur la torture;

b)L’État partie étant tenu d’organiser un procès ou d’extrader M. Habré, le respect de cette obligation ne devait pas être subordonné à l’obtention d’une aide financière. Les requérants supposaient que la demande faite dans ce sens visait à garantir que le procès se déroule dans les meilleures conditions;

c)Quelle que soit la décision prise par l’Union africaine au sujet de cette affaire, elle ne pouvait avoir d’incidence sur l’obligation de l’État partie de reconnaître sa compétence en l’espèce et de soumettre l’affaire à la juridiction compétente.

Réponse de l’État partie

Le 31 juillet 2007, l’État partie a informé le Comité que, contrairement à l’affirmation du conseil des requérants, le crime de torture était défini à l’article 295‑1 de la loi no 96‑15, dont le champ d’application avait été élargi par l’article 431-6 de la loi no 2007-02. Il soulignait aussi que la conduite d’une action contre M. Habré nécessitait d’importantes ressources financières. C’est pourquoi l’Union africaine avait invité ses États membres et la communauté internationale à aider le Sénégal à cet égard. En outre, les propositions faites par le groupe de travail mentionné plus haut concernant le jugement de M. Habré avaient été présentées à la huitième Conférence des chefs d’État et de gouvernement de l’Union africaine et approuvées. Les autorités sénégalaises évaluaient le coût des débats judiciaires et prendraient prochainement une décision à ce sujet. En tout état de cause, elles entendaient remplir le mandat qui leur avait été donné par l’Union africaine et honorer les obligations conventionnelles du Sénégal.

Commentaire des requérants

Le 19 octobre 2007, le conseil a noté avec préoccupation que, dix‑sept mois après que le Comité eut pris sa décision, l’État partie n’avait encore engagé aucune poursuite pénale ni pris aucune décision concernant l’extradition. Il soulignait que le temps était très important pour les victimes et que l’un des requérants était mort des suites des mauvais traitements subis sous le régime Habré. Le conseil priait le Comité de continuer à dialoguer avec l’État partie dans le cadre de la procédure de suivi.

Le 7 avril 2008, le conseil a noté avec préoccupation que vingt et un mois s’étaient maintenant écoulés depuis que le Comité avait pris sa décision, mais que M. Habré n’avait toujours pas été jugé ou extradé. Il rappelait que lors de son entretien avec le Rapporteur chargé du suivi des décisions au sujet des requêtes, au cours de la session de novembre 2007 du Comité, l’Ambassadeur avait indiqué que les autorités attendaient une aide financière de la communauté internationale. Il semblait que cette demande d’aide ait été faite en juillet 2007 et que des réponses aient été reçues, entre autres, de l’Union européenne, de la France, de la Suisse, de la Belgique et des Pays‑Bas. Ces pays étaient disposés à accorder une aide financière et technique. En novembre dernier, les autorités sénégalaises avaient donné aux victimes l’assurance que la procédure ne serait pas retardée, mais aucune date n’avait été fixée pour le début de l’action pénale.

Réponse de l’État partie

Le 17 juin 2008, l’État partie a confirmé les informations fournies par son représentant au Rapporteur lors d’une réunion le 15 mai 2008. Il indiquait que l’adoption d’une loi modifiant la Constitution serait sous peu confirmée par le Parlement. Cette loi ajouterait à l’article 9 de la Constitution un nouveau paragraphe qui lèverait l’interdiction actuelle de la rétroactivité de la loi pénale et permettrait de juger tout individu pour des actes, y compris le génocide, les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre, qui étaient tenus pour criminels au regard du droit international au moment où ils ont été commis. L’État partie indiquait que le budget avait été chiffré à titre initial à 18 millions de francs CFA (environ 43 000 dollars), qu’une contre‑proposition avait été examinée par le Cabinet et qu’une fois le rapport finalisé une réunion serait organisée à Dakar avec des donateurs potentiels. Pour témoigner de son attachement à ce processus, l’État avait lui même versé une contribution de 1 million de francs CFA (soit 2 400 dollars) pour en assurer le lancement. L’État partie avait en outre tenu compte des recommandations des experts de l’Union européenne et nommé M. Ibrahima Gueye, juge et Président de la Cour de cassation, «coordonnateur» du processus. On s’attendait aussi à ce que les ressources humaines du tribunal de Dakar, qui jugerait M. Habré, soient renforcées et à ce que les juges nécessaires soient désignés.

Commentaire des requérants

Le 22 octobre 2008, le conseil a fait part des inquiétudes que lui inspirait un entretien accordé à un journal sénégalais par le Président de la République, dans lequel celui‑ci aurait déclaré qu’il n’était «pas obligé de juger M. Habré» et qu’en l’absence d’une aide financière, il n’avait pas l’intention «de garder indéfiniment Habré au Sénégal», mais qu’il ferait en sorte «qu’il abandonne le Sénégal». Le conseil rappelait les mesures prises à ce jour en vue de juger M. Habré, notamment le fait que différents pays avaient offert une assistance financière mais que l’État partie n’était pas parvenu, au bout de deux ans, à présenter un budget raisonnable en vue de son procès. Les requérants s’inquiétaient de ce que le conseil appelait la «menace» proférée par le Président d’expulser M. Habré du Sénégal; ils rappelaient au Comité qu’une demande d’extradition présentée par la Belgique était toujours pendante, et lui demandaient de prier le Sénégal de ne pas expulser M. Habré et de prendre des mesures nécessaires pour l’empêcher de quitter le pays autrement que dans le cadre d’une procédure d’expulsion, comme le Comité l’avait déjà fait en 2001.

Réponse de l’État partie

Le 28 avril 2010 l’État partie a fait le point sur l’évolution du dossier. Il a évoqué l’assistance qu’il avait fournie à la mission du Comité contre la torture au Sénégal en août 2009 et a rappelé les problèmes financiers qui faisaient obstacle à l’ouverture du procès. Il a indiqué que le 23 juin 2009, la Belgique s’était inquiété auprès des autorités sénégalaises du non-commencement du procès. Elle avait proposé d’envoyer une copie du dossier qu’elle avait constitué sur l’affaire aux autorités sénégalaises et invité des magistrats sénégalais à se rendre en Belgique pour procéder à un échange d’informations avec leurs homologues belges.

Le 4 juin 2009, une mission présidée par Me Robert Dossou s’est rendue au Sénégal à la demande du Président de l’Union africaine. En outre, en décembre 2009, deux experts de l’Union européenne ont travaillé avec l’Union africaine à la mise au point du budget. La présence en même temps d’experts de l’Union africaine et de l’Union européenne a coïncidé avec la tenue d’une réunion sur les bases juridiques d’un procès, à laquelle ils ont pris part aux côtés du représentant régional du Haut-Commissariat aux droits de l’homme. La présence des experts a été mise à profit pour visiter le vieux palais de justice, où le procès aura lieu une fois que les bâtiments seront rénovés. L’État partie attend actuellement les résultats de cette mission de l’Union européenne, qui aura des conséquences considérables sur l’établissement du budget. Aux douzième et treizième sommets de l’Union africaine de nombreux appels ont été lancés par des États africains en faveur d’un appui financier au Sénégal pour la conduite du procès, et, en février 2010, l’Union africaine a adopté une décision invitant ce pays à organiser une table ronde des donateurs en 2010, avec la participation d’autres États africains, aux fins de mobiliser des fonds. Sous couvert d’une lettre datée du 30 mars 2010, le Tchad a confirmé sa volonté de contribuer au procès et a demandé des informations sur le numéro du compte sur lequel sa contribution financière pourrait être versée.

L’État partie a aussi évoqué l’affaire de M. Habré devant la Cour de justice de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest, où il avait affirmé que le Sénégal avait violé les principes de non-rétroactivité et d’égalité en appliquant une nouvelle législation de manière rétroactive. En janvier 2010, l’examen de l’affaire a été ajourné jusqu’au 16 avril 2010. Une plainte déposée auprès de la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples contre le Sénégal, contestant l’exercice d’une compétence universelle pour poursuivre M. Habré, a été rejetée pour incompétence, le 15 décembre 2009.

Consultations avec l’État partie

Lors de la trente‑neuvième session, le Rapporteur chargé du suivi des décisions au sujet des requêtes a rencontré un représentant de la Mission permanente du Sénégal, qui a indiqué que l’État partie était soucieux de poursuivre la coopération avec le Comité au sujet de cette affaire. Une évaluation des coûts du procès avait été faite et une réunion des donateurs à laquelle participeraient des pays européens aurait lieu prochainement.

Le 15 mai 2008, le Rapporteur spécial a rencontré à nouveau un représentant de l’État partie. Une copie de la lettre du conseil des requérants datée du 7 avril 2008 avait été remise au représentant de la Mission pour information. Au sujet de l’état d’avancement de la mise en œuvre de la décision du Comité, le représentant a indiqué qu’un groupe de travail d’experts avait remis au Gouvernement son rapport sur les modalités et le budget de la mise en route de la procédure et que ce rapport avait été envoyé aux pays ayant exprimé leur volonté d’aider le Sénégal. Les pays de l’Union européenne concernés avaient retourné le rapport avec une contre‑proposition, que le Président était en train d’examiner. En outre, conscient de l’importance de l’affaire, le Président avait affecté une certaine somme d’argent (d’un montant non précisé) à la mise en route de la procédure. La réforme de la législation était également en cours. Le représentant a indiqué que l’État partie fournirait des explications plus complètes par écrit et le Rapporteur a demandé à les revoir dans un délai d’un mois à compter de la date de la réunion, afin de les inclure dans son rapport annuel.

Résumé d’une mission confidentielle au Sénégal au titre de l’article 22

À sa quarante et unième session, qui s’est tenue du 3 au 21 novembre 2008, dans le cadre du suivi des décisions prises au titre de l’article 22 de la Convention, le Comité a décidé de demander au Sénégal d’accepter une mission confidentielle officielle de suivi concernant l’affaire Guenguen et consorts c. Sénégal (requête no 181/2001, adoptée le 17 mai 2006). Le 7 mai 2009, le Gouvernement sénégalais a accepté la demande de visite.

La mission à Dakar s’est déroulée du 4 au 7 août 2009, avec la participation de deux membres du Comité contre la torture, M. Claudio Grossman, Président du Comité et M. Fernando Mariño, Rapporteur pour le suivi des décisions du Comité au sujet des requêtes, ainsi que de deux membres du secrétariat.

La mission a rencontré des représentants de plusieurs ministères, de la société civile et de l’Union européenne. Elle a constaté que l’État partie était bien préparé pour la visite et que tous les interlocuteurs étaient parfaitement au courant des faits et de l’état d’avancement du dossier. Dans son résumé, la mission a noté et apprécié le fait que le Sénégal avait procédé à toutes les modifications législatives et constitutionnelles nécessaires, ainsi que pris les arrangements administratifs requis pour traduire en justice M. Habré. Tous les interlocuteurs ont insisté sur l’absence d’obstacles à son procès et souligné les efforts considérables déployés par l’État partie dans ce domaine.

La mission a noté qu’il incombait encore à l’État partie d’élaborer une stratégie pour mener les poursuites. En dépit des vues exprimées par certains représentants selon lesquelles on aurait besoin de ressources importantes pour héberger un nombre, sans doute illimité, de témoins, la mission s’est félicitée de l’option choisie par l’appareil judiciaire, à savoir qu’une approche plus restrictive serait plus raisonnable. L’appareil judiciaire a souligné que le juge d’instruction serait le seul à prendre des décisions, notamment sur le nombre de témoins nécessaires, qui en tout état de cause ne pouvait pas être illimité et ne pouvait être utilisé pour faire obstacle au procès.

La mission a noté que la stratégie retenue permettrait sans aucun doute de déterminer les besoins financiers du procès. Malgré le flou concernant les ressources dont on aurait besoin, la mission a noté que les questions financières étaient sur le point d’être réglées, et a constaté qu’au moins du point de vue de l’appareil judiciaire, cette question pouvait être réglée au fur et à mesure que la procédure avançait.

La mission a aussi appris de plusieurs interlocuteurs que le manque de formation était un autre obstacle à l’ouverture du procès. Elle a fait savoir à tous les interlocuteurs que toute demande d’assistance technique pourrait être traitée dans les meilleurs délais, dès la réception d’une demande correctement formulée.

La mission a constaté qu’au moins du point de vue de l’appareil judiciaire, plus rien ne faisait obstacle au procès et elle était convaincue que les questions financières pourraient être réglées au fur et à mesure du procès. Toutefois, l’appareil exécutif était résolument d’avis que la question financière devait être réglée avant de donner des instructions en vue de l’inculpation de M. Habré.

À sa quarante-troisième session, qui s’est tenue du 2 au 20 novembre 2009, le Comité a examiné un rapport confidentiel de la mission. Le 23 novembre 2009, après sa session, il a adressé une note verbale à l’État partie, dans laquelle il l’a remercié pour sa coopération lors de la mission, lui a fait part de ses principales impressions à la suite de plusieurs entretiens avec des représentants de l’État partie et lui a rappelé ses obligations en vertu de la Convention (en référence au paragraphe 10 de sa décision no 181/2001, Guenguen et consorts c. Sénégal, adoptée le 17 mai 2006), et lui a demandé de lui fournir des renseignements actualisés sur cette affaire dans un délai de trois mois, soit avant le 23 février 2010. À ce jour, aucune réponse n’a été reçue de l’État partie.

Décision du Comité

Le Comité considère que le dialogue au titre du suivi se poursuit.

État partie

Serbie-et-Monténégro

Affaire

Ristic , n o 113/1998

Nationalité et pays de renvoi, le cas échéant

Yougoslave

Date d’adoption des constatations

11 mai 2001

Questions soulevées et violations constatées

Absence d’enquête sur des actes présumés de torture imputés à la police − articles 12 et 13

Mesures provisoires demandées et réponse de l’État partie

Aucune

Réparation recommandée

Exhortation de l’État partie à entreprendre sans délai les enquêtes nécessaires. Recours approprié.

Date fixée pour la réponse de l’État partie

6 janvier 1999

Date de la réponse

Dernière note verbale datée du 28 juillet 2006 (réponse précédente le 5 août 2005 − voir le rapport annuel du Comité, A/61/44)

Réponse de l’État partie

Le Comité se rappellera que, sous couvert de sa note verbale du 5 août 2005, l’État partie a confirmé que le premier tribunal municipal de Belgrade avait ordonné, dans sa décision du 30 décembre 2004, que les parents du requérant soient indemnisés. Toutefois, faisant l’objet d’un appel devant le tribunal de district de Belgrade, cette décision n’est ni effective ni exécutoire à ce stade. L’État partie a informé le Comité que le tribunal municipal avait jugé irrecevable la demande tendant à mener une enquête approfondie et impartiale sur les allégations de brutalités policières en tant que cause possible du décès de M. Ristic.

Commentaires du requérant

Le 25 mars 2005, le Comité a reçu du Centre de droit humanitaire de Belgrade des informations indiquant que le premier tribunal municipal de Belgrade avait ordonné à l’État partie de verser une indemnisation de 1 million de dinars aux parents du requérant pour ne pas avoir effectué une enquête rapide, impartiale et approfondie sur les causes du décès conformément à la décision du Comité contre la torture.

Réponse de l’État partie

Le 28 juillet 2006, l’État partie a informé le Comité que le tribunal de district de Belgrade avait rejeté la plainte déposée par la République de Serbie et l’Union de la Serbie‑et‑Monténégro en mai 2005. Le 8 février 2006, la Cour suprême de Serbie a rejeté comme infondée la déclaration révisée de l’Union de la Serbie-et-Monténégro, statuant que cette dernière était tenue de s’acquitter des obligations qui lui incombaient en vertu de la Convention. L’Union a également été tenue responsable de l’absence d’enquête rapide, impartiale et approfondie sur le décès de Milan Ristic.

Décision du Comité

Poursuite du dialogue au titre du suivi.

Affaire

Hajrizi Dzemajl et al., n o 161/2000

Nationalité et pays de renvoi, le cas échéant

Yougoslave

Date d’adoption des constatations

21 novembre 2002

Questions soulevées et violations constatées

Destruction et incendie de maisons, absence d’enquête et aucune indemnisation − articles 16, paragraphe 1, 12 et 13

Mesures provisoires demandées et réponse de l’État partie

Aucune

Réparation recommandée

Le Comité exhorte l’État partie à procéder à une enquête en bonne et due forme sur les faits survenus le 15 avril 1995, à poursuivre et sanctionner les personnes qui en seraient reconnues responsables et à accorder une réparation appropriée aux requérants, sous la forme d’une indemnisation équitable et suffisante.

Date fixée pour la réponse de l’État partie

Aucune

Date de la réponse

Voir Documents officiels de l’Assemblée générale, cinquante ‑neuvième session, supplément n o 44 (A/59/44), chapitre V, paragraphe 267.

Réponse de l’État partie

Voir le premier rapport sur les activités de suivi. À la suite de la trente‑troisième session et tout en se félicitant que l’État partie ait versé une indemnisation aux requérants pour les violations constatées, le Comité a jugé utile de rappeler à l’État partie son obligation de procéder à une enquête en bonne et due forme sur les faits survenus. Lors de l’examen du rapport initial de l’État partie par le Comité, les 11 et 12 novembre 2008, l’État partie a indiqué que les requérants avaient été indemnisés et que vu le temps qui s’était écoulé depuis les faits, il ne serait pas possible de faire un complément d’enquête.

Commentaires du requérant

Aucun

Décision du Comité

Étant donné qu’une indemnisation a été versée pour une affaire qui est assez ancienne et que la déclaration d’indépendance de l’État partie (la République du Monténégro) est intervenue depuis les événements en question, le Comité a décidé qu’il n’était plus nécessaire de poursuivre l’examen de cette communication dans le cadre de la procédure de suivi.

Affaire

Dimitrov, n o 171/2000

Nationalité et pays de renvoi, le cas échéant

Yougoslave

Date d’adoption des constatations

3 mai 2005

Questions soulevées et violations constatées

Torture et absence d’enquête − article 2, paragraphe 1, lu conjointement avec les articles 1, 12, 13 et 14

Mesures provisoires demandées et réponse de l’État partie

Sans objet

Date de la réponse

Néant

Réponse de l’État partie

Aucune

Commentaires du requérant

Sans objet

Décision du Comité

Poursuite du dialogue au titre du suivi.

Affaire

Dimitrijevic , n o 172/2000

Nationalité et pays de renvoi, le cas échéant

Serbe

Date d’adoption des constatations

16 novembre 2005

Questions soulevées et violations constatées

Torture et absence d’enquête − articles 1, 2, paragraphe 1, 12, 13 et 14

Mesures provisoires demandées et réponse de l’État partie

Sans objet

Réparation recommandée

Le Comité engage l’État partie à poursuivre quiconque est responsable des violations constatées, à accorder réparation au requérant et, conformément au paragraphe 5 de l’article 112 de son règlement intérieur, à informer le Comité, dans un délai de quatre‑vingt-dix jours à compter de la date de transmission de la présente décision, des mesures qu’il aura prises conformément aux constatations du Comité.

Date fixée pour la réponse de l’État partie

26 février 2006

Date de la réponse

Néant

Réponse de l’État partie

Aucune

Commentaires du requérant

Sans objet

Décision du Comité

Poursuite du dialogue au titre du suivi.

Affaire

Nikolić , n o 174/2000

Nationalité et pays de renvoi, le cas échéant

Sans objet

Date d’adoption des constatations

24 novembre 2005

Questions soulevées et violations constatées

Absence d’enquête − articles 12 et 13

Mesures provisoires demandées et réponse de l’État partie

Sans objet

Réparation recommandée

Renseignements sur les mesures prises pour donner effet aux constatations du Comité, en particulier sur l’ouverture d’une enquête impartiale sur les circonstances du décès du fils du requérant.

Date fixée pour la réponse de l’État partie

27 février 2006

Date de la réponse

Néant

Réponse de l’État partie

Aucune

Commentaires du requérant

Le 27 avril 2009, le requérant a fait savoir que le 2 mars 2006 le Ministre de la justice avait adressé aux services du procureur de district une lettre dans laquelle il insistait sur le caractère contraignant des décisions du Comité et demandait que soit engagée une «procédure appropriée en vue d’éclaircir les circonstances dans lesquelles Nikola Nikolić avait perdu la vie». Le 12 avril 2006, les services du procureur de district avaient demandé au juge d’instruction du tribunal de district de Belgrade de faire établir un nouveau rapport médico‑légal pour déterminer la cause du décès de la victime. Le 11 mai 2006, la chambre d’appel du tribunal de district avait rendu une décision par laquelle elle rejetait la demande au motif que la cause du décès avait été établie avec suffisamment de précision dans le rapport en date du 27 novembre 1996 à la Commission d’experts de la faculté de médecine de Belgrade ainsi que dans un rapport postérieur. Le 27 décembre 2007, les services du procureur de district avaient introduit auprès de la Cour suprême un recours extraordinaire appelé «requête aux fins de protéger la légalité» pour contester la décision du tribunal de district. Le 14 novembre 2008, la Cour suprême avait rejeté la requête, estimant qu’elle n’était pas fondée. Le requérant considérait par conséquent que l’État partie n’avait pas exécuté la décision du Comité et était responsable d’une nouvelle violation de l’article 13.

Décision du Comité

Poursuite du dialogue au titre du suivi.

Affaire

Dimitrijevic , Dragan, n o 207/2002

Nationalité et pays de renvoi, le cas échéant

Serbe

Date d’adoption des constatations

24 novembre 2004

Questions soulevées et violations constatées

Torture et absence d’enquête − article 2, paragraphe 1, lu conjointement avec les articles 1, 12, 13 et 14

Mesures provisoires demandées et réponse de l’État partie

Aucune

Réparation recommandée

Mener une enquête en bonne et due forme sur les faits allégués par le requérant.

Date fixée pour la réponse de l’État partie

Février 2005

Date de la réponse

Néant

Réponse de l’État partie

Aucune

Commentaires du requérant

Le 1er septembre 2005, le représentant du requérant a informé le Comité qu’il ressortait des vérifications qu’il venait d’effectuer que rien n’indiquait que l’État partie avait ouvert une enquête sur les faits allégués.

Décision du Comité

Poursuite du dialogue au titre du suivi.

Affaire

Besim Osmani , n o 261/2005

Nationalité et pays de renvoi, le cas échéant

Sans objet

Date d’adoption des constatations

8 mai 2009

Questions soulevées et violations constatées

Peine ou traitement cruel, inhumain ou dégradant, absence d’enquête immédiate et impartiale, absence de réparation − articles 16, paragraphe 1, 12 et 13.

Mesures provisoires demandées et réponse de l’État partie

Sans objet

Réparation recommandée

Le Comité exhorte l’État partie à mener une enquête en bonne et due forme sur les faits survenus le 8 juin 2000, en vue d’en poursuivre et punir les responsables, et à accorder une réparation au requérant, sous la forme d’une indemnisation équitable et appropriée.

Date fixée pour la réponse de l’État partie

12 août 2009

Date de la réponse

Délai non échu

Réponse de l’État partie

Délai non échu

Commentaires du requérant

Sans objet

Décision du Comité

Poursuite du dialogue au titre du suivi.

État partie

Espagne

Affaire

Blanco Abad , n o 59/1996

Nationalité et pays de renvoi, le cas échéant

Espagnole

Date d’adoption des constatations

14 mai 1998

Questions soulevées et violations constatées

Absence d’enquête − articles 12 et 13

Mesures provisoires demandées et réponse de l’État partie

Aucune

Réparation recommandée

Mesures appropriées

Date fixée pour la réponse de l’État partie

Aucune

Date de la réponse

Dernière réponse en date le 25 mai 2009 (réponse précédente le 23 janvier 2008)

Réponse de l’État partie

Le 23 janvier 2008, l’État partie a indiqué qu’il avait déjà communiqué des informations au titre du suivi de cette affaire en septembre 1998.

Le 25 mai 2009, l’État partie a indiqué que, comme suite à la décision du Comité, l’administration pénitentiaire doit toujours transmettre immédiatement au tribunal toute information sur l’état de santé des détenus, afin que les juges puissent immédiatement donner la suite appropriée. Cette mesure a été prise pour répondre aux préoccupations du Comité, évoquées au paragraphe 8.4 de la décision, selon lesquelles le juge aurait attendu trop longtemps dans cette affaire pour donner suite aux rapports médicaux montrant que le requérant avait subi des mauvais traitements. La décision a été transmise à tous les juges pour information, ainsi qu’au bureau du procureur qui a élaboré le projet de directives à l’intention de tous les procureurs, aux termes duquel l’appareil judiciaire devrait donner suite à toutes les allégations de torture. Les directives elles-mêmes n’ont pas été communiquées.

Commentaires du requérant

Aucun

Décision du Comité

Poursuite du dialogue au titre du suivi.

Affaire

Urra Guridi , n o 212/2002

Nationalité et pays de renvoi, le cas échéant

Espagnole

Date d’adoption des constatations

17 mai 2005

Questions soulevées et violations constatées

Absence de mesures pour prévenir et punir des actes de torture et assurer une réparation − articles 2, 4 et 14

Mesures provisoires demandées et réponse de l’État partie

Aucune

Réparation recommandée

L’État partie est prié instamment de faire en sorte de manière effective que les responsables des actes de torture soient dûment punis et d’assurer au requérant une pleine réparation.

Date fixée pour la réponse de l’État partie

18 août 2005

Date de la réponse

23 janvier 2008

Réponse de l’État partie

L’État partie a indiqué que cette affaire concernait des faits pour lesquels des agents des forces de sécurité espagnoles ont été condamnés pour crime de torture et par la suite partiellement graciés par le Gouvernement. La décision n’est pas susceptible de recours. La responsabilité civile a été établie et le requérant a été indemnisé compte tenu du préjudice subi. Entre autres mesures prises pour mettre en œuvre la décision, l’État partie l’a fait connaître à différentes autorités, dont le Président de la Cour suprême, le Président du Conseil de la magistrature et le Président de la Cour constitutionnelle.

Commentaires du requérant

Dans une lettre du 4 juin 2009, le requérant a repris l’argument exposé dans sa requête, à savoir que le fait de gracier les auteurs d’actes de torture conduit à l’impunité et favorise la répétition de la torture. Il fournit des informations d’ordre général sur le fait que l’État partie continue de ne pas enquêter sur les allégations de torture et sur le fait que les auteurs d’actes de torture sont rarement poursuivis. De fait, de l’avis du requérant, ces personnes sont souvent récompensées dans leur carrière et certaines sont promues à la lutte contre le terrorisme, y compris celles qui ont été reconnues coupables d’avoir torturé le requérant. Manuel Sanchez Corbi (une des personnes reconnues coupables d’avoir torturé le requérant) a reçu le grade de commandant et a été chargé de la coordination de la lutte contre le terrorisme avec la France. José Maria de las Cuevas a été intégré à l’action des Gardes civils et a été nommé représentant de la police judiciaire. Il a représenté le Gouvernement dans de nombreuses instances internationales, et a notamment reçu la délégation du Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants en 2001, alors qu’il a été lui-même condamné pour avoir torturé le requérant.

Décision du Comité

Poursuite du dialogue au titre du suivi.

État partie

Suède

Affaire

Tapia Páez, n o 39/1996

Nationalité et pays de renvoi, le cas échéant

Péruvienne; Pérou

Date d’adoption des constatations

28 avril 1997

Questions soulevées et violations constatées

Renvoi − article 3

Mesures provisoires demandées et réponse de l’État partie

Demandées; acceptées par l’État partie

Réparation recommandée

L’État partie est tenu de s’abstenir de renvoyer de force M. Gorki Ernesto Tapia Páez au Pérou.

Date fixée pour la réponse de l’État partie

Aucune

Date de la réponse

23 août 2005

Réponse de l’État partie

En réponse à la demande d’informations sur la suite donnée aux constatations qui lui avait été adressées le 25 mai 2005, l’État partie a fait savoir que le requérant s’était vu délivrer un permis de séjour permanent le 23 juin 1997.

Commentaires du requérant

Aucun

Décision du Comité

Il est mis fin à la procédure de suivi, étant donné que l’État partie s’est conformé à la décision du Comité.

Affaire

Kisoki , n o 41/1996

Nationalité et pays de renvoi, le cas échéant

Ressortissante de la République démocratique du Congo; République démocratique du Congo

Date d’adoption des constatations

8 mai 1996

Questions soulevées et violations constatées

Renvoi − article 3

Mesures provisoires demandées et réponse de l’État partie

Demandées; acceptées par l’État partie

Réparation recommandée

L’État partie est tenu de s’abstenir de renvoyer de force Mme Pauline Muzonzo Paku Kisoki en République démocratique du Congo.

Date fixée pour la réponse de l’État partie

Néant

Date de la réponse

23 août 2005

Réponse de l’État partie

En réponse à la demande d’informations sur la suite donnée aux constatations du Comité, qui lui avait été adressée le 25 mai 2005, l’État partie a fait savoir qu’il avait délivré à la requérante un permis de séjour permanent le 7 novembre 1996.

Commentaires du requérant

Aucun

Décision du Comité

Il est mis fin à la procédure de suivi, étant donné que l’État partie s’est conformé à la décision du Comité.

Affaire

Tala, n o 43/1996

Nationalité et pays de renvoi, le cas échéant

Iranienne; République islamique d’Iran

Date d’adoption des constatations

15 novembre 1996

Questions soulevées et violations constatées

Renvoi − article 3

Mesures provisoires demandées et réponse de l’État partie

Demandées; acceptées par l’État partie

Réparation recommandée

L’État partie est tenu de s’abstenir de renvoyer de force M. Kaveh Yaragh Tala en République islamique d’Iran.

Date fixée pour la réponse de l’État partie

Aucune

Date de la réponse

23 août 2005

Réponse de l’État partie

En réponse à la demande d’informations sur la suite donnée aux constatations du Comité, qui lui avait été adressée le 25 mai 2005, l’État partie a fait savoir que le requérant avait obtenu un permis de séjour permanent le 18 février 1997.

Commentaires du requérant

Aucun

Décision du Comité

Il est mis fin à la procédure de suivi, étant donné que l’État partie s’est conformé à la décision du Comité.

Affaire

Avedes Hamayak Korban , n o 88/1997

Nationalité et pays de renvoi, le cas échéant

Iraquienne; Iraq

Date d’adoption des constatations

16 novembre 1998

Questions soulevées et violations constatées

Renvoi − article 3

Mesures provisoires demandées et réponse de l’État partie

Demandées; acceptées par l’État partie

Réparation recommandée

L’État partie est tenu de s’abstenir de renvoyer le requérant en Iraq. Il est aussi tenu de s’abstenir de renvoyer le requérant en Jordanie d’où il risque d’être expulsé vers l’Iraq.

Date fixée pour la réponse de l’État partie

Aucune

Date de la réponse

23 août 2005

Réponse de l’État partie

En réponse à la demande d’informations sur la suite donnée aux constatations, qui lui avait été adressée le 25 mai 2005, l’État partie a fait savoir que le requérant avait obtenu un permis de séjour permanent le 18 février 1999.

Commentaire du requérant

Aucun

Décision du Comité

Il est mis fin à la procédure de suivi, étant donné que l’État partie s’est conformé à la décision du Comité.

Affaire

Ali Falakaflaki , n o 89/1997

Nationalité et pays de renvoi, le cas échéant

Iranienne; République islamique d’Iran

Date d’adoption des constatations

8 mai 1998

Questions soulevées et violations constatées

Renvoi − article 3

Mesures provisoires demandées et réponse de l’État partie

Demandées; acceptées par l’État partie

Réparation recommandée

L’État partie est tenu de s’abstenir de renvoyer de force M. Ali Falakaflaki en République islamique d’Iran.

Date fixée pour la réponse de l’État partie

Aucune

Date de la réponse

23 août 2005

Réponse de l’État partie

En réponse à la demande d’informations sur la suite donnée aux constatations du Comité, qui lui avait été adressée le 25 mai 2005, l’État partie a fait savoir que le requérant avait obtenu un permis de séjour permanent le 17 juillet 1998.

Commentaires du requérant

Aucun

Décision du Comité

Il est mis fin à la procédure de suivi, étant donné que l’État partie s’est conformé à la décision du Comité.

Affaire

Orhan Ayas, n o 97/1997

Nationalité et pays de renvoi, le cas échéant

Turque; Turquie

Date d’adoption des constatations

12 novembre 1998

Questions soulevées et violations constatées

Renvoi − article 3

Mesures provisoires demandées et réponse de l’État partie

Demandées; acceptées par l’État partie

Réparation recommandée

L’État partie est tenu de s’abstenir de renvoyer de force le requérant en Turquie ou dans tout autre pays d’où il risque d’être expulsé ou renvoyé en Turquie.

Date fixée pour la réponse de l’État partie

Aucune

Date de la réponse

23 août 2005

Réponse de l’État partie

En réponse à la demande d’informations sur la suite donnée aux constatations, qui lui avait été adressée le 25 mai 2005, l’État partie a fait savoir que le requérant avait obtenu un permis de séjour permanent le 8 juillet 1999.

Commentaires du requérant

Aucune

Décision du Comité

Il est mis fin à la procédure de suivi, étant donné que l’État partie s’est conformé à la décision du Comité.

Affaire

Halil Haydin , n o 101/1997

Nationalité et pays de renvoi, le cas échéant

Turque; Turquie

Date d’adoption des constatations

20 novembre 1998

Questions soulevées et violations constatées

Renvoi − article 3

Mesures provisoires demandées et réponse de l’État partie

Demandées; acceptées par l’État partie

Réparation recommandée

L’État partie est tenu de s’abstenir de renvoyer de force le requérant en Turquie ou dans tout autre pays d’où il risque d’être expulsé ou renvoyé en Turquie.

Date fixée pour la réponse de l’État partie

Aucune

Date de la réponse

23 août 2005

Réponse de l’État partie

En réponse à la demande d’informations sur la suite donnée aux constatations, qui lui avait été adressée le 25 mai 2005, l’État partie a fait savoir que le requérant avait obtenu un permis de séjour permanent le 19 février 1999.

Commentaires du requérant

Aucun

Décision du Comité

Il est mis fin à la procédure de suivi, étant donné que l’État partie s’est conformé à la décision du Comité.

Affaire

A. S., n o 149/1999

Nationalité et pays de renvoi, le cas échéant

Iranienne; République islamique d’Iran

Date d’adoption des constatations

24 novembre 2000

Questions soulevées et violations constatées

Renvoi − article 3

Mesures provisoires demandées et réponse de l’État partie

Demandées; acceptées par l’État partie

Réparation recommandée

L’État partie est tenu de s’abstenir de renvoyer de force la requérante en Iran ou dans tout autre pays d’où elle risque d’être expulsée ou renvoyée en Iran.

Date fixée pour la réponse de l’État partie

Aucune

Date de la réponse

22 février 2001

Réponse de l’État partie

L’État partie a informé le Comité que, le 30 janvier 2001, la Commission de recours des étrangers avait examiné une nouvelle demande de permis de séjour présentée par la requérante. La Commission avait décidé d’accorder à la requérante un permis de séjour permanent en Suède et d’annuler l’arrêté d’expulsion. La Commission avait également accordé à son fils un permis de séjour permanent.

Commentaires du requérant

Aucun

Décision du Comité

Il est mis fin à la procédure de suivi, étant donné que l’État partie s’est conformé à la décision du Comité.

Affaire

Chedli Ben Ahmed Karoui , n o 185/2001

Nationalité et pays de renvoi, le cas échéant

Tunisienne; Tunisie

Date d’adoption des constatations

8 mai 2002

Questions soulevées et violations constatées

Renvoi − article 3

Mesures provisoires demandées et réponse de l’État partie

Demandées; acceptées par l’État partie

Réparation recommandée

Aucune

Date fixée pour la réponse de l’État partie

Aucune

Date de la réponse

23 août 2005

Réponse de l’État partie

Il est indiqué dans le premier rapport sur les activités de suivi que le 4 juin 2002, le Conseil des migrations avait annulé les arrêtés d’expulsion pris contre le requérant et sa famille et qu’un permis de séjour leur avait été accordé.

Commentaires du requérant

Aucun

Décision du Comité

Il est mis fin à la procédure de suivi, étant donné que l’État partie s’est conformé à la décision du Comité.

Affaire

Tharina , n o 226/2003

Nationalité et pays de renvoi, le cas échéant

Bangladaise; Bangladesh

Date d’adoption des constatations

6 mai 2005

Questions soulevées et violations constatées

Renvoi − article 3

Mesures provisoires demandées et réponse de l’État partie

Demandées; acceptées par l’État partie

Réparation recommandée

Vu les circonstances particulières de l’affaire, l’expulsion de la requérante et de sa fille constituerait une violation de l’article 3 de la Convention. Le Comité souhaite être informé, dans un délai de quatre-vingt-dix jours à compter de la date de la transmission de la présente décision, des mesures qui auront été prises pour donner suite à ces constatations.

Date fixée pour la réponse de l’État partie

15 août 2005

Date de la réponse

17 août 2005 (le HCDH n’ayant pas reçu la réponse, l’État partie l’a réadressée le 29 juin 2006).

Réponse de l’État partie

Le 20 juin 2005, la Commission a décidé d’annuler l’arrêté d’expulsion concernant la requérante et sa fille et a décidé de leur accorder un permis de résidence.

Commentaires du requérant

Aucun

Décision du Comité

Il est mis fin à la procédure de suivi, étant donné que l’État partie s’est conformé à la décision du Comité.

Affaire

Agiza , n o 233/2003

Nationalité et pays de renvoi, le cas échéant

Égyptienne; Égypte

Date d’adoption des constatations

20 mai 2005

Questions soulevées et violations constatées

Expulsion − double violation de l’article 3 (de fond et de procédure) et double violation de l’article 22

Mesures provisoires demandées et réponse de l’État partie

Aucune

Réparation recommandée

Conformément au paragraphe 5 de l’article 112 de son règlement intérieur, le Comité demande à l’État partie de l’informer, dans un délai de quatre-vingt-dix jours à compter de la date de la transmission de la présente décision, des mesures qu’il aura prises comme suite aux constatations énoncées plus haut. L’État partie est aussi tenu d’éviter que des violations similaires ne se reproduisent.

Date fixée pour la réponse de l’État partie

20 août 2005

Date de la réponse

Dernières informations reçues le 7 décembre 2009 (réponses précédentes les 18 août 2005 (rapport annuel du Comité, A/61/44), 1er septembre 2006 (rapport annuel du Comité, A/62/44), 25 mai et 5 octobre 2007 et 16 décembre 2008).

Réponse de l’État partie

Le Comité se souviendra de la communication adressée par l’État partie au titre de la procédure de suivi, dans laquelle il mentionnait entre autres la mise en vigueur d’une nouvelle loi sur les étrangers et la surveillance continue du requérant exercée par le personnel de l’ambassade de Suède au Caire. Voir le rapport annuel A/61/44 pour un compte rendu complet de sa communication.

Le 1er septembre 2006, l’État partie a communiqué des renseignements à jour sur sa surveillance du requérant. Il a indiqué que le personnel de l’ambassade avait rendu sept autres visites à M. Agiza, lequel s’était montré constamment de bonne humeur et avait reçu régulièrement en prison des visites de sa mère et de son frère. Son état de santé était stable et il se rendait à l’hôpital Manial une fois par semaine pour y suivre un traitement de physiothérapie. Le personnel de l’ambassade lui avait rendu visite à 39 reprises et poursuivrait ses visites.

Commentaires du requérant

Le 31 octobre 2006, le conseil du requérant a répondu à la communication de l’État partie. Il a indiqué avoir rencontré l’Ambassadeur de Suède, à l’ambassade, le 24 janvier 2006. Lors de cette rencontre, le conseil a souligné qu’il était essentiel que l’ambassade poursuive ses visites aussi régulièrement que jusque-là. Le conseil a demandé à l’État partie d’envisager un nouveau procès en Suède ou d’autoriser le requérant à y purger sa peine d’emprisonnement, mais l’État partie a répondu qu’aucune mesure de ce genre n’était possible. En outre, des demandes d’indemnisation à titre gracieux avaient été rejetées et il avait été suggéré de déposer une plainte officielle au titre de la loi sur les indemnisations. C’est ce qui avait été fait. Selon le conseil, la surveillance exercée par l’État partie était satisfaisante, mais son effort global était insuffisant s’agissant des aspects demande de contact avec la famille en Suède, nouveau procès, etc.

Réponse de l’État partie

Le 25 mai 2007, l’État partie a indiqué que le requérant avait reçu cinq visites supplémentaires, ce qui en portait le total à 44. Ses conditions de vie et son état de santé demeuraient inchangés. Il avait eu une fois l’autorisation de téléphoner à sa femme et à ses enfants et sa mère lui avait rendu visite à plusieurs reprises. Son père était décédé en décembre 2006, mais il n’avait pas reçu l’autorisation de se rendre à l’enterrement. Au début de 2007, M. Agiza avait demandé un permis de résidence permanente en Suède ainsi qu’une indemnisation. Le Gouvernement a chargé le Ministère de la justice de rechercher un accord avec M. Agiza au sujet de l’indemnisation. La demande de permis de séjour est traitée par le Conseil des migrations.

Commentaires du requérant

Le 20 juillet 2007, le conseil a fait savoir que les rencontres entre M. Agiza et le personnel de l’ambassade de Suède avaient lieu en présence de surveillants de la prison et qu’elles étaient enregistrées sur bande vidéo. Les surveillants avaient ordonné à M. Agiza de n’exprimer aucune critique sur les conditions carcérales sous peine d’être transféré dans une prison située dans une région reculée. En outre, le traitement médical qu’il recevait était insuffisant et il souffrait, entre autres, de problèmes neurologiques en raison desquels il avait des difficultés à contrôler ses mains et ses jambes et à uriner, et il souffrait d’un problème articulaire à un genou. L’État partie avait annulé la décision d’expulsion le 18 décembre 2001, mais le Conseil des migrations et le Ministère de la justice n’avaient encore pris aucune décision.

Réponse de l’État partie

Le 5 octobre 2007, l’État partie a fait savoir que M. Agiza avait reçu deux nouvelles visites, les 17 juillet et 19 septembre 2007, respectivement. M. Agiza avait continué de répéter qu’il se sentait bien, se plaignant toutefois de ne pas recevoir en été un traitement médical suffisamment fréquent. Cette situation semblait s’être de nouveau améliorée. Le personnel de l’ambassade avait rendu 46 visites à M. Agiza dans sa prison. Ces visites se poursuivraient. En outre, il était impossible pour l’instant de savoir quand le Conseil des migrations et le Ministère de la justice pourraient conclure les affaires concernant M. Agiza.

L’État partie a fourni une mise à jour à l’occasion de l’examen de son troisième rapport périodique au Comité, au cours de la quarantième session qui s’est tenue du 28 avril au 16 mai 2008. Il a indiqué que le Ministère de la justice était saisi d’une demande de réparation présentée par le requérant pour violation des droits qui lui étaient reconnus par la Convention.

Le 16 décembre 2008, l’État partie a informé le Comité que des membres de l’ambassade de Suède au Caire continuaient de rendre régulièrement visite au requérant dans sa prison, la cinquante-troisième visite ayant eu lieu en novembre 2008. La famille du requérant devait lui rendre visite en décembre, et il a à plusieurs reprises eu la possibilité de contacter celle-ci au moyen d’un téléphone portable mis à sa disposition par l’ambassade.

L’État partie a fait savoir au Comité qu’une indemnisation d’un montant de 3 097 920 couronnes suédoises (379 485,20 dollars É.-U.) a été versée à l’avocat du requérant le 27 octobre 2008 comme suite à un accord conclu entre le Ministère de la justice et le requérant. Cette indemnisation a été versée à titre de règlement définitif, compte non tenu du préjudice moral subi en raison d’une violation de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme, d’un éventuel préjudice découlant d’une violation de l’article 6 de ladite convention et d’une éventuelle perte de revenus. Le Ministère a décidé que, puisque la responsabilité des faits considérés était en partie imputable aux services de la police suédoise de sécurité, ceux-ci devraient payer une partie de l’indemnité accordée (250 000 couronnes).

Quant à la demande de permis de séjour présentée par le requérant, elle a été rejetée par le Conseil des migrations le 9 octobre 2007, puis par la cour d’appel chargée des questions de migration le 25 février 2008. L’une et l’autre instance ont estimé que les conditions préalables à l’octroi d’un permis de séjour n’étaient pas réunies puisqu’il fallait que le requérant ait non seulement l’intention, mais aussi la possibilité réelle de venir s’installer dans le pays et que celui-ci continuait de purger une peine de prison en Égypte. Le recours formé auprès du Gouvernement est toujours pendant.

Commentaires du requérant

Le 20 janvier 2009, le conseil du requérant a confirmé que l’État partie avait versé l’indemnisation accordée. Au sujet du permis de séjour, il indiquait que même si M. Agiza n’était pas en mesure de se prévaloir immédiatement d’un permis de séjour, l’octroi de celui-ci représenterait un grand soulagement moral pour lui-même et sa famille, et réparerait en grande partie le préjudice subi.

Réponse de l’État partie

Le 7 décembre 2009, l’État partie a déclaré que, suite à la décision prononcée le 9 octobre 2007 par le Conseil des migrations et à l’arrêt rendu le 25 février 2008 par la cour d’appel chargée des questions de migration, le Gouvernement s’était prononcé le 19 novembre 2009 sur la nouvelle demande de permis de séjour présentée par le requérant. Cette demande avait été déposée en vertu de la nouvelle loi sur les étrangers, adoptée en 2005. Le Gouvernement avait conclu que l’article 4 du chapitre 5 était applicable à cette demande. Ledit article se lit comme suit: «Si un organe international habilité à examiner des plaintes présentées par des particuliers a conclu que, dans une affaire donnée, une décision de non-admission ou d’expulsion était contraire à un engagement contracté par la Suède au titre d’une convention, un permis de séjour doit être accordé à la personne visée par la décision, sauf motifs exceptionnels justifiant que soit refusé l’octroi du permis de séjour.». Après avoir largement consulté les services de sécurité suédois, le Gouvernement avait conclu qu’il existait des motifs exceptionnels, liés à des questions de sécurité nationale, justifiant que l’octroi d’un permis de séjour soit refusé à M. Agiza. Le Gouvernement avait notamment estimé que «les activités qu’avait menées le requérant étaient d’une nature si grave qu’il y avait lieu de craindre qu’il n’entreprenne des activités similaires, menaçant la sécurité nationale de la Suède, si un permis de séjour lui était accordé».

L’ambassade de Suède continuait de rendre fréquemment visite au requérant pour surveiller sa situation en prison. À la date de la réponse de l’État partie, 58 visites avaient été effectuées − la dernière, le 18 octobre 2009. Le requérant avait maintes fois déclaré qu’il allait bien. Son traitement semblait de nouveau se dérouler de manière satisfaisante et il recevait les médicaments nécessaires. Il s’était plaint des conditions pendant son transport à l’hôpital, qu’il qualifiait d’inconfortables et fatigantes. Il s’était aussi plaint de ce qu’un garde de sécurité avait menacé de l’abattre s’il tentait de s’enfuir pendant son transport à l’hôpital. Il avait également indiqué que son avocat envisageait de demander une nouvelle fois sa libération pour raisons de santé. L’État partie fait observer qu’il y avait d’importantes contradictions entre cette description du traitement et de l’état de santé du requérant et celle faite par celui-ci et sa mère, aux représentants de l’ambassade. Le service de sécurité avait officieusement rejeté l’affirmation selon laquelle le requérant avait été menacé, ainsi que l’affirmation de la mère de celui-ci, indiquant qu’il avait subi des mauvais traitements.

Compte tenu des efforts qu’il a déployés jusqu’à présent pour appliquer la décision rendue en l’espèce, l’État partie indique qu’il ne prendra aucune autre mesure et qu’il considère cette affaire comme close dans le cadre de la procédure de suivi.

Autres mesures prises/à prendre

À l’issue de sa quarante-deuxième session, le Comité a décidé qu’il convenait de rappeler à l’État partie son obligation de réparer la violation de l’article 3. L’État partie devrait également accorder une attention particulière à la demande de permis de séjour du requérant.

Décision du Comité

Le Comité considère que le dialogue se poursuit.

Affaire

C. T. et K. M., n o 279/2005

Nationalité et pays de renvoi, le cas échéant

Rwandaise; Rwanda

Date d’adoption des constatations

17 novembre 2006

Questions soulevées et violations constatées

Renvoi − article 3

Mesures provisoires demandées et réponse de l’État partie

Demandées; acceptées par l’État partie

Réparation recommandée

Le renvoi des requérants au Rwanda constituerait une violation de l’article 3 de la Convention. Conformément au paragraphe 5 de l’article 112 de son règlement intérieur, le Comité engage l’État partie à l’informer, dans un délai de quatre-vingt-dix jours à compter de la date de transmission de la décision, des mesures qu’il aura prises pour l’appliquer.

