État partie

Rapport

Observations finales

Bosnie-Herzégovine

Deuxième à cinquième rapports périodiques

CAT/C/BIH/2-5

CAT/C/BIH/CO/2-5

Cambodge

Deuxième rapport périodique

CAT/C/KHM/2 et Corr.1

CAT/C/KHM/CO/2

Équateur

Quatrième à sixième rapports périodiques

CAT/C/ECU/4-6

CAT/C/ECU/CO/4-6

Éthiopie

Rapport initial

CAT/C/ETH/1

CAT/C/ETH/CO/1

Mongolie

Rapport initial

CAT/C/MNG/1

CAT/C/MNG/CO/1

Turquie

Troisième rapport périodique

CAT/C/TUR/3

CAT/C/TUR/CO/3

42.À sa quarante-sixième session, le Comité était saisi des rapports ci-après et il a adopté les observations finales correspondantes:

État partie

Rapport

Observations finales

Finlande

Cinquième et sixième rapports périodiques

CAT/C/FIN/5-6

CAT/C/FIN/CO/5-6

Ghana

Rapport initial

CAT/C/GHA/1

CAT/C/GHA/CO/1

Irlande

Rapport initial

CAT/C/IRL/1

CAT/C/IRL/CO/1

Koweït

Deuxième rapport périodique

CAT/C/KWT/2

CAT/C/KWT/CO/2

Maurice

Troisième rapport périodique

CAT/C/MUS/3

CAT/C/MUS/CO/3

Monaco

Quatrième et cinquième rapports périodiques

CAT/C/MCO/4-5

CAT/C/MCO/CO/4-5

Slovénie

Troisième rapport périodique

CAT/C/SVN/3

CAT/C/SVN/CO/3

Turkménistan

Rapport initial

CAT/C/TKM/1

CAT/C/TKM/CO/1

43.Conformément à l’article 68 de son règlement intérieur, le Comité a invité des représentants de tous les États parties qui présentaient des rapports à assister aux séances au cours desquelles leur rapport allait être examiné. Tous les États parties concernés ont envoyé des représentants pour participer à l’examen de leur rapport. Le Comité les en a remerciés dans ses observations finales.

44.Des rapporteurs et des corapporteurs ont été désignés pour chacun des rapports examinés. On en trouvera la liste à l’annexe XI du présent rapport.

45.Dans le cadre de l’examen des rapports, le Comité était également saisi des documents suivants:

a)Directives générales concernant la forme et le contenu des rapports initiaux que les États parties doivent présenter en application du paragraphe 1 de l’article 19 de la Convention (CAT/C/4/Rev.3);

b)Directives générales concernant la forme et le contenu des rapports périodiques que les États parties doivent présenter en application de l’article 19 de la Convention (CAT/C/14/Rev.1).

46.Le Comité établit des listes de points à traiter depuis 2004, à la suite d’une demande formulée par des représentants d’États parties lors d’une réunion avec les membres du Comité. Le Comité comprend que les États parties souhaitent connaître à l’avance les questions susceptibles d’être examinées pendant le dialogue, mais il ne peut que souligner que l’élaboration de telles listes a augmenté sa charge de travail. Les incidences sont d’autant plus lourdes que le Comité compte peu de membres.

B.Observations finales sur les rapports des États parties

47.Le texte des observations finales adoptées par le Comité à l’issue de l’examen des rapports des États parties susmentionnés figure ci-après.

48. Bosnie-Herzégovine

1)Le Comité contre la torture a examiné les deuxième à cinquième rapports périodiques de la Bosnie-Herzégovine, présentés en un seul document (CAT/C/BIH/2-5) à ses 961e et 962e séances, qui se sont tenues les 4 et 5 novembre 2010 (CAT/C/SR.961 et 962), et a adopté à sa 978e séance (CAT/C/SR.978) les observations finales ci-après.

A.Introduction

2)Le Comité accueille avec satisfaction la présentation des deuxième à cinquième rapports périodiques de la Bosnie-Herzégovine regroupés en un seul document. Il se réjouit que le rapport soit soumis conformément à la nouvelle procédure facultative pour l’établissement des rapports du Comité, qui consiste pour l’État partie à répondre à une liste de points à traiter, établie et transmise par le Comité. Il exprime à l’État partie ses remerciements pour avoir accepté de rendre compte selon la nouvelle procédure, qui facilite la coopération entre l’État partie et le Comité.

3)Le Comité note avec satisfaction que l’État partie a envoyé une délégation de haut niveau à la quarante-cinquième session du Comité et se réjouit de pouvoir engager un dialogue constructif avec la Bosnie-Herzégovine à propos de nombreux domaines qui relèvent de la Convention.

4)Le Comité note que l’État partie est constitué de deux entités, mais rappelle que la Bosnie-Herzégovine est un État unique au regard du droit international, et qu’elle a l’obligation d’appliquer pleinement la Convention sur son territoire.

B.Aspects positifs

5)Le Comité se félicite du fait que, depuis l’examen du rapport périodique initial, l’État partie a ratifié les instruments internationaux et régionaux ci-après:

a)Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, le 24 octobre 2008;

b)Convention relative aux droits des personnes handicapées et son Protocole facultatif, le 12 mars 2010;

c)Convention du Conseil de l’Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains, le 11 janvier 2008.

6)Le Comité prend note avec satisfaction des efforts permanents déployés par l’État partie pour réviser sa législation dans les domaines qui intéressent les conventions, notamment:

a)L’adoption de la loi sur la circulation et le séjour des étrangers et sur l’asile, en 2008;

b)L’adoption de la loi sur la prévention de la discrimination, en 2009;

c)L’adoption de la loi sur l’entraide internationale, en 2009, visant à renforcer la coopération internationale, en particulier grâce à des accords bilatéraux avec les pays voisins, destinés à assurer la protection des victimes, ainsi que la poursuite et la condamnation des auteurs présumés d’infractions.

7)Le Comité approuve également les efforts faits par l’État partie pour modifier ses politiques et ses procédures dans le but de renforcer la protection des droits de l’homme et de donner effet à la Convention, notamment:

a)L’adoption, en 2008, de la Stratégie portant sur la manière de traiter les crimes de guerre;

b)L’adoption d’une stratégie révisée pour la mise en œuvre de l’annexe 7 de l’Accord de paix de Dayton en 2010, visant à améliorer les conditions de vie des personnes déplacées restées au pays, ainsi que des rapatriés en Bosnie-Herzégovine;

c)L’adoption du troisième Plan d’action national de lutte contre la traite des êtres humains et la migration illicite en Bosnie-Herzégovine pour la période 2008-2012;

d)L’adoption de la Stratégie nationale de lutte contre la violence à l’encontre des enfants, pour la période 2007-2010;

e)L’adoption de la Stratégie nationale de prévention et de répression de la violence familiale en Bosnie-Herzégovine, pour la période 2008-2010;

f)La mise sur pied d’un groupe de travail chargé d’élaborer une stratégie d’État en matière de justice transitionnelle, devant améliorer la situation et la protection de toutes les victimes de guerre.

C.Principaux sujets d’inquiétude et recommandations

Définition de l’infraction de torture

8)Tout en notant que l’État partie envisage de modifier le Code pénal et d’harmoniser la définition de la torture dans la législation nationale et les lois des entités, le Comité reste préoccupé par le fait que l’État partie n’a toujours pas intégré dans son droit interne l’infraction de torture, telle que définie à l’article premier de la Convention, et n’a pas incriminé la pratique de la torture par un agent de la fonction publique ou toute autre personne agissant à titre officiel ou à son instigation ou avec son consentement exprès ou tacite (art. 1 et 4).

En accord avec ses précédentes recomm andations (CAT/C/BIH/CO/1, par. 9), le Comité prie instamment l ’ État partie d ’ accélérer l ’ incorporation dans son droit interne d e l’infraction d e torture, tel le que défini e dans la Convention, et ce sur l ’ ensemble de son territoire, et d ’ harmoniser la définition légale que donnent de la torture la Republika Srpska et le district de Brcko avec celle du Code pénal de la Bosnie-Herzégovine. L ’ État partie devrait également prendre les dispositions nécessaires pour rendre ces infractions passibles de peines appropriées, qui prennent en considération leur gravité, conformément au paragraphe 2 de l’article 4 de la Convention.

Le viol et autres formes de violence sexuelle comme crimes de guerre

9)Le Comité se dit vivement préoccupé par la non-concordance de la définition donnée dans le Code pénal des actes de violence sexuelle commis en temps de guerre, par rapport à celle qu’en donnent la jurisprudence des tribunaux internationaux et les normes internationales, et par le fait que les articles 172 et 173 du Code pénal en particulier pourraient laisser de tels crimes impunis. En outre, le Comité reste préoccupé par le manque de données précises et à jour concernant le nombre de victimes de viols et d’autres actes de violence sexuelle commis en temps de guerre (art. 1 et 4).

Le Comité recommande à l ’ État partie d’ amende r son Code pénal de façon à y incorporer la définition de la violence sexuelle, en accord avec les normes internationales et la jurisprudence relative à la poursuite des actes de violence sexuelle commis en temps de guerre, et de supprime r de la définition actuelle la condition de «force ou menace d ’ attaque immédiate». Par ailleurs, l ’ État partie devrait incorporer dans son prochain rapport d es données statistiques sur l es cas non rés olus relatifs à des cas de viol et autres violences sexuelles commis en temps de guerre.

Garanties juridiques fondamentales

10)Le Comité se dit inquiet de ce que, dans la pratique, les personnes privées de liberté ne se voient pas toujours accorder par l’État partie toutes les garanties juridiques fondamentales dès le début de leur placement en détention (art. 2).

Le Comité recommande à l ’ État partie de prendre toutes les mesures juridiques et administratives nécessaires pour garantir aux suspects le droit d ’ avoir accès à un avocat et à un médecin indépendant de leur choix, d ’ informer un proche et d ’ être informés de leurs droits au moment du placement en détention, et de comparaître à brève échéance devant un juge, conformément aux normes internationales quelle que soit la nature de l ’ infraction dont ils sont soupçonnés.

Médiateur

11)Tout en prenant note de l’expansion du mandat du Bureau du Médiateur de l’État nouvellement fusionné, le Comité s’inquiète de certains rapports évoquant le manque d’indépendance et d’efficacité du Médiateur, ainsi que le besoin de ressources budgétaires adéquates pour lui permettre d’exercer efficacement son mandat. Il est regrettable que le Comité n’ait pas reçu d’explications claires concernant les mesures prises par les autorités compétentes comme suite aux recommandations du Médiateur relatives à plusieurs lieux de détention (CAT/C/BIH/2-5, par. 227) (art. 2).

L ’ État partie devrait intensifier ses efforts pour r estructurer et r enforcer l e Bureau du Médiateur:

a) En adoptant un processus plus consultatif et plus transparent de sélection et de nomination du Médiateur, de façon à garantir l ’ indépendance du Médiateur conformément aux Principes de Paris concernant le statut et le fonctionnement des institutions nationales pour la protection et la promotion des droits de l ’ homme (Principes de Paris) (résolution 48/ 1 34 de l ’ Assemblée générale);

b) En mettant à sa disposition des ressources humaines, matérielles et financières adéquates;

c) En lui donnant les moyens de mieux surveiller tous les lieux de privation de liberté en Bosnie-Herzégovine, surtout en l ’ absence d ’ une inspect ion indépendante des prisons;

d) En assurant l ’ application des recommandations du Médiateur.

Impunité

12)Le Comité prend note de l’adoption de la Stratégie portant sur la manière de traiter les crimes de guerre, ainsi que des progrès accomplis dans la poursuite des responsables d’actes de torture commis durant le conflit de 1992-1995, et notamment les viols et autres actes de violence sexuelle commis en temps de guerre. En revanche, le Comité est gravement préoccupé par le nombre extrêmement faible de cas ayant à ce jour donné lieu à des poursuites devant les tribunaux de Bosnie-Herzégovine, compte tenu du grand nombre de crimes de guerre ainsi commis, et aussi par le fait que les tribunaux locaux se heurtent toujours à de graves obstacles lorsqu’il s’agit de poursuivre des crimes de guerre. En outre, le Comité se déclare gravement préoccupé par la non-application d’un grand nombre de jugements rendus par la Cour constitutionnelle, même plusieurs années après leur adoption, et par le fait que la plupart des décisions de la Cour constitutionnelle qui n’ont pas été suivies d’effet se rapportent à des cas de violation des droits de l’homme, et principalement des cas de personnes disparues (art. 2, 9 et 12).

Le Comité prie instamment l ’ État partie de combattre l ’ impunité en veillant à ce que toutes les allégations de crime de cette nature fassent rapidement l ’ objet d ’ enquêtes efficaces, en poursuivant et en condamnant les auteurs de ces actes à la hauteur de la gravité de leurs crimes. À cet égard, l ’ État partie est encouragé à assurer une entraide judiciaire dans toutes les questions de poursuite et à continuer de renforcer la coopération avec le Tribunal pénal international pour l ’ ex-Yougoslavie. Il faut en outre que les jugements de la Cour constitutionnelle soient scrupuleusement appliqués dans les meilleurs délais , particulièrement en ce qui concerne les cas de disparition forcée, et que la non-application de ces jugements ne soit pas tolérée .

Violence à l’égard des femmes et des enfants, notamment dans la famille

13)Tout en prenant note des mesures juridiques et administratives prises par l’État partie pour combattre les violences sexistes, notamment l’adoption par l’Assemblée parlementaire de la résolution relative à la lutte contre la violence à l’égard des femmes dans la famille, le Comité déplore la persistance des violences faites aux femmes et aux enfants, notamment dans la famille. S’il se félicite de l’intention de l’État partie de modifier les éléments constitutifs du crime de viol en supprimant les conditions de pénétration et de résistance active de la part de la victime, il est néanmoins préoccupé par l’insuffisance d’informations sur les lois en vigueur dans les entités qui proscrivent et répriment ce type de violence, de même que par le faible nombre d’enquêtes et de poursuites auxquelles donnent lieu les affaires de violence familiale. Le Comité est préoccupé par les informations selon lesquelles les mesures de protection et les programmes de réadaptation pour les victimes seraient insuffisants (art. 1, 2, 4, 11, 12 et 16).

Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ intensifier ses efforts pour prévenir, poursuivre et condamner toutes les formes de violence à l ’ égard des femmes et des enfants, notamment dans la famille , et de veiller à ce que les lois existantes et les stratégies nationales adoptées à cette fin, notamment la Stratégie de prévention et de répression de la violence familiale et la Stratégie nationale de lutte contre la violence faite aux enfants, soient pleinement et efficacement mises en œuvre. L ’ État partie devrait venir en aide aux victimes en construisant d’autres centres d’accueil, en leur fournissant gratuitement des conseils et en prenant toutes autres mesures nécessaires pour protéger les victimes. L ’ État partie est en outre encouragé à mener à grande échelle des campagnes de sensibilisation et de formation sur la question de la violence familiale à l ’ intention des organes chargés de faire respecter la loi, des juges, des avocats et des travailleurs sociaux qui sont au contact direct des victimes, mais aussi à l ’ intention du grand public.

Non-refoulement

14)Tout en prenant note de l’article 91 de la loi sur la circulation et le séjour des étrangers et sur l’asile, relatif au principe de non-refoulement (CAT/C/BIH/2-5, par. 76), le Comité demeure préoccupé par les informations selon lesquelles les autorités compétentes de Bosnie-Herzégovine n’ont pas correctement évalué le risque de refoulement que courent ceux qui demandent une protection internationale et selon lesquelles les personnes considérées comme représentant une menace pour la sécurité nationale peuvent être expulsées ou renvoyées vers un autre État où il y a des motifs sérieux de croire qu’elles seront soumises à la torture. Il est en outre préoccupé par le très faible taux de succès des demandes d’asile (art. 3).

L ’ État partie devrait:

a) Veiller à ce que s ’ appliquent les garanties de procédure contre le refoulement et que des recours utiles contre les décisions de refoulement dans les procédures d ’ expulsion soient possibles , notamment qu’un organe judiciaire indépendant puisse les examiner ;

b) Veiller à ce que les demandes d’asile soient examinées de façon approfondie dans chaque cas particulier et garantir aux demandeurs d’asile déboutés la possibilité d’exercer un recours utile avec effet suspensif de l’exécution de la décision d’expulsion ou de renvoi;

c) Réviser ses procédures et pratiques actuelles en matière d’expulsion, de refoulement et d’extradition et aligner pleinement son interprétation des notions fondamentales du droit d’asile interne sur le droit international des réfugiés et les normes en matière de droits de l’homme;

d) Suivre l’affaire du citoyen de Bosnie-Herzégovine qui demeure en détention à la base militaire de Guantanamo Bay et en tenir le Comité informé;

e) Veiller à ce que les considérations de sécurité nationale ne portent pas atteinte au principe de non-refoulement et que l’État partie honore l’obligation qui lui incombe de respecter le principe de l’interdiction absolue de la torture dans toutes les circonstances, conformément à l’article 3 de la Convention.

15)Concernant les individus déchus de leur citoyenneté par la Commission d’État pour la révision des décisions de naturalisation des ressortissants étrangers et qui sont en conséquence détenus dans le centre de rétention, le Comité prend note du rapport de l’État partie selon lequel ils ont bénéficié de leur droit prévu par la loi à la protection judiciaire. Cependant, notant les préoccupations exprimées par plusieurs organismes internationaux, le Comité demeure préoccupé de ce que les cas signalés de détention prolongée de ces individus dans des conditions inappropriées et le déni de leur droit d’attaquer effectivement les décisions visant à les déchoir de leur nationalité, à les détenir et à les renvoyer n’ont pas été pleinement élucidés (art. 3 et 16).

L ’ État partie devrait revoir sa pratique concernant la détention prolongée de ces individus et pleinement respecter leur droit de contester effectivement les décisions visant à les déchoir de leur nationalité, à les détenir et à les renvoyer. En outre, l’État partie devrait garantir les principes fondamentaux relatifs à une procédure d’asile équitable et efficiente, prévoyant notamment des services de traduction et d’interprétation, une aide juridique gratuite et l’accès des requérants à leur dossier.

Retour des réfugiés et des personnes déplacées à l’intérieur du pays

16)Outre les problèmes reconnus par l’État partie, concernant notamment la sécurité des rapatriés appartenant à des minorités et l’absence d’enquête sur les crimes et actes de violence perpétrés contre des réfugiés et des déplacés ainsi que de poursuites contre leurs auteurs (CAT/C/BIH/2-5, par. 142), le Comité se déclare préoccupé par les informations qu’il continue de recevoir selon lesquelles les programmes de restitution des biens en cours d’exécution ne tiennent pas compte des besoins psychologiques des victimes de violences sexuelles des deux sexes. Il s’inquiète aussi de l’absence de débouchés économiques et des mauvaises conditions de vie (art. 3, 7 et 12).

Le Comité recommande à l’État partie de redoubler d’efforts pour faciliter le retour des réfugiés et des déplacés, notamment en construisant des logements et des infrastructures et en s’attaquant à la situation particulière des personnes qui sans cela auraient des difficultés à bénéficier de l’aide à la reconstruction. L’État partie devrait prendre toutes les mesures nécessaires pour s’attaquer effectivement aux obstacles identifiés et veiller à ce que tous les crimes et actes de violence contre les réfugiés et les personnes déplacées fassent rapidement l’objet d’enquêtes et de poursuites appropriées. En outre, il est nécessaire d’appliquer pleinement les recommandations faites par le Représentant du Secrétaire général pour les droits de l’homme des personnes déplacées dans leur propre pays dans le rapport sur sa mission en Bosnie ‑ Herzégovine (E/CN.4/2006/71/Add.4).

Protection et soutien des témoins

17)Tout en notant certaines améliorations de la protection des témoins dans les procédures pénales, le Comité reste profondément préoccupé par l’absence de mesures suffisantes de protection et de soutien des témoins avant, pendant et après les procès, ce qui a des effets négatifs sur la volonté des témoins de participer aux enquêtes ou de témoigner lors du procès, ou sur leur aptitude à le faire. Le Comité exprime aussi sa préoccupation devant les cas d’intimidation des témoins et de tentative de corruption perpétrés par l’auteur, l’insuffisance de l’aide apportée aux témoins par les autorités compétentes telles que l’Agence d’État pour les enquêtes et la protection (art. 2, 11, 12, 13 et 15).

Le Comité invite instamment l’État partie à veiller à ce que les victimes soient efficacement protégées, et ne subissent plus de pression pour qu’elles retirent leur témoignage ni ne soient menacées par les auteurs présumés, notamment:

a) En renforçant la capacité des organes compétents, en particulier l’Agence d’État pour les enquêtes et la protection des témoins et son Département de la protection des témoins, et en veillant à ce qu’ils respectent le droit des survivants à l’intimité de leur vie privée et fournissent aux témoins gravement menacés une protection à long terme ou permanente, notamment en modifiant leur identité ou en les déplaçant à l’intérieur ou à l’extérieur de la Bosnie-Herzégovine ;

b) En accordant une plus grande attention aux besoins psychologiques des témoins pour réduire au minimum la possibilité d’une nouvelle traumatisation des survivants au cours du procès;

c) En veillant à ce que les témoins disposent de moyens de transport appropriés à destination et en provenance du tribunal et à leur fournir des escortes sur ce trajet, selon que de besoin.

Réparation, y compris indemnisation et réadaptation

18)Le Comité note que l’État partie a renforcé ses efforts pour garantir les droits des victimes à réparation, notamment en élaborant la Stratégie de justice transitionnelle. Toutefois, le Comité s’inquiète de la lenteur de l’adoption du projet de loi sur les droits des victimes de torture et des victimes civiles de guerre, de l’absence d’une définition appropriée du statut et des droits des victimes civiles de guerre dans le droit interne, et de l’insuffisance de l’aide médicale ou psychosociale et de la protection juridique offerte aux victimes, en particulier aux victimes de violence sexuelle en temps de guerre (art. 14).

Le Comité recommande à l’État partie d’adopter sans délai le projet de loi sur les droits des victimes de torture et des victimes civiles de guerre ainsi que la Stratégie de justice transitionnelle afin de protéger pleinement les droits des victimes, en veillant notamment à leur indemnisation et à leur réadaptation, et en veillant aussi à leur pleine récupération physique et psychologique et à leur réintégration sociale. À cette fin, l’État partie est vivement encouragé à réduire la politisation de ses efforts, à finaliser un plan d’action qui identifie clairement les activités et les responsabilités correspondantes que doivent se partager l’État et les autorités de l’Entité et veiller à l’allocation de ressources financières suffisantes.

Conditions de détention

19)S’il salue les mesures adoptées par l’État partie pour améliorer considérablement les conditions de détention, notamment la construction de nouveaux bâtiments et la rénovation des structures existantes, le Comité reste particulièrement préoccupé par les conditions matérielles et sanitaires actuelles, le recours à l’isolement cellulaire, les problèmes de surpeuplement et la violence constante entre les détenus dans les lieux de privation de liberté (art. 11, 12 et 16).

L’État partie devrait redoubler d’efforts pour rendre les conditions de détention dans les lieux de privation de liberté conformes à l’Ensemble de règles minima pour le traitement des détenus (résolutions 663 C (XXIV) et 2076 (LXII) du Conseil économique et social) et aux autres normes juridiques internationales et nationales pertinentes, notamment:

a) En coordonnant la supervision judiciaire des conditions de détention entre les organes compétents et en veillant à enquêter de façon approfondie sur toutes les allégations de sévices ou de mauvais traitements commis dans les établissements de détention;

b) En élaborant un plan global pour traiter la question des violences entre détenus et des violences sexuelles dans tous les établissements de détention, y compris la prison de Zenica et en veillant à ce que des enquêtes soient effectivement menées sur ces affaires;

c) En réduisant le surpeuplement carcéral, grâce en particulier au recours à des formes de détention non privatives de liberté;

d) En veillant à ce que l’emprisonnement cellulaire ne soit utilisé que comme mesure de dernier ressort pour une durée aussi courte que possible sous stricte supervision;

e) En renforçant l’action menée pour améliorer le régime de détention, notamment en prévoyant des activités professionnelles et physiques et en facilitant la réintégration des détenus dans la société;

f) En veillant à ce que les mineurs soient détenus séparément des adultes pendant toute leur période de détention ou de rétention et en leur proposant des activités éducatives et récréatives;

g) En fournissant un hébergement et un appui psychosocial adéquats aux détenus qui ont besoin d’une supervision et d’un traitement psychiatriques.

Établissements psychiatriques

20)Tout en notant les progrès réalisés dans les établissements psychiatriques, notamment la clinique psychiatrique de Sokolac, le Comité demeure préoccupé par les questions relatives au placement en institution des personnes souffrant de troubles mentaux, s’agissant en particulier du surpeuplement des institutions et de l’absence de soutien psychosocial suffisant de la part des organes compétents (art. 16).

Le Comité recommande à l’État partie de veiller à ce que les patients des institutions psychiatriques bénéficient d’un soutien psychosocial adéquat de la part d’équipes multidisciplinaires, que tous les lieux où séjournent pour un traitement non volontaire des patients souffrant de troubles mentaux fassent l’objet d’inspections régulières par des organismes de surveillance indépendants pour garantir l’application appropriée des mesures de précaution en vigueur, et que d’autres formes de traitement soient mises en place. En outre, l’État partie devrait veiller à ce que les recommandations faites par les médiateurs dans leur rapport spécial sur la situation dans les institutions accueillant les personnes souffrant de troubles mentaux soient appliquées pleinement et en temps voulu.

Plaintes individuelles

21)Malgré les informations fournies dans le rapport de l’État partie sur la possibilité pour les prisonniers et détenus de déposer des plaintes, le Comité est préoccupé par le fait qu’il continue de recevoir des informations faisant état de l’absence d’un mécanisme de plaintes indépendant habilité à recueillir les allégations de torture et à enquêter de manière impartiale et approfondie sur ces allégations et par le fait que les prisonniers et détenus ne sont pas autorisés à se prévaloir des procédures de plainte existantes (art. 12 et 13).

L’État partie devrait veiller à ce que tout individu qui soutient avoir été victime de torture ou de mauvais traitements ait le droit de se plaindre aux autorités compétentes sans entrave et puisse avoir accès à son dossier médical sur sa demande. En outre, conformément aux recommandations du Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants, des informations sur les possibilités de dépôt de plainte devraient être fournies à tous les détenus et prisonniers, notamment sur le droit de correspondre de manière confidentielle avec les organismes judiciaires et de recueil de plaintes extérieurs, et des boîtes fermées destinées à recevoir les plaintes devraient être installées dans les prisons (CPT/Inf (2010) 10, par. 36).

Formation

22)Le Comité se félicite des renseignements détaillés fournis par l’État partie au sujet des programmes de formation des responsables de l’application des lois et des magistrats, mais il demeure préoccupé de voir qu’il n’existe pas au niveau de l’État de système de formation uniforme pour tous les fonctionnaires et s’inquiète du peu de renseignements fournis quant au suivi et à l’évaluation de l’efficacité de ces programmes pour prévenir et détecter les cas de torture et de mauvais traitements (art. 10 et 16).

Le Comité recommande à l ’ État partie:

a) De veiller à ce que le personnel médical et ceux qui s’occupent de la garde à vue, de l’interrogatoire ou de la prise en charge d’individus soumis à toute forme d’arrestation, de détention ou d’emprisonnement reçoivent une formation régulière et systématique sur le Manuel pour enquêter efficacement sur la torture et autres peines ou traitements, cruels, inhumains ou dégradants ( Protocole d ’ Istanbul) et que le Manuel soit traduit dans toutes les langues voulues et utilisé aussi largement que possible ;

b) D’é laborer et de mettre en œuvre une méthode visant à évaluer l ’ efficacité des programmes d ’ enseignement et de formation professionnelle et leur impact sur la réduction du nombre de cas de torture et de mauvais traitements , et procéder périodiquement à l ’ évaluation de la formation dispensée aux responsables de l ’ application des lois;

c) D’i ntensifier ses efforts afin d ’ incorporer une approche fondée sur l ’ égalité entre les sexes à la formation des personnes qui sont chargées de la garde à vue, de l ’ interrogatoire ou du traitement des femmes sou mises à toute forme d ’ arrestation , de détention ou d’ emprisonn ement;

d) De r enforcer la formation professionnelle des personnes qui travaillent dans les institutions de protection sociale pour handicapés mentaux et dans les cliniques psychiatriques.

Traite des personnes

23)Le Comité prend note de plusieurs mesures adoptées par l’État partie, parmi lesquelles l’adoption du Plan d’action national contre la traite des êtres humains et l’immigration clandestine pour 2008-2010, la création d’une base de données centrale concernant les victimes de la traite, et la publication par le Ministère de la sécurité du règlement relatif à la protection des victimes de la traite. Le Comité demeure toutefois préoccupé face à l’absence, dans le Code pénal, de dispositions définissant les peines applicables aux auteurs du délit de traite ou aux personnes impliquées dans la commission de ce délit ainsi qu’à la légèreté des peines prononcées dans ce genre d’affaire. Il constate aussi avec préoccupation la lenteur et la complexité des procédures de réparation pour les victimes de la traite (art. 2, 4 et 16).

L ’ État partie devrait intensifier ses efforts pour lutter contre la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants, en prenant les mesures ci-après:

a) Faire en sorte que la traite soit érigée en délit dans toutes les parties de l ’ État partie conformément aux normes internationales et que ces délits soient passibles de peines à la mesure de leur gravité;

b) Améliorer l ’ identification des victimes de la traite et permettre à ces personnes d ’ avoir véritablement accès à des soins médicaux et à un soutien psychologique;

c) Dispenser une formation aux responsables de l’application des lois et autres groupes de personnes et sensibiliser la population au problème de la traite.

Personnes disparues

24)Le Comité prend acte des précisions données par l’État partie selon lesquelles l’Institut des personnes disparues est pleinement opérationnel et note que l’État partie coopère avec la Commission internationale des personnes disparues. Il est néanmoins préoccupé de constater que les droits des proches des personnes disparues ne sont pas suffisamment protégés et que le fonds d’État destiné à leur venir en aide n’a pas encore été créé. Le Comité déplore également l’absence d’harmonisation des lois en vigueur dans l’État partie, qui empêche de poursuivre les disparitions forcées en tant que crimes contre l’humanité (art. 1, 4, 14 et 16).

Le Comité recommande à l ’ État partie, conformément aux recommandations préliminaires formulées par le Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires à la suite de sa mission d ’ établissement des faits de juin 2010 en Bosnie-Herzégovine:

a) De garantir l ’ entière indépendance de l ’ Institut des personnes disparues et de lui fournir des ressources matérielles, financières et humaines suffisantes, y compris les moyens technologiques nécessaires pour détecter des fosses ou procéder à des exhumations;

b) De f aire en sorte que le fonds d ’ aide aux familles de personnes disparues soit mis en place sans plus attendre et que son financement soit entièrement garanti;

c) D’a chever sans plus attendre la mise au point du registre central des personnes disparues et le mettre à la disposition du public;

d) De r especter le droit à la vérité des familles de personnes disparues, y compris celles qui vivent en dehors de la Bosnie-Herzégovine, en les tenant informées de l ’ avancement du processus d ’ exhumation et d ’ identification des cadavres et en leur communiquant régulièrement tous autres renseignements pertinents;

e) D’honorer son obligation d’enquêter sur tous les cas de disparitions forcées;

f ) D’ envisager de ratifier la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées.

Mécanisme national de prévention

25)Le Comité relève que l’État partie s’apprête à mettre en place un mécanisme national de prévention en collaboration avec le Médiateur et avec le concours de la Mission de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) en Bosnie-Herzégovine, mais il reste préoccupé de voir que les autorités compétentes n’ont pas pris de mesures efficaces sur le plan législatif et logistique afin de créer un mécanisme national de prévention indépendant conformément aux articles 17 à 23 du Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture (art. 2, 11 et 16).

L’État partie devrait, pour donner suite aux recommandations du Groupe de travail sur l’Examen périodique universel (A/HRC/14/16, par. 90 (recommandation 17) et A/HRC/14/16/Add.1, par. 10), accélérer la création du mécanisme national de prévention, selon les prescriptions minimales énoncées dans le Protocole facultatif. Le mécanisme national de prévention devrait être doté de ressources financières, humaines et matérielles suffisantes pour pouvoir s’acquitter efficacement de son mandat.

Rassemblement de données

26)Le Comité déplore qu’il n’existe pas de données complètes et ventilées concernant les plaintes, les enquêtes, les poursuites et les condamnations portant sur les cas de torture et de mauvais traitements imputables à des responsables de l’application des lois et des personnes travaillant dans les établissements carcéraux, les viols et la violence sexuelle en temps de guerre, les exécutions extrajudiciaires, les disparitions forcées, la traite et la violence familiale et sexuelle.

L ’ État partie devrait rassembler des données statistiques ventilées par type d’infraction, origine ethnique, âge et sexe, relatives au suivi de la mise en œuvre de la Convention à l ’ échelon national, notamment des données sur les plaintes, les enquêtes, les poursuites et les condamnations portant sur les cas de torture et de mauvais traitements imputables à des responsables de l ’ application des lois et des personnes travaillant dans les établissements carcéraux, les viols et la violence sexuelle en temps de guerre , les exécutions extrajudiciaires, les disparitions forcées, la traite et la violence familiale et sexuelle, ainsi que les moyens pour les victimes d ’ obtenir réparation, y compris une indemnisation et des services de réhabilitation.

27)L’État partie est invité à diffuser largement le rapport présenté au Comité, ainsi que ses observations finales, dans les langues voulues, par le biais des sites Web officiels, des médias et des organisations non gouvernementales.

28)Le Comité invite l’État partie à lui fournir, dans un délai d’un an, des informations sur la suite donnée aux recommandations figurant aux paragraphes 9, 12, 18 et 24 du présent document.

29)Le Comité invite l’État partie à présenter son prochain rapport périodique en suivant les directives concernant l’établissement des rapports et à respecter la limite de 40 pages fixée pour le document spécifique à la Convention. Il l’invite également à soumettre un document de base mis à jour conformément aux instructions relatives au document de base contenues dans les directives harmonisées pour l’établissement des rapports à présenter en vertu des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme (HRI/GEN.2/Rev.6) adoptées par la Réunion intercomités des organes créés en vertu d’instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, et à respecter la limite de 80 pages fixée pour le document de base commun. Le document spécifique à la Convention et le document de base commun constituent conjointement les documents que l’État partie est tenu de soumettre pour s’acquitter de son obligation de faire rapport en vertu de la Convention.

30)L’État partie est invité à soumettre son prochain rapport périodique, soit son sixième rapport, avant le 19 novembre 2014.

49. Cambodge

1)Le Comité contre la torture a examiné le deuxième rapport périodique du Cambodge (CAT/C/KHM/2) à ses 967e et 968e séances (CAT/C/SR.967 et 968), tenues les 9 et 10 novembre 2010, et a adopté, à ses 979e et 980e séances (CAT/C/SR.979 et 980), les observations finales ci-après.

A.Introduction

2)Le Comité accueille avec satisfaction le deuxième rapport périodique du Cambodge mais regrette que l’important retard avec lequel celui-ci a été présenté l’ait empêché de procéder à une analyse continue de l’application de la Convention par l’État partie.

3)Le Comité note également avec satisfaction que le rapport a été soumis conformément à la nouvelle procédure facultative pour l’établissement des rapports, c’est-à-dire sous la forme de réponses de l’État partie à une liste de points à traiter (CAT/C/KHM/Q/2) établie à son intention par le Comité. Le Comité remercie l’État partie d’avoir accepté d’établir son rapport conformément à cette nouvelle procédure, qui facilite la coopération.

4)Le Comité se félicite en outre du dialogue avec la délégation de l’État partie et des renseignements complémentaires que celle-ci a apportés oralement mais regrette que certaines de ses questions soient restées sans réponse.

B.Aspects positifs

5)Le Comité accueille avec satisfaction la ratification, en mars 2007, du Protocole facultatif se rapportant à la Convention et la visite que le Sous-Comité pour la prévention de la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants a effectuée au Cambodge du 3 au 11 décembre 2009.

6)Le Comité note également avec satisfaction que, depuis l’examen de son rapport initial, l’État partie a ratifié les instruments internationaux suivants ou y a adhéré:

a)Protocole facultatif à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, en octobre 2010;

b)Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée, en décembre 2005, et Protocole additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants, en juillet 2007;

c)Convention des Nations Unies contre la corruption, en septembre 2007;

d)Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés, en juillet 2004;

e)Statut de Rome de la Cour pénale internationale, en avril 2002.

7)Le Comité note également les efforts entrepris par l’État partie pour modifier sa législation, ses politiques et ses procédures en vue d’assurer une meilleure protection des droits de l’homme, notamment du droit de ne pas être soumis à la torture ou à d’autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, en particulier l’adoption des instruments législatifs suivants:

a)La loi anticorruption, en 2010;

b)Le nouveau Code pénal, en 2009;

c)La loi sur l’élimination de la traite des êtres humains et de l’exploitation sexuelle à des fins commerciales, en 2008;

d)Le nouveau Code de procédure pénale, en 2007;

e)La loi sur la prévention de la violence familiale et la protection des victimes, qui punit notamment le viol conjugal, en 2005.

8)Le Comité accueille avec satisfaction la création, en coopération avec l’ONU et la communauté internationale, de Chambres extraordinaires au sein des tribunaux cambodgiens. Il salue le fait que la Chambre préliminaire a rendu son verdict dans la première affaire (no 001) le 26 juillet 2010 et qu’elle a prononcé des condamnations dans la deuxième affaire (no 002), ainsi que le fait que les victimes d’actes de torture et d’autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants peuvent participer aux procès en tant que parties civiles. Le Comité engage vivement l’État partie à poursuivre ses efforts pour traduire en justice d’autres responsables d’atrocités commises sous le régime des Khmers rouges (affaires nos 003 et 004).

9)Le Comité accueille également avec satisfaction la création en 2008 du Bureau pour les réfugiés au sein du Service de l’immigration du Ministère de l’intérieur, dont la mission est de protéger les réfugiés, parmi lesquels peuvent se trouver des victimes d’actes de torture ou d’autres traitements cruels, inhumains ou dégradants, ainsi que l’adoption, le 17 décembre 2009, du sous-décret sur la procédure pour la détermination du statut de réfugié et le droit d’asile au Royaume du Cambodge, qui marque le début de la mise en place d’un cadre juridique.

C.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Incorporation de la Convention dans le droit interne

10)Le Comité prend note avec satisfaction des garanties énoncées à l’article 31 de la Constitution ainsi que de la décision de juillet 2007 du Conseil constitutionnel (décision no 092/003/2007) qui établit que les instruments internationaux font partie du droit interne et que les tribunaux devraient tenir compte des normes découlant de ces instruments lorsqu’ils interprètent les lois et qu’ils rendent des jugements. Le Comité regrette néanmoins l’absence de renseignements concernant des affaires où la Convention a été appliquée par les tribunaux nationaux et craint que dans la pratique les dispositions des instruments internationaux, dont la Convention, ne soient pas invoquées devant les cours, tribunaux ou autorités administratives de l’État partie ni directement appliquées par eux. À ce sujet, le Comité note avec préoccupation l’absence de recours utiles en cas de violation des droits de l’homme, y compris en cas de torture et de mauvais traitements, ce qui compromet la capacité de l’État partie à s’acquitter des obligations qui lui incombent au titre des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme qu’il a ratifiés, notamment la Convention (art. 2, 4 et 10).

L ’ État partie devrait prendre toutes les mesures appropriées pour rendre les dispositions de la Convention pleinement applicables dans l ’ ordre juridique interne. Ces mesures devraient notamment consister à dispenser aux agents de l ’ État, aux membres des forces de l ’ ordre et aux autres fonctionnaires concernés, ainsi qu ’ aux juges, aux procureurs et aux avocats, une formation complète consacrée aux dispositions des instruments internationaux relatifs aux droits de l ’ homme, notamment de la Convention. Le Comité demande également à l ’ État partie de le tenir informé des progrès réalisés dans ce domaine ainsi que des décisions rendues par les autorités administratives, cours ou tribunaux nationaux qui donnent effet aux droits consacrés par la Convention.

Définition et incrimination de la torture

11)Le Comité prend note de la déclaration de la délégation, qui a indiqué que l’État partie employait le terme générique de «torture» pour désigner tout acte entraînant des dommages corporels et que la «torture» constituait une infraction pénale. Le Comité prend note des renseignements donnés par l’État partie selon lesquels le nouveau Code pénal punit le fait de commettre un acte de torture ou d’inciter à commettre un tel acte et le fait, pour un agent public agissant dans l’exercice de ses fonctions, de consentir à ce qu’un tel acte soit commis, mais il est préoccupé par l’absence de définition de la torture dans le Code pénal. Le Comité regrette que l’État partie n’ait pas fourni le texte de la disposition qui prévoit l’incrimination de torture (art. 1 et 4).

L ’ État partie devrait incorporer dans la Constitution, le Code pénal ou d ’ autres textes de loi pertinents une définition de la torture reprenant tous les éléments de la définition énoncée dans la Convention. Ce faisant, il montrerait qu ’ il reconnaît dûment que la torture constitue un crime et une grave violation des droits de l ’ homme et il combattrait l ’ impunité. Le Comité estime qu ’ en qualifi ant et en définissant la torture en tant qu ’ infraction distincte conformément aux articles 1 er et 4 de la Convention, les États parties serviront directement l ’ objectif général de la Convention qui consiste à prévenir la torture, entre autres , en appelant l ’attention de chacun −  notamment les auteurs, les victimes et le public − sur la gravité particulière du crime de torture et en renforçant l ’ effet dissuasif qu ’ a en soi l ’ interdiction de la torture. Le Comité demande également à l ’ État partie de lui faire parvenir dans les meilleurs délais le texte du nouveau C ode pénal, comme il l ’ a demandé au cours du dialogue.

Corruption

12)Le Comité est gravement préoccupé par les informations témoignant de l’existence d’une corruption systémique et généralisée. Il estime que l’état de droit est la pierre angulaire de la protection des droits énoncés dans la Convention et, bien qu’il accueille avec satisfaction la nouvelle loi anticorruption et d’autres mesures prises par l’État partie, il prend note avec préoccupation des informations relatives à l’ingérence politique et à la corruption qui touchent les organes judiciaires et le fonctionnement de certains services publics, notamment la police et d’autres services chargés du maintien de l’ordre. À ce sujet, le Comité est préoccupé par les informations indiquant que les policiers sont promus en fonction du nombre d’arrestations effectuées et que des avantages particuliers, comparables à un système de récompenses, sont accordés aux postes de police pour encourager les arrestations, ainsi que par les informations selon lesquelles les policiers reçoivent des compensations financières dans le cadre d’arrangements informels ou de procédures extrajudiciaires. Le Comité est également préoccupé par le fait que l’unité de lutte contre la corruption créée en application de la nouvelle loi anticorruption n’a encore pris aucune mesure contre les personnes visées par les allégations de corruption et n’est pas encore totalement opérationnelle (art. 2, 10 et 12).

L ’ État partie devrait de toute urgence prendre des mesures pour éradiquer la corruption dans tout le pays car elle constitue l ’ un des plus sérieux obstacles à l ’ instauration de l ’ état de droit et à l ’ application de la Convention. Ces mesures devraient notamment consister à assurer l ’ application effective de la loi anticorruption et à rendre l ’ unité de lutte contre la corruption rapidement opérationnelle, en veillant à ce qu ’ elle soit constituée de membres indépendants. L ’ État partie devrait également consacrer davantage de moyens aux enquêtes sur les affaires de corruption et à la poursuite des responsables. Il devrait mettre en place un programme pour la protection des témoins et des personnes qui dénoncent des abus afin de mieux garantir la confidentialité et protéger les personnes qui signalent des actes de corruption, et faire en sorte que des fonds suffisants soient alloués à ce programme afin d ’ en assurer l ’ efficacité. En outre, l ’ État partie devrait mettre en œuvre des programmes de formation et de renforcement des capacités à l ’ intention de la police et des autres personnels des forces de l ’ ordre ainsi que des procureurs et des juges afin de les sensibiliser à l ’ application stricte de la loi anticorruption et aux codes de déontologie applicables, et mettre en place des mécanismes efficaces pour assurer, en droit et en pratique, la transparence des activités des autorités publiques. Le Comité demande à l ’ État partie de le tenir informé des progrès accomplis et des difficultés rencontrées dans la lutte contre la corruption. Il lui demande également de lui faire parvenir des informations concernant le nombre de fonctionnaires, y compris parmi les hauts responsables, qui ont été poursuivis et condamnés du chef de corruption.

