État partie

Date à laquelle le rapport était attendu

Rapports initiaux

Ouganda

25 juin 1988

Togo

17 décembre 1988

Guyana

17 juin 1989

Brésil

27 octobre 1990

Guinée

8 novembre 1990

Somalie

22 février 1991

Estonie

19 novembre 1992

Yémen

4 décembre 1992

Bosnie‑Herzégovine

5 mars 1993

Bénin

10 avril 1993

Lettonie

13 mai 1993

Seychelles

3 juin 1993

Cap‑Vert

3 juillet 1993

Cambodge

13 novembre 1993

Burundi

19 mars 1994

Antigua‑et‑Barbuda

17 août 1994

Costa Rica

10 décembre 1994

Éthiopie

12 avril 1995

Albanie

9 juin 1995

Tchad

9 juillet 1996

République de Moldova

27 décembre 1996

Côte d'Ivoire

16 janvier 1997

Lituanie

1er mars 1997

République démocratique du Congo

16 avril 1997

Malawi

10 juillet 1997

Honduras

3 janvier 1998

Kenya

22 mars 1998

Arabie saoudite

21 octobre 1998

Bahreïn

4 avril 1999

Kazakhstan

24 septembre 1999

Bangladesh

3 novembre 1999

Niger

3 novembre 1999

Zambie

5 novembre 1999

Indonésie

26 novembre 1999

Afrique du Sud

8 janvier 2000

Burkina Faso

2 février 2000

Mali

27 mars 2000

Bolivie

11 mai 2000

Deuxièmes rapports périodiques

Afghanistan

25 juin 1992

Belize

25 juin 1992

Cameroun

25 juin 1992

Philippines

25 juin 1992

Ouganda

25 juin 1992

Togo

17 décembre 1992

Guyana

17 juin 1993

Turquie

31 août 1993

Brésil

27 octobre 1994

Guinée

8 novembre 1994

Somalie

22 février 1995

Roumanie

16 janvier 1996

Népal

12 juin 1996

Venezuela

27 août 1996

Yougoslavie

9 octobre 1996

Estonie

19 novembre 1996

Yémen

4 décembre 1996

Jordanie

12 décembre 1996

Monaco

4 janvier 1997

Bosnie‑Herzégovine

5 mars 1997

Bénin

10 avril 1997

Lettonie

13 mai 1997

Seychelles

3 juin 1997

Cap‑Vert

3 juillet 1997

Cambodge

13 novembre 1997

Burundi

19 mars 1998

Slovaquie

27 mai 1998

Slovénie

14 août 1998

Antigua-et-Barbuda

17 août 1998

Arménie

12 octobre 1998

Costa Rica

10 décembre 1998

Sri Lanka

1er février 1999

Éthiopie

12 avril 1999

Albanie

9 juin 1999

États-Unis d'Amérique

19 novembre 1999

Ex‑République yougoslave de Macédoine

11 décembre 1999

Namibie

27 décembre 1999

République de Corée

7 février 2000

Tadjikistan

9 février 2000

Troisièmes rapports périodiques

Afghanistan

25 juin 1996

Belize

25 juin 1996

Bulgarie

25 juin 1996

Cameroun

25 juin 1996

France

25 juin 1996

Philippines

25 juin 1996

Fédération de Russie

25 juin 1996

Sénégal

25 juin 1996

Ouganda

25 juin 1996

Uruguay

25 juin 1996

Autriche

27 août 1996

Luxembourg

28 octobre 1996

Togo

17 décembre 1996

Colombie

6 janvier 1997

Équateur

28 avril 1997

Guyana

17 juin 1997

Turquie

31 août 1997

Tunisie

22 octobre 1997

Chili

29 octobre 1997

Australie

6 septembre 1998

Algérie

11 octobre 1998

Brésil

27 octobre 1998

Guinée

8 novembre 1998

Nouvelle‑Zélande

8 janvier 1999

Somalie

22 février 1999

Malte

12 octobre 1999

Allemagne

30 octobre 1999

Liechtenstein

1er décembre 1999

Roumanie

16 janvier 2000

30.Le Comité s'est déclaré préoccupé par le nombre d'États parties n'ayant pas respecté leur obligation de présenter leur rapport. En ce qui concerne, en particulier, les États parties dont les rapports avaient plus de quatre ans de retard, le Comité a déploré qu'en dépit des divers rappels du Secrétaire général et des lettres ou messages adressés par le Président à leurs ministres des affaires étrangères respectifs, ces États parties ne se soient toujours pas acquittés des obligations auxquelles ils avaient librement souscrit en vertu de la Convention. Il a souligné qu'il était de son devoir de surveiller l'application de la Convention et que le manquement d'un État partie à l'obligation de présenter des rapports constituait une violation des dispositions de la Convention.

31.À cet égard, le Comité a décidé de continuer, selon l'usage établi, à communiquer les listes des États dont les rapports sont en retard lors des conférences de presse qu'il tient habituellement à la fin de chaque session.

32.Par ailleurs, le Comité a fait sienne la recommandation formulée à la onzième réunion des présidents des organes créés en vertu d'instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme (31 mai‑4 juin 1999), selon laquelle, pour rappeler aux États parties l'obligation de présenter des rapports, un document serait établi chaque année indiquant les rapports qu'ils avaient soumis au titre d'instruments relatifs aux droits de l'homme, y compris la Convention. L'envoi de rappels par note verbale, ne serait ainsi plus nécessaire.

33.On trouvera à l'annexe VI du présent rapport l'exposé de la situation au 19 mai 2000 (date de clôture de la vingt‑quatrième session du Comité) en ce qui concerne la présentation des rapports par les États parties en application de l'article 19 de la Convention.

IV. EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIESEN APPLICATION DE L'ARTICLE 19 DE LA CONVENTION

34.À ses vingt-troisième et vingt-quatrième sessions, le Comité a examiné les rapports présentés par 15 États parties, au titre du paragraphe 1 de l'article 19 de la Convention. À sa vingt‑troisième session, il était saisi des rapports énumérés ci-après dans l'ordre dans lequel ils avaient été reçus par le Secrétaire général :

Malte : deuxième rapport périodiqueCAT/C/29/Add.6

Autriche : deuxième rapport périodiqueCAT/C/17/Add.21

Finlande : troisième rapport périodiqueCAT/C/44/Add.6

Pérou : troisième rapport périodiqueCAT/C/39/Add.1

Azerbaïdjan : rapport initialCAT/C/37/Add.3

Kirghizistan : rapport initialCAT/C/42/Add.1

Ouzbékistan : rapport initialCAT/C/32/Add.3

35.À sa vingt-quatrième session, le Comité était saisi des rapports énumérés ci-après dans l'ordre dans lequel ils avaient été reçus par le Secrétaire général :

Pays-Bas : troisième rapport périodiqueCAT/C/44/Add.4

Pologne : troisième rapport périodiqueCAT/C/44/Add.5

Portugal : troisième rapport périodiqueCAT/C/44/Add.7

Chine : troisième rapport périodiqueCAT/C/39/Add.2

Paraguay : troisième rapport périodiqueCAT/C/49/Add.1

Arménie : deuxième rapport périodiqueCAT/C/43/Add.3

El Salvador : rapport initialCAT/C/44/Add.3

Slovénie : rapport initialCAT/C/24/Add.5

États-Unis d'Amérique : rapport initialCAT/C/28/Add.5

36.Le Comité est convenu, sur la demande du gouvernement intéressé, de reporter l'examen du deuxième rapport périodique de l'Arménie.

37.Conformément à l'article 66 de son règlement intérieur, le Comité a invité des représentants de tous les États parties qui présentaient des rapports à assister aux séances au cours desquelles leurs rapports respectifs étaient examinés. Tous les États parties concernés ont envoyé des représentants, qui ont participé à l'examen de leurs rapports respectifs.

38.Conformément à la décision prise par le Comité à sa quatrième session le Président, en consultation avec les membres du Comité et le secrétariat, a désigné un rapporteur et un rapporteur suppléant pour chacun des rapports présentés par les Etats parties et examinés à ses vingt-troisième et vingt-quatrième sessions. On trouvera à l'annexe VII la liste de ces rapports et les noms des rapporteurs et de leurs suppléants.

39.Dans le cadre de l'examen des rapports, le Comité était aussi saisi des documents suivants :

a)Directives générales concernant la forme et le contenu des rapports initiaux que les États parties doivent présenter en application de l'article 19 de la Convention (CAT/C/4/Rev.2).

b)Directives générales concernant la forme et le contenu des rapports périodiques que les États parties doivent présenter en application de l'article 19 de la Convention (CAT/C/14/Rev.1).

40.Conformément à la décision prise par le Comité à sa onzième session on trouvera dans les sections qui suivent, présentées selon l'ordre dans lequel le Comité a examiné les rapports des différents pays, des références aux rapports et aux comptes rendus analytiques des séances auxquelles ils ont été examinés ainsi que les conclusions et recommandations adoptées par le Comité à propos des rapports examinés à ses vingt-troisième et vingt-quatrième sessions.

A. Malte

41.Le Comité a examiné le deuxième rapport périodique de Malte (CAT/C/29/Add.6) à ses 393ème, 396ème et 398ème séances, les 9, 10 et 11 novembre 1999 (CAT/C/SR.393, 396 et 398), et a adopté les conclusions et recommandations ci-après.

1. Introduction

42.Le Comité note que le rapport a été soumis avec un retard de deux ans, qu'il était bref et qu'il n'était pas rédigé en parfaite conformité avec les directives pour l'établissement des rapports périodiques de juin 1998. Cependant, le rapport a été complété par une présentation orale détaillée et riche de renseignements actualisés du représentant de l'État partie ainsi que par les réponses complètes apportées aux questions posées par les membres du Comité.

43.Tout en comprenant les difficultés que rencontrent les petits pays pour s'acquitter de leurs obligations en matière de présentation des rapports périodiques, le Comité souhaite souligner qu'il lui est nécessaire de disposer de renseignements écrits complets pour pouvoir apprécier la mise en œuvre de la Convention.

2. Aspects positifs

44.Le Comité accueille avec satisfaction les faits nouveaux suivants :

a)l'amélioration des installations de détention et en particulier les dispositions prises pour que les émigrés en situation irrégulière soient hébergés dans des dortoirs anciennement occupés par le personnel de police;

b)le transfert des fonctions de supervision des demandeurs d'asile du Groupe des missions spéciales (Special Assignment Group) à la police ordinaire;

c)la ratification de la Convention européenne d'extradition de 1957;

d)l'incorporation d'un enseignement relatif aux droits de l'homme dans le programme de formation de l'école de police;

e)l'achèvement et la présentation prochaine au Parlement d'une nouvelle loi sur l'asile qui prévoira notamment : i) la levée de l'exception géographique qui limitait l'octroi de l'asile aux réfugiés européens; ii) la nomination d'un commissaire chargé de se prononcer sur les demandes d'asile; iii) le droit de faire recours contre la décision du commissaire devant une commission d'appel indépendante; iv) l'interdiction d'expulser des demandeurs d'asile avant que leur cas n'ait été définitivement tranché.

3. Recommandations

45.Le Comité recommande à l'État partie :

a)de veiller à ce que la nouvelle loi sur l'asile qui est prévue soit conforme aux dispositions de la Convention;

b)de veiller à ce que les victimes de torture ne soient pas dissuadées de porter plainte par quelque forme d'intimidation ou de menace que ce soit, y compris la menace de faire l'objet de mesures légales;

c)de soumettre le prochain rapport périodique, qui était attendu pour le 12 octobre 1999, d'ici au mois de décembre 2000 et de l'établir en suivant les directives élaborées par le Comité.

B. Autriche

46.Le Comité a examiné le deuxième rapport périodique de l'Autriche (CAT/C/17/Add.21) à ses 395ème, 398ème et 400ème séances les 10, 11 et 12 novembre 1999 (CAT/C/SR.395, 398 et 400) et adopté les conclusions et recommandations suivantes.

1. Introduction

47.Le Comité se félicite du dialogue qui s'est déroulé avec les représentants de l'Autriche. Il regrette néanmoins que le rapport, attendu pour août 1992, n'ait été soumis qu'en octobre 1998 et qu'il n'ait pas été rédigé selon les directives du Comité pour l'établissement des rapports périodiques.

2. Aspects positifs

48.Le Comité note avec satisfaction les éléments suivants :

a)la loi de 1993 sur les forces de l'ordre;

b)les directives sur l'intervention des organes chargés de la sécurité publique;

c)le fait que le Gouvernement fédéral soit tenu de soumettre tous les ans au Parlement un rapport sur les interventions policières;

d)la mise en place d'un système de surveillance, conformément aux dispositions de l'article 11 de la Convention;

e)la loi de 1993 portant modification du Code de procédure pénale et la loi de 1992 sur les plaintes pour violation des droits fondamentaux.

3. Sujets de préoccupation

49.Le Comité est préoccupé par les éléments suivants :

a)bien que la Convention ait dans le droit autrichien rang de loi et qu'elle soit directement applicable, la législation pénale ne contient pas de définition de la torture telle qu'elle est donnée à l'article premier de la Convention et par conséquent le délit de torture n'apparaît pas comme une infraction passible des peines appropriées, comme le prévoit le paragraphe 2 de l'article 4 de la Convention;

b)malgré l'entrée en vigueur de la loi de 1993 sur les forces de l'ordre, des cas de mauvais traitements par la police continuent d'être signalés;

c)les personnes qui pourraient porter plainte pour des violences commises par des fonctionnaires de police peuvent être dissuadées de le faire par les dispositions permettant à la police d'accuser de diffamation une personne qui porte plainte contre eux;

d)les mesures de protection prévues pour les individus frappés d'un arrêté d'expulsion sont insuffisantes car elles ne sont pas en conformité avec les dispositions des articles 3 et 11 de la Convention, comme l'illustre tout particulièrement un cas de décès pendant l'expulsion.

4. Recommandations

50.Le Comité recommande ce qui suit :

a)l'État partie devrait instituer des dispositions pénales faisant expressément de la torture, telle que définie à l'article premier de la Convention, une infraction punissable conformément au paragraphe 2 de l'article 4 de la Convention;

b)des instructions claires devraient être données à la police par les autorités compétentes, afin d'éviter tout mauvais traitement par les fonctionnaires de police. Il faudrait dans ces instructions souligner que les mauvais traitements de la part des responsables de l'application de la loi ne seront pas tolérés, feront sans délai l'objet d'une enquête et seront réprimés, si une violation est établie, en application de la loi;

c)les dispositions relatives à la protection des demandeurs d'asile devraient être pleinement conformes aux normes internationales en la matière, en particulier aux articles 3 et 11 de la Convention, dans la loi comme dans la pratique;

d)le troisième rapport périodique de l'Autriche, qui était attendu pour août 1996, devrait être établi selon les directives du Comité et parvenir à celui-ci avant décembre 2000.

C. Finlande

51.Le Comité a examiné le troisième rapport périodique de la Finlande (CAT/C/44/Add.6) à ses 397ème, 400ème et 402ème séances, les 11, 12 et 15 novembre 1999 (CAT/C/SR.397, 400 et 402) et a adopté les conclusions et recommandations ci-après :

1. Introduction

52.Le Comité accueille avec satisfaction le troisième rapport périodique de la Finlande qui a été soumis en temps voulu et était rédigé en pleine conformité avec ses directives pour l'établissement des rapports périodiques. Il se félicite également du dialogue fructueux et empreint de franchise qui s'est instauré entre les représentants de haut niveau de l'État partie et lui-même.

2. Aspects positifs

53.Le Comité note avec satisfaction les éléments suivants :

a)l'adoption de la loi sur l'exécution des peines;

b)la modification de la loi sur la santé mentale et de la loi sur les hôpitaux psychiatriques publics;

c)la modification de la loi sur la discipline militaire;

d)la réforme du ministère public;

e)les mesures prises pour améliorer les conditions de détention des Roms et des étrangers;

f)la diminution de la population carcérale;

g)les efforts engagés pour mettre au point des programmes éducatifs à l'intention des membres de la police et des personnels en contact avec les demandeurs d'asile;

h)les mesures légales prises pour héberger les requérants d'asile dans des locaux autres que des locaux pénitentiaires;

i)la pratique tendant à ce que toutes les déclarations de l'accusé soient mises à la disposition du juge qui, conformément à la loi, ne doit tenir compte que des déclarations faites librement, comme il est prescrit à l'article 15 de la Convention.

3. Sujets de préoccupation

54.Le Comité est préoccupé par les éléments suivants :

a)l'absence de définition de la torture, telle qu'elle est donnée à l'article premier de la Convention, dans la législation pénale de l'État partie et l'absence de qualification d'une infraction spécifique de torture passible des peines appropriées, comme il est prescrit au paragraphe 2 de l'article 4 de la Convention;

b)le recours à l'isolement, dans certains cas de détention avant jugement, autorisé initialement par un juge mais dont les conditions d'application sont déterminées par l'autorité administrative.

4. Recommandations

55.Le Comité recommande ce qui suit :

a)la Finlande devrait se doter de dispositions pénales adéquates pour ériger la torture, telle qu'elle est définie à l'article premier de la Convention, en infraction passible d'une peine, conformément au paragraphe 2 de l'article 4 de la Convention;

b)la loi régissant le placement à l'isolement dans les lieux de détention avant jugement devrait être modifiée par la mise en place d'un contrôle judiciaire pour ce qui est de décider du placement à l'isolement et de déterminer la durée de la mesure et sa durée maximale;

c)pour conforter l'un des buts de la Convention qui est de garantir que des enquêtes appropriées soient menées sur les incidents qui peuvent représenter une violation de l'article 16 de la Convention, l'État partie devrait déclarer illégales et interdire les organisations qui sont favorables et incitent à la discrimination raciale, ainsi que la diffusion d'idées fondées sur la supériorité ou la haine raciale, comme le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale le lui avait recommandé en mars 1999.

D. Pérou

56.Le Comité a examiné le troisième rapport périodique du Pérou (CAT/C/39/Add.1) à ses 399ème, 402ème et 404ème séances, les 12, 15 et 16 novembre 1999 (CAT/C/SR.399, 402 et 404) et a adopté les conclusions et recommandations ci-après :

1. Introduction

57.Le Comité accueille avec satisfaction le troisième rapport périodique du Pérou qui correspond dans les grandes lignes aux directives concernant la forme et le contenu des rapports périodiques, et se félicite de la poursuite du dialogue avec les représentants de haut niveau de l'État partie, notamment des renseignements donnés par la délégation dans son introduction.

2. Aspects positifs

58.Le Comité note les éléments positifs ci-après :

a)La qualification dans le Code pénal du crime de torture, généralement conforme à la définition qui en est donnée à l'article premier de la Convention;

b)La politique consistant à donner aux tribunaux civils compétence pour connaître du crime de trahison aggravée;

c)Le programme général d'éducation mis en œuvre à l'intention de tous les secteurs des forces civiles et des forces armées en vue de sensibiliser leurs membres aux obligations en matière de droits de l'homme, en particulier à l'interdiction de la pratique de la torture;

d)La levée progressive de l'état d'urgence dans la plupart des régions du pays et l'intention déclarée de lever totalement l'état d'urgence en 2000;

e)La mise en place du bureau du Défenseur du peuple;

f)La création du Registre national des détenus en prévention et des détenus condamnés (loi No 26295), qui est accessible à tous;

g)La création de la Commission nationale spéciale des grâces;

h)la diminution du nombre de plaintes pour mauvais traitements déposées par des personnes détenues ces dernières années.

3. Sujets de préoccupation

59.Le Comité se déclare préoccupé par les éléments suivants :

a)Le nombre toujours élevé d'allégations de torture;

b)L'absence d'"indépendance" des membres du pouvoir judiciaire qui ne sont pas inamovibles;

c)La période de mise au secret de 15 jours pendant la détention avant jugement pour les individus soupçonnés de terrorisme;

d)Le jugement de civils par des tribunaux militaires;

e)La peine d'isolement d'au moins un an à partir de la date du procès, appliquée automatiquement dans le cas de toute personne condamnée pour infraction à la loi contre le terrorisme;

f)L'absence apparente d'enquêtes et de poursuites effectives pour les personnes accusées d'avoir commis des actes de torture;

g)L'utilisation, en particulier, des lois d'amnistie pour empêcher de poursuivre les personnes dont on soupçonne qu'elles sont des tortionnaires alors que celles-ci doivent impérativement, en vertu des articles 4, 5 et 12 de la Convention, faire l'objet d'enquêtes et être poursuivies le cas échéant;

h)Le maintien en vigueur dans certaines régions du pays de la législation d'urgence qui entraîne la suspension de la protection ordinaire des droits fondamentaux;

i)Le régime pénitentiaire spécial applicable aux terroristes condamnés et en particulier aux dirigeants terroristes reconnus coupables;

j)L'incapacité des services du procureur de tenir un registre précis des personnes qui portent plainte pour torture.

4. Recommandations

60.Le Comité contre la torture réitère les recommandations qu'il avait formulées à l'issue de l'examen du deuxième rapport périodique du Pérou, le 12 mai 1998, et qui sont les suivantes :

"Tout en prenant acte et en se réjouissant des nouvelles mesures prises ou annoncées, dont certaines vont dans le sens de ses recommandations formulées à l'occasion de l'examen du rapport initial du Pérou, le Comité réitère celles-ci et engage l'État partie à accélérer les réformes allant dans le sens de l'instauration d'un véritable État de droit.

L'État partie devrait envisager l'abrogation des lois susceptibles de porter atteinte à l'indépendance du pouvoir judiciaire et tenir compte du fait que, dans ce domaine, l'autorité compétente en matière de sélection et de carrière des juges devrait être indépendante du Gouvernement et de l'administration. Pour garantir cette indépendance, des dispositions devraient être prises en vue de veiller, par exemple, à ce que ses membres soient désignés par le pouvoir judiciaire et que l'autorité décide elle-même de ses règles de procédure.

L'État partie devrait envisager, en application des articles 6, 11, 12, 13 et 14 de la Convention, de prendre des mesures propres à assurer aux victimes de la torture ou d'autres traitements cruels, inhumains ou dégradants, ainsi qu'à leurs ayants cause, indemnisation, réparation et réadaptation, en toutes circonstances."

61.En outre, le Comité recommande ce qui suit :

a)L'État partie devrait veiller à ce que des enquêtes énergiques et, si nécessaire, des poursuites soient engagées dans tous les cas rapportés d'allégations de torture et de mauvais traitements par ses agents, qu'ils soient civils ou militaires;

b)La période de détention au secret avant jugement devrait être supprimée;

c)La période automatique d'isolement pour les personnes condamnées pour infraction à la loi contre le terrorisme devrait être supprimée;

d)La torture devrait être exclue du champ d'application des lois d'amnistie;

e)Le régime spécial appliqué aux condamnés terroristes devrait être revu de façon à supprimer progressivement les conditions de quasi-isolement et les autres restrictions qui sont incompatibles avec les dispositions de l'article 16 et peuvent dans certains cas représenter des tortures au sens de l'article premier de la Convention;

f)Un registre national sur le modèle du Registre national des détenus devrait être établi pour les personnes qui se déclarent victimes de torture.

62.Le Comité souligne une fois encore que l'État partie devrait transférer aux juridictions civiles la compétence dévolue actuellement aux juridictions militaires dans toutes les matières qui concernent des civils.

63.Enfin, le Comité engage l'État partie à envisager de faire les déclarations prévues aux articles 21 et 22 de la Convention.

E. Azerbaïdjan

64.Le Comité a examiné le rapport initial de l'Azerbaïdjan (CAT/C/37/Add.3) à ses 401ème, 404ème et 406ème séances, les 15, 16 et 17 novembre 1999 (CAT/C/SR.401, 404 et 406) et a adopté les conclusions et recommandations ci-après :

1. Introduction

65.Le Comité accueille avec satisfaction le rapport initial de l'Azerbaïdjan qui a été soumis presque à la date fixée et élaboré en pleine conformité avec ses directives pour l'établissement des rapports initiaux. Le Comité se félicite également du dialogue empreint de franchise qui s'est déroulé avec les représentants hautement qualifiés de l'État partie.

2. Aspects positifs

66.Le Comité note avec satisfaction les éléments suivants :

a)Les efforts actuellement engagés pour établir un cadre juridique fondé sur les valeurs humaines universelles en vue de sauvegarder les droits de l'homme fondamentaux, y compris le droit de ne pas être soumis à la torture;

b)Les efforts importants consentis pour arrêter des critères de sélection adéquats pour les responsables de l'application des lois et le personnel médical et des méthodes appropriées pour la formation et l'éducation de ces mêmes personnels en matière d'interdiction de la torture;

c)La diminution sensible du nombre de personnes arrêtées ces dernières années;

d)Les efforts déployés pour améliorer les conditions pénitentiaires;

e)L'information donnée par la délégation de l'État partie au sujet de la possibilité d'avoir accès à un conseil dès l'arrestation et de la faculté donnée aux tribunaux d'avaliser ou non les arrestations;

f)La volonté de l'État partie de coopérer étroitement avec les organes internationaux et régionaux comme le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme, le Conseil de l'Europe et l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe, ainsi qu'avec les organisations non gouvernementales internationales et nationales.

3. Facteurs et difficultés entravant la mise en œuvre des dispositions de la Convention

67.Le Comité prend note des problèmes transitoires que l'État partie connaît actuellement ainsi que de la situation politique difficile qui règne dans certaines parties de son territoire.

4. Sujets de préoccupation

68.Le Comité est préoccupé par les éléments suivants :

a)L'absence de définition de la torture, telle qu'elle est donnée à l'article premier de la Convention, dans la législation pénale en vigueur dans l'État partie, ce qui a pour conséquence que l'infraction spécifique de torture n'est pas passible de peines appropriées, contrairement aux dispositions du paragraphe 2 de l'article 4 de la Convention;

b)Les allégations nombreuses et persistantes faisant état de torture et d'autres peines et traitements cruels, inhumains et dégradants dont les auteurs sont des responsables de l'application des lois;

c)Le fait que les nombreuses allégations de torture qui ont été portées à la connaissance du Comité n'ont apparemment pas fait l'objet d'enquêtes rapides, impartiales et approfondies et que les responsables présumés n'aient pas été poursuivis, le cas échéant;

d)L'absence de garanties permettant d'assurer l'indépendance des personnels de justice, en particulier des personnels judiciaires, qui sont nommés pour un mandat d'une durée limitée renouvelable;

e)L'utilisation de lois d'amnistie qui pourraient s'appliquer au crime de torture.

5. Recommandations

69.Le Comité recommande à l'État partie :

a)De concrétiser son intention d'instituer dans la législation pénale les dispositions voulues pour faire de la torture telle qu'elle est définie à l'article premier de la Convention une infraction pénale conformément au paragraphe 2 de l'article 4 de la Convention;

b)Étant donné le grand nombre d'allégations de torture et de mauvais traitements imputés aux responsables de l'application des lois, de prendre toutes les mesures effectives nécessaires pour prévenir la pratique de la torture et d'autres formes de peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants;

c)Afin de garantir que les auteurs d'actes de torture ne jouissent pas de l'impunité, de veiller à ce que les personnes accusées d'avoir commis le crime de torture fassent l'objet d'une enquête ‑ et, le cas échéant, de poursuites ‑ et de veiller à ce que la torture soit exclue du champ d'application des lois d'amnistie;

d)D'envisager d'abroger les lois qui peuvent compromettre l'indépendance du pouvoir judiciaire, telles que les dispositions prévoyant une nomination pour une durée déterminée renouvelable;

e)D'envisager de faire les déclarations prévues aux articles 21 et 22 de la Convention.

F. Kirghizistan

70.Le Comité a examiné le rapport initial du Kirghizistan (CAT/C/42/Add.1) à ses 403ème, 406ème et 408ème séances, les 16, 17 et 18 novembre 1999 (CAT/C/SR.403, 406 et 408) et a adopté les conclusions et recommandations ci-après :

1. Introduction

71.Le Comité accueille avec satisfaction le rapport initial du Kirghizistan, qui a été soumis à la date fixée et est généralement conforme à ses directives pour l'établissement des rapports initiaux. Le Comité se félicite également du dialogue empreint de franchise qui s'est déroulé avec les représentants hautement qualifiés de l'État partie.

2. Aspects positifs

72.Le Comité note avec satisfaction les éléments suivants :

a)La poursuite des efforts consentis pour établir un cadre juridique fondé sur les valeurs humaines universelles en vue de sauvegarder les droits de l'homme fondamentaux, y compris le droit de ne pas être soumis à la torture et à d'autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants;

b)Le moratoire à l'exécution de la peine capitale pour une période de deux ans et l'application de cette peine à quelques crimes graves seulement;

c)La suppression du rôle de "supervision" dévolu au procureur dans un procès pénal;

d)Les dispositions du nouveau Code de procédure pénale permettant à toute personne détenue de pouvoir communiquer avec l'avocat de son choix dès le moment de la détention, et faisant à l'organe chargé de l'enquête obligation d'aviser la famille de l'arrestation dès le moment de l'arrestation;

e)La nomination d'un procureur spécial chargé d'inspecter les lieux de mise en isolement et les centres de détention en vue de garantir qu'ils répondent aux normes appropriées en ce qui concerne le traitement des détenus;

f)Les poursuites engagées contre plusieurs personnes qui ont agi d'une façon qui serait considérée comme contraire aux dispositions de la Convention;

g)La création de la Commission nationale des droits de l'homme, qui a un mandat étendu en matière d'étude et d'amélioration de la situation des droits de l'homme au Kirghizistan, y compris le pouvoir d'enquêter sur des affaires individuelles et un pouvoir de surveillance des conditions pénitentiaires;

h)Les initiatives de l'État partie dans le domaine de l'éducation en vue de garantir que le personnel de justice pénale comprend comme il convient ses obligations en matière de droits de l'homme.

3. Facteurs et difficultés entravant la mise en œuvre des dispositions de la Convention

73.Le Comité prend note des problèmes de transition que l'État partie connaît actuellement.

4. Sujets de préoccupation

74.Le Comité est préoccupé par les éléments suivants :

a)L'absence d'une définition de la torture telle qu'elle est donnée à l'article premier de la Convention dans la législation pénale en vigueur dans l'État partie, ce qui a pour conséquence que l'infraction spécifique de torture n'est pas passible de peines appropriées, contrairement aux dispositions du paragraphe 2 de l'article 4 de la Convention;

b)Les allégations nombreuses et persistantes faisant état de torture, en violation de l'article premier de la Convention, et d'autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (visant parfois des enfants), dont les auteurs sont des responsables de l'application des lois, en contravention de l'article 16 de la Convention;

c)Bien que l'État partie ait réagi dans certains cas, les allégations de torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants ne semblent pas faire l'objet d'enquêtes rapides, impartiales et approfondies et les responsables ne semblent pas être poursuivis quand c'est nécessaire;

d)L'insuffisance des garanties permettant d'assurer l'indépendance du pouvoir judiciaire, en particulier pour ce qui est de la nomination des personnels par le Président pour un mandat renouvelable;

e)L'utilisation de lois d'amnistie qui pourraient s'appliquer au crime de torture dans certains cas.

5. Recommandations

75.Le Comité recommande à l'État partie :

a)De modifier sa législation pénale de façon à y incorporer le crime de torture en reprenant les termes de la définition donnée à l'article premier de la Convention, et en assortissant ce crime d'une peine appropriée;

b)Étant donné le grand nombre de cas d'allégation de torture et de mauvais traitements imputés aux responsables de l'application des lois, de prendre toutes les mesures effectives nécessaires pour empêcher de tels actes de se produire;

c)Afin de garantir que les auteurs d'actes de torture et de mauvais traitements ne bénéficient pas de l'impunité, de veiller à ce que toutes les personnes accusées d'avoir commis de tels actes fassent l'objet d'une enquête ‑ et, le cas échéant, de poursuites ‑ , et de veiller à ce que la torture soit exclue du champ d'application des lois d'amnistie;

d)De poursuivre les réformes institutionnelles dans la police, les organes de poursuites et l'autorité judiciaire afin d'obtenir que chaque institution soit sensible à ses obligations au titre de la Convention; en particulier, il devrait prendre des mesures d'urgence pour que le pouvoir judiciaire occupe une place centrale dans le système pénal et que son indépendance soit garantie, en particulier en ce qui concerne les nominations pour un mandat limité renouvelable, afin de rendre le système judiciaire conforme aux Principes fondamentaux relatifs à l'indépendance de la magistrature adoptés en 1985 et aux Principes directeurs applicables au rôle des magistrats du parquet adoptés en 1990;

e)De prendre des mesures pour améliorer les conditions carcérales, en tenant compte de l'Ensemble de règles minima pour le traitement des détenus de 1955;

f)De faire en sorte que les lieux de mise aux arrêts et les prisons militaires soient soumis à une supervision de façon à garantir que les détenus n'y soient pas maltraités et qu'ils puissent, comme devrait le pouvoir tout individu, être représentés par un conseil à leur procès;

g)D'envisager d'abolir la peine de mort;

h)D'envisager de faire les déclarations prévues aux articles 21 et 22 de la Convention.

G. Ouzbékistan

76.Le Comité a examiné le rapport initial de l'Ouzbékistan (CAT/C/32/Add.3) à ses 405ème, 408ème et 409ème séances, les 17, 18 et 19 novembre 1999 (CAT/C/SR.405, 408 et 409) et a adopté les conclusions et recommandations ci-après :

1. Introduction

77.Le Comité note avec satisfaction l'excellente qualité du rapport initial de l'État partie établi conformément à ses directives, sa franchise et son caractère exhaustif, mais note cependant que le rapport a été soumis avec trois ans de retard. le Comité note également avec satisfaction la présentation orale du chef de la délégation. Il a, en outre, tout particulièrement apprécié les bonnes dispositions de la délégation à dialoguer avec le Comité.

2. Aspects positifs

78.Le Comité a relevé plusieurs aspects positifs, en particulier :

a)L'incrimination dans le droit ouzbek de la torture comme infraction autonome, assortie de sanctions sévères;

b)Les efforts de vulgarisation et de formation dans le domaine des droits de l'homme à l'intention des responsables de l'application des lois;

c)L'adoption d'une disposition de la législation (article 15 du Code de procédure pénale) et d'une décision de l'Assemblée plénière de la Cour suprême rendant irrecevables les preuves obtenues par la torture;

d)Le grand nombre d'enquêtes effectuées comme suite à des allégations de torture ou de mauvais traitements infligés à des citoyens par des responsables de l'application des lois, ce qui prouve l'existence d'un système efficace de traitement des plaintes;

e)Le grand nombre d'importants projets de réforme des principaux codes et du système judiciaire annoncé par la délégation;

3. Facteurs et difficultés entravant la mise en œuvre des dispositions de la Convention

79.Le Comité est conscient des difficultés inhérentes à tout processus de transition d'un régime totalitaire à l'état de droit.

4. Sujets de préoccupation

80.Le Comité relève néanmoins les sujets de préoccupation suivants :

a)Le caractère incomplet de la définition de la torture qui laisse impunis certains aspects de la torture telle qu'elle est définie à l'article premier de la Convention, à savoir, notamment, l'impossibilité de poursuivre, dans l'état actuel du droit ouzbek, une personne coupable de torture à l'instigation d'un agent de la force publique, et également la non-incrimination de la tentative de commettre un acte de torture;

b)Le nombre particulièrement élevé de plaintes pour torture ou mauvais traitements et le faible nombre de condamnations subséquentes;

c)L'instauration d'un régime de responsabilité pénale visant les responsables de l'application des lois (policiers, procureurs, juges, etc.) lorsqu'ils exercent des poursuites pénales ou condamnent à tort, ce qui pourrait être de nature à engendrer une certaine précarité du pouvoir judiciaire ou à inhiber la volonté de poursuivre et de sanctionner;

d)L'inapplication, dans les faits, de la décision de l'Assemblée plénière de la Cour suprême interdisant de prendre en considération les preuves obtenues par la torture. Dans ce contexte, le Comité note que, dans la pratique, les responsables des poursuites pénales en Ouzbékistan ne semblent pas respecter le principe de la présomption d'innocence et que les poursuites ont un caractère inquisitoire incompatible avec l'article 11 de la Convention;

e)L'absence d'interdiction formelle de refouler, d'expulser ou d'extrader une personne vers un autre État où elle risque d'être soumise à la torture, conformément à l'article 3 de la Convention.

5. Recommandations

81.Le Comité recommande à l'État partie :

a)D'adopter une définition de la torture strictement conforme à l'article premier de la Convention, en application de l'article 4;

b)De revoir le système de traitement des plaintes pour torture ou mauvais traitement, de manière à réduire au minimum les risques d'impunité;

c)De réviser le statut des magistrats pour le rendre conforme aux instruments juridiques internationaux pertinents, notamment i) les Principes fondamentaux relatifs à l'indépendance de la magistrature, adoptés en 1985, et ii) les Principes directeurs applicables au rôle des magistrats du parquet, adoptés en 1990;

d)D'assurer, dans la pratique, le respect absolu du principe de l'irrecevabilité des preuves obtenues par la torture;

e)D'interdire formellement le refoulement, l'expulsion ou l'extradition de personnes vers un État où elles risquent d'être soumises à la torture;

f)De faire les déclarations prévues aux articles 21 et 22 de la Convention;

g)De fournir au Comité, dans le prochain rapport qui devra être soumis en octobre 2000, les réponses manquantes ou incomplètes aux questions relatives notamment au nombre de personnes détenues ainsi qu'au nombre de personnes exécutées à la suite d'une condamnation à la peine capitale durant les deux dernières années.

H. Pologne

82.Le Comité a examiné le troisième rapport périodique de la Pologne (CAT/C/44/Add.5) à ses 412ème, 415ème et 419ème séances, tenues les 2, 3 et 5 mai 2000 (CAT/C/SR.412, 415 et 419) et a adopté les conclusions et recommandations ci-après :

1. Introduction

83.Le Comité note avec satisfaction que le troisième rapport périodique de la Pologne, qui est détaillé et riche d'informations, correspond aux directives générales pour l'établissement des rapports des États parties, en ce qui concerne tant la forme que le fond.

84.La déclaration orale de la délégation polonaise et les explications et éclaircissements qu'elle a donnés, de même que l'échange de vues qui a suivi, sont venus compléter les informations fournies par écrit.

2. Aspects positifs

85.Le Comité note avec satisfaction les efforts remarquables et fructueux déployés par l'État partie, lesquels ont abouti à de profondes transformations dans les domaines politique, social, économique, législatif et institutionnel.

86.Le Comité note en particulier :

a)L'adoption de la nouvelle Constitution, qui est entrée en vigueur le 17 octobre 1997 et contient des éléments nouveaux pour la défense des libertés et des droits des citoyens, prescrit le respect du droit international, a pour la Pologne force obligatoire, et assure la prééminence des accords internationaux sur la législation interne en cas de conflit de normes;

b)L'adoption dans la nouvelle Constitution de la règle selon laquelle nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, qui représente une mesure importante pour ce qui est de satisfaire aux exigences et de suivre les recommandations du Comité tendant à ce que soit incorporée dans la législation une définition de la torture reprenant tous les éléments de la définition donnée à l'article premier de la Convention;

c)L'abolition de la peine de mort;

d)Le fait qu'il n'est pas établi de délai de prescription pour les crimes de guerre et les crimes contre l'humanité.

3. Principaux sujets de préoccupation

87.Le Comité constate avec préoccupation que les textes modifiant la législation ne contiennent pas de dispositions tendant à ce que les personnes coupables d'actes de torture fassent l'objet de poursuites et de sanctions pénales comme stipulé aux articles premier et 4 de la Convention.

88.Le Comité est également préoccupé de ce que le nouveau Code pénal n'apporte aucune modification de fond concernant les ordres donnés par un supérieur hiérarchique lorsqu'ils sont invoqués pour justifier la torture. Selon la législation en vigueur, celui qui reçoit l'ordre engage sa responsabilité pénale s'il a conscience du caractère criminel de l'ordre donné.

89.Le nouveau Code pénal ne prévoit pas le "risque d'être soumis à la torture" parmi les motifs de refus d'extradition ainsi que l'exige l'article 3 de la Convention.

90.Le Comité note qu'en dépit des efforts de l'État partie, certains incidents dramatiques de comportement agressif de la part d'agents des forces de police continuent de se produire, faisant parfois des morts.

91.Le Comité est également préoccupé par la persistance de la pratique du bizutage (fala) dans l'armée, où les nouvelles recrues subissent voies de fait et humiliations.

4. Recommandations

92.Le Comité note que la nouvelle Constitution polonaise reconnaît que les conventions internationales ratifiées par la Pologne font partie de l'ordre juridique interne, mais il note par ailleurs que le système juridique polonais ne qualifie pas le crime de torture et ne prévoit pas de peines dont il serait passible. Le Comité recommande en conséquence que l'État partie apporte les amendements législatifs nécessaires pour faire de la torture un crime particulier et pour que les auteurs d'actes de torture, tels que définis dans la Convention, puissent être poursuivis et faire l'objet de sanctions appropriées.

93.Le Comité recommande en outre de modifier le Code pénal pour faire en sorte que nul ne puisse, en aucune circonstance, invoquer les ordres donnés par un supérieur hiérarchique comme justification de la torture.

94.L'État partie devrait instituer un système de recours utile et sûr qui permette aux victimes de torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants de porter plainte.

95.Des mesures d'ordre législatif et administratif devraient être prises pour protéger quiconque contre un recours excessif à la force de la part de la police, s'agissant notamment de la supervision de réunions publiques et contre la persistance de mesures abusives associées à la pratique des bizutages (fala) dans l'armée.

I. Portugal

96.Le Comité a examiné le troisième rapport périodique du Portugal (CAT/C/44/Add.7) à ses 414ème, 417ème et 421ème séances, les 3, 4 et 8 mai 2000 (CAT/C/SR.414, 417 et 421), et a adopté les conclusions et recommandations ci-après :

1. Introduction

97.Le Comité note avec satisfaction que le troisième rapport périodique du Portugal, qui a été reçu dans les délais prévus, correspond aux directives générales pour l'établissement des rapports périodiques. Il se félicite du caractère exhaustif, détaillé et franc de ce rapport.

98.Le Comité a accueilli avec intérêt la déclaration de la délégation portugaise dans laquelle des précisions ont été fournies sur les événements survenus depuis la remise du rapport. Le Comité a noté en particulier l'extension de l'application de la Convention au territoire de Macao, confirmée par la République populaire de Chine.

2. Aspects positifs

99.Le Comité prend note des initiatives en cours de l'État partie pour faire en sorte que ses lois et ses institutions soient conformes aux prescriptions de la Convention.

100.Le Comité note en particulier les faits nouveaux suivants :

a)La restructuration des organes de police qui a pour objet de mettre l'accent sur les aspects civils de la police;

b)La décision de créer une inspection des prisons;

c)La création d'une base de données en vue de rationaliser les informations concernant les cas d'abus de la part de la puissance publique;

d)L'entrée en vigueur d'une réglementation de l'utilisation des armes à feu par la police qui s'inspire des Principes de base sur l'utilisation des armes à feu par les responsables de l'application des lois;

e)L'entrée en vigueur d'une réglementation sur les conditions de détention dans les chambres de sûreté de la police définissant les règles minimales à observer;

f)La reconnaissance par le Comité européen pour la prévention de la torture, à la suite de son enquête de 1999, d'une amélioration effective de la situation en ce qui concerne les prisons, notamment par la création d'une brigade nationale des stupéfiants affectée aux prisons et par l'établissement de nouveaux services sanitaires dans les établissements pénitentiaires;

g)La mise en œuvre d'un système de visites mensuelles des prisons par des magistrats afin de recueillir les plaintes des détenus concernant la façon dont ils sont traités;

h)La mise en place, en 2000, d'un nouveau système de formation de la police dont le programme a été mis au point par un comité dont certains membres appartiennent à la société civile;

i)Les mesures concrètes qui ont été prises pour lutter contre les violences entre détenus dans les prisons portugaises;

j)La diffusion active d'informations concernant la Convention, y compris la publication dans une revue officielle, à l'intention des instances judiciaires, des délibérations relatives au deuxième rapport périodique.

3. Sujets de préoccupation

101. Le Comité est préoccupé par le fait qu'un certain nombre de décès et de mauvais traitements lors d'affrontements entre membres du public et policiers ont encore été signalés.

102.Il est aussi préoccupé par le fait que des violences entre détenus dans les prisons continuent d'être signalées.

4. Recommandations

103.L'État partie devrait continuer d'adopter des mesures énergiques, disciplinaires et éducatives, afin de poursuivre l'évolution en cours pour passer, au Portugal, d'une culture policière à une culture qui respecte les droits de l'homme.

104.L'État partie devrait en particulier veiller à ce que des enquêtes et des poursuites pénales appropriées soient lancées automatiquement à l'encontre d'agents de l'État lorsque des preuves attestent qu'ils ont commis des actes de torture ou appliqué des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, et à ce qu'ils soient sanctionnés.

105.L'État partie devrait continuer à prendre les mesures nécessaires pour lutter contre les violences entre détenus.

J. Chine

106.Le Comité a examiné le troisième rapport périodique de la Chine (CAT/C/39/Add.2) à ses 414ème, 417ème et 421ème séances, les 4, 5 et 9 mai 2000 (CAT/C/SR.414, 417 et 421), et a adopté les conclusions et recommandations ci‑après.

1. Introduction

107.Le troisième rapport périodique de la Chine comporte deux parties. La première porte sur la Chine à l'exclusion de la Région administrative spéciale de Hong Kong, tandis que la deuxième couvre uniquement la Région administrative spéciale de Hong Kong.

108.Le Comité se félicite du troisième rapport périodique de la Chine, qui est conforme aux directives générales concernant l'élaboration des rapports d'État partie. Le Comité accueille avec satisfaction les renseignements et réponses supplémentaires apportés par l'État partie ainsi que la coopération continue et constructive de la Chine avec le Comité.

Première partie ‑ Chine, à l'exclusion de la Région administrative spéciale de Hong  Kong

2.  Aspects positifs

109.Le Comité accueille avec satisfaction et encourage les efforts déployés sans discontinuer par le Gouvernement chinois pour apporter à sa législation et à ses pratiques les modifications voulues pour les mettre en conformité avec les normes internationales relatives aux droits de l'homme et ancrer la légalité dans la Constitution.

110.Le Comité se félicite des dispositions prises par le Gouvernement chinois pour donner effet à un certain nombre des recommandations faites antérieurement par le Comité, concernant en particulier l'accès rapide à un défenseur, la présomption d'innocence, les amendements à apporter au Code pénal et à la procédure pénale touchant la régularité de la procédure, et le durcissement des peines réprimant les actes de torture.

111.Le Comité prend note de l'abolition effective de la procédure d’internement aux fins d'enquête et de protection ainsi que de l'introduction de certains éléments du principe de régularité de la procédure dans le domaine de la détention administrative, y compris la rééducation par le travail.

112.Le Comité note que l'État partie a affirmé sa volonté de coopérer à l'échelon international dans le domaine de la réadaptation des victimes de la torture.

113.Le Comité se félicite des assurances de l'État partie selon lesquelles ses organes chargés de l’application des lois et son appareil judiciaire sont liés par la Convention.

114.Le Comité accueille avec satisfaction la communication en date du 19 octobre 1999 que l'État partie a adressée au Secrétaire général de l'Organisation des Nations Unies pour lui notifier l'extension de l’application de la Convention à la Région administrative spéciale de Macao.

3.  Facteurs et difficultés entravant l'application des dispositions de la Convention

115.Les facteurs et difficultés entravant l'application de la Convention restent les mêmes que ceux relevés par le Comité dans les conclusions qu'il a adoptées à l'issue de l'examen du deuxième rapport périodique de la Chine.

4. Sujets de préoccupation

116.Le Comité est préoccupé par la persistance des allégations faisant état d'affaires graves de torture, en particulier à l'encontre de Tibétains et de membres d'autres minorités nationales.

117.Le Comité note avec préoccupation l'absence de données et statistiques détaillées, ventilées par sexe concernant la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

118.Le Comité constate avec préoccupation que les réformes ne sont pas mises en œuvre de manière uniforme et égale partout en Chine.

119.Les règles et pratiques suivies par certains parquets font que les poursuites contre des individus suspectés de torture se limitent à certaines affaires graves, ce qui constitue un sujet de préoccupation.

120.Le Comité est préoccupé par le système de peines administratives, qui autorise des décisions extrajudiciaires de placement en détention d'individus n’ayant pas violé la loi ou sans inculpation de ce chef.

121.L'absence de mécanisme uniforme et efficace d'examen des allégations de torture est notée avec préoccupation.

122.Le Comité exprime sa préoccupation face aux renseignements selon lesquels certains fonctionnaires locaux recourent à la coercition et à la violence pour faire appliquer la politique de l'État partie en matière de population, ce en contravention avec les dispositions pertinentes de la Convention.

5. Recommandations

123.Le Comité recommande à l'État partie d'incorporer dans sa législation une définition de la torture qui soit pleinement conforme à celle qui figure dans la Convention.

124.L'État partie est invité à envisager de faire, en ce qui concerne tant sa partie continentale que la Région administrative spéciale de Hong Kong, les déclarations prévues aux articles 21 et 22 de la Convention et de retirer sa réserve à l'article 20, ainsi qu’à veiller à ce que l'article 20 reste applicable à la Région administrative spéciale de Hong Kong.

125.Le Comité recommande à l'État partie de poursuivre le processus de réforme, de veiller à la mise en œuvre uniforme et efficace des lois et pratiques nouvelles et de prendre les autres mesures voulues à cette fin.

126.Le Comité recommande à l'État partie d'envisager l'abolition de la disposition en vertu de laquelle un suspect ne peut durant sa garde à vue avoir accès à un avocat qu'après en avoir demandé la permission, pour quelque raison que ce soit.

127.Le Comité recommande à l'État partie d'envisager d'abolir, conformément aux normes internationales pertinentes, toutes les formes de détention administrative.

128.Le Comité recommande à l'État partie de veiller à ce que toutes les allégations de torture donnent lieu à une enquête rapide, approfondie, efficace et impartiale.

129.Le Comité encourage l'État partie à poursuivre et intensifier ses efforts tendant à dispenser au personnel chargé de l'application des lois une formation relative aux normes internationales en matière de droits de l'homme.

130.Le Comité recommande à l'État partie d'apporter, dans son prochain rapport périodique, les réponses aux questions qu'il a été dans l'impossibilité de traiter lors du présent examen et d'y faire figurer des statistiques détaillées, ventilées notamment par sexe et par région.

Deuxième partie – Région administrative spéciale de Hong  Kong

6. Facteurs et difficultés entravant l'application des dispositions de la Convention

131.Le Comité note qu'il n'y a pas de facteurs ou de difficultés entravant l'application de la Convention dus à la réintégration de la Région administrative spéciale de Hong Kong à la Chine.

7. Aspects positifs

132.Le Comité exprime sa satisfaction au Gouvernement chinois pour les mesures que celui‑ci a prises afin que la Convention continue d'être appliquée dans la Région administrative spéciale de Hong Kong, dont les autorités ont rédigé certaines parties du rapport.

133.Le Comité se félicite que tous les réfugiés et migrants vietnamiens aient été libérés, et que le centre de détention de Pillar Point ait été fermé.

134.Le Comité prend acte avec satisfaction de l'adoption de lois visant à faciliter l'extradition des personnes soupçonnées d'avoir commis des actes de torture.

135.Le Comité relève comme un élément positif le renforcement de l'indépendance du Conseil indépendant d'investigation des plaintes contre la police.

136.Le Comité se félicite que la peine maximale ait été relevée pour des crimes sexuels comme l'inceste, et que le critère de corroboration ait été supprimé en ce qui concerne les délits sexuels.

137.Le Comité prend note avec satisfaction de la mise en place de cours de formation et autres mesures éducatives à l'intention du personnel chargé de l'application des lois, et du fait que les interrogatoires des personnes arrêtées sont enregistrés en vidéo.

8. Sujets de préoccupation

138.Le Comité note avec inquiétude que la possibilité pour une personne accusée de torture d'invoquer pour sa défense "une autorisation, une justification ou une excuse légitime", qui est prévue par la Crimes (Torture) Ordin ance (cha p. 427), ainsi que la définition de l'agent public dans ce même texte, ne sont pas pleinement conformes à l'article premier de la Convention.

139.Le Comité est préoccupé par le fait qu'il n'y a pas eu jusqu'ici de poursuites en vertu de la Crimes (Torture) Ordin ance, alors qu'ont été portées à son attention des circonstances qui justifient de telles poursuites.

140.Il est jugé préoccupant que tous les cas de torture et d'autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants ne tombent pas sous le coup de la Crimes (Torture) Ordin ance.

141.Il est noté avec préoccupation que les pratiques de la Région administrative spéciale de Hong Kong concernant les réfugiés ne sont peut-être pas pleinement conformes à l'article 3 de la Convention.

9. Recommandations

142.Le Comité recommande que les mesures nécessaires soient prises pour que les auteurs de torture, telle qu'elle est définie à l'article premier de la Convention, soient effectivement poursuivis et punis comme il convient, et que des efforts soient faits pour prévenir les autres actes constitutifs de peine ou de traitement cruel, inhumain ou dégradant, conformément aux dispositions de la Convention.

143.Le Comité recommande de ne pas relâcher les efforts déployés pour que le Conseil indépendant d'investigation des plaintes contre la police devienne un organe statutaire, avec des pouvoirs élargis.

144.Le Comité recommande que soient poursuivies et intensifiées les mesures préventives, y compris les programmes de formation des responsables de l'application des lois.

145.Le Comité recommande que les lois et pratiques concernant les réfugiés soient mises en pleine conformité avec l'article 3 de la Convention.

K. Paraguay

146.Le Comité a examiné le troisième rapport périodique du Paraguay (CAT/C/49/Add.1) à ses 418ème, 421ème et 425ème séances, les 5, 8 et 10 mai 2000 (CAT/C/SR.418, 421 et 425), et a adopté les conclusions et recommandations ci‑après.

1. Introduction

147.Le troisième rapport périodique du Paraguay, présenté dans les délais prévus par l'article 19 de la Convention, n'était pas conforme aux directives générales concernant la forme et le contenu des rapports périodiques adoptées par le Comité à sa vingtième session.

148.Les représentants de l'État partie, tant dans la présentation du rapport que dans leurs réponses aux observations et questions formulées par les membres du Comité, ont apporté d'amples renseignements qui ont permis de pallier en partie cette carence.

2. Aspects positifs

149.Le Comité note avec satisfaction :

a)L'entrée en vigueur du nouveau Code pénal et la mise en œuvre progressive des réformes prévues dans le nouveau Code de procédure pénale, dont le respect effectif devrait aider l'État partie à mieux s'acquitter des devoirs qui lui incombent au titre de la Convention;

b)Les innovations introduites par le nouveau Code pénal, notamment l'extension de son champ d'application à la répression d'actes commis à l'étranger portant atteinte à des droits bénéficiant d'une protection juridique universelle en vertu d'un traité international en vigueur, disposition qui satisfait aux prescriptions de l'article 5 de la Convention;

c)La disposition du nouveau Code de procédure pénale retirant toute valeur probante à un élément obtenu en violation des garanties de procédure consacrées par la Constitution et le droit international en vigueur, qui revêt un caractère obligatoire pour les juridictions nationales, conformément aux dispositions de l'article 15 de la Convention;

d)Les peines appropriées prononcées contre les auteurs de violations des droits de l'homme commises du temps de la dictature renversée en 1989;

e)Les programmes de formation à l'intention des juges, des procureurs et des policiers portant sur le nouveau système pénal;

f)L'annonce par les représentants de l'État partie du dépôt prochain devant le Parlement du texte d'un projet de déclaration reconnaissant au Comité les compétences prévues aux articles 21 et 22 de la Convention.

3. Principaux sujets de préoccupation

150.Le Comité est préoccupé par :

a)Le fait que l'institution du Défenseur du peuple n'ait toujours pas été créée, près de huit ans après l'entrée en vigueur de la Constitution de 1992 prévoyant sa création et plus de quatre ans après la promulgation de la loi organique;

b)Le fait que dans la législation en vigueur, la torture n'est pas qualifiée en des termes compatibles avec l'article premier de la Convention; le crime visé dans le nouveau Code pénal sous cette appellation n'englobe pas certains éléments essentiels de la qualification pénale prescrite dans la Convention;

c)Les renseignements reçus par le Comité de sources fiables indiquant que la torture et d'autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants continuent à être infligés dans les commissariats de police et dans les prisons et que dans les casernes, les appelés effectuant leur service militaire obligatoire sont fréquemment soumis à des mauvais traitements physiques;

d)L'inexistence de programmes destinés à assurer réparation et réadaptation physique et mentale aux victimes de la torture, malgré les prescriptions de l'article 14 de la Convention. En outre, il n'a été porté à l'attention du Comité aucune affaire dans laquelle une victime de la torture aurait fait effectivement valoir son droit à réparation.

4. Recommandations

151.Le Comité recommande :

a)La nomination rapide du Défenseur du peuple, et l'affectation à cette institution de ressources suffisantes pour lui permettre d'établir sa présence sur l'ensemble du territoire du pays;

b)L'introduction dans le Code pénal d'une disposition qualifiant le crime de torture dans les mêmes termes que l'article premier de la Convention.

c)La consécration légale du droit des victimes de torture à réparation et à une indemnisation équitable et adéquate, à la charge de l'État.

L. El Salvador

152.Le Comité a examiné le rapport initial d'El Salvador (CAT/C/37/Add.4), à ses 422ème, 425ème et 429ème séances, tenues les 9, 10 et 12 mai 2000 (CAT/C/SR.422, 425 et 429) et a adopté les conclusions et recommandations ci‑après.

1. Introduction

153.El Salvador a adhéré à la Convention le 17 juin 1996, sans formuler de réserve. Il n'a pas fait les déclarations prévues aux articles 21 et 22.

154.Le rapport est conforme aux directives générales adoptées par le Comité concernant la forme et le contenu des rapports initiaux.

155.L'examen du rapport a donné lieu à un dialogue franc et constructif avec les représentants de l'État partie, auxquels le Comité exprime sa satisfaction et ses remerciements.

2. Aspects positifs

156.La Constitution d'El Salvador confère force légale aux traités internationaux ratifiés, dispose que la loi ne peut en modifier les dispositions ni y apporter de dérogations tant qu'ils sont en vigueur, et pose la primauté du traité sur le droit interne en cas de conflit de normes.

157.La promulgation du nouveau Code pénal et du nouveau Code de procédure pénale, dont les dispositions énoncent d'importantes garanties protégeant les droits fondamentaux de la personne; leur respect effectif devrait aider l'État partie à mieux s'acquitter des obligations lui incombant en vertu de la Convention.

158.Parmi les dispositions en question, le Comité attache une importance particulière aux suivantes :

a)L'imprescriptibilité tant de la peine que de l'action pénale en matière de répression des crimes contre l'humanité, dont la torture;

b)L'établissement de la compétence des tribunaux nationaux pour connaître des infractions attentatoires à des droits bénéficiant d'une protection juridique internationale ou à des droits de la personne faisant l'objet d'une reconnaissance universelle, quels qu'en soient l'auteur et le lieu de commission;

c)La nécessité de disposer d'un ordre écrit d'une autorité pour procéder à une arrestation, et l'institution de délais courts tant pour le défèrement d'un individu arrêté devant une autorité judiciaire que pour l'adoption par celle-ci d'une décision concernant sa remise en liberté ou son placement en détention provisoire;

d)L'obligation pour les tribunaux nationaux de juger un individu auquel est imputé un délit portant atteinte à un droit bénéficiant d'une protection internationale, dans le cas où son extradition a été refusée;

e)La création de la Procurature déléguée à la défense des droits de l'homme et l'activité considérable déployée par cette institution, tant dans l'exercice de ses fonctions de surveillance du respect des droits de l'homme et des garanties en la matière qu'aux fins de l'élaboration de programmes de promotion et d'éducation concernant les droits de l'homme, en particulier à l'intention du personnel chargé de l'application des lois;

f)La création des tribunaux de surveillance pénitentiaire, chargés de vérifier l'application des dispositions relatives à l'exécution des peines et de veiller au respect des droits de toute personne privée de liberté;

g)Les activités de sensibilisation aux droits de l'homme menées par l'Institut salvadorien des droits de l'homme, l'École de formation du personnel pénitentiaire, l'École de formation judiciaire et l'Académie nationale de sécurité publique;

h)Le fait que la législation pénale ne comporte pas de disposition permettant d'invoquer l'ordre d'un supérieur ou de l'autorité publique pour justifier la torture. Au contraire, dans la loi organique de la police nationale civile figure une disposition excluant expressément cette possibilité et dans une telle éventualité, conformément aux dispositions générales du Code pénal, tant la responsabilité pénale de l'auteur matériel des faits que celle du donneur d'ordre sont mises en cause.

3. Facteurs et difficultés entravant la mise en œuvre de la Convention

159.L'affaiblissement marqué des traditions de coexistence pacifique et de respect des droits de l'homme entraîné par le conflit armé interne prolongé ayant pris fin en 1992, qui a rendu nécessaire non seulement la création de certaines institutions juridiques et politiques ou leur transformation, mais aussi, fondamentalement, un processus de renouveau culturel, lent par nature.

4. Principaux sujets de préoccupation

160.L'absence dans la législation pénale d'une qualification adéquate de l'infraction de torture reprenant les termes de l'article premier de la Convention. L'infraction pénale visée sous cette appellation dans le Code pénal n'englobe pas toutes les fins visées dans la Convention.

161.Il n'existe pas de texte régissant le droit des victimes de la torture à une indemnisation équitable et adéquate, à la charge de l'État, ni de politique officielle destinée à en assurer la réadaptation la plus complète possible.

162.La survivance dans le Code de procédure pénale de l'aveu extrajudiciaire est en contradiction avec la Constitution qui ne reconnaît un effet juridique qu'aux aveux faits devant l'autorité judiciaire.

163.L'absence dans la législation de dispositions énonçant l'interdiction d'expulser, de refouler ou d'extrader un individu lorsqu'il existe des motifs sérieux de croire que l'intéressé risque d'être soumis à la torture.

164.Durant la période couverte par le rapport, il y a eu de nombreux cas de torture et d'autres traitements cruels, inhumains ou dégradants ainsi que de recours disproportionné ou inutile à la force de la part de la police et du personnel pénitentiaire, selon les renseignements émanant de la Procurature déléguée à la défense des droits de l'homme et d'autres sources fiables.

165.Les affaires d'exécution extrajudiciaire dont les victimes présentent des marques de torture qui, tout en étant bien moins nombreuses, sembleraient traduire la persistance des pratiques criminelles suivies du temps du conflit armé auquel ont mis fin les accords de paix.

5. Recommandations

166.Qualifier l'infraction de torture dans des termes compatibles avec l'article premier de la Convention.

167.Réglementer le droit des victimes de la torture à une indemnisation équitable et adéquate à la charge de l'État et mettre en place des programmes pour leur réadaptation physique et mentale aussi complète que possible.

168.Supprimer la disposition du Code de procédure pénale reconnaissant la recevabilité des aveux extrajudiciaires, qui est contraire à la garantie constitutionnelle applicable.

169.Incorporer dans la législation des dispositions concernant l'interdiction d'expulser, de refouler ou d'extrader dans l'éventualité visée à l'article 3 de la Convention.

170.Poursuivre les activités d'éducation et de promotion concernant les droits de l'homme, et faire une place à une formation sur ces thèmes dans les programmes d'enseignement officiel à l'intention des nouvelles générations.

171.L'État partie est invité à adopter les mesures nécessaires pour que toute allégation de torture fasse l'objet d'une enquête immédiate et impartiale et, si elle est avérée, donne lieu à une sanction adéquate.

172.Faire les déclarations prévues aux articles 21 et 22 de la Convention.

173.Présenter le deuxième rapport (premier rapport périodique) d'ici à l'année prochaine, pour se conformer à l'échéancier prévu dans l'article 19 de la Convention.

174.Le Comité espère recevoir en temps opportun les renseignements demandés lors de l'examen du rapport et les réponses aux questions posées à cette occasion, comme s'y sont engagés les représentants de l'État partie.

M. États-Unis d'Amérique

175.Le Comité a examiné le rapport initial des États-Unis d'Amérique (CAT/C/28/Add.5) à ses 424ème, 427ème et 431ème séances tenues les 10, 11 et 15 mai 2000 (CAT/C/SR.424, 427 et 431) et a adopté les conclusions et recommandations ci‑après.

1. Introduction

176.Le Comité se félicite de la présentation par les États-Unis d'Amérique d'un rapport initial complet qui, bien que présenté avec près de cinq ans de retard, a été établi en parfait accord avec les directives du Comité.

177.Le Comité remercie également l'État partie de sa coopération sincère dans son dialogue et prend note des informations fournies au cours de l'exposé oral très détaillé.

2. Aspects positifs

178.Le Comité se félicite en particulier des points suivants :

a)La protection juridique étendue contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants existant dans l'État partie et les efforts déployés pour obtenir la transparence de ses institutions et de ses pratiques;

b)Les voies de recours abondantes ouvertes aux victimes d'actes de torture pour obtenir réparation, qu'ils aient été ou non commis sur le territoire des États-Unis d'Amérique;

c)L'adoption de règlements exécutifs interdisant le refoulement des potentielles victimes de torture;

d)Les contributions de l'État partie au Fonds de contributions volontaires des Nations Unies pour les victimes de la torture;

e)La création par ordonnance d'un groupe de travail interorganisations pour coordonner les efforts déployés au niveau fédéral afin de respecter les obligations découlant des instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme ratifiés par les États‑Unis;

f)L'assurance donnée par la délégation que l'État partie appliquait une juridiction pénale universelle chaque fois qu'un tortionnaire présumé était trouvé sur son territoire;

g)Les assurances à l'évidence sincères données au Comité par la délégation de l'État partie, selon lesquelles ce dernier coopérerait avec lui pour veiller au respect de la Convention.

3. Sujets de préoccupation

179.Le Comité a exprimé sa préoccupation au sujet des éléments suivants :

a)Le fait que l'État partie n'ait pas érigé la torture en un crime fédéral selon la définition de l'article premier de la Convention;

b)La réserve émise à l'égard de l'article 16 en violation de la Convention qui a pour effet de limiter l'application de la Convention;

c)Le nombre de cas de mauvais traitements de civils par la police et de mauvais traitements dans les prisons (y compris des cas de violences entre détenus). Ces mauvais traitements infligés par les policiers et les gardiens de prison semblent en grande partie être fondés sur la discrimination;

d)Les allégations d'agressions sexuelles à l'encontre de détenues et de prisonnières par des policiers et le personnel pénitentiaire. Ces dernières sont aussi très souvent détenues dans des conditions humiliantes et dégradantes;

e)L'utilisation d'instruments envoyant des décharges électriques et d'autres méthodes de contrainte (chaises spéciales de contention) qui peuvent être contraires aux dispositions de l'article 16 de la Convention;

f)Les conditions excessivement dures dans les prisons de sécurité maximale;

g)La pratique consistant à enchaîner des prisonniers les uns aux autres, particulièrement en public;

h)La possibilité considérablement réduite pour les prisonniers d'engager une action en réparation, du fait qu'il faut qu'il y ait préjudice physique pour qu'une action en vertu de la loi intitulée Prison Litig ation Refo r m Act puisse aboutir;

i)La détention de mineurs avec les adultes, parmi la population carcérale ordinaire.

4. Recommandations

180.Le Comité recommande à l'État partie :

a)Bien qu'il ait pris de nombreuses mesures pour assurer le respect des dispositions de la Convention, d'ériger aussi la torture en crime fédéral selon la définition de l'article premier de la Convention et de retirer ses réserves, interprétations et déclarations interprétatives concernant la Convention;

b)De prendre les mesures nécessaires pour faire en sorte que ceux qui agissent en violation de la Convention, en particulier ceux qui obéissent à des mobiles discriminatoires ou pour obtenir des satisfactions d'ordre sexuel, fassent l'objet d'enquêtes, de poursuites et de sanctions;

c)De supprimer les ceintures électriques neutralisantes et les chaises spéciales de contention en tant que méthodes d'immobilisation des détenus. Leur utilisation conduit presque immanquablement à des violations de l'article 16 de la Convention;

d)D'envisager de faire la déclaration prévue à l'article 22 de la Convention;

e)De garantir que les mineurs ne soient pas détenus avec les autres prisonniers;

f)De présenter le deuxième rapport périodique avant le 19 novembre 2001.

N. Pays‑Bas

181.Le Comité a examiné le troisième rapport périodique des Pays‑Bas (CAT/C/44/Add.4 et Add.8) à ses 426ème, 429ème et 433ème séances, tenues les 11, 12 et 16 mai 2000 (CAT/C/SR.426, 429 et 433) et a adopté les conclusions et recommandations ci‑après.

1. Introduction

182.Le Comité prend note avec satisfaction du troisième rapport périodique des Pays‑Bas (partie européenne du Royaume, Antilles néerlandaises et Aruba) qui a été établi conformément aux directives générales concernant la forme et le contenu des rapports périodiques.

183.Le Comité remercie les Gouvernements des trois parties du Royaume de leurs rapports complets ainsi que des exposés oraux et des explications des délégations, qui ont fait preuve d'un esprit d'ouverture et de coopération.

184.Le Comité accueille avec satisfaction les trois documents de base qui, bien qu'ils n'aient pas été soumis dans les délais prescrits, ont facilité l'examen des rapports périodiques.

185.Le Comité regrette que la délégation d'Aruba n'ait pas pu participer à l'examen des rapports. Il apprécie toutefois les renseignements écrits et les réponses données par les autorités d'Aruba au Comité.

2. Aspects positifs

186.Le Comité note en particulier avec satisfaction les éléments ci‑après :

a)Il n'a reçu aucun rapport faisant état d'allégations de torture dans l'État partie;

b)Dès 1999, une équipe nationale spéciale chargée des enquêtes sur les criminels de guerre a été créée et est entrée en service dans la partie européenne du Royaume des Pays‑Bas, afin de faciliter les enquêtes sur les crimes de guerre, qui peuvent inclure les actes de torture selon la définition de la Convention, et l'engagement de poursuites contre les responsables;

c)Les versements de l'État partie au Fonds de contributions volontaires des Nations Unies pour les victimes de la torture;

d)Les précisions données par le représentant de l'État partie en ce qui concerne le fait qu'il se soit abstenu d'engager des poursuites contre le général Pinochet quand il se trouvait sur le territoire des Pays‑Bas. Tout en regrettant qu'il ait été matériellement impossible d'engager des poursuites, le Comité note avec satisfaction que le représentant de l'État partie a affirmé que jouir de l'impunité n'est plus possible en vertu du droit international relatif aux droits de l'homme en vigueur;

e)Les Antilles néerlandaises et Aruba ont récemment érigé l'acte de torture en infraction pénale distincte, et établi également le principe de la compétence universelle;

f)Les Antilles néerlandaises ont créé un département national des enquêtes chargé de mener des investigations en cas d'allégations d'abus d'autorité commises par des agents de l'État ainsi qu'un comité de la police chargé d'examiner les plaintes pour brutalités policières. De plus, plusieurs mesures à court et à moyen terme ont été prises pour améliorer les conditions carcérales;

g)L'assurance que, malgré la privatisation des prisons aux Antilles néerlandaises, l'État continue de s'acquitter des obligations qu'il a contractées en vertu de la Convention;

h)Les mesures prises aux Antilles néerlandaises pour garantir que des responsables visitent les prisons une fois par semaine.

3. Sujets de préoccupation

187.Le Comité exprime sa préoccupation au sujet des éléments suivants :

a)Les allégations faisant état d'interventions policières aux Pays‑Bas (partie européenne du Royaume) impliquant des fouilles à corps illégales, un déploiement insuffisant de fonctionnaires de police de sexe féminin et l'usage excessif de la force par la police pour contenir la foule;

b)Les allégations de violences entre détenus, y compris d'agressions sexuelles dans la prison de Koraal Specht, aux Antilles néerlandaises;

c)Le recours quotidien à une brigade antiémeute pour faire régner la discipline dans la prison de Koraal Specht aux Antilles néerlandaises;

d)Certaines allégations de brutalités policières à Aruba et l'absence de renseignements, notamment de statistiques, au sujet de la population carcérale.

4. Recommandations

188.Le Comité recommande ce qui suit :

a)Des mesures devraient être prises dans la Partie européenne des Pays‑Bas en vue d'incorporer pleinement la Convention au droit interne, en reprenant notamment la définition de la torture donnée à l'article premier de la Convention;

b) Malgré les améliorations déjà apportées aux Antilles néerlandaises, il convient de continuer à prendre des mesures efficaces pour mettre fin aux conditions déplorables de détention qui règnent à la prison de Koraal Specht;

c)Il convient de revoir la pratique consistant à assurer la discipline dans les prisons aux Antilles néerlandaises par le recours quasiment quotidien à des brigades antiémeutes, et, en particulier, de faire des efforts pour trouver d'autres moyens d'empêcher la violence entre détenus. Au nombre de ces moyens il faudrait prévoir la formation adéquate du personnel pénitentiaire;

d)Les statistiques nécessaires devraient être données au Comité, ventilées selon le sexe et la région géographique.

O. Slovénie

189.Le Comité a examiné le rapport initial de la Slovénie (CAT/C/24/Add.5) à ses 428ème, 431ème et 435ème séances, tenues les 12, 15 et 17 mai 2000 (CAT/C/SR.428, 431 et 435), et a adopté les conclusions et recommandations ci‑après.

1. Introduction

190.Le Comité accueille avec satisfaction le rapport initial de la République de Slovénie qui, bien qu'attendu depuis 1994, a été établi en suivant les directives générales du Comité.

191.Le Comité se félicite de l'instauration d'un dialogue constructif avec l'État partie et remercie la délégation des renseignements supplémentaires fournis oralement.

2. Aspects positifs

192.Le Comité note que quand il a ratifié la Convention, le 15 avril 1993, l'État partie n'a pas émis de réserve à l'égard de l'article 20 et a fait les déclarations prévues aux articles 21 et 22 de la Convention.

193.Le Comité se déclare satisfait de ce que le rapport initial de l'État partie ait été établi avec l'assistance d'une institution non gouvernementale spécialisée.

194.Le Comité estime positif que la Constitution de l'État partie contienne une gamme étendue de dispositions pour la protection des droits de l'homme et des libertés fondamentales, comprenant l'interdiction de la torture.

195.Le Comité note avec satisfaction qu'il n'a pas reçu d'information faisant état d'allégations de torture, au sens de l'article premier de la Convention, dans l'État partie.

196.Le Comité se félicite de la mise en place de l'institution spéciale du médiateur pour la protection des droits de l'homme et prend note avec intérêt de ses activités efficaces et de son comportement responsable.

197.Le Comité note avec satisfaction que les dispositions législatives garantissent que les éléments de preuve soient exclus du dossier dans les cas où ils ont été obtenus en violation des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

198.Le Comité accueille avec satisfaction les modifications apportées à la loi de procédure pénale, qui prévoit l'assistance juridictionnelle obligatoire pour le suspect pendant toute la période de détention. Il considère en outre positive l'introduction d'un certain nombre de mesures de substitution à l'incarcération pendant l'enquête préliminaire.

199.Le Comité se félicite de l'adoption du code de conduite de la police.

200.Le Comité juge positive l'adoption de règles pour la construction, la rénovation et l'entretien de blocs de cellules de garde à vue.

201.Le Comité accueille avec satisfaction la création du Bureau de la gestion et de la supervision de la police et du Service des enquêtes sur les plaintes au sein de la Direction générale de la police.

3. Facteurs et difficultés entravant la mise en œuvre de la Convention

202.Après avoir accédé à l'indépendance, en 1991, l'État partie a connu pendant une période de transition des transformations sociales, économiques et politiques profondes et a réussi à édifier un État démocratique, ce qui a exigé de grands efforts et qui peut expliquer la présentation tardive du rapport initial.