Date fixée pour la réponse de l’État partie

1er mars 2007

Date de la réponse

19 février 2007

Réponse de l’État partie

Le 29 janvier 2007, le Conseil des migrations a décidé d’accorder aux requérants des permis de résident permanent. Les requérants ont également obtenu le statut de réfugié et des documents de voyage.

Décision du Comité

Il est mis fin à la procédure de suivi étant donné que l’État partie s’est conformé à la décision du Comité.

État partie

Suisse

Affaire

Mutombo , n o 13/1993

Nationalité et pays de renvoi, le cas échéant

Zaïroise; Zaïre

Date d’adoption des constatations

27 avril 1994

Questions soulevées et violations constatées

Renvoi − article 3

Mesures provisoires demandées et réponse de l’État partie

Demandées; acceptées par l’État partie

Réparation recommandée

L’État partie est tenu de s’abstenir d’expulser M. Mutombo au Zaïre ou vers tout autre pays où il risque d’être expulsé ou renvoyé au Zaïre ou d’être soumis à la torture.

Date fixée pour la réponse de l’État partie

Aucune

Date de la réponse

25 mai 2005

Réponse de l’État partie

En réponse à une demande d’informations sur la suite donnée à la décision du Comité, qui lui avait été adressée le 25 mars 2005, l’État partie a indiqué qu’en raison du caractère illégal de la décision de renvoi, le requérant avait obtenu un visa temporaire le 21 juin 1994. Par la suite, ayant épousé une Suissesse, il s’était vu délivrer un permis de séjour le 20 juin 1997.

Commentaires du requérant

Aucun

Décision du Comité

Il est mis fin à la procédure de suivi, étant donné que l’État partie s’est conformé à la décision du Comité.

Affaire

Alan, n o 21/1995

Nationalité et pays de renvoi, le cas échéant

Turque; Turquie

Date d’adoption des constatations

8 mai 1996

Questions soulevées et violations constatées

Renvoi − article 3

Mesures provisoires demandées et réponse de l’État partie

Demandées; acceptées par l’État partie

Réparation recommandée

L’État partie est tenu de s’abstenir de renvoyer de force M. Ismail Alan en Turquie.

Date fixée pour la réponse de l’État partie

Aucune

Date de la réponse

25 mai 2005

Réponse de l’État partie

En réponse à la demande d’informations concernant le suivi, que le Comité lui avait adressée le 25 mars 2005, l’État partie a indiqué que le requérant avait obtenu l’asile en application d’une décision rendue le 14 janvier 1999.

Commentaires du requérant

Aucun

Décision du Comité

Il est mis fin à la procédure de suivi, étant donné que l’État partie s’est conformé à la décision du Comité.

Affaire

Aemei , n o 34/1995

Nationalité et pays de renvoi, le cas échéant

Iranienne; République islamique d’Iran

Date d’adoption des constatations

29 mai 1997

Questions soulevées et violations constatées

Renvoi − article 3

Mesures provisoires demandées et réponse de l’État partie

Demandées; acceptées par l’État partie

Réparation recommandée

L’État partie est tenu de s’abstenir de renvoyer de force le requérant et sa famille en République islamique d’Iran ou dans tout autre pays où ils courent un risque réel d’être expulsés ou renvoyés en République islamique d’Iran.

La constatation par le Comité d’une violation de l’article 3 de la Convention n’affecte en rien la ou les décisions des autorités nationales compétentes d’octroyer ou de refuser l’asile. La constatation d’une violation de l’article 3 de la Convention a un caractère déclaratoire. L’État partie n’est donc pas tenu de modifier sa ou ses décisions quant à l’octroi de l’asile; il lui appartient en revanche de rechercher des solutions qui lui permettront de prendre toutes mesures utiles pour se conformer aux dispositions de l’article 3 de la Convention. Ces solutions pourront être de nature juridique (par exemple, admission provisoire du requérant) mais aussi politique (recherche d’un État tiers prêt à accueillir le requérant sur son territoire et s’engageant à ne pas le refuser ou l’expulser à son tour, par exemple).

Date fixée pour la réponse de l’État partie

Aucune

Date de la réponse

25 mai 2005

Réponse de l’État partie

En réponse à la demande d’informations sur les mesures de suivi, qui lui avait été adressée le 25 mars 2005, l’État partie a fait savoir que les requérants avaient été admis en tant que réfugiés le 8 juillet 1997. Le 5 juin 2003, ils avaient obtenu des permis de séjour pour des raisons humanitaires. De ce fait, M. Aemei avait renoncé au statut de réfugié à la même date. Un de ses enfants avait acquis la nationalité suisse.

Commentaires du requérant

Aucun

Décision du Comité

Il est mis fin à la procédure de suivi, étant donné que l’État partie s’est conformé à la décision du Comité.

Affaire

V. L., n o 262/2005

Nationalité et pays de renvoi, le cas échéant

Bélarussienne; Bélarus

Date d’adoption des constatations

20 novembre 2006

Questions soulevées et violations constatées

Renvoi − article 3

Mesures provisoires demandées et réponse de l’État partie

Demandées; acceptées par l’État partie

Réparation recommandée

Le renvoi de la requérante au Bélarus constituerait une violation de l’article 3 de la Convention. Le Comité engage l’État partie, en application du paragraphe 5 de l’article 112 de son règlement intérieur, à l’informer, dans un délai de quatre-vingt-dix jours à compter de la date de la transmission de la décision, des mesures qu’il aura prises pour donner effet à ces constatations.

Date fixée pour la réponse de l’État partie

27 février 2007

Date de la réponse

23 mars 2007

Réponse de l’État partie

L’État partie a informé le Comité que la requérante avait été autorisée à rester en Suisse (le type de permis octroyé n’est pas précisé) et ne risque plus d’être renvoyée au Bélarus.

Décision du Comité

Il est mis fin à la procédure de suivi, étant donné que l’État partie s’est conformé à la décision du Comité.

Affaire

El Rgeig , n o 280/2005

Nationalité et pays de renvoi, le cas échéant

Libyenne; Jamahiriya arabe libyenne

Date d’adoption des constatations

15 novembre 2006

Questions soulevées et violations constatées

Renvoi − article 3

Mesures provisoires demandées et réponse de l’État partie

Demandées; acceptées par l’État partie

Réparation recommandée

Le renvoi du requérant en Jamahiriya arabe libyenne constituerait une violation par la Suisse des droits que lui reconnaît l’article 3 de la Convention. Le Comité invite l’État partie à l’informer, dans un délai de quatre-vingt-dix jours à compter de la date de la transmission de la présente décision, des mesures qu’il aura prises pour donner effet à ces constatations.

Date fixée pour la réponse de l’État partie

26 février 2007

Date de la réponse

19 janvier 2007

Réponse de l’État partie

Le 17 janvier 2007, l’Office fédéral des migrations a partiellement revu sa décision du 5 mars 2004. Le requérant a, à présent, obtenu le statut de réfugié et ne risque plus d’être renvoyé en Libye.

Décision du Comité

Il est mis fin à la procédure de suivi étant donné que l’État partie s’est conformé à la décision du Comité.

Affaire

Jean Patrick Iya , n o 299/2006

Nationalité et pays de renvoi, le cas échéant

Ressortissant de la République démocratique du Congo; République démocratique du Congo

Date d’adoption des constatations

16 novembre 2007

Questions soulevées et violations constatées

Renvoi − article 3

Mesures provisoires demandées et réponse de l’État partie

Demandées; acceptées par l’État partie

Réparation recommandée

Le renvoi du requérant en République démocratique du Congo constituerait une violation des droits garantis par l’article 3 de la Convention. Conformément au paragraphe 5 de l’article 112 de son règlement intérieur, le Comité invite l’État partie à lui faire connaître, dans un délai de quatre-vingt-dix jours à compter de la transmission de la décision, toute mesure qu’il aura prise conformément à cette décision.

Date fixée pour la réponse de l’État partie

28 mai 2008

Date de la réponse

24 juin 2008 (il avait répondu le 19 février 2008)

Réponse de l’État partie

Le 7 février 2008, l’Office fédéral des migrations a rendu une décision d’«admission provisoire»; le requérant ne risque donc plus d’être expulsé vers la République démocratique du Congo.

Le 24 juin 2008, l’État partie a répondu au Comité qui lui avait demandé de préciser ce qu’il entendait par «admission provisoire». Il a expliqué que l’admission provisoire est régie par le chapitre 11 de la loi fédérale du 16 décembre 2005 sur les étrangers, qui est entrée en vigueur le 1er janvier 2008. Aux termes de cette loi, le renvoi d’un étranger dans son pays d’origine ou vers un État tiers n’est pas légal si cette mesure est contraire aux obligations contractées par la Suisse en vertu du droit international. Le statut ainsi conféré ne peut être retiré à moins qu’un changement politique radical de nature à éliminer tout risque pour l’intéressé n’intervienne dans le pays d’origine. En cas d’abrogation de la mesure le concernant, l’intéressé aurait certaines voies de recours aux termes de la loi susmentionnée. D’autre part, ce type de statut prend fin si l’intéressé quitte définitivement la Suisse ou obtient un permis de séjour, qu’il peut solliciter après cinq années de résidence dans l’État partie et qui est octroyé compte tenu du degré d’intégration du demandeur dans le pays. À certaines conditions, son conjoint et ses enfants peuvent bénéficier d’une mesure de regroupement familial.

Décision du Comité

Il est mis fin à la procédure de suivi, étant donné que l’État partie s’est conformé à la décision du Comité.

État partie

Tunisie

Affaire

M’ Barek , n o 60/1996

Nationalité et pays de renvoi, le cas échéant

Tunisienne

Date d’adoption des constatations

10 novembre 2004

Questions soulevées et violations constatées

Absence d’enquête − articles 12 et 13

Mesures provisoires demandées et réponse de l’État partie

Aucune

Réparation recommandée

Le Comité invite l’État partie à l’informer, dans un délai de quatre‑vingt-dix jours, des mesures qu’il aura prises en réponse à ses observations.

Date fixée pour la réponse de l’État partie

22 février 2000

Date de la réponse

Dernière réponse en date le 27 août 2009 (réponses précédentes les 15 avril 2002, 23 février et 24 et 27 août 2009)

Réponse de l’État partie

Voir le premier rapport sur les activités de suivi. L’État partie a contesté la décision du Comité. À sa trente-troisième session, le Comité a recommandé au Rapporteur pour le suivi des décisions au sujet des requêtes d’organiser une réunion avec un représentant de l’État partie.

Commentaires du requérant

Le 27 novembre 2008, le requérant a notamment informé le Comité qu’une demande officielle d’exhumation du corps de la personne décédée avait été déposée auprès de l’autorité judiciaire mais que depuis mai 2008, il n’avait reçu aucun renseignement quant à la suite donnée à sa demande. Il demandait au Rapporteur pour le suivi de continuer d’examiner avec l’État partie la question de la mise en œuvre de la décision du Comité.

Réponse de l’État partie

Le 23 février 2009, l’État partie a commenté les informations contenues dans la lettre du requérant datée du 27 novembre 2008. Il a informé le Comité qu’il ne pouvait donner suite à la demande du requérant d’exhumer le corps, étant donné que la question avait déjà été examinée par les autorités et qu’aucune information nouvelle justifiant cette exhumation n’était venue au jour. Sur le plan pénal, l’État partie exposait à nouveau les arguments qu’il avait présentés avant que le Comité ne prenne sa décision, selon lesquels une procédure avait été ouverte à trois reprises, la dernière faisant suite à l’enregistrement de la communication adressée au Comité: en chacune de ces occasions, en l’absence de preuves suffisantes, l’affaire avait été classée. Concernant la procédure civile, l’État partie a réaffirmé sa position selon laquelle le père du défunt avait engagé une action civile et avait été indemnisé pour le décès de son fils survenu à la suite d’un accident de la circulation. Rouvrir une enquête dont la conclusion avait été que le décès était dû à un homicide involontaire dû à un accident de la circulation et ayant donné lieu à une action civile irait à l’encontre du principe de «l’autorité de la chose jugée».

Commentaires du requérant

Le 3 mai 2009, le requérant a commenté les observations de l’État partie en date du 23 novembre 2009. Il a déclaré qu’il ignorait avant d’avoir lu la réponse de l’État partie que la demande d’exhumation du corps avait été rejetée. Il a déclaré que l’État partie ne tenait aucunement compte de la décision du Comité et de la recommandation qui y figurait. Il n’était pas surprenant que le Ministre de la justice parvienne à une telle conclusion, étant donné qu’il était directement impliqué par le Comité dans sa décision. Le requérant a fait valoir que la recommandation formulée par le Comité dans sa décision était claire et que l’exhumation du corps, suivie d’une nouvelle autopsie en présence de quatre médecins internationaux, serait une juste réponse à cette recommandation. Il a prié le Comité de déclarer que l’État partie avait délibérément et illégalement refusé de rechercher la cause réelle du décès et de mettre en œuvre la décision, de la même manière qu’il avait violé les articles 12 et 14. Il a demandé qu’une indemnisation équitable soit versée à la famille de la victime (à savoir sa mère et ses frères, le père étant décédé entre-temps) au titre du préjudice psychologique et moral subi.

Réponse de l’État partie

Le 24 août 2009, l’État partie a réitéré son argument précédent, à savoir que la question de l’exhumation du corps ne pouvait être réexaminée en vertu de l’article 121 du Code pénal. Toutefois, il a indiqué que, pour surmonter cette difficulté légale, le Ministre de la justice et des droits de l’homme s’était prévalu des articles 23 et 24 du Code pénal et avait prié le Procureur de la cour d’appel de Nabeul de se charger de la procédure et de prendre les mesures nécessaires pour déterminer les causes du décès, y compris la demande d’exhumation du corps et la demande de nouveau rapport médico-légal.

Le 27 août 2009, l’État partie a informé le Comité que la procédure en question avait été confiée au juge du tribunal de première instance de Grombalia et enregistrée sous le numéro 27227/1.

Commentaires du requérant

Le 7 septembre 2009, le requérant a salué l’initiative prise par l’État partie d’établir la cause du décès et a estimé que les nouvelles mesures adoptées par l’État partie constituaient un tournant dans l’enquête. Cependant, il s’est dit préoccupé par le caractère vague des intentions de l’État partie concernant les détails de l’exhumation judiciaire. Le requérant a rappelé à l’État partie que toute exhumation devrait se faire dès le départ en présence de la totalité ou de certains des quatre médecins internationaux qui s’étaient déjà prononcés sur l’affaire devant le Comité, ce qui, d’après le requérant, était prévu dans la décision du Comité. Toute mesure prise unilatéralement par l’État partie concernant la dépouille serait considérée comme suspecte. Le requérant a prié le Comité de rappeler à l’État partie les obligations sans lesquelles une exhumation n’aurait aucune crédibilité. Enfin, le requérant a remercié le Comité pour sa précieuse assistance et pour le rôle qu’il a joué dans l’évolution prometteuse des événements.

Consultations avec l’État partie

Le 13 mai 2009, le Rapporteur pour le suivi des décisions au sujet des requêtes s’est entretenu avec l’Ambassadeur de la Mission permanente de la suite donnée aux décisions du Comité. Le Rapporteur a rappelé à l’Ambassadeur que l’État partie avait contesté les conclusions du Comité dans quatre des cinq affaires le concernant et n’avait pas répondu aux demandes d’informations dans le cadre du suivi dans la cinquième affaire, l’affaire no 269/2005, Ali Ben Salem.

En ce qui concerne l’affaire no 291/2006, pour laquelle l’État partie avait récemment demandé un réexamen, le Rapporteur a expliqué qu’il n’existait aucune procédure, que ce soit dans la Convention ou dans le règlement intérieur, pour le réexamen des affaires. En ce qui concerne l’affaire no 60/1996, le Rapporteur a informé l’État partie que le Comité avait décidé à sa quarante-deuxième session qu’il prierait l’État partie d’exhumer le corps du requérant. Le Rapporteur a rappelé à l’Ambassadeur que l’État partie n’avait toujours pas apporté de réponse satisfaisante aux décisions du Comité dans les affaires nos 188/2001 et 189/2001.

Pour chacune de ces affaires, l’Ambassadeur a donné de nouveau des arguments détaillés (dont la plupart ont été communiqués par l’État partie) pour expliquer pourquoi l’État partie contestait les décisions du Comité. En particulier, dans la plupart des cas, les arguments portaient sur la question de la recevabilité pour non-épuisement des recours internes. Le Rapporteur a indiqué qu’une note verbale serait envoyée à l’État partie, rappelant entre autres la position du Comité sur la question de la recevabilité.

Autres mesures prises/à prendre

À sa quarante-deuxième session, le Comité a décidé qu’il demanderait officiellement à l’État partie de faire exhumer le corps du requérant.

À sa quarante-troisième session, le Comité a décidé de remercier par écrit l’État partie d’avoir fourni des informations encourageantes dans ses lettres du 24 et du 27 août 2009 sur la suite donnée à cette affaire, et en particulier de se montrer disposé à ordonner l’exhumation du corps. Il a demandé des précisions à l’État partie sur la question de savoir si l’exhumation a déjà été ordonnée et, dans l’affirmative, sur les modalités de cette exhumation. Il a aussi rappelé à l’État partie que l’obligation qui lui est faite, au titre des articles 12 et 13 de la Convention, de procéder à une enquête impartiale, suppose qu’il veille à ce que toute exhumation soit conduite de manière impartiale en présence d’experts internationaux indépendants.

Décision du Comité

Poursuite du dialogue au titre du suivi.

Affaire

Thabti , Abdelli , Ltaief , n os 187/2001, 188/2001 et 189/2001

Nationalité et pays de renvoi, le cas échéant

Tunisienne

Date d’adoption des constatations

20 novembre 2003

Questions soulevées et violations constatées

Absence d’enquête − articles 12 et 13

Mesures provisoires demandées et réponse de l’État partie

Aucune

Réparation recommandée

Enquêter sur les allégations de torture et de mauvais traitements des requérants et informer le Comité, dans un délai de quatre‑vingt-dix jours à compter de la date de la transmission de la décision, des mesures prises en réponse aux constatations du Comité.

Date fixée pour la réponse de l’État partie

23 février 2004

Date de la réponse

16 mars 2004 et 26 avril 2006

Réponse de l’État partie

Voir le premier rapport sur les activités de suivi. Le 16 mars 2004, l’État partie a contesté la décision du Comité. À sa trente-troisième session, le Comité a demandé au Rapporteur pour le suivi des décisions au sujet des requêtes de rencontrer un représentant de l’État partie. Un entretien a eu lieu et est résumé ci-après.

Commentaires du requérant

Un des requérants a adressé au secrétariat une lettre datée du 31 mai 2005 dans laquelle il demande que sa requête (no 189/2001) soit «classée» et joint une lettre par laquelle il renonce au statut de réfugié en Suisse.

Réponse de l’État partie

Le 26 avril 2006, l’État partie a envoyé une réponse complémentaire dans laquelle il indiquait qu’en date du 31 mai 2005 un des requérants avait «retiré» sa requête (no 189/2001), ce qui lui semblait jeter un doute sur les motifs réels des auteurs des trois requêtes (nos 187/2001, 188/2001 et 189/2001). L’État partie réaffirmait son argumentation antérieure, estimant que le retrait d’une requête confirme que ces requêtes sont un abus de procédure, que les requérants n’ont pas épuisé les recours internes et que l’ONG qui les représente n’est pas de bonne foi.

Commentaires du requérant

Le 8 août 2006, la lettre datée du 31 mai 2005 a été envoyée aux deux autres requérants (nos 187/2001 et 188/2001) pour commentaires. Tous deux ont répondu le 12 décembre 2006, s’étonnant que le requérant ait «retiré» sa plainte sans donner de raison. Ils n’ont pas exclu que sa décision résulte de pressions exercées par les autorités tunisiennes. Ils ont insisté sur la légitimité de leur grief et encouragé le Comité à en continuer l’examen dans le cadre de la procédure de suivi.

Le 12 décembre 2006, après avoir reçu des deux autres requérants une copie de la lettre de «retrait» du premier requérant, en date du 31 mai 2005, le représentant de ce dernier s’est étonné de ce prétendu retrait, qu’il a attribué lui aussi à des pressions exercées sur le requérant et sa famille et à des menaces reçues des autorités de l’État partie. Cela est, selon lui, évident vu la manière dont la requête a été retirée. Ce retrait ne change rien aux faits de la cause et n’exonère pas de leur responsabilité ceux qui ont torturé le requérant. Le représentant du requérant regrettait le retrait et encourageait le Comité à continuer d’examiner l’affaire dans le cadre de la procédure de suivi.

Consultations avec l’État partie

Le 25 novembre 2005, le Rapporteur pour le suivi des décisions au sujet des requêtes s’est entretenu avec l’Ambassadeur de Tunisie à propos des affaires nos 187/2001, 188/2001 et 189/2001. Le Rapporteur a expliqué la procédure de suivi. L’Ambassadeur a mentionné une lettre datée du 31 mai 2005, envoyée au Haut-Commissariat aux droits de l’homme par M. Ltaief Bouabdallah, auteur de la requête no 189/2001, dans laquelle le requérant affirme vouloir «retirer» sa requête et joint une lettre par laquelle il renonce au statut de réfugié en Suisse. L’Ambassadeur a déclaré que l’auteur avait contacté l’ambassade pour obtenir un passeport et qu’il s’employait à épuiser les recours internes en Tunisie. Il continue de résider en Suisse, les autorités de ce pays l’ayant autorisé à y demeurer bien qu’il ait renoncé au statut de réfugié. Au sujet des deux autres affaires, le Rapporteur a expliqué que chaque cas devrait être traité séparément et que le Comité avait demandé que des enquêtes soient effectuées. L’Ambassadeur a demandé pourquoi le Comité avait jugé approprié d’examiner le fond de l’affaire alors que l’État partie était d’avis que les recours internes n’avaient pas été épuisés. Le Rapporteur a expliqué que le Comité avait estimé que les mesures mentionnées par l’État partie n’étaient pas efficaces, comme le montre le fait qu’il n’y a eu aucune enquête sur ces affaires plus de dix ans après que les allégations eurent été formulées.

L’Ambassadeur a confirmé qu’il transmettrait les préoccupations du Comité et sa demande d’enquête concernant les requêtes nos 187/2001 et 188/2001 à l’État partie et aviserait le Comité de toute mesure qui serait prise.

Décision du Comité

Le Comité a accepté la demande du requérant de «retirer» sa requête (no 189/2001) et décidé de mettre fin à son examen au titre de la procédure de suivi. Pour ce qui est des affaires no187/2001 et 188/2001, le Comité considère que le dialogue se poursuit.

Affaire

Ali Ben Salem, n o 269/2005

Nationalité et pays de renvoi, le cas échéant

Sans objet

Date d’adoption des constatations

7 novembre 2007

Questions soulevées et violations constatées

Absence de mesures pour prévenir et punir des actes de torture; obligation de procéder immédiatement à une enquête impartiale; droit de porter plainte; droit d’obtenir une réparation juste et adaptée − articles 1, 12, 13 et 14

Réparation recommandée

Le Comité engage l’État partie à conclure l’enquête sur les événements en cause en vue de poursuivre en justice les personnes responsables du traitement du requérant, et à l’informer, dans un délai de quatre-vingt-dix jours à compter de la date de transmission de la décision, des mesures qu’il aura prises conformément aux constatations du Comité, y compris l’indemnisation du requérant.

Date fixée pour la réponse de l’État partie

26 février 2008

Date de la réponse

Néant

Réponse de l’État partie

Aucune

Commentaires du requérant

Le 3 mars 2008, le requérant a indiqué que, depuis la décision du Comité, il avait encore été victime de mauvais traitements et de harcèlement de la part des autorités de l’État. Le 20 décembre 2007, il a été jeté à terre et roué de coups de pied par des policiers, postés en permanence en faction devant son domicile, alors qu’il accueillait des amis et des collègues venus lui rendre visite. Ses blessures étaient telles qu’il avait dû être conduit à l’hôpital. Le lendemain, plusieurs ONG, dont l’OMCT (qui représente le requérant), ont condamné l’incident. Le requérant est désormais sous surveillance ininterrompue, privé de toute liberté de circulation et sans contact avec d’autres personnes. Sa ligne téléphonique est coupée régulièrement et ses adresses de courrier électronique sont surveillées et systématiquement détruites.

Hormis une comparution devant un juge du tribunal d’instance le 8 janvier 2008, au cours de laquelle le requérant a été entendu au sujet de sa plainte (déposée en 2000), aucune mesure n’a été prise pour donner suite à l’enquête sur cette affaire. En outre, le requérant ne voit pas de rapport entre la comparution du 8 janvier et l’application de la décision du Comité. Il indique être actuellement en très mauvaise santé et ne pas avoir assez d’argent pour payer ses frais médicaux et rappelle que le paiement des frais médicaux liés à la rééducation des victimes de la torture est considéré comme faisant partie des obligations en matière de réparation.

Consultations avec l’État partie

Des consultations ont été tenues entre le Représentant permanent et le Rapporteur pour le suivi des décisions au sujet des requêtes au cours de la quarante-deuxième session.

Décision du Comité

Le Comité considère que le dialogue se poursuit. Il a indiqué à l’État partie qu’il était déçu de ne pas avoir encore reçu d’informations sur la mise en œuvre de sa décision. En outre, il a exprimé sa déception face aux nouvelles allégations, notamment celle selon laquelle le requérant avait à nouveau été la cible de mauvais traitements et de harcèlement par les autorités de l’État partie.

Affaire

Saadia Ali, n o 291/2006

Nationalité et pays de renvoi, le cas échéant

Sans objet

Date d’adoption des constatations

21 novembre 2008

Questions soulevées et violations constatées

Torture, droit à une enquête immédiate et impartiale, droit de porter plainte, droit à réparation − articles 1er, 12, 13 et 14

Mesures provisoires demandées et réponse de l’État partie

Sans objet

Réparation recommandée

Le Comité engage l’État partie à conclure l’enquête sur les événements en cause en vue de poursuivre en justice les personnes responsables des actes dont la requérante a été victime, et à l’informer, dans un délai de quatre-vingt-dix jours à compter de la date de transmission de la présente décision, des mesures qu’il aura prises conformément aux constatations du Comité, y compris l’indemnisation de la requérante.

Date fixée pour la réponse de l’État partie

24 février 2009

Date de la réponse

26 février 2009

Réponse de l’État partie

L’État partie s’est dit étonné de la décision du Comité étant donné que, selon lui, les moyens de recours internes n’avaient pas été épuisés. Il a exposé à nouveau les arguments qu’il avait avancés dans ses observations sur la recevabilité. Concernant la constatation du Comité selon laquelle ce qui avait été présenté par l’État partie comme des comptes rendus de l’audience préliminaire n’étaient que des résumés incomplets, l’État partie reconnaissait que ces procès-verbaux étaient confus et incomplets et a communiqué l’intégralité des procès-verbaux en arabe afin que le Comité puisse les examiner.

En outre, l’État partie a informé le Comité que le 6 février 2009, le juge d’instruction avait rejeté la plainte de la requérante pour les raisons suivantes:

1.Tous les policiers que la requérante accusait niaient l’avoir maltraitée;

2.La requérante n’a pu identifier aucun de ses agresseurs présumés, à l’exception du policier censé avoir fait usage de la force pour l’emmener avant son arrestation, ce qui, en tout état de cause, ne constituerait pas un mauvais traitement;

3.Tous les témoins ont déclaré qu’elle n’avait pas été maltraitée;

4.L’un des témoins a affirmé que la requérante avait tenté de le suborner, lui demandant de faire une fausse déclaration à l’encontre de la police;

5.Le propre frère de la requérante a dit tout ignorer de l’agression alléguée et déclaré qu’à son retour de la prison la requérante ne présentait aucun signe donnant à penser qu’elle avait été maltraitée;

6.Une déposition du greffier du tribunal a confirmé que son sac lui avait été rendu intact;

7.Des contradictions ont été constatées dans la déclaration de la requérante concernant son certificat médical − elle a déclaré que l’incident s’était produit le 22 juillet 2004, alors que la date portée sur le certificat était le 23 juillet 2004;

8.Des contradictions ont été constatées dans les dépositions de la requérante, qui a déclaré lors de son entrevue avec le juge qu’elle n’avait pas porté plainte devant les autorités judiciaires tunisiennes alors qu’elle a affirmé par la suite avec insistance qu’elle avait déposé plainte par l’intermédiaire de son avocat, qu’elle n’a d’ailleurs pas reconnu lors de l’audience.

L’État partie a communiqué le texte de la loi en vertu de laquelle cette affaire a été classée; il mentionnait une autre plainte récemment déposée par la requérante par l’intermédiaire de l’OMCT à l’encontre de fonctionnaires hospitaliers, et demandait au Comité de réexaminer ce cas.

Commentaires de la requérante

Le 2 juin 2009, la requérante a rappelé en détail les arguments qu’elle avait présentés dans les lettres qu’elle avait adressées au Comité avant que l’affaire soit examinée. Elle a fait valoir que son avocat avait tenté de porter plainte en son nom le 30 juillet 2004 mais que les autorités avaient refusé d’enregistrer la plainte. Elle a estimé surprenant que l’État partie ait été incapable d’identifier et de localiser les suspects impliqués dans l’incident, sachant qu’il s’agit d’agents de l’État, et a affirmé que les autorités savaient qu’elle vivait en France à l’époque. Elle a fait valoir qu’elle coopérait avec les autorités de l’État et a nié que l’affaire soit démesurée et compliquée comme le laissait entendre l’État partie.

S’agissant des minutes de l’audience préliminaire fournies par l’État partie, la requérante indique qu’il manque des paragraphes, sans qu’aucune explication ne soit donnée, que les minutes de l’audition de plusieurs témoins sont manquantes, et que certaines déclarations de témoins sont identiques (mot pour mot). L’authenticité de ces minutes est donc remise en cause. En outre, ces minutes ne sont fournies qu’en arabe.

La requérante indique également qu’au moins cinq témoins n’ont pas été entendus, qu’elle a formellement identifié ses agresseurs, que son frère n’était pas au courant de l’incident car elle ne lui en avait pas parlé, par honte, et que les contradictions relatives à la date de l’incident étaient dues à une simple erreur reconnue très rapidement. Elle nie avoir tenté de soudoyer un témoin.

Enfin, la requérante prie le Comité de ne pas réexaminer l’affaire et de prier l’État partie d’accorder pleine réparation pour tous les préjudices subis, de rouvrir l’enquête et de poursuivre les personnes responsables.

Consultations avec l’État partie

Le 13 mai 2009, le Rapporteur pour le suivi des décisions au sujet des requêtes s’est entretenu avec un représentant de l’État partie. Au cours de cet entretien, il a précisé à l’État partie qu’aucun réexamen des requêtes quant au fond n’était prévu. La seule possibilité de réexamen envisagée au titre de la procédure instituée par l’article 22 avait trait à la recevabilité − dans les cas où le Comité déclare la requête irrecevable pour non-épuisement des recours et où, par la suite, le requérant épuise ces voies de recours (voir par. 2 de l’article 110 du règlement intérieur du Comité).

À sa quarante-troisième session, le Comité a décidé de rappeler à l’État partie (comme indiqué dans une note verbale en date du 8 juin 2009 adressée à l’État partie après la réunion avec le Rapporteur) que ni la Convention elle-même ni le règlement intérieur ne prévoient de procédure pour le réexamen des requêtes au fond. Il a également rappelé à l’État partie qu’en vertu de la Convention il est tenu d’offrir réparation à la requérante conformément à la décision du Comité.

Décision du Comité

Poursuite du dialogue.

État partie

Venezuela (République bolivarienne du)

Affaire

Chipana , n o 110/1998

Nationalité et pays de renvoi, le cas échéant

Péruvienne; Pérou

Date d’adoption des constatations

10 novembre 1998

Questions soulevées et violations constatées

L’extradition de la requérante vers le Pérou a constitué une violation de l’article 3

Mesures provisoires demandées et réponse de l’État partie

Demandées; refusées par l’État partie

Réparation recommandée

Aucune

Date fixée pour la réponse de l’État partie

7 mars 1999

Date de la réponse

Dernière réponse en date le 9 octobre 2007 (réponses précédentes le 13 juin 2001 et le 9 décembre 2005)

Réponse de l’État partie

Le 13 juin 2001, l’État partie a exposé les conditions de détention de la requérante. Le 23 novembre 2000, l’Ambassadeur du Venezuela au Pérou et des représentants de l’administration péruvienne ont rendu visite à la requérante en prison et l’ont trouvée en bonne santé. En septembre 2000, elle avait été transférée du quartier de haute sécurité au quartier de «sécurité spéciale moyenne», où elle bénéficiait d’autres privilèges. Le 18 octobre 2001, l’État a rendu compte d’une visite effectuée auprès de la requérante en prison le 14 juin 2001, au cours de laquelle elle avait indiqué que ses conditions de détention s’étaient améliorées, qu’elle pouvait voir sa famille plus souvent et qu’elle avait l’intention de faire appel de sa condamnation. Elle avait été transférée du quartier de sécurité spéciale moyenne au quartier de «sécurité moyenne» où elle bénéficiait de privilèges supplémentaires. Sa santé était bonne, mis à part le fait qu’elle souffrait de dépression. Elle n’avait subi aucun mauvais traitement physique ou psychologique, recevait chaque semaine la visite de sa famille et participait dans la prison à des activités éducatives ou professionnelles.

Le 9 décembre 2005, l’État partie a informé le Comité que l’Ambassadeur du Venezuela au Pérou avait contacté Mme Nuñez Chipana le 23 novembre 2005. La requérante a regretté que les autorités péruviennes aient refusé l’accès à son frère, venu du Venezuela pour lui rendre visite. Elle a indiqué qu’elle suivait un traitement médical, pouvait recevoir des visites de son fils et était assujettie à un régime pénitentiaire imposant des restrictions minimales aux détenus. Elle a aussi indiqué qu’elle demanderait l’annulation du jugement et préparait une nouvelle demande en vertu de laquelle elle espérait être acquittée. L’État partie a estimé avoir donné suite à la recommandation selon laquelle des violations analogues devaient être évitées à l’avenir en adoptant en 2001 la loi sur les réfugiés, en vertu de laquelle la Commission nationale pour les réfugiés, récemment créée, traite désormais toutes les demandes de réfugiés potentiels et examine les cas d’expulsion. L’État partie a demandé au Comité de déclarer qu’il avait suivi ses recommandations et de le libérer de l’obligation de suivre la situation de la requérante au Pérou.

Le 9 octobre 2007, l’État partie a répondu à la demande d’informations du Comité concernant la nouvelle procédure engagée par la requérante. Il a indiqué au Comité que le Pérou n’avait pas demandé de modification des clauses de l’accord d’extradition, qui lui permettrait de poursuivre la requérante pour des crimes autres que ceux pour lesquels l’extradition a été accordée (trouble à l’ordre public et appartenance au mouvement subversif du Sentier lumineux). Il n’a pas répondu au sujet de l’état d’avancement de la nouvelle procédure engagée par la requérante.

Commentaires de la requérante

Aucun

Décision du Comité

Poursuite du dialogue au titre du suivi.

Requêtes pour lesquelles le Comité n’a constaté aucune violation de la Convention mais a demandé des renseignements complémentaires (jusqu’à la quarante-deuxième session)

État partie

Allemagne

Affaire

M. A. K., n o 214/2002

Nationalité et pays de renvoi, le cas échéant

Turque; Turquie

Date d’adoption des constatations

12 mai 2004

Questions soulevées et violations constatées

Aucune violation

Mesures provisoires demandées et réponse de l’État partie

Demandées; acceptées par l’État partie. Demande de l’État partie de retirer la demande de mesures provisoires rejetée par le Rapporteur des nouvelles communications et des mesures provisoires

Réparation recommandée

Le Comité n’a constaté aucune violation de la Convention; il a noté avec satisfaction que l’État partie était prêt à surveiller la situation du requérant après son renvoi en Turquie et a demandé à l’État partie de l’en tenir informé.

Date fixée pour la réponse de l’État partie

Aucune

Date de la réponse

20 décembre 2004

Réponse de l’État partie

L’État partie a informé le Comité que le requérant avait accepté de quitter de son plein gré le territoire allemand en juillet 2004 et que, dans une lettre datée du 28 juin 2004, son avocat avait indiqué qu’il partirait le 2 juillet 2004. Dans la même lettre, et lors d’une conversation téléphonique le 27 septembre 2004, son avocat avait déclaré que le requérant ne souhaitait pas être suivi par l’État partie en Turquie mais demanderait son assistance en cas d’arrestation. L’État partie ne juge donc pas nécessaire de déployer à ce stade d’autres efforts pour surveiller la situation.

Commentaires du requérant

Aucun

Décision du Comité

Il est mis fin à la procédure de suivi.

VII.Sessions futures du Comité

115.Conformément à l’article 2 de son règlement intérieur, le Comité tient deux sessions ordinaires par an. En consultation avec le Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies, le Comité a arrêté les dates ci-après pour ses sessions ordinaires de 2011:

Quarante-sixième session9-27 mai 2011*

Quarante-septième session31 octobre-18 novembre 2011*

* La date exacte dépend de la prolongation éventuelle de la session pour une semaine supplémentaire en 2011 et 2012.

Temps de réunion supplémentaire pour 2011 et 2012

116.Le Comité note qu’à sa quarante-quatrième session, il a décidé de demander à l’Assemblée de lui fournir l’appui financier requis pour lui permettre de se réunir une semaine supplémentaire à chacune de ses sessions de 2011 et 2012 (voir les paragraphes 23 à 26 du présent rapport).

117.Cette demande a été faite conformément aux décisions mentionnées dans les rapports annuels que le Comité a présentés à l’Assemblée générale à ses soixante-deuxième, soixante-troisième et soixante-quatrième sessions.

118.Il est important d’accroître le temps de réunion et de prévoir le soutien financier nécessaire pour que le Comité puisse se réunir pendant une semaine supplémentaire à chacune des sessions de 2011 et 2012 afin notamment de procéder à l’examen des rapports des États parties qui auront fait usage de la procédure facultative de présentation de rapports, car les rapports en question doivent être examinés le plus rapidement possible lorsqu’ils sont en possession du Comité ainsi que pour rattraper le retard dans l’examen des requêtes individuelles dont il est saisi.

119.Le Comité décide de transmettre cette décision (voir annexe IX du présent rapport) au Secrétaire général pour qu’elle soit présentée à l’Assemblée générale, à sa soixante-cinquième session.

VIII.Adoption du rapport annuel du Comité sur ses activités

120.Conformément à l’article 24 de la Convention, le Comité soumet aux États parties et à l’Assemblée générale un rapport annuel sur ses activités. Comme le Comité tient chaque année sa seconde session ordinaire à la fin du mois de novembre, période qui coïncide avec les sessions ordinaires de l’Assemblée générale, il adopte son rapport annuel à la fin de sa session de printemps, afin de le transmettre à l’Assemblée générale la même année civile. En conséquence, à sa 953e séance, le 14 mai 2010, le Comité a examiné et a adopté à l’unanimité son rapport sur les travaux effectués à ses quarante-troisième et quarante-quatrième sessions.

Annexes

Annexe I

Liste des États ayant signé ou ratifié la Convention contrela torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, ou y ayant adhéré, au 14 mai 2010

État

Date de la signature

Date de réception des instruments de ratification, d’ adhésion a ou de succession b

Afghanistan

4 février 1985

1er avril 1987

Afrique du Sud

29 janvier 1993

10 décembre 1998

Albanie

11 mai 1994 a

Algérie

26 novembre 1985

12 septembre 1989

Allemagne

13 octobre 1986

1er octobre 1990

Andorre

5 août 2002

22 septembre 2006

Antigua-et-Barbuda

19 juillet 1993 a

Arabie saoudite

23 septembre 1997 a

Argentine

4 février 1985

24 septembre 1986

Arménie

13 septembre 1993 a

Australie

10 décembre 1985

8 août 1989

Autriche

14 mars 1985

29 juillet 1987

Azerbaïdjan

16 août 1996 a

Bahamas

16 décembre 2008

Bahreïn

6 mars 1998 a

Bangladesh

5 octobre 1998 a

Bélarus

19 décembre 1985

13 mars 1987

Belgique

4 février 1985

25 juin 1999

Belize

17 mars 1986 a

Bénin

12 mars 1992 a

Bolivie

4 février 1985

12 avril 1999

Bosnie-Herzégovine

1er septembre 1993 b

Botswana

8 septembre 2000

8 septembre 2000

Brésil

23 septembre 1985

28 septembre 1989

Bulgarie

10 juin 1986

16 décembre 1986

Burkina Faso

4 janvier 1999 a

Burundi

18 février 1993 a

Cambodge

15 octobre 1992 a

Cameroun

19 décembre 1986 a

Canada

23 août 1985

24 juin 1987

Cap-Vert

4 juin 1992 a

Chili

23 septembre 1987

30 septembre 1988

Chine

12 décembre 1986

4 octobre 1988

Chypre

9 octobre 1985

18 juillet 1991

Colombie

10 avril 1985

8 décembre 1987

Comores

22 septembre 2000

Congo

30 juillet 2003 a

Costa Rica

4 février 1985

11 novembre 1993

Côte d’Ivoire

18 décembre 1995 a

Croatie

12 octobre 1992 b

Cuba

27 janvier 1986

17 mai 1995

Danemark

4 février 1985

27 mai 1987

Djibouti

5 novembre 2002 a

Égypte

25 juin 1986 a

El Salvador

17 juin 1996 a

Équateur

4 février 1985

30 mars 1988

Espagne

4 février 1985

21 octobre 1987

Estonie

21 octobre 1991 a

États-Unis d’Amérique

18 avril 1988

21 octobre 1994

Éthiopie

14 mars 1994 a

ex-République yougoslavede Macédoine

12 décembre 1994 b

Fédération de Russie

10 décembre 1985

3 mars 1987

Finlande

4 février 1985

30 août 1989

France

4 février 1985

18 février 1986

Gabon

21 janvier 1986

8 septembre 2000

Gambie

23 octobre 1985

Géorgie

26 octobre 1994 a

Ghana

7 septembre 2000

7 septembre 2000

Grèce

4 février 1985

6 octobre 1988

Guatemala

5 janvier 1990 a

Guinée

30 mai 1986

10 octobre 1989

Guinée équatoriale

8 octobre 2002 a

Guinée-Bissau

12 septembre 2000

Guyana

25 janvier 1988

19 mai 1988

Honduras

5 décembre 1996 a

Hongrie

28 novembre 1986

15 avril 1987

Inde

14 octobre 1997

Indonésie

23 octobre 1985

28 octobre 1998

Irlande

28 septembre 1992

11 avril 2002

Islande

4 février 1985

23 octobre 1996

Israël

22 octobre 1986

3 octobre 1991

Italie

4 février 1985

12 janvier 1989

Jamahiriya arabe libyenne

16 mai 1989 a

Japon

29 juin 1999 a

Jordanie

13 novembre 1991 a

Kazakhstan

26 août 1998 a

Kenya

21 février 1997 a

Kirghizistan

5 septembre 1997 a

Koweït

8 mars 1996 a

Lesotho

12 novembre 2001 a

Lettonie

14 avril 1992 a

Liban

5 octobre 2000 a

Libéria

22 septembre 2004 a

Liechtenstein

27 juin 1985

2 novembre 1990

Lituanie

1er février 1996 a

Luxembourg

22 février 1985

29 septembre 1987

Madagascar

1er octobre 2001

13 décembre 2005

Malawi

11 juin 1996 a

Maldives

20 avril 2004 a

Mali

26 février 1999 a

Malte

13 septembre 1990 a

Maroc

8 janvier 1986

21 juin 1993

Maurice

9 décembre 1992 a

Mauritanie

17 novembre 2004a

Mexique

18 mars 1985

23 janvier 1986

Monaco

6 décembre 1991 a

Mongolie

24 janvier 2002 a

Monténégro

23 octobre 2006 b

Mozambique

14 septembre 1999 a

Namibie

28 novembre 1994 a

Nauru

12 novembre 2001

Népal

14 mai 1991 a

Nicaragua

15 avril 1985

5 juillet 2005

Niger

5 octobre 1998 a

Nigéria

28 juillet 1988

28 juin 2001

Norvège

4 février 1985

9 juillet 1986

Nouvelle-Zélande

14 janvier 1986

10 décembre 1989

Ouganda

3 novembre 1986 a

Ouzbékistan

28 septembre 1995 a

Pakistan

17 avril 2008

Panama

22 février 1985

24 août 1987

Paraguay

23 octobre 1989

12 mars 1990

Pays-Bas

4 février 1985

21 décembre 1988

Pérou

29 mai 1985

7 juillet 1988

Philippines

18 juin 1986 a

Pologne

13 janvier 1986

26 juillet 1989

Portugal

4 février 1985

9 février 1989

Qatar

11 janvier 2000 a

République arabe syrienne

19 août 2004 a

République de Corée

9 janvier 1995 a

République de Moldova

28 novembre 1995 a

République démocratique du Congo

18 mars 1996 a

République dominicaine

4 février 1985

République tchèque

22 février 1993 b

Roumanie

18 décembre 1990 a

Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord

15 mars 1985

8 décembre 1988

Rwanda

15 décembre 2008 a

Saint-Marin

18 septembre 2002

27 novembre 2006

Saint-Siège

26 juin 2002 a

Saint-Vincent-et-les Grenadines

1er août 2001 a

Sao Tomé-et-Principe

6 septembre 2000

Sénégal

4 février 1985

21 août 1986

Serbie

12 mars 2001 b

Seychelles

5 mai 1992 a

Sierra Leone

18 mars 1985

25 avril 2001

Slovaquie

28 mai 1993 b

Slovénie

16 juillet 1993 a

Somalie

24 janvier 1990 a

Soudan

4 juin 1986

Sri Lanka

3 janvier 1994 a

Suède

4 février 1985

8 janvier 1986

Suisse

4 février 1985

2 décembre 1986

Swaziland

26 mars 2004 a

Tadjikistan

11 janvier 1995 a

Tchad

9 juin 1995 a

Thaïlande

2 octobre 2007 a

Timor-Leste

16 avril 2003 a

Togo

25 mars 1987

18 novembre 1987

Tunisie

26 août 1987

23 septembre 1988

Turkménistan

25 juin 1999 a

Turquie

25 janvier 1988

2 août 1988

Ukraine

27 février 1986

24 février 1987

Uruguay

4 février 1985

24 octobre 1986

Venezuela(République bolivarienne du)

15 février 1985

29 juillet 1991

Yémen

5 novembre 1991 a

Zambie

7 octobre 1998 a

a Adhésion (73 États).

b Succession (7 États).

Annexe II

États parties ayant déclaré ne pas reconnaître la compétencedu Comité en application de l’article 20 de la Convention (au 14 mai 2010)

Afghanistan

Arabie saoudite

Chine

Guinée équatoriale

Israël

Koweït

Mauritanie

République arabe syrienne

Annexe III

États parties ayant fait les déclarations prévues aux articles 21 et 22 de la Convention (au 14 mai 2010) a, b

État partie

Date d’entrée en vigueur

Afrique du Sud

10 décembre 1998

Algérie

12 octobre 1989

Allemagne

19 octobre 2001

Andorre

22 novembre 2006

Argentine

26 juin 1987

Australie

29 janvier 1993

Autriche

28 août 1987

Belgique

25 juillet 1999

Bolivie

14 février 2006

Bulgarie

12 juin 1993

Cameroun

11 novembre 2000

Canada

13 novembre 1989

Chili

15 mars 2004

Chypre

8 avril 1993

Costa Rica

27 février 2002

Croatie

8 octobre 1991 c

Danemark

26 juin 1987

Équateur

29 avril 1988

Espagne

20 novembre 1987

Fédération de Russie

1er octobre 1991

Finlande

29 septembre 1989

France

26 juin 1987

Géorgie

30 juin 2005

Ghana

7 octobre 2000

Grèce

5 novembre 1988

Hongrie

13 septembre 1989

Irlande

11 mai 2002

Islande

22 novembre 1996

Italie

10 octobre 1989

Kazakhstan

21 février 2008

Liechtenstein

2 décembre 1990

Luxembourg

29 octobre 1987

Malte

13 octobre 1990

Monaco

6 janvier 1992

Monténégro

23 octobre 2006 c

Norvège

26 juin 1987

Nouvelle-Zélande

9 janvier 1990

Paraguay

29 mai 2002

Pays-Bas

20 janvier 1989

Pérou

28 octobre 2002

Pologne

12 mai 1993

Portugal

11 mars 1989

République de Corée

9 novembre 2007

République tchèque

3 septembre 1996 c

Sénégal

16 octobre 1996

Serbie

12 mars 2001 c

Slovaquie

17 mars 1995 c

Slovénie

15 août 1993

Suède

26 juin 1987

Suisse

26 juin 1987

Togo

18 décembre 1987

Tunisie

23 octobre 1988

Turquie

1er septembre 1988

Ukraine

12 septembre 2003

Uruguay

26 juin 1987

Venezuela(République bolivarienne du)

26 avril 1994

États parties ayant fait uniquement la déclaration prévueà l’article 21 de la Convention (au 14 mai 2010) a

État partie

Date d’entrée en vigueur

États-Unis d’Amérique

21 octobre 1994

Japon

29 juin 1999

Ouganda

19 décembre 2001

Royaume-Uni de Grande-Bretagneet d’Irlande du Nord

8 décembre 1988

États parties ayant fait uniquement la déclaration prévueà l’article 22 de la Convention (au 14 mai 2010) b

État partie

Date d’entrée en vigueur

Azerbaïdjan

4 février 2002

Bosnie-Herzégovine

4 juin 2003

Brésil

26 juin 2006

Burundi

10 juin 2003

Guatemala

25 septembre 2003

Maroc

19 octobre 2006

Mexique

15 mars 2002

Seychelles

6 août 2001

a Au total 60 États parties ont fait la déclaration prévue à l’article 21 .

b Au total 64 États parties ont fait la déclaration prévue à l’article 22 .

c États parties ayant fait les déclarations prévues aux articles 21 et 22 par voie de succession.