Indépendance de l’appareil judiciaire

13)Le Comité exprime de nouveau sa vive préoccupation face au manque d’indépendance et d’efficacité de l’appareil judiciaire, notamment du système de justice pénale, qui empêche la pleine réalisation des droits de l’homme, notamment de l’interdiction de la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Le Comité est également préoccupé par le fait qu’aucune loi fondamentale visant à réformer le système judiciaire n’a encore été promulguée. Le Comité est en outre préoccupé par le manque d’indépendance du barreau ainsi que par le nombre limité de ses membres et les raisons de cette situation. Le Comité regrette que l’État partie n’ait pas répondu à ses questions concernant les dispositions de la loi anticorruption qui portent sur l’indépendance de l’appareil judiciaire et qu’il n’ait pas donné d’exemples de cas où des personnes ayant exercé des pressions indues sur les autorités judiciaires ou ayant consenti à de telles pressions ont fait l’objet d’enquêtes et de poursuites et ont été condamnées (art. 2).

L ’ État partie devrait redoubler d ’ efforts pour mettre et maintenir en place un pouvoir judiciaire professi onnel et totalement indépendant , conformément aux normes internationales, et veiller à ce qu ’ il ne fasse l ’ objet d ’ aucune ingérence politique. À cette fin, il devrait notamment promulguer sans attendre tous les textes de réforme pertinents, en particulier la loi sur l ’ organisation judiciaire et le fonctionnement des tribunaux, la loi portant réforme du Conseil suprême de la magistrature et la loi sur le statut des juges et des procureurs. L ’ État partie devrait également faire en sorte que des enquêtes et des poursuites soient ouvertes contre les personnes exerçant des pressions indues sur les autorités judiciaires ou consentant à de telles pressions et que ces personnes soient condamnées; des exemples d ’ affaires de ce type seraient souhaitables. En outre, l ’ État partie devrait prendre les mesures nécessaires pour garantir l ’ indépendance du barreau et la transparence de son fonctionnement et faire en sorte qu ’ un nombre suffisant d ’ avocats y soient admis. Le Comité demande également à l ’ État partie de donner des renseignements sur les dispositions de la loi anticorruption qui portent sur l ’ indépendance de l ’ appareil judiciaire.

Garanties fondamentales

14)Le Comité note avec une vive préoccupation que dans la pratique l’État partie n’accorde pas à tous les détenus, y compris aux mineurs et aux personnes en attente de jugement, toutes les garanties fondamentales dès le début de leur détention, à savoir notamment le droit d’être assistés par un avocat et d’être examinés par un médecin indépendant, de préférence choisi par les détenus eux-mêmes, le droit d’informer un membre de leur famille et d’être informés de leurs droits au moment de l’arrestation, notamment des accusations portées contre eux, ainsi que le droit de comparaître sans délai devant un juge. Le Comité est particulièrement préoccupé par le fait qu’en vertu du Code de procédure pénale, un détenu ne peut consulter un avocat que vingt-quatre heures après son arrestation, et que la décision de faire examiner le détenu par un médecin semble être laissée à la discrétion du policier ou de l’agent pénitentiaire de service. Le Comité est également préoccupé par le très faible nombre d’avocats de la défense dans le pays, y compris les avocats au titre de l’aide juridictionnelle, ce qui a pour effet de priver de nombreux défendeurs de la possibilité d’être assistés par un conseil. Le Comité prend note avec préoccupation des informations indiquant que des personnes privées de liberté sont détenues par la police pendant de longues périodes sans que leur détention ne soit enregistrée, et que dans la pratique un grand nombre de postes de police et de prisons ne respectent pas les règlements relatifs aux procédures d’enregistrement des détenus (art. 2, 11 et 12).

L ’ État partie devrait prendre sans délai des mesures concrètes pour faire en sorte que tous les détenus bénéficient dans la pratique de toutes les garanties fondamentales dès le début de leur détention. À cette fin, l ’ État partie devrait modifier le Code de procédure pénale de façon à garantir aux détenus le droit d ’ être assistés par un avocat dès le début de la privation de liberté puis tout au long de l ’ enquête, du procès et des procédures d ’ appel, ainsi que le droit d ’ être examinés par un médecin indépendant, de préférence choisi par les détenus eux-mêmes, le droit d ’ informer un membre de leur famille et d ’ être informés de leurs droits au moment de l ’ arrestation, notamment des accusations portées contre eux, et le droit de comparaître sans délai devant un juge. L ’ État partie devrait d ’ urgence accroître le nombre d ’ avocats de la défense dans le pays, y compris celui des avocats au titre de l ’ aide juridictionnelle, et lever les obstacles indus à l ’ admission au barreau. L ’ État partie devrait faire en sorte que les personnes privées de liberté soient rapidement enregistrées et que les registres de détention des postes de police et des établissements pénitentiaires soient régulièrement examinés pour vérifier qu ’ ils sont tenus à jour conformément aux procédures établies par la loi.

Impunité des actes de torture et des mauvais traitements

15)Le Comité demeure gravement préoccupé par les allégations nombreuses, persistantes et concordantes relatives à des actes de torture et à des mauvais traitements infligés à des détenus, en particulier dans les postes de police. Le Comité est également préoccupé par les nombreuses allégations de violences sexuelles infligées à des détenues par des policiers et des agents pénitentiaires. Il note en outre avec préoccupation que de telles allégations donnent rarement lieu à des enquêtes et à des poursuites et qu’un climat d’impunité semble s’être instauré, à en juger par l’absence de véritables mesures disciplinaires et de poursuites pénales contre les agents de l’État accusés d’actes visés par la Convention. Le Comité prend note des informations de l’État partie indiquant que la législation nationale, en particulier le Code de procédure pénale, ne contient aucune disposition qui puisse être invoquée pour justifier ou excuser la torture, quelles que soient les circonstances, mais il est préoccupé par le fait que la législation nationale ne contient aucune disposition interdisant expressément d’invoquer des circonstances exceptionnelles pour justifier la torture (art. 2, 4, 12 et 16).

Le Comité devrait prendre d ’ urgence des mesures concrètes pour prévenir les actes de torture et les mauvais traitements, y compris les violences sexuelles en détention, dans tout le pays; il devrait notamment annoncer une politique qui soit de nature à produire des résultats tangibles dans l ’ optique de l ’ élimination des actes de torture et des mauvais traitements commis par des agents de l ’ État et assurer la surveillance ou l ’ enregistrement des interrogatoires effectués par la police.

L ’ État partie devrait également faire en sorte que toutes les allégations de torture et de mauvais traitements, y compris de violences sexuelles en détention, donnent lieu sans délai à des enquêtes efficaces et impartiales et que les auteurs soient poursuivis et condamnés à des peines à la mesure de la gravité des actes commis, comme l ’ exige l ’ article 4 de la Convention. L ’ État partie devrait adopter une échelle des peines applicable s aux actes de torture et aux mauvais traitements commis par des agents de l ’ État pour faire en sorte que des peines appropriées soient prononcées contre les agents de l ’ État reconnus coupables de tels actes.

L ’ État partie devrait faire en sorte que la législation nationale contienne une disposition interdisant expressément d ’ invoquer des circonstances exceptionnelles pour justifier la torture.

Plaintes et ouverture immédiate d’enquêtes impartiales et efficaces

16)Le Comité est préoccupé par les informations indiquant que la torture et les mauvais traitements sont couramment pratiqués par la police et le personnel pénitentiaire, que ces actes donnent rarement lieu à des enquêtes et que leurs auteurs sont très rarement condamnés. Le Comité note également avec préoccupation qu’il n’existe pas d’organisme civil indépendant de surveillance habilité à recevoir les plaintes relatives à des actes de torture et à des mauvais traitements imputés à des policiers ou à d’autres membres des forces de l’ordre et à ouvrir des enquêtes. Le Comité regrette que l’État partie n’ait pas fourni de renseignements détaillés, notamment de statistiques, sur le nombre de plaintes pour torture et mauvais traitements et l’issue de toutes les procédures, tant pénales que disciplinaires, auxquelles elles ont donné lieu. Le Comité est en outre préoccupé par l’absence de mécanismes efficaces pour assurer la protection des victimes et des témoins (art. 1, 2, 4, 12, 13 et 16).

L ’ État partie devrait renforcer les mesures prises pour assurer l ’ ouverture immédiate d ’ enquêtes impartiales et efficaces sur toutes les allégations relatives à des actes de torture et des mauvais traitements infligés à des personnes incarcérées pour exécuter une peine ou détenues, y compris dans les postes de police, et traduire en justice les membres des forces de l ’ ordre et du personnel pénitentiaire qui ont commis de tels actes, les ont ordonnés ou y ont consenti. L ’ État partie devrait mettre en place un mécanisme indépendant chargé de recevoir les plaintes contre des membres des forces de l ’ ordre, et faire en sorte que les enquêtes sur les plaintes pour torture et mauvais traitements mettant en cause des membres des forces de l ’ ordre soient menées par un organisme civil indépendant de surveillance. Pour les affaires dans lesquelles il existe une forte présomption que la plainte pour torture ou mauvais traitements est fondée, la règle devrait être que le suspect soit suspendu de ses fonctions ou muté pendant la durée de l ’ enquête, afin d ’ éviter tout risque qu ’ il fasse obstruction à celle-ci ou qu ’ il continue de commettre des actes proscrits par la Convention.

L ’ État partie devrait en outre élaborer un programme pour la protection des victimes et des témoins afin de mieux garantir la confidentialité et protéger les personnes qui signalent des actes de torture ou qui portent plainte pour torture, et faire en sorte que des fonds suffisants soient affect és à ce programme pour en garantir l ’ efficacité.

Prolongation de la détention avant jugement

17)Le Comité note avec préoccupation que dans le système de justice pénale de l’État partie les personnes en attente de jugement continuent d’être automatiquement placées en détention et il demeure inquiet face à la prolongation injustifiée de la détention avant jugement, pendant laquelle les détenus risquent d’être soumis à la torture et à d’autres mauvais traitements (art. 2 et 11).

L ’ État partie devrait adopter des mesures concrètes pour faire en sorte que sa politique en matière de détention avant jugement soit conforme aux normes internationales et qu ’ il ne soit recouru à cette mesure qu ’ à titre exceptionnel et pour une durée limitée, conformément aux prescriptions de la Constitution et du Code de procédure pénale. À cette fin, l ’ État partie devrait reconsidérer la pratique consistant à placer automatiquement en détention les personnes en attente de jugement, et envisager d ’ appliq uer des mesures de substitution , par exemple de laisser les personnes en attente de jugement en liberté sous contrôle jusqu ’ au procès. Il devrait également élaborer de nouvelles dispositions autorisant l ’ application de mesures non privatives de liberté et en faire pleinement usage.

Surveillance et inspection des lieux de détention

18)Le Comité prend note avec intérêt des informations données par l’État partie qui indiquent que certains organismes sont habilités à inspecter régulièrement les prisons. Il note également que les organisations non gouvernementales (ONG) «concernées» sont autorisées à se rendre dans les prisons. Le Comité est néanmoins préoccupé par le manque d’informations concernant la surveillance et l’inspection effectives de tous les lieux de détention, y compris des postes de police, des prisons, ainsi que des centres des affaires sociales, des centres de réadaptation pour toxicomanes et d’autres lieux où des personnes peuvent être privées de liberté. À ce sujet, le Comité est particulièrement préoccupé par l’absence d’informations sur le point de savoir si ces visites sont inopinées ou si elles sont d’une quelconque manière encadrées, ainsi que sur la suite donnée aux résultats de ces visites (art. 2, 11 et 16).

Le Comité invite l ’ État partie à mettre en place un mécanisme national pour surveiller et inspecter de manière effective tous les lieux de détention, y compris les postes de police, les prisons, les centres des affaires sociales, les centres de réadaptation pour toxicomanes et d ’ autres lieux où des personnes peuvent être privées de liberté, et d ’ assurer le suivi nécessaire pour que cette surveillance soit efficace. Ce mécanisme devrait prévoir des visites périodiques et inopinées effectuées par des observateurs nationaux et internationaux indépendants, y compris les ONG « concernées » , aux fins de prévenir la torture et d ’ autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

Conditions de détention

19)Le Comité prend acte des mesures prises par l’État partie pour améliorer les conditions de détention, notamment à travers le programme d’appui à la réforme des prisons, l’adoption d’un sous-décret régissant les rations des détenus et l’aménagement des cellules, l’élaboration, avec des partenaires internationaux, d’un projet de normes minima pour la construction des prisons, et la construction de nouvelles prisons. Toutefois, le Comité note avec préoccupation le grave surpeuplement des lieux où des personnes sont privées de liberté, ce qui met en danger la sécurité des détenus, leur intégrité physique et psychologique et leur santé. Il est également préoccupé par les informations relatives aux mauvaises conditions d’hygiène et au manque de nourriture et de soins de santé. Le Comité note avec préoccupation que la population carcérale augmente régulièrement et qu’il n’y a pas suffisamment de peines de substitution non privatives de liberté. En outre, le Comité est gravement préoccupé par les cas de décès en détention et déplore que l’État partie n’ait pas donné d’informations à ce sujet. Le Comité est aussi gravement préoccupé par les allégations, au sujet desquelles l’État partie n’a pas donné de renseignements, indiquant que les «comités de détenus» se livrent parfois à de graves violences et à des mauvais traitements à l’égard d’autres détenus dans le cadre d’actions disciplinaires et que ces incidents sont souvent passés sous silence ou cautionnés par la Direction générale des prisons. Le Comité est en outre préoccupé par le fait que des femmes sont parfois détenues avec des hommes et que la surveillance des détenues continue d’être effectuée par des hommes en raison du faible nombre de femmes au sein du personnel pénitentiaire (art. 1, 2, 4, 11 et 16).

L ’ État partie devrait redoubler d ’ efforts en vue de réduire significativement l e surp euplement d es lieux où des personnes sont privées de liberté, y compris dans les postes de police et les prisons, et d ’ améliorer les conditions de détention dans ces lieux, notamment en ce qui concerne l ’ hygiène et la nourriture. À cette fin, le Comité recommande à l ’ État partie d ’ appliquer des mesures de substitution à l ’ emprisonnement et de garantir l ’ allocation de ressources budgétaires suffisantes pour développer et rénover l ’ infrastructure des prisons et des autres lieux de détention. En outre, l ’ État partie devrait clairement définir et réglementer la fonction et le rôle des « comités de détenus » et faire en sorte que des enquêtes soient menées sur les violences et les mauvais traitements imputés à ces comités et que les auteurs de ces actes soient punis. De plus, les agents de la Direction générale des prisons qui ferment les yeux sur ces actes ou les cautionnent devraient répondre de leur conduite et les suspects devraient être suspendus ou mutés pendant la durée de l ’ enquête. Le Comité demande également des renseignements à jour sur les circonstances des décès de Kong La, Heng Touch et Mao Sok ainsi que sur les enquêtes et les poursuites auxquelles ces affaires ont donné lieu et les condamnations qui ont été prononcées.

L ’ État partie devrait également revoir les politiques et procédures en vigueur concernant la garde et le traitement des détenus, notamment dans les postes de police, faire en sorte que les hommes et les femmes soient détenus séparément et que les détenues soient surveillées par des femmes, être attentif aux cas de violences sexuelles en détention et enquêter efficacement sur ces violences, et fournir au Comité des données à ce sujet, ventilées en fonction des indicateurs pertinents. Le Comité recommande également à l ’ État partie d e son ger à réunir des données fiables et précises sur la population carcérale, indiquant notamment la durée des peines exécutées, les infractions commises et l ’ âge des auteurs, afin qu ’ elles puissent être prises en considération dans les décisions de politique générale en matière de justice pénale.

Centres des affaires sociales

20)Le Comité prend note des informations et des précisions apportées par la délégation au sujet des centres des affaires sociales, notamment concernant le fait que l’État partie est convenu avec l’UNICEF et le bureau du HCDH au Cambodge de procéder à une évaluation des politiques, procédures et pratiques en vigueur dans les centres des affaires sociales et les centres de réadaptation pour mineurs en ce qui concerne l’envoi, le placement, la gestion, la réadaptation et la réinsertion des enfants, des femmes et des personnes vulnérables. Toutefois, le Comité est gravement préoccupé par les informations persistantes indiquant que des rafles sont effectuées dans les rues par les forces de l’ordre et que les personnes ainsi appréhendées − travailleurs du sexe, victimes de la traite, toxicomanes, vagabonds, mendiants, enfants des rues et malades mentaux − sont ensuite placées dans des centres des affaires sociales, contre leur gré, sans aucun motif légal et sans mandat judiciaire. Le Comité est en outre vivement préoccupé par les allégations au sujet de cas répétés de détention arbitraire et de violences, y compris d’actes de torture, de viols, de passages à tabac, ainsi que de suicide et même d’assassinat de détenus imputés à des gardiens, au centre de Prey Speu entre fin 2006 et 2008. Le Comité est également préoccupé par l’absence d’informations concernant une quelconque initiative, de la part de l’État partie, tendant à ouvrir une enquête approfondie sur ces allégations (art. 2, 11 et 16).

Le Comité invite instamment l ’ État partie à mettre définitivement un terme à toute forme de détention arbitraire et illégale, en particulier dans les centres des affaires sociales, y compris celui de Prey Speu. L ’ État partie devrait faire en sorte que tous les services gouvernementaux concernés respectent le droit de chacun de ne pas être arbitrairement détenu en raison de sa situation sociale, sans aucun motif légal et sans mandat judiciaire. L ’ État partie devrait également faire en sorte que des enquêtes sur les agents, les gardiens et les autres fonctionnaires impliqués dans des cas de détention arbitraire et de violences soient immédiatement ouvertes, que les suspects soient poursuivis et qu ’ une réparation soit accordée aux victimes.

L ’ État partie devrait d ’ urgence ouvrir une enquête indépendante sur les allégations relatives aux graves violations des droits de l ’ homme, y compris des actes de torture, qui auraient été commises à Prey Speu entre fin 2006 et 2008. De plus, le Comité encourage l ’ État partie à mettre en place, en coopération avec les partenaires concernés, des solutions durables et humaines en faveur des populations défavorisées et vulnérables, notamment des personnes qui vivent et travaillent dans la rue, et à leur assurer le type d ’ assistance dont elles ont besoin.

Violences sexuelles, y compris le viol

21)Le Comité note avec une vive préoccupation que, d’après le plan stratégique quinquennal de l’État partie pour 2009-2013 appelé Neary Rattanak III, la violence à l’égard des femmes est encore très répandue au Cambodge, et il semblerait que l’incidence de certaines formes de violence contre les femmes, en particulier le viol, augmente. Le Comité est également préoccupé par les informations provenant de sources non gouvernementales qui indiquent que de plus en plus de viols sont signalés, notamment des viols de très jeunes filles et des viols collectifs, que les violences et atteintes sexuelles touchent surtout les pauvres, que les femmes et les enfants qui en sont victimes ont difficilement accès à la justice et que les services médicaux et l’aide psychosociale nécessaires font cruellement défaut (art. 1, 2, 4, 11, 13 et 16).

L ’ État partie devrait prendre des mesures concrètes pour prévenir et combattre les violences et les atteintes sexuelles contre les femmes et les enfants, y compris le viol. À cette fin, il devrait mettre en place un mécanisme efficace chargé de recevoir les plaintes pour violences sexuelles et d ’ ouvrir des enquêtes, et soutenir son action; il devrait également assurer aux victimes une protection médicale et psychologique ainsi que l ’ accès à des moyens de réparation, y compris à une indemnisation et à des mesures de réadaptation, selon que de besoin. Le Comité demande à l ’ État partie de fournir des statistiques sur le nombre de plaintes pour viol enregistrées ainsi que des renseignements sur les enquêtes et les poursuites auxquelles elles ont donné lieu et les condamnations prononcées.

Traite des êtres humains

22)Le Comité accueille avec satisfaction les renseignements fournis par la délégation au sujet des mesures prises pour rapatrier et protéger les personnes victimes de la traite, l’adoption en 2008 de la loi sur la lutte contre la traite, le deuxième Plan national de lutte contre la traite des êtres humains et l’exploitation sexuelle (2006-2010), les activités du Département de la lutte contre la traite des êtres humains et de la protection de la jeunesse du Ministère de l’intérieur ainsi que les autres mesures législatives, administratives et de police visant à combattre la traite. Toutefois le Comité prend note avec une vive préoccupation des informations selon lesquelles un nombre élevé de femmes et d’enfants continuent d’être victimes de la traite interne à l’État partie, en provenance de l’État partie ou en transit sur son territoire, à des fins d’exploitation sexuelle et de travail forcé. Le Comité est également préoccupé par l’absence de statistiques, notamment sur le nombre de plaintes pour traite, le nombre d’enquêtes et de poursuites auxquelles elles ont donné lieu et le nombre de condamnations prononcées, et par l’absence d’informations sur les mesures concrètes prises pour prévenir et combattre ce phénomène, notamment sur le plan médical et social et dans le domaine de la réadaptation (art. 1, 2, 4, 12 et 16).

L ’ État partie devrait redoubler d ’ efforts pour prévenir et combattre la traite des êtres humains, en particulier des femmes et des enfants, notamment en appliquant la loi sur la lutte contre la traite, en offrant une protection aux victimes et en leur assurant l ’ accès à des mesures de réadaptation et à des services médicaux, sociaux et juridiques, y compris des services de conseil, selon que de besoin. L ’ État partie devrait en outre créer des conditions propices à l ’ exercice par les victimes de leur droit de déposer plainte, mener sans délai des enquêtes impartiales et efficaces sur toutes les allégations de traite et faire en sorte que les personnes reconnues coupables soient condamnées à des peines à la mesure de la gravité de leurs actes.

Détention d’enfants

23)Le Comité salue les efforts de l’État partie pour réformer son système de justice pour mineurs, notamment le projet de loi sur la justice des mineurs et la création, en 2006, d’un groupe de travail interministériel sur la justice des mineurs. Le Comité est néanmoins préoccupé par les informations indiquant qu’un nombre élevé d’enfants se trouvent en détention et par l’absence de mesures de substitution à l’emprisonnement. Le Comité est également préoccupé par le fait que les enfants ne sont pas toujours séparés des adultes dans les lieux de détention (art. 2, 11 et 16).

L ’ État partie devrait d ’ urgence mettre en place un système distinct de justice p our mineurs, adapté à leur statut et à leurs besoins particuliers. À cette fin, l ’ État partie devrait sans attendre adopter le projet de loi sur la justice des mineurs et s ’ assurer de sa conformité aux normes internationales, et élaborer des orientations et des lignes directrices à l ’ intention des juges, des procureurs et de la police judiciaire pour les sensibiliser à la notion de justice adaptée aux besoins de l ’ enfant. L ’ État partie devrait en outre prendre toutes les mesures nécessaires pour concevoir et mettre en place un système complet de mesures de substitution afin de garantir que la privation de liberté ne soit utilisée dans le cas des mineurs qu ’ en dernier ressort, que sa durée soit la plus brève possible et qu ’ elle soit appliquée dans des conditions appropriées . En outre, l ’ État partie devrait prendre les mesures nécessaires pour faire en sorte que les moins de 18 ans ne soient pas détenus avec les adultes.

Réfugiés, non-refoulement

24)Le Comité accueille avec satisfaction l’adhésion de l’État partie à la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés mais est préoccupé par l’absence d’informations concernant les textes de loi garantissant les droits des réfugiés et des demandeurs d’asile, y compris des enfants non accompagnés ayant besoin d’une protection internationale. Il est également préoccupé par l’absence de dispositions interdisant expressément l’expulsion, le refoulement ou l’extradition d’une personne vers un État où il y a des motifs sérieux de penser qu’elle risque d’être soumise à la torture. Le Comité est également préoccupé par le fait que de nombreuses personnes n’ont pas bénéficié de toute la protection prévue à l’article 3 de la Convention en cas d’expulsion, de refoulement ou de renvoi. Cela a notamment été le cas de 674 demandeurs d’asile montagnards, qui ne sont plus sur le territoire de l’État partie, et de 20 demandeurs d’asile ouïgours qui ont été renvoyés en Chine en décembre 2009; aucun renseignement n’a en outre été donné concernant les mesures prises par l’État partie pour s’assurer de ce qu’il est advenu de ces personnes (art. 3, 12 et 13).

L ’ État partie devrait élaborer et adopter des textes de loi pour garantir les droits des réfugiés et des demandeurs d ’ asile, y compris des enfants non accompagnés ayant besoin d ’ une protection internationale. Il devrait également élaborer et adopter des dispositions pour donner effet à l ’ article 3 de la Convention dans son droit interne. En aucune circonstance l ’ État partie ne devrait expulser, refouler ou extrader une personne vers un État où il y a des motifs sérieux de croire qu ’ elle risque d ’ être soumise à la torture ou à des mauvais traitements . Le Comité demande à l ’ État partie de faire le nécessaire pour s ’ assurer de ce qu ’ il est advenu des 674 demandeurs d ’ asile montagnards et des 20 demandeurs d ’ asile ouïgours et de l ’ en tenir informé.

Formation

25)Le Comité prend note des informations données dans le rapport de l’État partie sur les programmes de formation et de sensibilisation aux droits de l’homme destinés aux personnels des forces de l’ordre, notamment la police et la police judiciaire, aux juges et aux procureurs. Le Comité regrette toutefois l’absence d’informations concernant une formation pratique destinée à ces catégories de personnel ainsi qu’aux agents pénitentiaires, qui serait axée sur les obligations découlant de la Convention, notamment sur l’interdiction de la torture, la prévention de la torture ou l’ouverture d’enquêtes sur les allégations de torture, y compris de violence sexuelle. Le Comité regrette également l’absence de renseignements sur la formation des policiers et des autres agents de l’État concernés à l’interrogatoire de témoins, à la protection de témoins, aux techniques médico-légales et à la collecte de preuves. En outre, le Comité est préoccupé par l’absence de renseignements concernant l’existence d’une formation ciblée destinée à tous les personnels concernés, y compris les médecins légistes et le personnel médical qui s’occupe de détenus, en particulier une formation aux méthodes servant à déceler les séquelles physiques et psychologiques de la torture ainsi qu’aux suites médicales et judiciaires à donner en pareil cas. Le Comité est également préoccupé par le fait qu’aucune information n’a été donnée concernant le point de savoir si ces formations incluaient l’enseignement des codes de déontologie et si ces codes prévoyaient l’interdiction de la torture, etc. (art. 10).

L ’ État partie devrait continuer à élaborer des programmes éducatifs et à les étoffer, notamment en coopération avec des ONG, pour faire en sorte que tous les fonctionnaires, y compris les membres des forces de l ’ ordre et le personnel pénitentiaire, soient pleinement au fait des dispositions de la Convention, qu ’ ils sachent que les violations signalées, y compris les cas de violence sexuelle, ne seront pas tolérées et feront l ’ objet d ’ enquêtes et que les auteurs seront poursuivis. En outre, la police et les autres agents de l ’ État concernés devraient recevoir une formation à l ’ interrogatoire de témoins, à la protection de témoins, aux techniques médico-légales et à la collecte de preuves et tout le personnel concerné devrait recevoir une formation spécifique aux techniques permettant de déceler les signes de torture et de mauvais traitements, en particulier les agents chargés d ’ enquêter sur les cas de torture et de mauvais traitements et d ’ établir la réalité de tels actes. Cette formation devrait notamment inclure l ’ utilisation du manuel pour enquêter efficacement sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (Protocole d ’ Istanbul) . En outre, l ’ État partie devrait faire en sorte que l ’ enseignement des codes de déontologie pertinents et de l ’ importance de les respecter fasse partie intégrante de la formation dispensée. L ’ État partie devrait également évaluer l ’ efficacité et l ’ incidence de ses programmes de formation et d ’ éducation.

Réparation (indemnisation et réadaptation)

26)Le Comité note que l’article 39 de la Constitution établit le droit de demander réparation pour les préjudices causés par les organismes de l’État, les organismes sociaux, et leur personnel, mais il est préoccupé par l’absence d’informations, y compris de données chiffrées, concernant l’indemnisation équitable et suffisante de victimes d’actes de torture. Le Comité est également préoccupé par l’absence d’informations concernant d’éventuels services de traitement et de réadaptation sociale, notamment médicale et psychosociale, en faveur de toutes les victimes d’actes de torture (art. 14).

Le Comité souligne qu ’ il incombe à l ’ État de faire en sorte que les victimes d ’ actes de torture et leur famille obtiennent réparation. À cette fin, l ’ État partie devrait redoubler d ’ efforts pour assurer à ces victimes une réparation sous la forme d ’ une indemnisation équitable et suffisante et d ’ une réadaptation la plus complète possible . L ’ État partie devrait en outre intensifier ses efforts pour améliorer l ’ accès des victimes d ’ actes de torture aux services de soins médicaux et d ’ assistance psychologique, en particulier pendant et après leur détention, et faire en sorte que ces personnes bénéficient rapidement de mesures de réadaptation effectives; sensibiliser les professionnels de la santé et des services sociaux aux conséquence s de la torture et à la nécessité de pourvoir à la réadaptation des victimes d ’ actes de torture afin de systématiser l ’aiguillage de ces personnes de puis le s services de soins de santé primaires vers des services spécialisés; et renforcer les capacités des établissements de santé du pays afin qu ’ ils puissent offrir aux victimes d ’ actes de torture et à leur famille des services spécialisés de réadaptation, conformément aux normes internationales recommandées, en particulier dans le domaine de la santé mentale.

27)Le Comité note avec préoccupation que le règlement intérieur des Chambres extraordinaires créées au sein des tribunaux cambodgiens permet uniquement de demander une réparation collective et morale, ce qui exclut toute indemnisation individuelle. Le Comité note qu’il existe une section de soutien aux victimes, mais il est préoccupé par le fait que l’aide à la réadaptation et l’assistance psychosociale aux personnes qui viennent témoigner devant les Chambres extraordinaires est en grande partie assurée par des ONG, le soutien de l’État dans ce domaine étant très limité, et il regrette que très peu d’informations aient été données au sujet des services de traitement et de réadaptation, y compris médicale et psychosociale, offerts aux personnes qui ont été soumises à la torture sous le régime des Khmers rouges (art. 14).

L ’ État partie devrait redoubler d ’ efforts pour assurer une réparation aux personnes qui ont été soumises à la torture sous le régime des Khmers rouges, sous la forme d ’ une indemnisation équitable et suffisante et d ’ une réadaptation aussi complète que possible. À cette fin, les Chambres extraordi naires devraient modifier leur r èglement intérieur afin de permettre aux victimes d ’ obtenir réparation conformément à l ’ article 14 de la Convention, notamment, le cas échéant, sous la forme d ’ une indemnisation individuelle. En outre, l ’ État partie devrait donner des informations sur les mesures de réparation et d ’ indemnisation ordonnées par les Chambres extraordinaires dont ont bénéficié les victimes d ’ actes de torture et leur famille. Ces informations devraient inclure le nombre de demandes d ’ indemnisation présentées, le nombre de celles auxquelles il a été fait droit et les montants ordonnés et effectivement versés dans chaque cas.

Aveux obtenus par la contrainte

28)Le Comité est préoccupé par les informations selon lesquelles les aveux obtenus par la contrainte seraient couramment admis comme éléments de preuve devant les tribunaux de l’État partie. Le Comité est également préoccupé par l’absence d’informations concernant des cas où des agents de l’État ont été poursuivis et punis pour avoir extorqué des aveux (art. 1, 2, 4, 10 et 15).

L ’ État partie devrait prendre les mesures nécessaires pour garantir dans toutes les procédures judiciaires l ’ irrecevabilité des aveux obtenus par la torture, conformément aux dispositions de l ’ article 15 de la Convention. Le Comité demande à l ’ État partie d ’ interdire catégoriquement la prise en considération de preuves obtenues par la torture dans toutes les procédures ainsi que de lui faire savoir si des fonctionnaires ont déjà été poursuivis et condamnés pour avoir extorqué des aveux et de lui donner des exemples d ’ affaires auxquelles il n ’ a pas été donné suite au motif que des aveux avaient été obtenus par la torture. En outre, l ’ État partie devrait veiller à ce qu ’ une formation soit dispensée aux membres des forces de l ’ ordre, aux juges et aux avocats pour leur apprendre à reconnaître les cas où des aveux ont été forcés et à procéder à des investigations.

Institution nationale des droits de l’homme

29)Le Comité note avec préoccupation qu’il n’existe pas dans l’État partie d’institution nationale des droits de l’homme indépendante telle que la définissent les Principes de Paris (résolution 48/134 du 20 décembre 1993 de l’Assemblée générale) (art. 2).

L ’ État partie devrait intensifier ses efforts en vue de créer dans les meilleurs délais une institution nationale des droits de l ’ homme indépendante qui soit conforme aux Principes de Paris. Le Comité demande à l ’ État partie de faire en sorte que la future institution nationale des droits de l ’ homme soit dotée des pouvoirs nécessaires pour protéger et promouvoir les droits de l ’ homme garantis par les dispositions de la Convention, et que des ressources financières suffisantes lui soient allouées pour lui permettre d’agir de manière indépendant e. À cet égard, l ’ État partie voudra peut-être solliciter une assistance technique auprès du bureau du HCDH au Cambodge.

Mécanisme national de prévention

30)Le Comité prend acte de la création, en vertu du sous-décret d’août 2009, d’un comité intergouvernemental provisoire en attendant la mise en place d’un mécanisme national de prévention. Il note toutefois avec préoccupation que le comité intergouvernemental, composé de hauts fonctionnaires et présidé par le Vice-Premier Ministre et Ministre de l’intérieur, ne satisfait pas aux exigences du Protocole facultatif, s’agissant en particulier de son indépendance et de la non-participation de la société civile. Le Comité est également préoccupé par les informations fournies par la délégation, qui a indiqué que le mandat actuel du mécanisme national de prévention ne prévoyait pas la réalisation de visites inopinées (art. 2).

L ’ État partie devrait prendre toutes les mesures nécessaires pour faire en sorte que le mécanisme national de prévention qui sera mis en place soit conforme au Protocole facultatif se rapportant à la Convention. À cette fin, l ’ État partie devrait faire en sorte que le mécanisme national de prévention soit créé en vertu d ’ un amendement à la Constitution ou d ’ une loi organique et qu ’ il soit institutionnellement et financièrement indépendant et constitué de professionnels. L ’ État partie devrait également faire en sorte que la loi portant création du mécanisme national de prévention habilite ce dernier à effectuer des visites inopinées dans tous les lieux où des personnes sont ou pourraient être privées de liberté et à s ’ entretenir en privé avec ces personnes, et qu ’ elle définisse une procédure de sélection transparente en vue de la nomination des membres indépendants devant constituer le mécanisme.

Le Comité encourage l ’ État partie à son ger à publier le rapport que le Sous-Comité pour la prévention de la torture a établi à la suite de sa visite dans le pays en décembre 2009.

Coopération avec la société civile

31)Le Comité prend note de l’importance accordée par l’État partie à la collaboration avec les ONG, mais il est préoccupé par l’absence d’informations sur le point de savoir si le projet de loi sur les ONG pourrait d’une quelconque façon entraver les activités des groupes de la société civile qui surveillent la situation des droits de l’homme et, partant, leur capacité à fonctionner efficacement, notamment les ONG qui œuvrent pour prévenir et combattre la torture et les mauvais traitements (art. 2, 11, 12 et 13).

L ’ État partie devrait faire en sorte que les organisations de la société civile, y compris les ONG, ne soient soumises à aucune restriction d an s leur création et leurs activités, et qu ’ elles puissent fonctionner sans ingérence de la part du Gouvernement. Le Comité engage en particulier l ’ État partie à créer des conditions favorables à l a création d ’ ONG et à leur participation active à la promotion de l ’ application de la Convention.

Collecte de données

32)Le Comité regrette que, bien qu’il ait demandé des statistiques spécifiques dans la liste des points à traiter établie avant la présentation du rapport et pendant le dialogue avec l’État partie, ces données ne lui aient pas été fournies. L’absence de données détaillées ou ventilées sur les plaintes, les enquêtes, les poursuites et les condamnations dans les affaires de torture et de mauvais traitements mettant en cause des agents de la force publique et des agents pénitentiaires, ainsi que dans les affaires de traite, de violence au foyer et de violence sexuelle entrave considérablement les efforts déployés pour mettre en lumière de nombreuses violations qui doivent être combattues (art. 2, 12, 13 et 19).

L ’ État partie devrait recueillir des données statistiques utiles pour le suivi de l ’ application de la Convention au niveau national, ventilées par sexe, âge et nationalité, ainsi que des informations sur les plaintes pour torture et mauvais traitements, traite, violence au foyer et violence sexuelle, sur les enquêtes et les poursuites auxquelles elles ont donné lieu et sur les condamnations prononcées. L ’ État partie devrait communiquer sans délai au Comité les informations détaillées susmentionnées, notamment le nombre de plaintes pour torture, coups et blessures et autres mauvais traitements qui ont été enregistrées depuis 2003, date de l ’ examen du précédent rapport de l ’ État partie, ainsi que le nombre d ’ enquêtes, de poursuites et de condamnations auxquelles elles ont donné lieu.

33)Le Comité recommande à l’État partie d’envisager de faire les déclarations prévues aux articles 21 et 22 de la Convention.

34)Le Comité invite l’État partie envisager de ratifier les principaux instruments des Nations Unies relatifs aux droits de l’homme auxquels il n’est pas encore partie, notamment la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, la Convention relative aux droits des personnes handicapées et la Convention internationale sur la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées.

35)L’État partie est encouragé à diffuser largement les rapports qu’il a soumis au Comité ainsi que les présentes observations finales, dans les langues appropriées, par le biais des sites Web officiels, des médias et des organisations non gouvernementales.

36)Le Comité demande à l’État partie de lui fournir, dans un délai d’un an, des renseignements sur la suite qu’il aura donnée aux recommandations formulées aux paragraphes 12, 14, 16, 26 et 27.

37)Le Comité invite l’État partie à présenter son prochain rapport périodique en suivant les directives concernant l’établissement des rapports et à respecter la limite de 40 pages fixée pour le document spécifique à la Convention. Il l’invite également à soumettre un document de base mis à jour conformément aux instructions relatives au document de base commun contenues dans les directives harmonisées concernant l’établissement des rapports à présenter au titre des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme (HRI/GEN.2/Rev.6) adoptées par la Réunion intercomités des organes créés en vertu d’instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, et à respecter la limite de 80 pages prévue pour le document de base commun. Le document spécifique à la Convention et le document de base commun sont les deux documents que l’État partie doit présenter pour s’acquitter de son obligation de faire rapport au titre de la Convention.

38)L’État partie est invité à soumettre son troisième rapport périodique d’ici au 19 novembre 2014.

50. Équateur

1)Le Comité contre la torture a examiné les quatrième, cinquième et sixième rapports périodiques de l’Équateur, réunis en un seul document (CAT/C/ECU/4-6), à ses 965e et 966e séances (CAT/C/SR.965 et 966), les 8 et 9 novembre 2010, et a adopté à ses 978eet 979e séances (CAT/C/SR.978 et 979) les observations finales ci-après.

A.Introduction

2)Le Comité accueille avec satisfaction le document soumis par l’Équateur réunissant ses quatrième, cinquième et sixième rapports périodiques, élaboré en réponse à la liste des points à traiter établie avant la soumission des rapports (CAT/C/ECU/Q/4).

3)Le Comité se félicite de ce que l’État partie ait accepté la nouvelle procédure pour la soumission des rapports périodiques, qui facilite la coopération entre l’État partie et lui-même. Il remercie également l’État partie d’avoir donné des renseignements sur les différentes mesures adoptées pour donner suite aux préoccupations exprimées dans les précédentes observations finales (CAT/C/ECU/CO/3) et d’avoir répondu à la lettre adressée par la Rapporteuse du Comité chargée du suivi des observations finales en date du 11 mai 2009.

4)Le Comité apprécie également le dialogue franc et ouvert qu’il a eu avec la délégation équatorienne et les renseignements complémentaires que celle-ci a apportés pendant l’examen du rapport.

B.Aspects positifs

5)Le Comité note avec satisfaction que depuis l’examen du troisième rapport périodique l’État partie a ratifié les instruments internationaux suivants:

a)Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (20 juillet 2010);

b)Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées (20 octobre 2009);

c)Convention relative aux droits des personnes handicapées et le Protocole facultatif (3 avril 2008).

6)Le Comité prend note des efforts consentis par l’État partie pour réviser sa législation de façon à donner effet aux recommandations du Comité et à améliorer l’application des instruments internationaux, notamment:

a)L’entrée en vigueur, le 20 octobre 2008, de la nouvelle Constitution de la République de l’Équateur, qui établit le cadre général de la protection des droits de l’homme, principalement en son Titre II (Des droits), dont le respect est renforcé par l’article 11, paragraphe 3, prévoyant l’applicabilité directe et immédiate des droits et garanties établis dans la Constitution et dans les instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme. En particulier, le Comité accueille avec satisfaction les dispositions portant sur les points suivants:

i)L’interdiction de la torture, des disparitions forcées et des peines ou traitements cruels, inhumains et dégradants (art. 66, par. 3 c));

ii)L’irrecevabilité des preuves obtenues en violation des droits fondamentaux (art. 76, par. 4);

iii)L’introduction de nouvelles figures juridiques visant à assurer la protection des droits de l’homme, comme le recours en protection (art. 88), l’habeas corpus (art. 89) et le recours extraordinaire en protection (art. 94);

iv)La possibilité de faire juger les membres des forces armées et de la Police nationale par des organes de l’ordre judiciaire (art. 160);

v)L’institution du Bureau du défenseur public en tant qu’organe autonome de l’appareil judiciaire, chargé de garantir l’assistance gratuite d’un avocat aux personnes qui n’ont pas les ressources nécessaires pour engager un avocat à titre privé (art. 191);

b)L’arrêt no 0002-2005-TC du Tribunal constitutionnel (aujourd’hui Cour constitutionnelle) publié au Journal officiel no 382-S, daté du 23 octobre 2006, déclarant inconstitutionnelle la détention avant mise en accusation;

c)L’arrêt no 0042-2007-TC du Tribunal constitutionnel, publié au Journal officiel no 371, daté du 1er juillet 2008, déclarant inconstitutionnels les articles 145 et 147 de la loi sur la sécurité nationale, qui permettaient de faire juger des civils par la juridiction militaire pour des actes commis pendant l’état d’urgence; enfin la déclaration interprétative no 001-08-SI-CC de la nouvelle Cour constitutionnelle, publiée au Journal officiel no 479, datée du 2 décembre 2008, par laquelle la Cour confirme que «les anciens tribunaux militaire et policiers ont cessé d’exister avec l’entrée en vigueur de la Constitution de 2008».

7)Le Comité relève également avec satisfaction les efforts déployés par l’État partie pour modifier ses politiques et procédures de façon à assurer une plus grande protection des droits de l’homme et à appliquer la Convention, en particulier:

a)L’adoption, le 8 mai 2008, de la politique en matière d’asile par laquelle l’État partie s’engage à s’acquitter des obligations découlant de la Convention de Genève de 1951 relative au statut des réfugiés, de son Protocole de 1967, de la Déclaration de Carthagène de 1984 et de la Déclaration et Plan d’action de Mexico de 2004;

b)L’adoption en 2006 du Plan national de lutte contre la traite des êtres humains, le trafic illégal de migrants, l’exploitation sexuelle, l’exploitation du travail et d’autres formes d’exploitation et de prostitution des femmes, des enfants et des adolescents, la pornographie mettant en scène les enfants et la corruption de mineurs;

c)L’adoption de la loi portant réforme du Code pénal (loi no 2005-2, Journal officiel no 45, datée du 23 juin 2005), qui qualifie et réprime l’exploitation sexuelle des mineurs;

d)La publication, le 7 juin 2010, du rapport final de la Commission Vérité contenant les résultats de ses enquêtes sur les violations des droits de l’homme commises en Équateur, principalement pendant la période comprise entre 1984 et 1988.

8)Le Comité constate avec satisfaction que l’État partie accueille des dizaines de milliers de réfugiés et de demandeurs d’asile, dans la grande majorité des Colombiens fuyant le conflit armé qui sévit dans leur pays. L’État partie estime à 135 000 environ le nombre de personnes présentes sur son territoire qui ont besoin d’une protection internationale et à la date du 26 novembre 2009 il avait accordé le statut de réfugié à plus de 45 000 d’entre elles.