4. Sujets de préoccupation

203.Le Comité note qu'il est indiqué dans le rapport que, pour permettre la répression du crime de torture, il est nécessaire d'insérer expressément dans la législation pénale slovène la définition de la torture figurant à l'article premier de la Convention. Il note en outre que la nouvelle loi sur l'application des peines, qui introduit une nouvelle définition de la torture, est entrée en vigueur le 23 mars 2000. Toutefois, il s'inquiète de ce que cette définition n'ait pas été introduite dans un code pénal et que le droit positif pénal ne définisse pas encore le corps de l'infraction de torture et ne soit donc pas un instrument permettant d'incriminer directement les auteurs d'actes de torture et de leur infliger les sanctions appropriées.

204.Le Comité se déclare préoccupé par les allégations de brutalités policières et d'usage excessif de la force par la police contre des personnes appartenant à la communauté rom, qui dans certains cas auraient causé des blessures graves.

205.Le Comité est également préoccupé par les allégations faisant état d'un usage excessif de la force par la police dans le cadre d'arrestations.

206.Le Comité note que la loi sur les étrangers interdit en règle générale l'expulsion d'un étranger vers un pays où il risque d'être soumis à la torture. Toutefois, il craint que le paragraphe 2 de l'article 51 de cette loi, qui permet de déroger à la règle générale dans les cas où l'individu constitue une menace pour la sécurité publique, ne soit contraire aux obligations de l'État partie découlant de l'article 3 de la Convention.

207.Le Comité est préoccupé par les conditions insuffisantes d'hébergement des demandeurs d'asile dans l'État partie.

5. Recommandations

208.Bien que le Comité se félicite de l'introduction d'une définition de la torture, conformément à l'article premier de la Convention, dans la législation nationale relative à l'application des sanctions pénales, il recommande à l'État partie d'introduire également cette définition dans les dispositions pénales.

209.Le Comité recommande à l'État partie de prendre les mesures qui s'imposent pour prévenir l'usage excessif de la force par la police contre les personnes appartenant à la communauté rom et à d'autres minorités, en particulier dans le cadre des arrestations et de la détention.

210.Le Comité recommande à l'État partie d'envisager de modifier les dispositions qui autorisent l'expulsion d'un étranger vers un pays où il risque d'être torturé, c'est‑à‑dire qui justifient l'expulsion par le fait que l'intéressé représente une menace pour la sécurité publique, de façon à satisfaire aux conditions prescrites à l'article 3 de la Convention.

211.Le Comité prie instamment l'État partie, à titre prioritaire, de prendre toutes les mesures nécessaires pour garantir que les demandeurs d'asile soient hébergés dans des conditions conformes aux prescriptions de l'article 16 de la Convention.

212.L'État partie est invité à présenter son deuxième rapport périodique d'ici au 14 août 2001.

V. ACTIVITÉS MENÉES PAR LE COMITÉ EN APPLICATIONDE L'ARTICLE 20 DE LA CONVENTION

A. Informations générales

213.En vertu du paragraphe 1 de l'article 20 de la Convention, s'il reçoit des renseignements crédibles qui lui semblent contenir des indications fondées attestant que la torture est pratiquée systématiquement sur le territoire d'un État partie, le Comité invite ledit État à coopérer à l'examen des renseignements et, à cette fin, à lui faire part de ses observations à ce sujet.

214.Conformément à l'article 69 du règlement intérieur du Comité, le Secrétaire général porte à l'attention du Comité les renseignements qui sont ou semblent être présentés pour examen par le Comité au titre du paragraphe 1 de l'article 20 de la Convention.

215.Le Comité ne reçoit aucun renseignement concernant un État partie qui, conformément au paragraphe 1 de l'article 28 de la Convention, a déclaré, au moment où il a ratifié la Convention ou y a adhéré, qu'il ne reconnaissait pas la compétence accordée au Comité aux termes de l'article 20, à moins que cet État n'ait ultérieurement levé sa réserve conformément au paragraphe 2 de l'article 28 de la Convention.

216.Le Comité a donc commencé ses travaux au titre de l'article 20 de la Convention à sa quatrième session et les a poursuivis de sa cinquième à sa vingt-deuxième session, consacrant comme suit un certain nombre de séances privées ou parties de séance privée à des activités au titre de cet article :

Sessions

Nombre de séances privées

Quatrième

4

Cinquième

4

Sixième

3

Septième

2

Huitième

3

Neuvième

3

Dixième

8

Onzième

4

Douzième

4

Treizième

3

Quatorzième

6

Quinzième

4

Seizième

4

Dix-septième

4

Dix-huitième

4

Dix-neuvième

4

Vingtième

5

Vingt et unième

3

Vingt-deuxième

8

Vingt-troisième

4

Vingt-quatrième

4

217.Conformément aux dispositions de l'article 20 de la Convention et des articles 72 et 73 du règlement intérieur, tous les documents et tous les travaux du Comité afférents aux fonctions qui lui sont confiées en vertu de l'article 20 de la Convention sont confidentiels et toutes les séances concernant ses travaux au titre de l'article 20 sont privées.

218.Toutefois, conformément au paragraphe 5 de l'article 20 de la Convention, le Comité peut, après consultations avec l'État partie intéressé, décider de faire figurer dans son rapport annuel aux États parties et à l'Assemblée générale un compte rendu succinct des résultats desdits travaux.

B. Enquête concernant le Pérou

219.Le 17 novembre 1999, le Comité a décidé d'inclure dans son rapport annuel les informations ci-après.

220.À sa quatorzième session, en avril 1995, le Comité a examiné en séance privée des renseignements qui lui avaient été communiqués par des organisations non gouvernementales en application de l'article 20 de la Convention, selon lesquels la torture serait systématiquement pratiquée au Pérou.

221.Le Comité a estimé que ces renseignements semblaient crédibles et contenaient des indications fondées attestant que la torture était systématiquement pratiquée au Pérou. Le Comité a invité l'État partie à coopérer à l'examen de ces renseignements et, par la suite, à l'enquête confidentielle qu'il avait décidé de mener. Le Comité est satisfait de la coopération dont a fait preuve le Pérou pendant tout le déroulement de la procédure.

222.Le Comité a chargé deux de ses membres de procéder à l'enquête. Ceux-ci, avec l'accord du Gouvernement péruvien, se sont rendus au Pérou du 29 août au 13 septembre 1998.

223.Le Comité a achevé son enquête en mai 1999 et a transmis son rapport, ainsi que ses conclusions et recommandations, au Gouvernement péruvien le 26 mai 1999.

224.En novembre 1999, le Comité a décidé de différer l'adoption d'une décision concernant la publication de son compte rendu succinct de l’enquête.

VI. EXAMEN DE COMMUNICATIONS REÇUES EN APPLICATIONDE L'ARTICLE 22 DE LA CONVENTION

225.Conformément à l'article 22 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, les personnes qui se plaignent d'une violation par un État partie de l'un quelconque des droits énoncés dans la Convention et qui ont épuisé tous les recours internes disponibles ont le droit d'adresser des communications écrites au Comité contre la torture pour examen. Quarante et un des 119 États qui ont adhéré à la Convention ou l'ont ratifiée ont déclaré qu'ils reconnaissaient la compétence du Comité pour recevoir et examiner des communications en vertu de l'article 22 de la Convention. Il s'agit des États suivants : Afrique du Sud, Algérie, Argentine, Australie, Autriche, Belgique, Bulgarie, Canada, Chypre, Croatie, Danemark, Équateur, Espagne, Fédération de Russie, Finlande, France, Grèce, Hongrie, Islande, Italie, Liechtenstein, Luxembourg, Malte, Monaco, Norvège, Nouvelle‑Zélande, Pays‑Bas, Pologne, Portugal, République tchèque, Sénégal, Slovaquie, Slovénie, Suède, Suisse, Togo, Tunisie, Turquie, Uruguay, Venezuela et Yougoslavie. Le Comité ne peut recevoir aucune communication concernant un État partie à la Convention qui n'aurait pas reconnu sa compétence à cet égard.

226.Les communications présentées en vertu de l'article 22 de la Convention sont examinées en séance privée (art. 22, par. 6). Tous les documents relatifs aux travaux du Comité dans le cadre de l'article 22 (communications des parties et autres documents de travail du Comité) sont confidentiels.

227.Dans l'exécution de la tâche qui lui incombe conformément à l'article 22 de la Convention, le Comité peut être assisté d'un groupe de travail composé de cinq de ses membres au plus ou d'un rapporteur spécial nommé parmi ses membres, qui lui présentent des recommandations touchant l'exécution des conditions de recevabilité des communications, ou l'aident de toutes les manières que le Comité jugera appropriées (art. 106 du règlement intérieur du Comité). Entre ses sessions, des rapporteurs spéciaux peuvent prendre des décisions de procédure (conformément à l'article 108), ce qui permet d'accélérer l'examen des communications.

228.Une communication ne peut être déclarée recevable que si l'État partie concerné en a reçu le texte et a eu la possibilité de présenter des renseignements ou des observations sur la question de la recevabilité, y compris des renseignements sur l'épuisement des recours internes (art. 108, par. 3). Dans les six mois qui suivent la transmission à l'État partie intéressé d'une communication déclarée recevable, ledit État doit présenter par écrit au Comité des explications ou déclarations éclaircissant la question à l'examen et indiquant, le cas échéant, les mesures qu'il pourrait avoir prises pour remédier à la situation (art. 110, par. 2). Pour accélérer l'examen de certaines communications, le Comité invite chaque État partie concerné, s'il ne conteste pas la recevabilité de la communication, à lui présenter immédiatement ses observations sur le fond de la communication.

229.Après l'examen d'une communication déclarée recevable, le Comité formule des constatations sur cette communication à la lumière de tous les renseignements fournis par le plaignant et par l'État partie. Ses constatations sont communiquées aux parties (art. 22, par. 7, de la Convention et art. 111, par. 3, du règlement intérieur) et sont ensuite rendues publiques. En règle générale, le texte des décisions déclarant des communications irrecevables en vertu de l'article 22 de la Convention est aussi rendu public; si l'État partie est identifié, en revanche l'identité de l'auteur de la communication n'est pas révélée.

230.Dans ses travaux au titre de l'article 22 de la Convention, le Comité s'efforce de prendre ses décisions par consensus. Cependant, conformément au paragraphe 4 de l'article 111 de son règlement intérieur, les membres peuvent joindre le texte de leur opinion individuelle aux constatations du Comité. Au cours de la période examinée, le texte d'une opinion individuelle a été joint aux constatations du Comité, en l'affaire No 99/1997 (T.P.S. c. Canada).

231.En application de l'article 112 de son règlement intérieur, le Comité inclut dans son rapport annuel un résumé des communications examinées. Il peut aussi inclure dans son rapport annuel le texte de ses constatations en vertu du paragraphe 7 de l'article 22 de la Convention, et de toute décision déclarant une communication irrecevable.

232.Au moment de l'adoption du présent rapport, le Comité avait enregistré 163 communications concernant 19 pays. Quarante‑cinq de ces communications avaient été classées et 34 déclarées irrecevables. Le Comité avait adopté des constatations au sujet de 45 communications et constaté que 18 d'entre elles faisaient apparaître des violations de la Convention. Enfin, il lui restait à examiner 39 communications.

233.À sa vingt‑troisième session, le Comité a décidé de classer une communication et il a déclaré recevable une communication qui devra être examinée sur le fond. En outre, il a déclaré irrecevables les communications Nos 86/1997 (P. S. c. Canada), 93/1997 (K. N. c. France), 121/1998 (S. H. c. Norvège) et 127/1999 (Z. T. c. Norvège), au motif que les conditions prescrites à l'article 22, paragraphe 5 b), de la Convention n'étaient pas remplies. Le texte de ces décisions figure à l'annexe VIII du présent rapport.

234.À sa vingt‑troisième session également, le Comité a adopté ses constatations au sujet des communications Nos 60/1996 (Khaled Ben M'Barek c. T unisie), 63/1997 (Josu  Arka u z Aran a c. F rance), 96/1997 (A. D. c. Pays ‑Bas), 107/1998 (K. M  c. Suisse) et 118/1998 (K. T. c. Suisse). Le texte des constatations du Comité figure à l'annexe VIII au présent rapport.

235.Dans ses constatations sur la communication No 60/1996 (Khaled Ben M'Barek c. T unisie), le Comité a considéré que les documents qui lui avaient été communiqués ne prouvaient nullement que l'État partie ne s'était pas acquitté des obligations qui lui incombaient au titre des articles 11 et 14 de la Convention, mais qu'il avait violé son obligation résultant des articles 12 et 13 de la Convention de faire procéder immédiatement à une enquête impartiale. Le Comité a considéré qu'une enquête menée plus de 10 mois après qu'une organisation non gouvernementale étrangère eut donné l'alerte sur cette affaire, et plus de deux mois après qu'un rapport du Comité supérieur des droits de l'homme et des libertés fondamentales de la Tunisie eut demandé l'ouverture d'une nouvelle enquête, n'était pas conforme à l'obligation d'agir immédiatement. Il a aussi considéré que cette enquête avait manqué d'impartialité parce que, notamment, le Procureur de la République ‑ qui, dans le système tunisien, est placé sous l'autorité du Ministre de la justice ‑ n'avait pas fait appel de la décision de non‑lieu.

236.Dans ses constatations sur la communication No 63/1997 (Josu Arka u z Aran a c. F rance), le Comité a confirmé sa décision sur la recevabilité, et il a conclu que l'État partie avait violé l'article 3 de la Convention en renvoyant l'auteur en Espagne, alors qu'il existait des motifs sérieux de croire qu'il risquait d'être soumis à la torture s'il retournait dans son pays d'origine. Le Comité a également souligné que le caractère administratif de l'expulsion de l'auteur, ordonnée sans l'intervention d'une autorité judiciaire et sans que la possibilité lui soit donnée d'entrer en contact avec un avocat ou avec sa famille, paraissait ne pas respecter les droits des détenus.

237.Dans ses constatations sur la communication No 96/1997 (A. D. c. Pays ‑Bas), le Comité a rappelé que la prolongation pour traitement médical du permis de résidence temporaire d'une personne sous le coup d'un arrêté d'expulsion ne suffisait pas à remplir les obligations contractées par l'État partie en vertu de l'article 3 de la Convention. Néanmoins, dans le cas considéré, le Comité a conclu qu'il n'existait pas de motif sérieux de croire que l'auteur risquerait personnellement d'être soumis à la torture s'il était renvoyé à Sri Lanka, et qu'il n'y avait donc pas violation de l'article 3 de la Convention.

238.Dans ses constatations sur la communication No 107/1998 (K. M. c. Suisse), le Comité a conclu que les informations dont il était saisi ne montraient pas qu'il existait des motifs sérieux de croire que l'auteur risquait personnellement d'être soumis à la torture s'il était renvoyé en Turquie, son pays d'origine. Il a noté, à cet égard, que les raisons pour lesquelles l'auteur avait quitté la Turquie remontaient à 1995, et que l'auteur n'avait eu aucun contact avec le PKK (Parti des travailleurs du Kurdistan) depuis lors. En outre, il a noté que l'authenticité d'un document attestant que l'auteur avait été accusé de collusion avec le PKK ne pouvait pas être établie.

239.Dans ses constatations sur la communication No 118/1998 (K. T. c. Suisse), le Comité a conclu que l'auteur n'avait pas fourni de preuves suffisantes justifiant sa crainte d'être arrêté et torturé s'il était renvoyé en République démocratique du Congo, son pays d'origine. Le Comité a donc conclu que la décision de l'État partie de renvoyer l'auteur en République démocratique du Congo ne faisait apparaître aucune violation de l'article 3 de la Convention.

VII.  EXAMEN DE COMMUNICATIONS REÇUES EN APPLICATIONDE L'ARTICLE 22 DE LA CONVENTION (suite)

240.À sa vingt-quatrième session, le Comité a décidé de classer cinq communications pour différentes raisons, dont le rapatriement librement consenti de l'auteur, le retrait de la communication ou l'absence de réponse de l'auteur. En outre, il a déclaré irrecevables les communications Nos 140/1999 (A. G. c. Suède) et 95/1997 (L. O. c. Canada) au motif qu'elles ne satisfaisaient pas aux conditions définies au paragraphe 5 b) de l'article 22 de la Convention. Le texte de ces décisions est reproduit à l'annexe VIII au présent rapport.

241.À sa vingt‑quatrième session également, le Comité a adopté ses constatations concernant les communications Nos 99/1997 (T. P. S. c. Canada), 116/1998 (N. M. c. Suisse), 126/1999 (H. A. D. c. Suisse), 130 et 131/1999 (V. X. N. et H. N. c. Suède), 137/1999 (G. T. c. Suisse), 143/1999 (J. S.C. c. Danemark). Le texte des constatations du Comité figure à l'annexe VIII du présent rapport.

242.Dans ses constatations sur la communication No 99/1997 (T. P. S. c. Canada), le Comité a estimé que l'expulsion de l'auteur vers l'Inde ne constituait pas une violation de l'article 3 de la Convention vu que l'auteur résidait depuis plus de deux ans en Inde depuis cette expulsion sans avoir été confronté au moindre acte susceptible d’être qualifié de torture. Le Comité a cependant noté avec une profonde préoccupation que l'État partie n'avait pas donné suite à la demande de mesures provisoires qu'il lui avait adressée conformément au paragraphe 9 de l'article 108 de son règlement intérieur, tendant à ce que l'État partie n'expulse pas l'auteur vers l'Inde tant que sa communication était à l’examen devant le Comité. Il a estimé que l'État partie, en ratifiant la Convention et en reconnaissant volontairement la compétence du Comité prévue à l'article 22, s'était engagé à coopérer avec lui en toute bonne foi pour l'application de la procédure. Il est indispensable que les États parties donnent suite à toute demande de mesures provisoires que leur adresse le Comité dans les cas où ce dernier le juge raisonnable dans le souci de protéger les individus concernés d'un préjudice irréparable qui, de plus, pourrait invalider le résultat final des délibérations du Comité. L'opinion individuelle d'un membre du Comité est annexée aux constatations du Comité (voir annexe VIII).

243.Dans ses constatations sur la communication No 116/1998 (N. M. c. Suisse), le Comité a estimé que les arguments avancés par l'auteur à l'appui de son affirmation selon laquelle il serait torturé s'il retournait en République démocratique du Congo n'étaient ni cohérents ni convaincants. En conséquence, il a conclu à l'absence de violation de l'article 3 de la Convention.

244.Dans ses constatations sur la communication No 126/1999 (H. A. D. c. Suisse), le Comité n'a pas mis en doute les allégations de l’auteur selon lesquelles il avait été soumis à des mauvais traitements en 1985, bien qu’elles n'aient pas été étayées par les rapports médicaux. Il a toutefois conclu que vu le temps écoulé depuis ces événements il était peu probable que l'auteur coure encore le risque d'être torturé à son retour en Turquie.

245.Le Comité a décidé d'examiner conjointement les communications Nos 130 et 131/1999 (V. X. N. et H. N. c. Suède) en raison de leur similitude. Dans ses constatations concernant ces deux communications, le Comité a estimé qu'il subsistait quelques doutes quant à la crédibilité des auteurs. Constatant que le risque encouru par les auteurs d'être emprisonnés à leur retour au Viet Nam ne pouvait justifier à lui seul l'octroi de la protection prévue à l'article 3 de la Convention, le Comité a estimé qu'il s'était écoulé tant de temps depuis que les auteurs s'étaient enfuis du Viet Nam, que leurs actes ne pouvaient plus être considérés comme un délit par les autorités vietnamiennes.

246.Dans ses constatations sur la communication No 137/1999 (G. T. c. Suisse), le Comité a considéré que l'auteur n'avait pas produit de preuves assez convaincantes pour lever les doutes du Comité quant à la date exacte de l'arrivée de l'auteur en Suisse. En outre, les nombreuses invraisemblances et l'absence de preuves se rapportant à ses activités au sein du Parti des travailleurs du Kurdistan (P.K.K.) ont amené le Comité à conclure qu'il n'existait aucun motif sérieux de croire que l'auteur risquait personnellement d'être soumis à la torture s'il était renvoyé en Turquie, son pays d'origine.

247.Dans ses constatations sur la communication No 143/1999 (S. C. c. Danemark), le Comité a indiqué, sans contester que l'auteur ait pu avoir des démêlés avec les autorités équatoriennes du fait de ses activités politiques, qu’il convenait de rappeler, notamment, que l'auteur avait exercé ces activités politiques en qualité de membre d'un parti politique légal, d'un pays ayant non seulement ratifié la Convention mais aussi reconnu volontairement la compétence du Comité prévue en son article 22. Le Comité a conclu que les informations présentées par l'auteur ne laissaient pas apparaître des motifs suffisants de croire qu'elle était exposée à un risque prévisible, réel et personnel d'être torturée en cas de renvoi en Équateur.

VIII. ADOPTION DU RAPPORT ANNUEL DU COMITÉ SUR SES ACTIVITÉS

248.Conformément à l'article 24 de la Convention, le Comité présente aux États parties et à l'Assemblée générale un rapport annuel sur ses activités.

249.Étant donné que le Comité tient chaque année sa deuxième session à la fin du mois de novembre, période qui coïncide avec celle pendant laquelle ont lieu les sessions ordinaires de l'Assemblée générale, il a décidé d'adopter son rapport annuel à la fin de la session de printemps afin qu'il puisse être transmis à l'Assemblée générale pendant la même année civile.

250.En conséquence, à sa 438ème séance, le 19 mai 2000, le Comité a examiné le projet de rapport sur ses activités à ses vingt-troisième et vingt-quatrième sessions (CAT/C/XXIV/CRP.1 et Add.1 à 4, 5 Rev. 1, 6 à 8). Le rapport, tel qu'il avait été modifié au cours du débat, a été adopté à l'unanimité. Un compte rendu des activités du Comité à sa vingt-cinquième session (13‑24 novembre 2000) figurera dans le rapport annuel pour 2001.

____________

Annexe I

LISTE DES ÉTATS AYANT SIGNÉ OU RATIFIÉ LA CONVENTION CONTRELA TORTURE ET AUTRES PEINES OU TRAITEMENTS CRUELS,INHUMAINS OU DÉGRADANTS, OU Y AYANT ADHÉRÉ,AU 19 MAI 2000

État

Date de la signature

Date de réception des instruments de ratification ou d'adhésion

Afghanistan

4 février 1985

1er avril 1987

Afrique du Sud

29 janvier 1993

10 décembre 1998

Albanie

11 mai 1994a

Algérie

26 novembre 1985

12 septembre 1989

Allemagne

13 octobre 1986

1er octobre 1990

Antigua-et-Barbuda

19 juillet 1993a

Arabie saoudite

23 septembre 1997a

Argentine

4 février 1985

24 septembre 1986

Arménie

13 septembre 1993a

Australie

10 décembre 1985

8 août 1989

Autriche

14 mars 1985

29 juillet 1987

Azerbaïdjan

16 août 1996a

Bahreïn

6 mars 1998a

Bangladesh

5 octobre 1998a

Bélarus

19 décembre 1985

13 mars 1987

Belgique

4 février 1985

25 juin 1999

Belize

17 mars 1986a

Bénin

12 mars 1992a

Bolivie

4 février 1985

12 avril 1999

Bosnie-Herzégovine

6 mars 1992b

Brésil

23 septembre 1985

28 septembre 1989

Bulgarie

10 juin 1986

16 décembre 1986

Burkina Faso

4 janvier 1999

Burundi

18 février 1993a

Cambodge

15 octobre 1992a

Cameroun

19 décembre 1986a

Canada

23 août 1985

24 juin 1987

Cap‑Vert

4 juin 1992a

Chili

23 septembre 1987

30 septembre 1988

Chine

12 décembre 1986

4 octobre 1988

Chypre

9 octobre 1985

18 juillet 1991

Colombie

10 avril 1985

8 décembre 1987

Costa Rica

4 février 1985

11 novembre 1993

Côte d'Ivoire

18 décembre 1995a

Croatie

8 octobre 1991b

Cuba

27 janvier 1986

17 mai 1995

Danemark

4 février 1985

27 mai 1987

Égypte

25 juin 1986a

El Salvador

17 juin 1996a

Équateur

4 février 1985

30 mars 1988

Espagne

4 février 1985

21 octobre 1987

Estonie

21 octobre 1991a

États‑Unis d'Amérique

18 avril 1988

21 octobre 1994

Éthiopie

14 mars 1994a

ex‑République yougoslave

de Macédoine

12 décembre 1994a

Fédération de Russie

10 décembre 1985

3 mars 1987

Finlande

4 février 1985

30 août 1989

France

4 février 1985

18 février 1986

Gabon

21 janvier 1986

Gambie

23 octobre 1985

Géorgie

26 octobre 1994a

Grèce

4 février 1985

6 octobre 1988

Guatemala

5 janvier 1990a

Guinée

30 mai 1986

10 octobre 1989

Guyana

25 janvier 1988

19 mai 1988

Honduras

5 décembre 1996a

Hongrie

28 novembre 1986

15 avril 1987

Inde

14 octobre 1997

Indonésie

23 octobre 1985

28 octobre 1998

Irlande

28 septembre 1992

Islande 

4 février 1985

23 octobre 1996

Israël

22 octobre 1986

3 octobre 1991

Italie

4 février 1985

12 janvier 1989

Jamahiriya arabe libyenne

16 mai 1989a

Japon

29 juin 1999a

Jordanie

13 novembre 1991a

Kazakhstan

26 août 1998a

Kenya

21 février 1997a

Kirghizistan

5 septembre 1997a

Koweït

8 mars 1996a

Lettonie

14 avril 1992a

Liechtenstein

27 juin 1985

2 novembre 1990

Lituanie

1er février 1996a

Luxembourg

22 février 1985

29 septembre 1987

Malawi

11 juin 1996a

Mali

26 février 1999a

Malte

13 septembre 1990a

Maroc

8 janvier 1986

21 juin 1993

Maurice

9 décembre 1992a

Mexique

18 mars 1985

23 janvier 1986

Monaco

6 décembre 1991a

Mozambique

14 septembre 1999

Namibie

28 novembre 1994a

Népal

14 mai 1991a

Nicaragua

15 avril 1985

Niger

5 octobre 1998a

Nigéria

28 juillet 1988

Norvège

4 février 1985

9 juillet 1986

Nouvelle‑Zélande

14 janvier 1986

10 décembre 1989

Ouganda

3 novembre 1986a

Ouzbékistan

28 septembre 1995a

Panama

22 février 1985

24 août 1987

Paraguay

23 octobre 1989

12 mars 1990

Pays‑Bas

4 février 1985

21 décembre 1988

Pérou

29 mai 1985

7 juillet 1988

Philippines

18 juin 1986a

Pologne

13 janvier 1986

26 juillet 1989

Portugal

4 février 1985

9 février 1989

Qatar

11 janvier 2000

République de Corée

9 janvier 1995a

République démocratique

du Congo

18 mars 1996a

République de Moldova

28 novembre 1995a

République dominicaine

4 février 1985

République tchèque

1er janvier 1993b

Roumanie

18 décembre 1990a

Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord

15 mars 1985

8 décembre 1988

Sénégal

4 février 1985

21 août 1986

Seychelles

5 mai 1992a

Sierra Leone

18 mars 1985

Slovaquie

29 mai 1993a

Slovénie

16 juillet 1993a

Somalie

24 janvier 1990a

Soudan

4 juin 1986

Sri Lanka

3 janvier 1994a

Suède

4 février 1985

8 janvier 1986

Suisse

4 février 1985

2 décembre 1986

Tadjikistan

11 janvier 1995a

Tchad

9 juin 1995a

Togo

25 mars 1987

18 novembre 1987

Tunisie

26 août 1987

23 septembre 1988

Turkménistan

25 juin 1999a

Turquie

25 janvier 1988

2 août 1988

Ukraine

27 février 1986

24 février 1987

Uruguay

4 février 1985

24 octobre 1986

Venezuela

15 février 1985

29 juillet 1991

Yémen

5 novembre 1991a

Yougoslavie

18 avril 1989

10 septembre 1991

Zambie

7 octobre 1998a

Annexe II

ÉTATS PARTIES AYANT DÉCLARÉ, LORS DE LA RATIFICATIONOU DE L'ADHÉSION, NE PAS RECONNAÎTRE LA COMPÉTENCEDU COMITÉ EN APPLICATION DE L'ARTICLE 20DE LA CONVENTION, AU 19 MAI 2000a

AfghanistanArabie saouditeBélarusChineCubaIsraëlKoweïtMarocUkraine

Annexe III

ÉTATS PARTIES AYANT FAIT DES DÉCLARATIONS EN APPLICATION DES ARTICLES 21 ET 22 DE LA CONVENTIONa, AU 19 MAI 2000b

État partie Date d'entrée en vigueur

Afrique du Sud9 janvier 1999

Algérie12 octobre 1989

Argentine26 juin 1987

Australie29 janvier 1993

Autriche28 août 1987

Belgique25 juillet 1999

Bulgarie12 juin 1993

Canada24 juillet 1987

Chypre8 avril 1993

Croatie8 octobre 1991

Danemark26 juin 1987

Équateur29 avril 1988

Espagne20 novembre 1987

Fédération de Russie1er octobre 1991

Finlande29 septembre 1989

France26 juin 1987

Grèce5 novembre 1988

Hongrie26 juin 1987

Islande22 novembre 1996

Italie11 février 1989

Liechtenstein2 décembre 1990

Luxembourg29 octobre 1987

Malte13 octobre 1990

Monaco6 janvier 1992

Norvège26 juin 1987

Nouvelle-Zélande9 janvier 1990

Pays-Bas20 janvier 1989

Pologne12 juin 1993

Portugal11 mars 1989

République tchèque3 septembre 1996

Sénégal16 octobre 1996

Slovaquie17 avril 1995

Slovénie16 juillet 1993

État partie Date d'entrée en vigueur

Suède26 juin 1987

Suisse26 juin 1987

Togo18 décembre 1987

Tunisie23 octobre 1988

Turquie1er septembre 1988

Uruguay26 juin 1987

Venezuela26 avril 1994

Yougoslavie10 octobre 1991

Annexe IV

COMPOSITION DU COMITÉ CONTRE LA TORTURE (2000)

Membre

Pays de nationalité

Mandat expirant le 31 décembre

M. Peter Thomas BURNS

Canada

2003

M. Guibril CAMARA

Sénégal

2003

M. Sayed Kassem EL MASRY

Égypte

2001

Mme Felice GAER

États-Unis d'Amérique

2003

M. Alejandro GONZALEZ POBLETE

Chili

2003

M. Andreas MAVROMMATIS

Chypre

2003

M. António SILVA HENRIQUES GASPAR

Portugal

2001

M. Ole Vedel RASMUSSEN

Danemark

2001

M. Alexander M. YAKOVLEV

Fédération de Russie

2001

M. YU Mengjia

Chine

2001

Annexe V

DÉCLARATION COMMUNE À L'OCCASION DE LA JOURNÉE INTERNATIONALEDES NATIONS UNIES POUR LE SOUTIEN AUX VICTIMES DE LA TORTURE

26 juin 2000

Le Comité contre la torture, le Conseil d'administration du Fonds de contributions volontaires des Nations Unies pour les victimes de la torture (le Fonds), le Rapporteur spécial de la Commission des droits de l'homme sur la question de la torture et la Haut‑Commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme,

Rappelant la décision prise par l'Assemblée générale de déclarer le 26 juin Journée internationale des Nations Unies pour le soutien aux victimes de la torture,

Prenant note de la résolution 2000/43 de la Commission des droits de l'homme, adoptée le 20 avril 2000, dans laquelle tous les gouvernements, la Haut‑Commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme et les organismes et institutions du système des Nations Unies ainsi que les organisations non gouvernementales concernés sont appelés à célébrer le 26 juin 2000 la Journée internationale des Nations Unies pour le soutien aux victimes de la torture, en mettant l'accent cette année sur la réparation due aux victimes,

Rappelant les déclarations communes qu'ils ont adoptées les 26 juin 1998 et 1999,

Rappelant également les échanges de vues réguliers entre le Conseil d'administration du Fonds, le Comité contre la torture et le Rapporteur spécial de la Commission des droits de l'homme sur la question de la torture concernant la mission commune dont ils sont investis d'aider les victimes de la torture, et prenant note de la nécessité, soulignée par l'Assemblée générale, de procéder à des échanges de vues supplémentaires avec les autres mécanismes et organismes compétents des Nations Unies et de poursuivre la coopération avec les programmes pertinents des Nations Unies, en particulier le Programme des Nations Unies en matière de prévention du crime et de justice pénale, dans le souci de renforcer encore leur efficacité et leur coopération en ce qui concerne les activités relatives à la torture, notamment en améliorant leur coordination,

Rappelant les appels contre la torture lancés par le Secrétaire général et la Haut‑Commissaire aux droits de l'homme, dans lesquels, entre autres, ils exhortaient tous les gouvernements à éradiquer la torture et à traduire en justice les tortionnaires et réaffirmaient que mettre fin à la torture, c'était commencer à reconnaître le plus fondamental de tous les droits de l'homme : la dignité et la valeur intrinsèque de la personne humaine,

Réaffirmant que la torture est l'un des actes les plus abjects qu'un être humain puisse commettre à l'égard d'un autre,

Notant avec inquiétude que le nombre de demandes d'assistance adressées au Fonds en faveur de victimes de la torture et de membres de leur famille ne cesse d'augmenter,

Rappelant que la torture est proscrite par l'article 5 de la Déclaration universelle des droits de l'homme, ainsi que par des dispositions expresses de traités internationaux relatifs aux droits de l'homme auxquels une majorité d'États a adhéré,

Soulignant que la torture constitue une violation d'un droit fondamental intangible qu'aucune circonstance ne saurait justifier et que sa pratique systématique et généralisée est qualifiée de crime contre l'humanité en droit international, en particulier en vertu de l'article 7 du Statut de Rome de la Cour pénale internationale,

Conscients de la nécessité de mettre l'accent sur la prévention de la torture, comme l'a recommandé la Conférence mondiale sur les droits de l'homme en 1993,

Prenant acte de l'apport précieux des gouvernements, des associations, des groupes et des particuliers qui luttent pour l'élimination effective de toutes les formes de torture,

Rendant hommage à tous ceux qui se dévouent partout dans le monde pour atténuer les souffrances des victimes de la torture et contribuer à leur rétablissement,

Se félicitant des efforts déployés sans relâche par des organisations non gouvernementales pour combattre la torture et atténuer les souffrances des victimes de la torture,

1.Appellent de nouveau, à l'occasion de la Journée internationale des Nations Unies pour le soutien aux victimes de la torture (26 juin 2000), à apporter un soutien aux victimes de la torture, en mettant l'accent cette année sur la réparation, ainsi qu'à prévenir et interdire la torture et, à cette fin :

2.Insistent en particulier sur la nécessité croissante pour les victimes de la torture de bénéficier d'une assistance juridique aux fins d'obtenir réparation et indemnisation et d'avoir accès aux services de réadaptation, et encouragent le Fonds à continuer d'appuyer des petits projets d'assistance humanitaire en faveur des victimes de la torture dans différents pays, en ayant à l'esprit que l'efficacité de ces dispositifs humanitaires est liée au fait qu'ils soient proches des victimes;

3.Remercient et félicitent les gouvernements, organisations et particuliers qui ont versé des contributions au Fonds, en particulier ceux qui ont pu répondre favorablement à l'appel lancé par le Conseil d'administration en versant leur contribution avant la session annuelle du Conseil d'administration, ainsi que ceux qui ont augmenté le montant de leur contribution, et les encouragent à continuer de la sorte;

4.Prient instamment tous les gouvernements, les organisations et les particuliers de verser une contribution annuelle au Fonds, de préférence pour le 1er mars, avant la réunion annuelle du Fonds, si possible en augmentant sensiblement le montant de leur contribution, pour permettre de faire face à l'accroissement constant du nombre de demandes d'assistance médicale, psychologique, sociale, économique, juridique, humanitaire et autre en faveur de victimes de la torture et de membres de leur famille partout dans le monde;

5.Prient instamment tous les États ne l'ayant pas encore fait de devenir partie à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, sans y apporter de réserve;

6.Prient instamment les États parties à la Convention qui n'ont pas encore accepté ses dispositions facultatives de le faire dès que possible;

7.Engagent tous les États à redoubler d'efforts pour que soit rapidement adopté le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants;

8.Prient instamment tous les États de devenir en priorité partie au Statut de Rome de la Cour pénale internationale, adopté le 17 juillet 1998;

9.Prient instamment tous les États de veiller à ce que les actes de torture constituent une infraction au regard de leur droit pénal ainsi que de poursuivre énergiquement les auteurs chaque fois qu'un tel acte a été commis, où que ce soit, et de les traduire en justice;

10.Accueillent avec satisfaction la décision prise par la Commission des droits de l'homme, dans sa résolution 2000/43 du 20 avril 2000, d'appeler l'attention des gouvernements sur les Principes relatifs aux moyens d'enquêter efficacement sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants et d'établir la réalité de ces faits, figurant en annexe à ladite résolution;

11.Font leur la recommandation formulée par la Commission des droits de l'homme dans sa résolution 2000/32 tendant à ce que le Haut‑Commissariat encourage les spécialistes de médecine légale à renforcer la coopération et à réaliser des manuels supplémentaires portant sur l'examen des personnes en vie, et se félicitent de l'initiative prise par le Haut‑Commissariat de publier le "Manuel sur les moyens d'enquêter efficacement sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants" dans sa série sur la formation professionnelle, à laquelle le Fonds a apporté une contribution;

12.Prient instamment tous les États de faire une place dans leur législation nationale à des dispositions garantissant une réparation équitable et adéquate aux victimes de la torture, notamment leur indemnisation et leur réadaptation;

13.Prient instamment tous les États de coopérer pleinement avec le Rapporteur spécial de la Commission des droits de l'homme sur la question de la torture aux fins de l'accomplissement de son mandat;

14.Expriment leur reconnaissance aux États qui ont invité le Rapporteur spécial à se rendre sur leur territoire et prie instamment les États dont il a sollicité une invitation de donner une suite favorable à pareille requête;

15.Estiment que, grâce à ces mesures, le crime de torture peut donner lieu à des poursuites et à des condamnations partout dans le monde et que l'impunité des tortionnaires, quel que soit leur statut, ne saura être tolérée;

16.Demandent au Secrétariat de transmettre à tous les gouvernements la présente déclaration commune et d'en assurer la diffusion aussi large que possible.

Annexe VI

PrÉsentation des rapports par les États parties en vertu de l'article 19de la Convention : situation au 19 mai 2000

A. Rapports initiaux

Rapports initiaux attendus en 1988 (27)

État partie

Date d'entréeen vigueur

Date à laquelledevait être présentéle rapport initial

Date deprésentation

Cote

Afghanistan

26 juin 1987

25 juin 1988

21 janvier 1992

CAT/C/5/Add.31

Argentine

26 juin 1987

25 juin 1988

15 décembre 1988

CAT/C/5/Add.12/Rev.1

Autriche

28 août 1987

27 août 1988

10 novembre 1988

CAT/C/5/Add.10

Bélarus

26 juin 1987

25 juin 1988

11 janvier 1989

CAT/C/5/Add.14

Belize

26 juin 1987

25 juin 1988

18 avril 1991

CAT/C/5/Add.25

Bulgarie

26 juin 1987

25 juin 1988

12 septembre 1991

CAT/C/5/Add.28

Cameroun

26 juin 1987

25 juin 1988

15 février 1989 et 25 avril 1991

CAT/C/5/Add.16 et 26

Canada

24 juillet 1987

23 juillet 1988

16 janvier 1989

CAT/C/5/Add.15

Danemark

26 juin 1987

25 juin 1988

26 juillet 1988

CAT/C/5/Add.4

Égypte

26 juin 1987

25 juin 1988

26 juillet 1988 et 20 novembre 1990

CAT/C/5/Add.5 et 23

Espagne

20 novembre 1987

19 novembre 1988

19 mars 1990

CAT/C/5/Add.21

Fédération de Russie

26 juin 1987

25 juin 1988

6 décembre 1988

CAT/C/5/Add.11

France

26 juin 1987

25 juin 1988

30 juin 1988

CAT/C/5/Add.2

Hongrie

26 juin 1987

25 juin 1988

25 octobre 1988

CAT/C/5/Add.9

Luxembourg

29 octobre 1987

28 octobre 1988

15 octobre 1991

CAT/C/5/Add.29

Mexique

26 juin 1987

25 juin 1988

10 août 1988 et 13 février 1990

CAT/C/5/Add.7 et 22

Norvège

26 juin 1987

25 juin 1988

21 juillet 1988

CAT/C/5/Add.3

Ouganda

26 juin 1987

25 juin 1988

Panama

23 septembre 1987

22 septembre 1988

28 janvier 1991

CAT/C/5/Add.24

Philippines

26 juin 1987

25 juin 1988

26 juillet 1988 et 28 avril 1989

CAT/C/5/Add.6 et 18

Rép. dém. allemande

9 octobre 1987

8 octobre 1988

19 décembre 1988

CAT/C/5/Add.13

Sénégal

26 juin 1987

25 juin 1988

30 octobre 1989

CAT/C/5/Add.19(remplaçant Add.8)

Suède

26 juin 1987

25 juin 1988

23 juin 1988

CAT/C/5/Add.1

Suisse

26 juin 1987

25 juin 1988

14 avril 1989

CAT/C/5/Add.17

Togo

18 décembre 1987

17 décembre 1988

Ukraine

26 juin 1987

25 juin 1988

17 janvier 1990

CAT/C/5/Add.20

Uruguay

26 juin 1987

25 juin 1988

6 juin 1991 et 5 décembre 1991

CAT/C/5/Add.27 et 30

Rapports initiaux attendus en 1989 (10)

État partie

Date d'entrée en vigueur

Date à laquelledevait être présentéle rapport initial

Date de présentation

Cote

Chili

30 octobre 1988

29 octobre 1989

21 septembre 1989 et 5 novembre 1990

CAT/C/7/Add.2 et 9

Chine

3 novembre 1988

2 novembre 1989

1er décembre 1989

CAT/C/7/Add.5 et 14

Colombie

7 janvier 1988

6 janvier 1989

24 avril 1989 et 28 août 1990

CAT/C/7/Add.1 et 10

Équateur

29 avril 1988

28 avril 1989

27 juin 1990, 28 février 1991 et 26 septembre 1991

CAT/C/7/Add.7, 11 et 13

Grèce

5 novembre 1988

4 novembre 1989

8 août 1990

CAT/C/7/Add.8

Guyana

18 juin 1988

17 juin 1989

Pérou

6 août 1988

5 août 1989

9 novembre 1992 et 22 février 1994

CAT/C/7/Add.15 et 16

République fédérative tchèque et slovaque

6 août 1988

5 août 1989

21 novembre 1989 et 14 mai 1991

CAT/C/7/Add.4 et 12

Tunisie

23 octobre 1988

22 octobre 1989

25 octobre 1989

CAT/C/7/Add.3

Turquie

1er septembre 1988

31 août 1989

24 avril 1990

CAT/C/7/Add.6

Rapports initiaux attendus en 1990 (11)

État partie

Date d'entrée en vigueur

Date à laquelle devait être présenté le rapport initial

Date de présentation

Cote

Algérie

12 octobre 1989

11 octobre 1990

13 février 1991

CAT/C/9/Add.5

Australie

7 septembre 1989

6 septembre 1990

27 août 1991 et 11 juin 1992

CAT/C/9/Add.8 et 11

Brésil

28 octobre 1989

27 octobre 1990

Finlande

29 septembre 1989

28 septembre 1990

28 septembre 1990

CAT/C/9/Add.4

Guinée

9 novembre 1989

8 novembre 1990

Italie

11 février 1989

10 février 1990

30 décembre 1991

CAT/C/9/Add.9

Jamahiriya arabe libyenne

15 juin 1989

14 juin 1990

14 mai 1991 et 27 août 1992

CAT/C/9/Add.7 et 12/Rev.1

Pays‑Bas

20 janvier 1989

19 janvier 1990

14 mars 1990, 11 septembre 1990 et 13 septembre 1990

CAT/C/9/Add.1 à 3

Pologne

25 août 1989

24 août 1990

22 mars 1993

CAT/C/9/Add.13

Portugal

11 mars 1989

10 mars 1990

7 mai 1993

CAT/C/9/Add.15

Royaume‑Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord

7 janvier 1989

6 janvier 1990

22 mars 1991 et 30 avril 1992

CAT/C/9/Add.6, 10 et 14

Rapports initiaux attendus en 1991 (7)

État partie

Date d'entrée en vigueur

Date à laquelle devait être présenté le rapport initial

Date deprésentation

Cote

Allemagne

31 octobre 1990

30 octobre 1991

9 mars 1992

CAT/C/12/Add.1

Guatemala

4 février 1990

3 février 1991

2 novembre 1994 et 31 juillet 1995

CAT/C/12/Add.5 et 6

Liechtenstein

2 décembre 1990

1er décembre 1991

5 août 1994

CAT/C/12/Add.4

Malte

13 octobre 1990

12 octobre 1991

3 janvier 1996

CAT/C/12/Add.7

Nouvelle‑Zélande

9 janvier 1990

8 janvier 1991

29 juillet 1992

CAT/C/12/Add.2

Paraguay

11 avril 1990

10 avril 1991

13 janvier 1993

CAT/C/12/Add.3

Somalie

23 février 1990

22 février 1991

Rapports initiaux attendus en 1992 (10)

État partie

Date d'entrée en vigueur

Date à laquelle devait être présenté le rapport initial

Date deprésentation

Cote

Chypre

17 août 1991

16 août 1992

23 juin 1993

CAT/C/16/Add.2

Croatie

8 octobre 1991

7 octobre 1992

4 janvier 1996

CAT/C/16/Add.6

Estonie

20 novembre 1991

19 novembre 1992

Israël

2 novembre 1991

1er novembre 1992

25 janvier 1994

CAT/C/16/Add.4

Jordanie

13 décembre 1991

12 décembre 1992

23 novembre 1994

CAT/C/16/Add.5

Népal

13 juin 1991

12 juin 1992

6 octobre 1993

CAT/C/16/Add.3

Roumanie

17 janvier 1991

16 janvier 1992

14 février 1992

CAT/C/16/Add.1

Venezuela

28 août 1991

27 août 1992

8 juillet 1998

CAT/C/16/Add.8

Yémen

5 décembre 1991

4 décembre 1992

Yougoslavie

10 octobre 1991

9 octobre 1992

20 janvier 1998

CAT/C/16/Add.7

Rapports initiaux attendus en 1993 (8)

État partie

Date d'entrée en vigueur

Date à laquelle devait être présenté le rapport initial

Date deprésentation

Cote

Bénin

11 avril 1992

10 avril 1993

Bosnie-Herzégovine

6 mars 1992

5 mars 1993

Cambodge

14 novembre 1992

13 novembre 1993

Cap‑Vert

4 juillet 1992

3 juillet 1993

Lettonie

14 mai 1992

13 mai 1993

Monaco

5 janvier 1992

4 janvier 1993

14 mars 1994

CAT/C/21/Add.1

République tchèque

1er janvier 1993

31 décembre 1993

18 avril 1994

CAT/C/21/Add.2

Seychelles

4 juin 1992

3 juin 1993

Rapports initiaux attendus en 1994 (8)

État partie

Date d'entrée en vigueur

Date à laquelle devait être présenté le rapport initial

Date de présentation

Cote

Antigua-et-Barbuda

18 août 1993

17 août 1994

Arménie

13 octobre 1993

12 octobre 1994

20 avril 1995 et 21 décembre 1995

CAT/C/24/Add.4 et Rev.1

Burundi

20 mars 1993

19 mars 1994

Costa Rica

11 décembre 1993

10 décembre 1994

Maroc

21 juillet 1993

20 juillet 1994

29 juillet 1994

CAT/C/24/Add.2

Maurice

8 janvier 1993

7 janvier 1994

10 mai 1994 et 1er mars 1995

CAT/C/24/Add.1 et 3

Slovaquie

28 mai 1993

27 mai 1994

4 mai 2000

CAT/C/24/Add.6

Slovénie

15 août 1993

14 août 1994

10 août 1999

CAT/C/24/Add.5

Rapports initiaux attendus en 1995 (7)

État partie

Date d'entrée en vigueur

Date à laquelle devait être présenté le rapport initial

Date de présentation

Cote

Albanie

10 juin 1994

9 juin 1995

États-Unis d'Amérique

20 novembre 1994

19 novembre 1995

15 octobre 1999

CAT/C/28/Add.5

Éthiopie

13 avril 1994

12 avril 1995

ex-Rép. yougoslave de Macédoine

12 décembre 1994

11 décembre 1995

22 mai 1998

CAT/C.28/Add.4

Géorgie

25 novembre 1994

24 novembre 1995

4 juin 1996

CAT/C/28/Add.1

Namibie

28 décembre 1994

27 décembre 1995

23 août 1996

CAT/C/28/Add.2

Sri Lanka

2 février 1994

1er février 1995

27 octobre 1997

CAT/C/28/Add.3

Rapports initiaux attendus en 1996 (6)

État partie

Date d'entrée en vigueur

Date à laquelle devait être présenté le rapport initial

Date de présentation

Cote

Cuba

16 juin 1995

15 juin 1996

15 novembre 1996

CAT/C/32/Add.2

Ouzbékistan

28 octobre 1995

27 octobre 1996

18 février 1999

CAT/C/32/Add.3

République de Corée

8 février 1995

7 février 1996

10 février 1996

CAT/C/32/Add.1

République de Moldova

28 décembre 1995

27 décembre 1996

Tadjikistan

10 février 1995

9 février 1996

Tchad

9 juillet 1995

8 juillet 1996

Rapports initiaux attendus en 1997 (8)

État partie

Date d'entrée en vigueur

Date à laquelle devait être présenté le rapport initial

Date de présentation

Cote

Azerbaïdjan

15 septembre 1996

14 septembre 1997

18 décembre 1998

CAT/C/37/Add.3

Côte d'Ivoire

17 janvier 1996

16 janvier 1997

El Salvador

17 juillet 1996

16 juillet 1997

5 juillet 1999

CAT/C/37/Add.4

Islande

22 novembre 1996

21 novembre 1997

12 février 1998

CAT/C/37/Add.2

Koweït

7 avril 1996

6 avril 1997

5 août 1997

CAT/C/37/Add.1

Lituanie

2 mars 1996

1er mars 1997

Malawi

11 juillet 1996

10 juillet 1997

Rép. dém. du Congo

17 avril 1996

16 avril 1997

Rapports initiaux attendus en 1998 (4)

État partie

Date d'entrée en vigueur

Date à laquelle devait être présenté le rapport initial

Date deprésentation

Cote

Arabie saoudite

22 octobre 1997

21 octobre 1998

Honduras

4 janvier 1997

3 janvier 1998

Kenya

23 mars 1997

22 mars 1998

Kirghizistan

5 octobre 1997

4 octobre 1998

9 février 1999

CAT/C/42/Add.1

Rapports initiaux attendus en 1999 (6)

État partie

Date d'entrée en vigueur

Date à laquelle devait être présenté le rapport initial

Date deprésentation

Cote

Bahreïn

5 avril 1998

4 avril 1999

Bangladesh

4 novembre 1998

3 novembre 1999

Indonésie

27 novembre 1998

26 novembre 1999

Kazakhstan

25 septembre 1998

24 septembre 1999

Niger

4 novembre 1998

3 novembre 1999

Zambie

6 novembre 1998

5 novembre 1999

Rapports initiaux attendus en 2000 (8)

État partie

Date d'entrée en vigueur

Date à laquelle devait être présenté le rapport initial

Date deprésentation

Cote

Afrique du Sud

9 janvier 1999

8 janvier 2000

Belgique

25 juillet 1999

24 juillet 2000

Bolivie

12 mai 1999

11 mai 2000

16 mai 2000

CAT/C/52/Add.1

Burkina Faso

3 février 1999

2 février 2000

Japon

29 juillet 1999

28 juillet 2000

Mali

28 mars 1999

27 mars 2000

Mozambique

14 octobre 1999

13 octobre 2000

Turkménistan

25 juillet 1999

24 juillet 2000

B. Deuxièmes rapports périodiques

Deuxièmes rapports périodiques attendus en 1992 (26)

État partie

Deuxième rapport périodique attendu le

Date de présentation

Cote

Afghanistan

25 juin 1992

Argentine

25 juin 1992

29 juin 1992

CAT/C/17/Add.2

Autriche

27 août 1992

12 octobre 1998

CAT/C/17/Add.21

Bélarus

25 juin 1992

15 septembre 1992

CAT/C/17/Add.6

Belize

25 juin 1992

Bulgarie

25 juin 1992

19 juin 1998

CAT/C/17/Add.19

Cameroun

25 juin 1992

20 novembre 1999

CAT/C/17/Add.22

Canada

23 juillet 1992

11 septembre 1992

CAT/C/17/Add.5

Danemark

25 juin 1992

22 février 1995

CAT/C/17/Add.13

Égypte

25 juin 1992

13 avril 1993

CAT/C/17/Add.11

Espagne

19 novembre 1992

19 novembre 1992

CAT/C/17/Add.10

Fédération de Russie

25 juin 1992

17 janvier 1996

CAT/C/17/Add.15

France

25 juin 1992

19 décembre 1996

CAT/C/17/Add.18

Hongrie

25 juin 1992

23 septembre 1992

CAT/C/17/Add.8

Luxembourg

28 octobre 1992

3 août 1998

CAT/C/17/Add.20

Mexique

25 juin 1992

21 juillet 1992 et 28 mai 1996

CAT/C/17/Add.3 et Add.17

Norvège

25 juin 1992

25 juin 1992

CAT/C/17/Add.1

Ouganda

25 juin 1992

Panama

22 septembre 1992

21 septembre 1992

CAT/C/17/Add.7

Philippines

25 juin 1992

Sénégal

25 juin 1992

27 mars 1995

CAT/C/17/Add.14

Suède

25 juin 1992

30 septembre 1992

CAT/C/17/Add.9

Suisse

25 juin 1992

28 septembre 1993

CAT/C/17/Add.12

Togo

17 décembre 1992

Ukraine

25 juin 1992

31 août 1992

CAT/C/17/Add.4

Uruguay

25 juin 1992

25 mars 1996

CAT/C/17/Add.16

Deuxièmes rapports périodiques attendus en 1993 (9)

État partie

Deuxième rapport périodique attendu le

Date de présentation

Cote

Chili

29 octobre 1993

16 février 1994

CAT/C/20/Add.3

Chine

2 novembre 1993

2 décembre 1995

CAT/C/20/Add.5

Colombie

6 janvier 1993

4 août 1995

CAT/C/20/Add.4

Équateur

28 avril 1993

21 avril 1993

CAT/C/20/Add.1

Grèce

4 novembre 1993

6 décembre 1993

CAT/C/20/Add.2

Guyana

17 juin 1993

Pérou

5 août 1993

20 janvier 1997

CAT/C/20/Add.6

Tunisie

22 octobre 1993

10 novembre 1997

CAT/C/20/Add.7

Turquie

31 août 1993

Deuxièmes rapports périodiques attendus en 1994 (11)

État partie

Deuxième rapport périodique attendu le

Date de présentation

Cote

Algérie

11 octobre 1994

23 février 1996

CAT/C/25/Add.8

Australie

6 septembre 1994

19 octobre 1999

CAT/C/25/Add.11

Brésil

27 octobre 1994

Finlande

28 septembre 1994

11 septembre 1995

CAT/C/25/Add.7

Guinée

8 novembre 1994

Italie

10 février 1994

20 juillet 1994

CAT/C/25/Add.4

Jamahiriya arabe libyenne

14 juin 1994

30 juin 1994

CAT/C/25/Add.3

Pays-Bas

19 janvier 1994 et27 mars 1995

14 avril 1994 et 16 juin 1994

CAT/C/25/Add.1, 2 et 5

Pologne

24 août 1994

7 mai 1996

CAT/C/25/Add.9

Portugal

10 mars 1994

7 novembre 1996

CAT/C/25/Add.10

Royaume‑Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord

6 janvier 1994

25 mars 1995

CAT/C/25/Add.6

Deuxièmes rapports périodiques attendus en 1995 (7)

État partie

Deuxième rapport périodique attendu le

Date de présentation

Cote

Allemagne

30 octobre 1995

17 décembre 1996

CAT/C/29/Add.2

Guatemala

3 février 1995

13 février 1997

CAT/C/29/Add.3

Liechtenstein

1er décembre 1995

3 septembre 1998

CAT/C/29/Add.5

Malte

12 octobre 1995

29 septembre 1998

CAT/C/29/Add.6

Nouvelle-Zélande

8 janvier 1995

25 février 1997

CAT/C/29/Add.4

Paraguay

10 avril 1995

10 juillet 1996

CAT/C/29/Add.1

Somalie

22 février 1995

Deuxièmes rapports périodiques attendus en 1996 (10)

État partie

Deuxième rapport périodique attendu le

Date de présentation

Cote

Chypre

16 août 1996

12 septembre 1996

CAT/C/33/Add.1

Croatie

7 octobre 1996

5 mars 1998

CAT/C/33/Add.4

Estonie

19 novembre 1996

Israël

1er novembre 1996

6 décembre 1996 et 7 février 1997 (rapport spécial) 26 février 1998

CAT/C/33/Add.2/Rev.1

CAT/C/33/Add.3

Jordanie

12 décembre 1996

Népal

12 juin 1996

Roumanie

16 janvier 1996

Venezuela

27 août 1996

Yémen

4 décembre 1996

Yougoslavie

9 octobre 1996

Deuxièmes rapports périodiques attendus en 1997 (8)

État partie

Deuxième rapport périodique attendu le

Date de présentation

Cote

Bénin

10 avril 1997

Bosnie-Herzégovine

5 mars 1997

Cambodge

13 novembre 1997

Cap-Vert

3 juillet 1997

Lettonie

13 mai 1997

Monaco

4 janvier 1997

République tchèque

31 décembre 1997

14 février 2000

CAT/C/38/Add.1

Seychelles

3 juin 1997

Deuxièmes rapports périodiques attendus en 1998 (8)

État partie

Deuxième rapport périodique attendu le

Date de présentation

Cote

Antigua-et-Barbuda

17 août 1998

Arménie

12 octobre 1998

15 juin 1999

CAT/C/43/Add.3

Burundi

19 mars 1998

Costa Rica

10 décembre 1998

Maroc

20 juillet 1998

2 septembre 1998

CAT/C/43/Add.2

Maurice

7 janvier 1998

8 juin 1998

CAT/C/43/Add.1

Slovaquie

27 mai 1998

Slovénie

14 août 1998

Deuxièmes rapports périodiques attendus en 1999 (7)

État partie

Deuxième rapport périodique attendu le

Date de présentation

Cote

Albanie

9 juin 1999

États-Unis d'Amérique

19 novembre 1999

Éthiopie

12 avril 1999

ex-République yougoslave de Macédoine

11 décembre 1999

Géorgie

24 novembre 1999

15 novembre 1999

CAT/C/48/Add.1

Namibie

27 décembre 1999

Sri Lanka

1er février 1999

Deuxièmes rapports périodiques attendus en 2000 (6)

État partie

Deuxième rapport périodique attendu le

Date de présentation

Cote

Cuba

15 juin 2000

Ouzbékistan

27 octobre 2000

République de Corée

7 février 2000

République de Moldova

27 décembre 2000

Tadjikistan

9 février 2000

Tchad

8 juillet 2000

C. Troisièmes rapports périodiques

Troisièmes rapports périodiques attendus en 1996 (26)

État partie

Troisième rapport périodique attendu le

Date de présentation

Cote

Afghanistan

25 juin 1996

Argentine

25 juin 1996

26 septembre 1996

CAT/C/34/Add.5

Autriche

27 août 1996

Bélarus

25 juin 1996

29 septembre 1999

CAT/C/34/Add.12

Belize

25 juin 1996

Bulgarie

25 juin 1996

Cameroun

25 juin 1996

Canada

23 juillet 1996

19 octobre 1999

CAT/C/34/Add.13

Danemark

25 juin 1996

5 juillet 1996

CAT/C/34/Add.3

Égypte

25 juin 1996

30 octobre 1998

CAT/C/34/Add.11

Espagne

19 novembre 1996

18 novembre 1996

CAT/C/34/Add.7

Fédération de Russie

25 juin 1996

France

25 juin 1996

Hongrie

25 juin 1996

21 avril 1998

CAT/C/34/Add.10

Luxembourg

28 octobre 1996

Mexique

25 juin 1996

25 juin 1996

CAT/C/34/Add.2

Norvège

25 juin 1996

6 février 1997

CAT/C/34/Add.8

Ouganda

25 juin 1996

Panama

22 septembre 1996

19 mai 1997

CAT/C/34/Add.9

Philippines

25 juin 1996

Sénégal

25 juin 1996

Suède

25 juin 1996

23 août 1996

CAT/C/34/Add.4

Suisse

25 juin 1996

7 novembre 1996

CAT/C/34/Add.6

Togo

17 décembre 1996

Ukraine

25 juin 1996

19 juin 1996

CAT/C/34/Add.1

Uruguay

25 juin 1996

Troisièmes rapports périodiques attendus en 1997 (9)

État partie

Troisième rapport périodique attendu le

Date de présentation

Cote

Chili

29 octobre 1997

Chine

2 novembre 1997

5 mai 1999

CAT/C/39/Add.2

Colombie

6 janvier 1997

Équateur

28 avril 1997

Grèce

4 novembre 1997

29 novembre 1999

CAT/C/39/Add.3

Guyana

17 juin 1997

Pérou

5 août 1997

12 décembre 1998

CAT/C/39/Add.1

Tunisie

22 octobre 1997

Turquie

31 août 1997

Troisièmes rapports périodiques attendus en 1998 (11)

État partie

Troisième rapport périodique attendu le

Date de présentation

Cote

Algérie

11 octobre 1998

Australie

6 septembre 1998

Brésil

27 octobre 1998

Finlande

28 septembre 1998

16 novembre 1998

CAT/C/44/Add.6

Guinée

8 novembre 1998

Italie

10 février 1998

22 juillet 1998

CAT/C/44/Add.2

Jamahiriya arabe libyenne

14 juin 1998

2 septembre 1998

CAT/C/44/Add.3

Pays-Bas

19 janvier 1998

3 septembre 1998 et 27 décembre 1999

CAT/C/44/Add.4 et 8

Pologne

24 août 1998

11 novembre 1998

CAT/C/44/Add.5

Portugal

10 mars 1998

2 février 1999

CAT/C/44/Add.7

Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord

6 janvier 1998

2 avril 1998

CAT/C/44/Add.1

Troisièmes rapports périodiques attendus en 1999 (7)

État partie

Troisième rapport périodique attendu le

Date de présentation

Cote

Allemagne

30 octobre 1999

Guatemala

3 février 1999

18 janvier 2000

CAT/C/49/Add.2

Liechtenstein

1er décembre 1999

Malte

12 octobre 1999

Nouvelle-Zélande

8 janvier 1999

Paraguay

10 avril 1999

14 juin 1999

CAT/C/49/Add.1

Somalie

22 février 1999

Troisièmes rapports périodiques attendus en 2000 (10)

État partie

Troisième rapport périodique attendu le

Date de présentation

Cote

Chypre

16 août 2000

Croatie

7 octobre 2000

Estonie

19 novembre 2000

Israël

1er novembre 2000

Jordanie

12 décembre 2000

Népal

12 juin 2000

Roumanie

16 janvier 2000

Venezuela

27 août 2000

Yémen

4 décembre 2000

Yougoslavie

9 octobre 2000

D. Quatrièmes rapports périodiques

Quatrièmes rapports périodiques attendus en 2000 (26)

État partie

Quatrième rapport périodique attendu le

Date de présentation

Cote

Afghanistan

25 juin 2000

Argentine

25 juin 2000

Autriche

27 août 2000

Bélarus

25 juin 2000

Belize

25 juin 2000

Bulgarie

25 juin 2000

Cameroun

25 juin 2000

Canada

23 juillet 2000

Danemark

25 juin 2000

Égypte

25 juin 2000

Espagne

19 novembre 2000

Fédération de Russie

25 juin 2000

France

25 juin 2000

Hongrie

25 juin 2000

Luxembourg

28 octobre 2000

Mexique

25 juin 2000

Norvège

25 juin 2000

Ouganda

25 juin 2000

Panama

22 septembre 2000

Philippines

25 juin 2000

Sénégal

25 juin 2000

Suède

25 juin 2000

Suisse

25 juin 2000

Togo

17 décembre 2000

Ukraine

25 juin 2000

Uruguay

25 juin 2000

Annexe VII

Rapporteurs de pays et rapporteurs supplÉants pour chacun des rapports des États parties ExaminÉs par le ComitÉÀ ses vingt‑troisiÈme et vingt-quatriÈme sessions

A. Vingt‑troisième session

Rapport

Rapporteur

Suppléant

Malte :Deuxième rapport périodique(CAT/C/29/Add.6)

M. Mavrommatis

M. El Masry

Autriche :Deuxième rapport périodique(CAT/C/17/Add.21)

M. Sorensen

M. Yakovlev

Finlande :Troisième rapport périodique(CAT/C/44/Add.6)

M. Sorensen

M. Gonzalez Poblete

Pérou :Troisième rapport périodique(CAT/C/39/Add.1)

M. Burns

M. Mavrommatis

Azerbaïdjan :Rapport initial(CAT/C/37/Add.3)

M. Sorensen

M. Yakovlev

Kirghizistan :Rapport initial(CAT/C/42/Add.1)

M. Burns

M. Yu Mengjia

Ouzbékistan :Rapport initial(CAT/C/32/Add.3)

M. Camara

M. Silva Henriques Gaspar

B. Vingt‑quatrième session

Rapport

Rapporteur

Suppléant

Pologne :Troisième rapport périodique(CAT/C/44/Add.5)

M. El Masry

M. Yakovlev

PortugalTroisième rapport périodique(CAT/C/44/Add.7)

M. Burns

M. Yu Mengjia

Chine :Troisième rapport périodique(CAT/C/39/Add.2)

M. Mavrommatis

M. Silva Henriques Gaspar

Paraguay :Troisième rapport périodique(CAT/C/49/Add.1)

M. Gonzalez Poblete

M. Camara

El Salvador :Rapport initial(CAT/C/37/Add.4)

M. Gonzalez Poblete

M. Silva Henriques Gaspar

États-Unis d'AmériqueRapport initial(CAT/C/28/Add.5)

M. Burns

M. El Masry

Pays-Bas :Troisième rapport périodique(CAT/C/44/Add.4 et 8)

M. Yu Mengjia

Mme Gaer

Slovénie :Rapport initial(CAT/C/24/Add.5)

M. Yakovlev

Mme Gaer

Annexe VIII

CONSTATATIONS ET DÉCISIONS DU COMITÉ CONTRE LA TORTUREEN VERTU DE L'ARTICLE 22 DE LA CONVENTION

A. Constatations

1. Communication No 60/1996

Présentée par :Khaled Ben M'Barek

Au nom de :Faïsal Baraket (décédé)

État partie :Tunisie

Date de la communication :6 novembre 1996

Le Comité contre la torture, institué conformément à l'article 17 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,

Réuni le 10 novembre 1999,

Ayant achevé l'examen de la communication No 60/1996, présentée au Comité contre la torture en vertu de l'article 22 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,

Ayant tenu compte de toutes les informations qui lui ont été communiquées par l'auteur de la communication et l'État partie,

Adopte ses constatations au titre du paragraphe 7 de l'article 22 de la Convention.

1.L'auteur de la communication est M. Khaled Ben M'Barek, ressortissant tunisien résidant en France où il bénéficie du statut de réfugié. Il présente un mandat de Jamel Baraket, frère aîné de Faïsal Baraket (décédé). Il affirme que Faïsal Baraket et sa famille ont été victimes de violations, par la Tunisie, des dispositions des articles 2, 11, 12, 13 et 14 de la Convention.

Les faits présentés par l'auteur

2.1L'auteur affirme que Faïsal Baraket a été arrêté avec d'autres personnes, le matin du 8 octobre 1991, par des membres de la brigade de recherche de la garde nationale de Nabeul. M. Baraket militait au sein de l'Union générale tunisienne des étudiants et était membre du Al ‑Nah da, parti politique non officiel. Il savait que la police le recherchait et il vivait donc dans la clandestinité. Après son arrestation, au cours de laquelle il a été frappé, il a été conduit au quartier général de la brigade. Là, il a été amené dans le bureau de l'officier responsable, le capitaine Abdelfattah Ladib.

2.2L'auteur affirme, se fondant sur les propos de codétenus de Faïsal Baraket qu'il aurait rencontrés par la suite, qu'en présence du capitaine et des policiers Abdelkrim Zemmali, Mohamed Kabbous, Mohamed Moumni, ainsi que de Fadhel, de Salah et de Taoufik (dont l'auteur ne connaît pas les noms de famille), Faïsal Baraket a tout de suite eu les mains et les pieds liés avant d'être suspendu entre deux chaises avec un gros bâton, la tête en bas, la plante des pieds et les fesses exposées, dans ce que l'on appelle communément la position du "poulet rôti". Il a également été battu. À un moment donné, des agents l'ont jeté dans le couloir, après avoir introduit un autre détenu dans le bureau. Faïsal Baraket était très mal en point et semblait agoniser. Les agents ont pourtant interdit à la trentaine de détenus présents, parmi lesquels son propre frère Jamel, de lui porter secours.

2.3Au bout d'une demi‑heure, alors qu'il ne bougeait plus, deux détenus ont été autorisés à l'étendre sur un banc et à défaire ses liens. Quand ils ont découvert qu'il était mort, ils l'ont dit au garde, qui a informé son chef. Les détenus ont alors été éloignés de la victime de l'autre côté du couloir. Finalement, deux infirmiers de l'hôpital universitaire de Nabeul sont arrivés, accompagnés du surveillant général de l'hôpital, qui a supervisé la levée du corps.

2.4Le 17 octobre 1991, le père de Faïsal Baraket, Hédi Baraket, a été conduit à Tunis par le chef de la brigade routière et informé que son fils était décédé des suites d'un accident de la route. À l'hôpital Charles Nicole, on lui a demandé de reconnaître le cadavre. Il a alors constaté que le visage était défiguré et difficilement reconnaissable. Il n'a pas été autorisé à voir le reste du corps. On lui a fait signer une déclaration dans laquelle il reconnaissait que son fils avait été tué dans un accident. À l'époque, son autre fils, Jamel, était toujours en prison. À l'enterrement, la police s'est chargée d'amener le cercueil et a supervisé sa mise en terre sans qu'il fût ouvert.

2.5L'auteur fournit au Comité la copie du rapport d'autopsie établi par les docteurs Sassi et Halleb, chirurgiens à l'hôpital de Nabeul. Le rapport signale :

"Nous soussignés [...] désignés en vertu d'une réquisition No 745 du 11 octobre 1991 par Monsieur le chef de poste de la circulation de Menzel Bouzelfa à l'effet de procéder à l'examen et à l'autopsie du cadavre d'un inconnu pour déterminer la cause de la mort :

-Mydriase bilatérale;

-Présence d'ecchymoses [illisible] la pommette gauche, la lèvre inférieure et le menton;

-Petit hématome sous le cuir chevelu temporal droit;

-Ecchymose et œdème de la main droite et de la face dorsale de l'avant‑bras droit;

-Ecchymose et dermabrasion de l'avant‑bras gauche;

-Ecchymoses étendues avec œdème très important des fesses;

-Ecchymoses et dermabrasion des deux genoux;

-La jambe gauche est le siège de deux plaies punctiformes sans lésions osseuses sous‑jacentes;

-Ecchymose et dermabrasion de la jambe droite;

-Ecchymose de la plante des deux pieds.

À l'autopsie :

-Crâne : absence de toute fracture du crâne, absence d'hématome intracrânien ou intracérébral;

-Absence d'inondation ventriculaire ou d'engagement cérébral;

-Poumons : congestion pulmonaire intéressant la totalité des deux poumons, ne laissant valides que deux segments du lobe supérieur du poumon gauche;

-Cœur arrêté en systole, ne comporte pas de lésions vasculaires ou valvulaires;

-Estomac dilaté et vide d'aliments;

-Petit hématome du pelvis avec perforation de la jonction rectosigmoïdienne.

Conclusion :

La mort serait consécutive à une insuffisance respiratoire aiguë en relation avec la congestion pulmonaire étendue."

2.6L'auteur a également fourni au Comité une copie du rapport établi en février 1992 par le professeur Derrick Pounder, docteur en médecine légale à l'Université de Dundee (Royaume‑Uni), à la demande d'Amnesty International qui s'était intéressée au cas. Ce rapport, établi sur la base du rapport d'autopsie, signale entre autres ce qui suit :

"Les lésions décrites dans le rapport d'autopsie ne correspondent pas à un accident de la circulation dont cette personne aurait été victime en tant que piéton, cycliste, motocycliste ou occupant d'un véhicule.

Les lésions observées semblent résulter de coups répétés portés par une ou plusieurs personnes.

Le type de lésions et leurs caractéristiques excluent toute possibilité que la victime se les soit délibérément infligées.

Le rapport d'autopsie fait état d'un 'petit hématome du pelvis avec perforation de la jonction rectosigmoïdienne'. Il est peu probable que cette blessure résulte d'un accident de la circulation, car elle s'accompagnerait alors de fractures graves du bassin qui n'ont pas été observées [...]. Ce type de blessure est nécessairement provoqué par l'introduction d'un corps étranger dans l'anus. Il faut, en outre, que ce corps étranger ait été introduit sur au moins 15 centimètres.

La perforation de la jonction rectosigmoïdienne [...] peut entraîner la mort immédiate suite à un état de choc et à un trouble induit du rythme cardiaque. Une congestion pulmonaire étendue – surcharge sanguine des poumons – accompagne alors la mort subite, ce qui est précisément le cas [...].

Le rapport d'autopsie ne mentionne aucune lésion hormis la perforation de la jonction rectosigmoïdienne et ne fait état d'aucune maladie ayant pu entraîner la mort.

Des ecchymoses ont été constatées sur la plante des pieds. De telles lésions seraient inhabituelles dans un accident de la circulation [...]. La seule explication plausible de ces ecchymoses sur la plante des pieds est qu'elles résultent de coups répétés portés au moyen d'un instrument lourd [...].

Le rapport d'autopsie fait état d'ecchymoses étendues avec (tuméfaction) très importante des fesses. Une telle blessure serait très rare dans un accident de la circulation et, si elle était constatée, elle s'accompagnerait nécessairement de fractures des os sous‑jacents, ce qui n'a pas été relevé dans le cas présent. La seule explication plausible de ces ecchymoses sur les fesses est celle des coups répétés [...].

Pour résumer, le rapport d'autopsie révèle que cet homme est mort des suites de l'introduction forcée dans l'anus d'un corps étranger sur une longueur d'au moins 15 centimètres. Il avait été frappé sur la plante des pieds et sur les fesses avant sa mort. Les autres blessures relevées en d'autres endroits du corps correspondent à d'autres coups. Cet ensemble de lésions évoque des violences corporelles systématiques et corrobore les accusations de torture et de mauvais traitements qui ont été formulées. Les lésions dans leur ensemble, et notamment les blessures à l'anus, aux pieds et aux fesses, ne peuvent correspondre à celles résultant d'un accident de la circulation. Cette explication perd toute crédibilité au vu du rapport d'autopsie."