Annexe IV

Composition du Comité contre la torture en 2010

Membres

Pays de nationalité

Mandat expirant le 31 décembre

Mme Essadia Belmir(Vice-Présidente)

Maroc

2013

M. Alessio Bruni

Italie

2013

Mme Felice Gaer(Vice-Présidente)

États-Unis d’Amérique

2011

M. Luis Gallegos Chiriboga

Équateur

2011

M. Abdoulaye Gaye

Sénégal

2011

M. Claudio Grossman (Président)

Chili

2011

Mme Myrna Kleopas

Chypre

2011

M. Fernando Mariño Menendez

Espagne

2013

Mme Nora Sveaass(Rapporteuse)

Norvège

2013

M. Xuexian Wang (Vice-Président)

Chine

2013

Annexe V

États parties ayant signé ou ratifié le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradantsou y ayant adhéré, au 14 mai 2010

État

Date de la signature ou de la succession à la signature b

Date de réception des instruments de ratification, d’ adhésion a ou de succession b

Afrique du Sud

20 septembre 2006

Albanie

1er octobre 2003 a

Allemagne

20 septembre 2006

4 décembre 2008

Argentine

30 avril 2003

15 novembre 2004

Arménie

14 septembre 2006 a

Australie

19 mai 2009

Autriche

25 septembre 2003

Azerbaïdjan

15 septembre 2005

28 janvier 2009

Belgique

24 octobre 2005

Bénin

24 février 2005

20 septembre 2006

Bolivie (État plurinational de)

22 mai 2006

23 mai 2006

Bosnie-Herzégovine

7 décembre 2007

24 octobre 2008

Brésil

13 octobre 2003

12 janvier 2007

Burkina Faso

21 septembre 2005

Cambodge

14 septembre 2005

30 mars 2007

Cameroun

15 décembre 2009

Chili

6 juin 2005

12 décembre 2008

Chypre

26 juillet 2004

29 avril 2009

Congo

29 septembre 2008

Costa Rica

4 février 2003

1er décembre 2005

Croatie

23 septembre 2003

25 avril 2005

Danemark

26 juin 2003

25 juin 2004

Équateur

24 mai 2007

Espagne

13 avril 2005

4 avril 2006

Estonie

21 septembre 2004

18 décembre 2006

ex-République yougoslave de Macédoine

1er septembre 2006

13 février 2009

Finlande

23 septembre 2003

France

16 septembre 2005

11 novembre 2008

Gabon

15 décembre 2004

Géorgie

9 août 2005 a

Ghana

6 novembre 2006

Guatemala

25 septembre 2003

9 juin 2008

Guinée

16 septembre 2005

Honduras

8 décembre 2004

23 mai 2006

Irlande

2 octobre 2007

Islande

24 septembre 2003

Italie

20 août 2003

Kazakhstan

25 septembre 2007

22 octobre 2008

Kirghizistan

29 décembre 2008 a

Liban

22 décembre 2008 a

Libéria

22 septembre 2004 a

Liechtenstein

24 juin 2005

3 novembre 2006

Luxembourg

13 janvier 2005

Madagascar

24 septembre 2003

Maldives

14 septembre 2005

15 février 2006

Mali

19 janvier 2004

12 mai 2005

Malte

24 septembre 2003

24 septembre 2003

Maurice

21 juin 2005 a

Mexique

23 septembre 2003

11 avril 2005

Monténégro

23 octobre 2006 b

6 mars 2009

Nicaragua

14 mars 2007

25 février 2009

Nigéria

27 juillet 2009 a

Norvège

24 septembre 2003

Nouvelle-Zélande

23 septembre 2003

14 mars 2007

Paraguay

22 septembre 2004

2 décembre 2005

Pays-Bas

3 juin 2005

Pérou

14 septembre 2006 a

Pologne

5 avril 2004

14 septembre 2005

Portugal

15 février 2006

République de Moldova

16 septembre 2005

24 juillet 2006

République tchèque

13 septembre 2004

10 juillet 2006

Roumanie

24 septembre 2003

2 juillet 2009

Royaume-Unide Grande-Bretagneet d’Irlande du Nord

26 juin 2003

10 décembre 2003

Sénégal

4 février 2003

18 octobre 2006

Serbie

25 septembre 2003

26 septembre 2006

Sierra Leone

26 septembre 2003

Slovénie

23 janvier 2007 a

Suède

26 juin 2003

14 septembre 2005

Suisse

25 juin 2004

24 septembre 2009

Timor-Leste

16 septembre 2005

Togo

15 septembre 2005

Turquie

14 septembre 2005

Ukraine

23 septembre 2005

19 septembre 2006

Uruguay

12 janvier 2004

8 décembre 2005

Annexe VI

Composition du Sous-Comité pour la prévention de la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants en 2010

Membres

Pays de nationalité

Mandat expirant le 31 décembre

M. Mario Luis Coriolano (Vice-Président)

Argentine

2012

Mme Marija Definis Gojanović

Croatie

2010

M. Malcolm Evans

Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord

2012

M. Emilio Ginés Santidrián

Espagne

2010

M. Zdeněk Hájek

République tchèque

2012

M. Zbigniew Lasocik

Pologne

2012

M. Hans Draminsky Petersen (Vice-Président)

Danemark

2010

M. Víctor Manuel RodríguezRescia (Président)

Costa Rica

2012

M. Miguel SarreIguiniz

Mexique

2010

M. Wilder Tayler Souto

Uruguay

2010

Annexe VII

Troisième rapport annuel du Sous-Comité pour la prévention de la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants* (avril 2009-mars 2010)

Table des matières

Paragraphes Page

I.Introduction1−9258

II.Mandat du Sous-Comité pour la prévention de la torture et autres peinesou traitements cruels, inhumains ou dégradants10−19260

A.Objectifs du Protocole facultatif se rapportant à la Convention contrela torture10260

B.Principales caractéristiques du mandat du Sous-Comité pourla prévention de la torture11−12261

C.Pouvoirs conférés au Sous-Comité pour la prévention de la torture en vertudu Protocole facultatif13−15261

D.Mode d’approche axé sur la prévention16−19262

III.Visites des lieux de privation de liberté20−36262

A.Planification des travaux du Sous-Comité pour la préventionde la torture sur le terrain20−24262

B.Visites menées d’avril 2009 à mars 201025−29263

C.Publication des rapports du Sous-Comité pour la préventionde la torture sur ses visites30−32264

D.Questions soulevées par les visites33−36265

IV.Mécanismes nationaux de prévention37−53266

A.Travaux du Sous-Comité pour la prévention de la tortureen ce qui concerne les mécanismes nationaux de prévention37−48266

B.Questions relatives à la création ou à la mise en place des mécanismesnationaux de prévention49−53268

V.Coopération avec d’autres organes54−72269

A.Relations avec les organes de l’ONU54−63269

B.Relations avec d’autres organisations internationales64−68273

C.Relations avec la société civile69−72274

VI.Questions administratives et budgétaires73−77274

A.Ressources (2009-2010)73−74274

B.Secrétariat du Sous-Comité pour la prévention de la torture75−76275

C.Crédits nécessaires77275

VII.Activités d’organisation78−86275

A.Sessions du Sous-Comité pour la prévention de la torture78−80275

B.Évaluation générale81−82276

C.Défis83−86276

Appendices

I.Visites effectuées à bien en 2009277

II.Programme de travail sur le terrain du Sous-Comitépour la prévention de la torture (2010)280

III.Participation des membres du Sous-Comité pour la prévention de la tortureà des activités relatives au Protocole facultatif (avril 2009-mars 2010)281

IV.Groupe de contact du Protocole facultatif se rapportant à la Conventioncontre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants284

V.Renseignements sur les rapports établis à l’issue des visites dans les payset sur la suite qui y a été donnée, au 26 février 2010285

I.Introduction

1.Le présent document est le troisième rapport public annuel du Sous-Comité pour la prévention de la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (SPT). Il rend compte des activités menées par le Sous-Comité du début du mois d’avril 2009 à la fin du mois de mars 2010.

2.L’un des faits majeurs survenus au cours de la période couverte par le rapport a été le dépôt du cinquantième instrument de ratification du Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Avec cette ratification la situation concernant les signatures et ratifications, par zone géographique, est la suivante:

États parties par région :

États d’Afrique

6

États d’Asie

6

États d’Europe occidentale et autres États

10

États d’Europe orientale

16

États d’Amérique latine et des Caraïbes

12

Asie 6 Amérique latineet Caraïbes 12 Afrique 6 Europe orientale 16 Europe occidentale et autres États 10 Europe occidentaleet autres États 10

Nombre d’États qui ont signé le Protocole facultatif mais ne l’ont pas ratifié:24

Répartition par groupe géographique:

États d’Afrique

10

États d’Asie

1

États d’Europe occidentale et autres États

12

États d’Europe orientale

0

États d’Amérique latine et des Caraïbes

1

Afrique 10 Afrique 10 Europe occidentaleet autres 12 Asie 1 Amérique latineet Caraïbes 1

3.La cinquantième ratification fait naître automatiquement un défi immédiat pour l’ensemble du système de prévention de la torture, puisque le nombre des membres du Sous-Comité pour la prévention de la torture passe de 10 à 25, ce qui en fera l’organe conventionnel des Nations Unies comptant le plus grand nombre de membres.

4.On espère que les nouveaux membres requis pour arriver au nombre de 25 seront élus en 2010; cela demandera un processus complexe, bien informé, afin que la composition corresponde à la représentation géographique et interdisciplinaire la plus vaste possible.

5.La répartition géographique actuelle est très déséquilibrée. Le Sous-Comité pour la prévention de la torture n’a aucun membre d’Afrique ou d’Asie, alors que ces régions comptent toutes deux des États parties, tandis que l’Europe occidentale et l’Amérique latine sont surreprésentées, comme le montre le tableau suivant:

Représentation géographique actuelle par région (En pourcentage)

Région

Ratification

Membres

Afrique

12

0

Asie

12

0

Europe orientale

33

30

Amérique latine et Caraïbes

24

40

Europe occidentale et autres États

18

30

6.Dans sa résolution 63/167, l’Assemblée générale a prié les présidents des organes créés en vertu d’instruments relatifs aux droits de l’homme de présenter des mesures en vue d’établir une répartition géographique équitable dans la composition desdits organes. Le Sous-Comité pour la prévention de la torture veut croire que, pour l’élection de ses nouveaux membres, à la prochaine réunion des États parties, il sera tenu compte des paramètres suivants:

Une répartition géographique équitable dans sa composition donnerait au Sous-Comité pour la prévention de la torture une plus grande légitimité et ferait qu’il serait mieux accepté, outre que ses travaux s’en trouveraient enrichis. De même, il est important que la parité hommes-femmes y soit assurée et que ses membres soient des spécialistes dans des domaines particuliers, dont celui de la santé;

Avec 50 États parties, une répartition géographique équitable serait la suivante: 3 membres d’Afrique, 3 membres d’Asie, 5 membres d’Europe occidentale, 8 membres d’Europe orientale et 6 membres d’Amérique latine.

7.Parmi les priorités de cette transition, il incombe aux membres actuels du Sous-Comité pour la prévention de la torture d’établir les bases de ses méthodes de travail et d’appliquer les enseignements de l’expérience pour s’acquitter des trois grands aspects du mandat du SPT:

a)Les visites des lieux de privation de liberté;

b)La collaboration directe avec les mécanismes nationaux de prévention de la torture;

c)La coopération avec les organes de l’ONU, les organisations internationales et régionales, et les organismes nationaux œuvrant dans des domaines connexes.

8.L’article 25 du Protocole facultatif, dispose que les dépenses «résultant des travaux du Sous-Comité de la prévention créé en vertu du Protocole sont prises en charge par l’Organisation des Nations Unies» et que le Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies «met à la disposition du Sous-Comité de la prévention le personnel et les installations qui lui sont nécessaires pour s’acquitter efficacement des fonctions qui lui sont confiées en vertu du présent Protocole». Pendant sa troisième année d’activité, le Sous-Comité pour la prévention de la torture a exécuté le budget qui lui avait été attribué pour accomplir les trois visites prévues pour l’année mais il est prévu que le nombre de visites à effectuer quand les 15 nouveaux sièges auront été pourvus sera porté à huit par an.

9.Au cours de la période visée par le rapport, le Sous-Comité pour la prévention de la torture a mis au point une stratégie de croissance qui lui a permis, alors qu’il ne disposait pas des ressources nécessaires pour mener à bien un plus grand nombre de visites et d’activités relevant de son mandat, de prendre des mesures novatrices et d’utiliser au mieux les ressources limitées à sa disposition, étant entendu que demeurent des insuffisances budgétaires qui devront être comblées pour le prochain exercice biennal, afin que le SPT puisse s’acquitter de toutes les fonctions qui lui sont confiées en vertu du Protocole facultatif.

II.Mandat du Sous-Comité pour la prévention de la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

A.Objectifs du Protocole facultatif se rapportant à la Conventioncontre la torture

10.L’article premier du Protocole facultatif prévoit l’établissement d’un système de visites régulières effectuées par des organismes internationaux et nationaux indépendants, afin de prévenir la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Le Sous-Comité pour la prévention de la torture conçoit ce système comme un réseau solidaire de mécanismes chargés, dans le cadre de leur mandat de prévention et en coopération les uns avec les autres, de procéder à des visites et d’exercer d’autres fonctions. De bonnes relations et de bonnes communications entre les organes de visite travaillant aux différents niveaux doivent être nouées et préservées pour éviter les chevauchements d’activités et utiliser au mieux les ressources, qui sont limitées. Le Sous-Comité pour la prévention de la torture a pour mandat d’entretenir des contacts directs avec les autres mécanismes de visite, au niveau international comme au niveau national. Durant la période couverte par le rapport, il a continué de rechercher les moyens de promouvoir les synergies entre tous les partenaires de la prévention.

B.Principales caractéristiques du mandat du Sous-Comitépour la prévention de la torture

11.Le mandat du Sous-Comité pour la prévention de la torture est défini à l’article 11 du Protocole facultatif, qui dispose qu’il:

a)Effectue des visites dans les lieux où des personnes sont ou peuvent être privées de liberté et formule des recommandations aux États parties visant à protéger les personnes privées de leur liberté contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants;

b)En ce qui concerne les mécanismes nationaux de prévention:

i)Offre des avis et une assistance aux États parties, le cas échéant, aux fins de la mise en place des mécanismes;

ii)Entretient avec les mécanismes des contacts directs et leur offre une formation et une assistance technique; leur offre des avis et une assistance pour évaluer les besoins et les moyens nécessaires afin de renforcer la protection des personnes privées de liberté contre les mauvais traitements; formule les recommandations et observations nécessaires à l’intention des États parties en vue de renforcer les capacités et le mandat des mécanismes nationaux de prévention;

c)Coopère avec les organes compétents de l’Organisation des Nations Unies ainsi qu’avec les organisations internationales, régionales et nationales qui œuvrent à la prévention des mauvais traitements.

12.Le Sous-Comité pour la prévention de la torture estime que les trois éléments de son mandat sont fondamentaux pour la prévention de la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants; or à ce jour, un bilan objectif de la situation montre que le principal obstacle rencontré pour s’acquitter de ces obligations internationales est le nombre réduit de visites dans les pays et, spécialement, à l’absence totale de crédit correspondant à la ligne budgétaire établie à l’alinéa b de l’article 11 du Protocole facultatif (assistance à la création de mécanismes nationaux de prévention).

C.Pouvoirs conférés au Sous-Comité pour la prévention de la tortureen vertu du Protocole facultatif

13.Pour lui permettre de s’acquitter de son mandat, des pouvoirs considérables sont accordés au Sous-Comité pour la prévention de la torture en vertu de l’article 14 du Protocole facultatif. Chaque État partie est tenu de l’autoriser à effectuer des visites dans tous les lieux placés sous sa juridiction ou son contrôle, où se trouvent ou pourraient se trouver des personnes privées de liberté sur l’ordre d’une autorité publique ou à son instigation, ou avec son consentement exprès ou tacite.

14.Les États parties s’engagent en outre à accorder au Sous-Comité pour la prévention de la torture l’accès sans restriction à tous les renseignements concernant les personnes privées de liberté et à tous les renseignements relatifs au traitement de ces personnes et à leurs conditions de détention. Ils doivent également lui accorder la possibilité de s’entretenir en privé avec les personnes privées de liberté, sans témoins. Le SPT a la liberté de choisir les lieux qu’il visitera et les personnes qu’il rencontrera. Les mêmes pouvoirs doivent être accordés aux mécanismes nationaux de prévention, conformément au Protocole facultatif.

15.Au cours de la période couverte par le rapport, le Sous-Comité pour la prévention de la torture a continué de s’acquitter de ses fonctions de manière satisfaisante, avec la collaboration des États parties visités.

D.Mode d’approche axé sur la prévention

16.Le domaine de la prévention de la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants va de l’analyse des instruments internationaux visant la protection à la constatation des conditions matérielles de détention, en passant par les politiques publiques, les budgets, les réglementations, les manuels de fonctionnement et les conceptions théoriques expliquant les actions et les omissions qui font obstacle à l’application des normes universelles aux réalités locales.

17.Le Sous-Comité pour la prévention de la torture s’est entretenu avec le Groupe de contact du Protocole facultatif sur la portée de la prévention de la torture. Deux séances de travail ont été consacrées à ce sujet pendant les huitième et neuvième sessions du Sous-Comité.

18.Que des tortures ou autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants soient réellement pratiqués ou non dans la réalité, il est toujours nécessaire pour les États d’être vigilants pour éviter tout risque qu’ils ne se produisent et de mettre en place et maintenir des garanties effectives et complètes pour protéger les personnes privées de liberté. C’est le rôle des mécanismes de prévention de veiller à ce que ces garanties existent et fonctionnent effectivement et de formuler des recommandations en vue d’établir le système de garanties, en droit comme en pratique, et d’améliorer ainsi la situation des personnes privées de liberté.

19.En examinant des exemples de bonnes et de mauvaises pratiques, le Sous-Comité pour la prévention de la torture vise à tirer parti des protections existantes, à réduire l’écart entre théorie et pratique et à éliminer ou à réduire au minimum les risques de torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

III.Visites des lieux de privation de liberté

A.Planification des travaux du Sous-Comité pour la prévention dela torture sur le terrain

20.Pendant sa troisième année de fonctionnement, le Sous-Comité pour la prévention de la torture a choisi les États dans lesquels il se rendrait, en fonction des principes énoncés à l’article 2 du Protocole facultatif. Pour choisir les pays qui devraient faire l’objet d’une visite, il a tenu compte, entre autres éléments, de la date de ratification et de l’établissement de mécanismes nationaux de prévention, de la répartition géographique, de la taille et de la complexité de l’État, de la surveillance préventive organisée à l’échelon régional et des questions urgentes qui lui avaient été signalées.

21.Compte tenu de ses contraintes budgétaires, le Sous-Comité pour la prévention de la torture a limité son programme de visites à trois pour cette année. Il considère néanmoins qu’après la période initiale le programme des visites à moyen terme devrait comporter 10 visites par période de douze mois. Ce rythme annuel a été retenu parce que le Sous-Comité pour la prévention de la torture est parvenu à la conclusion que, pour visiter 50 États parties et prévenir efficacement les mauvais traitements, il lui faudrait se rendre dans chacun d’entre eux au moins une fois tous les quatre ou cinq ans en moyenne. Avec des visites moins fréquentes, l’efficacité du soutien aux mécanismes nationaux de prévention dans l’exercice de leurs fonctions et leur renforcement seraient en effet compromis et la protection offerte aux personnes privées de liberté serait moindre.

22.À cet effet le Sous-Comité pour la prévention de la torture a établi à l’intention du Haut-Commissariat aux droits de l’homme une estimation budgétaire détaillée et justifiée pour ses travaux futurs (voir plus loin le chapitre VI).

23.En ce qui concerne la méthodologie et la logistique des visites, le Sous-Comité pour la prévention de la torture demande à l’État partie dans lequel il doit se rendre des renseignements sur la législation et sur les caractéristiques des institutions et du système de privation de liberté ainsi que des données statistiques et d’autres renseignements concernant leur fonctionnement dans la pratique, informations qui sont résumées dans une «note sur le pays» (country brief), outil indispensable pour se faire une idée claire de la situation de la prévention de la torture dans le pays à visiter.

24.À la fin du mois de novembre 2009, le Sous-Comité pour la prévention de la torture a rendu public son programme de travail sur le terrain pour 2010, qui comportera des visites au Liban, au Libéria et dans l’État plurinational de Bolivie. Il réalisera peut-être d’autres visites, dont une visite de suivi et une autre visant à appuyer la création d’un mécanisme national de prévention, dans des pays et à des dates qui seront déterminées en temps utile.

B.Visites menées d’avril 2009 à mars 2010

25.Le Sous-Comité pour la prévention de la torture s’est rendu au Paraguay en mars 2009, au Honduras en septembre et au Cambodge en décembre. Au cours de ces missions, les délégations ont surtout fait porter leur attention sur la mise en place des mécanismes nationaux de prévention de la torture, sur l’identification des risques de torture et sur la protection des personnes détenues dans les différents types de lieux de privation de liberté.

26.Pendant les visites, les délégations du SPT ont recueilli empiriquement des données et eu des discussions avec un large éventail d’interlocuteurs, dont des représentants des ministères concernés par la privation de liberté et d’autres institutions gouvernementales, d’autres autorités publiques comme l’appareil judiciaire ou le ministère public, d’institutions nationales de défense des droits de l’homme, d’organismes professionnels et de la société civile. Si des mécanismes nationaux de prévention sont déjà en place, ce sont des interlocuteurs privilégiés. Les entretiens directs et confidentiels avec les personnes privées de liberté sont les principales activités qui permettent de corroborer les renseignements et les données sur les risques de torture. Les délégations ont aussi rencontré des membres du personnel travaillant dans les établissements de détention ainsi que, dans le cas de la police, du personnel chargé des enquêtes. Des entretiens ont également eu lieu avec du personnel de centres pour mineurs, ainsi qu’avec du personnel des hôpitaux psychiatriques et des services de l’armée.

27.Au terme de chaque visite régulière, la délégation a présenté ses observations préliminaires aux autorités lors d’une réunion finale confidentielle. Le Sous-Comité pour la prévention de la torture tient à remercier les autorités du Cambodge, du Honduras et du Paraguay pour l’esprit positif avec lequel elles ont accueilli les observations initiales de ses délégations et pour les débats constructifs qui ont eu lieu au sujet de l’avenir. Après chaque visite, il a adressé une lettre aux autorités, dans laquelle il a réitéré ses principales observations préliminaires et leur a demandé d’y réagir et de faire parvenir des renseignements à jour sur toutes mesures prises ou prévues depuis la visite pour résoudre les problèmes soulevés au cours de la réunion finale, en particulier sur certaines questions qui pouvaient ou devaient être traitées dans les semaines suivant la visite. Il a indiqué que les réponses reçues des autorités seraient reflétées dans le rapport sur la visite.

28.Un peu plus tard, il a été rappelé aux autorités que toute réponse reçue avant l’adoption en session plénière du projet de rapport sur la visite serait prise en considération dans les débats sur ce projet. Ces communications constituent une part importante du dialogue continu de prévention entre l’État partie et le SPT. Ce dernier est heureux de pouvoir signaler que pour chacune des visites effectuées à ce jour, il a reçu des autorités des réponses aux observations préliminaires et des renseignements complémentaires avant l’adoption du rapport sur la visite. C’est un signe que les États parties dans lesquels les premières visites ont eu lieu adhèrent au processus de dialogue et d’amélioration progressive de la prévention qui s’est engagé.

29.Les autorités sont invitées à répondre par écrit aux recommandations et aux demandes de complément d’informations figurant dans le rapport sur la visite dans le pays, qui leur est transmis de manière confidentielle, avant d’être approuvé par le Sous-Comité pour la prévention de la torture. Jusqu’ici, les autorités compétentes des deux pays visités ont répondu rapidement, signe manifeste de la volonté de ces États de coopérer avec le SPT.

C.Publication des rapports du Sous-Comité pour la préventionde la torture sur ses visites

30.Au moment de la rédaction du présent rapport, sur les sept rapports établis à ce jour par le Sous-Comité pour la prévention de la torture, seuls ceux qui portent sur le Honduras, les Maldives et la Suède, ainsi que les réponses des autorités dans le cas de la Suède, ont été rendus publics. Le SPT espère que, le moment venu, les autorités de tous les autres États parties visités demanderont que le rapport de visite et leurs réponses soient rendus publics. Dans l’intervalle, les rapports de visite demeurent confidentiels.

31.Même si la plupart des rapports du Sous-Comité pour la prévention de la torture sont encore confidentiels, on peut dégager des rapports sur les visites effectuées au cours de la période considérée certains éléments dans le domaine de la prévention de la torture, qui peuvent être utiles pour d’autres États:

Mécanismes nationaux de prévention de la torture. On peut établir des lignes directrices au sujet de leur création, de la participation de la société civile, de leur mandat, de leurs pouvoirs et de leur composition. Le Sous-Comité pour la prévention de la torture a particulièrement insisté sur le fait que la législation portant création du mécanisme national de prévention devait définir une procédure de sélection indépendante de ses membres;

Cadre juridique et institutionnel. En ce qui concerne le cadre juridique, les recommandations visent l’adaptation de la législation pénale aux normes internationales en matière de prévention et de répression de la torture, ce qui signifie généralement que la loi doit prévoir l’incrimination de la torture, selon la définition donnée à l’article premier de la Convention contre la torture, ou établir des garanties fondamentales contre la torture, telles que la possibilité de communiquer avec un avocat et de consulter un médecin ainsi que l’exclusion de la preuve obtenue par la torture. En ce qui concerne le cadre institutionnel, les normes visent le renforcement des institutions qui jouent un rôle dans la prévention de la torture. Concrètement, le Sous-Comité pour la prévention de la torture a recommandé la création d’un système de défense publique ou l’augmentation des ressources allouées à ce système et à l’appareil judiciaire; il a également souligné que ces institutions jouaient un rôle important dans la prévention de la torture;

Lieux de privation de liberté. Concernant la police, en général le SPT recommande le respect et la mise en œuvre des garanties légales, la formation du personnel policier à la prévention et l’amélioration des conditions matérielles de détention. Il a noté avec préoccupation que, très souvent, les actes de torture et autres mauvais traitements se produisaient durant les premières heures suivant l’arrestation et dans les locaux de la police, et a donc mis l’accent sur la nécessité de tenir dans les commissariats des registres détaillés (où sont par exemple consignés l’identité de toute personne placée en garde à vue, ainsi que l’heure et les motifs de la détention) et de former les fonctionnaires de police à l’utilisation de tels registres. En ce qui concerne les prisons, les recommandations portent en général sur la séparation des différentes catégories de détenus (prévenus et condamnés, hommes et femmes, mineurs et adultes, conformément aux normes internationales en la matière), les conditions matérielles dans les prisons (espace vital suffisant, nourriture et eau potable en quantité suffisante et de qualité adéquate, etc.) et les méthodes disciplinaires ou punitives, en prêtant une attention spéciale aux conditions de la mise à l’isolement. Il est également fait référence aux circonstances particulières de chaque État, par exemple pour ce qui est des groupes en situation de vulnérabilité (femmes, mineurs, handicapés, autochtones et personnes d’ascendance africaine, etc.).

32.Le Sous-Comité pour la prévention de la torture approfondira ces observations dans ses prochains rapports annuels.

D.Questions soulevées par les visites

33.Le Protocole facultatif dispose que les membres du Sous-Comité pour la prévention de la torture peuvent être accompagnés d’experts ayant une expérience et des connaissances professionnelles reconnues, qui sont choisis sur une liste d’experts établie sur la base des propositions des États parties, du HCDH et du Centre des Nations Unies pour la prévention internationale du crime. À ce jour, 30 États parties ont communiqué des noms d’experts avec leur notice biographique, pour inclusion sur cette liste.

34.Le Sous-Comité pour la prévention de la torture espère que des experts de toutes les régions du monde figureront sur la liste. Il attend toujours que celle-ci soit constituée et, dans l’intervalle, continue à sélectionner des experts à partir de la liste de noms proposés par les États parties ainsi que parmi les experts notoirement connus pour avoir les compétences requises. En raison des contraintes budgétaires, au cours de la période couverte par le présent rapport, il n’a pas été possible que les délégations qui se sont rendues dans les pays visités soient accompagnées d’experts indépendants.

35.Le Sous-Comité pour la prévention de la torture s’inquiète de la possibilité de représailles après ses visites. Il se pourrait que des personnes privées de liberté avec lesquelles la délégation s’est entretenue soient menacées si elles ne révélaient pas la teneur de ces entretiens ou soient sanctionnées pour avoir parlé avec la délégation. De plus, le Sous-Comité pour la prévention de la torture a été informé que certaines personnes privées de liberté pouvaient avoir subi des pressions au préalable visant à les empêcher de parler à la délégation. L’article 15 du Protocole facultatif fait à l’État l’obligation de garantir que nul ne subisse de représailles à la suite d’une visite du Sous-Comité pour la prévention de la torture.

36.Le Sous-Comité pour la prévention de la torture attend des autorités de chaque État visité qu’elles vérifient si les personnes ayant coopéré avec lui ont fait l’objet de représailles et qu’elles prennent d’urgence des mesures pour protéger tous les intéressés. L’existence de mécanismes nationaux de prévention est d’une importance fondamentale à cet égard.

IV.Mécanismes nationaux de prévention

A.Travaux du Sous-Comité pour la prévention de la tortureen ce qui concerne les mécanismes nationaux de prévention

37.Le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture prévoit que chaque État partie met en place, désigne ou administre, à l’échelon national, un ou plusieurs organes de visite afin d’assurer la prévention de la torture et des autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (mécanismes nationaux de prévention). La plupart des États parties ne se sont pas acquittés de cette obligation, comme il ressort du tableau suivant:

Désignation d’un mécanisme national de prévention

États parties qui ont désigné un mécanisme

30

États parties qui n’ont pas désigné de mécanisme

21

38.Parmi les 21 États qui n’ont pas désigné de mécanisme national de prévention, 14 États parties manquent à leur obligation de mettre en place ou de désigner un mécanisme national, vu la date de ratification ou la déclaration qui peut avoir été faite conformément à l’article 24 du Protocole facultatif.

39.Pendant sa troisième année d’activité, le Sous-Comité pour la prévention de la torture a de nouveau pris contact avec tous les États parties qui devaient mettre en place ou administrer un mécanisme national de prévention, pour les encourager à communiquer avec lui au sujet des démarches entreprises pour créer le mécanisme. Les États parties au Protocole facultatif ont été invités à faire parvenir des renseignements détaillés sur la mise en place des mécanismes (par exemple le mandat juridique, la composition, le nombre de personnes qui y travaillent, leurs connaissances spécialisées, les ressources financières, la fréquence des visites). À ce jour, 32 États parties ont envoyé des informations sur la totalité ou certains de ces aspects. Des renseignements ont aussi été demandés aux mécanismes déjà désignés ou mis en place, qui ont été nombreux à envoyer leurs rapports annuels d’activités.

40.La création ou la désignation d’un mécanisme national de prévention est une obligation qui s’impose aux États parties en vertu du Protocole facultatif. Les mécanismes nationaux de prévention constituent en effet un élément clef du système de prévention de la torture institué par le Protocole facultatif. Par conséquent, le Sous-Comité pour la prévention de la torture saisit l’occasion du présent rapport annuel pour exhorter les États parties qui ne l’ont pas encore fait à créer ou à désigner un tel mécanisme dans les meilleurs délais.

41.Étant donné que pour l’année couverte par le rapport − et de fait depuis la création du SPT − aucun crédit budgétaire n’a été prévu pour le travail direct du SPT avec les États ou avec les mécanismes nationaux de prévention de la torture, ni pour la promotion de la ratification et de l’application du Protocole facultatif, les contacts directs avec les mécanismes nationaux ont été possibles grâce à l’appui résolu, notamment financier, d’organisations de la société civile, telles que le Groupe de contact du Protocole facultatif, ou d’autres qui ont organisé des ateliers dans leur pays. Le SPT tient à souligner l’importance de l’appui qu’il reçoit d’organisations de la société civile mais attire néanmoins l’attention de l’Assemblée générale sur le risque qu’il y a à déléguer le financement d’activités relevant d’un mandat officiel à des organisations non gouvernementales.

42.Le Sous-Comité pour la prévention de la torture s’est efforcé de trouver des solutions novatrices pour pouvoir faire son travail dans ce domaine essentiel; ainsi ses membres ont donc assumé des engagements personnels pour participer à des ateliers et à des activités universitaires dans toutes les régions du monde. Durant la période couverte par le rapport, les membres ont participé à 14 activités de ce type.

43.Le Sous-Comité pour la prévention de la torture espère que, pour le prochain exercice biennal, l’Assemblée générale sera en mesure de le doter de ressources suffisantes pour lui permettre de s’acquitter de son mandat de conseil et d’assistance aux mécanismes nationaux de prévention, conformément aux dispositions de l’alinéa b de l’article 11 du Protocole facultatif.

44.Au cours de l’année couverte par le rapport, le Sous-Comité pour la prévention de la torture a eu divers contacts bilatéraux et multilatéraux avec des mécanismes nationaux de prévention et avec d’autres organisations, notamment des institutions nationales de défense des droits de l’homme et des organisations non gouvernementales participant à la mise en place de mécanismes nationaux de prévention, dans toutes les régions relevant du mandat. Il rend hommage au travail effectué par les organisations membres du Groupe de contact du Protocole facultatif qui, en partenariat avec des organismes régionaux tels que la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples, le Conseil de l’Europe, la Commission interaméricaine des droits de l’homme, le Bureau des institutions démocratiques et des droits de l’homme de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe et la Commission européenne, a organisé dans le monde entier des réunions visant à promouvoir et faciliter la mise en œuvre du Protocole facultatif.

45.En réponse à la demande de certains mécanismes nationaux de prévention, le Sous-Comité pour la prévention de la torture étudie actuellement les moyens d’élaborer un programme pilote d’assistance à ces mécanismes, reposant à la fois sur des ateliers et sur l’observation pratique de visites, puis sur un retour d’information et des échanges de vues. Le modèle de l’atelier a été retenu à la suite d’une rencontre avec un représentant du mécanisme national de prévention estonien durant la cinquième session du Sous-Comité pour la prévention de la torture, ainsi que d’un atelier qui s’est tenu en Estonie au cours de la période à l’examen. Ce modèle a été appliqué de manière expérimentale en 2009, dans le cadre d’un programme appuyé par le Conseil de l’Europe et exécuté par l’Association pour la prévention de la torture. Le SPT table sur ce type d’aide pour s’acquitter de son mandat en vertu du Protocole facultatif, vu qu’un crédit budgétaire de l’ONU continue de faire défaut pour cette partie de son activité (voir plus loin chap. VI).

46.Au cours des visites effectuées pendant la période couverte par le rapport, les délégations du Sous-Comité pour la prévention de la torture ont rencontré des représentants des organismes désignés pour faire office de mécanisme national de prévention dans certains des pays visités. Au Cambodge, la délégation a rencontré des représentants de l’organe interministériel qui a été désigné pour mettre en place le mécanisme national dans ce pays. Au Honduras, la loi portant désignation du mécanisme national a été adoptée, mais lorsque la visite a eu lieu ses membres n’avaient toujours pas été choisis.

47.Les membres du Sous-Comité pour la prévention de la torture ont également participé à diverses réunions organisées aux niveaux national, régional et international, consacrées à la mise en place des mécanismes nationaux de prévention. Considérant que cet élément de leur mandat est particulièrement essentiel, ils se sont efforcés de participer aux rencontres sur place soit en finançant eux-mêmes les frais auxquels elles donnaient lieu soit grâce au généreux soutien, notamment financier, des organisateurs qui étaient en général des organisations de la société civile internationales, régionales ou nationales.

48.Sur une autre question, nul n’ignore qu’il existe une divergence entre les différents textes authentiques de l’article 24 du Protocole facultatif, qui dispose que les États parties peuvent faire une déclaration indiquant qu’ils ajournent l’exécution des obligations qui leur incombent en vertu de la troisième ou de la quatrième partie. Les textes arabe, chinois, français et anglais disposent que cette déclaration peut être faite «au moment de la ratification» et les textes espagnol et russe «une fois le Protocole facultatif ratifié». La question a été soumise au Bureau des affaires juridiques de l’ONU qui, après avoir examiné l’affaire, a entamé une procédure de correction afin d’aligner les versions espagnole et russe de l’article 24 sur les quatre autres textes authentiques. Si la majorité des États parties ne s’opposent pas à cette correction, celle-ci deviendra effective le 29 avril 2010, avec effet rétroactif. Le Sous-Comité pour la prévention de la torture a accueilli favorablement cette clarification et la certitude concernant la nature des obligations des États parties en vertu du Protocole facultatif qui en résulte.

B.Questions relatives à la création ou à la mise en place des mécanismes nationaux de prévention

49.Pour s’acquitter de l’obligation de mettre en place, de désigner ou d’administrer des mécanismes nationaux de prévention, les États doivent choisir le modèle qu’ils considèrent le plus approprié, compte tenu de la complexité du pays, de sa structure administrative et financière et de sa géographie. De même, les États parties doivent donner effet à l’ensemble des dispositions du Protocole facultatif relatives au mandat et au fonctionnement du mécanisme national de prévention.

50.Les mécanismes nationaux de prévention sont appelés à compléter les systèmes de protection contre la torture et autres mauvais traitements en place. Ils ne doivent pas remplacer les fonctions de surveillance, de contrôle et d’inspection des institutions, étatiques ou non, ni faire double emploi avec celles-ci. Ils ont principalement pour objectif de formuler des recommandations, à partir des constatations réalisées et des renseignements obtenus, d’engager un dialogue avec les autorités compétentes pour améliorer la situation des personnes privées de liberté, de proposer des modalités de mise en œuvre des recommandations et, enfin, de présenter des projets de loi ou des commentaires à la législation proposée ou existante.

51.Lorsque des institutions existantes, comme le Défenseur du peuple, le médiateur ou l’institution nationale des droits de l’homme, désignées comme mécanismes nationaux de prévention, il convient d’établir une distinction claire entre ces institutions qui, généralement, réagissent à un fait déterminé, et le mécanisme national de prévention, qui ont des fonctions de prévention. Dans de tels cas, le mécanisme doit être constitué comme une unité ou un département distinct, doté d’un personnel et d’un budget propres.

52.Le Sous-Comité pour la prévention de la torture souhaite réitérer les dispositions de ses directives préliminaires dans lesquelles il souligne que le mécanisme national de prévention doit de préférence être créé par un texte constitutionnel ou législatif. Les pouvoirs, la structure et l’indépendance fonctionnelle du mécanisme ainsi que son mandat et sa composition doivent être définis dans une loi spéciale, qui doit énoncer les compétences professionnelles que ses membres doivent posséder, le mode de nomination de ces derniers, la durée de leur mandat et les immunités dont ils bénéficient. De plus, les lieux de détention doivent être définis conformément au Protocole facultatif. Chaque mécanisme national de prévention devrait produire des rapports annuels d’activité qui devraient être publiés et diffusés par l’État partie. Enfin, les États parties devraient encourager et faciliter les contacts entre leur mécanisme et le Sous-Comité pour la prévention de la torture.

53.Si le mécanisme national de prévention a une structure complexe à plusieurs niveaux, les États parties devraient veiller à ce qu’il existe des contacts et une coordination entre les différents services de l’institution, y compris avec les supérieurs hiérarchiques. Des contacts entre le Sous-Comité pour la prévention de la torture et toutes les unités du mécanisme devraient aussi être assurés.

V.Coopération avec d’autres organes

A.Relations avec les organes de l’ONU

54.Le Protocole facultatif instaure une relation spéciale entre le Comité contre la torture et le Sous-Comité pour la prévention de la torture et dispose que les sessions des deux organes doivent avoir lieu simultanément au moins une fois par an. La neuvième session du Sous-Comité pour la prévention de la torture a coïncidé avec une partie de la quarante-troisième session du Comité contre la torture, et la troisième réunion conjointe s’est tenue le 17 novembre 2009. Les débats ont porté notamment sur les questions suivantes: application du Protocole facultatif; coopération entre le Comité et le SPT (Protocole facultatif, art. 11, al. c; art. 16, par. 4 c) et art. 24), Groupe de travail Comité/SPT, échange d’informations (sur les pays visités et devant être visités, et sur la Convention contre la torture); débat sur les droits des personnes handicapées et leurs implications pour le Comité contre la torture et le SPT.

55.La troisième réunion conjointe était publique et il convient de signaler qu’un nombre considérable d’organisations de la société civile y ont participé.

56.Une autre occasion importante d’échange d’informations entre le Président du Sous-Comité pour la prévention de la torture, le Président du Comité contre la torture et le Rapporteur spécial sur la question de la torture a été la présentation du rapport annuel de chacun de ces organes à la soixante-quatrième session de l’Assemblée générale, le 20 octobre 2009, à New York. Il s’agit d’une occasion historique parce que c’était la première fois que l’Assemblée générale entendait la présentation orale de ces rapports annuels mais aussi parce que d’autres échanges ont eu lieu, tels qu’un dialogue avec des représentants des États et des organisations de la société civile, le même jour, ou la présentation d’un projet de résolution sur la torture et les autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, par plusieurs États Membres à l’initiative du Danemark. Le projet a été adopté en tant que résolution 64/153 de l’Assemblée générale le 18 décembre 2009; il comporte diverses références à la prévention de la torture et au renforcement du Sous-Comité pour la prévention de la torture qu’il convient de souligner ici:

« L’Assemblée générale

[…]

2.Souligne que les États doivent prendre des mesures durables, résolues et efficaces pour prévenir et combattre tous les actes de torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, insiste sur le fait que tous les actes de torture doivent être érigés en infractions à la loi pénale et encourage les États à interdire dans leur droit interne les actes constituant des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants;

3.Accueille avec satisfaction la création de mécanismes nationaux de prévention de la torture, engage tous les États qui ne l’ont pas encore fait à établir de tels mécanismes et demande aux États parties au Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants de s’acquitter de leur obligation de désigner ou mettre en place des mécanismes nationaux de prévention de la torture vraiment indépendants et efficaces;

4.Souligne qu’il importe que les États donnent la suite voulue aux recommandations et conclusions des organes et mécanismes créés en vertu des instruments internationaux pertinents, en particulier le Comité contre la torture, le Sous‑Comité pour la prévention de la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants et le Rapporteur spécial du Conseil des droits de l’homme sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants;

[…]

7.Note à cet égard que les Principes relatifs aux moyens d’enquêter efficacement sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants pour établir la réalité des faits (Principes d’Istanbul) constituent un outil efficace pour prévenir et combattre la torture, de même que l’Ensemble de principes actualisé pour la protection et la promotion des droits de l’homme par la lutte contre l’impunité;

8.Demande à tous les États d’appliquer des mesures efficaces pour prévenir la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, en particulier dans les lieux de détention et autres lieux où se trouvent des personnes privées de leur liberté, y compris l’éducation et la formation du personnel qui peut être appelé à intervenir dans la garde, l’interrogatoire ou le traitement de toute personne arrêtée, détenue ou emprisonnée de quelque façon que ce soit;

[…]

23.Demande instamment à tous les États qui ne l’ont pas encore fait de devenir parties à la Convention à titre prioritaire et invite les États parties à envisager sans tarder de signer et ratifier le Protocole facultatif à la Convention;

[…]

27.Invite les Présidents du Comité et du Sous‑Comité à lui présenter oralement des rapports sur les travaux de ces deux organes et à engager un dialogue avec elle à sa soixante‑cinquième session, au titre de la question subsidiaire intitulée «Application des instruments relatifs aux droits de l’homme»;

28.Prie la Haut‑Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme de continuer, conformément au mandat établi par sa résolution 48/141 du 20 décembre 1993, à dispenser des services consultatifs aux États qui en font la demande, en vue de prévenir la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, notamment pour l’établissement des rapports nationaux au Comité et pour la mise en place et le fonctionnement de mécanismes nationaux de prévention, ainsi qu’à fournir une assistance technique pour l’élaboration, la production et la diffusion de matériels didactiques à cette fin;

[…]

32.Souligne que la poursuite d’échanges de vues réguliers entre le Comité, le Sous‑Comité, le Rapporteur spécial et les autres mécanismes et organes compétents de l’Organisation des Nations Unies s’impose, de même que celle de la coopération avec les programmes compétents des Nations Unies, tout particulièrement le Programme des Nations Unies pour la prévention du crime et la justice pénale, avec les organisations et mécanismes régionaux, le cas échéant, et avec les organisations de la société civile, notamment les organisations non gouvernementales, en vue d’accroître leur efficacité et leur collaboration sur les questions de prévention et d’élimination de la torture, notamment par une meilleure coordination;

33.Est consciente de la nécessité générale de mobiliser une aide internationale pour les victimes de la torture, souligne l’importance du travail du Conseil d’administration du Fonds de contributions volontaires des Nations Unies pour les victimes de la torture, lance un appel à tous les États et organisations pour qu’ils fournissent au Fonds des contributions annuelles, de préférence en en augmentant substantiellement le montant, et encourage les contributions au Fonds spécial créé par le Protocole facultatif pour aider à financer l’application des recommandations faites par le Sous-Comité, ainsi que les programmes éducatifs des mécanismes nationaux de prévention;

[…]

36.Prie en outre le Secrétaire général de prévoir, dans le cadre du budget de l’Organisation des Nations Unies, des moyens humains et matériels suffisants à l’intention des organes et mécanismes qui interviennent pour prévenir et combattre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants et en assistent les victimes, y compris, en particulier, le Sous‑Comité, en veillant à ce que ces ressources soient à la mesure du vigoureux appui que les États Membres ont manifesté en faveur de ces activités;

[…]».

57.Cette première expérience se renouvellera l’année prochaine; en effet, le Sous-Comité pour la prévention de la torture, le Comité contre la torture et le Rapporteur spécial sur la question de la torture présenteront également leurs rapports annuels à la prochaine session de l’Assemblée générale.

58.Le Haut-Commissariat aux droits de l’homme est chargé d’administrer le Fonds spécial établi conformément aux dispositions de l’article 26 du Protocole facultatif, afin d’aider à financer l’application des recommandations que le Sous-Comité pour la prévention de la torture adresse à un État partie, ainsi que les programmes d’éducation des mécanismes nationaux de prévention. Le Sous-Comité pour la prévention de la torture a fait savoir qu’il était disposé à poursuivre les débats sur le Fonds spécial.

59.À ce jour, l’Espagne, les Maldives et la République tchèque ont versé des contributions volontaires au Fonds spécial. Le Sous-Comité pour la prévention de la torture est fermement convaincu que, à mesure qu’il effectuera plus de visites et rendra publics plus de rapports, un plus grand nombre d’États manifesteront leur appui à ses travaux en versant des contributions généreuses au Fonds.

60.Durant les sessions et à d’autres occasions, les membres du Sous-Comité pour la prévention de la torture ont analysé les relations avec d’autres organes de l’ONU concernés. En particulier, compte tenu de la complémentarité de son travail et de celui du Rapporteur spécial sur la question de la torture, le Sous-Comité pour la prévention de la torture a été en contact étroit avec Manfred Nowak et a débattu avec lui des méthodes de travail ainsi que des problèmes communs rencontrés. Ces échanges ont eu lieu pendant la septième session du SPT, lors de la présentation des rapports annuels devant l’Assemblée générale ainsi que lors d’un atelier organisé par le Conseil de l’Europe et le Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT), le 6 novembre 2009 à Strasbourg (France).