9)Le Comité sait gré à l’État partie d’avoir adressé une invitation permanente à tous les titulaires de mandat au titre des procédures spéciales du Conseil des droits de l’homme. Depuis l’examen du précédent rapport périodique, l’Équateur a reçu la visite de sept rapporteurs spéciaux et groupes de travail du Conseil.

C.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Définition et délit de torture

10)Le Comité note que la Constitution de 2008 établit, en son article 66, paragraphe 3 c), l’interdiction de la torture et des peines et traitements cruels, inhumains et dégradants mais il regrette que le délit de torture tel qu’il est défini à l’article premier de la Convention n’ait pas encore été introduit dans le Code pénal (art. 1 et 4).

Le Comité recommande de nouveau à l ’ État partie, comme il l ’ a fait précédemment (CAT/C/ECU/CO/3, pa r. 14), d ’ introduire la qualification de torture dans son droit interne et d ’ adopter une définition de la torture qui couvre tous les éléments figurant à l ’ article premier de la Convention. L ’ État partie devrait également veiller à ce que les faits de torture soient punis de peines appropriées, à la mesure de leur gravité, conformément aux dispositions du paragraphe 2 de l ’ article 4 de la Convention.

Garanties de procédure fondamentales

11)Le Comité accueille avec satisfaction les mesures adoptées par l’État partie pour garantir le respect des garanties de procédure fondamentales, conformément aux dispositions de l’article 77 de la Constitution. Les principes directeurs qui ont été adoptés prévoient notamment le droit pour le détenu d’avoir immédiatement accès aux services d’un avocat et d’être examiné par un médecin, de prendre contact avec un membre de sa famille ou avec toute personne désignée par lui, d’être informé de ses droits dès le moment de l’arrestation ainsi que d’être déféré devant un juge dans le délai fixé par la loi. À ce sujet, le Comité est préoccupé de lire dans le rapport de l’État partie (par. 85) que «tout détenu, avant d’être placé dans un centre pénitentiaire ou en cellule, reçoit la visite d’un médecin de garde d’un centre de santé ou de quiconque en tient lieu, qui peut appartenir à la Police nationale ou au parquet». Le Comité prend note de l’explication de la délégation de l’État partie, qui a indiqué qu’il y avait peu de médecins légistes indépendants (art. 2 et 11).

L ’ État partie devrait garantir aux personnes en garde à vue le droit de se faire examiner par un médecin indépendant.

Protection des médecins légistes et des défenseurs des droits de l’homme

12)Le Comité exprime sa profonde réprobation et sa plus énergique condamnation pour l’assassinat, le 6 juillet 2010, du docteur Germán Antonio Ramírez Herrera, médecin légiste spécialisé dans les enquêtes sur les affaires de torture et d’exécutions sommaires. D’après les renseignements reçus, le docteur Ramírez Herrera aurait reçu des menaces après avoir attesté que des tortures et des mauvais traitements avaient eu lieu dans le Centre de réadaptation sociale de Quevedo. Parallèlement, le Comité demande à l’État partie d’assurer une protection suffisante aux membres du réseau national de médecins légistes ainsi qu’à tous les défenseurs des droits de l’homme qui luttent contre la pratique de la torture et contre l’impunité en Équateur (art. 2, 12, 13 et 16).

L ’ État partie devrait :

a) Communiquer au Comité les résultats des enquêtes conduites sur l ’ assassinat du docteur Ramírez Herrera quand l ’ instruction aura été rendue publique;

b) Adopter un programme pour la protection des professionnels dont les enquêtes permettent d ’ élucider les faits en ce qui concerne les cas présumés de torture et de mauvais traitements.

Principe du non-refoulement et accès à une procédure d’asile équitable et rapide

13)Le Comité accueille avec satisfaction les efforts déployés par l’État partie pour répondre efficacement à l’augmentation considérable du nombre de personnes ayant besoin d’une protection internationale présentes sur son territoire (voir par. 8). Il salue en particulier les initiatives telles que l’enregistrement étendu, qui a permis à des dizaines de milliers de Colombiens présents dans les zones frontalières les plus reculées d’accéder rapidement aux procédures de détermination du statut de réfugié. Toutefois, le Comité note avec préoccupation que le décret exécutif no1471, du 3 décembre 2008, impose à titre de condition préalable à l’entrée des citoyens colombiens sur le territoire équatorien l’obligation de produire un extrait de casier judiciaire ou «certificat de passé judiciaire», délivré par le Département administratif de la sécurité (DAS), qui est le service du renseignement de Colombie, relevant du pouvoir exécutif. Le caractère discriminatoire de cette disposition a été dénoncé par le Bureau du défenseur du peuple ainsi que par plusieurs organismes internationaux et le texte a été partiellement modifié par le décret exécutif no 1522 du 7 janvier 2009, dispensant de cette obligation «les mineurs, les réfugiés légalement reconnus comme tels par l’Équateur, les membres d’équipage des compagnies aériennes, les autorités gouvernementales ou régionales, les agents du corps diplomatique et les membres d’organisations internationales». Le Comité estime qu’exiger cette condition de demandeurs d’asile aurait pour résultat de mettre en danger la sécurité de nombreuses personnes qui ont besoin d’une protection internationale (art. 3).

Face à l ’ augmentation considérable du nombre de demandeurs d ’ asile en Équateur au cours des dernières années, le Comité recommande à l ’ État partie:

a) De poursuivre les efforts réalisé s en collaboration avec le Haut ‑ Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) visant à identifier les réfugiés et demandeurs d ’ asile et à leur assurer une protection;

b) D ’ examiner la législation en vigueur en matière d ’ asile et d ’ immigration pour vérifier si elle est conforme aux normes et aux principes du droit international des droits de l ’ homme, en particulier au principe de la non-discrimination. L ’ État partie devrait également envisager de supprimer complètement l ’ obligation de produire un certificat de «passé judiciaire» dans les demandes d ’ asile qui, de l ’ avis du Comité, n ’ est pas compatible avec les principes du non-refoulement et de la confidentialité en matière de droit s des réfugiés.

Demandeurs d’asile et réfugiés: mauvais traitements et refoulement

14)Le Comité constate avec une vive inquiétude la dégradation de la situation à la frontière nord avec la Colombie du fait du conflit interne dans le pays voisin et de la présence de groupes qui se livrent au crime organisé, situation qui a conduit l’État partie à renforcer sa présence militaire dans cette zone. S’il ne méconnaît pas les sérieuses difficultés auxquelles doit faire face l’État partie pour maintenir l’ordre public dans les provinces frontalières, le Comité est gravement préoccupé par des informations qu’il a reçues faisant état d’exactions et d’actes de violence continus contre la population civile, en particulier les demandeurs d’asile et les réfugiés de nationalité colombienne, commis par des groupes armés illégaux et des membres des forces de sécurité équatoriennes et colombiennes (art. 1 à 3, 10 et 16).

Le Comité recommande à l ’ État partie:

a) De prendre les mesures nécessaires pour garantir l ’ intégrité physique de la population civile dans les provinces frontalières avec la Colombie, y compris des réfugiés et des demandeurs d ’ asile placés sous sa juridiction;

b) De faire en sorte que les homicides et toutes les exactions perpétrés dans cette région fassent l ’ objet d ’ une enquête et que les auteurs soient traduits en justice;

c) De poursuivre les programmes de formation continue obligatoire à l ’ intention des membres des forces armées et des forces de sécurité de l ’ État, en matière de droits de l ’ homme, d ’ asile et de migration, en donnant la priorité aux membres des forces de police et des forces armées qui accomplissent leur service ou qui vont être affectés dans des zones frontalières;

d) De procéder périodiquement à une révision du contenu du Guide des droits de l ’ homme et de la mobilité humaine à l ’ intention des membres des forces armées et des agents des forces de sécurité de l ’ État.

15)Le Comité note avec une vive préoccupation les nombreux documents reçus faisant état de mauvais traitements et d’agressions sexuelles contre des requérantes d’asile qui seraient imputables à des membres des forces de sécurité de l’État et des forces armées équatoriennes. Des informations indiquent que des femmes et des filles, pour la plupart de nationalité colombienne, sont harcelées sexuellement ou obligées d’avoir des relations sexuelles sous peine d’expulsion. Le Comité appelle l’attention de l’État partie sur les cas récents de refoulement de demandeurs d’asile colombiens, en juin 2010, et l’expulsion sommaire d’un autre demandeur d’asile, en octobre 2010, qui ont eu lieu avant que ne soit adoptée une décision concernant les recours formés (art. 1 à 4 et 16).

L ’ État partie devrait :

a) Veiller à ce que les mauvais traitements contre des réfugiés et des demandeurs d ’ asile, en particulier des femmes et des filles, donnent lieu à une enquête approfondie;

b) Faire en sorte que de tels faits ne restent pas impunis et que les responsabilités pénales, civiles et administratives soient établies;

c) Adopter les mesures nécessaires pour garantir à toute personne relevant de sa juridiction un traitement juste dans toutes les phases de la procédure d ’ asile et, en particulier, un réexamen effectif, impartial et indépendant de la décision d ’ expulsion, de refoulement ou de renvoi;

d) Veiller à ce que les fonctionnaires ( Intendentes ) de la Direction provinciale de la police et les chefs des directions provinciales de la police des migrations respectent et appliquent correctement le Protocole relatif aux procédures d ’ expulsion et, si tel n ’ est pas le cas, imposer des sanctions appropriées;

e) Adopter les mesures législatives ou autres nécessaires pour faciliter l ’ intégration des réfugiés et des demandeurs d ’ asile;

f) Renforcer les campagnes de sensibilisation à la question du conflit en Colombie et à la situation des personnes qui arrivent en Équateur pour y chercher refuge, ainsi que mettre au point des mesures de sensibilisation qui contribuent à éliminer les attitudes discriminatoires et xénophobes.

Impunité pour les auteurs d’actes de torture et de mauvais traitements

16)Le Comité constate avec préoccupation que, d’après les informations fournies par l’État partie dans son rapport périodique (par. 181), le Bureau des affaires internes de la Police nationale n’aurait transmis aux tribunaux de droit commun et aux tribunaux de police que 59 des 299 plaintes pour mauvais traitements, actes de torture ou agressions physiques reçues par ses services entre mai 2005 et décembre 2008. Le rapport périodique de l’État partie indique en outre (par. 164 à 166) qu’entre 2003 et 2008 seulement deux affaires d’atteinte à la liberté individuelle et d’actes de torture ont donné lieu à une condamnation. Le Comité s’inquiète également de ce que, d’après les informations communiquées par la délégation de l’État partie, seulement cinq plaintes pour mauvais traitements ont été déposées pendant l’année en cours dans le réseau d’établissements pénitentiaires de l’État partie, toutes dans des centres pour adolescents en conflit avec la loi. Le Comité considère que ces données contredisent les informations persistantes et les nombreux documents émanant d’autres sources faisant état d’actes de torture et de mauvais traitements infligés à des personnes privées de liberté. Néanmoins, le Comité prend note avec intérêt de l’arrêté no 1435 du Ministère de l’intérieur en date du 9 juin 2010, demandant au Bureau des affaires internes «de rouvrir, même lorsque la phase d’instruction est achevée, l’examen de toutes les affaires de violations des droits de l’homme dont il est constaté qu’elles ont été closes ou classées sans qu’il n’y ait eu d’enquête appropriée ou à propos desquelles il apparaît de nouveaux éléments qui pourraient permettre d’établir d’éventuelles responsabilités civiles, pénales et administratives de membres de la police, en vue de les renvoyer aux autorités compétentes» (art. 2, 12, 13 et 16).

Le Comité recommande à l ’ État partie:

a) D ’ adopter des mesures appropriées pour veiller à ce que toutes les plaintes pour torture ou mauvais traitements donnent lieu rapidement à une enquête impartiale. En particulier, de telles enquêtes doivent être conduites par un organe indépendant et non sous l ’ autorité de la police;

b) D ’ examiner l ’ efficacité du mécanisme interne de plaintes à la disposition des détenus et d ’ envisager d ’ établir un mécanisme de plaintes indépendant accessible à toutes les personnes privées de liberté;

c) De traduire dûment en justice les auteurs présumés d ’ actes de torture ou de mauvais traitements et, si elles sont reconnues coupables, de les condamner à des peines proportionnées à la gravité de leurs actes;

d) D ’ assurer aux victimes une indemnisation adéquate et de s ’ employer à leur offrir une réadaptation la plus complète possible.

Commission Vérité

17)Le Comité prend note avec satisfaction du rapport final de la Commission Vérité (voir supra, par. 7 d)), en particulier des conclusions et recommandations formulées à l’issue des enquêtes menées sur 118 cas de violations des droits de l’homme survenus en Équateur entre 1984 et 2008, dont plusieurs sont collectifs et qui représentent en tout 456 victimes reconnues. Le rapport final indique que 269 personnes ont été privées illégalement de leur liberté; 365 ont été torturées; 86 ont subi des violences sexuelles; 17 ont été victimes de disparition forcée; 68 ont été exécutées sommairement; et 26 autres ont été victimes d’«atteinte à la vie». Le 8 juin 2010, la Commission Vérité a présenté, avec le soutien du Défenseur du peuple et en application de l’article 6 du décret exécutif no 305 en date du 3 mai 2007, une proposition relative à la création de mécanismes de suivi de ses recommandations contenue dans le projet de loi visant à assurer réparation aux victimes et à traduire en justice les auteurs de graves violations des droits de l’homme et de crimes contre l’humanité commis en Équateur entre le 4 octobre 1983 et le 31 décembre 2008. Le Comité prend note également de la création, par le Bureau du Procureur général de l’État, d’une unité spécialisée chargée d’examiner les 118 cas sur lesquels la Commission Vérité a enquêté en vue de les renvoyer devant les tribunaux (art. 2, 4, 12, 14 et 16).

Le Comité demande à l ’ État partie de fournir des informations complètes concernant:

a) La suite donnée aux 115 recommandations formulées dans le rapport final de la Commission Vérité en termes de satisfaction, restitution, réadaptation, indemnisation et garanties de non-répétition;

b) Le résultat de l ’ examen, par la Commission de la justice et de la structure de l ’ État de l ’ Assemblée nationale, du projet de loi visant à assurer réparation aux victimes proposé par la Commission Vérité, et l ’ issue de la procédure d ’ approbation;

c) Le résultat des enquêtes et procédures pénales, y compris les condamnations prononcées, dont on peut considérer qu ’ elles découlent des informations communiquées par la Commission Vérité au Bureau du Procureur général de l ’ État.

Violence contre des enfants, mauvais traitements et violence sexuelle sur mineurs

18)Le Comité exprime sa plus profonde consternation devant les nombreuses informations concordantes indiquant l’ampleur du problème des mauvais traitements et de la violence sexuelle sur mineurs dans les centres éducatifs de l’Équateur. Tout en prenant note de l’existence d’un plan pour l’élimination des infractions sexuelles dans les établissements éducatifs, le Comité considère que l’État partie n’a pas encore donné de réponse institutionnelle appropriée, ce qui contribue au fait que les victimes préfèrent fréquemment ne pas dénoncer ces abus. Il y a lieu de se préoccuper particulièrement des informations indiquant que les victimes auraient parfois identifié leur agresseur parmi le personnel enseignant. À ce sujet, le Comité suit avec attention l’affaire Paola Guzmán c. Équateur, que la Commission interaméricaine des droits de l’homme a déclarée recevable le 17 octobre 2008 (rapport no 76/18) après avoir examiné la plainte présentée pour violation présumée des articles 4, 5, 8, 19, 24 et 25 de la Convention américaine relative aux droits de l’homme. Le Comité s’inquiète également de ce que les châtiments corporels soient autorisés dans la famille (art. 1, 2, 4 et 16).

Le Comité demande instamment à l ’ État partie, compte tenu de la gravité des faits dénoncés:

a) D ’ intensifier ses efforts pour éliminer les mauvais traitements et la violence sexuelle sur mineurs dans les écoles;

b) De prendre toutes les mesures nécessaires pour enquêter sur de tels actes, juger et punir les responsables;

c) De veiller à ce que des recours soient accessibles afin d’éliminer le climat persistant de mauvais traitements et de violence sexuelle sur mineurs dans les centres éducatifs;

d) D ’ établir des mécanismes de plaintes accessibles aux victimes et à leurs proches dans les centres d ’ enseignement et d ’ autres établissements;

e) De renforcer les programmes de sensibilisation et de formation continue en la matière à l ’ intention du personnel enseignant;

f) De garantir pleinement l ’ accès des victimes aux services d ’ assistance sanitaire spécialisés dans la planification familiale ainsi que la prévention et le diagnostic des maladies sexuellement transmissibles. De plus, l ’ État partie devra redoubler d ’ efforts pour fournir réparation aux victimes, y compris une indemnisation juste et appropriée, et la réadaptation la plus complète possible;

g) De créer un mécanisme de consultation qui bénéficie de la participation de la société civile, y compris des associations de parents d ’ élèves;

h) D ’ interdire expressément les châtiments corporels à l ’ encontre des enfants dans la famille.

Lynchages et comportement des groupes de défense des paysans

19)Tout en prenant note des informations communiquées par la délégation de l’État partie précisant que l’État équatorien n’encourage, ne couvre ni ne cautionne les agissements des groupes de défense des paysans, le Comité est préoccupé par les informations faisant état de la participation active de ces groupes à la protection de la sécurité des zones rurales et des exactions commises par certains de leurs membres. Le Comité condamne les lynchages perpétrés récemment dans les provinces Pinchincha, Los Ríos, Guayas, Azuay, Cotopaxi et Chimborazo (art. 2 et 16).

L ’ État partie devrait :

a) Prendre les mesures nécessaires pour améliorer la sécurité dans les zones rurales en veillant à ce que les forces et corps de sécurité de l ’ État soient présents sur tout le territoire national;

b) Faire en sorte que les faits en question donnent lieu à des enquêtes et que les responsables soient traduits en justice.

Justice autochtone

20)Le Comité prend note de l’information fournie par l’État partie au sujet de l’élaboration de l’avant-projet de loi de coordination et de coopération entre la justice autochtone et la justice de droit commun, qui prévoit le principe du contrôle constitutionnel en ses articles 4 et 19. Cependant, le Comité est préoccupé par le fait que ni le rapport périodique ni la délégation de l’État partie n’ont fourni d’informations suffisantes sur les modalités selon lesquelles seront réglés les conflits de compétence entre la justice de droit commun et la justice autochtone (art. 2 et 16).

L ’ État partie prendra les mesures nécessaires pour faire en sorte que les conflits de juridiction et de compétence entre la justice de droit commun et la justice autochtone soient réglés conformément aux procédures prévues par la loi, dans le respect des droits et libertés fondamentaux, notamment l ’ interdiction de la torture et des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

Formation

21.Le Comité prend note des renseignements figurant dans le rapport de l’État partie (par. 82 à 88) sur les programmes de formation à l’intention des agents de la Police nationale, mais il regrette l’insuffisance des informations disponibles sur l’évaluation des programmes en question et leur efficacité s’agissant de réduire les cas de torture et de mauvais traitements. L’État partie précise dans son rapport (par. 206) que la Commission permanente d’évaluation, de suivi et d’ajustement des plans opérationnels relatifs aux droits de l’homme de l’Équateur, en collaboration avec des organisations non gouvernementales internationales, a mis en œuvre entre février 2007 et 2008 un projet portant sur l’utilisation du Protocole d’Istanbul. Selon les informations reçues par le Comité, il s’agit d’un projet du Conseil international de réadaptation pour les victimes de la torture (IRCT) élaboré et exécuté par la Fondation pour la réadaptation intégrale des victimes de la violence (PRIVA) avec des fonds de l’Union européenne, qui a bénéficié de l’appui de la Commission permanente d’évaluation (art. 10).

L ’ État partie devrait :

a) Poursuivre les programmes de formation afin que tous les fonctionnaires, et en particulier les agents de police et les autres membres des forces de l ’ ordre, soient pleinement conscients des dispositions de la Convention, et s ’ assurer que les infractions ne sont pas tolérées, qu ’ elles donnent lieu à des enquêtes et que leurs auteurs sont traduits en justice;

b) Évaluer l ’ efficacité et les effets des programmes de formation et d ’ éducation en ce qui concerne la réduction des cas de torture et de mauvais traitements;

c) Continuer à appuyer les activités de formation relatives au Manuel pour enquêter efficacement sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (Protocole d ’ Istanbul).

Conditions de détention

22)Le Comité prend note des informations fournies par l’État partie sur la réduction notable de la population carcérale, ainsi que sur les mesures adoptées pour régler le problème du surpeuplement dans les prisons, parmi lesquelles il convient de souligner l’adoption d’un nouveau système de calcul des avantages pénitentiaires moyennant la réforme du Code d’exécution des peines. Par ailleurs, il prend note des grâces accordées en 2008 à 2 228 personnes qui avaient été privées de liberté parce qu’elles étaient en possession de petites quantités de stupéfiants et de substances psychotropes, ainsi qu’à 13 détenus malades en phase terminale. Le Comité observe également que depuis 2006 des crédits budgétaires supplémentaires ont été dégagés pour la construction, l’agrandissement et la remise en état d’établissements pénitentiaires et de centres de détention provisoire. Cependant, le Comité demeure préoccupé par les taux élevés d’occupation enregistrés dans la majorité des centres de détention, principalement dus à la lenteur des procédures judiciaires, et réaffirme son inquiétude au sujet des plaintes persistantes concernant les conditions d’hygiène déplorables, l’absence de personnel, le caractère inadapté des services d’assistance sanitaire et l’insuffisance de l’eau potable et de l’alimentation (art. 11).

L ’ État partie devrait:

a) Redoubler d ’ efforts pour réduire le surpeuplement dans les prisons, en particulier en ayant recours à des peines de substitution à la privation de liberté, afin d ’ atteindre l ’ objectif qu ’ il s ’ est assigné, à savoir régler le problème du surpeuplement dans les prisons dans un délai de dix-huit mois;

b) Poursuivre l ’ exécution des travaux projetés destinés à améliorer et à agrandir les infrastructures pénitentiaires;

c) Adopter des mesures destinées à accroître la dotation en personnel en général, et le nombre de fonctionnaires pénitentiaires, en particulier;

d) Renforcer les ressources en matière de soins de santé existants dans les établissements pénitentiaires et améliorer la qualité de l ’ assistance médicale fournie aux détenus.

Assistance juridique gratuite

23)Le Comité prend note du fait que l’activité du Bureau du défenseur public a permis de réduire le nombre de personnes en détention provisoire, qui était de 501 au 31 août 2010. Conformément aux dispositions de l’article 191, in fine, de la Constitution, le Bureau du défenseur public «bénéficiera de ressources humaines et matérielles, et de conditions de travail équivalentes à celles des services du Procureur général de l’État» (art. 2 et 11).

L ’ État partie devrait doter le Bureau du défenseur public des ressources humaines, financières et matérielles nécessaires à l ’ accomplissement de sa mission, afin de renforcer son domaine d ’ action et d ’ accroître l ’ efficacité du système.

Réparations, y compris l’indemnisation et la réadaptation

24)Le Comité prend note du décret no 1317, du 9 septembre 2008, qui confie au Ministère de la justice et des droits de l’homme la responsabilité «de coordonner l’exécution des peines, des mesures conservatoires, des mesures provisoires, des accords amiables, des recommandations et résolutions adoptées par le système interaméricain des droits de l’homme et le système universel des droits de l’homme». Cependant, le Comité regrette la lenteur avec laquelle l’État partie met en œuvre les règlements amiables et les décisions adoptées dans le cadre du système interaméricain des droits de l’homme, ainsi que l’insuffisance des renseignements relatifs aux réparations et aux indemnisations accordées aux victimes de violation des droits de l’homme, y compris la réadaptation.

L ’ État partie devrait veiller à ce que les mesures appropriées soient prises pour fournir réparation aux victimes de torture et de mauvais traitements, y compris une indemnisation juste et adéquate, et la réadaptation la plus complète possible.

Le Comité demande à l ’ État partie de lui fournir, dans son prochain rapport périodique, des données statistiques et des informations complètes sur les cas dans lesquels des victimes ont bénéficié d ’ une réparation intégrale, ayant notamment donné lieu à une enquête et au châtiment des responsables, à une indemnisation et à une ré adaptation .

Protocole facultatif et mécanisme national de prévention

25)Le Comité prend note des formalités légales et constitutionnelles que vont susciter la mise en place ou la désignation du mécanisme national de prévention de la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, conformément aux dispositions du Protocole facultatif se rapportant à la Convention.

L ’ État partie devrait accélérer le processus de désignation du mécanisme national de prévention, et veiller à ce que ledit mécanisme dispose des ressources nécessaires pour qu ’ il puisse s ’ acquitter efficacement et de manière indépendante de son mandat sur l ’ ensemble du territoire.

26) L e Comité recommande également à l ’ État partie de fournir, dans son prochain rapport, des renseignements sur la manière dont les forces armées équatoriennes déployées à l ’ étranger se sont acquittées des obligations qui leur incombent en vertu de la Convention.

27) L ’ État partie est encouragé à diffuser largement le rapport présenté au Comité ainsi que les observations finales de ce dernier, par l ’ intermédiaire des sites Web officiels, des médias et des organisations non gouvernementales.

28) L e Comité invite l ’ État partie à fournir, dans un délai d ’ un an, des informations sur la suite qu ’ il aura donnée aux recommandations figurant aux paragraphes 12, 14, 15, 18 et 22 du présent document.

29) L e Comité invite l ’ État partie à présenter son prochain rapport périodique en suivant les directives pertinentes et à respecter la limite de 40 pages fixée pour le document relatif à l ’ application de la Convention. Le Comité invite également l ’ État partie à présenter un document de base commun en suivant les instructions figurant dans les directives harmonisées pour l ’ établissement des rapports au titre des instruments internationaux relatifs aux droits de l ’ homme (HRI/GEN/2/Rev.6), approuvées par la R éunion intercomités des organes créés en vertu d ’ instruments internationaux relatifs aux droits de l ’ homme, en respectant la limite de 80 pages fixée pour ce type de document. Le rapport relatif à l ’ application de la Convention, et le document de base commun constituent conjointement les documents que l’État partie est tenu de soumettre pour s’acquitter de son obligation de faire rapport en vertu de la Convention .

30) L ’ État partie est invité à soumettre son septième rapport périodique d ’ ici le 19 novembre 2014 au plus tard.

51. Éthiopie

1)Le Comité contre la torture a examiné le rapport initial de l’Éthiopie (CAT/C/ETH/1) à ses 957e et 958e séances (CAT/C/SR.957 et 958), tenues les 2 et 3 novembre 2010, et adopté, à ses 974e et 975e séances (CAT/C/SR.974 et 975), les conclusions finales ci-après.

A.Introduction

2)Le Comité accueille avec satisfaction la soumission du rapport initial de l’Éthiopie, qui suit globalement ses directives pour la présentation des rapports. Il regrette toutefois que le rapport ne fournisse pas d’informations statistiques et pratiques sur la mise en œuvre des dispositions de la Convention et ait été présenté avec quatorze années de retard, ce qui l’a empêché d’analyser l’application de la Convention dans l’État partie après sa ratification en 1994.

3)Le Comité note avec satisfaction que l’État partie a envoyé une délégation de haut niveau à sa quarante-cinquième session et se réjouit de pouvoir engager un dialogue constructif avec l’Éthiopie sur de nombreux domaines concernant la Convention.

B.Aspects positifs

4)Le Comité se félicite des efforts et progrès accomplis par l’État partie depuis la chute du régime militaire en 1991, notamment du processus de réforme législative destiné à combattre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

5)Le Comité note avec satisfaction que, pendant la période qui s’est écoulée depuis l’entrée en vigueur de la Convention pour l’État partie en 1994, celui-ci a ratifié les instruments internationaux et régionaux suivants ou y a adhéré:

a)Convention relative aux droits des personnes handicapées, en 2010;

b)Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, en 1998.

6)Le Comité prend note des efforts déployés par l’État partie pour réformer sa législation afin d’améliorer la protection des droits de l’homme, notamment du droit de ne pas être soumis à la torture ou à d’autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, en particulier:

a)L’adoption, en 1994, d’une Constitution fédérale qui interdit toutes les formes de torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, prévoit que les personnes privées de liberté seront traitées humainement et consacre l’imprescriptibilité de crimes tels que la torture; et

b)L’adoption, en 2004, du Code pénal révisé, qui criminalise tous les actes de torture et les peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, la violence sexuelle et les pratiques traditionnelles nocives.

7)Le Comité constate que l’État partie a adopté les directives et les règlements spécifiques ci-après, relatifs au comportement des agents de la force publique, dont la violation entraîne des sanctions disciplinaires, le renvoi ou des poursuites pénales:

a)Le Règlement no 44/1998 du Conseil des ministres relatif à l’administration du Procureur fédéral;

b)Le Règlement no 86/2003 relatif à l’administration de la Commission de la police fédérale;

c)Le Règlement no 137/2007 du Conseil des ministres relatif à l’administration pénitentiaire fédérale;

d)Le Règlement no 138/2007 du Conseil des ministres relatif au traitement des prisonniers fédéraux;

e)La Directive/le Règlement relatif à l’administration des forces de défense.

8)Le Comité constate avec satisfaction que l’État partie a été en mesure de soumettre ses rapports en retard aux organes de l’ONU créés en vertu d’instruments relatifs aux droits de l’homme, dans le cadre d’un projet commun du Ministère des affaires étrangères, de la Commission éthiopienne des droits de l’homme et du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme sur la présentation des rapports aux organes conventionnels.

C.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Définition de la torture

9)Le Comité note que la Constitution fédérale de l’Éthiopie interdit la torture et que l’article 424 du Code pénal révisé définit l’«utilisation de méthodes inappropriées». Il est toutefois préoccupé par le fait que la portée de cette définition est plus restreinte que celle de la définition de la torture figurant à l’article premier de la Convention, dans la mesure où elle ne couvre que certains des motifs visés dans la Convention et ne s’applique qu’aux actes commis dans l’exercice de leurs fonctions par les agents publics chargés d’arrêter, de placer en détention, de superviser, d’escorter ou d’interroger une personne soupçonnée, arrêtée, détenue, citée à comparaître devant un tribunal, ou purgeant une peine. Le Comité observe que les actes de torture qui ne rentrent pas dans le champ de la définition de l’article 424 du Code pénal révisé ne peuvent être sanctionnés que sous le chef d’«abus de pouvoir», bien que la Convention fasse désormais partie du droit interne éthiopien (art. 1 et 4).

L’État partie devrait inclure la torture en tant qu’infraction, punissable de peines appropriées à la mesure de sa gravité, dans son Code pénal, ainsi qu’une définition de la torture comprenant tous les éléments énoncés à l’article premier de la Convention. En qualifiant et en définissant l’infraction de torture conformément à la Convention et en la distinguant des autres crimes, les États parties serviront directement, selon le Comité, l’objectif fondamental de la Convention qui consiste à prévenir la torture, notamment en faisant savoir à tous − auteurs, victimes et public − que ce crime est d’une gravité particulière et en renforçant l’effet dissuasif de l’interdiction elle-même.

Recours systématique à la torture

10)Le Comité est profondément préoccupé par les allégations nombreuses, persistantes et cohérentes concernant le recours routinier à la torture par la police, les agents pénitentiaires et d’autres membres des forces de sécurité, ainsi que par les militaires, en particulier contre des dissidents politiques et des membres de partis d’opposition, des étudiants, des personnes suspectées de terrorisme et des partisans présumés de groupes rebelles tels que le Front national de libération de l’Ogaden et le Front de libération Oromo. Le Comité est préoccupé par les informations crédibles selon lesquelles ces actes se produisent fréquemment avec la participation, à l’instigation ou avec le consentement d’officiers responsables dans les postes de police, les centres de détention, les prisons fédérales, les bases militaires et des lieux de détention officieux ou secrets. Le Comité prend également note des informations cohérentes selon lesquelles la torture est couramment utilisée durant les interrogatoires afin de soutirer des aveux au suspect lorsque celui-ci est privé des garanties juridiques fondamentales, en particulier le droit d’accéder à un avocat (art. 1, 2, 4, 11 et 15).

Le Comité invite instamment l’État partie à prendre immédiatement des mesures concrètes pour enquêter sur les actes de torture, poursuivre et punir leurs auteurs et garantir que les membres des forces de l’ordre n’utilisent pas la torture, notamment en réaffirmant clairement l’interdiction absolue de la torture et en condamnant publiquement sa pratique, en particulier par la police, le personnel pénitentiaire et les membres de la Force de défense nationale éthiopienne et en faisant clairement savoir que quiconque commettrait de tels actes, en serait complice ou y participerait en serait tenu personnellement responsable devant la loi, ferait l’objet de poursuites pénales et se verrait infliger des peines appropriées.

Impunité pour les actes de torture et les mauvais traitements

11)Le Comité est profondément préoccupé par de nombreuses informations cohérentes selon lesquelles l’État partie persiste à ne pas enquêter sur les allégations de torture et poursuivre les auteurs de tels actes, notamment les membres de la Force de défense nationale éthiopienne et les militaires ou les officiers de police responsables. À cet égard, il prend note de l’absence d’informations sur des affaires dans lesquelles des soldats, des agents de police ou des membres du personnel pénitentiaire ont été poursuivis, condamnés ou soumis à des sanctions disciplinaires pour avoir commis des actes de torture ou des mauvais traitements. Le Comité est également préoccupé par le fait que la Force de défense nationale éthiopienne, ainsi que des milices privées exerceraient des fonctions de police dans l’État régional somalien (art. 2, 4, 12, 13 et 16).

L’État partie devrait veiller à ce que toutes les allégations de torture et de mauvais traitements fassent sans délai l’objet d’une enquête impartiale et que les auteurs de tels actes soient poursuivis et condamnés à une peine à la mesure de la gravité de leurs actes, comme l’exige l’article 4 de la Convention, sans préjudice des actions et sanctions disciplinaires appropriées.

L’État partie devrait veiller à ce que les fonctions de maintien de l’ordre soient exercées par la police plutôt que par la Force de défense nationale éthiopienne , notamment dans les régions de conflit armé où l’état d’urgence n’a pas été déclaré. Il devrait empêcher que des milices privées ne contournent les garanties juridiques et les recours légaux contre la torture et les peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

Garanties juridiques fondamentales

12)Le Comité est gravement préoccupé par les informations selon lesquelles l’État partie n’offre pas, dans la pratique, à l’ensemble des détenus toutes les garanties juridiques fondamentales dès le début de la détention. Ces garanties comprennent leur droit d’être informés des raisons de leur arrestation, y compris des charges retenues contre eux, le droit de communiquer sans délai avec un avocat et, si nécessaire, de bénéficier d’une aide juridictionnelle et d’un examen médical indépendant, effectué si possible par le médecin de leur choix, d’aviser un proche, de comparaître rapidement devant un juge, et de demander à un tribunal de statuer sur la légalité de leur détention, conformément aux normes internationales. À cet égard, le Comité est préoccupé par le fait que, conformément à l’article 19 3) de la Constitution de l’État partie, la période maximale de quarante-huit heures pendant laquelle toute personne arrêtée ou détenue du chef d’une infraction pénale doit être présentée à un juge «ne comprend pas le temps que peut durer raisonnablement le transfert au tribunal», et que, conformément à l’article 59 3) du Code de procédure pénale, la détention provisoire peut être prolongée à plusieurs reprises pour des périodes de quatorze jours chacune. Le Comité prend en outre note avec préoccupation des informations concernant l’insuffisance des services d’aide juridictionnelle fournis par le Bureau des défenseurs publics et le non-respect fréquent par les fonctionnaires de police des ordonnances judiciaires de libération sous caution de suspects (art. 2, 12, 13, 15 et 16).

L’État partie devrait prendre sans délai des mesures efficaces pour faire en sorte que tous les détenus bénéficient dans la pratique de l’ensemble des garanties juridiques fondamentales dès le début de leur détention. Ces garanties comprennent en particulier le droit des détenus d’être informés des raisons de leur arrestation, y compris des charges retenues contre eux, d’avoir rapidement accès à un avocat et, si besoin, à l’aide juridictionnelle, ainsi que de bénéficier d’un examen médical indépendant effectué si possible par un médecin de leur choix, d’aviser un proche, de comparaître rapidement devant un juge et de demander à un tribunal de se prononcer sur la légalité de leur détention, conformément aux normes internationales. L’État partie devrait également songer à modifier l’article 19 3) de sa Constitution et l’article 59 3) de son Code de procédure pénale afin, respectivement, de garantir que toute personne arrêtée ou détenue du chef d’une infraction pénale soit présentée rapidement à un juge et d’empêcher la détention provisoire prolongée.

Le Comité recommande à l’État partie de veiller à ce que les fonctionnaires de police suivent une formation obligatoire sur les droits des détenus, de garantir que les ordonnances judiciaires de libération sous caution des suspects soient strictement respectées et de renforcer la capacité du Bureau des défenseurs publics de fournir des services d’aide juridictionnelle et d’améliorer la qualité desdits services.

Surveillance et inspection des lieux de privation de liberté

13)Le Comité prend note de l’information fournie par l’État partie selon laquelle les centres de détention et les établissements pénitentiaires, ainsi que d’autres lieux de privation de liberté font régulièrement l’objet d’inspections et d’évaluations menées par l’administration pénitentiaire et des parlementaires, ainsi que par la Commission éthiopienne des droits de l’homme et des organisations non gouvernementales (ONG) telles que «Justice For All − Prison Fellowship Ethiopia». Le Comité est néanmoins préoccupé par le fait que les recommandations figurant dans le rapport de visite et de contrôle des établissements pénitentiaires de 2008 de la Commission éthiopienne des droits de l’homme ne soient pas mises en œuvre, et note l’absence d’informations sur d’éventuelles visites inopinées des lieux de privation de liberté par des mécanismes indépendants. Le Comité est extrêmement préoccupé par le fait que, contrairement aux informations fournies dans le rapport de l’État partie (par. 21 et 56), le Comité international de la Croix-Rouge n’a pas accès aux centres de détention et aux prisons ordinaires et qu’il a été expulsé de l’État régional de Somali en 2007 (art. 2, 11 et 16).

Le Comité engage l’État partie à instaurer un système national indépendant et efficace pour surveiller et inspecter tous les lieux de privation de liberté et à donner suite aux résultats de cette surveillance systématique. Il devrait renforcer le mandat de la Commission éthiopienne des droits de l’homme et l’encourager à effectuer des visites inopinées dans les prisons, les postes de police et les autres lieux de détention, et mettre en œuvre les recommandations figurant dans le Rapport sur la surveillance des établissements pénitentiaires établi en 2008 par la Commission. L’État partie devrait aussi renforcer sa coopération avec les ONG et leur apporter davantage de soutien pour leur permettre d’assurer une surveillance indépendante des conditions de détention dans les lieux de privation de liberté. En outre, l’État partie devrait autoriser le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) et d’autres mécanismes internationaux indépendants à se rendre dans les prisons, les centres de détention et tout autre lieu où des personnes sont privées de leur liberté, y compris dans l’État régional de Somali.

L’État partie est prié de faire figurer dans son prochain rapport périodique des renseignements détaillés sur les lieux, les dates et la fréquence des inspections, notamment des inspections inopinées, effectuées dans les lieux de privation de liberté, et sur les conclusions et le suivi des résultats de ces inspections.

Mesures antiterroristes

14)Le Comité est préoccupé par les dispositions de la loi antiterroriste no 652/2009, qui restreint indûment les garanties juridiques contre la torture et les mauvais traitements pour les personnes soupçonnées ou accusées de délits terroristes ou apparentés, en particulier par:

a)La définition large de l’incitation au terrorisme et des actes de terrorisme et des infractions apparentées (art. 2 à 7 de la loi);

b)Les pouvoirs étendus de la police pour arrêter les suspects sans mandat émis par un juge (art. 19);

c)La recevabilité, dans les affaires de terrorisme, des dépositions sur la foi d’autrui, des preuves indirectes et des aveux des personnes soupçonnées de terrorisme, par écrit ou sous forme d’enregistrement (art. 23) et le recours autorisé aux témoins anonymes (art. 32), et les autres dispositions de procédure qui portent atteinte aux droits de la défense;

d)Le fait que la détermination du statut, en tant que prisonniers de guerre ou autre, des personnes capturées par les forces de défense pendant la guerre relève du tribunal militaire de première instance plutôt que d’un tribunal ordinaire (art. 31) (art. 2 et 16).

L’État partie devrait assurer le respect des garanties juridiques fondamentales et prendre les mesures voulues pour faire en sorte que les dispositions de la loi antiterroriste n o 652/2009 soient compatibles avec les dispositions de la Convention, en particulier qu’aucune circonstance exceptionnelle, quelle qu’elle soit, ne puisse être invoquée pour justifier la torture.

Exécutions extrajudiciaires, disparitions forcées et arrestation et détention arbitraires

15)Le Comité est gravement préoccupé par les nombreuses allégations d’exécutions extrajudiciaires de civils membres présumés de groupes d’insurgés armés commises par les forces de sécurité et la Force nationale de défense éthiopienne, en particulier dans les États régionaux de Somali, d’Oromia et de Gambella. Il est aussi gravement préoccupé par les informations faisant état d’un nombre important de disparitions, ainsi que la pratique généralisée des arrestations sans mandat et de la détention arbitraire et prolongée sans inculpation ni procédure judiciaire des personnes soupçonnées d’être membres ou sympathisants des groupes d’insurgés et des membres de l’opposition politique. Le Comité souligne que les arrestations sans mandat et l’absence de contrôle judiciaire de la légalité de la détention peuvent favoriser la torture et les mauvais traitements (art. 2 et 11).

L’État partie devrait prendre des mesures efficaces pour enquêter rapidement et de manière approfondie et impartiale sur toutes les allégations d’implication de membres des forces de sécurité et de la Force nationale de défense éthiopienne dans des exécutions extrajudiciaires et d’autres violations graves des droits de l’homme commises dans différentes régions du pays, en particulier dans les États régionaux de Somali, d’Oromia et de Gambella.

L’État partie devrait prendre toutes les mesures nécessaires pour lutter contre les disparitions forcées et contre la pratique des arrestations massives sans mandat et de la détention arbitraire sans inculpation ni procédure judiciaire. Il devrait prendre toutes les mesures voulues pour garantir l’application de la législation pertinente et réduire encore la durée de la détention avant inculpation. L’État partie est prié de donner des informations détaillées sur les éventuelles enquêtes concernant les cas signalés de disparition et sur leur issue.

Viol et autres formes de violence sexuelle dans le contexte du conflit armé

16)Le Comité est préoccupé par des informations faisant état de viols et d’autres formes de violence sexuelle à l’encontre de femmes et de filles imputés à des membres des forces de sécurité et de la Force de défense nationale éthiopienne dans le contexte du conflit armé, en particulier dans l’État régional de Somali (art. 2, 12, 13 et 14).

Le Comité demande à l’État partie d’enquêter sur les viols et les autres formes de violence sexuelle commis contre des femmes et des filles dans le contexte du conflit armé par les forces de sécurité et la Force de défense nationale éthiopienne et de poursuivre et punir les auteurs. L’État partie devrait prendre des mesures immédiates pour indemniser et réinsérer les victimes de tels actes.

Enquêtes

17)Malgré les explications données par l’État partie pendant le dialogue, le Comité demeure préoccupé par les renseignements nombreux et concordants concernant:

a)L’absence d’une enquête approfondie sur l’arrestation de 3 000 étudiants à l’université d’Addis-Abeba en avril 2001, dont beaucoup auraient subi des mauvais traitements au camp de police de Sendafa;

b)Le fait que seul un petit nombre d’agents subalternes de l’armée impliqués dans l’exécution et la torture, notamment sous forme de viol, de centaines d’Anuaks dans la ville de Gambella en décembre 2003 aient été poursuivis et condamnés et que l’État partie n’ait pas enquêté sur les exécutions, les actes de torture et les viols commis ultérieurement contre des Anuaks dans l’État régional de Gambella en 2004;

c)L’absence d’enquête indépendante et impartiale sur l’usage de la force meurtrière par les membres des forces de sécurité pendant les violences postélectorales en 2005, qui ont fait 193 morts parmi les civils et 6 parmi les policiers, et l’absence de poursuites et de condamnations dans ce contexte; et

d)L’absence d’enquête indépendante et impartiale sur les exécutions extrajudiciaires, les actes de torture, notamment sous la forme de viols, et les autres formes de violence sexuelle, ainsi que sur les arrestations arbitraires commises par la Force de défense nationale éthiopienne pendant les opérations anti-insurrectionnelles qu’elle a menées contre le Front national de libération de l’Ogaden, dans l’État régional de Somali en 2007 (art. 12 et 14).