2.7L'auteur indique qu'il a rendu visite aux deux principaux témoins de la mort de Faïsal, dont il fournit les noms, quelques mois après l'incident. Ces derniers ont déclaré que Faïsal était mort dans leurs bras au quartier général de la brigade. L'auteur, un syndicaliste, a été lui‑même arrêté par la suite, le 15 mai 1992, par la même brigade et détenu dans le même lieu que la victime. Il a été condamné à cinq mois de prison. Il dit que sa détention lui a donné l'occasion de rencontrer des témoins de la mort de Faïsal, qui ont confirmé ce qu'avaient dit les premiers témoins, à savoir que Faïsal était mort sous la torture. Une fois libéré, alors qu'il était encore sous le coup d'une ordonnance d'assignation à résidence, l'auteur a quitté la Tunisie et a obtenu l'asile en France.

2.8L'auteur a fourni copie des pages d'un rapport du 13 juillet 1991, établi par le Comité supérieur des droits de l'homme et des libertés fondamentales (Commission Driss), qui contient la référence suivante au cas Baraket :

"La commission d'investigation avait conclu, dans son rapport en date du 11 septembre 1991, qu'un certain nombre de cas de décès s'étaient produits dans des circonstances obscures et suspectes.

[...]

Deux autres cas sont intervenus après que la Commission d'investigation eut achevé son travail.

-concernant Faïsal Baraket, les minutes de l'enquête préliminaire indiquent qu'il a trouvé la mort dans un accident de la route, et que la police en a informé le ministère public qui a ouvert une enquête dont s'est chargé Monsieur le juge d'instruction près le tribunal de première instance de Grombalia et qui porte le numéro 13458.

[...]

Nous pensons que ces deux cas se sont produits, eux aussi, dans des conditions suspectes et que, en dépit du fait que les deux affaires s'y rapportant ont été classées, il semble que de nouveaux éléments se soient manifestés, autorisant l'ouverture d'une nouvelle enquête à leur sujet conformément à l'article 36 du Code de procédure pénale."

2.9L'auteur soutient que la famille de la victime ne peut pas se prévaloir des recours internes qui lui sont ouverts en Tunisie parce qu'elle craint des représailles de la part de la police. Le 11 décembre 1991, il a adressé une lettre anonyme au Procureur de la République de la ville de Grombalia, dans laquelle il dénonçait les faits, en indiquant l'identité de la victime et celle des policiers responsables, ainsi que les circonstances dans lesquelles la victime était décédée. Il a aussi écrit au Ministre de la justice, à ses adjoints et à des médias nationaux et internationaux, mais il n'a jamais obtenu d'enquête sur la mort de Faïsal Baraket.

2.10Depuis octobre 1991, des organisations non gouvernementales telles qu'Amnesty International, l'Organisation mondiale contre la torture, l'Action des chrétiens pour l'abolition de la torture (France) et l'Association pour la prévention de la torture (Suisse) ont aussi demandé une enquête sur ce décès au Gouvernement tunisien. Or, celui‑ci a toujours défendu la thèse de l'accident de la route.

2.11Par jugement du 2 octobre 1996, la cour d'appel de Tunis a attribué des dommages d'un montant de 12 000 dinars à la famille Baraket en compensation du décès de Faïsal suite à un accident de la circulation. Le contenu du verdict a été communiqué à la famille par un avocat nommé Mohamed El Marhoul, qui affirme dans sa lettre avoir été chargé de l'affaire en première instance par le père de Faïsal Baraket. Toutefois, l'auteur souligne que, contrairement à l'affirmation de l'avocat mentionné, la famille Baraket n'a jamais entamé de procédure de ce chef.

La teneur de la plainte

3.1L'auteur affirme que le Gouvernement tunisien a violé les articles suivants de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants :

Article 2, paragraphe 1. Non seulement l'État partie n'a pas pris de mesures efficaces pour empêcher la torture, mais il a aussi dissimulé les faits et nié que des actes de torture aient été commis.

Article 11. Les autorités ont usé de leurs pouvoirs de surveillance non pas pour empêcher la torture, mais pour cacher la vérité.

Article 12. L'État partie prétend que l'enquête sur la mort de Faïsal Baraket est close et, bien qu'il ait promis en 1992 de faire réexaminer l'affaire, aucune enquête n'a été réalisée.

Article 13. L'État partie a obligé le père de la victime à signer une déclaration dans laquelle il reconnaissait que son fils était mort dans un accident, tout en maintenant son autre fils, Jamel, en détention pendant six mois après la mort de son frère.

Article 14. L'État partie continue à nier que Faïsal Baraket soit mort sous la torture; sa famille ne peut donc pas demander d'indemnisation.

3.2L'auteur affirme également que les policiers qui ont torturé Faïsal Baraket ont été maintenus à leur poste et que certains d'entre eux ont même été promus.

3.3À plusieurs reprises, l'auteur a exprimé ses préoccupations concernant la sécurité de la famille Baraket ainsi que des témoins et leurs familles, suite à des incidents qu'il considère être en rapport avec la présentation de la communication devant le Comité.

Procédures devant le Comité

4.1Par décision du 5 mai 1995, le Comité a déclaré irrecevable la communication No 14/1994 présentée par l'auteur, estimant que celui‑ci n'avait pas fourni de preuves suffisantes pour établir son droit d'agir au nom de la victime présumée. La décision prévoyait cependant que le Comité pouvait recevoir et examiner une nouvelle communication soumise par toute personne dont le droit d'agir était dûment établi.

4.2Le 6 novembre 1997, l'auteur a soumis une nouvelle communication que le Comité a transmise à l'État partie, le 23 janvier 1997, sous le numéro 60/1996. Par la même occasion, le Comité a invité l'État partie à veiller à ce que l'auteur et sa famille, la famille de la victime présumée ainsi que les témoins et leurs familles ne fassent l'objet d'aucun mauvais traitement.

Observations de l'État partie concernant la recevabilité

5.1L'État partie a fait valoir que la communication contenait des propos insultants et injurieux à l'égard de l'État tunisien et de ses institutions et revêtait une connotation politique évidente, constituant de ce fait un abus du droit de présenter de telles communications. De plus, il indiquait que les recours internes n'avaient pas été épuisés.

5.2L'État partie a contesté la demande du Comité de prendre des mesures de protection en faveur de M. Jamel Baraket et de sa famille, considérant que cette demande impliquait que le Comité avait déjà pris une décision sur la question de la recevabilité de la communication.

5.3L'État partie a exprimé des doutes sur l'authenticité de la délégation de pouvoir du frère de la victime présumée, Jamel Baraket, en faveur de l'auteur. À cet égard, il a rappelé que, dans sa première communication, l'auteur avait présenté une délégation de pouvoir du père de la victime présumée, alors que celui‑ci avait fait une déclaration authentifiée au gouvernement, dans laquelle il démentait l'avoir mandaté.

5.4L'État partie a signalé que les buts inavoués de l'auteur étaient politiques et qu'il appartenait à un mouvement extrémiste, fait pour lequel il avait été condamné à trois mois de prison en Tunisie.

5.5En ce qui concerne l'épuisement des recours internes, l'État partie a contesté l'allégation de l'auteur selon laquelle les recours n'existaient pas ou étaient inefficaces. Selon le Code pénal, les délais de prescription des poursuites en matière criminelle étaient de dix ans. Une action publique n'était donc pas éteinte. Ces délais étaient par ailleurs susceptibles de suspension et de rééchelonnement à l'occasion de chaque ouverture d'une nouvelle information. Le parquet avait pris l'initiative de faire procéder à la réouverture d'une information judiciaire à deux reprises et il pouvait ordonner la réouverture de l'information judiciaire à tout moment et chaque fois qu'il était saisi de nouveau indices ou développements utiles à la manifestation de la vérité.

5.6L'État partie a indiqué que le père de la victime présumée avait introduit une action civile en réparation du préjudice occasionné par le décès de son fils suite à un accident de la route et à la fuite du conducteur. Le requérant s'était fait représenter dans cette affaire par Me Mohamed Ahmed El Marhoul. Par jugement du 9 octobre 1995, le tribunal de première instance de Grombalia avait condamné le chef du contentieux de l'État (en tant que représentant légal du Fonds de garantie des victimes des accidents de la circulation) à verser au père de la victime présumée la somme de 10 000 dinars en réparation de son préjudice moral. Le 2 octobre 1996, la cour d'appel avait confirmé ce jugement tout en élevant le montant de la réparation à 12 000 dinars.

5.7Selon l'État partie, les ayants droit de la victime présumée avaient toute latitude d'exercer les recours internes devant la justice tunisienne à l'abri de toute menace ou d'action de représailles, contrairement aux insinuations de l'auteur. Or ils n'avaient manifesté aucun intérêt à porter l'affaire en dehors des voies de recours internes; bien au contraire, ils avaient mandaté un avocat pour défendre leurs intérêts devant la justice tunisienne.

Commentaires de l'auteur

6.1L'auteur a fait référence à la demande adressée par le Comité à l'État partie de veiller à la sécurité des témoins et de leurs familles, et noté que l'épouse d'un des témoins se trouvait en prison depuis le 23 mai 1996, sur la base d'accusations politiques portant sur de prétendues réunions tenues en 1989, alors qu'elle n'était qu'une simple mère de famille.

6.2L'auteur a nié appartenir à un mouvement extrémiste ou agir pour le compte d'un autre que Jamel Baraket et sa famille. Il a fourni au Comité un pouvoir en date du 5 décembre 1994 signé par le père de la victime et confirmé le 7 novembre 1995 par le frère, lorsque la santé du père s'est détériorée. Il a signalé que Jamel Baraket était le responsable légal de sa famille, qu'il avait des relations proches avec lui, que les lettres de Jamel étaient authentiques et que l'État partie n'avait pas prouvé qu'il s'agissait de faux documents.

6.3L'auteur a insisté sur le fait que les recours internes ne pouvaient pas être épuisés en raison du risque de représailles. Il a fait référence aux informations ouvertes et ensuite classées par le parquet, et signalé qu'aucune procédure criminelle n'avait jamais été sérieusement ouverte.

6.4En ce qui concerne la procédure civile, l'auteur a fait valoir que, selon la loi, pour prétendre se pourvoir contre le contentieux de l'État dans le cadre de la loi sur le Fonds de garantie pour les victimes d'accidents de la route, le plaignant contre un coupable n'ayant pas pu être identifié doit préalablement : 1) avoir introduit une requête en dommages et intérêts auprès du Fonds au plus tard une année après l'accident en question; 2) avoir obtenu un arrangement avec le Fonds ou, à défaut, avoir porté plainte contre lui. Dans le cas d'espèce, il n'y a eu ni plainte ni jugement, donc il ne pouvait pas y avoir de poursuites.

6.5Il a affirmé, par ailleurs, que le père n'avait pas mandaté d'avocat et que la famille, y compris son mandant Jamel Baraket, n'avait jamais reconnu la procédure en dommages et intérêts intentée pour le compte de M. Hédi Baraket. Ils ont cependant été contraints de la subir pour se prémunir contre les réactions de ceux qui l'avaient engagée en leur nom en vue de la présenter au Comité comme un recours interne opérant. L'auteur a noté qu'en pratique les procédures de cette nature aboutissaient très rarement et que, si elles aboutissaient, c'était seulement après de nombreuses années. Or, l'affaire Baraket avait été réglée en deux ans, appel compris, ce qui était étonnant.

Décision du Comité concernant la recevabilité

7.1À sa dix‑neuvième session, le Comité a examiné la question de la recevabilité de la communication et, dans une décision du 17 novembre 1997, déclaré qu'elle était recevable.

7.2Le Comité a fait référence au paragraphe 1 de l'article 22 de la Convention, ainsi qu'à l'alinéa b du paragraphe 1 de l'article 107 de son règlement intérieur, qui permettent la présentation d'une communication pour le compte d'une prétendue victime lorsque l'auteur peut justifier qu'il agit en son nom. Le Comité a estimé que l'auteur, qui avait présenté un mandat de représentation signé par le frère de la victime présumée, avait dûment établi son droit de représenter la famille devant le Comité. À cet égard, le Comité a noté que l'État partie avait bien exprimé des doutes sur l'authenticité de la délégation de pouvoir, mais qu'il n'avait pas fourni d'éléments suffisants pour conclure que le mandat signé par le frère de la victime présumée était un faux.

7.3Concernant l'épuisement des voies de recours internes, le Comité a estimé que l'État partie n'avait pas fourni suffisamment de détails sur les procédures criminelles disponibles pour établir que celles‑ci seraient efficaces. Il a noté que la procédure criminelle, bien qu'initiée, avait été classée. Il a noté également que les informations selon lesquelles les tribunaux tunisiens avaient accordé des dommages et intérêts à la famille en compensation de l'accident dont aurait été victime Faïsal Baraket mettaient en doute l'existence d'un recours efficace basé sur une plainte de torture. Dans ces circonstances, le Comité a considéré que le paragraphe 5 b) de l'article 22 de la Convention ne l'empêchait pas d'examiner la communication.

7.4Enfin, le Comité s'est assuré, comme il est tenu de le faire conformément au paragraphe 5 a) de l'article 22 de la Convention, que la même question n'avait pas été examinée et n'était pas en cours d'examen devant une autre instance internationale d'enquête ou de règlement.

Observations de l'État partie quant au fond de la communication

8.1L'État partie regrette la décision du Comité déclarant la communication recevable et note le caractère discutable des arguments retenus pour justifier une telle décision. La famille de Faïsal Baraket comprend sa mère et cinq frères, y compris Jamel Baraket. Ainsi qu'il a déjà été observé, le père de Faïsal Baraket a dénié, de son vivant, toute qualité pour agir à l'auteur de la communication. La démarche juridique qui s'impose dans une affaire aussi grave d'atteinte alléguée à la vie d'un être humain implique que le mandat de représentation devant le Comité soit donné par tous les ayants droit de la victime présumée. L'attitude présumée d'une seule personne sur huit ne peut constituer un doute sérieux sur la cause du décès.

8.2Par ailleurs, le Comité semble affirmer qu'il est disposé à considérer que l'auteur de la communication n'a pas qualité pour agir seulement dans le cas où le Gouvernement tunisien fournirait des éléments suffisants prouvant que le mandat signé par le frère de la victime présumée est un faux. Une telle exigence n'est pas conforme au bon déroulement d'une procédure objective visant exclusivement la recherche de la vérité sur la base d'indices sûrs et concordants. Le Comité semble être le mieux placé dans ce cas pour vérifier l'authenticité des pièces qui lui sont transmises.

8.3Dans des soumissions successives, l'État partie a présenté les faits concernant le décès de Faïsal Baraket de la manière suivante.

8.4Le 11 octobre 1991, le poste de la garde nationale de Menzel Bouzelfa a été informé, par une communication téléphonique anonyme, qu'un accident de la circulation avait eu lieu sur la route No 26 entre Ghrabi et Grombalia. Arrivés sur place, les agents ont trouvé la victime toujours en vie. Transportée au centre hospitalier de Nabeul, elle est décédée le jour même. Son identité est demeurée inconnue quatre jours durant, puis, le 15 octobre 1991, en identifiant ses empreintes digitales, il s'est avéré qu'il s'agissait du dénommé Faïsal Baraket. Le rapport d'autopsie a conclu que la mort était consécutive à une insuffisance respiratoire aiguë en relation avec une congestion pulmonaire étendue.

8.5Saisi, le parquet a ouvert, le 6 novembre 1991, une information judiciaire contre X pour homicide involontaire suite à accident de la circulation et délit de fuite. Le 30 mars 1992, le juge chargé de l'instruction a ordonné de classer l'affaire provisoirement pour impossibilité d'identification du coupable.

8.6Le 15 octobre 1992, le Ministère des affaires étrangères tunisien a adressé une lettre à Amnesty International, dans laquelle il signalait : "En ce qui concerne le cas de Faïsal Baraket ... à propos duquel la Commission Driss ainsi que votre organisation avaient demandé la réouverture de l'enquête, le Gouvernement tunisien a transmis à Monsieur le Procureur de la République près le tribunal de première instance de Grombalia l'expertise médicale que votre organisation a fait parvenir au Gouvernement." Le parquet a ordonné la réouverture de l'instruction le 22 septembre 1992.

8.7Suite à la décision du juge d'instruction d'ordonner une nouvelle expertise médicale, trois professeurs de médecine légale, dont le docteur Ghachem, ont été chargés d'étudier le contenu du rapport d'autopsie et les conclusions du professeur Pounder. Leur rapport, dont une copie a été transmise au Comité, signale que "le rapport d'autopsie ne mentionne l'existence d'aucune lésion traumatique au niveau de l'anus. Car en effet, l'introduction forcée d'un corps étranger laisse obligatoirement des lésions au niveau de la marge anale et du sphincter. Le rapport d'autopsie [...] mentionne l'existence de lésions superficielles et d'une lésion viscérale. Toutes ces lésions décrites dans le rapport ne permettent pas de préciser leur mécanisme de survenue. La description des lésions est très vague et incomplète et n'est pas de nature à aider à déterminer leur origine. Les conclusions formulées par le professeur Derrick John Pounder ne peuvent donc être retenues puisqu'elles ne reposent pas sur des fondements objectifs, les lésions décrites dans le rapport d'autopsie étant très imprécises". De nouveau, l'affaire a été classée pour insuffisance de preuves.

8.8Suite à la présentation de la communication No 14/1994 devant le Comité, le Procureur de la République près le tribunal de première instance de Grombalia a ordonné la réouverture de l'instruction. Le juge instructeur a immédiatement procédé à l'audition des personnes citées par l'auteur. M. Hédi Baraket a affirmé n'avoir jamais connu ou rencontré l'auteur et a nié les allégations contenues dans la communication. Une attestation signée par M. Hédi Baraket dans ce sens est fournie au Comité. Trois soi‑disant témoins de la mort de Faïsal Baraket cités par l'auteur ont nié avoir connu ce dernier ou la victime présumée et avoir assisté à des scènes de torture. Un quatrième a affirmé avoir été soudoyé par l'auteur et avoir accepté, en échange d'une somme d'argent, d'enregistrer par sa propre voix ce que l'auteur lui dictait. Enfin, le surveillant général de l'hôpital de Nabeul a affirmé ne s'être jamais déplacé au poste de police pour secourir la victime. Le juge d'instruction a décidé, en conséquence, qu'il n'y avait pas lieu à suivre.

8.9Les parents de Faïsal Baraket ne se sont jamais constitués partie civile. De ce fait, ils n'ont pas attaqué les deux décisions de classement sans suite de l'affaire. En outre, le Code de procédure pénale tunisien dispose, dans son article 5, qu'en matière de crime les délais de prescription sont de dix ans à partir de la commission de l'acte incriminé. Ces délais sont susceptibles de suspension et de rééchelonnement à l'occasion de chaque ouverture d'une nouvelle information. Les parents peuvent apporter n'importe quels éléments nouveaux de nature à convaincre le parquet de rouvrir l'information judiciaire.

8.10L'État partie indique que les parents de Faïsal Baraket ont présenté respectivement le 16 novembre 1991 et le 10 décembre 1991 deux requêtes au parquet de Grombalia reprochant la détention arbitraire et la disparition de leur fils Jamel Baraket, lesquelles ont eu une suite légale favorable. S'ils ont pu entreprendre pareilles démarches sans encourir les représailles prédites par l'auteur, ils avaient toute latitude pour soulever le cas de Faïsal Baraket dans l'éventualité où ils auraient été convaincus de sa mort sous la torture. Or il n'a jamais été question d'une plainte de torture déposée devant les tribunaux tunisiens par une quelconque personne. Les investigations criminelles qui furent menées dans le but de rechercher la vérité dans cette affaire l'ont été à l'initiative du parquet.

8.11L'État partie a signalé que le Ministère des affaires étrangères a sollicité auprès du Ministère de la santé publique un second rapport du professeur Ghachem concernant les conclusions de son premier rapport. Ce second rapport, dont une copie a été fournie au Comité, indique : "S'il est vrai que la description des lésions mentionnées dans le rapport d'autopsie n'est pas précise et que le mécanisme de survenue de ces lésions n'est pas expliqué, il n'en est pas moins vrai que les conclusions formulées par le professeur D. J. Pounder ne reposent pas sur des constatations médico-légales objectives. En effet, l'introduction forcée d'un corps étranger dans l'anus laisse des traces évidentes à ce niveau. [...] Le rapport d'autopsie ne fait mention d'aucune lésion traumatique au niveau de l'orifice anal. [...] Quoi qu'il en soit, je reste également convaincu qu'un échange de points de vue et une concertation avec le professeur D. J. Pounder et le professeur S. Sassi à propos de cette mort sont très souhaitables."

8.12L'État partie a également fourni la traduction en français d'un extrait de la déposition du docteur Sassi devant le juge d'instruction. Le texte signale : "Il a été constaté l'éclatement du gros intestin au niveau du bassin et l'infiltration des déchets provenant du gros intestin dans le corps, il en est résulté une infection sanguine, qui à son tour a causé une insuffisance de l'appareil respiratoire, cause directe de la mort. Le docteur Sassi a expliqué par devant nous que l'éclatement du gros intestin est dû à un traumatisme aigu, qui pourrait être la conséquence de la collision de la victime avec un corps solide et qui pourrait être le résultat d'un accident de circulation avec un véhicule de transport."

8.13Au plan civil, l'État partie insiste sur le fait que le père de Faïsal Baraket a bel et bien intenté une action civile en réparation du préjudice occasionné par le décès de son fils, suite à un accident de la route, et qu'il s'est fait représenter dans cette affaire par Me Ahmed El Marhoul depuis mars1995. Le jugement s'y rapportant est devenu définitif et exécutoire après appel interjeté par les parties. Il a effectivement été exécuté par l'avocat. L'auteur n'a trouvé aucune explication sérieuse quant au fait que l'un des héritiers a perçu la somme d'argent qui lui est due, qui établit, sans aucune équivoque, le mandat de Me Marhoul.

8.14L'État partie conteste l'affirmation du Comité, dans sa décision concernant l'admissibilité, selon laquelle il n'a pas donné suffisamment de détails sur les procédures criminelles disponibles. L'État partie fait valoir qu'il a soumis au Comité des comptes rendus détaillés des procédures et actes d'investigation menés, à deux reprises, par le juge d'instruction compétent. Selon lui, il est étonnant de constater que, pour le Comité, un recours basé sur une plainte de torture ne serait "efficace" que s'il aboutissait à un procès et à un jugement de condamnation conséquent. Les actes d'investigation, condition sine qua non d'une procédure criminelle, ne serviraient, dans ce cas, qu'à concourir à la réalisation de ce but, alors qu'il est bien établi en fait comme en droit que le magistrat instructeur doit mener ses investigations aussi bien à charge qu'à décharge.

Commentaires de l'auteur

9.1L'auteur rappelle qu'en 1992 le Comité supérieur des droits de l'homme et des libertés fondamentales a adressé un rapport au Président de la République où il considère que le décès de Faïsal Baraket s'est produit dans des conditions suspectes et qu'en dépit du fait que l'affaire s'y rapportant ait été classée, de nouveaux éléments seraient apparus, autorisant l'ouverture d'une nouvelle enquête. Or l'État partie n'a pas indiqué les éléments qui ont conduit cette commission officielle gouvernementale à émettre cet avis.

9.2L'auteur fournit au Comité copie d'une lettre adressée, le 20 juillet 1994, au Président du Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples, ONG étrangère qui s'était intéressée au cas, par l'ambassadeur de Tunisie en France. L'ambassadeur ne s'est point référé à la thèse de l'accident de la route et situe le cas dans un contexte de promotion des droits de l'homme et de renforcement des structures démocratiques en Tunisie. L'auteur signale que l'État partie n'a pas donné d'explication à propos de cette lettre.

9.3L'État partie affirme avoir rouvert le dossier Baraket, suite à la transmission par le Comité de la communication No 14/1994, et avoir fait convoquer les témoins cités par l'auteur pour interrogatoire. Or les policiers suspects n'ont jamais été interrogés ni concernés par l'enquête de quelque façon que ce soit, malgré le fait que l'auteur ait indiqué leurs noms et grades.

9.4Concernant le témoin que, d'après l'État partie, il aurait soudoyé, l'auteur affirme qu'il s'agit d'un entrepreneur prospère et se demande avec quels moyens il aurait pu le soudoyer alors que lui-même ne possède rien. Ce même témoin a informé l'auteur qu'à l'occasion de son interrogatoire après la réouverture de l'instruction, il est resté détenu pendant près d'une semaine et que des policiers impliqués dans les faits concernant Faïsal Baraket ont participé à cette détention. C'est ce témoin dont l'épouse a été arrêtée en 1996. Enfin, pour ce qui est du surveillant général de l'hôpital de Nabeul, l'auteur affirme ne pas l'avoir connu ni cité comme "témoin".

9.5L'auteur refuse l'explication de l'État partie selon laquelle il n'y a aucun lien entre l'emprisonnement de l'épouse d'un des témoins et le cas présent. L'État partie n'a fourni de renseignements au Comité ni sur les circonstances du déclenchement des poursuites contre ladite épouse, ni sur les raisons qui ont amené son transfert dans une prison loin de sa famille, ni sur l'interdiction faite à son avocate de s'entretenir sans témoins avec elle.

9.6L'auteur a fourni une lettre du professeur Pounder dans laquelle celui‑ci se prononce sur le rapport établi par le professeur Ghachem et deux autres experts. Le professeur Pounder note que l'État partie n'a pas fourni le texte du rapport et signale que, sur la base des phrases que l'État partie a extraites de ce rapport, son opinion n'a pas changé, à savoir qu'un accident de la route ne peut pas expliquer le type de blessures qui ont causé la mort de Faïsal Baraket. Il a réaffirmé que, à son avis, la blessure au niveau du rectum ne pouvait être que le résultat de l'introduction d'un corps étranger. En outre, il est parfaitement possible qu'une telle blessure se soit produite sans être accompagnée forcément d'une lésion au niveau de l'anus.

9.7L'auteur fournit trois autres rapports établis, à la demande d'Amnesty International, par trois professeurs de médecine légale qui se sont prononcés sur le rapport des trois experts et celui du professeur Pounder. Ils ont tous confirmé les conclusions de ce dernier. Le premier, du 6 octobre 1994, a été établi par le professeur Knight de l'Université de Wales et signale :

"J'ai étudié la traduction du très court rapport d'autopsie établi par l'hôpital régional de Nabeul (Tunisie) concernant une personne décédée anonyme. J'ai aussi lu le rapport du professeur Derrick Pound er et l 'extrait de la réponse du Gouvernement tunisien.

Je dois dire pour commencer que je souscris à toutes les conclusions du rapport du professeur Pound er et q ue je rejette la réponse du gouvernement, y compris l'avis supplémentaire des trois professeurs de médecine légale tunisiens, dont les observations sont inacceptables.

Il s'agissait d'un homme de 25 ans qui, sauf preuve contraire, pouvait donc être considéré à cet âge comme exempt de toute maladie naturelle, tout particulièrement des régions rectale et sigmoïdienne.

La cause du décès donnée dans le rapport d'autopsie (qui ne doit être assurément qu'un bref résumé, car aucun rapport d'autopsie légale ne peut être aussi court) est une information qui ne présente aucune utilité et ne renseigne aucunement sur la véritable pathologie sous‑jacente ayant causé la mort : il s'agit d'une simple déclaration faisant état du mode terminal de décès, et non de la cause, ce qui n'est donc d'aucune utilité.

L'autopsie révèle la présence d'ecchymoses sur la plante des deux pieds, d'une perforation du gros intestin à la jonction recto sigmoïdienne, d'i mportants ecchymoses et œdèmes sur les fesses, de diverses autres ecchymoses sur le visage, les bras, la tête et les jambes. La seule blessure ayant pu entraîner la mort est la perforation de la jonction recto sigmoïdienne. En  l'absence de toute maladie grave déclarée telle que cancer, colite aiguë, etc., la seule cause du décès ne peut être qu'une blessure perforante. Celle ‑ci n'a pu être provoquée, en l'absence de blessure abdominale grave, que par l'introduction d'un objet dans le rectum. Cela a pu se produire sans aucun dommage pour la marge anale si l'on a glissé un objet fin et acéré, par exemple une fine tige, dans l'anus. Ainsi, les objections émises par les trois professeurs sont sans fondement s'ils basent leurs dénégations sur l'absence de lésions à l'anus. Les ecchymoses présentes sur la plante des pieds ne peuvent quant à elles résulter que de coups donnés au cours d'une falan ga . Les  ecchymoses et les œdèmes présents sur les fesses sont des conséquences typiques de coups donnés dans cette région.

Je suis entièrement d'accord avec le professeur Pounder et je conviens qu'il ne peut s'agir d'un "accident de la route", mais que l'on est en présence d'une blessure délibérément infligée à l'intestin grêle par l'introduction d'une arme fine dans le rectum d'un homme qui a reçu des coups sur les pieds et les fesses."

9.8e deuxième rapport, établi par le professeur Fournier de l'Université René Descartes à Paris, le 10 octobre 1994, indique :

"[Le rapport d'autopsie], qui peut être qualifié de très succinct, n'apporte aucun élément de preuve quant à la cause réelle de la mort. [...] La majorité des lésions décrites pourraient être rattachées à un accident de la voie publique. Cependant, deux éléments permettent d'écarter cette hypothèse :

-la perforation de la jonction rectosigmoïdienne, qui ne peut s'expliquer par un mécanisme de décélération brutale et qui ne peut être rattachée à une lésion osseuse du bassin;

-les lésions de la plante des deux pieds, difficiles à envisager dans un tel contexte...

[...]

L'hypothèse d'un décès par inhibition est compatible avec les constatations faites lors de l'examen macroscopique. Ce type de décès, observé à l'occasion de violence mais parfois également en dehors de tout contexte de violence ou de torture, a été décrit à l'occasion de touchers vaginaux ou rectaux, de ponctions diverses (ponction pleurale, ponction lombaire, etc.), de traumatisme testiculaire, de la région du plexus solaire ou du cou. Le mécanisme exact du décès n'est pas connu, mais la constatation d'une congestion pulmonaire est habituelle. Dans l'état actuel du dossier et en l'absence de données plus précises concernant l'état clinique préexistant et le contexte toxicologique, l'hypothèse d'une mort par inhibition à la suite de l'introduction volontaire et traumatique d'un corps étranger dans le rectum paraît hautement probable."

9.9Enfin, le troisième rapport, établi par le professeur Thomsen de l'Université d'Odense le 11 novembre 1994, signale à propos du rapport d'autopsie :

"Les blessures décrites ci‑dessus ne sont compatibles avec aucun type connu d'accident de la route. Leurs caractéristiques sont beaucoup plus compatibles avec celles de blessures résultant de coups infligés délibérément à l'aide d'un objet contondant. Ainsi, les hémorragies de la plante des pieds évoquent fortement le type de torture connu sous le nom de "falan ga" (ou "falak a"), consistant à infliger des coups sur la plante des pieds à l'aide de matraques ou d'instruments similaires. Il est très rare de constater une perforation de la jonction rectosigmoïdienne sans fracture concomitante du pelvis, et cela est beaucoup plus évocateur d'un acte de torture par insertion d'un objet dans le canal anal. Les autres lésions correspondent toutes à l'infliction de coups violents par une ou plusieurs personnes à l'aide d'un objet contondant.

La cause de décès déclarée ne présente pour ainsi dire aucun intérêt, puisqu'une congestion pulmonaire est toujours un phénomène secondaire venant se greffer sur un autre état pathologique.

Sur la base du bref rapport d'autopsie disponible, on peut considérer qu'il est beaucoup plus vraisemblable que la cause du décès ait été la perforation de la paroi intestinale constatée."

9.10Pour ce qui est de la procédure civile, les délais légaux pour son admissibilité étaient largement dépassés au moment où elle a été amorcée. Or, la cour d'appel non seulement a confirmé l'admissibilité, mais elle a augmenté le montant des dommages à payer aux ayants droit. Le délégué général au contentieux de l'État a précisé devant la Cour d'appel que la décision de premier ressort donnant gain de cause au père de la victime avait transgressé la loi en ceci qu'une victime présumée d'un accident de la route, dont le responsable est demeuré inconnu, doit présenter par écrit, dans un délai d'un an à compter de la date de l'accident, une demande d'entente amiable au Fonds de garantie pour les victimes d'accidents de la circulation. Or, la notification de l'accident n'est parvenue à l'administration que le 30 mai 1995, soit trois ans et cinq mois après l'accident, ce qui entraîne la prescription.

9.11L'auteur signale que le frère cadet de Faïsal Baraket est le seul à avoir encaissé la part qui lui avait été attribuée au titre de dommages pour accident de la route. Jamel Baraket, responsable légal de la famille, a chargé l'auteur de faire savoir au Comité que ce geste a été accompli à son insu, que son frère ne l'avait pas entrepris spontanément et qu'il n'a aucune incidence sur la position de la famille. Celle-ci demeure inchangée, malgré le fait que les sommes allouées soient relativement importantes compte tenu du niveau de vie en Tunisie et de la situation matérielle très modeste de la famille. Pour ce qui est de l'avocat, Me Mohamed Ahmed El Marhoul, la famille a toujours refusé de traiter avec lui, notamment lors de ses appels insistants pour qu'ils aillent toucher l'argent chez lui. L'avocat aurait dû déposer depuis longtemps une ordonnance sur requête auprès du président du tribunal de première instance visant à consigner les sommes en question auprès du Trésor.

9.12L'auteur souligne que les parents de la victime ne se sont jamais portés partie civile, parce qu'ils savaient pertinemment que leur fils n'était pas décédé des suites d'un accident de la route, et qu'il n'est pas sérieux de prétendre ouvrir et rouvrir une même affaire trois fois en moins de trois ans et la confier à chaque fois aux mêmes personnes.

Observations ultérieures de l'État partie

10.1En ce qui concerne les avis médicaux des docteurs Knight, Thomsen et Fournier, l'État partie signale qu'il ne s'agit pas d'expertises médicales mais de commentaires établis sur la base d'un contre-rapport, lui-même établi sur la base du rapport initial du docteur Sassi, et venant confirmer purement et simplement les conclusions du docteur Pounder.

10.2L'État partie considère inacceptable que l'auteur accuse la justice tunisienne de détourner la procédure en interrogeant les témoins et pas les suspects. On ne peut devenir suspect que lorsqu'il y a des indices et preuves crédibles et concordants que peuvent dévoiler, entre autres, les témoignages. L'audition des témoins est, du point de vue de la procédure en matière criminelle, nécessaire avant l'interrogatoire éventuel des "vrais" suspects. En outre, l'audition des témoins a eu lieu exclusivement devant le juge d'instruction compétent, dans son cabinet et en l'absence de tout agent de la police judiciaire.

10.3En ce qui concerne la procédure civile, l'État partie signale que l'auteur est tombé dans une contradiction flagrante. Il considère, d'une part, Jamel Baraket comme étant "responsable légal" de toute la famille Baraket, tout en précisant, d'autre part, que Mohamed El Hédi est âgé de 27 ans. Or, la majorité civile s'acquiert en Tunisie à partir de 20 ans accomplis. Jamel Baraket ne peut être, par conséquent, responsable légal de parents majeurs, sauf s'il y a des jugements établissant leur incapacité pour démence. Il n'est même pas représentant légal de ses proches parents, ne s'étant pas prévalu, jusqu'ici, d'un mandat juridiquement valable.

10.4Me Mohamed Ahmed El Marhoul n'est pas apparu "ex nihil o" dans l'affaire civile, comme le prétend l'auteur. Il a été mandaté par le père du défunt Faïsal Baraket, décédé depuis, pour engager, en son nom et au nom de tous les autres héritiers, une action en réparation, suite à un accident de la circulation. Aucun des héritiers n'a usé des procédures légales pour remettre en question son mandat. De toutes les façons, les rapports de l'avocat avec ses clients constituent un contrat de droit privé et ne sont soumis à aucun contrôle de la part du gouvernement. Si tous les ayants droit n'ont pas encore perçu leur indemnisation, ce n'est pas parce qu'ils auraient subi une pression exercée par l'avocat, mais parce qu'ils sont manipulés par l'auteur de la communication.

10.5Enfin, quant à la situation de l'épouse d'un des "témoins", celle‑ci elle a été poursuivie en application des procédures judiciaires régulières pour des délits de droit commun.

Examen au fond

11.1Le Comité a examiné la communication compte dûment tenu de toutes les informations qui lui ont été fournies par les parties, conformément au paragraphe 4 de l'article 22 de la Convention.

11.2Il note également que l'auteur de la communication impute à l'État partie les violations des articles 2, 11, 12, 13 et 14 de la Convention.

11.3S'agissant des articles 11 et 14, le Comité considère qu'il ne résulte des documents qui lui ont été communiqués aucune preuve que l'État partie ne s'est pas acquitté des obligations qui lui incombent au titre de ces dispositions de la Convention.

11.4Pour ce qui concerne l'article 12 de la Convention, le Comité note tout d'abord qu'il résulte de l'examen des informations transmises par les parties les faits constants ci-après :

-La victime, Faïsal Baraket, est bien décédée au plus tard le 11 novembre 1991, date de la réquisition à médecin pour autopsie; des suites de son arrestation, selon l'auteur de la communication, des suites d'un accident de la circulation dont l'auteur reste inconnu, selon l'État partie.

-L'État partie a reçu, en octobre 1991, des allégations dénonçant la mort de Faïsal Baraket par suite de torture, des organisations non gouvernementales suivantes : Amnesty International, Organisation mondiale contre la torture, Action des chrétiens pour l'abolition de la torture (France) et Association pour la prévention de la torture (Suisse).

-Le 13 juillet 1992, un rapport établi par le Comité supérieur des droits de l'homme et des libertés fondamentales, organe officiel tunisien, avait considéré comme suspect le décès de Faïsal Baraket et avait suggéré l'ouverture d'une enquête conformément aux dispositions de l'article 36 du Code de procédure pénale.

11.5Pourtant, c'est seulement le 22 septembre 1992 qu'une enquête a été ordonnée au sujet de ces allégations de torture, soit plus de dix mois après l'alerte des organisations non gouvernementales étrangères et plus de deux mois après le rapport de la Commission Driss.

11.6Dans un cas similaire, le Comité avait considéré comme excessifs les délais de trois semaines et de plus de deux mois observés par les autorités compétentes pour réagir à des allégations de torture.

11.7Le Comité estime que l'obligation faite à l'État partie par l'article 12 de la Convention de procéder "immédiatement à une enquête... chaque fois qu'il y a des motifs raisonnables de croire qu'un acte de torture a été commis sur tout territoire sous sa juridiction" n'a pas été respectée et qu'il y a eu, en conséquence, violation de la Convention de ce chef.

11.8S'agissant de l'enquête diligentée par les autorités compétentes de l'État partie, les faits suivants peuvent être considérés comme constants :

-Le juge d'instruction, saisi par le parquet le 22 septembre 1992, a ordonné une nouvelle expertise médicale, qui a conclu à l'impossibilité de déterminer le mécanisme de survenance des lésions relevées sur la victime ainsi que leur origine, et a finalement prononcé un non‑lieu.

-Saisi à nouveau, suite à la communication No 14/1994, le juge a procédé à l'audition des personnes citées par l'auteur de la communication; mais toutes ces personnes ayant nié avoir la moindre connaissance des faits allégués, le juge a également prononcé un non‑lieu.

11.9Le Comité relève, à cet égard, que le juge d'instruction avait, entre autres, à sa disposition d'autres investigations importantes et communément pratiquées en cette matière, mais qu'il n'a pas utilisées :

-D'abord, nonobstant les déclarations des témoins cités, et compte tenu surtout de la relativité du témoignage humain, le juge aurait pu vérifier dans les registres des lieux de détention indiqués s'il y avait ou non trace du passage de Faïsal Baraket à la période signalée, ainsi que de la présence simultanée au même lieu de détention des deux témoins signalés par l'auteur de la communication comme ayant assisté à la mort de Faïsal Baraket. Il n'est pas indifférent, à cet égard, de noter qu'en application du principe 12 de l'ensemble des Principes pour la protection de toutes les personnes soumises à une forme quelconque de détention ou d'emprisonnement du 9 décembre 1988, ainsi que de l'article 13 bis du Code de procédure pénale tunisien, trace doit être laissée de toute personne détenue.

-Ensuite, le juge aurait pu chercher à identifier les fonctionnaires incriminés, les entendre et les confronter avec les témoins cités ainsi qu'avec le plaignant.

-Enfin, des contradictions importantes existant entre les conclusions des médecins légistes sur les causes de certaines des lésions constatées sur la victime, le Comité considère qu'il eût été judicieux d'ordonner l'exhumation du corps afin, au moins, de s'assurer si la victime avait subi des fractures au niveau du bassin (hypothèse de l'accident) ou si elle n'en avait pas subi (hypothèse de l'introduction dans l'anus d'un objet étranger) et ce, dans la mesure du possible, en présence d'experts non nationaux, plus particulièrement ceux qui avaient eu à se prononcer dans cette affaire.

11.10 Le Comité considère que le juge, en s'abstenant de pousser plus loin ses investigations, a manqué au devoir d'impartialité que lui impose l'obligation d'instruire à charge et à décharge; de même que le Procureur de la République qui s'est abstenu d'interjeter appel de la décision de non-lieu. Dans le système tunisien le Ministre de la Justice a autorité sur le Procureur de la République. Il aurait donc pu lui donner ordre d'interjeter appel, mais s'est abstenu de le faire.

12.En conséquence, l'État partie a violé son obligation résultant des articles 12 et 13 de la Convention de faire procéder à une enquête impartiale chaque fois qu'il y a des motifs raisonnables de croire qu'un acte de torture a été commis sur tout territoire sous sa juridiction.

13.Le Comité, par application de l'article 111.5 du règlement intérieur, invite l'État partie à l'informer, dans un délai de quatre‑vingt‑dix jours à compter de la communication prévue par le paragraphe 3 de l'article 111 du règlement intérieur, des mesures qu'il a prises conformément aux constatations ci-dessus.

[Fait en français (version originale), et traduit en anglais, en espagnol et en russe.]

2. Communication No 63/1997

Présentée par :Josu Arkauz Arana[représenté par un conseil]

Au nom de :L'auteur

État partie :France

Date de la communication :16 décembre 1996

Le Comité contre la torture, institué conformément à l'article 17 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,

Réuni le 9 novembre 1999,

Ayant achevé l'examen de la communication No 63/1997 présentée au Comité contre la torture en vertu de l'article 22 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,

Ayant tenu compte de toutes les informations qui lui ont été communiquées par l'auteur de la communication et l'État partie,

Adopte la décision suivante :

1.1 L'auteur de la communication est Josu Arkauz Arana, de nationalité espagnole. Il est représenté par un conseil. M. Arkauz s'est adressé au Comité le 16 décembre 1996 en se déclarant victime de violations par la France des articles 3 et 16 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants du fait de son expulsion vers l'Espagne.

1.2Conformément au paragraphe 3 de l'article 22 de la Convention le Comité a porté la communication à l'attention de l'État partie le 13 janvier 1997. Par la même occasion, le Comité a demandé à l'État partie, en vertu du paragraphe 9 de l'article 108 du règlement intérieur du Comité, de ne pas expulser M. Arkauz vers l'Espagne tant que sa communication serait en cours d'examen.

Rappel des faits présentés par l'auteur

2.1L'auteur, d'origine basque, affirme avoir quitté l'Espagne en 1983 suite aux nombreuses arrestations de personnes supposées appartenir au mouvement indépendantiste basque ETA que les forces de sécurité ont effectuées dans son village natal et aux environs. Beaucoup des personnes arrêtées, parmi lesquelles se trouvaient certains de ses amis d'enfance, ont été soumises à la torture. Au cours des interrogatoires et des séances de torture, le nom de Josu Arkauz Arana a été parmi ceux qui furent le plus souvent cités. Se sentant recherché et pour éviter la torture il s'est enfui. En 1984 son frère a été arrêté. Au cours de plusieurs séances de torture les fonctionnaires des forces de sécurité lui ont posé des questions sur l'auteur et annoncé que Josu Arkauz Arana allait être exécuté par les Groupes Antiterroristes de Libération (GAL).

2.2Plusieurs attentats et assassinats de réfugiés basques ont eu lieu dans les environs immédiats du lieu de travail de l'auteur à Bayonne. De plus, l'auteur affirme que le responsable du commissariat de police de Biarritz l'a convoqué à la fin de 1984 pour lui notifier ses craintes selon lesquelles un attentat serait en préparation contre lui et que le dossier administratif de l'auteur, contenant tous les renseignements permettant de le localiser, avait été volé. L'auteur a donc été obligé de quitter son travail et de passer dans la clandestinité. Pendant toute la période où il a vécu caché, ses proches ont fait l'objet d'un incessant harcèlement de la part des forces de sécurité espagnoles. En juin 1987 son beau-frère a été arrêté et torturé pour qu'il révèle le lieu où se trouvait l'auteur.

2.3En mars 1991, l'auteur a été arrêté et accusé d'appartenir à l'ETA et il a été condamné à huit années d'emprisonnement pour le délit d'"association de malfaiteurs". Il a purgé sa peine à la prison de Saint-Maur et a été libéré le 13 janvier 1997. Toutefois, le 10 juillet 1992, il avait été condamné à une peine complémentaire de trois ans d'interdiction du territoire français. En octobre 1996 il a saisi le Tribunal de Grande Instance de Paris contre la décision d'interdiction du territoire, mais aucune décision n'a été rendue.

2.4Le 15 novembre 1996, le Ministère de l'Intérieur a engagé à son encontre une procédure d'expulsion du territoire français. Tout arrêté d'expulsion peut être exécuté d'office par l'administration et emporte de plein droit la reconduite à la frontière de l'intéressé. Le 13 décembre 1996 l'auteur a saisi le tribunal administratif de Limoges d'un recours tendant à l'annulation de l'arrêté d'expulsion susceptible d'être prononcé à son encontre et d'une demande de suspension de cette mesure si elle intervenait. Or sa demande de suspension a été rejetée par une ordonnance du 15 janvier 1997, le tribunal ayant considéré que la remise de l'auteur ne risquait pas d'entraîner pour lui des conséquences irréversibles. Un appel de cette ordonnance n'a pas été possible car la mesure d'expulsion avait déjà été exécutée.

2.5Le 10 décembre 1996, l'auteur a entamé une grève de la faim pour protester contre son expulsion. Par la suite, il a été transféré, du fait de la dégradation de son état de santé, à la Maison d'arrêt de Fresnes, dans la région parisienne, où il a entamé une grève de la soif.

2.6Le 17 décembre 1996, l'auteur a été informé que la Commission d'expulsion de la Préfecture de l'Indre avait prononcé un avis favorable à son expulsion, estimant que sa présence sur le territoire français constituait une menace grave pour l'ordre public. La Commission a cependant rappelé au Ministre de l'Intérieur la législation stipulant qu'un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays où sa vie ou sa liberté sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires à l'article 3 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (ci-après dénommée "Convention européenne des droits de l'homme"). Suite à cet avis, un arrêté ministériel d'expulsion a été pris le 13 janvier 1997 et notifié le même jour à l'intéressé. Un arrêté indiquant que l'arrêté d'expulsion était mis à exécution vers l'Espagne lui a été simultanément notifié. La mesure d'expulsion a été mise à exécution le même jour, après qu'un examen médical a conclu que M. Arkauz pouvait être transporté en voiture jusqu'à la frontière espagnole.

2.7Par une lettre du 17 mars 1997 l'auteur a informé le Comité que son expulsion vers l'Espagne avait eu lieu le 13 janvier 1997. Il a fait part des mauvais traitements et menaces proférés par les policiers français à son encontre et décrit les faits survenus en Espagne après son expulsion.

2.8L'auteur affirme avoir beaucoup souffert le long du trajet vers l'Espagne en raison de son état de faiblesse extrême. Il précise que pendant le voyage entre Fresnes et la frontière espagnole, soit près de 1000 kilomètres en sept heures, il était assis entre deux policiers, les mains menottées dans le dos, et qu'il aurait eu très mal au dos du fait qu'il souffre d'une discopathie dégénérative. Les policiers se seraient arrêtés une fois, ordonnant à M. Arkauz de descendre du véhicule. Ne parvenant pas à bouger, les policiers l'auraient jeté à terre et roué de coups. Il ajoute que les policiers lui ont intimidé tout au long du trajet et que le traitement auquel il a été soumis est contraire à l'article 16 de la Convention.

2.9Dès qu'il a été remis entre les mains de la Garde civile espagnole, il a été mis au secret. Un médecin légiste l'aurait ausculté et déclaré que son état physique permettait un nouveau voyage à destination de Madrid sous certaines conditions, car il était très affecté par la grève de la faim. Il déclare avoir été frappé aux oreilles et la tête par des coups donnés avec le plat de la main, pendant le voyage d'environ 500 kilomètres jusqu'à Madrid. Il aurait également été constamment menacé de mort et des tortures qui lui seraient infligées par la suite. À l'entrée de Madrid, les fonctionnaires lui auraient mis la tête entre les genoux pour qu'il ignore le lieu où il était emmené, à savoir la Direction Générale de la Garde civile à Madrid. Épuisé, il dit avoir perdu connaissance. Une fois réanimé, il aurait subi de longs interrogatoires. On l'aurait forcé à rester assis, les jambes écartées, cette posture lui faisant très mal au dos. Après lui avoir masqué les yeux, il aurait été frappé avec le plat de la main sur tout le corps. On lui aurait fait aussi subir de forts claquements des mains près des oreilles, accompagnés de sifflements et on lui aurait détaillé les méthodes et longues séances de torture auxquelles il serait soumis. À un moment donné, les gardes lui auraient ôté ses vêtements avec brutalité, en continuant de le frapper. Ensuite, pendant que certains lui tenaient les jambes et d'autres les bras, on lui aurait infligé le supplice de la "bolsa", tout en le frappant sur les testicules. Il aurait alors perdu connaissance. Réveillé et toujours masqué, on l'aurait de nouveau assis sur une chaise, les jambes écartées et les bras maintenus le long des jambes. Les gardes lui auraient approché des électrodes. En tentant de se dégager, il aurait reçu directement une décharge.

2.10Des fonctionnaires auraient tenté de le convaincre de collaborer avec eux en utilisant des arguments d'ordre affectif concernant sa femme et ses deux enfants, mais l'auteur aurait refusé. Il aurait ensuite été ausculté par un médecin. Après le départ de celui-ci, on l'aurait encore masqué, frappé sur les oreilles et sur la tête. De nouveau ausculté par un médecin, ce dernier aurait déclaré que l'auteur était proche de la tachycardie. Les interrogatoires et menaces se sont poursuivis et une troisième visite du médecin a eu lieu quelques heures plus tard. Entre-temps, son épouse a rencontré le juge le 15 janvier 1997. Elle lui a exprimé ses craintes quant à l'état de santé de son époux et demandé à le voir mais ceci a été refusé. Sur indication du médecin légiste l'auteur a été transféré à l'hôpital. Après une injection de sérum et différents examens, il a été ramené à la Direction Générale de la Garde civile. Dans la journée du 16 janvier et par peur de représailles, il a signé une déclaration devant une avocate d'office, déclaration que les gardes civils eux‑mêmes ont dictée. Dans la soirée il a été présenté devant le juge qui venait de lever l'ordre de mise au secret. Il a aussi été examiné par un médecin légiste désigné par la famille. Ce médecin a conclut que les allégations de mauvais traitements constituaient un témoignage cohérent. Le 17 janvier 1997, M. Arkauz a reçu la visite d'une délégation du Comité européen pour la prévention de la torture (CEPT) dans la prison de Soto del Real. Le 10 mars 1997 il a déposé plainte pour torture.

Teneur de la plainte

3.1Dans sa communication du 16 décembre 1996 l'auteur a signalé que sa reconduite forcée vers l'Espagne et sa remise aux forces de sécurité espagnoles constitueraient une violation par la France des articles 3 et 16 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

3.2Il a invoqué d'abord le paragraphe 5, alinéa b) de l'article 22 de la Convention et affirmé que les recours internes disponibles pour attaquer les mandats d'expulsion n'étaient ni utiles, ni efficaces, car ils n'avaient pas d'effet suspensif et les tribunaux prononçaient leur jugement longtemps après qu'il avait été procédé à l'expulsion. De plus, les procédures excédaient des délais raisonnables. La condition d'épuisement des recours internes posée à la recevabilité d'une communication ne devait donc pas être appliquée dans le cas d'espèce.

3.3L'auteur a fait valoir que son origine, son affiliation politique, sa condamnation en France et les menaces dont lui-même, ses amis et sa famille ont été victimes constituaient des motifs sérieux de craindre qu'il serait soumis à des mauvais traitements pendant sa garde à vue et que la police espagnole utiliserait tous les moyens possibles, y compris la torture, pour obtenir de lui des renseignements sur les activités de l'ETA. Le risque était d'autant plus réel que l'auteur était présenté dans la presse par les autorités espagnoles comme l'un des dirigeants de l'ETA.

3.4La remise de l'auteur aux forces de sécurité espagnoles était une "extradition déguisée" qui avait pour but son incarcération et sa condamnation en Espagne. Il s'agissait d'une procédure administrative qui n'intervenait pas suite à une demande d'extradition formulée par l'autorité judiciaire espagnole. Les cinq jours de garde à vue et de mise au secret auxquels M. Arkauz serait soumis selon la loi espagnole en matière de terrorisme, seraient utilisés afin d'obtenir de lui les aveux nécessaires à son inculpation. Pendant cette période il ne bénéficierait pas de la protection de l'autorité judiciaire à laquelle il aurait droit s'il avait été extradé. L'absence de garanties juridictionnelles augmentait donc le risque de torture.

3.5À l'appui de ses allégations, l'auteur a mentionné les cas de plusieurs prisonniers basques qui auraient été torturés par la police espagnole entre 1986 et 1996 après avoir été expulsés du territoire français, conduits à la frontière et remis aux forces de sécurité espagnoles. De plus, il a cité les rapports de différents organes internationaux et organisations non-gouvernementales exprimant leur préoccupation sur l'utilisation de la torture et les mauvais traitements en Espagne sur le maintien en Espagne d'une législation permettant que des personnes soupçonnées d'appartenir ou de collaborer avec des groupes armés soient maintenues au secret pendant cinq jours et sur l'impunité dont semblaient bénéficier les auteurs d'actes de torture. La combinaison de ces divers facteurs (existence d'une pratique administrative, graves insuffisances de la protection des personnes privées de liberté et absence de répression contre les fonctionnaires tortionnaires) permettait d'établir un motif sérieux de croire que l'auteur courait un risque réel d'être soumis à la torture. Enfin, il a exprimé ses craintes quant aux conditions de détention auxquelles il serait soumis s'il était emprisonné en Espagne.

3.6Dans sa communication du 16 décembre 1996 l'auteur a signalé également que lors de son transfert vers la frontière il y aurait un risque de mauvais traitements contraires à l'article 16 de la Convention du fait que les policiers pourraient avoir recours à l'utilisation de la force et qu'il serait totalement isolé de sa famille et de son conseil.

3.7Dans sa lettre du 17 mars 1997, l'auteur réitère qu'il y a eu violation par l'État partie des articles 3 et 16 de la Convention, ainsi que des articles 2 et 22 à titre complémentaire. En effet, en justifiant sa remise aux forces de sécurité espagnoles, la France aurait violé l'article 2 de la Convention. La France aurait justifié cette livraison du fait de la nécessaire solidarité entre États européens et la coopération contre le terrorisme. Or ni la situation de conflit aigu qui règne au Pays Basque, ni la solidarité entre États européens, ni la lutte contre le terrorisme ne peuvent être invoquées pour justifier la pratique de la torture par les forces de sécurité espagnoles.

3.8 En outre, l'auteur affirme que, en exécutant la mesure d'éloignement et en le livrant aux forces de sécurité espagnoles, et cela malgré la demande du Comité de ne pas l'expulser, l'État partie a violé l'article 22 de la Convention, car l'exercice du droit de recours individuel prévu par cet article a été rendu inopérant. Il estime que l'attitude de l'État partie équivaut, dans ces circonstances, à renier le caractère obligatoire de la Convention.

3.9 L'auteur reproche également aux autorités françaises la notification tardive de l'arrêté d'expulsion et de son exécution immédiate, qui n'a eu pour but, selon lui, que de le priver des contacts avec sa famille et son conseil, de lui interdire de préparer utilement sa défense et de le mettre dans des conditions psychologiques défavorables. Il aurait été ainsi dans l'impossibilité pratique de former un quelconque recours entre la notification de l'arrêté d'expulsion et son exécution immédiate.

Observations de l'État partie sur la recevabilité

4.1 Dans une réponse datée du 31 octobre 1997, l'État partie conteste la recevabilité de la communication. Il fait observer que le 13 janvier 1997, date à laquelle a été pris et exécuté l'arrêté d'expulsion, il n'avait pas connaissance de la demande de suspension formulée par le Comité, reçue le 14 janvier 1997, et n'a donc pas pu la prendre en considération. Il ajoute que l'expulsion immédiate et rapide était nécessaire pour des motifs d'ordre public.

4.2L'État partie considère que la communication est irrecevable pour non‑épuisement des voies de recours internes. Si toutefois, compte tenu de la nature de la violation alléguée, le Comité considérait que les voies de recours engagées devant les juridictions des ordres administratif et judiciaire n'étaient pas utiles, dès lors qu'elles ne sont pas suspensives, d'autres voies de recours s'offraient à l'auteur. En effet, celui-ci aurait pu saisir le tribunal administratif, au moment de la notification de l'arrêté d'expulsion et de l'arrêté indiquant l'Espagne comme pays de renvoi, d'une demande de sursis à exécution ou d'une demande de mise en application de l'article L.10 du Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel. L'auteur aurait pu également saisir, au moment de la notification des deux arrêtés, le juge judiciaire en invoquant une voie de fait, dès lors qu'il estimait que la mesure de transfert vers l'Espagne manquait de base légale et portait atteinte à une liberté fondamentale. Selon l'État partie, ce recours aurait pu se révéler efficace en raison de la rapidité avec laquelle le juge judiciaire est amené à intervenir et par le pouvoir qui lui est reconnu de mettre fin à une situation constitutive de voie de fait.

4.3L'État partie précise encore que, afin d'obtenir une décision rapide, le requérant aurait pu saisir le juge des référés sur le fondement de l'article 485 du nouveau code de procédure civile. Il ajoute qu'il n'ignore pas qu'une demande de référé n'est recevable que si elle vient à l'appui d'une demande au principal, mais, selon lui, une telle demande en l'espèce aurait pu consister en des dommages-intérêts en réparation du préjudice subi en raison de la voie de fait. De plus, le Préfet, signataire des arrêtés d'expulsion et de renvoi vers l'Espagne, n'aurait pu s'opposer à l'examen d'une telle demande par le juge judiciaire au regard de l'article 136 du Code de procédure pénale.

Commentaires de l'auteur

5.1Dans ses commentaires sur la réponse de l'État partie, l'auteur rappelle les faits et procédures expliqués dans la précédente communication et reprend ses observations concernant la recevabilité de la communication. Sur les questions de fond, il rappelle ses allégations concernant les menaces qui pesaient personnellement sur lui s'il était expulsé en Espagne, et concernant la torture et les mauvais traitements subis.

5.2 En ce qui concerne la demande de suspension de l'arrêté d'expulsion formulée par le Comité le 13 janvier 1997, l'auteur conteste les observations du Gouvernement français selon lesquelles il n'aurait reçu cette demande que le 14 janvier 1997 et n'aurait donc pas eu le temps de la prendre en considération. En effet, son représentant a été informé par télécopie de la demande formulée par le Comité le 13 janvier 1997, bien avant que la décision d'expulsion ne soit notifiée à l'auteur à la fin de la journée du 13 janvier 1997. Aussi, l'auteur dit n'avoir été remis par la police française aux mains de la Garde civile que le 14 janvier 1997. Au cours du transfert, le Gouvernement français aurait pu, selon l'auteur, contacter ses fonctionnaires afin qu'ils suspendent l'exécution de l'expulsion.

5.3En outre, l'auteur allègue que si le Gouvernement français n'avait reçu la demande du Comité que le 14 janvier 1997, il avait l'obligation, dès réception de cette demande, en application de l'article 3 de la Convention, d'intervenir auprès des autorités espagnoles, par voie diplomatique par exemple, pour que l'auteur soit protégé contre d'éventuels mauvais traitements. Il précise qu'il a été torturé sans discontinuité jusqu'au 16 janvier 1997, bien après que les autorités françaises aient reçu la demande du Comité.

5.4 L'auteur conteste également les observations de l'État partie selon lesquelles l'expulsion immédiate et rapide de l'auteur était nécessaire pour des motifs d'ordre public. Incarcéré à la prison de Fresnes, les autorités françaises ont choisi de faire conduire l'intéressé vers la frontière franco-espagnole, la plus éloignée de Paris, alors que M. Arkauz avait droit, en tant que citoyen européen, au séjour et à la libre circulation sur tout le territoire de l'Union européenne, et donc dans des pays où la frontière était beaucoup moins éloignée. Selon l'auteur, il s'agit d'un élément supplémentaire qui démontre que c'est délibérément et consciemment qu'il a été remis par les autorités françaises aux mains des forces de sécurité espagnoles.

5.5 En ce qui concerne les voies de recours internes, l'auteur signale que, premièrement, la règle de l'épuisement des voies de recours internes concerne les voies de recours disponibles, c'est‑à‑dire accessibles. Or il a été empêché d'avoir accès aux recours disponibles. En effet, l'arrêté d'expulsion a été immédiatement mis à exécution par les policiers français qui lui auraient interdit d'avertir son épouse et son conseil. Il aurait donc été dans l'impossibilité matérielle de communiquer avec eux pour les informer de la notification de l'arrêté d'expulsion et leur demander de former immédiatement un recours contre son expulsion. De plus, les autorités françaises auraient refusé de leur donner des informations sur ce qu'il était advenu de l'auteur.

5.6En second lieu, M. Arkauz affirme que, selon le paragraphe 5, alinéa b) de l'article 22 de la Convention, la règle de l'épuisement des voies de recours internes ne s'applique pas lorsque les procédures de recours internes excèdent les délais raisonnables. Il ajoute que les recours internes contre les mesures d'éloignement doivent obligatoirement avoir un caractère immédiat et suspensif. Or en l'espèce aucun juge n'a pu se prononcer dans un tel délai raisonnable, car les décisions litigieuses ont été exécutées immédiatement après leur notification à l'intéressé.

5.7 En troisième lieu, M. Arkauz précise que, en vertu du même paragraphe de l'article 22, la règle de l'épuisement des voies de recours concerne les voies de recours efficaces et adéquates, et donc ne s'applique pas s'il est peu probable qu'elles donneraient satisfaction au particulier. En l'espèce, les voies de recours devant les juges administratif et judiciaire proposées par l'État partie ne peuvent être considérées comme efficaces et adéquates.

5.8 En effet, en ce qui concerne la voie administrative, l'auteur rappelle qu'il avait formé à titre préventif un recours devant le tribunal administratif de Limoges contre la mesure d'expulsion, le tribunal n'ayant statué sur cette demande qu'après l'exécution de la mesure. Sur l'allégation de l'État partie selon laquelle M. Arkauz aurait pu saisir à nouveau le tribunal administratif, au moment de la notification de l'arrêté d'expulsion et de l'arrêté indiquant l'Espagne comme pays de renvoi, d'une demande de sursis à exécution ou d'une demande de mise en application de l'article L.10 du Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, M. Arkauz répond que ce recours n'aurait pas été plus efficace que le précédent.

5.9 En ce qui concerne la voie judiciaire, l'auteur conteste la théorie de la voie de fait proposée par l'État partie. En effet, il précise que cette théorie n'est applicable en droit français que dans des circonstances exceptionnelles, notamment lorsque l'administration a pris une décision qui manifestement, n'est pas susceptible de se rattacher à un pouvoir lui appartenant ou, lorsqu'elle a procédé à l'exécution d'office d'une décision, alors qu'elle n'avait manifestement pas le pouvoir d'y procéder, ce qui n'est pas le cas en l'espèce. M. Arkauz cite des arrêts du tribunal des conflits selon lesquels une décision, même illégale, d'expulsion, et la décision éventuelle de l'exécuter ne sont pas qualifiables de voies de fait, de sorte que seules les juridictions administratives ont compétence en la matière.

Décision du Comité concernant la recevabilité

6.1 À sa vingtième session le Comité a examiné la question de la recevabilité de la communication. Il s'est assuré que la même question n'avait pas été et n'était pas en cours d'examen devant une autre instance internationale d'enquête ou de règlement. En ce qui concerne l'épuisement des recours internes, le Comité a noté que le recours au tribunal administratif demandant la suspension de la mesure d'expulsion susceptible d'être prise à l'égard de l'auteur n'était pas encore décidé au moment de l'exécution de cette mesure. En outre, un éventuel recours contre l'arrêté ministériel d'expulsion pris à l'égard du requérant le 3 janvier 1997 ne s'avérait ni efficace ni même possible, étant donné qu'il n'aurait pas d'effet suspensif et que la mesure d'expulsion a été exécutée immédiatement après la notification, sans que l'intéressé ait eu le temps d'introduire un recours. Le Comité a donc considéré que le paragraphe 5, alinéa b) de l'article 22, ne s'opposait pas à la recevabilité de la communication.

6.2En conséquence, le Comité contre la torture a décide, le 19 mai 1998, que la communication était recevable.

Observations de l'État partie sur la décision du Comité déclarant la communication recevable

7.1Dans une réponse datée du 4 janvier 1999 l'État partie apporte des précisions sur la question de l'épuisement des voies de recours internes. Il souligne que le recours formé par l'auteur devant le tribunal administratif de Limoges ne peut être regardé comme pertinent, puisqu'il ne concerne pas la décision contestée devant le Comité. Ce recours, enregistré le 16 décembre 1996 au greffe du tribunal, était dirigé non pas contre la mesure d'expulsion en litige, qui n'avait pas encore été prise, mais contre une mesure d'expulsion "susceptible" d'intervenir. Cette seule formulation suffisait à rendre le recours de M. Arkauz irrecevable, dans la mesure où la jurisprudence des juridictions administratives exige constamment des requérants qu'ils contestent des décisions actuelles et existantes. La circonstance que ce recours n'ait pas été jugé le 13 janvier 1997, lorsque est intervenu l'arrêté décidant l'expulsion, n'apparaît donc pas décisive en l'espèce. Le jugement est intervenu deux jours plus tard, soit moins d'un mois après l'enregistrement du recours. À l'évidence, le prononcé de cette décision juridictionnelle ne revêtait pas un caractère d'urgence absolu, dès lors qu'elle ne portait pas sur une mesure actuelle, mais éventuelle.

7.2L'auteur s'est abstenu de former un recours à l'encontre de l'arrêté ministériel du 13 janvier 1997 décidant son expulsion du territoire français et contre la décision désignant l'Espagne comme pays de destination. Un recours en suspension, tel que prévu à l'article L.10 du Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, dont le requérant n'ignorait manifestement pas la possibilité, était incontestablement la voie de recours interne pertinente et disponible. Or elle n'a pas été mise en œuvre. L'État partie conclut donc à ce que le Comité déclare la communication irrecevable sur le fondement du paragraphe 6 de l'article 110 de son règlement intérieur.

7.3L'État partie fait valoir que l'exécution de la mesure d'éloignement contestée n'a nullement procédé de la part du Gouvernement de la volonté d'éluder le droit de recours dont disposait l'intéressé, tant au niveau national qu'international. Plus précisément, en ce qui concerne la recommandation émise par le Comité en application de l'article 108 de son règlement intérieur, le Gouvernement n'a matériellement pas pu avoir connaissance le 13 janvier 1997, date à laquelle a été pris et mis à exécution l'arrêté décidant l'expulsion, de la demande de suspension formulée par le Comité dans sa lettre du 13 janvier 1997, laquelle a été reçue le lendemain à la Mission permanente de la France auprès des Nations Unies à Genève, comme en atteste le tampon apposé sur ledit document à son arrivée. C'est la raison pour laquelle cette demande n'a pu être prise en considération avant l'exécution de la mesure.

7.4L'exécution de la mesure d'éloignement le 13 janvier 1997 résulte du fait que l'auteur s'était acquitté à cette date de la somme qu'il devait au Trésor public en application de la condamnation judiciaire dont il avait fait l'objet, et qu'il n'existait dès lors aucune raison, eu égard à la menace que sa présence constituait pour l'ordre public à la suite de son élargissement, de différer le prononcé et l'exécution de son éloignement. Si l'auteur fait valoir qu'il a été dans l'impossibilité matérielle de présenter son recours, il n'en rapporte pas la preuve, et ne conteste nullement que la fiche de notification de l'arrêté d'expulsion, qu'il a refusé de signer, comprenait l'indication des voies et délais de recours.

Commentaires de l'auteur

8.1L'auteur signale que lorsque l'arrêté d'expulsion et la décision fixant l'Espagne comme pays de destination lui ont été notifiés, il a été empêché par les autorités de communiquer avec son épouse et avec son conseil. De plus, lorsque ces derniers ont demandé aux autorités des nouvelles de l'auteur, aucune information ne leur a été donnée. Ainsi, contrairement à ce que soutient l'État partie, l'auteur a été mis dans l'impossibilité, après la notification de l'arrêté d'expulsion et avant son exécution, de former un recours, d'être présenté à une personne susceptible de recevoir cette requête ou de communiquer avec les personnes qui auraient pu agir à sa place.

8.2L'auteur signale que les requêtes introduites auprès du tribunal administratif de Limoges ont été confiées, le 27 juillet 1998, à l'examen du tribunal administratif de Pau, qui a rendu son jugement le 4 février 1999. Le jugement considère que si à la date à laquelle elle a été introduite la requête présentait un caractère prématuré, l'intervention des arrêtés du 13 janvier 1997 décidant l'expulsion de M. Arkauz et son éloignement vers l'Espagne a eu pour effet de régulariser la requête. Le tribunal a également constaté l'illégalité de la remise de l'auteur aux forces de sécurité espagnoles et a donc annulé cette mesure. Toutefois, le recours intenté devant la juridiction administrative française n'a pas d'effet suspensif et la requête de l'auteur n'a été jugée par le tribunal administratif de Pau que deux années après l'exécution effective de l'arrêté d'expulsion. La constatation de l'illégalité de la remise de l'auteur n'a donc dans ces circonstances de l'espèce qu'un effet symbolique.

8.3En ce qui concerne la demande de suspension de l'arrêté d'expulsion formulée par le Comité, l'auteur réitère les arguments qu'il avait présentés dans ce sens.

Observations de l'État partie concernant le fond

9.1L'État partie note que lors de son arrivée en France, l'auteur a bénéficié d'autorisations provisoires de séjour en tant que demandeur d'asile mais que l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) et la Commission des recours ont rejeté sa demande en 1981. Par la suite il n'a pas présenté une nouvelle demande de statut de réfugié, comme cela aurait été possible, ni recherché un pays tiers susceptible de l'admettre, alors qu'il était en situation irrégulière et se savait susceptible d'une mesure d'éloignement exécutoire. En 1992 il a été condamné à 8 ans d'emprisonnement, à 10 ans d'interdiction de séjour et à 3 ans d'interdiction du territoire pour association de malfaiteurs en vue de la préparation d'un ou plusieurs crimes, ainsi que de port illégal d'armes, de détention d'explosifs et de munitions et d'usage de faux documents administratifs. Cette condamnation emportait de plein droit la possibilité de reconduite à la frontière.

9.2L'État partie indique que la réalité des risques invoqués par l'auteur a été appréciée par les autorités nationales avant la mise en œuvre de la procédure d'expulsion, selon les critères définis au paragraphe 2 de l'article 3 de la Convention.

9.3Deux éléments principaux ont conduit l'administration à estimer qu'il n'existait pas d'obstacle à la mise en œuvre de la mesure d'éloignement. En premier lieu, les instances spécialisées chargées de la reconnaissance de la qualité de réfugié politique avaient rejeté en 1981 la demande de l'auteur, estimant les craintes de persécutions qu'il alléguait infondées. En second lieu, eu égard aux engagements contractés par l'Espagne en matière de protection des libertés fondamentales, le Gouvernement français, qui n'ignorait certes pas que l'intéressé pouvait faire l'objet de poursuites pénales dans ce pays, a pu légitimement estimer qu'il n'existait aucun motif sérieux de croire que l'auteur risquait d'y être torturé. La légitimité d'une telle position a été confirmée par la Commission européenne des droits de l'homme qui, dans ses décisions d'irrecevabilité rendues en 1998 dans deux affaires dont les circonstances de fait et de droit étaient parfaitement comparables, a estimé que le Gouvernement français n'avait aucune raison sérieuse de croire que les requérants allaient être victimes de tortures en Espagne. La Commission a relevé qu'il existait une présomption favorable à ce pays en matière de respect des droits de l'homme, en raison notamment de son adhésion à la Convention européenne des droits de l'homme, au Pacte international relatif aux droits civils et politiques et à son protocole additionnel. Elle a d'autre part mentionné le rapport du Comité européen pour la prévention de la torture (CPT) selon lequel la torture ne pouvait être regardée comme une pratique courante en Espagne.

9.4L'État partie signale également que M. Arkauz a fait l'objet d'un examen médical avant d'être conduit à la frontière, concluant que son état de santé physique permettait cette reconduite, et que, dès son arrestation par les autorités espagnoles et son placement en détention, il a de nouveau reçu la visite d'un médecin. Par ailleurs, la procédure diligentée en Espagne a été conduite selon les instructions du magistrat instructeur qui avait délivré des mandats d'arrêts internationaux et autorisé le transfert de M. Arkauz dans les locaux des services centraux de la Garde civile à Madrid, afin qu'il soit entendu en présence d'un avocat.

9.5À supposer que l'auteur ait été victime d'agissements contraires à l'article 3 de la Convention, ce que les procédures en cours en Espagne permettront d'établir, ceux-ci ne pourraient être regardés que comme étant le fait d'individus isolés, agissant en contradiction avec les orientations définies par l'État espagnol. À ce titre, ils étaient imprévisibles et il ne peut être reproché au Gouvernement français de n'en avoir ni soupçonné l'éventualité ni prévenu la survenance.

9.6Pour l'ensemble des raisons qui viennent d'être évoquées, la méconnaissance des dispositions de l'article 3 de la Convention ne saurait être tenue pour établie.

9.7Quant au grief tiré de la violation de l'article 16 de la Convention l'État partie signale que l'auteur ne saurait utilement se prévaloir des dispositions prévues dans cet article, car elles sont inapplicables dans la mesure où le territoire sur lequel auraient été commises les violations de l'article 3 de la Convention n'est pas situé sous la juridiction de l'État français.

Commentaires de l'auteur

10.1L'auteur réitère qu'il existait des motifs sérieux de croire qu'il courrait un risque personnel d'être soumis à la torture s'il était expulsé vers l'Espagne. L'existence de ce risque était corroboré par les éléments suivants : l'auteur et sa famille ont été l'objet de menaces et harcèlement; les GAL préparaient un attentat contre lui; il a été remis par les policiers français aux mains des gardes civils des sections antiterroristes de la caserne d'Intxaurrondo, publiquement mis en cause pour avoir infligé des tortures, entre autres. D'ailleurs, au cours de l'interrogatoire dont il a fait l'objet en janvier 1997 les gardes civils lui ont confirmé qu'ils avaient préparé une tentative d'assassinat contre lui quand il vivait à Bayonne; il était présenté par les autorités espagnoles comme un important responsable de l'ETA.

10.2L'auteur réitère que la durée et les conditions de la garde à vue favorisent la pratique de la torture et des autres mauvais traitements par les forces de sécurité espagnoles et que le mécanisme de surveillance et d'assistance médico-légale des personnes gardées à vue présentent de graves insuffisances. Les enquêtes sur les faits de torture sont très difficiles et lorsque, parfois, elles aboutissent, les procédures sont très longues.