61.M. Gianni Magazzeni de la Division des opérations hors siège et de la coopération technique (Groupe des institutions nationales) et d’autres membres de la Division ont participé à la neuvième session du Sous-Comité pour la prévention de la torture, afin de débattre de la question de l’accréditation des institutions nationales de défense des droits de l’homme; en effet, nombre d’entre elles ont été désignées comme mécanisme national de prévention de la torture. À cette réunion, le SPT a confirmé sa position selon laquelle l’accréditation des institutions nationales de droits de l’homme conformément aux Principes de Paris est un mécanisme complémentaire, mais ne doit pas être utilisée comme procédure d’accréditation des mécanismes nationaux en général.

62.Le Sous-Comité pour la prévention de la torture continue d’être représenté aux réunions intercomités des organes créés en vertu d’instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, qui sont l’occasion d’échanger des points de vue avec des experts dont les mandats recoupent en substance celui du SPT. Il existe des éléments d’intérêt commun entre les organes conventionnels. Le travail du SPT a notamment des liens avec le mandat du Comité contre la torture et du Comité des droits de l’homme, en ce qui concerne les droits des personnes privées de liberté, avec les travaux du Comité des droits de l’enfant, qui portent notamment sur les droits des enfants privés de liberté ou encore avec ceux du Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes, pour ce qui est des droits des femmes privées de liberté. Le SPT a également participé à un atelier avec le Président du Comité des droits des personnes handicapées, à Bristol (Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord), qui a permis de dégager dans les grandes lignes des activités communes concernant la situation des personnes handicapées privées de liberté. Il a eu l’occasion de citer le Comité contre la torture, le Comité des droits de l’homme et le Comité des droits de l’enfant dans ses rapports sur les visites qu’il a effectuées à ce jour.

63.Toujours dans le même esprit de coopération, le Sous-Comité pour la prévention de la torture a rencontré pendant sa neuvième session des fonctionnaires du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés et a échangé pour la première fois des informations d’ordre stratégique qui, dans le contexte de leurs mandats, peuvent renforcer l’efficacité de leurs visites aux personnes se trouvant dans des lieux d’asile.

B.Relations avec d’autres organisations internationales

64.Le Sous-Comité pour la prévention de la torture a également été en contact avec le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) et les deux organes ont poursuivi leur dialogue constructif sur les nombreux aspects connexes de leurs travaux. Cette année, des représentants du CICR ont rencontré le SPT pendant sa huitième session afin d’échanger des informations et des propositions de coopération future dans le cadre de leurs mandats respectifs. De même, au niveau régional, un séminaire a eu lieu en décembre 2009 auquel ont participé Mario Coriolano, Vice-Président du SPT, et des membres du CICR; l’importance du rôle des professionnels de la santé dans la prévention de la torture et des mauvais traitements, grâce à la diffusion de bonnes pratiques, y a été soulignée (voir annexe III).

65.Le Protocole facultatif dispose que le Sous-Comité pour la prévention de la torture et les organisations créées en vertu d’une convention régionale se consultent et coopèrent afin d’éviter les chevauchements d’activité et de promouvoir efficacement la réalisation des objectifs du Protocole, qui consistent à prévenir la torture et d’autres formes de mauvais traitements.

66.Pendant la période couverte par le rapport, le Sous-Comité pour la prévention de la torture a maintenu des contacts étroits avec la Commission interaméricaine des droits de l’homme. M. Coriolano, en sa qualité de Coordonnateur pour le système régional interaméricain, a participé à un atelier international organisé par le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme et l’Organisation des États américains à Washington les 8 et 9 décembre; l’objectif de l’atelier était de renforcer la coopération entre les systèmes universels, régionaux et locaux de protection des droits de l’homme.

67.Pendant la huitième session, la Vice-Présidente de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples et Rapporteuse spéciale sur les prisons et les conditions de détention en Afrique, Mme Dupe Atoki, a rencontré le Sous-Comité plénier pour débattre de questions communes concernant la prévention de la torture et établir une coopération entre les deux organes.

68.Le Sous-Comité pour la prévention de la torture a aussi continué de maintenir des contacts étroits avec le CPT. Plusieurs membres ont rencontré des membres du CPT lors d’un atelier qui s’est tenu sous les auspices du Conseil de l’Europe à Strasbourg (France), le 6 novembre. Cet atelier s’inscrit dans le cadre d’un projet pilote mené par le Conseil de l’Europe et l’Association pour la prévention de la torture, visant à appuyer la création et la qualification des mécanismes nationaux de prévention en Europe; l’amélioration de la coopération a été au centre des débats.

C.Relations avec la société civile

69.Pendant la période couverte par le rapport, le Sous-Comité pour la prévention de la torture a maintenu une collaboration étroite avec des organisations de la société civile, notamment les institutions universitaires et les organisations non gouvernementales internationales et nationales qui œuvrent pour renforcer la protection de toutes les personnes contre la torture.

70.Le Sous-Comité pour la prévention de la torture est resté en contact étroit avec l’équipe du projet relatif au Protocole facultatif de l’Université de Bristol (Royaume-Uni) et eu avec elle des échanges de vues sur un certain nombre de questions essentielles pour l’action du Sous-Comité. L’équipe du projet a participé à l’organisation d’activités régionales et a exprimé le point de vue extérieur, critique, d’une institution universitaire sur certains aspects des travaux du SPT, ce dont celui-ci lui est vivement reconnaissant. La dernière réunion a eu lieu en mai 2009, lorsque divers membres du Sous-Comité pour la prévention de la torture ont participé à un atelier tenu à Bristol, qui a traité de questions liées à la prévention de la torture.

71.Le Groupe de contact du Protocole facultatif a continué d’apporter son assistance, ses conseils et son appui au Sous-Comité pour la prévention de la torture. Suivant la pratique établie, à chaque session, le SPT se réunit avec le Groupe de contact. Les deux dernières réunions ont été l’occasion d’un vaste débat sur la portée et la définition de la notion de prévention de la torture.

72.Le Sous-Comité pour la prévention de la torture note avec satisfaction que la société civile continue de contribuer à promouvoir l’adhésion au Protocole facultatif et sa ratification, et d’aider à sa mise en œuvre. Il est en particulier reconnaissant pour l’appui résolu que l’Association pour la prévention de la torture lui a apporté dans ces deux domaines d’activité.

VI.Questions administratives et budgétaires

A.Ressources (2009-2010)

73.L’article 25 du Protocole facultatif dispose que «les dépenses résultant des travaux du Sous-Comité de la prévention créé en vertu du présent Protocole sont prises en charge par l’Organisation des Nations Unies» et que «le Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies met à la disposition du Sous-Comité de la prévention le personnel et les installations qui lui sont nécessaires pour s’acquitter efficacement des fonctions qui lui sont confiées en vertu du présent Protocole».

74.Depuis que le Sous-Comité pour la prévention de la torture a commencé ses travaux, en 2007, aucun financement de l’ONU n’a été apporté pour lui permettre de mener à bien son mandat en ce qui concerne les mécanismes nationaux de prévention. Le SPT est satisfait qu’au moment de l’établissement du présent rapport, il est prévu d’adopter un budget pour l’exercice biennal qui tienne compte de l’augmentation du nombre de ses membres (de 10 à 25 membres), et contienne d’autres dispositions devant lui permettre de s’acquitter d’autres aspects de son mandat.

B.Secrétariat du Sous-Comité pour la prévention de la torture

75.Le Sous-Comité pour la prévention de la torture a accueilli avec satisfaction la nomination d’un fonctionnaire qui consacrerait 80 % de son travail à des fonctions de secrétariat, ainsi que la nomination d’une administratrice auxiliaire à mi-temps, grâce à la contribution du Danemark.

76.Pour les huit visites qu’il a effectuées jusqu’à présent, le Sous-Comité pour la prévention de la torture a collaboré au total avec 14 fonctionnaires du Haut-Commissariat aux droits de l’homme. Tous ont produit un travail de grande qualité et fait preuve d’un professionnalisme élevé. Néanmoins, la rotation des fonctionnaires pour des visites de ce type rend difficiles l’initiation et la spécialisation puisque la continuité indispensable n’est pas garantie. Le Sous-Comité pour la prévention de la torture veut croire qu’une augmentation du personnel de son secrétariat permettra une plus grande stabilité à cet égard.

C.Crédits nécessaires

77.Le SPT a engagé des discussions avec le service du Haut‑Commissariat aux droits de l’homme chargé des questions budgétaires et des ressources humaines en vue d’obtenir un budget propre à financer l’exercice de son mandat tel qu’il est défini par le Protocole facultatif ainsi que les nouveaux besoins et les défis résultant de la transition vers un Sous-Comité pour la prévention de la torture élargi à 25 membres.

VII.Activités d’organisation

A.Sessions du Sous-Comité pour la prévention de la torture

78.Pendant les douze mois couverts par le présent rapport, le Sous-Comité pour la prévention de la torture a tenu trois sessions d’une semaine: du 22 au 26 juin 2009, du 16 au 20 novembre 2009 et du 22 au 26 février 2010. Il a consacré ces sessions à la planification des visites, à des rencontres avec les représentants des États parties dans lesquels il comptait se rendre et à l’adoption des rapports sur les visites. Une attention considérable a été accordée à la planification stratégique et au choix des pays devant être visités.

79.Les sessions ont aussi permis de débattre d’informations relatives aux États parties et aux mécanismes nationaux de prévention, de programmer les activités des délégations sur le terrain, et de rencontrer des représentants des organes de l’ONU et d’autres organisations qui œuvrent à la prévention des mauvais traitements, ainsi que de mettre au point des documents d’information de base sur le Sous-Comité pour la prévention de la torture.

80.En 2009, Mme Silvia Casale et M. Leopoldo Torres Boursault ont présenté leur démission. Le Sous-Comité pour la prévention de la torture tient à leur exprimer sa reconnaissance et sa gratitude pour leur importante contribution à ses travaux pendant ses deux premières années de fonctionnement.

B.Évaluation générale

81.Au cours de la période à l’examen, le Sous-Comité pour la prévention de la torture a obtenu des progrès importants. Il a mis au point des règlements, des pratiques et des méthodes de travail ainsi que des lignes directrices pour mener et institutionnaliser les activités prévues dans le cadre de son mandat, spécialement pour les visites sur le terrain, en se fondant sur l’expérience acquise pendant les huit visites réalisées à ce jour. Il a adopté des méthodes de travail créatives, qui privilégient l’efficacité et l’optimalisation des ressources limitées qui lui ont été affectées pour son premier cycle biennal.

82.De même, le Sous-Comité pour la prévention de la torture a élaboré des directives préliminaires pour la mise en place des mécanismes nationaux de prévention et a entrepris de concevoir des outils analytiques permettant d’évaluer le travail de ces mécanismes. Enfin, il a engagé un vaste débat sur la portée et la définition de la notion de «prévention» de la torture, qui est étroitement liée à son mandat.

C.Défis

83.Malgré la lourde charge de travail qu’assument ses membres et son secrétariat et malgré l’insuffisance de ses ressources financières qui ne lui a pas permis de s’acquitter entièrement de son mandat, le Sous-Comité pour la prévention de la torture a résolument tracé la voie et a réussi à inscrire le mandat de la prévention de la torture dans une logique de collaboration, de coopération et d’assistance aux États parties du Protocole facultatif.

84.Néanmoins, compte tenu de l’augmentation du nombre de ses membres, qui passe de 10 à 25 à partir de l’année qui commence, et des caractéristiques propres de son mandat, le SPT doit impérativement pouvoir compter sur l’appui budgétaire de l’Organisation, pour s’acquitter de son mandat de manière complète, soutenue et efficace. L’augmentation du nombre de membres exigera non seulement un accroissement du budget nécessaire pour les sessions ordinaires de l’organe avec une composition élargie, mais aussi et surtout, pour mener à bien un nombre suffisant de visites sur le terrain qui sont, en dernière analyse, l’instrument principal de prévention dont dispose le SPT.

85.Le Sous-Comité pour la prévention de la torture comprend qu’il aura à s’acquitter de son mandat avec des ressources limitées et s’engage à utiliser les ressources au mieux pour effectuer le plus grand nombre possible de visites sur le terrain, avec des délégations réduites au minimum nécessaire pour répondre aux besoins et au profil des pays visités. De même, il s’acquittera de son mandat avec l’enthousiasme et l’intérêt qui l’animent depuis sa création, notamment pour ce qui est de la représentation et de la participation à des activités relevant de sa compétence qui ne sont pas financées par l’Organisation. Dans ce contexte d’efforts communs, il souhaite néanmoins souligner qu’il doit recevoir les ressources nécessaires pour qu’il puisse mener efficacement à bien son travail.

86.Ce n’est que si le Sous-Comité pour la prévention de la torture s’acquitte intégralement des deux grands volets de son mandat en vertu du Protocole facultatif que ses recommandations auront l’effet voulu sur la prévention de la torture et des autres mauvais traitements, étant entendu que seuls des changements structurels dans la culture et l’éducation des peuples permettront d’éliminer réellement les atteintes à l’intégrité physique et psychique des personnes privées de liberté.

Appendices

Appendice I

Visites effectuées en 2009

I.Première visite au Paraguay: 10-16 mars 2009

Lieux de privation de liberté visités par la délégation:

Locaux de police

a)District policier de la capitale (Asunción):

Commissariat de police no 3

Commissariat de police no 5

Commissariat de police no 9

Commissariat de police no 12

Commissariat de police no 20

Unité spéciale de police pour les femmes

b)District policier du département central:

Commissariat de police no 1, San Lorenzo

Commissariat de police no 9, Limpio

c)District policier du département d’Amambay:

Commissariat de police no 3, Barrio Obrero, Pedro Juan Caballero

d)District policier du département de San Pedro:

Commissariat de police no 8, San Estanislao

e)Branche spéciale de la police nationale, Asunción

Prisons

Prison nationale de Tacumbú, Asunción

Prison régionale Pedro Juan Caballero

Autres établissements

Hôpital neuropsychiatrique d’Asunción

II.Première visite au Honduras: 13-22 septembre 2009

Lieux de privation de liberté visités par la délégation:

Locaux de police

a)District policier de la capitale (Tegucigalpa):

Division no 1

Division no 3

Commissariat du district de Manchén

Commissariat du district de Kennedy

Siège de la Direction nationale de la police judiciaire

b)San Pedro Sula et environs:

Division départementale no 5, Choloma

Division métropolitaine 4-3

c)Locaux de la police de l’escadron des «Cobras» (normalement n’est pas un lieu de détention)

Prisons

Prison Marco Aurelio Soto, Tegucigalpa

Prison San Pedro Sula

Établissements pour mineurs

Centre Renaciendo, Tegucigalpa

III.Première visite au Cambodge: 2-11 décembre 2009

Lieux de privation de liberté visités par la délégation:

Locaux de police

a)District policier de la capitale (Phnom Penh):

Inspection de la police du district de Chamkamon

Inspection de la police du district de Daun Penh

Inspection de la police du district de Seven Makara

Inspection de la police du district de Mean Chey

b)Province de Pursat:

Inspection provinciale de la police

Inspection municipale de la police

c)Province de Kompong Cham:

Inspection de la police du district de Cheung Prey

Prisons

Prison CC1, Phnom Penh

Prison CC3, province de Kompong Cham

Prison provinciale de Battambang, province de Battambang

Installations militaires

Prison militaire de Phnom Penh

Bureau d’information de la gendarmerie de la commune de Prey Suay, province de Battambang

Base de la gendarmerie du district de Mong Russey, province de Battambang

Base de la gendarmerie du district de Bakan, province de Pursat

Établissements pour mineurs

Centre Chom Chao (sous la tutelle du Ministère des affaires sociales)

Autres établissements

Centre de désintoxication de Battambang (sous la tutelle de la police militaire)

Centre de désintoxication de Battambang (Bovel) (sous la tutelle de la police provinciale)

Centre Prey Speu (Centre de la sécurité sociale, Ministère des affaires sociales)

Appendice II

Programme de travail sur le terrain du Sous-Comitépour la prévention de la torture (2010)

Première visite périodique en Bolivie:

(en 2010)

Première visite périodique au Liban:

(en 2010)

Première visite périodique au Libéria:

(en 2010)

Rencontres avec les mécanismes nationaux de prévention:

(en 2010)

Visite de suivi, éventuellement, dans un pays à déterminer:

(en 2010)

Appendice III

Participation des membres du Sous-Comité pourla prévention de la torture à des activités relativesau Protocole facultatif (avril 2009-mars 2010)

I.Afrique

Région de l’Afrique de l’Ouest

Rencontre avec le mécanisme national de prévention du Bénin, organisée par l’Association pour la prévention de la torture. Cotonou (Bénin), octobre 2009 (M. Hans Draminsky Petersen).

II.Amériques

Région de l’Amérique du Nord

Atelier sur le renforcement de la coopération entre les systèmes des droits de l’homme interaméricain et international, organisé par le Groupe des institutions nationales du HCDH et l’Organisation des États américains (OEA). Washington (États-Unis d’Amérique), décembre 2009 (M. Mario Coriolano).

Région de l’Amérique du Sud

Séminaire national sur la mise en œuvre du Protocole facultatif au Chili, organisé par l’Association pour la prévention de la torture, le Ministère de la justice et le Ministère des affaires étrangères du Chili. Santiago (Chili), août 2009 (M. Wilder Tayler Souto).

Séminaire sur les professionnels de la santé et les lieux de détention. Organisé conjointement par le Ministère de la justice de la province de Buenos Aires, le Comité international de la Croix-Rouge et l’Université de La Plata (Argentine), 3-5 décembre 2009 (M. Mario Coriolano).

Deux séminaires et une table ronde (provinces du Chaco et de Buenos Aires, et capitale fédérale), pour débattre de la création de mécanismes régionaux de prévention en Argentine. Organisés par les autorités provinciales, l’Association pour la prévention de la torture et d’autres organisations non gouvernementales. 11-15 décembre 2009 (M. Wilder Tayler Souto).

III.Moyen-Orient et Afrique du Nord

Liban

Atelier sur la mise en œuvre du Protocole facultatif au Liban, organisé par l’Association pour la prévention de la torture. Beyrouth, février 2010 (M. Hans Draminsky Petersen et le Secrétaire du Sous-Comité pour la prévention de la torture, M. Patrice Gillibert).

IV.Europe

Région de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE)

Table ronde sur la création d’un mécanisme national de prévention au Kirghizistan, organisée conjointement par le Bureau régional du HCDH, l’Association pour la prévention de la torture et «Golos Svobody». Bichkek, Kirghizistan, avril 2009 (M. Zdeněk Hájek et Mme Marija Definis Gojanović).

Séminaire sur la surveillance indépendante des conditions de détention, organisé par l’Association pour la prévention de la torture. Douchanbé (Tadjikistan), mai 2009 (M. Zdeněk Hájek).

Activité relative au Protocole facultatif, organisée par le Conseil de l’Europe. Astana (Kazakhstan), juin 2009 (M. Zbigniew Lasocik).

Table ronde sur la mise en œuvre du Protocole facultatif en Géorgie et autres réunions avec des représentants officiels, organisée par le bureau régional de Penal Reform International (PRI) en Géorgie, Tbilissi (Géorgie), octobre 2009 (M. Zdeněk Hájek et Mme Marija Definis Gojanović).

Manifestation: «Instauration d’un mécanisme national de prévention en Turquie, en application du Protocole facultatif», organisée par l’Association pour la prévention de la torture et le Centre pour les droits de l’homme de l’Université d’Ankara, Ankara (Turquie), octobre 2009 (M. Zdeněk Hájek).

Conférence: «Les dispositions législatives portant création de mécanismes nationaux de prévention au Kazakhstan», organisée par le bureau de représentation de Penal Reform International (PRI) en Asie centrale. Astana (Kazakhstan), février 2010 (M. Zdeněk Hájek et Mme Marija Definis Gojanović).

Bosnie-Herzégovine

Table ronde sur la conception et la mise en œuvre d’un mécanisme national de prévention pour la Bosnie-Herzégovine, organisée par la Mission de l’OSCE en Bosnie-Herzégovine. Sarajevo, octobre 2009 (Mme Marija Definis Gojanović).

Estonie

Rencontre avec le mécanisme national de prévention estonien, organisée par l’Association pour la prévention de la torture. Estonie, septembre-octobre 2009 (M. Hans Draminsky Petersen et M. Zbigniew Lasocik).

Ex-République yougoslave de Macédoine

Session consultative de haut niveau consacrée au mécanisme national de prévention (création, mise en œuvre, fonctionnement et difficultés), organisée par la Mission de l’OSCE à Skopje. Skopje, septembre 2009 (M. Zdeněk Hájek).

Atelier de deux jours sur le système policier et le système carcéral, organisé par la Mission de l’OSCE à Skopje. Skopje, octobre 2009 (Mme Marija Definis Gojanović).

Manifestation finale de haut niveau, organisée par la Mission de l’OSCE à Skopje. Skopje, novembre 2009 (M. Zdeněk Hájek et Mme Marija Definis Gojanović).

Monténégro

Atelier sur les mécanismes nationaux de prévention, organisé par l’OSCE. Podgorica, avril 2009 (Mme Marija Definis Gojanović).

Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord

Table ronde de haut niveau sur la prévention de la torture et réunion-débat du Sous-Comité pour la prévention de la torture et du Comité des droits des personnes handicapées, organisées par l’Université de Bristol. Bristol, mai 2009 (Mme Silvia Casale, M. Victor Rodríguez Rescia, et le Secrétaire du Sous-Comité pour la prévention de la torture, M. Patrice Gillibert).

Suisse

Réunion d’experts sur les outils d’auto-évaluation des mécanismes nationaux de prévention, organisée par l’Association pour la prévention de la torture. Genève, 31 mars 2009 (M. Victor Rodríguez Rescia, M. Hans Draminsky Petersen et M. Patrice Gillibert).

V.Organisations internationales et régionales

Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme

Consultation d’experts sur les indicateurs relatifs à la promotion et à la surveillance des droits de l’homme, organisée par le HCDH − Groupe du droit au développement, Service des questions de développement et des questions économiques et sociales, Genève (Suisse), avril-mai 2009 (M. Hans Draminsky Petersen).

Réunion préparatoire du Forum sur les questions relatives aux minorités, organisée par le Forum − Division des procédures spéciales. Genève (Suisse), juillet 2009 (M. Victor Rodríguez Rescia).

Forum sur les questions relatives aux minorités, organisé par le HCDH − Division des procédures spéciales. Genève (Suisse), novembre 2009 (M. Victor Rodríguez Rescia).

Conseil de l’Europe

Conférence consacrée aux nouveaux partenariats pour la prévention de la torture en Europe, organisée par le Comité européen pour la prévention de la torture et l’Association pour la prévention de la torture. Strasbourg (France), novembre 2009 (M. Victor Rodríguez Rescia, M. Hans Draminsky Petersen, M. Zdeněk Hájek, M. Mario Coriolano, M. Zbigniew Lasocik, Mme Marija Definis Gojanović et le Secrétaire du Sous-Comité pour la prévention de la torture, M. Patrice Gillibert).

Première réunion des personnes-relais dans les mécanismes nationaux de prévention (Projet sur les mécanismes nationaux de prévention en Europe), organisée par le Conseil de l’Europe. Padoue (Italie), janvier 2010 (M. Hans Draminsky Petersen, M. Malcolm Evans et le Secrétaire du Sous-Comité pour la prévention de la torture, M. Patrice Gillibert).

Premier atelier thématique. Projet sur les mécanismes nationaux de prévention en Europe, organisé par le Conseil de l’Europe. Padoue (Italie), mars 2010 (Mme Marija Definis Gojanović et M. Victor Rodríguez Rescia).

Union européenne

Exposé du Sous-Comité pour la prévention de la torture à une réunion du Groupe de travail sur les droits de l’homme du Conseil de l’Union européenne, Bruxelles (Belgique), mai 2009 (M. Zdeněk Hájek).

Réunion avec une délégation chinoise et visite d’un centre de détention, dans le cadre du dialogue sur les droits de l’homme Union européenne-Chine, organisées par la présidence tchèque de l’Union européenne, République tchèque, mai 2009 (M. Zdeněk Hájek).

Réunion entre le Vice-Président de la Commission européenne, Jacques Barrot, et les États européens consacrée à la surveillance des centres de détention, organisée par la Commission européenne. Bruxelles (Belgique), décembre 2009 (M. Malcolm Evans).

Appendice IV

Groupe de contact du Protocole facultatif se rapportantà la Convention contre la torture et autres peinesou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Amnesty International

Association pour la prévention de la torture

Projet de l’Université de Bristol relatif au Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Fédération internationale de l’ACAT − Action des chrétiens pour l’abolition de la torture (FIACAT)

Mental Disability Advocacy Centre (MDAC)

Penal Reform International (PRI)

Centre de recherche et de réadaptation pour les victimes de la torture

Organisation mondiale contre la torture (OMCT)

Appendice V

Renseignements sur les rapports établis à l’issue des visites dans les pays et sur la suite qui y a été donnée,au 26 février 2010

Pays

Date de la visite

Rapport envoyé

Statut du rapport

Réponse reçue

Statut de la réponse

Maurice

8-18 octobre 2007

Oui

Confidentiel

Oui

Confidentiel

Maldives

10-17 décembre 2007

Oui

Public

Non

Suède

10-14 mars 2008

Oui

Public

Oui

Public

Bénin

17-26 mai 2008

Oui

Confidentiel

Non

Mexique

27 août-12 septembre 2008

Oui

Confidentiel

Non

Paraguay

10-16 mars 2009

Oui

Confidentiel

Non

Honduras

13-22 septembre 2009

Oui

Public

Non

Cambodge

2-11 décembre 2009

Non

Annexe VIII

Déclaration commune à l’occasion de la Journée internationale des Nations Unies pour le soutien aux victimes de la torture

26 juin 2010

Le Comité contre la torture, le Sous-Comité pour la prévention de la torture, le Rapporteur spécial sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants et le Conseil d’administration du Fonds de contributions volontaires des Nations Unies pour les victimes de la torture ont publié à l’occasion de la Journée internationale de soutien aux victimes de la torture la Déclaration conjointe suivante:

«Nous notons avec une vive préoccupation que la torture continue d’être pratiquée sur une vaste échelle et que certaines pratiques assimilables à la torture et d’autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants ont connu une recrudescence, en particulier après le 11 septembre 2001, dans le contexte de ce que l’on appelle la guerre contre la terreur. L’interdiction de la torture et autres peines ou traitements cruels et inhumains est absolue et n’est susceptible d’aucune dérogation, même en cas d’état d’urgence.

Les États sont tenus de prendre des mesures législatives, administratives judiciaires et autres voulues pour prévenir les actes de torture dans tout territoire relevant de leur juridiction. Ils doivent en outre veiller à ce qu’aucun motif fondé sur une quelconque forme de discrimination ne puisse être invoqué pour justifier la torture ou un traitement inhumain. Le fait que la torture ne soit pas érigée en infraction pénale et l’absence de sanctions appropriées sont les principaux facteurs qui contribuent à l’impunité. Il est fréquemment constaté que dans les quelques cas où les tortionnaires ont à rendre compte de leurs actes, les peines qui leur sont infligées sont souvent en deçà de ce qui est prescrit par le droit international. Afin de s’acquitter de leur obligation de protéger de la torture toutes les personnes relevant de leur juridiction, les États doivent faire en sorte que tous les actes de torture soient érigés en infraction dans leur droit pénal et emportent des peines à la mesure de leur gravité.

Des études récentes ont montré que certains États, invoquant différents types de situation d’urgence, se sont directement ou indirectement livrés à des pratiques telles que la détention au secret, les disparitions, l’expulsion ou l’extradition de personnes vers des pays où elles risquent d’être torturées ainsi qu’à d’autres peines ou traitements illégaux en violation de la Convention contre la torture et d’autres instruments internationaux relatifs au droits de l’homme et au droit humanitaire. Nous constatons avec consternation que dans presque aucun cas récent, une enquête judiciaire n’a été ouverte au sujet de telles allégations; que presque aucun auteur d’actes de ce type n’a été traduit en justice et que la plupart des victimes n’ont bénéficié d’aucune mesure de réadaptation ou d’indemnisation, en guise de réparation.

La torture laisse sur les corps et dans les esprits des victimes des traces indélébiles qui ne sont presque jamais entièrement réparables. Souvent le droit à un recours et à réparation des victimes de la torture est inexistant ou fait l’objet de sévères restrictions. Une réparation appropriée, adaptée aux besoins des victimes et garantissant une indemnisation et des mesures de réadaptation, est rarement accordée ou dépend entièrement des ressources limitées d’entités privées ou d’organisations de la société civile. Compte tenu de ces préoccupations, nous demandons à tous les États de faire en sorte que les victimes de la torture et d’autres peines ou traitements cruels inhumains ou dégradants soient pleinement dédommagées et les engageons à adopter des garanties générales pour que de tels actes ne se reproduisent plus, et, notamment, de prendre des mesures vigoureuses pour combattre l’impunité.

Dans ce contexte difficile, plus de vingt ans après son entrée en vigueur, la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants est encore bien loin d’être ratifiée par l’ensemble des États. À l’heure actuelle 147 États en sont parties, dont 64 seulement ont fait la déclaration prévue à l’article 22 en vue de reconnaître la compétence du Comité contre la torture pour recevoir des communications émanant de particuliers. Nous demandons instamment à tous les États qui ne l’ont pas encore fait d’adhérer à la Convention contre la torture et de faire la déclaration relative aux communications émanant de particuliers prévue à l’article 22 de la Convention afin d’assurer une transparence et une responsabilisation maximales dans leur lutte contre la torture et l’impunité de ceux qui s’y livrent.

Quatre ans après son entrée en vigueur, le Protocole facultatif à la Convention contre la torture compte 51 États parties. Le Protocole facultatif est un moyen clef de prévenir la torture et les mauvais traitements par la mise en place de mécanismes de prévention nationaux indépendants et efficaces habilités à visiter les lieux de détention. Nous engageons par conséquent tous les États à ratifier le Protocole facultatif pour entamer un dialogue avec le Sous-Comité pour la prévention de la torture. Nous exhortons, en outre, les États parties au Protocole facultatif qui ne l’ont pas encore fait à se doter de mécanismes nationaux de prévention afin de pouvoir s’acquitter de leurs obligations concernant la prévention de la torture et des mauvais traitements.

En cette journée internationale de soutien aux victimes de la torture, nous rendons hommage aux gouvernements, aux organisations de la société civile et aux personnes qui accomplissent des activités visant à prévenir la torture, à en punir les auteurs et à faire en sorte que toutes les victimes obtiennent réparation et soient dûment indemnisées et, notamment, qu’elles aient les moyens d’une réadaptation aussi complète que possible. Nous exprimons notre gratitude à tous les donateurs qui alimentent le Fonds de contributions volontaires des Nations Unies pour les victimes de la torture, grâce auquel 200 organisations actives dans plus de 60 pays reçoivent actuellement un appui et espérons que les contributions au Fonds continueront d’augmenter pour permettre aux victimes de la torture et aux membres de leur famille d’obtenir l’assistance dont ils ont besoin. Nous exhortons tous les États, en particulier ceux qui ont été reconnus responsables d’actes de torture systématiques ou sur une vaste échelle, à contribuer au Fonds de contribution volontaire dans le cadre d’un engagement universel pour assurer la réadaptation des victimes de la torture et de leur famille.».

Annexe IX

Décision du Comité tendant à demander à l’Assemblée générale, à sa soixante-cinquième session, d’approuverune prolongation de la durée de ses sessions en 2011 et 2012

14 mai 2010

À sa quarante et unième session, en novembre 2008, le Comité avait adopté une décision tendant à demander à l’Assemblée générale, à sa soixante-quatrième session, d’approuver la tenue d’une session supplémentaire de quatre semaines par année; cette demande n’a pas été accueillie favorablement par l’Assemblée.

À sa quarante-quatrième session, le Comité a décidé d’adopter une nouvelle décision tendant à demander à l’Assemblée générale, à sa soixante-cinquième session, de l’autoriser à prolonger d’une semaine chacune de ses sessions de 2011 et 2012, ce qui l’amènerait à se réunir une semaine supplémentaire en mai et novembre 2011 et 2012, soit quatre semaines supplémentaires au total.

Ce temps de réunion supplémentaire permettrait au Comité d’examiner davantage de rapports présentés par des États parties dans le cadre de la nouvelle procédure facultative consistant à transmettre une liste de points à traiter aux États parties avant la présentation de leurs rapports au Comité. À ce jour, 39 listes préalables à la présentation des rapports ont été adoptées par le Comité et transmises aux États parties dans le cadre de cette procédure et seul un État partie a expressément indiqué qu’il ne présenterait pas de rapport selon cette procédure. En 2010, le Comité adoptera et transmettra de telles listes à 38 autres États parties. S’agissant des rapports demandés pour 2009, première année de mise en œuvre de la nouvelle procédure, le Comité a déjà reçu six autres rapports d’États parties.

Le temps de réunion supplémentaire permettrait aussi au Comité d’examiner davantage de communications émanant de particuliers et, partant, de réduire l’arriéré des requêtes non encore examinées. Cela permettrait également au Comité de mieux s’acquitter d’autres fonctions découlant de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, telles que l’élaboration d’observations générales et la conduite d’enquêtes confidentielles.

En application de l’article 25 du Règlement intérieur du Comité, un état des incidences sur le budget-programme de la décision du Comité a été distribué aux membres du Comité (exposé du 11 mai 2010). Le Comité demande à l’Assemblée générale, à sa soixante-cinquième session, d’approuver la présente requête et de lui allouer les ressources financières nécessaires pour lui permettre de se réunir une semaine supplémentaire à chacune de ses sessions de 2011 et de 2012.

Annexe X

Exposé oral du secrétariat au sujet de la décision du Comité contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants tendant à demander une semaine de réunion supplémentaire par session en 2011 et 2012

11 mai 2010

1.Le présent exposé oral est fait conformément à l’article 25 du Règlement intérieur du Comité contre la torture.

2.Aux termes du projet de décision devant être adopté à sa quarante-quatrième session, le Comité contre la torture demanderait à l’Assemblée générale de l’autoriser à prolonger chacune de ses sessions d’une semaine supplémentaire en 2011 et 2012, ce qui reviendrait à tenir une semaine de réunions supplémentaires en mai et novembre 2011 ainsi qu’en mai et novembre 2012, soit au total quatre semaines de réunion supplémentaires.

3.Ce temps de réunion supplémentaire permettrait au Comité d’examiner davantage de rapports présentés dans le cadre de la nouvelle procédure consistant à transmettre une liste de points à traiter aux États parties avant la présentation de leur rapport au Comité, à concurrence de huit rapports additionnels à chacune des sessions de 2011 et de 2012. Cela permettrait également au Comité de s’acquitter en 2011 et en 2012 d’autres fonctions découlant de la Convention contre la torture.

4.Les prévisions actuelles inscrites au budget-programme pour l’exercice biennal 2010-2011 portent sur les dépenses au titre des frais de voyage et de subsistance journalière de 10 membres du Comité devant participer à deux sessions ordinaires annuelles du Comité à Genève de trois semaines (quinze jours de travail) chacune ainsi que des services de conférence requis pour les réunions du Comité.

5.On se souviendra qu’à sa quarante et unième session, en novembre 2008, le Comité contre la torture avait demandé à l’Assemblée générale de l’autoriser à tenir une session supplémentaire de quatre semaines en février 2010 et en février 2011. Le Comité a été informé, conformément à l’article 25 de son règlement intérieur, que la recommandation entraînerait des dépenses supplémentaires de 2 105 300 dollars par année ou de 4 210 600 dollars pour l’exercice biennal au titre des services de conférence requis pour un total de 80 séances supplémentaires pendant l’exercice biennal 2010-2011 (services d’interprétation dans les langues officielles, comptes rendus analytiques des séances et un nombre estimatif de 2 880 pages additionnelles de documents de présession et de session et de 220 pages de documents d’après-session dans les langues officielles, au titre du chapitre 2, Affaires de l’Assemblée générale et du Conseil économique et social et gestion des conférences). Il a été en outre estimé que pour les services d’appui aux conférences, un montant additionnel de 30 600 dollars serait nécessaire au titre du chapitre 28E, Administration (Genève). Toutes les ressources additionnelles nécessaires au titre des services de conférence ont été prises en compte dans le contexte du budget-programme pour l’exercice biennal 2010-2011, qui a été approuvé par l’Assemblée générale.

6.La présente décision du Comité revoit à la baisse les précédentes estimations en ce sens que l’Assemblée générale aurait à autoriser le Comité à se réunir pendant quatre semaines supplémentaires seulement au lieu de huit. Cette recommandation nécessiterait l’ouverture de crédits pour 20 séances supplémentaires par session en 2011 et 2012. Ces séances additionnelles nécessiteraient des ressources au titre des services de conférence d’un montant de 1 189 900 dollars par an en 2011 et en 2012 (services d’interprétation dans les langues officielles, comptes rendus analytiques pour les 40 séances supplémentaires et un nombre estimatif de 960 pages de documents de présession et de session et de 160 pages de documents d’après-session dans les langues officielles par an pour 2011 et 2012). Les prévisions de dépenses pour les services d’appui aux conférences sont également revues à la baisse. En sorte que les besoins au titre du chapitre 28E, Administration (Genève), ne seraient que de 15 000 dollars.

7.Comme nous l’avons déjà expliqué au paragraphe 5 ci-dessus, les ressources supplémentaires au titre des services de conférence sont déjà comprises dans le budget-programme pour l’exercice biennal 2010-2011, compte tenu de l’accroissement anticipé des services de conférence requis par le Comité contre la torture. En conséquence, les ressources existantes devraient être suffisantes pour couvrir les besoins pour 2011. Il est également estimé que les ressources requises au titre du chapitre 28E sont suffisantes pour répondre aux besoins en ressources pour 2011. Les ressources additionnelles nécessaires pour assurer le service d’une semaine supplémentaire de réunion en mai et en novembre 2012 seraient examinées dans le cadre du projet de budget-programme pour l’exercice biennal 2012-2013.

8.On s’attend également à ce que des ressources supplémentaires soient nécessaires au titre du chapitre 23, droits de l’homme, selon les modalités ci-après: a) un montant estimatif de 34 700 dollars par session ou de 69 400 dollars par an en 2011 et 2012 au titre des frais de subsistance journalière des membres du Comité; et b) un montant estimatif de 146 200 dollars par an en 2011 et 2012 au titre des dépenses de personnel d’appui au niveau P-2 pour 12 mois en 2011 et 2012. Les besoins pour l’année 2011 seront financés, dans la limite des ressources approuvées au titre du chapitre 23, droits de l’homme, pour l’exercice biennal 2010-2011. Les besoins en ressources additionnelles pour assurer le service d’une semaine de réunions supplémentaire en mai et en novembre 2012 seraient examinés dans le cadre du projet de budget-programme pour l’exercice biennal 2012-2013.

9.Au cas où le Comité adopterait le projet de décision, le montant estimatif des dépenses requises serait financé dans la limite des ressources du budget approuvé pour l’exercice biennal 2010-2011. Quant au montant total des besoins en ressources pour l’exercice biennal 2012‑2013, qui s’élève à 1 413 400 dollars, il sera examiné dans le contexte du projet de budget-programme pour cet exercice.

Annexe XI

Rapports en retard au 14 mai 2010

État partie

Date à laquelle le rapport était attendu

Nouvelle datea

Rapports initiaux

Guinée

8 novembre 1990

Somalie

22 février 1991

Seychelles

3 juin 1993

Cap-Vert

3 juillet 1993

Antigua-et-Barbuda

17 août 1994

Côte d’Ivoire

16 janvier 1997

Malawi

10 juillet 1997

Bangladesh

4 novembre 1999

Niger

3 novembre 1999

Burkina Faso

2 février 2000

Mali

27 mars 2000

Mozambique

14 octobre 2000

Botswana

7 octobre 2001

Gabon

7 octobre 2001

Liban

3 novembre 2001

Sierra Leone

25 mai 2002

Nigéria

28 juin 2002

Saint-Vincent-et-les Grenadines

30 août 2002

Lesotho

11 décembre 2002

Saint-Siège

25 juillet 2003

Guinée équatoriale

6 novembre 2003

Djibouti

5 décembre 2003

Timor-Leste

16 mai 2004

Congo

30 août 2004

Swaziland

25 avril 2005

Maldives

20 mai 2005

Libéria

22 octobre 2005

Mauritanie

17 décembre 2005

Madagascar

13 janvier 2007

Andorre

22 octobre 2007

Saint-Marin

27 décembre 2007

Thaïlande

1er novembre 2008

Rwanda

14 janvier 2010

Deuxièmes rapports périodiques

Afghanistan

25 juin 1992

Belize

25 juin 1992

Ouganda

25 juin 1992

[25 juin 2008]

Togo

17 décembre 1992

[17 décembre 2008]

Guyana

17 juin 1993

[31 décembre 2008]

Brésil

27 octobre 1994

Guinée

8 novembre 1994

Somalie

22 février 1995

Roumanie

16 janvier 1996

Seychelles

3 juin 1997

Cap-Vert

3 juillet 1997

Burundi

19 mars 1998

[31 décembre 2008]

Antigua-et-Barbuda

17 août 1998

Éthiopie

12 avril 1999

Namibie

27 décembre 1999

Tadjikistan

9 février 2000

[31 décembre 2008]

Tchad

9 juillet 2000

[15 mai 2013]

Côte d’Ivoire

16 janvier 2001

Malawi

10 juillet 2001

Honduras

3 janvier 2002

[15 mai 2013]

Kenya

22 mars 2002

[21 novembre 2012]

Kirghizistan

4 octobre 2002

Arabie saoudite

21 octobre 2002

Bahreïn

4 avril 2003

[4 avril 2007]

Bangladesh

3 novembre 2003

Niger

3 novembre 2003

Afrique du Sud

9 janvier 2004

[31 décembre 2009]

Burkina Faso

2 février 2004

Qatar

10 février 2004

[10 février 2008]

Mali

27 mars 2004

Bolivie (État plurinational de)

11 mai 2004

Turkménistan

24 juillet 2004

Japon

29 juillet 2004

[30 juin 2011]

Mozambique

13 octobre 2004

République arabe syrienne

18 septembre 2005

[14 mai 2014]

Ghana

6 octobre 2005

Botswana

7 octobre 2005

Gabon

7 octobre 2005

Liban

3 novembre 2005

Sierra Leone

25 mai 2006

Nigéria

28 juillet 2006

Saint-Vincent-et-les Grenadines

31 août 2006

Lesotho

11 décembre 2006

Mongolie

23 février 2007

Bahreïn

4 avril 2007

[4 avril 2007]

Irlande

11 mai 2007

Saint-Siège

25 juillet 2007

Guinée équatoriale

6 novembre 2007

Djibouti

5 décembre 2007

Timor-Leste

16 mai 2008

Congo

30 août 2008

Swaziland

25 avril 2009

Mauritanie

17 décembre 2009

Troisièmes rapports périodiques

Afghanistan

25 juin 1996

Belize

25 juin 1996

Philippines

25 juin 1996

[15 mai 2013]

Sénégal

25 juin 1996

Uruguay

25 juin 1996

Brésil

27 octobre 1998

Guinée

8 novembre 1998

Somalie

22 février 1999

Malte

12 octobre 1999

[1er décembre 2000]

Roumanie

16 janvier 2000

Népal

12 juin 2000

[12 juin 2008]

Yémen

4 décembre 2000

[14 mai 2014]

Jordanie

12 décembre 2000

[14 mai 2014]

Seychelles

3 juin 2001

Cap-Vert

3 juillet 2001

Cambodge

13 novembre 2001

Maurice

7 janvier 2002

Slovaquie

27 mai 2002

[20 novembre 2013]

Antigua-et-Barbuda

17 août 2002

Costa Rica

10 décembre 2002

[30 juin 2012]

Éthiopie

12 avril 2003

Ex-République yougoslavede Macédoine

11 décembre 2003

[30 juin 2012]

Namibie

27 décembre 2003

République de Corée

7 février 2004

[7 février 2012]

Tadjikistan

9 février 2004

Cuba

15 juin 2004

Côte d’Ivoire

16 janvier 2005

Lituanie

2 mars 2005

[21 novembre 2012]

Koweït

5 avril 2005

Malawi

10 juillet 2005

El Salvador

16 juillet 2005

[20 novembre 2013]

Kirghizistan

4 octobre 2006

Arabie saoudite

20 octobre 2006

Kazakhstan

24 septembre 2007

[21 novembre 2012]

Bangladesh

3 novembre 2007

Niger

3 novembre 2007

Zambie

6 novembre 2007

[30 juin 2012]

Indonésie

27 novembre 2007

[30 juin 2012]

Afrique du Sud

9 janvier 2008

[31 décembre 2009]

Burkina Faso

2 février 2008

Qatar

10 février 2008

[10 février 2008]

Mali

27 mars 2008

Bolivie (État plurinational de)

11 mai 2008

Turkménistan

24 juillet 2008

Belgique

25 juillet 2008

[21 novembre 2012]

Mozambique

13 octobre 2008

République de Moldova

27 décembre 2008

[20 novembre 2013]

Ghana

6 octobre 2009

Botswana

7 octobre 2009

Gabon

7 octobre 2009

Liban

3 novembre 2009

Quatrièmes rapports périodiques

Afghanistan

25 juin 2000

Belize

25 juin 2000

Sénégal

25 juin 2000

Uruguay

25 juin 2000

Panama

22 septembre 2000

Turquie

31 août 2001

Jamahiriya arabe libyenne

14 juin 2002

Algérie

11 octobre 2002

[20 juin 2012]

Brésil

27 octobre 2002

Guinée

8 novembre 2002

Somalie

22 février 2003

Paraguay

10 avril 2003

Malte

12 octobre 2003

Tunisie

22 octobre 2003

Liechtenstein

1er décembre 2003

[14 mai 2014]

Roumanie

16 janvier 2004

Népal

12 juin 2004

[12 juin 2008]

Chypre

16 août 2004

Venezuela(République bolivarienne du)

20 août 2004

Croatie

7 octobre 2004

[7 octobre 2008]

Estonie

19 décembre 2004

[30 décembre 2011]

Seychelles

3 juin 2005

Cap-Vert

3 juillet 2005

Cambodge

13 novembre 2005

Maurice

7 janvier 2006

Antigua-et-Barbuda

17 août 2006

Arménie

12 octobre 2006

Costa Rica

10 décembre 2006

Éthiopie

12 avril 2007

Géorgie

24 novembre 2007

[24 novembre 2011]

Namibie

27 décembre 2007

République de Corée

7 février 2008

[7 février 2012]

Tadjikistan

9 février 2008

Cuba

15 juin 2008

Côte d’Ivoire

16 janvier 2009

Koweït

5 avril 2009

République démocratique du Congo

16 avril 2009

[16 avril 2009]

Malawi

10 juillet 2009

Azerbaïdjan

14 septembre 2009

[20 novembre 2013]

Cinquièmes rapports périodiques

Afghanistan

25 juin 2004

Argentine

25 juin 2004

[25 juin 2008]

Bélarus

25 juin 2004

Belize

25 juin 2004

Égypte

25 juin 2004

Hongrie

25 juin 2004

[31 décembre 2010]

Mexique

25 juin 2004

[31 décembre 2010]

Fédération de Russie

25 juin 2004

[31 décembre 2010]

Sénégal

25 juin 2004

Uruguay

25 juin 2004

Panama

27 septembre 2004

Colombie

6 janvier 2005

[20 novembre 2013]

Turquie

31 août 2005

Chine, y compris régions administratives spécialesde Hong Kong et de Macao

2 novembre 2005

[21 novembre 2012]

Grèce

4 novembre 2005

[4 novembre 2005]

Royaume-Uni de Grande-Bretagneet d’Irlande du Nord

6 janvier 2006

[31 décembre 2008]

Jamahiriya arabe libyenne

14 juin 2006

Slovénie

14 août 2006

Brésil

27 octobre 2006

Guinée

8 novembre 2006

Somalie

22 février 2007

Paraguay

10 avril 2007

Malte

12 octobre 2007

Tunisie

22 octobre 2007

Roumanie

16 janvier 2008

Népal

12 juin 2008

[12 juin 2008]

Cameroun

25 juin 2008

[14 mai 2014]

Chypre

16 août 2008

Venezuela(République bolivarienne du)

20 août 2008

Croatie

7 octobre 2008

[7 octobre 2008]

Israël

1er novembre 2008

[15 mai 2013]

Seychelles

3 juin 2009

Cap-Vert

3 juillet 2009

Cambodge

13 novembre 2009

Maurice

7 janvier 2010

Sixièmes rapports périodiques

Afghanistan

25 juin 2008

Argentine

25 juin 2008

[25 juin 2008]

Bélarus

25 juin 2008

Belize

25 juin 2008

Égypte

25 juin 2008

Mexique

25 juin 2008

[31 décembre 2010]

Sénégal

25 juin 2008

Uruguay

25 juin 2008

Canada

23 juillet 2008

[23 juillet 2008]

Autriche

27 août 2008

[14 mai 2014]

Panama

27 septembre 2008

Espagne

19 novembre 2008

[20 novembre 2013]

Pérou

5 août 2009

[5 août 2009]

Turquie

31 août 2009

Chili

30 octobre 2009

[15 mai 2013]

Grèce

4 novembre 2009

[4 novembre 2009]

Royaume-Uni de Grande-Bretagneet d’Irlande du Nord

6 janvier 2010

Portugal

10 mars 2010

[30 décembre 2011]

a La date indiquée entre crochets est la nouvelle date fixée pour la présentation du rapport de l’État partie conformément à la décision prise par le Comité au moment de l’adoption des recommandations concernant le dernier rapport de l’État partie.