L’État partie devrait sans délai ouvrir des enquêtes indépendantes et impartiales sur les incidents susmentionnés afin de traduire en justice les auteurs des violations de la Convention. Le Comité recommande que ces enquêtes soient menées par des experts indépendants pour que toutes les informations soient examinées de manière approfondie, que l’on parvienne à des conclusions sur les faits et les mesures prises et qu’une indemnisation adéquate, y compris les moyens de la réadaptation la plus complète possible, soit accordée aux victimes et à leur famille. L’État partie est prié de donner au Comité des renseignements détaillés sur les résultats de ces enquêtes dans son prochain rapport périodique.

Mécanisme de plaintes

18)Malgré les informations fournies dans le rapport de l’État partie sur la possibilité donnée aux prisonniers et aux détenus de présenter des plaintes à différents niveaux de l’administration pénitentiaire, par exemple en utilisant des boîtes à suggestion, ainsi que devant les tribunaux, le bureau fédéral des enquêtes criminelles et la Commission éthiopienne des droits de l’homme, le Comité regrette l’absence d’un mécanisme spécialisé, indépendant et efficace, habilité à recevoir les plaintes et à enquêter de manière rapide et impartiale sur les allégations de torture émanant en particulier de prisonniers et de détenus et à faire en sorte que les coupables soient punis comme il convient. Il note également l’absence d’informations, notamment de statistiques, sur le nombre de plaintes pour torture et mauvais traitements et sur les enquêtes menées, les poursuites engagées et les sanctions, tant pénales que disciplinaires, infligées aux auteurs de ces actes (art. 2, 12, 13 et 16).

L’État partie devrait prendre d’urgence des mesures concrètes pour instaurer un mécanisme de plainte indépendant et efficace, spécifiquement destiné à recevoir les allégations de torture et de mauvais traitements commis par des membres des forces de l’ordre, des services de sécurité, des militaires et des fonctionnaires de l’administration pénitentiaire, à enquêter sans délai et de manière impartiale sur ces allégations et à engager des poursuites contre les auteurs. En particulier, ces enquêtes ne doivent pas être menées par la police ou par les militaires ou sous leur autorité, mais par un organe indépendant. L’État partie devrait faire en sorte que, dans la pratique, ceux qui déposent des plaintes soient protégés contre tout mauvais traitement ou acte d’intimidation dont ils pourraient faire l’objet en raison de leur plainte ou de leur déposition. Le Comité prie l’État partie d’indiquer si les actes de torture et les mauvais traitements donnent lieu d’office à des enquêtes et à des poursuites et de fournir des informations, notamment des données statistiques, sur le nombre de plaintes pour torture et mauvais traitements déposées contre des agents de l’État, ainsi que des renseignements sur l’issue des procédures engagées, tant pénales que disciplinaires. Ces données devraient être ventilées par sexe, âge et origine ethnique de l’auteur de la plainte et préciser quelle autorité a mené l’enquête.

Réfugiés et demandeurs d’asile

19)Le Comité prend note de la politique généreuse de l’État partie, qui accueille un grand nombre de ressortissants érythréens, somaliens et soudanais et leur accorde des permis de séjour, mais il constate avec préoccupation que les décisions prises par le Service national de renseignement et de sécurité refusant le statut de réfugié ou ordonnant l’expulsion ne peuvent faire l’objet d’un recours que devant la Commission d’examen des plaintes ou le Conseil d’examen des appels, respectivement, tous deux composés de représentants de différents organes de l’État. Le Comité note aussi avec préoccupation que l’État partie n’a pas adhéré à la Convention relative au statut des apatrides ni à la Convention sur la réduction des cas d’apatridie (art. 2, 3, 11 et 16).

L’État partie devrait veiller à ce que les ressortissants étrangers dont les demandes de statut de réfugié ou d’asile ont été rejetées par le Service national de renseignement et de sécurité ou qui sont frappés d’un arrêté d’expulsion puissent faire appel de ces décisions devant les tribunaux. Le Comité recommande à l’État partie de songer à devenir partie à la Convention relative au statut des apatrides et à la Convention sur la réduction des cas d’apatridie.

Enlèvements

20)Le Comité est préoccupé par les informations selon lesquelles, sous prétexte de combattre le terrorisme, l’État partie a enlevé des personnes soupçonnées de terrorisme dans des pays tiers comme la Somalie, en violation de la Convention (art. 3).

L’État partie devrait s’abstenir d’enlever des personnes soupçonnées de terrorisme dans des pays tiers où ils bénéficient peut-être de la protection de l’article 3 de la Convention. L’État partie devrait permettre une enquête indépendante sur ces allégations d’enlèvements, en particulier lorsque l’enlèvement est suivi d’une détention au secret et de tortures dans l’État partie, et informer le Comité des résultats de cette enquête dans son prochain rapport périodique.

Formation

21)Le Comité prend note des renseignements communiqués par l’État partie dans son rapport et dans sa présentation orale au sujet de la formation, des séminaires et des cours sur les droits de l’homme organisés à l’intention des juges, des magistrats du parquet, des policiers, des agents pénitentiaires, et des militaires. Il s’inquiète toutefois des informations fournies dans le rapport (par. 14) concernant le manque de sensibilisation des agents chargés d’appliquer la loi aux dispositions de la Convention, le sentiment qui prévaut qu’un certain degré de contrainte est nécessaire dans le cadre des méthodes d’interrogatoire, ainsi que le manque d’expertise et de compétences médico-légales et une connaissance insuffisante des techniques d’enquête appropriée dans l’État partie (art. 10).

L’État partie devrait continuer d’élaborer des programmes de formation et de renforcer ceux qui existent pour faire en sorte que tous les fonctionnaires, notamment les juges, les membres des forces de l’ordre, les agents de sécurité, les militaires, les agents du renseignement et le personnel pénitentiaire, connaissent bien les dispositions de la Convention, soient en particulier pleinement conscients de l’interdiction absolue de la torture et sachent que les violations de la Convention ne seront pas tolérées et donneront lieu sans délai à des enquêtes impartiales, et que leurs auteurs seront poursuivis. Par ailleurs, tous les personnels concernés, y compris les membres du corps médical, devraient recevoir une formation spécifique afin d’apprendre à détecter les signes de torture et de mauvais traitements. Cette formation devrait notamment comprendre une initiation à l’emploi du Manuel pour enquêter efficacement sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (Protocole d’Istanbul), publié par l’ONU en 2004. L’État partie devrait en outre évaluer l’efficacité et l’incidence de ces programmes de formation et d’enseignement.

Procédures judiciaires et indépendance de la magistrature

22)Tout en notant que la Constitution consacre l’indépendance de la magistrature, le Comité se dit préoccupé par les informations selon lesquelles le pouvoir exécutif interviendrait fréquemment dans les procédures judiciaires, notamment en matière pénale, et par les cas de juges qui auraient été soumis à des actes de harcèlement ou d’intimidation ou à des menaces, voire destitués, pour avoir résisté aux pressions politiques, refusé de considérer comme recevables dans le cadre de procédures judiciaires des aveux obtenus par la torture ou des mauvais traitements, et acquitté des personnes accusées d’actes terroristes ou de crimes contre l’État ou ordonné leur remise en liberté. Le Comité s’inquiète également des informations faisant état de procédures judiciaires inéquitables dans des affaires politiquement sensibles, notamment de violations du droit des accusés de disposer du temps nécessaire pour préparer leur défense, de consulter un avocat, de faire interroger les témoins utiles à la défense dans les mêmes conditions que les témoins à charge, et de faire appel de leur condamnation (art. 2, 12 et 13).

L’État partie devrait prendre les mesures nécessaires pour garantir la pleine indépendance et impartialité du pouvoir judiciaire dans l’exercice de ses fonctions, conformément aux normes internationales, notamment les Principes fondamentaux relatifs à l’indépendance de la magistrature. À cet égard, il devrait veiller à ce que le pouvoir judiciaire soit libre de toute ingérence, en particulier de la part du pouvoir exécutif, en droit comme dans la pratique. L’État partie devrait mener sans délai des enquêtes impartiales et engager des poursuites lorsque des juges font l’objet d’actes de harcèlement ou d’intimidation ou sont injustement destitués, prendre des mesures efficaces − y compris organiser une formation sur les obligations incombant à l’État partie en vertu de la Convention − pour renforcer le rôle des juges et des magistrats du parquet en ce qui concerne l’ouverture d’enquêtes et de poursuites dans les affaires de torture et de mauvais traitements ainsi que la légalité de la détention, et encourager les juges et les magistrats du parquet à respecter les garanties d’un procès équitable, conformément aux normes internationales pertinentes, y compris dans les affaires politiques.

23)Le Comité note avec préoccupation que, du fait de la compétence qui est reconnue aux tribunaux charaïques et coutumiers pour les affaires relevant du droit de la famille, sous réserve que les deux parties y consentent, les femmes victimes de violences conjugales ou sexuelles risquent de subir des pressions de la part de leur mari et de leur famille et de voir les affaires dans lesquelles elles sont parties jugées par des juridictions coutumières ou religieuses plutôt que par des juridictions ordinaires (art. 2 et 13).

L’État partie devrait prévoir des garanties de procédure propres à assurer que les parties, en particulier les femmes, donnent librement leur consentement quand elles acceptent que l’affaire soit jugée par une juridiction charaïque ou coutumière, et faire en sorte que toutes les décisions rendues par de telles juridictions puissent faire l’objet de recours devant les juridictions de plus haut degré (cours d’appel et Cour suprême).

Imposition de la peine de mort

24)Tout en prenant acte des informations fournies par l’État partie concernant la non-application de fait de la peine capitale et l’«extrême réticence» des tribunaux à prononcer cette peine, qui est autorisée «uniquement dans les cas de crimes graves et de criminels exceptionnellement dangereux…, comme peine pour des crimes consommés et en l’absence de circonstances atténuantes» (voir par. 86 et 87 du document de base commun publié sous la cote HRI/CORE/ETH/2008), le Comité relève avec inquiétude que le nombre de condamnations à la peine capitale aurait récemment augmenté. À ce propos, il renvoie à l’affaire appelée «Ginbot 7» dans laquelle la Haute Cour fédérale a condamné à la peine capitale cinq responsables de l’ancien parti d’opposition Coalition pour l’unité et la démocratie, dont quatre (Andargachew Tsigie, Berhanu Nega, Mesfin Aman et Muluneh Iyoel Fage) ont été jugés par contumace, le cinquième (Melaku Teffera Tilahun, qui aurait été torturé) étant présent au procès, pour avoir «conspiré en vue de porter atteinte à la Constitution et de renverser le Gouvernement par la violence». Le Comité souligne que les conditions de détention des condamnés à mort peuvent constituer un traitement cruel, inhumain ou dégradant, en particulier du fait de la durée excessive de la détention en attente d’exécution (art. 2 et 16).

Le Comité recommande à l’État partie de songer à ratifier le deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, visant à abolir la peine de mort. L’État partie devrait songer à prolonger le moratoire de fait qu’il a instauré sur l’exécution de la peine capitale et à commuer les peines de mort pour les condamnés en attente. L’État partie devrait faire en sorte que tous les condamnés à mort bénéficient de la protection assurée par la Convention et soient traités avec humanité. Le Comité prie l’État partie d’indiquer le nombre de personnes qui sont actuellement en attente d’exécution, en ventilant les données par sexe, âge, appartenance ethnique et type d’infraction.

Institution nationale des droits de l’homme

25)Le Comité accueille avec intérêt les renseignements fournis par l’État partie concernant le mandat de la Commission éthiopienne des droits de l’homme consistant à visiter les lieux de privation de liberté et à examiner les plaintes pour violation présumée des droits de l’homme, notamment les droits protégés par la Convention. Le Comité constate qu’il n’est pas suffisamment donné suite aux suggestions et recommandations formulées par la Commission dans son rapport sur ses visites de surveillance des établissements pénitentiaires et que cette institution ne dispose que de pouvoirs limités pour ce qui est d’engager des poursuites dans les cas où des actes de torture ou des mauvais traitements ont été constatés (art. 2, 12, 13 et 16).

L’État partie devrait renforcer le rôle et le mandat de la Commission éthiopienne des droits de l’homme s’agissant d’effectuer régulièrement des visites inopinées dans les lieux de privation de liberté et de formuler ensuite des constatations et recommandations indépendantes. Il devrait aussi accorder le poids voulu aux conclusions de cette institution relatives aux plaintes individuelles et communiquer ces conclusions au Procureur général dans les cas où des actes de torture ou des mauvais traitements ont été constatés. L’État partie est prié de fournir des informations, y compris des données statistiques, sur les plaintes examinées par la Commission éthiopienne des droits de l’homme concernant des cas présumés de torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, et indiquer si de tels cas ont été soumis aux autorités compétentes pour qu’elles engagent des poursuites. En outre, l’État partie devrait intensifier ses efforts pour que la Commission satisfasse pleinement aux principes relatifs au statut des institutions nationales (Principes de Paris).

Conditions de détention

26)Le Comité observe les efforts de l’État pour faire en sorte que les textes législatifs et réglementaires relatifs au traitement des prisonniers et des détenus tiennent compte de l’Ensemble de règles minima pour le traitement des détenus, des Principes fondamentaux relatifs au traitement des détenus, de l’Ensemble de principes pour la protection de toutes les personnes soumises à une forme quelconque de détention ou d’emprisonnement et du Code de conduite pour les responsables de l’application des lois (voir par. 54 et 55 du rapport de l’État partie). Toutefois, le Comité demeure profondément préoccupé par les informations persistantes faisant état d’un surpeuplement, de mauvaises conditions d’hygiène et de salubrité, d’un manque de place pour dormir, d’un manque d’eau et de nourriture, de l’absence de services de santé appropriés, y compris pour les femmes enceintes et les détenus atteints du VIH/sida ou de la tuberculose, de l’absence de structures spécialisées pour les détenus handicapés, de la détention de délinquants mineurs dans les mêmes locaux que les adultes et de la protection insuffisante contre la violence des détenus mineurs et des enfants incarcérés avec leur mère dans les prisons et autres lieux de détention de l’État partie (art. 11 et 16).

L’État partie devrait prendre d’urgence des mesures pour faire en sorte que les conditions de détention dans les postes de police, les prisons et les autres lieux de détention soient conformes à l’Ensemble de règles minima pour le traitement des détenus ainsi qu’aux autres normes pertinentes, et notamment:

a) Réduire le surpeuplement carcéral, en particulier en envisageant des peines non privatives de liberté et en veillant, dans le cas des mineurs, à ce que la détention ne soit utilisée qu’en dernier recours;

b) Améliorer la qualité et la quantité des rations et de l’eau ainsi que les soins de santé offerts aux détenus et aux prisonniers, en particulier aux enfants, aux femmes enceintes et aux personnes atteintes du VIH/sida ou de la tuberculose;

c) Améliorer les conditions de détention des mineurs et veiller à ce que ceux-ci soient séparés des adultes conformément aux normes internationales relatives à l’administration de la justice pour mineurs et permettre aux mères incarcérées ou détenues de garder auprès d’elles leurs enfants en bas âge, le cas échéant au-delà de l’âge de 18 mois;

d) Veiller à ce qu’existent, en nombre suffisant, des structures appropriées pour les prisonniers et détenus handicapés;

e) Renforcer le contrôle judiciaire des conditions de détention.

Enfants en détention

27)Le Comité relève avec préoccupation qu’en vertu des articles 52, 53 et 56 de la version révisée du Code pénal, l’âge de la responsabilité pénale est fixé à 9 ans et que les délinquants âgés de plus de 15 ans sont passibles des peines ordinaires applicables aux adultes et peuvent être détenus avec des délinquants adultes (art. 2, 11 et 16).

L’État partie devrait relever l’âge minimum de la responsabilité pénale, conformément aux normes internationales et classer les personnes âgées de plus de 15 ans et de moins de 18 ans dans la catégorie des «mineurs», pour lesquels des peines plus légères sont prévues en vertu des articles 157 à 168 du Code pénal et qui ne peuvent être détenus avec des délinquants adultes. Il devrait faire en sorte que son système de justice pour mineurs soit conforme aux normes internationales, telles que l’Ensemble de règles minima des Nations Unies concernant l’administration de la justice pour mineurs («Règles de Beijing»).

Châtiments corporels infligés aux enfants

28)Le Comité note avec préoccupation que, si les châtiments corporels sont interdits à l’école, dans les institutions pour enfants et à titre de sanction pénale ou disciplinaire dans le système pénal, ils ne le sont pas en tant que mesure de correction appliquée dans la famille ou dans les centres de protection de remplacement à des fins de «bonne éducation», en vertu de l’article 576 du Code pénal révisé (2005) et de l’article 258 du Code de la famille révisé (2000) (art. 2, 10 et 16).

L’État partie devrait songer à modifier son Code pénal et son Code de la famille révisé en vue d’interdire le recours aux châtiments corporels dans l’éducation des enfants, dans la famille et dans les centres de protection de remplacement, et de sensibiliser le public à des formes positives, participatives et non violentes de discipline.

Décès en détention

29)Le Comité se dit préoccupé par le nombre extrêmement élevé de décès en détention, tout en notant que, selon l’État partie, ces décès sont dus au mauvais état de santé des détenus plutôt qu’aux conditions de détention (art. 12 et 16).

L’État partie devrait enquêter rapidement et de manière approfondie et impartiale sur tous les cas de décès en détention et poursuivre les personnes responsables de décès résultant d’actes de torture, de mauvais traitements ou d’une négligence délibérée. Il devrait également dispenser les soins de santé voulus à toutes les personnes privées de liberté. L’État partie devrait fournir au Comité des informations sur tous les cas de ce type, faire procéder à des examens médico-légaux indépendants et accepter les conclusions de ces examens en tant que preuves dans les procédures pénales et civiles.

Réparation, y compris indemnisation et réadaptation

30)Le Comité prend note des informations sur les modalités d’indemnisation par l’État partie des victimes d’actes de torture et de mauvais traitements figurant dans le rapport de ce dernier (par. 60) et dans son document de base commun (par. 184 à 186). Il regrette toutefois l’absence d’informations sur les décisions de justice par lesquelles une indemnisation a été accordée à des victimes d’actes de torture et de mauvais traitements ou à leur famille et sur le montant octroyé dans chaque cas. Le Comité regrette également l’absence d’informations sur les services de traitement et de réadaptation sociale et sur les autres formes d’assistance, notamment les services de réadaptation médicale ou psychosociale, dont ont bénéficié les victimes (art. 14).

L’État partie devrait intensifier ses efforts pour assurer aux victimes d’actes de torture et de mauvais traitements une réparation, sous la forme d’une indemnisation équitable et adéquate, et la réadaptation la plus complète possible. En outre, il devrait donner des informations sur les mesures de réparation et d’indemnisation ordonnées par les tribunaux en faveur de victimes d’actes de torture ou de leur famille. Ces informations devraient notamment porter sur le nombre de requêtes présentées et de requêtes satisfaites et sur les montants accordés et effectivement versés dans chaque cas. En outre, l’État partie devrait fournir des renseignements sur tout programme de réadaptation en cours en faveur des victimes d’actes de torture et de mauvais traitements et allouer des ressources suffisantes pour assurer la bonne exécution de tels programmes.

Aveux obtenus sous la contrainte

31)Tout en notant qu’en vertu des garanties constitutionnelles et des dispositions du Code de procédure pénale, les preuves obtenues par la torture ne sont pas recevables, le Comité est préoccupé par des informations faisant état de plusieurs cas d’aveux obtenus sous la torture et par l’absence d’informations sur les agents de l’État qui auraient été poursuivis et punis pour avoir extorqué des aveux (art. 2 et 15).

L’État partie devrait prendre les mesures nécessaires pour faire en sorte que dans la pratique les aveux obtenus sous la torture, y compris dans les cas tombant sous le coup de la loi antiterroriste, soient irrecevables devant les tribunaux, conformément à la législation interne et aux dispositions de l’article 15 de la Convention. Le Comité demande à l’État partie de donner des renseignements sur l’application des dispositions interdisant que des preuves obtenues sous la contrainte soient recevables et d’indiquer si des agents de l’État ont été poursuivis et punis pour avoir extorqué des aveux.

Violence faite aux femmes et pratiques traditionnelles nocives

32)Le Comité prend note de la criminalisation dans le Code pénal révisé des pratiques traditionnelles nocives telles que la mutilation génitale féminine, le mariage précoce et l’enlèvement des filles à des fins de mariage, et des informations fournies par l’État partie pendant le dialogue au sujet de la constitution d’équipes spéciales au Ministère de la justice et dans les départements de justice régionaux pour enquêter sur les cas de viol et d’autres formes de violences faites aux femmes et aux enfants. Le Comité est toutefois préoccupé par la non-application des dispositions du Code pénal érigeant en infraction la violence faite aux femmes et les pratiques traditionnelles nocives. Il note avec une vive inquiétude que le Code pénal révisé n’érige pas en infraction le viol conjugal. En outre, il regrette le manque d’informations sur les plaintes, les poursuites et les peines imposées aux auteurs, ainsi que sur l’assistance fournie aux victimes et sur leur indemnisation (art. 1, 2, 12, 13 et 16).

L’État partie devrait intensifier ses efforts pour prévenir, combattre et punir la violence faite aux femmes et aux enfants et les pratiques traditionnelles nocives, en particulier dans les régions rurales. Il devrait songer à modifier son Code pénal révisé en vue d’ériger en infraction le viol conjugal. Il devrait en outre assurer aux victimes des services juridiques, médicaux, psychologiques et de réadaptation, ainsi qu’une indemnisation, et instaurer des conditions qui leur permettent de dénoncer les pratiques traditionnelles nocives dont elles sont victimes et la violence au foyer et sexuelle sans crainte de représailles ou de stigmatisation. L’État partie devrait dispenser une formation aux juges, aux procureurs, aux membres de la police et aux dignitaires locaux au sujet de la stricte application du Code pénal révisé et de la nature criminelle des pratiques traditionnelles nocives et d’autres formes de violence faite aux femmes. Le Comité demande également à l’État partie de fournir dans son prochain rapport des données statistiques sur le nombre de plaintes, d’enquêtes, de poursuites et de condamnations prononcées dans ce contexte, ainsi que sur l’assistance fournie aux victimes et sur leur indemnisation.

Traite des êtres humains

33)Le Comité se dit préoccupé par le faible taux de poursuites et de condamnations dans les affaires d’enlèvement d’enfants et de traite d’êtres humains, en particulier de traite au niveau interne de femmes et d’enfants à des fins de travail forcé et d’exploitation sexuelle commerciale. Il est également préoccupé par le manque généralisé d’informations sur l’ampleur de la traite dans l’État partie, notamment sur le nombre de plaintes, d’enquêtes, de poursuites et de condamnations, et sur les mesures pratiques prises pour prévenir et combattre ce phénomène (art. 1, 2, 12 et 16).

L’État partie devrait intensifier ses efforts pour prévenir et combattre en particulier l’enlèvement d’enfants et la traite des femmes et des enfants au niveau interne, fournir une protection aux victimes et assurer leur accès aux services juridiques, médicaux, psychologiques et de réadaptation. À cet égard, le Comité recommande à l’État partie d’adopter une stratégie globale de lutte contre la traite des êtres humains et ses causes. L’État partie devrait en outre enquêter sur toutes les allégations de traite et faire en sorte que les auteurs soient poursuivis et condamnés à des peines à la mesure de la gravité de leurs crimes. L’État partie est invité à fournir des informations sur les mesures prises pour apporter une assistance aux victimes de la traite, et des données statistiques sur le nombre de plaintes, d’enquêtes, de poursuites et de condamnations dans le contexte de la traite.

Restrictions imposées aux organisations non gouvernementales (ONG) travaillantdans le domaine des droits de l’homme et de l’administration de la justice

34)Le Comité se déclare vivement préoccupé par des informations fiables relatives aux effets néfastes de la loi no 621/2009 sur l’enregistrement des œuvres caritatives et des associations qui interdit aux ONG étrangères et aux organismes locaux qui reçoivent plus de 10 % de leurs fonds de l’étranger de travailler dans le domaine des droits de l’homme et de l’administration de la justice (art. 14), ainsi que sur l’aptitude des ONG locales actives dans le domaine des droits de l’homme à faciliter les visites dans les prisons et à fournir une aide juridique et d’autres formes d’assistance ou de réadaptation aux victimes d’actes de torture et de mauvais traitements. Le Comité note avec préoccupation que les ONG locales s’occupant des droits de l’homme qui étaient actives dans ces domaines, notamment le Conseil éthiopien des droits de l’homme, l’Association éthiopienne des femmes juristes, l’Association du barreau éthiopien et le Centre de réadaptation des victimes de la torture en Éthiopie ne sont plus pleinement opérationnelles (art. 2, 11, 13 et 16).

Le Comité demande à l’État partie de reconnaître le rôle important des ONG dans la prévention des actes de torture et des mauvais traitements, la collecte d’informations sur ces pratiques et l’assistance aux victimes, de songer à lever les restrictions financières imposées aux ONG locales travaillant dans le domaine des droits de l’homme, de débloquer tous les fonds gelés appartenant à ces ONG et de faire en sorte qu’elles cessent d’être soumises au harcèlement et à l’intimidation de façon qu’elles puissent jouer véritablement leur rôle dans l’application de la Convention en Éthiopie et, ce faisant, aider l’État partie à s’acquitter des obligations qui lui incombent en vertu de la Convention.

Collecte de données

35)Le Comité regrette l’absence de données complètes et détaillées sur les plaintes, les enquêtes, les poursuites et les condamnations dans les affaires de torture et de mauvais traitements où sont impliqués les forces de l’ordre, le personnel de sécurité, les militaires et le personnel pénitentiaire, ainsi que sur les exécutions extrajudiciaires, les disparitions forcées, la traite et la violence familiale et sexuelle (art. 12 et 13).

L’État partie devrait compiler des données statistiques utiles pour la surveillance de l’application de la Convention au niveau national, notamment sur les plaintes, les enquêtes, les poursuites et les condamnations dans les affaires de torture et de mauvais traitements, les exécutions extrajudiciaires, les disparitions forcées, la traite et la violence familiale et sexuelle, ainsi que sur les moyens de réparation, notamment d’indemnisation et de réadaptation, offerts aux victimes. L’État partie devrait inclure ces données dans son prochain rapport périodique.

Coopération avec les mécanismes des droits de l’homme de l’ONU

36)Le Comité recommande à l’État partie d’intensifier sa coopération avec les mécanismes des droits de l’homme de l’ONU, notamment en autorisant des visites, entre autres, du Rapporteur spécial sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, du Rapporteur spécial sur la promotion et la protection des droits de l’homme et des libertés fondamentales dans la lutte antiterroriste, du Rapporteur spécial sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires, du Groupe de travail sur la détention arbitraire et du Rapporteur spécial sur la situation des défenseurs des droits de l’homme.

37)Prenant acte de l’engagement pris par l’État partie dans le contexte de l’Examen périodique universel (A/HRC/13/17/Add.1, par. 3), le Comité lui recommande de songer à ratifier le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels et inhumains dans les meilleurs délais.

38)Le Comité recommande en outre à l’État partie d’envisager de faire les déclarations prévues aux articles 21 et 22 de la Convention.

39)Le Comité invite l’État partie à ratifier les principaux instruments relatifs aux droits de l’homme de l’ONU auxquels il n’est pas encore partie, notamment la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, la Convention pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées et les protocoles facultatifs se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, à la Convention relative aux droits de l’enfant et à la Convention relative aux droits des personnes handicapées.

40)Le Comité recommande à l’État partie d’envisager de ratifier le Statut de Rome de la Cour pénale internationale.

41)L’État partie est encouragé à diffuser largement le rapport présenté au Comité et les observations finales du Comité, dans les langues voulues, par l’intermédiaire des sites Web officiels, des médias et des organisations non gouvernementales.

42)Le Comité invite l’État partie à fournir, dans un délai d’un an, des informations sur la suite qu’il aura donnée aux recommandations figurant aux paragraphes 12, 16 et 31 du présent document.

43)Le Comité invite l’État partie à présenter son prochain rapport périodique en suivant les directives sur l’établissement des rapports et à respecter la limite des 40 pages fixée pour le document spécifique à la Convention. Le Comité invite en outre l’État partie à mettre régulièrement à jour son document de base commun en suivant les instructions figurant dans les directives harmonisées pour l’établissement des rapports au titre des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme (HRI/GEN.2/Rev.6), approuvées par la Réunion intercomités des organes créés en vertu d’instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, et à respecter la limite des 80 pages fixée pour le document de base commun actualisé. Le document relatif à l’application de la Convention et le document de base commun constituent conjointement les documents que l’État partie doit présenter pour s’acquitter de son obligation de faire rapport au titre de la Convention.

44)L’État partie est invité à soumettre son prochain rapport périodique, qui sera son deuxième, d’ici au 19 novembre 2014.

52. Mongolie

1)Le Comité contre la torture a examiné le rapport initial de la Mongolie (CAT/C/MNG/1) à ses 963e et 964e séances (CAT/C/SR.963 et CAT/C/SR.964), tenues les 5 et 8 novembre 2010, et a adopté, à sa 976e séance (CAT/C/SR.976) les observations finales ci-après.

A.Introduction

2)Le Comité se félicite de la soumission du rapport initial de la Mongolie qui, dans l’ensemble, a été établi conformément à ses directives générales concernant la forme et le contenu des rapports initiaux mais ne contient pas suffisamment d’informations statistiques et concrètes sur l’application des dispositions de la Convention. Le Comité regrette que le rapport ait été présenté avec six années de retard, ce qui l’a empêché de suivre l’application de la Convention dans l’État partie depuis sa ratification. Il regrette également qu’aucune organisation de la société civile n’ait participé à l’élaboration du rapport.

3)Le Comité se félicite du dialogue franc et constructif qui s’est instauré avec la délégation de l’État partie et des réponses orales exhaustives qu’elle a fournies aux questions des membres du Comité, qui ont ainsi reçu d’importants compléments d’information.

B.Aspects positifs

4)Le Comité note avec satisfaction que, depuis son adhésion à la Convention, le 24 janvier 2002, l’État partie a ratifié les instruments internationaux ci-après ou y a adhéré:

a)Protocole facultatif à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, en mars 2002;

b)Statut de Rome de la Cour pénale internationale, en avril 2002;

c)Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants, en juin 2003;

d)Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés, en octobre 2004;

e)Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée et ses protocoles additionnels, en mai 2008;

f)Convention relative aux droits des personnes handicapées, en mai 2009;

g)Protocole facultatif se rapportant à la Convention relative aux droits des personnes handicapées, en mai 2009; et

h)Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, en juillet 2010.

5)Le Comité prend acte des efforts constants déployés par l’État partie pour réformer sa législation afin de mieux protéger les droits de l’homme, en particulier:

a)L’adoption en 2002 du Code pénal;

b)L’adoption en 2005 de la loi sur la lutte contre la violence dans la famille;

c)L’adoption, le 3 août 2007, de l’amendement à la loi sur l’application des décisions de justice;

d)L’adoption, le 1er février 2008, de l’amendement au Code pénal.

6)Le Comité note avec satisfaction les nouvelles mesures et politiques adoptées par l’État partie afin de mieux protéger les droits de l’homme, en particulier:

a)L’adoption en 2003 du Programme d’action national pour les droits de l’homme et la création en 2005 du Comité d’exécution du Programme d’action;

b)L’invitation permanente adressée depuis 2004 aux procédures spéciales;

c)L’adoption en 2007 du Programme national de lutte contre la violence dans la famille;

d)L’adoption du Programme national de protection des enfants et des femmes contre la traite aux fins d’exploitation sexuelle pour 2005-2015;

e)L’ouverture dans tous les arrondissements de la capitale et dans les 21 provinces du pays de centres d’assistance juridique auxquels les personnes vulnérables concernées par une affaire pénale, civile ou administrative peuvent demander conseil;

f)La déclaration que le Président de la République a faite le 14 janvier 2010 dans laquelle celui-ci a proclamé un moratoire sur les exécutions capitales et indiqué qu’il s’agissait d’une première étape vers l’abolition de la peine de mort.

C.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Définition et criminalisation de la torture

7)Tout en prenant note de l’adoption en 2008 d’amendements au Code pénal et au Code de procédure pénale tendant à mettre le droit interne en harmonie avec la Convention, le Comité est préoccupé par l’absence dans la législation interne d’une définition de la torture établie conformément à l’article premier de la Convention, lacune que le Rapporteur spécial sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants a également relevée dans son rapport sur sa mission en Mongolie, effectuée en 2005 (E/CN.4/2006/6/Add.4, par. 39) (art. 1 et 4).

L ’ État partie devrait incorporer dans sa législation pénale une définition de la torture comportant tous les éléments prévus à l ’ article premier de la Convention. Il devrait prendre des mesures afin que la torture constitue une infraction distincte dans son droit interne, en application de l ’ article 4 de la Convention, et veiller à ce que les peines applicables en cas de torture soient en rapport avec la gravité de cette infraction.

Garanties juridiques fondamentales

8)Le Comité est préoccupé par des informations indiquant que les arrestations et détentions arbitraires sont fréquentes, environ deux tiers des placements en détention provisoire n’étant pas ordonnés par un juge. Il est également préoccupé par le fait qu’après leur arrestation, les suspects n’ont souvent pas la possibilité de voir immédiatement un juge, un conseil et un médecin ni de contacter leurs proches comme prévu par la loi, et que la détention provisoire n’est pas utilisée en dernier recours (art. 2, 11 et 12).

L ’ État partie devrait prendre immédiatement des mesures efficaces afin d e veiller à ce que tous les suspects bénéficient de toutes les garanties juridiques fondamentales dès le début de la garde à vue, à savoir le droit d ’ être informés des motifs de leur arrestation, d ’ avoir rapidement accès à un conseil et, le cas échéant, à une aide juridictionnelle. Les suspects devraient également pouvoir se faire examiner par un médecin indépendant, si possible un médecin de leur choix, contacter un membre de leur famille, être présentés sans délai à un juge et faire examiner par un tribunal la légalité de leur détention, conformément aux normes internationales.

Impunité des auteurs d’actes de torture

9)Le Comité est préoccupé par des rapports indiquant que les membres des forces de l’ordre et les enquêteurs qui sont soupçonnés ou responsables d’actes de torture ou de mauvais traitements ne sont pas toujours poursuivis et condamnés à des peines adéquates. Cette lacune a également été relevée par le Rapporteur spécial sur la question de la torture, qui a déclaré que l’impunité était le principal facteur à l’origine de la pratique de la torture et des mauvais traitements en Mongolie. Le Rapporteur spécial a constaté que la torture continuait d’être pratiquée, en particulier dans les postes de police et les lieux de détention provisoire, et que l’absence de définition de la torture établie conformément à la Convention dans le Code pénal et le manque de mécanismes efficaces habilités à recevoir des plaintes et à mener des enquêtes mettaient les auteurs d’actes de torture à l’abri de poursuites (E/CN.4/2006/6/Add.4, par. 39) (art. 1, 2, 4, 12 et 16).

L ’ État partie est instamment prié de mettre fin à l ’ impunité, de veiller à ce que le recours par les agents de la force publique à la torture et aux mauvais traitements ne soit plus toléré, et à ce que tous les auteurs présumés d ’ actes de torture fassent l’objet d’ une enquête et, le cas échéant, soient poursuivis et condamnés à des peines en rapport avec la gravité de ces infractions. L ’ État partie devrait faire le nécessaire pour que des mécanismes d ’ enquête efficaces et indépendants soient créés afin de lutter contre l ’ impunité des auteurs d ’ actes de torture et de mauvais traitements. L ’ article 44.1 du Code pénal, qui dispose que le préjudice causé aux droits et aux intérêts protégés par le Code dans le cadre de l ’ exécution d ’ un ordre ou d ’ une décision impérative ne constitue pas une infraction, devrait être immédiatement abrogé. La législation de l ’ État partie devrait en outre prévoir des dispositions spécifiant clairement que l ’ ordre d ’ un supérieur ne peut être invoqué pour justifier la torture.

Mauvais traitements et usage excessif de la force lors des événementsdu 1er juillet 2008

10)Le Comité est préoccupé par des informations indiquant que, lors des émeutes qui ont éclaté le 1er juillet 2008 sur la place Sükhbaatar et pendant l’état d’urgence, la police aurait inutilement recouru à la force et en aurait fait un usage excessif. Il note avec inquiétude que, d’après certaines informations, la plupart des violences policières, excessives et inutiles, se seraient produites après la proclamation de l’état d’urgence. Il est également préoccupé par les résultats d’une enquête réalisée par la Commission nationale des droits de l’homme auprès de 100 personnes détenues d’où il ressort que 88 d’entre elles auraient été passées à tabac ou brutalisées lors de leur arrestation et pendant leur interrogatoire. Le Comité note avec inquiétude que, d’après certaines informations, les personnes arrêtées auraient été détenues pendant quarante-huit à soixante-douze heures dans des locaux surpeuplés, sans nourriture, sans eau, sans accès à des toilettes et sans possibilité de contacter un avocat ou des proches (art. 2, 12 et 16).

L ’ État partie devrait s ’ assurer que les membres des forces de l ’ ordre reçoivent des instructions claires concernant l ’ usage de la force et so nt informés qu e des poursuites peuvent être engagées contre eux s ’ ils recourent inutilement à la force ou en font un usage excessif. Les lois en vigueur devraient être appliquées, notamment celles prévoyant d ’ informer la population de la proclamation de l ’ état d ’ urgence. L ’ État partie devrait veiller à ce que les membres des forces de l ’ ordre respectent la législation applicable aux personnes privées de liberté, notamment les garanties juridiques fondamentales dont elles bénéficient en cas d’arrestation , en se conformant strictement aux dispositions de l ’ Ensemble de principes pour la protection de toutes les personnes soumises à une forme quelconque de détention ou d ’ emprisonnement (adopté par l ’ Assemblée générale dans sa résolution 43/173 du 9 décembre 1988), et à ce que les personnes privées de liberté aient accès à un avocat, à un médecin et à leurs proches. Afin de prévenir l ’ impunité et les abus d ’ autorité, l ’ État partie devrait faire en sorte que les membres des forces de l ’ ordre déclarés coupables de ces infractions soient condamnés à des peines et des sanctions administratives adéquates.

Plaintes et obligation d’ouvrir immédiatement une enquête impartiale et efficace

11)Le Comité est gravement préoccupé de constater que, depuis 2002, une personne seulement a été condamnée pour traitements cruels et inhumains et que, depuis 2007, une seule affaire de torture sur 744 a débouché sur une condamnation, ce qui crée un climat d’impunité pour les auteurs. Une préoccupation similaire a été exprimée par le Rapporteur spécial sur la question de la torture, qui a relevé que, malgré l’existence d’un cadre juridique offrant aux victimes la possibilité de porter plainte et de voir leur requête examinée, le système en place ne fonctionnait pas dans la pratique (E/CN.4/2006/6/Add.4, par. 41) et qu’en conséquence, les victimes d’actes de torture et de mauvais traitements ne pouvaient se prévaloir d’aucun recours utile pour demander justice et réclamer des réparations et des moyens de réadaptation (ibid., p. 2). Le Comité note en outre avec inquiétude qu’à la suite des événements du 1er juillet 2008, 10 plaintes soumises à la Commission nationale des droits de l’homme (dont 4 comportaient des allégations de torture) et 11 plaintes déposées devant le Bureau du Procureur ont été rejetées faute de preuves (art. 2, 12 et 13).

L ’ État partie devrait faire le nécessaire pour que des mécanismes indépendants et efficaces chargés de recevoir des plaintes et de mener immédiatement des enquêtes impartiales et efficaces sur les allégations de torture et de mauvais traitements soient en place. Il devrait combattre l ’ impunité et s ’ assurer que les personnes reconnues coupables d ’ actes de tortur e et de mauvais traitements so nt condamnées dans les meilleurs délais. Il devrait prendre des mesures afin de protéger les plaignants, les défenseurs et les témoins contre les tentatives d ’ intimidation et les mesures de représailles conformément aux dispositions de l ’ article 13 de la Convention. L ’ État partie est invité à communiquer des renseignements sur les enquêtes éventuelles qui auront été ouvertes sur les plaintes pour torture déposées par M. Ts. Zandankhuu, qui a été arrêté le 2 juillet 2008 et emmené au centre de détention de Denjiin Myanga.

Commission nationale des droits de l’homme

12)Le Comité note que la Commission nationale des droits de l’homme est dotée du statut «A», qui est décerné aux institutions nationales des droits de l’homme créées conformément aux Principes concernant le statut des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l’homme (Principes de Paris), et qu’elle est habilitée à faire des propositions et à adresser des ordonnances et des recommandations à d’autres entités sur des questions relatives aux droits de l’homme. Cependant, le Comité constate avec inquiétude qu’à propos des événements survenus le 1er juillet 2008 sur la place Sükhbaatar, la Commission a déclaré que les droits de l’homme n’avaient pas été violés pendant l’état d’urgence. Le Comité note avec préoccupation que, par la suite, les organes judiciaires se sont fondés sur cette déclaration pour rejeter les plaintes faisant état de tortures et de mauvais traitements et pour contraindre des suspects à signer des aveux dans lesquels ils reconnaissaient leur culpabilité, aveux qui ont ensuite été utilisés pour les condamner (art. 1, 2, 4, 13, 15 et 16).

L ’ État partie devrait faire en sorte que la procédure de nomination des membres de l ’ organe directeur de la Commission nationale des droits de l ’ homme soit transparente, que les consultations soient larges et ouvertes et que la société civile y participe davantage. Il devrait renforcer l ’ indépendance et les capacités de la Commission et veiller à ce qu ’ elle puisse mener ses activités sans entraves. Celle-ci devrait être doté e de ressources humaines, financières et matérielles suffisantes pour pouvoir s ’ acquitter pleinement de son mandat. Elle devrait avoir la capacité et le pouvoir de se rendre régulièrement dans tous les lieux de détention, y compris de manière inopinée, être habilitée à examiner les allégations de torture et s ’ assurer que des mesures de ré paration et de réadaptation so nt prises lorsque cela s ’ impose. Elle devrait être invitée à apporter une contribution aux cours de formation sur l ’ interdiction absolue de la torture destinés aux membres des forces de l ’ordre et a u personnel du système de justice pénale. Elle devrait aussi être invitée à participer à la réalisation de campagnes de sensibilisation aux droits de l ’ homme conçues pour le grand public.

Obligations en matière de non-refoulement

13)Le Comité est préoccupé par le fait que, de 2000 à 2008, les autorités mongoles ont exécuté des arrêtés d’expulsion à l’encontre de 3 713 étrangers provenant de 11 pays différents. Il est également préoccupé par le fait qu’aucune décision d’expulsion n’a été suspendue ou annulée au motif que la personne visée par cette mesure risquait d’être torturée dans le pays de destination. Le Comité constate en outre avec inquiétude qu’en octobre 2009, un demandeur d’asile et sa famille ont été expulsés contre leur gré à destination de la Chine alors que la décision définitive concernant leur demande d’asile n’avait pas encore été rendue (art. 3).

L ’ État partie devrait prendre toutes les mesures législatives, judiciaires et administratives nécessaires pour s ’ acquitter des obligations qui lui incombent en vertu de l ’ article 3 de la Convention. Pour déterminer son obligation eu égard au principe de non-refoulement, l ’ État partie devrait examiner chaque affaire au fond. Il devrait modifier sa législation afin que celle-ci comporte des dispositions sur l ’ expulsion forcée de ressortissants étrangers , et étudier la possibilité d ’ adhérer à la Convention relative au statut des réfugiés (adoptée par l ’ Assemblée générale le 28 juillet 1951) et le Protocole de 1967 s ’ y rapportant. Il devrait dispenser à tous les membres des forces de l ’ ordre et à tous les fonctionnaires des services de l ’ immigration une formation dans le domaine du droit international relatif aux réfugiés et du droit international des droits de l ’ homme, en mettant l ’ accent sur le principe de non-refoulement, et veiller à ce que les recours formés devant les tribunaux pour contester une décision d ’ expulsion aient un effet suspensif.

Formation des magistrats

14)Tout en notant que les instruments internationaux ne font partie intégrante du droit interne qu’une fois que les lois relatives à leur ratification ou à l’adhésion de l’État partie sont entrées en vigueur, le Comité se dit préoccupé par une déclaration de la délégation mongole selon laquelle les juges avaient une connaissance limitée des instruments internationaux, dont la Convention. Cette question a également suscité des préoccupations chez le Rapporteur spécial sur la question de la torture, qui a constaté une méconnaissance générale parmi les magistrats des normes internationales relatives à l’interdiction de la torture, surtout chez les procureurs, les avocats et les membres de l’appareil judiciaire (E/CN.4/2006/6/Add.4, par. 40). Le Comité est particulièrement préoccupé par des informations parvenues à sa connaissance montrant que les clients d’avocats qui invoquaient des conventions et des instruments internationaux étaient condamnés à des peines d’emprisonnement plus lourdes que les autres (art. 10).