10.3L'État partie soutient que l'auteur aurait dû solliciter le statut de réfugié politique en arguant des risques pour sa vie et sa liberté en cas de retour vers l'Espagne. Or, pour des raisons politiques le Gouvernement français n'accorde plus ce statut aux Basques qui le sollicitent. De plus, la protection découlant de l'article 3 de la Convention concerne "toute personne" et pas uniquement les candidats ou titulaires du statut de réfugié.

10.4Selon l'auteur l'État partie se livre à une interprétation erronée des constatations du CEPT. En effet, celui-ci a constaté qu'"il serait prématuré de conclure que le phénomène de la torture et des mauvais traitements graves a été éradiqué" en Espagne.

10.5Le fait que l'Espagne soit partie à la Convention et ait reconnu la compétence du Comité en application de l'article 22 ne constitue pas, en l'espèce, une garantie suffisante pour la sécurité de l'auteur.

10.6En ce qui concerne la violation de l'article 16 de la Convention, l'État partie n'a pas contesté que l'auteur fit l'objet de mauvais traitements lors de son transfert jusqu'au poste frontière. Ces faits auraient dû faire l'objet d'une enquête immédiate et impartiale des autorités compétentes, selon l'article 12 de la Convention. Or une telle enquête n'a pas eu lieu. L'État partie ne conteste pas que l'auteur a été illégalement remis aux forces de sécurité espagnoles alors qu'il se trouvait dans un état de faiblesse extrême, après 35 jours de grève de la faim et cinq jours de grève de la soif. Le fait, dans ces conditions, de remettre une personne aux fins d'interrogatoire prolongé constitue en lui-même un traitement cruel, inhumain et dégradant. De plus, lors de l'expulsion, le dossier médical de l'intéressé a été transmis par les policiers français aux gardes civils espagnols. Or les éléments médicaux contenus dans ce dossier, et notamment le fait que l'auteur était atteint de discopathie dégénérative, ont été utilisés au cours de la garde à vue pour aggraver les souffrances de l'auteur, notamment en lui imposant des postures destinées à augmenter ses douleurs lombaires. Le fait d'avoir fourni ce dossier médical constitue également un traitement cruel, inhumain et dégradant.

Délibérations du Comité

11.1Conformément au paragraphe 6 de l'article 110 de son règlement intérieur, le Comité a réexaminé la question de la recevabilité à la lumière des observations faites par l'État partie à propos de la décision du Comité déclarant la communication recevable. Le Comité note cependant que la requête formée par l'auteur devant le tribunal administratif de Limoges était pertinente même si, au moment où elle a été déposée, la mesure d'expulsion n'avait pas encore été prise. Cela a été confirmé par le jugement du tribunal administratif de Pau, selon lequel l'adoption des arrêtés du 13 janvier 1997 décidant l'expulsion de M. Arkauz et son éloignement vers l'Espagne a eu pour effet de régulariser la requête de l'auteur. Dans ces circonstances le Comité n'a pas trouvé de raisons de révoquer sa décision.

11.2Le Comité note les allégations de l'auteur concernant les mauvais traitements dont il aurait fait l'objet par les policiers français pendant qu'il était conduit vers la frontière espagnole. Le Comité considère cependant que l'auteur n'a pas épuisé les voies de recours internes à ce sujet. Il déclare donc que cette partie de la communication n'est pas recevable.

11.3En ce qui concerne le fond de la communication, le Comité doit déterminer si l'expulsion de l'auteur vers l'Espagne violerait l'obligation qui incombe à l'État partie, en vertu du paragraphe 1 de l'article 3 de la Convention, de ne pas expulser ni refouler une personne vers un autre État où il y a des motifs sérieux de croire qu'elle risque d'être soumise à la torture. Pour ce faire le Comité doit tenir compte de toutes les considérations pertinentes en vue de déterminer si l'intéressé court un risque personnel.

11.4Le Comité rappelle que lors de l'examen du troisième rapport périodique présenté par l'Espagne en application de l'article 19 de la Convention, il avait exprimé sa préoccupation quant aux allégations de tortures et mauvais traitements qu'il recevait fréquemment. Il a également relevé que, malgré les garanties légales entourant les conditions dans lesquelles elle pouvait être décidée, il existait des cas de détention prolongée au secret, régime pendant lequel le détenu ne pouvait bénéficier de l'assistance d'un avocat de son choix et qui semblait favoriser la pratique de la torture. La plupart des plaintes reçues portaient sur des tortures infligées pendant cette période. Des préoccupations dans le même sens avaient déjà été exprimées lors de l'examen du deuxième rapport périodique par le Comité ainsi que dans les observations finales du Comité des droits de l'homme concernant le quatrième rapport périodique présenté par l'Espagne en application de l'article 40 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Quant au CPT, il a également fait état d'allégations de torture ou mauvais traitements reçues lors de ses visites en Espagne en 1991 et 1994, en particulier par des personnes détenues pour des activités terroristes. Le CPT a conclu qu'il serait prématuré d'affirmer que la torture et les mauvais traitements graves avaient été éradiqués en Espagne

11.5Le Comité note les circonstances spécifiques dans lesquelles l'expulsion de l'auteur a eu lieu. Tout d'abord l'auteur avait été condamné en France pour ses liens avec l'ETA, était recherché par la police espagnole et était soupçonné, selon la presse, d'occuper une position importante au sein de cette organisation. Il y avait aussi des soupçons, exprimés notamment par des organisations non-gouvernementales, quant au fait que d'autres personnes dans les mêmes circonstances que l'auteur avaient été soumises à la torture dès leur renvoi en Espagne et pendant leur détention au secret dans ce pays. L'expulsion a été menée selon une procédure administrative, dont le tribunal administratif de Pau a constaté l'illégalité ultérieurement, signifiant la remise directe de police à police, de manière immédiate, sans l'intervention d'une autorité judiciaire et sans que l'auteur ait eu la possibilité d'entrer en contact avec sa famille ou son avocat. Ces circonstances ne respectaient pas les droits d'un détenu et plaçaient l'auteur dans une situation particulièrement vulnérable face à d'éventuels abus. Le Comité reconnaît la nécessité d'établir une coopération étroite entre les États dans la lutte contre la criminalité et de s'accorder des mesures efficaces dans ce sens. Il estime cependant que ces mesures doivent respecter pleinement les droits et libertés fondamentaux des individus.

12.Compte tenu de ce qui précède, le Comité est d'avis que l'expulsion de l'auteur vers l'Espagne, dans les circonstances où elle a eu lieu, constitue une violation par l'État partie de l'article 3 de la Convention.

13.Conformément au paragraphe 5 de l'article 111 de son règlement intérieur, le Comité souhaite recevoir, dans un délai de 90 jours, des renseignements sur toute mesure que l'État partie aura prise conformément aux présentes constatations.

[Fait en français (version originale), et traduit en anglais, en espagnol et en russe.]

3. Communication No 96/1997

Présentée par :A. D. (nom supprimé)(représenté par un conseil)

Au nom de :L'auteur

État partie :Pays-Bas

Date de la communication :7 novembre 1997

Le Comité contre la torture, institué conformément à l'article 17 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,

Réuni le 12 novembre 1999,

Ayant achevé l'examen de la communication No 96/1997 présentée au Comité contre la torture en vertu de l'article 22 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,

Ayant tenu compte de toutes les informations qui lui ont été communiquées par l'auteur de la communication et l'État partie,

Adopte ses constatations au titre du paragraphe 7 de l'article 22 de la Convention.

1.1L'auteur de la communication est A. D., ressortissant sri-lankais d'origine cinghalaise, actuellement résident aux Pays-Bas où il a demandé l'asile. Sa demande d'asile a été rejetée et il risque d'être expulsé. Il affirme que son renvoi à Sri Lanka constituerait une violation par les Pays-Bas de leurs obligations en vertu de l'article 3 de la Convention. Il est représenté par un conseil.

1.2Conformément au paragraphe 3 de l'article 22 de la Convention, le Comité a porté la communication à l'attention de l'État partie le 19 novembre 1997.

Rappel des faits présentés par l'auteur

2.1L'auteur affirme qu'à partir de 1974, il a travaillé comme photographe freelance à Sri Lanka et que, en 1990, il a commencé à prendre des photos de personnes tuées ou blessées. Ses premières photos montraient six personnes qui avaient été brûlées et gisaient au bord d'une route entre Minuwangoda et Jaela, attachées à des pneus. L'auteur soupçonnait que les victimes étaient des sympathisants du Front populaire de libération nationaliste cinghalais (JVP). Il a tout d'abord pris les photos pour lui-même, par indignation, puis a décidé de les rendre publiques. Les photos ont été publiées dans deux journaux ("Lakdiwa" et "Rajatiya") dans des magazines hebdomadaires ("Ira", "Hannde" et "Janahita") ainsi que dans un mensuel ("Kolama"). Le nom de l'auteur n'a pas été rendu public à ce moment-là. En 1991, certaines des photos signées de l'auteur ont été exposées par la Société photographique nationale. Apparemment, des inconnus auraient cherché à en savoir plus sur l'identité du photographe.

2.2Le 8 octobre 1992 ou autour de cette date, l'auteur a reçu la visite dans son studio de huit hommes habillés de noir et masqués. Ils lui ont demandé s'il travaillait pour des journaux et, malgré sa réponse négative, ils ont détruit son matériel. Ils l'ont également forcé à fermer son studio et à rentrer chez lui.

2.3Quelques jours plus tard, deux inconnus ont enlevé l'auteur à son domicile à Colombo, lui ont bandé les yeux et l'ont conduit en voiture dans un immeuble à deux étages où il a été placé dans une pièce avec environ dix autres personnes. L'auteur pense que ces personnes étaient des membres ou des sympathisants du JVP. Il affirme qu'il a été torturé; il a notamment été roué de coups, on lui a placé des aiguilles sous les ongles, on l'a fait tomber d'une hauteur de trois mètres, on lui a introduit une tige de fer dans le rectum, un sac de piments a été attaché autour de sa tête, il a été suspendu par les jambes la tête en bas pendant trois heures et a été soumis à des simulacres d'exécution par pendaison.

2.4Au bout de 15 jours, il a été relâché. Il a été conduit en voiture, les yeux bandés, jusqu'au cimetière de Rajagiriya et abandonné. Il a alors marché jusqu'à son domicile à Madjadah (Colombo). Son voisin l'a emmené à Kandy, près de Barigama, et il n'est plus jamais retourné à Colombo. Il a travaillé à Kandy, la plupart du temps dans son studio, et s'est montré le moins possible en public.

2.5L'auteur est arrivé aux Pays-Bas au mois de mai 1993. Le 23 septembre 1993, il a présenté une demande en vue d'obtenir l'asile ou un permis de séjour pour raisons humanitaires. En plus des événements relatés plus haut, l'auteur a signalé aux autorités chargées de l'asile qu'il avait participé à une réunion organisée par la Fédération internationale de l'art photographique aux Pays-Bas, au cours de laquelle il avait fait une déclaration critique à l'égard du régime sri‑lankais.

2.6Le 19 octobre 1993, la demande de l'auteur a été rejetée par la Secrétaire d'État à la justice au motif qu'il n'avait pas eu d'activités politiques et n'était pas considéré comme un réfugié au sens de la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés. La Secrétaire d'État a en outre fait ressortir que l'auteur avait séjourné quatre mois aux Pays-Bas sans demander l'asile et qu'il avait voyagé avec un passeport à son nom. Enfin, la Secrétaire d'État a noté que les opinions exprimées aux Pays-Bas par l'auteur au sujet du Gouvernement sri-lankais ne constituaient pas un motif d'octroi du statut de réfugié. Le 22 octobre 1993, l'auteur a déposé un recours contre la décision, mais la Secrétaire d'État a refusé de reconnaître au recours un effet suspensif.

2.7L'auteur a alors engagé une procédure sommaire devant la Cour de district de La Haye en vue d'obtenir de son Président une décision tendant à ce qu'il ne soit pas expulsé tant que la procédure de recours ne serait pas achevée. Cette demande a été rejetée le 14 décembre 1993 et, le 29 juillet 1994, la Secrétaire d'État à la justice a rejeté le recours de l'auteur.

2.8Le 10 août 1994, l'auteur a fait appel de la décision de la Secrétaire d'État devant la Cour de district de La Haye, qui l'a débouté le 14 juillet 1995. Enfin, le 5 décembre 1995, la section néerlandaise d'Amnesty International est intervenue en faveur de l'auteur, mais la Secrétaire d'État a fait savoir le 16 mai 1997 qu'elle ne reviendrait pas sur sa décision, compte tenu notamment de l'évolution de la situation politique à Sri Lanka depuis 1992.

2.9L'auteur affirme qu'il souffre toujours de problèmes de santé dus aux tortures qu'il a subies. Il se réfère à un rapport médical, daté du 11 décembre 1995, selon lequel il avait des douleurs dans l'épaule, dans le dos et dans la jambe gauche, qui correspondaient aux tortures qu'il a décrites. Dans un autre rapport médical en date du 23 octobre 1997, établi par l'équipe médicale d'Amnesty International, il est dit que l'examen clinique a révélé plusieurs signes physiques qui correspondent aux formes de torture décrites par l'auteur, telle l'insertion d'aiguilles sous les ongles. Selon ce même rapport, même si l'auteur ne souffrait pas alors de troubles post‑traumatiques, l'anamnèse donnait à penser qu'il en avait probablement souffert dans le passé et avait réussi à développer des réactions efficaces pour les surmonter. Toujours selon le rapport, de nombreux indicateurs de troubles post-traumatiques étaient observables, tels une attitude d'évitement, une amnésie partielle et des troubles du sommeil.

2.10Selon l'auteur, la situation des droits de l'homme à Sri Lanka en 1992 était alarmante. Les photographes et les journalistes étaient particulièrement menacés. L'auteur renvoie à des articles de presse selon lesquels, au début des années 90, des escadrons de la mort désignés sous le nom de "chats noirs" sévissaient avec le soutien du Gouvernement. De nombreux militants des droits de l'homme ont disparu. À la suite des élections de 1994, le Parti national unifié (UNP) a perdu le pouvoir et a été remplacé au Gouvernement par l'Alliance populaire (PA). Cependant, les journalistes n'ont pas cessé d'être victimes d'actes d'intimidation, de disparitions et d'exécutions. Les poursuites et les sanctions contre les violations passées des droits de l'homme seraient insuffisantes et le Gouvernement ne parviendrait pas à contrôler la police et les forces armées.

Teneur de la plainte

3.L'auteur fait valoir qu'il risquerait d'être torturé s'il retournait à Sri Lanka. Il affirme qu'il existe dans le pays un ensemble de violations systématiques des droits de l'homme, graves, flagrantes et massives, et il craint que les responsables des meurtres qu'il a photographiés ne cherchent à se venger. Il dit que l'on ne peut exiger de quelqu'un qui a été victime de violations graves des droits de l'homme dans le passé qu'il retourne dans le pays où ces violations ont été commises.

Observations de l'État partie sur la recevabilité et sur le fond

4.1Dans une lettre datée du 19 janvier 1998, l'État partie a informé le Comité qu'à son avis l'auteur avait épuisé les recours internes disponibles et qu'il acceptait la recevabilité de la communication. Dans des lettres datées du 19 mai 1998, du 28 mai 1998 et du 19 juin 1998, l'État partie a présenté ses observations sur le fond de la communication.

4.2L'État partie souligne qu'au cours de la procédure interne les autorités ont soigneusement étudié la situation générale en matière des droits de l'homme à Sri Lanka et ont apprécié la possibilité d'un retour de l'auteur à Sri Lanka. Selon les informations dont dispose l'État partie, les escadrons de la mort connus sous le nom de "chats noirs" étaient actifs dans les années 1988 à 1990, lorsque le Parti national unifié était au pouvoir. Après l'arrivée au pouvoir en 1994 de l'Alliance populaire, la situation des droits de l'homme à Sri Lanka s'est améliorée et toutes les anciennes restrictions à la liberté de la presse ont été levées. En septembre 1995, lorsque le conflit armé entre le Gouvernement et les LTTE (Tigres de libération de l'Eelam tamoul) a repris dans le nord, la censure a été appliquée aux reportages sur les opérations militaires dans cette région. Bien que l'état d'urgence et la censure appliquée aux reportages sur les opérations militaires dans le nord imposent des contraintes aux journalistes, l'État partie dit qu'il n'a pas entendu parler de journalistes qui seraient harcelés à propos des reportages de guerre.

4.3Au vu des déclarations de l'auteur et des preuves littérales qu'il a fournies, l'État partie ne doute pas que l'auteur soit photographe et que, à partir de 1990, à la demande ou non de partis politiques, il ait pris des photos de victimes des violations des droits de l'homme, et que ces photos aient été publiées dans divers journaux. L'État partie pense qu'il est plausible que l'auteur ait été enlevé du fait de ces activités.

4.4L'État partie attire l'attention du Comité sur les divergences entre les arguments et déclarations sur lesquels reposent la communication et les déclarations faites par l'auteur lorsqu'il a engagé la procédure interne. Au cours de cette procédure, l'auteur a constamment indiqué qu'il avait été enlevé en mars 1991 et maintenu captif pendant 15 jours. Ce n'est qu'après la clôture de la procédure interne que l'auteur a déclaré, par l'intermédiaire d'Amnesty International, que l'enlèvement et les tortures allégués avaient eu lieu non pas en mars 1991, mais le 8 octobre 1992. L'auteur n'a pas expliqué cette incohérence, bien que cela soit important pour évaluer sa relation des faits. S'il a été enlevé en 1991, il est curieux qu'il n'ait pas reçu la visite d'hommes lui demandant de fermer son studio avant le 8 octobre 1992. En tout état de cause, l'auteur n'a pas fourni d'informations sur la période comprise entre le mois de mars 1991 et le 8 octobre 1992. Son explication à ce sujet, à savoir qu'il n'a pas pu bien se faire comprendre faute de la présence d'un interprète cinghalais, n'est pas crédible. Il ressort clairement du dossier national de l'auteur que sa connaissance de l'anglais lui permettait de compléter sa présentation des faits de la manière voulue.

4.5En outre, lorsque l'auteur a été débouté de son appel, il est également revenu sur la déclaration qu'il avait faite au cours de la procédure nationale, selon laquelle ce n'est qu'au mois de mai 1993 qu'il a décidé de quitter Sri Lanka. Apparemment, il a indiqué à Amnesty International qu'il avait déjà décidé de quitter son pays après son enlèvement, lequel aurait eu lieu le 8 octobre 1992. Il n'a pas non plus fourni d'explication satisfaisante sur cette contradiction. L'État partie pense que l'auteur a probablement changé son récit pour le rendre plus logique et cohérent.

4.6En outre, l'État partie fait remarquer qu'entre le moment de sa remise en liberté en octobre 1992 et la date de son départ en mai 1993, l'auteur a pu échapper à de nouveaux problèmes en allant s'installer dans une autre région du pays. L'État partie indique qu'il n'a pas suffisamment d'informations pour savoir si l'auteur a effectivement été obligé de se cacher pour travailler secrètement, comme celui-ci l'affirme. Enfin, l'État partie soutient que l'activité photographique de l'auteur révélait les exactions commises par le Parti national unifié lorsqu'il était au pouvoir et qu'elle n'expose pas l'auteur au risque d'être persécuté par le Gouvernement actuel.

4.7En ce qui concerne l'appréciation des preuves médicales fournies par l'auteur, l'État partie note que, selon les termes du certificat médical daté du 11 décembre 1995, les violences décrites par l'auteur ont pu provoquer les douleurs qu'il ressent aux épaules et au dos. L'État partie renvoie également à l'examen médical effectué par l'équipe médicale d'Amnesty International après que la procédure interne a été officiellement terminée, et note que, si l'examen clinique a révélé diverses anomalies pouvant correspondre aux types de tortures décrites par l'auteur, le diagnostic de troubles post-traumatiques n'a pas été établi, et que même si l'auteur a souffert de ce syndrome dans le passé, il a réussi à développer des moyens efficaces de le surmonter.

4.8Enfin, l'État partie fait valoir que plusieurs des facteurs individuels que le Comité a considérés comme déterminants dans l'examen d'autres communications ne jouent qu'un faible rôle ‑ voire aucun rôle ‑  en l'espèce, qu'il s'agisse de l'origine ethnique ou des activités politiques de l'intéressé. En l'espèce, l'auteur n'a eu aucun problème lié à son origine cinghalaise et il n'était ni sympathisant ni militant actif d'un parti politique.

4.9L'État partie conclut que l'auteur n'a pas fourni d'éléments d'où il découlerait que, du fait de son origine ethnique, de son affiliation politique ou des conditions de sa détention, il risquerait d'être torturé à son retour à Sri Lanka. En conséquence, il considère que la communication est dénuée de fondement.

Commentaires du conseil

5.1Dans sa réponse aux observations de l'État partie, le conseil note que l'État partie ne conteste pas les éléments les plus importants du récit que l'auteur a fait de ses activités en tant que photographe, de son enlèvement et de sa fuite de Sri Lanka. Les incohérences mentionnées par l'État partie ne mettent pas en cause la véracité générale des affirmations de l'auteur et s'expliquent par l'absence d'un interprète cinghalais au début de la procédure de demande d'asile et par le fait que l'auteur a été soumis dans le passé à des tortures et à des sévices graves.

5.2Le conseil prend note en outre de l'argument de l'État partie pour qui les activités de l'auteur à Sri Lanka n'étaient pas liées à des convictions politiques et l'auteur n'a jamais été membre d'un parti politique. D'après lui, la position de l'État partie s'appuie sur une définition incorrecte et étroite des "convictions politiques". Même si l'auteur n'était pas membre d'un parti politique, les autorités lui ont attribué des convictions politiques après qu'il a publié des photographies de victimes des violations des droits de l'homme. Tant en vertu de la jurisprudence néerlandaise que du droit international en matière de réfugiés, les convictions politiques attribuées sont un des critères de détermination du statut de réfugié.

5.3Le conseil réfute l'argument selon lequel, en allant s'installer dans une autre région de Sri Lanka, l'auteur a réussi à éviter d'avoir d'autres problèmes entre le mois d'octobre 1992 et son départ. Il soutient que l'auteur a continué de se cacher et qu'il a travaillé en secret, et souligne que l'État partie lui-même reconnaît ne pas avoir suffisamment de renseignements pour savoir si l'auteur était effectivement obligé de travailler dans la clandestinité. Le fait que l'auteur aurait pu choisir de fuir à l'intérieur du pays n'a pas été précédemment avancé au cours de la procédure nationale, et ce point ne doit donc pas être examiné devant le Comité. Quoi qu'il en soit, la solution de la fuite à l'intérieur du pays n'était pas réaliste, étant donné que l'auteur était persécuté par les autorités.

5.4S'agissant de la preuve médicale, le conseil dit que l'État partie aurait dû soumettre lui‑même l'auteur à un examen médical vu que celui-ci avait affirmé qu'il avait été torturé. Un examen médical effectué par le Bureau de consultation médicale du Ministère de la justice aurait pu prouver que les tortures auxquelles l'auteur a été soumis à Sri Lanka ont provoqué des troubles post-traumatiques.

5.5En ce qui concerne la situation politique générale à Sri Lanka, le conseil attire l'attention du Comité sur le fait que, à cause des incertitudes et de la situation dangereuse régnant dans le pays, les autorités néerlandaises se sont pendant un certain temps abstenues d'expulser des demandeurs d'asile sri-lankais. Dans la situation actuelle, rien ne garantit que l'auteur ne risquerait pas d'être persécuté par le Gouvernement au pouvoir à Sri Lanka, ni qu'il serait efficacement protégé par le Gouvernement s'il était persécuté ou torturé par les forces précédemment au pouvoir.

Observations supplémentaires de l'État partie et du conseil

6.1Le 14 décembre 1998, l'État partie a transmis au Comité des observations supplémentaires en réponse aux commentaires du conseil. Il a souligné qu'il était inexact de dire que les autorités s'étaient abstenues d'expulser hors des Pays‑Bas des demandeurs d'asile sri-lankais. Au printemps 1998, la Secrétaire d'État néerlandaise à la justice a estimé inutile de changer la politique en matière d'expulsion des demandeurs d'asile, compte tenu de l'évolution de la situation à Sri Lanka. Le 23 juin 1998, la Secrétaire d'État à la justice a informé la Chambre basse du Parlement que les demandeurs d'asile tamouls dont la demande avait été rejetée ne seraient pas expulsés des Pays-Bas avant que soit rendue une décision judiciaire relative à l'appel interjeté par un Tamoul, compte tenu de l'ordonnance délivrée dans cette affaire. La décision de ne pas expulser cette catégorie de personnes pendant une certaine période tenait donc à une question de procédure. Dans un arrêt du 9 octobre 1998, la Cour du district de La Haye a estimé que la Secrétaire d'État à la justice avait pu raisonnablement conclure que l'expulsion vers Sri Lanka de demandeurs d'asile tamouls déboutés ne pouvait pas être interprétée comme une mesure particulièrement sévère. La politique actuelle de renvoi des demandeurs d'asile sri-lankais est donc toujours en vigueur.

6.2L'État partie a en outre informé le Comité que, le 17 novembre 1998, la Secrétaire d'État à la justice avait fait savoir au conseil que l'auteur pourrait prétendre à un permis de séjour pour suivre un traitement médical. Selon les informations de l'État partie, l'auteur a sollicité un tel permis, qui lui sera vraisemblablement accordé dans un avenir proche. L'État partie a indiqué que lorsque l'auteur aurait obtenu un permis de séjour à des fins médicales, il ne serait plus soumis au risque d'expulsion et que par conséquent sa demande devant le Comité n'aurait plus d'objet.

6.3Le 22 avril 1999, le conseil a informé le Comité que l'auteur n'avait toujours pas reçu de permis de séjour à des fins médicales. En outre, ce permis serait provisoire et expirerait lorsque le conseiller médical du Ministère de la justice estimerait que le traitement médical n'est plus nécessaire. Le conseil soutient qu'un tel permis ne fait que repousser le risque d'expulsion, ce qui ne suffit pas pour répondre aux exigences de l'article 3 de la Convention.

6.4Par une lettre datée du 28 octobre 1999, l'État partie a informé le Comité que, le 7 juin 1999, la Secrétaire d'État à la justice avait accordé à l'auteur un permis de séjour à des fins médicales, valable du 9 décembre 1998 au 30 septembre 1999. En outre, l'auteur avait demandé une extension de ce permis. Il ne risquait pas d'être expulsé tant que sa demande était en cours d'examen.

Délibérations du Comité

7.1Avant d'examiner toute plainte contenue dans une communication, le Comité contre la torture doit décider si elle est ou non recevable en vertu de l'article 22 de la Convention. Le Comité s'est assuré, comme il est tenu de le faire conformément à l'alinéa a) du paragraphe 5 de l'article 22 de la Convention, que la même question n'a pas été examinée et n'est pas en cours d'examen devant une autre instance internationale d'enquête ou de règlement. Le Comité note également que l'État partie considère que l'auteur a épuisé tous les recours internes et qu'il admet la recevabilité. Selon le Comité, il ne subsiste pas d'obstacles à la recevabilité. L'État partie et l'auteur ayant chacun formulé des observations sur le fond de la communication, le Comité procède à l'examen quant au fond.

7.2Le Comité doit décider, comme le prévoit le paragraphe 1 de l'article 3, s'il existe des motifs sérieux de croire que l'auteur risquerait d'être soumis à la torture s'il était renvoyé à Sri Lanka. Pour prendre cette décision, le Comité doit tenir compte de toutes les considérations pertinentes, conformément au paragraphe 2 de l'article 3, y compris l'existence d'un ensemble de violations systématiques des droits de l'homme, graves, flagrantes ou massives. Toutefois, le but de cette analyse est de déterminer si l'intéressé risquerait personnellement d'être soumis à la torture dans le pays où il serait renvoyé. Il s'ensuit que l'existence, dans un pays, d'un ensemble de violations systématiques des droits de l'homme, graves, flagrantes ou massives ne constitue pas en soi une raison suffisante d'établir qu'une personne donnée serait en danger d'être soumise à la torture à son retour dans ce pays; il doit exister d'autres motifs qui montrent que l'intéressé serait personnellement en danger. Pareillement, l'absence d'un ensemble de violations flagrantes et systématiques des droits de l'homme ne signifie pas qu'un individu ne puisse être considéré comme encourant le risque d'être soumis à la torture dans la situation particulière qui est la sienne.

7.3Le Comité note que l'État partie l'a informé que l'auteur ne risquait pas actuellement d'être expulsé, l'examen de sa demande visant à obtenir la prolongation de son permis de résidence pour traitement médical étant en cours. Constatant que l'arrêté d'expulsion est encore en vigueur, le Comité est d'avis que la possibilité que l'État partie octroie à l'auteur une prolongation de son permis pour qu'il suive un traitement médical ne suffit pas pour que les obligations contractées par l'État partie en vertu de l'article 3 soient remplies.

7.4Le Comité considère qu'il y a lieu de tenir compte des activités de l'auteur à Sri Lanka et de la détention et des tortures qu'il a vécues pour déterminer s'il risque d'être soumis à la torture à son retour. Le Comité note à cet égard que, si l'État partie a signalé des incohérences dans la relation que l'auteur a faite des événements, il n'a pas contesté la véracité générale de la plainte. Le Comité prend par ailleurs note du rapport médical, d'après lequel l'auteur, même s'il ne présente pas actuellement les symptômes permettant de diagnostiquer des troubles post‑traumatiques, a pu souffrir de ce syndrome par le passé. Toutefois, le Comité note également que les actes d'intimidation et les tortures dont l'auteur dit avoir été victime étaient directement liés à sa dénonciation des violations des droits de l'homme commises sous le précédent Gouvernement. Le Comité connaît la situation des droits de l'homme à Sri Lanka mais considère que, maintenant que le régime a changé, l'auteur n'a pas suffisamment montré qu'il risquait personnellement d'être soumis à la torture s'il était renvoyé aujourd'hui à Sri Lanka.

8.Le Comité contre la torture, agissant en vertu du paragraphe 7 de l'article 22 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, estime que les faits dont il est saisi ne font apparaître aucune violation de l'article 3 de la Convention.

[Fait en anglais (version originale), et traduit en espagnol, en français et en russe.]

4. Communication No 99/1997

Présentée par :T. P. S. (nom supprimé)[représenté par un conseil]

Au nom de :L'auteur

État partie :Canada

Date de la communication :19 septembre 1997

Le Comité contre la torture, institué conformément à l'article 17 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,

Réuni le 16 mai 2000,

Ayant achevé l'examen de la communication No 99/1997 présentée au Comité en vertu de l'article 22 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,

Ayant tenu compte de toutes les informations qui lui ont été communiquées par l'auteur de la communication, son conseil et l'État partie,

Adopte les constations suivantes au titre du paragraphe 7 de l'article 22 de la Convention..

1.L'auteur de la communication est M. T. P. S., citoyen indien né en 1952, demandeur d'asile au Canada au moment de l'enregistrement de la communication. Il affirmait qu'en le renvoyant contre son gré en Inde, le Canada violerait l'article 3 de la Convention contre la torture. Il est représenté par un conseil.

Rappel des faits présentés par l'auteur

2.1En janvier 1986, l'auteur et quatre coaccusés ont été reconnus coupables par un tribunal pakistanais du détournement d'un avion d'Indian Airlines en septembre 1981 et condamnés à la détention à perpétuité. Le conseil indique que le détournement s'est déroulé sans violence et que l'avion faisant route vers Amritsar en provenance de New Delhi avait atterri sans encombre à l'aéroport de Lahore vers lequel il avait été détourné. Aucun passager n'avait été maltraité. Le détournement visait à appeler l'attention sur les exactions systématiques des autorités indiennes à l'encontre des Sikhs. L'auteur déclare avoir été arrêté quelques heures après l'atterrissage de l'avion et contraint à signer des aveux sous la menace d'une arme. Il affirme en outre avoir été maintenu en détention provisoire pendant quatre ans sans possibilité d'accès à un conseil. Il n'apparaît pas clairement s'il déclare être innocent, mais il soutient que son procès n'a pas été équitable et que, par conséquent, sa condamnation était illégale.

2.2En octobre 1994, le Gouvernement pakistanais a décidé de libérer l'auteur et ses coaccusés, à condition qu'ils quittent le pays. L'auteur déclare qu'il ne pouvait pas retourner en Inde, de crainte d'y être persécuté. Avec l'aide d'un agent, il est entré au Canada en 1995 sous un nom d'emprunt en produisant un faux passeport. À son arrivée, il a demandé le statut de réfugié sous ce nom d'emprunt sans révéler sa véritable identité et ses antécédents. En septembre 1995, l'auteur a été arrêté par les services de l'immigration et placé en détention. Par la suite, il a été remis en liberté avec obligation de se présenter une fois par semaine au bureau de l'immigration de Vancouver.

2.3À la fin de 1995, les services de l'immigration ont ouvert une enquête sur l'auteur pour déterminer s'il avait commis à l'étranger une infraction qui, si elle avait été commise au Canada même, aurait été punissable d'une peine d'emprisonnement de 10 ans ou plus. L'examen de sa demande d'admission au statut de réfugié a été suspendu. Au début de 1996, la Section d'arbitrage a rendu une décision selon laquelle l'auteur avait commis une telle infraction et a en conséquence adopté, à son encontre, une mesure d'expulsion conditionnelle. Dans le même temps, la Ministre canadienne de l'immigration a été priée de donner son avis sur la question de savoir si l'auteur constituait un danger pour le public, avec en cas de réponse affirmative, refus de statuer sur la demande d'admission au statut de réfugié de l'auteur et ainsi perte de toute possibilité d'appel au titre de la loi sur l'immigration.

2.4Suite à l'appel interjeté par l'auteur, la décision de la Section d'arbitrage a été infirmée et une nouvelle enquête ordonnée par la Cour fédérale du Canada. À l'issue de la deuxième enquête, une nouvelle mesure d'expulsion conditionnelle a été décidée à l'encontre de l'auteur. Faute de ressources, celui-ci n'a pas fait appel de cette décision. La Ministre a de nouveau été invitée à donner son avis sur la question de savoir si l'auteur constituait un danger pour le public. La Ministre a rendu un avis affirmatif et l'auteur a été placé en détention en vue de son éloignement.

Teneur de la plainte

3.1L'auteur affirme que l'usage de la torture en Inde à l'encontre de personnes soupçonnées d'être des militants sikhs est un fait bien établi. Il transmet au Comité divers articles et informations à ce sujet. Il dit avoir de bonnes raisons de croire qu'il sera torturé en cas de renvoi en Inde. De plus, certains éléments indiqueraient que les Gouvernements indien et pakistanais coopèrent activement avec le Canada afin d'obtenir son expulsion. Vu que l'auteur a déjà purgé sa peine - qu'elle ait été ou non légale - et qu'aucune charge justifiant son extradition n'a été retenue contre lui, il estime que l'Inde ne souhaite obtenir son expulsion que pour des raisons purement extrajudiciaires.

Observations de l'État partie sur la recevabilité

4.1Le 18 décembre 1997, le Comité, agissant par l'intermédiaire de son rapporteur spécial pour les nouvelles communications, a transmis la communication à l'État partie pour observations, le priant de ne pas éloigner ou expulser l'auteur vers l'Inde aussi longtemps que sa communication serait à l'examen par le Comité. Le 29 décembre 1997, l'État partie a informé le Comité que l'auteur avait été renvoyé du Canada vers l'Inde le 23 décembre 1997. Les autorités avaient pris cette décision après être parvenues à la conclusion qu'aucune raison sérieuse ne donnait à penser que l'auteur courait le risque d'être soumis à la torture en Inde.

4.2Dans un mémoire ultérieur en date du 11 mai 1998, l'État partie récapitule les investigations menées par les autorités canadiennes. Le 26 mai 1995, la demande d'admission au statut de réfugié présentée par l'auteur a été transmise par un agent principal de l'immigration à la Section du statut de réfugié au sens de la Convention de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié du Canada. Durant son premier entretien avec les agents de l'immigration, l'auteur a décliné une fausse identité et affirmé n'avoir jamais commis de délit ou infraction et n'avoir jamais été condamné. Il a fondé sa demande sur la crainte de persécutions religieuses et cité un cas de mauvais traitements par la police indienne.

4.3Le Département de la citoyenneté et de l'immigration du Canada (CIC) a par la suite découvert la véritable identité de l'auteur et établi un rapport indiquant que l'auteur était soupçonné d'appartenir à une catégorie de personnes non admissibles aux termes de la loi sur l'immigration, pour s'être livré à des actes de terrorisme. L'auteur a été arrêté le 21 septembre 1995. Au cours d'un interrogatoire mené par un enquêteur du CIC et deux agents du Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS) il a reconnu être membre actif du groupe terroriste Dal Khalsa et avoir participé au détournement de l'avion d'Indian Airlines. L'État partie signale en outre que dans un article en date du 19 octobre 1994, publié dans la presse pakistanaise, l'auteur avait proclamé son intention de poursuivre la lutte pour l'instauration du Khalistan.

4.4En novembre 1995 a été établi un nouveau rapport selon lequel l'auteur appartenait à une autre catégorie de personnes non admissibles, à savoir les personnes dont on avait des raisons sérieuses de croire qu'elles avaient été condamnées en dehors du Canada pour une infraction qui, si elle avait été commise au Canada même, aurait été punissable d'une peine d'emprisonnement d'au moins 10 ans. Sur la base de ces deux rapports, la Section d'arbitrage a mené une enquête et est parvenue à la conclusion que l'auteur avait effectivement été condamné pour une infraction qui, si elle avait été commise au Canada même, aurait été punissable d'une peine d'emprisonnement d'au moins 10 ans.

4.5L'auteur a sollicité l'autorisation de présenter une demande de contrôle juridictionnel de cette décision. Les autorités canadiennes ont accordé cette autorisation après avoir établi que la conclusion de l'arbitre selon laquelle l'auteur n'était pas admissible était entachée d'irrégularité. La Section de première instance de la Cour fédérale a ordonné une nouvelle enquête. Dans sa décision en date du 30 mai 1997, l'arbitre chargé de mener la seconde enquête a constaté que l'auteur était connu pour criminalité et terrorisme. De ce fait, une ordonnance d'expulsion conditionnelle a été rendue. L'auteur n'a pas sollicité l'autorisation de présenter une demande de contrôle juridictionnel de cette décision.

4.6Par une lettre datée du 5 juin 1997, l'auteur a été informé que le CIC entendait demander à la Ministre de la citoyenneté et de l'immigration son avis sur la question de savoir s'il serait contraire à l'intérêt public d'examiner la demande de statut de réfugié présentée par l'auteur. Ce dernier a en outre été informé que dans cette procédure, la Ministre tiendrait compte de toutes les considérations d'ordre humanitaire en rapport avec sa situation, notamment les risques auxquels il pourrait être exposé en cas de renvoi vers l'Inde. L'auteur a été invité à soumettre ses observations à la Ministre, ce qu'il a fait.

4.7Le 3 décembre 1997, le CIC a adressé à la Ministre un mémoire auquel étaient jointes les observations de l'auteur, et dans lequel étaient évalués les risques encourus par l'auteur en cas d'expulsion, eu égard aux renseignements recueillis sur l'état des droits de l'homme en Inde et à la situation personnelle de l'auteur. Dans le mémoire, il était indiqué en conclusion qu'en cas de retour en Inde l'auteur serait effectivement exposé à certains risques mais qu'ils étaient minimes et devaient être mis en balance avec les répercussions qu'aurait la décision d'accorder l'asile à un individu convaincu de détournement d'avion, donc d'un acte de terrorisme. Le 8 décembre 1997, la Ministre a rendu l'avis selon lequel il serait contraire à l'intérêt public d'examiner la demande d'admission au statut de réfugié présentée par l'auteur.

4.8Le 18 décembre 1997, l'auteur a sollicité l'autorisation de présenter une demande de contrôle juridictionnel de la Ministre. Il a en outre sollicité une mesure provisoire de sursis à l'exécution de l'ordonnance d'expulsion. Ce même jour, les autorités canadiennes ont appris, suite à un entretien avec le conseil de l'auteur, qu'en septembre 1997 ce dernier avait adressé une communication au Comité contre la torture, lequel avait demandé le 18 décembre 1997 que l'auteur ne soit pas expulsé avant l'achèvement de l'examen de la communication. La lettre du Comité informant l'État partie de la communication de l'auteur et de la demande de mesures provisoires est arrivée le 19 décembre 1997.

4.9Le 22 décembre 1997, la Section de première instance de la Cour fédérale a rejeté la demande d'annulation de l'ordonnance d'expulsion présentée par l'auteur. La Cour a souligné que l'auteur n'entrait pas dans la catégorie des réfugiés au sens de la Convention, en raison de ses activités terroristes passées, et que le Canada ne devait pas donner l'impression d'être un refuge pour les terroristes. La Cour a noté que l'auteur avait eu toute latitude de proposer un autre pays acceptant de l'accueillir, que l'Inde n'avait pas pour principe de pratiquer la brutalité policière ou de l'encourager et que la grande notoriété de l'auteur le mettrait à l'abri d'éventuels mauvais traitements par les autorités indiennes.

4.10Le 23 décembre 1997, la Cour a rendu une ordonnance supplémentaire rejetant la demande de certification de la question suivante adressée à la Cour par l'auteur : "S'il existe une probabilité non négligeable qu'un individu subisse des tortures, des persécutions ou la peine de mort dans le pays dont il est ressortissant, y a-t-il violation des droits énoncés aux articles 7 et 12 de la Charte canadienne des droits de l'homme s'il est renvoyé du Canada en vertu d'un avis de la Ministre de la citoyenneté et de l'immigration selon lequel il serait contraire à l'intérêt public que soit examinée la demande de statut de réfugié présentée par cet individu ?". La Cour a refusé de certifier la question posée, estimant que l'auteur n'avait pas démontré qu'il risquait d'être soumis à la torture à son retour en Inde.

4.11Le 23 décembre 1997, l'auteur a été expulsé du Canada. Il a été escorté jusqu'à New Delhi par un agent du CIC et un policier. À son arrivée, l'auteur a été accueilli de manière normale et n'a pas été traité par la police indienne autrement que les autres individus expulsés vers l'Inde.

4.12Le 9 mars 1998, la Section de première instance de la Cour fédérale a rejeté pour non‑soumission du dossier dans les délais prescrits la demande de contrôle juridictionnel de l'avis de la Ministre concernant l'examen de la revendication du statut de réfugié présentée par l'auteur.

4.13L'État partie estime la communication dont est saisi le Comité irrecevable au motif du non‑épuisement des recours internes. Tout d'abord, l'auteur n'a pas sollicité l'autorisation de présenter une demande de contrôle juridictionnel visant la décision rendue le 30 mai 1997 par l'arbitre selon laquelle pour cause de terrorisme et de comportement criminel l'auteur n'était pas admissible aux termes de la loi sur l'immigration. Si l'autorisation avait été sollicitée et obtenue, cette décision aurait fait l'objet d'un contrôle par la Section de première instance de la Cour fédérale. Si la Cour fédérale avait infirmé la décision de l'arbitre, elle aurait rendu une ordonnance demandant la conduite d'une nouvelle enquête et l'adoption d'une décision conforme aux conclusions de la Cour. S'il avait été déterminé que l'auteur de la communication n'appartenait pas à une catégorie non admissible, il n'y aurait eu aucune raison de l'exclure du processus de détermination du statut de réfugié et son expulsion du Canada aurait été impossible avant qu'il n'ait été statué sur sa demande d'admission au statut de réfugié. De plus, l'auteur aurait pu demander une prolongation des délais de dépôt de son dossier de demande de contrôle juridictionnel, une telle prolongation étant fréquemment accordée.

4.14L'auteur affirme que c'est par manque de ressources financières qu'il n'a pas fait appel et n'a pas sollicité l'autorisation de présenter une demande de contrôle juridictionnel. Or le dépôt d'une demande de contrôle juridictionnel n'est assujetti à aucune redevance et la procédure est relativement peu coûteuse. L'auteur disposait à l'évidence des moyens financiers voulus pour engager un conseil, ou son conseil avait agi à titre gratuit dans le déroulement de plusieurs procédures antérieures et ultérieures, notamment la procédure devant le Comité. L'auteur n'a fourni aucun élément attestant qu'il avait demandé à bénéficier de l'aide juridictionnelle ou que l'aide juridictionnelle lui avait été refusée en l'occurrence.

4.15Ensuite, l'auteur a sollicité l'autorisation de présenter une demande de contrôle juridictionnel de l'avis de la Ministre selon lequel il serait contraire à l'intérêt public d'autoriser l'examen de sa demande d'admission au statut de réfugié, mais sans respecter les délais prescrits pour le dépôt du dossier, et c'est pourquoi cette requête a été rejetée. Si l'auteur avait déposé son dossier dans les délais et si l'autorisation avait été accordée, l'avis de la Ministre aurait fait l'objet d'un contrôle par la Section de première instance de la Cour fédérale. Si la demande d'annulation avait été jugée fondée, la Cour aurait renvoyé l'affaire à la Ministre en lui enjoignant de rendre une décision conforme aux motifs exposés par la Cour.

Observations du conseil

5.1Dans un mémoire daté du 20 janvier 1998, le conseil fait observer qu'à son sens la réponse de l'État partie en date du 29 décembre 1997 n'indique pas la manière dont les autorités canadiennes sont parvenues à leur conclusion concernant le risque encouru par l'auteur. La possibilité de voir sa demande d'admission au statut de réfugié examinée a toujours été refusée à l'auteur, de même que le bénéfice d'une procédure orale devant une commission indépendante à laquelle il aurait pu exposer le fondement de ses craintes. La seule possibilité de présenter des documents démontrant qu'il courait un risque s'est offerte lorsqu'il a été demandé à la Ministre de l'immigration de rendre un avis sur la question de savoir s'il serait contraire à l'intérêt public d'autoriser l'auteur à soumettre sa demande d'admission au statut de réfugié. Une fois ces documents soumis, l'ensemble du processus décisionnel a été conduit par les agents de l'immigration. Le conseil n'a pas même été mis au courant de la nature des autres documents dont les autorités étaient saisies; la possibilité de formuler des observations au sujet de la totalité des documents susceptibles d'être soumis à la Ministre ou de les réfuter lui a ainsi été déniée.

5.2Le conseil mentionne un mémorandum adressé à la Ministre sur lequel elle se serait fondée pour décider qu'il serait contraire à l'intérêt public d'autoriser l'auteur à faire valoir sa demande d'admission au statut de réfugié. Ce mémorandum montre, selon le conseil, qu'on ne s'est absolument pas soucié de déterminer si l'auteur encourait un risque particulier en Inde compte tenu de son passé et de sa situation du moment. L'essentiel du mémorandum portait sur les antécédents de l'auteur et les obligations internationales du Canada concernant le traitement de terroristes présumés; en revanche, très peu d'indications concernaient les nombreuses obligations internationales du Canada au titre des instruments relatifs aux droits de l'homme, notamment la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés.

5.3Le conseil a en outre soumis une déclaration sur l'honneur de la nièce de l'auteur, présente en Inde au moment où ce dernier y est arrivé en provenance du Canada. Selon ses dires, l'auteur a été soumis à un interrogatoire d'environ six heures à son arrivée, et des officiers du Bureau central d'investigation (Central Bureau of Investigation) l'ont menacé verbalement. Elle craint que son oncle ne finisse par être soumis à la torture ou être victime d'une exécution extrajudiciaire. Les renseignements complémentaires soumis au Comité par cette nièce indiquent que les actes d'intimidation de la police à l'égard de l'auteur et de sa famille se sont poursuivis, ce que l'auteur a signalé à la Commission des droits de l'homme du Pendjab.

5.4À propos de la recevabilité de la communication, le conseil fait valoir dans un mémoire daté du 11 juin 1998 qu'au moment où l'arbitre a rendu sa décision, l'auteur n'était en rien tenu de solliciter l'autorisation de présenter une demande de contrôle juridictionnel pour pouvoir poursuivre ses démarches en vue de l'obtention du statut de réfugié. Le coût de la procédure judiciaire n'a constitué qu'un des facteurs ayant inspiré à l'auteur la décision de ne pas demander de contrôle juridictionnel. Son principal souci était d'éviter tout nouveau retard car il se trouvait alors au Canada depuis presque deux ans et était impatient de faire valoir sa demande d'admission au statut de réfugié auprès des autorités canadiennes. Il ne souhaitait pas freiner cette démarche en engageant une procédure de contrôle juridictionnel, dont les chances d'aboutir étaient au demeurant infimes.

5.5Le conseil estime que l'affirmation de l'État partie selon laquelle, au cas où il aurait été établi que l'auteur de la communication n'entrait pas dans une des catégories de personnes non admissibles, aucune raison n'aurait existé pour l'exclure de la procédure de détermination du statut de réfugié et qu'il n'aurait pas été expulsable avant une décision définitive sur sa demande d'admission au statut de réfugié, est tout à fait tendancieuse. La conclusion de l'arbitre a en fait abouti à l'adoption d'une ordonnance d'expulsion conditionnelle, laquelle, sans signifier nécessairement qu'un individu ne bénéficiera pas de la possibilité de voir examiner sa demande d'admission au statut de réfugié, implique pourtant qu'il est susceptible d'être expulsé à l'issue de l'examen de cette demande.

5.6Même si la conclusion susmentionnée de l'arbitre réserve aux autorités de l'immigration la possibilité de solliciter l'avis de la Ministre sur la question de savoir si l'accès au processus de détermination du statut de réfugié doit rester ouvert à la personne concernée, rien ne garantit que cette possibilité soit mise en œuvre. Absolument rien n'obligeait les autorités de l'immigration canadiennes - pas plus que la Ministre - à empêcher l'auteur de poursuivre ses démarches en vue de l'obtention du statut de réfugié. L'accès de l'auteur au processus de détermination du statut de réfugié a été interrompu pour des raisons d'ordre politique et non pas d'ordre judiciaire ou quasi judiciaire. Sa demande d'admission au statut de réfugié aurait pu continuer à être examinée malgré la conclusion de l'arbitre.

5.7L'État partie semble soutenir que le devoir de diligence raisonnable impose à toute personne de se prémunir contre toute éventualité susceptible de se présenter à elle. Le conseil objecte que telle n'est pas la norme dans le paragraphe 5 de l'article 22 de la Convention. Une personne impatiente de relater l'histoire de sa vie aux autorités en vue d'obtenir leur protection ne saurait se voir reprocher de ne pas vouloir, par manque de patience, s'engager dans une nouvelle procédure de contrôle juridictionnel si le processus de détermination du statut de réfugié lui reste ouvert.

5.8Pour ce qui est du non-respect par l'auteur des délais prescrits pour solliciter l'autorisation de présenter une demande de contrôle juridictionnel de l'avis de la Ministre, le conseil objecte que la date limite se serait située vers la fin du mois de janvier 1998. Or l'auteur a été expulsé le 23 décembre 1997. Le préjudice était irréparable, quelle que soit la réponse réservée à la demande de contrôle juridictionnel. L'auteur était fermement résolu à demander à ce que la décision de la Ministre soit soumise à un contrôle juridictionnel, et le conseil est intervenu le 20 décembre 1997 devant la Cour fédérale pour essayer d'obtenir qu'il soit sursis à la mesure d'expulsion jusqu'à l'examen de la demande. Malheureusement, la Cour fédérale a préféré rendre une décision au fond sur la demande de statut de réfugié par l'auteur. En conséquence de quoi, l'auteur a été expulsé trois jours plus tard. L'État partie a omis d'indiquer quelle procédure serait mise en œuvre pour ramener l'auteur en toute sécurité au Canada au cas où la Ministre se serait vu enjoindre par la Cour de statuer dans un autre sens.

Observations supplémentaires de l'État partie sur la recevabilité

6.1Dans un mémoire supplémentaire en date du 9 octobre 1998, l'État partie souligne qu'à la notification d'une décision telle que celle rendue par l'arbitre dans l'affaire considérée, une personne revendiquant le statut de réfugié et représentée par un conseil ne saurait avoir supposé qu'il lui était possible de poursuivre ses démarches en vue de l'obtention dudit statut. L'arbitre a établi que l'auteur était une personne ayant été condamnée en dehors du Canada pour une infraction qui, si elle avait été commise au Canada même, aurait été punissable d'une peine d'emprisonnement de 10 ans ou plus, et qu'il s'agissait d'un individu dont il existait de sérieuses raisons de croire qu'il s'était livré à des actes de terrorisme. Une personne de bon sens représentée par un conseil et se voyant notifier pareille décision devait nécessairement s'attendre à ce que soient prises des dispositions visant à l'exclure du processus de détermination du statut de réfugié. La procédure de détermination du statut n'aurait du reste pu déboucher que sur une décision déclarant le demandeur non admissible au statut de réfugié au sens de la Convention en vertu de la section F de l'article premier de la Convention des Nations Unies relative au statut des réfugiés, intégrée, par référence, à la loi canadienne relative à l'immigration.

6.2De plus, l'auteur a été informé à l'issue de la première enquête que le CIC entendait demander à la Ministre de donner son avis sur la question de savoir si l'auteur constituait un danger pour le public, un avis allant dans ce sens ayant pour conséquence d'exclure l'auteur du bénéfice du processus de détermination du statut de réfugié. L'auteur a déposé une demande de contrôle juridictionnel de cette décision antérieure et était donc conscient des incidences potentielles de la conclusion de l'arbitre selon laquelle il n'était pas admissible.

Observations du conseil

7.Le conseil fait observer que l'arbitre a été très précis dans sa conclusion en disant que l'auteur avait été déclaré coupable d'une infraction et qu'il y avait des motifs raisonnables de penser qu'il s'était livré à des actes terroristes. Le contrôle juridictionnel d'une conclusion de ce genre ne pouvait porter que sur la question de savoir si l'arbitre avait fait une erreur de droit ou si son évaluation des faits était arbitraire, fantasque ou manifestement non fondée. Que l'auteur accepte ou non cette décision, il n'était possible de la contester pour aucun de ces motifs, d'après les éléments dont le conseil était saisi. Le devoir du conseil est de déterminer s'il est dans l'intérêt supérieur du client de présenter un recours lorsque celui-ci n'est guère fondé. Le conseil hésiterait à saisir la justice d'une demande futile dans le simple but de retarder la procédure.

Observations de l'État partie indiquant pourquoi il ne s'est pas conformé à la demande que lui avait adressée le Comité au titre du paragraphe 9 de l'article 108 de son règlement intérieur

8.1Le 24 juin 1998, le Comité a invité l'État partie à présenter des observations écrites indiquant pourquoi il ne s'était pas conformé à la demande qui lui avait été adressée de ne pas expulser l'auteur vers l'Inde tant que sa communication était examinée par le Comité.

8.2Dans sa réponse au Comité, l'État partie fait valoir qu'il est certes possible de recommander à un État de prendre des mesures provisoires mais pas de le lui ordonner et il cite à l'appui de cette opinion le choix du terme retenu ("demande") au paragraphe 9 de l'article 108 ainsi que la décision de la Cour européenne des droits de l'homme dans l'affaire Cruz Varas et autres c. Suède, où, à propos de la valeur juridique d'une demande de mesures provisoires, la Cour a dit ce qui suit : "Il échet de relever d'emblée que ledit article 36 a le rang d'une simple norme de procédure établie par la Commission en vertu de l'article 36 de la Convention [concernant les mesures provisoires]. ... Vu l'absence, dans celle-ci, d'un texte consacré aux mesures provisoires, une indication donnée au titre de l'article 36 du règlement intérieur ne saurait passer pour créer une obligation juridique à la charge d'un État contractant".

8.3Aux termes du paragraphe 9 de l'article 108 du règlement intérieur, des mesures provisoires peuvent être demandées pour éviter que l'auteur ne subisse un "préjudice irréparable". L'État partie soutient qu'il faut faire preuve de rigueur dans la définition de ce qu'est un préjudice irréparable, en particulier s'il a été établi que l'individu concerné représente un danger pour la société ou, comme dans le cas de l'auteur, que sa présence continue dans le pays est contraire à l'intérêt général. En se fondant sur les pièces soumises par l'auteur ainsi que sur les éléments qu'elles avaient elles-mêmes recueillis au sujet du risque encouru par l'auteur en cas de renvoi en Inde, les autorités sont parvenues à la conclusion que ledit risque était infime. De plus, un juge de la Section de première instance de la Cour fédérale a estimé que le risque encouru par l'auteur ne suffisait pas à justifier un sursis à l'exécution de la décision d'éloignement.

8.4Ce n'est que le 18 décembre 1997, lorsque le conseil de l'auteur a signalé à un fonctionnaire du CIC que le Comité contre la torture avait adressé une demande aux autorités canadiennes, que celles-ci ont appris qu'une communication comportant une demande de mesures provisoires avait été envoyée par l'auteur au Comité trois mois auparavant. Le dossier établi par le Comité fait apparaître que le conseil de l'auteur n'a adressé au Comité que quelques jours avant la date prévue pour l'expulsion de son client la demande de mesures provisoires dans le prolongement d'une série d'autres communications. Les autorités canadiennes n'étaient pas au courant de ces communications et n'ont donc pas eu la possibilité de faire des observations au sujet de ces communications ex parte au Comité.

8.5En résumé, quelle qu'en soit la valeur juridique, l'État partie a pour principe d'étudier avec sérieux les demandes de mesures provisoires émanant du Comité, mais il a toutefois estimé qu'en l'espèce il n'y avait pas lieu d'accorder un sursis, eu égard aux éléments mentionnés plus haut, en particulier : a) l'absence, à première vue, suite à une évaluation, de risque personnel encouru par l'auteur; b) le fait que la présence au Canada d'un terroriste condamné était contraire à l'intérêt général; c) le caractère non contraignant de la demande formulée par le Comité.

Observations du conseil

9.1Le conseil déclare qu'il n'a jamais considéré que l'État partie était juridiquement tenu de donner suite à la demande de mesures provisoires que lui avait adressée le Comité. Il fait observer toutefois que le peuple canadien s'attendrait vraisemblablement à ce que le Gouvernement donne suite à une demande du Comité, ce qui serait conforme à la Convention et cadrerait avec la pratique antérieure et la réputation d'État humanitaire dont jouit le Canada au sein de la communauté internationale.

9.2Il n'est pas possible que l'État partie ait sérieusement envisagé de faire droit à la demande de mesures provisoires si l'on considère qu'après avoir été informé de cette demande le 18 décembre 1997, il a continué à agir dans le sens du renvoi de l'auteur en s'opposant à une demande de sursis à l'exécution de l'ordonnance d'expulsion le temps que soit examinée la conclusion de la Ministre selon laquelle il serait contraire à l'intérêt public d'autoriser l'auteur à poursuivre ses démarches en vue de l'obtention du statut de réfugié. L'État partie a choisi de s'en tenir à sa position selon laquelle la Ministre avait déjà procédé à une évaluation des risques et qu'il n'y avait rien d'autre à faire. L'auteur n'a eu d'autre possibilité que de présenter des observations préliminaires par écrit. Il n'y a eu ni procédure orale, ni possibilité de convoquer des témoins ou de les soumettre à un contre-interrogatoire, ni divulgation véritable de "documents d'État à usage interne" et ainsi de suite. L'État partie justifie sa position en disant que la Cour fédérale a rejeté la demande de sursis à l'exécution de la mesure d'expulsion présentée par l'auteur. Cependant, la décision de la Cour fédérale en ce qui concerne la demande de sursis n'a pas fait l'objet d'une révision. C'est la décision d'un seul juge, que l'auteur conteste. Si l'auteur avait comparu devant d'autres juges de la Cour fédérale, le résultat de sa demande de sursis aurait peut-être été différent.

Décision du Comité sur la recevabilité

10.1À sa vingt et unième session, le Comité a examiné la question de la recevabilité de la communication et il s'est assuré que la même question n'avait pas été examinée et n'était pas en cours d'examen devant une autre instance internationale d'enquête ou de règlement. En ce qui concerne l'épuisement des recours internes, le Comité a noté que l'auteur avait demandé qu'une mesure provisoire tendant à suspendre l'exécution de l'ordonnance d'expulsion soit prise, ce qui lui avait été refusé par la Section de première instance de la Cour fédérale le 22 décembre 1997. L'auteur ayant présenté une nouvelle requête, la Cour a rendu une nouvelle décision selon laquelle l'auteur n'avait pas démontré qu'il risquait d'être torturé s'il retournait en Inde. L'auteur a également sollicité l'autorisation de présenter une demande de contrôle juridictionnel de la décision de la Ministre selon laquelle il serait contraire à l'intérêt public d'examiner sa demande d'admission au statut de réfugié. Cependant, l'auteur a été expulsé avant la date limite fixée pour le dépôt de la demande. Le Comité a également noté que l'auteur n'avait pas demandé l'autorisation de présenter une demande de contrôle juridictionnel de la décision de l'arbitre, selon laquelle l'auteur appartenait à une catégorie de personnes non admissibles. Cependant, le Comité n'était pas convaincu que ce recours aurait été utile et nécessaire, étant donné que les autres recours mentionnés ci‑dessus étaient disponibles et avaient effectivement été utilisés.

10.2En conséquence, le Comité a décidé que la communication était recevable.

Observations de l'État partie sur le fond

11.1Dans un mémoire daté du 12 mai 1998, l'État partie indique que, conformément au principe énoncé dans l'affaire Seid Mort e sa Aeme i c. S uisse, le Comité doit déterminer "s'il existe des motifs sérieux de croire que [l'auteur] risquerait d'être soumis à la torture s'[il était renvoyé dans son pays]" et "si l'intéressé risquerait personnellement d'être soumis à la torture". Il rappelle également que c'est à l'auteur qu'incombe la charge de prouver qu'il existe des motifs sérieux de croire qu'il risquerait personnellement d'être soumis à la torture.

11.2L'État partie soutient que la protection prévue par l'article 3 étant, selon la jurisprudence du Comité, une protection absolue, indépendante du comportement antérieur de l'auteur, l'existence du risque doit être déterminée de manière particulièrement rigoureuse. À cet égard, il renvoie à un arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme (Vilva rajah et a utres c. Royaume-Uni) qui précise, au sujet de l'article 3 de la Convention européenne des droits de l'homme, qu'"en vue d'apprécier l'existence, à l'époque considérée, d'un risque de traitements contraires à l'article 3, la Cour se doit d'appliquer des critères rigoureux, eu égard au caractère absolu de cette disposition".

11.3Pour déterminer si l'auteur risque d'être soumis à la torture, l'État partie soutient qu'il doit considérer les points suivants : a) s'il y a, dans l'État intéressé, des éléments indiquant l'existence d'un ensemble de violations systématiques des droits de l'homme, graves, flagrantes ou massives; b) si l'auteur a déjà été torturé ou maltraité par un agent de la fonction publique ou avec son consentement; c)  si la situation visée à l'alinéa a) a changé; d) si l'auteur a participé à des activités politiques ou autres, à l'intérieur ou à l'extérieur de l'État concerné, qui seraient de nature à l'exposer tout particulièrement au risque d'être torturé.

11.4L'État partie admet que la situation des droits de l'homme en Inde est préoccupante, mais souligne qu'elle s'est nettement améliorée, en particulier au Pendjab, au cours des deux années précédant le dépôt des conclusions de l'État partie.

11.5Selon l'État partie, plusieurs mesures visant à mieux assurer le respect des droits de l'homme en Inde ont été prises depuis la constitution d'un nouveau gouvernement en juin 1996. La signature par l'Inde de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants le 14 octobre 1997 indique qu'elle a l'intention de prendre des mesures pour prévenir et sanctionner tout acte de torture sur son territoire. L'État partie reconnaît que la police du Pendjab a été responsable, entre 1984 et 1995, de violations des droits de l'homme, notamment de "disparitions", mais, selon des sources d'information fiables, des progrès significatifs ont été réalisés depuis 1995 pour la "mettre au pas" et offrir des réparations aux victimes de violations antérieures. Selon le Département d'État des États-Unis, les disparitions, courantes au début des années 90, semblent avoir cessé et plusieurs des officiers de police impliqués ont été sanctionnés.

11.6L'État partie s'appuie aussi sur d'autres documents pour affirmer que, si à la fin des années 80 et au début des années 90 le Gouvernement tolérait et négligeait les violations des droits de l'homme commises par la police, des mesures ont depuis été prises pour que les auteurs de tels actes ne restent pas impunis. La réouverture de nombreuses instances contre des officiers de police du Pendjab, qui étaient pendantes devant la Cour suprême depuis de nombreuses années, et les enquêtes récemment ouvertes par le Bureau central d'investigation (CBI) illustrent cette évolution. Ces mesures confirment que la police du Pendjab ne bénéficie plus de l'impunité et, bien que de nouvelles violations ne soient pas exclues, il est fort peu probable que la police du Pendjab soit impliquée à l'avenir dans des affaires de disparitions. Enfin, l'État partie observe que les personnes détenues ou arrêtées bénéficient d'une meilleure protection judiciaire; une personne affirmant avoir été arbitrairement arrêtée pourra en informer un avocat et avoir accès à la justice.

11.7En s'appuyant sur les informations émanant des sources susmentionnées, l'État partie considère que la torture n'est plus pratique courante au Pendjab, ni dans aucune partie de l'Inde, et que l'auteur ne courrait pas de risque.

11.8L'État partie fait en outre valoir qu'il n'existe pas de preuve que l'auteur ait été torturé par des représentants des autorités indiennes, par le passé ou depuis son retour en Inde. Il fait état d'articles publiés dans la presse indiquant que l'auteur n'a pas été torturé au cours de l'interrogatoire, les autorités indiennes étant parfaitement conscientes que la communauté internationale est attentive au traitement qu'elles lui réservent.

11.9L'État partie fait également valoir que les autorités indiennes n'auraient aucune raison de torturer l'auteur, celui-ci ayant déjà été condamné et ayant purgé sa peine. En effet, l'Inde a reconnu le principe non bis in idem, à la fois en l'inscrivant dans sa Constitution et en adhérant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, qui énonce ce principe au paragraphe 7 de son article 14. L'absence de nouvelles charges contre l'auteur correspond d'ailleurs au fait que l'Inde n'a pas demandé son extradition. Enfin, l'État partie précise que le Directeur adjoint de la police a confirmé par voie de presse qu'aucune action ne pouvait être engagée contre l'auteur puisque celui-ci avait déjà été condamné et avait purgé sa peine.

11.10S'agissant de la déclaration sur l'honneur de la nièce de l'auteur, l'État partie soutient qu'il ne s'agit que d'ouï-dire, car celle-ci se borne à répéter des déclarations qu'elle croit être de l'auteur. En outre, même si, comme l'a affirmé la nièce, "l'enquêteur du CBI a ensuite menacé [son] oncle de ne pas le lâcher d'une semelle", ce ne serait pas totalement sans raison eu égard au passé de l'auteur, et ce n'est pas la preuve d'un risque de torture. De surcroît, l'État partie argue que les faits dont il est question dans ladite déclaration ne constituent pas une "torture mentale", car ils ne répondent pas aux conditions visées au paragraphe 1 de l'article premier de la Convention. Les autorités indiennes n'ont en effet commis aucun acte visant à infliger à l'auteur une douleur ou des souffrances mentales aiguës.

11.11En ce qui concerne l'allusion, dans la communication initiale, à l'assassinat en 1990 de deux pirates de l'air acquittés qui avaient tenté d'entrer en Inde, l'État partie considère que cet événement n'est pas pertinent en l'espèce, et ne voit aucune similitude entre les deux affaires. Cette absence de similitude est soulignée par le fait que l'auteur n'a pas établi que les membres de sa famille couraient un risque quelconque, alors que dans l'autre affaire, les autorités indiennes n'avaient cessé de harceler la famille des intéressés. L'auteur prétend qu'une fonctionnaire du Département de la citoyenneté et de l'immigration du Canada (CIC) aurait dit qu'il serait "traité avec sévérité, vraisemblablement en raison du détournement de l'avion indien" s'il retournait en Inde. L'État partie soutient que cette observation a été faite au cours de la procédure de contrôle d'une décision, dans le cadre de laquelle il était du devoir de la fonctionnaire de s'inquiéter des risques potentiels qui pouvaient peser sur l'auteur, mais que celle‑ci ne faisait pas de commentaires sur la gravité de ces risques, en cas d'expulsion, et que faute d'informations suffisantes, elle n'était d'ailleurs pas en mesure de les déterminer.

11.12Enfin, l'État partie souligne que la Ministre de la citoyenneté et de l'immigration a attentivement examiné les éléments de preuve relatifs au risque que l'auteur pourrait courir en retournant en Inde, et que celui-ci a été jugé minime. Cette appréciation a été confirmée par la Section de première instance de la Cour fédérale. L'État partie fait valoir que le Comité devrait accorder la plus grande attention aux conclusions de la Cour et de la Ministre.

11.13Pour ces motifs, l'État partie estime que rien n'indique que l'auteur courrait un risque d'être torturé s'il retournait en Inde.

Observations de l'auteur sur le fond

12.1Dans un mémoire daté du 11 juin 1998, l'auteur fait valoir que l'évaluation de la situation des droits de l'homme en Inde, que l'État partie a faite en se fondant sur les documents soumis au Comité est tendancieuse. L'État partie cite certains éléments d'information en les isolant de leur contexte, mais oublie d'en mentionner d'autres, provenant des mêmes sources, qui confirment la persistance de violations.

12.2L'auteur appelle l'attention du Comité sur le fait que, dans l'un des documents cités par l'État partie pour appuyer ses dires, on pouvait lire ceci :"J'ai commencé par demander si une personne qui avait fui l'Inde au début des années 90, au plus fort des troubles, aurait lieu de craindre de rentrer au Pendjab à l'heure actuelle. J'ai également demandé s'il était possible à un fugitif de trouver refuge au sein d'une communauté sikhe dans une ville ou une région en dehors du Pendjab. La réponse à ces deux questions, qui revenait comme un leitmotiv au cours de l'entretien, était que seuls les fugitifs jouissant de la plus grande notoriété, qu'on évaluait à une dizaine environ, auraient des raisons d'avoir peur, ou risqueraient d'être pourchassés en dehors du Pendjab". L'auteur souligne également que ces commentaires ont été faits avant les élections de février 1997, avant que la situation des droits de l'homme ne dégénère.

12.3À l'appui de ses déclarations sur la situation actuelle des droits de l'homme au Pendjab, l'auteur cite des informations émanant de la Direction des recherches de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié à Ottawa. Selon cet organisme, la torture en détention demeure un problème en Inde, et en particulier au Pendjab. Il affirme en outre que les poursuites récemment engagées contre des officiers de police ne sont pas le signe d'un changement réel en ce qui concerne le respect des droits de l'homme et des garanties constitutionnelles. Enfin, il précise que les personnes en danger sont celles qui appartiennent encore à des groupes nationalistes actifs ou qui refusent de se soumettre aux exigences de l'État (et notamment, aux pressions qu'exerce la police pour en faire des informateurs, ce qui, comme l'a fait observer l'auteur, est exactement ce qui est arrivé dans son cas). L'auteur se réfère également à la réponse de la Direction des recherches de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié à Ottawa, aux demandes d'information du Service de l'immigration et de la naturalisation des États-Unis sur la situation au Pendjab en 1997, dans laquelle il est indiqué que malgré une amélioration générale au fil des ans, et "bien que les militants et leurs proches associés soient la principale catégorie d'individus courant des risques, les militants politiques et les défenseurs des droits de l'homme ont également de bonnes raisons de craindre d'être persécutés en Inde".

12.4Compte tenu de ce qui précède, l'auteur attire l'attention du Comité sur l'incohérence qui caractérise la manière dont l'État partie a évalué le risque que courait l'auteur d'être soumis à la torture en Inde. Il fait valoir que les autorités canadiennes avaient refusé d'accorder à l'auteur le statut de réfugié en le présentant comme un militant terroriste et un nationaliste sikh jouissant d'une grande notoriété. Or, lorsqu'il s'est agi de le renvoyer en Inde et d'évaluer les risques auxquels celui-ci pouvait être exposé, l'État partie l'a présenté sous un jour tout à fait différent.

12.5Sur le risque de torture dans l'avenir, l'auteur observe qu'il n'est pas nécessaire, pour l'établir, d'avoir la preuve d'actes de torture commis par le passé, en particulier parce qu'il n'a pas séjourné en Inde depuis son emprisonnement au Pakistan. À ce stade, le seul élément de preuve disponible sur la question est la déclaration sur l'honneur de la nièce de l'auteur. Comme l'auteur l'a souligné, bien qu'elle ne prouve pas la pratique effective de la torture, cette déclaration devrait être considérée comme démontrant que le risque existe. En outre, le fait qu'il n'existe pas de motif légal d'arrêter l'auteur à présent est d'autant plus inquiétant que les exemples d'opérations extrajudiciaires ne manquent pas en Inde.

12.6L'auteur insiste encore sur les similitudes existant entre sa cause et celle de Gurvinder Singh, dont il était question dans la communication initiale. Ce dernier a été jugé avec huit autres personnes, et acquitté, pour le détournement en 1984 d'un avion reliant l'Inde au Pakistan. Il fut ensuite abattu à la frontière entre les deux pays, alors qu'il essayait de rentrer en Inde. L'auteur et quatre autres personnes ont été jugés pour le détournement effectué en 1981. Ce sont donc 14 personnes au total que les autorités indiennes ont cataloguées comme terroristes et constamment mises dans le même sac, qu'elles aient été acquittées ou condamnées, sans tenir compte des dates des détournements, comme en témoigne une lettre du 24 juillet 1995 adressée par le Central Bureau of Investigation (CBI) indien à l'Ambassade du Canada à New Delhi, dans laquelle il est fait référence à une série de photographies de chacun des pirates de l'air présumés. Cela indique non seulement que ces 14 personnes sont mises sur le même pied, mais encore que les autorités indiennes souhaitent particulièrement leur retour en Inde et que l'État partie coopère avec le Gouvernement indien depuis 1995 au moins. Dans son évaluation du risque couru par l'auteur, le Comité devrait donc tenir compte de tout ce qui a pu arriver à ces 14 personnes.

Observations supplémentaires de l'État partie

13.1Dans des communications datées des 30 septembre 1998, 9 octobre 1998, 7 juin 1999 et 28 février 2000 respectivement, l'État partie a fait part d'observations supplémentaires sur le fond.

13.2S'il est vrai que les activistes notoires peuvent être exposés à des risques en Inde, l'État partie considère que l'auteur ne fait pas partie de cette catégorie à laquelle appartiendraient, par exemple, le chef présumé d'une organisation extrémiste ou une personne suspectée de terrorisme, ou d'activités subversives. On ne saurait comparer l'auteur à aucun de ces individus. Il a certes détourné un avion en 1981, mais il a été condamné pour cette infraction, il a purgé sa peine et il n'a sans doute pas plus participé à des activités militantes pendant qu'il était incarcéré qu'actuellement. Dans une autre communication, l'État partie indique qu'il n'a jamais contesté que l'auteur pouvait être considéré comme jouissant d'une "grande notoriété", mais il ne considère pas pour autant que celui-ci appartienne à la catégorie restreinte des "militants de grande notoriété" qui courent un risque.

13.3L'État partie demande au Comité d'accorder peu de poids au "rapport établi en vertu de la section 27" (voir par. 14.6); en effet, il s'agit d'un document établi par un agent subalterne des services d'immigration, qui signale uniquement que la personne est susceptible de ne pas pouvoir être admise au Canada. Seule la décision définitive, qui sera prise par un haut fonctionnaire des services d'immigration, peut faire l'objet d'un contrôle juridictionnel. En outre, le "rapport établi en vertu de la section 27" indique seulement que l'auteur appartient au Dal Khalsa. Or, l'État partie soutient que la simple affiliation à une organisation terroriste ne confère pas la qualité d'"activiste de grande notoriété".