Annexe XII

Rapporteurs et corapporteurs pour chacun des rapports des États parties examinés par le Comité à ses quarante-troisième et quarante-quatrième sessions (par ordre alphabétique)

A.Quarante-troisième session

Rapport

Rapporteur

Corapporteur

Azerbaïdjan: troisième rapport périodique (CAT/C/AZE/3)

Mme Gaer

M. Wang Xuexian

Colombie: quatrième rapport périodique (CAT/C/COL/4)

M. Mariño Menéndes

M. Grossman

El Salvador: deuxième rapport périodique (CAT/C/SLV/2)

M. Gallegos Chiriboga

Mme Belmir

République de Moldova: deuxième rapport périodique (CAT/C/MDA/2)

Mme Sveaass

M. Kovalev

Slovaquie: deuxième rapport périodique (CAT/C/SVK/2)

Mme Kleopas

M. Wang Xuexian

Espagne: cinquième rapport périodique (CAT/C/ESP/5)

M. Grossman

M. Gaye

Yémen: deuxième rapport périodique (CAT/C/YEM/2)

Mme Sveaass

Mme Belmir

B.Quarante-quatrième session

Rapport

Rapporteur

Corapporteur

Autriche: quatrième et cinquième rapports périodiques (CAT/C/AUS/4-5)

M. Gallegos Chiriboga

M. Grossman

Cameroun: quatrième rapport périodique (CAT/C/CMR/4)

Mme Sveaass

M. Gaye

France: quatrième à sixième rapports périodiques (CAT/C/FRA/4-6)

M. Grossman

Mme Belmir

Jordanie: deuxième rapport périodique (CAT/C/JOR/2)

Mme Gaer

M. Gallegos Chiriboga

Liechtenstein: troisième rapport périodique (CAT/C/LIE/3 et corr.1)

M. Wang Xuexian

Mme Kleopas

Suisse: sixième rapport périodique (CAT/C/CHE/6)

M. Gaye

M. Mariño Menéndes

République arabe syrienne: rapport initial (CAT/C/SYR/1)

M. Mariño Menéndes

Mme Sveaass

Yémen: deuxième rapport périodique (CAT/C/YEM/2)

Mme Sveaass

Mme Belmir

Annexe XIII

Décisions du Comité contre la torture au titre de l’article 22 de la Convention

A.Décisions sur le fond

Communication no 302/2006: A. M. c. France

Présentée par:

A. M. (non représenté par un conseil)

Au nom de:

A. M.

État partie:

France

Date de la requête:

25 septembre 2006 (lettre initiale)

Le Comité contre la torture, institué en vertu de l’article 17 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,

Réuni le 5 mai 2010,

Ayant achevé l’examen de la requête no 302/2006, présentée par A. M. en vertu de l’article 22 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,

Ayant tenu compte de toutes les informations qui lui ont été communiquées par le requérant et l’État partie,

Adopte ce qui suit:

Décision au titre du paragraphe 7 de l’article 22 de la Convention contre la torture

1.1Le requérant, A. M., est un ressortissant de la République démocratique du Congo né en 1960, résidant en France et en attente d’expulsion vers son pays d’origine. Il affirme qu’une telle mesure constituerait une violation par la France de l’article 3 de la Convention. Il n’est pas représenté par un conseil.

1.2Conformément au paragraphe 3 de l’article 22 de la Convention, le Comité a porté la requête à l’attention de l’État partie le 29 septembre 2006, sans joindre de demande de mesures provisoires de protection.

Rappel des faits présentés par le requérant

2.1Le requérant affirme qu’il a quitté la République démocratique du Congo après avoir été battu, torturé et maltraité par des hommes en uniforme, qui seraient des partisans du Président Kabila. Il affirme également que sa femme a été violée devant ses enfants en raison de son appartenance et de son soutien au régime de Mobutu et qu’il est maintenant accusé de collaborer avec le Mouvement de libération du Congo (MLC) de Jean‑Pierre Bemba et Honoré Ngbanda. Il affirme que les autorités de la République démocratique du Congo le recherchent activement.

2.2Il ressort des copies des décisions que le requérant joint à sa requête qu’il a déposé une demande d’asile en France le 17 septembre 2002. Le 12 septembre 2003, l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) a rejeté sa requête, décision confirmée le 14 mai 2004 par la Commission de recours des réfugiés (CRR). Le 16 septembre 2004, le requérant a demandé une première fois un réexamen de sa demande d’asile. L’OFPRA a rejeté sa requête le 17 septembre 2004 et la CCR a confirmé cette décision le 18 avril 2005. Le requérant a été invité à quitter le territoire le 3 septembre 2005. Le 25 mars 2006, un titre de séjour sans droit au travail lui a été délivré et une nouvelle invitation à quitter le territoire lui a été adressée. Le requérant a présenté une seconde demande de réexamen de sa demande d’asile à l’OFPRAqui l’a rejetée comme abusive le 10 juillet 2006 après examen selon la procédure accélérée. Il a reçu un arrêté d’expulsion en date du 8 août 2006 et a formé un recours contre cette mesure le 21 août 2006, devant le Tribunal administratif d’Orléans. Ce dernier l’ayant débouté le 25 août 2006, le requérant a fait appel de cette décision devant la cour d’appel administrative de Nantes. L’appel n’étant pas suspensif, le requérant fait valoir qu’une décision négative peut intervenir en tout temps.

2.3Le requérant joint à sa requête une copie de deux certificats médicaux. Il joint également deux «avis de recherche», qui indiquent qu’il est poursuivi pour «subversion et organisation rebelle» et pour «atteinte à la sécurité intérieure», ainsi que d’autres documents présumés officiels selon lesquels les autorités auraient été informées de son expulsion imminente et auraient donné l’ordre de l’arrêter. La requête est également accompagnée d’un document manuscrit présenté comme le témoignage d’une personne en République démocratique du Congo qui connaît le requérant et affirme ignorer ce qu’il est devenu depuis que les autorités ont commencé à le rechercher. Le requérant joint également une copie d’une lettre, datée du 22 mai 2006, adressée par son oncle au Bureau des droits de l’homme de l’ONU en République démocratique du Congo, demandant des informations sur ce qu’il était advenu de son neveu qui aurait disparu après avoir été tabassé par des hommes armés. Son oncle est décédé en juillet 2006, et le requérant affirme qu’il a été tué par des hommes armés.

Teneur de la plainte

3.Le requérant affirme qu’il craint pour sa vie s’il est renvoyé en République démocratique du Congo. Il ajoute que son renvoi constituerait une violation de l’article 3 de la Convention par l’État partie.

Observations de l’État partie sur la recevabilité

4.1Sous couvert d’une note verbale datée du 3 août 2007, l’État partie conteste la recevabilité de la requête. Il entend démontrer que la communication est irrecevable au sens du paragraphe 2 de l’article 22 de la Convention pour abus de droit, les pièces produites par le requérant présentant toutes les caractéristiques de faux documents.

4.2En premier lieu, l’État partie s’interroge sur le fait que le requérant soit subitement activement recherché en 2006 alors qu’il se trouvait sur le territoire français depuis 2002. De surcroît, les documents produits, qui sont censés émaner de l’administration de la République du Congo, sont tous manuscrits, accréditant la thèse de la contrefaçon. Le requérant n’explique pas comment ces documents administratifs internes et émanant de «l’Agence nationale de renseignement» lui sont parvenus. À supposer que les «avis de recherche» soient rédigés à la main, l’État partie exprime de forts soupçons quant à l’authenticité du prétendu «témoignage» du dénommé G. E., car il s’agit d’un document entièrement manuscrit, établi sur papier blanc ordinaire avec comme seule «estampille» le même tampon que celui qui figure sur les autres pièces produites. De plus, l’État partie estime que ce document comporte des expressions impropres pour un service de police. Il appelle l’attention du Comité sur le fait que les juridictions internes ont émis des doutes similaires sur des documents de même nature, comportant des dates différentes de celles mentionnées ci-dessus. Il cite la Commission des recours des réfugiés qui a, dans sa décision du 18 avril 2005, considéré que «les deux documents produits et présentés comme étant des avis de recherche dont un est daté du 2 janvier 2005 n’offrent pas de garanties d’authenticité suffisantes». Ces doutes ont été confirmés par le Tribunal administratif d’Orléans le 25 août 2006 qui a relevé que «les fautes d’orthographe dans l’en-tête et le corps des documents permettaient de douter de leur authenticité».

Commentaires du requérant sur les observations de l’État partie sur la recevabilité

5.1Dans ses commentaires du 18 septembre 2007, le requérant réfute l’argument de l’État partie selon lequel les pièces qu’il a produites «présentent toutes les caractéristiques de faux documents» au motif qu’il s’agit soit de documents entièrement manuscrits, soit d’imprimés remplis à la main, et qu’ils contiennent des expressions impropres pour des services de police et des fautes d’orthographe. Le requérant explique qu’outre le fait que ces affirmations ne démontrent pas qu’il s’agit de faux, la présentation desdits documents n’est pas surprenante compte tenu des problèmes rencontrés dans l’administration locale.

5.2Le requérant estime que le fait qu’il soit recherché activement seulement depuis 2006, alors qu’il est sur territoire français depuis 2002, s’explique par un regain d’activité des services de police congolais, ce qui démontre qu’il est toujours menacé dans l’hypothèse de son renvoi dans son pays.

Observations de l’État partie sur le fond

6.1Le 30 janvier 2008, l’État partie a présenté ses observations sur le fond de la requête. Il rappelle d’abord les observations qu’il a émises au titre de la recevabilité et renouvelle sa demande tendant à ce que le Comité déclare, à titre principal, la communication irrecevable pour abus du droit de soumettre des communications conformément au paragraphe 2 de l’article 22 de la Convention. En plus de ses observations sur la recevabilité, l’État partie formule des observations sur la vérification matérielle de l’authenticité des pièces produites par le requérant. Il estime que le seul moyen d’effectuer une telle vérification serait d’adresser une demande par voie diplomatique à la République démocratique du Congo. Une telle démarche est théoriquement possible, mais elle risque néanmoins de ne pas produire l’effet recherché si elle n’émane pas du Comité. Il se réfère à une décision de la CRR selon laquelle la confidentialité des éléments d’information relatifs à la personne sollicitant l’asile constitue une garantie essentielle du droit d’asile et que le pays qui examine la demande a l’obligation d’en assurer le respect. La méconnaissance de cette obligation peut avoir pour conséquence l’aggravation des craintes exprimées par le demandeur, voire créer des conditions de nature à exposer l’intéressé à des persécutions au sens de la Convention relative au statut des réfugiés ou à l’une des menaces graves visées par la loi.

6.2L’État partie note que la communication ne comporte pas de grief précis et ne se réfère, ne serait-ce qu’en substance, à aucun article de la Convention. Il estime qu’elle se rapporte à l’article 3 de la Convention et se propose d’exposer, dans un premier temps, le cadre juridique des demandes d’asile et, dans un deuxième temps, les recours utiles applicables en la matière et de démontrer enfin que l’examen de la demande du requérant a été fait en conformité à l’article 3 de la Convention.

6.3Expliquant la procédure d’examen initial des demandes d’asile par l’OFPRA, l’État partie souligne l’indépendance de ce dernier, ainsi que sa coopération avec le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés. Son personnel a accès à diverses sources et est en relation permanente avec les services équivalents de ses principaux homologues européens, démultipliant ainsi la documentation disponible, ainsi que les moyens de vérification. L’État partie souligne qu’il est conscient de la difficulté de produire, dans certaines situations, des preuves matérielles, qu’il s’attache à évaluer la crédibilité globale de la personne et qu’en cas d’incertitude, le doute profite au demandeur.

6.4L’État partie décrit la procédure de recours à la CRR et souligne la présence d’un représentant du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés à des fins de vérification de la réalité des persécutions alléguées. Il décrit la procédure de réexamen d’une demande d’asile par l’OFPRA lorsque des éléments nouveaux sont présentés par le demandeur. Dans ce cas, la demande fait l’objet d’une procédure d’examen accélérée menée par un autre officier de protection que celui qui a traité la première demande. Si l’OFPRA conclut à la recevabilité de la demande de réexamen, il examine si les faits nouveaux sont fondés et s’ils sont de nature à justifier les craintes de persécution du requérant.

6.5Dans le cas d’espèce, l’État partie précise que les risques invoqués par le requérant pour justifier son maintien sur le territoire national au titre du statut de réfugié ont fait l’objet d’un examen approfondi à cinq reprises (trois fois par l’OFPRA et deux par la CRR). Il note qu’à l’issue de ces différents examens la réalité des risques allégués par l’intéressé en cas de retour dans son pays n’a pas été prouvée. Il se réfère à la décision du 18 avril 2005 de la CRR selon laquelle «…les deux documents produits et présentés comme étant des avis de recherche, dont l’un est daté du 2 janvier 2005, n’offrent pas de garanties d’authenticité suffisante». Il souligne aussi que le Tribunal administratif d’Orléans a également procédé, avant son arrêt du 25 août 2006, à un examen approfondi au regard de l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme lequel couvre le même champ de protection que l’article 3 de la Convention.

6.6À titre principal, l’État partie invite le Comité à déclarer la communication irrecevable et, à titre subsidiaire, de la rejeter sur le fond pour défaut de fondement.

Commentaires du requérant sur les observations de l’État partie concernant le fond

7.1Dans un courrier daté du 20 mars 2008, le requérant affirme à nouveau que sa communication est recevable.

7.2Le requérant note que les observations des autorités françaises ne précisent pas s’il a fait appel de la dernière décision de rejet de l’OFPRA le 3 août 2006 devant la Cour nationale du droit d’asile, nouvelle dénomination de la Commission de recours des réfugiés (CRR) et qu’une décision sur cet appel est imminente. Il ajoute qu’il a déposé le 25 janvier 2008 un mémoire complémentaire à son appel devant la Cour nationale du droit d’asile. Ce mémoire présente des documents nouveaux, dont le requérant n’a eu connaissance qu’en novembre 2007 confirmant les craintes dont il a déjà fait état devant l’OFPRA et la CRR en cas de renvoi dans son pays. Le premier document est une convocation de la Direction générale de la police judiciaire des parquets invitant le requérant à se présenter le 21 juillet 2007 pour y être entendu et attestant ainsi que le requérant persiste à être considéré comme une menace par le pouvoir en place. Le deuxième document est un communiqué daté du 8 septembre 2007 émanant d’une organisation non gouvernementale congolaise qui montre que le requérant est toujours activement recherché par les services de sécurité congolais et qui fait état d’informations alarmantes sur la situation de plusieurs de ses proches. Selon ce document, un cousin du requérant, accusé d’être son complice et par conséquent d’activités subversives, est porté disparu depuis son arrestation le 1er septembre 2007; la famille de l’un des amis du requérant a fait l’objet de menaces afin qu’elle révèle l’adresse de l’épouse du requérant qui a, elle aussi, fui son pays en 2004; sa mère a été assassinée, par strangulation, par des inconnus en août 2005; et l’une de ses cousines a été violentée par des inconnus en juillet 2007.

7.3Le requérant fait valoir que l’on cherche à l’atteindre au travers de personnes qui lui sont proches. Le troisième document est un communiqué daté du 6 octobre 2007 émanant d’une autre organisation non gouvernementale congolaise qui fait état, en citant le requérant, de «l’insécurité que connaissent des acteurs politiques, des militants politiques, des opérateurs économiques et d’autres personnes…», ainsi que de persécutions dont ont été victimes ses proches, confortant les faits relatés dans le deuxième document. Le quatrième document, un article de presse daté du 22 octobre 2007, reprend les faits relatés précédemment. Le requérant conclut de ce qui précède que la réalité et la gravité des risques qu’il encourt en cas de retour dans son pays d’origine ont été dûment établies.

7.4Dans un courrier additionnel daté du 9 avril 2008, le requérant note que la Cour nationale du droit d’asile a rejeté son recours en date du 21 mars 2008. Elle a considéré que ni les pièces du dossier, ni les déclarations faites devant elle, ne permettaient de tenir pour établis les faits nouvellement allégués, et pour fondées les craintes exprimées. Le requérant joint également une lettre d’une association qui l’a assisté dans la rédaction de ses commentaires tant au niveau national que devant le Comité et qui atteste que les craintes exprimées par le requérant lui paraissent fondées.

Observations supplémentaires de l’État partie

8.1Le 13 mai 2008, l’État partie, à titre liminaire, confirme les observations qu’il a émises sur la recevabilité et le fond et renouvelle sa demande au Comité de déclarer, à titre principal, la communication irrecevable et de la rejeter sur le fond, à titre subsidiaire. L’État partie explique, en complément à ses précédentes observations, le fondement de la décision de rejet par la Cour nationale du recours du requérant, à savoir que les circonstances à l’origine du départ du requérant de son pays d’origine, ainsi que la fuite de sa femme et de ses enfants vers l’Angola sont des faits sur lesquels la CRR a déjà statué et que les nouvelles pièces produites par le requérant ont été considérées comme insuffisantes et ne permettant pas d’infirmer l’analyse de la CRR.

8.2L’État partie reconfirme ses soupçons, exprimés dans ses précédentes observations, quant à l’authenticité des pièces versées au dossier par le requérant.

Informations additionnelles fournies par le requérant

9.Sous couvert d’une lettre datée du 3 octobre 2008, le requérant informe le Comité de l’assassinat, fin mars 2008, de son cousin, M. G., accusé d’être son complice et qui avait été porté disparu après avoir été arrêté par les services de sécurité le 1er septembre 2007. Le requérant joint à ses affirmations un extrait d’un journal congolais daté du 24 avril 2008, avec copie de l’enveloppe d’expédition attestant que l’envoi a été fait depuis Kinshasa, et qui indique que M. G., cousin du requérant, avait été enlevé par des hommes en uniformes se réclamant de la Garde républicaine après l’avoir confondu avec le requérant et que la vie de ce dernier serait de ce fait effectivement en danger en cas de retour dans son pays. Le requérant joint également une copie du certificat de décès de son cousin, délivré par l’hôpital général de Kinshasa, qui précise que le décès est consécutif à un assassinat, une copie du permis d’inhumer délivré par le service d’inhumation de la ville de Kinshasa, une copie de l’enveloppe d’expédition, ainsi qu’un nouvel avis de recherche le concernant daté du 29 mars 2008.

Informations additionnelles fournies par l’État partie

10.Le 20 novembre 2008, l’État partie, en complément de ses observations, précise qu’en vertu de l’article R.723‑3 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA), tout étranger dont la demande d’asile a été rejetée une première fois de manière définitive par l’OFPRA et par la Commission des recours des réfugiés a la possibilité de présenter des éléments nouveaux à l’OFPRA en vue d’obtenir le réexamen de sa demande. Par conséquent, il appartient à l’auteur de la présente communication d’introduire une nouvelle demande de réexamen de sa demande d’asile, s’il estime être en mesure aujourd’hui de prouver par les éléments nouveaux qu’il transmet au Comité contre la torture les risques qu’il encourt.

11.1Dans ses commentaires datés du 19 novembre 2009, formulés comme suite à la décision prise par le Comité à sa quarante-deuxième session le priant de lui fournir des précisions concernant la vérification matérielle de l’authenticité des pièces produites par le requérant, l’État partie rappelle d’abord que les pièces produites par le requérant le 3 octobre 2008 l’ont été après la saisine du Comité. Il considère donc que ces pièces, qui lui étaient inconnues avant cette date, ne peuvent pas être considérées comme recevables, dans la mesure où, à la date de la présentation de la requête au Comité, il ne pouvait être reproché à l’État partie de n’en avoir pas tenu compte lors de l’examen de la demande d’asile du requérant. Il précise à nouveau qu’il appartient à ce dernier d’introduire une demande de réexamen de sa demande d’asile s’il estime être en mesure de transmettre au Comité des éléments nouveaux prouvant qu’il court un risque. L’État partie conclut que le Comité ne saurait admettre ces pièces, jamais produites devant les autorités françaises, sans enfreindre le principe de subsidiarité sur lequel repose l’efficacité du système international de protection contre la torture.

11.2En second lieu, l’État partie fournit les précisions suivantes s’agissant de la vérification matérielle des pièces fournies par l’auteur. S’agissant du certificat de décès et du permis d’inhumation de M. G., l’État partie note que l’écriture des deux documents est identique alors qu’ils ont été délivrés par des autorités différentes, à savoir respectivement l’hôpital général de Kinshasa et la ville de Kinshasa. De plus, le permis d’inhumation a été délivré le 5 avril 2008 sur la base d’une taxe payée le 10 juillet 2007, soit à une date antérieure au décès prétendument survenu le 28 mars 2008. L’État partie explique que ce type de discordance est couramment relevé sur les documents falsifiés, le haut étant modifié, tandis que le bas, qui comporte la signature, est conservé. Il note également que le certificat de décès est signé par un médecin qui, après vérification de la part de sa représentation diplomatique en République démocratique du Congo, travaille comme médecin généraliste en ville et en aucun cas à l’hôpital de Kinshasa. De plus, le mot «assassinat» inscrit sur le certificat en tant que cause du décès est totalement inhabituel, la mention généralement portée par l’hôpital étant plus objective (par arme à feu, par arme blanche, mort violente, etc.). S’agissant de l’extrait de presse, l’État partie note que, même si le journal existe effectivement, il est notoirement de faible qualité journalistique et de faible crédibilité et que le seul moyen de le contacter est une adresse électronique. Il note également que la date de parution de l’extrait du journal en question apparaît avec une variation de police d’imprimerie, ce qui peut donner à penser qu’il s’agit d’un montage. Finalement, selon les informations fournies par la représentation diplomatique de l’État partie, la publication d’un texte dans ce type de journal peut être obtenue moyennant paiement.

11.3L’État partie conclut que, dans l’hypothèse où le Comité considérerait comme recevables ces pièces, leur force probante est sujette à caution pour les raisons invoquées ci-dessus. Au surplus, au vu de ces pièces, rien ne permet de déclarer établis ni le lien de famille entre M. G. et l’auteur, ni l’assassinat de M. G., sans parler de la confusion qui aurait conduit à cet assassinat.

Délibérations du Comité

Examen de la recevabilité

12.1Avant d’examiner une plainte soumise dans une requête, le Comité contre la torture doit déterminer si la requête est recevable en vertu de l’article 22 de la Convention. Dans le cas à l’examen, le Comité s’est assuré, comme il est tenu de le faire conformément au paragraphe 5 a) de l’article 22, que la même question n’a pas été examinée et n’est pas actuellement examinée par une autre instance internationale d’enquête ou de règlement.

12.2Le Comité a pris note de l’argument de l’État partie selon lequel la communication constitue un abus du droit de présenter des requêtes. Il considère en tout été de cause que, depuis que la présente requête lui a été soumise le 25 septembre 2006, il lui appartient de juger la bonne foi du requérant dans son exposé des faits et des preuves, et leur pertinence pour le Comité, dans l’examen des arguments de l’État partie quant à l’irrecevabilité de la requête. Toutefois, en l’espèce, le Comité considère que la requête dans son ensemble est suffisamment étayée aux fins de la recevabilité.

12.3Quant à l’objection de l’État partie selon laquelle le requérant a présenté au Comité des éléments nouveaux, qui n’avaient jamais été portés à l’attention de ses autorités, le Comité note que les informations en question ont été reçues, sans qu’il y soit pour quoi que ce soit, par le requérant après l’épuisement des recours internes. En conséquence, il conclut qu’il ne voit aucun obstacle, au regard du paragraphe 4 de l’article 22 de la Convention et de l’article 107 de son règlement intérieur, à ce qu’il examine la communication quant au fond.

Examen du fond

13.1Le Comité doit déterminer si, en renvoyant le requérant en République démocratique du Congo, l’État partie manquerait à l’obligation qui lui est faite à l’article 3 de la Convention de ne pas expulser ou refouler un individu vers un autre État où il y a des motifs sérieux de croire qu’il risque d’être soumis à la torture.

13.2Pour évaluer le risque de torture, le Comité doit tenir compte de toutes les considérations pertinentes, y compris de l’existence dans l’État où le requérant serait renvoyé d’un ensemble systématique de violations graves, flagrantes ou massives des droits de l’homme. Il s’agit toutefois de déterminer si l’intéressé risque personnellement d’être soumis à la torture dans le pays vers lequel il serait renvoyé. Dès lors, l’existence d’un ensemble systématique de violations graves, flagrantes ou massives des droits de l’homme dans le pays ne constitue pas en soi un motif suffisant pour conclure qu’un individu risque d’être soumis à la torture à son retour dans le pays; il doit exister des motifs supplémentaires donnant à penser que l’intéressé court personnellement un risque. À l’inverse, l’absence d’un ensemble systématique de violations flagrantes des droits de l’homme ne signifie pas qu’une personne ne peut être considérée comme risquant d’être soumise à la torture dans la situation qui est la sienne.

13.3Le Comité rappelle son Observation générale no 1 (2007) concernant l’application de l’article 3, en vertu de laquelle il est tenu de déterminer s’il y a des motifs sérieux de croire que le requérant risque d’être soumis à la torture s’il est expulsé, renvoyé ou extradé et l’existence d’un risque de torture doit être appréciée selon des éléments qui ne se limitent pas à de simples supputations ou soupçons. En tout état de cause, il n’est pas nécessaire de montrer que le risque encouru est hautement probable. Le risque doit néanmoins être personnel et actuel. À cet égard, dans ses décisions précédentes, le Comité a établi que le risque de torture devait être prévisible, réel et personnel.

13.4En ce qui concerne la charge de la preuve, le Comité rappelle également son Observation générale no 1 relative à l’article 3, ainsi que sa jurisprudence selon laquelle c’est généralement au requérant qu’il incombe de présenter des arguments défendables et que le risque de torture doit être apprécié selon des éléments qui ne se limitent pas à de simples supputations ou soupçons.

13.5Le Comité rappelle que l’État partie met en doute la crédibilité du requérant et l’authenticité des documents qu’il a produits. Il réitère sa doctrine selon laquelle il est compétent pour examiner pleinement les faits et les preuves qui lui sont soumis avant d’adopter sa décision, même si, ce faisant, tout le poids voulu doit être accordé à leur examen par les autorités de l’État partie. Le requérant a certes fourni à l’État partie et au Comité diverses copies de documents en guise d’éléments de preuve, mais le Comité estime qu’il n’a pas réussi à réfuter, avec des arguments convaincants, les conclusions de l’État partie sur sa crédibilité et n’a pas pu non plus prouver l’authenticité des documents en question. De même, il n’a pas donné d’explications quant à la manière dont il s’était procuré divers documents administratifs internes. Le Comité note que les deux certificats médicaux produits par le requérant font état de plusieurs cicatrices à différents endroits du corps ainsi qu’à des fractures au tibia et au péroné mais qu’ils ne contiennent aucun élément confirmant ou infirmant qu’elles sont le résultat de tortures infligées dans le passé. Le Comité estime que la crédibilité des allégations de l’auteur a été irrémédiablement mise en brèche affectée par les précisions apportées par l’État partie s’agissant de la vérification matérielle des pièces produites par l’auteur le 3 octobre 2008, à savoir le certificat de décès et le permis d’inhumation de M. G., cousin présumé de l’auteur, ainsi que de l’extrait de presse selon lequel M. G. aurait été assassiné après avoir été confondu avec l’auteur.

13.6Le Comité réitère qu’aux fins de l’article 3 de la Convention, il faut que le risque d’être torturée que court une personne soit prévisible, réel et personnel. Dans le cas d’espèce, il estime que le requérant n’a pas présenté suffisamment de détails ou d’éléments de preuve satisfaisants pour corroborer son récit et le fait qu’il court un risque réel et personnel d’être torturé en cas de renvoi en République démocratique du Congo. Le Comité considère donc que le requérant n’a pas étayé son allégation selon laquelle il court personnellement un risque prévisible et réel d’être soumis à la torture à son retour en République démocratique du Congo.

13.7Le Comité contre la torture, agissant en vertu du paragraphe 7 de l’article 22 de la Convention, considère que le requérant n’a pas étayé son allégation selon laquelle il risque d’être soumis à la torture à son retour en République démocratique du Congo et conclut donc que son renvoi dans ce pays ne constituerait pas une violation de l’article 3 de la Convention.

Notes

Communication no 322/2007: Njamba et Balikosac. Suède

Présentée par:

Eveline Njamba et sa fille Kathy Balikosa(représentées par un conseil, M. Manuel Boti Flid)

Au nom de:

Eveline Njamba et sa fille Kathy Balikosa

État partie:

Suède

Date de la requête:

11 juin 2007 (lettre initiale)

Le Comité contre la torture, institué en vertu de l’article 17 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,

Réuni le 14 mai 2010,

Ayant achevé l’examen de la requête no 322/2007, présentée par Eveline Njamba et sa fille Kathy Balikosa en vertu de l’article 22 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,

Ayant tenu compte de toutes les informations qui lui ont été communiquées par le requérant, son conseil et l’État partie,

Adopte ce qui suit:

Décision au titre du paragraphe 7 de l’article 22 de la Convention contre la torture

Décision

1.1Les requérantes sont Eveline Njamba et sa fille Kathy Balikosa, ressortissantes de la République démocratique du Congo, nées respectivement le 10 avril 1975 et le 4 mars 2001. Elles font l’objet d’un arrêté d’expulsion de la Suède vers la République démocratique du Congo. Bien qu’elles n’invoquent aucune disposition particulière de la Convention, leur requête paraît soulever des questions au regard de l’article 3 et, peut-être, de l’article 16. Elles sont représentées par un conseil, M. Manuel Boti Flid.

1.2Conformément au paragraphe 3 de l’article 22 de la Convention, le Comité a porté la communication à l’attention de l’État partie le 14 juin 2007. Parallèlement, en application du paragraphe 1 de l’article 108 de son règlement intérieur, le Comité a prié l’État partie de ne pas procéder à l’expulsion des requérantes vers la République démocratique du Congo tant que leur requête serait à l’examen. Le même jour, l’État partie a accédé à la demande.

Rappel des faits présentés par les requérantes

2.1Les requérantes sont originaires de Gemena dans la province de l’Équateur. En 2004, elles ont déménagé à Goma où l’époux de Mme Njamba avait créé une petite entreprise. À l’époque, le frère de celui-ci était commandant dans l’armée congolaise. À Goma, Mme Njamba a découvert que la petite entreprise servait de couverture aux activités réelles de son mari, qui consistaient notamment à aider les rebelles dans la province de l’Équateur et à Goma. Depuis 1998, son époux était impliqué dans des actes de trahison et d’espionnage pour le compte des rebelles, notamment l’achat d’armes pour la rébellion dans la province de l’Équateur. De nombreuses familles voulaient pour cette raison la mort de ce dernier et l’avaient menacé. Mme Njamba connaissait les activités de son époux et celles de son beau-frère, de sorte que beaucoup considéraient qu’elle était leur complice et qu’elle était elle-même impliquée dans des activités en faveur de la rébellion. La police ne la protégeait pas. Au contraire elle avait contribué à divulguer les activités de son époux aux familles qui voulaient se venger de lui.

2.2En décembre 2004, alors que les requérantes étaient à l’église, des combats ont éclaté. Lorsqu’elles sont rentrées chez elles après s’être cachées pendant quelques jours chez des gens, l’époux et les trois autres enfants de Mme Njamba avaient disparu. Mme Njamba soupçonne les milices congolaises de les avoir tués. Selon elle, sa fille et elle-même n’ont survécu que parce qu’elles s’étaient cachées. Durant les combats, les requérantes ont été témoins d’exécutions, de viols et d’actes de torture. Le beau-frère de Mme Njamba, soupçonné de trahison, a été tué.

2.3À la suite de cet incident, les requérantes ont fui la République démocratique du Congo et sont arrivées en Suède le 29 mars 2005. Le jour même, elles ont demandé l’asile. Le 21 mars 2006, leur demande a été rejetée par le Conseil des migrations, qui a conclu que les circonstances qu’elles invoquaient n’étaient pas suffisantes pour leur donner droit au statut de réfugié. Le Conseil a estimé que les requérantes n’étaient pas personnellement menacées dans leur vie et qu’en outre, étant originaires de la province de l’Équateur, elles pouvaient y retourner. Les requérantes ont formé un recours contre cette décision faisant valoir que Mme Njamba était séropositive et qu’en République démocratique du Congo aucun traitement médical n’était disponible.

2.4Le 1er septembre 2006, le recours des requérantes a été rejeté par le Tribunal des migrations. Le Tribunal a fait siennes les conclusions du Conseil des migrations selon lesquelles les circonstances invoquées par les requérantes ne suffisaient pas à établir qu’elles avaient besoin d’être protégées. S’agissant de l’état de santé de Mme Njamba, le Tribunal a statué qu’il ne pouvait être considéré comme présentant les caractéristiques d’une situation de détresse exceptionnelle nécessitant l’application de l’article 6 du chapitre 5 de la loi sur les étrangers de 2005. Le 10 octobre 2006, les requérantes ont saisi la Cour d’appel des migrations, mais l’autorisation d’interjeter appel leur a été refusée le 8 janvier 2007.

2.5Dans une requête adressée au Conseil des migrations le 21 mars 2007, les requérantes ont sollicité un réexamen de leur demande en vertu de l’article 19 du chapitre 12 de la loi sur les étrangers de 2005. Elles ont fait valoir un argument supplémentaire, affirmant qu’elles seraient en danger si elles étaient renvoyées en République démocratique du Congo parce que les personnes refoulées d’Europe étaient automatiquement arrêtées et interrogées à leur arrivée. Le 30 mai 2007, le Conseil des migrations a décidé de ne pas surseoir à l’exécution de l’arrêté d’expulsion. Le 7 juin 2007, il a en outre décidé de ne pas réexaminer la demande des requérantes.

Teneur de la plainte

3.1Les requérantes font valoir qu’elles seraient victimes d’une violation de la Convention si elles étaient expulsées en République démocratique du Congo où elles craignent d’être torturées. Mme Njamba pense qu’elle serait torturée ou tuée par les services de sécurité ou, par vengeance, par les familles qui estiment avoir été trahies par elle, son époux et son beau-frère. Les requérantes font aussi valoir que, dans la pratique, la police secrète arrête et interroge toutes les personnes renvoyées d’un autre pays et qu’il est fréquent qu’elle les torture, les emprisonne arbitrairement ou les exécute. Elles affirment en outre que la situation en matière de sécurité en République démocratique du Congo est précaire et que, de ce fait, le Gouvernement est incapable de garantir la protection de leurs droits fondamentaux.

3.2Des médecins en Suède ont confirmé la séropositivité de Mme Njamba. La requérante affirme que, vu l’inexistence ou la rareté des moyens de traitement en République démocratique du Congo, elle mourrait du sida si elle y était renvoyée. À son retour en République démocratique du Congo, elle aurait à affronter une «mort douloureuse» causée par la maladie, ainsi que la souffrance de laisser sa fille orpheline.

3.3Les requérantes affirment qu’elles ont épuisé les recours internes car tous leurs appels ont été rejetés.

Observations de l’État partie sur la recevabilité et sur le fond

4.1Le 11 décembre 2007, l’État partie a présenté ses observations sur la recevabilité et sur le fond de la requête. Il reconnaît que tous les recours internes ont été épuisés. Il affirme néanmoins que la communication devrait être déclarée irrecevable conformément au paragraphe 2 de l’article 22 de la Convention. Il rappelle que l’article 3 n’est applicable que si le requérant risque d’être soumis à la torture telle qu’elle est définie à l’article premier. En conséquence, vu qu’une éventuelle détérioration de l’état de santé de Mme Njamba après son expulsion ne saurait être considérée comme constitutive d’un acte de torture selon la définition de l’article premier, l’État partie fait valoir que la question de savoir si l’exécution de l’arrêté d’expulsion constituerait une violation de la Convention en raison de la séropositivité de Mme Njamba ne relève pas du champ de l’article 3. De plus, selon l’État partie, l’allégation des requérantes selon laquelle elles seront soumises à un traitement contraire à l’article 3 n’est pas étayée par le minimum d’éléments de preuve requis aux fins de la recevabilité. Il estime que la requête est manifestement dénuée de fondement.

4.2L’État partie admet que la requête peut soulever des questions au regard de l’article 16 de la Convention. Il rappelle néanmoins la jurisprudence du Comité selon laquelle l’aggravation de l’état de santé physique ou mentale d’une personne due à une expulsion ne peut généralement constituer à elle seule, en l’absence d’autres facteurs, un traitement dégradant en violation de l’article 16. Il fait valoir que les requérantes n’ont en l’espèce invoqué aucun autre facteur. En conséquence, la requête, dans la mesure où elle se rapporte à l’article 16, devrait être déclarée irrecevable ratione materiae. Si le Comité concluait que l’article 16 s’applique à la question de l’exécution de la décision d’expulsion, l’État partie estime que les requérantes n’ont pas apporté le minimum d’éléments de preuve requis aux fins de la recevabilité. À cet égard également, la requête est considérée comme manifestement infondée.

4.3Sur le fond, l’État partie note qu’il y a eu une évolution positive dans le sens de la démocratie et de la stabilité en République démocratique du Congo. En particulier, les premières élections démocratiques depuis quarante-six ans ont eu lieu en 2006. La République démocratique du Congo a ratifié la plupart des principaux instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme. L’État partie reconnaît que des violations des droits de l’homme sont encore couramment signalées dans le pays, mais qu’elles se produisent le plus souvent dans des zones non contrôlées par le Gouvernement, situées principalement dans l’est de la République démocratique du Congo. L’État partie affirme donc que la situation actuelle en République démocratique du Congo ne semble pas de nature à justifier un besoin général de protection des demandeurs d’asile originaires de ce pays.

4.4Pour ce qui est du risque encouru personnellement par les requérantes d’être soumises à la torture en République démocratique du Congo, l’État partie note que l’organe national qui procède aux entretiens avec les demandeurs d’asile est très bien placé pour évaluer les informations présentées par eux et apprécier la crédibilité de leurs demandes. En l’occurrence, l’entretien ayant duré deux heures, le Conseil des migrations disposait de suffisamment d’informations qui, considérées conjointement avec les faits et documents figurant dans le dossier, l’ont doté d’une solide base pour évaluer le besoin de protection des requérantes en Suède. L’État partie s’appuie sur les décisions du Conseil des migrations et du Tribunal des migrations et sur les motifs énoncés dans ces décisions.

4.5L’État partie considère que l’allégation des requérantes selon laquelle leur expulsion constituerait une violation de la Convention en raison des hostilités en République démocratique du Congo n’a pas été étayée. Les requérantes affirment certes avoir été témoins de terribles violations des droits de l’homme, mais n’ont pas été elles-mêmes victimes d’agressions ou de violences. En conséquence, leurs affirmations quant aux risques de torture ont un caractère général et ne se fondent que sur la situation générale du pays. Ces affirmations n’apportent en rien la preuve que les requérantes courent un risque prévisible, réel et personnel d’être torturées. En outre, l’État partie note que les requérantes ne seront pas renvoyées dans la région orientale de la République démocratique du Congo, mais dans la province de l’Équateur, à l’ouest, où les conditions de sécurité et la situation concernant les droits de l’homme sont bien meilleures. Il rappelle que les requérantes sont nées dans cette province et qu’elles y étaient enregistrées comme résidentes lorsqu’elles ont quitté le pays. Si elles se sont rendues à Goma avant leur départ, elles n’y sont restées que très peu de temps. Les requérantes peuvent éviter tout risque présumé de torture dû à d’éventuelles hostilités dans l’est de la République démocratique du Congo en retournant dans la province de l’Équateur.

4.6En ce qui concerne l’allégation des requérantes selon laquelle leur retour forcé en République démocratique du Congo les exposerait au risque d’être arrêtées, interrogées, emprisonnées et éventuellement soumises à la torture puis tuées par les services de sécurité, l’État partie objecte qu’elle a aussi un caractère général et que les requérantes n’ont invoqué aucune circonstance qui expliquerait pourquoi elles courent personnellement un tel risque. Les requérantes affirment que les personnes renvoyées de force en République démocratique du Congo sont victimes de violences, mais dans les informations généralement disponibles sur le pays l’État partie ne trouve rien qui vienne étayer cette affirmation. Il existe des exemples de personnes ayant été interrogées à leur retour en République démocratique du Congo, mais il n’a été signalé dans ces cas aucun autre abus qu’auraient commis les autorités. L’État partie note en outre que ce n’est que le 21 mars 2007 que les requérantes ont pour la première fois fait état de ces circonstances particulières, dans la nouvelle requête qu’elles ont soumise au Conseil des migrations.

4.7Au sujet du grief tiré de l’article 16, l’État partie, s’appuyant sur la jurisprudence du Comité, relève qu’aucune violation de cette disposition n’a jamais été constatée dans des affaires d’expulsion. Se fondant sur la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, il note que la Cour n’a conclu à une violation de l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme que dans des circonstances très exceptionnelles où la personne devant être expulsée était en phase terminale du sida et n’aurait pu bénéficier d’un traitement ni d’un soutien social et moral dans le pays de destination. Dans la présente affaire, l’État partie fait valoir qu’il n’existe aucune circonstance exceptionnelle de ce type. De fait, des médicaments antirétroviraux sont disponibles, en principe gratuitement. Concernant l’état de santé de Mme Njamba, l’État partie relève qu’elle n’a pas développé le sida et ne souffre d’aucune maladie liée au VIH. Il ressort de son certificat médical qu’elle n’aura pas besoin de prendre des médicaments dans les toutes prochaines années.

Commentaires des requérantes sur les observations de l’État partie

5.1Le 20 février 2008, les requérantes ont fait savoir qu’elles n’avaient pas de commentaires à formuler sur les observations de l’État partie.

5.2Le 24 juin 2008, les requérantes ont réaffirmé que l’on ignorait toujours où se trouvait l’époux de Mme Njamba et qu’elles le croyaient mort. Elles ont expliqué ne pas avoir voulu mentionner ses activités politiques dans la procédure d’asile parce qu’elles étaient traumatisées par les événements dont elles avaient été témoins. En outre, Mme Njamba n’avait pas voulu mettre son mari en danger en révélant les détails de ses activités politiques aux autorités chargées des demandes d’asile.

Observations supplémentaires de l’État partie

6.1Dans une note datée du 8 octobre 2008, l’État partie a fait observer que les éléments nouveaux relatifs aux circonstances ayant entouré la disparition de membres de la famille des requérantes n’avaient jamais été présentés aux autorités suédoises de l’immigration, mais mentionnés pour la première fois dans leur communication au Comité, soit plus de deux ans après leur demande initiale d’asile. Les requérantes n’ont pas fait état de ces circonstances devant le Tribunal des migrations dans leur appel contre la décision du Conseil des migrations. L’État partie rappelle que si un demandeur d’asile souhaite invoquer des circonstances nouvelles comme motif de sa demande d’asile, il dispose d’une voie de recours interne en vertu des articles 18 et 19 du chapitre 12 de la loi sur les étrangers de 2005. Il note que les requérantes n’ont pas fait recours contre la décision du Conseil des migrations de ne pas leur accorder de permis de séjour. Dans leur appel, elles auraient pu exposer les nouvelles circonstances invoquées devant le Comité. Comme elles ne l’ont pas fait, l’État partie considère que la communication devrait être déclarée irrecevable pour non-épuisement des recours internes.

6.2En tout état de cause, l’État partie considère que l’affirmation des requérantes selon laquelle elles risquent d’être traitées d’une manière qui constituerait une violation de la Convention au motif des activités de leur époux/père à Goma n’est pas étayée par le minimum d’éléments de preuve requis aux fins de la recevabilité. Il estime donc que la communication est manifestement infondée. En particulier, il considère qu’il y a de solides raisons de contester la véracité des nouvelles allégations et que la présentation au Comité d’une version complètement nouvelle des faits survenus en République démocratique du Congo, qui n’a pas été exposée aux autorités nationales, appelle un examen attentif de leur récit. Cette nouvelle version des événements doit être étayée par davantage de faits et de détails. Quoi qu’il en soit, les faits tels que les ont présentés les requérantes sont contradictoires et embrouillés, même en l’absence de détails. L’État partie juge en outre étonnant que les requérantes n’aient mentionné aucune de ces circonstances nouvelles dans leur communication initiale au Comité. Lorsqu’elles ont soumis leur plainte, les requérantes n’ont même pas essayé d’expliquer pourquoi ces nouvelles circonstances n’avaient pas été signalées auparavant. Ce n’est qu’en juin 2008 qu’elles ont fourni quelques indications expliquant pourquoi elles n’avaient pas exposé ces circonstances plus tôt (voir par. 5.2). À propos de ces explications, l’État partie a tenu à souligner que dans les premiers stades de la procédure nationale devant le Conseil des migrations, Mme Njamba avait été informée des conséquences de toute déclaration contenant des informations délibérément inexactes ou tronquées. Elle avait aussi été informée que les agents du Conseil des migrations ainsi que l’interprète et le conseiller juridique étaient astreints au secret professionnel. De plus, les raisons avancées par les requérantes n’expliquaient toujours pas pourquoi les nouvelles circonstances n’avaient pas été signalées aux autorités nationales, par exemple dans l’appel contre la décision du 7 juillet 2007 du Conseil des migrations.

6.3L’État partie rappelle que l’article 3 de la Convention ne s’applique que si une personne risque d’être soumise à la torture au sens de l’article premier de la Convention. Il rappelle aussi que, selon la jurisprudence du Comité, la question de savoir si un État partie a l’obligation de ne pas expulser une personne qui risque de se voir infliger une douleur ou des souffrances par une entité non gouvernementale, sans le consentement exprès ou tacite du Gouvernement, est en dehors du champ d’application de l’article 3 de la Convention. Comme l’affirmation récente des requérantes semble porter sur le fait qu’elles risquent d’être tuées par des particuliers par vengeance en raison d’activités qu’aurait menées leur époux ou père, cette question n’entre en tout état de cause pas dans le champ de l’article 3 de la Convention.

6.4En ce qui concerne la disparition présumée de membres de la famille des requérantes, l’État partie réitère que devant les autorités nationales chargées des migrations Mme Njamba n’a indiqué ni que son époux travaillait clandestinement pour les rebelles, ni qu’il risquait d’être tué pour ce motif. Les raisons que les requérantes ont avancées dans leur demande d’asile étaient le conflit généralisé en République démocratique du Congo et la séropositivité de Mme Njamba. Pour l’examen de ces questions, la disparition présumée du reste des membres de la famille n’est pas pertinente. En outre, la question de savoir si un soutien familial serait disponible en cas de retour n’est pas pertinente pour déterminer si Mme Njamba pourrait rentrer en République démocratique du Congo alors qu’elle a été diagnostiquée séropositive au VIH. Elle ne l’est pas parce que sa santé est considérée comme bonne et qu’il existe des possibilités de traitement en République démocratique du Congo. La Cour d’appel des migrations a néanmoins examiné la question de la disparition présumée de membres de la famille. Dans son arrêt, elle a estimé que l’époux et les autres enfants de Mme Njamba se trouvaient encore quelque part en République démocratique du Congo. L’État partie ajoute que dans sa demande d’asile Mme Njamba a donné les nom et adresse d’un oncle maternel dans la province de l’Équateur. Dans la procédure nationale, elle a également indiqué que le frère de son époux était vivant et avait notoirement apporté son aide dans le passé. Il est donc étonnant qu’elle affirme maintenant au Comité qu’il a été tué parce qu’il était soupçonné de trahison. L’État partie note que le Comité international de la Croix-Rouge offre une assistance pour retrouver les membres de familles dispersées par le conflit en République démocratique du Congo, mais que les requérantes ne semblent pas avoir utilisé ce service, alors qu’il est disponible à partir de la Suède. L’État partie maintient que l’on ne peut toujours pas exclure que l’époux et les autres enfants de Mme Njamba soient aujourd’hui encore en vie en République démocratique du Congo.

6.5Au sujet de la séropositivité de Mme Njamba, l’État partie rappelle que des médicaments antirétroviraux sont disponibles, en principe gratuitement, dans les chefs-lieux des 11 provinces de la République démocratique du Congo, qui participent toutes au programme national contre le VIH. Mme Njamba aurait donc accès à des antirétroviraux à son retour dans la province de l’Équateur, d’où elle et sa fille sont originaires. L’État partie donne des détails sur les soins de santé en général disponibles dans le pays. Il note que, selon l’ONUSIDA, ces dernières années l’accès aux antirétroviraux s’est considérablement amélioré dans le monde entier, y compris en Afrique. S’agissant du traitement relatif au VIH en République démocratique du Congo en particulier, l’État partie fournit des détails sur sa disponibilité dans les différentes régions du pays. En particulier, il souligne que Médecins sans frontières (MSF) exécute des projets de lutte contre le VIH/sida à Kinshasa, à Goma (dans le Nord-Kivu) et à Bukavu (dans le Sud-Kivu), entre autres. En outre, l’organisme allemand d’assistance GTZ a mis en place des centres de traitement à Kinshasa, Lubumbashi, Bukavu, Kisangani et Mbuji Mayi. De plus, la Banque mondiale, entre autres, contribue à la prise en charge des dépenses de l’État afférentes à la distribution gratuite d’antirétroviraux en République démocratique du Congo.