L ’ État partie devrait s ’ assurer que la formation obligatoire des juges, des procureurs, des fonctionnaires de justice, des avocats et des autres personnels concernés couvre l ’ ensemble des dispositions de la Convention et, en particulier, l ’ interdiction absolue de la torture. L ’ État partie souhaitera peut-être étudier la possibilité de demander une assistance internationale en matière de formation. Les agents de la fonction publique et les membres du personnel de santé qui s ’ occupent de détenus, ainsi que tous les professionnels qui participent aux enquêtes sur les affaires de torture devraient recevoir une formation portant sur le Manuel pour enquêter efficacement sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (Protocole d ’ Istanbul).

Formation des forces de l’ordre

15)Le Comité est préoccupé par des informations indiquant que les membres de la police ne bénéficient pas d’une formation satisfaisante sur les méthodes de maintien de l’ordre et l’utilisation du matériel et qu’ils ne reçoivent souvent pas d’instructions sur l’utilisation adéquate des armes à feu et sur l’interdiction du recours excessif à la force (art. 10).

L ’ État partie devrait veiller à ce que les membres des forces de l ’ ordre bénéficient d ’ une formation en bonne et due forme sur la façon dont ils doivent exécuter leurs tâches, notamment sur l ’ utilisation correcte du matériel, le recours à la force et la nécessité d ’ adapter son intensité au type de manifestation et de ne l ’ employer qu ’ à titre exceptionnel et de manière proportionnelle. La police devrait recevoir une formation sur le Code de conduite pour les responsables de l ’ application des lois (adopté par l ’ Assemblée générale dans sa résolution 34/169 du 17 décembre 1979) et les Principes de base sur le recours à la force et l ’ utilisation des armes à feu par les responsables de l ’ application des lois (adoptés au huitième Congrès des Nations Unies sur la prévention du crime et le traitement des délinquants, tenu du 27 août au 7 septembre 1990) et respecter les dispositions de ces instruments.

Conditions de détention

16)Le Comité est préoccupé par les conditions prévalant dans certains lieux de détention qui sont notamment surpeuplés, insuffisamment aérés et chauffés et dépourvus de toilettes dignes de ce nom et d’eau courante, et où les maladies infectieuses sont répandues. En outre, le Comité s’inquiète des mauvais traitements découlant du fait que les condamnés ne sont pas séparés des prévenus, que les détenus sont arbitrairement déplacés d’une cellule à l’autre et que les gardiens de prison encouragent les condamnés à infliger des violences à certains détenus. Le Comité est également préoccupé par le régime spécial consistant à placer à l’isolement les personnes condamnées à une peine d’emprisonnement de trente ans. Certains détenus appartenant à cette catégorie ont indiqué au Rapporteur spécial sur la question de la torture qu’ils auraient préféré être condamnés à la peine capitale plutôt que mis à l’isolement. Le Comité est particulièrement préoccupé par des informations selon lesquelles les condamnés à mort seraient placés à l’isolement, menottés et entravés pendant toute la durée de leur détention et insuffisamment nourris. Le Rapporteur spécial a considéré que ces conditions de détention constituaient des peines supplémentaires qui ne pouvaient qu’être assimilées à de la torture au sens de l’article premier de la Convention (art. 11 et 16).

Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ abolir le régime d ’ isolement spécial et de faire en sorte que tous les détenus soient traités humainement et dans le respect des dispositions de l ’ Ensemble de règles minima pour le traitement des détenus (approuvé par le Conseil économique et social dans ses résolutions 663 C (XXIV) du 31  juillet 1957 et 2076 (LXII) du 13 mai 1977) et de l ’ Ensemble de principes pour la protection de toutes les personnes soumises à une forme quelconque de détention ou d ’ emprisonnement. L ’ État partie devrait continuer à améliorer les conditions de détention dans tous les lieux privatifs de liberté afin de les rendre conformes aux normes internationales. Il devrait s ’ assurer que les gardiens de prison et les autres fonctionnaires concernés respectent la loi et appliquent strictement la réglementation. Le Bureau du Procureur général, la Commission nationale des droits de l ’ homme et d ’ autres organes indépendants autorisés devraient pouvoir effectuer des visites régulières et inopinée s dans les lieux de détention.

Réparation et indemnisation

17)Le Comité est préoccupé par l’absence de recours utiles et adéquats permettant aux victimes d’actes de torture et de mauvais traitements d’obtenir justice, d’être indemnisées et de bénéficier des moyens nécessaires à leur réadaptation. Le Comité est également préoccupé par le fait que, dans les dispositions relatives à l’indemnisation prévues dans la législation mongole, la torture ne figure pas parmi les motifs qui peuvent être invoqués pour demander une indemnisation. Cette lacune a également été relevée par le Rapporteur spécial sur la question de la torture dans son rapport sur sa visite en Mongolie (art. 14).

L ’ État partie devrait faire le nécessaire pour garantir aux victimes d ’ actes de torture le droit d ’ obtenir réparation et d ’ être indemnisées équitablement et de manière adéquate et adopter une loi globale dans laquelle la torture et les mauvais traitements figureraient parmi les motifs pouvant être invoqués pour réclamer une indemni sation et demander réparation.

Déclarations faites sous la torture

18)Le Comité est gravement préoccupé par le fait que les déclarations et les aveux obtenus par la torture et les mauvais traitements continuent d’être utilisés dans le cadre des procédures judiciaires en Mongolie, ce que le Rapporteur spécial sur la question de la torture a également relevé. Celui-ci a indiqué que le système de justice pénale s’appuyait très largement sur les aveux obtenus pour intenter des poursuites, ce qui rendait le risque de torture et de mauvais traitements très réel (E/CN.4/2006/6/Add.4, par. 36). À ce propos, le Comité est également préoccupé par des informations indiquant que les personnes arrêtées lors des événements du 1er juillet 2008 ont été soumises à la torture pendant leur interrogatoire et que les aveux signés dans ces circonstances ont ensuite été utilisés comme moyen de preuve pendant leur procès (art. 15).

L ’ État partie devrait veiller à ce qu ’ aucune déclaration dont il est établi qu ’ elle a été obtenue par la torture ne puisse être invoquée comme un élément de preuve dans une procédure. Il devrait mettre en place des dispositifs audiovisuels permettant de surveiller et d ’ enregistrer systématiquement tous les interrogatoires dans tous les lieux où des actes de torture ou des mauvais traitements sont susceptibles d ’ être commis, et dégager les ressources financières, matérielles et humaines nécessaires à cette fin. L ’ État partie devrait faire en sorte que les déclarations ou les aveux faits pendant la garde à vue dont il est établi qu ’ ils ont été obtenus par la torture ou par des mauvais traitements ne puissent être invoqués à charge contre leur auteur. Ces déclarations et aveux ne devraient pouvoir être invoqués que dans une procédure intentée contre une personne inculpée de torture et de mauvais traitements.

Condamnés à mort et peine capitale

19)Le Comité estime préoccupant que les renseignements qui ont trait à la peine capitale soient classés secret d’État, que même les proches d’un condamné ne soient pas informés de la date de son exécution et que le corps ne leur soit pas remis après l’exécution. Le Comité s’inquiète en outre du sort et des conditions de détention des 44 personnes qui se trouvent encore dans les quartiers des condamnés à mort (art. 2, 11 et 16).

L ’ État partie devrait publier des statistiques sur la peine capitale, donner au Comité des informations sur les 44 personnes qui se trouvent encore dans les quartiers des condamnés à mort, étudier la possibilité de commuer toutes les peines capitales et fournir les renseignements nécessaires aux proches des personnes qui ont été exécutées. L ’ État partie devrait lever le secret sur les informations relatives à la peine capitale , et il est encouragé à continuer de prendre des mesures allant dans le sens de son abol ition, notamment à ratifier le deuxième P rotocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Il devrait veiller à ce que le traitement réservé aux personnes qui se trouvent dans les quartiers des condamnés à mort soit conforme aux normes internationales.

Violence contre les femmes

20)Tout en saluant les efforts déployés par l’État partie pour combattre la violence contre les femmes, le Comité est préoccupé par des informations indiquant que le nombre de cas de violence, en particulier les cas de violence conjugale, de viol et de harcèlement sexuel, demeure élevé. Le Comité est également préoccupé par le fait que la violence familiale continue d’être considérée comme une affaire privée, y compris par les membres des forces de l’ordre, et que le taux de poursuites est très faible. En outre, le Comité estime inquiétant que, d’après certaines informations, très peu de cas de viol seraient signalés et que, dans les zones reculées, les victimes n’ont pas accès à un examen médical après un viol. En outre, il n’existe pas de foyers pour les femmes victimes de violences ni de services de réadaptation dispensés par du personnel qualifié. Le Comité regrette que l’État partie n’ait pas encore érigé le viol conjugal et le harcèlement sexuel en infractions pénales (art. 1, 2, 4, 12 et 16).

L ’ État partie devrait ne ménager aucun effort pour combattre la violence contre les femmes, en particulier le viol, la violence dans la famille et le harcèlement sexuel. Il devrait aussi ériger le viol conjugal et le harcèlement sexuel en infractions pénales. En outre, il devrait veiller à ce que les fonctionnaires soient parfaitement familiarisés avec les dispositions pertinentes de la législation, sensibilisés à toutes les formes de violence contre les femmes et aptes à y faire face . L ’ État partie devrait aussi veiller à ce que toutes les femmes victimes de violences puissent bénéficier dans toutes les régions du pays de mesures immédiates de réparation et de protection telles que des ordonnances de protection, des possibilités d ’ hébergement dans un lieu sûr, des soins médicaux et une assistance à la réadaptation. Les auteurs de violences contre des femmes devraient être dûment poursuivis et, lorsque leur culpabilité est démontrée, être condamnés à des peines en rapport avec la gravité de leurs actes.

Traite des personnes

21)Tout en se félicitant de la signature, le 18 octobre 2010, de l’Accord de coopération en matière de lutte contre la traite des personnes qui a été conclu avec la Région administrative spéciale de Macao (Chine) ainsi que d’autres initiatives lancées par l’État partie afin de lutter contre la traite, le Comité est préoccupé par certaines informations révélant que ce phénomène gagne en ampleur. Il est également préoccupé par des renseignements montrant que la majorité des victimes sont des fillettes et des jeunes femmes, en particulier des enfants pauvres et des enfants des rues et des victimes de la violence familiale, qui font l’objet d’un trafic dont la finalité est l’exploitation sexuelle, l’exploitation par le travail et l’organisation frauduleuse de mariages. En outre, le Comité constate avec inquiétude que le cadre juridique applicable à la protection des victimes et des témoins de la traite laisse encore à désirer. De plus, il note avec préoccupation que les affaires de traite donnent rarement lieu à des poursuites au titre de l’article 113 du Code pénal sur la vente et l’achat d’êtres humains, qui prévoit des peines plus lourdes que celles définies à l’article 124 dudit Code, lequel réprime l’incitation à la prostitution et la prostitution organisée. Le Comité est également préoccupé par des informations indiquant que 85 à 90 % des plaintes pour traite, qui ont donné lieu à une enquête, sont rejetées faute de preuves ou en raison de l’insuffisance d’éléments permettant de démontrer que la victime a été abusée. En outre, il note avec inquiétude que, d’après certains renseignements, des membres des forces de l’ordre seraient directement impliqués dans des affaires de traite ou faciliteraient l’organisation de telles activités et qu’aucune enquête n’aurait été ouverte à ce sujet (art. 2, 12, 13 et 16).

L ’ État partie devrait adopter une loi complète sur la lutte contre la traite comportant des dispositions sur la prévention de ce phénomène et la protection des victimes et des témoins, et garantir à toutes les victimes le droit d ’ obtenir réparation et les moyens nécessaires à leur réadaptation la plus complète possible. Il devrait veiller à ce qu ’ une formation adéquate soit dispensée aux membres des forces de l ’ ordre, aux enquêteurs et aux procureurs sur la législation relative à la traite des êtres humains et sur les méthodes des trafiquants. Les responsables présumés de la traite de personnes devraient être poursuivis au titre de l ’ article 113 du Code pénal. L ’ État partie devrait mettre en place des mécanismes indépendants dotés de ressources humaines et financières suffisantes et adéquates afin de suivre l ’ application des mesures de lutte contre la traite. Il devrait aussi mener des enquêtes indépendantes, approfondies et efficaces sur toutes les allégations de traite, dont celles mettant en cause des membres des forces de l ’ ordre. Il devrait en outre poursuivre et intensifier ses activités menées dans le cadre de la coopération internationale, régionale et bilatérale en mati ère de lutte contre la traite.

Exploitation par le travail et travail des enfants

22)Le Comité est préoccupé par des informations indiquant que certains mineurs employés clandestinement dans des activités minières artisanales non déclarées, parmi lesquels des enfants (appelés mineurs «ninja»), travaillent dans des conditions extrêmement précaires incompatibles avec les normes internationales du travail. Il est également préoccupé par des informations dénonçant l’exploitation d’enfants, dont certains travaillent dans des conditions dangereuses. En outre, le Comité se dit préoccupé par des renseignements dont il dispose sur la situation des enfants des rues et par l’absence de mesures efficaces propres à améliorer leur situation (art. 16).

L ’ État partie devrait lutter contre toutes les formes de travail forcé, prendre toutes les mesures nécessaires pour empêcher que des enfants ne travaillent dans des conditions dangereuses, notamment dans des mines clandestines, et veiller également à ce que les conditions de travail des adultes employés dans ces mines soient conformes aux normes internationales et, en particulier, aux conventions de l ’ Organisation internationale du Travail qu ’ il a ratifiées. Il devrait prendre des mesures pour surveiller et étudier le phénomène du travail des enfants et le combattre, notamment en engageant des poursuites pénales contre les employeurs qui exploitent le travail des enfants et en les traduisant en justice. Il devrait mener des campagnes de sensibilisation sur les effets néfastes du travail des enfants et renforcer les mesures en faveur des enfants des rues.

Châtiments corporels infligés aux enfants

23)Le Comité est préoccupé par des informations montrant que les châtiments corporels infligés aux enfants à l’école, dans les institutions pour enfants et dans le cadre familial, en particulier dans les zones rurales, sont largement répandus (art. 16).

L ’ État partie devrait prendre de toute urgence des mesures afin d ’ interdire expressément les châtiments corporels infligés aux enfants quel que soit le contexte. Il devrait aussi promouvoir, par des campagnes de sensibilisation du public et l ’ organisation de formations professionnelles, des formes de discipline positives, participatives et non violentes.

Justice pour mineurs

24)Le Comité est préoccupé par les renseignements communiqués par le Comité des droits de l’enfant, qui a constaté que le système de justice pour mineurs mongol était contraire aux principes et aux dispositions de la Convention relative aux droits de l’enfant et que l’État partie ne s’était pas doté d’un cadre stratégique global sur la justice pour mineurs. Le Comité est également préoccupé par le fait que les dispositions de l’Ensemble de règles minima des Nations Unies concernant l’administration de la justice pour mineurs (Règles de Beijing) (adopté par l’Assemblée générale le 29 novembre 1985) ne sont pas appliquées et que les enfants placés en détention provisoire et les enfants qui exécutent une peine ne sont pas séparés des adultes (art. 2 et 16).

L ’ État partie devrait poursuivre et achever les travaux qu ’ il a engagés afin de mettre sa législation nationale en harmonie avec les normes internationales applicables, améliorer le cadre juridique de la justice pour mineurs, ne pas recourir à la détention provisoire sauf dans les cas prévus par la loi et faire en sorte que les enfants soient détenus séparément des adultes en toutes circonstances et que l ’ Ensemble de règles minima des Nations Unies concernant l ’ administration de la justice pour mineurs (Règles de Beijing) soit appliqué. L ’ État partie devrait mettre en place des tribunaux spécialisés pour mineurs composés de juges ayant reçu une formation spécifique et d ’ autres personnels judiciaires. Si nécessaire , l ’ État partie devrait demander une assistance internationale à cette fin.

Discrimination et violence contre les groupes vulnérables

25)Le Comité est préoccupé par:

a)Des informations d’après lesquelles il n’existerait pas de législation complète interdisant la discrimination en Mongolie et les infractions et discours racistes ne constitueraient pas une infraction en droit interne. Le Comité est également préoccupé par des renseignements indiquant que les groupes vulnérables tels que les lesbiennes, les gays, les personnes bisexuelles et transgenres (LGBT) sont victimes de violences et de sévices sexuels aussi bien dans des contextes publics que dans la sphère privée en raison des préjugés négatifs largement répandus dans la société. Le Comité se félicite de l’enregistrement officiel du Centre LGBT et note avec satisfaction que l’État partie a reconnu la nécessité de lancer une campagne de sensibilisation sur les LGBT;

b)Des informations faisant état de la discrimination dont sont victimes les personnes séropositives, en particulier dans le domaine du logement et dans le cadre de la présélection des candidatures à un emploi;

c)Le fait que, malgré la promulgation en 2002 du nouveau Code civil, qui dispose que les non-ressortissants ont les mêmes droits que les ressortissants sur le plan civil et juridique, certains étrangers peuvent être la cible de violences organisées fondées sur leur origine ethnique (art. 2 et 16).

L ’ État partie devrait élaborer un cadre juridique global de lutte contre la discrimination, notamment les infractions et discours racistes , et prendre des mesures pour que les auteurs de ces infractions soient traduits en justice. Il devrait garantir la protection des groupes vulnérables tels que les minorités sexuelles, les personnes séropositives et certains étrangers. Il devrait aussi établir des mécanismes efficaces de contrôle, de mise en œuvre et de plainte afin d ’ assurer que des enquêtes approfondies et impartiales soient immédiatement menées sur les allégations d ’ attaques visant des personnes en raison de leur orient ation ou leur identité sexuelle , conformément aux Principes de Jogjakarta sur l ’ application de la législation internationale des droits humains en matière d ’ orientation sexuelle et d ’ identité de genre. L ’ État partie devrait adopter une loi visant à combattre la violence dérivant des activités des organisations qui prônent et encouragent la discrimination fondée sur la race ou l ’ origine ethnique et d ’ autres formes de discrimination.

Personnes présentant un handicap mental et des troubles psychologiques

26)Le Comité regrette que la délégation de l’État partie n’ait pas fourni d’informations sur les garanties juridiques se rapportant à l’hospitalisation des malades mentaux et des personnes présentant un handicap intellectuel, notamment les dispositions relatives au suivi et au contrôle. Le Comité est en outre préoccupé par des informations indiquant que les hospitalisations sont fréquentes et qu’il n’existe guère d’autres possibilités de traitement, ainsi que par le nombre très faible de professionnels spécialisés dans la prise en charge des personnes qui souffrent d’une maladie mentale ou d’un handicap mental.

L ’ État partie devrait renforcer de toute urgence les dispositions de la loi protégeant les droits des personnes handicapées, dont les malades mentaux et les personnes présentant un handicap intellectuel, et mettre en place des mécanismes de suivi et de contrôle chargés des établissements hospitaliers. L ’ État partie devrait promouvoir d ’ autres méthodes de traitement et de prise en charge et s ’ employer en priorité à accroître le nombre de professionnels spécialisés en psychologie ou en psychiatrie.

Collecte de données

27)Le Comité regrette l’absence de données complètes et ventilées sur les plaintes, les enquêtes, les poursuites et les condamnations se rapportant à des affaires de torture et de mauvais traitements dans lesquelles les faits ont été imputés à des membres des forces de l’ordre, des forces de sécurité, de l’armée et du personnel des établissements pénitentiaires, ainsi que sur les personnes se trouvant dans les quartiers des condamnés à mort, les mauvais traitements infligés aux travailleurs migrants, la traite des êtres humains, la violence dans la famille et les violences sexuelles.

L ’ État partie devrait rassembler des données statistiques utiles pour la surveillance de l ’ application de la Convention au plan national, notamment sur les plaintes, les enquêtes, les poursuites et les condamnations prononcées contre des personnes reconnues coupables d ’ actes de torture et de mauvais traitements, sur les mauvais traitements infligés aux travailleurs migrants, les personnes se trouvant dans les quartiers des condamnés à mort, la traite des êtres humains, la violence dans la famille et les violences sexuelles, en les ventilant par âge, sexe, appartenance ethnique et type d ’ infraction, ainsi que sur les mesures de réparation, notamment les mesures d ’ indemnisation et de réadaptation dont les victimes ont bénéficié.

28)Le Comité recommande à l’État partie d’étudier la possibilité de ratifier dans les meilleurs délais le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

29)Le Comité recommande à l’État partie d’étudier la possibilité de faire les déclarations prévues aux articles 21 et 22 de la Convention.

30)Le Comité invite l’État partie à ratifier les principaux instruments des Nations Unies relatifs aux droits de l’homme auxquels il n’est pas encore partie, à savoir la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille et la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées.

31)L’État partie est invité à diffuser largement le rapport qu’il a soumis au Comité ainsi que les présentes observations finales, dans toutes les langues voulues, par le biais des sites Web officiels, des médias et des organisations non gouvernementales.

32)Le Comité demande à l’État partie de lui faire parvenir, dans un délai d’un an, des renseignements sur la suite qu’il aura donnée aux recommandations formulées aux paragraphes 9, 11, 16 et 19 du présent document.

33)Le Comité invite l’État partie à lui soumettre son prochain rapport périodique en appliquant ses directives sur l’établissement des rapports et à respecter la limite de 40 pages fixée pour le document se rapportant spécifiquement à la Convention. Le Comité invite également l’État partie à soumettre un document de base actualisé en suivant les directives harmonisées concernant l’établissement des rapports destinés aux organes créés en vertu d’instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme (HRI/GEN.2/Rev.6), et à respecter la limite de 80 pages en ce qui concerne le document de base commun. Le document spécifique à la Convention et le document de base commun représentent conjointement les documents que l’État partie est tenu de soumettre pour s’acquitter de son obligation de faire rapport en vertu de la Convention.

34)L’État partie est invité à soumettre son prochain rapport, qui sera son deuxième rapport périodique, avant le 19 novembre 2014.

53. Turquie

1)Le Comité contre la torture a examiné le troisième rapport périodique de la Turquie (CAT/C/TUR/3) à ses 959e et 960e séances, tenues les 3 et 4 novembre 2010 (CAT/C/SR.959 et 960), et adopté les observations finales et recommandations ci-après à sa 975e séance (CAT/C/SR.975).

A.Introduction

2)Le Comité prend acte avec satisfaction du troisième rapport périodique de la Turquie mais regrette qu’il ait été présenté avec quatre ans de retard, ce qui l’a empêché de procéder à une analyse suivie de l’application de la Convention par l’État partie.

3)Le Comité note aussi avec satisfaction que le rapport a été soumis conformément à la nouvelle procédure facultative pour l’établissement des rapports, qui consiste pour l’État partie à répondre à une liste de points à traiter établie et transmise par le Comité. Il remercie l’État partie d’avoir accepté de présenter son rapport en suivant cette nouvelle procédure qui facilite la coopération entre l’État partie et le Comité. Il note que les réponses à la liste des points à traiter ont été soumises dans les délais prescrits. Le Comité se félicite du dialogue constructif qu’il a eu avec une délégation de haut niveau et des efforts de celle-ci pour fournir des explications pendant l’examen du rapport.

B.Aspects positifs

4)Le Comité salue le fait que, depuis l’examen du deuxième rapport périodique, l’État partie a adhéré aux instruments suivants ou les a ratifiés:

a)Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (2003);

b)Pacte international relatif aux droits civils et politiques (2003), et protocoles facultatifs s’y rapportant (2006);

c)Protocoles facultatifs à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants et l’implication d’enfants dans les conflits armés (2004);

d)Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille (2004);

e)Convention relative aux droits des personnes handicapées (2009).

5)Le Comité prend note avec satisfaction des vastes réformes entreprises par l’État partie dans le domaine des droits de l’homme et de ses efforts en cours pour revoir sa législation de façon à renforcer la protection des droits de l’homme, y compris le droit de ne pas être soumis à la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Le Comité se félicite des aspects positifs ci-après:

a)La modification de l’article 90 de la Constitution en vertu de laquelle les instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme et aux libertés fondamentales priment les lois nationales en cas de conflit avec ces dernières;

b)L’adoption du nouveau Code de procédure pénale (loi no 5271) en 2005 et du nouveau Code pénal (loi no 5237) en 2004. Le Comité se félicite en particulier des dispositions concernant:

i)L’adoption de peines plus sévères pour l’infraction de torture (trois à douze ans d’emprisonnement) (Code pénal, art. 94);

ii)L’engagement de la responsabilité pénale de quiconque empêche ou restreint l’exercice du droit d’accès à un avocat (Code de procédure pénale, art. 194);

iii)Le droit du suspect ou de l’accusé d’obtenir les services d’un ou de plusieurs avocats à tout stade de l’enquête (Code de procédure pénale, art. 149);

iv)L’assistance obligatoire d’un avocat quand le défendeur fait l’objet d’une décision de détention provisoire (Code de procédure pénale, art. 101, par. 3);

c)Les éléments du programme de réforme constitutionnelle adopté en septembre 2010 à la suite d’un référendum national, qui prévoit notamment:

i)Le droit de présenter des requêtes en tant que droit constitutionnel ayant pour corollaire la création de l’institution du médiateur (Constitution, art. 74);

ii)Le droit de recours devant la Cour constitutionnelle en matière de droits de l’homme et de libertés fondamentales (Constitution, art. 148);

iii)La garantie que des civils ne seront pas jugés par des tribunaux militaires, sauf en temps de guerre (Constitution, art. 145 et 156).

6)Le Comité salue également les efforts déployés par l’État partie pour modifier ses politiques de façon à renforcer la protection des droits de l’homme et à donner effet à la Convention, notamment:

a)L’annonce d’une politique de «tolérance zéro à l’égard de la torture» le 10 décembre 2003;

b)L’élaboration d’un deuxième plan national de lutte contre la traite des personnes;

c)L’invitation permanente adressée aux mécanismes au titre des procédures spéciales de l’ONU et la réponse favorable de l’État partie aux demandes de visites du Rapporteur spécial sur la promotion et la protection des droits de l’homme et des libertés fondamentales dans la lutte antiterroriste (2006), du Groupe de travail sur la détention arbitraire (2006) et du Rapporteur spécial sur la violence contre les femmes, ses causes et ses conséquences (2008);

d)L’engagement pris par l’État partie tendant à ratifier le Protocole facultatif se rapportant à la Convention, qu’il a signé en 2005, et à mettre en place un mécanisme national de prévention en consultation avec les représentants de la société civile, qui fera partie de l’institution nationale des droits de l’homme devant être créée conformément aux Principes concernant le statut des institutions nationales chargées de la promotion et de la protection des droits de l’homme (Principes de Paris).

C.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Torture et impunité

7)Le Comité est vivement préoccupé par les allégations nombreuses, récurrentes et cohérentes relatives à la pratique de la torture, en particulier dans des lieux non officiels de détention, notamment dans des véhicules de la police, dans la rue et en dehors des commissariats de police, malgré les informations fournies par l’État partie selon lesquelles la lutte contre la torture et les mauvais traitements est une «question prioritaire» et tout en notant que le nombre de plaintes pour actes de torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants dans les lieux de détention officiels de l’État partie aurait diminué. Le Comité est aussi préoccupé par l’absence d’enquêtes rapides, approfondies, indépendantes et efficaces sur les actes de torture présumés imputés à des agents de la sécurité et aux forces de l’ordre, contrairement à ce que requiert l’article 12 de la Convention, et par les manquements répétés à cette obligation. Il est également préoccupé par le fait que de nombreux agents des forces de l’ordre reconnus coupables de tels actes ont été condamnés à des peines avec sursis, ce qui a contribué à un climat d’impunité. À cet égard, il est préoccupant pour le Comité que les allégations de torture donnent souvent lieu à des poursuites en vertu de l’article 256 («Usage excessif de la force») ou de l’article 86 («Coups et blessures volontaires») du Code pénal, qui prévoient des peines plus clémentes et assorties de sursis en cas de condamnation, plutôt qu’en vertu des articles 94 («Torture») ou 95 («Torture avec circonstances aggravantes») du même Code (art. 2).

L ’ État partie devrait prendre immédiatement des mesures pour mettre un terme à l ’ impunité pour les actes de torture. Il devrait en particulier veiller à ce que toutes les allégations de torture fassent rapidement l ’ objet d ’ enquêtes efficaces et impartiales. Lorsqu ’ il y a des raisons sérieuses de penser que des actes de torture et des mauvais traitements ont été commis, l ’ État partie devrait veiller à ce que le fonctionnaire concerné soit suspendu de ses fonctions ou muté pendant la durée de l ’ enquête, en particulier lorsqu ’il y a un risque qu’il fasse obstruction à celle-ci, ou continue de commettre des actes proscrits par la Convention. L ’ État partie devrait également veiller à fixer des lignes directrices relatives aux cas où les poursuites pour mauvais traitements doivent être engagées en vertu d es a rticles 256 et 86 du Code pénal , plutôt que de l’article 94. De plus, l ’ État partie devrait mettre immédiatement en place des mécanismes efficaces et impartiaux pour que des enquêtes effectiv es et indépendantes soient menées promptement sur toutes les allégations de torture ou de mauvais traitement, et veiller à ce que les auteurs de tels actes soient poursuivis au titre de l ’ article 94 ( «T orture » ) et 95 ( «T orture avec circonstances aggravantes » ) de façon à garantir que les actes de torture soient passibles de peines appropriées, conformément aux dispositions de l ’ article 4 de la Convention.

Absence d’enquêtes efficaces, rapides et indépendantes au sujet des plaintes déposées

8)Le Comité est préoccupé par le fait que les autorités continuent de ne pas mener d’enquêtes rapides, efficaces et indépendantes sur les allégations de torture et de mauvais traitements. Il s’inquiète en particulier des informations selon lesquelles les procureurs se heurtent à des obstacles lorsqu’ils veulent enquêter efficacement sur les plaintes contre des responsables de l’application des lois et les enquêtes sont généralement confiées aux responsables de l’application des lois eux-mêmes − procédure caractérisée par un manque d’indépendance, d’impartialité et d’efficacité −, en dépit de la circulaire no 8 du Ministère de la justice en vertu de laquelle les enquêtes relatives aux allégations de torture et de mauvais traitements doivent être conduites par le Procureur et non par les responsables de l’application des lois. À cet égard, le Comité est aussi préoccupé par l’absence de transparence du système actuel d’enquête administrative sur les allégations de violences policières, qui manque d’impartialité et d’indépendance, et par le fait qu’une autorisation préalable est toujours requise en vertu du Code de procédure pénale pour enquêter sur le comportement des responsables de l’application des lois du plus haut niveau. Le Comité est également préoccupé par les informations selon lesquelles les dossiers médicaux indépendants relatifs aux actes de torture ne font pas partie des éléments de preuve examinés par les tribunaux et que les juges et les procureurs n’acceptent que des rapports de l’Institut de médecine légale du Ministère de la justice. En outre, tout en prenant note du projet de «Commission indépendante des plaintes contre la police et du système de plaintes contre la police et la gendarmerie» lancé en 2006, le Comité s’inquiète de ce qu’aucun mécanisme indépendant de plainte contre la police n’ait été mis en place à ce jour. Il est préoccupé par les atermoiements, la passivité et l’incurie des autorités de l’État partie en ce qui a trait aux enquêtes, poursuites et condamnations concernant des agents de la police ou des membres des forces de l’ordre ou de l’armée accusés d’actes de violence, de mauvais traitements ou de tortures (art. 12 et 13).

Le Comité engage l ’ État partie à redoubler d ’ efforts pour mettre en place des mécanismes impartiaux et indépendants p ermettant de faire en sorte que toutes les allégations de torture et de mauvais traitements fassent rapidement l ’ objet d ’ enquêtes efficaces et indépendantes. L ’ État partie devrait en priorité:

a) Renforcer l ’ efficacité et l ’ indépendance du ministère public en augmentant le nombre de procureurs et d’officiers de police judiciaire, en renforçant leurs pouvoirs et en améliorant leur formation;

b) Garantir la conservation des preuves jusqu ’ à l ’ arrivée du procureur et donner pour instruction aux tribunaux d ’ envisager la possibilité de preuves falsifiées ou de preuves manquantes comme des éléments clefs dans les procédures judiciaires;

c) Veiller à ce que les procureurs et le personnel judiciaire lisent et évaluent tous les rapports médicaux contenant des informations sur les actes de torture et les mauvais traitements établis par le personnel médical et des médecins légistes qui, quelle que soit l ’ institution à laquelle ils appartiennent, ont les compétences nécessaires et ont suivi une formation spécifique au sujet du Manuel pour enquêter efficacement sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (Protocole d ’ Istanbul);

d) Mettre en place un mécanisme indépendant de plainte contre la police, comme le prévoit le Ministère de l ’ intérieur ;

e) Modifier le paragraphe 5 de l ’article  161 du Code de procédure pénale, tel que modifié par l ’article  24 de la loi n o  5353 du 25  mai 2005, afin d’assurer qu’une auto ris ation spéciale ne soit pas nécessaire pour poursuivre les membr es de rang élevé de la force publique accusés d ’ actes de torture ou de mauvais traitements. De même, l ’ État partie devrait abroger l ’article  24 de la loi n o 5353.

Absence d’enquête sur les disparitions

9)Le Comité est préoccupé par l’absence d’informations, de la part de l’État partie, au sujet des progrès réalisés dans le cadre des enquêtes sur les cas de disparition. En particulier, il est particulièrement préoccupé par a) le nombre de cas de disparition non élucidés recensés par le Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires (63 en 2009), b) l’absence d’informations sur l’état d’avancement des enquêtes sur les cas de disparition pour lesquels il a été constaté que l’État partie avait violé les articles 2, 3 et 5 de la Convention européenne des droits de l’homme (Chypre c. Turquie et Timurtas c. Turquie, Cour européenne des droits de l’homme). Le Comité est aussi préoccupé par a) l’absence d’informations sur la conduite d’enquêtes efficaces, indépendantes et transparentes au sujet des affaires susmentionnées et, le cas échéant, sur les poursuites engagées et les condamnations prononcées, b) le fait que les proches des personnes disparues ne sont pas dûment informés des résultats des enquêtes et des poursuites. Cette absence d’enquête et de suivi soulève des questions graves quant au non-respect, par l’État partie, de ses obligations au titre de la Convention et, comme l’a conclu la Cour européenne des droits de l’homme, constitue une violation continue à l’égard des proches des victimes (art. 12 et 13).

L ’ État partie devrait prendre rapidement des mesures pour procéder à des enquêtes efficaces, transparentes et indépendantes sur tous les cas de disparition non élucidés, dont ceux cités par la Cour européenne des droits de l ’ homme ( Chypre c. Turquie et Timurtas c. Turquie ) et ceux recensés par le Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires. Le cas échéant, il d evrait engager des poursuites. L’État partie devrait informer les proches des victimes des résultats de telles enquêtes et poursuites. Le Comité exhorte aussi l ’ État partie à songer à signer et r atifier la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées.

Exécutions extrajudiciaires

10)Le Comité est préoccupé par le peu d’information fourni par l’État partie en ce qui concerne l’exécution de la recommandation du Rapporteur spécial sur la promotion et la protection des droits de l’homme et des libertés fondamentales dans la lutte contre le terrorisme, l’invitant à ouvrir rapidement des enquêtes impartiales, approfondies et transparentes, et à organiser des procès équitables pour déterminer le rôle qu’auraient joué les forces de sécurité dans des incidents au cours desquels des personnes ont été tuées à Kiziltepe et Semdinli en 2004 et 2005, respectivement (art. 12 et 13).

L ’ État partie devrait ouvri r rapidement des enquêtes approfondi es et indépendantes sur to us les cas allégués d’exécution extrajudiciaire imputés à des agents de la sécurité et de la force publique et faire en sorte que l es auteurs de ces actes soient traduits en justice et condamnés à des peines adaptées à la nature de leurs crimes.

Restrictions aux garanties juridiques fondamentales

11)Le Comité est préoccupé par les restrictions à l’exercice des garanties juridiques fondamentales contre la torture et les mauvais traitements résultant de l’adoption de nouvelles lois et de modifications apportées au Code de procédure pénale de 2005. Il est en particulier préoccupé par les éléments suivants: a) le déni, en application de la loi sur la lutte antiterroriste (loi no 3713) du droit du suspect d’être assisté par un avocat pendant les vingt-quatre heures suivant l’arrestation; b) le refus de l’octroi de l’aide juridictionnelle aux personnes accusées d’avoir commis des infractions emportant une peine d’emprisonnement de moins de cinq ans (loi no 5560); c) l’absence dans la loi du droit à un examen médical indépendant; d) le fait que le droit d’être immédiatement examiné par un médecin est limité aux condamnés (art. 94, loi no 5275). Par ailleurs, le Comité est préoccupé par les renseignements selon lesquels un agent de l’État est présent lors de l’examen médical du détenu bien que cela soit interdit par la loi, sauf si le personnel médical en fait la demande pour des raisons de sécurité personnelle (art. 2).

L ’ État partie devrait garantir par la loi et dans la pratique le droit de tous les détenus de voir rapidement un avocat, d ’avertir u n membre de leur famille et d ’êtr e exami n és par un médecin indépendant dès leur placement en détention. L ’ État partie devrait garantir le respect du principe de la confidentialité entre le patient et son médecin dans le cadre de ces examens médicaux.

Considérations générales concernant l’application de la Convention

12)Le Comité regrette qu’en dépit de la demande d’informations statistiques qu’il a formulée dans sa liste de points à traiter avant la présentation du rapport et lors du dialogue avec l’État partie, la plupart des renseignements demandés n’ont pas été fournis. En particulier, en raison de l’absence de données complètes ou ventilées sur les plaintes, les enquêtes, les poursuites et les condamnations concernant des actes de torture et des mauvais traitements commis par des agents des forces de l’ordre et de la sécurité ou des membres du personnel pénitentiaire, les expulsions d’immigrés et de demandeurs d’asile, l’accès aux registres de détention, la durée des procès, la réadaptation et la réparation ainsi que la traite et la violence sexuelle, il est extrêmement difficile de savoir si l’État partie respecte ou non les dispositions de la Convention.

L ’ État partie devrait recueillir et fournir au Comité des données statistiques ventilées par sexe, âge, origine ethnique et ap partenance à une minorité, lieu géographique et nationalité utiles pour le suivi de l’application de la Convention au niveau national, ainsi que des renseignements complets sur les plaintes, les enquêtes, les poursuites et les condamnations pour torture et mauvais traitements, les expulsions, la durée des procès, la réada ptation et la réparation (y  compris l ’ indemnisation pécuniai re), la traite et la violence sexuelle, et sur les résultats de toutes les plaintes et affaires.

Usage excessif de la force par les agents chargés de l’application des lois et recours à des contre-accusations pour intimider les personnes qui signalent des actes de torture et des mauvais traitements

13)Tout en notant que le représentant de l’État partie reconnaît l’usage excessif de la force par les forces de l’ordre et en prenant note des informations sur les mesures prises pour mettre fin à une telle pratique, notamment en faisant porter aux policiers des casques munis de numéros d’identification lors des manifestations, le Comité demeure préoccupé par les informations faisant état d’un usage excessif de la force et de la violence de plus en plus fréquent par la police sur les manifestants en dehors des lieux officiels de détention. Il est particulièrement préoccupé par les renseignements faisant état de tirs mortels de la police et la gendarmerie ainsi que de l’application arbitraire des modifications apportées en juin 2007 à la loi sur les pouvoirs et les devoirs de la police (loi no 2559), qui autorisent la police à arrêter toute personne et à lui demander ses papiers d’identité, ce qui aurait entraîné une augmentation des altercations violentes. En outre, le Comité est préoccupé par les informations selon lesquelles la police se sert souvent du Code pénal pour porter des contre-accusations contre les personnes et les membres de la famille des victimes présumées qui se plaignent de brutalités policières, en particulier en utilisant l’article 265 relatif au «recours à la violence ou aux menaces contre un agent de l’État pour l’empêcher de s’acquitter de ses fonctions», l’article 125 relatif à «la diffamation de la police», l’article 301 relatif au «dénigrement de l’identité turque» et l’article 277 relatif aux «tentatives d’influencer le cours de la justice». Le Comité s’inquiète de ce que de telles accusations seraient utilisées pour intimider les victimes présumées de mauvais traitements et leurs proches et les dissuader de porter plainte (art. 11 et 16).

L ’ État partie devrait rapidement adopter des mesures efficaces pour mettre un terme à l ’ usage excessif de la force et de la violence par les forces de l’ordre . Il devrait en particulier:

a ) Veiller à ce que les lois internes, les règles d ’ engagement et les procédures applicables au maintien de l ’ ordre public et à l ’ action antiémeutes soient pleinement conformes aux Principes de base sur le recours à la force et l ’ utilisation des armes à feu par les responsables de l ’ application des lois, en particulier la disposition selon laquelle les responsables de l ’ application des lois ne recourent à l ’ usage meurtrier d ’ armes à feu que si cela est absolument inévitable pour protéger des vies humaines (Principes de base, disposition  9);

b) Mettre en place un système de suivi de la mise en œuvre de la loi sur les pouvoirs et les devoirs de la police (loi n o 2559) et empêcher que la police ne l ’ utilise de manière arbitraire;

c) Veiller à ce que les agents de l ’ État n ’ utilisent pas la menace de la contre-accusation en v ertu, par exemple, des articles  265, 125, 301 et 277 du Code pénal, pour intimider les personnes détenues ou leurs proches et les dissuader de porter plainte pour torture, réexaminer les condamnations prononcées au cours de la période considérée en application des articles en question afin de déceler toute utilisation abusive de ces dispositions à de telles fin s et veiller à ce que tout grief valable concernant des actes de torture fasse l ’ objet d ’ une enquête indépendante et de poursuites, si la situation l ’ exige.

Réparation et indemnisation, y compris la réadaptation

14)Le Comité est préoccupé par le manque d’informations et de données statistiques exhaustives sur la réparation et l’indemnisation, y compris les moyens de réadaptation, offerts aux victimes de la torture ou d’autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants dans l’État partie, comme le requièrent les dispositions de l’article 14 de la Convention (art. 14).

L ’ État partie devrait intensifier ses efforts en matière de réparation, d ’ indemnisation et de réadaptation, et assurer aux victimes d’actes de torture ou d ’ autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants une indemnisation équitable et adéquate, y compris les moyens de se réadapter. Il devrait envisager de mettre en place un programme particulier d ’ aide aux victimes d’actes de torture et de mauvais traitements.

Non-refoulement et détention de réfugiés, de demandeurs d’asile et d’étrangers en situation irrégulière

15)Le Comité se félicite des informations fournies par le représentant de l’État partie selon lesquelles trois projets de loi relatifs à l’asile, à la création d’un service spécialisé dans les questions d’asile et aux étrangers seront prochainement soumis au Parlement. Il prend également note de la publication des circulaires nos 18/2010 (migration illégale) et 19/2010 (asile et migration) par le Ministère de l’intérieur en mars 2010. Le Comité s’inquiète néanmoins de ce que le projet de loi relatif à l’asile maintienne la restriction géographique à l’application de la Convention relative au statut des réfugiés, qui exclut les demandeurs d’asile non européens de la protection offerte par la Convention. Il est en outre préoccupé par le système d’internement administratif des étrangers arrêtés pour entrée illégale ou séjour clandestin, ou tentative de quitter l’État partie clandestinement, dans des «centres d’accueil pour étrangers» et d’autres centres de rétention, avec un accès limité à la procédure nationale d’asile temporaire. En outre, le Comité est préoccupé par les cas présumés d’expulsion et de refoulement en dépit du risque de torture. À cet égard, il est préoccupé par les informations selon lesquelles les demandeurs d’asile n’auraient pas accès à l’aide juridictionnelle, par les insuffisances du système de recours en matière d’asile, par l’absence d’effet suspensif de la procédure d’expulsion durant l’examen des demandes d’asile, et par l’accès limité du Haut-Commissariat pour les réfugiés et des avocats aux demandeurs d’asile en détention. Il est également vivement préoccupé par les informations faisant état de mauvais traitements et d’un surpeuplement important dans les «centres d’accueil pour étrangers» et autres centres de rétention (art. 3).