13.4L'État partie nie fermement avoir coopéré avec les autorités indiennes à la recherche de l'auteur et confirme n'avoir reçu de leur part aucune demande d'expulsion de l'auteur vers l'Inde. La lettre évoquée par l'auteur dans sa précédente communication ne signifie pas que les autorités indiennes étaient à sa recherche, mais plutôt que l'État partie était préoccupé par l'arrivée éventuelle sur son territoire de pirates de l'air libérés qu'il souhaitait identifier. Contrairement aux assertions de l'auteur, selon lesquelles l'Inde souhaitait son retour, l'État partie n'a jamais reçu d'indication en ce sens. En outre, même si cela avait été le cas, cela n'aurait pas prouvé que l'auteur risquait d'être torturé.

13.5En ce qui concerne l'arrivée de l'auteur à l'aéroport de New Delhi, où il aurait été attendu par plus de 40 de policiers et militaires, l'État partie répète que le fonctionnaire qui accompagnait l'auteur a confirmé que celui-ci avait été traité normalement.

13.6L'État partie fait valoir que la lettre que l'auteur a présentée au Comité à propos de sa vie en Inde depuis son retour n'est que l'expression de ses opinions et ne constitue donc nullement un moyen de preuve incontestable ou concluant. Le Comité devrait faire peu de cas de ce document. Par ailleurs, le prétendu harcèlement subi par l'auteur ne prouve pas qu'il risque d'être torturé. Au surplus, au moment de la communication, l'auteur était de retour en Inde depuis près de deux ans, la manière dont les autorités indiennes le traitaient n'avait pas changé.

13.7Notant que l'auteur prétend courir le risque d'être "persécuté", l'État partie rappelle que, même si c'est par inadvertance que celui-ci utilise cette expression, la question qui est soumise au Comité est de savoir si l'auteur court le risque d'être "torturé", et non d'être "persécuté". Le risque de torture, tel qu'il est défini dans la Convention, impose un critère plus rigoureux et plus précis que le risque de persécution défini dans la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés. En l'espèce, l'État partie réaffirme que, selon lui, l'auteur ne risque pas d'être torturé.

Observations supplémentaires de l'auteur

14.1Dans de nouvelles communications respectivement datées des 28 octobre 1998, 30 mai 1999, 14 juillet 1999 et 26 novembre 1999, l'auteur déclare que l'État partie a pour politique de restreindre les entrées de réfugiés sur son territoire : ainsi, depuis 1996, le taux d'admission au statut de réfugié a énormément baissé, en particulier chez les demandeurs d'asile originaires du Pendjab. L'auteur considère que la nécessité de lutter contre les abus dus aux migrants économiques et aux faux réfugiés ne saurait justifier le tableau invraisemblablement favorable que l'État partie brosse de la situation au Pendjab.

14.2Le conseil de l'auteur prie le Comité d'examiner une lettre, datée du 2 décembre 1998, écrite par l'auteur, qui révèle les difficultés auxquelles celui-ci s'est heurté depuis son retour en Inde. L'auteur dit qu'à son arrivée du Canada, il a été menacé par la police pour avoir refusé de lui livrer les informations qu'elle réclamait. Lui-même et les membres de sa famille ont été harcelés par la police au point qu'il ne peut plus les voir. À la suite de la plainte qu'il a déposée auprès de la Commission des droits de l'homme du Pendjab, il a été contraint de signer une déclaration mettant la police hors de cause. Selon le conseil de l'auteur, de tels actes constituent "une torture mentale lente et méthodique", et il est inutile d'attendre des preuves de torture physique.

14.3Le conseil conteste aussi que les agissements du Central Bureau of Investigation indien au retour de l'auteur en Inde ne constituent pas une "torture mentale". L'État partie doit, selon lui, tenir compte à la fois de ces agissements, des autres difficultés auxquelles l'auteur et sa famille sont confrontés depuis son retour et de la situation générale des droits de l'homme en Inde. Par ailleurs, il n'est pas admissible que l'État partie puisse se prévaloir rétroactivement de certains éléments, à savoir le fait que l'auteur n'a pas été torturé depuis son retour en Inde, pour justifier sa décision d'expulsion. Le conseil soutient que l'auteur est actuellement victime de torture; mais, même si tel n'était pas le cas, le Comité devrait déterminer si l'auteur courait un risque sérieux d'être soumis à la torture lorsqu'il a été expulsé du Canada.

14.4Le conseil fait valoir que l'auteur a suffisamment prouvé, par sa lettre et la déclaration sur l'honneur de sa nièce, qu'il court un risque sérieux d'être torturé depuis son arrivée en Inde et que les autorités indiennes s'intéressent de près à lui. Le conseil réaffirme que l'expulsion de l'auteur était une extradition déguisée, en l'absence de demande d'extradition.

14.5Le conseil attire l'attention du Comité sur des éléments d'information supplémentaires qui contredisent l'affirmation de l'État partie selon laquelle la situation des droits de l'homme au Pendjab se serait améliorée et qui confirmeraient que la situation des défenseurs des droits de l'homme s'est détériorée à la fin de 1998. Il fait aussi état d'autres informations indiquant que la police a menacé d'éliminer ou d'arrêter sur la base de faux chefs d'inculpation des personnes qui avaient porté plainte auprès de la Commission du peuple.

14.6Le conseil développe l'argument de l'absence de cohérence de l'État partie dans l'évaluation du risque. En effet, celui-ci affirme qu'actuellement les autorités indiennes ne s'intéressent nullement à l'auteur, alors qu'il l'avait auparavant présenté comme un activiste de grande notoriété, notamment en signalant ses liens avec le Dal Khalsa, organisation connue pour militer en faveur de la création du Khalistan, le fait qu'il avait dit aux fonctionnaires de l'immigration qu'il pouvait "écraser n'importe qui comme de la vermine" et des éléments tendant à prouver qu'il avait fait des déclarations en faveur du Khalistan et contre le Gouvernement indien. L'assertion de l'État partie selon laquelle l'auteur n'est pas un activiste de grande notoriété est, selon le conseil, fallacieuse. Le conseil présente des informations supplémentaires tendant à démontrer que l'auteur est bien un "activiste de grande notoriété". Il s'agit, d'une part, d'un commentaire de la BBC, datant de mai 1982, qui qualifie le Dal Khalsa d'organisation antinationale, séparatiste et extrémiste; d'autre part, d'un article tiré de The News International, d'octobre 1994, consacré à l'auteur lui-même, dans lequel celui-ci est clairement qualifié d'activiste. Enfin, le conseil cite des informations figurant dans le dossier établi par les autorités canadiennes à la date du 30 novembre 1995, relatives à l'expulsion de l'auteur du Canada ("rapport établi en vertu de la section 27"), selon lesquelles l'auteur "est membre du Dal Khalsa, organisation terroriste notoire". Le conseil souligne que l'utilisation du présent dans cette phrase démontre que ni l'existence du Dal Khalsa, ni l'appartenance de l'auteur à cette organisation n'appartiennent au passé. Selon le conseil, ces éléments indiquent clairement que l'État partie considérait bel et bien que l'auteur était un activiste de grande notoriété et était par conséquent averti du risque qu'impliquait son renvoi en Inde.

Délibérations du Comité

15.1En vertu du paragraphe 1 de l'article 3 de la Convention, le Comité doit décider s'il existe des motifs sérieux de croire que l'auteur risque d'être soumis à la torture à son retour en Inde. Pour ce faire, il doit, conformément au paragraphe 2 de l'article 3 de la Convention, tenir compte de toutes les considérations pertinentes, y compris l'existence d'un ensemble systématique de violations des droits de l'homme, graves, flagrantes ou massives. Il s'agit toutefois de déterminer si l'intéressé risquerait personnellement d'être soumis à la torture dans le pays où il serait renvoyé. En conséquence, l'existence d'un ensemble de violations flagrantes, graves ou massives des droits de l'homme dans un pays ne constitue pas en soi un motif suffisant pour conclure qu'un individu risquerait d'être victime de torture à son retour dans ce pays; il faut qu'il existe en outre des motifs particuliers de penser que l'intéressé serait personnellement en danger. De même, l'absence d'un ensemble systématique de violations flagrantes des droits de l'homme ne signifie pas qu'une personne ne peut pas être considérée comme risquant d'être soumis à la torture dans sa situation particulière.

15.2Le Comité note d'abord que l'auteur a été expulsé vers l'Inde le 23 décembre 1997, malgré une demande de mesures provisoires adressée à l'État partie conformément au paragraphe 9 de l'article 108 de son Règlement intérieur, afin qu'il n'expulse pas l'auteur tant que le Comité ne se serait pas prononcé sur sa communication.

15.3L'un des facteurs déterminants de cette expulsion rapide fut que, selon l'état partie, "la présence continue de l'auteur au Canada représentait un danger pour le public". Le Comité, cependant, n'est pas convaincu que la prolongation pendant quelques mois encore du séjour de l'auteur au Canada aurait été contraire à l'intérêt général. A cet égard, le Comité renvoie à une affaire (Chaha l c. R oyaume-Uni) dans laquelle la Cour européenne des droits de l'homme a jugé que l'examen d'une réclamation "ne doit pas tenir compte de ce que l'intéressé a pu faire pour justifier une expulsion ni de la menace à la sécurité nationale éventuellement perçue par l'État qui expulse".

15.4Sur le fond de la communication, le Comité relève que l'auteur vit maintenant en Inde depuis plus de deux ans. Pendant ce temps, bien qu'il prétende avoir été à diverses reprises harcelé et menacé, avec sa famille, par la police, il ne semble pas y avoir eu de changement dans la manière dont il est traité par les autorités. Dans ces conditions, et eu égard au temps assez long qui s'est écoulé depuis l'expulsion de l'auteur, amplement suffisant pour que ses craintes se soient matérialisées, le Comité ne peut que conclure que ses allégations étaient dépourvues de fondement.

15.5Le Comité est d'avis que près de deux ans et demi plus tard, il est peu probable que l'auteur risque encore d'être soumis à des actes de torture.

16.1Le Comité considère qu'en ratifiant la Convention et en acceptant volontairement la compétence du Comité en vertu de l'article 22, l'État partie s'est engagé à coopérer avec lui de bonne foi dans l'application de la procédure. L'application des mesures provisoires que le Comité demande dans les cas où il les juge raisonnables est indispensable pour protéger la personne en question contre un préjudice irréparable, qui pourrait au surplus réduire à néant le résultat de la procédure devant le Comité. Celui-ci est profondément préoccupé par le fait que l'État partie n'a pas déféré à la demande de mesures provisoires qu'il lui avait adressée en application de l'article 108, paragraphe 3, de son règlement intérieur et a renvoyé l'auteur en Inde.

16.2Le Comité contre la torture, agissant en vertu du paragraphe 7 de l'article 22 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, conclut que le renvoi de l'auteur en Inde par l'État partie ne constitue pas une violation de l'article 3 de la Convention.

[Fait en anglais (version originale) et traduit en français, en espagnol et en russe.]

Opinion individuelle de M. Guibr il Cama ra, membre du Comité

1.En vertu de l'article 108, paragraphe 9, de son règlement intérieur, le Comité contre la torture peut prendre des mesures pour éviter une violation de la Convention et, par conséquent, un dommage irréparable. Cette disposition est un attribut logique de la compétence conférée au Comité par l'article 22 de la Convention, au sujet de laquelle l'État partie a fait une déclaration. En invoquant l'article 22, l'auteur d'une communication soumet une décision exécutoire à l'appréciation du Comité, compte étant dûment de la condition de l'épuisement des recours internes. Il s'ensuit que, si cette décision est mise à exécution malgré la demande de suspension du Comité, l'État partie vide l'article 22 de son sens. En l'espèce, il s'agit fondamentalement d'une action au mépris, sinon de la lettre, en tout cas de l'esprit de l'article 22.

2.Au surplus, il ressort clairement des termes de l'article 3 de la Convention que le moment à retenir pour apprécier s'"il y a des motifs sérieux de croire que [l'auteur] risque d'être soumis à la torture" est celui de l'expulsion, du refoulement ou de l'extradition. Les faits prouvent à l'évidence que, au moment de son expulsion vers l'Inde, il y avait des motifs sérieux de croire que l'auteur serait soumis à la torture. L'État partie a donc violé l'article 3 de la Convention en prenant une mesure d'expulsion à l'égard de l'auteur.

3.Enfin, le fait qu'en l'espèce l'auteur n'a pas été soumis par la suite à la torture est sans rapport avec le point de savoir si l'État partie a violé la Convention en l'expulsant. La question de la matérialisation effective du risque - en l'espèce, d'actes de torture - n'intervient qu'en cas de demande de réparation ou de dommages-intérêts de la part de la victime ou d'autres personnes en droit d'en réclamer.

4.La compétence du Comité contre la torture devrait aussi s'exercer dans un souci de prévention. Dans les affaires relevant de l'article 3, il ne serait certainement pas raisonnable d'attendre la survenance d'une violation pour en prendre note.

[Fait en français (version originale) et traduit en anglais, en espagnol et en russe.]

5. Communication No 107/1998

Présentée par :K. M. (nom supprimé)[représenté par un conseil]

Au nom de :L'auteur

État partie :Suisse

Date de la communication :23 février 1998

Le Comité contre la torture, institué conformément à l'article 17 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,

Réuni le 16 novembre 1999,

Ayant achevé l'examen de la communication No 107/1998 présentée au Comité contre la torture en vertu de l'article 22 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,

Ayant tenu compte de toutes les informations qui lui ont été communiquées par l'auteur de la communication et l'État partie,

Adopte la décision suivante :

1.1L'auteur de la communication est M. K. M., citoyen turc d'origine ethnique kurde, né en 1972, vivant actuellement en Suisse où il a demandé l'asile. Mais sa demande a été rejetée et il est menacé d'expulsion. Il soutient que son retour forcé vers la Turquie constituerait une violation par la Suisse de l'article 3 de la Convention. Il est représenté par un conseil.

1.2Conformément au paragraphe 3 de l'article 22 de la Convention, le Comité a porté la communication à l'attention de l'État partie le 11 mars 1998. Dans le même temps, le Comité, agissant en vertu du paragraphe 9 de l'article 108 de son règlement intérieur, a demandé à l'État partie de ne pas expulser l'auteur vers la Turquie tant que sa communication serait en cours d'examen. Le 15 avril 1998, l'État partie a informé le Comité que des mesures avaient été prises pour faire en sorte que l'auteur ne soit pas renvoyé vers la Turquie tant que sa communication serait pendante devant le Comité.

Rappel des faits présentés par l'auteur

2.1L'auteur est originaire du sud-est de la Turquie. Il affirme que, tout en étant un sympathisant de la cause du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), il n'était pas engagé dans l'action politique. Il a accompli son service militaire dans l'armée turque en 1992‑1993. Il tenait un magasin de chaussures avec son père dans le village de Gaziantep. Bien qu'il ne fut pas un militant politique, il a été arrêté par la police à deux reprises, en août et en septembre 1994, car il était soupçonné d'aider le PKK, et détenu pendant une courte période. Lors de l'une de ces détentions, il a été violemment battu, au point qu'il a perdu une de ses dents et que plusieurs autres ont été cassées. Les deux fois, il a été remis en liberté sans être inculpé.

2.2Au début de l'année 1995, un membre du PKK, inconnu de l'auteur de la communication et de son père, a pris contact avec eux et leur a demandé de fournir à l'organisation une grande quantité de chaussures. Sympathisants de l'organisation, l'auteur et son père ont accepté et ont remis des chaussures chaque semaine. D'après l'auteur, son cousin, qui travaillait activement pour le PKK et venait quelquefois chercher le lot hebdomadaire de chaussures, a été arrêté en mars 1995 par la police turque alors qu'il se trouvait en possession des chaussures. Sous la torture, il a révélé à la police que l'auteur fabriquait des chaussures pour le PKK. La police s'est alors rendue au domicile de l'auteur, mais celui-ci a réussi à s'échapper et à se cacher. Son père a été arrêté pour amener l'auteur à se manifester. L'auteur a décidé de quitter le pays et a organisé son départ avec l'aide de contrebandiers. Il a appris plus tard que son cousin avait été tué alors qu'il tentait de s'évader de prison.

2.3L'auteur est arrivé en Suisse le 20 avril 1995 et a immédiatement présenté une demande d'asile. L'Office fédéral des réfugiés (ODR) a rejeté sa demande le 14 novembre 1996. Le 12 janvier 1998, la Commission de recours en matière d'asile (CRA) a rejeté l'appel de l'auteur.

2.4L'auteur se plaint que ses entretiens avec les autorités suisses compétentes en matière d'asile se sont déroulés sans la présence d'un avocat et il conteste les arguments sur lesquels celles‑ci se fondent pour conclure que ses dires ne sont pas crédibles et rejeter sa demande. Les autorités suisses ont indiqué que les renseignements fournis par l'auteur lors des trois entretiens qu'il avait eus avec les fonctionnaires compétents présentaient des contradictions, à propos notamment de la profession de l'auteur, de la demande qui lui avait été faite de fabriquer des chaussures pour le PKK et des arrestations dont il avait fait l'objet en 1994. L'auteur donne au Comité des explications détaillées tendant à prouver qu'il n'y a pas de contradictions et qu'il a dit la vérité sur les motifs de son départ du pays.

2.5L'auteur a communiqué au Comité un document émanant du procureur de Gaziantep, en date du 28 mars 1995, qui indique qu'il était recherché par la police. Les autorités suisses ont considéré que ce document est un faux. L'auteur conteste cette conclusion et se plaint du fait que, contrairement à la pratique habituelle, les autorités suisses n'ont jamais demandé à l'Ambassade de Suisse à Ankara de vérifier l'authenticité du document.

Teneur de la plainte

3.1L'auteur affirme que son retour forcé en Turquie constituerait une violation par la Suisse de ses obligations au regard de la Convention, puisque, vu les raisons qui ont motivé son départ de Turquie, il existe des motifs sérieux de croire qu'il risquerait d'être emprisonné, soumis à la torture et même victime d'un meurtre extrajudiciaire à son retour.

Observations de l'État partie sur la recevabilité et le bien-fondé de la communication

4.1L'État partie n'a pas contesté la recevabilité de la communication et, dans une lettre du 13 août 1998, a formulé des observations sur le bien-fondé.

4.2L'État partie informe le Comité des contradictions que les autorités ont relevées lors de leurs interviews avec l'auteur. Il signale, par exemple, que son récit à propos de la commande de chaussures de montagne destinée aux soldats du PKK est parsemé de contradictions et d'incohérences. Celles-ci portent sur un point essentiel de la communication, à savoir, l'origine des persécutions dont l'auteur serait l'objet de la part des autorités de son pays. Il estime également que les déclarations de l'auteur relatives aux circonstances dans lesquelles il aurait reçu la commande de chaussures ne peuvent correspondre à la réalité à laquelle sont confrontés les membres du PKK. En effet, il paraît pour le moins surprenant qu'un membre d'un mouvement terroriste, en guerre contre le régime en place et contre lequel les principales forces d'un pays sont mobilisées, arrive un jour chez des inconnus pour leur demander de soutenir la lutte armée, et ce au grand jour et sans la moindre mesure de précaution de sa part. Admettre la version de l'auteur reviendrait à méconnaître que le PKK a dû mettre en place tout un système de mesures de sécurité, comme par exemple des stratégies d'identification de ses membres, pour préserver leurs vies afin de continuer sa lutte armée. À cet égard, il n'est pas sans intérêt de relever que l'auteur affirme lui-même qu'il est notoire que la police secrète et ses informateurs sont présents dans toutes les couches de la société civile. Or un membre véritable du PKK ne saurait ignorer cet état de fait et ne se serait pas exposé de manière aussi inconsidérée, comme le prétend l'auteur.

4.3L'État partie trouve étonnant qu'une personne, soupçonnée par la police en août 1994 d'avoir apporté son soutien au PKK, ait spontanément accepté, au début 1995, l'offre d'un inconnu de confectionner des chaussures pour ce mouvement, sans envisager un seul instant que les services de sécurité auraient pu ainsi chercher à obtenir la confirmation des soupçons pesant sur elle.

4.4L'État partie conteste également la réalité des poursuites engagées par la police à l'égard de l'auteur. Celui-ci a déclaré que son père avait également confectionné les chaussures pour le PKK; pourtant ce dernier n'a fait l'objet d'aucune poursuite pénale du chef de participation à une activité terroriste, mais a été arrêté et interrogé uniquement au sujet de son fils. La mansuétude des autorités turques à l'égard du père de l'auteur est totalement inexplicable. En effet, même si le cousin n'a pas dénoncé le père de l'auteur, il n'en demeure pas moins que celui-ci avait également confectionné des chaussures destinées au PKK, ou à tout le moins accepté qu'elles soient fabriquées dans son atelier. Or le comportement du père aurait sans doute justifié l'ouverture d'une enquête pénale contre lui puisqu'il avait, en sa qualité de propriétaire de l'atelier, apporté son soutien à un mouvement terroriste. En l'espèce, le père n'a jamais été inquiété de ce chef par les autorités nationales.

4.5En outre, l'auteur a affirmé que son cousin avait été condamné à cinq ans de réclusion et qu'il avait révélé à la police que l'auteur avait confectionné les chaussures. Or l'auteur n'a jamais produit un extrait du jugement en question, lequel, s'il avait vraiment existé, aurait pu apporter la preuve qu'il avait été le complice de son cousin.

4.6En ce qui concerne les persécutions futures auxquelles l'auteur risquerait d'être exposé à son retour dans son pays, l'État partie informe le Comité que sur demande de l'ODR en date du 3 avril 1998 la Représentation suisse à Ankara a effectué des recherches concernant la situation de l'auteur en Turquie. Par courrier du 21 avril 1998, elle a confirmé que la police n'avait établi aucune fiche politique sur l'auteur ou attestant qu'il avait commis un crime de droit commun, qu'il n'était pas recherché par la police ou la gendarmerie, que ce soit sur le plan national ou local et qu'il n'était soumis à aucune interdiction de passeport.

4.7Sur la base de ces informations récentes, l'auteur ne saurait plus soutenir sérieusement que la lettre du bureau du procureur de Gazantiep est authentique. Les autorités suisses s'étaient d'ailleurs convaincues que ce document était un faux. D'une part, il s'agissait d'une lettre interne de service qui, normalement, n'est pas destinée, sous cette forme en tous les cas, à être remise à la personne recherchée. D'autre part, la qualité du papier utilisé et l'absence des indications usuelles de service, qui figurent habituellement sur ce genre de document selon le service spécialisé de l'ODR, permettaient de considérer que l'auteur avait fait fabriquer ce document par des proches.

4.8L'auteur a fait également des déclarations contradictoires en ce qui concerne les dates et la durée de ses prétendues arrestations en 1994. Il a affirmé tout d'abord que les deux arrestations avaient eu lieu en août 1994, ensuite en septembre et octobre 1994; qu'elles avaient duré, respectivement, trois et un jour, puis seulement un jour. Il s'ensuit que l'on est en droit de penser que le dommage au niveau dentaire dont souffre l'auteur doit avoir une origine différente de celle indiquée par lui, par exemple un accident professionnel. À cet égard, le certificat dentaire ne prétend nullement confirmer les affirmations de l'auteur quant à l'origine du dommage. De plus, il ressort de la communication que l'auteur n'a pas quitté la Turquie en raison de ces événements, ce qui laisse supposer qu'il n'existe aucun lien de causalité entre ceux-ci et les motifs de persécutions futures que l'auteur prétend encourir s'il retournait dans son pays.

Commentaires du conseil

5.1Le conseil réitère les explications qu'il avait déjà données au sujet des contradictions que l'État partie relève dans les déclarations de l'auteur. En ce qui concerne le document émanant du procureur de Gazantiep, l'État partie semble laisser entendre que l'auteur a demandé aux membres de sa proche famille de fabriquer un faux document. L'auteur a demandé à son père de lui envoyer une preuve, et non de fabriquer un faux document. Il ne sait pas comment son père a obtenu le document, mais rien ne permet de penser que ce document est un faux. Dans une conversation téléphonique du 23 décembre 1996, le père a dit au conseil qu'il avait dû se rendre plusieurs fois au poste de police pour obtenir le document.

5.2S'agissant de l'argument selon lequel il est peu probable que l'auteur court de nouveau un risque, le conseil soutient qu'en Turquie beaucoup de Kurdes sont soupçonnés par la police de collaborer avec le PKK, et que, malgré tout, ils continuent de travailler pour cette organisation.

5.3En ce qui concerne l'argument selon lequel le père de l'auteur aurait dû être poursuivi, le conseil dit que le père est un vieil homme malade qui ne fait pas partie du groupe de la population qui normalement se rallie à la guérilla, à savoir la jeune génération. Néanmoins, l'auteur a dit clairement aux autorités suisses que son père avait été placé en garde à vue pendant une semaine, durant laquelle il avait été interrogé deux ou trois fois sur ses faits et gestes.

5.4Le conseil considère qu'il n'est pas réaliste de demander à l'auteur de fournir un exemplaire du casier judiciaire de son cousin. L'auteur a quitté la Turquie peu de temps après que son cousin a été arrêté et ne sait pas si son cousin avait un avocat. Seul un avocat serait en mesure de fournir ce type de document, étant donné que la mère, les enfants et la femme de son cousin ont quitté le pays et que l'auteur n'a pas de contacts avec eux. Le conseil dit que les autorités suisses auraient pu se procurer ce type de document.

5.5Le conseil ajoute que la personne du PKK qui a contacté l'auteur et son père et leur a demandé de fabriquer des chaussures savait par le cousin de l'auteur que l'auteur et son père étaient des sympathisants du PKK, et que donc elle ne courrait pas le type de risque évoqué par l'État partie.

Délibérations du Comité

6.1Avant d'examiner toute plainte contenue dans une communication, le Comité contre la torture doit décider si elle est ou non recevable en vertu de l'article 22 de la Convention. Le Comité s'est assuré, comme il est tenu de le faire conformément à l'alinéa a) du paragraphe 5 de l'article 22 de la Convention, que la même question n'a pas été examinée et n'est pas en cours d'examen devant une autre instance internationale d'enquête ou de règlement. Le Comité note aussi que tous les recours internes sont épuisés et que l'État partie n'a pas contesté la recevabilité. Il estime donc que la communication est recevable. L'État partie et l'auteur ayant chacun formulé des observations sur le fond de la communication, le Comité procède à l'examen quant au fond.

6.2Le Comité doit se prononcer sur le point de savoir si le renvoi de l'auteur vers la Turquie violerait l'obligation de l'État partie, en vertu de l'article 3 de la Convention, de ne pas expulser ou refouler une personne vers un autre État où il y a des motifs sérieux de croire qu'elle risque d'être soumise à la torture.

6.3Le Comité doit décider, comme le prévoit le paragraphe 1 de l'article 3, s'il existe des motifs sérieux de croire que l'auteur risquerait d'être soumis à la torture s'il était renvoyé en Turquie. Pour prendre cette décision, le Comité doit tenir compte de toutes les considérations pertinentes, conformément au paragraphe 2 de l'article 3, y compris l'existence d'un ensemble de violations systématiques des droits de l'homme, graves, flagrantes ou massives. Toutefois, le but de cette analyse est de déterminer si l'intéressé risquerait personnellement d'être soumis à la torture dans le pays où il serait renvoyé. Il s'ensuit que l'existence, dans un pays, d'un ensemble de violations systématiques des droits de l'homme, graves, flagrantes ou massives ne constitue pas en soi une raison suffisante d'établir qu'une personne donnée serait en danger d'être soumise à la torture à son retour dans ce pays. Il doit exister d'autres motifs qui donnent à penser que l'intéressé serait personnellement en danger. Pareillement, l'absence d'un ensemble de violations flagrantes et systématiques des droits de l'homme ne signifie pas qu'une personne ne puisse pas être soumise à la torture dans la situation particulière qui est la sienne.

6.4Le Comité rappelle son observation générale sur l'application de l'article 3, qui se lit comme suit :

"Étant donné que l'État partie et le Comité sont tenus de déterminer s'il y a des motifs sérieux de croire que l'auteur risque d'être soumis à la torture s'il est expulsé, refoulé ou extradé, l'existence d'un tel risque doit être appréciée selon des éléments qui ne se limitent pas à de simples supputations ou soupçons. En tout état de cause, il n'est pas nécessaire de montrer que le risque couru est hautement probable." (A/53/44, annexe IX, par. 6)

6.5Dans le cas d'espèce, le Comité note que l'État partie fait état d'incohérences et de contradictions dans les récits de l'auteur permettant de douter de la véracité de ses allégations. Il prend également acte des explications fournies par le conseil à cet égard. Le Comité considère cependant que ces incohérences et contradictions ne sont pas décisives dans l'évaluation du risque que pourrait courir l'auteur s'il était renvoyé en Turquie.

6.6Sur la base des informations soumises par l'auteur, le Comité constate que les événements motivant son départ de la Turquie remontent à 1995. L'auteur a fourni aux autorités suisses un document qui aurait été délivré par le bureau du procureur de Gazantiep peu après son départ, attestant que des poursuites avaient été engagées contre lui en raison de ses liens avec le PKK. Les autorités suisses ont considéré que le document en question était un faux. De l'avis du Comité, les explications fournies par l'auteur pour démontrer que ledit document est authentique ne sont pas convaincantes. Par ailleurs, le Comité note les informations fournies par l'Ambassade de Suisse à Ankara selon lesquelles la police n'a établi aucune fiche sur l'auteur et celui-ci ne fait pas l'objet d'un mandat d'arrêt. En conséquence, l'auteur n'a pas démontré qu'il risquait d'être arrêté à son retour. Le Comité note en outre les allégations de l'auteur selon lesquelles son père a été arrêté par la police et interrogé sur ses faits et gestes. Mais cette arrestation a eu lieu en 1995. Rien ne laisse donc penser que l'auteur ou les membres de sa famille ont été recherchés ou intimidés par les autorités turques depuis. Rien n'indique non plus que l'auteur ait collaboré avec le PKK en quelque manière que ce soit depuis son départ de Turquie en 1995.

6.7Le Comité note avec préoccupation les nombreux rapports faisant état de violations des droits de l'homme, y compris le recours à la torture, en Turquie, mais rappelle qu'aux fins de l'article 3 de la Convention, il doit exister dans le pays vers lequel une personne est renvoyée un risque prévisible, réel et personnel pour celle-ci d'être torturée. Compte tenu des considérations ci-dessus, le Comité estime que l'existence d'un tel risque n'a pas été établie.

6.8Se fondant sur les considérations ci-dessus, le Comité est d'avis que les informations dont il est saisi ne montrent pas qu'il existe des motifs sérieux de croire que l'auteur risque personnellement d'être soumis à la torture s'il est renvoyé en Turquie.

7.Le Comité contre la torture, agissant en vertu du paragraphe 7 de l'article 22 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, estime que la décision de l'État partie de renvoyer l'auteur en Turquie ne fait apparaître aucune violation de l'article 3 de la Convention.

[Fait en français (version originale) et traduit en anglais, en espagnol et en russe.]

6. Communication No 116/1998

Présentée par :N. M. (nom supprimé)[représenté par un conseil]

Au nom de :L'auteur

État partie :Suisse

Date de la communication :10 juillet 1998

Le Comité contre la torture, institué conformément à l'article 17 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,

Réuni le 9 mai 2000,

Ayant achevé l'examen de la communication No 116/1998 présentée au Comité contre la torture en vertu de l'article 22 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,

Ayant tenu compte de toutes les informations qui lui ont été communiquées par l'auteur de la communication et l'État partie,

Adopte la décision suivante :

1.1L'auteur de la communication est M. N. M., citoyen de la République démocratique du Congo, né le 10 janvier 1968, vivant actuellement en Suisse où il a demandé l'asile le 1er décembre 1997. Cette demande ayant été rejetée, il soutient que son rapatriement forcé vers la République démocratique du Congo constituerait une violation par la Suisse de l'article 3 de la Convention contre la torture. Il est représenté par un conseil.

1.2Conformément au paragraphe 3 de l'article 22 de la Convention, le Comité a porté la communication à l'attention de l'État partie le 23 septembre 1998. Dans le même temps, le Comité, agissant en vertu du paragraphe 9 de l'article 108 de son règlement intérieur, a demandé à l'État partie de ne pas expulser l'auteur vers la République démocratique du Congo tant que sa communication serait en cours d'examen. Le 23 novembre 1998, l'État partie a informé le Comité que des mesures avaient été prises pour faire en sorte que l'auteur ne soit pas renvoyé vers la République démocratique du Congo tant que sa communication serait pendante devant le Comité.

Rappel des faits présentés par l'auteur

2.1L'auteur prétend avoir travaillé à Kinshasa entre 1992 et 1997 comme employé d'une société dénommée Hyochade et appartenant à M. Kongolo Mobutu, le fils de l'ex-Président Mobutu. Selon l'auteur, cette société était une couverture pour piller les richesses du pays de différentes manières comme le racket des entrepreneurs étrangers, mais aussi pour organiser des manifestations qui requièrent des autorisations de l'État. La société ne payait aucune taxe et n'avait aucune obligation administrative. Hyochade entreprenait également, pour le régime, des activités de propagande et de recensement des membres de l'opposition afin de garder ces derniers sous un certain contrôle.

2.2L'auteur explique que son travail consistait à jouer les intermédiaires dans certaines transactions commerciales, par exemple afin d'obtenir des autorisations pour des hommes d'affaires étrangers. Mais ses responsabilités comprenaient également le rassemblement d'informations sur des membres de l'opposition dans une zone géographique déterminée pour dénoncer toute activité subversive. Un jour, il dénonça le père d'un de ses amis qui fut torturé à mort. L'auteur avance qu'il faisait rapport à ses supérieurs au moins tous les deux mois et qu'il était généreusement payé. Outre son salaire, il recevait des primes de dénonciation et bénéficiait de toute une série d'autres privilèges.

2.3Durant cette période, tant ses amis que ses ennemis l'avertissaient que ces activités pourraient être un jour dangereuses pour lui. Ses parents, et en particulier son père, tentaient de le convaincre d'abandonner ce travail et de retourner à l'université. L'auteur quitta finalement Hyochade en janvier 1997 et retourna chez ses parents dans l'attente d'une occasion de reprendre les cours à l'université.

2.4Le 17 mai 1997, la rébellion conduite par M. Kabila entrait dans Kinshasa. Dans la nuit du 18 juin 1997, des soldats firent irruption dans la maison des parents de l'auteur pour arrêter ce dernier. En son absence, les soldats appréhendèrent son père. Ayant appris ce qui était arrivé à sa famille, l'auteur décida d'aller se cacher dans le Bas-Zaïre où il habita chez un ami jusqu'à la mi‑septembre. Il attrapa alors la fièvre typhoïde et décida de rentrer à Kinshasa où il habita chez sa sœur.

2.5Le 6 octobre 1997, son père fut relâché à condition de se présenter au poste militaire toutes les deux semaines jusqu'à ce que l'auteur revienne. Le jour de sa libération, le père vint rendre visite à l'auteur, mais fut suivi par trois officiers en civil munis d'un mandat d'arrêt et de sa photo. L'auteur fut arrêté et emmené au camp militaire de Kokolo. Son père ne fut autorisé à l'accompagner que jusqu'à l'entrée.

2.6L'auteur affirme qu'il fut isolé dans une cellule durant trois jours sans nourriture. Il fut ensuite emmené au bureau du commandant du camp où il apprit qu'il était accusé de trahison, d'extorsion et de complicité de meurtre. Alors qu'il niait ces charges, il fut, sur ordre du commandant, emmené dans une autre cellule où il fut battu par plusieurs soldats et reçut des coups sur les parties génitales. Il resta à l'hôpital jusqu'au 25 novembre 1997 lorsqu'un médecin, soudoyé par sa sœur, l'aida à s'échapper; il décida alors de quitter le pays immédiatement.

2.7À son arrivée en Suisse, le 1er décembre 1997, il fit une demande d'asile : celle‑ci fut rejetée par l'Office fédéral des réfugiés le 25 mars 1998. Il introduisit alors un recours contre cette dernière décision qui fut déclaré irrecevable le 18 juin 1998 par la Commission suisse de recours en matière d'asile au motif que l'auteur n'avait payé la totalité des sommes requises pour assurer les frais de procédure que quatre jours après la date limite.

Teneur de la plainte

3.1L'auteur déclare que s'il est refoulé en République démocratique du Congo, il serait victime d'actes de torture et ferait l'objet d'une exécution sommaire. Le fait que son activité professionnelle se déroulait dans son quartier, qu'il avait envoyé de nombreuses personnes de ce même quartier à la mort sinon à la torture, qu'il jouissait de nombreux privilèges sont autant d'éléments qui permettent de considérer que l'auteur n'a sûrement pas été oublié et que s'il revenait à Kinshasa, on lui réserverait un sort à la mesure de ses actes. Les nombreuses pièces qu'il a produites durant sa procédure d'asile constituent également des motifs sérieux de croire à la réalité de cette crainte.

Observations de l'État partie

4.1Dans un courrier du 23 novembre 1998, l'État partie déclare ne pas contester la recevabilité de la communication. Néanmoins, dans ses observations du 11 mars 1999, il demande au Comité qu'il s'assure que la même question n'est pas pendante devant une autre instance internationale d'enquête ou de règlement.

4.2Par rapport au bien-fondé de la communication, l'État partie souligne tout d'abord que conformément à la jurisprudence du Comité, il ne s'oppose pas du tout au caractère absolu de l'article 3. Il souligne également que si la crainte de l'auteur doit être analysée par rapport à la situation générale prévalant dans le pays, il faut également déterminer que le risque est personnel, réel et prévisible.

4.3L'État partie relève que l'auteur a fait de nombreuses déclarations contradictoires au cours de ses auditions sur des points essentiels de son récit. Ainsi, lors de sa première audition, l'auteur n'a pas parlé des événements du 18 juin 1997 et a même précisé qu'il n'avait connu aucun problème avec les nouvelles autorités congolaises avant le 6 octobre 1997. En outre, les circonstances entourant son départ de Kinshasa pour le Bas-Zaïre n'ont été évoquées que lors de la seconde audition. Il s'est également contredit à propos de la personne qui l'a aidé à sortir de l'hôpital, en disant la première fois qu'il s'agissait d'un infirmier, et la deuxième fois qu'il s'agissait d'un médecin. Enfin, au début de sa seconde audition, il pouvait donner le nom de cette dernière personne et son adresse approximative, alors qu'il ne s'en souvenait plus un peu plus tard. L'État partie relève que l'auteur n'a donné aucune explication à ces contradictions dans sa communication.

4.4Par ailleurs, l'État partie met en doute la vraisemblance de certains faits que l'auteur n'a soulevés qu'en fin de procédure, sans raison apparente, mais qui pouvaient renforcer ses motifs d'asile. Il a notamment avancé que travailler pour Hyochade impliquait qu'il fallait être membre du MPR (parti unique du régime du Président Mobutu). Quant aux raisons de son arrestation d'octobre 1997, ce n'est qu'en fin de procédure qu'il a invoqué la trahison, la complicité d'assassinat et le détournement.

4.5De l'avis de l'État partie, certains éléments du récit de l'auteur sont complètement invraisemblables, comme le fait de s'être échappé de l'hôpital sur un lit roulant caché sous un drap. Des doutes sérieux existent aussi par rapport à la fuite de son pays dans la mesure où il a gagné l'Europe par avion, le moyen de transport le plus surveillé, alors qu'il prétend avoir été recherché pour des faits graves.

4.6L'État partie estime qu'il est surprenant que l'auteur n'ait pas produit de certificat médical alors qu'il prétendait garder des séquelles des actes de torture qu'il avait endurés et que ces derniers étaient suffisamment récents pour qu'un médecin puisse constater leur réalité. Aucun document probant ne vient donc expliquer les contradictions de l'auteur et, partant, il ne peut tirer argument de la jurisprudence du Comité selon laquelle les "effets d'un état réactionnel aigu à une situation éprouvante, comme dans le cas de nombreuses victimes de la torture" peuvent expliquer "les discordances qui apparaissent dans [certaines] déclarations".

4.7Reconnaissant qu'avoir été victime de torture dans le passé n'est pas une condition nécessaire pour craindre avec raison de tels actes à l'avenir, l'État partie fait néanmoins remarquer qu'il n'existe pas chez l'auteur d'éléments supplémentaires qui pourraient prouver l'existence de ce risque. Ainsi, en se référant à la décision du Comité dans la communication Seid Mort e sa Aeme ic. S uisse, il constate que l'auteur, même si sa position au sein d'Hyochade avait réellement impliqué son affiliation au MPR, n'a pas mené d'activités politiques suffisamment importantes pour estimer que le gouvernement actuel le persécuterait.

4.8L'État partie émet de sérieux doutes quant à l'activité professionnelle de l'auteur et l'existence même de la société Hyochade dans la mesure où l'auteur n'a jamais été en mesure de produire aucun document concernant son travail dans cette entreprise alors qu'il a pu se procurer une série d'autres documents et que sa famille, sur place, aurait pu l'aider dans cette recherche. Au surplus, l'État partie considère que pour que le travail d'informateur de l'auteur soit vraiment efficace, il aurait dû être aidé par d'autres informateurs. Or l'auteur a toujours précisé qu'il travaillait seul, ce qui apparaît incohérent aux yeux de l'État partie.

4.9Au sujet du manque de preuves, l'État partie formule la même remarque qu'au paragraphe précédent à propos de la fuite de l'auteur de l'hôpital : sa sœur ou la personne qui l'a aidé aurait pu fournir une attestation.

4.10Enfin, quant à la situation générale qui règne en République démocratique du Congo, l'État partie se soumet aux observations du Comité dans l'affaire x , y et Z c. Suède et rappelle que, jusqu'à présent, le Haut‑Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés n'a pas formulé de recommandations tendant à conseiller que les demandeurs d'asile déboutés ne soient pas reconduits dans ce pays.

Observations supplémentaires de l'auteur

5.1Par une lettre du 28 avril 1999, l'auteur a formulé des remarques relatives aux observations de l'État partie sur le bien-fondé de la communication.

5.2En ce qui concerne les contradictions relevées par l'État partie dans les récits de l'auteur, ce dernier renvoie au recours qui a été introduit devant la Commission suisse de recours en matière d'asile le 30 avril 1998 et dans lequel toutes les explications sont données à ce sujet. Il y est précisé notamment que s'il n'a en effet pas été retranscrit lors de la première audition qu'il avait eu des problèmes avec les autorités le 18 juin 1997, l'auteur avait en fait voulu dire qu'il n'avait pas subi de sévices corporels de la part des autorités avant le 6 octobre de la même année. Sur ce même point, l'auteur attire aussi l'attention sur le fait que les problèmes rencontrés le 18 juin 1997 ressortent clairement du rapport de la deuxième audition puisqu'il y est fait mention de son séjour dans le Bas-Zaïre à partir de cette date. Quant à la fonction de la personne qui l'a aidé à s'enfuir de l'hôpital, il est souligné que l'auteur, néophyte en la matière, n'a jamais réellement su s'il s'agissait d'un infirmier ou d'un médecin; différence qui est, en République démocratique du Congo, encore plus difficile à déceler. Enfin, quant au nom de cette personne, il est normal que l'auteur ait des difficultés à s'en souvenir dans la mesure où un tel complice ne révèle que rarement son nom pour assurer sa sécurité. L'auteur a lancé un nom au début de l'audition et s'est ensuite abstenu.

5.3Au sujet des autres arguments soulevés par l'État partie, l'auteur renvoie au mémoire complémentaire du 4 juin 1998 qui a été soumis à la Commission suisse de recours en matière d'asile. L'auteur y explique notamment pourquoi il a choisi de rejoindre l'Europe par avion et comment il avait organisé son voyage afin de ne pas être repéré. Il avait en fait obtenu un billet d'avion retour qui appartenait à un ressortissant zaïrois, mais résident italien. Il affirme également ne plus avoir de contact avec sa famille, ce qui l'empêche notamment d'obtenir certains documents. Enfin, en ce qui concerne ses activités pour le régime et ses activités politiques, l'auteur constate que fort peu de questions lui ont été posées à ce sujet et qu'il n'a donc pas pu donner toutes les explications nécessaires face aux doutes des autorités responsables de la procédure d'asile.

5.4L'auteur estime que l'État partie n'a pas respecté ses engagements internationaux dans la manière dont il a traité sa demande d'asile et ce, notamment, en déclarant irrecevable le recours devant la Commission suisse de recours en matière d'asile du 30 avril 1998 à cause d'un formalisme excessif (le dépôt des frais de recours ‑ 250 francs suisses ‑ quatre jours après la date limite).

5.5L'auteur précise que les observations de l'État partie relatives à sa communication lui apportent une certaine satisfaction puisque ses motifs et ses arguments se trouvent ainsi pour la première fois examinés au fond. Il regrette cependant que cet examen n'émane pas de l'autorité judiciaire elle-même, normalement compétente en matière d'asile, mais du gouvernement qui, en raison de la procédure, est une partie à la communication et ne peut dès lors avoir l'indépendance et l'impartialité du pouvoir judiciaire.

5.6L'auteur considère que l'État partie s'est engagé par la signature de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants à ne pas expulser, ni refouler, ni extrader une personne vers un État où il existe des motifs sérieux de croire que celle‑ci risque d'être soumise à la torture. Pour analyser ce risque, l'État partie doit tenir compte de toutes les considérations pertinentes, y compris l'existence de violations systématiques des droits de l'homme dans le pays en question. Or l'auteur estime que ces considérations pertinentes n'ont pas été examinées puisque, à aucun moment, les autorités suisses en la matière ne se sont penchées sur le fond de la demande d'asile.

5.7Au sujet de l'absence de certificat médical, l'auteur rappelle qu'il a subi un examen à son arrivée en Suisse mais, ignorant les différents aspects de la procédure, n'a pas pensé à demander que l'on examine les traces des sévices qu'il a subis.

5.8Quant à son activité politique au sein d'Hyochade, même si ses démarches n'étaient pas politiques au sens strict, elles n'en étaient pas moins intenses au point que l'on se souvient de lui à Kinshasa. En ce qui concerne le manque de documents fournis pour prouver sa profession, il ajoute qu'aucun document relatif à ses activités chez Hyochade ne peut se trouver encore chez son père étant donné l'essence même des activités de cette société.

5.9Enfin, l'auteur estime qu'il a apporté suffisamment de détails convaincants qui attestent de la réalité de son récit et considère qu'un scénario inventé se serait lui-même effrité de toutes pièces.

Délibérations du Comité

6.1Avant d'examiner toute plainte contenue dans une communication, le Comité contre la torture doit décider si elle est ou non recevable en vertu de l'article 22 de la Convention. Le Comité s'est assuré, comme il est tenu de le faire conformément à l'alinéa a) du paragraphe 5 de l'article 22 de la Convention, que la même question n'a pas été examinée et n'est pas en cours d'examen devant une autre instance internationale d'enquête ou de règlement. Dans le cas d'espèce, le Comité note aussi que tous les recours internes sont épuisés et que l'État partie n'a pas contesté la recevabilité. Il estime donc que la communication est recevable. L'État partie et l'auteur ayant chacun formulé des observations sur le fond de la communication, le Comité procède à l'examen quant au fond.

6.2Le Comité doit se prononcer sur le point de savoir si le renvoi de l'auteur vers la République démocratique du Congo violerait l'obligation de l'État partie, en vertu de l'article 3 de la Convention, de ne pas expulser ou refouler une personne vers un autre État où il y a des motifs sérieux de croire qu'elle risque d'être soumise à la torture.

6.3Le Comité doit décider, comme le prévoit le paragraphe 1 de l'article 3, s'il existe des motifs sérieux de croire que l'auteur risquerait d'être soumis à la torture s'il était renvoyé en République démocratique du Congo. Pour prendre cette décision, le Comité doit tenir compte de toutes les considérations pertinentes, conformément au paragraphe 2 de l'article 3, y compris l'existence d'un ensemble de violations systématiques des droits de l'homme, graves, flagrantes ou massives. Toutefois, le but de cette analyse est de déterminer si l'intéressé risquerait personnellement d'être soumis à la torture dans le pays où il serait renvoyé. Il s'ensuit que l'existence, dans un pays, d'un ensemble de violations systématiques des droits de l'homme, graves, flagrantes ou massives ne constitue pas en soi une raison suffisante d'établir qu'une personne donnée serait en danger d'être soumise à la torture à son retour dans ce pays. Il doit exister d'autres motifs qui donnent à penser que l'intéressé serait personnellement en danger. Pareillement, l'absence d'un ensemble de violations flagrantes et systématiques des droits de l'homme ne signifie pas qu'une personne ne puisse pas être soumise à la torture dans la situation particulière qui est la sienne.

6.4Le Comité rappelle son observation générale sur l'application de l'article 3, qui se lit comme suit :

"Étant donné que l'État partie et le Comité sont tenus de déterminer s'il y a des motifs sérieux de croire que l'auteur risque d'être soumis à la torture s'il est expulsé, refoulé ou extradé, l'existence d'un tel risque doit être appréciée selon des éléments qui ne se limitent pas à de simples supputations ou soupçons. En tout état de cause, il n'est pas nécessaire de montrer que le risque couru est hautement probable." (A/53/44, annexe IX, par. 6).

6.5Dans le cas d'espèce, le Comité note que l'État partie fait état d'incohérences et de contradictions dans les récits de l'auteur permettant de douter de la véracité de ses allégations. Il prend également acte des explications fournies par le conseil à cet égard.

6.6Le Comité considère que les arguments développés par l'auteur à l'appui des allégations de tortures qu'il aurait subies avant sa fuite de République démocratique du Congo ne sont ni cohérents ni convaincants.

6.7Le Comité estime que l'auteur ne lui a pas fourni d'éléments de preuve suffisants qui lui permettraient de considérer qu'il est confronté à un risque prévisible, réel et personnel d'être soumis à la torture en cas d'expulsion vers son pays d'origine.

6.8Le Comité contre la torture, agissant en vertu du paragraphe 7 de l'article 22 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, estime que la décision de l'État partie de renvoyer l'auteur en République démocratique du Congo ne fait apparaître aucune violation de l'article 3 de la Convention.

[Fait en français (version originale) et traduit en anglais, en espagnol et en russe.]

7. Communication No 118/1998

Présentée par :K. T. (nom supprimé)[représenté par un conseil]

Au nom de :L'auteur

État partie :Suisse

Date de la communication :30 septembre 1998

Le Comité contre la torture, institué conformément à l'article 17 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,

Réuni le 19 novembre 1999,

Ayant achevé l'examen de la communication No 118/1998 présentée au Comité en vertu de l'article 22 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,

Ayant tenu compte de toutes les informations qui lui ont été communiquées par l'auteur de la communication et l'État partie,

Adopte la décision suivante :

1.1L'auteur de la communication est K.T., ressortissant de la République démocratique du Congo, né en 1969, qui réside actuellement en Suisse, où il a demandé l'asile et d'où il risque d'être expulsé. Il affirme que son renvoi en République démocratique du Congo constituerait une violation par la Suisse de l'article 3 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Il est représenté par un conseil.

1.2Conformément au paragraphe 3 de l'article 22 de la Convention, le Comité a porté la communication à l'attention de l'État partie le 20 octobre 1998.

Rappel des faits présentés par l'auteur

2.1L'auteur affirme avoir été membre du Mouvement populaire de la révolution (MPR) depuis 1992. Il travaillait donc pour le compte de l'ancien Président Mobutu et faisait de la propagande pour ce dernier. Il recevait de l'argent du MPR et n'avait pas d'autre occupation. Le 10 mai 1997, six soldats de Laurent-Désiré Kabila l'ont interrogé et ont pillé sa maison. L'auteur est resté caché quatre jours chez son supérieur au sein du MPR puis il a quitté le pays le 14 mai 1997 avec un faux passeport.

2.2L'auteur est entré en Suisse illégalement le 5 juin 1997 et a déposé le même jour une demande d'asile au Centre d'enregistrement de Genève. Par décision du 13 août 1997, l'Office fédéral des réfugiés (ODR) a rejeté la demande d'asile et a fixé à l'auteur un délai au 30 septembre 1997 pour quitter la Suisse. Un recours contre cette décision a été déposé à la Commission suisse de recours en matière d'asile (CRA). Ce recours a été rejeté le 6 août 1998 et un nouveau délai au 15 octobre 1998 a été fixé à l'auteur pour quitter la Suisse.

Teneur de la plainte

3.1L'auteur considère que, refoulé en République démocratique du Congo, il risque d'être arrêté, torturé et même tué par l'armée ou la population au vu de son engagement auprès du MPR et du fait que le Président Kabila poursuit actuellement tous les partisans de l'ancien régime. La presse et Amnesty International ont fait état de tortures et de massacres de la part des soldats de l'Alliance des forces démocratiques de libération (AFDL). Il paraît donc certain que les anciens partisans de Mobutu ne sont pas en sécurité en République démocratique du Congo.

Observations de l'État partie sur la recevabilité et le bien-fondé de la communication

4.1Par lettre du 17 décembre 1998, l'État partie a informé le Comité qu'il ne contestait pas la recevabilité de la communication. Par lettre du 6 avril 1999, il a soumis des observations sur le bien-fondé.

4.2L'État partie fait valoir que la CRA n'a pas estimé, dans sa décision du 6 août 1998, que les risques de persécutions futures allégués par l'auteur étaient objectivement fondés. En premier lieu, l'appartenance de l'intéressé au MPR n'avait pas été établie, l'auteur n'ayant pas produit sa carte de membre du parti. De plus, à supposer que l'auteur fût membre de ce parti, il n'en aurait été qu'un rouage subalterne, comme il l'avait d'ailleurs lui-même souligné lors de sa deuxième audition. Dans ces conditions, il était pour le moins difficile de comprendre les raisons qui auraient incité les soldats de Kabila à l'interroger sur ses activités au sein du MPR plutôt que les cadres du parti. Enfin, la CRA a estimé que les déclarations de l'auteur concernant les événements du 10 mai 1997 n'étaient pas vraisemblables. En effet, l'avant-garde de l'AFDL ne pénétra dans la capitale que le 17 mai 1997; les six soldats en question ne pouvaient donc être que des soldats du régime encore en place à cette date. Partant, et pour autant que l'on admette la réalité de cet événement, les craintes de persécutions auraient disparu depuis la prise de pouvoir de l'AFDL, les forces armées de Mobutu ayant été dissoutes dans l'intervalle.

4.3L'État partie se rallie sans réserve aux motifs retenus par la CRA concernant le manque de crédibilité des allégations de l'auteur. Il estime également que les déclarations de l'auteur ne permettent nullement de conclure qu'il existe des motifs sérieux de penser, conformément au paragraphe 1 de l'article 3 de la Convention, que l'auteur serait exposé à la torture si la décision de renvoi devait être exécutée. Enfin, il formule des observations complémentaires sous l'angle du paragraphe 2 de l'article 3 de la Convention.

4.4Dans sa communication, l'auteur craint d'être persécuté par l'armée ou la population au vu de son engagement au sein du MPR. Les craintes de persécutions émanant de la population ne sauraient figurer parmi les considérations pertinentes que le Comité doit prendre en compte conformément au paragraphe 2 de l'article 3 de la Convention. Sous l'angle du paragraphe 1 du même article, seules les persécutions provenant de l'armée, au cas où elles seraient retenues, se révéleraient pertinentes.

4.5L'auteur n'a jamais allégué avoir été arrêté ou torturé par le passé. Ce n'est que le 10 mai 1997 qu'il aurait été, pour la première et unique fois, en proie à des difficultés lorsque des soldats de Kabila se seraient rendus chez lui et l'auraient interrogé. Or, comme la CRA l'a relevé dans sa décision, il n'existe aucun indice sérieux permettant de considérer que cet événement a réellement eu lieu : d'une part, compte tenu des fonctions subalternes que l'auteur dit avoir exercées au sein du MPR, on ne voit pas pour quel motif des soldats de l'AFDL se seraient intéressés à lui plutôt qu'aux responsables politiques de ce parti, certainement mieux renseignés que lui au sujet des ressources financières du MPR; d'autre part, à la date indiquée par l'auteur, les troupes de l'AFDL n'avaient pas encore pénétré dans la capitale. De plus, même si l'on admettait la version de l'auteur, non seulement il faudrait considérer établie son affiliation au MPR, ce qui n'est nullement le cas, mais surtout, cet événement ne permettrait nullement d'étayer la crainte de persécutions futures. En effet, on voit mal pourquoi l'auteur serait torturé à son retour alors que, lors de son prétendu interrogatoire du 10 mai 1997, il n'a pas fait l'objet de mauvais traitements. Pour que le risque de persécutions futures apparaisse suffisamment concret et réel, l'auteur aurait dû avancer d'autres éléments, postérieurs à sa fuite, qui autoriseraient à considérer que le risque de torture se concrétiserait.

4.6La présente communication se distingue de celles où le Comité avait estimé que le renvoi de leurs auteurs au Zaïre enfreignait l'article 3 de la Convention. Contrairement aux communications Balab ou Muta m bo c. S uisse et Pauline Muzon zo Paku Kiso k i c. S uède, l'auteur de la présente communication n'a pas pu démontrer qu'il avait quitté son pays en raison de persécutions subies dans le passé ou que ses activités politiques dans les pays d'accueil renforcent ses craintes d'être torturé en cas de renvoi. Enfin, l'auteur n'a pas allégué que ses origines ethniques pourraient l'exposer à un risque de torture.

4.7Son affiliation au MPR n'est pas, non plus, démontrée. Malgré sa promesse de verser au dossier sa carte de membre qui serait restée chez lui après son départ, l'auteur n'a, semble‑t‑il, pas entrepris de démarches pour la récupérer. Pourtant, selon les informations de l'Ambassade suisse à Kinshasa, les communications postales avec la République démocratique du Congo fonctionnent normalement. Des entreprises privées, comme DHL et EMS, sont bien implantées dans la capitale et offrent des services performants d'acheminement du courrier. L'auteur n'a de surcroît nullement laissé entendre que sa famille serait en butte à des persécutions de la part des autorités. On doit donc admettre qu'il était loisible à l'auteur de prendre contact avec sa famille afin d'obtenir sa carte de membre du MPR. Cela dit, même si l'auteur avait été membre du MPR, son appartenance ne suffirait pas pour considérer que le risque de torture serait suffisamment ciblé. Il y a, en effet, des centaines de milliers d'anciens membres du MPR en République démocratique du Congo et le Gouvernement n'a pas entrepris des mesures de persécutions sur un plan général vis-à-vis de ces personnes. De surcroît, il a été incapable de donner des informations détaillées sur ses fonctions au sein du MPR. Dans sa communication, il n'a du reste même pas jugé utile de donner des informations sur ce sujet.

4.8À la lumière des développements qui précèdent, l'État partie est d'avis que rien n'indique qu'il existe des motifs sérieux de craindre que l'auteur serait exposé concrètement et personnellement à la torture à son retour en République démocratique du Congo.

Commentaires de l'auteur

5.1Par lettre du 15 juillet 1999, l'auteur informe le Comité qu'il est en détention administrative en vue de son renvoi vers la République démocratique du Congo. Il revient sur l'interprétation faite par les autorités suisses concernant l'origine des menaces dont il a fait l'objet dans son pays. Selon la CRA, ses craintes de persécutions devraient avoir disparu puisque le 10 mai 1997 les forces de Kabila n'étaient pas encore rentrées dans Kinshasa. En fait, le 10 mai 1997, quelques infiltrés étaient déjà parvenus jusqu'à la capitale, même si officiellement les troupes d'avant-garde ne sont arrivées que le 17 mai. Ce sont bien des soldats de l'AFDL qui ont interrogé l'auteur. Il n'a pas pu faire de confusion avec des soldats des forces armées du Président Mobutu, dont par ailleurs il ne craignait rien, puisqu'ils le connaissaient.

5.2L'auteur fait valoir qu'il lui est actuellement impossible de fournir des moyens de preuve de ses activités politiques. Quant à sa carte de membre du MPR, il signale que si les communications sont supposées fonctionner parfaitement entre la République démocratique du Congo et la Suisse, ce qui est douteux quant à la distribution postale à Kinshasa, cela ne peut être que très récent. Il n'a pas eu de nouvelles de sa famille durant des mois après son arrivée en Suisse, justement à cause des problèmes de communication. Il a finalement appris par une lettre de sa mère qu'elle avait quitté Kinshasa depuis plus de neuf mois pour se rendre avec ses frères à Brazzaville à cause des problèmes qu'elle avait eus à Kinshasa. Elle lui a expliqué que son père avait été arrêté après son départ du pays et qu'il avait été interrogé et battu pour qu'il révèle où l'auteur était parti. La lettre est restée au domicile de l'auteur à la Chaux-de-Fonds.

5.3Dans sa demande d'asile, l'auteur a bien expliqué ses tâches au sein du MPR. Il était responsable de la mobilisation du peuple à l'aéroport pour tous les déplacements du Président Mobutu. À cause de cette fonction il était bien connu, particulièrement à Kinshasa. C'est pour cela que ses craintes d'être reconnu et arrêté s'il retourne en République démocratique du Congo existent encore à ce jour.

5.4Selon l'auteur, si de nombreux anciens agents du Président Mobutu sont restés au pays, c'est après avoir fait en sorte qu'ils n'auraient pas de problèmes, en payant et en corrompant autour d'eux pour conserver leur liberté. Il affirme avoir connu en Suisse deux compatriotes, dont il donne les noms, qui auraient été arrêtés à leur retour en République démocratique du Congo et seraient en prison à Makala.

Délibérations du Comité

6.1Avant d'examiner toute plainte contenue dans une communication, le Comité contre la torture doit décider si elle est ou non recevable en vertu de l'article 22 de la Convention. Le Comité s'est assuré, comme il est tenu de le faire conformément au paragraphe 5, alinéa a), de l'article 22 de la Convention, que la même question n'a pas été examinée et n'est pas en cours d'examen devant une autre instance internationale d'enquête ou de règlement. Le Comité note aussi que tous les recours internes sont épuisés et estime que rien ne s'oppose à ce qu'il déclare la communication recevable. L'État partie et l'auteur ayant chacun formulé des observations sur le fond de la communication, le Comité procède à l'examen quant au fond.

6.2Le Comité doit se prononcer sur le point de savoir si le renvoi de l'auteur vers la République démocratique du Congo violerait l'obligation de l'État partie, en vertu de l'article 3 de la Convention, de ne pas expulser ou refouler une personne vers un autre État où il y a des motifs sérieux de croire qu'elle risque d'être soumise à la torture.

6.3Le Comité doit décider, comme le prévoit le paragraphe 1 de l'article 3, s'il existe des motifs sérieux de croire que l'auteur risquerait d'être soumis à la torture s'il était renvoyé en République démocratique du Congo. Pour prendre cette décision, le Comité doit tenir compte de toutes les considérations pertinentes, conformément au paragraphe 2 de l'article 3 de la Convention, y compris l'existence dans ce pays d'un ensemble de violations systématiques des droits de l'homme, graves, flagrantes ou massives. Toutefois, le but de cette analyse est de déterminer si l'intéressé risquerait personnellement d'être soumis à la torture. Il s'ensuit que l'existence, dans un pays, d'un ensemble de violations systématiques des droits de l'homme, graves, flagrantes ou massives ne constitue pas en soi une raison suffisante d'établir qu'une personne donnée serait en danger d'être soumise à la torture à son retour dans ce pays. Il doit exister d'autres motifs qui donnent à penser que l'intéressé serait personnellement en danger. Pareillement, l'absence d'un ensemble de violations flagrantes et systématiques des droits de l'homme ne signifie pas qu'une personne ne puisse pas être soumise à la torture dans la situation particulière qui est la sienne.

6.4Dans le cas d'espèce, il est à signaler que l'auteur n'a présenté de preuves ni au Comité ni à l'État partie, qui permettent de croire à son appartenance au MPR et au fait que sa famille a été l'objet de persécutions par le régime actuellement en place à Kinshasa. Les explications données par l'auteur pour justifier une telle absence de preuves n'ont pas été considérées convaincantes par le Comité. L'auteur n'a pas fourni de preuves non plus des prétendues persécutions dont les anciens membres du MPR, en particulier les membres subalternes, seraient actuellement l'objet du fait de leur soutien à l'ancien président du pays et d'un engagement actif en faveur de l'opposition au régime actuellement au pouvoir.

6.5Le Comité note avec préoccupation les nombreux rapports faisant état de violations des droits de l'homme, y compris le recours à la torture, en République démocratique du Congo, mais rappelle qu'aux fins de l'article 3 de la Convention, il doit exister dans le pays vers lequel une personne est renvoyée un risque prévisible, réel et personnel pour celle-ci d'être torturée. Compte tenu des considérations ci-dessus, le Comité estime que l'existence d'un tel risque n'a pas été établie.

7.Le Comité contre la torture, agissant en vertu du paragraphe 7 de l'article 22 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, estime que la décision de l'État partie de renvoyer l'auteur en République démocratique du Congo ne fait apparaître aucune violation de l'article 3 de la Convention.

[Fait en français (version originale) et traduit en anglais, en espagnol et en russe.]

8. Communication No 126/1999

Présentée par :H. A. D. (nom supprimé)[représenté par un conseil]

Au nom de :L'auteur

État partie :Suisse

Date de la communication:21 janvier 1999

Le Comité contre la torture, institué conformément à l'article 17 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,

Réuni le 10 mai 2000,

Ayant achevé l'examen de la communication No 126/1999 présentée au Comité contre la torture en vertu de l'article 22 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,

Ayant tenu compte de toutes les informations qui lui ont été communiquées par l'auteur de la communication et l'État partie,

Adopte la décision suivante :

1.1L'auteur de la communication est M. H. A. D., citoyen turc d'origine ethnique kurde, né en 1962, vivant actuellement en Suisse où il a demandé asile le 11 mars 1991. Cette demande ayant été rejetée, il soutient que son rapatriement forcé vers la Turquie constituerait une violation par la Suisse de l'article 3 de la Convention contre la torture. Il est représenté par un conseil.

1.2Conformément au paragraphe 3 de l'article 22 de la Convention, le Comité a porté la communication à l'attention de l'État partie le 8 février 1999. Dans le même temps, le Comité agissant en vertu du paragraphe 9 de l'article 108 de son règlement intérieur, a demandé à l'État partie de ne pas expulser l'auteur vers la Turquie tant que sa communication serait en cours d'examen. Le 6 avril 1999, l'État partie a informé le Comité que des mesures avaient été prises pour faire en sorte que l'auteur ne soit pas renvoyé vers la Turquie tant que sa communication serait pendante devant le Comité.

Rappel des faits présentés par l'auteur

2.1L'auteur est originaire du sud-est de la Turquie. Sa famille possède une ferme dans le village de Bazlama, dans la région de Karakocan (province d'Elazig), dans le sud‑est de la Turquie, qui est traditionnellement habitée par des Kurdes.

2.2Lorsque l'auteur résidait en Turquie, la plupart des membres de sa famille ont connu des problèmes avec les autorités. Son frère aîné Y., supporter actif du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) depuis 1979, a rejoint la guérilla du PKK en 1986 et a été tué au cours d'une bataille le 13 février 1995. Son père est décédé le 15 janvier 1980, trois mois après avoir survécu à un mois de prison au cours duquel il avait été torturé; il avait été arrêté en raison des activités de son fils Y. au sein du PKK. Les circonstances de la mort du père ont traumatisé le frère cadet de l'auteur, V., demandeur d'asile en Suisse. Ce dernier perdit la parole pendant plusieurs mois à l'âge de neuf ans, suite à l'arrestation de son père par les forces de sécurité; depuis lors, il souffre de troubles psychiques permanents qui l'obligent à être suivi par un psychiatre, également en Suisse. Le seul frère de l'auteur qui est resté en Turquie a dû changer son nom de famille afin d'éviter d'autres persécutions. L'épouse de l'auteur a été contrainte d'accepter le divorce pour les mêmes raisons. Enfin, l'auteur cite les noms de plusieurs autres membres de sa famille, réfugiés en Suisse, et d'autres qui ont été tués par l'armée turque.

2.3En 1985, l'auteur a été emprisonné à peu près un mois après l'arrestation d'un cousin, N. S., aujourd'hui reconnu réfugié en Suisse, parce qu'il était accusé d'avoir servi de guide (ou d'éclaireur) à ce dernier et d'autres guérilleros en 1984. Durant cette détention, il fut maltraité et torturé. À la lecture d'un certificat médical qu'il produit, les constatations relevées par le médecin ne peuvent être interprétées que comme des conséquences de la torture infligée. L'auteur souligne par ailleurs que de telles constatations de torture ne peuvent être confirmées par un médecin au risque de mettre ce dernier en danger.

2.4Plus tard, il a participé aux festivités de printemps (Newro z) de 1991 qui avaient été avancées au mois de janvier pour des raisons politiques. Les festivités se terminèrent avec l'arrivée des forces de sécurité; un guérillero et deux soldats furent tués. L'auteur parvient à s'enfuir sans être vu, à rejoindre Istanbul, et à quitter le pays parce qu'il craignait d'être à nouveau persécuté à cause de sa participation aux festivités.

2.5En Suisse, l'auteur a demandé l'asile le 11 mars 1991. Il fut interrogé le 15 mai 1991 et le 29 mars 1994. L'auteur souligne que ses interrogations ont été rendues difficiles en raison de son manque de formation scolaire; de plus, le fait que la seconde audition ait eu lieu près de trois ans après la première a eu pour conséquence d'altérer sa mémoire. Son manque d'éducation est aussi la cause de son ignorance de différents aspects du PKK et explique qu'il a soutenu cette organisation dans la mesure de ses possibilités. En date du 1er novembre 1994, l'Office fédéral des réfugiés rejetait la demande d'asile de l'auteur. Celui‑ci introduisit un recours devant la Commission suisse de recours en matière d'asile, recours qui fut rejeté le 6 novembre 1998.

Teneur de la plainte

3.1L'auteur avance qu'en Turquie, la torture est habituellement utilisée au cours des interrogatoires menés par la police, comme cela a été confirmé par le Comité européen pour la prévention de la torture. Selon l'auteur, les personnes commettant des actes de torture sont protégées par la loi antiterroriste de 1991 et les cours et tribunaux. "Cet état de fait ne saurait changer tant que la République turque est basée sur le mythe d'un peuple turc ethniquement homogène maintenu contre toute évidence par l'armée au travers d'une guerre qui ne peut être gagnée et dont le coût, bien trop important pour l'économie turque, a causé la corruption de toute la classe politique".

3.2L'auteur avance en priorité le fait qu'il appartient à une famille très liée avec le PKK et que la simple réputation de sa famille peut lui attirer les pires problèmes avec les autorités turques, y compris la torture. Comme cela a été souligné dans un jugement d'une juridiction de Stuggart en Allemagne à propos de son cousin F. M., en tant que membre d'une famille qui a été profondément persécutée, l'auteur sera certainement torturé s'il rentre en Turquie. Il s'agit là d'un risque réel et personnel puisqu'il a déjà été victime de torture et que les autorités turques considèrent à juste titre qu'il a soutenu la guérilla du PKK par de petits services et sa sympathie.

Observations de l'État partie sur la recevabilité et le bien-fondé de la communication

4.1L'État partie n'a pas contesté la recevabilité de la communication et, dans une lettre du 9 août 1999, a formulé des observations sur son bien-fondé.

4.2L'État partie rappelle tout d'abord que l'existence, dans un pays, d'un ensemble de violations massives, flagrantes ou systématiques des droits de l'homme ne constitue pas en soi un motif suffisant pour conclure qu'une personne risquerait, en cas de retour dans ce pays, d'être soumise à la torture. Il faut qu'il existe en outre des motifs qui permettent de penser que l'auteur serait personnellement en danger.

4.3Ensuite, l'État partie estime que l'auteur ne peut pas soutenir qu'il risque d'être victime de ce que l'on appelle la "persécution réfléchie", définie comme des représailles de l'État contre des familles d'activistes politiques. En effet, même si le frère aîné Y. a été recherché pour ses activités au sein du PKK, ce dernier et l'auteur n'étaient, selon les dires de l'auteur dans sa demande d'asile, plus en contact depuis plus de 10 ans. Il est donc improbable que les autorités turques recherchaient l'auteur à l'époque de sa fuite. Or, comme l'a déjà rappelé le Comité, les craintes de persécutions doivent présenter un caractère actuel au moment de l'examen de la communication. De plus, Y. a été tué le 13 février 1995, ce qui diminue d'autant plus les raisons pour les autorités turques de rechercher l'auteur. Enfin, l'auteur n'a plus de membres de sa famille en Turquie qui seraient membres actifs du PKK; ceux qui pourraient faire l'objet d'une "persécution réfléchie" sont soit hors de Turquie, soit décédés.

4.4L'État partie ne voit pas en quoi la situation de son frère cadet V., demandeur d'asile en Suisse, même en raison de son état mental, peut avoir un impact sur les risques de torture allégués par l'auteur. Quant au frère resté en Turquie, s'il a changé de nom pour éviter d'être persécuté, il convient de souligner que la mère, l'ex-femme et les enfants de l'auteur vivent également en Turquie et ont gardé le même nom. L'État partie est donc d'avis que le changement de nom du frère est plutôt dû à ce que le patronyme D. est fort répandu en Turquie qu'à une véritable crainte de persécutions.

4.5En ce qui concerne le divorce de l'auteur, l'État partie se demande pour quelle raison il a eu lieu seulement trois ans après le départ de l'auteur et pourquoi il n'a pas été demandé par sa femme si son but était uniquement, selon les dires de l'auteur, d'éviter que sa femme continue à être persécutée. L'État partie considère que les raisons du divorce sont plutôt dues à l'atteinte irréparable à l'union conjugale comme cela est mentionné dans l'acte prononçant la séparation. Cette impression est confirmée par une demande de publication de promesse de mariage faite par l'auteur en février 1999 et retirée quelques semaines plus tard.

4.6L'État partie rappelle l'observation générale du Comité sur l'article 3 de la Convention selon laquelle le risque de torture "doit être apprécié selon des éléments qui ne se limitent pas à de simples supputations ou soupçons", même s'"il n'est pas nécessaire de montrer que le risque couru est hautement probable". Compte tenu des éléments qui précèdent, l'État partie est d'avis que l'auteur n'a pas démontré que le risque d'une "persécution réfléchie" est hautement probable. Au surplus, selon les informations de l'ambassade de Suisse à Ankara, aucune fiche politique sur l'auteur ou attestant qu'il ait commis un crime de droit commun n'a été établie; il n'est recherché ni par la police ni par la gendarmerie au niveau local ou national et n'est soumis à aucune interdiction de passeport. Une personne de son village a également confirmé que l'auteur était parti depuis plus de dix ans et se serait installé à Istanbul avant de partir vers la Suisse.

4.7Au sujet des allégations de torture et de mauvais traitements dont l'auteur aurait fait l'objet dans le passé, l'État partie rappelle tout d'abord les éléments qui sont à prendre en compte selon l'observation générale sur l'article 3 de la Convention. Sur cette base, il se réfère ensuite aux constatations faites par les autorités suisses relatives à la demande d'asile de l'auteur et remarque que ce dernier a produit deux lettres d'avocat expliquant ses problèmes; or ces lettres étaient rédigées de manière peu professionnelle et contenaient de nombreuses fautes d'orthographe et de syntaxe. Face aux arguments de l'auteur selon lesquels l'avocat était kurde et ne connaissait pas bien le turc, l'État partie relève que le turc est la langue officielle en Turquie, que les lois sont rédigées en turc et que la formation d'avocat s'acquiert en turc; il est donc parfaitement improbable qu'un avocat ne connaisse pas bien le turc. L'État partie relève également qu'excepté un document de complaisance du Muhta r de B azla ma et une lettre falsifiée du procureur général de Karakocan, l'auteur n'a pas fait état de ces documents dans sa communication, ce qui conduirait à croire que l'auteur ne conteste plus les constatations des autorités suisses à cet égard. L'État partie affirme ensuite qu'aucune valeur probante ne peut être attachée au rapport médical censé prouver les actes de torture. D'une part, ce dernier atteste que le "traitement" a duré du 23 mai au 3 juin 1985 alors que l'auteur a affirmé avoir été libéré le 29 juin 1985; d'autre part, la description donnée par l'auteur des tortures subies, notamment les coups, les brûlures, la paralysie de deux doigts, les décharges électriques sur les organes génitaux ne correspond pas à ce qui est décrit dans le rapport médical. Enfin, l'État partie soulève des déclarations contradictoires selon lesquelles l'auteur aurait une fois déclaré qu'après sept jours de détention, il aurait été conduit devant un procureur qui l'aurait relâché suite au versement par sa famille d'une somme d'argent à un "Oberleutnant"; une autre fois, qu'il n'aurait jamais été conduit devant un procureur et que son oncle aurait versé une caution soit à un juge, soit à un procureur, soit à un "Hauptmann" ou un "Oberst".