6.6Face à l’absence de jurisprudence du Comité sur la question de savoir si l’expulsion d’un étranger diagnostiqué séropositif ou malade du sida constituerait une violation de la Convention, l’État partie cite un récent arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme. Dans cette affaire, la requérante était une Ougandaise atteinte du sida, qui affirmait que son retour en Ouganda l’exposerait à des souffrances, ainsi qu’à une mort prématurée. La Cour a reconnu que la qualité de vie et l’espérance de vie de la requérante seraient affectées en cas de retour en Ouganda, mais elle a estimé qu’il n’y aurait pas violation de l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme si elle était expulsée vers l’Ouganda. L’État partie souligne qu’en l’espèce Mme Njamba n’a toujours pas présenté de preuves à l’appui de l’allégation selon laquelle sa santé se détériore. Les éléments de preuve dont a été saisi le Comité ne peuvent qu’amener à conclure que l’état de santé de la requérante est bon car l’infection par le VIH n’a pas encore touché son système immunitaire et elle n’a toujours pas besoin de médicaments.

Décision sur la recevabilité

7.1À sa quarante et unième session, le 14 novembre 2008, le Comité a examiné la recevabilité de la communication. Il s’est assuré, comme il est tenu de le faire conformément au paragraphe 5 a) de l’article 22 de la Convention, que la même question n’avait pas été et n’était pas actuellement examinée par une autre instance internationale d’enquête ou de règlement.

7.2En ce qui concerne l’obligation faite au paragraphe 5 b) de l’article 22 de la Convention d’épuiser tous les recours internes disponibles, le Comité a noté que les requérantes avaient demandé l’asile le 29 mars 2005. Le Conseil des migrations avait examiné leur demande le 21 mars 2006 et leur appel de la décision de ce dernier avait été rejeté par le Tribunal des migrations de Stockholm le 1er septembre 2006. Les requérantes avaient introduit un nouveau recours devant la Cour d’appel des migrations, mais l’autorisation d’interjeter appel leur avait été refusée le 8 janvier 2007. Elles avaient ensuite adressé au Conseil des migrations une requête en vue du réexamen de leur demande d’asile, qui avait été rejetée le 7 juin 2007. Dans ces circonstances, le Comité a estimé que les requérantes avaient épuisé les recours internes.

7.3En ce qui concerne le problème que poserait l’expulsion de Mme Njamba du fait de sa séropositivité, le Comité a rappelé sa jurisprudence selon laquelle, en général, l’aggravation de l’état de santé physique ou mental d’une personne par suite de son expulsion ne constitue pas, à elle seule, en l’absence d’autres facteurs, un traitement dégradant contraire à l’article 16. Le Comité a pris note de l’attestation médicale présentée par Mme Njamba indiquant qu’elle était séropositive et que le traitement contre le sida n’était pas facile à obtenir en République démocratique du Congo. Il a noté aussi que d’après cette même attestation, Mme Njamba n’avait pas besoin de traitement. En tout état de cause, le Comité a pris note des informations détaillées fournies par l’État partie sur la possibilité d’obtenir des médicaments contre le VIH en République démocratique du Congo (voir par. 6.5). Dans ces circonstances, le Comité a estimé que l’aggravation éventuelle de l’état de santé de Mme Njamba en cas de retour en République démocratique du Congo ne suffit pas en soi à étayer cette allégation, qu’il considère en conséquence irrecevable.

7.4En ce qui concerne le grief tiré du paragraphe 1 de l’article 3 de la Convention, le Comité a noté qu’il n’existait aucun autre obstacle à la recevabilité de la requête et que l’affaire devait être examinée au fond. Il a relevé que l’État partie et les requérantes avaient déjà fait parvenir des observations sur le fond de la requête mais avant de rendre sa décision il souhaitait que l’État partie explique si les événements en cours en République démocratique du Congo avaient une incidence sur la décision d’expulser les requérantes.

Observations de l’État partie sur le fond

8.1Le 19 mai 2009, l’État partie a fait de nouvelles observations sur le fond en réponse aux questions posées par le Comité dans sa décision sur la recevabilité. En ce qui concerne la situation générale en République démocratique du Congo, l’État partie affirme que le pays continue d’être en proie à des violences et à l’insécurité, en particulier dans sa partie orientale. En janvier 2008, une conférence de paix a eu lieu à Goma et un accord de paix a été signé mais les affrontements violents n’ont pas cessé et, en août 2008, les combats ont repris entre les forces gouvernementales et les groupes rebelles. Le général Nkunda a appelé à un cessez-le-feu à la fin d’octobre 2008 mais des combats ont continué d’être signalés. Toutefois, ils étaient tous principalement concentrés dans le Nord-Kivu, le Sud-Kivu, et le district d’Ituru dans la province orientale. En janvier 2009, la République démocratique du Congo et le Rwanda ont lancé une opération militaire conjointe contre les rebelles hutus rwandais des Forces démocratiques pour la libération du Rwanda (RDLR) dans le Nord-Kivu. En outre, le général Nkunda − chef du Congrès national pour la défense du peuple (CNDP) − a été arrêté. D’autre part, en mars 2009, le Gouvernement de la République démocratique du Congo et le CNDP ont conclu un accord de paix.

8.2L’État partie rappelle que de nombreuses violations des droits de l’homme continuent d’être commises par différents groupes armés, y compris par les troupes gouvernementales. Des cas de torture, d’enlèvement et d’abus sexuels imputés aux milices et aux forces gouvernementales continuent d’être signalés. Néanmoins, c’est dans les régions qui échappent au contrôle du Gouvernement que la situation en matière de sécurité et de droits de l’homme demeure la plus précaire.

8.3L’État partie fait valoir que, selon la loi sur les étrangers, un étranger qui est considéré comme un réfugié ou comme ayant besoin d’une protection a droit, à quelques exceptions près, à un permis de résidence en Suède. L’expression «étranger ayant besoin d’une protection» a été expliquée plus haut mais il pourrait être ajouté qu’elle désigne également une personne qui a besoin d’une protection en raison d’un conflit armé interne ou externe ou du fait d’autres conflits graves dans son pays d’origine qui font qu’il a de sérieux motifs de craindre d’être victime de graves violations.

8.4En novembre 2008, le Conseil suédois des migrations a adopté une note d’orientation concernant la situation en République démocratique du Congo et ses répercussions sur l’examen des demandes d’asile émanant de ressortissants de ce pays. La note confirmait qu’un conflit interne était en cours dans l’est de la République démocratique du Congo et qu’une réinstallation était envisageable dans les régions stables du pays mais qu’une telle possibilité devait être examinée au cas par cas. Dans le cas des femmes seules en particulier, il fallait vérifier l’existence d’un réseau social et d’un lien avec d’autres parties de la République démocratique du Congo avant de se prononcer sur une réinstallation. De fait, en novembre 2008, le Conseil des migrations a accordé un permis de résidence permanent à une femme seule originaire de la province du Nord-Kivu, pour laquelle il avait conclu qu’une réinstallation dans le pays n’était pas possible, en l’absence d’un lieu ou d’un réseau social dans une autre région.

8.5Dans la présente affaire, l’État partie rappelle que les requérantes sont originaires de la province de l’Équateur et ont un lien étroit avec cette province où, à l’exception de quelques mois passés à Goma avant leur fuite de République démocratique du Congo, elles avaient toujours vécu. En conséquence, dans le cas des requérantes, la question d’une réinstallation dans le pays ne se pose pas dans la mesure où elles ne viennent pas d’une région en conflit et qu’elles sont censées retourner dans leur province natale. L’État partie réaffirme qu’il n’est toujours pas exclu que l’époux et les trois autres enfants de Mme Njamba soient encore en vie et se trouvent en République démocratique du Congo. À supposer que les requérantes n’aient plus aucun proche dans leur village, étant donné qu’elles y ont vécu toute leur vie, on peut raisonnablement présumer qu’elles y trouveront des personnes disposées à les aider. En tout état de cause, les requérantes peuvent demander un réexamen de leur demande par le Conseil des migrations si elles considèrent que la situation a beaucoup changé depuis le dépôt de leur demande initiale et qu’il y a à présent des obstacles à l’exécution des arrêtés d’expulsion.

8.6L’État partie rappelle que les raisons sur lesquelles les requérantes se fondent à présent pour demander l’asile ont changé par rapport à celles qu’elles avaient invoquées dans leur lettre initiale au Comité. En outre, leur description des faits a complètement changé dans l’exposé figurant dans la communication qu’elles ont adressée au Comité. Il fait valoir qu’en vertu de l’article 3, il incombe aux requérantes de présenter des arguments défendables. En tout état de cause, de l’avis de l’État partie, l’affirmation selon laquelle elles risquent d’être soumises à la torture en raison des activités de l’époux de Mme Njamba à Goma n’est ni crédible ni cohérente et manque de véracité. L’État partie se réfère également au fait que les requérantes n’ont pas répondu aux arguments qu’il a formulés dans ses dernières observations. Il souligne en outre qu’elles ne seront pas renvoyées à Goma où elles craignent d’être tuées en représailles contre les activités auxquelles l’époux de Mme Njamba se serait livré.

Observations complémentaires de l’État partie sur le fond

9.1Le 19 mars 2010, l’État partie a communiqué des renseignements en réponse aux questions posées par le secrétariat au nom du Comité, en particulier à la question de savoir quelle incidence six rapports d’organes des Nations Unies pourraient avoir sur la décision d’expulser les requérantes de Suède. Étant donné que le Gouvernement ne peut en aucune manière influer sur les décisions d’expulsion, qui relèvent de la compétence exclusive des autorités chargées des migrations, il a demandé au Conseil des migrations de répondre à la question du Comité. Le Conseil maintient sa position, qui est que les requérantes ne courent à l’heure actuelle aucun risque prévisible d’être victimes de violences à leur retour en République démocratique du Congo. Il fait valoir qu’elles n’ont pas apporté de preuves suffisantes pour démontrer qu’elles risquaient d’être soumises à la torture à Gemena, dans la province de l’Équateur, qui n’est pas une zone de conflit. Elles disposeraient dans cette ville d’un réseau social puisque c’est là que Mme Njamba a grandi. Gemena est une grande ville suffisamment sûre pour y vivre sans risquer de devoir se réfugier dans un camp de déplacés. Plusieurs organisations humanitaires y sont installées parce qu’il y règne sécurité et stabilité. En outre, les risques de violences sont moins élevés dans une grande ville que dans les zones rurales. Le Conseil des migrations réaffirme qu’en novembre 2008, il a adopté une note d’orientation (par. 8.4) au sujet de la situation en République démocratique du Congo et des incidences qu’elle peut avoir pour l’examen des demandes d’asile émanant de nationaux de ce pays. Il estime que si les requérantes avaient été originaires d’une zone de conflit, elles auraient pu obtenir un titre de séjour après réexamen de leur demande d’asile s’il avait été établi que leur réinstallation dans le pays n’était pas possible. Il ajoute que du reste si les requérantes estiment que leur situation répond aux critères énoncés dans la note d’orientation ou que la situation en République démocratique du Congo, en particulier dans leur province d’origine, a changé au point de constituer un empêchement à l’exécution de la mesure d’expulsion, elles peuvent solliciter le réexamen de leur demande par le Conseil, en vertu de l’article 19 du chapitre 12 de la loi sur les étrangers.

9.2En ce qui concerne la question de savoir si, au vu des renseignements figurant dans les rapports mentionnés, l’expulsion des requérantes constituerait une violation de l’article 3 de la Convention, l’État partie avance les mêmes arguments que précédemment et souscrit aux vues du Conseil des migrations. Il souligne que les requérantes seraient renvoyées non pas à Goma, où elles craignent d’être tuées en représailles contre les activités auxquelles le mari de Mme Njamba se serait livré, mais dans la province de l’Équateur. Les rapports mentionnés portent essentiellement sur les régions de l’Est de la République démocratique du Congo et ne sont donc pas pertinents en l’espèce. Ils confirment qu’il n’y a eu aucun conflit armé dans la province de l’Équateur depuis de nombreuses années. Certes l’État partie a bien noté que dans ces rapports il est indiqué que des violences sexuelles sont également commises dans la province de l’Équateur, en particulier par des policiers et des militaires en représailles contre les villages rebelles, mais il est clair que les femmes sont plus exposées à la violence dans les zones rurales et les petits villages que dans les villes. Les femmes déplacées sont également plus exposées à la violence que les femmes qui ont un domicile fixe. À ce sujet, l’État renvoie à l’arrêt rendu par la Cour européenne des droits de l’homme dans l’affaire S. M. c. Suède, où elle indique que bien que les violences contre les femmes qui ont été signalées soient alarmantes, une évaluation doit être effectuée pour chaque cas et l’existence d’un risque qu’un requérant soit soumis à des violences ou à la torture doit être déterminée en fonction de sa situation personnelle. Pour l’État partie, les renseignements contenus dans les rapports ne suffisent pas à établir que les requérantes courraient personnellement un risque réel et prévisible de subir des violences − sexuelles ou autres. En outre, l’État partie réaffirme qu’il y a de bonnes raisons de douter de la véracité des nouvelles allégations formulées pour la première fois par les requérantes dans leurs communications datées des 11 et 12 juin 2007, et de s’interroger sur leur non-réponse à ses observations du 8 octobre 2008 et du 19 mai 2009.

9.3Enfin, l’État partie soulève un point de procédure. Il fait valoir qu’en vertu de l’article 22 du chapitre 12 de la loi sur les étrangers de 2005, un arrêté d’expulsion qui n’a pas été prononcé par un tribunal ordinaire expire dans un délai de quatre ans à compter du moment où il devient définitif et n’est plus susceptible de recours. Cette disposition s’applique aux arrêtés d’expulsion qui ne sont pas prononcés à raison d’une infraction pénale, ce qui est le cas en l’espèce. L’arrêté d’expulsion est devenu définitif le 20 décembre 2006, lorsque la Cour d’appel des migrations a rejeté le recours formé par les requérantes contre la décision du Conseil des migrations. L’arrêté d’expulsion deviendra donc caduc le 20 décembre 2010. Étant donné ce qui précède et vu que l’affaire a déjà fait l’objet d’un premier examen par le Comité, l’État partie demande expressément au Comité de se prononcer à sa quarante-quatrième session, en avril-mai 2010. L’État partie souligne également que bien qu’elles soient représentées par un conseil, les requérantes n’ont apporté que des réponses succinctes à ses observations qui, à l’inverse, étaient très détaillées.

Examen au fond

9.1Conformément au paragraphe 4 de l’article 22 de la Convention, le Comité a examiné la présente requête en tenant compte de toutes les informations qui lui ont été communiquées par les parties.

9.2Le Comité doit déterminer si, en renvoyant les requérantes en République démocratique du Congo, l’État partie manquerait à l’obligation qui lui est faite en vertu de l’article 3 de la Convention de ne pas expulser ou refouler un individu vers un autre État où il y a des motifs sérieux de croire qu’il risque d’être soumis à la torture.

9.3Pour déterminer s’il y a de sérieux motifs de penser que les requérantes risquent d’être soumises à la torture à leur retour dans leur pays, le Comité doit tenir compte de tous les éléments, y compris l’existence d’un ensemble systématique de violations graves, flagrantes ou massives des droits de l’homme en République démocratique du Congo. Il s’agit cependant de déterminer si les requérantes risquent personnellement d’être soumises à la torture dans le pays vers lequel elles seraient renvoyées. Dès lors, l’existence d’un ensemble de violations systématiques des droits de l’homme, graves, flagrantes ou massives dans le pays ne constitue pas en soi un motif suffisant pour conclure qu’un individu risque d’être soumis à la torture à son retour dans ce pays; il doit exister des motifs supplémentaires donnant à penser que l’intéressé court personnellement un risque. À l’inverse, l’absence d’un ensemble de violations flagrantes et systématiques des droits de l’homme ne signifie pas qu’une personne ne peut pas être considérée comme risquant d’être soumise à la torture dans les circonstances qui sont les siennes.

9.4Le Comité rappelle son Observation générale no 1 concernant l’article 3, dans laquelle il est indiqué que, pour déterminer, comme il y est tenu, s’il y a des motifs sérieux de croire qu’un requérant risque d’être soumis à la torture s’il est expulsé, refoulé ou extradé, le Comité doit apprécier l’existence d’un tel risque selon des éléments qui ne se limitent pas à de simples supputations ou soupçons. En tout état de cause, il n’est pas nécessaire de montrer que le risque couru est hautement probable. Il doit néanmoins être prévisible, réel et personnel, et actuel comme l’a confirmé le Comité dans ses précédentes décisions. Le Comité rappelle que, tout en accordant un poids considérable aux conclusions des organes de l’État partie, il lui appartient d’apprécier librement les faits de chaque cause en tenant compte des circonstances.

9.5Le Comité constate que même si l’État partie conteste certains faits allégués par Mme Njamba, notamment ses affirmations relatives aux activités politiques de son époux, les principales questions que soulève cette communication ont trait au poids juridique devant être attribué aux faits qui ne sont pas contestés, tels que le risque que courraient les requérantes à leur retour. Le Comité note que l’État partie lui-même reconnaît que des violences sexuelles sont commises dans la province de l’Équateur, dans une large mesure dans les villages ruraux (par. 9.2). Il note que depuis la dernière réponse de l’État partie en date du 19 mars 2010 au sujet de la situation générale des droits de l’homme en République démocratique du Congo, un deuxième rapport conjoint sur la situation en République démocratique du Congo établi par sept experts de l’Organisation des Nations Unies a été publié; il fait état de violences d’une ampleur alarmante contre les femmes à travers le pays et conclut que: «la violence contre les femmes, en particulier le viol et le viol collectif commis par des hommes en uniforme comme par des civils, reste un grave problème, y compris dans les régions qui ne sont pas touchées par un conflit armé» (A/HRC/13/63, par. 109). En outre, un deuxième rapport de la Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme sur la situation des droits de l’homme et les activités du Haut-Commissariat en République démocratique du Congo ainsi que d’autres rapports de l’ONU mentionnent le nombre alarmant de cas de violence sexuelle à travers le pays, confirmant que ces cas «ne sont pas limités aux zones de conflit armé mais se produisent partout dans le pays» (A/HRC/13/63, par. 17). En examinant ces renseignements, le Comité a à l’esprit son Observation générale no 2 concernant l’article 2, dans laquelle il est rappelé que le fait que l’État «n’exerce pas la diligence voulue pour mettre un terme à ces actes, les sanctionner et en indemniser les victimes a pour effet de favoriser ou de permettre la commission, en toute impunité, par des agents non étatiques, d’actes interdits par la Convention…». À la lumière de toutes les informations susmentionnées, le Comité considère que le conflit que connaît la République démocratique du Congo, dont témoignent tous les rapports récents de l’Organisation des Nations Unies, fait qu’il lui est impossible de distinguer des zones particulières du pays qui pourraient être considérées comme sûres pour les requérantes au regard de leur situation actuelle et potentielle.

9.6En conséquence, le Comité considère, après avoir pesé tous les facteurs de ce cas d’espèce et évalué les conséquences juridiques liées à ces facteurs, qu’il y a de sérieux motifs de croire que les requérantes risquent d’être soumises à la torture si elles sont renvoyées en République démocratique du Congo.

10.Le Comité contre la torture, agissant en vertu du paragraphe 7 de l’article 22 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, conclut que l’expulsion des requérantes vers la République démocratique du Congo constituerait une violation de l’article 3 de la Convention.

11.Le Comité invite l’État partie, conformément au paragraphe 5 de l’article 112 de son règlement intérieur, à l’informer, dans un délai de quatre-vingt-dix jours à compter de la date de la transmission de la présente décision, des mesures qu’il aura prises en réponse à cette décision.

Notes

Communication no 331/2007: M. M. c. Canada

Présentée par:

M. M. (représenté par un conseil)

Au nom de:

M. M.

État partie:

Canada

Date de la requête:

16 septembre 2007

Le Comité contre la torture, institué en vertu de l’article 17 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,

Réuni le 5 novembre 2009,

Ayant achevé l’examen de la requête no 331/2007, présentée par M. M. en vertu de l’article 22 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,

Ayant tenu compte de toutes les informations qui lui ont été communiquées par le requérant, son conseil et l’État partie,

Adopte ce qui suit:

Décision au titre du paragraphe 7 de l’article 22 de la Convention contre la torture

1.1Le requérant, M. M., a présenté sa requête au Comité le 16 septembre 2007. Ressortissant burundais et résident au Canada, il fait l’objet d’un arrêté d’expulsion à destination de son pays d’origine. Il est marié à Eliane Ndimurkundo, citoyenne canadienne avec laquelle il a eu un fils, Yann, âgé de 2 ans et de nationalité canadienne. Il affirme que son retour forcé au Burundi constituerait une violation par le Canada de l’article 3 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Il est représenté par un conseil.

1.2Conformément au paragraphe 3 de l’article 22 de la Convention, le Comité a porté la requête à l’attention de l’État partie par une note verbale en date du 18 octobre 2007, sans joindre une demande de mesures provisoires de protection.

Rappel des faits présentés par le requérant

2.1Le requérant est membre de l’organisation burundaise Puissance Autodéfense (PA-Amasekanya) qui, depuis 1994, dénonce l’impunité dont bénéficient les responsables du génocide contre les Tutsis. Pour l’auteur, les membres de cette organisation, qui est impliquée dans la lutte contre le génocide et la protection des minorités au Burundi, courent des risques de torture ou de mauvais traitements lorsqu’ils s’expriment ou tentent de faire des manifestations publiques.

2.2Une lettre du 10 janvier 2007 de la part du Président de la Ligue burundaise des droits de l’homme mentionne le requérant, en notant que «toute personne, telle que M. M. et d’autres, qui critique les actions du pouvoir, coure le même risque d’être emprisonnée». La réaction des gouvernements successifs du Burundi a été la détention massive de membres de PA-Amasekanya. Son chef a été détenu de nombreuses fois, la publication de son livre et d’autres écrits interdite. Le requérant soutient qu’au Burundi les détenus politiques, tels que les membres de PA-Amasekanya, sont détenus avec les prisonniers de droit commun. Les conditions de détention seraient cruelles. Les détenus sont souvent battus et torturés.

2.3Entre février et mai 2004, au moins 75 membres de la PA-Amasekanya ont été arrêtés lors de plusieurs manifestations pacifiques, y compris le frère de M. M., J.-P. M., qui était présent à une manifestation de PA-Amasekanya en mars 2004, où plusieurs manifestants ont été arrêtés. Le 15 mai 2004, à la suite d’une autre manifestation de l’organisation, le requérant a parlé au nom de PA-Amasekanya à Radio publique africaine. Après à cette intervention radiophonique, le requérant a appris d’un ami membre de la sûreté nationale qu’il était recherché.Le requérant s’est caché dans une autre ville jusqu’à son départ pour le Canada le 28 juillet 2004

2.4Lors de son arrivée au Canada le 12 août 2004, le requérant a aussitôt revendiqué le statut de réfugié. La Commission de l’immigration et du statut de réfugié (CISR) a entendu sa demande le 8 août 2005 et l’a rejetée le 7 septembre 2005 au motif que le requérant était exclu de l’application de la définition de réfugié au sens de la Convention et de la qualité de personne à protéger aux termes de l’article 1er F a) et c) de la Convention. La CISR a justifié cette décision par le fait que l’organisation PA-Amasekanya, dont le requérant est membre, est une organisation violente aux objectifs limités qui aurait «commis des violations de droits de l’homme ou du droit international». Le requérant a déposé une demande d’autorisation et de contrôle judiciaire le 23 septembre 2005 de la décision rendue par la CISR le 7 septembre 2005. Dans cette demande, le requérant argumentait qu’il n’occupait pas un poste de commandement au sein de PA-Amasekanya et que, par conséquent, les actes de l’organisation ne sauraient lui être imputés. La Cour fédérale a rejeté sa demande d’autorisation et de contrôle judiciaire le 3 décembre 2005.

2.5En mai 2006, alors qu’il s’apprêtait à soumettre sa demande d’examen des risques avant renvoi, le requérant a appris l’existence d’une note de bas de page figurant dans le rapport écrit en langue anglaise de Human Rights Watch qui avait été utilisé dans la décision de la CISR du 7 septembre 2005. Selon le requérant, cette note de bas de page mentionnait l’existence d’une organisation composée de Forces armées, que certaines communautés désigneraient comme «l’Amasekanya» et qui ne doit pas être confondue avec l’organisation tutsi du même nom à Bujumbura. La première aurait commis des exactions contre des civils alors que la deuxième, dont le requérant est membre, serait pacifique. Pour le requérant, les autorités ont confondu les deux organisations qui ont le même nom. Cette confusion serait à l’origine de l’exclusion du requérant de la protection découlant du statut de réfugié. La note de bas de page ayant été apposée en langue anglaise et aucune traduction de cette note n’ayant été faite au requérant, aucune contestation à ce sujet n’a été formulée lors de l’audience et dans les mois qui ont suivi. Sur cette base, le requérant a fait une demande de révision de la précédente décision auprès de la CISR en mai 2006. Le 8 juin 2006, la CISR a rejeté la demande du requérant au motif que sa compétence «en matière de réouverture de procédure est très limitée», ne concernant que les cas de violation des «règles de justice naturelle». Or il n’y en avait aucune en l’espèce. La Cour fédérale a rejeté la demande d’autorisation et de contrôle judiciaire de cette décision le 25 septembre 2006, sans audience et sans donner de motif.

2.6Le 5 mai 2006, le requérant a soumis une demande d’examen des risques avant renvoi sous couvert d’une lettre de couverture où il demandait une audience en vertu de l’article 113 b) de la loi sur l’immigration et la protection des réfugiés. Il n’a été convoqué à aucune audience et sa demande d’examen des risques avant renvoi a été rejetée le 28 octobre 2006, au motif qu’il n’avait pas prouvé qu’il risquait «d’être torturé ou de subir un traitement ou une peine cruels ou inusités ou de voir [sa] vie menacée advenant un renvoi vers [son] pays de nationalité ou de résidence habituelle» et qu’aucun «nouvel élément de preuve n’avait été présenté pour étayer [sa] demande».

2.7Le demandeur a été convoqué à Citoyenneté et Immigration Canada (CIC) de Hull pour recevoir la décision d’examen des risques avant renvoi. La convocation étant arrivée le 14 décembre 2006, après le rendez-vous proposé (le 7 décembre), le requérant a été sommé de se présenter immédiatement à Citoyenneté et Immigration Canada. Le 15 décembre 2006, le requérant s’est présenté à Citoyenneté et Immigration Canada où il a reçu la décision et a été immédiatement arrêté. Son épouse a payé une caution de 5 000 dollars canadiens pour sa libération. Le 18 décembre 2006, le requérant a présenté une demande d’autorisation et de contrôle judiciaire de la décision d’examen des risques avant renvoi.

2.8Le renvoi du Canada vers le Burundi ayant été fixé pour le 19 janvier 2007, le requérant a présenté une demande de sursis au renvoi prévu auprès du Ministre de la justice du Canada le 15 janvier 2007, dont le dépôt à la Cour fédérale s’est fait le lendemain. Le 17 janvier 2007, la Cour fédérale a refusé d’entendre sa requête. Le demandeur ne s’est pas présenté pour son renvoi mais a poursuivi son recours devant la Cour fédérale.

2.9Le 29 mars 2007, la demande d’autorisation et de contrôle judiciaire de la décision d’examen des risques avant renvoi que le requérant avait présentée le 18 décembre 2006 a été rejetée par la Cour fédérale. Le requérant est sous le coup d’un mandat d’arrestation des autorités de l’immigration et d’une ordonnance d’expulsion.

Teneur de la plainte

3.Le requérant fait valoir que s’il était renvoyé au Burundi, il serait torturé, en violation de l’article 3 de la Convention du fait de son appartenance à PA-Amasekanya et de son engagement au sein de cette organisation.

Observations de l’État partie sur la recevabilité et le fond de la requête

4.1Le 23 avril 2008, l’État partie a présenté ses observations sur la recevabilité et, subsidiairement, sur le fond de la requête. Il affirme que la communication du requérant est irrecevable parce qu’elle ne remplit pas les conditions minimales requises pour être compatible avec l’article 22. Il fait aussi valoir que la requête repose sur de simples supputations et ne révèle aucun motif sérieux de croire que l’auteur risque personnellement d’être torturé en cas de renvoi au Burundi. En particulier, il affirme qu’il n’existe aucune preuve qu’un membre quel qu’il soit de l’organisation à laquelle appartient le requérant ait été torturé par les autorités burundaises.

4.2L’État partie décrit les différents recours dont s’est prévalu le requérant pour mettre en évidence la régularité de la procédure et l’inutilité pour le Comité de réapprécier les faits. En effet, selon l’État partie, en l’absence de preuve d’erreur manifeste, d’abus de procédure, de mauvaise foi, de partialité manifeste ou d’irrégularités graves dans la procédure, le Comité ne devrait pas substituer ses propres conclusions de fait aux conclusions des instances canadiennes.

4.3L’État partie commence par s’interroger sur la raison pour laquelle le requérant, qui a transité par la France et la Suisse avant d’arriver au Canada, n’a pas fait de demande d’asile dans ces deux pays. Il cite l’argument du requérant qui explique cela par le fait qu’il était entre les mains des passeurs qui lui dictaient sa conduite. Concernant le rejet du statut de réfugié, le Ministère de la citoyenneté et de l’immigration Canada a demandé, le 5 mai 2005, à la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (CISR) d’exclure M. M. du système de protection des réfugiés au motif que l’organisation à laquelle il appartenait avait commis des violations des droits humains et que M. M. avait connaissance de ces violations. Le 7 septembre 2005, après avoir entendu M. M. et son avocat, la CISR a décidé d’exclure M. M. du système de protection des réfugiés. L’État partie fait valoir que la CISR a longuement interrogé M. M. sur les activités de PA-Amasekanya. Aux questions de la CISR, le requérant répondait qu’il n’avait aucune connaissance des crimes attribués à cette organisation. La CISR a conclu que sa seule appartenance à une telle organisation était suffisante pour l’exclure du système de protection. L’État partie considère que cette question ne relève pas de la compétence du Comité puisque la première décision de la CISR porte uniquement sur l’exclusion du requérant du système de protection et non pas sur ses allégations selon lesquelles il risque d’être torturé au Burundi.

4.4Le 23 septembre 2005, le requérant a déposé une demande d’autorisation et de contrôle judiciaire contre la décision de la CISR. Il faisait valoir dans sa demande qu’il n’avait pas personnellement commis ou encouragé les crimes en question et qu’il n’occupait pas un poste de responsabilité au sein du groupe. Il affirmait être un «simple membre» de l’organisation. L’État partie argumente que le requérant n’a pas contesté les conclusions de la CISR selon lesquelles l’organisation serait un mouvement «qui prêche la violence et la commet». Le 3 décembre 2005, la Cour fédérale du Canada a rejeté, sans donner de motif, la demande d’autorisation et de contrôle judiciaire du requérant. L’État partie explique que pour obtenir l’autorisation de présenter une demande de contrôle judiciaire, le requérant aurait dû démontrer qu’il avait une cause défendable, ce qui représente une charge de la preuve moins exigeante que celle applicable pour un contrôle judiciaire entendu sur le fond. La Cour peut faire droit à une demande s’il est établi qu’un organisme administratif a commis une erreur de compétence, de justice naturelle, de droit ou toute autre erreur manifeste, abusive ou arbitraire. L’État partie rappelle qu’aucun de ces motifs n’a été retenu par la Cour.

4.5Le 9 mai 2006, le requérant a soumis une demande de réouverture de la procédure auprès de la CISR au motif que cette dernière avait commis une erreur dans sa décision du 7 septembre 2005: elle avait tenu compte d’un rapport de Human Rights Watch qui n’avait pas été traduit pour le requérant et auquel il ne pouvait pas répondre. Ce rapport faisait état d’un massacre perpétré par une organisation que les communautés appelaient «Amasekanya». Le requérant a fait valoir qu’il y avait eu confusion entre l’organisation à laquelle il appartenait et l’organisation citée par Human Rights Watch et que cette confusion était la base de son exclusion du système de protection des réfugiés. Le 23 mai 2006, l’Agence des services frontaliers du Canada a soumis une objection à la demande de réouverture de la procédure faite par M. M. au motif que le document en question avait été envoyé à l’avocat du requérant trois mois avant l’audience et que l’avocat ne s’était pas plaint des éléments de preuve déposés en anglais. L’ASFC a également argumenté que ce document n’était qu’un parmi d’autres éléments de preuve à l’appui de sa décision. Le 8 juin 2006, après avoir entendu le requérant, la CISR a rejeté la demande de réouverture de la procédure. Le 25 septembre 2006, la Cour fédérale a rejeté, sans donner de motif, la demande du requérant d’autorisation et de contrôle judiciaire de la décision de la CISR.

4.6Le 4 mai 2006, le requérant a soumis une demande d’examen des risques avant renvoi. Selon l’État partie, le requérant n’a pas motivé sa demande et n’a apporté aucun élément de preuve. Lorsqu’il lui a été demandé de décrire les événements l’ayant amené à demander la protection et d’indiquer les éléments de preuve s’y rapportant, le requérant a déclaré que ces pièces requises fournies en temps opportun. Il a fait référence à une lettre jointe à la demande mais l’État partie affirme qu’aucune lettre n’y était jointe. Le 28 octobre 2006, en l’absence de ces pièces justificatives, l’agent d’examen du risque avant renvoi a pris sa décision en se basant sur le dossier initial du requérant, ainsi que sur des sources documentaires plus récentes. Ces documents relatent d’importants changements politiques survenus au Burundi depuis le départ du requérant. L’agent en question a rejeté la demande du requérant au motif qu’il n’apportait pas la preuve qu’il risquait d’être torturé ou de subir un autre traitement prohibé à son retour au Burundi. L’État partie ajoute que l’agent a agi conformément au droit canadien qui n’exige pas la tenue d’une audience dans les cas où l’agent ne doute pas de la crédibilité du requérant. Le 18 décembre 2006, le requérant a présenté une demande d’autorisation et de contrôle judiciaire contre la décision de l’agent. Le 27 mars 2007, la Cour fédérale a rejeté cette demande.

4.7Le 15 janvier 2007, le requérant a soumis une demande de sursis à exécution de la mesure de renvoi devant être exécutée le 17 janvier 2007. La Cour a rejeté cette demande au motif que le requérant n’avait pas justifié la non-présentation de sa demande de sursis dans les délais impartis. Le 18 janvier 2007, un mandat d’arrestation a été émis contre le requérant parce qu’il ne s’était pas présenté aux bureaux de l’ASFC, comme convenu. L’auteur ne s’est pas non plus présenté à l’aéroport de Montréal pour son renvoi au Burundi le 19 janvier 2007. M. M. n’a pas communiqué avec les autorités canadiennes depuis cette date et vit actuellement dans la clandestinité.

4.8L’État partie soutient que la requête de M. M. ne remplit pas les conditions minimales requises pour être compatible avec l’article 22 de la Convention. L’article 3 requiert l’existence «de motifs sérieux de croire que l’auteur d’une communication risque d’être soumis à la torture». «L’existence d’un tel risque doit être apprécié selon des éléments qui ne se limitent pas à de simples supputations ou soupçons.» L’État partie affirme que les conditions fixées par l’article 127 du Règlement intérieur du Comité ne sont pas remplies.

4.9Selon l’État partie, la requête est sans fondement compte tenu du manque de preuves à l’appui d’un risque de torture personnel, que ce soit en tant qu’individu ou en tant que membre de l’organisation PA-Amasekanya. Aucun élément de preuve ne permet de conclure qu’un membre quel qu’il soit de cette organisation ait été torturé. Le requérant fait uniquement référence à un risque d’être arrêté. Il ajoute que les détenus dans les prisons burundaises «sont souvent battus et torturés». L’État partie considère qu’aucun élément du dossier n’apporte la preuve que la torture est systémique et endémique dans les prisons burundaises. Parmi les membres des groupes particulièrement à risque dans les prisons burundaises ne figurent pas ceux de PA-Amasekanya.

4.10L’État partie invoque aussi le manque de preuve quant à l’existence d’un risque pour le requérant d’être incarcéré et donc exposé à des mauvais traitements à son retour au Burundi. Le requérant fait référence à une lettre écrite par le Président de la Ligue burundaise des droits de l’homme qui cite M. M. comme étant particulièrement exposé à ce risque. L’État partie doute que la personne visée par la lettre soit M. M. puisque celui-ci a déclaré lors de l’audience devant la Cour fédérale, le 23 septembre 2005, qu’il n’était qu’un simple membre de l’organisation PA-Amasekanya et qu’il a seulement apporté la preuve d’une participation à une émission de radio.

4.11Les «cas de détentions nombreuses, parfois massives» mentionnées par le requérant se sont produits en février et en mai 2004. Tous les membres de l’organisation arrêtés durant ces événements ont depuis lors été libérés. Il n’y aurait donc pas un risque actuel d’emprisonnement du fait de l’appartenance à PA-Amasekanya. L’État partie rappelle que l’article 3 de la Convention mentionne le risque de torture et non de détention comme fondement du principe de non-refoulement. L’État partie argumente que le risque de traitement prohibé par l’article 16 de la Convention n’est pas couvert par l’article 3 qui ne se réfère qu’à la torture au sens de l’article premier. Pour l’État partie, le requérant n’a pas démontré que les conditions de détention au Burundi sont inhumaines, cruelles ou dégradantes.

4.12Subsidiairement à ses observations sur la recevabilité, l’État partie soutient que la requête devrait être rejetée sur le fond pour les motifs énoncés ci-dessus.

Commentaires du requérant sur les observations de l’État partie et le fond de la requête

5.1Sur l’irrecevabilité de la requête pour manque de fondement des allégations présentées par le requérant, le Conseil considère qu’il y a eu erreurs manifestes et irrégularités graves dans la procédure de recours. Le Conseil estime par conséquent que le Comité devrait se prononcer sur ces questions. Il fait référence à l’erreur manifeste dans la décision du 7 septembre 2005 par laquelle le requérant a été exclu du système de protection des réfugiés. Malgré l’obligation en droit canadien de traduire dans la langue du justiciable les preuves utilisées contre lui, personne n’a traduit la note de bas de page contenue dans le rapport de Human Rights Watch utilisé lors de l’audience devant la CISR. L’État partie ne peut pas invoquer le délai qui avait été laissé au requérant pour obtenir la traduction du document pour se décharger de son obligation de traduire ces pièces. Le requérant ajoute que la décision de la CISR n’a même pas mentionné cette note de bas de page ce qui exclut cette note des preuves pouvant être utilisées pour exclure l’intéressé. Pour le requérant, ce document est la base de la décision de l’exclure. S’agissant des autres documents utilisés par les autorités, le requérant les considère comme non pertinents puisqu’ils ne font que reprendre les «bons mots» des porte-parole gouvernementaux sans mentionnés de crimes bien déterminés qu’Amasekanya aurait commis.

5.2Selon le requérant, toute l’irrégularité de la procédure repose sur le fait qu’il a été exclu de la protection liée au statut de réfugié. Il note que l’organisation à laquelle il appartient est pacifique. À l’appui de son argumentation, il cite un affidavit du président de PA-Amasekanya, qui rapporte des persécutions telles que l’interruption par la police, le 13 octobre 2007, d’une réunion de l’organisation. L’affidavit fait référence à l’arrestation le 21 octobre 2007 de 10 membres de l’organisation, qui durant leur détention auraient été torturés, battus et dont les familles n’auraient pu leur apporter de la nourriture. Le président de PA-Amasekanya ajoute que chaque fois qu’ils organisent des manifestations, les membres de l’organisation courent le risque d’être emprisonnés, torturés ou battus. Certains membres de l’organisation ont été tués par des groupes génocidaires du Burundi. Pour le requérant, son appartenance au mouvement PA-Amasekanya implique le même risque d’être torturé que les autres membres déjà arrêtés et torturés. Le requérant mentionne également l’arrestation puis la disparition de son frère J.-P. M. depuis 2004.

5.3Le requérant réaffirme que la personne mentionnée dans la lettre du Président de la Ligue burundaise des droits de l’homme du 10 janvier 2007 correspond bien à lui-même. Le risque personnel que court le requérant est ainsi confirmé. Le requérant réfute donc l’argument de l’État partie selon lequel il n’y a pas de risque personnel pour le requérant d’être torturé.

5.4Quant à l’argument selon lequel la torture dans les prisons burundaises n’est pas systémique, le requérant mentionne un rapport de l’expert indépendant sur la situation des droits de l’homme au Burundi, dans lequel il est fait référence au nombre croissant des cas de torture notamment lors des arrestations. Ce rapport est en contradiction avec les affirmations du Canada que la torture n’est pas une pratique systémique dans les prisons burundaises.

5.5Enfin, le requérant affirme que sa demande de sursis au renvoi au Burundi a respecté les délais impartis par la loi et que la jurisprudence qui a conduit la Cour fédérale à rejeter la demande du requérant concerne des demandes faites quelques heures seulement avant le renvoi et non quelques jours comme dans le cas du requérant.

5.6Selon le requérant, le fait d’avoir été injustement «étiqueté» comme appartenant à une organisation criminelle dès le début de la procédure a faussé le jugement des autorités et mené à son exclusion de la protection du statut de réfugié. L’injustice «flagrante» dont a fait preuve la décision de la CISR a eu un impact sur toutes les décisions ultérieures.

Délibérations du Comité

Examen de la recevabilité

6.1Avant d’examiner une plainte contenue dans une communication, le Comité contre la torture doit décider si la communication est recevable en vertu de l’article 22 de la Convention. Le Comité s’est assuré, comme il est tenu de le faire conformément au paragraphe 5 a) de l’article 22 de la Convention, que la même question n’a pas été examinée et n’est pas en cours d’examen devant une autre instance internationale d’enquête ou de règlement.

6.2Le Comité note que l’État partie a soulevé une objection concernant la recevabilité de la communication, fondée sur le fait qu’elle serait manifestement dénuée de fondement en raison de l’absence de preuves et que le risque allégué par le requérant n’était pas couvert par la définition figurant à l’article premier de la Convention. La requête serait donc incompatible avec l’article 22 de la Convention. Cependant, le Comité est d’avis que les arguments qui lui ont été soumis semblent soulever des questions qui devraient être examinées au fond plutôt qu’au seul niveau de la recevabilité. Ne pouvant identifier d’autres obstacles quant à la recevabilité, le Comité déclare la communication recevable et procède à son examen sur le fond.

Examen au fond

7.1Le Comité doit déterminer si le renvoi du requérant vers le Burundi violerait l’obligation de l’État partie, en vertu de l’article 3 de la Convention, de ne pas expulser ou refouler une personne vers un autre État où il a des motifs sérieux de croire qu’elle risque d’être soumise à la torture.

7.2En procédant à l’évaluation du risque de torture, le Comité tient compte de tous les éléments pertinents, conformément au paragraphe 2 de l’article 3, y compris de l’existence d’un ensemble de violations systématiques des droits de l’homme, graves, flagrantes ou massives. Toutefois, le but de cette analyse est de déterminer si les intéressés risquent personnellement d’être soumis à la torture dans le pays où ils seraient renvoyés. Il s’ensuit que l’existence, dans un pays, d’un ensemble de violations systématiques des droits de l’homme, graves, flagrantes ou massives ne constitue pas en soi une raison suffisante pour conclure qu’une personne donnée serait en danger d’être soumise à la torture à son retour dans ce pays. Il doit exister des motifs supplémentaires donnant à penser que l’intéressé serait personnellement en danger. Pareillement, l’absence d’un ensemble de violations flagrantes et systématiques des droits de l’homme ne signifie pas qu’une personne ne puisse pas être soumise à la torture dans la situation particulière qui est la sienne.

7.3Le Comité rappelle son Observation générale no 1 concernant l’application de l’article 3 dans le contexte de l’article 22, dans laquelle il déclare qu’il doit déterminer s’il y a des motifs sérieux de croire que le requérant risque d’être soumis à la torture s’il est renvoyé dans le pays concerné. Il n’est pas nécessaire de montrer que le risque couru est hautement probable, mais ce risque doit être encouru personnellement et actuellement. À cet égard, le Comité a établi dans des décisions antérieures que le risque de torture devait être «prévisible, réel et personnel».

7.4En ce qui concerne la charge de la preuve, le Comité rappelle également son Observation générale ainsi que sa jurisprudence selon laquelle il incombe généralement au requérant de présenter des arguments défendables et que le risque de torture doit être apprécié selon des éléments qui ne se limitent pas à de simples supputations ou soupçons.

7.5En évaluant le risque de torture dans le cas à l’examen, le Comité a noté l’affirmation du requérant selon laquelle il est membre de l’organisation burundaise Puissance Autodéfence (PA-Amasekanya) qui, depuis 1994, dénonce l’impunité dont bénéficient les responsables du génocide contre les Tutsis. Il a également pris note de l’allégation selon laquelle, en tant que membre de cette organisation, le requérant court un risque d’être arrêté puis torturé pendant sa détention, allégation se fondant principalement sur une lettre datant du 10 janvier 2007 écrite par le Président de la Ligue burundaise des droits de l’homme mentionnant le requérant comme courant un risque élevé d’être emprisonné. Le Comité a noté l’allégation selon laquelle le requérant a fait une allocution à la radio en 2004 qui a, selon lui, déclenché un avis de recherche contre lui. Le Comité a noté l’argument du requérant selon lequel les membres de l’organisation PA-Amasekanya sont torturés en détention. Il note que le requérant a fourni une lettre écrite par le président de l’organisation attestant de tortures pratiquées sur des membres de l’organisation aujourd’hui libérés. Le Comité note enfin que le frère du requérant aurait été arrêté en 2004 et aurait disparu depuis lors.

7.6L’État partie conteste le fondement des allégations du requérant, compte tenu du manque de preuves à l’appui d’un risque de torture personnel, que ce soit en tant qu’individu ou en tant que membre de l’organisation PA-Amasekanya. Il invoque le manque de preuve quant au risque pour le requérant d’être incarcéré et exposé à des mauvais traitements à son retour au Burundi. Il a aussi mis l’accent sur d’importants changements politiques survenus au Burundi depuis le départ du requérant.

7.7Le Comité note que le requérant n’a pas apporté la preuve qu’il était recherché par les autorités burundaises. Le requérant a basé l’allégation de risque de torture en cas d’expulsion au Burundi sur sa simple appartenance à l’organisation PA-Amasekanya. Après avoir argumenté devant les instances canadiennes qu’il était un membre actif et engagé de l’organisation, il a changé son argumentation et admis qu’il n’était qu’un «simple membre», lorsque les autorités canadiennes ont fait valoir qu’une participation à cette organisation serait un motif d’exclusion de la protection du statut de réfugié. Le requérant a fait valoir que les membres de PA-Amasekanya étant particulièrement à risque d’être arrêtés et torturés, son sort ne serait pas différent s’il était renvoyé au Burundi. Seule une lettre signée par le président du mouvement atteste de l’existence d’actes de torture à l’encontre des membres de cette organisation. Elle n’est accompagnée d’aucun témoignage de victime ou autre document pertinent permettant au Comité de conclure à l’existence d’un risque réel pour le requérant en tant que membre de ce mouvement. Le Comité relève enfin que le risque d’arrestation du requérant à son retour au Burundi n’est étayé que par une lettre du Président de la Ligue burundaise des droits de l’homme datant du 10 janvier 2007 qui ne mentionne qu’un risque d’être emprisonné sans mentionner un risque sérieux, réel et personnel d’être torturé. Le requérant mentionne la disparition de son frère mais n’apporte aucune preuve de cette disparition. Au vu de ce qui précède, le Comité estime que le requérant n’a pas pu apporter des éléments objectifs d’un risque personnel, réel et actuel de torture à son retour au Burundi.