L’État partie devrait prendre rapidement des mesures efficaces pour s’acquitter de l’obligation qui lui incombe en vertu de l’article  3 de la Convention de ne pas expulser une personne qui risque d’être soumise à la torture , et faire en sorte que toutes les personnes ayant besoin d’une protection internationale aient accès, dans des conditions justes et égales, aux procédures d’asile et soient traitées avec dignité. Le Comité demande à l’État partie de:

a) Garantir l’accès d’organes de contrôle indépendants aux «centres d’accueil pour étrangers» et autres lieux de détention, et poursuivre, sans retard, la construction de nouveaux refuges offrant des co nditions de vie saines et sûres;

b) Songer à lever la restriction géographique à l’application de la Convention relative au statut des réfugiés en retirant sa réserve à ladite c onvention;

c) Veiller à ce que tous les réfugiés reconnus aient accès à la protection internationale fournie par le HCR;

d) Assurer l’accès effectif à la procédure d’asile pour les étrangers arrêtés et placés en détention, et introduire l’effet suspensif en ce qui concerne les procédures d’expulsion durant l’examen des demandes d’asile;

e) Garantir, conformément à la circulaire du Ministère de l’intérieur relative aux demandeurs d’asile et aux réfugiés, l’accès du personnel du HCR aux détenus qui veulent demander l’asile, de manière à ce que ceux-ci puissent exercer ce droit;

f) Garantir que les demandeurs d’asile et les réfugiés en détention soient assistés par un avocat, de manière à ce qu’ils puissent exercer leur droit de contester les décisions relatives à leur demande d’asile ou tout autre aspect de leur situation juridique devant les juridictions compétentes.

Contrôle et inspection des lieux de détention

16)Tout en prenant note des informations fournies par le représentant de l’État partie au sujet du rôle de la Commission d’enquête sur les droits de l’homme du Parlement et en relevant avec satisfaction que les défenseurs des droits de l’homme ont accès aux lieux de détention, le Comité regrette l’absence d’un règlement officiel autorisant un contrôle et des visites indépendants effectués par des représentants de la société civile dans de tels lieux. Il regrette également l’absence d’informations sur la mise en œuvre des principales recommandations et conclusions des organismes visés aux paragraphes 58 à 68 du rapport de l’État partie, qui sont autorisés à inspecter les lieux de détention (art. 2, 11 et 16).

L ’ État partie devrait fournir des informations sur les règlements officiels autorisant les visites indépendantes des lieux où des personnes sont privées de liberté par des représentants de la société civile, des avocats, du personnel médical et des membres locaux de l ’ ordre des avocats. L ’ État partie devrait également fournir au Comité des informations détaillées sur les mesures prises et activités menées pour donner suite aux conclusions et recommandations des organismes publics , notamment ceux visés aux paragraphes  58 à 68 du rapport de l’État partie.

Conditions de détention

17)Le Comité est gravement préoccupé par les informations faisant état d’un surpeuplement des lieux de détention de l’État partie et prend acte du fait que le représentant de l’État partie a franchement admis que la situation était «inacceptable». Compte tenu des renseignements fournis par l’État partie faisant état d’une population totale de 120 000 détenus, dont la moitié sont en détention provisoire, le Comité est préoccupé par le peu d’intérêt manifesté par les autorités judiciaires à l’égard de mesures de substitution à la privation de liberté et par la durée excessivement longue de la détention avant jugement, en particulier dans le cas des personnes qui ont été jugées dans le cadre des nouvelles hautes juridictions pénales. En outre, le Comité prend note avec préoccupation des informations selon lesquelles certains avantages concernant les activités de groupe des prisonniers peuvent être limités pour les personnes accusées d’actes de terrorisme ou d’infractions liées à la criminalité organisée ou condamnées pour de telles infractions, et maintenues à l’isolement dans des prisons de type F. Le Comité se félicite que les juges puissent demander que les interrogatoires soient enregistrés en guise de preuve dans le cadre des poursuites pénales mais il est préoccupé par le fait qu’à l’heure actuelle 30 % seulement des postes de police sont équipés de caméras de vidéosurveillance et que ces caméras tomberaient souvent en panne. Les informations concernant l’insuffisance des moyens financiers qui empêche de construire de nouveaux établissements pénitentiaires pour réduire le surpeuplement des prisons, le nombre élevé de postes vacants au sein de l’administration pénitentiaire (environ 8 000) évoqué par le représentant de l’État partie, la pénurie de personnel médical et les carences présumées en matière d’accès aux soins médicaux pour les prisonniers malades sont également des sujets d’inquiétude pour le Comité. En outre, le Comité constate avec préoccupation que l’information relative aux établissements de détention peut être soumise à des restrictions en application de la loi sur le droit d’accès à l’information (loi no 4982) (art. 2 et 16).

L’État partie devrait prendre immédiatement des mesures pour mettre un terme au problème endémique du recours excessif à la détention avant jugement et du surpeuplement des lieux de détention. En outre, il devrait poursuivre ses efforts pour améliorer l’infrastructure des prisons et des commissariats de police, de manière à assurer une protection contre les abus. En particulier, l’État partie devrait:

a) Encourager les autorités judiciaires à songer à mettre en place des sanctions pénale s autres que la privation de liberté, notamment en adoptant la législation nécessaire à cet effet;

b) Installer des caméras de vidéosurveillance dans l’ensemble des postes de police et faire en sorte que l’enregistrement vidéo de tous les interrogatoires devienne une procédure ordinaire;

c) Procéder à un examen juridi que des articles  15 à 28 de la loi n o  4982 sur le droit d’accès à l’information afin de déterminer leur compatibilité avec les obligations découlant de la Convention;

d) Poursuivre les efforts pour pourvoir les postes vacants dans les établissements pénitentiaires de manière à ce que les prisons disposent d’un personnel suffisant;

e) Limiter les restrictions aux avantages concernant les activités de groupe des prisonniers en régime d’isolement exclusivement à des situations exceptionnelles et bien définies;

f) Remédier à la pénurie de personnel médical et assurer des soins médicaux aux prisonniers malades, notamment en retardant l’exécution de la peine , si nécessaire.

Enregistrement des détenus

18)Le Comité est préoccupé par des informations selon lesquelles les suspects sont placés en garde à vue sans être officiellement enregistrés et prend note avec préoccupation, à cet égard, de l’imprécision de la disposition selon laquelle le détenu doit être enregistré «dans un délai raisonnable» après son arrestation (art. 2).

L’État partie veillera à enregistrer rapidement les personnes privées de liberté et précisera dans la loi dans quel délai maximum l’enregistrement officiel doit avoir lieu après l’arrestation.

Violence contre les femmes

19)Le Comité est préoccupé par les informations nombreuses et persistantes faisant état de viols, de violences sexuelles et d’autres formes de torture et de mauvais traitements à caractère sexiste commis par des agents des organes de sécurité, du personnel pénitentiaire et de la force publique. Tout en prenant note des programmes de formation et de sensibilisation mis en œuvre par l’État partie pour faire face à de tels actes et les empêcher, le Comité regrette le manque d’informations sur les mesures prises pour s’assurer que les auteurs de tels actes rendent des comptes, notamment sur les enquêtes, les poursuites et les condamnations, ainsi que sur les réparations et les indemnisations accordées aux victimes, y compris les moyens de se réadapter, comme l’exige l’article 14 de la Convention.

L ’ État partie devrait prendre rapidement des mesures pour empêcher tous les actes de torture et les mauvais traitements, notamment le viol et d ’ autres formes de violence sexuelle, commis sur des femmes privées de liberté, et faire en sorte que les auteurs de tels actes en rendent compte, en enquêtant rapidement sur les plaintes et, s’il y a lieu , en poursuivant et en condamnant à des peines appropriées lesdits auteurs. L ’ État partie devrait veiller à ce que toutes les victimes d ’ actes de torture ou de mauvais traitements à caractère sexiste bénéficient de mesures d ’ indemnisation ou de réparation, et de moyens de se réadapter.

Violence dans la famille et crimes d’honneur

20)Tout en prenant note des modifications à la loi no 4320 sur la protection de la famille en 2007 et au Code pénal en 2005 visant à améliorer la protection des femmes contre la violence et de l’adoption d’un plan d’action national pour lutter contre la violence dont les femmes sont victimes dans la famille ainsi que de divers programmes de formation destinés aux agents de la force publique, le Comité demeure préoccupé par l’ampleur présumée des violences physiques et sexuelles à l’encontre de femmes. Il est préoccupé par les informations selon lesquelles les femmes signalent rarement les mauvais traitements et la violence dont elles sont victimes à la police, et par le nombre insuffisant de centres d’accueil où elles pourraient trouver refuge, malgré les dispositions pertinentes de droit interne édictées en 2005. Le Comité est aussi préoccupé par l’absence d’informations sur les mesures de réparation et d’indemnisation, y compris les moyens de se réadapter, qui doivent être prises en faveur des victimes, conformément à l’article 14 de la Convention. Le Comité est en outre préoccupé par les informations selon lesquelles les autorités de l’État n’enquêteraient pas sur les crimes d’honneur, ainsi que par le manque de statistiques officielles globales sur ces crimes et la violence dans la famille. Il est également inquiet de constater qu’en vertu de l’article 287 du Code pénal, les juges et les procureurs peuvent ordonner qu’en cas de viol un test de virginité soit effectué contre la volonté de la femme (art. 2 et 16).

L’État partie est prié de poursuivre et accr oître ses efforts, notamment en coopération avec le Conseil de l’Europe, l’Union européenne et les mécanismes de l’ONU relatifs aux droits de l’homme, pour empêcher toute forme de violence à l’égard des femmes et protéger celles-ci contre cette violence. L’État partie devrait:

a) Prendre toutes les mesures nécessaires pour encourager les femmes à exercer leur droit de porter plainte en cas de violence dans la famille et faciliter cette démarche, y compris par la construction de refuges et leur dotation en personnel, la création de permanences téléphoniques et autres mesures de protection;

b) Veiller à ce que des enquêtes rapides et efficaces soit menées sur toutes les allégations de crime d’honneur et de violence à l’égard des femmes, et à ce que les auteurs de tels actes soient traduits en justice et condamnés à des peines adaptées à la nature de l’acte commis;

c) Veiller à ce que soient proposées aux victimes des mesures de réparation et d’indemnisation appropriées, ainsi que des moyens de se réadapter;

d) Adopter un système global de collecte de données et de statistiques sur les violences à l’égard des femmes, notamment la violence dans la famille et les crimes d’honneur, ventilées par âge, origine ethnique, appartenance à une minorité et zone géographique.

Enfants en détention

21)Tout en accueillant avec satisfaction la modification apportée en 2010 à la loi sur la lutte contre le terrorisme qui interdit d’intenter des procès pour terrorisme à des mineurs qui ont participé à des réunions et à des manifestations illégales ou distribué des tracts en faveur d’organisations illégales, et réduit les peines auxquelles peuvent être condamnées les personnes accusées d’infractions liées au terrorisme, le Comité est préoccupé par les informations selon lesquelles des enfants continuent d’être détenus dans des locaux non enregistrés de détention provisoire pour adultes, suite à leur arrestation au cours de manifestations, notamment dans les locaux de la section antiterrorisme de la Direction de la sécurité, plutôt que dans la section réservée aux enfants. En outre, le Comité est préoccupé par les informations faisant état de mauvais traitements infligés à des enfants placés dans des lieux de détention officieux, et par le fait que des interrogatoires ont été menés sans aide juridictionnelle ou sans qu’un adulte ou un tuteur légal soit présent. Tout en prenant note de l’indication fournie par le représentant de l’État partie selon laquelle la plupart des condamnations n’excèdent pas deux ans d’emprisonnement, le Comité est préoccupé par les informations selon lesquelles les enfants continueraient d’être condamnés à de longues périodes d’emprisonnement (art. 16).

L’État partie devrait élaborer et mettre en œuvre un système complet de mesures de substitution qui garantirait que les enfants ne seraient privés de liberté qu’en dernier ressort, pour la période la plus courte possible et dans des conditions appropriées. L’État partie devrait veiller à ce que la détention d’enfants fasse régulièrement l’objet de contrôles, pour s’assurer qu’aucun enfant n’est soumis à une forme quelconque de mauvais traitement s durant sa détention, et n’est détenu dans des lieux de détention non enregistrés. En outre, l’État partie devrait renforcer la sensibilisation des magistrats des tribunaux pour mineurs aux normes internationales relatives aux droits de l’homme concernant la justice pour mineurs et l’application de ces normes par lesdits tribunaux, et accroître le nombre de ces juridictions. De plus, le Comité engage l’État partie à songer à relever l’âge de la responsabilité pénale, fixé actuellement à 12 ans, de manière à se conformer aux normes internationales.

Châtiments corporels

22)Tout en notant la modification apportée au Code civil en 2002, qui a supprimé le droit de correction qui était reconnu aux parents, le Comité est préoccupé par l’absence, en droit interne, d’une interdiction expresse des châtiments corporels au foyer et dans les établissements de protection de remplacement, et par les informations selon lesquelles les châtiments corporels, auxquels les parents ont largement recours, sont considérés comme ayant encore une valeur éducative à l’école (art. 16).

L ’ État partie devrait s ’ employer à ce qu ’ aucun doute ne subsiste au sujet de l ’ interdiction par la loi des châtiment s corporel s à l ’ école et dans les établissements pénitentiaires et l ’ interdire en priorité au foyer, dans les établissements de protection de remplacement et, le cas échéant, dans les écoles et les établissements pénitentiaires.

Traitement des personnes nécessitant des soins psychiatriques

23)Le Comité prend note avec préoccupation du fait que le rapport de l’État partie ne comporte pas d’informations au sujet des conditions dans les centres de réadaptation, en ce qui concerne les délinquants nécessitant des soins psychiatriques. Tout en prenant note des renseignements fournis par le représentant de l’État partie au sujet de cinq centres de réadaptation pour détenus ayant des troubles psychiatriques en place dans des établissements pénitentiaires, le Comité est préoccupé par l’absence d’informations sur la situation dans ces établissements, notamment en ce qui concerne l’exercice intégral et effectif des garanties fondamentales accordées aux détenus. Il est également préoccupé par l’absence d’informations sur la situation générale, les garanties juridiques et la protection contre les mauvais traitements des personnes se trouvant dans les établissements et hôpitaux psychiatriques, et note avec inquiétude que le traitement électroconvulsif est fréquemment administré dans les hôpitaux et les cliniques psychiatriques, selon le rapport de l’État partie (par. 306). De plus, le Comité regrette le manque d’informations sur l’accès de mécanismes de suivi indépendants à ces établissements (art. 16).

L’État partie devrait procéder à un examen sérieux du recours au traitement électroconvulsif (ECT) et mettre fin à tout autre type de traitement pouvant être assimilé à des actes interdits par la Convention, sur toutes les personnes ayant besoin de soins psychiatriques. L’État partie devrait veiller, en droit et dans la pratique, au respect des garanties juridiques fondamentales de toutes les personnes ayant besoin de soins psychiatriques, qu’elles se trouvent dans des cliniques ou hôpitaux psychiatriques ou dans des établissements pénitentiaires. L’État partie devrait aussi permettre à des mécanismes de suivi indépendants de se rendre dans les établissements et hôpitaux psychiatriques afin d’empêcher toute forme de mauvais traitement s .

Délai de prescription

24)Le Comité prend note de l’allongement, dans le nouveau Code pénal de 2005, du délai de prescription pour le crime de torture, qui est porté de quinze ans à quarante ans lorsque les actes de torture entraînent la mort. Il juge néanmoins préoccupant le maintien par l’État partie d’un délai de prescription pour le crime de torture (art. 2, 12 et 13).

L’État partie devrait modifier son Code pénal de manière à prévoir l’imprescriptibilité des actes de torture.

Formation

25)Tout en se félicitant des informations fournies par les représentants de l’État partie selon lesquelles la formation dispensée aux agents de la force publique et de la gendarmerie porte notamment sur le Protocole d’Istanbul, le Comité regrette l’absence d’informations indiquant si les inspecteurs publics des prisons et autres lieux de détention reçoivent cette formation et en quoi elle consiste. En outre, le Comité regrette l’absence d’informations sur toute formation que recevraient les membres des gardes de village ou les agents de l’immigration en ce qui concerne l’interdiction absolue de la torture (art. 10).

L’État partie devrait développer et renforcer les programmes éducatifs en cours pour faire en sorte que tous les fonctionnaires, notamment les juges et les procureurs, les inspecteurs publics des lieux de détention, les membres des forces de l’ordre, les agents de sécurité, les gardes de village, les agents pénitentiaires et les fonctionnaires de l’immigration aient pleinement connaissance des dispositions de la Convention et de l’interdiction a bsolue de la torture, et sach ent qu’ils seront tenus responsables de toute violation de la Convention.

26)Le Comité invite l’État partie à ratifier le Protocole facultatif se rapportant à la Convention et les principaux instruments de l’ONU relatifs aux droits de l’homme auxquels il n’est pas encore partie, ainsi que le Statut de Rome de la Cour pénale internationale, la Convention relative au statut des apatrides et la Convention sur la réduction des cas d’apatridie.

27)L’État partie est invité à diffuser largement le rapport présenté au Comité, les comptes rendus de séance et les observations finales du Comité, dans toutes les langues voulues, par le biais des sites Web officiels, des médias et des organisations non gouvernementales.

28)Le Comité demande à l’État partie de lui faire parvenir, dans un délai d’un an, des renseignements sur la suite qu’il aura donnée aux recommandations figurant aux paragraphes 7, 8, 9 et 11 du présent document.

29)Le Comité invite l’État partie à soumettre son prochain rapport périodique conformément à ses directives concernant l’établissement des rapports, et à respecter la limite de 40 pages fixée pour le document se rapportant spécifiquement à la Convention. Le Comité invite également l’État partie à soumettre un document de base commun actualisé en suivant les directives harmonisées pour l’établissement des rapports adoptées par les organes créés en vertu d’instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme (HRI/GEN.2/Rev.6), et à respecter la limite de 80 pages en ce qui concerne le document de base commun.

30)L’État partie est invité à soumettre son prochain rapport périodique, qui sera le quatrième, d’ici au 19 novembre 2014.

54. Finlande

1)Le Comité contre la torture a examiné les cinquième et sixième rapports périodiques de la Finlande soumis en un seul document (CAT/C/FIN/5-6) à ses 996e et 999e séances, les 18 et 19 mai 2011 (CAT/C/SR.996 et SR.999), et a adopté les observations finales ci-après à ses 1011e et 1012e séances, les 27 et 30 mai 2011 (CAT/C/SR.1011 et SR.1012).

A.Introduction

2)Le Comité accueille avec satisfaction les cinquième et sixième rapports périodiques de la Finlande soumis en un seul document, qui lui sont parvenus dans les délais impartis et ont été élaborés conformément à la nouvelle procédure facultative d’établissement des rapports consistant, pour l’État partie, à répondre à une liste préalable de points à traiter (CAT/C/FIN/Q/5-6). Le Comité remercie l’État partie d’avoir accepté d’établir son rapport conformément à la nouvelle procédure, qui facilite la coopération. Il est sensible au fait que les réponses à la liste de points aient été soumises dans les délais impartis.

3)Le Comité a également apprécié le dialogue ouvert et constructif qu’il a eu avec la délégation de l’État partie, de haut niveau et multisectorielle, ainsi que les renseignements et les explications complémentaires donnés par la délégation. Il remercie la délégation de ses réponses claires, directes et détaillées aux questions posées par les membres.

B.Aspects positifs

4)Le Comité note avec satisfaction que depuis l’examen de son quatrième rapport périodique, l’État partie a adhéré aux instruments internationaux ci-après:

a)Protocole additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants (Protocole de Palerme);

b)Protocole contre le trafic illicite de migrants par terre, air et mer, additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée.

5)Le Comité accueille avec satisfaction les efforts engagés par l’État partie pour procéder à une révision de sa législation de façon à donner effet à ses recommandations et à renforcer l’application de la Convention, notamment:

a)La modification du Code pénal, entrée en vigueur le 1er janvier 2010, qui prévoit l’incrimination de la torture et établit l’interdiction absolue de la torture en toutes circonstances, conformément aux recommandations du Comité tendant à ce que le Code pénal soit mis en conformité avec les articles 1er et 4 de la Convention;

b)La modification, adoptée le 20 mai 2011, de la loi sur l’Ombudsman parlementaire (no 197/2002), qui entrera en vigueur le 1er janvier 2012 et porte création du Centre des droits de l’homme en tant qu’institution nationale des droits de l’homme conforme aux Principes concernant le statut des institutions nationales pour la protection et la promotion des droits de l’homme (Principes de Paris);

c)L’adoption de la loi sur les enquêtes préliminaires, de la loi relative aux mesures coercitives et de la loi sur la police, en 2011;

d)L’adoption par le Parlement en mars 2011 d’une réforme législative qui prévoit que les personnes identifiées dans la loi relative à la protection de l’enfance sont tenues de signaler à la police les cas de soupçon d’atteintes sexuelles;

e)Les modifications apportées à la loi relative aux étrangers (no 301/2004), entrées en vigueur le 1er avril 2011;

f)L’entrée en vigueur de la nouvelle loi relative à l’incarcération (no 767/2005), la loi relative à la détention provisoire (no 768/2005) et la loi relative au traitement des personnes placées en garde à vue (no 841/2006);

g)Les modifications apportées à la loi portant institution de l’Ombudsman pour les minorités et du Conseil contre la discrimination, entrées en vigueur le 1er janvier 2009, et qui prévoient que l’Ombudsman pour les minorités fait fonction de rapporteur national concernant la traite des êtres humains;

h)Les modifications au Code pénal qui, depuis début 2011, rendent passibles de poursuites les voies de fait sans gravité lorsqu’elles visent un mineur ou un proche de l’auteur de l’infraction, y compris l’époux ou le partenaire enregistré civilement;

i)La réduction du nombre de prisonniers constatée depuis l’introduction, en 2006, de la possibilité d’obtenir une libération conditionnelle, exécutée sous surveillance, prévue dans la loi relative à l’incarcération.

6)Le Comité accueille aussi avec satisfaction les initiatives de l’État partie visant à modifier ses politiques, programmes et mesures administratives de façon à garantir une plus grande protection des droits de l’homme et à donner effet à la Convention, notamment:

a)La fusion, au début de 2010, de l’Office des sanctions pénales, du Service pénitentiaire et du Service de la probation en un seul organisme appelé Office des sanctions pénales, qui a entrepris d’établir pour la fin de 2012 une enquête pilote sur les détenus et les personnels pénitentiaires;

b)La révision du plan national d’action contre la traite des êtres humains et l’adoption, le 11 juin 2010, du programme de prévention de la violence à l’égard des femmes assorti de 60 mesures;

c)Le fait que l’État partie continue de contribuer régulièrement depuis 1984 au Fonds de contributions volontaires des Nations Unies pour les victimes de la torture.

C.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Délai de prescription pour les faits de torture

7)Le Comité relève avec préoccupation que le Code pénal prévoit un délai de prescription pour les faits de torture (art. 4).

Le Comité recommande à l ’ État partie de veiller à ce que les actes de torture ne soient pas prescriptibles.

Garanties juridiques fondamentales

8)Le Comité note avec préoccupation que les garanties juridiques fondamentales, comme la consultation d’un avocat, de préférence de leur choix, la notification d’un proche, même en cas d’une garde à vue de courte durée et le droit d’être examiné par un médecin indépendant, de préférence de leur choix, sur le lieu de la détention, ne sont pas toujours assurées dans le cas des personnes privées de liberté, en particulier de celles qui ont commis des «infractions mineures», y compris les mineurs, dès le début de la détention (art. 2 et 16).

Le Comité recommande à l ’ État partie de faire en sorte que toutes les personnes privées de liberté bénéficient dès le début de la détention des garanties juridiques fondamentales comme l ’ accès à un avocat, de préférence de leur choix, la possibilité d ’ informer leurs proches de leur situation, et la possibilité d ’ être examinées par un médecin indépendant, de préférence de leur choix.

9)Le Comité est préoccupé par le fait que les interrogatoires de personnes arrêtées et placées en détention et les enquêtes préliminaires ne donnent pas systématiquement lieu à un enregistrement audio ou vidéo (art. 2 et 16).

Le Comité recommande à l ’ État partie de dégager les ressources financières nécessaires pour équiper d ’ un matériel d ’ enregistrement audio et vidéo tous les locaux où des personnes sont interrogées et où ont lieu les enquêtes préliminaires, et en particulier les postes de police.

Non-refoulement

10)Le Comité note avec préoccupation que les garanties légales prévues et les délais prescrits par la loi ne sont pas toujours respectés dans le cas de tous les demandeurs d’asile, en particulier quand la procédure «accélérée» est appliquée, et des étrangers en attente d’expulsion, par exemple le droit de faire recours, avec effet suspensif, auprès du Tribunal administratif d’Helsinki et auprès de la Cour administrative suprême. Le Comité n’a pas reçu d’informations précisant si les opérations d’expulsion font l’objet d’un contrôle par un organe indépendant (art. 3).

Le Comité recommande à l ’ État partie de veiller à garantir un droit de recours avec effet suspensif dans le pays et à assurer le respect de toutes les garanties et mesures provisoires dans les procédures d ’ asile et d ’ expulsion en attendant l ’ issue des recours auprès du Tribunal administratif d ’ Helsinki et de la Cour administrative suprême. Le Comité souhaiterait des renseignements indiquant si les opérations d ’ expulsion font l ’ objet d ’ un contrôle par un organe indépendant.

Hospitalisation et traitement sans consentement en établissement psychiatrique

11)Le Comité note avec préoccupation que les dispositions de la loi relative à la santé mentale régissant l’hospitalisation et le traitement sans consentement en établissement psychiatrique n’ont pas été modifiées. Il est également préoccupé par le fait que l’avis d’un expert psychiatre indépendant n’est pas prévu dans la procédure d’hospitalisation sans consentement et qu’une hospitalisation sans consentement peut être décidée sur la déclaration d’un seul médecin, qui est souvent un généraliste. Le Comité note en outre avec préoccupation que le réexamen de la mesure d’hospitalisation sans consentement par une autorité judiciaire n’est souvent pas prévu. Il est également préoccupé par le fait que le consentement des patients n’est pas demandé pour appliquer la thérapie électroconvulsive et qu’il n’existe pas de registre où est consignée spécifiquement l’utilisation de cette thérapie (art. 2, 12, 13 et 16).

Le Comité recommande à l ’ État partie de modifier la loi relative à la santé mentale et d ’ adopter une législation spécifique claire pour abroger les dispositions qui régissent actuellement l ’ hospitalisation et le traitement sans consentement en établissement psychiatrique et promulguer un texte spécifique clair qui énonce des garanties juridiques fondamentales, notamment qui exige l ’ avis d ’ un expert psychiatre indépendant aux fins de toute procédure d ’ hospitalisation sans consentement et de réexamen de la décision, et qui prévoie une procédure efficace et rapide pour le réexamen de la mesure d ’ hospitalisation par une autorité judiciaire, moyennant un dispositif de plainte. L ’ État partie devrait veiller à ce que les soins et les services de santé mentale assurés à toutes les personnes privées de liberté, y compris dans les prisons, les hôpitaux psychiatriques et les institutions sociales, reposent sur le consentement libre et éclairé de l ’ intéressé. L ’ État partie devrait veiller à ce que l ’ utilisation de la thérapie électroconvulsive sur des patients privés de liberté repose sur le consentement libre et éclairé des intéressés. Le Comité recommande également la mise en place d ’ un organe indépendant chargé de surveiller les pratiques des hôpitaux et des lieux de détention, qui serait aussi habilité à recevoir des plaintes.

Violence à l’égard des femmes

12)Le Comité prend note avec satisfaction de la réponse des représentants de l’État partie, qui ont reconnu la diligence à laquelle étaient tenus les États parties dans leur application de la Convention, en particulier pour ce qui est de leur obligation de prévenir les actes de violence à l’égard des femmes, d’enquêter sur ces actes et de punir les auteurs, ainsi que de prendre des mesures effectives pour combattre ces actes, qu’ils soient le fait de l’État, de particuliers, ou de groupes armés, mais il recommande à l’État partie de redoubler d’efforts pour prévenir toutes les formes de violence à l’égard des femmes et y mettre un terme (art. 2, 4 et 16).

Le Comité engage en particulier l ’ État partie à donner des renseignements sur la place accordée à l ’ interdiction de la torture prescrite par la Convention dans la formation dispensée aux membres des forces de l ’ ordre et aux autres fonctionnaires qui interviennent dans la lutte contre les violences faites aux femmes, notamment la violence au foyer et la traite. Le Comité souhaiterait recevoir des renseignements sur les condamnations prononcées à l ’ encontre des personnes reconnues coupables de viol afin de voir si les peines sont à la mesure de la gravité de l ’ infraction. Il recommande également à l ’ État partie d ’ adopter un texte législatif en vue d ’ augmenter le nombre de refuges pour les victimes de violence, y compris pour les victimes de traite, et de doter ces foyers d ’ un financement et d ’ un personnel spécialisé suffisants.

Formation

13)Le Comité est préoccupé par le fait que toute la formation de la police est surveillée, évaluée et agréée par le Conseil national de la police. Il relève également avec préoccupation que le personnel médical qui est en contact avec des personnes privées de liberté, des demandeurs d’asile et d’autres étrangers ne reçoit pas systématiquement une formation permettant de connaître les dispositions du Manuel pour enquêter efficacement sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (Protocole d’Istanbul) (art. 10).

Le Comité recommande à l ’ État partie de faire en sorte que toute la formation des agents de la fonction publique soit évaluée par un organe qualifié indépendant, tel que celui dont la création est prévue, qui sera rattaché au Ministère de l ’ éducation et de la culture et commencera ses travaux en 2011. Il recommande également qu ’ une formation concernant les dispositions du Manuel pour enquêter efficacement sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (Protocole d ’ Istanbul) soit introduite dans le programme de formation de base du personnel médical.

Conditions de détention

14)Le Comité relève avec préoccupation qu’il arrive encore que des prisons et centres de détention connaissent une surpopulation. Il note que les prisonniers ont accès aux toilettes à toute heure de la journée mais il est préoccupé par les informations données par l’État partie, qui a indiqué que 222 cellules, dans trois établissements pénitentiaires, n’avaient toujours pas d’équipement sanitaire approprié, dont des toilettes, et que la pratique du vidage des tinettes existait toujours, situation qui devrait disparaître complètement en 2015 seulement (art. 11 et 16).

Le Comité recommande à l ’ État partie de remédier à la surpopulation, notamment en transférant des prisonniers pour les répartir dans d ’ autres établissements, en accélérant les procédures judiciaires et en appliquant davantage le système de liberté conditionnelle sous surveillance, introduit en 2006. Le Comité engage instamment l ’ État partie à accélérer la rénovation des prisons de Mikkeli et de Kuopio ainsi que des prisons d ’ Helsinki et de Hameenlinna et en outre d ’ installer dès que possible des équipements sanitaires dans tous les lieux de détention.

15)Le Comité note avec préoccupation que si le nombre total de prisonniers a baissé, le nombre de détenus avant jugement et de femmes et d’étrangers en détention a augmenté. Il demeure préoccupé par la situation des détenus en attente de jugement et le placement à titre préventif d’étrangers dans les locaux de détention gérés par la police et les gardes frontière, ainsi que par la durée de la détention avant jugement. Le Comité note également avec préoccupation qu’environ 10 % des détenus roms sont placés dans des quartiers fermés. Il est en outre préoccupé par la lenteur signalée de l’administration de la justice dans l’État partie et s’interroge sur la représentation des minorités ethniques dans l’appareil judiciaire (art. 11 et 16).

Le Comité recommande à l ’ État partie de limiter le plus possible la durée de la détention avant jugement et de la détention à titre préventif des étrangers, en particulier dans les locaux de détention gérés par la police et les gardes frontière , et de donner effet aux recommandations formulées en novembre 2010 par le groupe de travail institué par le Ministère de la justice , tendant à introduire une modification législative qui permettrait que les détenus en attente de jugement dans les postes de police soient transférés à un établissement pénitentiaire ordinaire plus rapidement qu ’actuellement. Il  recommande de faire en sorte que l ’ Ombudsman parlementaire surveille les conditions de détention des prisonniers roms, notamment le respect de l ’ égalité ethnique, et veille à ce que le personnel pénitentiaire intervienne chaque fois que des actes de discrimination visant des Roms sont portés à sa connaissance. Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ introduire un texte législatif visant à limiter la détention avant jugement et à accélérer les procédures civiles et pénales en cours. Le Comité souhaiterait recevoir des statistiques montrant le nombre de personnes appartenant à des minorités ethniques dans l ’ appareil judiciaire.

Surveillance des lieux de privation de liberté

16)Le Comité note avec préoccupation que l’Ombudsman parlementaire adjoint chargé des questions pénitentiaires n’a pas pu réaliser fréquemment des visites inopinées des lieux de privation de liberté en raison de sa lourde charge de travail et du traitement des plaintes (art. 11).

Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ allouer des ressources humaines et financières suffisantes à l ’ Ombudsman parlementaire de façon à permettre la réalisation fréquente de visites inopinées des lieux de privation de liberté relevant de son mandat. À cet égard, le Comité note avec satisfaction que l ’ État partie a signé le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines et traitements cruels, inhumains ou dégradants, et lui recommande d ’ achever le processus de ratification dans les meilleurs délais, de façon à ce que l ’ Ombudsman parlementaire puisse exercer les fonctions de mécanisme national de prévention.

Détention et mauvais traitements des demandeurs d’asile, immigrants en situation irrégulière et autres étrangers

17)Le Comité prend note avec préoccupation des renseignements qu’il a reçus signalant que la détention administrative est fréquemment utilisée à l’égard des demandeurs d’asile, des immigrants en situation irrégulière, des mineurs non accompagnés ou séparés de leurs parents, des femmes avec enfants et d’autres personnes vulnérables, notamment celles qui ont des besoins spéciaux, ainsi que par le nombre de personnes ainsi placées en détention, la fréquence de la détention et sa durée. De plus, il note avec préoccupation que la loi relative aux étrangers permet le placement en détention à titre préventif, non pas pour une infraction déjà commise mais dans le cas où la personne est soupçonnée d’avoir peut-être commis une infraction (art. 11 et 16).

Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ envisager des solutions autres que la détention fréquente de demandeurs d ’ asile et d ’ immigrants en situation irrégulière, notamment de mineurs et d ’ autres personnes vulnérables, et de mettre en place un dispositif permettant d ’ examiner les cas de détention de ces personnes. Il recommande à l ’ État partie d ’ envisager d ’ appliquer davantage les mesures non privatives de liberté, de n’utiliser la détention qu ’ en dernier recours et de veiller à ce que les enfants non accompagnés ne soient pas placés en détention administrative. Le Comité demande à l ’ État partie de veiller à ce que l ’ Ensemble de principes pour la protection de toutes les personnes soumises à une forme quelconque de détention ou d ’ emprisonnement soit appliqué aux demandeurs d ’ asile en détention administrative. De plus, il souhaiterait des renseignements montrant le nombre de demandeurs d ’ asile et d ’ immigrants en situation irrégulière qui se trouvent en détention, la fréquence avec laquelle ils sont détenus et la durée moyenne de la détention.

18)Le Comité est préoccupé par les conditions de détention des demandeurs d’asile et des immigrants en situation irrégulière dans le centre de détention pour étrangers de Metsälä, la durée de la détention et l’absence de garanties juridiques concernant cette durée. Il note également avec préoccupation que ces personnes sont retenues non seulement dans le centre de détention de Metsälä, dont la capacité d’accueil est faible, mais aussi dans des locaux de détention gérés par la police et les gardes frontière, qui ne sont pas appropriés pour retenir des individus en vertu de la loi relative aux étrangers. Le Comité note avec préoccupation que les hommes et les femmes sont retenus ensemble dans ces locaux, que les enfants sont retenus avec des adultes lorsque des familles avec enfants sont placées dans des lieux de rétention pour migrants et qu’en 2010 un total de 54 enfants étaient détenus en vertu de la loi relative aux étrangers (art. 2 et 11).

Le Comité recommande à l ’ État partie de prendre des mesures pour accroître la capacité du centre de détention de Metsälä ou pour créer un nouveau centre de détention pour étrangers. Il lui recommande également de revoir toute la question de la détention − y compris la durée − des demandeurs d ’ asile, immigrants en situation irrégulière et autres étrangers dans le centre de Metsälä ainsi que dans les locaux de détention gérés par la police et les gardes frontière, de leur assurer l ’ application des garanties juridiques fondamentales, de mettre en place un dispositif de plaintes concernant les conditions de détention et d ’ utiliser des mesures non privatives de liberté.

19)Le Comité est également préoccupé par les allégations faisant état d’une augmentation des mauvais traitements physiques et psychologiques subis par des demandeurs d’asile et des immigrants en situation irrégulière, en particulier par la dureté injustifiée du traitement que la police et d’autres membres des forces de l’ordre leur appliquent (art. 10, 11 et 16).

Le Comité recommande à l ’ État partie de veiller à ce que la formation spécialisée et les instructions internes à l ’ intention de la police, des gardes frontière et des autres membres des forces de l ’ ordre leur fassent prendre conscience de leurs obligations en vertu du droit des droits de l ’ homme et du droit des réfugiés, afin qu ’ ils puissent traiter les demandeurs d ’ asile d ’ une façon plus humaine et en tenant compte des différences culturelles, à ce que les cas de mauvais traitements donnent lieu à des enquêtes et à ce que les responsables soient poursuivis et condamnés.

Réparation, y compris indemnisation et moyens de réadaptation

20)Le Comité note avec préoccupation que, bien que le droit à indemnisation soit prévu par la loi relative à l’indemnisation par l’État des personnes innocentes privées injustement de leur liberté et que l’Ombudsman parlementaire accorde parfois une indemnisation limitée pour les préjudices non pécuniaires résultant d’actes de torture ou de mauvais traitements, la législation de l’État partie ne comporte pas d’obligation générale imposant aux autorités d’indemniser une personne dont les droits ont été violés (art. 14).

Le Comité recommande à l’État partie de prendre toutes les mesures nécessaires pour se conformer pleinement aux dispositions de l’article 14 de la Convention, qui prévoient que l’État partie garantit, dans son système juridique, à la victime d’un acte de torture, le droit d’obtenir réparation et d’être indemnisée équitablement et de manière adéquate, y compris les moyens nécessaires à sa réadaptation la plus complète possible, qu’en cas de mort de la victime résultant d’un acte de torture, les ayants cause de celle-ci ont droit à une indemnisation, et que rien n’exclut le droit à indemnisation qu’aurait la victime ou toute autre personne en vertu des lois nationales. En outre, le Comité accueille avec satisfaction l’existence dans l’État partie de deux services de réadaptation pour les survivants de la torture, mais il recommande à l’État partie de faire en sorte que toutes les victimes d’actes de tor ture ou de mauvais traitements puissent bénéficier d’une réadaptation complète en toutes circonstances.

Irrecevabilité des preuves

21)Bien que n’ayant reçu aucune information montrant que des preuves obtenues par la torture ont été utilisées, le Comité relève avec préoccupation que la loi pénale de l’État partie ne contient aucune disposition interdisant expressément l’utilisation de déclarations obtenues par la torture, comme l’exige l’article 15 de la Convention. Il note aussi avec préoccupation que le parquet n’a rendu publiques aucunes instructions ou directives tendant à interdire de retenir comme preuve une déclaration obtenue par la torture (art. 15).

Le Comité recommande à l ’ État partie de promulguer un texte législatif interdisant expressément l ’ utilisation de déclarations obtenues par la torture comme élément de preuve, conformément à l ’ article 15 de la Convention.

Mauvais traitements

22)Le Comité note avec préoccupation que, selon l’Ombudsman parlementaire adjoint, des personnes qui avaient été appréhendées par la police pour avoir participé à une manifestation ont été attachées à leurs sièges dans le bus qui les conduisait au poste, liées les unes aux autres, sans pouvoir aller aux toilettes, en violation de la décision no 1836/2/07 du Ministère de l’intérieur en date du 28 novembre 2007 (recueil 2007, p. 41 à 44) (art. 16).

Le Comité prend note des mesures prises par l ’ État partie pour remédier à la situation et empêcher que des incidents de ce type se reproduisent à l ’ avenir, que la délégation a exposées pendant le dialogue, mais il recommande à l ’ État partie de rendre publiques des directives claires que la police devra suivre quand elle procède à des arrestations et quand elle a affaire à des personnes privées de liberté, de façon à prévenir tout mauvais traitement, comme il est énoncé dans le Code de conduite pour les responsables de l ’ application des lois.

Information et données statistiques

23)Le Comité prend note des renseignements qu’il a reçus au sujet des critères sur lesquels l’Ombudsman parlementaire se fonde pour établir les statistiques mais il recommande à l’État partie de lui faire parvenir des données ventilées par âge, sexe et origine ethnique concernant les plaintes, les enquêtes, les poursuites et les condamnations dans les cas, s’il y en a eu, de torture et de mauvais traitements imputés aux membres des forces de l’ordre et de sécurité, aux personnels militaires et pénitentiaires, ainsi qu’aux personnes qui ne sont pas des agents de la fonction publique. Il souhaiterait également recevoir des données ventilées sur la traite des êtres humains, la prostitution clandestine forcée et l’exploitation des femmes immigrées, la violence à l’égard des femmes, y compris la violence au foyer et la violence sexuelle, et les moyens de réparation, y compris d’indemnisation et de réadaptation, assurés aux victimes.

24)Le Comité note avec satisfaction que l’État partie s’est engagé à incorporer les recommandations formulées dans le cadre de l’Examen périodique universel au rapport complet sur la politique en matière de droits de l’homme de son gouvernement mais il souhaiterait recevoir des renseignements sur les mesures prises pour prévenir la violence à l’égard des femmes, rassembler des données sur la violence à l’égard des enfants, accorder dans la législation nationale et les activités de formation antidiscrimination une place aussi importante à l’orientation sexuelle et au handicap qu’aux autres motifs de discrimination, par exemple dans des domaines tels que les services et les soins de santé, et envisager d’appliquer les principes de Yogyakarta sur l’application du droit international des droits de l’homme en ce qui concerne l’orientation sexuelle et l’identité de genre pour guider l’élaboration des politiques.

25)Le Comité souhaiterait également des renseignements sur l’application de la Convention dans les territoires où des forces armées de l’État partie sont déployées, notamment dans le cadre de missions des Nations Unies.

26)Le Comité invite l’État partie à ratifier les principaux instruments des Nations Unies relatifs aux droits de l’homme auxquels il n’est pas encore partie: la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, la Convention relative aux droits des personnes handicapées et son Protocole facultatif, et la Convention pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées.

27)Le Comité invite l’État partie à présenter son prochain rapport périodique en respectant la limite de 40 pages fixée pour le document spécifique à la Convention. Il l’invite également à soumettre son document de base commun mis à jour (HRI/CORE/1/Add.59/Rev.2) conformément aux instructions relatives au document de base qui figurent dans les directives harmonisées pour l’établissement des rapports à présenter en vertu des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme (HRI/GEN.2/Rev.6) approuvées par la Réunion intercomités des organes créés en vertu d’instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, et à respecter la limite de 80 pages fixée pour le document de base commun. Le document spécifique à la Convention et le document de base commun constituent conjointement les documents que l’État partie est tenu de soumettre pour s’acquitter de son obligation de faire rapport en vertu de la Convention.

28)Le Comité demande à l’État partie de lui faire parvenir, dans un délai d’un an, des renseignements sur la suite donnée aux recommandations figurant aux paragraphes 8, 15, 17 et 20.

29)Le Comité recommande à l’État partie de diffuser largement le rapport qu’il lui a soumis et les présentes observations finales, dans toutes les langues officielles, par le biais des sites Web officiels, des médias et des organisations non gouvernementales.

30)L’État partie est invité à soumettre son prochain rapport périodique, qui sera le septième, le 3 juin 2015 au plus tard.

55. Ghana

1)Le Comité contre la torture a examiné le rapport initial du Ghana (CAT/C/GHA/1) à ses 992e et 995e séances (CAT/C/SR.992 et 995), les 16 et 17 mai 2011, et a adopté à sa 1011e séance (CAT/C/SR. 1011) les observations finales ci-après.