4.8L'État partie estime également que même si l'auteur avait effectivement été torturé, il n'y a pas de lien de causalité suffisant entre sa détention et sa fuite hors de Turquie. Selon la jurisprudence du Comité, le caractère prévisible du risque semble en effet traduire la nécessité d'un rapport de causalité entre les persécutions subies et les motifs de la fuite. Or ce dernier est, selon l'État partie, inexistant lorsqu'il s'écoule une période de sept ans entre les persécutions et le départ du pays et ce, d'autant plus que l'auteur n'a pas repris d'activités politiques dans le pays d'accueil.

4.9L'État partie remet clairement en doute la crédibilité de l'auteur par rapport à son engagement au sein du PKK. Alors qu'il a mentionné toute une série d'activités et d'événements auxquels il aurait participé, il n'a pas été en mesure de donner des informations plus substantielles sur le PKK que celles que toute la population turque connaît; et ce ne sont pas les attestations de complaisance stéréotypées de ses cousins réfugiés en Suisse selon lesquelles l'auteur était actif dans le PKK qui démentiront ces constatations. L'État partie souligne également qu'il est assez surprenant que le conseil de l'auteur affirme dans la communication que c'est le manque de formation scolaire qui est à l'origine de cette méconnaissance alors que l'auteur prétend être actif dans cette organisation depuis plus de 10 ans et provenir d'une famille politiquement très active dont un cousin a même été membre fondateur du PKK. Enfin, les arguments selon lesquels les contradictions entre les différentes auditions sont dues au laps de temps de trois ans qui séparent ces dernières ne sont pas convaincants dans la mesure où l'auteur a eu la possibilité de revoir les procès‑verbaux d'audition et a dû les signer.

4.10Enfin, concernant la situation générale prévalant en Turquie que l'auteur décrit, différents documents à l'appui, l'État partie rappelle que si elle doit être en effet prise en compte dans l'évaluation du risque, le Comité considère qu'aux fins de l'article 3 de la Convention, il doit exister dans le pays de renvoi un risque prévisible, réel et personnel pour la personne d'être torturée. L'État partie souligne également qu'il procède régulièrement à une réévaluation de la situation en Turquie et a récemment considéré que l'on ne pouvait demander le rapatriement de quelqu'un vers la province d'origine de l'auteur (Elazig). Cependant, les zones de conflits sont particulièrement délimitées et il est parfaitement possible pour l'auteur de se réinstaller dans une autre région plus calme où il pourra facilement s'intégrer, notamment en raison de sa connaissance de la langue turque et de sa formation scolaire.

Commentaires de l'auteur

5.1Par une lettre du 25 octobre 1999, l'auteur a formulé des remarques relatives aux observations de l'État partie sur le bien-fondé de la communication.

5.2L'auteur déplore tout d'abord que les observations de l'État partie se concentrent sur des arguments qu'il n'a jamais voulu développer. Ainsi n'a-t-il jamais prétendu fonder la preuve des risques de torture qu'il encourait en cas de retour dans son pays sur les troubles psychiques de son frère cadet. L'auteur a voulu seulement insister sur le fait qu'il était issu d'une famille particulièrement liée au PKK et, par conséquent, certainement visée par les autorités turques. C'est dans ce contexte qu'il craint, à juste titre, d'être torturé en cas de retour.

5.3Il semble d'ailleurs que l'État partie ne conteste plus aucun des différents événements vécus par les membres de la famille de l'auteur en relation avec leurs activités au sein du PKK. Cela démontre donc que l'auteur a nécessairement été impliqué d'une manière ou d'une autre dans le PKK.

5.4L'auteur a toujours maintenu le même récit concernant sa détention en 1985 et en a gardé des séquelles évidentes. Un autre rapport médical sera d'ailleurs établi à cette fin. Les incohérences et contradictions soulevées par l'État partie sont minimes et ne peuvent réduire la crédibilité de l'auteur.

5.5Il est exact que la Turquie ne reconnaît pas le principe de responsabilité familiale. Néanmoins, il n'est pas contesté que, dans leur combat contre le PKK, les autorités turques usent de ce type de représailles par rapport aux membres de la famille. C'est dans ce contexte que Y. O., beau-frère de l'auteur, a été arrêté, battu et torturé par les autorités turques en août 1996 pour qu'il donne des informations sur les membres de sa famille et, particulièrement, sur la situation de l'auteur. Ce dernier produit à ce sujet copie de la décision de la "Cour de sécurité d'État" du 10 septembre 1996.

5.6En ce qui concerne les contacts avec son frère Y., l'auteur souligne qu'il lui a envoyé illégalement depuis la Suisse nombre d'objets utiles à ses activités dans la guérilla, ce qui est naturellement illégal aux yeux des autorités turques et constitue une raison supplémentaire pour l'auteur de craindre un retour au pays. En outre, l'État partie n'a pas fidèlement retranscrit les dires de l'auteur : en effet, ce dernier a en réalité déclaré qu'il n'avait plus vu son frère depuis dix ans avant son départ, ce qui ne l'a pas empêché d'avoir des contacts avec lui.

5.7L'auteur confirme son explication relative au changement de nom de famille de son frère I. et indique qu'il serait illusoire de croire que l'on change de nom avec autant de facilité uniquement parce qu'il est fort répandu.

5.8Quant au divorce de l'auteur, il est évident que les motifs réels du divorce ne pouvaient pas être révélés au tribunal et le fait qu'il a essayé de se réintégrer dans un cadre social en Suisse par un mariage qui n'a finalement pas été célébré n'est en aucun cas une cause de son divorce de 1994. Il continue par ailleurs à subvenir aux besoins de sa famille.

5.9Les informations recueillies par l'ambassade de Suisse à Ankara à propos de l'auteur sont sujettes à caution. L'État turc n'a en effet aucune obligation à cet égard envers l'État partie et il serait même douteux qu'il donne volontairement de vrais renseignements à propos du conflit qui se déroule dans le sud-est du pays. Ces informations ne constituent en aucun cas des bases fiables pour démontrer l'absence de risque. En outre, l'État partie n'a jamais réellement contesté la réalité de la détention de l'auteur en 1985.

5.10Au sujet de la seule contradiction relevée dans ses récits concernant sa comparution devant un procureur, l'auteur souligne qu'il s'agit d'un terme juridique qui peut être difficilement traduit du turc, qu'il ne connaissait pas la signification exacte de cette fonction étant donné qu'il n'a bénéficié que de sept années de formation scolaire et que les auditions se sont déroulées en turc, qui n'est pas sa langue maternelle. De plus, l'incertitude relative à la fonction de la personne ayant reçu la somme d'argent ne peut avoir aucune incidence sur la crédibilité de l'auteur. Par ailleurs, concernant le caractère prétendument faux de certains documents, l'auteur reste convaincu qu'ils sont authentiques et, même si on admet que certains soient effectivement faux, leur soumission n'aurait pas été délibérée et aurait même pu être justifiée si on tient compte de la crainte extrême que l'auteur éprouve d'être torturé à nouveau.

5.11Outre le fait que les simples fautes d'orthographe dans les lettres d'avocats sont considérées comme non pertinentes et comme un argument relativement faible à ses yeux, l'auteur réfute les allégations de l'État partie selon lesquelles il aurait accepté les constatations de ce dernier à propos de son manque de crédibilité.

5.12L'auteur estime qu'il est inexcusable que l'État partie n'ait pas procédé à un examen médical concernant les tortures qu'il a subies. De telles blessures ont en effet eu des répercussions sur sa mémoire et il est aisé de trouver des incohérences dans le récit d'une personne qui a été torturée.

5.13L'auteur confirme qu'il n'a bénéficié que d'une formation scolaire minimale, ce qui explique qu'il n'a aucune place dans la hiérarchie du PKK.; par contre, ce manque de formation ne l'a pas empêché de mener toutes les activités dont il a fait part aux autorités suisses.

5.14Concernant l'argument de l'État partie selon lequel il s'est contredit dans son récit sur la fuite hors de son pays, l'auteur explique certains éléments de ce voyage qui, selon lui, ne constituent pas un point important dans les persécutions qu'il a subies.

5.15Enfin, au sujet de son éventuelle installation dans une autre région, l'auteur relève que pour retourner en Turquie, il devra passer par le contrôle aux frontières. Son seul nom et le fait que la plupart des membres de sa famille ont fui le pays auront pour conséquence qu'il sera détenu pendant qu'une enquête sera menée dans sa province natale. Pendant ce temps déjà, il sera soumis à des moyens extrêmes d'interrogation.

Observations supplémentaires de l'État partie

6.1Par une lettre du 25 janvier 2000, l'État partie a apporté ses dernières remarques concernant les précédentes observations de l'auteur.

6.2Selon les indications d'une personne de contact de l'ambassade de Suisse à Ankara, résidant dans le village d'origine de l'auteur, la sœur de ce dernier, S. O. et son mari, Y. O. ont été appréhendés en 1996 par la gendarmerie mais, contrairement aux dires de l'auteur, n'ont pas été torturés. Au surplus, il semble, selon les mêmes renseignements que Y. et S. O. passent leurs vacances chaque année à Bazlama.

Observations supplémentaires de l'auteur

7.1Par une lettre du 17 avril 2000, l'auteur a apporté ses dernières observations, notamment sur le rapport fait par l'ambassade de Suisse à Ankara.

7.2L'auteur estime que les dires d'une des personnes de contact de l'ambassade de Suisse à Ankara selon lesquels il n'y a eu aucun incident lors de l'enterrement d'un certain N. O. sont faux. La décision du Tribunal de sûreté d'État du 10 septembre 1996 démontre en effet que le beau‑frère de l'auteur a été arrêté et inculpé d'avoir apporté son appui à une organisation illégale.

7.3L'auteur souligne également que l'autre personne de contact de l'ambassade de Suisse à Ankara est le maire du village de Bazlama et qu'il a dû garder une certaine réserve dans ses renseignements, ne sachant pas exactement à qui il les donnait.

7.4L'auteur considère que l'État partie ne peut en aucun cas se fonder sur des informations selon lesquelles l'auteur ne serait pas recherché. Tout d'abord, il est difficile de vérifier la source de celles-ci, ensuite, la police ne se serait pas pour cette raison privée d'arrêter l'auteur en cas de retour en Turquie. L'auteur est persuadé qu'il serait arrêté à son retour parce qu'il a basé une demande d'asile sur des activités prokurdes. Lors de l'enquête menée par les gardes frontière, la gendarmerie qui connaît bien les circonstances de la mort de son frère et de son père sera alors inévitablement consultée.

7.5Enfin, par un courrier du 11 mai 2000, l'auteur transmet un document selon lequel les informations concernant l'enregistrement de personnes recherchées ne sont divulguées à personne avant leur arrestation sauf à la police. Dans ce sens, la police turque n'avait pas de raisons de donner des informations à l'ambassade de Suisse sur leur désir d'arrêter l'auteur.

Délibérations du Comité

8.1Avant d'examiner toute plainte contenue dans une communication, le Comité contre la torture doit décider si elle est ou non recevable en vertu de l'article 22 de la Convention. Le Comité s'est assuré, comme il est tenu de le faire conformément à l'alinéa a) du paragraphe 5 de l'article 22 de la Convention, que la même question n'a pas été examinée et n'est pas en cours d'examen devant une autre instance internationale d'enquête ou de règlement. Dans le cas d'espèce, le Comité note aussi que tous les recours internes sont épuisés et que l'État partie n'a pas contesté la recevabilité. Il estime donc que la communication est recevable. L'État partie et l'auteur ayant chacun formulé des observations sur le fond de la communication, le Comité procède à l'examen quant au fond.

8.2Le Comité doit se prononcer sur le point de savoir si le renvoi de l'auteur vers la Turquie violerait l'obligation de l'État partie, en vertu de l'article 3 de la Convention, de ne pas expulser ou refouler une personne vers un autre État où il y a des motifs sérieux de croire qu'elle risque d'être soumise à la torture.

8.3Le Comité doit décider, comme le prévoit le paragraphe 1 de l'article 3, s'il existe des motifs sérieux de croire que l'auteur risquerait d'être soumis à la torture s'il était renvoyé en Turquie. Pour prendre cette décision, le Comité doit tenir compte de toutes les considérations pertinentes, conformément au paragraphe 2 de l'article 3, y compris l'existence d'un ensemble de violations systématiques des droits de l'homme, graves, flagrantes ou massives. Toutefois, le but de cette analyse est de déterminer si l'intéressé risquerait personnellement d'être soumis à la torture dans le pays où il serait renvoyé. Il s'ensuit que l'existence, dans un pays, d'un ensemble de violations systématiques des droits de l'homme, graves, flagrantes ou massives ne constitue pas en soi une raison suffisante d'établir qu'une personne donnée serait en danger d'être soumise à la torture à son retour dans ce pays. Il doit exister d'autres motifs qui donnent à penser que l'intéressé serait personnellement en danger. Pareillement, l'absence d'un ensemble de violations flagrantes et systématiques des droits de l'homme ne signifie pas qu'une personne ne puisse pas être soumise à la torture dans la situation particulière qui est la sienne.

8.4Le Comité rappelle son observation générale sur l'application de l'article 3, qui se lit comme suit :

"Étant donné que l'État partie et le Comité sont tenus de déterminer s'il y a des motifs sérieux de croire que l'auteur risque d'être soumis à la torture s'il est expulsé, refoulé ou extradé, l'existence d'un tel risque doit être appréciée selon des éléments qui ne se limitent pas à de simples supputations ou soupçons. En tout état de cause, il n'est pas nécessaire de montrer que le risque couru est hautement probable." (A/53/44, annexe IX, par. 6.)

8.5Le Comité ne met pas en doute les allégations de mauvais traitements que l'auteur a subis durant sa détention de 28 jours suite à son arrestation en 1985 bien que les rapports médicaux n'étayent pas la description d'actes de torture faite par l'auteur ainsi que leurs conséquences.

8.6Cependant, vu le temps (15 années) qui s'est écoulé depuis les événements invoqués par l'auteur - pour autant que l'on admette leur véracité -, le risque actuel qu'il soit soumis à la torture du fait de son retour en Turquie n'apparaît pas suffisamment établi par l'auteur.

8.7Par conséquent, le Comité contre la torture, agissant en vertu du paragraphe 7 de l'article 22 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, estime que la décision de l'État partie de renvoyer l'auteur en Turquie ne fait apparaître aucune violation de l'article 3 de la Convention.

[Fait en français (version originale) et traduit en anglais, en espagnol et en russe.]

9. Communications Nos 130/1999 et 131/1999

Présentée par :V. X. N. et H. N. (noms supprimés)[représentés par un conseil]

Au nom :Des auteurs

État partie :Suède

Date de la communication :15 février 1999

Le Comité contre la torture, institué conformément à l'article 17 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,

Réuni le 15 mai 2000,

Ayant achevé l'examen des communications Nos 130/1999 et 131/1999 présentées au Comité contre la torture en vertu de l'article 22 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,

Ayant tenu compte de toutes les informations qui lui ont été communiquées par les auteurs de la communication, leur conseil et l'État partie,

Adopte les constatations suivantes au titre du paragraphe 7 de l'article 22 de la Convention.

1.1Les auteurs de la communication sont M. V.X.N., né le 1er décembre 1959, et M. H.N., né le 10 novembre 1963, deux ressortissants vietnamiens résidant actuellement en Suède, où ils ont obtenu le statut de réfugié et un permis de séjour permanent, les 18 août 1992 et 23 août 1991, respectivement. Les auteurs affirment qu'ils risquent d'être torturés s'ils sont renvoyés au Viet Nam et que les renvoyer contre leur gré dans ce pays constituerait de la part de la Suède une violation de l'article 3 de la Convention. Les auteurs sont représentés par un conseil.

1.2Vu les similarités que présentent ces deux communications, le Comité a décidé de les examiner ensemble.

1.3Conformément au paragraphe 3 de l'article 22 de la Convention, le Comité a, le 29 avril 1999, porté les communications Nos 130/1999 et 131/1999 à l'attention de l'État partie. En application du paragraphe 9 de l'article 108 du règlement intérieur du Comité, il a été demandé à l'État partie de ne pas expulser les auteurs vers le Viet Nam tant que leurs communications seraient en cours d'examen par le Comité. Dans une correspondance en date du 27 mai 1999, l'État partie a fait savoir au Comité que les auteurs ne seraient pas expulsés vers leur pays d'origine tant que leurs communications seraient à l'examen devant le Comité.

Rappel des faits présentés par les auteurs

Le cas de M. V.X.N.

2.1L'auteur de la première communication (No 130/1999), M. V.X.N., indique avoir été admis en Suède en 1992, au titre d'un contingent de réfugiés. En 1995, l'auteur a été, en application de la loi suédoise, condamné à cinq ans de prison et à l'expulsion de Suède après avoir purgé cette peine. L'auteur a été libéré le 16 janvier 1999 et se trouve à présent en instance d'expulsion vers le Viet Nam.

2.2L'auteur affirme que les membres de sa famille, en particulier son père, ont collaboré avec le précédent régime vietnamien. Après l'instauration du régime communiste, en 1975, les biens de sa famille ont été confisqués et ses membres réinstallés de force dans une zone de jungle aux conditions de vie difficiles. L'auteur indique avoir été condamné à 12 ans de prison au début de 1976. Il aurait été condamné, en tant que citoyen sud-vietnamien, pour ne s'être pas conformé à une décision des autorités nord-vietnamiennes lui enjoignant ainsi qu'à ses parents et frères et sœurs de demeurer dans la zone à laquelle ils avaient été assignés. Sa famille s'était en effet établie dans une ville de la zone dans laquelle elle avait été réinstallée. Lors d'une opération menée par la police en faisant usage de la force pour renvoyer cette famille dans la jungle, l'oncle de l'auteur avait été tué par balles et son père soumis à des brutalités. L'auteur affirme avoir été arrêté pour s'être opposé à la police en s'emparant de l'arme de l'un des policiers avec pour résultat une fusillade au cours de laquelle deux policiers auraient été tués et quatre autres blessés.

2.3L'auteur dit avoir été d'abord incarcéré dans un centre de détention pour prisonniers politiques avant d'être transféré au bout d'environ deux semaines à la prison 24 Nguyen Cong Chu de Nha Trang, où il aurait été détenu pendant huit mois sans qu'aucune procédure judiciaire ne soit engagée. L'auteur affirme avoir été durant les deux premiers mois de sa détention soumis quotidiennement à de graves actes de torture, sous forme de coups qui lui auraient été portés à la tête, au dos et à la poitrine à l'aide d'armes et de matraques alors qu'il avait les mains liées dans le dos. L'auteur affirme en outre que la police avait menacé de l'exécuter. Les six mois suivants, l'auteur aurait été détenu à l'isolement et obligé de demeurer allongé dans son urine et ses excréments. Dans le dossier soumis par l'auteur figure un certificat médical en date du 24 mars 1999 établi par le Service des victimes de blessures de guerre et de torture de Göteborg, dans lequel il est indiqué que le récit de l'auteur montre clairement qu'il s'agit d'une expérience vécue personnellement et qu'il souffre d'un état de stress post-traumatique.

2.4L'auteur affirme qu'en raison de son jeune âge la peine de mort prononcée à son encontre a été commuée en 12 ans de prison. Au bout de neuf années d'emprisonnement – dont quatre de travaux forcés – à la prison Dong Rang, il est parvenu à s'évader et à fuir le Viet Nam, en 1986, après s'être caché pendant deux ans sur une île déserte. L'auteur, accompagné de plusieurs autres personnes, a volé un bateau qui a été intercepté dans les eaux territoriales vietnamiennes par des militaires vietnamiens qui ont essayé de les empêcher de quitter le pays. Au cours de la poursuite, les fugitifs ont échangé des coups de feu avec les militaires et plusieurs fugitifs ont été blessés. L'auteur pense que plusieurs militaires ont également été blessés et même probablement tués.

2.5L'auteur et sa famille ont fini par atteindre les Philippines où ils ont été placés dans un camp de réfugiés. Grâce à l'assistance du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) l'auteur et sa famille ont été admis en Suède au titre d'un contingent de réfugiés et ont reçu un permis de séjour permanent en 1992.

2.6 En 1995, la cour d'appel de Suède occidentale a condamné l'auteur à cinq ans de prison et à l'expulsion définitive du territoire suédois une fois cette peine purgée. L'auteur a été libéré le 26 janvier 1999 et ce même jour le Ministère suédois de la justice a décidé, à la demande du HCR, de surseoir à l'exécution de l'ordonnance d'expulsion afin de permettre au HCR de se faire sa propre opinion quant à la compatibilité de ladite expulsion avec le paragraphe 2 de l'article 33 de la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés.

Le cas de M. H.N.

3.1L'auteur de la seconde communication (No 131/1999), M. H.N., affirme avoir été admis en Suède en 1991 au titre d'un contingent de réfugiés. En 1995, en application de la loi suédoise, l'auteur a été condamné à cinq ans de prison et à l'expulsion du territoire suédois après avoir purgé cette peine. L'auteur a été libéré le 12 octobre 1998 et se trouve à présent en instance d'expulsion vers le Viet Nam.

3.2L'auteur indique que son père, officier d'un rang élevé dans les forces armées sud‑vietnamiennes en lutte aux côtés des États‑Unis, avait été assassiné par les Vietcongs en 1970. Après la prise du pouvoir par les Nord‑Vietnamiens en 1975, l'auteur n'aurait pas été autorisé à poursuivre sa scolarité primaire parce que fils de militaire sud‑vietnamien. Lorsqu'il avait une vingtaine d'années, l'auteur aurait créé, avec un petit groupe d'amis partageant ses opinions, un mouvement de résistance au régime communiste, dont l'activité consistait principalement à réaliser et apposer, de nuit, des affiches hostiles au régime.

3.3L'auteur affirme également avoir été arrêté puis envoyé dans un camp de travail vietcong, où il aurait, avec de nombreux autres enfants de militaires sud‑vietnamiens, été affecté à des travaux de déminage. Nombre de ses compagnons auraient été tués ou blessés. Au bout d'un mois, il serait parvenu à s'évader et à reprendre ses activités de résistance dans la clandestinité.

3.4En 1985, au bout d'une année de clandestinité, l'auteur aurait de nouveau été arrêté par les Vietcongs. Durant son interrogatoire, il aurait été soumis à la torture, sous forme notamment de coups portés à la poitrine avec un fusil jusqu'à son évanouissement. L'auteur affirme en outre que le canon d'un fusil lui aurait été introduit dans la bouche et qu'il aurait été menacé de mort. Les actes de torture se seraient poursuivis plusieurs jours durant, l'auteur finissant par être hospitalisé. Bien que ligoté sur son lit d'hôpital, l'auteur aurait réussi à s'évader. Dans le dossier soumis par l'auteur figure un certificat médical en date du 1er avril 1999 établi par le Service des victimes de blessures de guerre et de torture de Göteborg, dans lequel il est indiqué que le récit de l'auteur donne à penser qu'il a effectivement vécu les faits relatés et qu'il a très probablement été soumis à des actes de torture et d'autres traitements cruels et inhumains dans son pays d'origine. De septembre 1985 à août 1988, l'auteur et sa femme se seraient cachés dans la montagne.

3.5En août 1988, l'auteur, son épouse, leurs enfants et plusieurs autres compatriotes sont parvenus à quitter le Viet Nam par bateau. Alors qu'ils se trouvaient toujours dans les eaux territoriales vietnamiennes, des Vietcongs auraient tenté de les empêcher d'en sortir, ce qui aurait déclenché une fusillade au cours de laquelle de nombreux fugitifs auraient été blessés. L'auteur pense que plusieurs militaires ont également été blessés et même probablement tués.

3.6L'auteur et sa famille ont fini par atteindre, le 25 août 1988, les Philippines où ils ont été placés dans un camp de réfugiés. Avec l'assistance du Haut‑Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), l'auteur et sa famille ont été admis en Suède au titre d'un contingent de réfugiés et ont obtenu un permis de séjour permanent en 1991.

3.7En 1995, la cour d'appel de Suède occidentale a condamné l'auteur à cinq ans de prison et à l'expulsion définitive du territoire suédois après avoir purgé cette peine. L'auteur a été libéré le 12 octobre 1998. Le 26 janvier 1999, à la demande du HCR, le Ministère suédois de la justice a décidé de surseoir à l'exécution de l'ordonnance d'expulsion afin de permettre au HCR de déterminer la compatibilité de cette expulsion avec le paragraphe 2 de l'article 33 de la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés.

3.8À l'appui de leurs communications individuelles respectives, les auteurs ont évoqué la situation générale des droits de l'homme au Viet Nam, signalant qu'Amnesty International n'était pas autorisée à travailler au Viet Nam et qu'il était en conséquence difficile de recueillir des éléments susceptibles d'établir de manière probante l'ampleur de la pratique de la torture dans ce pays. Amnesty International estime cependant que l'usage de la torture par la police à l'encontre de personnes en garde à vue et dans les prisons est chose courante.

Teneur de la plainte

4.Les auteurs affirment qu'en cas de renvoi au Viet Nam, ils seront arrêtés par les autorités puis soumis à la torture et condamnés à mort et que leur rapatriement contre leur gré dans ce pays constituerait donc une violation par la Suède de l'article 3 de la Convention.

Observations de l'État partie sur la recevabilité et le fond

5.1Dans ses mémoires du 3 septembre 1999, l'État partie renvoie au paragraphe 5 a) de l'article 22 de la Convention, aux termes duquel le Comité ne peut examiner de communication émanant d'un particulier avant de s'être assuré que la même question n'a pas été examinée ou n'est pas en cours d'examen par une autre instance internationale d'enquête ou de règlement. Sur ce point, l'État partie signale au Comité que le HCR a déjà examiné les cas des auteurs. Dans une lettre datée du 16 mars 1999, le représentant régional du HCR pour les pays baltes et les pays nordiques a indiqué au Ministère suédois de la justice que l'expulsion des auteurs ne constituerait pas un manquement à l'article 33 de la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés.

5.2En outre, l'État partie fait valoir que les communications en question devraient être jugées irrecevables conformément au paragraphe 2 de l'article 22 de la Convention, parce qu'incompatibles avec ses dispositions pour insuffisance des arguments avancés pour justifier la requête. Quant au fond, l'État partie estime que les communications en question ne font apparaître aucune violation de la Convention.

5.3Toujours au sujet du fond des communications, l'État partie signale au Comité qu'aux termes de la loi suédoise de 1989 sur les étrangers, un étranger reconnu coupable d'une infraction pénale ne peut être expulsé de Suède qu'à certaines conditions. Premièrement, l'étranger doit avoir été condamné du chef d'une infraction sanctionnée par une peine de prison. Deuxièmement, l'étranger condamné à une peine plus grave qu'une amende n'est expulsable que a) si on peut supposer qu'il poursuivra son activité criminelle en Suède ou b) si l'infraction revêt une gravité telle que l'étranger ne saurait être autorisé à demeurer en Suède.

5.4L'État partie fait en outre valoir que des conditions spéciales s'appliquent aux étrangers considérés comme des réfugiés. De tels étrangers ne peuvent être expulsés que s'ils ont commis une infraction pénale particulièrement grave et si l'ordre et la sécurité publics risquent d'être gravement compromis au cas où on les autoriserait à demeurer en Suède. Aux termes de la loi de 1989 sur les étrangers, on ne peut en aucun cas expulser un étranger vers un pays dans lequel des motifs sérieux donnent à croire qu'il risque d'y subir la peine capitale et des châtiments corporels ou d'y être soumis à la torture ou d'autres peines ou traitements inhumains ou dégradants.

5.5L'État partie confirme que les auteurs ont obtenu un permis de séjour permanent et le statut de réfugié en Suède au titre d'un contingent de réfugiés, en 1992 et 1991, respectivement. Conformément à la pratique prévalant à l'époque dans l'État partie, ils ont été admis au titre d'un contingent de réfugiés sans examen détaillé des raisons les ayant amenés à fuir. Le Service suédois de l'immigration a décidé d'accorder l'asile aux auteurs suite à un entretien de ces derniers avec les autorités locales de police.

5.6L'État partie signale en outre qu'en avril 1995, les deux auteurs ont été condamnés par le tribunal de district de Halmstad à six ans de prison pour viol avec circonstances aggravantes, commis avec deux autres ressortissants vietnamiens. Les auteurs avaient été antérieurement reconnus coupables à plusieurs reprises d'actes de violence. Compte tenu du statut de réfugié des auteurs, le tribunal de district a rejeté la demande d'expulsion de Suède formulée par le parquet. Les deux auteurs ainsi que le parquet ont fait appel du jugement devant la cour d'appel de Suède occidentale.

5.7À l'issue d'une audience à laquelle les auteurs ainsi qu'un membre du parquet étaient présents, la cour d'appel a estimé réunies les conditions requises pour une expulsion. Dans son arrêt du 15 juin 1995, la cour d'appel a ramené la peine à cinq ans de prison et ordonné l'expulsion des auteurs du territoire suédois une fois purgée cette peine. Les auteurs se sont pourvus devant la Cour suprême qui a refusé de se saisir de leur pourvoi. M. V.X.N. a été reconnu coupable de coups et blessures, coups et blessures graves et viol, devant purger une peine de cinq ans de prison. M. H.N. a quant à lui été reconnu coupable de complicité de viol.

5.8En décembre 1998, l'ambassade du Viet Nam à Stockholm a fait savoir au Ministère suédois des affaires étrangères que le Ministère vietnamien de la sécurité publique avait accepté le rapatriement des auteurs.

5.9Suite à une requête formée par le HCR en janvier 1999, le Ministère de la justice a décidé de surseoir à l'exécution de l'ordonnance d'expulsion, dans l'attente de l'avis du représentant régional du HCR pour les pays baltes et les pays nordiques quant à la compatibilité de cette expulsion avec le paragraphe 2 de l'article 33 de la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés, aux termes duquel la protection contre le refoulement ne peut être invoquée "par un réfugié qu'il y aura des raisons sérieuses de considérer comme un danger pour la sécurité du pays où il se trouve ou qui, ayant été l'objet d'une condamnation définitive pour un crime ou délit particulièrement grave, constitue une menace pour la communauté dudit pays". Le 16 mars 1999, le HCR a indiqué au Ministère de la justice que la décision d'expulser les auteurs ne constituait pas une violation de la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés.

5.10L'État partie a en outre fait savoir au Comité que depuis janvier 1999, M. V.X.N. avait à trois reprises demandé aux autorités d'annuler l'ordonnance d'expulsion, ou tout du moins de lui accorder un permis de séjour temporaire. Au moment de l'établissement du mémoire de l'État partie, deux de ces demandes avaient été rejetées, la troisième étant en instance d'examen. Depuis janvier 1998, M. H.N. a adressé six demandes analogues aux autorités. Au moment de l'établissement du mémoire de l'État partie, cinq de ces demandes avaient été rejetées, la sixième étant encore en instance d'examen.

5.11L'État partie souligne que, pour déterminer si le rapatriement contre leur gré des auteurs au Viet Nam constituerait un manquement à l'article 3 de la Convention, il faut tenir compte des éléments suivants : a) la situation générale des droits de l'homme au Viet Nam et b) le risque que les auteurs encourent à titre personnel d'être soumis à la torture en cas de retour au Viet Nam.

5.12L'État partie fait valoir que la cour d'appel a, dans son arrêt du 15 juin 1995 selon lequel il n'existait aucun empêchement à l'expulsion des auteurs, tenu compte de l'avis du Service suédois de l'immigration estimant qu'il n'existait aucun empêchement d'ordre général à l'expulsion de personnes ayant fui le Viet Nam. S'agissant des empêchements d'ordre individuel, le Service suédois de l'immigration a estimé que les rares éléments disponibles concernant la situation particulière des auteurs ne faisaient apparaître aucun empêchement de ce type. De plus, les auteurs ont de nouveau été interrogés par le Service suédois de l'immigration les 21 mai et 1er juin 1999, à la demande du Ministère de la justice, mais aucun empêchement à leur expulsion n'a été mis en évidence à cette occasion.

5.13Pour ce qui est de la situation générale des droits de l'homme au Viet Nam à l'heure actuelle, l'État partie fait valoir que les renseignements émanant de diverses sources internationales et autres, comme Amnesty International, le Département d'État des États‑Unis d'Amérique et l'ambassade de Suède à Hanoi, faisaient apparaître que des améliorations sensibles avaient été apportées dans certains domaines même si de sérieux problèmes persistaient, concernant en particulier l'exercice de la liberté d'expression, de réunion et d'association et de la liberté religieuse. Les arrestations et détentions arbitraires demeurent chose assez fréquente et les conditions de détention sont pénibles, mais il est rarement fait état d'actes de torture sur la personne de détenus. Des brutalités policières sont parfois signalées, mais aucun élément ne prouve que la torture constitue une pratique systématique et que des prisonniers soient soumis à la torture.

5.14L'État partie signale en outre que le fait d'être sorti illégalement du Viet Nam dans les années 80 n'est désormais plus considéré comme une infraction. La plupart des personnes ayant quitté le pays illégalement à cette époque y ont à présent été rapatriées avec l'assistance du HCR. Un grand nombre de personnes de retour sont originaires de la même région du Viet Nam que les auteurs. Plusieurs des personnes rapatriées contre leur gré ont purgé des peines de prison pour des infractions commises dans des pays de premier asile, mais selon le HCR aucun élément n'indique qu'elles fassent l'objet de représailles ou de discrimination à leur retour. L'État partie souligne par ailleurs que la majorité des quelque 500 rapatriés ayant fait l'objet de poursuites à leur retour du chef d'infractions pénales commises avant leur départ du Viet Nam ont été condamnés pour des actes de violence et qu'aucun ne l'a été pour des infractions politiques. Des membres du HCR ont pu se rendre auprès de la totalité de ces personnes et s'entretenir en privé avec elles. Enfin, l'État partie souligne que plusieurs enfants d'anciens dirigeants des forces armées sud-vietnamiennes effectuent des déplacements entre la Suède et le Viet Nam sans rencontrer de difficultés de la part des autorités vietnamiennes.

5.15Pour ce qui a trait aux risques encourus personnellement par les auteurs d'être soumis à la torture, l'État partie rappelle que, conformément à la jurisprudence du Comité, ce risque doit être prévisible, réel et personnel, et fait valoir ce qui suit.

Le cas de M. V.X.N.

6.1L'État partie rappelle que l'auteur a invoqué trois raisons différentes pour lesquelles il courait le risque d'être soumis à la torture en cas d'expulsion vers son pays d'origine. Premièrement, il affirme craindre d'être arrêté et torturé par les autorités pour s'être évadé d'une prison où il purgeait une peine de 12 ans pour avoir tué deux policiers et blessé quatre autres. Deuxièmement, certains des soldats lancés à la poursuite du bateau sur lequel l'auteur et d'autres personnes tentaient de fuir le Viet Nam pourraient avoir été blessés ou tués par balles lors d'un échange de coups de feu avec les fugitifs. Troisièmement, l'auteur a indiqué avoir reçu des menaces de mort du propriétaire du bateau qu'il avait volé pour s'enfuir. L'État partie fait observer au Comité que l'auteur de la communication n'a appartenu à aucune organisation politique et n'a mené aucune activité politique dans son pays d'origine.

6.2L'État partie fait valoir que durant l'examen du dossier de l'auteur, des contradictions, incohérences et invraisemblances concernant des points essentiels ont suscité des doutes sérieux quant à la crédibilité des dires de l'auteur. Tout d'abord, l'auteur ne semble avoir soulevé la question de la torture pour la première fois que dans la communication adressée au Comité au début de 1999. Lors de son entretien avec les autorités locales de police en 1992, l'auteur n'a pas, selon l'État partie, indiqué avoir été victime de mauvais traitements ou d'actes de torture ou craindre d'être torturé en cas de rapatriement. Pareillement, il n'a été question de torture ni dans le cadre des procédures devant le tribunal de district et la cour d'appel, ni dans la demande d'autorisation de faire appel adressée à la Cour suprême, ni dans la demande d'annulation de l'arrêt d'expulsion adressée au Gouvernement en janvier 1999.

6.3Tout en prenant acte du certificat médical produit par l'auteur à l'appui de sa demande, l'État partie souligne les incohérences que présente le récit de l'auteur concernant la nature et la gravité des actes de torture dont il aurait été victime. Lors de l'examen médical de mars 1999, l'auteur a affirmé avoir été placé en détention provisoire pendant huit mois et avoir été torturé quotidiennement au cours des deux premiers mois de sa détention. Lors d'un entretien avec des fonctionnaires du Service suédois de l'immigration le 21 mai 1999, l'auteur a dit avoir été torturé quotidiennement pendant un mois puis trois fois par semaine par la suite. Enfin, lors de son dernier entretien avec le Service suédois de l'immigration, le 1er juin 1999, l'auteur a déclaré avoir été détenu à titre provisoire pendant six mois et torturé presque tous les jours. De plus, la description par l'auteur des actes de torture présumés s'est faite de plus en plus dramatique au fur et à mesure de l'avancement de la procédure. À l'origine, l'auteur n'avait mentionné que des coups, notamment des coups de pied, alors que dans son dernier entretien il a pour la première fois signalé l'application de décharges électriques et le fait d'avoir été forcé à boire de l'eau additionnée de détergent.

6.4L'État partie fait observer au Comité qu'au cours de l'entretien initial avec les autorités locales de police, en 1992, l'auteur n'a pas signalé avoir été condamné à 12 ans de prison et s'être évadé. À cette époque, il a indiqué avoir tenté de fuir le Viet Nam en mars 1981 et avoir été condamné pour cette tentative à trois ans de prison, peine qu'il avait purgée. Selon ses dires de 1992, l'auteur aurait une nouvelle fois tenté de quitter le pays en octobre 1984 mais aurait été condamné à 2 ans et 10 jours de prison après avoir été intercepté. Dans la demande soumise au Gouvernement en janvier 1999, il indique avoir été condamné à 12 ans de prison pour s'être enfui du lieu de résidence assigné à sa famille en pleine jungle et avoir participé à l'organisation d'un groupe ayant pour but d'aider à s'évader d'autres personnes se trouvant encore dans la jungle. Il a affirmé avoir été ensuite capturé avec quatre autres personnes, dont trois auraient été condamnées à mort et une à 17 ans de prison. L'État partie note en outre que l'auteur n'a apporté aucun élément permettant d'établir la véracité de l'affirmation selon laquelle il aurait été condamné à 12 ans de prison.

6.5L'État partie mentionne d'autres invraisemblances et incohérences, constatant par exemple que si les dires les plus récents de l'auteur sont véridiques, ses trois premiers enfants doivent avoir été conçus en prison, et que trouver une île inhabitée dans la région où l'auteur prétend s'être caché après son évasion est invraisemblable. L'État partie soutient que ces incohérences constituent autant de raisons de mettre en doute la crédibilité et la véracité des actes de torture subis et de l'évasion allégués par l'auteur dans sa première demande pour la motiver.

6.6À propos des incohérences susmentionnées, l'État partie souligne que les trois entretiens avec l'auteur se sont déroulés en présence d'un interprète vietnamien et que l'auteur a affirmé avoir bien compris cet interprète.

6.7Concernant les circonstances dans lesquelles l'auteur aurait fui le Viet Nam, l'État partie fait observer au Comité que c'est uniquement dans sa communication au Comité et dans la demande d'annulation adressée au Gouvernement que l'auteur a signalé que des soldats poursuivant le bateau de fugitifs avaient été blessés ou tués, et qu'aucune information dans ce sens n'avait été fournie lors de l'entretien initial avec la police, lors de la procédure judiciaire et lors de l'entretien avec le Service suédois de l'immigration, en mai 1999. Pour l'État partie, cela signifie que l'auteur n'attache pas une importance particulière à ces circonstances et ne craint pas qu'elles aient des conséquences graves pour lui, d'autant plus qu'il n'a jamais été affirmé que l'auteur était personnellement responsable de la fusillade, ou soupçonné de l'être. En outre, l'État partie souligne que les récits signalant des échanges de coups de feu lors de tentatives de fuite du Viet Nam dans les années 80 sont certes nombreux mais qu'en l'occurrence il a été impossible de déterminer la véracité de l'affirmation en cause.

6.8S'agissant du risque encouru par l'auteur de faire l'objet de mauvais traitements de la part d'un particulier, à savoir le propriétaire du bateau que l'auteur aurait volé pour s'enfuir, l'État partie rappelle la définition de la torture figurant dans l'article premier de la Convention, ainsi que les constatations du Comité relatives à l'affaire G.R.B. c. Suède (communication No 83/1997) adoptées le 15 mai 1998. L'État partie estime que le risque de mauvais traitements par un particulier, sans le consentement exprès ou tacite du Gouvernement du pays vers lequel l'expulsion doit avoir lieu, est en dehors du champ d'application de l'article 3 de la Convention.

6.9L'État partie souligne que selon l'ambassade de Suède à Hanoi, rien n'indique que les autorités vietnamiennes portent à l'heure actuelle un intérêt particulier à l'auteur. L'auteur n'a produit aucun élément de preuve à l'appui de l'affirmation selon laquelle il serait recherché par la police suite à sa fuite du Viet Nam. Renouvelant ses doutes quant à la véracité des affirmations de l'auteur, l'État partie estime que même à supposer que cette information soit crédible et que l'auteur soit effectivement susceptible d'être arrêté et emprisonné à son retour, le risque d'arrestation et d'incarcération ne suffirait pas en tant que tel à justifier la protection absolue prévue par l'article 3 de la Convention. Dans ce contexte, l'État partie rappelle que peu d'éléments probants attestent la pratique de la torture au Viet Nam.

6.10Enfin, l'État partie signale au Comité qu'un des ressortissants vietnamiens condamnés pour viol collectif lors du même procès que l'auteur a été expulsé vers le Viet Nam en avril 1998 et que les renseignements reçus par l'État partie au sujet de la situation actuelle dudit individu, qui affirmait avoir quitté illégalement le pays et avoir commis une infraction en liaison avec sa fuite, ne donnent pas à penser qu'il ait été maltraité par les autorités vietnamiennes depuis son retour.

Le cas de M. H.N.

7.1L'État partie rappelle que l'auteur a invoqué trois raisons différentes pour lesquelles il risquerait d'être torturé en cas d'expulsion vers son pays d'origine. Selon ses dires, il sera arrêté et torturé par les autorités pour s'être évadé d'un camp de travail où il avait été affecté à des travaux de déminage. L'auteur affirme en outre avoir appartenu à un mouvement de résistance et être soupçonné d'implication dans des activités subversives, telles que l'apposition d'affiches. Enfin, l'auteur affirme craindre de faire l'objet de représailles pour la mort de plusieurs policiers en liaison avec sa fuite du Viet Nam. En effet, certains des soldats lancés à la poursuite de l'auteur et d'autres personnes tentant de quitter le Viet Nam à bord d'un bateau pourraient avoir été blessés ou tués lors d'une fusillade avec les fugitifs.

7.2L'État partie constate que l'auteur a affirmé avoir été arrêté et torturé en 1985. Selon le certificat médical délivré par le psychiatre ayant examiné l'auteur en avril 1999, ce dernier a très vraisemblablement été soumis à la torture et à d'autres traitements cruels et inhumains dans son pays. L'État partie fait cependant observer au Comité que ce certificat ne mentionne ni troubles liés à un état de stress post-traumatique ni traces visibles de torture.

7.3L'État partie signale que lors de l'examen de cette affaire un certain nombre de contradictions et d'incohérences se rapportant à certains points essentiels ont suscité des doutes sérieux quant à la crédibilité des affirmations de l'auteur. L'attention du Comité est appelée sur le fait que, lors de son entretien avec la police en 1991, l'auteur n'a pas signalé avoir été arrêté et torturé au Viet Nam. Il n'a pas davantage abordé la question de la torture ni devant le tribunal de district, ni devant la cour d'appel, ni dans sa demande d'autorisation de se pourvoir devant la Cour suprême. C'est uniquement dans sa requête au Gouvernement de janvier 1998 qu'il affirme avoir été torturé dans le passé et craindre d'être emprisonné en cas d'expulsion.

7.4L'État partie relève en outre que l'auteur a donné plusieurs versions différentes des faits en raison desquels il avait été arrêté et torturé par la police en 1985 : a) dans sa requête au Gouvernement de janvier 1998 il a déclaré avoir été découvert alors qu'il préparait sa fuite du Viet Nam; b) selon le rapport médical d'avril 1999, il aurait été torturé lors d'un interrogatoire pour lui arracher les noms de ses compagnons de résistance; c) au cours de son entretien avec un fonctionnaire du Service suédois de l'immigration en mai 1999, l'auteur avait affirmé avoir été arrêté pour port d'arme et pour évasion d'un camp de déminage; d) en juin 1999, il avait déclaré au Service suédois de l'immigration avoir été soupçonné d'activités subversives et de pose d'affiches; e) dans la communication adressée au Comité, l'auteur déclare avoir été torturé pour s'être évadé d'un camp de déminage.

7.5L'État partie fait observer au Comité que, lors d'un entretien avec la police en 1991, l'auteur a indiqué avoir été astreint à des travaux pénibles dans un endroit où il y avait des mines sans mentionner s'être évadé d'un camp de déminage. Lors de l'entretien de juin 1999, l'auteur a déclaré risquer d'être torturé à son retour au Viet Nam pour avoir abattu des policiers et appartenu à un groupe d'opposants au régime. Vu que l'auteur n'a pas expressément avancé son évasion d'un camp de déminage comme motif lui faisant craindre d'être torturé, l'État partie en conclut qu'il n'est pas intimement convaincu que ce fait puisse avoir de graves conséquences pour lui. L'État partie relève de surcroît que rien ne permet d'affirmer qu'un acte de ce genre soit considéré comme un délit punissable au Viet Nam aujourd'hui, et encore moins comme un délit emportant une peine d'emprisonnement.

7.6S'agissant des activités supposées de l'auteur au sein d'un mouvement de résistance, l'État partie relève qu'au cours de l'entretien initial, en 1991, l'auteur n'a pas mentionné sa participation à des activités politiques. L'État partie constate en outre que les activités politiques en question ne sont pas mentionnées expressément dans la communication adressée par l'auteur au Comité et n'apparaissent que dans le certificat médical établi en avril 1999 à l'appui de sa requête. Le rapport médical précise en outre que l'auteur affirme avoir été membre d'un mouvement organisé de résistance et avoir été arrêté pour activités hostiles à l'État et placé dans un camp de travail dont il s'était évadé. Après cette évasion il aurait rejoint ce mouvement de résistance avant d'être à nouveau arrêté et torturé. L'État partie relève à ce propos que lors d'un entretien avec le Service suédois de l'immigration, en mai 1999, l'auteur a déclaré être le fondateur de ce mouvement de résistance, qui aurait compté cinq membres.

7.7S'ajoutant aux incohérences exposées plus haut, l'État partie signale que l'auteur a déclaré au Service de l'immigration que les autorités vietnamiennes l'auraient exécuté si elles avaient été au courant de l'existence de son mouvement de résistance, ce qui, selon l'État partie signifie à l'évidence que ce mouvement était inconnu desdites autorités. En outre, l'État partie fait valoir que selon les informations dont dispose le HCR et des organisations de défense des droits de l'homme sur la région de Nha Trang, on n'aurait jamais entendu parler dans cette ville d'un mouvement de résistance armée ou d'un groupe quelconque de résistants ayant posé des affiches dans la rue. L'État partie souligne de plus que les autorités vietnamiennes n'auraient à présent plus guère d'intérêt à punir une personne pour avoir réalisé et diffusé des affiches hostiles au régime voilà près d'une quinzaine d'années.

7.8Au sujet des circonstances dans lesquelles l'auteur a fui le Viet Nam, l'État partie fait observer au Comité que lors de son entretien initial avec la police, en 1991, l'auteur n'avait pas mentionné avoir ouvert le feu sur des policiers lors de sa fuite. Ce n'est que dans la requête adressée au Gouvernement en juillet 1998 et lors des entretiens ultérieurs que l'auteur a déclaré avoir tué par balles un ou plusieurs policiers. L'État partie précise que, selon l'auteur, un grand nombre de personnes se trouvaient avec lui à bord du bateau sur lequel il s'était enfui depuis une grande ville et qu'il y régnait une grande confusion. Dans de telles circonstances, il serait étonnant, selon l'État partie, que la police soit capable d'identifier le ou les auteurs des coups de feu. En outre, l'État partie signale au Comité que l'auteur n'a pas déclaré être recherché par la police à la suite de ces homicides supposés et que rien ne permet d'affirmer qu'un mandat d'arrêt ait été décerné à son encontre.

7.9L'État partie soutient en outre que l'auteur a fourni des informations incohérentes et contradictoires, notamment au sujet de sa famille au Viet Nam et concernant la question de savoir si sa femme était ou non à ses côtés alors qu'il se cachait pour échapper aux autorités entre 1985 et 1988.

7.10Au sujet des incohérences susmentionnées, l'État partie indique que les trois entretiens avec l'auteur se sont déroulés en présence d'un interprète vietnamien, tout en reconnaissant que lors du dernier entretien avec le Service de l'immigration, en juin 1999, l'auteur avait signalé que l'interprète s'exprimait dans un dialecte autre que le sien et ne pas avoir compris le sens de certaines phrases, sans préciser lesquelles. L'État partie souligne toutefois que l'interprète n'a éprouvé aucune difficulté à comprendre l'auteur et qu'à sa connaissance les Vietnamiens s'exprimant dans des dialectes différents parviennent à se comprendre sans grande difficulté.

7.11L'État partie indique que, selon l'ambassade de Suède à Hanoi, rien ne permet de supposer que les autorités vietnamiennes portent encore à l'auteur un intérêt quelconque aujourd'hui. L'auteur n'a apporté aucune preuve à l'appui de ses allégations selon lesquelles il serait recherché par la police suite à sa fuite du Viet Nam. Réaffirmant ses doutes quant à la véracité des déclarations de l'auteur, l'État partie estime que même si cette information était crédible, elle ne suffirait pas à justifier la protection totale prévue à l'article 3 de la Convention (voir plus haut, par. 6.9).

7.12En conclusion, l'État partie évoque le cas d'un autre ressortissant vietnamien reconnu coupable de viol collectif lors du même procès que l'auteur et expulsé de Suède vers le Viet Nam en avril 1998 (voir plus haut, par. 6.10).

Observations supplémentaires de l'État partie

8.1Dans ses mémoires complémentaires en date des 5 et 19 octobre 1999, l'État partie appelle l'attention du Comité sur une lettre adressée par le Ministère vietnamien de la sécurité publique à l'ambassade de Suède à Hanoi, dans laquelle ce ministère signale qu'aucun des auteurs ne possède de casier judiciaire au Viet Nam.

8.2L'État partie ajoute que le second ressortissant vietnamien expulsé vers son pays d'origine, après avoir purgé une peine de prison en Suède pour un crime commis en association avec les auteurs, a adressé au Gouvernement suédois une demande de regroupement familial en Suède. L'État partie précise à l'intention du Comité qu'avant son expulsion, cet individu avait affirmé avoir été accusé du vol d'une vedette de la police et avoir tué deux policiers lors de sa fuite du Viet Nam. Il avait de plus affirmé avoir été emprisonné à trois reprises au Viet Nam et torturé. L'État partie signale au Comité que dans sa nouvelle demande de regroupement adressée plus d'un an après son rapatriement au Viet Nam, ledit individu ne dit pas avoir été inquiété par les autorités vietnamiennes depuis son retour.

Commentaires du conseil

9.1Le conseil réfute la conclusion de l'État partie selon laquelle les communications de l'auteur doivent être déclarées irrecevables en vertu du paragraphe 5 a) de l'article 22 de la Convention, en faisant valoir que la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés ne prévoit aucune procédure HCR internationale d'enquête ou de règlement. En outre, la question soulevée par le représentant régional du HCR pour les pays baltes et les pays nordiques se rapportait à la compatibilité de l'arrêt d'expulsion avec l'article 33 de la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés et non pas au point dont est saisi le Comité, à savoir si l'auteur risque d'être torturé à son retour au Viet Nam.

9.2Le conseil précise à l'intention du Comité que le Ministère vietnamien de la sécurité publique avait bien accepté le rapatriement des auteurs en décembre 1998, mais que le Viet Nam avait opposé son refus à un tel rapatriement quelques mois auparavant. Selon un journal suédois, ce refus tiendrait à ce que les auteurs étaient accusés d'avoir commis de graves infractions au Viet Nam avant de fuir le pays.

9.3S'agissant des entretiens des auteurs avec le Service suédois de l'immigration, en mai et juin 1999, le conseil fait observer au Comité qu'ils se sont déroulés à un moment où les auteurs avaient déjà adressé leurs communications respectives au Comité et où lui-même avait soumis au Ministère de la justice une requête dans laquelle il indiquait notamment que l'avis écrit rendu par le Service suédois de l'immigration ayant servi de fondement à l'arrêt d'expulsion à l'encontre des auteurs prononcé par la cour d'appel ne contenait que des constatations d'ordre général.

9.4Le conseil rappelle que lors de leur entretien initial avec la police, en 1992 et 1991 respectivement, les deux auteurs étaient déjà admis en Suède au titre d'un contingent de réfugiés et n'avaient pas obtenu l'asile dans les mêmes circonstances que les demandeurs d'asile arrivant habituellement en Suède. À cette occasion, on ne leur avait pas demandé s'ils avaient subi des tortures et des mauvais traitements au Viet Nam ou s'ils risquaient d'avoir des ennuis en cas de retour dans leur pays.

9.5Au sujet du premier auteur, M. V.X.N., le conseil indique que la question de savoir s'il avait été torturé ou risquait de l'être en cas de retour n'avait à aucun moment été abordée ni par les magistrats ni par l'avocat de la défense au cours de la procédure judiciaire et qu'en l'occurrence l'auteur ne pensait pas ce point susceptible de présenter un quelconque intérêt. Dans le cas de M. H.N., en revanche, le conseil indique que ce point a été porté à l'attention du tribunal de district par l'avocat de la défense. Pour motiver sa décision de ne pas extrader les auteurs, le tribunal s'était toutefois uniquement fondé sur le fait que malgré l'amélioration considérable de la situation observée depuis quelque temps au Viet Nam on ne pouvait affirmer que les prévenus n'étaient plus des réfugiés. Si l'avocat de la défense n'avait pas invoqué devant la cour d'appel la crainte des auteurs d'être torturés à leur retour au Viet Nam, c'est parce qu'il pensait, compte tenu de la décision prise par le tribunal de district, que la cour d'appel ne statuerait pas dans le sens de l'expulsion.

9.6Le conseil fait en outre observer au Comité que si un interprète vietnamien était effectivement présent à tous les entretiens, les auteurs avaient signalé que des différences considérables existaient entre les dialectes parlés dans le nord et dans le sud du Viet Nam. Le Service suédois de l'immigration fait habituellement appel à des interprètes originaires du nord du pays alors que les auteurs viennent du sud. Selon le conseil, cette difficulté explique certaines des incohérences mentionnées par l'État partie.

9.7En réponse à l'affirmation de l'État partie selon laquelle il n'avait dans aucun cas été possible d'établir la véracité des nombreux récits faisant état de fusillades entre personnes tentant de fuir le Viet Nam et poursuivants dans les années 80, l'avocat estime qu'il ne saurait en aller autrement vu que les ressortissants vietnamiens déjà rapatriés au Viet Nam n'avaient aucun intérêt à ce que ces rumeurs soient confirmées et qu'on ne pouvait attendre du HCR qu'il enquête et recueille des preuves de la culpabilité de personnes auxquelles il est censé venir en aide.

9.8Le conseil fait observer que l'allusion faite par l'État partie dans ses observations initiales et ses observations supplémentaires en date du 19 octobre 1999 au cas de deux autres ressortissants vietnamiens déjà rapatriés au Viet Nam ne devrait pas être prise en considération par le Comité, toutes les demandes d'asile devant être examinées au cas par cas.

9.9S'ajoutant à ces observations applicables aux deux auteurs, le conseil fait valoir ce qui suit concernant les fonds respectifs de ces deux communications.

Le cas de M. V.X.N.

10.1Le conseil estime que dans son appréciation des risques encourus par l'auteur, l'État partie n'accorde pas suffisamment d'importance aux résultats de l'examen médical. En effet, les souffrances physiques que l'auteur affirme avoir endurées sont telles qu'elles peuvent expliquer les incohérences que présente selon l'État partie le récit fait par l'auteur des actes de torture dont il a été victime et sur lequel l'État partie se fonde pour mettre en doute la crédibilité de l'auteur.

10.2Le conseil note que l'État partie a fait valoir que l'auteur n'avait produit aucune pièce (copie du jugement) prouvant qu'il avait effectivement été condamné à 12 ans de prison et a relevé certaines invraisemblances concernant le séjour en prison de l'auteur et son évasion. Le conseil indique que voilà 23 ans au Viet Nam le jugement n'avait pas été communiqué directement à l'auteur mais remis à l'avocat chargé de sa défense, dont il avait oublié le nom depuis. L'auteur avait cependant fourni des détails concernant le procès proprement dit, à savoir qu'il avait eu lieu dans la ville de Nha Trang et que l'enquête avait été effectuée par le canton de Khanh Hoa.

10.3Pour ce qui est des "invraisemblances" signalées par l'État partie, le conseil fait valoir qu'il n'y a aucune raison de mettre en doute les affirmations de l'auteur selon lesquelles ses trois premiers enfants ont été conçus pendant sa période de détention. Pour être autorisés à partager quelques moments d'intimité avec leur épouse à l'occasion d'une visite, malgré le règlement l'interdisant, les prisonniers avaient en effet la possibilité de soudoyer les gardiens. S'agissant des doutes émis par l'État partie quant à la possibilité pour l'auteur d'avoir trouvé dans la région considérée une île inhabitée où se cacher après son évasion de prison, il est très facile de confirmer l'existence, au large de Nha Trang, de l'île pratiquement inhabitée de Vung Me sur laquelle l'auteur affirme s'être caché.

10.4Le conseil précise en outre que les déclarations attribuées à l'auteur au cours du premier entretien, en 1992, concernant sa condamnation à une peine d'emprisonnement résultent d'un malentendu tenant à ce que suite à sa condamnation de 1976, l'auteur avait été incarcéré dans trois établissements pénitentiaires différents pour y purger sa peine avant de s'évader au bout de neuf ans. Le conseil affirme que toutes les autres incohérences relevées dans les affirmations de l'auteur concernant les actes de torture à son encontre, sa condamnation, son emprisonnement et son évasion sont sans incidence quant au fond et qu'il convient de prendre en considération l'intervalle considérable de temps s'étant écoulé depuis ces événements.

10.5Le conseil affirme en outre que la protection prévue à l'article 3 de la Convention ne s'applique pas seulement au risque d'être soumis à la torture par les autorités vietnamiennes, mais aussi au cas où les autorités ne seraient pas en mesure de fournir à un individu une protection suffisante contre des agissements criminels sur le territoire vietnamien. Le conseil renvoie à ce propos à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme.

10.6Enfin, se référant aux observations supplémentaires de l'État partie en date du 5 octobre 1999, le conseil affirme que les renseignements fournis par les autorités vietnamiennes au sujet du casier judiciaire de l'auteur sont inexacts et que l'auteur a bien été condamné en 1976 à 12 ans de prison par un tribunal de Nha Trang.

Le cas de M. H.N.

11.1Le conseil estime que les incohérences relevées par l'État partie dans les informations fournies par l'auteur participent davantage de l'exégèse que du fond puisqu'elles peuvent tout simplement s'expliquer par le fait que l'on a fait appel à des interprètes différents à chaque entretien avec l'auteur ou par la manière dont ses déclarations ont été consignées en ces différentes occasions. Le conseil se réfère notamment à l'affirmation de l'État partie selon laquelle la requête déposée par l'auteur auprès du Gouvernement en janvier 1998, dans laquelle il affirme avoir été découvert alors qu'il préparait en secret son départ du Viet Nam puis avoir été arrêté et torturé, amoindrirait sa crédibilité. Le conseil fait valoir que ces déclarations ne sont nullement contradictoires avec le fait que l'auteur était recherché par les autorités pour s'être évadé d'un camp de déminage ou pour avoir été membre d'un mouvement de résistance, voire pour ces deux motifs.

11.2S'agissant de l'engagement de l'auteur dans la résistance, le conseil conteste l'affirmation de l'État partie selon laquelle les membres de différentes organisations de défense des droits de l'homme et les fonctionnaires du HCR devraient nécessairement être au courant des activités menées voilà 14 ans par un petit groupe de résistants anticommunistes à Nha Trang.

11.3Le conseil réfute en outre la dramatisation progressive du récit fait par l'auteur de sa fuite et de la fusillade à laquelle elle a donné lieu que fait valoir l'État partie. À son avis c'est plutôt dans les interrogatoires intervenus lors des entretiens successifs que l'on dénote une escalade dramatique et il rappelle que lors du premier entretien avec la police en 1991, l'auteur n'a pas été invité à raconter en détail sa fuite du Viet Nam. Il conteste par ailleurs l'affirmation de l'État partie selon laquelle rien ne permet de penser que la police a émis un mandat d'arrêt contre l'auteur, rappelant au Comité que dans un premier temps les autorités vietnamiennes ont refusé le rapatriement des auteurs au motif que ces derniers avaient commis des crimes au Viet Nam avant leur fuite.

11.4Le conseil fait valoir que produire des preuves autres qu'un certificat médical à l'appui de ses déclarations était impossible à l'auteur vu les circonstances de sa fuite, ajoutant que l'on ne pouvait à divers titres attendre de l'auteur qu'il s'adresse aux autorités vietnamiennes pour obtenir des preuves écrites de ces événements et que la police, pour des raisons évidentes, n'avait pas pour habitude de fournir des preuves écrites des tortures pratiquées.

11.5Enfin, se référant aux observations supplémentaires de l'État partie en date du 5 octobre 1999 dans lesquelles il est indiqué que l'auteur ne possède pas de casier judiciaire au Viet Nam, le conseil souligne que cette constatation n'est pas en contradiction avec les dires de l'auteur, qui a indiqué ne pas avoir été traduit en justice au Viet Nam pour un quelconque délit.

Observations complémentaires de l'État partie

12.1Dans son mémoire complémentaire daté du 8 février 2000, l'État partie précise que le Viet Nam n'a jamais opposé de refus au rapatriement des auteurs, mais indique se heurter depuis de nombreuses années à des difficultés pour le rapatriement de citoyens vietnamiens, l'obtention de l'accord du Gouvernement vietnamien nécessitant de longues négociations entre les deux pays dans un grand nombre de cas de rapatriement.

12.2L'État partie signale que l'ambassade de Suède à Hanoi a confirmé que la langue vietnamienne comptait plusieurs dialectes présentant des différences de prononciation et parfois de vocabulaire, mais que ces différences étaient mineures. L'État partie rappelle en outre que la langue écrite est la même dans tout le pays.

12.3Enfin, se référant à l'affirmation de M. V.X.N. selon laquelle il risque d'être victime de mauvais traitements de la part d'un particulier à son retour au Viet Nam, l'État partie tient à souligner qu'aucun élément d'information ne permet d'affirmer que les autorités vietnamiennes ne seraient pas en mesure d'assurer la protection de l'auteur contre une telle éventualité. Il affirme que la jurisprudence mentionnée par le conseil à ce sujet se rapporte uniquement à l'interprétation de la Convention européenne des droits de l'homme et n'est pas applicable à la Convention contre la torture.

Délibérations du Comité

13.1Avant d'examiner une plainte soumise dans une communication, le Comité contre la torture doit décider si cette communication est recevable au titre de l'article 22 de la Convention. Se référant au paragraphe 5 a) de cet article, le Comité prend note de l'opinion de l'État partie selon laquelle le HCR a déjà examiné les cas des auteurs afin de déterminer si une décision d'expulsion serait compatible avec les obligations souscrites par l'État partie au titre du paragraphe 2 de l'article 33 de la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés. Il relève cependant que ni la Convention sur les réfugiés ni le Statut du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés ne prévoit la mise en place d'une procédure internationale d'enquête ou de règlement. Le Comité estime qu'une opinion ou qu'un avis écrit rendu par une instance régionale ou internationale sur un problème d'interprétation du droit international en rapport avec une affaire particulière ne signifie pas que cette affaire a fait l'objet d'une procédure internationale d'enquête ou de règlement.

13.2Le Comité estime en outre que tous les recours internes ont été épuisés et que rien ne s'oppose plus à ce qu'il déclare la communication recevable. L'État partie et le conseil de l'auteur ayant chacun formulé des observations sur le fond des communications, le Comité passe sans plus attendre à l'examen de celles‑ci quant au fond.

13.3Le Comité doit décider, en application du paragraphe 1 de l'article 3 de la Convention, s'il existe des motifs sérieux de croire que les auteurs risqueraient d'être soumis à la torture s'ils étaient renvoyés au Viet Nam. Pour se prononcer sur ce point, le Comité doit, selon le paragraphe 2 de l'article 3, tenir compte de toutes les considérations pertinentes, y compris l'existence d'un ensemble de violations systématiques des droits de l'homme, graves, flagrantes ou massives. Le but de cette évaluation, cependant, est de déterminer si l'intéressé risque personnellement d'être soumis à la torture dans le pays où il serait renvoyé. Il s'ensuit que l'existence, dans un pays, d'un ensemble de violations systématiques des droits de l'homme graves, flagrantes ou massives ne constitue pas en soi une raison suffisante de conclure qu'une personne donnée serait en danger d'être soumise à la torture à son retour dans ce pays. Il doit exister des raisons particulières de penser que l'intéressé serait personnellement en danger. Pareillement, l'absence d'un ensemble de violations flagrantes et systématiques des droits de l'homme ne signifie pas forcément qu'une personne ne court pas le risque d'être soumise à la torture dans la situation particulière qui est la sienne.

13.4Le Comité rappelle le caractère absolu de l'obligation qui découle pour les États parties du paragraphe 1 de l'article 3 de la Convention. À ce propos, il relève qu'en application de la loi sur les étrangers adoptée par la Suède en 1989, il est strictement interdit d'expulser un étranger vers un pays donné s'il existe des raisons suffisantes de penser qu'il pourrait y encourir la peine capitale ou des châtiments corporels ou y être soumis à la torture ou à d'autres traitements ou châtiments inhumains ou dégradants.

13.5Le Comité note que l'arrêt d'expulsion rendu par la cour d'appel à l'encontre des auteurs l'a été en se fondant sur l'avis du Service suédois de l'immigration qualifiant d'insuffisantes les informations relatives à leur situation. Il relève en outre que les entretiens complémentaires avec les auteurs destinés à évaluer l'existence d'un risque n'ont eu lieu qu'après que ces derniers eurent présenté des communications au Comité et à la suite d'une demande adressée par leur conseil au Ministère de la justice.

13.6Compte tenu de ce qui précède, le Comité considère que les activités des auteurs au Viet Nam et leurs antécédents de détention et de torture doivent être pris en considération pour déterminer s'ils risquent d'être torturés en cas de rapatriement. Il note à cet égard que l'État partie a souligné les incohérences que présente le récit des événements par les auteurs et a mis en doute la véracité de leurs dires. En l'espèce, le Comité estime que certains doutes subsistent quant à la crédibilité des auteurs même si plusieurs divergences peuvent s'expliquer par des problèmes de compréhension entre les auteurs et les interprètes, par le temps considérable s'étant écoulé depuis la fuite des auteurs du Viet Nam ou par le déroulement de la procédure.

13.7Malgré ce qui précède, tout en ayant connaissance de la situation des droits de l'homme au Viet Nam, le Comité, vu notamment le temps écoulé depuis la fuite des auteurs et le fait que leur départ illicite du Viet Nam vers le milieu des années 80 n'est plus considéré comme un délit par les autorités vietnamiennes, estime infondées les affirmations des auteurs selon lesquelles ils courraient personnellement le risque d'être soumis à la torture s'ils rentraient maintenant au Viet Nam. À cet égard, le Comité relève que le fait qu'ils risquent d'être emprisonnés à leur retour au Viet Nam ne saurait justifier à lui seul l'octroi de la protection prévue à l'article 3 de la Convention.

13.8Le Comité rappelle que, aux fins de la Convention, l'une des conditions nécessaires pour que l'on puisse parler d'actes de torture est qu'ils aient été infligés par un agent de la fonction publique ou toute autre personne agissant à titre officiel ou à son instigation ou avec son consentement exprès ou tacite. Le Comité considère que la question de savoir si l'État partie a l'obligation de ne pas expulser une personne qui risque de se voir infliger une douleur ou des souffrances par un particulier, sans le consentement exprès ou tacite des autorités, est en dehors du champ d'application de l'article 3 de la Convention.

14.Le Comité contre la torture, agissant en vertu du paragraphe 7 de l'article 22 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, estime que les faits dont il est saisi ne font pas apparaître de violation de l'article 3 de la Convention.

[Fait en anglais (version originale) et traduit en espagnol, en français et en russe.]

10. Communication No 137/1999

Présentée par :G. T. (nom supprimé)[représenté par un conseil]

Au nom de :L'auteur

État partie :Suisse

Date de la communication :27 mai 1999

Le Comité contre la torture, institué conformément à l'article 17 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,

Réuni le 2 mai 2000,

Ayant achevé l'examen de la communication No 137/1999 présentée au Comité contre la torture en vertu de l'article 22 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,

Ayant tenu compte de toutes les informations qui lui ont été communiquées par l'auteur de la communication et l'État partie,

Adopte la décision suivante :

1.1L'auteur de la communication est M. G.T., citoyen turc d'origine ethnique kurde, né en 1975, vivant actuellement en Suisse où il a demandé asile le 27 juillet 1995. Cette demande ayant été rejetée, il soutient que son rapatriement forcé vers la Turquie constituerait une violation par la Suisse de l'article 3 de la Convention contre la torture. Il est représenté par un conseil.

1.2Conformément au paragraphe 3 de l'article 22 de la Convention, le Comité a porté la communication à l'attention de l'État partie le 18 juin 1999. Dans le même temps, le Comité, agissant en vertu du paragraphe 9 de l'article 108 de son règlement intérieur, a demandé à l'État partie de ne pas expulser l'auteur vers la Turquie tant que sa communication serait en cours d'examen. Le 18 octobre 1999, l'État partie a informé le Comité que des mesures avaient été prises pour faire en sorte que l'auteur ne soit pas renvoyé vers la Turquie tant que sa communication serait pendante devant le Comité.

Rappel des faits présentés par l'auteur

2.1L'auteur est originaire du sud‑est de la Turquie; il est né le 25 novembre 1975 à Dogan Köy, village situé près d'Erzincan, et y a vécu jusqu'en 1993. Il affirme qu'à cette époque, les villageois étaient soumis à la torture par l'armée turque et les jeunes gens étaient systématiquement arrêtés, soupçonnés d'être partisans, maquisards ou guérilleros, et torturés; et ce, particulièrement dans le village de Dogan Köy qui, d'après l'auteur, était notoirement connu pour son attachement au Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK).

2.2Au cours de sa jeunesse, l'auteur quitta ce village avec ses parents pour aller s'établir à Istanbul. Étudiant, il fut fort actif en politique. Sympathisant de l'organisation YCK, branche jeunesse du PKK, jusqu'en 1992, l'auteur participait aux manifestations, aux réunions, à la distribution de tracts. Il recueillait en outre de l'argent pour la cause et participait au recrutement de nouveaux adeptes.

2.3Le 29 mai 1995, l'auteur quitta la Turquie pour rejoindre en Suisse son frère, citoyen helvétique. Ce départ était également motivé par sa crainte de devoir effectuer son service militaire. Il introduisit une demande d'asile le 27 juillet 1995 qui fut rejetée le 3 novembre de la même année. Appelée à statuer sur son recours, la Commission suisse de recours en matière d'asile confirma la décision de rejet initiale le 29 avril 1999.

2.4Depuis son établissement en Suisse, l'auteur allègue que la police s'est rendue chez ses parents à Istanbul à plusieurs reprises à cause de sa qualité d'opposant actif et de déserteur. Après quelques visites, et sous la pression, les parents ont avoué à la police que l'auteur s'était réfugié en Suisse et y avait demandé asile. En conséquence, le consulat de Turquie à Genève a, par deux fois, envoyé à son frère des convocations à se rendre au consulat afin que l'auteur s'explique sur sa situation en Suisse et sur le problème de son service militaire. L'auteur n'y a pas donné suite.

2.5Outre les faits relevés ci‑dessus, l'auteur invoque des problèmes vécus par des membres de sa famille et qui pourraient lui causer préjudice en cas de retour. Il affirme à ce propos que deux de ses cousines et deux de ses cousins, qui habitaient dans son village natal et ont eu des activités politiques actives dans la guérilla du PKK, ont été tués durant des affrontements avec l'armée turque. Le visage de l'une des deux jeunes filles était tellement abîmé que son identification ne fut rendue possible que par la présence d'une dent en or.

Teneur de la plainte

3.1L'auteur affirme que son retour forcé en Turquie constituerait une violation par la Suisse de ses obligations au regard de la Convention, puisque, vu les raisons qui ont motivé son départ de Turquie, il existe des motifs sérieux de croire qu'il risquerait d'être torturé.

3.2Après avoir donné un bref aperçu historique de la question kurde, l'auteur souligne que la torture est institutionnalisée en Turquie et que, selon Amnesty International, sur près de 250 000 personnes arrêtées entre 1980 et 1988 pour des raisons politiques, presque toutes ont été torturées. L'auteur rappelle également que, selon Amnesty International, 2 500 personnes ont été tuées durant la seule année 1996, au cours de laquelle l'état d'urgence est resté en vigueur sans discontinuité. Pendant l'état d'urgence, la durée maximale de la garde à vue est de dix jours dont quatre au secret. Or il est communément admis que la détention au secret favorise les actes de torture. Ainsi, un nommé C.S., après avoir déserté durant son service militaire, explique avoir été l'objet de traitements extrêmement brutaux, comme l'introduction d'une matraque dans l'anus et l'administration de décharges électriques sur les parties génitales.

3.3Toujours selon Amnesty International, le Comité européen pour la prévention de la torture a affirmé, dans sa deuxième déclaration publique sur la Turquie, que la torture restait largement répandue dans le pays et que de nouveaux instruments de torture avaient été trouvés en 1992 au siège de la police de Dyarbakir et d'Ankara, notamment un instrument modifié pour administrer des décharges électriques et un autre pour suspendre une personne par les bras. Amnesty International rappelle aussi le jugement de la Cour européenne des droits de l'home ayant déclaré les forces de sécurité turques responsables de l'incendie de maisons dans un village du sud‑est de la Turquie.

3.4À propos du service militaire, l'auteur relève que, selon Amnesty International, il n'y a pas en Turquie de droit à l'objection de conscience et qu'aucun service civil n'est prévu en remplacement du service militaire. En outre, selon Denise Graf, citée par l'auteur comme une des personnes qui connaît le mieux la situation des insoumis et des réfractaires en Turquie, les soldats turcs d'origine kurde sont régulièrement envoyés dans les provinces soumises à l'état d'urgence. Il existe des risques réels pour que les soldats d'origine kurde qui doivent faire leur service militaire dans ces régions soient soumis à des mauvais traitements, surtout si eux‑mêmes, ou un membre de leur famille, ont eu des activités politiques.