7.8Le Comité note que les arguments du requérant et les preuves fournies pour étayer ceux-ci ont été présentés aux différentes instances de l’État partie. Il prend note également de l’observation de l’État partie qu’en l’absence d’irrégularités dans la procédure, le Comité ne devrait pas substituer ses conclusions à celles des instances canadiennes. Le Comité remarque néanmoins que s’il accorde un poids considérable aux constatations de fait des organes de l’État partie, il a la faculté d’apprécier librement les faits dans les circonstances de chaque affaire. En l’espèce, le Comité note que le requérant estime qu’il y a eu erreurs manifestes et irrégularités graves dans la procédure concernant le statut de réfugié et que, à cause de ces irrégularités, le risque de torture en cas de renvoi n’a pas été évalué. Or, le Comité constate que ce risque a en fait été évalué dans la décision de l’agent chargé d’examiner le risque avant renvoi datée du 28 octobre 2006, sur la base de l’ensemble des éléments du dossier mis à sa disposition. En outre, le fait que le requérant n’ait pas obtenu une audience ne constitue pas en soi une irrégularité de la procédure dès lors que ses arguments ont été considérés par les instances canadiennes. En conséquence, les éléments dont le Comité dispose ne montrent pas que l’examen par l’État partie des allégations du requérant ait été entaché d’irrégularités.

7.9Enfin, le Comité se doit de réaffirmer qu’aux fins de l’article 3 de la Convention, l’intéressé doit courir un risque prévisible, réel et personnel d’être torturé. Sur la base de ce qui précède, le Comité estime que le requérant n’a pas étayé son allégation selon laquelle il court un risque réel et imminent d’être torturé à son retour au Burundi.

7.10Le Comité contre la torture, agissant en vertu du paragraphe 7 de l’article 22 de la Convention, conclut que le requérant n’a pas apporté d’éléments suffisants pour étayer son affirmation selon laquelle il serait torturé s’il était renvoyé au Burundi et conclut par conséquent que son renvoi dans ce pays ne constituerait pas une violation de l’article 3 de la Convention.

Notes

Communication no 348/2008: F. A. B. c. Suisse

Présentée par:

F. A. B. (non représenté par un conseil)

Au nom de:

F. A. B.

État partie:

Suisse

Date de la requête:

20 juillet 2008 (lettre initiale)

Le Comité contre la torture, institué en vertu de l’article 17 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,

Réuni le 17 novembre 2009,

Ayant achevé l’examen de la requête no 348/2008, présentée par F. A. B. en vertu de l’article 22 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,

Ayant tenu compte de toutes les informations qui lui ont été communiquées par le requérant et l’État partie,

Adopte ce qui suit:

Décision au titre du paragraphe 7 de l’article 22 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

1.1L’auteur de la communication est F. A. B., citoyen de Côte d’Ivoire, né le 27 décembre 1988 et actuellement en attente d’expulsion de la Suisse. Il prétend que son retour forcé en Côte d’Ivoire constituerait une violation par la Suisse de l’article 3 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Il n’est pas représenté par un conseil.

1.2Le 31 juillet 2008, le Comité a prié l’État partie de ne pas expulser le requérant vers la Côte d’Ivoire tant que sa requête est à l’examen. L’État partie a accédé à cette demande le 4 août 2008.

Rappels des faits présentés par le requérant

2.1Le requérant est né à Agou dans le département d’Adzope et y a vécu jusqu’à l’âge de 2 ans. Après le décès de sa mère, son père a déménagé à Para dans le département de Tabou, à la frontière avec le Libéria.

2.2Le 1er janvier 2003, des rebelles libériens ont attaqué le village de Para, capturant les jeunes hommes. Le requérant s’est fait prisonnier et a dû porter les biens volés par les rebelles. Son père a été tué en voulant le défendre. Durant sa capture, le requérant a dû participer aux rapines et travailler dans les champs pour le compte des rebelles.

2.3Un jour, il a pu voler de l’argent et prendre la fuite. Il a traversé la frontière et est retourné à Para. Les habitants du village s’en seraient pris à lui, lui reprochant d’avoir aidé les rebelles en participant au pillage et destruction de leurs biens et l’accusant d’être lui aussi un rebelle. Ils voulaient le tuer et l’ont dénoncé aux soldats loyalistes stationnés dans le village. Le 24 décembre 2004, le chef du village a émis un ordre demandant au requérant de quitter le village, faute de quoi il ferait l’objet de poursuites judiciaires. Le requérant a donc pris la fuite, marchant 100 kilomètres à pied avant de pouvoir être pris à bord d’un véhicule et poursuivre son voyage jusqu’à San Pedro. Là, une personne l’a aidé à trouver un bateau pour quitter le pays. Il est arrivé en Suisse où il a demandé l’asile le 31 mars 2005.

2.4Le 6 mai 2005, l’Office fédéral des migrations (ODM) a rejeté sa demande d’asile car les persécutions, dont le requérant aurait été l’objet de la part des rebelles libériens étaient le fait de tierces personnes, de surcroît étrangères, pour les actes desquelles les autorités ivoiriennes ne pouvaient être tenues responsables. De plus, l’ODM a contesté la véracité des allégations du requérant. En particulier, il a trouvé peu vraisemblable que les villageois, pourtant présents lors de l’enlèvement du requérant en janvier 2003, l’accusent d’être à la solde des rebelles et le chassent du village tout en le dénonçant aux militaires stationnés chez eux. En ce qui concerne le danger de persécution par les militaires, l’ODM a évalué le risque peu élevé, s’agissant d’un requérant jeune, sans activité politique et inconnu des autorités. L’ODM a par ailleurs conclu que le requérant, bien que mineur, pouvait être renvoyé en Côte d’Ivoire considérant qu’il a pu subvenir à ses besoins depuis la mort de son père, a seul organisé son voyage en Suisse, parle plusieurs langues et paraît indépendant et mûr pour son âge.

2.5Le 16 juin 2008, l’appel du requérant a été rejeté par le Tribunal administratif fédéral qui partage l’appréciation faite par l’ODM. En outre, le tribunal a noté que le requérant ne pouvait citer que des unités administratives situées autour d’Agou, ville qu’il aurait quittée à l’âge de 2 ans, alors qu’il n’en cite aucune autour de Para où il aurait passé la majeure partie de sa vie. Il conclut donc que le requérant ne semble pas avoir vécu dans le sud-ouest du pays. Il a ajouté que la Côte d’Ivoire ne connaît pas, d’une manière générale, une situation de guerre, de guerre civile ou de violence généralisée sur l’ensemble de son territoire et a, par conséquent, conclu que le requérant pouvait être renvoyé à Abidjan.

Teneur de la plainte

3.Le requérant estime qu’il serait torturé ou subirait des traitements inhumains ou dégradants aux mains des soldats ivoiriens, des rebelles libériens ou des villageois de Para, en violation de l’article 3 de la Convention.

Observations de l’État partie sur la recevabilité et le fond de la requête

4.1Le 29 janvier 2009, l’État partie a soumis ses observations sur le fond de la requête. Il fait valoir que le requérant n’apporte aucun élément nouveau qui permettrait de remettre en question les décisions rendues par les instances nationales.

4.2L’État partie affirme que la Côte d’Ivoire ne connaît pas une situation de violences généralisées sur l’ensemble de son territoire et que la crise qui séparait le pays en deux régions entre 2002 et 2007 a été résolue par un accord de paix signé en mars 2007. L’État partie renvoie aux observations rendues par le Tribunal fédéral administratif en date du 16 juin 2008, dans lesquelles il conclut, compte tenu des changements positifs survenus en Côte d’Ivoire et en dépit du fait que le requérant aurait prétendu ne pas avoir résidé à Abidjan, il n’existait au dossier aucun élément permettant de retenir qu’un renvoi mettrait le requérant concrètement en danger et qu’il ne disposerait pas, à Abidjan, d’un réseau familial susceptible de l’aider à son retour.

4.3L’État partie soumet également que le requérant n’a à aucun moment de la procédure prétendu avoir été torturé ou maltraité par le passé. Il ajoute que les persécutions dont le requérant aurait fait l’objet sont imputées à de tierces personnes étrangères, pour les actes desquelles les autorités ivoiriennes ne pouvaient être tenues responsables. Étant donné que les rebelles libériens n’ont plus été actifs en Côte d’Ivoire depuis 2003, l’État partie affirme qu’il paraît improbable que le requérant soit persécuté dans le futur.

4.4En ce qui concerne les nouvelles preuves soumises par le requérant devant le Comité, l’État partie affirme que ces documents n’ont pas été présentés lors de la procédure devant les instances nationales bien qu’ils soient datés de 2003 et 2004. Par ailleurs, il ajoute qu’ils contiennent des contradictions manifestes avec les faits tels que présentés par le requérant, ainsi que des fautes d’orthographe. Le certificat de déplacé émis par la Croix-Rouge est daté du 11 octobre 2003 et l’ordre de quitter le village de Para donné par le chef de village du 24 décembre 2004; le requérant a par contre affirmé avoir été retenu par des rebelles libériens pendant environ une année et demie suite à son enlèvement en début de 2003, c’est-à-dire jusqu’en février/mars 2005. L’État partie rappelle que, selon son Observation générale nº 1, le Comité accorde un poids considérable aux conclusions des organes de l’État partie. Il souligne que les instances nationales ont estimé qu’il n’existait pas de motifs sérieux de croire que le requérant serait exposé à la torture et que le requérant n’a pas commenté les raisons qui avaient conduit les autorités de l’État partie à nier l’existence d’un risque réel et sérieux de torture.

4.5En outre, l’État partie affirme que le requérant n’a jamais prétendu avoir été actif politiquement. Il affirme également que le requérant n’a pas pu prouver ses allégations avec des détails précis et circonstanciés. Les instances nationales ont retenu qu’il n’était pas compréhensible que des villageois, pourtant présents au moment de l’enlèvement du requérant, l’aient rejeté à son retour en tant que traître et l’aient dénoncé aux soldats. Il ajoute que les forces militaires n’avaient pas de motif de persécuter le requérant qui est un jeune homme discret sans activité politique. L’État partie souligne par ailleurs que le requérant n’a pas réussi à rendre crédible qu’il a vécu dans la région et a plutôt mentionné des noms de villages situés à la frontière du Ghana. Finalement, l’État partie affirme que même dans l’hypothèse où les allégations du requérant seraient crédibles, selon la jurisprudence du Comité, l’article 3 de la Convention n’offre aucune protection au requérant qui allègue craindre d’être arrêté à son retour.

Commentaires du requérant sur les observations de l’État partie

5.Le 5 avril 2009, le requérant a réitéré son récit des faits tels que présentés et ajoute que la région de l’ouest de la Côte d’Ivoire est encore instable à cause d’incidents fréquents attribuables à des rebelles libériens qui entrent de manière clandestine dans le pays pour commettre des exactions. Il souligne qu’il souffre d’un traumatisme grave suite à l’assassinat de son père, ce qui expliquerait les incohérences et contradictions dans son récit. Il ajoute que les villageois le considèrent comme un rebelle étranger et qu’il ne serait pas seulement victime de persécutions de la part de tierces personnes, mais aussi d’agents de l’État ivoirien. Il affirme avoir étayé ses craintes par des documents provenant de son pays et que l’État partie les aurait appréciés de manière subjective.

Délibérations du Comité

Examen de la recevabilité

6.Avant d’examiner une plainte contenue dans une communication, le Comité contre la torture doit décider si celle-ci est recevable en vertu de l’article 22 de la Convention. Le Comité s’est assuré, comme il est tenu de le faire conformément au paragraphe 5 a) de l’article 22 de la Convention, que la même question n’a pas été examinée et n’est pas en cours d’examen devant une autre instance internationale d’enquête ou de règlement. Le Comité relève en outre que les recours internes ont été épuisés et que l’État partie ne conteste pas la recevabilité. Il déclare donc la requête recevable et procède à son examen quant au fond.

Examen sur le fond

7.1Le Comité doit déterminer si le renvoi du requérant vers la Côte d’Ivoire constituerait une violation de l’obligation qu’a l’État partie, en vertu de l’article 3 de la Convention, de ne pas expulser ou refouler une personne vers un autre État où il y a des motifs sérieux de croire qu’elle risque d’être soumise à la torture.

7.2En procédant à l’évaluation du risque de torture, le Comité tient compte de tous les éléments pertinents, conformément au paragraphe 2 de l’article 3 de la Convention, y compris de l’existence d’un ensemble de violations systématiques des droits de l’homme, graves, flagrantes ou massives. Toutefois, le but de cette analyse est de déterminer si les intéressés risquent personnellement d’être soumis à la torture dans le pays où ils seraient renvoyés. Il s’ensuit que l’existence, dans un pays, d’un ensemble de violations systématiques des droits de l’homme, graves, flagrantes ou massives ne constitue pas en soi une raison suffisante pour conclure qu’une personne donnée serait en danger d’être soumise à la torture à son retour dans ce pays. Il doit exister des motifs supplémentaires donnant à penser que le requérant serait personnellement en danger. Pareillement, l’absence d’un ensemble de violations flagrantes et systématiques des droits de l’homme ne signifie pas qu’une personne ne puisse pas être soumise à la torture dans la situation particulière qui est la sienne.

7.3Le Comité rappelle son Observation générale no 1 (1996) relative à l’article 3, ainsi que sa jurisprudence, conformément à laquelle il est tenu de déterminer s’il y a des motifs sérieux de croire que l’auteur risque d’être soumis à la torture s’il est expulsé, refoulé ou extradé, et que l’existence d’un tel risque doit être appréciée selon des éléments qui ne se limitent pas à de simples supputations ou soupçons. Il n’est pas nécessaire de montrer que le risque couru est hautement probable mais l’auteur doit prouver que les motifs de croire que ce risque existe sont sérieux et que le risque est encouru personnellement et actuellement.

7.4Dans le cas d’espèce, le requérant affirme courir un risque de torture de la part des rebelles libériens qui s’infiltrent en Côte d’Ivoire, de la part des villageois à Para et de la part des autorités qui seraient averties de son affaire. Le Comité note que selon l’État partie, le récit du requérant est peu crédible, qu’il n’aurait ni prétendu avoir été actif politiquement, ni avoir subi de la torture et que sa persécution par les autorités semble peu probable. Le Comité observe que depuis l’accord de paix en Côte d’Ivoire, le pays ne connaît pas de violence généralisée, ni de violations systématiques, graves, flagrantes ou massives de droits de l’homme. Il observe par ailleurs que les allégations du requérant ne vont pas au-delà de simples supputations et que le risque émanant des rebelles libériens et villageois, en plus d’apparaître peu probable, ne peut pas être imputé aux autorités ivoiriennes. En ce qui concerne le risque de torture par les autorités ivoiriennes, le Comité note l’absence d’éléments objectifs permettant d’établir son existence au-delà du récit du requérant. Il note également que le requérant n’a à aucun moment cherché la protection des autorités ivoiriennes.

7.5Le Comité estime que, sur la base de toutes les informations soumises, le requérant n’a pas fourni d’éléments de preuve suffisants permettant de conclure que son retour en Côte d’Ivoire lui ferait courir un risque réel, actuel et personnel d’être soumis à la torture.

8.Le Comité contre la torture, agissant en vertu du paragraphe 7 de l’article 22 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, est d’avis que l’expulsion du requérant vers la Côte d’Ivoire ne constituerait pas une violation de l’article 3 de la Convention.

Notes

Communication no 355/2008: C. M. c. Suisse

Présentée par:

C. M.

Au nom de:

Le requérant

État partie:

Suisse

Date de la requête:

28 juillet 2008 (lettre initiale)

Le Comité contre la torture, institué en vertu de l’article 17 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,

Réuni le 14 mai 2010,

Ayant achevé l’examen de la requête no 355/2008, présentée par M. C.M. en vertu de l’article 22 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,

Ayant tenu compte de toutes les informations qui lui ont été communiquées par le requérant, son conseil et l’État partie,

Adopte ce qui suit:

Décision au titre du paragraphe 7 de l’article 22 de la Convention contre la torture

1.1Le requérant, C. M., né le 12 octobre 1968 au Congo-Brazzaville, a présenté sa requête au Comité le 28 juillet 2008. Ressortissant congolais et séjournant en Suisse, il fait l’objet d’un arrêté d’expulsion à destination de son pays d’origine. Il affirme que son retour forcé au Congo constituerait une violation par la Suisse de l’article 3 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Il n’est pas représenté par un conseil.

1.2Conformément au paragraphe 3 de l’article 22 de la Convention, le Comité a porté la requête à l’attention de l’État partie par note verbale datée du 25 septembre 2008, en y joignant une demande de mesures provisoires de protection.

Rappel des faits présentés par le requérant

2.1Le requérant a été recruté par l’armée du Congo-Brazzaville en 1989 et est devenu sergent du Groupement armé aéroporté de l’armée régulière congolaise. Après avoir combattu pour l’ancien président Pascal Lissouba en 1997, il a repris son service au sein de l’armée en octobre 1997 sous le nouveau Gouvernement de Denis Sassou Nguessou. Originaire du nord du Congo, il a été suspecté par ses collègues de soutenir les rebelles de l’ancien président Lissouba. Fin 1999, les rebelles ont attaqué Brazzaville et les militaires originaires du nord ont été soupçonnés d’être les instigateurs de ces attaques. Certains ont été arrêtés. Le requérant a appris qu’il était recherché depuis le 1er avril 2000. Le 6 avril 2000, les miliciens Cobras, proches du régime gouvernemental, ont procédé à une perquisition à la maison familiale du requérant et ont assassiné sa mère. Le requérant était de service à l’état-major ce jour là. Informé par un voisin, le requérant s’est caché chez un ami à Ouenze. De peur d’être assassiné par les Cobras, il a quitté le Congo pour Kinshasa le 9 avril 2000. De là, il s’est rendu à Bruxelles, puis à Milan et ensuite en Suisse où il a demandé l’asile le 17 avril 2000.

2.2Les deux frères du requérant auraient été pris en otage par la police gouvernementale qui les a assassinés le 3 mars 2002. Après cet événement, des recherches ont été lancées à l’encontre du requérant par les services de sécurité du pays. Le requérant n’a pas mentionné ces faits lors de la procédure d’asile initiale, car il n’en était pas sûr. Il envoie au Comité les actes de décès de ses frères, ainsi que l’avis de recherche le concernant, daté du 10 mai 2002.

2.3L’Office fédéral des réfugiés (ODR), correspondant actuellement à l’Office fédéral des migrations (ODM), a rejeté la demande d’asile du requérant le 25 octobre 2002, au motif que ses allégations étaient illogiques sur des points essentiels et insuffisamment fondées. L’ODR a notamment considéré que le requérant avait servi deux ans et demi dans l’armée sans rencontrer le moindre problème. Le 16 février 2004, la Commission suisse de recours en matière d’asile (CRA), correspondant actuellement au Tribunal administratif fédéral (TAF), a rejeté l’appel du requérant. La demande en révision de cette décision a été rejetée par cette même commission le 23 août 2004 pour non-paiement de l’avance de frais requis. Une nouvelle demande de révision a été introduite le 1er juin 2008. Celle-ci a été rejetée le 11 juillet 2008 pour les mêmes raisons que précédemment à savoir le non-paiement de l’avance des frais requis. Le Tribunal administratif fédéral (TAF) a en effet noté que la demande de révision paraissait d’emblée vouée à l’échec. Dès lors, il n’y avait pas lieu pour le Tribunal de renoncer à la perception d’une avance de frais équivalant aux frais de procédure présumés. Le requérant n’ayant pas pu avancer ces frais, il s’est vu privé de l’opportunité d’avoir sa demande révisée par le TAF.

Teneur de la plainte

3.1Le requérant affirme que son expulsion vers le Congo l’exposerait à des risques sérieux de torture, en violation de l’article 3 de la Convention. Il s’appuie pour cela sur le fait que sa mère a été assassinée à sa place en 2000, qu’il a déserté l’armée en quittant le pays, ce qui est puni de la peine de mort, et que ses deux frères ont ensuite été assassinés en 2003. Le requérant soutient que l’amnistie qui a été signée en 2003 n’est que théorique et que cela ne le protège pas contre des persécutions de la part des milices Cobras, proche du Gouvernement. Enfin, depuis l’assassinat de ses deux frères en 2003, le requérant est recherché.

3.2Le requérant considère que l’État partie n’a fait que rejeter sommairement les preuves qu’il a apportées à l’appui de sa demande sans procéder à aucun travail de vérification de la véracité des documents soumis. Aucun des documents qu’il a présentés n’a été soumis à une expertise pour en vérifier l’authenticité.

Observations de l’État partie sur la recevabilité et sur le fond

4.1Le 21 novembre 2008, l’État partie a contesté la recevabilité de la requête au motif que les voies de recours internes n’avaient pas été épuisés. Le 1er juin 2008, le requérant a adressé à l’ODM une demande en reconsidération qui a été transmise au TAF, qui est compétent en la matière. Celui-ci a constaté, dans sa décision incidente du 19 juin 2008, qu’il n’existait pas de motifs justifiant de renoncer à la perception d’avance de frais équivalant aux frais de procédure présumés. Le requérant n’ayant pas lui-même avancé ces frais pour permettre à la procédure d’aboutir, le TAF a déclaré le recours irrecevable par jugement du 11 juillet 2008. Selon l’État partie, la décision incidente relative aux chances de succès du recours ainsi qu’à l’avance des frais est prise par le juge chargé de l’instruction (juge unique) et ne préjuge pas du jugement sur le fond. Si l’avance des frais est payée, le jugement sur le fond peut être rendu par le juge unique à condition qu’un second juge donne son accord. À défaut de cet accord, le jugement sur le fond est rendu par un collège de trois juges. L’État partie considère qu’il ne ressort en rien du dossier que l’avance de frais demandée au requérant l’aurait empêché d’épuiser ce recours. Par conséquent, l’État partie fait valoir que les recours internes n’ont pas été épuisés.

4.2Le 25 mars 2009, l’État partie a présenté ses observations sur le fond. Il précise qu’en date du 21 novembre 2008, le Gouvernement suisse a contesté la recevabilité de la requête. Par conséquent, ses observations sur le fond ne sont formulées que dans le cas où le Comité ne devait pas suivre la conclusion du Gouvernement suisse sur la recevabilité.

4.3Après avoir rappelé les faits de l’affaire, l’État partie souligne que dans sa requête présentée au Comité, le requérant n’a pas produit de nouveaux moyens de preuve, ni allégué de faits nouveaux. Le requérant s’appuie essentiellement sur les arguments qu’il avait développés devant le TAF lors de sa deuxième demande de révision en 2008, et sur les documents qu’il a produits avec sa demande, soit deux actes de décès, deux photographies montrant des personnes mortes et un avis de recherche à son nom. L’État partie précise que ces éléments de preuve ont été examinés par les autorités suisses compétentes en matière d’asile. La lettre du requérant du 16 mars 2009 adressée au Comité, qui contient des copies d’un avis de poursuite judiciaire et d’un avis de recherche datés de 2007 sont les seuls documents nouveaux apportés et ne changent rien à cette situation.

4.4Rappelant les dispositions de l’article 3 de la Convention, l’État partie mentionne la jurisprudence du Comité ainsi que son Observation générale no 1 sur l’application de l’article 3 de la Convention dans le contexte de l’article 22 dont les paragraphes 6 et suivants prévoient que le requérant doit prouver qu’il existe pour lui un risque personnel, actuel et réel d’être soumis à la torture en cas d’expulsion vers son pays d’origine. L’État partie note que cette disposition signifie que les faits allégués ne peuvent se limiter à de simples supputations et qu’ils doivent faire apparaître un risque sérieux. L’État partie précise que le Congo ne connaît pas une situation de guerre, de guerre civile ou de violence généralisée de nature à constituer, à elle seule, un motif suffisant pour conclure que le requérant risque d’y être torturé en cas de renvoi.

4.5S’agissant de la crainte invoquée par le requérant selon laquelle il risquerait d’être soumis à des persécutions s’il était renvoyé au Congo, l’État partie rappelle qu’en décembre 1999, des accords de paix ont été signés entre le nouveau Gouvernement de Sassou Nguessou et les milices adverses. Le même mois, une loi d’amnistie générale a été promulguée. La loi visait tous ceux qui s’étaient démobilisés de leurs milices et qui avaient déposé leurs armes à la date de sa promulgation, soit le 20 décembre 1999. Cette loi concernait aussi bien les miliciens que les militaires de carrière. De plus, le 28 août 2003, une nouvelle loi d’amnistie a été adoptée, en faveur des miliciens ninjas ayant affronté les troupes gouvernementales et couvrant la période allant du 15 janvier 2000 jusqu’à la promulgation de la loi. Selon l’auteur, l’amnistie en faveur des miliciens ninjas ne serait pas appliquée dans les faits. À ce propos, l’État partie se réfère à plusieurs sources indépendantes telles que les rapports d’Amnesty International, de Freedom House, Human Rights Watch ou du US Department of State, qui n’auraient rapporté aucune poursuite judiciaire contre d’anciens membres de ces milices. L’État partie cite aussi des membres du régime de l’ex-président Lissouba qui seraient retournés au Congo sans être importunés. Il insiste sur le fait que le requérant était simple sergent dans l’armée régulière et qu’il y a servi pendant deux ans sans le moindre problème. Ces éléments laissent penser que le requérant ne court pas un risque avéré de persécution.

4.6S’agissant des alinéas b et c du paragraphe 8 de l’Observation générale no 1, l’État partie constate que, d’une part, le requérant n’a pas allégué avoir été torturé dans son pays d’origine avant de le quitter; et que, d’autre part, il n’a jamais exercé d’activité politique au Congo. Ces deux éléments qui permettent de déterminer le risque encouru en cas de renvoi ne peuvent donc être retenus.

4.7Sur l’existence d’incohérences factuelles dans les affirmations du requérant, l’État partie renvoie le Comité aux arrêts rendus par les juridictions internes qui ont suffisamment motivé leurs décisions lors d’un examen approfondi de l’affaire. S’agissant des problèmes que le requérant aurait rencontrés lors de son intégration dans l’armée régulière, à savoir des tensions avec d’autres militaires, l’État partie considère son récit illogique et manquant de substance. D’ailleurs, dans sa requête devant le Comité, le requérant n’a pas développé cet argument. Par ailleurs, le requérant fait valoir que deux de ses frères se seraient fait prendre en otage et assassiner par la police à cause de sa non-comparution. Le TAF a fait valoir que les deux certificats de décès paraissent avoir été établis sur demande et pourraient même être faux. En effet, le formulaire préimprimé contiendrait des erreurs formelles et la conformité des données manuscrites avec la réalité serait, d’après l’État partie, douteuse. En outre, la profession des frères de l’auteur telle qu’apparaissant sur les actes de décès, à savoir «élève» ne ferait pas sens vu leur âge.L’État partie constate que les actes de décès ne mentionnent pas la cause du décès et ne permettent pas de prouver la nature de la mort des prétendus frères de l’intéressé. Il considère donc que ces actes n’ont aucune valeur probante. Il en va de même pour l’avis de recherche daté du 10 mai 2002. L’État partie le considère comme un faux grossier puisque le tampon et la signature ont été copiés grâce à une photocopieuse couleur alors que les données personnelles de l’intéressé ont été ajoutées à la machine à écrire.

4.8S’agissant des copies d’un avis de poursuite judiciaire daté du 1er février 2007 et d’un avis de recherche du 16 mars 2007, soumises au Comité le 16 mars 2009, elles n’ont pas été soumises aux autorités suisses. Selon l’État partie, ces documents présentent à première vue des défauts similaires à ceux de l’avis de recherche du 10 mai 2002. L’État partie ajoute qu’ils ne laissent pas apparaître, en tout cas pas explicitement, les raisons pour lesquelles le requérant serait recherché. L’État souligne qu’en règle générale, les avis de recherche ne sont pas mis à disposition des personnes recherchées. Cela vaut d’autant plus pour les avis de poursuite judiciaire qui sont des documents communiqués entre des autorités. Le requérant n’explique pas comment il a pu se procurer ces documents. L’État partie insiste sur la facilité d’obtenir des faux au Congo. Leur valeur probante est donc faible. S’agissant des photos de corps qui sont censés représenter les deux frères des requérants, l’État partie considère qu’il n’est pas possible de les identifier.

4.9Dans sa demande de révision du 1er juin 2008, le requérant allègue pour la première fois avoir participé à des opérations secrètes pour le régime actuel. Il aurait ainsi connaissance de secrets d’État, de sorte que son départ clandestin du pays pourrait le mettre en danger. L’État partie considère ces allégations comme étant dépourvues de preuve. Le fait que le requérant ait été impliqué dans ces opérations secrètes semble contraire à l’allégation selon laquelle il aurait été soupçonné de soutenir des rebelles.

4.10L’État partie rappelle que la loi d’amnistie de 2003 enlève toute pertinence aux craintes du requérant. Le requérant n’a pas prouvé que sa situation serait différente des autres personnes visées par cette amnistie. L’État partie ajoute que même à supposer que le récit du requérant soit crédible, il n’a pas établi qu’il pourrait, aujourd’hui encore, connaître des problèmes. S’agissant des craintes que le requérant aurait d’être poursuivi pénalement pour avoir quitté le Congo illégalement, l’État partie rappelle que la jurisprudence du Comité est claire sur ce point. Une crainte d’être poursuivie et emprisonnée ne suffit pas à conclure qu’une personne serait soumise à la torture. L’État partie ajoute que le service militaire est volontaire au Congo et qu’il n’est même pas avéré que le requérant pourrait risquer d’être emprisonné à son retour au Congo. Pour toutes les raisons invoquées ci‑dessus, l’État partie considère qu’aucun élément du dossier ne permet d’établir une mise en danger concrète et personnelle pour le requérant d’être renvoyé dans son pays d’origine.

Commentaires du requérant sur les observations de l’État partie

5.1Le 26 janvier 2009, le requérant cite l’article 65, alinéa 1 de la loi sur la procédure administrative suisse selon lequel l’autorité de recours peut, après le dépôt du recours, dispenser du paiement des frais de la procédure, à sa demande, la partie indigente dont les conclusions ne sont pas d’emblée vouées à l’échec. Il insiste sur le fait que son indigence était connue des autorités, puisqu’il n’était autorisé ni à travailler ni à percevoir une assistance sociale. Dans sa demande auprès du TAF, le requérant a implicitement demandé la dispense de l’avance de frais ou l’assistance judiciaire partielle. Tous les éléments de preuve que le requérant avait soumis au TAF à l’appui de sa demande de reconsidération ont été considérés comme voués à l’échec par le TAF dans sa décision incidente du 19 juin 2008. Le requérant ajoute que selon la jurisprudence constante de la CRA puis du TAF, l’avance des frais de procédure est une condition pour l’entrée en matière des demandes. Ni un paiement échelonné ni un paiement par acompte ou une réduction de frais n’est admise. Ainsi, selon le requérant, en l’absence d’un fait nouveau important, il ne pouvait faire valoir une demande de reconsidération de la décision incidente en question. Le requérant n’a pas pu réunir la somme de 1 200 francs suisses à temps. Ainsi le TAF a déclaré sa demande irrecevable. Depuis le 11 juillet 2008, la décision de renvoi est entrée en force de chose jugée et le requérant ne dispose plus de recours interne. Le fait que la décision finale ait été rendue par juge unique n’a pas d’influence sur le fait d’épuiser les recours internes.

5.2Le 26 mars 2009, le requérant a répondu aux observations de l’État partie sur le fond. Il rappelle que sa crainte de retourner au Congo s’explique en partie par le risque de persécution qu’il court par suite du décès de sa mère et de ses frères. Une autre crainte est liée à sa sortie illégale du territoire pendant qu’il servait dans l’armée, après avoir exercé des fonctions officieuses sous le régime de Sassou Nguessou. Le requérant explique qu’il s’est procuré l’avis de recherche et l’avis de poursuites judiciaires par l’intermédiaire de proches qui travaillent actuellement à l’État-major général et au Bureau du Procureur général. Le requérant affirme qu’en tout état de cause, les documents sont authentiques puisqu’ils ont été établis par les autorités.

5.3Sur l’authenticité des documents fournis par le requérant, celui-ci rétorque que les questions de forme, de couleur de caractères, de qualité de la feuille ne peuvent pas constituer les éléments de doute sur la crédibilité de ces documents dans la mesure où il s’agit de documents provenant d’un pays qui a des réalités et des moyens différents de l’État partie. S’agissant des actes de décès de ses frères, le requérant précise qu’ils sont authentiques puisqu’ils comportent chacun un numéro d’enregistrement, élément permettant toute vérification. Le requérant invite l’État partie, s’il doute de l’authenticité des preuves fournies, de se procurer une copie des documents officiels émanant en général des autorités congolaises. Cela lui permettrait de vérifier l’authenticité des éléments fournis dans le cadre de cette requête.

5.4S’agissant de la violation systématique des droits de l’homme au Congo Brazzaville, le requérant mentionne un article de presse qui rapporte qu’en 1999, malgré les accords de paix, plusieurs personnes en provenance de la République démocratique du Congo sont disparues en revenant au Congo. Le requérant mentionne également un journaliste qui a été brûlé vif à son retour au pays. Dès lors, les accords signés en 2003 ne sauraient être un motif suffisant justifiant une conclusion à l’absence de risques de torture en cas de retour. Le requérant ajoute qu’il existe toujours des cas isolés de personnes qui sont torturées de manière officieuse. Il fait valoir que son implication dans des missions secrètes est en elle-même passible de poursuites dans son pays d’origine. En ayant divulgué des informations sur ses missions secrètes au Gouvernement suisse dans le cadre de sa demande d’asile, le requérant aurait trahi la nation congolaise.

5.5Enfin, le requérant court des risques supplémentaires d’être persécuté en cas de retour dans son pays du fait des activités de son frère, Bienvenu Mabilemono, qui vit actuellement en exil. Tous les membres de la famille Mabilemono qui sont restés au Congo courent des risques de persécution de la part des agents de l’État, en quête d’informations sur le grand frère du requérant.

Commentaires additionnels du requérant

6.1Le 31 août 2009, le requérant a adressé au Comité une lettre émanant de l’Office cantonal des migrations de Zürich lui notifiant la possibilité pour lui d’obtenir un permis pour raisons humanitaires. Afin que la procédure puisse aboutir, l’Office cantonal exigeait des informations sur la procédure en cours devant le Comité. Il était mentionné dans la lettre que la procédure d’obtention du permis humanitaire en Suisse devait être suspendue tant que la procédure internationale était en cours devant le Comité.

6.2Le 1er novembre 2009, le Bureau de conseil pour les Africains francophones de Suisse a soumis, au nom du requérant une demande de suspension de la procédure devant le Comité en attendant que les autorités cantonales et fédérales suisses se prononcent sur l’obtention d’un permis pour raisons humanitaires.

Observations complémentaires de l’État partie

7.1Le 3 décembre 2009, l’État partie a indiqué que les autorités compétentes du Canton de Zürich ne pouvaient se prononcer sur des demandes d’autorisation liées à des cas de rigueur (permis humanitaire) tant qu’une autre procédure était en cours, et ceci aussi devant le Comité. La suspension ne permettait ainsi pas aux autorités cantonales et fédérales de se prononcer puisque la procédure internationale n’était pas interrompue ou n’avait pas abouti à une décision sur la recevabilité ou le fond. L’État partie note que l’octroi du permis de rigueur est soumis à l’approbation des autorités fédérales, qu’elle est une voie extraordinaire, non obligatoire et humanitaire et dont les critères d’octroi sont complètement dissociables des conditions imposées au titre de l’article 3 de la Convention. Tant qu’une procédure permettant d’octroyer un statut plus favorable au requérant est ouverte, les autorités cantonales de l’État partie ne peuvent se prononcer sur l’octroi de ce permis humanitaire.

Commentaires supplémentaires de l’auteur

8.1Par lettre du 9 janvier 2010 et après avoir été avisé de la position de l’État partie, le requérant a demandé au Comité la suspension et de prendre une décision sur sa plainte.

Délibérations du Comité

Examen de la recevabilité

9.1Avant d’examiner une plainte soumise dans une requête, le Comité contre la torture doit déterminer si la requête est recevable en vertu de l’article 22 de la Convention. Le Comité s’est assuré, comme il est tenu de le faire conformément au paragraphe 5 a) de l’article 22 de la Convention, que la même question n’avait pas été et n’était pas actuellement examinée par une autre instance internationale d’enquête ou de règlement.

9.2Le Comité note que l’État partie conteste la recevabilité de la requête pour non-épuisement des recours internes. L’État partie fait valoir que si le requérant s’était acquitté des frais de procédure, le juge du fond aurait pu statuer sur sa demande de révision; qu’en l’absence de ce paiement, la demande devait être jugée irrecevable. Le Comité note l’argument du requérant selon lequel il est indigent puisqu’il n’est pas autorisé à travailler et ne peut recevoir l’assistance sociale; que par conséquent il était dans l’incapacité de couvrir les frais de procédure. Le Comité prend note du fait que le requérant n’était même pas autorisé à avancer les frais par acompte. Le Comité considère que, dans les circonstances personnelles du requérant, la responsabilité mise à sa charge de payer la somme de 1 200 francs suisses afin que sa dernière demande soit recevable, était inéquitable. Cette constatation émane du fait que le requérant n’est pas autorisé à travailler sur le territoire de l’État partie et que l’assistance sociale semble lui avoir été refusée. Il semble dès lors difficile de refuser au requérant la possibilité d’ester en justice sur des considérations financières alors que sa situation financière est précaire. Le Comité considère donc que l’exception d’irrecevabilité pour non-épuisement des voies de recours internes ne peut être retenue dans le cas présent. La requête est donc recevable au titre de l’article 22, paragraphe 5 b), de la Convention.

Examen au fond

10.1Le Comité doit déterminer si le renvoi du requérant vers la République du Congo violerait l’obligation de l’État partie, en vertu de l’article 3 de la Convention, de ne pas expulser ou refouler une personne vers un autre État où il a des motifs sérieux de croire qu’elle risque d’être soumise à la torture.

10.2En procédant à l’évaluation du risque de torture, le Comité tient compte de tous les éléments pertinents, conformément au paragraphe 2 de l’article 3, y compris de l’existence d’un ensemble de violations systématiques des droits de l’homme, graves, flagrantes ou massives. Toutefois, le but de cette analyse est de déterminer si l’intéressé risquerait personnellement d’être soumis à la torture dans le pays où il serait renvoyé. Il s’ensuit que l’existence, dans un pays, d’un ensemble de violations systématiques des droits de l’homme, graves, flagrantes ou massives ne constitue pas en soi une raison suffisante d’établir qu’une personne donnée serait en danger d’être soumise à la torture à son retour dans ce pays. Il doit exister des motifs supplémentaires donnant à penser que l’intéressé serait personnellement en danger. Pareillement, l’absence d’un ensemble de violations flagrantes et systématiques des droits de l’homme ne signifie pas qu’une personne ne puisse pas être soumise à la torture dans la situation particulière qui est la sienne.

10.3Le Comité rappelle son Observation générale no 1 concernant l’application de l’article 3 dans le contexte de l’article 22, dans laquelle il expose qu’il doit déterminer s’il y a des motifs sérieux de croire que le requérant risque d’être soumis à la torture s’il est renvoyé dans le pays concerné. Il n’est pas nécessaire de montrer que le risque encouru est hautement probable, mais ce risque doit être encouru personnellement et actuellement. À cet égard, le Comité a établi dans des décisions antérieures que le risque de torture devait être «prévisible, réel et personnel».

10.4En ce qui concerne la charge de la preuve, le Comité rappelle également son observation générale ainsi que sa jurisprudence selon laquelle il incombe généralement au requérant de présenter des arguments défendables et que le risque de torture doit être apprécié selon des éléments qui ne se limitent pas à de simples supputations ou soupçons.

10.5En évaluant le risque de torture dans le cas à l’examen, le Comité a noté l’affirmation du requérant selon laquelle, après avoir soutenu l’ancien président Lissouba, il a repris son service au sein de l’armée en octobre 1997 sous le nouveau Gouvernement. Il note également que le requérant aurait été suspecté par ses collègues de soutenir les rebelles; qu’après une attaque dirigée par les milices ninja sur Brazzaville fin 1999, il aurait appris qu’il était recherché depuis le 1er avril 2000. Le Comité note l’allégation du requérant selon laquelle sa mère avait été assassinée et que par conséquent, il avait décidé de quitter le pays. Il note enfin que les deux frères du requérant auraient été assassinés le 3 mars 2002 et que depuis 2007, il serait sous le coup d’un mandat d’arrêt et de poursuites judiciaires au Congo.

10.6Le Comité note ensuite l’argument de l’État partie selon lequel à l’exception d’un mandat d’arrêt et d’un avis de poursuite judiciaire datés de 2007, le requérant n’aurait soumis aucun élément de preuve nouveau devant le Comité; et que tous les autres documents ont été analysés en détail par les juridictions internes. Le Comité note que selon l’État partie, les accords de paix ainsi que les lois d’amnistie adoptées au Congo engendrent une nouvelle situation qui rend sans objet toute crainte, fondée ou non, que le requérant pourrait avoir. L’État partie soutient qu’aucune poursuite judiciaire contre des ex-rebelles n’a été rapportée par des sources indépendantes depuis que ces lois ont été adoptées. Le Comité note que selon l’État partie, le requérant n’aurait pas rencontré de problèmes pendant les deux ans suivant sa réintégration dans l’armée du Gouvernement Nguessou et qu’il n’aurait pas prouvé que sa situation serait différente des autres personnes visées par la loi d’amnistie. Le Comité note l’argument de l’État partie selon lequel tous les documents qui ont été soumis par le requérant pourraient avoir été établis sur demande et être des faux.

10.7Le Comité note l’argument de l’auteur selon lequel, malgré les accords de paix, plusieurs personnes ont été portées disparues à leur retour d’exil. Il note également que pour le requérant, les accords signés en 2003 ne sauraient être un motif suffisant justifiant une conclusion à l’absence de risque de torture en cas de retour; qu’il existe toujours des cas isolés de torture. Le Comité note enfin que, pour le requérant, la divulgation de secrets d’État durant la procédure de demande d’asile l’a exposé à un danger imminent d’être torturé en cas de retour.

10.8Ayant tenu compte des arguments présentés par les parties, le Comité constate que le requérant n’a pas apporté de preuves d’un risque réel, actuel et prévisible. L’opinion de l’État partie selon laquelle le récit du requérant présente des incohérences, notamment s’agissant des versions successives données sur son implication dans des missions secrètes pour le Gouvernement congolais, a été suffisamment étayée aux yeux du Comité. Il est en effet difficile de croire que le requérant, qui aurait été impliqué dans ces opérations, soit en même temps persécuté par des milices proches du Gouvernement. Le Comité note qu’il incombe au requérant de prouver que ses craintes sont réelles et personnelles. Le Comité rappelle son observation générale ainsi que sa jurisprudence selon lesquels il incombe au requérant de présenter des arguments défendables. Dans son observation générale, le Comité a également insisté sur le fait qu’il accordait un poids considérable aux constations de faits des organes de l’État partie, bien qu’il se laisse la possibilité d’apprécier librement les faits et les éléments de preuve dans chaque affaire. Il ressort du cas d’espèce que le requérant n’a pas été à même d’apporter des contre-arguments au fait que les accords de paix ainsi que les lois d’amnistie adoptées au Congo engendrent une nouvelle situation qui rendrait sans objet tout crainte, fondée ou non, que le requérant pourrait avoir, qu’aucune poursuite judiciaire contre des ex-rebelles n’a été rapportée par des sources indépendantes depuis que ces lois ont été adoptées, que le requérant n’a pas rencontré de problèmes pendant les deux ans suivant sa réintégration dans l’armée du Gouvernement Nguessou, et qu’enfin il n’aurait pas prouvé que sa situation serait différente de celle des autres personnes visées par la loi d’amnistie. Le Comité remarque enfin que les documents présentés par le requérant ont été examinées de manière approfondie par les juridictions internes de l’État partie et qu’à la suite de cet examen, il a été établi que les documents fournis laissaient apparaître de sérieux doute s’agissant de leur authenticité.

10.9Le Comité rappelle en outre que le risque d’être arrêté ne constitue pas en soi une violation de l’article 3 de la Convention. En cela, les allégations du requérant selon lesquelles il serait arrêté en tant que déserteur ne pourrait, en soi entraîner une telle violation dès lors qu’il n’a pu argumenter qu’il risquait personnellement d’être torturé ou persécuté en cas de renvoi au Congo.

10.10Compte tenu de l’ensemble des informations qui lui ont été communiquées, le Comité estime que le requérant n’a pas apporté suffisamment d’éléments de preuve pour montrer qu’il court personnellement un risque réel et prévisible d’être soumis à la torture s’il était expulsé vers son pays d’origine.

11.Le Comité contre la torture, agissant en vertu du paragraphe 7 de l’article 22 de la Convention contre la torture et autres peines et traitements cruels, inhumains ou dégradants, est d’avis que l’expulsion du requérant vers le Congo ne constituerait pas une violation de l’article 3 de la Convention.

Notes

Communication no 356/2008: N. S. c. Suisse

Présentée par:

N. S. (représenté par un conseil)

Au nom de:

N. S.

État partie:

Suisse

Date de la requête:

19 septembre 2008 (lettre initiale)

Le Comité contre la torture, institué en vertu de l’article 17 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,

Réuni le 6 mai 2010,

Ayant achevé l’examen de la requête no 356/2008 présentée par N. S. en vertu de l’article 22 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,

Ayant tenu compte de toutes les informations qui lui ont été communiquées par le requérant, son conseil et l’État partie,

Adopte ce qui suit:

Décision au titre du paragraphe 7 de l’article 22 de la Convention contre la torture

1.1Le requérant est N. S., ressortissant turc d’origine kurde né en 1975. Il a demandé l’asile politique en Suisse; sa demande a été rejetée et il risque d’être expulsé vers la Turquie. Il fait valoir que son renvoi constituerait un manquement par la Suisse à ses obligations découlant de l’article 3 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (ci-après «la Convention»). Il est représenté par un conseil.

1.2Le 29 septembre 2009, le Comité a transmis la requête à l’État partie conformément au paragraphe 3 de l’article 22 de la Convention et lui a demandé, en application du paragraphe 1 de l’article 108 de son règlement intérieur, de ne pas expulser le requérant vers la Turquie tant que l’examen de la requête serait en cours. En date du 3 octobre 2008, l’État partie a fait savoir qu’il accédait à cette demande et qu’il avait pris les mesures voulues.

Rappel des faits présentés par le requérant

2.1Le 4 octobre 1993, dans l’après-midi, le requérant, son cousin et un de leurs amis ont assisté à une attaque contre le village de Daltepe, près de Siirt, en Turquie. Depuis une colline non loin du village, ils ont vu, dans l’après-midi, arriver des soldats en uniforme. D’après le requérant, les soldats ont quitté leur uniforme et ont revêtu des vêtements portés normalement par des groupes du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK). À la nuit tombée, ils ont entendu des coups de feu et des cris dans le village. D’après les médias et des rapports d’organisations non gouvernementales, entre 24 et 33 personnes ont été tuées dans cette opération. Les médias et certaines ONG ont présenté l’attaque comme ayant été commise par un groupe de rebelles, contrairement à ce que le requérant et ses deux amis avaient vu.

2.2Le requérant et ses amis ont raconté dans le voisinage ce qu’ils avaient vu. Les autorités ont réagi en arrêtant le requérant et en le gardant en détention pendant quarante jours. Pendant sa détention, il aurait été torturé par les agents des services de sécurité. Le requérant dit que les agents ont versé du plastique en fusion sur ses jambes et ses bras et que les cicatrices sont encore visibles. On l’a également obligé à rester debout sur la pointe des pieds et à mettre le menton dans un trou pendant qu’on le frappait à coup de barre de fer sur la tête, au point qu’il a perdu connaissance. Enfin, le requérant dit qu’on lui a bandé les yeux et qu’il a été agressé sexuellement par un militaire.

2.3Une fois remis en liberté, le requérant est resté sous le contrôle des forces de sécurité. L’un des deux autres témoins a disparu pendant qu’il effectuait son service militaire; personne ne sait ce qu’il est advenu de lui. Le deuxième témoin − le cousin du requérant − aurait reçu un coup violent derrière la tête quand il était incarcéré, ce qui lui a causé des troubles mentaux; il a passé environ sept années en prison. Pour toutes ces raisons et parce qu’il craignait d’être arrêté et torturé de nouveau, le requérant a décidé de se cacher et a refusé d’effectuer son service militaire.

2.4En 1994 ou 1995, le requérant est parti pour Istanbul où il est resté sans se faire enregistrer auprès des autorités pendant plus de sept ans et sans avoir d’adresse définitive; il changeait de lieu fréquemment et travaillait dans le secteur du bâtiment. Après son départ, en 1994 ou 1995, les services de sécurité ont placé les membres de sa famille sous surveillance et les ont interrogés pour savoir où le requérant se trouvait. D’après le requérant, les forces de sécurité imaginaient qu’il avait rejoint le PKK. Son père aurait été torturé par des agents de l’État; selon le requérant, il est mort en 1997, des suites de ses blessures. Pour cette raison, la mère du requérant et ses quatre frères et sœurs sont également partis pour Istanbul.

2.5Le requérant ajoute qu’en juillet 2003, son oncle (le père du cousin qui avait assisté à l’attaque de 1993) était mort dans des circonstances étranges après un conflit avec deux villageois. Le requérant affirme qu’à la suite de l’attaque de 1993 son oncle avait fait lui aussi l’objet d’une surveillance et avait été brutalisé par des agents des forces de sécurité.