A.Introduction

2)Le Comité accueille avec satisfaction la soumission du rapport initial du Ghana. Il regrette néanmoins que les Directives générales concernant la forme et le contenu des rapports initiaux (CAT/C/4/Rev.3) n’aient dans l’ensemble pas été suivies et que le rapport ait été présenté avec près de huit ans de retard, ce qui a empêché le Comité de procéder à une analyse de la mise en œuvre de la Convention dans l’État partie depuis la ratification, en 2000. Le Comité regrette aussi l’absence, dans le rapport, de données statistiques et de renseignements concrets sur la mise en œuvre des dispositions de la Convention.

3)Le Comité apprécie le dialogue franc et ouvert qu’il a eu avec la délégation de l’État partie, ainsi que les renseignements complémentaires qui ont été apportés pendant l’examen du rapport.

B.Aspects positifs

4)Le Comité salue les efforts entrepris et les progrès réalisés par l’État partie depuis le rétablissement de la démocratie, en janvier 1993.

5)Le Comité note avec satisfaction que depuis l’entrée en vigueur de la Convention pour l’État partie, en 2000, le Ghana a ratifié les instruments internationaux et régionaux ci‑après ou y a adhéré:

a)Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, en 2000;

b)Pacte international relatif aux droits civils et politiques et le Protocole facultatif s’y rapportant, reconnaissant la compétence du Comité des droits de l’homme pour examiner les communications émanant de particuliers, en 2000;

c)Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, en 2000;

d)Protocole facultatif à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, en 2011.

6)Le Comité prend note des efforts entrepris par l’État partie pour réformer sa législation afin de mieux protéger les droits de l’homme et relève en particulier:

a)L’adoption en 2003 de la loi relative à la justice pour mineurs (loi no653);

b)L’adoption en 2005 de la loi sur la traite des êtres humains (loi no 694), modifiée en 2009;

c)L’adoption en 2007 de la loi sur la violence dans la famille (loi no 732);

d)L’adoption en 2007 du Code pénal modifié (loi no 741), qui érige en infraction les mutilations génitales féminines.

7)Le Comité note avec satisfaction que le Ghana a fait le 9 février 2011 la déclaration visée au paragraphe 6 de l’article 34 du Protocole relatif à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples portant création d’une Cour africaine des droits de l’homme et des peuples, acceptant la compétence de la Cour pour recevoir et examiner les requêtes des individus et des organisations non gouvernementales, conformément au paragraphe 3 de l’article 5 du Protocole.

8)Le Comité constate avec satisfaction que l’État partie a adressé une invitation permanente aux titulaires de mandat au titre des procédures spéciales du Conseil des droits de l’homme et se félicite de la récente visite du Rapporteur spécial sur le droit qu’a toute personne de jouir du meilleur état de santé physique et mentale possible.

C.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Définition du délit de torture

9)Le Comité note que le paragraphe 2 a) de l’article 15 de la Constitution de 1992 interdit la torture et les peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, mais regrette que la définition du délit de torture donnée à l’article premier de la Convention n’ait pas encore été incorporée au Code pénal. Le Comité note avec intérêt les renseignements apportés par la délégation de l’État partie qui a indiqué que le bureau du Procureur général avait demandé l’approbation du Cabinet en vue de l’incorporation de la Convention dans le droit interne, qui sera ensuite soumise au Parlement pour examen, conformément à l’article 106 de la Constitution (art. 1 et 4).

L ’ État partie devrait prendre les mesures nécessaires pour introduire dans sa législation l ’ infraction de torture et pour adopter une définition de la torture qui couvre tous les éléments figurant à l ’ article premier de la Convention. Il devrait également veiller à ce que ces infractions soient passibles de peines appropriées qui prennent en considération leur gravité, conformément au paragraphe 2 de l ’ article 4 de la Convention.

Garanties juridiques fondamentales

10)Le Comité prend note des mesures adoptées par l’État partie pour garantir la régularité de la procédure, y compris le droit de tous les détenus d’avoir immédiatement accès à un avocat, d’être examinés par un médecin, d’être immédiatement informés de leurs droits dans une langue qu’ils comprennent et d’être déférés devant un juge dans un délai de quarante-huit heures après leur arrestation. Il note également que certains postes de police sont équipés de caméras de télévision en circuit fermé. Il est toutefois préoccupé par les informations selon lesquelles les suspects ne sont pas déférés devant un juge dans les quarante-huit heures qui suivent l’arrestation et d’autres selon lesquelles certains policiers signeraient eux-mêmes les mandats de mise en détention et conduiraient directement les suspects en prison. Le Comité s’inquiète aussi du nombre extrêmement faible d’avocats intervenant au titre de l’aide juridictionnelle qui empêche les justiciables de bénéficier de l’assistance d’un conseil. En outre, le Comité est préoccupé par le contenu des points 10 à 13 de l’Instruction 171 destinée aux services de police, qui prévoit que les examens médicaux se font sous le contrôle des «médecins officiels», lesquels doivent assister aux examens pratiqués par des médecins indépendants (art. 2, 11 et 12).

L ’ État partie devrait prendre des mesures efficaces pour que les garanties juridiques fondamentales visant à protéger les personnes arrêtées par la police soient respectées, notamment le droit d ’ être rapidement informées des raisons de leur arrestation et des accusations portées contre elles, le droit de comparaître devant un juge dans les délais prévus par la loi et le droit d ’ être examinées par un médecin indépendant ou par le médecin de leur choix.

L ’ État partie devrait aussi:

a) Garantir à tous les détenus la possibilité de contester efficacement et rapidement la légalité de leur détention au moyen de la procédure d ’ habeas corpus ;

b) Procéder systématiquement à l ’ enregistrement audio et vidéo des interrogatoires de tous les suspects;

c) Augmenter le nombre d ’ avocats au titre de l’aide juridictionnelle ;

d) Faire en sorte que toutes les personnes privées de liberté soient rapidement enregistrées et que les registres de détention des postes de police et des établissements pénitentiaires soient régulièrement examinés pour vérifier qu ’ ils sont tenus à jour conformément aux procédures établies par la loi;

e) Garantir le caractère confidentiel des données médicales. L ’ examen médical des personnes en garde à vue devrait se dérouler hors de la présence de fonctionnaires, sauf circonstances exceptionnelles et justifiables.

Interdiction absolue de la torture

11)Le Comité prend note des informations données par l’État partie au sujet des principes constitutionnels qui régissent la déclaration et l’application de l’état d’urgence, mais il est préoccupé par l’absence de dispositions légales précises prévoyant qu’il ne peut pas être dérogé à l’interdiction absolue de la torture en aucune circonstance (art. 2, par. 2).

L ’ État partie devrait inscrire dans la Constitution et d ’ autres lois le principe de l ’ interdiction absolue de la torture en vertu duquel aucune circonstance exceptionnelle ne peut être invoquée pour justifier de tels actes.

Peine capitale

12)Le Comité prend note avec intérêt des renseignements donnés par la délégation qui a indiqué que la peine de mort n’avait pas été prononcée dans l’État partie depuis le régime militaire qui a pris fin en 1993.

Le Comité invite l ’ État partie à envisager la possibilité d ’ abolir la peine de mort ou, tout au moins, de rendre officiel le moratoire de facto qui est appliqué actuellement en la matière. Le Comité encourage vivement l ’ État partie à envisager de ratifier le deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, visant à abolir la peine de mort.

Aveux obtenus par la contrainte

13)Le Comité apprécie les renseignements et les précisions donnés par le représentant de l’État partie au sujet du décret de 1975 sur la preuve (NRCD 323), qui régit l’administration des preuves et qui prévoit que le tribunal ne peut pas considérer comme recevables des preuves obtenues en l’absence «d’un témoin indépendant accepté par l’accusé, autre qu’un policier ou un membre des forces armées». Le Comité est néanmoins préoccupé de voir que le texte ne fait pas expressément mention de la torture. Il s’inquiète également de l’absence de renseignements sur les éventuelles décisions des tribunaux ghanéens tendant à refuser des aveux obtenus par la torture (art. 15).

L ’ État partie devrait veiller à ce que la législation concernant les preuve s produites dans une procédure soit rendue conform e aux dispositions de l ’ article 15 de la Convention , de façon à exclure expressément les preuves obtenues par la torture.

Le Comité demande à l ’ État partie de lui communiquer des renseignements sur l ’ application du décret de 1975 sur la preuve et de lui faire savoir si des fonctionnaires ont été poursuivis et sanctionnés pour avoir obtenu des aveux par la torture.

Institution nationale des droits de l’homme

14)Le Comité note qu’en 2008, dans le cadre de l’Examen périodique universel, le Ghana a accepté de renforcer encore les capacités de la Commission des droits de l’homme et de la justice administrative (CHRAJ) en lui allouant davantage de ressources, financières et autres. Il est néanmoins préoccupé de voir que, d’après les renseignements donnés par la délégation de l’État partie, qui comprenait notamment un représentant de la CHRAJ, la Commission ne reçoit pas de fonds suffisants pour mener à bien son programme.

L ’ État partie devrait renforcer l ’ indépendance de la Commission, notamment en lui allouant un budget de fonctionnement suffisant et en redoublant d ’ efforts pour qu ’ elle soit pleinement conforme aux Principes concernant le statut des institutions nationales pour la protection et la promotion des droits de l ’ homme (Principes de Paris).

Torture et traitements cruels, inhumains ou dégradants envers les détenus(art. 2, 4, 11 et 15)

15)Le Comité est gravement préoccupé par la déclaration de l’État partie, qui reconnaît que la probabilité que des actes de torture soient perpétrés dans les centres de détention est élevée. Le Comité a demandé ce qui allait être fait pour mettre fin à cette pratique, notamment veiller à ce que les personnels pénitentiaires rendent compte de leurs actes et offrir une réparation aux victimes de torture. Le Comité s’inquiète de l’existence de textes législatifs autorisant les coups de canne ou de fouet, mais prend note du fait que de tels cas ne sont pas fréquents.

Le Comité engage l ’ État partie à prendre immédiatement des mesures efficaces pour enquêter sur tous les actes de torture et poursuivre et punir les auteurs, et à veiller à ce que la torture ne soit pas utilisée par le personnel chargé de faire appliquer la loi, notamment en réaffirmant clairement l ’ interdiction absolue de la torture et en condamnant publiquement sa pratique, en particulier par la police et le personnel pénitentiaire, et en faisant clairement savoir que quiconque commettrait de tels actes, en serait complice ou y participerait, serait tenu personnellement responsable devant la loi, et encourrait de s poursuites pénales et des peines appropriées.

Conditions de détention

16)Le Comité prend note des renseignements donnés par l’État partie sur les mesures prises pour tenter de résoudre le problème de la surpopulation carcérale et de la détention provisoire prolongée, en particulier la construction d’un nouvel établissement pénitentiaire à Ankaful et le lancement du programme «Justice pour tous» en 2007. Il s’inquiète toutefois des taux d’occupation élevés constatés dans la majorité des centres de détention, qui sont décrits dans le rapport de l’État partie comme étant «dans un état déplorable» et «inhabitables». En outre, il est particulièrement préoccupé de continuer à recevoir des informations concernant le manque de personnel, les conditions déplorables dans le domaine de la santé et de l’hygiène, l’insuffisance des services de santé et l’insuffisance de la literie et de la nourriture. À ce sujet, le Comité note que les prisonniers n’ont qu’un repas par jour car l’État dépense moins d’un dollar des États-Unis par jour pour leur entretien. Le Comité se déclare aussi préoccupé par les informations faisant état d’un nombre limité de centres de détention provisoire pour les délinquants mineurs et de mauvaises conditions de vie dans ces établissements. Le Comité se félicite de voir que le nombre de décès en prison a nettement baissé (passant de 118 en 2008 à 55 en 2010), mais regrette l’absence d’informations sur les causes des décès. Il regrette aussi l’absence de renseignements sur les conditions de détention des migrants en situation irrégulière (art. 11).

L ’ État partie devrait:

a) Veiller à ce que les conditions de détention dans les prisons du pays soient compatibles avec l ’ Ensemble de règles minima pour le traitement des détenus ;

b) Intensifier ses efforts pour réduire la surpopulation carcérale, notamment en instituant des peines de substitution à la privation de liberté;

c) Continuer de mettre en œuvre des plans visant à améliorer et à développer l ’ infrastructure des prisons et les centres de détention provisoire, notamment ceux pour les délinquants mineurs;

d) Prendre des mesures visant à augmenter le nombre d’agents pénitentiaire s ;

e) Déterminer si les moyens dont disposent les établissements pénitentiaires pour dispenser des soins de santé sont suffisants et veiller à ce que l ’ assistance médicale fournie aux détenus soit d e qualité;

f) Procéder à la révision de toutes les dispositions législatives autorisant les coups de canne ou de fouet en vue d ’ abolir ces pratiques, à titre prioritaire .

L ’ État partie devrait faire figurer dans son prochain rapport périodique des données statistiques sur les décès en détention signalés, ventilées par lieu de détention, sexe, âge, appartenance ethnique et cause du décès.

Établissements psychiatriques

17)Le Comité est préoccupé par les informations relatives au traitement inadéquat et aux mauvaises conditions de vie réservés aux patients atteints de troubles mentaux dans les établissements psychiatriques, en particulier à l’hôpital psychiatrique d’Accra. Il est préoccupé par les informations faisant état d’une surpopulation extrême, d’un manque de personnel qualifié et des mauvaises conditions matérielles et des conditions d’hygiène qui y règnent. Le Comité est aussi profondément préoccupé par la situation des personnes internées par décision de justice, qui auraient été abandonnées pendant des années. À ce sujet, il prend note avec intérêt des déclarations de la délégation de l’État partie qui a mentionné des projets visant à augmenter la capacité des établissements psychiatriques dans le pays et le projet de loi sur la santé mentale en lecture au Parlement, qui devrait prévoir un système de plaintes individuelles. Le Comité est vivement préoccupé d’apprendre que des personnes qui auraient dû quitter l’hôpital depuis longtemps sont toujours internées parce qu’il n’existe pas de moyens d’offrir des soins appropriés à la sortie ou qu’il n’existe pas d’autres structures ni d’établissements sûrs. Le Comité prend note des précisions données par la délégation, selon lesquelles la réinsertion des personnes déclarées aptes à reprendre une vie normale se heurte à un certain nombre de problèmes, parmi lesquels le rejet de la société, mais souligne que cela ne doit en aucun cas empêcher de concevoir d’autres systèmes de soins à la sortie de l’hôpital (art. 16).

L ’ État partie devrait:

a) Améliorer les conditions de vie des patients placés en établissement psychiatrique;

b) Veiller à ce qu’aucun placement en établissement psychiatrique n’ait lieu si ce n’est pas strictement nécessaire, à ce que toute personne qui n ’a pas sa pleine capacité juridique soit placée sous tutelle de façon à permettre qu’elle soit véritablement représentée et que ses souhaits et intérêts soient défendus, et à ce qu ’ il soit procédé à un contrôle judiciaire efficace de la légalité de toute décision de place ment ou de maint ien d’ une personne dans un établissement de soins, dans chaque cas;

c) Veiller à ce que tous les lieux où sont placés des patients atteints de troubles mentaux pour un traitement sans consentement soient visités par des organismes de surveillance indépendants afin que les garanties destinées à protéger les droits des patients soient dûment appliquées;

d) Concevoir d ’ autres formes de traitement, en particulier des traitements en milieu extrahospitalier, permettant notamment d ’ accueillir les personnes qui sortent de l ’ hôpital.

Contrôle et inspection des lieux de privation de liberté

18)Le Comité prend note des informations apportées par l’État partie selon lesquelles le Procureur général et un certain nombre d’organes indépendants effectuent régulièrement des inspections dans les établissements pénitentiaires. Cependant et malgré les explications données par la délégation, il reste préoccupé par le fait que l’organisation non gouvernementale Amnesty International, qui avait demandé à visiter les prisons, en mars 2008, s’est heurtée au refus du Gouvernement ghanéen qui a fait valoir l’«insécurité» (art. 2).

Le Comité invite l ’ État partie à mettre en place un système national indépendant efficace pour contrôler et inspecter tous les lieux de privation de liberté et à donner suite aux conclusions tirées de ce contrôle systématique.

L ’ État partie devrait renforcer sa coopération avec les organisations non gouvernementales qui mènent des activités de contrôle et leur apporter son soutien.

Le Comité recommande à l ’ État partie de fournir des informations détaillées sur le lieu, la date et l ’ heure et la périodicité des visites, y compris sur les visites inopinées, dans les lieux de privation de liberté, sur les constatations et sur les mesures prises suite à ces visites.

Enquêtes rapides, approfondies et impartiales

19)Le Comité est préoccupé par les informations faisant état d’impunité dans les affaires de torture et de mauvais traitements, y compris dans les cas de brutalités policières et d’usage excessif de la force. Il prend note des informations données par l’État partie sur quelques cas qui ont été très médiatisés, mais il demeure préoccupé par le fait que les agents des forces de l’ordre et les personnels militaires responsables d’actes de torture présumés sont rarement poursuivis. Il relève aussi avec préoccupation que l’État partie n’est pas en mesure d’apporter des renseignements sur certains des incidents précis sur lesquels il avait appelé l’attention, et s’inquiète de l’absence de données statistiques sur les allégations de torture et de mauvais traitements et sur les résultats des enquêtes engagées au sujet de ces allégations. Il note que la création d’un service des poursuites indépendant a été proposée (art. 12 et 13).

L ’ État partie devrait prendre des mesures appropriées pour que:

a) Toutes les allégations de torture ou de mauvais traitements fassent sans délai l ’ objet d ’enquêtes approfondies et impartiales, que les auteurs de ces actes soient poursuivis et, s ’ ils sont reconnus coupables , soient condamnés à des peines qui tiennent compte de la gravité de leurs actes, et que les victimes reçoivent une indemnisation suffisante ainsi qu’ une réadaptation complète;

b) Des données claires et fiables soient rassemblées sur les actes de torture et les mauvais traitements infligés à des personnes en garde à vue ou en prison et dans d ’ autres lieux de privation de liberté;

c) Tous les agents des forces de l ’ ordre et les personnels militaires suivent une formation approfondie sur les normes internationales relatives aux droits de l ’ homme, et en particulier celles qui sont énoncées dans la Convention.

Réfugiés et demandeurs d’asile

20)Le Comité constate, au vu d’informations, qu’en raison de la crise qui a suivi les élections en Côte d’Ivoire, plus de 14 178 Ivoiriens (dont 6 036 enfants) ont demandé asile à l’État partie depuis le 16 mai 2011. Parmi les nouveaux arrivés, on compte des personnes qui pourraient avoir pu faire l’objet de menaces directes et de violences du fait de l’affiliation politique qui leur est prêtée. Le Comité s’inquiète tout particulièrement des informations reçues au sujet de la présence soupçonnée de combattants parmi les personnes qui ont fui la Côte d’Ivoire dans des régions d’accueil de réfugiés, présence qui pourrait entraîner de graves problèmes de sécurité pour les réfugiés, les demandeurs d’asile et les communautés et menacer le caractère civil et humanitaire de l’asile. Il apprécie les efforts consentis par l’État partie pour répondre à cet afflux massif et l’encourage à établir les procédures requises pour identifier et séparer les combattants et statuer rapidement sur le statut de réfugié des demandeurs d’asile ivoiriens. Le Comité relève aussi avec préoccupation que 11 000 réfugiés du Libéria vivent au Ghana depuis plus d’une vingtaine d’années et que, selon les informations données par la délégation, l’État partie prévoit soit de les réinstaller soit de les renvoyer dans leur lieu d’origine (art. 3 et 16).

Le Comité demande à l ’ État partie de concevoir ses obligations dans une optique plus active aux niveaux régional et international en vertu du droit international des réfugiés. À cet effet , il devrait:

a) Poursuivre , en coopération avec le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) , ses efforts tendant à continuer d ’ identifier les réfugiés et les demandeurs d ’ asile et d ’ assurer leur protection , conformément au droit international, en respectant en particulier le principe du non- refoulement;

b) Envisager d ’ accorder le statut de réfugié au moins dans un premier temps aux Ivoiriens qui ont fui leur pays, exception faite de ceux qui peuvent être considérés comme des combattants, jusqu ’ à ce qu ’ il soit établi qu ’ ils ont renoncé véritablement et définitivement à l ’ action militaire;

c) Prendre des mesures pour filtrer effectivement les arrivées et séparer les combattants des non-combattants afin de garantir le caractère civil des camps ou sites de réfugiés, notamment en renforçant les mécanismes de filtrage existants et les capacités du Conseil ghanéen des réfugiés à la frontière;

d) Renforcer les capacités du Conseil ghanéen des réfugiés pour lui permettre de traiter les requêtes des demandeurs d ’ asile dans le pays, autres que ceux qui peuvent bénéficier du statut de réfugié sur simple présomption ;

e) Veiller à ce que les réfugiés libériens qui se trouvent au Ghana ne soient pas rapatriés de force dans leur pays d ’ origine en contravention des obligations de non-refoulement prévues par la Convention ou d ’ autres instruments internationaux relatifs aux droits de l ’ homme.

Traite des êtres humains

21)Le Comité prend note de l’adoption en 2005 de la loi sur la traite des êtres humains et de l’amendement apporté en 2009, alignant la définition de la traite sur celle donnée dans le Protocole additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants. Toutefois il exprime sa préoccupation devant les informations persistantes faisant état de traite interne et transfrontière de femmes et d’enfants aux fins d’exploitation sexuelle ou de travail forcé, de domestiques ou de porteuses (kayaye) par exemple. Il constate aussi avec préoccupation que le rapport de l’État partie ne contient pas de statistiques, notamment sur les poursuites engagées contre les individus qui se livrent à la traite et font travailler des enfants, les condamnations et les peines prononcées, et qu’aucune mesure concrète n’est en place pour empêcher et combattre ce phénomène. Il note également avec préoccupation qu’il n’existe pas de dispositif officiel qui permettrait de transférer dans d’autres structures les victimes placées en détention à des fins de protection (art. 2, 12 et 16).

L ’ État partie devrait:

a) Intensifier ses efforts pour prévenir et combattre la traite des êtres humains, en particulier des femmes et des enfants, notamment en appliquant la législation contre la traite, en assurant une protection aux victimes et leur accès aux services médicaux, sociaux et juridiques et à des moyens de réadaptation, y compris à des services de conseil , le cas échéant;

b) Assurer les conditions voulues pour que les victimes puissent exercer leur droit de porter plainte;

c) Mener sans délai des enquêtes impartiales sur les affaires de traite et faire en sorte que les individus reconnus coupables soient condamnés à des peines à la mesure de la gravité de leurs actes ;

d) Mener des campagnes de sensibilisation nationales et dispenser une formation aux agents des forces de l ’ ordre ;

e) Donner des informations détaillées sur le nombre d ’ enquêtes et de plaintes pour traite , ainsi que de poursuites engagées et de condamnations prononcées dans d es affaires de traite .

Violences à l’égard des femmes, y compris la violence dans la famille

22)Le Comité prend note de l’adoption en 2007 de la loi sur la violence dans la famille et des statistiques présentées par l’État partie, au cours du dialogue, sur les cas de violence dans la famille qui se sont produits en 2010. Cependant, il est préoccupé par les informations faisant état de violences généralisées contre les femmes, y compris dans la famille, l’application partielle de la loi sur la violence dans la famille et le fait que l’unité des services de police chargée des violences dans la famille et du soutien aux victimes ne dispose pas de ressources suffisantes. Il note avec préoccupation que l’État partie est réticent à faire du viol conjugal une infraction pénale et que le rapport de l’État partie n’indique pas le nombre de plaintes, d’enquêtes, de poursuites, de condamnations et de peines dans les affaires de violence contre les femmes au cours de la période considérée (art. 2, 12, 13 et 16).

Le Comité invite instamment l ’ État partie à:

a) Enquêter sur ces faits, traduire en justice et punir les auteurs de tels actes;

b) Prendre des mesures plus efficaces pour protéger et aider les victimes;

c) Allouer des ressources financières suffisantes pour assurer le bon fonctionnement de l ’ unité chargée des violences dans la famille et du soutien aux victimes;

d) Renforcer les mesures de sensibilisation et d ’ éducation sur les violences faites aux femmes et aux filles à l ’ intention des fonctionnaires qui ont des contact s direct s avec les victimes (agents des forces de l ’ ordre, juges , travailleurs sociaux, etc.) ainsi qu e du grand public;

e) Adopter une législation qui érige le viol conjugal en infraction.

Le Comité demande à l ’ État partie de faire figurer dans son prochain rapport des statistiques sur le nombre de plaintes pour violences à l’égard des femmes, y compris pour viol, ainsi que sur les enquêtes et les poursuites engagées et les condamnations obtenues dans ces affaires.

Pratiques traditionnelles préjudiciables

23)Le Comité prend note des actions positives du Gouvernement, qui a érigé en infractions pénales les pratiques traditionnelles préjudiciables, telles que les mutilations génitales et le trokosi (esclavage rituel ou coutumier). Il note aussi la diminution de 25 % du nombre de cas signalés de mutilations génitales féminines entre 1999 et 2010, même si 123 000 cas au total ont encore été enregistrés pendant cette période. Le Comité reste préoccupé par l’incompatibilité évidente des pratiques traditionnelles et de certains aspects du droit coutumier ghanéen avec le respect des libertés et droits fondamentaux, dont l’interdiction de la torture et des peines ou traitements cruels, inhumains et dégradants. À ce sujet, il est préoccupé par les informations d’où il ressort que des femmes ont été accusées de pratiquer la sorcellerie et ont subi de graves violences, notamment commises par la foule, ont été brûlées, lynchées, bannies de leur communauté. Nombre de ces femmes ont été envoyées, selon un système dénué des garanties minimales d’une procédure régulière, dans ce que l’on appelle des «camps de sorcières», qu’elles n’ont que peu de chances de pouvoir quitter un jour pour revenir dans la société. Le Comité exprime aussi son inquiétude devant des informations dénonçant des cas de violence à l’égard des veuves, qui sont souvent privées de leur part d’héritage et, dans certains cas, soumises à des rites de veuvage humiliants et violents. Il regrette de n’avoir pas eu d’informations sur les poursuites engagées contre les auteurs de tels faits et les condamnations prononcées ainsi que sur l’assistance et l’indemnisation accordées aux victimes. Il regrette également l’absence de renseignements sur les mesures prises pour garantir que le droit coutumier ghanéen ne soit pas incompatible avec les obligations contractées par l’État partie au titre de la Convention (art. 2 et 16).

L ’ État partie devrait:

a) Intensifier ses efforts pour prévenir et combattre les pratiques traditionnelles préjudiciables, y compris les mutilations génitales féminines, en particulier dans les zones rurales, et veiller à ce que ces actes donnent lieu à des enquêtes et à ce que les auteurs présumés soient poursuivis et condamnés ;

b) Assurer aux victimes des services juridiques, médicaux et psychologiques et de s moyens de réadaptation, ainsi qu’ une indemnisation, et créer les conditions requises pour qu ’ elles puissent porter plainte sans crainte de subir des représailles;

c) Dispenser une formation aux juges, aux procureurs, aux personnels des organes chargés de faire appliquer la loi et aux chefs communautaires sur l ’ application stricte de la législation qui réprime les pratiques traditionnelles préjudiciables et d’ autres formes de violences à l’égard des femmes .

En général, l ’ État partie devrait faire en sorte que son droit coutumier et ses pratiques coutumières soient compatibles avec ses obligations dans le domaine des droits de l ’ homme, en particulier celles qui découl e nt de la Convention. L ’ État partie devrait aussi expliquer la hiérarchie entre le droit coutumier et le droit interne, spécialement en ce qui concerne les formes de discrimination à l ’ égard des femmes.

En outre, le Comité demande à l ’ État partie de faire figurer dans son prochain rapport des informations détaillées et des données statistiques à jour sur les plaintes, les enquêtes, les poursuites, les condamnations et les peines infligées aux individus reconnus coupables d ’ un comportement criminel lié aux pratiques traditionnelles préjudiciables, y compris les meurtres, ainsi que sur l ’ aide et l ’ indemnisation accordées aux victimes.

Châtiments corporels

24)Le Comité note que la loi de 2003 relative à la justice pour mineurs et la loi de 1988 relative à l’enfance interdisent les châtiments corporels dans les prisons à titre de mesure disciplinaire, mais il est préoccupé de constater que les châtiments corporels sont toujours très répandus, en particulier dans la famille, à l’école et dans les centres de protection de remplacement (art. 11 et 16).

L ’ État partie devrait:

a) Interdire expressément les châtiments corporels sur les enfants en toutes circonstances, notamment en supprimant tous les moyens de défense relatifs à l’application de châtiments corporels «raisonnables» et «justifiables»;

b) S ’ attacher à encourager l’utilisation d ’ autres moyens de discipline respectueux de la dignité de l ’ enfant et conformes aux dispositions de la Convention;

c) Élaborer des mesures visant à susciter une prise de conscience sur les effets préjudiciables des châtiments corporels .

Formation

25)Le Comité regrette le peu de renseignements donnés par l’État partie sur les programmes de formation aux droits de l’homme à l’intention du personnel médical et des agents des forces de l’ordre, des juges et des autres personnels qui participent à la détention provisoire, aux interrogatoires et au traitement des personnes privées de liberté sur les questions liées à l’interdiction de la torture et des mauvais traitements. Il note avec préoccupation que les activités de formation aux droits de l’homme à l’intention des agents des services de police, organisées grâce au programme intitulé «Accès à la justice» du PNUD au Ghana se sont achevées en 2010 faute de financement.

L ’ État partie devrait:

a) Continuer d ’ assurer des programmes de formation obligatoire de façon que tous les agents de l’État en particulier les membres de la police et autres forces de l ’ ordre connaissent parfaitement les dispositions de la Convention et aient bien conscience que les manquements ne s eront pas tolérés et feront l ’ objet d ’ enquêtes et que les auteurs d ’ infractions seront traduits en justice;

b) Évaluer l ’ efficacité et l’incidence des programmes de formation et de l ’ éducation sur l a réduction des cas de torture et de mauvais traitements;

c) Appuyer la formation de tous les personnels compétents, médical compris, à l ’ utilisation du Manuel pour enquêter efficacement sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (Protocole d ’ Istanbul).

Collecte de données

26)Le Comité regrette l’absence de données complètes et ventilées sur les plaintes, les enquêtes, les poursuites et les condamnations dans les affaires de torture et de mauvais traitements commis par les personnels des forces de l’ordre, des forces de sécurité, des armées et des établissements pénitentiaires, ainsi que sur les violences à l’égard des femmes, la traite et les pratiques traditionnelles préjudiciables.

L ’ État partie devrait compiler des données statistiques utiles pour la surveillance de l’application de la Convention au niveau national, y compris des données sur les plaintes, les enquêtes, les poursuites et les condamnations dans les affaires de torture et de mauvais traitements commis par les personnels des forces de l ’ ordre, des forces de sécurité, des armées et des établissements pénitentiaires, ainsi que sur les violences à l’égard des femmes, sur la traite et les pratiques traditionnelles préjudiciables, y compris l ’ indemnisation et l es moyens de réadaptation accordés aux victimes. Il devrait faire figurer ces données dans son prochain rapport périodique.

27)Le Comité accueille avec satisfaction la signature du Protocole facultatif se rapportant à la Convention, le 6 novembre 2006, et encourage l’État partie à accélérer le processus de ratification, ainsi que la désignation d’un mécanisme national de prévention.

28)Notant l’engagement pris par l’État partie dans le contexte de l’Examen périodique universel (A/HRC/8/36), le Comité lui recommande d’envisager de ratifier la Convention relative aux droits des personneshandicapées ainsi que la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, récemment adoptée.

29)L’État partie est invité à diffuser largement le rapport soumis au Comité ainsi que les présentes observations finales, dans les langues voulues, par le biais des sites Web officiels, des médias et des organisations non gouvernementales.

30)Le Comité invite l’État partie à présenter son prochain rapport périodique en suivant les directives pour l’établissement des rapports et à respecter la limite de 40 pages fixée pour le document spécifique à la Convention. Il l’invite également à soumettre un document de base commun mis à jour conformément aux instructions figurant dans les directives harmonisées pour l’établissement des rapports à présenter en vertu des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme (HRI/GEN.2/Rev.6), approuvées par la Réunion intercomités des organes créés en vertu d’instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, et à respecter la limite de 80 pages fixée pour le document de base commun. Le document spécifique à la Convention et le document de base commun constituent conjointement les documents que l’État partie est tenu de soumettre pour s’acquitter de son obligation de faire rapport en vertu de la Convention.

31)Le Comité demande à l’État partie de lui faire parvenir, dans un délai d’un an, des renseignements sur la suite donnée aux recommandations figurant aux paragraphes 10 c) et d), 17 d) et 23 a).

32)L’État partie est invité à soumettre son prochain rapport périodique, qui sera le deuxième, le 3 juin 2015 au plus tard.

56. Irlande

1)Le Comité contre la torture a examiné le rapport initial de l’Irlande (CAT/C/IRL/1) à ses 1002e et 1005e séances (CAT/C/SR.1002 et 1005), les 23 et 24 mai 2011, et a adopté, à sa 1016e séance (CAT/C/SR.1016), le 1er juin 2011, les observations finales ci-après.

A.Introduction

2)Le Comité se félicite de la présentation du rapport initial de l’État partie mais regrette que celle-ci soit intervenue avec un retard de huit ans, qui a empêché le Comité de suivre la mise en œuvre de la Convention dans l’État partie. Il note aussi que le rapport de l’État partie suit généralement les directives mais manque de renseignements précis sur la mise en œuvre de la Convention.

3)Le Comité note avec satisfaction que l’État partie a envoyé une délégation de haut niveau à la quarante-sixième session du Comité et se réjouit de la possibilité qu’il a eue d’engager un dialogue constructif sur de nombreux domaines visés par la Convention. Le Comité remercie aussi l’État partie des réponses écrites détaillées qu’il a communiquées au moment de l’examen du rapport de l’État partie.

B.Aspects positifs

4)Le Comité salue le fait que l’État partie ait ratifié les instruments internationaux et régionaux ci-après:

a)Pacte international relatif aux droits civils et politiques, le 8 décembre 1989;

b)Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale, le 29 décembre 2000;

c)Convention relative aux droits de l’enfant, le 28 septembre 1992;

d)Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, le 23 décembre 1985;

e)Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée, le 17 juin 2010;

f)Protocole additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée, visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants, le 17 juin 2010;

g)Deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, visant à abolir la peine de mort, le 18 juin 1993;

h)Convention du Conseil de l’Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains, le 13 juillet 2010.

5)Le Comité se félicite de la promulgation des textes de loi ci-après:

a)Loi pénale de 2008 (Traite des êtres humains);

b)Loi de 2006 relative à la Cour pénale internationale.

6)Le Comité accueille également avec satisfaction le Plan d’action national 2009-2012 visant à prévenir et combattre la traite des êtres humains en Irlande.

7)Il salue en outre la mise au point de la Stratégie nationale 2010-2014 contre la violence familiale, sexuelle et sexiste.

C.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Réduction des ressources financières allouées aux institutions des droits de l’homme

8)Tout en saluant l’engagement pris par l’État partie d’allouer des ressources aux institutions des droits de l’homme, le Comité se dit préoccupé par les informations reçues selon lesquelles les coupes budgétaires auraient affecté de manière disproportionnée, en comparaison des autres institutions publiques, plusieurs institutions des droits de l’homme mandatées pour promouvoir et surveiller les droits de l’homme, notamment la Commission irlandaise des droits de l’homme. De plus, tout en prenant acte de la décision prise de transférer la Commission du Département des affaires communautaires, de l’égalité et du Gaéltacht au Département de la justice et de l’égalité, le Comité regrette que la CIDH ne rende pas directement compte au Parlement et ne jouisse pas de l’autonomie financière (art. 2).

Le Comité recommande à l’État partie de veiller à ce que les coupes budgétaires actuellement imposées aux institutions des droits de l’homme et en particulier à la Commission irlandaise des droits de l’homme ne se traduisent pas par un rétrécissement de ses activités et ne la mettent pas dans l’incapacité d’accomplir son mandat. L’État partie est encouragé à cet égard à redoubler d’efforts pour s’assurer que les institutions des droits de l’homme continuent à assumer leur mission avec efficacité. Le Comité recommande en outre à l’État partie de renforcer l’indépendance de la Commission , notamment en la rendant directement responsable devant le Parlement et en lui accordant l’autonomie financière, conformément aux Principes concernant le statut des institutions nationales pour la protection et la promotion des droits de l’homme (Principes de Paris).

Vols à des fins de transfert

9)Le Comité prend note avec préoccupation des différentes informations selon lesquelles l’État partie aurait coopéré à un programme de transfert, dans le cadre duquel ses aéroports et son espace aérien auraient été utilisés. Il s’inquiète aussi de la réponse inadéquate de l’État partie concernant les enquêtes menées sur ces allégations (art. 3).

L’État partie devrait fournir davantage d’informations sur les mesures concrètes prises pour enquêter sur les allégations d’implication de l’État partie dans des programmes de transfert et d’utilisation de ses aéroports et de son espace aérien par des vols de «transfert illégal». L’État partie devrait apporter des éclaircissements sur ces mesures ainsi que sur l’issue des enquêtes et faire le nécessaire pour prévenir de tels faits.

Réfugiés et protection internationale

10)Tout en prenant acte du fait que les demandes d’asile relevant du Règlement Dublin II sont susceptibles de recours devant le Tribunal d’appel en matière de statut de réfugié dans l’État partie, le Comité relève avec préoccupation que la formation d’un recours n’a pas d’effet suspensif sur les décisions contestées. Il note aussi avec préoccupation que le projet de loi de 2008 sur l’immigration, la résidence et la protection, s’il consacre l’interdiction du non-refoulement, ne précise pas la procédure à suivre. De plus, le Comité prend note d’informations faisant état d’une chute considérable de la proportion des demandes du statut de réfugié auxquelles est donnée une suite favorable (art. 3 et 14).

Le Comité recommande à l’État partie de continuer à s’efforcer d’améliorer la protection des personnes ayant besoin d’une protection internationale. À ce propos, l’État partie devrait envisager de modifier le projet de loi sur l’immigration, la résidence et la protection afin de le mettre en conformité avec la Convention, en particulier en ce qui concerne le droit des migrants au réexamen juridictionnel des décisions administratives, comme le lui avait aussi recommandé le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale (CERD/C/IRL/CO/3-4, par. 15). Le Comité recommande aussi à l’État partie d’envisager de modifier sa législation de manière à ce que la formation d’un recours auprès du Tribunal d’appel en matière de statut de réfugié ait un effet suspensif sur la décision contestée. De plus, il lui recommande d’enquêter sur la baisse considérable du nombre de demandes du statut de réfugié auxquelles est donnée une suite favorable , afin de s’assurer que ces demandes sont bien traitées selon la procédure régulière.

Conditions carcérales

11)Le Comité prend acte des mesures prises par l’État partie pour réduire la surpopulation carcérale, parmi lesquelles l’agrandissement des centres pénitentiaires existants et la rénovation de certains d’entre eux ainsi que l’adoption de mesures de substitution à la privation de liberté afin de réduire le nombre d’individus envoyés en prison, comme la promulgation de la loi de 2010 relative aux amendes. Il demeure toutefois vivement préoccupé par les informations selon lesquelles la surpopulation reste un problème aigu (art. 11 et 16).

Le Comité recommande à l’État partie:

a) D’arrêter des calendriers précis pour la construction de nouveaux établissements pénitentiaires conformes aux normes internationales. Le Comité prie à cet égard l’État partie de l’informer de toute décision prise concernant le projet de prison de Thornton Hall;

b) D’adopter une politique de développement des mesures de substitution à la privation de liberté et notamment de promulguer la loi portant modification de la loi de 1983 relative au travail d’intérêt général, à l’état de projet, qui prévoit que les juges soient tenus d’envisager des travaux d’intérêt général plutôt qu’une peine d’emprisonnement dans tous les cas où la peine encourue est inférieure ou égale à douze mois d’emprisonnement;

c) D’accélérer le processus de ratification du Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants et la création d’un mécanisme national de prévention.

12)Le Comité prend note des efforts de l’État partie pour équiper toutes les cellules de sanitaires mais constate avec préoccupation que les tinettes restent utilisées dans certains établissements pénitentiaires et souligne que cela constitue un traitement inhumain et dégradant (art. 11 et 16).

Le Comité recommande à l’État partie de redoubler d’efforts pour éliminer sans délai la pratique du vidage de la tinette, en commençant par les cellules partagées. Il lui recommande en outre d’engager une action concertée pour veiller à ce que, dans l’attente de l’installation de sanitaires dans toutes les cellules, tous les prisonniers soient autorisés à sortir à tout moment de leur cellule pour utiliser les toilettes.

13)Le Comité prend note des éclaircissements apportés par l’État partie sur le recours aux cellules d’observation spéciale. Il note aussi avec intérêt qu’à la suite d’une recommandation de l’Inspecteur des prisons, l’administration pénitentiaire est en voie de réserver les cellules d’observation de sécurité à des fins médicales uniquement, ce qui donnera lieu à une modification du règlement pénitentiaire (art. 11 et 16).

Le Comité recommande à l’État partie de veiller à suivre les orientations données par l’Inspecteur des prisons dans son rapport daté du 7 avril 2011 concernant l’usage qu’il conviendrait de faire des cellules d’observation de sécurité et des cellules d’observation rapprochée.

14)Le Comité s’inquiète d’informations reçues selon lesquelles les soins de santé fournis dans un certain nombre de prisons de l’État partie laissent à désirer (art. 11 et 16).

Le Comité recommande à l’État partie d’améliorer les soins de santé dans tous les établissements pénitentiaires, à la lumière des orientations formulées par l’Inspecteur des prisons dans son rapport daté du 18 avril 2011.

Violence entre détenus

15)Le Comité prend acte des mesures que l’État partie a adoptées pour résoudre les problèmes de violence entre détenus. Il reste néanmoins préoccupé par les taux d’incidents, qui continuent à être élevés dans certains établissements de détention, ainsi que par les informations selon lesquelles les détenus de la communauté du voyage de la prison de Cork se plaindraient d’être systématiquement l’objet d’actes d’intimidation de la part d’autres détenus (art. 11 et 16).

Le Comité recommande à l’État partie d’intensifier ses efforts pour s’attaquer à la violence entre détenus, notamment:

a) En s’attaquant aux facteurs qui contribuent à la violence entre détenus, tels que la disponibilité de stupéfiants, l’existence de bandes rivales, le manque d’activités constructives et le manque d’espace ou encore la médiocrité des conditions matérielles de détention;

b) En assurant une dotation en personnel suffisante et en veillant à ce que ce personnel soit formé à la gestion de la violence entre détenus;

c) En luttant contre les actes d’intimidation à l’encontre des membres de la communauté du voyage et en ouvrant une enquête sur toute allégation d’intimidation de ce type.

Le Comité recommande en outre à l’État partie de lui fournir des données statistiques afin qu’il puisse évaluer l’efficacité des mesures prises pour combattre la violence entre détenus.

Séparation des détenus

16)Tout en saluant les efforts déployés par l’État partie pour appliquer dans toute la mesure possible le principe de séparation des condamnés et des prévenus, le Comité relève avec inquiétude que ce principe n’est toujours pas appliqué (art. 11 et 16).

Le Comité recommande à l’État partie de prendre d’urgence les mesures qui s’imposent pour séparer les condamnés des prévenus.

Placement en détention de réfugiés et de demandeurs d’asile

17)Le Comité note avec inquiétude que des personnes détenues en raison de leur statut migratoire sont placées dans des établissements pénitentiaires ordinaires avec des condamnés et des prévenus (art. 11 et 16).

Le Comité recommande à l’État partie de prendre les mesures nécessaires pour que toutes les personnes détenues pour des raisons d’ordre migratoire soient placées dans des structures adaptées à leur statut.

Mécanismes de plainte et d’enquête

18)Le Comité prend acte des informations communiquées par l’État partie sur les enquêtes menées suite aux plaintes de détenus contre du personnel pénitentiaire en rapport avec des incidents qui seraient survenus dans les prisons ci-après: Portlaoise, le 30 juin 2009; Mountjoy, les 15 juin 2009 et 12 janvier 2010; Cork, le 16 décembre 2009; et Midlands, le 7 juin 2009. Le Comité relève avec inquiétude qu’il n’y a eu d’enquête indépendante et effective sur les allégations de mauvais traitements infligés par le personnel pénitentiaire dans aucune de ces affaires. L’Inspecteur des prisons a conclu, dans son rapport du 10 septembre 2010 intitulé «Guidance on best practice for dealing with prisoners complaints» (Orientations sur les meilleures pratiques en matière de traitement des plaintes des détenus), qu’il n’y avait pas d’organisme indépendant de plainte et d’enquête pour mener des investigations sur les plaintes des prisonniers et que les procédures en vigueur ne tenaient pas compte des meilleures pratiques, et a recommandé l’établissement d’un mécanisme indépendant chargé de recevoir les plaintes contre le personnel pénitentiaire et d’enquêter sur celles-ci (art. 2, 12, 13 et 16).