3.5L'auteur estime que s'il était renvoyé en Turquie, il serait immédiatement arrêté à l'aéroport d'Ankara et devrait avouer avoir demandé l'asile en Suisse pour les différentes raisons exposées ci‑dessus. Il serait alors incorporé dans l'armée et envoyé dans la région dont il est issu, où il subirait des mauvais traitements et devrait commettre des exactions contre les siens. Au cours de son service militaire, il serait jugé pour sa désertion et devrait purger sa peine à l'issue de son service militaire, peine durant laquelle il subirait encore des mauvais traitements.

Observations de l'État partie sur la recevabilité et le bien ‑fondé de la communication

4.1L'État partie n'a pas contesté la recevabilité de la communication et, dans une lettre datée du 20 décembre 1999, a formulé des observations sur son bien‑fondé.

4.2L'État partie rappelle que la Commission suisse de recours en matière d'asile a procédé à un examen circonstancié des allégations de l'auteur au sujet des risques de persécution qu'il encourrait éventuellement en cas de retour en Turquie.

4.3À propos des risques liés à sa désertion, la Commission a tout d'abord estimé que la législation de l'État partie sur l'asile ne permet pas à une personne d'obtenir le statut de réfugié sur la seule base de son aversion au service militaire ou de sa peur du combat. En outre, il faut en effet prouver soit que la punition pour insoumission ou désertion est totalement disproportionnée pour des motifs déterminants en matière d'asile, soit que le déserteur serait persécuté pour les mêmes motifs, par exemple, dans le cas présent, si l'État turc appelait au service militaire des groupes de population en fonction de critères politiques ou analogues. Tel n'est, selon les informations mises à la disposition de la Commission, pas le cas en Turquie où les appels se font uniquement sur base de la nationalité et de la naissance de l'appelé. L'origine ethnique kurde de l'auteur ne représenterait donc pas un risque pour lui d'être envoyé sur le front de l'est. De plus, la Commission a soulevé que l'auteur n'avait apporté aucune pièce tendant à prouver qu'il était recherché par les autorités turques pour ce motif. La Commission rappelle même que c'est uniquement parce qu'il lui avait été demandé, lors de sa demande d'asile, s'il avait eu des problèmes avec l'armée que l'auteur a mentionné cette insoumission au service militaire; il avait jusque là confirmé qu'il n'avait pas d'autres motifs pour demander l'asile. À ce moment, l'auteur a en outre été très évasif sur les questions qui lui étaient posées à propos de son service militaire, démontrant par là qu'il ne connaissait pas la procédure de recrutement, ce qui, étant donné la portée d'un acte de désertion, permet d'avoir de sérieux doutes concernant la réalité des allégations de l'auteur à ce sujet. Enfin, la Commission suisse de recours en matière d'asile a relevé que, selon ses informations, il n'existait pas de peines disproportionnées pour les réfractaires au service militaire en Turquie.

4.4Quant aux activités politiques de l'auteur, l'État partie souligne que la même Commission a considéré que ses dires n'étaient pas suffisamment étayés, qu'il n'avait jamais été arrêté ou fait l'objet d'une procédure pour cette raison, et qu'il avait déjà affirmé avoir quitté son pays uniquement parce qu'il ne voulait pas servir dans l'armée turque.

4.5S'agissant plus généralement de persécutions en raison de son appartenance ethnique kurde, la Commission suisse de recours en matière d'asile a relevé que l'auteur résidait dans l'ouest de la Turquie (Bursa, et ensuite Istanbul) où ses problèmes n'étaient pas si importants et, en tout cas, pas plus importants que ceux vécus par le reste de la population kurde de cette région.

4.6Sous l'angle de l'article 3 de la Convention, l'État partie rappelle que le risque de torture doit non seulement être évalué sous l'angle de la situation générale par rapport aux droits de l'homme qui règne dans le pays en question, mais également sous l'angle d'éléments qui tiennent à la personnalité même de l'auteur. L'État partie souligne donc qu'il doit exister un risque prévisible, réel et personnel que l'auteur soit torturé dans le pays vers lequel il est renvoyé.

4.7L'État partie rappelle que lors de son examen d'autres communications émanant de ressortissants turcs, le Comité avait souligné que la situation des droits de l'homme en Turquie était préoccupante, et ce particulièrement pour les militants du PKK qui étaient fréquemment torturés. Cependant, dans les cas où le Comité avait constaté une violation de l'article 3 de la Convention, il avait préalablement constaté que les auteurs étaient engagés politiquement au sein du PKK ou avaient été détenus et torturés avant leur départ, ou encore avaient des preuves supplémentaires par rapport à leurs allégations. Par contre, dans les cas où le Comité n'avait pas constaté de violation, il avait considéré que l'auteur n'avait jamais fait l'objet de poursuites pour des faits précis ou que les poursuites n'étaient pas dirigées contre lui, mais contre des membres de sa famille, ou encore que depuis son départ de Turquie, l'auteur ou les membres de sa famille n'avaient ni été intimidés ni recherchés et il n'avait plus collaboré avec le PKK.

4.8En l'espèce, l'État partie renvoie tout d'abord à la jurisprudence du Comité selon laquelle le seul risque d'arrestation ne constitue pas en soi la preuve d'un risque de torture. L'auteur doit encore prouver que son acte de désertion et ses activités politiques sont la cause d'un risque réel de torture en cas de retour.

4.9L'État partie souligne le temps mis par l'auteur à demander l'asile et considère que cela ne correspond pas à l'attitude d'une personne qui craint d'être torturée en cas de retour dans son pays. Il estime même que ce n'est que suite à son arrestation par la police fribourgeoise le 8 juillet 1995 que l'auteur a demandé l'asile en vue d'éviter l'expulsion immédiate.

4.10Les éléments précédents ont également conduit l'État partie à présumer que l'auteur n'avait en réalité pas quitté la Turquie le 2 juin 1995 comme il le prétendait. Il ressort en effet du dossier de l'auteur que ce dernier aurait obtenu un visa pour la Suisse le 15 juin 1992. Or il ne figure aucune mention sur son passeport qui confirmerait son retour en Turquie à l'expiration de ce visa. Dans cette mesure, et compte tenu des informations selon lesquelles les contrôles de passeport à l'entrée du territoire turc sont assez rigoureux, l'État partie en conclut que l'auteur est en fait arrivé sur le territoire suisse le 15 juin 1992, et non le 2 juin 1995, et y a vécu illégalement jusqu'à la date de sa demande d'asile. Les affirmations selon lesquelles l'auteur se serait engagé au sein du PKK durant l'année 1993 perdent dès lors d'autant plus de crédibilité, puisqu'il devait vraisemblablement être en Suisse à cette époque.

4.11La crainte de l'auteur d'être arrêté suite à ses activités politiques, notamment en raison de l'arrestation de certains de ses camarades qui avaient participé à la même manifestation, est incompatible avec les dires de l'auteur selon lesquels ils participaient aux manifestations sous des noms de code; de cette manière, ni l'auteur ni ses camarades ne pouvaient en effet connaître leurs noms respectifs.

4.12L'État partie souligne également que l'auteur a invoqué dans sa communication trois nouveaux arguments qu'il n'avait jamais soulevés durant sa demande d'asile alors que rien n'empêchait qu'ils le soient. Il s'agit de la notoriété de son village natal pour son attachement au PKK, des prétendues recherches menées par la police au domicile de ses parents en Turquie, et de la mort de deux de ses cousins et deux de ses cousines suite à leurs activités au sein du PKK. Outre le fait qu'il est surprenant qu'ils n'aient pas été soulevés antérieurement, ces arguments ne pourraient justifier les risques de torture invoqués par l'auteur dans la mesure où ce dernier a quitté son village natal en 1990 et n'a jamais parlé de problèmes qu'il aurait vécus dans les différents endroits où il a séjourné par la suite. De la même manière, en plus du fait que la mort des membres de sa famille n'est étayée par aucune preuve, la persécution et la mort de certains membres de sa famille ne permettent pas de conclure, selon la jurisprudence du Comité, au risque de torture pour l'auteur.

4.13Quant aux nouvelles pièces que l'auteur a produites concernant son refus de répondre à la conscription, l'État partie fait remarquer que l'attestation émanant du maire de Calgi peut être mise en doute. Outre le fait que la délivrance de ce type d'attestation n'est pas dans les attributions d'un maire de village, le document n'apporte en effet aucun élément concret concernant la manière dont son auteur a reçu les informations, ce qui porte l'État partie à croire qu'il s'agit d'un document de complaisance. De plus, il est surprenant que ce document ait été traduit par le traducteur juré du consulat de Turquie à Genève alors que c'est justement ce dernier qui avait mené les recherches en vue de le retrouver. Les craintes de l'auteur relatives à ces recherches sont incompatibles avec cette demande de service. En ce qui concerne la lettre de son frère dans laquelle il est confirmé que l'auteur avait reçu du consulat de Turquie deux convocations militaires en 1997 et 1998, l'État partie n'est pas convaincu par l'explication selon laquelle le frère aurait gardé ces convocations s'il avait prévu les problèmes de l'auteur alors que ce dernier était au moment des convocations justement en appel de la décision de l'Office des réfugiés. De plus, il y a contradiction entre l'auteur et son frère à propos des dates des convocations, ces dernières ayant eu lieu en 1995 et 1997 pour le premier et entre 1997 et 1998 pour le deuxième.

4.14L'État partie insiste encore sur le fait que le recrutement dans l'armée turque se fait uniquement sur la base de la nationalité et de la date de naissance des appelés et qu'en raison du système d'enregistrement de la population en Turquie, un recrutement sur la base d'une appartenance ethnique serait impossible techniquement. L'envoi systématique de conscrits kurdes dans le sud‑est de la Turquie ne serait pas non plus logique dans la mesure où l'État turc est obligé de disposer dans cette région de soldats qui lui sont totalement dévoués et en qui il a une confiance totale. Enfin, les juges compétents en matière de désertion n'ont jusqu'à présent infligé que des peines très légères en ce qui concerne l'insoumission.

Observations supplémentaires de l'auteur

5.1Par une lettre du 25 février 2000, l'auteur a formulé ses remarques à propos des observations de l'État partie sur le bien‑fondé de la communication.

5.2En ce qui concerne la décision de la Commission suisse de recours en matière d'asile, l'auteur avance comme exemple d'envoi de soldat à l'est pour combattre d'autres Kurdes le cas de A. P., cité par Denise Graf, qui est mort en service durant l'été 1999, mais dont on ignore encore les raisons du décès.

5.3À propos des convocations, l'auteur avance que c'est bien son frère qui lui a appris qu'un ordre de marche avait été émis à son nom en Turquie et qui a reçu les deux convocations. Le frère devait, selon ces convocations, se présenter au consulat de Turquie à Genève pour expliquer la situation de l'auteur. Le consulat n'a malheureusement pas gardé copie des convocations qui sont selon l'usage renvoyées en Turquie après un mois. En outre, l'auteur mentionne qu'il a bien précisé que c'était "sauf erreur" qu'il citait les dates de 1995 et 1997; l'argument de l'État partie sur ce point est donc sans pertinence.

5.4L'auteur rappelle qu'outre la peine de deux à trois ans d'emprisonnement qui est infligée aux réfractaires, ces derniers ne sont pas libérés de leur service militaire à l'issue de la peine; c'est précisément cette injustice que l'auteur dénonce.

5.5L'auteur confirme que ses activités politiques consistaient en la participation à des manifestations, à des réunions, la distribution de tracts, l'accueil de personnes et la collecte de fonds.

5.6Sous l'angle de l'article 3 de la Convention, l'auteur craint outre la peine qu'il encourt pour désertion et les tortures qu'il subira durant cette peine, le fait d'être envoyé au front et le risque d'être tué lors d'un affrontement.

5.7En ce qui concerne le laps de temps entre son arrivée en Suisse et sa demande d'asile, l'auteur avait déjà expliqué à la Commission suisse des recours en matière d'asile que ce retard n'avait aucune incidence sur les raisons de sa demande d'asile. En outre, le frère de l'auteur lui avait conseillé de se reposer avant d'introduire sa demande parce qu'il avait peur et était stressé.

5.8Au sujet de la date de son arrivée en Suisse, l'auteur conteste que les contrôles à l'entrée en Turquie soient systématiques. Il relève en outre qu'il avait 17 ans à l'époque de son retour, ce qui lui donnait une physionomie qui n'est pas de nature à attirer l'attention des douaniers.

5.9L'auteur confirme le caractère officiel de l'attestation du maire de Calgi et souligne que l'interprète du consulat est souvent choisi à Fribourg comme traducteur et sait agir dans la discrétion en respectant le secret professionnel.

5.10L'auteur réitère ses affirmations selon lesquelles les réfractaires kurdes sont régulièrement envoyés sur le front du sud‑est pour combattre d'autres Kurdes et se réfère à ce titre encore une fois aux propos de Denise Graf.

5.11Enfin, l'auteur avance comme faits nouveaux qu'il a perdu son père le 11 février 2000 à Bursa et que par crainte il n'a pas voulu se rendre à l'enterrement alors que toute sa famille y allait. En outre, l'évolution du conflit entre l'État turc et les Kurdes fait croire à l'auteur que les risques restent aussi importants pour sa personne. S'appuyant sur différents articles de presse, il fait notamment référence aux exactions commises par le Hezbollah contre les Kurdes et au fait que l'annonce du PKK d'abandonner la lutte armée est surtout destinée à sauver la tête de son dirigeant. Pour démontrer que le conflit continue bel et bien, l'auteur rappelle que trois maires kurdes ont récemment été arrêtés pour leurs liens présumés avec le PKK.

Délibérations du Comité

6.1Avant d'examiner toute plainte contenue dans une communication, le Comité contre la torture doit décider si elle est ou non recevable en vertu de l'article 22 de la Convention. Le Comité s'est assuré, comme il est tenu de le faire conformément à l'alinéa a) du paragraphe 5 de l'article 22 de la Convention, que la même question n'a pas été examinée et n'est pas en cours d'examen devant une autre instance internationale d'enquête ou de règlement. Dans le cas d'espèce, le Comité note aussi que tous les recours internes sont épuisés et que l'État partie n'a pas contesté la recevabilité. Il estime donc que la communication est recevable. L'État partie et l'auteur ayant chacun formulé des observations sur le fond de la communication, le Comité procède à l'examen quant au fond.

6.2Le Comité doit se prononcer sur le point de savoir si le renvoi de l'auteur vers la Turquie violerait l'obligation de l'État partie, en vertu de l'article 3 de la Convention, de ne pas expulser ou refouler une personne vers un autre État où il y a des motifs sérieux de croire qu'elle risque d'être soumise à la torture.

6.3Le Comité doit décider, comme le prévoit le paragraphe 1 de l'article 3, s'il existe des motifs sérieux de croire que l'auteur risquerait d'être soumis à la torture s'il était renvoyé en Turquie. Pour prendre cette décision, le Comité doit tenir compte de toutes les considérations pertinentes, conformément au paragraphe 2 de l'article 3, y compris l'existence d'un ensemble de violations systématiques des droits de l'homme, graves, flagrantes ou massives. Toutefois, le but de cette analyse est de déterminer si l'intéressé risquerait personnellement d'être soumis à la torture dans le pays où il serait renvoyé. Il s'ensuit que l'existence, dans un pays, d'un ensemble de violations systématiques des droits de l'homme, graves, flagrantes ou massives ne constitue pas en soi une raison suffisante d'établir qu'une personne donnée serait en danger d'être soumise à la torture à son retour dans ce pays. Il doit exister d'autres motifs qui donnent à penser que l'intéressé serait personnellement en danger. Pareillement, l'absence d'un ensemble de violations flagrantes et systématiques des droits de l'homme ne signifie pas qu'une personne ne puisse pas être soumise à la torture dans la situation particulière qui est la sienne.

6.4Le Comité rappelle son observation générale sur l'application de l'article 3, qui se lit comme suit :

"Étant donné que l'État partie et le Comité sont tenus de déterminer s'il y a des motifs sérieux de croire que l'auteur risque d'être soumis à la torture s'il est expulsé, refoulé ou extradé, l'existence d'un tel risque doit être appréciée selon des éléments qui ne se limitent pas à de simples supputations ou soupçons. En tout état de cause, il n'est pas nécessaire de montrer que le risque couru est hautement probable." (A/53/44, annexe IX, par. 6).

6.5 Dans le cas d'espèce, le Comité note que l'État partie fait état d'incohérences et de contradictions dans les récits de l'auteur permettant de douter de la véracité de ses allégations. Il prend également acte des explications fournies par le conseil à cet égard.

6.6 Sur la base des informations soumises par l'auteur, le Comité constate que les événements motivant son départ de la Turquie remontent à 1995. Néanmoins, les éléments avancés par l'État partie quant à la date réelle de l'arrivée de l'auteur en Suisse n'ont pas conduit l'auteur à développer des arguments convaincants pour le Comité ou à produire des preuves de sa présence en Turquie durant la période litigieuse.

6.7 Le Comité constate en outre que l'auteur n'a fourni aucune pièce susceptible de prouver son appartenance et ses activités au sein du PKK ou du YCK.

6.8 Enfin, le Comité estime que les éléments avancés par l'auteur au sujet de son appel sous les drapeaux ont été entachés d'incohérence, qu'il est surprenant que l'auteur n'ait pas été en mesure de produire les prétendues convocations du consulat de Turquie à Genève, et que le seul document présenté dans le but de prouver la réalité de cet appel ne contient aucun élément permettant de constater l'authenticité des faits qu'il invoque.

6.9 Se fondant sur les considérations ci ‑dessus, le Comité est d'avis que les informations dont il est saisi ne montrent pas qu'il existe des motifs sérieux de croire que l'auteur risque personnellement d'être soumis à la torture s'il est renvoyé en Turquie.

7. Le Comité contre la torture, agissant en vertu du paragraphe 7 de l'article 22 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, estime que la décision de l'État partie de renvoyer l'auteur en Turquie ne fait apparaître aucune violation de l'article 3 de la Convention.

[Fait en français (version originale) et traduit en anglais, en espagnol et en russe.]

11. Communication No 143/1999

Présentée par :S. C. (nom supprimé) [représenté par un conseil]

Au nom de :L'auteur

État partie :Danemark

Date de la communication :17 août 1999

Le Comité contre la torture, institué conformément à l'article 17 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,

Réuni le 10 mai 2000,

Ayant achevé l'examen de la communication No. 143/1999 présentée au Comité contre la torture en vertu de l'article 22 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,

Ayant tenu compte de toutes les informations qui lui ont été communiquées par l'auteur de la communication, son conseil et l'État partie,

Adopte les constatations suivantes au titre du paragraphe 7 de l'article 22 de la Convention.

1.1L'auteur de la communication est Mme S. C., d'origine équatorienne, née le 21 août 1965, actuellement demandeuse d'asile au Danemark, où elle vit avec ses trois enfants mineurs. Elle affirme qu'elle risquerait d'être soumise à la torture si elle était renvoyée en Équateur, et que son expulsion vers ce pays constituerait donc une violation par le Danemark de l'article 3 de la Convention. L'auteur est représentée par l'organisation non gouvernementale danoise "Let Bosnia Live".

1.2Conformément au paragraphe 3 de l'article 22 de la Convention, le Comité a porté la communication à l'attention de l'État partie le 29 septembre 1999, et lui a demandé, en vertu du paragraphe 9 de l'article 108 de son règlement intérieur, de ne pas expulser l'auteur vers l'Équateur tant que sa communication serait en cours d'examen. Le 29 novembre 1999, l'État partie a informé le Comité que l'auteur et ses trois enfants ne seraient pas renvoyés vers leur pays d'origine tant que sa communication serait pendante devant le Comité.

Rappel des faits présentés par l'auteur

2.1L'auteur déclare qu'elle est devenue membre du parti d'opposition illégal Partido Roldosista Ecuatoriano (PRE) à Santo Domingo en avril 1995, mais qu'elle en était déjà une sympathisante active depuis 1985. Elle dit avoir été arrêtée le 28 mai 1994, pour avoir distribué des documents de propagande politique. Elle a d'abord été incarcérée pendant trois jours; au cours de cette période, elle aurait été maltraitée, tirée par les cheveux, battue et menacée toutes les trois heures. L'auteur ajoute qu'elle a été condamnée à six mois de mise à l'épreuve; à cette occasion, on lui a retiré ses papiers, notamment son passeport, et on l'a privée de ses droits civils et politiques.

2.2.L'auteur soutient qu'elle a été de nouveau arrêtée le 13 décembre 1995, pour avoir organisé une manifestation politique non autorisée, qui aurait rassemblé 200 personnes environ, et pour y avoir participé. Elle aurait été détenue pendant 10 jours, au cours desquels on l'aurait privée de nourriture, battue et frappée à coups de matraque, avant de la condamner à 10 jours d'emprisonnement. À l'appui de sa déclaration, l'auteur fait état de copies de certificats médicaux établis par le médecin qu'elle a consulté après sa libération.

2.3.Le 26 avril 1996, l'auteur a été nommée responsable politique d'un groupe de femmes du parti. Ses tâches principales consistaient à organiser des réunions pour les femmes, en particulier dans des quartiers pauvres, et à les informer de leurs droits. Elle apportait également un soutien à des familles dans lesquelles on déplorait la disparition du père ou de la mère, voire des deux parents.

2.4Le fiancé de l'auteur, qui était également membre actif du PRE, aurait disparu en 1996, après avoir été enlevé par des policiers en civil.

2.5L'auteur indique qu'elle a été une nouvelle fois arrêtée le 27 janvier 1997 pour avoir participé à une manifestation politique à Santo Domingo, et condamnée à six mois de prison; elle affirme que pendant son incarcération elle a été insuffisamment alimentée, on lui a infligé des décharges électriques aux doigts, et on l'a violée. Après sa libération, elle a consulté un médecin, mais ne dispose pas de certificats médicaux. Elle ajoute qu'alors qu'elle était en prison, son domicile a été cambriolé et vidé de son contenu; elle a des raisons de croire que la police est à l'origine de cet incident.

2.6L'auteur précise que lorsqu'elle a été libérée, la police lui a dit de quitter le pays. Toutefois, elle a préféré rejoindre sa famille qui s'était réfugiée dans la montagne pour soustraire ses enfants aux autorités. Pendant qu'elle se cachait, sa sœur lui a appris qu'un mandat d'arrêt avait été décerné contre elle, parce qu'elle n'avait pas quitté le parti et qu'elle ne s'était pas présentée à la police après sa libération comme elle en avait reçu l'ordre. L'auteur est restée cachée dans la montagne avec ses enfants pendant six mois, avant de pouvoir quitter le pays, prétendument avec l'aide du PRE.

2.7L'auteur a quitté l'Équateur avec ses enfants le 15 août 1998, et s'est rendue en voiture en Colombie. Elle a voyagé avec un passeport valide, délivré en septembre 1996. Le 16 août 1998, elle a quitté la Colombie et elle est arrivée au Danemark le 20 août 1998, après avoir passé deux jours aux Pays‑Bas. Elle a aussitôt fait une demande d'asile.

2.8Sa demande a été refusée par les Services danois de l'immigration le 30 octobre 1998. Elle a interjeté appel de cette décision auprès du Conseil pour les réfugiés qui l'a confirmée le 17 février 1999. Le 24 mars 1999, l'organisation non gouvernementale "Let Bosnia Live" a demandé au Conseil, au nom de l'auteur, de réexaminer sa demande en tenant compte de nouveaux éléments relatifs aux activités politiques de l'auteur, notamment une lettre du PRE et une copie d'un mandat d'arrêt délivré à son encontre par le Ministère de l'intérieur, daté du 26 février 1999. Le 28 mai 1999, le Conseil a rejeté la demande de l'auteur visant à renouveler sa demande d'asile. L'appel interjeté le 30 juillet 1999 auprès du Ministre de l'intérieur, fondé sur des moyens d'ordre humanitaire, a été rejeté le 12 août 1999.

2.9L'auteur précise en outre que cette question n'a pas été examinée et n'est pas en cours d'examen par une autre instance internationale d'enquête ou de règlement.

Teneur de la plainte

3.Compte tenu des faits présentés, l'auteur craint d'être de nouveau torturée si elle est renvoyée en Équateur, et affirme que son renvoi contre son gré constituerait par conséquent une violation, par le Danemark, de l'article 3 de la Convention.

Observations de l'État partie

4.1Dans une communication du 29 novembre 1999, l'État partie informe le Comité qu'il ne conteste pas la recevabilité de la communication de l'auteur quant à la forme. Toutefois, il soutient que l'auteur n'a pas réussi à établir qu'à première vue sa communication est recevable au titre de l'article 22 de la Convention, et que le Comité devrait donc la déclarer irrecevable. Au demeurant, si le Comité décidait de ne pas la rejeter pour la raison susmentionnée, l'État partie fait valoir qu'il ressort de l'examen de l'affaire au fond qu'aucune disposition de la Convention n'a été violée.

4.2L'État partie confirme que l'auteur a suivi la procédure nationale de demande d'asile afin d'épuiser les voies de recours internes, et ajoute qu'elle a établi sa demande initiale d'asile dans sa langue maternelle, comme elle en avait le droit. Un interprète était constamment présent pendant l'entretien personnel initial, détaillé et approfondi, que les Services danois de l'immigration ont eu avec l'auteur. L'État partie ajoute que la procédure engagée devant le Conseil fait intervenir le demandeur d'asile, son avocat et un interprète, ainsi qu'un représentant des Services danois de l'immigration.

4.3Pour ce qui est de l'application de l'article 3 de la Convention à l'examen de l'affaire au fond, l'État partie souligne que c'est à l'auteur qu'il incombe de présenter des arguments défendables, conformément au paragraphe 5 de l'Observation générale sur l'application de l'article 3 adoptée le 21 novembre 1997 par le Comité.

4.4Se référant à l'Observation générale susmentionnée, l'État partie souligne que le Comité contre la torture n'est pas un organe d'appel ni un organe juridictionnel ou administratif, mais un organe de surveillance. Il fait valoir que la communication ne contient pas d'information qui n'ait pas été déjà examinée en détail par les Services danois de l'immigration et le Conseil pour les réfugiés. À son avis, l'auteur tente de se servir du Comité comme d'un organe d'appel afin d'obtenir le réexamen de la demande sur laquelle les autorités danoises de l'immigration se sont déjà prononcées.

4.5Dans sa décision du 17 février 1999, confirmant l'avis des Services de l'immigration en date du 30 octobre 1998, le Conseil pour les réfugiés a indiqué qu'il n'était pas persuadé que l'auteur avait été persécutée en raison de ses activités politiques, avant son départ de l'Équateur, ni qu'elle risquerait d'être persécutée, et notamment torturée, si elle était renvoyée dans son pays d'origine.

4.6L'État partie souligne que, conformément à la pratique du Comité, il est essentiel pour apprécier l'affaire au fond de déterminer si les informations concernant la situation dans le pays d'origine confirment les dires de l'auteur. À cet égard, l'attention du Comité est appelée sur le fait que le PRE, au sein duquel l'auteur aurait occupé un poste important, n'est pas un parti politique illégal comme celle‑ci le soutient, mais l'un des plus grands partis équatoriens; le chef de ce parti, dont l'auteur a été incapable d'identifier le nom, a en fait dirigé le Gouvernement en 1996.

4.7L'État partie rappelle les conclusions du Conseil pour les réfugiés, selon lequel les déclarations de l'auteur concernant ses prétendues détentions soulevaient quelques doutes.

4.8En outre, l'État partie souligne qu'au cours de l'entretien qu'elle a eu avec les Services danois de l'immigration, l'auteur a présenté des lettres adressées au Conseil pour les réfugiés par le Comité directeur du PRE, une copie de deux certificats médicaux, datés du 1er juin 1994 et du 23 décembre 1995, prétendument délivrés par son propre médecin, ainsi qu'un mandat d'arrêt décerné contre elle, daté du 12 août 1998, et déclaré que ledit mandat avait été émis à cette date parce qu'elle n'avait pas démissionné du parti comme elle l'avait dit. Toutefois, devant le Conseil, elle a dit que c'était parce qu'elle n'avait pas quitté le pays comme elle en avait reçu l'ordre. Elle n'avait pas reçu directement ledit mandat, mais en avait reçu une copie que lui avait adressée un ami employé par la police. L'auteur ne disposait que de copies des certificats médicaux, prétendument parce qu'elle n'avait pas d'adresse permanente et qu'elle craignait d'être en possession de documents originaux en raison de la censure de la correspondance. Après avoir comparé la teneur des documents et les déclarations connexes de l'auteur aux autres informations relatives à l'affaire, le Conseil pour les réfugiés avait estimé que ceux-ci n'étaient pas de nature à modifier la décision qui avait été prise.

4.9Il ne fallait faire que peu de cas de la déclaration de l'auteur selon laquelle elle aurait été violée durant sa dernière période de détention, dans la mesure où cette affirmation n'avait été avancée qu'au cours de la procédure devant le Conseil. Étant donné que la dernière entrevue entre les Services de l'immigration et l'auteur précédant la procédure engagée par le Conseil avait été effectuée par une femme, et que l'auteur, selon ses propres dires, avait milité politiquement en faveur des droits des femmes, le fait qu'elle n'avait jamais auparavant fait état d'un tel viol, que ce soit auprès des autorités ou de son avocat, ôtait de sa crédibilité à cette déclaration.

4.10L'État partie précise que dans sa décision du 28 mai 1999, de ne pas réexaminer l'affaire, le Conseil pour les réfugiés avait insisté sur le fait que les nouvelles informations présentées comme argument par l'auteur n'apportaient aucun élément nouveau au regard de ceux déjà examinés par le Conseil et les Services de l'immigration au cours de la procédure initiale.

4.11L'État partie appelle également l'attention du Comité sur le fait que le Conseil avait jugé improbable que l'auteur, privée de ses papiers d'identité pendant une année environ après sa prétendue libération en décembre, ait néanmoins réussi à obtenir un passeport valide en septembre 1996. En outre, il convenait d'observer que l'auteur avait donné des informations contradictoires aux autorités de l'immigration concernant son départ d'Équateur. Elle avait d'abord affirmé avoir légalement quitté le pays le 15 août 1998, avec un passeport en bonne et due forme, puis elle a indiqué qu'elle en était en fait sortie illégalement, sans avoir eu à présenter de passeport parce que c'était le soir, et qu'elle n'était pas autorisée à quitter l'Équateur puisqu'elle faisait l'objet d'un mandat d'arrêt.

4.12En conclusion, l'État partie souligne que le Conseil pour les réfugiés n'avait pas nécessairement contesté que l'auteur ait pu avoir été détenue pour avoir participé à des manifestations, comme elle l'avait indiqué, mais que cela ne constituait pas un motif suffisant pour lui accorder l'asile. À supposer même que l'auteur ait effectivement subi, dans une certaine mesure, des sévices physiques au cours de ces détentions, ce ne serait pas non plus un motif suffisant. L'État partie fait valoir que, conformément à la pratique du Comité, le risque d'être détenu ne suffisait pas, en tant que tel, pour faire jouer le mécanisme de protection prévu à l'article 3 de la Convention, et qu'il n'existait pas de preuve tangible, notamment médicale, corroborant l'allégation de l'auteur selon laquelle elle aurait précédemment été soumise à la torture.

4.13Enfin, l'État partie note que l'Équateur a non seulement signé la Convention contre la torture, mais également reconnu, par une déclaration du 6 septembre 1988, la compétence du Comité pour recevoir et examiner des communications présentées par des particuliers conformément à l'article 22. Le Comité a certes indiqué que le fait que l'État concerné ait adhéré à la Convention et reconnu la compétence du Comité en vertu de l'article 22 n'était pas en soi suffisant pour conclure qu'une expulsion n'était pas contraire à l'article 3; l'État partie en a conscience, mais estime que cet élément devrait néanmoins être dûment pris en compte.

Observations du représentant de l'auteur

5.1Dans ses observations au sujet de la communication de l'État partie, le représentant de l'auteur fait référence à la position de l'État partie, selon lequel c'est à l'auteur qu'il incombe de présenter des "arguments défendables", propres à accréditer l'idée qu'elle pourrait courir le risque d'être torturée si elle était renvoyée dans son pays. Selon le représentant, l'auteur avait effectivement avancé de tels arguments lorsqu'elle avait indiqué qu'elle avait déjà été persécutée, et en particulier torturée, en raison de ses activités politiques en faveur des Indiennes pauvres d'Équateur. En outre, le représentant souligne que, conformément à la pratique du Comité, il n'est pas nécessaire de montrer que l'intéressée court un risque grave, c'est‑à‑dire hautement probable, d'être soumise à la torture. Ce qu'il faut prouver, comme l'a clairement indiqué le comité, c'est qu'il y a plus qu'une "simple possibilité" qu'elle le soit.

5.2S'agissant de l'argumentation de l'État partie selon laquelle le PRE, contrairement à ce qu'avait affirmé l'auteur, est un parti légal, dont le chef a été président en 1996, le représentant considère qu'il s'agit là d'un point sans aucun rapport avec la principale question à l'examen, qui est de déterminer si l'auteur risque d'être torturée lors de son retour en Équateur. L'argumentation de l'État partie est fondée sur des divergences d'opinion et des malentendus.

5.3Le représentant estime qu'il conviendrait d'accorder davantage de poids aux deux lettres dans lesquelles les responsables locaux du PRE décrivent les dangers que courrait l'auteur si elle était renvoyée en Équateur, étant donné qu'elle avait été la principale militante du parti chargée des questions relatives aux droits des femmes. Il appelle l'attention du Comité sur la lettre du 20 août 1999, qui indique que la personne qui avait remplacé l'auteur dans cette fonction avait déjà été arrêtée. Le fait que le Ministère de l'intérieur ait décerné un mandat d'arrêt contre l'auteur à une date aussi tardive que le 26 février 1999 tendrait à montrer que l'auteur n'était pas simplement recherchée pour avoir troublé l'ordre public lors de manifestations politiques.

5.4Le représentant rappelle également que l'auteur a été violée en prison par des agents pénitentiaires qui coopéraient étroitement avec la police locale; il n'est donc pas étonnant qu'elle n'ait pu se procurer de certificat médical. Le fait que l'auteur n'ait pas révélé cette information plus tôt aux autorités danoises pouvait s'expliquer par le fait que, comme toute autre femme en pareille situation, l'auteur avait cherché à effacer ce souvenir de sa conscience et que, pour des raisons évidentes, elle ne faisait guère confiance aux policiers et aux interrogateurs.

5.5Le représentant observe que la position de l'État partie, qui juge peu crédible l'obtention par l'auteur d'un passeport valide alors qu'elle était soi‑disant persécutée par les autorités équatoriennes et y voit la preuve qu'elle ne risquait pas d'être torturée, est en contradiction avec la pratique suivie par ce même État partie, qui exige que tous les ressortissants étrangers, y compris les demandeurs d'asile, souhaitant se rendre au Danemark fassent une demande de visa auprès du consulat danois le plus proche avant leur départ.

5.6Enfin, souligne le représentant, le fait que l'Équateur soit partie à la Convention n'est pas un élément pertinent. La question qui se pose est celle de savoir si oui ou non l'Équateur respecte effectivement les droits consacrés par la Convention, en particulier le droit des responsables politiques de l'opposition de ne pas être torturés.

Délibérations du Comité

6.1Avant d'examiner une plainte soumise dans une communication, le Comité contre la torture doit déterminer si cette communication est recevable en vertu de l'article 22 de la Convention. Le Comité s'est assuré, comme il est tenu de le faire en vertu du paragraphe 5 a) de l'article 22 de la Convention, que la même question n'a pas été examinée ou n'est pas en cours d'examen devant une autre instance internationale d'enquête ou de règlement.

6.2Le Comité est en outre d'avis que, tous les recours internes ayant été épuisés, rien ne s'oppose à ce que la communication soit déclarée recevable. Puisque tant l'État partie que le représentant de l'auteur ont formulé des observations sur le fond de la communication, le Comité passe à son examen au fond.

6.3.Le Comité doit déterminer si le renvoi de l'auteur en Équateur contre son gré violerait l'obligation que l'État partie a contractée en vertu de l'article 3 de la Convention de ne pas expulser ou refouler une personne vers un autre État où il y a des motifs sérieux de croire qu'elle risquerait d'être soumise à la torture.

6.4.Conformément au paragraphe 1 de l'article 3, le Comité doit donc déterminer s'il existe des motifs sérieux de croire que l'auteur risquerait d'être soumise à la torture à son retour en Équateur. Conformément au paragraphe 2 de l'article 3 de la Convention, le Comité doit tenir compte, pour déterminer s'il existe de tels motifs, de toutes les considérations pertinentes, y compris l'existence d'un ensemble de violations systématiques des droits de l'homme, graves, flagrantes ou massives. Toutefois, le but de cette analyse est de déterminer si l'intéressée risquerait personnellement d'être soumise à la torture dans le pays où elle serait renvoyée. Il s'ensuit que l'existence, dans un pays, d'un ensemble de violations systématiques des droits de l'homme, graves, flagrantes ou massives, ne constitue pas en soi une raison suffisante d'établir qu'une personne serait en danger d'être soumise à la torture à son retour dans ce pays; il doit y avoir des motifs concrets donnant à penser que l'intéressée serait personnellement en danger. De la même manière, l'absence d'un ensemble de violations flagrantes et systématiques des droits de l'homme ne signifie pas que l'intéressée ne risque pas d'être soumise à la torture, dans son cas précis.

6.5.Sur la base des informations soumises par l'auteur, le Comité prend note des activités de l'auteur en faveur des droits des femmes en Équateur. Il note en outre que l'État partie, bien qu'émettant des doutes quant à la véracité de l'ensemble du récit de l'auteur, ne conteste pas nécessairement que celle-ci ait pu avoir des démêlés avec les autorités équatoriennes du fait de ses activités politiques, sans qu'on puisse pour autant les assimiler à des tortures. Le Comité rappelle, notamment, que l'auteur a exercé ses activités politiques en qualité de membre d'un parti politique, important et légal, d'un pays qui a non seulement ratifié la Convention contre la torture, mais également reconnu volontairement la compétence du Comité prévue à l'article 22 de ladite Convention.

6.6.Le Comité note qu'aux termes de l'article 3 de la Convention, l'individu intéressé doit être confronté à un risque de torture prévisible, réel et personnel dans le pays vers lequel il serait renvoyé. À la lumière de ces différentes considérations, le Comité estime que l'existence d'un tel risque n'a pas été établie.

6.7.Compte tenu de ce qui précède, le Comité considère que les informations qui lui ont été soumises ne constituent pas de motifs suffisants de croire que l'auteur court personnellement le risque d'être torturée si elle est renvoyée en Équateur.

7.Le Comité contre la torture, agissant en vertu du paragraphe 7 de l'article 22 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, estime que la décision de l'État partie de renvoyer l'auteur en Équateur ne constitue pas une violation de l'article 3 de la Convention.

[Fait en anglais (version originale) et traduit en français, en espagnol et en russe.]

B. Décisions

1. Communication No 86/1997

Présentée par : P. S. (nom supprimé)

[représenté par un conseil]

Au nom de : L'auteur

État partie :Canada

Date de la communication : 19 juin 1997

Le Comité contre la torture, institué conformément à l'article 17 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,

Réuni le 18 novembre 1999,

Adopte la décision suivante :

Décision concernant la recevabilité

1.1L'auteur de la communication est P. S., ressortissant indien né en 1944 au Pendjab, qui réside actuellement au Canada où il a demandé l'asile et d'où il risque d'être expulsé. Il affirme que son renvoi en Inde constituerait une violation par le Canada de l'article 3 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Il est représenté par un conseil.

1.2Conformément au paragraphe 3 de l'article 22 de la Convention, le Comité a porté la communication à l'attention de l'État partie le 3 septembre 1997.

Rappel des faits présentés par l'auteur

2.1L'auteur était un agriculteur, membre du Bhrat Kissan Union, syndicat dont le but est de faire pression sur le gouvernement fédéral pour améliorer l'agriculture et les conditions de travail des agriculteurs. Il a été arrêté et détenu pendant plusieurs jours en 1989, 1990 et 1992. En novembre 1993, quatre militants sikhs recherchés par la police se sont cachés dans un champ de canne à sucre lui appartenant. La police l'a interrogé au sujet de ces militants et, n'étant pas convaincue qu'il n'avait aucun lien avec eux, l'a arrêté. Il a été torturé pendant sa détention. Entre autres méthodes de torture, il a été suspendu au plafond, puis les policiers ont libéré brusquement la corde qui le retenait, de sorte qu'il est tombé à terre et s'est luxé l'épaule. Il a été relâché le 29 novembre 1993 après que son frère eut versé une somme d'argent et à la condition qu'il collabore avec la police. Il a alors décidé de s'installer à Panchkula, dans la province de Haryana, puis à New Delhi où il a obtenu un passeport. Pendant son séjour à Panchkula, la police a harcelé son épouse pour qu'elle révèle où il se trouvait. Le 5 février 1994, elle a été arrêtée à son tour.

2.2L'auteur affirme avoir versé de l'argent à un fonctionnaire pour qu'il l'aide à obtenir un visa canadien. Le 10 juin 1994, il a quitté l'Inde pour le Royaume-Uni où il a séjourné quelques mois avant de partir pour le Canada.

2.3Le 30 août 1994, l'auteur a demandé le statut de réfugié, mais sa demande a été rejetée en février 1996 par la Commission de l'immigration et du statut de réfugié. Il a alors demandé à la Cour fédérale de lui accorder l'autorisation de présenter une demande de contrôle judiciaire de cette décision négative. Cette demande a été rejetée le 17 février 1996. Enfin, l'auteur a présenté son dossier à un "agent chargé de réexaminer les demandes rejetées", fonctionnaire du Ministère de la citoyenneté et de l'immigration, pour qu'il détermine s'il pouvait s'établir dans le pays en qualité de "demandeur non reconnu du statut de réfugié au Canada". Avant d'accorder le statut de demandeur non reconnu, le fonctionnaire de l'immigration doit déterminer si le renvoi dans son pays comporte un risque pour la vie ou la sécurité de l'intéressé.

2.4Le 23 septembre 1996, l'agent chargé de réexaminer les demandes rejetées a décidé que le requérant ne faisait pas partie des personnes visées par le programme dit de risque de retour. En conséquence, l'auteur a été convoqué le 22 octobre 1996 au Centre d'immigration afin que son expulsion lui soit signifiée. Il soutient que la décision de l'agent chargé de réexaminer les demandes rejetées était illogique, car elle se bornait à reprendre la décision de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié sans tenir compte des rapports de deux experts de la santé (un psychologue et un médecin) qui avaient conclu à la crédibilité des allégations de torture. Le psychologue avait diagnostiqué "un état de stress post-traumatique chronique, conséquence des périodes de détention illégales imposées au requérant, des actes de torture et des brutalités policières qu'il avait subis en prison, des menaces de mort, des brutalités policières dont son épouse avait fait l'objet et dont il avait été témoin, et d'un épisode dépressif majeur lié à la perte de rôles sociaux importants".

Teneur de la plainte

3.L'auteur fait valoir qu'il serait emprisonné, torturé ou même tué s'il retournait en Inde, pays où sont commises de fréquentes violations des droits de l'homme au sens du paragraphe 2 de l'article 3 de la Convention, en particulier contre des sikhs; il a fourni des rapports de sources non gouvernementales contenant des informations allant dans ce sens. Il a également présenté un certificat médical daté du 28 août 1996 confirmant l'existence de cicatrices et de troubles qui pourraient être compatibles avec ses allégations de tortures. À l'appui de sa plainte, il rappelle d'autres décisions relatives à l'asile dans lesquelles les autorités canadiennes ont reconnu que les sikhs étaient victimes de persécutions en Inde. Enfin, il affirme que s'il devait retourner en Inde, il n'aurait plus la possibilité d'en appeler au Comité, l'Inde n'étant pas partie à la Convention.

Observations de l'État partie sur la recevabilité

4.1Dans une réponse datée du 26 mars 1998, l' État partie conteste la recevabilité de la communication. Il déclare, premièrement, que l'auteur de la communication n'a pas épuisé tous les recours internes disponibles et deuxièmement, que la communication ne donne pas de motif sérieux de penser que le retour de l'auteur en Inde l'exposerait à des risques de torture.

4.2À deux reprises, l'auteur a sollicité de la Cour fédérale l'autorisation de demander le contrôle judiciaire de la décision de l'agent chargé de réexaminer les demandes rejetées ‑ le 8 octobre 1996 (personnellement) et le 11 octobre 1996 (par l'intermédiaire d'un conseil). Il a retiré sa première demande le 31 octobre 1996. En ce qui concerne la deuxième demande, elle a été rejetée par la Cour fédérale le 31 janvier 1997, l'auteur n'ayant pas présenté à temps les documents requis et n'ayant pas demandé la prolongation du délai réglementaire.

4.3Le 18 octobre 1996, l'auteur a présenté une demande d'établissement au Canada par dérogation au règlement relatif à l'immigration stipulant que la demande doit être faite à l'étranger. Cette demande dite "dispense ministérielle" pour raisons d'ordre humanitaire a été rejetée pour absence de fondement. L'auteur aurait pu demander le contrôle judiciaire du refus de dispense ministérielle pour raisons d'ordre humanitaire, ce qu'il n'a pas fait. Ce recours est d'ailleurs toujours disponible, même si le délai est écoulé, car il est possible de demander une prolongation.

4.4L'auteur a été convoqué le 22 octobre 1996 au Centre d'immigration à Montréal afin de prendre des dispositions en vue de son départ du Canada. Or, il ne s'est pas présenté comme il y était invité. En conséquence, un mandat d'arrêt a été décerné contre lui le 4 février 1997. À ce jour, l'auteur n'a été ni arrêté ni renvoyé dans son pays et son adresse est inconnue.

4.5La Convention prévoit deux exceptions à la disposition exigeant que tous les recours internes aient été épuisés. Un particulier n'est pas tenu de présenter de recours lorsque les procédures excèdent des délais raisonnables ou s'il est peu probable que le recours donne une satisfaction raisonnable. Ni l'une ni l'autre de ces exceptions ne s'applique à la demande de contrôle judiciaire de la décision du fonctionnaire de l'immigration refusant à l'auteur la qualité de "demandeur non reconnu du statut de réfugié".

4.6Ce recours pouvait s'exercer dans un délai raisonnable. Certes, la loi ne prévoit pas de suspension automatique, mais la Cour fédérale, par définition, a compétence pour ordonner la suspension d'une mesure d'expulsion pendant qu'une demande de contrôle judiciaire est en cours d'examen. Pour obtenir cette suspension, le demandeur doit établir : i) que sa demande porte sur une question de fond sur laquelle la Cour doit statuer; ii) qu'il subirait un préjudice irréparable si la suspension n'était pas accordée; et iii) qu'en ce qui le concerne, les inconvénients l'emportent. Ce genre de requête peut être, si nécessaire, présentée et examinée à titre d'urgence, en quelques heures dans certains cas.

4.7De plus, ce recours aurait sans doute abouti à un résultat satisfaisant pour l'auteur. Si la Cour fédérale avait conclu qu'une erreur avait été commise par l'instance administrative, elle aurait pu ordonner qu'il soit procédé à une nouvelle enquête. Un nouvel examen de l'affaire sur la base des instructions de la Cour fédérale aurait sans doute permis d'accorder à l'auteur le droit de s'établir au Canada. De plus, une demande de contrôle judiciaire du refus de dispense ministérielle aurait finalement pu lui donner la possibilité de s'établir dans le pays pour des raisons d'ordre humanitaire.

4.8Pour qu'une communication soit recevable, elle doit au moins présenter un minimum d'arguments à l'appui des violations présumées de la Convention commises par l'État concerné. Sinon, la communication est incompatible avec l'article 22 de la Convention et elle est, en conséquence, irrecevable. En l'espèce, l'auteur n'a pas établi de motifs sérieux permettant de croire qu'il risque d'être lui‑même victime de tortures s'il retourne en Inde.

4.9L'État partie reconnaît que le bilan de l'Inde en matière de droits de l'homme a été une source de sérieuses préoccupations. Toutefois, la situation en Inde, et particulièrement au Pendjab, s'est nettement améliorée ces dernières années, comme en témoigne le "Report on Human Rights Practices for 1997", consacré à l'Inde, publié le 30 janvier 1998 par le Département d'État des États-Unis. Depuis que le nouveau gouvernement est entré en fonctions en juin 1996, plusieurs mesures ont été prises pour mieux assurer le respect des droits de l'homme en Inde. Par exemple, le Gouvernement a signé la Convention le 14 octobre 1997 et indiqué son intention de prendre des mesures pour prévenir et punir les actes de torture sur son territoire.

4.10En février 1997, quatre spécialistes du Pendjab ont fourni des informations à la Commission de l'immigration et du statut de réfugié sur divers aspects des droits de l'homme et du maintien de l'ordre en Inde. Selon ces spécialistes, depuis quelques années, le Gouvernement central s'efforce de discipliner la police du Pendjab, qui a été responsable de nombreuses exécutions extrajudiciaires et de nombreuses disparitions dans la lutte contre les rebelles. Alors qu'à la fin des années 80 et au début des années 90 on fermait les yeux sur les violences policières, il est aujourd'hui reconnu, notamment par le Ministère de l'intérieur et la Cour suprême de New Delhi, qu'il faut reprendre en main la police du Pendjab. En conséquence, de nombreux dossiers mettant en cause des policiers du Pendjab ont été rouverts. Néanmoins, selon les mêmes spécialistes, le climat d'impunité qui protège les policiers du Pendjab ne changera que lentement car le problème, lié à des habitudes solidement enracinées, existe de longue date.

4.11De l'avis d'un spécialiste, le recours à la force fait partie intégrante de la culture de la police du Pendjab, qui a toujours la possibilité de commettre de nombreux actes inacceptables sans avoir à en rendre compte. Par exemple, elle a toujours le pouvoir de conduire les gens à un poste de police et de les maltraiter. La torture policière est endémique en Inde. Un autre spécialiste souligne que si les mauvais traitements infligés aux détenus au Pendjab sont graves, ils ne sont pas pires que ce qu'on peut observer ailleurs en Inde aujourd'hui. Les experts font également observer qu'à l'heure actuelle ceux qui ne sont pas soupçonnés d'être des militants responsables ne courent pas de danger au Pendjab et que l'on a beaucoup plus facilement accès au système judiciaire en cas de mauvais traitement.

4.12Quant aux risques auxquels pourraient être exposées les personnes renvoyées en Inde par le Canada, un expert précise que des représentants du Haut‑Commissariat du Canada à New Delhi surveillent régulièrement l'arrivée à l'aéroport des personnes expulsées du Canada. Il y a eu huit ou dix cas de ce genre ces dernières années et aucune des personnes concernées n'a été inquiétée par les autorités indiennes, à l'exception d'un dirigeant de la Khalistan Commando Force qui a été arrêté. Le même expert affirme qu'au cours des dernières années le personnel du Haut‑Commissariat du Canada à New Delhi, dans le cadre de la procédure d'immigration, a eu à maintes reprises des entretiens avec des proches parents de personnes originaires du Pendjab indien auxquelles le Canada avait accordé le statut de réfugié. Dans l'immense majorité des cas, les membres de la famille ne confirment pas les déclarations de leur proche, ce qui indique que celui‑ci était en fait parti pour le Canada pour des motifs d'ordre économique.

4.13Selon l'État partie, ni la Commission de l'immigration et du statut de réfugié ni l'agent chargé de réexaminer les décisions de rejet n'ont jugé crédibles les allégations de l'auteur, en raison des nombreuses incohérences qu'ils ont relevées au cours de leurs enquêtes. Ils ont également constaté que le comportement de l'auteur entre son élargissement en novembre 1993 et la présentation de sa demande de statut de réfugié au Canada en août 1994 était incompatible avec la crainte de persécutions policières. L'auteur, qui est agriculteur, peut difficilement être considéré comme un militant "responsable". Il ne serait donc pas exposé à des risques de torture s'il rentrait dans son pays.

4.14L'État partie conclut donc que la communication de l'auteur ne révèle aucune circonstance particulière corroborant ses affirmations selon lesquelles il serait exposé à un risque réel et personnel de torture. Bien que l'auteur prétende avoir été torturé par les autorités indiennes entre le 25 et le 29 novembre 1993 et déclare redouter les persécutions de la police, rien n'indique qu'il ait été recherché par les autorités indiennes depuis cette date. Il ne prétend pas être un militant actif et son comportement après sa libération est incompatible avec une crainte raisonnable d'être emprisonné, torturé ou tué, ou même d'être recherché par les autorités indiennes.

4.15Bien que l'auteur ait soumis des rapports médicaux aux autorités canadiennes, dont celui d'un orthopédiste qui a constaté des lésions qui n'étaient pas incompatibles avec les allégations de torture, ces lésions ne constituent pas une confirmation des rapports médicaux, lesquels reposent sur des informations émanant de l'auteur lui‑même, jugé peu crédible par les autorités.

4.16Compte tenu de ce qui précède, l'État partie fait valoir que l'auteur n'a pas établi de façon convaincante que son renvoi en Inde l'exposerait à un risque personnel de torture et conclut que la communication devrait être, en conséquence, déclarée irrecevable.

Commentaires de l'auteur

5.1Au sujet de l'observation de l'État partie concernant le non‑épuisement des voies de recours internes, l'auteur déclare que, en matière d'immigration, tous les recours introduits devant la Cour fédérale sont en fait illusoires, car il s'agit d'une procédure discrétionnaire qui aboutit très rarement. La Cour fédérale intervient rarement sur des questions factuelles comme celle que soulève l'affaire de l'auteur. Toute la jurisprudence démontre que la Cour fédérale a toujours et constamment fait preuve de "retenue judiciaire" à cet égard.

5.2Étant donné que la Cour fédérale n'intervient presque jamais et, si elle intervient, confirme 98 % de toutes les décisions rendues par la Commission de l'immigration et du statut de réfugié, y compris les révisions ultérieures (danger de retour), il aurait été hautement inhabituel, voire tout à fait improbable qu'elle intervienne dans le cas de l'auteur. En outre, le fait de porter une affaire devant la Cour fédérale n'empêche nullement les autorités canadiennes de procéder au renvoi du requérant, ce qui est en fait la pratique courante. Cela veut dire que les autorités, ayant déjà décerné un mandat d'arrêt à son encontre, l'auteur peut être arrêté à tout moment, et renvoyé en Inde sans autre formalité.

5.3Dans ses observations, l'État partie déclare que l'auteur n'a pas utilisé les voies de recours à sa disposition (contrôle judiciaire). En fait, le recours en question n'existe que sur le papier, car il ne permet presque jamais d'obtenir satisfaction.

5.4L'État partie reproche également à l'auteur de ne pas avoir présenté une demande d'exemption ministérielle pour raisons d'ordre humanitaire. Or, cette demande n'est pas gratuite. De plus, étant donné que l'auteur était sous le coup d'une ordonnance d'expulsion, une telle demande ne lui aurait apporté aucune protection.

5.5Les mêmes observations s'appliquent à la demande fondée sur le "risque de retour". Les mécanismes mis en place par le Canada dans le cadre du programme "risque de retour" est une farce, car moins de 3 % des dossiers ont fait l'objet d'une décision favorable.

5.6L'auteur ne partage pas l'avis de l'État partie selon lequel la communication ne donne pas de motifs sérieux de croire que le retour de l'auteur en Inde l'exposerait à des risques de torture. Il souligne l'importance des résultats des expertises médicales qui montrent qu'il y a toute raison de croire que l'auteur a été victime de tortures dans le passé. Dans ces conditions, il y a beaucoup plus qu'un risque que l'auteur soit de nouveau victime de tortures s'il était contraint de rentrer en Inde.

5.7L'auteur trouve paradoxal que le Canada ait accepté ces dernières années un grand nombre d'autres requérants qui connaissaient exactement les mêmes problèmes que ceux évoqués par l'auteur. La seule différence, c'est apparemment que la Commission a jugé que l'auteur n'était pas crédible. Cette conclusion, si c'en est une, comporte une très grande part de subjectivité et ne tient pas vraiment compte des risques objectifs auxquels l'intéressé serait exposé.

5.8Enfin, l'auteur soutient que l'État partie ne s'est jamais acquitté de ses obligations découlant de la Convention. Les principaux articles, les principales dispositions de la Convention et les recours qui y sont prévus ne sont pas pris en compte dans la législation interne. Il n'a été adopté aucune loi établissant des mécanismes qui permettraient à des personnes comme l'auteur de saisir les autorités compétentes si nécessaire. La Commission de l'immigration et du statut de réfugié a toujours soutenu qu'elle n'avait pas compétence pour appliquer la Convention, se bornant à rappeler que c'était là une prérogative du Ministre de l'emploi et de l'immigration. Or, le Ministre n'a jamais publié de directives, ni modifié la loi sur l'immigration afin d'y incorporer la Convention. Il est donc impossible de dire qui est responsable de l'application de la Convention ni quelles mesures ont été prises pour que le Canada se conforme à son obligation de ne pas expulser quelqu'un qui risque de subir des tortures dans son pays d'origine.

Considérations relatives à la recevabilité

6.1Avant d'examiner toute plainte contenue dans une communication, le Comité contre la torture doit décider si elle est ou non recevable en vertu de l'article 22 de la Convention. Dans l'affaire à l'examen, le Comité note que la communication n'est pas anonyme et que la même question n'a pas été examinée ou n'est pas en cours d'examen par une autre instance internationale d'enquête ou de règlement. Il note aussi que la communication ne constitue pas un abus du droit de soumettre de telles communications et qu'elle n'est pas incompatible avec les dispositions de la Convention.

6.2L'État partie soutient que l'auteur n'a pas épuisé tous les recours internes. Le Comité note à cet égard que l'auteur a mis en œuvre les recours suivants :

-dépôt d'une demande d'admission au statut de réfugié devant la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (rejetée en février 1996);

-dépôt d'une demande d'autorisation de présenter une demande de contrôle judiciaire de la décision de rejet (rejetée en juin 1996);

-dépôt d'une demande d'examen par un "agent chargé de réexaminer les demandes rejetées" du Ministère de la citoyenneté et de l'immigration (rejetée le 23 septembre 1996);

-dépôt de deux demandes d'autorisation de présenter une demande de contrôle judiciaire de la décision de l'"agent chargé de réexaminer les demandes rejetées" à la Cour fédérale (la première demande a été retirée; la seconde a été rejetée en janvier 1997 pour n'avoir pas été soumise dans les délais);

-dépôt d'une demande de "dispense ministérielle pour raisons d'ordre humanitaire" (rejetée pour absence de fondement).

6.3L'État partie soutient que l'auteur devrait avoir mené jusqu'au bout sa demande de contrôle judiciaire de la décision de l'"agent chargé de réexaminer les demandes rejetées" et qu'il pouvait encore essayer de demander le contrôle judiciaire du refus de dispense ministérielle pour raisons d'ordre humanitaire. Le Comité estime que, même si l'auteur affirme que ces voies de recours sont illusoires, il n'a fourni aucune preuve établissant qu'elles excèdent des délais raisonnables ou qu'il est peu probable qu'elles puissent donner satisfaction. En conséquence, le Comité constate que les conditions prescrites au paragraphe 5 b) de l'article 22 de la Convention ne sont pas remplies.

7.Le Comité décide en conséquence :

a)Que la communication est irrecevable;

b)Que la décision pourra être reconsidérée en vertu de l'article 109 du règlement intérieur, si le Comité est saisi par l'auteur ou en son nom d'une demande contenant des renseignements d'où il ressort que les motifs d'irrecevabilité ne sont plus applicables;

c)Que la présente décision sera communiquée à l'État partie, à l'auteur de la communication et à son représentant.

[Fait en anglais (version originale) et traduit en espagnol, en français et en russe.]

2. Communication No 93/1997

Présentée par : K. N. (nom supprimé)[représenté par un conseil]

Au nom de : L'auteur

État partie :France

Date de la communication : 15 août 1997

Le Comité contre la torture, institué conformément à l'article 17 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,

Réuni le 18 novembre 1999,

Adopte la décision suivante :

Décision concernant la recevabilité

1.1L'auteur de la communication est K. N., né en 1963, ressortissant de la République démocratique du Congo (ex-Zaïre), actuellement domicilié en France, où il a demandé l'asile et d'où il risque d'être expulsé. Il affirme que son renvoi en République démocratique du Congo (RDC) constituerait une violation par la France de l'article 3 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Il est représenté par un conseil.

1.2Conformément au paragraphe 3 de l'article 22 de la Convention, le Comité a porté la communication à l'attention de l'État partie le 17 décembre 1998.

Rappel des faits présentés par l'auteur

2.1L'auteur affirme avoir été leader étudiant au Zaïre. Il aurait organisé des manifestations d'étudiants contre le régime du Président Mobutu. Sa communication ne contient pas une description de ses activités au Zaïre mais il soumet des copies d'un avis de recherche lancé contre lui le 4 mai 1992, d'un mandat d'arrêt dressé par le parquet de grande instance de Ndjili le 22 avril 1992 pour cause d'incitation à la rébellion et d'une ordonnance de mise en liberté provisoire de son frère du 24 juillet 1992.

2.2À son arrivée en France le 6 juin 1992, l'auteur a présenté une demande de statut de réfugié auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), demande qui a été rejetée le 11 août 1992, rejet confirmé par la Commission de recours des réfugiés (CRR) le 17 décembre 1992.

2.3L'auteur a alors sollicité le réexamen de son dossier, faisant état d'éléments nouveaux, à savoir des sévices graves dont auraient été victimes certains membres de sa famille, et a fourni les copies des documents attestant qu'il était toujours recherché. Parallèlement, par un arrêté du 15 avril 1993, le préfet de police de Paris a décidé la reconduite à la frontière de l'auteur.

2.4Par décision du 23 avril 1993, l'OFPRA a rejeté la nouvelle demande de K. N. au motif que les éléments nouveaux allégués ne permettaient pas d'établir le bien‑fondé des craintes alléguées, les déclarations du requérant n'étant étayées d'aucun élément convaincant. Cette décision a été confirmée par la CRR le 28 septembre 1993 pour les mêmes motifs, à une époque où la jurisprudence n'admettait pas comme éléments nouveaux ceux qui pouvaient se rattacher à la demande initiale. Selon l'auteur, les éléments nouveaux ont cependant été suffisamment pertinents pour que le tribunal administratif de Paris annule le premier arrêté de reconduite à la frontière dans une décision du 5 mai 1993 qui faisait suite au rejet de la première demande.

2.5Il ressort de la communication qu'un second arrêté de reconduite à la frontière a été pris, mais dont l'auteur déclare ne pas avoir eu connaissance, probablement parce qu'il a été notifié à son ancien domicile. Il affirme que, n'ayant pas eu notification de ce second arrêté, un recours à son encontre était devenu irrecevable.

2.6Le 12 mars 1994, l'auteur a été arrêté après un contrôle d'identité et transféré au dépôt du palais de justice de Paris. Par jugement prononcé le 14 mars 1994, le tribunal correctionnel de Paris l'a condamné, en comparution immédiate, à une interdiction du territoire français de trois ans pour vol et séjour irrégulier. La prévention de vol résultait du port d'une carte de séjour que, d'après l'auteur, son beau-frère lui avait prêtée. Le 20 mars 1994, K. N. a été embarqué dans un avion à destination de Bruxelles puis Kinshasa.

2.7L'auteur affirme qu'à son arrivée au Zaïre, il a été détenu après le passage à l'immigration à l'aéroport. Il y aurait subi un interrogatoire sévère mené par un militaire qui détenait les documents relatifs à sa demande d'asile, en particulier les décisions de l'OFPRA et de la CRR.

2.8K. N. dit avoir été incarcéré sans jugement à la prison de Makala jusqu'en janvier 1995, dans une cellule surpeuplée, avec privation de nourriture, de vêtements et d'hygiène, contraint de boire de l'eau mélangée aux urines et excréments de la cellule, et subissant des coups de matraque une à deux fois par jour, ainsi que des mauvais traitements et tortures divers. Il a aussi été contraint à des travaux forcés. Quelques mois plus tard, un gardien de la prison, à qui l'oncle de l'auteur avait donné de l'argent, l'a changé de cellule et a obtenu pour lui un billet de transfert à l'hôpital central de Kinshasa où il devait recevoir des soins. Arrivé à l'hôpital le 19 janvier 1995, l'auteur a rencontré son oncle qui l'a emmené en voiture chez un ami d'abord, puis l'a aidé à traverser la frontière du Congo en bateau. Il serait arrivé de nouveau en France en mars 1995.

2.9Étant toujours sous interdiction de séjour, il ne restait à l'auteur d'autres possibilités pour régulariser sa situation que d'introduire un recours en grâce contre le jugement du tribunal de grande instance de Paris du 14 mars 1994 auprès du Ministère de la justice, recours qui a été rejeté en date du 16 octobre 1996.

2.10Dans le cadre des dispositions de la circulaire ministérielle du 24 juin 1997 relative au réexamen de la situation de certaines catégories d'étrangers en séjour irrégulier, l'auteur a fait une demande d'admission exceptionnelle au séjour. Cette demande a été rejetée par le préfet de la Haute‑Vienne le 3 juillet 1998, au motif qu'il ne remplissait aucune des conditions pour bénéficier à un titre ou à un autre des dispositions de cette circulaire. Notamment, il n'avait pas présenté d'éléments de preuve suffisants relatifs à sa situation personnelle, permettant d'établir que le retour dans son pays l'exposerait à des risques sérieux de traitements inhumains ou dégradants. Il a donc été enjoint de quitter le territoire français dans le délai d'un mois. Le Ministre de l'intérieur a rejeté le recours introduit par l'auteur contre la décision du préfet le 16 décembre 1998.

2.11Le conseil de K. N. affirme que l'auteur se trouve dans une situation de non-droit absolu, sans possibilité légale de régulariser sa situation et sans droit à la moindre ressource, sans logement, couverture sociale, travail, etc. Il vit dans la clandestinité avec les aides ponctuelles de personnes qui le nourrissent et l'hébergent et peut être retrouvé et sujet à expulsion à tout moment.

Teneur de la plainte

3.1L'auteur considère qu'il risque d'être arrêté et torturé s'il est renvoyé en République démocratique du Congo, même si le régime actuel n'est pas le même que celui qui était en place lorsqu'il a quitté le pays. En effet, il est connu par le service de sécurité, au sein duquel certains anciens ont encore une influence. Son retour forcé serait donc contraire à l'article 3 de la Convention.

3.2L'auteur a soumis au Comité la copie d'une lettre de sa sœur, postée à Kinshasa le 16 juin 1995, dans laquelle elle lui annonçait que le corps sans vie et décapité de son épouse avait été retrouvé pendant qu'il se trouvait encore en prison au Zaïre. Selon cette lettre, la famille ignore s'il y a un lien entre ce fait et l'arrestation de l'auteur. L'auteur affirme également qu'en novembre 1997 sa fille a été enlevée et retenue dans un endroit secret pendant plusieurs jours, mais il ne donne pas de détails sur les auteurs de cet acte ni sur les circonstances dans lesquelles il aurait eu lieu.

Observations de l'État partie sur la recevabilité de la communication

4.1Par lettre du 20 avril 1999, l'État partie conteste la recevabilité de la communication. Il soutient que les voies de recours internes qui s'ouvraient au requérant n'ont pas été épuisées, tant au cours de la procédure préalable à son éloignement vers Kinshasa au mois de mars 1994 que depuis son retour en France en 1995. Il conteste aussi la qualité de victime de l'auteur.

A. Procédure précédant la reconduite à la frontière de l'auteur en 1994

4.2Par jugement du 14 mars 1994, le tribunal correctionnel de Paris a prononcé à l'encontre de l'auteur l'interdiction du territoire français pendant une période de trois ans et a ordonné l'exécution provisoire de cette mesure. L'auteur, qui a été reconduit à la frontière le 20 mars 1994, n'a exercé aucun recours contre ce jugement, alors qu'il avait un délai de dix jours pour le faire aux termes des articles 496, 497 et 498 du Code de procédure pénale.

4.3Il est vrai que ce jugement était d'application immédiate et qu'à tout moment, même avant le terme de cette période de dix jours, l'auteur était susceptible d'être reconduit à la frontière. Cependant, rien n'empêchait K. N. d'exercer cette voie de recours, afin de voir son cas réexaminé par la cour d'appel.

B. Procédure ultérieure au retour en France de l'auteur en 1995

4.4Contrairement à ce qui est soutenu dans la communication devant le Comité, l'auteur avait la possibilité, dès son retour clandestin en France en mars 1995, de faire valoir devant les autorités administratives françaises les risques encourus dans son pays d'origine et d'obtenir le prononcé d'une mesure administrative le mettant à l'abri d'une mesure d'éloignement à destination de l'ex-Zaïre. Il pouvait, en effet, valablement présenter une nouvelle demande de reconnaissance de la qualité de réfugié auprès de l'OFPRA.

4.5Certes, le décret du 14 mars 1997 modifiant le décret du 2 mai 1953 précise qu'une nouvelle demande de reconnaissance de la qualité de réfugié doit être précédée d'une nouvelle demande d'admission provisoire au séjour. Il n'en demeure pas moins que ce texte n'a été adopté qu'en mars 1997 et que l'auteur ne saurait donc l'invoquer pour expliquer l'absence de ses démarches auprès de l'OFPRA entre mars 1995, date de son retour, et mars 1997, date de promulgation du décret.

4.6Par ailleurs, l'obligation de se présenter auprès des services préfectoraux préalablement à une demande de reconnaissance de la qualité de réfugié auprès de l'OFPRA, qui résulte de l'article 2 de la loi du 25 juillet 1952 portant création de l'OFPRA, n'a pas pour effet de subordonner l'enregistrement de la demande par l'OFPRA à une décision préalable d'admission au séjour par l'autorité préfectorale.

4.7Même si l'étranger en cause n'est pas autorisé à séjourner légalement sous couvert d'une autorisation de séjour régulière sur le territoire français, il dispose dans tous les cas du droit à voir sa demande de statut de réfugié examinée par l'OFPRA. L'article 2 de la loi du 25 juillet 1952 précitée précise en effet que, lorsque l'autorisation provisoire de séjour est refusée, l'OFPRA examine en priorité la demande de reconnaissance de la qualité de réfugié, et l'article 12 de la même loi précise que l'étranger qui n'a pas été autorisé à séjourner en France, pour un des motifs prévus à l'article 10, bénéficie néanmoins du droit à se maintenir en France jusqu'à la notification de la décision de l'OFPRA.

4.8Ainsi, s'il est vrai qu'il ne pouvait obtenir une autorisation de séjour tant que l'interdiction du territoire était en vigueur, l'auteur ne saurait sérieusement soutenir que cela l'empêchait de présenter une nouvelle demande de statut de réfugié et de faire valoir les risques encourus en cas de retour dans son pays. En outre, cette interdiction judiciaire du territoire ayant cessé de produire des effets à compter du mois de mars 1997, l'auteur pouvait depuis cette date présenter, dans les conditions habituelles, une demande de reconnaissance du statut de réfugié.

4.9Étant donné qu'il pouvait attester être retourné dans son pays d'origine après le rejet de sa demande par l'OFPRA et la CRR en 1993, une nouvelle demande de reconnaissance de la qualité de réfugié aurait été considérée comme une première demande et non comme un "recours abusif" ou une "fraude délibérée", circonstances pouvant justifier, aux termes de l'article 10 de la loi du 25 juillet 1952, un refus d'admission provisoire au séjour. L'auteur aurait donc pu se voir muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'OFPRA et, en appel, la CRR aient statué sur sa demande.

4.10L'auteur ne saurait pas davantage soutenir qu'il ne pouvait obtenir des autorités judiciaires le relèvement de son interdiction du territoire, après son retour clandestin en France en 1995. L'article 28 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 précise, en effet, qu'il ne peut être fait droit à une demande de relèvement d'interdiction du territoire que si l'étranger réside hors de France. Mais le même article prévoit une exception qui concerne le cas où l'étranger fait l'objet d'un arrêté d'assignation à résidence. Une telle assignation à résidence étant décidée par l'autorité administrative lorsqu'il est établi que l'intéressé ne peut regagner son pays d'origine, en raison notamment des risques auxquels il peut y être exposé, il était loisible à l'auteur de se présenter devant l'autorité préfectorale pour faire examiner à cet égard sa situation. Il s'est abstenu de cette démarche.

4.11Il apparaît donc clairement que, depuis son retour en France en 1995, l'auteur n'a pas utilisé les voies de droit qui lui auraient permis de manière efficace de faire valoir, tant devant l'OFPRA et la CRR que devant l'autorité administrative, les risques auxquels il se prétend exposé dans son pays d'origine et d'obtenir une protection efficace contre toute mesure d'éloignement.

4.12En revanche, l'auteur de la présente communication a exercé récemment deux recours devant la juridiction administrative : le premier, en date du 18 février 1999, tendant au sursis à exécution de la décision du préfet de la Haute‑Vienne du 3 juillet 1998 rejetant sa demande de séjour, et le second, daté du 25 février 1999, tendant à l'annulation de cette même décision préfectorale. Ces deux recours étant actuellement en cours d'instance, la communication est de ce fait prématurée.

C. L'absence de qualité de victime de l'auteur

4.13L'auteur se trouve actuellement en situation irrégulière sur le territoire français, dans la mesure où sa dernière demande de titre de séjour, présentée en application de la circulaire du 24 juin 1997 relative au réexamen de la situation de certaines catégories d'étrangers en situation irrégulière, a été définitivement rejetée par décision ministérielle du 16 décembre 1998. Toutefois, il ne se trouve pas à ce jour sous le coup d'une mesure administrative ou judiciaire d'éloignement. La décision judiciaire d'interdiction du territoire, prononcée par le tribunal de grande instance de Paris le 14 mars 1994 pour une durée de trois ans, a cessé de produire ses effets. L'auteur ne fait pas davantage l'objet d'un arrêté de reconduite à la frontière pour séjour irrégulier. Tant qu'une telle mesure n'aura pas été prononcée par le préfet, l'intéressé se trouve à l'abri d'une mesure d'éloignement à destination de l'ex‑Zaïre.

4.14À supposer qu'une telle mesure soit prononcée, sa mise à exécution nécessiterait la prise d'un arrêté préfectoral fixant le pays de renvoi. Si, à cette occasion, l'intéressé établissait que sa vie ou sa liberté seraient menacées ou qu'il serait exposé à des traitements contraires à l'article 3 de la Convention européenne des droits de l'homme en cas de retour dans son pays d'origine, la mesure de reconduite à la frontière ne pourrait alors pas être exécutée à destination de ce pays, conformément aux prescriptions de l'article 27 bis de l'ordonnance précitée, et l'intéressé ferait l'objet d'une mesure d'assignation à résidence conformément à l'article 28 de l'ordonnance.

4.15Si toutefois, au vu des explications fournies par l'auteur, l'autorité administrative devait considérer que les risques en cas de retour n'étaient pas avérés, l'auteur aurait cependant la possibilité de contester devant la juridiction administrative non seulement la mesure de reconduite elle-même, mais aussi la décision fixant le pays de destination. Ce recours juridictionnel aurait, en application de l'article 27 ter, un caractère suspensif et la mesure d'éloignement ne pourrait donc être exécutée tant que le juge n'aurait pas statué. Le juge administratif exerce un entier contrôle sur la décision fixant le pays de destination et pourrait donc l'annuler, s'il estimait les risques établis. Dans cette hypothèse, l'intéressé bénéficierait également d'une mesure d'assignation à résidence en application de l'article 28 précité.