2.6Le 9 octobre 2002, le requérant a quitté la Turquie. Il a demandé l’asile politique en Suisse le 11 novembre 2002. L’Office fédéral des migrations (ODM) a rejeté sa demande le 16 juin 2003, faisant valoir que les faits n’étaient pas plausibles. En date du 18 août 2008, le Tribunal administratif fédéral (TAF) a rejeté le recours formé par le requérant contre la décision négative de l’ODM.

2.7Le requérant signale que le Tribunal administratif fédéral a notamment objecté que des organisations indépendantes de défense des droits de l’homme (comme Amnesty International et la Fondation des droits de l’homme de Turquie) avaient affirmé que le PKK était responsable de l’attaque, contrairement aux allégations du requérant. D’après celui-ci toutefois, rien ne garantit que les informations des ONG étaient correctes et de plus ces dernières années, le public a pris connaissance d’un nombre croissant d’opérations secrètes menées par des agents des forces de sécurité hors du contrôle du commandement hiérarchique.

2.8Le requérant ajoute que le TAF a objecté qu’il n’y avait pas suffisamment de renseignements sur la situation de son cousin et de leur ami et sur la mort de son père. Le TAF a également conclu que la mort de l’oncle du requérant n’était pas liée à des actes des autorités et n’était donc pas un élément pertinent en l’espèce. Le requérant dit que s’il ne pouvait pas donner des détails à l’appui de ses allégations c’était parce que: a) son ami avait disparu pendant son service militaire et que personne ne savait ce qu’il était devenu; b) il n’avait pas assisté aux séances de torture subies par son père mais en avait été informé par ses proches; c) il était maintenant en possession du témoignage d’une personne qui avait obtenu l’asile en Suisse en 2006 et qui confirmait qu’il avait passé environ trois ans dans la même prison que son cousin (qui, lui, avait été témoin de l’attaque de 1993); le requérant signale, en particulier, que cette personne se souvient que le cousin était très affaibli sur le plan physique et psychologique; d) les circonstances de la mort de son oncle étaient suspectes puisqu’il avait d’abord été conduit au commissariat de police et n’avait été transporté à l’hôpital que plus tard et qu’il était mort pendant le trajet.

2.9Le requérant ajoute que le Tribunal administratif fédéral a aussi relevé qu’il s’était écoulé beaucoup de temps entre l’attaque du village (1993) et la mort du père du requérant (1997) d’une part et son départ pour la Suisse d’autre part (2002). Enfin, le TAF a considéré que le requérant ne courrait pas de danger lorsqu’il effectuerait son service militaire en Turquie, comme c’était probable. Le requérant fait valoir que les autorités suisses n’ont pas tenu compte du fait qu’il n’a pas beaucoup d’instruction; il explique qu’il n’a jamais été informé des motifs précis pour lesquels il avait été remis en liberté en 1993 et ne sait pas si c’était sur décision d’un juge. Il affirme qu’il serait inquiété en Turquie. Le fait qu’il ait été torturé en 1993, ses sympathies à l’égard de la cause kurde, sa vie dans la clandestinité pendant longtemps et son absence du pays le rendraient suspect en Turquie. D’après le requérant, la pratique de la torture est encore aujourd’hui très répandue dans le pays, en particulier dans le cas de personnes soupçonnées de sympathie pour le PKK. De plus, dans l’armée, il ne pourrait compter sur aucune protection contre les persécutions.

2.10D’après le requérant, d’une façon générale les autorités suisses n’ont pas examiné tous les éléments de son dossier et se sont plutôt concentrées sur des points précis qu’elles ont déclarés non prouvés. Les allégations de torture n’ont pas été suffisamment examinées alors que son récit était pourtant assez détaillé. Bien que les cicatrices des blessures causées par les tortures soient toujours visibles, personne à l’Office fédéral des migrations ou au Tribunal administratif fédéral ne les a regardées ni fait des commentaires.

Teneur de la plainte

3.Le requérant fait valoir que son retour forcé en Turquie constituerait une violation par la Suisse des obligations qui lui incombent en vertu de l’article 3 de la Convention.

Observations de l’État partie sur la recevabilité et le fond

4.1Par une note verbale datée du 13 mars 2009, l’État partie a présenté ses observations sur la recevabilité et le fond. Il rappelle les faits de l’affaire et relève que, à une exception près, le requérant soumet au Comité exactement les mêmes griefs que ceux qu’il a portés devant les autorités d’asile suisses et le Tribunal administratif fédéral et que ces derniers ont examinés. Le nouvel élément est une lettre signée d’une personne qui dit avoir été incarcérée dans la même prison qu’un cousin du requérant.

4.2L’État partie affirme que les décisions des autorités d’asile sont correctes et fondées en droit. L’Office fédéral des migrations a conclu que le requérant n’était pas crédible et se contredisait dans ses allégations. Il avait relevé que le requérant n’avait jamais donné d’explications sur la procédure judiciaire qui avait abouti à sa remise en liberté, en 1993, alors que les autorités suisses lui avaient demandé plusieurs fois d’apporter des preuves. Un autre élément qui faisait douter de la crédibilité du requérant était son comportement, qui ne correspondait pas à celui que l’on peut raisonnablement attendre d’un individu recherché par la police à Istanbul, Siirt, Ankara ou Izmir. L’ODM a jugé étonnant que le requérant soit allé à Istanbul et y vive dans la clandestinité pendant sept ans et n’a pas été convaincu par les explications du requérant qui avait dit qu’il lui fallait économiser de l’argent pour pouvoir quitter le pays. L’ODM a relevé d’autres contradictions dans la relation des faits. Ainsi, lors du deuxième entretien, le requérant avait affirmé avoir été arrêté et torturé tous les deux ou trois jours après avoir été libéré, suite à la procédure judiciaire mentionnée. Or pendant le premier entretien il avait dit qu’il avait été arrêté une première fois après cette procédure et une deuxième fois environ un mois plus tard.

4.3D’après l’État partie, le Tribunal administratif fédéral n’a pas simplement confirmé les conclusions de l’ODM. Il a relevé aussi que plusieurs sources indépendantes avaient rendu compte des faits dont le requérant prétend avoir été témoin. Le TAF a cité notamment un rapport détaillé d’Amnesty International (www.amnesty.org/en/library/imp/EUR44/093/1996/en, p. 25), qui attribue explicitement la responsabilité de l’attaque de 1993 au PKK, contrairement à ce que dit le requérant. Le Tribunal a souligné que le requérant n’avait apporté aucun élément au sujet de la procédure judiciaire qui avait abouti à sa remise en liberté.

4.4Le TAF a également examiné toutes les autres allégations du requérant. En ce qui concerne ses craintes de servir dans l’armée, le Tribunal a relevé que les problèmes rencontrés par des connaissances du requérant n’étaient pas pertinents pour son cas. Pour ce qui est d’hypothétiques sanctions encourues pour désertion, le TAF a noté que le requérant n’avait jamais dit qu’il avait reçu une convocation de l’armée.

4.5D’après le TAF, la mort du père du requérant pas plus que celle de son oncle n’indiquent qu’il existe un risque pour lui d’être persécuté. Son père est mort deux ans après l’arrivée du requérant à Istanbul et son oncle est mort des suites de blessures reçues pendant une rixe avec deux individus qui ont été arrêtés. D’autres éléments confirment que le requérant ne risque pas d’être persécuté: son père est mort quatre ans après l’attaque de 1993; lui-même n’a jamais été inquiété par les autorités quand il vivait à Istanbul et sa mère, ses frères et sœurs sont officiellement enregistrés à Istanbul où ils se sont installés après la mort du père.

4.6L’État partie renvoie à l’Observation générale no 1 (1997) du Comité et fait observer que l’article 3 de la Convention fait aux États parties interdiction d’extrader une personne vers un autre État où il y a des motifs sérieux de croire qu’elle risque d’être soumise à la torture. Il rappelle aussi que l’existence d’un ensemble de violations systématiques des droits de l’homme, graves, flagrantes ou massives ne constitue pas en soi une raison suffisante pour conclure qu’une personne risque d’être soumise à la torture si elle est renvoyée dans son pays, et qu’il faut qu’il existe des raisons supplémentaires pour que le risque de torture puisse être réputé «prévisible, réel et personnel», aux fins de l’application du paragraphe 1 de l’article 3; le risque doit également être sérieux.

4.7L’État partie rappelle qu’au paragraphe 8 de l’Observation générale no 1 sont énoncés des éléments qui doivent être pris en compte pour apprécier le risque encouru avant d’expulser un individu: information sur tout changement survenu dans la situation interne du pays de renvoi; allégations sur les tortures subies dans un passé récent et informations émanant de sources indépendantes; activités politiques du demandeur dans son pays d’origine et à l’extérieur; preuves de la crédibilité du requérant et existence d’incohérences factuelles dans ce que le requérant affirme.

4.8L’État partie rappelle que pour déterminer s’il existe des motifs sérieux de croire qu’un requérant risque d’être soumis à la torture s’il est renvoyé dans un pays, le Comité doit tenir compte de tous les éléments pertinents, notamment des preuves sur l’existence d’un ensemble systématique de violations graves, flagrantes ou massives des droits de l’homme dans le pays de renvoi. Il faut toutefois que le requérant soit personnellement en danger d’être soumis à la torture. Par conséquent l’existence d’un ensemble de violations systématiques des droits de l’homme, graves, flagrantes ou massives ne constitue pas en soi un motif suffisant pour conclure que l’individu risque d’être soumis à la torture dans le pays de renvoi. L’État partie rappelle qu’il doit exister des motifs supplémentaires.

4.9L’État partie rappelle que le Comité a déjà examiné plusieurs affaires d’expulsion vers la Turquie. Il note que le Comité a conclu que la situation des droits de l’homme dans ce pays était très préoccupante, en particulier pour les militants du PKK qui ont souvent été soumis à la torture par les agents de l’État et que cette pratique n’était pas limitée à une région précise. Dans les cas où le Comité avait conclu qu’il existait un risque réel et personnel d’être soumis à la torture, il était démontré que le requérant avait mené des activités politiques en faveur du PKK, qu’il avait été détenu et torturé avant de quitter la Turquie et ses griefs étaient confirmés par des sources indépendantes, comme des certificats médicaux. L’État partie note en outre que le Comité a conclu également dans deux affaires mettant la Suisse en cause que le renvoi des requérants vers la Turquie ne leur ferait pas courir le risque d’être soumis à la torture.

4.10L’État partie explique que l’Office des migrations comme le Tribunal administratif fédéral ont estimé que les allégations du requérant concernant l’agression du village de Dartepe Köyü, et les actes de harcèlement, de mauvais traitements, ainsi que les arrestations et détentions ont il affirme avoir été l’objet, n’étaient pas vraisemblables. De plus, le requérant n’a jamais fait l’objet de poursuites ni eu maille à partir avec les autorités.

4.11L’État partie note en outre que le requérant fait valoir que les marques de torture qu’il porte sur le corps confirment la véracité de ses allégations. D’après l’État partie en revanche, les cicatrices ne prouvent pas en soi que le requérant a été soumis à la torture. L’ODM a qualifié les allégations de non crédibles. Les cicatrices peuvent avoir d’autres causes, par exemple un accident de voiture ou un accident du travail. L’État partie note aussi que le requérant n’a pas produit de preuve médicale quant à la cause des mauvais traitements qu’il dit avoir subis.

4.12D’après l’État partie, dans sa communication le requérant essaie de montrer que les sources indépendantes invoquées par l’ODM pour se faire une idée des circonstances de l’attaque de 1993 n’étaient pas dignes de foi. Or jusqu’ici le requérant n’avait pas produit le rapport du Parti démocratique populaire (HADEP) qui, d’après lui, confirme sa version des faits. De plus aucune source indépendante ne vient confirmer cette version. L’argument que le requérant a présenté dernièrement, selon lequel deux avocats turcs avaient appris récemment qu’il n’existait pas de renseignements concernant l’attaque de Dartepe Köyü dans les archives de deux organisations de défense des droits de l’homme n’est étayé d’aucune manière.

4.13Dans son rapport pour 1993, la Fondation turque des droits de l’homme signalait que pendant cette attaque 25 maisons appartenant à des gardiens du village avaient été détruites et 9 gardiens avaient été tués. On ne peut donc pas en déduire que l’armée était responsable de l’attaque. L’État partie explique qu’il ne voit pas comment des entités secrètes en Turquie ou les activités de celles-ci pourraient avoir influencé les conclusions d’organisations de défense des droits de l’homme expérimentées, indépendantes et impartiales. De plus, d’après l’État partie le requérant n’a pas expliqué comment ces entités étaient impliquées dans l’attaque du village et dans les persécutions qu’il aurait subies par la suite.

4.14Le requérant a affirmé dans son mémoire d’appel auprès du Tribunal administratif fédéral que son oncle avait été arrêté par la police alors qu’il cherchait des informations pour appuyer la demande d’asile du requérant. D’après le requérant, son oncle avait subi des mauvais traitements pendant sa détention et était mort des suites de ses blessures. Parallèlement, dans la communication soumise au Comité, le requérant a affirmé que son oncle était mort dans des circonstances étranges à la suite d’un conflit avec deux villageois, en juillet 2003. Cette nouvelle version vient apparemment contredire celle qu’il a présentée au Tribunal administratif fédéral.

4.15L’État partie fait intégralement siennes les conclusions de l’Office fédéral des migrations et du Tribunal administratif fédéral, qui ont estimé que les allégations du requérant n’étaient pas crédibles. D’après l’État partie, les déclarations du requérant n’indiquent pas l’existence de motifs sérieux de croire qu’il risque d’être torturé s’il est renvoyé dans son pays, au sens de l’article 3 de la Convention. Les incohérences du récit du requérant, mentionnées plus haut, portent sur des points essentiels de la communication.

4.16L’État partie conclut donc que rien n’indique qu’il existe des motifs sérieux de croire que le requérant risque personnellement d’être soumis à la torture en Turquie. Ses griefs ne permettent pas d’établir qu’il encourt personnellement un risque prévisible et réel d’être torturé et par conséquent son renvoi ne constituerait pas une violation des obligations découlant de la Convention.

Commentaires du requérant sur les observations de l’État partie

5.1Dans une lettre du 20 mai 2009 le requérant a fait part de ses commentaires. Il affirme d’abord que son emprisonnement était «extrajudiciaire». Les autorités turques n’avaient pas «examiné ses droits» et il n’y avait eu absolument aucune procédure, ce qui fait qu’il n’existe pas de documents judiciaires.

5.2D’après le requérant, le fait qu’il ait passé sept années à Istanbul avant de quitter la Turquie ne prouve rien. Les réfugiés sont nombreux à rester en Turquie avant de quitter le pays et il n’est pas facile de quitter sa famille et de réunir la somme nécessaire pour partir. Le requérant fait valoir que les personnes dans sa situation vivent dans la clandestinité pendant des années avant de quitter le pays et le fait qu’il n’ait pas eu de difficultés avec les autorités quand il vivait caché à Istanbul ne veut rien dire non plus. De plus, sa famille ne s’est officiellement enregistrée à Istanbul qu’après son départ.

5.3Le requérant ajoute que les contradictions relevées dans les propos qu’il avait tenus pendant sa première et sa deuxième entrevue en Suisse tenaient à l’imprécision du compte rendu du premier entretien, qui était très bref. Même s’il avait expliqué qu’il avait été arrêté de nouveau et torturé un mois après la première arrestation, cela ne signifie pas qu’il n’avait pas été arrêté entre-temps. De plus, lors du premier entretien on ne lui a jamais demandé combien de fois exactement il avait été arrêté.

5.4En ce qui concerne son service militaire, le requérant dit que sa mère a été contactée par les autorités mais qu’elle a refusé de prendre la convocation qui lui était destinée.

5.5D’après le requérant et contrairement aux affirmations de l’État partie, la mort de son père, quatre ans après l’attaque du village de Daltepe Köyü, indique qu’il existe toujours pour lui un risque malgré le temps qui s’est écoulé.

5.6En ce qui concerne les marques de torture, le requérant reconnaît que les cicatrices peuvent avoir différentes causes mais aucune preuve convaincante ne pouvait être produite parce qu’il s’était passé trop de temps. Cela dit, et étant donné ce qu’il avait raconté, on pouvait conclure que les marques avaient été causées par les tortures subies.

5.7Le requérant ajoute que quand sa demande d’asile en Suisse a été rejetée, il a été plongé dans une profonde détresse au point d’avoir dû consulter un psychiatre. Pendant plus de six mois − à partir d’octobre 2008 − il a été suivi et traité par un psychiatre.

5.8Le requérant note en outre que le Parti démocratique populaire (HADEP) a été interdit en 1997. Le parti qui lui a succédé (DEHAP) a également été interdit, en 2005. Les archives des deux partis politiques ont été saisies et il est donc impossible d’obtenir des documents.

5.9Enfin, le requérant objecte qu’il n’y a aucune contradiction dans ses déclarations au sujet de la mort de son oncle. Le mystérieux «conflit entre villageois» est une expression reprise directement du rapport de police. Le requérant a réaffirmé que son oncle était mort après que les autorités eurent essayé de lui faire dire où se trouvait le requérant.

5.10Le 18 juin 2009, le requérant a adressé une copie du rapport médical établi par un psychiatre le 3 juin 2009. D’après ce médecin le requérant est fortement traumatisé, il a des crises de panique, il est profondément déprimé et présente un syndrome post-traumatique; son état s’est considérablement dégradé.

Délibérations du Comité

Examen de la recevabilité

6.Avant d’examiner une plainte soumise dans une requête, le Comité contre la torture doit déterminer si la requête est recevable en vertu de l’article 22 de la Convention. Le Comité s’est assuré, comme il est tenu de le faire conformément au paragraphe 5 a) de l’article 22 de la Convention, que la même question n’a pas été et n’est pas actuellement examinée par une autre instance internationale d’enquête ou de règlement. Le Comité relève en outre que l’État partie n’a pas contesté que les recours internes aient été épuisés et ne conteste pas la recevabilité de la communication. Par conséquent, le Comité déclare la requête recevable et procède à son examen quant au fond.

Examen au fond

7.1Le Comité doit déterminer si, en renvoyant le requérant en Turquie, l’État partie manquerait à l’obligation qui lui est faite en vertu de l’article 3 de la Convention de ne pas expulser ou refouler un individu vers un autre État où il y a des motifs sérieux de croire qu’il risque d’être soumis à la torture.

7.2Pour ce faire, le Comité doit tenir compte de tous les éléments, y compris de l’existence dans l’État où le requérant serait renvoyé, d’un ensemble systématique de violations graves, flagrantes ou massives des droits de l’homme. Il s’agit cependant de déterminer si l’intéressé risque personnellement d’être soumis à la torture dans le pays vers lequel il serait renvoyé. Le Comité réaffirme que l’existence dans le pays d’un ensemble de violations systématiques des droits de l’homme, graves, flagrantes ou massives ne constitue pas en soi un motif suffisant pour établir que l’individu risque d’être soumis à la torture à son retour dans ce pays; il doit exister des motifs supplémentaires donnant à penser que l’intéressé court personnellement un risque. À l’inverse, l’absence d’un ensemble de violations flagrantes et systématiques des droits de l’homme ne signifie pas qu’une personne ne peut pas être considérée comme risquant d’être soumise à la torture dans les circonstances qui sont les siennes.

7.3Le Comité rappelle son Observation générale no 1 sur l’application de l’article 3 de la Convention et réaffirme que «l’existence (…) d’un risque [de torture] doit être appréciée selon des éléments qui ne se limitent pas à de simples supputations ou soupçons. En tout état de cause, il n’est pas nécessaire de montrer que le risque couru soit “hautement probable”»; le risque doit être encouru personnellement et actuellement. À ce propos, le Comité a conclu dans des décisions précédentes que le risque de torture devait être prévisible, réel et personnel. Il note aussi qu’il accordera un poids considérable, dans l’exercice de ses compétences en application de l’article 3 de la Convention, aux constatations de fait des organes de l’État partie intéressé.

7.4Dans la présente affaire, le Comité estime que les faits tels qu’ils ont été présentés ne lui permettent pas de conclure que le requérant court personnellement et actuellement un risque prévisible et réel de torture s’il est renvoyé en Turquie. Pour parvenir à cette conclusion, le Comité a noté que l’attaque − qui est, selon le requérant, la cause principale de l’attention que lui portent les autorités − avait eu lieu il y a bien longtemps, en 1993, et que le requérant n’avait pas apporté des arguments suffisants pour expliquer en quoi elle était pertinente dans la situation actuelle. Le Comité a aussi noté les allégations du requérant concernant les tortures qu’il aurait subies en 1993 et le fait qu’il n’a produit aucun certificat médical récent sur la question. Il note aussi les allégations selon lesquelles le père et l’oncle du requérant ont été persécutés par les autorités dans le but de savoir où il se trouve et qu’ils auraient perdu la vie en conséquence. À ce propos, le Comité note cependant que, dans le même temps, d’autres membres de la famille du requérant et le requérant lui-même ont vécu à Istanbul de nombreuses années après l’attaque présumée. Le Comité a aussi noté que le requérant a également fait valoir qu’en Turquie, il risquait d’être enrôlé dans l’armée, où il serait sans protection; toutefois, le Comité considère que cette allégation n’a pas non plus été suffisamment étayée pour être considérée comme pertinente et être prise en compte dans l’appréciation du risque que courrait le requérant en l’espèce.

7.5Le Comité a, enfin, pris note des conclusions du psychiatre soumises par le requérant après l’enregistrement de sa communication. Toutefois, il est d’avis que le seul fait que le requérant souffre aujourd’hui de difficultés psychologiques, relevées par le médecin, ne peut pas être considéré comme un motif suffisant pour obliger l’État partie à ne pas procéder à l’expulsion du requérant vers la Turquie.

7.6Étant donné ce qui précède, le Comité n’est pas convaincu que les faits dont il est saisi sont suffisants pour conclure que le requérant court personnellement un risque prévisible et réel d’être soumis à la torture s’il est renvoyé en Turquie. En conséquence, il conclut que l’expulsion du requérant vers ce pays ne constituerait pas une violation de l’article 3 de la Convention.

8.Le Comité contre la torture, agissant en vertu du paragraphe 7 de l’article 22 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, est d’avis que l’expulsion du requérant vers la Turquie ne constituerait pas une violation par l’État partie de l’article 3 de la Convention.

Notes

B.Décision concernant la recevabilité

Communication no 307/2006: E. Y. c. Canada

Présentée par:

E. Y. (représenté par un conseil)

Au nom de:

E. Y.

État partie:

Canada

Date de la requête:

29 octobre 2006 (date de la lettre initiale)

Le Comité contre la torture, institué en vertu de l’article 17 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,

Réuni le 4 novembre 2009,

Ayant achevé l’examen de la requête no 307/2006, présentée par E. Y. en vertu de l’article 22 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,

Ayant tenu compte de toutes les informations qui lui ont été communiquées par le requérant, son conseil et l’État partie,

Adopte ce qui suit:

Décision au titre du paragraphe 7 de l’article 22 de la Convention contre la torture

1.1Le requérant est E. Y., de nationalité iraquienne, né en 1964, qui doit être expulsé du Canada vers l’Iraq. Il affirme que son renvoi en Iraq constituerait une violation par le Canada de l’article 3 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Il est représenté par un conseil.

1.2Le 30 octobre 2006, le requérant a demandé au Comité d’inviter l’État partie à surseoir à l’exécution de l’ordonnance d’expulsion qui le visait dans l’attente de la décision finale du Comité sur sa requête. Le 31 octobre 2006, le Comité, par l’intermédiaire de son Rapporteur spécial chargé des nouvelles requêtes et des mesures provisoires, a transmis la requête à l’État partie sans lui demander de mesures provisoires de protection au titre du paragraphe 1 de l’article 108 de son règlement intérieur.

Exposé des faits

2.1Le requérant a été enrôlé dans l’armée iraquienne (la «Garde républicaine») en 1983 alors que l’Iraq était en guerre avec la République islamique d’Iran. Libéré de ses obligations militaires le 1er juillet 1990, il a été rappelé à la suite de l’invasion du Koweït par l’Iraq. Il a déserté la Garde républicaine en avril 1991 et est entré dans la clandestinité en Iraq. Il a ensuite quitté l’Iraq pour le Canada en passant par la Jordanie et le Maroc. Le 15 février 1996, il est arrivé à Montréal (Canada) et a immédiatement déposé une demande de protection en tant que réfugié.

2.2Le 2 juillet 1996, le requérant a soumis un formulaire de renseignements personnels (FRP) à l’appui de sa demande de statut de réfugié. Il a indiqué qu’il avait déserté la Garde républicaine pendant la guerre du Koweït puis qu’il avait repris son service après qu’une amnistie avait été prononcée pour les déserteurs. Cette amnistie n’a pas été respectée et des membres de la Police de sécurité militaire l’ont conduit à leur quartier général où il aurait été interrogé et torturé pendant une semaine. Il a ensuite été rendu à son unité dans l’attente de son procès. Craignant d’être condamné à mort, il s’est de nouveau enfui. Après avoir appris que son unité avait reçu l’ordre de l’exécuter, il n’a cessé de se déplacer d’un endroit à un autre en Iraq pendant trois ans jusqu’au moment où il a fui le pays.

2.3Le 7 octobre 1996, le requérant a été entendu par la Section du statut de réfugié de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié, compétente exclusivement pour déterminer s’il était un réfugié au sens de la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés. La Commission a informé le Ministre de la citoyenneté et de l’immigration et le requérant que celui-ci était exclu de la protection accordée aux réfugiés conformément à l’article 1 F de la Convention relative au statut des réfugiés.

2.4Le 3 septembre 1997, la Commission a établi que le requérant n’était pas un réfugié au sens de la Convention. Elle a fait valoir que son témoignage oral n’était guère crédible − en particulier quand il avait affirmé qu’en sa qualité de membre de la Garde républicaine il n’avait jamais tiré sur l’ennemi, ni tué quiconque, ni eu à s’occuper de prisonniers de guerre ou de civils iraniens −, qu’il y avait contradiction entre le rôle qu’il avait joué dans la ville iraquienne de Najaf en mars 1991 et la date de sa désertion, et qu’il était invraisemblable qu’il ait pu, alors qu’il était un déserteur condamné à mort, vivre avec sa mère à Bagdad et travailler pendant plus de trois ans avant de quitter l’Iraq. Elle a également considéré que l’écrasement par la Garde républicaine du soulèvement contre Saddam Hussein qui s’était produit à Najaf en 1991 équivalait à des crimes contre l’humanité au sens de l’alinéa a du paragraphe F de l’article premier de la Convention relative au statut des réfugiés. Compte tenu de son grade et de son long engagement dans la Garde républicaine, le requérant était nécessairement au fait des méthodes de cette organisation et soutenait ses objectifs. Même en admettant qu’il avait déserté au bout de trois jours à Najaf, il aurait participé aux bombardements aveugles sur la ville. Il avait donc été complice des crimes contre l’humanité commis par les membres de la Garde républicaine et était à ce titre exclu de la protection des réfugiés.

2.5Le requérant a déposé une demande d’autorisation de présenter une demande de contrôle judiciaire le 22 septembre 1997, que la Cour fédérale a rejetée le 22 janvier 1998.

2.6Le 17 août 1998, le requérant a fait une demande de résidence permanente fondée sur des motifs d’ordre humanitaire, alléguant que sa vie et sa sécurité physique seraient en danger s’il était renvoyé en Iraq. Cette demande a été examinée par un spécialiste de l’évaluation des risques au titre de l’ancienne catégorie de demandeur non reconnu du statut de réfugié au Canada (DNRSRC). L’agent a établi que le requérant ne risquait pas d’être tué ni d’être soumis à des sanctions extrêmes ou des traitements inhumains à son retour en Iraq. Le 28 juin 1999, la demande du requérant a été rejetée.

2.7Le requérant n’a pas sollicité l’autorisation de saisir la Cour fédérale en vue d’un contrôle judiciaire de la décision concernant sa demande pour motifs humanitaires.

2.8Le 14 août 1999, le requérant a épousé une Canadienne, qui a déposé une demande de parrainage de sa demande d’immigration au Canada le 20 août 1999. Le 6 mars 2002, Citoyenneté et Immigration Canada a informé le requérant que sa demande parrainée de titre de séjour permanent avait été refusée au motif qu’il ne pouvait pas être admis dans le pays parce qu’il existait des motifs raisonnables de croire qu’il avait participé à des crimes contre l’humanité. L’appel interjeté par son épouse auprès de la Division d’appel de l’immigration a été rejeté le 5 juillet 2004 en vertu de l’article 64 de la loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, la Division d’appel s’étant déclarée incompétente pour statuer sur le rejet de la demande de parrainage d’une personne jugée non admissible au Canada.

2.9Le 18 novembre 2004, le requérant a présenté une demande d’examen des risques avant renvoi conformément à l’article 112 de la loi sur l’immigration et la protection des réfugiés. Dans cette demande, il a indiqué que, depuis le changement de régime en Iraq, il ne risquait plus d’être tué ou soumis à des traitements cruels ou inhabituels à son retour dans le pays parce qu’il avait déserté l’armée mais parce qu’il était musulman sunnite et avait servi dans la Garde républicaine sous Saddam Hussein. La prison d’Abou Ghraib à Bagdad était pleine d’anciens membres de la Garde républicaine.

2.10Le 21 janvier 2005, le requérant a été informé que sa demande d’examen des risques avant renvoi avait été rejetée parce qu’il a été estimé qu’il ne courrait pas personnellement le risque d’être tué ou d’être soumis à la torture ou à des peines ou traitements cruels et inhabituels s’il était renvoyé en Iraq. L’agent de l’examen des risques avant renvoi a relevé que le nom du requérant ne figurait pas sur la liste des personnes les plus recherchées d’Iraq. Sa crainte de rentrer parce qu’il avait déserté l’armée n’était plus objectivement fondée depuis la chute du régime de Saddam. Le fait qu’il soit musulman sunnite et ancien membre de la Garde républicaine n’était pas en soi une raison pour que les forces de la coalition le considèrent comme un ennemi ou un terroriste à emprisonner. Au contraire, d’anciens membres de la Garde républicaine avaient été autorisés à travailler dans la fonction publique ou à rejoindre les forces armées du nouveau gouvernement. Vu son rang peu élevé, il n’y avait aucune raison de croire que l’intéressé serait victime d’actes de vengeance. L’instabilité générale en Iraq touchait tous les Iraquiens et non uniquement le requérant.

2.11Le requérant n’a pas sollicité l’autorisation de saisir la Cour fédérale en vue d’un contrôle judiciaire de la décision d’examen des risques avant renvoi.

2.12Le 11 février 2005, un arrêté d’expulsion a été pris contre le requérant. Le 19 octobre 2006, celui-ci a été informé qu’il serait expulsé vers l’Iraq via la Jordanie le 31 octobre 2006. Le 29 octobre 2006, il a demandé à l’agent chargé de son expulsion d’en surseoir l’exécution jusqu’à ce que le Comité ait pris une décision définitive sur sa requête. Par fac-similé en date du 30 octobre 2006, l’Agence des services frontaliers du Canada a informé le requérant que sa demande de report avait été rejetée.

2.13Le 30 octobre 2006, le requérant a sollicité l’autorisation de saisir la Cour fédérale en vue d’un contrôle judiciaire de la décision de ne pas surseoir à son expulsion. Cependant, il n’a pas présenté les documents nécessaires pour compléter son dossier. Sa demande était toujours en instance au moment de la soumission de la requête. Le requérant a également demandé qu’il soit sursis à l’exécution de la mesure d’expulsion dont il faisait l’objet. Le 31 octobre 2006, la Cour fédérale a rejeté sa demande.

2.14Le requérant ne s’est pas présenté le 31 octobre 2006, jour prévu pour son expulsion du Canada. En conséquence, un mandat d’arrêt a été délivré contre lui conformément à l’article 55 1) de la loi sur l’immigration et la protection des réfugiés. On ignore où il se trouve actuellement.

Teneur de la plainte

3.1Le requérant affirme que son renvoi forcé en Iraq constituerait une violation par l’État partie de l’article 3 de la Convention car il existe des motifs sérieux de croire qu’il serait torturé, voire tué dans l’Iraq actuel, parce qu’il a été membre de la Garde républicaine de Saddam Hussein et parce qu’il est musulman sunnite.

3.2Le requérant fait valoir que la situation des droits de l’homme est si critique en Iraq que même des gens ordinaires sont torturés et tués. Renvoyant au rapport de la Mission d’assistance des Nations Unies pour l’Iraq (MANUI) sur la situation des droits de l’homme entre le 1er juillet et le 31 août 2006, il relève que la torture est très répandue en Iraq et que les personnes associées à l’ancien régime continuent d’être victimes de meurtres commis à titre de vengeance.

3.3Le requérant souligne qu’il n’a jamais commis de crimes de guerre ni de crimes contre l’humanité.

3.4Le requérant fait valoir que la même question n’a pas été examinée et n’est pas en cours d’examen devant une autre instance internationale d’enquête ou de règlement, et qu’il n’existe pas dans l’État partie d’autres recours disponibles qui empêcheraient les autorités canadiennes de le renvoyer en Iraq. Il explique qu’il n’a pas sollicité l’autorisation de saisir la Cour fédérale en vue d’un contrôle judiciaire de la décision d’examen des risques avant renvoi datée du 21 janvier 2005 parce que son avocat canadien lui avait dit que les voies de recours qui lui étaient ouvertes étaient épuisées. Il a eu quatre avocats différents avant celui qui le représente actuellement.

Observations de l’État partie sur la recevabilité et sur le fond

4.1Dans une note du 27 mars 2007, l’État partie a contesté la recevabilité de la requête pour non-épuisement des recours internes et parce qu’elle est manifestement injustifiée, conformément au paragraphe 5 b) de l’article 22 et aux alinéas b et e de l’article 107 du Règlement intérieur du Comité. Subsidiairement, il fait valoir qu’elle est dénuée de fondement.

4.2L’État partie rappelle la jurisprudence du Comité selon laquelle celui-ci ne peut examiner que les requêtes qui font état, éléments de preuve à l’appui, de violations des droits protégés par la Convention, et affirme que le requérant n’a pas étayé ses allégations, même prima facie. Les arguments qu’il a présentés au Comité sont pour l’essentiel les mêmes que ceux présentés aux autorités canadiennes lorsqu’il a demandé le statut de réfugié. L’État partie fait valoir que le Comité n’a pas pour rôle d’apprécier les éléments de preuve ni de réexaminer les constatations de fait des juridictions ou autorités nationales sauf s’il peut être établi que ces constatations sont arbitraires ou injustifiées. Le requérant ne prétend pas que les procédures nationales ont constitué un déni de justice ou ont été arbitraires ou injustes ou de toute autre manière contestables, et les éléments présentés ne montrent pas que les décisions des autorités canadiennes aient été entachées d’irrégularités. En fait, le requérant est simplement contrarié par l’issue de la procédure qu’il a engagée et par la perspective d’être expulsé du Canada. Il n’existe donc pas de motifs pour lesquels le Comité pourrait juger nécessaire de réévaluer les conclusions des tribunaux nationaux quant aux faits, aux éléments de preuve et à la crédibilité.

4.3Sur les recours internes, l’État partie fait valoir que le requérant n’a pas sollicité l’autorisation de faire procéder à un contrôle judiciaire de la décision du 28 juin 1999 concernant sa demande pour motifs humanitaires, ni de la décision d’examen des risques avant renvoi datée du 21 janvier 2005. Il n’a pas non plus fourni les documents demandés pour compléter sa demande d’autorisation (de saisir la Cour fédérale) au sujet de la décision du 30 octobre 2006 de ne pas surseoir à son expulsion. L’État partie insiste sur le fait que le contrôle judiciaire est un recours utile. Il conclut qu’étant donné que le requérant n’a pas demandé un contrôle judiciaire de la décision concernant sa demande pour motifs humanitaires ni de la décision d’examen des risques avant renvoi, ni rempli avec diligence le dossier de sa demande d’autorisation en cours, sa requête est irrecevable pour non-épuisement des recours internes.

5.1Sur le fond, l’État partie rappelle que, conformément à l’article 3 de la Convention, c’est au requérant qu’il appartient d’établir qu’il existe des motifs sérieux, qui ne se limitent pas à de simples supputations ou soupçons, de croire qu’il risque personnellement d’être soumis à la torture à son retour dans son pays d’origine. La situation générale des droits de l’homme dans un pays ne suffit pas à établir l’existence de ce risque personnel. L’État partie fait valoir que les incohérences qui rendent la requête peu crédible, l’absence de preuves que le requérant a été torturé dans le passé et son grade inférieur au sein de la Garde républicaine amènent à conclure qu’il n’existe aucun motif sérieux de croire que le requérant serait personnellement en danger s’il retournait en Iraq.

5.2En ce qui concerne la crédibilité du requérant, l’État partie fait valoir que son témoignage devant la Commission de l’immigration et du statut de réfugié, à laquelle il a affirmé n’avoir jamais tiré sur l’ennemi, tué quiconque ni eu à s’occuper de prisonniers de guerre ou de civils iraniens pendant les huit années qu’il a passées au sein de la Garde républicaine, est invraisemblable, d’autant qu’il a indiqué avoir été promu à trois reprises. De même, il est peu probable qu’il ait pu, alors qu’il était sergent, s’abstenir de participer à une attaque aveugle d’artillerie sur Najaf, aux arrestations maison par maison, aux rafles de dignitaires religieux, aux exécutions publiques et aux massacres de civils perpétrés au cours des trois jours précédant sa prétendue désertion. La date de désertion qu’il a donnée à la Commission ne correspond pas avec celle portée dans le formulaire de renseignements personnels (FRP) où il a indiqué avoir déserté pendant la guerre du Golfe de 1990, alors que le soulèvement de Najaf a eu lieu après la guerre. Enfin, l’État partie réaffirme qu’il est invraisemblable qu’un déserteur qui aurait été condamné à mort ait pu vivre avec sa mère et travailler à Bagdad pendant plus de trois ans sans avoir de problèmes. Si le requérant était réellement un homme «recherché», il était impensable qu’il ait pu obtenir un passeport à son nom en 1995 et un visa de sortie en 1996, comme il l’a indiqué dans son FRP.

5.3L’État partie fait valoir que le requérant n’a pas donné de détails ni apporté de preuve corroborante, tels que des rapports médicaux ou des cicatrices, des actes de torture que lui aurait infligé la Police de sécurité militaire en 1992 – et donc en aucun cas dans un passé récent. En outre, la torture sous l’ancien régime de Saddam Hussein ne saurait être considérée comme une indication que le requérant risque toujours d’être torturé dans l’Iraq actuel.

5.4Tout en reconnaissant que la situation des droits de l’homme est loin d’être satisfaisante en Iraq, l’État partie fait valoir que la violence généralisée et l’instabilité ne suffisent pas à étayer l’argument du requérant qui affirme qu’il devrait faire face à un risque prévisible, réel et personnel d’être torturé à son retour dans le pays. Il cite une affaire analogue dans laquelle le Comité n’a pas considéré que l’éventuel renvoi de l’intéressé en Iraq constituerait une violation de l’article 3 de la Convention dès lors que la situation problématique du pays était le seul argument invoqué pour montrer que la personne courrait personnellement un risque. D’après le rapport de la MANUI cité par le requérant, seuls les militaires de haut rang et les membres des forces aériennes sont la cible d’exécutions extrajudiciaires. Rien dans la situation du requérant n’indique qu’il serait personnellement en danger en Iraq. En outre, il n’a pas montré qu’il courrait un risque dans toutes les régions du pays. Le simple fait qu’il pourrait être empêché de retourner dans sa ville natale n’équivaut pas en soi à la torture. Enfin, on ne sait pas si le requérant craint d’être torturé par des agents de l’État ou par d’autres personnes, ou par les uns et les autres.

Commentaires du requérant

6.1Dans une réponse du 30 mai 2007, le conseil a informé le Comité que le requérant n’avait pas pris contact avec lui depuis le 31 octobre 2006. Sur la question de l’épuisement des recours internes, il fait observer qu’il ne peut faire aucun commentaire sur les procédures internes relatives à la demande de statut de réfugié du requérant, à sa demande pour motifs humanitaires, à la demande de parrainage de son épouse et à sa demande d’examen des risques avant renvoi parce qu’il ne représente le requérant que dans la procédure concernant le report et la suspension de son expulsion. Après que la Cour fédérale avait refusé d’accueillir la demande du requérant et de surseoir à l’expulsion, «il n’y avait aucune raison de poursuivre les démarches auprès de la Cour fédérale […]» et il n’existait aucun autre recours disponible. Aucune autre explication n’est donnée au sujet de l’épuisement et de la disponibilité ou de l’utilité des recours internes.

6.2Le conseil fait valoir que de notoriété publique, des centaines de milliers d’Iraquiens ont fui leur pays et «l’effondrement de la vie civilisée en Iraq s’accompagne d’une violence épouvantable qui est le fait non seulement de soldats étrangers, de policiers iraquiens et d’hommes armés venus d’autres pays mais aussi de groupes et d’individus iraquiens armés par des intérêts privés». En outre, la situation en Iraq s’est détériorée depuis l’examen des risques avant renvoi du requérant, qui a été effectuée en 2004.

6.3Le conseil récuse les arguments de l’État partie pour qui «l’instabilité en Iraq touche tous les Iraquiens et toutes les personnes présentes dans le pays et non uniquement [le requérant]» et «la violence généralisée et l’instabilité ne suffisent pas à étayer l’argument du requérant qui affirme qu’il devrait faire face à un risque prévisible, réel et personnel d’être torturé à son retour dans le pays». Si tous ceux qui sont présents en Iraq sont touchés par la violence généralisée et l’instabilité, personne ne devrait être renvoyé dans ce pays. En outre, si la violence est généralisée, «elle touche toutes les régions du pays».

6.4Étant donné que le requérant a fait partie dans le passé des forces armées de Saddam Hussein, le risque dans son cas est sans doute supérieur à celui que court une personne qui n’a pas de lien avec l’ancien régime. Compte tenu de la gravité de la situation des droits de l’homme en Iraq, toute personne précédemment associée à Saddam Hussein courrait un risque important si elle était renvoyée en Iraq, et notamment le requérant.

Réponses complémentaires de l’État partie

7.1Dans une note du 24 septembre 2007, l’État partie a réaffirmé que la requête était irrecevable en raison du non-épuisement des recours internes et parce qu’elle était manifestement injustifiée, et en tout état de cause dénuée de fondement. Le fait que le précédent avocat du requérant ne lui ait pas conseillé de solliciter l’autorisation de demander un contrôle judiciaire de la décision du 28 juin 1999 concernant sa demande pour motifs humanitaires et de la décision d’examen des risques avant renvoi du 21 janvier 2005 ne le dispense pas de s’acquitter de l’obligation d’épuiser les recours internes, car les erreurs commises par l’avocat dont il s’est attaché les services à titre privé ne peuvent pas être imputées à l’État partie.

7.2Faisant référence à une décision du Comité des droits de l’homme selon laquelle le fait de ne pas remplir une demande d’autorisation avec la diligence voulue rendait la communication irrecevable, l’État partie conteste l’argument du conseil pour qui «il n’y avait aucune raison de poursuivre les démarches» après le rejet par la Cour fédérale de la demande du requérant tendant à ce qu’il soit sursis à son expulsion.

7.3L’État partie rappelle que le conseil méconnaît l’obligation qui incombe au requérant d’établir qu’il court personnellement le risque d’être torturé en faisant valoir que tout le monde, y compris le requérant, risque d’être torturé en Iraq puisque la situation des droits de l’homme y est très dégradée. Conformément à la jurisprudence du Comité et à son Observation générale no 1 sur l’article 3, les mauvaises conditions qui règnent dans un pays ne suffisent pas, en elles-mêmes, à montrer qu’un requérant devrait faire face à un risque prévisible, réel et personnel d’être soumis à la torture à son retour dans son pays d’origine.

Commentaires supplémentaires du requérant

8.Le 1er octobre 2008, le conseil a fait savoir au Comité qu’il avait pris contact avec le requérant, par l’intermédiaire d’un parent puisque le requérant se cachait toujours et ne voulait pas révéler où il se trouvait. Il était déprimé; sa femme canadienne avait demandé et obtenu le divorce. Sa mère et sa sœur avaient quitté l’Iraq pour l’Égypte et avaient peur de rentrer. Son unique frère, qui était resté en Iraq, avait été assassiné le 3 février 2008 à cause de son appartenance sunnite et de son nom. Le requérant n’avait donc plus aucun parent en Iraq.

Délibérations du Comité

9.1Avant d’examiner une plainte soumise dans une requête, le Comité contre la torture doit déterminer si la requête est recevable en vertu de l’article 22 de la Convention. Le Comité s’est assuré, comme il est tenu de le faire conformément au paragraphe 5 a) de l’article 22 de la Convention, que la même question n’a pas été et n’est pas actuellement examinée par une autre instance internationale d’enquête ou de règlement.

9.2Conformément à l’alinéa b du paragraphe 5 de l’article 22 de la Convention, le Comité n’examine aucune communication sans s’être assuré que le requérant a épuisé tous les recours internes disponibles; cette règle ne s’applique pas s’il est établi que les procédures de recours ont excédé des délais raisonnables ou qu’il est peu probable qu’elles donnent, à l’issue d’un procès équitable, satisfaction à la victime présumée.

9.3Le Comité note que d’après l’État partie, la requête devrait être déclarée irrecevable en vertu du paragraphe 5 b) de l’article 22 de la Convention parce que le requérant n’avait pas sollicité l’autorisation de demander un contrôle judiciaire de la décision du 28 juin 1999 concernant sa demande pour motifs humanitaires et de la décision d’examen des risques avant renvoi du 21 janvier 2005, et qu’il n’avait pas présenté les documents nécessaires pour compléter sa demande d’autorisation concernant la décision du 30 octobre 2006 de ne pas surseoir à son expulsion. Il note également que le requérant ne conteste pas l’efficacité du recours que constitue le contrôle judiciaire, alors qu’il a eu la possibilité de le faire. À ce propos, le Comité rappelle que lorsque la Cour fédérale accueille une demande de contrôle judiciaire concernant une décision d’examen des risques avant renvoi ou une décision prise par Citoyenneté et Immigration Canada au sujet d’une demande pour motifs humanitaires, elle renvoie le dossier à un autre agent de l’organe qui a pris la décision initiale. Cependant, il fait également observer que pour autant, les demandes d’autorisation ou de contrôle judiciaire ne sont pas de simples formalités qui, en règle générale, n’ont pas à être épuisées par un requérant aux fins du paragraphe 5 b) de l’article 22 de la Convention. Au contraire, la Cour fédérale peut, le cas échéant, examiner le fond de l’affaire. Elle peut, dans ce contexte, indiquer pourquoi elle renvoie une affaire devant l’organisme qui a pris la décision initiale et pourquoi elle estime que cette décision doit être reconsidérée. Le Comité rappelle que si, d’après sa jurisprudence, un appel contre le rejet d’une demande d’examen pour raisons humanitaires ne fait pas partie des voies de recours qui doivent être épuisées, le requérant n’a pas fait preuve de diligence pour épuiser les recours ouverts concernant deux autres décisions négatives. En l’espèce, le Comité ne considère pas que les demandes d’autorisation en vue d’un contrôle judiciaire de la décision d’examen des risques avant renvoi et de la décision relative à la demande pour motifs humanitaires ont été des recours inefficaces dans le cas du requérant, en l’absence de circonstances particulières invoquées par lui à l’appui de cette thèse.

9.4En ce qui concerne l’explication du requérant qui affirme n’avoir pas sollicité l’autorisation de demander un contrôle judiciaire de la décision d’examen des risques avant renvoi du 21 janvier 2005 parce que, d’après son avocat de l’époque, les recours internes avaient été épuisés, le Comité note que le requérant n’a pas prétendu qu’il était représenté par un avocat commis d’office. Il rappelle que les erreurs commises par un conseil dont le requérant s’est attaché les services à titre privé ne peuvent normalement pas être imputées à l’État partie et conclut que le requérant n’a pas produit suffisamment d’éléments justifiant qu’il ne se soit pas prévalu de la possibilité de demander le contrôle judiciaire de la décision d’examen des risques avant renvoi ou de la décision du 28 juin 1999 concernant sa demande pour motifs humanitaires. Il n’a pas non plus expliqué pourquoi il n’a pas complété le dossier de sa demande d’autorisation en vue d’un contrôle judiciaire de la décision du 30 octobre 2006 de ne pas surseoir à son expulsion.

9.5Le Comité est donc d’avis que les recours internes n’ont pas été épuisés conformément au paragraphe 5 b) de l’article 22 de la Convention.

10.En conséquence, le Comité contre la torture décide:

a)Que la requête est irrecevable;

b)Que la présente décision sera communiquée à l’État partie et au requérant.

Notes