4.16À ce jour, l'auteur, qui n'est sous le coup d'aucune décision exécutoire prononçant son éloignement à destination de son pays d'origine, ne saurait exciper de sa qualité de victime d'une violation de la Convention au sens de l'article 22, paragraphe 1 de ce texte. En tout état de cause, dans l'hypothèse où une décision fixant son pays d'origine comme pays de destination lui serait notifiée, il disposerait de voies de recours efficaces qu'il lui appartiendrait alors d'épuiser avant de former une requête devant le Comité.

Commentaires du conseil

5.1Le conseil de K. N. soumet des objections aux observations de l'État partie concernant la recevabilité de la communication.

A. Sur le défaut d'épuisement des voies de recours internes en ce qui concernel'interdiction du territoire prononcée par jugement du 14 mars 1994

5.2Le conseil signale qu'il est peu sérieux de soutenir que l'auteur, placé en détention provisoire le 13 mars 1994, condamné à interdiction du territoire le lendemain, immédiatement placé en rétention en vue de l'exécution, puis renvoyé de force vers le Zaïre le 20 mars suivant, aurait eu la possibilité de faire appel. L'appel doit être fait par présentation en personne au greffe de la cour d'appel, la seule exception étant la possibilité pour les personnes détenues, donc en vertu d'une condamnation à emprisonnement, de régulariser l'appel dans l'établissement pénitentiaire. Or K. N., qui n'était condamné à aucune peine d'emprisonnement, était en rétention dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire, puis dans l'avion, puis au Zaïre.

5.3Il est de plus notoire que, d'une part, les délais d'audiencement devant la cour de Paris sont d'environ huit mois et que, d'autre part, ce type d'affaire, jugé par la douzième chambre, aboutit automatiquement à une confirmation, voire une aggravation des peines prononcées. Il ne saurait, en toute hypothèse, s'agir d'une voie de recours effective et efficace, puisqu'à supposer même que l'appel ait pu matériellement être exercé, il n'était pas suspensif et n'aurait rien changé à l'exécution forcée de l'interdiction du territoire.

B. Sur le défaut d'épuisement des voies de recours internes depuis le retour de l'auteuren France en 1995

5.4L'État partie soutient que l'auteur pouvait présenter une demande d'asile auprès de l'OFPRA, qu'il pourrait demander à bénéficier d'une assignation à résidence et qu'il a exercé un recours devant le tribunal administratif sur lequel il n'a pas été statué.

5.5Aucun avocat ou association ne prendrait la responsabilité de conseiller à l'auteur de déposer une nouvelle demande d'asile, que ce soit en 1995 ou aujourd'hui. Une telle démarche entraînerait à peu près automatiquement l'éloignement de l'auteur. En droit français, toute démarche d'un étranger pour son séjour (et donc pour l'asile, puisque la demande d'asile n'est possible et recevable qu'après autorisation de séjour en ce sens de l'administration) suppose qu'il se présente en personne à la préfecture, aux termes de l'article 3 du décret du 30 juin 1946 modifié tel qu'interprété en dernier ressort par le Conseil d'État. Cela est bien sûr éminemment dissuasif, puisque celui qui n'est pas déjà titulaire d'un titre ou d'une autorisation de séjour se trouve ipso facto susceptible, immédiatement, d'un arrêté de reconduite à la frontière. C'est ainsi que les démarches aux fins de régularisation aboutissent bien souvent à l'arrestation de l'étranger au guichet de la préfecture, à la notification d'un arrêté de reconduite et l'exécution dans les jours qui suivent.

5.6L'État partie soutient à tort qu'avant le décret du 14 mars 1997, qui interdit toute demande d'asile sans avoir préalablement été admis au séjour par le préfet, rien n'empêchait l'auteur de faire une démarche auprès de l'OFPRA. Avant le décret, toute nouvelle démarche d'un demandeur d'asile débouté était considérée irrecevable, car se heurtant à une précédente décision définitive; elle entraînait ipso facto son éloignement du territoire. Ainsi, lorsque l'auteur présente une seconde demande d'asile en mars 1993, le seul effet concret de cette démarche est d'entraîner dans les jours qui suivent, comme d'usage, un arrêté de reconduite à la frontière et la décision de renvoi vers le Zaïre le 15 avril 1993. Ce n'est qu'à dater des arrêts du Conseil d'État du 21 juin 1996 (préfet Yvelines/SARR, N° 168785 et Lakkis, N° 16053) que le droit au séjour du "redemandeur" d'asile a été consacré dans certains cas. Et ce pour une courte durée, puisque le décret du 14 mars 1997 a interdit expressément toute nouvelle demande en l'absence d'autorisation préalable de séjour du préfet. Il est donc peu réaliste de suggérer que l'auteur aurait dû présenter une troisième demande d'asile, et aucun praticien du droit des étrangers n'aurait envisagé une telle démarche. En plus, jusqu'au 14 mars 1997, qui se trouve être la date d'entrée en vigueur du décret précité, l'auteur est sous le coup de l'interdiction judiciaire du territoire de trois ans, prononcée par le tribunal correctionnel de Paris le 14 mars 1994, et ne peut, par définition, être admis au séjour et donc déposer une demande d'asile, qui suppose nécessairement l'admission préalable au séjour.

5.7L'État partie suggère à tort qu'après le 14 mars 1997 l'auteur pouvait faire une démarche auprès de l'OFPRA, même sans être autorisé au séjour. Il n'est pas possible en droit français de saisir directement l'OFPRA, qui n'examinera que les demandes d'asile transmises par une préfecture si celle-ci a admis au séjour le demandeur d'asile.

5.8En ce qui concerne l'assignation à résidence (qui ne confère aucun droit au travail, couverture sociale, etc.), le conseil affirme qu'il s'agit d'une mesure discrétionnaire, à l'initiative de l'administration, et qui ne peut être demandée à une autorité ou une juridiction indépendante; il ne saurait dès lors s'agir d'une "voie de recours" au sens du droit international. Comme le relève l'État partie, cette mesure peut être prononcée, si l'administration considère établi que l'intéressé ne peut regagner son pays d'origine en raison, notamment, des risques auxquels il est exposé. Il est rappelé que, depuis désormais sept ans, l'administration considère au titre de l'asile, du séjour ou de l'éloignement de l'auteur qu'il peut sans problème regagner son pays d'origine. On comprend dès lors mal comment il en irait différemment au titre de l'assignation à résidence.

5.9En ce qui concerne le recours actuel contre le refus de séjour devant le tribunal administratif de Limoges, il est non suspensif et donc ne protège aucunement l'intéressé contre un renvoi forcé dans son pays. Parallèlement à sa demande d'annulation du refus de séjour, l'auteur a présenté en février 1999 une demande dite de sursis à exécution de la décision qu'il attaquait. Cette procédure n'est pas davantage suspensive. Si, en théorie, elle doit être poursuivie d'extrême urgence, il suffit de constater qu'elle n'a toujours pas été jugée, les délais en la matière pouvant être de plusieurs années. Quant à la demande en annulation, le conseil précise que venaient à l'audience, pour être jugées en 1999 par le tribunal administratif de Limoges, des requêtes déposées en 1994.

5.10Sur le fond, les recours exercés, même s'ils étaient suspensifs, même s'ils étaient jugés dans des délais décents, seront, en application d'une jurisprudence constante, rejetés. Pour ce qui est du sursis, il est systématiquement jugé irrecevable, dès lors que la décision attaquée n'a pas mis le requérant, déjà en situation irrégulière, dans une situation de droit et de fait nouvelle. Et sur le fond, d'une part, de jurisprudence tout aussi constante, les craintes dans le pays d'origine sont considérées inopérantes à l'encontre d'un refus de séjour. D'autre part, le requérant supporte toujours la charge de prouver de façon conclusive les faits qu'il invoque; or, aucune preuve absolue, telle qu'exigée par l'administration et le juge français, ne peut par définition être apportée au cas d'espèce.

C. Sur l'absence de qualité de victime de l'auteur en l'absence de mesure d'éloignementà son encontre

5.11Selon le conseil, le maintien de l'auteur dans une situation où il n'a pas droit à la moindre ressource légale, logement, couverture sociale est en soi une souffrance infligée et/ou tolérée intentionnellement dans le but d'obtenir qu'il ne se maintienne pas sur le territoire, constitutive de traitement inhumain et dégradant et de torture au sens de l'article premier de la Convention.

5.12Il suffit de lire la décision de refus de séjour qui a été notifiée le 27 juillet 1998 par le préfet de la Haute‑Vienne pour constater qu'il est enjoint au requérant de quitter le territoire dans un délai d'un mois, passé lequel il ferait l'objet d'un arrêté de reconduite à la frontière. La pratique administrative française est la suivante. Soit un arrêté de reconduite est adressé par lettre recommandée à la dernière adresse connue, il est alors définitif, peu importe que l'intéressé n'en ait pas eu connaissance effective; soit, à l'occasion d'une arrestation où d'un contrôle d'identité, un arrêté de reconduite sera immédiatement pris, notifié et mis à exécution. Dans le premier cas, le délai de recours est de sept jours. K. N. ignore si une telle lettre lui a été adressée. Dans le second cas, le délai de recours est de quarante‑huit heures. Or, il n'est pas sérieux de soutenir qu'à cette occasion l'auteur aurait tout loisir d'établir les risques qu'il encourt, alors même que cette faculté lui est refusée depuis 1992. Le recours est certes suspensif, mais le tribunal doit statuer dans les quarante‑huit heures. Dans ces circonstances, il ne peut pas être considéré comme un recours effectif et efficace.

5.13Selon le conseil, les moyens tirés des craintes et des risques encourus dans le pays de renvoi sont inopérants à l'encontre de l'arrêté de reconduite lui-même et ne pourraient aboutir, le cas échéant, qu'à l'annulation de la décision fixant le pays de renvoi. Outre la complication procédurale supplémentaire que cela représente pour l'étranger, qui doit penser à indiquer expressément qu'il attaque aussi l'éventuelle décision fixant le pays de renvoi et soulever à son encontre des moyens de fait et de droit distincts, rien n'oblige l'administration à notifier la décision fixant le pays de renvoi en même temps que l'arrêté de reconduite. Au contraire, il est désormais courant, afin précisément d'éviter l'exercice de toute voie de recours suspensive, de notifier à l'étranger retenu cette décision, passé le délai de quarante‑huit heures pour exercer le recours contre l'arrêté de reconduite. L'étranger en cours d'éloignement pourra exercer, dans le délai de droit commun de deux mois, le recours classique en annulation contre la décision fixant le pays de renvoi. Ce recours non suspensif sera jugé dans les délais habituels de quelques années.

Délibérations du Comité

6.1Avant d'examiner toute plainte contenue dans une communication, le Comité doit décider si elle est ou non recevable en vertu de l'article 22 de la Convention.

6.2Conformément à l'alinéa b), du paragraphe 5, de l'article 22, le Comité n'examine aucune communication sans s'être assuré que l'auteur a épuisé tous les recours internes disponibles; cette règle ne s'applique pas s'il est établi que les procédures de recours ont excédé ou excéderaient des délais raisonnables ou qu'il est peu probable qu'elles donneraient satisfaction à la victime présumée.

6.3En l'espèce, le Comité note que, depuis son arrivée en France en 1995, l'auteur n'a pas présenté une nouvelle demande de statut de réfugié auprès de l'OFPRA, malgré l'existence de faits nouveaux qu'il pouvait faire valoir. Le Comité note, à cet égard, l'affirmation de l'État partie selon laquelle, s'il est vrai qu'il ne pouvait obtenir une autorisation de séjour tant que l'interdiction du territoire était en vigueur, l'auteur ne saurait sérieusement soutenir que cela l'empêchait de présenter une nouvelle demande de statut de réfugié et de faire valoir les risques encourus en cas de retour. L'État partie affirme également que l'interdiction judiciaire du territoire ayant cessé de produire des effets à partir de mars 1997, l'auteur pouvait depuis cette date présenter, dans les conditions habituelles, une demande de statut de réfugié. Le Comité note également que le recours de l'auteur contre la décision du préfet rejetant sa demande de séjour, ainsi que sa demande de sursis à l'exécution du renvoi, interposés respectivement en juillet 1998 et en février 1999 devant la juridiction administrative, sont actuellement en cours d'instance. Dans ces circonstances, le Comité constate que les conditions prescrites à l'article 22, paragraphe 5 b) de la Convention ne sont pas remplies.

7.En conséquence, le Comité décide :

a)Que la communication est irrecevable en l'état;

b)Qu'en application de l'article 109 de son règlement intérieur, la présente décision pourra être reconsidérée, s'il reçoit de l'auteur ou en son nom une demande écrite contenant des renseignements d'où il ressort que les motifs d'irrecevabilité ne sont plus valables;

c)Que la présente décision sera communiquée à l'auteur et, pour information, à l'État partie.

[Fait en français (version originale) et traduit en anglais, en espagnol et en russe.]

3. Communication No 95/1997

Présentée par : L. O. (nom supprimé)[représenté par un conseil]

Au nom de : L'auteur

État partie :Canada

Date de la communication : 23 octobre 1997

Le Comité contre la torture, institué conformément à l'article 17 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,

Réuni le 19 mai 2000,

Adopte la décision suivante :

Décision concernant la recevabilité

1.1L'auteur de la communication est M. L. O., de nationalité ghanéenne, né le 27 décembre 1967 et expulsé après avoir demandé asile au Canada. Il affirme que son expulsion vers le Ghana constitue une violation, par le Canada, de la Convention. Il est représenté par un conseil.

1.2Conformément au paragraphe 3 de l'article 22 de la Convention, le Comité a, le 19 novembre 1997, porté la communication à l'attention de l'État partie auquel il a au même moment été demandé qu'en application du paragraphe 9 de l'article 108 du règlement intérieur du Comité, l'auteur ne soit pas expulsé vers le Ghana tant que sa communication serait en cours d'examen par le Comité. Le 22 janvier 1998, l'État partie a fait savoir au Comité que l'auteur avait été expulsé du Canada le 27 octobre 1997, avant que ne parvienne la demande de mesures provisoires.

Rappel des faits présentés par l'auteur

2.1En 1987, l'auteur, alors étudiant, a été arrêté à l'issue de manifestations contre la réforme de l'enseignement. À partir de 1990, il a enseigné dans une école secondaire. En 1992, il a adhéré au Nouveau parti patriotique qu'il a représenté dans un bureau de vote lors des élections tenues en novembre de la même année. Bien qu'il ait signalé des irrégularités à la police, rien n'a été fait.

2.2En septembre 1992, l'auteur a entrepris des études à l'Université des sciences et des techniques de Kumasi. En janvier 1993, il est devenu membre actif de l'Union nationale des étudiants ghanéens. Le 24 mars 1994, il a représenté son université au vingt-quatrième congrès annuel de l'Union où il a dénoncé la politique officielle de réforme de l'enseignement, ainsi que les arrestations fréquentes d'étudiants. Suite à cette intervention, l'auteur a été exclu de l'Université, avec 20 autres étudiants. Le 31 mars 1994, à l'issue d'une manifestation organisée par les étudiants pour protester contre la décision d'expulsion du Président de l'Université, l'auteur a été arrêté et accusé d'inciter les étudiants à manifester contre le Gouvernement. L'auteur déclare que la police l'a déshabillé, roué de coups et soumis à des traitements inhumains. Après cinq jours de garde à vue, il a été relâché moyennant pot-de-vin. Il a ensuite fui le pays.

2.3À l'appui de ses dires, l'auteur invoque une lettre du 10 octobre 1995, dans laquelle son père l'informe que la police était à sa recherche et s'était présentée au domicile familial. En outre, il produit un certificat médical, établi par un psychologue et attestant que l'auteur souffrait de troubles post-traumatiques graves et chroniques. Il affirme également que le Ghana vit sous une dictature brutale et qu'aucune opposition politique n'y est tolérée.

2.4Au Canada, l'auteur a demandé le statut de réfugié en avril 1994. La Commission de l'immigration et du statut de réfugié a examiné sa demande le 15 décembre 1994. Le 25 janvier 1995, elle a été rejetée. L'auteur a demandé à la Cour fédérale du Canada que soit réexaminée la décision de la Commission qu'il jugeait manifestement déraisonnable et infondée au regard des pièces portées à sa connaissance. Le 6 septembre 1995, la Cour fédérale du Canada a refusé cette demande. L'auteur fait valoir que cet exercice consiste plutôt à vérifier sommairement l'absence d'erreurs de droit grossières qu'à examiner un recours au fond. En outre, ce recours n'étant pas suspensif, le demandeur est susceptible d'être expulsé alors que sa requête est en instance.

2.5En décembre 1996, l'auteur a demandé que son cas soit revu au titre des procédures applicables aux demandes du statut de réfugié refusées. Cet exercice consiste en un réexamen administratif, sans audience contradictoire, qui, selon l'auteur, aboutit la plupart du temps à une simple réaffirmation des motifs avancés par la Commission de l'immigration et du statut de réfugié pour rejeter la demande. Le 10 janvier 1997, la requête qu'il avait présentée au titre de ces procédures a été rejetée.

2.6Le 16 janvier 1997, l'auteur a sollicité un réexamen de cette décision. Le 8 juillet 1997, la Cour fédérale du Canada a rejeté cette demande. L'auteur a alors été placé en rétention administrative, dans l'attente d'être expulsé.

2.7Le 27 octobre 1997, l'État partie a renvoyé l'auteur au Ghana. Selon le conseil, l'auteur résidait sans statut légal aux Pays-Bas depuis le 5 novembre 1999 et il souhaitait donner suite à la communication qu'il avait présentée contre le Canada.

Teneur de la plainte

3.1L'auteur déclare qu'il risquerait d'être soumis à la torture à son retour au Ghana et que son expulsion par les autorités canadiennes constitue une violation de la Convention.

3.2Au Canada, l'évaluation des risques est effectuée par des agents de l'immigration qui, selon l'auteur, n'ont pas les compétences voulues en matière de droit international applicable aux droits de l'homme, ni d'ailleurs en ce qui concerne les autres aspects juridiques, et ne satisfont pas aux critères de base d'indépendance et d'impartialité pour prendre de telles décisions. L'auteur fait également état d'une affaire portée devant la Cour européenne des droits de l'homme (Chaha l c. R oyaume-Uni) qui précise les garanties légales devant être respectées par le pays qui procède à une expulsion :

"En pareil cas, vu le caractère irréversible du dommage pouvant se produire si le risque de mauvais traitements se concrétisait et vu l'importance que la Cour attache à l'article 3, la notion de recours effectif au sens de l'article 13 exige d'examiner en toute indépendance l'argument qu'il existe des motifs sérieux de redouter un risque réel de traitements contraires à l'article 3. Cet examen ne doit pas tenir compte de ce que l'intéressé a pu faire pour justifier une expulsion ni de la menace à la sécurité nationale éventuellement perçue par l'État qui expulse. [...] Il n'est pas nécessaire que cet examen soit mené par une instance judiciaire, mais alors ses pouvoirs et les garanties qu'elle présente entrent en ligne de compte pour apprécier l'efficacité du recours s'exerçant devant elle."

L'auteur affirme que la procédure de l'État partie en matière d'évaluation des risques est contraire à cet "examen indépendant" obligatoire. Les autorités qui étudient la pertinence du renvoi du territoire canadien sont celles‑là mêmes qui procèdent à l'expulsion.

Observations de l'État partie sur la recevabilité de la communication

4.1Dans une note du 9 novembre 1998, l'État partie a contesté la recevabilité de la communication car l'auteur n'avait pas épuisé les recours internes disponibles selon l'alinéa b) du paragraphe 5 de l'article 22 de la Convention et l'article 91 du règlement intérieur.

4.2L'État partie fait observer que l'épuisement de toutes les voies de recours disponibles localement, avant de former un recours devant un organe international, est un principe fondamental du droit international. Ce principe offre à l'État la possibilité, avant que sa responsabilité internationale ne soit engagée, de procéder au redressement interne de tous torts qui auraient pu être causés.

4.3L'État partie fait valoir que l'auteur n'a pas cherché à obtenir une dispense ministérielle pour motifs humanitaires en vertu de la sous‑section 114 (2) de la loi canadienne sur l'immigration et de la section 2.1 de ses règles relatives à l'immigration. Ce recours lui aurait permis de demander à tout moment au Ministre de l'immigration et de la citoyenneté d'être dispensé des dispositions de la législation sur l'immigration ou d'être admis au Canada pour des raisons humanitaires. L'État partie renvoie ce sujet à la jurisprudence découlant de la décision du Comité concernant K. c. Canada (communication No 42/1996 du 25 novembre 1997) dans laquelle il a été jugé que l'auteur n'avait pas épuisé les voies de recours internes puisqu'il n'avait pas déposé de demande de dispense ministérielle pour des raisons d'ordre humanitaire.

4.4L'État partie commente aussi l'allégation de l'auteur selon laquelle un examen par la Cour fédérale du Canada n'a pas d'effet suspensif et autorise donc l'État partie à expulser le demandeur alors même que la Cour fédérale est appelée à décider de la légalité de ce renvoi. L'État partie précise qu'il est en pareil cas possible de demander à la Cour fédérale de suspendre provisoirement le renvoi tant qu'elle n'a pas pris de décision. Les critères retenus par la Cour fédérale pour ce faire sont les suivants : a) le bien‑fondé de la question soulevée par l'auteur; b) les torts irréparables qu'imposerait à l'auteur un renvoi; et c) lorsque tout bien pesé cette solution est préférable.

Commentaires du conseil

5.1L'auteur déclare avoir épuisé tous les recours internes disponibles avant d'avoir présenté sa communication. Il dit qu'il est illusoire de croire que les raisons humanitaires, uniquement fondées sur le risque présenté par le retour, seraient traitées différemment de l'examen effectué dans le cas de la procédure applicable aux demandes refusées.

5.2Les demandes de dispense ministérielle pour des motifs humanitaires et l'examen des décisions de refus sont confiés aux mêmes personnes ou à des agents du même grade, dans le même service. Il est donc certain que, s'il n'est pas présenté d'élément nouveau, la décision sera la même.

5.3La même chose vaut au niveau de la Cour fédérale : la demande de réexamen de la décision de refus n'ayant pas abouti, il ne pouvait en être autrement à une étape ultérieure alors que les points de fait et de droit étaient exactement les mêmes.

5.4L'auteur souligne le caractère illusoire du réexamen pour des raisons d'ordre humanitaire lorsque la Cour fédérale a déjà traité du fond. En conséquence, et étant donné la jurisprudence constante de la Cour fédérale du Canada, il ne reste aucun recours réellement susceptible d'aboutir et les dispositions de l'alinéa b) du paragraphe 5 de l'article 22 de la Convention s'appliquent manifestement.

Délibérations du Comité

6.1Le Comité tient à souligner que, bien qu'il ait demandé qu'en application du paragraphe 9 de l'article 108 de son règlement intérieur, l'auteur ne soit pas expulsé tant que sa communication serait en cours d'examen par le Comité, l'État partie a été informé trop tard de cette demande pour pouvoir y donner suite. L'expulsion a eu lieu près d'un mois avant que la communication lui parvienne.

6.2Avant d'examiner toute plainte contenue dans une communication, le Comité doit décider si elle est ou non recevable en vertu de l'article 22 de la Convention. Conformément à l'alinéa a) du paragraphe 5 de l'article 22, le Comité s'est assuré que la même question n'avait pas été et n'était pas en cours d'examen devant une autre instance internationale d'enquête ou de règlement. Il constate aussi que cette communication n'est pas un abus du droit de soumettre de telles communications ni incompatible avec les dispositions de la Convention.

6.3En ce qui concerne l'épuisement des recours internes, le Comité a pris note des observations de l'État partie et du conseil de l'auteur. En vertu de l'alinéa b) du paragraphe 5 de l'article 22 de la Convention, le Comité n'examine aucune communication sans s'être assuré que tous les recours internes disponibles ont été épuisés; cette règle ne s'applique cependant pas si les procédures de recours ont excédé ou excéderaient des délais raisonnables ou s'il est peu probable qu'elles donneraient satisfaction à la victime présumée.

6.4Dans la présente affaire, l'État partie fait valoir que l'auteur n'a pas demandé à la Cour fédérale de suspendre son renvoi et n'a pas demandé une dispense ministérielle pour motifs humanitaires.

6.5L'auteur ne conteste pas ne pas avoir demandé de suspension de son renvoi et ne pas avoir demandé de dispense ministérielle pour motifs humanitaires. À cet égard, le Comité note tout d'abord qu'une demande de dispense ministérielle pour des raisons d'ordre humanitaire constitue bien un recours. Il note en outre qu'en cas de rejet de cette demande par le ministre, l'auteur a la possibilité de demander un contrôle judiciaire de la décision et la suspension de son renvoi. Enfin, même s'il avance que ces recours seraient vains, l'auteur ne fournit aucun élément de preuve selon lequel il était peu probable qu'ils aboutissent. Dans ces circonstances, le Comité constate que les conditions prescrites à l'alinéa b) du paragraphe 5 de l'article 22 de la Convention ne sont pas remplies.

7.En conséquence, le Comité décide :

a)Que la communication est irrecevable;

b)Qu'en application de l'article 109 de son règlement intérieur la présente décision pourra être reconsidérée s'il reçoit de l'auteur ou en son nom une demande écrite contenant des renseignements d'où il ressort que les motifs d'irrecevabilité ne sont plus valables;

c)Que la présente décision sera communiquée à l'État partie, à l'auteur et à son représentant.

[Fait en anglais (version originale) et traduit en espagnol, en français et en russe.]

4. Communication No 121/1998

Présentée par : S. H. (nom supprimé)

[représenté par un conseil]

Au nom de : L'auteur

État partie :Norvège

Date de la communication : 23 octobre 1998

Le Comité contre la torture, institué conformément à l'article 17 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,

Réuni le 19 novembre 1999,

Adopte la décision suivante :

Décision concernant la recevabilité

1.1L'auteur de la communication est S. H., ressortissant éthiopien né en 1965 qui réside actuellement en Norvège où il a demandé l'asile. Sa demande a toutefois été rejetée et il risque d'être expulsé. Il affirme que son renvoi forcé en Éthiopie constituerait une violation par la Norvège de l'article 3 de la Convention. Il est représenté par un conseil.

1.2Conformément au paragraphe 3 de l'article 22 de la Convention, le Comité a porté la communication à l'attention de l'État partie, le 19 novembre 1998. Dans le même temps, l'État partie a été prié, en vertu du paragraphe 9 de l'article 108 du règlement intérieur, de ne pas renvoyer S. H. en Éthiopie tant que le Comité serait saisi de sa communication. Dans un mémoire du 19 janvier 1999, l'État partie a informé le Comité que S. H. ne serait pas expulsé vers son pays d'origine jusqu'à nouvel ordre.

Rappel des faits présentés par l'auteur

2.1L'auteur appartient au groupe ethnique amhara. En 1991 son père ‑ un médecin ‑ a disparu après avoir été arrêté et n'a pas été revu depuis. L'auteur croit que l'arrestation et la disparition de son père sont liées à son origine ethnique et à des accusations portées contre lui selon lesquelles il était partisan du régime de Mengistu. En 1993, l'auteur a adhéré à l'All‑Amhara People's Organization (AAPO). Il travaillait alors comme conseiller agricole dans le district amhara de Debre Berhan. Deux types d'activité lui avaient été confiés dans le cadre de l'AAPO : propagande et recrutement d'une part; contrebande d'armes, organisation d'attaques destinées à se procurer des armes et prise des dispositions voulues pour en assurer la distribution d'autre part.

2.2En 1995, l'auteur avait été arrêté par les forces de sécurité à l'occasion d'une réunion clandestine qu'il avait organisée à proximité de Debre Berhan. Deux jours plus tard, il avait été conduit dans un lieu de détention secret où il avait été sauvagement torturé. Au bout de neuf mois de détention, sa famille avait soudoyé un gardien qui l'avait aidé à s'évader. Il s'était caché pendant un certain temps à Addis-Abeba avant de se rendre en Norvège, en novembre 1995.

2.3Après le dépôt de sa demande d'asile, il a été interrogé les 3 et 22 novembre 1995 par la police d'Asker et de Baerum. La Direction de l'immigration a rejeté sa demande le 15 décembre 1995, jugeant l'auteur non crédible pour les raisons suivantes : a) il ne savait rien de l'arrestation d'autres membres de son parti; b) deux photographies représentant l'auteur en liberté portaient en incrustation automatique des dates auxquelles il prétendait s'être trouvé en détention; c) l'auteur ne portait aucune marque visible de tortures.

2.4Le 5 janvier 1996, l'auteur a formé un recours devant le Ministère de la justice dans lequel il réfutait comme suit l'argumentation avancée par la Direction de l'immigration. Il était bien au courant de l'arrestation de plusieurs membres de son parti mais ne savait pas leur nom; le dateur automatique de l'appareil utilisé pour faire les photos susmentionnées ne fonctionnait pas bien parce que les piles étaient à plat; il portait des cicatrices dues aux tortures mais la police norvégienne ne s'était pas donné la peine de les examiner.

2.5Le 6 novembre 1997, le Ministère de la justice a rejeté ce recours. Le Ministère n'avait pas jugé convaincantes les explications fournies par l'auteur concernant les points controversés. En outre, le Ministère avait été informé par l'Ambassade de Norvège à Nairobi que l'auteur était inconnu de la direction de l'AAPO, que selon cette direction la réunion au cours de laquelle l'auteur prétendait avoir été arrêté n'avait jamais eu lieu et que deux des documents produits par l'auteur avec sa demande d'asile s'étaient révélés être des faux.

2.6L'auteur affirme qu'on ne lui a pas donné la possibilité de faire ses observations concernant le rapport de l'Ambassade de Norvège, rapport reposant sur une enquête effectuée à Addis‑Abeba par un avocat dont l'identité ne lui avait jamais été divulguée. Cet avocat s'était rendu à Debre Berhan et avait constaté que l'AAPO n'y possédait pas de bureau à ce moment‑là. Il en avait donc déduit qu'aucune réunion de l'AAPO ne s'y était déroulée le 27 janvier 1995 et qu'il était impossible de vérifier si le demandeur d'asile avait été arrêté. L'avocat avait en outre constaté que même à l'époque où un bureau de l'AAPO fonctionnait à Debre Berhan, ses président et vice-président n'étaient pas ceux mentionnés par l'auteur dans sa demande.

2.7Le 21 décembre 1997, l'auteur a présenté une demande de réexamen de son dossier dans laquelle il faisait part de ses observations sur le rapport de vérification et sur l'interprétation du Ministère. Il indiquait que son arrestation et sa détention avaient été irrégulières et que l'on ne pouvait donc attendre de lui qu'il présente des pièces justificatives sur ce point. Il ajoutait qu'il n'avait jamais fait référence à un bureau de l'AAPO à Debre Berhan, mais avait signalé entretenir lui-même des liens avec le bureau d'Addis-Abeba. Les noms des autres membres de l'AAPO mentionnés dans le rapport de vérification étaient incorrectement écrits et étaient si répandus que d'autres éléments d'identification auraient dû être employés. Il y avait eu méprise sur la position que ces personnes occupaient à l'AAPO. Il se rappelait que le chef de l'AAPO, Askat Weldeyes, avait été emprisonné pour ses activités clandestines. Il indiquait en outre que les autorités norvégiennes ne s'étaient pas souciées d'examiner ses cicatrices alors qu'en vertu de l'article 17 de la loi sur l'administration, elles étaient tenues d'obtenir un avis médical.

2.8L'auteur avait fourni au Ministère de la justice un exemplaire d'un rapport médical établi le 4 février 1998 par un spécialiste des victimes de la torture. Dans ce rapport il était fait référence aux méthodes de torture décrites par l'auteur, qui affirmait avoir été frappé tous les jours pendant deux semaines à coups de bâton, en particulier aux genoux, sur la tête et sur la plante des pieds et piqué avec des épingles sur la plante des pieds alors qu'il était allongé sur le dos, les mains attachées. Dans le rapport étaient énumérés un certain nombre de problèmes physiques et psychologiques imputables à ce type de mauvais traitements, tels que douleurs permanentes dans le genou droit et le pied gauche, difficulté à marcher, maux de tête, miction douloureuse, dépression et troubles du sommeil. Le médecin avait conclu que l'auteur avait été soumis à des tortures et l'avait orienté vers un rhumatologue et une équipe psychosociale pour examen plus poussé.

2.9L'équipe psychosociale pour les réfugiés de Norvège septentrionale a établi un rapport en date du 20 avril 1998 indiquant que les entretiens avec l'auteur faisaient clairement apparaître qu'il avait été victime de torture et avait été traumatisé par ce qu'il avait vécu en prison. Il présentait tous les signes du choc post-traumatique et avait besoin d'une longue psychothérapie. Ce rapport a été adressé au Ministère de la justice le 21 avril 1998.

2.10Le 10 septembre 1998, le Ministère a rejeté la demande de réexamen du dossier, refusant d'admettre que les problèmes de santé actuels de l'auteur étaient imputables à ce qu'il avait subi en Éthiopie. Étant donné que ses allégations concernant ses activités politiques n'étaient pas crédibles, ses blessures ne pouvaient pas être le résultat de telles activités. Le 14 septembre 1998, le conseil de l'auteur a envoyé par télécopie au Ministère une demande de sursis à l'exécution de la décision d'expulsion en invoquant l'article 42 de la loi sur l'administration, en vertu duquel lorsqu'un demandeur a l'intention de saisir la justice ou l'a déjà fait, l'administration peut surseoir à l'exécution d'une décision jusqu'à ce qu'un jugement définitif ait été rendu. Le 16 septembre 1998, le Ministère a répondu que l'exécution de la décision du 6 novembre 1997 ne serait pas reportée du fait qu'aucun élément nouveau n'avait été produit.

2.11L'auteur fait valoir que les autorités norvégiennes ont à plusieurs reprises refusé d'enquêter sur ses allégations de torture alors qu'en vertu de l'article 17 de la loi administrative, les personnes appelées à statuer sont tenues d'examiner le dossier sous tous ses aspects. Ce refus est en outre contraire aux articles 15 à 17 de la loi sur les étrangers. Il relève que le Ministère a refusé le réexamen de l'affaire sans faire référence aux rapports médicaux et en évitant de formuler tout commentaire à ce sujet.

2.12L'auteur fait en outre valoir que sa version des faits est cohérente et réfute la plupart des arguments avancés par le Ministère pour rejeter sa demande. Par exemple, dans sa décision du 10 septembre 1998, le Ministère a constaté que le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) avait accès à la plupart des lieux de détention officiels en Éthiopie et avait fait état de cas de torture et d'autres types de mauvais traitements physiques à l'encontre de détenus politiques. Dans ces rapports, il n'était cependant pas fait mention de torture sur la personne de membres de l'AAPO détenus dans des lieux secrets. De tels centres de détention existent, comme le montrent des rapports d'ONG, en particulier d'Amnesty International.

2.13Le Ministère affirme également que les renseignements disponibles ne mettent pas en évidence de recours à la torture sauf contre des personnes liées à des groupes rebelles. La détention de personnes liées à des groupes d'opposition plus pacifiques, comme l'AAPO, n'est pas fréquente et ne comporte pas de risque de torture. L'auteur réfute cet argument et fournit un exemplaire d'un rapport de 1995 d'Amnesty International dans lequel il est signalé que des centaines de partisans de l'AAPO ont été arrêtés en 1994 et au début de 1995. Il fournit en outre la copie d'un article publié dans le magazine Ethio pian Regi s ter, dans lequel figurent les déclarations de plusieurs coaccusés d'un procès intenté contre le Président de l'AAPO pour participation à une insurrection armée. Ces personnes décrivent les tortures qui leur ont été infligées après leur arrestation en 1994, dans la région de Debre Berhan pour certaines d'entre elles. Selon l'auteur, les faits relatés corroborent ses propres allégations.

2.14De plus, le Ministère affirme que l'AAPO avait démenti être dotée d'une organisation clandestine, ce à quoi l'auteur rétorque qu'il est très rare qu'une équipe dirigeante responsable reconnaisse publiquement mener des activités secrètes.

2.15Enfin, l'auteur se plaint du fait que dans le procès-verbal d'interrogatoire de police n'aient pas été consignés tous les renseignements qu'il avait fournis, en particulier ceux relatifs aux types de torture qui lui avaient été infligés.

Teneur de la plainte

3.L'auteur affirme qu'étant donné qu'il a été torturé ‑ suite à quoi il suit un traitement médical ‑, et qu'il existe un ensemble de violations graves des droits de l'homme en Éthiopie, il est très probable qu'il sera à nouveau torturé s'il est renvoyé.

Observations de l'État partie sur la recevabilité de la communication

4.1Dans un mémoire en date du 19 janvier 1999, l'État partie conteste la recevabilité de la communication au motif du non-épuisement des recours internes et demande au Comité de revenir sur la requête formulée en application du paragraphe 9 de l'article 108 de son règlement intérieur. Il affirme que lorsqu'elles rendent des décisions en vertu de la loi de 1988 sur l'immigration, les autorités de l'immigration tiennent compte des obligations internationales de la Norvège, dont celles énoncées dans la Convention. De surcroît, l'article 15 de cette loi dispose qu'un étranger ne peut être envoyé dans un endroit où il craint de subir des persécutions d'un type qui justifierait son admission au bénéfice du statut de réfugié, ou s'il risque d'être envoyé vers un tel endroit. Ce genre de protection s'applique à tout ressortissant étranger qui, pour des raisons similaires à celles données dans la définition du réfugié, est en grand danger de perdre la vie ou de se voir infliger des traitements inhumains. Selon l'État partie, l'article 15 de la loi sur l'immigration correspond à l'article 3 de la Convention. Bien que la loi sur l'immigration ne mentionne pas expressément la Convention, cette dernière est appliquée par les autorités de l'immigration et sera appliquée par les tribunaux si elle est invoquée devant eux.

4.2Les demandeurs d'asile dont la demande est rejetée par l'administration ont la possibilité de saisir la justice d'un recours en contrôle de légalité. Conformément au chapitre 15 de la loi de 1992 sur l'exécution des jugements, une partie peut solliciter des tribunaux une injonction ‑ que l'affaire ait déjà été portée devant la justice ou non ‑ c'est-à-dire demander au tribunal d'ordonner à l'administration de surseoir à l'expulsion d'un demandeur d'asile. L'injonction peut être accordée si le plaignant est en mesure de démontrer que la décision contestée sera probablement annulée une fois la décision rendue dans l'affaire principale. Dans le cas à l'examen, la télécopie en date du 16 septembre 1998 par laquelle le Ministère informait l'auteur qu'un sursis à exécution ne serait pas accordé ne peut être interprétée comme signifiant que le Ministère allait procéder à l'expulsion même si l'auteur avait porté l'affaire devant la justice. De plus, l'auteur n'avait pas indiqué qu'il avait l'intention de saisir la justice.

4.3Depuis 1987, plus de 150 recours en contrôle de légalité d'une décision refusant l'asile ont été formés devant les tribunaux norvégiens. Dans la majorité de ces affaires, une demande d'injonction a été présentée. Les tribunaux sont investis du pouvoir propre d'ordonner un sursis à exécution. Si un demandeur démontre que les conditions requises pour la délivrance d'une injonction sont remplies, le Ministère ne peut procéder à l'expulsion et est tenu d'obéir au tribunal. L'expérience montre que dans la majorité des affaires de demande d'asile portées devant les tribunaux, le Ministère décide lui-même par voie administrative de surseoir à l'exécution jusqu'à ce que le tribunal de première instance ait rendu ‑ à la suite d'une procédure orale ‑ sa décision concernant la demande d'injonction.

4.4L'État partie se réfère en outre à l'affirmation de l'auteur selon laquelle sa situation financière ne lui permettrait pas d'aller devant la justice. Même si tel était le cas, cet argument ne suffirait pas à rendre inopérant le paragraphe 5 b) de l'article 22 de la Convention. Le libellé de cette disposition est clair et ne peut servir de fondement à ce type de défense. De plus, l'État partie note que l'auteur est en fait représenté par un conseil devant le Comité.

4.5Dans les affaires du type de celle à l'examen, les tribunaux nationaux sont mieux placés que les instances internationales pour apprécier les éléments de preuve. Ce constat est particulièrement valable quand il s'agit de faire déposer des parties et des témoins sur des questions de fiabilité et de crédibilité. Devant un tribunal, le témoignage oral fait l'objet d'un examen par les deux parties voire par le tribunal lui-même. Ce type de procédure n'existe pas au Comité. Les faits de la cause tels qu'ils ressortent des documents sont complexes et circonstanciés. Les détails doivent être appréciés au regard des témoignages présentés oralement devant le tribunal. La condition d'épuisement des recours internes est donc d'autant plus impérative.

Observations du conseil de l'auteur

5.Le conseil affirme que le Ministère de la justice tend à ne pas autoriser les demandeurs d'asile à demeurer dans le pays pour préparer leur demande introductive d'instance ou pendant l'examen de leur affaire par le tribunal. Il renvoie à la déclaration de l'État partie selon laquelle plus de 150 recours en contrôle de légalité de décisions refusant l'asile ont été soumis à des tribunaux norvégiens et constate que 150 affaires en 12 ans est un chiffre assez faible montrant à quel point il est difficile d'avoir accès à la justice. Enfin, il indique que l'auteur n'est pas parvenu à rassembler les fonds nécessaires pour saisir la justice.

Renseignements supplémentaires fournis par l'État partie

6.1Dans un mémoire supplémentaire daté du 29 octobre 1999, l'État partie informe le Comité que, conformément à la loi sur l'immigration, les demandeurs d'asile ont droit à des conseils juridiques gratuits lors de la procédure administrative. Cette aide est limitée à cinq heures de travail d'un avocat pour ce qui est du recours devant la première instance administrative et à trois heures supplémentaires en cas d'appel de la décision administrative : ces limites ont été fixées en fonction d'une évaluation du temps nécessaire pour apporter l'aide voulue. Il est possible de demander une prolongation de cette aide.

6.2Pour ce qui est de la procédure devant les tribunaux, conformément à la loi No 35 sur l'aide judiciaire du 13 juin 1998, la demande d'aide judiciaire gratuite doit être adressée au gouverneur du comté. La condition fixée pour obtenir cette aide est que le revenu de l'intéressé ne dépasse pas certaines limites, ce qui est habituellement le cas pour les demandeurs d'asile, même s'ils touchent un salaire en plus des prestations versées par l'État. L'aide judiciaire, si elle est accordée, couvre les honoraires du conseil en tout ou en partie. Elle couvre en outre les frais de justice et les autres frais liés à la procédure, tels que les honoraires de l'interprète. L'État partie indique également que les bénéficiaires de l'aide judiciaire gratuite dans la procédure devant les tribunaux doivent assumer eux-mêmes une part du total des frais, représentant une somme forfaitaire modérée équivalant à environ 45 dollars des États‑Unis, et assumer aussi une part supplémentaire de 25 % du total des dépenses dépassant le montant forfaitaire. Toutefois, l'État partie indique que la personne concernée n'est pas tenue d'acquitter ce montant si son revenu est en dessous d'un seuil minimum.

6.3L'État partie déclare qu'il ignore si l'auteur a demandé à bénéficier d'une aide judiciaire gratuite en vue de la procédure prévue devant les tribunaux, mais souligne que le fait que l'aide judiciaire gratuite n'est pas inconditionnellement accordée lorsque le demandeur fait appel de la décision administrative devant les tribunaux ne signifie pas que l'auteur n'est pas tenu d'épuiser les recours internes.

Délibérations du Comité

7.1Avant d'examiner toute plainte contenue dans une communication, le Comité contre la torture doit décider si elle est ou non recevable en vertu de l'article 22 de la Convention.

7.2Le Comité note que l'État partie conteste la recevabilité de la communication au motif que toutes les voies de recours disponibles et efficaces n'ont pas été épuisées. Il note en outre que la légalité d'un acte administratif peut être contestée devant les tribunaux norvégiens et que les personnes dont la demande d'asile politique est rejetée par la Direction de l'immigration et dont le recours devant le Ministère de la justice est également rejeté ont la possibilité de former un recours en contrôle de légalité devant la justice norvégienne.

7.3Le Comité note que selon les renseignements à sa disposition, l'auteur n'a pas engagé d'action en vue du contrôle judiciaire de la décision rejetant sa demande d'asile. Prenant note de l'affirmation de l'auteur concernant les incidences financières d'un tel recours, le Comité rappelle qu'il est possible de solliciter une aide judiciaire et constate qu'aucun renseignement fourni n'indique que cette démarche a été effectuée dans l'affaire à l'examen.

7.4Toutefois, vu les diverses affaires similaires portées à son attention et étant donné le nombre d'heures limitées d'aide judiciaire gratuite auxquelles les demandeurs d'asile ont droit aux fins de procédures administratives, le Comité recommande à l'État partie de prendre les dispositions voulues pour que les demandeurs d'asile soient dûment informés de toutes les voies de recours internes à leur disposition, en particulier de la possibilité d'un recours en contrôle de légalité par les tribunaux et de la possibilité de bénéficier d'une aide judiciaire pour former un tel recours.

7.5Le Comité note l'affirmation de l'auteur concernant le résultat probable au cas où l'affaire serait portée devant un tribunal. Il considère néanmoins que l'auteur n'a pas présenté suffisamment d'informations étayées expliquant les raisons faisant croire que cette procédure de recours excéderait des délais raisonnables et aurait peu de chance d'aboutir. Le Comité constate que les conditions prescrites au paragraphe 5 b) de l'article 22 de la Convention ne sont pas remplies.

8.Le Comité décide en conséquence :

a)Que la communication est irrecevable en l'état;

b)Que la décision pourra être reconsidérée en vertu de l'article 109 du règlement intérieur, si le Comité est saisi par l'auteur ou en son nom d'une demande écrite contenant des renseignements d'où il ressort que les motifs d'irrecevabilité ne sont plus applicables;

c)Que la présente décision sera communiquée à l'auteur de la communication et à l'État partie.

[Fait en anglais (version originale) et traduit en espagnol, en français et en russe.]

5. Communication No 127/1999

Présentée par : Z. T. (nom supprimé)[représenté par un conseil]

Au nom de : L'auteur

État partie :Norvège

Date de la communication : 25 janvier 1998

Le Comité contre la torture, institué conformément à l'article 17 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,

Réuni le 19 novembre 1999,

Adopte la décision suivante :

Décision concernant la recevabilité

1.1L'auteur de la communication est M. Z. T., ressortissant éthiopien résidant actuellement en Norvège où il a fait une demande d'asile qui a été rejetée et dont il risque d'être expulsé. Il affirme qu'il risquerait d'être emprisonné et torturé s'il retournait en Éthiopie et que son retour forcé dans ce pays constituerait en conséquence une violation par la Norvège de l'article 3 de la Convention. Il est représenté par une organisation non gouvernementale de protection des réfugiés et de défense des droits de l'homme, appelée Rådgi vningsgruppa (Groupe de conseil).

1.2Conformément au paragraphe 3 de l'article 22 de la Convention, le Comité a porté la communication à l'attention de l'État partie, le 5 février 1999. En vertu du paragraphe 9 de l'article 108 du règlement intérieur du Comité, l'État partie a été prié de ne pas expulser l'auteur vers l'Éthiopie tant que sa communication serait en cours d'examen par le Comité.

Rappel des faits présentés par l'auteur

2.1L'auteur dit qu'il appartient au groupe ethnique amhara et qu'il est né à Jinka où son père était magistrat. Au cours de ses études secondaires à Addis-Abeba, il a participé à plusieurs manifestations contre Hailé Selassié et en faveur du colonel Mengistu. Lorsque Mengistu a accédé au pouvoir, en février 1977, des jeunes, dont l'auteur, ont été envoyés dans les zones

rurales pour alphabétiser la population. Déçu par le régime de Mengistu, l'auteur est entré en contact avec le Parti révolutionnaire du peuple éthiopien (PRPE) et a commencé à travailler pour ce parti.

2.2Selon l'auteur, le PRPE a commencé à organiser sa résistance contre le régime de Mengistu en incitant les étudiants et les jeunes des zones rurales à revenir à Addis-Abeba. En 1977, les conflits entre les différentes factions politiques ont conduit à la "terreur rouge", à l'élimination brutale de tous les opposants au Conseil administratif militaire provincial en place et à des assassinats aveugles. Le nombre de victimes a été évalué à 100 000. L'auteur, qui distribuait des tracts et qui posait des affiches à Addis-Abeba au nom du PRPE, a été arrêté et envoyé dans un camp de concentration avec des milliers d'autres jeunes et il est resté dans ce camp pendant un an entre 1980 et 1981. Dans le camp, il a été soumis à des simulacres d'exécution et à des lavages de cerveau connus sous le nom de "baptême de Mengistu". Selon l'auteur, la "terreur rouge" a pris fin lorsque le régime a été convaincu que les dirigeants du PRPE étaient tous morts. Un grand nombre de prisonniers politiques, dont l'auteur, ont alors été libérés.

2.3Après sa libération, l'auteur est entré dans la clandestinité et a poursuivi ses activités de soutien au PRPE. Il déclare que le régime de Mengistu surveillait de près les agissements des anciens prisonniers politiques afin d'éviter le renouveau de l'opposition. En 1986-1987, à la suite d'une rafle, l'auteur a été emmené à la prison "Kerchele" où il est resté incarcéré quatre ans. Il déclare que les détenus étaient forcés de marcher nus et étaient soumis à des mauvais traitements, notamment qu'ils étaient régulièrement frappés à coups de matraque. En prison, l'auteur a contracté la tuberculose.

2.4En mai 1991, le régime de Mengistu est tombé et le Front démocratique révolutionnaire du peuple éthiopien (FDRPE) a pris le pouvoir. Selon l'auteur, les gardiens de prison, pris de panique, se sont enfuis et tous les détenus sont en conséquence sortis de la prison. Une fois libre, l'auteur a tenté de prendre contact avec des membres du PRPE, mais tous les liens qu'il avait établis par le passé avaient disparu. Il a alors commencé à travailler pour la Coalition démocratique du peuple éthiopien du Sud (SEPDC), une nouvelle coalition regroupant 14 partis politiques régionaux et nationaux d'opposition. L'auteur s'est mis au service de l'un des dirigeants, M. Alemu Abera, à Awasa, comme messager. En février 1995, il allait livrer un message à M. Alemu lorsqu'il a été arrêté par la police.

2.5L'auteur déclare qu'il a est resté en détention pendant 24 heures à Awasa, puis a été transféré à la prison centrale "Meakelawi Eser Bete" à Addis‑Abeba. Après trois jours, il a été emmené à la prison "Kerchele" où il est resté un an et sept mois. Il n'a jamais été jugé et n'a jamais rencontré d'avocat. Il a subi dans la prison le même traitement que celui qu'il avait connu au cours de sa première incarcération à "Kerchele". Il déclare qu'il a été conduit à la chambre de torture et menacé d'être abattu s'il ne coopérait pas. Il croit que la seule raison pour laquelle il n'a pas été sévèrement torturé comme un grand nombre d'autres prisonniers est qu'il était déjà physiquement faible. Au cours de son emprisonnement, il est devenu épileptique.

2.6L'auteur, qui avait précédemment travaillé comme technicien, a été chargé de faire certaines réparations dans la prison. Le 5 octobre 1996, il a réussi à s'échapper lorsque l'un des gardes principaux l'a conduit chez lui pour effectuer des réparations. Grâce à un ami, il a pu obtenir les papiers nécessaires pour quitter le pays et a demandé l'asile en Norvège le 8 octobre 1996.

2.7Le 18 juin 1997, la Direction de l'immigration a rejeté sa demande d'asile, essentiellement sur la base d'un rapport de vérification établi par l'ambassade de Norvège à Nairobi faisant état de contradictions dans les informations fournies par l'auteur et par sa mère et de discordances dans les heures indiquées. Le recours qu'il a formé le 3 juillet 1997 a été rejeté par le Ministère de la justice le 29 décembre 1997, pour les mêmes motifs. Le 5 janvier 1998, une demande de réexamen a été déposée et, le 25 août 1998, le Ministère de la justice a répondu négativement à cette demande.

2.8L'auteur déclare qu'ayant épuisé les voies ouvrant droit à l'assistance gratuite d'un avocat, le Groupe de conseil a accepté de le défendre à titre bénévole. Les 1er et 9 septembre 1998, le Groupe de conseil a présenté de nouvelles demandes de réexamen et de sursis à exécution de l'arrêté d'expulsion, qui ont été rejetées le 16 septembre 1999. L'auteur a soumis au Comité, à ce sujet, des copies de 16 documents échangés par courrier entre le Groupe de conseil et le Ministère de la justice, y compris un certificat médical établi par une infirmière psychiatrique, indiquant que l'auteur souffrait de choc post-traumatique. La date de l'expulsion a été finalement fixée au 21 janvier 1999.

2.9L'auteur déclare que toutes les discordances concernant les dates, relevées par les autorités norvégiennes, s'expliquent par le fait qu'au cours de l'interrogatoire initial, il a accepté de répondre en anglais, n'ayant pas été informé de son droit d'être assisté d'un interprète en amharique. Il déclare qu'il existe entre le calendrier éthiopien et le calendrier norvégien une différence d'environ huit ans et qu'en conséquence, lorsqu'il a essayé de calculer les dates selon le calendrier norvégien et de les traduire en anglais, plusieurs dates ne correspondaient plus. La situation a été encore compliquée par le fait qu'en Éthiopie la journée commence à 6 heures du matin (heure norvégienne). Ainsi, lorsque l'auteur disait "2 heures", par exemple, il fallait comprendre "8 heures".

2.10L'auteur ajoute qu'au cours de l'interrogatoire, il a appelé la Coalition démocratique du peuple éthiopien du Sud (SEPDC) l'"Organisation politique du peuple du Sud" (SPPO), qui n'existe pas. D'après lui cette erreur est due au fait qu'il ne connaissait le nom de l'organisation qu'en amharique. Toutefois, il a donné le nom exact du chef de la SEPDC, qui était l'un de ses contacts.

2.11Enfin, l'auteur a donné des explications détaillées concernant les contradictions entre ses propres déclarations et les informations fournies par sa mère au représentant de l'ambassade de Norvège à Nairobi.

Teneur de la plainte

3.L'auteur affirme qu'il risquerait d'être de nouveau emprisonné et torturé s'il retournait en Éthiopie. Il déclare qu'au cours de la procédure de demande d'asile, les autorités d'immigration n'ont pas examiné sérieusement le fond de son allégation et n'ont pas accordé suffisamment d'attention à ses activités politiques et son passé de détention.

Observations de l'État partie sur la recevabilité de la communication

4.1Dans un mémoire daté du 31 mars 1999, l'État partie conteste la recevabilité de la communication au motif du non-épuisement des recours internes et demande au Comité de retirer la demande qu'il a formulée en vertu du paragraphe 9 de l'article 108 de son règlement intérieur.

4.2L'État partie indique que les demandes d'asile politique sont traitées au niveau de la première instance administrative par la Direction de l'immigration et qu'un éventuel recours administratif peut être formé devant le Ministère de la justice. Dès qu'une personne dépose une demande d'asile, un défenseur est désigné. Dès le moment où il fait sa première déclaration auprès des autorités d'immigration, le demandeur a droit à la représentation juridique gratuite.

4.3Conformément à la pratique habituelle, l'auteur a été informé : a) qu'il avait l'obligation de fournir aux autorités tous les renseignements pertinents de la façon la plus détaillée possible, b) que des renseignements complémentaires pouvaient être fournis par la suite mais que la crédibilité de la demande pouvait ainsi être affaiblie et c) que les agents de l'État et les interprètes traitant de sa demande étaient tenus au secret professionnel. La demande de l'auteur a été examinée en détail à la fois par la Direction de l'immigration et, en appel, par le Ministère de la justice. Toutefois, elle a été rejetée par les deux instances et l'auteur a été prié de quitter le territoire norvégien.

4.4L'État partie indique qu'en règle générale, sauf disposition contraire, la légalité d'un acte administratif peut être contestée devant les tribunaux norvégiens. Ainsi, les demandeurs d'asile qui sont informés que leur demande d'asile politique a été rejetée par les autorités administratives peuvent demander aux tribunaux norvégiens de procéder à un contrôle judiciaire et demander ainsi que la légalité du rejet de leur requête soit examinée. Les requêtes de ce type et les demandes d'injonction ne sont pas soumises à l'autorisation des tribunaux.

4.5Toute partie peut solliciter des tribunaux une injonction, demandant ainsi au tribunal d'ordonner à l'autorité administrative de surseoir à l'expulsion du demandeur d'asile. Conformément à la loi de 1992 sur l'exécution des jugements, l'injonction peut être accordée si le plaignant a) prouve que la décision contestée sera probablement annulée par le tribunal lorsque l'affaire principale sera jugée et b) avance des raisons suffisantes pour demander une injonction, c'est-à-dire qu'une injonction est nécessaire pour éviter que l'intéressé ne subisse de graves préjudices au cas où la décision serait appliquée sans que le tribunal n'ait pu se prononcer dans l'affaire principale. Lorsque la décision contestée consiste à refuser l'asile, dans la pratique, la deuxième condition requise s'efface devant la première condition, ce qui signifie que, dans les cas de demande d'asile, la demande d'injonction dépend de la question de savoir si le plaignant peut prouver que la décision contestée sera probablement annulée par le tribunal lorsqu'il traitera ultérieurement de l'affaire principale.

4.6L'auteur indique, dans la première partie de sa communication, qu'une requête concernant la légalité de la décision lui refusant l'asile en Norvège ne peut être que "théoriquement" portée devant les tribunaux norvégiens. Ainsi, il semble contester le fait que les recours internes lui aient été, dans la pratique, ouverts. Le Gouvernement réfute cette affirmation et déclare que la pratique atteste clairement du contraire. Depuis 1987, les tribunaux norvégiens ont été saisis de plus de 150 affaires concernant la légalité d'une décision de refus d'asile. Dans la majorité des affaires, une demande d'injonction avait été déposée.

4.7L'État partie note que le dernier argument de l'auteur concernant la question de la recevabilité porte sur la situation financière de celui-ci. L'auteur affirme ne pas avoir les moyens de saisir la justice. Tout d'abord, le Gouvernement signale que, même si tel était le cas, cet argument ne suffirait pas à rendre inopérantes les dispositions du paragraphe 5) b) de l'article 22 de la Convention. Le libellé de ces dispositions est clair et ne peut servir de fondement à ce type de défense. Deuxièmement, l'auteur est en réalité représenté devant le Comité.

4.8Le Gouvernement ajoute que les tribunaux nationaux jouent un rôle crucial dans la protection des droits de l'homme. La supervision des organes internationaux, sous ses diverses formes, est secondaire. Les organes internationaux sont, dans les affaires telles que l'affaire à l'étude, moins bien placés que les tribunaux nationaux pour apprécier les preuves. Ce constat est particulièrement valable lorsqu'il s'agit d'entendre des parties et des témoins sur des questions de fiabilité et de crédibilité. Au tribunal, les témoignages déposés oralement sont examinés par les deux parties, voire par le tribunal lui-même. Le Comité n'applique pas une telle procédure. Les faits de la cause, tels qu'ils ressortent de la documentation fournie, sont complexes et circonstanciés. Les détails doivent être appréciés au regard des témoignages présentés oralement devant le tribunal. La condition selon laquelle les recours internes doivent être épuisés est donc d'autant plus impérative. Le Comité ne devrait pas passer outre à cet aspect de l'affaire en entamant l'examen de la communication quant au fond.

4.9En conclusion, l'État partie déclare que l'auteur n'a pas porté son affaire devant les tribunaux norvégiens, ni sous forme de demande d'annulation ni sous forme de demande d'injonction. Si l'auteur avait saisi les tribunaux norvégiens, ces derniers auraient jugé l'affaire, car ils sont habilités à se prononcer sur les questions de fait comme sur les questions de droit (c'est-à-dire l'application de la Convention contre la torture).

Commentaires du conseil

5.1Pour ce qui est des observations de l'État partie concernant la situation financière de l'auteur et le fait qu'il est représenté devant le Comité, l'organisation qui représente l'auteur signale qu'elle n'a pas de formation juridique et qu'elle agit à titre bénévole.

5.2Le conseil ajoute, à propos des dispositions mentionnées par l'État partie concernant l'aide judiciaire accordée aux demandeurs d'asile, que, selon les informations dont elle dispose, cette aide est limitée à cinq heures dans le cas d'une demande administrative et à trois heures dans le cas d'une demande de réexamen. Lorsque la décision administrative finale est négative, l'avocat désigné se retire et le demandeur d'asile n'a plus aucun droit à une représentation juridique gratuite. Dans l'affaire à l'étude, le conseil a achevé ses travaux en août 1998, lorsque le Ministère de la justice a rendu sa décision. Engager un avocat coûterait à l'auteur, qui vit dans un centre pour demandeurs d'asile et qui n'a pas droit à un permis de travail, plus que la somme qu'il reçoit de l'État pour subvenir à ses besoins pendant un ou deux ans. Dans certains cas, des organisations non gouvernementales parviennent à collecter des fonds afin d'engager des avocats pour défendre des demandeurs d'asile, mais cette possibilité ne s'est pas présentée dans le cas de l'auteur.

5.3Le conseil souligne en outre que, même si l'État partie déclare que des demandeurs d'asile ont obtenu gain de cause devant les tribunaux norvégiens, les statistiques indiquent que, dans la majorité des cas, les décisions sont négatives. Le conseil appelle l'attention du Comité notamment sur le cas d'un demandeur d'asile kényen qui a été expulsé en mars 1998, avant que son cas n'ait été examiné par les tribunaux et alors que sa demande d'injonction était pendante. À son retour au Kenya, le demandeur d'asile aurait subi des mauvais traitements. L'affaire n'a été portée devant la justice qu'en février 1999. Bien qu'il n'ait pas pu assister à l'examen de son affaire devant le tribunal, le plaignant a néanmoins été tenu d'acquitter les frais de justice.

5.4En réponse à l'affirmation de l'État partie, qui déclare que les dépositions faites oralement devant le tribunal sont essentielles pour apprécier pleinement une affaire, le conseil signale que l'auteur a fait savoir à plusieurs reprises qu'il était disposé à s'exprimer oralement devant le Ministère de la justice, mais qu'il n'a jamais obtenu le droit d'être entendu. Compte tenu de ce qui précède, le conseil conclut que tous les recours internes disponibles ont été épuisés et que la communication devrait en conséquence être déclarée recevable.

Renseignements supplémentaires fournis par l'État partie

6.1Dans un mémoire supplémentaire daté du 29 octobre 1999, l'État partie informe le Comité que, conformément à la loi sur l'immigration, les demandeurs d'asile ont droit à des conseils gratuits lors de la procédure administrative. Cette aide est limitée à cinq heures de travail d'un avocat pour ce qui est du recours devant la première instance administrative et à trois heures supplémentaires en cas d'appel de la décision administrative : ces limites ont été fixées en fonction d'une évaluation du temps nécessaire pour apporter l'aide voulue. Il est possible de demander une prolongation de cette aide.

6.2Pour ce qui est de la procédure devant les tribunaux, conformément à la loi No 35 sur l'aide judiciaire du 13 juin 1998, la demande d'aide judiciaire gratuite doit être adressée au gouverneur du comté. La condition fixée pour obtenir cette aide est que le revenu de l'intéressé ne dépasse pas certaines limites, ce qui est habituellement le cas pour les demandeurs d'asile, même s'ils touchent un salaire en plus des prestations versées par l'État. L'aide judiciaire, si elle est accordée, couvre les honoraires du conseil en tout ou en partie. Elle couvre en outre les frais de justice et les autres frais liés à la procédure, tels que les honoraires de l'interprète. L'État partie indique également que les bénéficiaires de l'aide judiciaire gratuite dans la procédure devant les tribunaux doivent assumer eux-mêmes une part du total des frais, représentant une somme forfaitaire modérée équivalant à environ 45 dollars É.-U., et assumer aussi une part supplémentaire de 25 % du total des dépenses dépassant le montant forfaitaire. Toutefois, l'État partie indique que la personne concernée n'est pas tenue d'acquitter ce montant si son revenu est en dessous d'un seuil minimum.

6.3L'État partie déclare qu'il ignore si l'auteur a demandé à bénéficier d'une aide judiciaire gratuite en vue de la procédure prévue devant les tribunaux, mais souligne que le fait que l'aide judiciaire gratuite n'est pas inconditionnellement accordée lorsque le demandeur fait appel de la décision administrative devant les tribunaux ne signifie pas que l'auteur n'est pas tenu d'épuiser les recours internes.

Délibérations du Comité

7.1Avant d'examiner toute plainte contenue dans une communication, le Comité doit décider si elle est ou non recevable en vertu de l'article 22 de la Convention.

7.2Le Comité note que l'État partie conteste la recevabilité de la communication au motif que tous les recours disponibles et utiles n'ont pas été épuisés. Il note en outre que la légalité d'un acte administratif peut être contestée devant les tribunaux norvégiens et que les personnes dont la demande d'asile politique est rejetée par la Direction de l'immigration et dont le recours devant le Ministère de la justice est également rejeté ont la possibilité de former un recours en contrôle de légalité devant la justice norvégienne.

7.3Le Comité note que selon les renseignements à sa disposition, l'auteur n'a pas engagé d'action en vue du contrôle judiciaire de la décision rejetant sa demande d'asile. Prenant note de l'affirmation de l'auteur concernant les incidences financières d'un tel recours, le Comité rappelle qu'il est possible de solliciter une aide judiciaire, et constate qu'aucun renseignement fourni n'indique que cette démarche a été effectuée dans l'affaire à l'examen.

7.4Toutefois, vu les diverses affaires similaires portées à son attention et étant donné le nombre d'heures limitées d'aide judiciaire gratuite auxquelles les demandeurs d'asile ont droit aux fins de procédures administratives, le Comité recommande à l'État partie de prendre les dispositions voulues pour que les demandeurs d'asile soient dûment informés de toutes les voies de recours internes à leur disposition, en particulier de la possibilité d'un recours en contrôle de légalité par les tribunaux, et de la possibilité de bénéficier d'une aide judiciaire pour former un tel recours.

7.5Le Comité note l'affirmation de l'auteur concernant le résultat probable au cas où l'affaire serait portée devant un tribunal. Il considère néanmoins que l'auteur n'a pas présenté suffisamment d'informations étayées expliquant les raisons faisant croire que cette procédure de recours excéderait des délais raisonnables et aurait peu de chance d'aboutir. Dans les circonstances, le Comité constate que les conditions prescrites au paragraphe 5 b) de l'article 22 de la Convention ne sont pas remplies.

8.Le Comité décide en conséquence :

a)Que la communication est irrecevable en l'état;

b)Que la présente décision pourra être reconsidérée en vertu de l'article 109 du règlement intérieur, si le Comité est saisi par l'auteur, ou en son nom d'une demande écrite contenant des renseignements d'où il ressort que les motifs d'irrecevabilité ne sont plus applicables;

c)Que la présente décision sera communiquée à l'auteur de la communication et, pour information, à l'État partie.

[Fait en anglais (version originale) et traduit en espagnol, en français et en russe.]

6. Communication No 140/1999

Présentée par : A. G. (nom supprimé)

Au nom de : L'auteur

État partie :Suède

Date de la communication : 14 avril 1999

Le Comité contre la torture, institué conformément à l'article 17 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,

Réuni le 2 mai 2000,

Adopte la décision suivante :

Décision concernant la recevabilité

1.L'auteur de la communication est M. A. G., demandeur d'asile d'origine moldove né le 21 mars 1967, qui habite actuellement en Suède. Il fait valoir que s'il est renvoyé au Moldova il risque d'être soumis à des tortures et que son retour forcé constituerait une violation par la Suède de l'article 3 de la Convention. L'auteur n'est pas représenté par un conseil.

Rappel des faits présentés par l'auteur

2.1L'auteur explique qu'en décembre 1991, à la suite du démantèlement de l'Union soviétique et de l'indépendance de la République de Moldova, il est devenu militant actif de l'Union des Moldoves de Transdniestrie. Il a rejoint les rangs de l'armée d'indépendance de Transdniestrie en mai 1992 et a reçu une instruction militaire d'abord à Tiraspol puis à Bender où il a pris part, dans les mois qui ont suivi, à des affrontements armés contre l'armée moldove. L'auteur aurait été arrêté le 20 juin 1992 par la police moldove, apparemment pour avoir opposé une résistance armée. L'auteur dit qu'il a réussi à s'enfuir au bout de quelques jours, profitant de ce que l'armée d'indépendance de Transdniestrie avait ouvert le feu sur le commissariat.

2.2En août 1992, l'auteur et un grand nombre de ses compagnons ont déserté l'unité de Bender qui, de l'avis de l'auteur, était devenue par trop indépendante et provoquait continuellement des affrontements avec l'armée moldove alors que des pourparlers de paix étaient en cours avec l'armée d'indépendance de Transdniestrie. L'auteur indique qu'il a été hébergé par un de ses amis à Tiraspol pour se cacher, la police moldove et la police locale de Transdniestrie collaborant aux opérations de recherche des membres de l'unité des gardes de Bender.

2.3En novembre 1992, l'auteur a de nouveau été arrêté et conduit à la prison Osjtj 29‑11 de Balti, dans le nord du pays. Quelqu'un aurait dit officieusement à l'auteur qu'il avait été arrêté parce qu'il avait appartenu à l'unité des gardes de Bender, mais il serait resté en détention pendant près de trois ans sans avoir été jugé. L'auteur affirme que pendant son incarcération il a subi à maintes reprises des sévices et des traitements dégradants. Il dit avoir été frappé par d'autres prisonniers 40 à 50 fois, au point de perdre connaissance plusieurs fois. Les gardiens de prison non seulement n'ont rien fait pour empêcher les autres prisonniers de lui infliger ces traitements mais ils les y poussaient et même l'idée venait d'eux; de temps en temps ils le plaçaient dans une cellule d'isolement. L'auteur ajoute qu'il arrivait que les gardiens prennent la suite des autres détenus et le frappent et lui donnent des coups de pied, le plus souvent sur la tête.

2.4En août 1993, l'auteur a été condamné à 13 ans d'emprisonnement, pour trahison, détention illégale d'armes et résistance à l'arrestation. Deux ans plus tard, en août 1995, il a de nouveau été déféré devant un tribunal, cette fois en tant que témoin dans une autre affaire et a réussi à échapper à la vigilance des trois gardiens de prison qui l'accompagnaient et à prendre la fuite. L'auteur est arrivé en Suède, via l'Ukraine, la Russie et la Finlande, le 15 décembre 1995, et a demandé l'asile le lendemain.

2.5Le 21 octobre 1996, l'Office de l'immigration a rejeté la demande de l'auteur. Celui‑ci a fait recours auprès de l'Office de recours des étrangers, qui l'a débouté le 18 mars 1999 après l'avoir entendu en audience le 5 février 1999.

Teneur de la plainte

3.Étant donné les faits qu'il a relatés, l'auteur craint d'être soumis de nouveau à la torture s'il est renvoyé dans la République de Moldova et affirme que son retour forcé constituerait une violation par la Suède de l'article 3 de la Convention.

Observations de l'État partie concernant la recevabilité

4.1Le 22 juin 1999, le Comité a transmis la communication à l'État partie en le priant de faire part de ses observations. Dans une réponse datée du 16 août 1999, l'État partie a contesté la recevabilité de la communication au regard du paragraphe 5 a) de l'article 22 de la Convention.

4.2L'État partie a informé le Comité que l'auteur s'était adressé le 21 mars 1999 à la Cour européenne des droits de l'homme au sujet de son expulsion en déposant une requête qui a été enregistrée le 3 mai 1999 et sur laquelle la Cour ne s'est pas encore prononcée. L'État partie estime que le Comité devrait déclarer la communication irrecevable en application du paragraphe 5 a) de l'article 22 de la Convention, en vertu duquel le Comité n'examinera aucune communication d'un particulier si la même question a été examinée ou est en cours d'examen devant une autre instance internationale d'enquête ou de règlement.

Commentaires de l'auteur concernant la recevabilité

5.Le 6 septembre 1999, le Comité a transmis les observations de l'État partie au sujet de la recevabilité pour qu'il fasse part de ses commentaires. L'auteur n'a fait parvenir aucun renseignement complémentaire contestant ou confirmant l'objection de l'État partie.

Délibérations du Comité

6.1Avant d'examiner une plainte soumise dans une communication, le Comité contre la torture doit déterminer si la communication est recevable en vertu de l'article 22 de la Convention.

6.2Étant donné les observations de l'État partie et vu que l'auteur n'a y pas répondu, le Comité contre la torture a vérifié lui‑même qu'une requête avait bien été adressée par l'auteur à la Cour européenne des droits de l'homme et avait été enregistrée le 3 mai 1999. Le Comité relève que la communication que l'auteur lui a adressée a été enregistrée le 22 juin 1999, c'est‑à‑dire qu'elle était déjà en cours d'examen devant une autre instance internationale d'enquête ou de règlement.

7.En conséquence, le Comité contre la torture décide :

a)Que la communication est irrecevable en vertu du paragraphe 5 a) de l'article 22 de la Convention;

b)Que la présente décision pourra être reconsidérée en vertu de l'article 109 du règlement intérieur, si le Comité est saisi par l'auteur ou en son nom d'une demande écrite contenant des renseignements d'où il ressort que les motifs d'irrecevabilité ne sont plus applicables;

c)Que la présente décision sera communiquée à l'État partie et à l'auteur.

[Fait en anglais (version originale) et traduit en espagnol, en français et en russe.]

Annexe IX

LISTE DES DOCUMENTS À DISTRIBUTION GÉNÉRALE ÉTABLIS À L'USAGE DU COMITÉ PENDANT LA PÉRIODE CONSIDÉRÉE

A.Vingt‑troisième session

Cote

Titre

CAT/C/17/Add.21

Deuxième rapport périodique de l'Autriche

CAT/C/29/Add.6

Deuxième rapport périodique de Malte

CAT/C/32/Add.3

Rapport initial de l'Ouzbékistan

CAT/C/37/Add.3

Rapport initial de l'Azerbaïdjan

CAT/C/39/Add.1

Troisième rapport périodique du Pérou

CAT/C/42/Add.1

Rapport initial du Kirghizistan

CAT/C/44/Add.6

Troisième rapport périodique de la Finlande

CAT/C/51

Ordre du jour provisoire et annotations

CAT/C/SR.391 à 409

Comptes rendus analytiques de la vingt‑troisième session du Comité

B.Vingt‑quatrième session

Cote

Titre

CAT/C/24/Add.5

Rapport initial de la Slovénie

CAT/C/28/Add.4

Rapport initial des États-Unis d'Amérique

CAT/C/37/Add.4

Rapport initial d'El Salvador

CAT/C/39/Add.2

Troisième rapport périodique de la Chine

CAT/C/43/Add.3

Deuxième rapport périodique de l'Arménie

CAT/C/44/Add.4

Troisième rapport périodique des Pays-Bas (Antilles et Aruba)

CAT/C/44/Add.5

Troisième rapport périodique de la Pologne

CAT/C/44/Add.7

Troisième rapport périodique du Portugal

CAT/C/44/Add.8

Troisième rapport périodique des Pays-Bas (partie européenne)

CAT/C/49/Add.1

Troisième rapport périodique du Paraguay

CAT/C/52

Liste des rapports initiaux devant être soumis en 2000 : note du Secrétaire général

CAT/C/53

Liste des deuxièmes rapports périodiques devant être soumis en 2000 : note du Secrétaire général

CAT/C/54

Liste des troisièmes rapports périodiques devant être soumis en 2000 : note du Secrétaire général

CAT/C/55

Liste des quatrièmes rapports périodiques devant être soumis en 2000 : note du Secrétaire général

CAT/C/56

Ordre du jour provisoire et annotations

CAT/C/SR.410 à 438/Add.1

Comptes rendus analytiques de la vingt‑quatrième session du Comité.

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