Le Comité recommande à l’État partie:

a) D’instituer un mécanisme indépendant et efficace de plainte et d’enquête pour faciliter le dépôt de plaintes par les victimes de torture et de mauvais traitements de la part de membres du personnel pénitentiaire et de veiller à ce que dans la pratique les plaignants soient protégés contre tout acte d’intimidation ou de représailles du fait de leur plainte;

b) D’ouvrir rapidement des enquêtes impartiales et approfondies sur toutes les allégations de torture ou de mauvais traitements par des membres du personnel pénitentiaire;

c) De veiller à ce que tous les fonctionnaires visés par des allégations de violation de la Convention soient suspendus de leurs fonctions le temps des enquêtes;

d) De communiquer au Comité des renseignements sur le nombre de plaintes déposées pour actes présumés de torture ou de maltraitance par des membres du personnel pénitentiaire, le nombre d’enquêtes menées à bien et le nombre de poursuites et de condamnations, ainsi que sur les réparations accordées aux victimes.

19)Le Comité se félicite de l’établissement, en 2005, de la Commission du Médiateur de la Garda Síochána, dont les membres ne peuvent être ni des membres en exercice ni d’anciens membres de la Garda Síochána (forces de police). La Commission du Médiateur est habilitée à enquêter sur les plaintes pour torture et mauvais traitements déposées contre des membres de la Garda Síochána. Toutefois, le Comité regrette que celle-ci puisse également renvoyer les plaintes au Commissaire de la Garda (police), lequel peut procéder aux enquêtes de manière indépendante ou sous la supervision de la Commission du Médiateur, sauf s’agissant d’une plainte pour décès ou préjudice corporel grave en garde à vue. Le Comité s’inquiète aussi d’informations selon lesquelles la Commission du Médiateur a soumis des propositions d’amendement à la loi de 2005 relative à la Garda Síochána dans un certain nombre de domaines, à l’effet notamment de lui permettre de renvoyer des enquêtes à la Garda Síochána, ce qui autoriserait la police à enquêter sur les agissements de ses propres membres (art. 2, 12, 13 et 16).

Le Comité recommande à l’État partie de garantir par la loi que toutes les allégations de torture et de mauvais traitements par des membres de la police fassent l’objet d’enquêtes directement menées par la Commission du Médiateur de la Garda Síochána et que les fonds alloués à cette Commission soient suffisants pour lui permettre de mener ses missions à bien de manière rapide et impartiale et de traiter l’arriéré de plaintes et d’enquêtes qui s’est accumulé. Le Comité invite de plus l’État partie à lui fournir des données statistiques concernant: a) le nombre de plaintes pour torture ou mauvais traitements déposées à l’encontre de membres du personnel pénitentiaire, le nombre d’enquêtes ouvertes et le nombre de poursuites engagées et de condamnations prononcées; et b) le nombre d’affaires ayant été renvoyées à la Garda Síochána .

Suite donnée au Rapport Ryan

20)Le Comité prend note des efforts faits par l’État partie concernant le plan qu’il avait adopté en 2009 pour mettre en œuvre les recommandations présentées dans le rapport de la Commission d’enquête sur les maltraitances à enfants (Rapport Ryan). Il s’inquiète cependant de ce que, selon une déclaration faite par le Médiateur pour l’enfance en mars 2011, d’importants engagements pris dans le cadre de ce plan n’ont toujours pas été traduits en actes. Le Comité est également gravement préoccupé du fait qu’en dépit des conclusions du Rapport Ryan selon lesquelles «les mauvais traitements physiques et psychologiques et le délaissement étaient des caractéristiques intrinsèques des institutions» et «des sévices sexuels avaient été commis dans beaucoup d’entre elles, en particulier dans les institutions pour garçons», il n’y avait eu aucun suivi de la part de l’État partie. Le Comité relève aussi avec préoccupation que, malgré les nombreux éléments de preuve rassemblés par la Commission, l’État partie n’a saisi la justice que dans 11 affaires, dont 8 ont été rejetées (art. 12, 13, 14 et 16).

Le Comité recommande à l’État partie:

a) D’indiquer comment il se propose de mettre en œuvre l’ensemble des recommandations de la Commission d’enquête sur les maltraitances à enfant s , en précisant quel calendrier il entend suivre à cet égard ;

b) D’ouvrir rapidement des enquête s indépendantes et approfondies sur tous les cas de mauvais traitements signalés dans le rapport et, le cas échéant, de poursuivre et sanctionner les auteurs;

c) De garantir à toutes les victimes de mauvais traitements le droit d’obtenir réparation et d’être indemnisés , y compris les moyens nécessaires à leur réadaptation la plus complète possible.

Laveries des sœurs de Marie‑Madeleine

21)Le Comité est gravement préoccupé par le fait que l’État partie n’a pas, faute d’avoir inspecté les laveries des sœurs de Marie-Madeleine et d’avoir encadré leur fonctionnement, protégés les femmes et les jeunes filles qui y ont été recluses contre leur gré entre 1922 et 1996 et y auraient subi des mauvais traitements physiques, psychologiques et autres constituant des violations de la Convention. Le Comité fait également part de ses graves préoccupations face à l’absence d’enquêtes rapides, indépendantes et approfondies de l’État partie sur les allégations de mauvais traitements à l’encontre de femmes et de jeunes filles dans les laveries des sœurs de Marie-Madeleine(art. 2, 12, 13, 14 et 16).

Le Comité recommande à l’État partie d’ouvrir rapidement des enquêtes indépendantes et approfondies sur toutes les plaintes r elatives à des actes constitutifs de torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants qui auraient été commis dans les laveries des sœurs de Marie ‑ Madeleine et, le cas échéant, de poursuivre et sanctionner les auteurs en leur imposant des peines à la hauteur de l a gravité des actes commis et en garantissant à toutes les victimes le droit d’obtenir r éparation et d’être indemnisées , y compris les moyens nécessaires à leur réadaptation la plus complète possible.

Enfants en détention

22)Le Comité prend note de la politique suivie par l’État partie, qui consiste à placer les enfants en détention dans des centres éducatifs de détention pour mineurs sous la supervision du Service de la justice pour mineurs. Il s’inquiète toutefois sérieusement du fait que des garçons de 16 et 17 ans sont toujours détenus au centre pénitentiaire de Saint-Patrick, qui n’est pas un établissement de prise en charge spécialement conçu pour les enfants mais un établissement fermé de moyenne sécurité. Le Comité s’inquiète aussi de ce que, contrairement à l’engagement qu’il avait pris de mettre un terme au placement en détention de jeunes enfants au centre de Saint-Patrick, l’État partie n’a toujours pas entériné la décision de procéder à la construction de nouvelles structures nationales de détention pour mineurs (art. 2, 11 et 16).

Le Comité recommande à l’État partie de procéder, sans délai, à la construction des nouvelles structures nationales de détention pour mineurs à Oberstown. Il lui recommande dans l’intervalle de prendre toutes les mesures voulues pour cesser de maintenir des enfants en détention au centre pénitentiaire de Saint-Patrick et de transférer l es enfants concernés dans des structures appropriées.

23)Le Comité est vivement préoccupé par le fait que le Médiateur pour l’enfance ne soit pas mandaté pour enquêter sur les allégations d’actes contraires à la Convention survenus au centre pénitentiaire de Saint-Patrick, ce qui prive les enfants se trouvant dans cette institution d’accès à tout mécanisme de plainte (art. 12 et 13).

Le Comité recommande à l’État partie de revoir sa législation relative à la création du Médiateur pour l’ enfan ce en vue d’habiliter celui-ci à enquêter sur toute plainte de torture ou de mauvais traitements d’enfants placés au centre pénitentiaire de Saint-Patrick.

Châtiments corporels

24)Tout en prenant note de ce que les châtiments corporels sont interdits à l’école et dans le système pénal, le Comité est gravement préoccupé de constater que ce type de châtiments est autorisé dans la famille dans le cadre du droit que confère la common law aux parents de recourir à des «châtiments raisonnables et modérés» pour éduquer leurs enfants ainsi que dans certains établissements de protection de remplacement (art. 2 et 16).

Le Comité recommande à l’État partie d’interdire tous les châtiments corporels à enfants dans tous les contextes, de mener des campagnes d’information pour sensibiliser les parents et le grand public aux effets néfastes de ces châtiments , et de promouvoir des formes de discipline non violentes, positives, en remplacement des châtiments corporels.

Interdiction des mutilations génitales féminines

25)Le Comité prend acte de l’intention de l’État partie de remettre à l’ordre du jour du Seanad (Parlement) le projet de loi sur la justice pénale (mutilations génitales féminines), qui criminalise les mutilations génitales féminines et prévoit plusieurs infractions dans ce cadre, dont certaines pour lesquelles les tribunaux irlandais peuvent exercer une compétence extraterritoriale. Le Comité regrette néanmoins l’absence de législation interdisant les mutilations génitales féminines, alors même qu’il ressort de données reposant sur un recensement mené en 2006 qu’environ 2 585 femmes ont subi des mutilations génitales féminines dans l’État partie (art. 2 et 16).

Le Comité recommande à l’État partie:

a) De hâter l’examen par le Seanad du projet de loi sur la justice pénale (mutilations génitales féminines);

b) De mettre en œuvre des programmes ciblés en vue de sensibiliser toutes les couches de la population aux effets extrêmement néfastes des mutilations génitales féminines;

c) De définir explicitement dans la loi les mutilations génitales féminines comme une forme de torture.

Avortement

26)Le Comité prend note de la préoccupation exprimée par la Cour européenne des droits de l’homme quant à l’absence de procédure effective et accessible au niveau national aux fins de déterminer si certaines grossesses présentent un risque médical réel et majeur pour la vie de la mère (affaire A, B et C c. Irlande), ce qui engendre des incertitudes chez les femmes et leurs médecins, lesquels encourent aussi des poursuites ou des sanctions si leur avis ou leur traitement est jugé illégal. Le Comité se dit inquiet du manque de clarté évoqué par la Cour et de l’absence de cadre juridique auquel se référer pour trancher en cas d’avis divergents. Relevant le risque de poursuites pénales et d’emprisonnement pesant à la fois sur les femmes et sur leurs médecins, le Comité indique avec inquiétude que cela peut soulever des problèmes constitutifs de violation de la Convention. Le Comité salue l’intention de l’État partie, exprimée au cours du dialogue avec le Comité, d’établir un groupe d’experts pour étudier la décision de la Cour. Il n’en reste pas moins préoccupé du fait que malgré la jurisprudence déjà existante autorisant l’avortement, aucune législation n’a été mise en place, ce qui a des conséquences graves dans certains cas individuels − les mineures, les femmes migrantes et les femmes en situation de pauvreté étant particulièrement touchées (art. 2 et 16).

Le Comité engage instamment l’État partie à clarifier par voie législative le champ de la légalité de l’avortement et de prévoir des procédures adéquates pour arbitr er les avis médicaux divergents ainsi que des services adaptés pour la réalisation des interruptions volontaires de grossesse dans l’État partie , de manière à mettre son droit et sa pratique en conformité avec la Convention.

Violence contre les femmes, y compris au sein de la famille

27)Le Comité se félicite des mesures prises par l’État partie pour prévenir la violence à l’égard des femmes et venir en aide aux victimes, telles que l’adoption de la Stratégie nationale contre la violence familiale, sexuelle et sexiste (2010-2014). Il est toutefois vivement préoccupé par les informations faisant état de taux de violence familiale à l’encontre des femmes toujours élevés et de réductions, en 2009 et en 2010, des fonds alloués aux services d’accueil et de soutien des victimes de violence.

Le Comité engage instamment l’État partie:

a) À intensifier ses efforts pour prévenir l a violence à l’égard des femmes, notamment en veillant à la mise en œuvre effective de la Stratégie nationale contre l a violence familiale , sexuelle et sexiste, y compris en collectant d es données pertinentes;

b) À accentuer son soutien, y compris financier, aux services d’accueil et d’assistance proposés aux victimes de violences domestiques;

c) À ouvrir rapidement des enquêtes impartiales et approfondies sur toute allégation de violence familial e et , le cas échéant , à engager les poursuites et à prononcer les condamnations qui s’imposent;

d) À modifier la loi de 1996 sur la violence dans la famille afin d’y inclure des critères clairs pour l’adoption de mesures d e protec tion et d’interdiction s et d’étendre cette possibilité à toutes les parties ayant ou ayant eu d e s relation s intime s , indépendamment du fait qu’elles vivent ensemble ou non, conformément aux meilleures pratiques internationalement reconnues;

e) À faire en sorte que les femmes migrantes , dont le statut migratoire dépend de leur conjoint , qui sont victimes de violence familiale se voient accorder de par la loi un statut indépendant.

Traitement des handicapés mentaux

28)Le Comité fait part de ses préoccupations quant au fait que l’État partie ne s’appuie pas assez sur la définition de patient volontaire pour protéger le droit à la liberté des individus susceptibles d’être admis dans un service de santé mentale agréé. Il regrette en outre le manque de clarté qui entoure la requalification des personnes atteintes de troubles mentaux de «patients volontaires» en «patients involontaires» (art. 2 et 16).

Le Comité recommande à l’État partie de revoir sa loi de 2001 sur la santé mentale afin de faire en sorte qu’elle soit conforme aux normes internationales. Il lui recommande en conséquence de rendre compte dans son deuxième rapport périodique des mesures spécifiques adoptées pour mettre sa législation en conformité avec les normes internationalement reconnues.

Protection des mineurs séparés et non accompagnés

29)Tout en prenant acte des informations communiquées par l’État partie à propos de la procédure visant à protéger les mineurs séparés et non accompagnés prévue dans le mandat de la Direction des services de santé, le Comité se dit profondément préoccupé de ce que 509 enfants au total ont été portés disparus entre 2000 et 2010 et seulement 58 ont été retrouvés. Le Comité regrette par ailleurs que l’État partie n’ait pas donné de renseignements sur les mesures prises pour prévenir ce phénomène et protéger ces mineurs d’autres formes d’exploitation (art. 2 et 16).

L’État partie devrait prendre des mesures pour protéger les mineurs séparés et non accompagnés. Il devrait aussi fournir des données sur l es mesures spécifiques adoptées pour les protéger.

Formation des forces de l’ordre

30)Tout en prenant note avec satisfaction des renseignements fournis par l’État partie sur les programmes de formation générale des membres de la Garda Síochána, le Comité s’inquiète de l’absence de formation spécifique à l’intention aussi bien des forces de l’ordre, s’agissant de l’interdiction de la torture et des mauvais traitements, que des médecins, sur le Manuel pour enquêter efficacement sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (Protocole d’Istanbul) (art. 2, 10 et 16).

Le Comité recommande à l’État partie:

a) De veiller à ce que les forces de l’ordre reçoivent, de manière régulière et systématique, la formation nécessaire aux dispositions de la Convention, en particulier en ce qui concerne l’interdiction de la torture;

b) De s’assurer que le personnel médical et tout e autre pe rsonne susceptible de prendre part à la détention, l’interrogatoire ou le traitement des personnes soumises à une quelconque forme d’arrestation, de détention ou d’emprisonnement ou bien à la recherche d’éléments de preuve , ou encore à des enquêtes sur des cas de torture, reçoivent, de manière régulière et systématique , une formation portant sur le Manuel pour enquêter efficacement sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (Protocole d’Istanbul) et que ce Manuel soit traduit dans toutes les langues voulues. L’État partie devrait aussi veiller à ce que ladite formation soit également assurée aux individus impliqués dans les procédures de détermination du statut de réfugié;

c) De mettre au point et d ’appliquer une méthodologie pour évaluer l’efficacité et l’impact de tels programmes d’éducation et de formation en termes de prévention de la torture et des mauvais traitements et d’évaluer régulièrement les formations dispensées aux forces de l’ordre;

d) D’intensifier ses efforts pour appliquer une approche soucieuse de l’égalité entre les sexes dans la formation des personnes qui sont chargées de la garde, de l’interrogatoire ou du traitement de toute personne mise en état d’arrestation ou en détention;

e) De redoubler d’efforts pour assurer la formation des forces de l’ordre et autres professionnels en ce qui concerne le traitement des groupes vulnérables risquant particulièrement de faire l’objet de mauvais traitements, notamment les enfants, les migrants, les membres de la communauté du voyage et les Roms, entre autres;

f) De renforcer la formation professionnelle dans les hôpitaux et les établissements médicaux et sociaux.

31)Le Comité invite l’État partie à ratifier les principaux instruments des Nations Unies relatifs aux droits de l’homme auxquels il n’est pas encore partie: la Convention internationale sur la protection de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille; la Convention relative aux droits des personnes handicapées et la Convention pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées.

32)L’État partie est invité à diffuser largement le rapport soumis au Comité ainsi que les comptes rendus analytiques des séances auxquelles il a été examiné et les présentes observations finales, dans les langues voulues, par le biais des sites Web officiels, des médias et des organisations non gouvernementales.

33)Le Comité demande à l’État partie de lui faire parvenir, dans un délai d’un an, des renseignements sur la suite donnée aux recommandations figurant aux paragraphes 8, 20, 21 et 25 du présent document.

34)Le Comité invite l’État partie à présenter son prochain rapport périodique en respectant la limite de 40 pages fixée pour le document spécifique à la Convention. Il l’invite également à actualiser son document de base commun (HRI/CORE/1/Add.15/Rev.1) conformément aux instructions relatives au document de base qui figurent dans les directives harmonisées pour l’établissement des rapports à présenter en vertu des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme (HRI/GEN.2/Rev.6) approuvées par la Réunion intercomités des organes créés en vertu d’instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, et à respecter la limite de 80 pages fixée pour le document de base commun. Le document spécifique à la Convention et le document de base commun constituent conjointement les documents que l’État partie est tenu de soumettre pour s’acquitter de son obligation de faire rapport en vertu de la Convention.

35)L’État partie est invité à soumettre son prochain rapport périodique, qui sera le deuxième, le 3 juin 2015 au plus tard.

57. Koweït

1)Le Comité contre la torture a examiné le deuxième rapport périodique du Koweït (CAT/C/KWT/2) à ses 986e et 989e séances (CAT/C/SR.986 et 989), les 11 et 12 mai 2011, et a adopté, à sa 1007e séance (CAT/C/SR.1007), les observations finales ci-après.

A.Introduction

2)Le Comité accueille avec satisfaction la soumission du deuxième rapport périodique du Koweït, qui a été soumis conformément à la nouvelle procédure facultative du Comité consistant pour l’État partie à répondre à une liste préalable de points à traiter transmise par le Comité (CAT/C/KWT/Q/2) aux fins d’un dialogue plus ciblé. Toutefois, il regrette que le rapport ne contienne pas de renseignements détaillés, notamment des statistiques, et qu’il ait été soumis avec neuf ans de retard. Ceci a empêché le Comité de suivre l’application de la Convention dans l’État partie d’une façon continue.

3)Le Comité note avec satisfaction que l’État partie a envoyé une délégation de haut niveau à la quarante-sixième session et se félicite de pouvoir engager un dialogue constructif avec le Koweït sur divers sujets de préoccupation relevant de la Convention.

B.Aspects positifs

4)Le Comité note avec satisfaction que, depuis l’examen du rapport initial, l’État partie a ratifié les instruments internationaux suivants ou y a adhéré:

a)Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés;

b)Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants.

5)Le Comité accueille avec satisfaction la création en 2008 de la Haute Commission des droits de l’homme qui est chargée de réexaminer les lois et la réglementation en vigueur et de proposer des modifications afin d’intégrer l’enseignement des principes fondamentaux relatifs aux droits de l’homme dans les programmes scolaires et universitaires.

6)Le Comité note avec satisfaction que, le 12 mai 2010, l’État partie a adressé une invitation à tous les titulaires de mandat au titre des procédures spéciales du Conseil des droits de l’homme.

C.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Définition et incrimination de la torture

7)Le Comité prend note avec satisfaction de l’engagement pris par l’État partie, pendant le dialogue avec ses représentants, de promulguer une loi spécifique pour adopter une définition de la torture entièrement conforme à l’article premier de la Convention ainsi que de modifier sa législation de façon que la torture et les mauvais traitements emportent des peines suffisantes. Le Comité relève toutefois avec préoccupation que les dispositions en vigueur ne contiennent pas de définition de la torture et ne fixent pas de peines en rapport avec la gravité de ces actes, étant donné que la peine maximale pour une arrestation, un emprisonnement ou une détention non prévus par la loi est un emprisonnement de trois ans ou une amende de 225 dinars et un emprisonnement de sept ans seulement si ces actes s’accompagnent de tortures physiques ou de menaces de mort (art. 1 et 4).

Le Comité recommande une nouvelle fois à l ’ État partie (A/53/44, par. 230) d’introduire dans le droit pénal interne l’infraction de torture, telle qu ’ elle est définie à l ’ article premier de la Convention, en veillant à ce que tous les éléments de cette définition y soient énoncés.

L ’ État partie devrait revoir sa législation de façon que les actes de torture soient érigés en infraction pénal e et emportent de lourde s peines qui tiennent compte de la gravité des actes en cause, comme l’exige le paragraphe 2 de l ’article 4 de la Convention.

Garanties juridiques fondamentales

8)Le Comité note que le Code de procédure pénale (loi no 17 de 1960) et la loi no 26 de 1962 sur l’organisation des prisons contiennent des dispositions assurant aux détenus un certain nombre de garanties juridiques telles que le droit d’avoir accès à un avocat, d’avertir un proche, d’être informé des charges retenues contre soi et d’être présenté à un juge dans un délai conforme aux normes internationales, mais il relève avec préoccupation que ces dispositions sont peu respectées. En outre, bien que l’article 75 du Code de procédure pénale protège le droit de tout suspect d’engager un conseil pour assurer sa défense et assister aux interrogatoires, le Comité estime préoccupant que les avocats ne puissent prendre la parole qu’avec l’autorisation de l’enquêteur(art. 2).

L ’ État partie devrait prendre sans délai les mesures voulues pour que tous les détenus bénéficient , dans la pratique, de toutes les garanties juridiques fondamentales dès le début de l a détention, notamment des droits de voir rapidement un avocat, d’être examinés par un médecin indépendant, d ’aviser un proche, d ’ être informés de leurs droits au moment de leur arrestation, ainsi que des accusations portées contre eux, et d’être déférés devant un juge dans un délai conforme aux normes internationales.

Surveillance et inspection des lieux de privation de liberté

9)Le Comité note que dans ses réponses à la liste de points à traiter l’État partie indique que, conformément à la loi no 23 de 1990 sur l’organisation de la justice, à la loi no 26 de 1962 et à l’article 56 du décret-loi no 23 de 1990 relatif à l’organisation de la justice, plusieurs formes de contrôle et de supervision des établissements pénitentiaires sont garanties. Il est néanmoins préoccupé par l’absence de surveillance systématique et efficace de tous les lieux de détention, notamment de visites régulières et inopinées par des inspecteurs nationaux et internationaux (art. 2).

Le Comité engage l ’ État partie à mettre en place un système national pour assurer une surveillance et une inspection effectives de tous les lieux de détention et à veiller à ce qu ’ il soit donné suite au x résultat s d ’ un tel processus. Le système en question devrait comporter des visites périodiques et inopinées visant à prévenir la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. L’État partie est encouragé à accepter la surveillance des lieux de détention par des mécanismes internationaux compétents.

Plaintes et ouverture immédiate d’enquêtes approfondies et impartiales

10)Le Comité note que, d’après les renseignements donnés par la délégation koweïtienne au cours du dialogue, le Ministère de l’intérieur a créé un département spécial chargé d’enregistrer les plaintes et de donner suite aux griefs d’abus d’autorité imputés aux fonctionnaires du Ministère de l’intérieur, mais il regrette l’absence d’un mécanisme indépendant chargé de recevoir des plaintes et d’enquêter de manière rapide, impartiale et approfondie sur les actes de torture signalés aux autorités et qui veille à ce que ceux qui sont reconnus coupables soient dûment punis (art. 13).

L ’ État partie devrait mettre en place un mécanisme de plainte entièrement indépendant, faire en sorte que toutes les allégations de torture fassent l’objet sans délai d’enquêtes approfondies, que les auteurs présumés de ces actes soient poursuivis et que ceux qui ont été reconnus coupables soient punis.

11)Le Comité relève que, pendant la période 2001-2011, 632 procès pour des affaires de torture, de mauvais traitements et de châtiments corporels ont eu lieu et que, dans 248 affaires, les responsables ont été condamnés à une peine, mais il note que l’État partie n’a pas fourni de renseignements précis sur le type de peines prononcées contre les personnes reconnues coupables (art. 4, 12 et 13).

Le Comité demande à l’État partie d’apporter des informations, notamment des données statistiques, sur le nombre de plaintes pour torture et mauvais traitements déposées contre des agents de l ’ État, ainsi que des renseignements sur l ’ issue des procédures , tant pénales que disciplinaires en citant des exemples de jugements rendus.

12)Le Comité regrette profondément le décès de Mohamed Ghazi Al-Maymuni Al‑Matiri, qui a été torturé en janvier 2011 par des agents de la force publique alors qu’il était en garde à vue. Il prend acte de l’inculpation de 19 individus, qui avaient participé aux actes de torture (art. 12).

Le Comité prie l ’ État partie de donner des informations détaillées sur l’évolution de cette affaire et sur tout fait nouveau au niveau judiciaire ainsi que sur l’indemnisation des proches de la victime.

13)Le Comité se dit préoccupé par le cas de huit personnes libérées de Guantanamo Bay et renvoyées au Koweït où elles auraient été arrêtées et seraient poursuivies.

Le Comité demande à l ’ État partie de fournir des informations sur les circonstances exactes de ce cas et sur tout fait nouveau sur le plan judiciaire.

14)Le Comité note que, dans les observations finales faites par le Comité des droits de l’homme en 2000 (CCPR/CO/69/KWT, par. 11), il est fait référence à une liste de 62 personnes arrêtées en 1991 au lendemain de la guerre qui sont, depuis lors, portées disparues. Le Comité note que l’État partien’a reconnu qu’un seul cas. Le Comité note avec préoccupation que les informations faisant état de la disparition de personnes détenues au lendemain de la guerre de 1991 sont récurrentes et que la question a été soulevée par une organisation non gouvernementale pendant l’Examen périodique universel du Koweït en mai 2010.

L’État partie devrait fournir des informations pour éclaircir les cas portés à son attention de personnes arrêtées et portées disparues à la suite de la guerre de 1991.

Non-refoulement

15)Le Comité regrette le manque d’informations sur le point 5 (CAT/C/KWT/2, par. 18) dans le rapport soumis en réponse à la liste des points à traiter (CAT/C/KWT/Q/2), demandant des données statistiques pour les cinq dernières années (2005-2010) relatives aux demandes d’asile, en particulier aux demandes présentées par des personnes qui avaient été torturées ou risquaient d’être torturées si elles étaient renvoyées dans leur pays d’origine (art. 3).

L ’ État partie ne devrait en aucun cas expulser, renvoyer ou extrader une personne vers un État où il y a des motifs sérieux de croire qu ’ elle risque d ’ être soumise à la torture ou à des mauvais traitements. Le Comité demande à l ’ État partie de donner des renseignements détaillés sur le nombre exact de demandes d ’ asile qu ’ il a reçues, le nombre de celles auxquelles il a été fait droit, le nombre de demandeurs d ’ asile dont la demande a été acceptée parce qu ’ ils avaient été torturés ou risquaient d ’ être soumis à la torture s ’ ils retournaient dans leur pays d ’ origine et le nombre d ’expulsions, en indiquant a ) le nombre d ’ expulsions de demandeurs d ’ asile déboutés et b ) les pays de renvoi. Les données devraient être ventilées par âge, sexe et nationalité.

Réfugiés

16)Le Comité note que, en dépit de la coopération en cours avec le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), l’État partie n’a pas ratifié la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés et le Protocole de 1967.

L’État partie est encouragé à songer à ratifier la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés et le Protocole de 1967.

Imposition de la peine de mort

17)Le Comité note que la délégation a indiqué que la peine de mort n’avait pas été appliquée dans l’État partie depuis 2006 mais il est préoccupé par l’absence de renseignements sur le nombre de condamnés exécutés avant 2006. Il est également préoccupé par le grand nombre d’infractions qui emportent la peine de mort ainsi que par le manque d’informations sur le nombre de personnes actuellement incarcérées dans le quartier des condamnés à mort. Le Comité est en outre préoccupé par les dispositions de l’article 49 du Code de procédure pénale qui autorisent un usage excessif de la force à l’encontre des condamnés à mort (art. 2 et 16).

Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ envisager de ratifier le deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, visant à abolir la peine de mort . En attendant, l ’ État partie devrait revoir sa politique afin de garantir que la peine capitale ne soit prononcée que pour les crimes les plus graves. Il devrait veiller à ce que tous les condamnés à mort bénéficient de la protection assurée par la Convention contre la torture et soient traités avec humanité et qu’ils ne fassent l’objet d’aucune mesure discriminatoire ni d’aucun mauvais traitement . Le Comité demande à l ’ État partie de donner des renseignements sur le nombre exact de personnes exécutées depuis l ’ examen du rapport précédent, en 1998, et pour quelles infractions elles avaient été condamnées . L ’ État partie devrait également indiquer le nombre de personnes actuellement dans le quartier des condamné s à mort , en ventilant les données par sexe, âge, origine ethnique et infraction.

Formation

18)Le Comité note avec satisfaction que l’État partie a organisé plusieurs formations sur le thème des droits de l’homme à l’intention des agents des forces de l’ordre. Il est toutefois préoccupé par le fait que les agents des forces de l’ordre, les personnels de sécurité, les juges, les procureurs, les médecins légistes et les personnels médicaux qui sont en contact avec les détenus ne reçoivent pas une formation spécifique sur les dispositions de la Convention et sur les moyens de déceler les séquelles physiques de la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants et d’en établir la réalité. Le Comité regrette aussi le manque de formation au sujet de la traite des êtres humains, de la violence au foyer, des migrants, des minorités et d’autres groupes vulnérables ainsi que sur le suivi de l’un ou l’autre de ces programmes de formation et sur leur efficacité pour la réduction des cas de torture et de mauvais traitements (art. 10).

L ’ État partie d evrait développer et renforcer l es programmes de formation et des programmes visant à obtenir que tous les agents de l ’ État, y compris les agents des forces de l ’ ordre, les personnels de sécurité et les personnels pénitentiaires connaissent parfaitement les dispositions de la Convention et sachent qu e les violation s de la Convention ne ser ont pas tolérée s et fer ont l ’ objet d ’ une enquête rapide et approfondie et que leurs auteurs seront poursuivis. En outre, tout le personnel concerné, y compris le personnel médical, devrait recevoir une formation spécifique lui permettant de déceler les signes de torture et les mauvais traitements. À cette fin, le Manuel pour enquêter efficacement sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (Protocole d ’ Istanbul) devrait faire partie du matériel de formation. L’État partie devrait aussi élaborer pour l’ensemble de son personnel des cours de formation consacrés à la traite des êtres humains, à la violence au foyer, aux migrants, aux minorités et autres groupes vulnérables. En outre, l ’ État partie devrait évaluer l ’ efficacité de ces programmes de formation et d ’ éducation et leur incidence pour ce qui est de l ’ interdiction absolue de la torture.

Conditions de détention

19)Le Comité se félicite du projet de loi visant à modifier l’article 60 du Code de procédure pénale de 1960 de façon à ramener de quatre jours à quarante-huit heures le délai maximum de garde à vue sans autorisation écrite. Il est toutefois gravement préoccupé par les conditions générales dans tous les types de lieux de détention (art. 11 et 16).

Le Comité demande à l ’ État partie de fournir des informations détaillées sur les conditions générales de détention et, en particulier, sur le taux d ’ occupation dans tous les types de lieux de détention. L ’ État partie devrait prendre d ’ urgence des mesures pour mettre les conditions de détention dans tous les lieux où des personnes sont privées de liberté en conformité avec l ’ Ensemble de règles minima pour le traitement des prisonniers, en améliorant la qualité de la nourriture et des soins de santé fournis aux détenus et en renforçant le contrôle judiciaire et la surveillance indépen dant e des conditions de détention.

Conditions dans les hôpitaux psychiatriques

20)Le Comité prend acte de l’information fournie pendant le dialogue au sujet des personnes souffrant de maladies mentales. Il regrette toutefois que peu d’informations aient été fournies sur les conditions des personnes soumises à un traitement forcé dans un établissement psychiatrique et les garanties juridiques dont elles bénéficient (art. 16).

Le Comité recommande à l’État partie de prendre toutes les mesures nécessaires pour faire en sorte que les personnes faisant l’objet d’un traitement forcé aient accès à des mécanismes de plainte. Il demande à l ’ État partie de lui fournir des informations sur les conditions des personnes placées dans des hôpitaux psychiatriques.

Réparation, y compris indemnisation et moyens de réadaptation

21)Le Comité note que la législation de l’État partie contient des dispositions générales qui prévoient sans doute la possibilité pour les victimes de torture d’obtenir une indemnisation de l’État, ainsi que la restitution de leurs droits, une réparation financière adéquate et équitable, des soins médicaux et des moyens de réadaptation, mais il est préoccupé par l’absence d’un programme spécifique permettant de donner effet au droit des victimes de torture et de mauvais traitements d’obtenir une réparation et une indemnisation adéquates. Le Comité est également préoccupé par l’absence de renseignements sur le nombre de victimes de torture et de mauvais traitements qui peuvent avoir été indemnisées et sur les montants des indemnités effectivement versées dans ces affaires, ainsi que par l’absence de renseignements sur d’autres formes d’assistance offertes aux victimes, notamment l’aide médicale ou les mesures de réadaptation psychosociale (art. 12 et 14).

L ’ État partie devrait faire en sorte que les victimes de torture s et de mauvais traitements jouissent d’un droit exécutoire à réparation , y compris à une indemnisation équitable et adéquate ainsi que des moyens nécessaires à une réadaptation la plus complète possible. Il devrait en outre donner des renseignements sur les réparations et les indemnisations ordonnées par les tribunaux et effectivement oc troyées aux victimes de torture . Dans ce contexte, il devrait préciser le nombre de demandes déposées, le nombre de celles auxquelles il a été fait droit et les montants ordonnés ainsi que les sommes effectivement versées dans chaque cas. De plus, l ’ État partie devrait donner des renseignements sur tout programme de réparation en cours , notamment sur le traitement des traumatismes et des autres formes de réadaptation offertes aux victimes d ’ actes de torture et de mauvais traitements, et indiquer si des ressources suffisantes ont été allouées pour assurer le fonctionnement de ces programmes.

Travailleurs domestiques migrants

22)Le Comité note avec préoccupation les informations selon lesquelles les travailleurs domestiques migrants et, en particulier, les femmes subissent fréquemment des sévices généralisés. Il semble que ce groupe vulnérable soit constamment victime de mauvais traitements dans une impunité totale et sans protection judiciaire. Il regrette le manque de statistiques sur le nombre et le type de plaintes déposées auprès des autorités s’occupant des employés domestiques et sur la manière dont ces plaintes sont réglées. Le Comité prend note de l’engagement de l’État partie, pris par ses représentants pendant l’Examen périodique universel du Koweït à la huitième session du Conseil des droits de l’homme en mai 2010, tendant à adopter des textes de loi contre la traite des êtres humains et le trafic des migrants conformément à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée et au Protocole s’y rapportant (art. 1, 2 et 16).

L’État partie devrait adopter d’urgence une législation du travail applicable à l’emploi domestique et assurant sur son territoire une protection aux travailleurs domestiques migrants, en particulier aux femmes, contre l’exploitation, les mauvais traitements et les sévices. L’État partie devrait fournir au Comité des statistiques, en particulier sur le nombre et le type de plaintes déposées auprès des autorités ainsi que les mesures prises pour régler les affaires à l’origine de cette plainte.

Violence contre les femmes

23)Le Comité note avec préoccupation les nombreuses allégations de violence à l’égard des femmes et de violence au foyer sur lesquelles l’État partie n’a pas fourni d’informations. Il est préoccupé par l’absence de texte législatif spécifique sur la violence au foyer ainsi que par l’absence de statistiques indiquant le nombre total de plaintes pour violence au foyer dont on a connaissance et le nombre d’enquêtes ouvertes et de condamnations et de peines prononcées (art. 2 et 16).

Le Comité:

a) E ngage l ’ État partie à adopt er d’urgence un texte de loi pour ériger en infraction, prévenir et combattre la violence à l ’ égard des femmes , y compris au foyer;

b) Recommande à l’ État partie de réaliser des études et de recueillir des données sur l ’ ampleur de la violence au foyer et fournir des statistiques sur les plaintes déposées, les poursuites engagées et les condamnations prononcées ;

c) Encourage l’ État partie à organiser la participation de ses agents à des programmes de réadaptation et d ’assistance juridique et à mener à bien de vaste s campagnes de sensibilisation à l ’ intention de personnels tels que les juges, les professionnels du droit, les agents des forces de l ’ordre et les travailleurs sociaux qui sont en contact direct avec les victimes. La population en général devrait avoir connaissance de ces programmes.

Traite des êtres humains

24)Le Comité est préoccupé par l’absence de texte législatif spécifique visant à prévenir, combattre et incriminer pénalement la traite. Il est également préoccupé par l’absence d’informations sur la traite, notamment sur les textes législatifs existants, et de statistiques, en particulier sur le nombre de plaintes déposées, les enquêtes menées, les poursuites et les condamnations des responsables de traite, ainsi que par l’absence de renseignements concernant les mesures concrètes prises pour empêcher le phénomène et le combattre, y compris les mesures d’ordre médical, social et visant à assurer la réadaptation (art. 2, 4 et 16).

L ’ État partie devrait lutter contre la traite des êtres humains en adoptant et en mettant en œuvre des textes spécifiquement consacrés à la lutte contre la traite prévoyant l’incrimination pénale de la traite conformément aux normes internationales. Les infra ctions ainsi définies doivent e mporter des peines appropriées. L ’ État partie devrait assurer la protection des victimes et leur garantir l ’accès à des services médicaux et sociaux, à des moyens de réadaptation ainsi qu ’ à des conseils et une assistance juridique s .

Discrimination et violence contre les groupes vulnérables

25)Le Comité est préoccupé par les informations selon lesquelles des groupes vulnérables tels que les lesbiennes, les gays, les bisexuels et les transgenres sont victimes de discrimination et de mauvais traitements, notamment de violences sexuelles dans les contextes public et privé (art. 2 et 16).

L’État partie devrait enquêter sur les infractions relatives à la discrimination à l’encontre de tous les groupes vulnérables et trouver des moyens de prévenir et de réprimer les crimes motivés par la haine. L’État partie devrait également procéder rapidement à une enquête approfondie et impartiale sur tous les cas de discrimination et de mauvais traitements infligés à ces groupes vulnérables et punir ceux qui en sont responsables. Il devrait également lancer des campagnes de sensibilisation à l’intention de tous les fonctionnaires qui sont en contact direct avec les victimes d’une telle violence ainsi que pour l’ensemble de la population.

Situation des «Bidouns»

26)Le Comité se déclare préoccupé par la situation d’au moins 100 000 personnes non reconnues légalement par l’État partie, appelées «Bidouns» (sans nationalité) qui seraient victimes de différentes sortes de discrimination et de mauvais traitements (art. 16).

L ’ État partie devrait adopt er un texte législatif spécifique pour assurer la protection des « B idouns» et reconnaître leur statut juridique . Il devrait prendre toutes les mesures législatives et pratiques voulues pour simplifier et faciliter la régul a r isation de ces personnes et leur intégration. Il devrait également prendre le s mesures nécessaires pour que c es personn es soient informé e s de leurs droits dans une langue qu ’el l e s comprennent et qu ’el l e s bénéficient des garanties juridiques fondamentales dès le moment où el l e s sont privé e s de liberté, sans aucune discrimination.

Institution nationale des droits de l’homme

27)Le Comité note avec préoccupation que l’État partie n’a pas encore mis en place d’institution nationale pour promouvoir et protéger les droits de l’homme, conformément aux Principes concernant le statut des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l’homme (Principes de Paris, art. 2, résolution 48/134 de l’Assemblée générale, annexe).

L ’ État partie devrait mettre en place une institution nationale indépendante des droits de l ’homme, conformément aux P rincipes de Paris.

Collecte de données

28)Le Comité regrette l’absence de données complètes et ventilées sur les plaintes, les enquêtes, les poursuites et les condamnations dans les affaires de torture et de mauvais traitements où sont impliqués des membres des organes chargés d’appliquer la loi, des forces de sécurité des services du renseignement et du personnel pénitentiaire ainsi que sur la traite, les mauvais traitements infligés aux travailleurs migrants et la violence au foyer et sexuelle.

L’État partie devrait recueillir des données statistiques utiles pour le suivi de l’application de la Convention au niveau national, notamment sur les plaintes, les enquêtes, les poursuites et les condamnations dans les affaires de torture et de mauvais traitements, de traite, de mauvais traitements infligés aux travailleurs migrants et aux travailleurs domestiques et sur la violence sexuelle ainsi que les mesures d’indemnisation et de réadaptation prises en faveur des victimes.

29)Le Comité recommande à l’État partie d’envisager de ratifier le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture.

30)Le Comité relève avec satisfaction que pendant le dialogue l’État partie s’est engagé à retirer la réserve qu’il avait émise au sujet de l’article 20 de la Convention.

31)Le Comité recommande à l’État partie d’envisager de faire les déclarations prévues à l’article 21 et à l’article 22 de la Convention.

32)Le Comité invite l’État partie à ratifier les principaux instruments des Nations Unies relatifs aux droits de l’homme auxquels il n’est pas encore partie, notamment la Convention relative aux droits des personnes handicapées, la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille et la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées.

33)Le Comité invite l’État partie à ratifier le Statut de Rome de la Cour pénale internationale, la Convention relative au statut des apatrides et la Convention sur la réduction des cas d’apatridie.

34)Le Comité invite l’État partie à soumettre son prochain rapport périodique en suivant ses directives sur l’établissement des rapports et à respecter la limite de 40 pages fixée pour le document propre à la Convention. Il l’invite aussi à mettre à jour son document de base commun conformément aux instructions figurant dans les directives harmonisées pour l’établissement des rapports au titre des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme (HRI/GEN.2/Rev.6), approuvées par la Réunion intercomités des organes créés en vertu d’instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, et de respecter la limite de 80 pages fixée pour le document de base commun. Le document propre à la Convention et le document de base commun constituent conjointement les documents que l’État partie est tenu de soumettre pour s’acquitter de son obligation de faire rapport au titre de la Convention.

35)L’État partie est encouragé à diffuser largement les rapports qu’il soumet au Comité ainsi que les présentes observations finales, dans les langues voulues, par le biais des sites Web officiels, des médias et des organisations non gouvernementales.

36)Le Comité demande à l’État partie de lui faire parvenir dans un délai d’un an des renseignements sur la suite qu’il aura donnée aux recommandations figurant aux paragraphes 10, 11 et 17 et de fournir des informations sur la suite donnée à son engagement mentionné au paragraphe 6 des présentes observations finales.

37)L’État partie est invité à soumettre son prochain rapport périodique, qui sera le troisième, au plus tard le 3 juin 2015.

58. Maurice

1)Le Comité contre la torture a examiné le troisième rapport périodique de Maurice (CAT/C/MUS/3), soumis conformément à la nouvelle procédure facultative pour l’établissement des rapports, à ses 998e et 1001e séances, les 19 et 20 mai 2011 (CAT/C/SR.998 et 1001), et a adopté à sa 1015e séance, le 31 mai 2011 (CAT/C/SR.1015), les observations finales ci-après.

A.Introduction

2)Le Comité accueille avec satisfaction la soumission du troisième rapport périodique de Maurice, qui a été établi conformément à la nouvelle procédure facultative pour l’établissement des rapports, consistant pour l’État partie à répondre à une liste de points à traiter établie et transmise par le Comité. Il exprime sa gratitude à l’État partie pour avoir accepté de lui faire rapport selon cette nouvelle procédure, qui facilite le dialogue. Il regrette toutefois que ce rapport lui soit parvenu avec huit ans de retard, au détriment d’une analyse régulière de l’application de la Convention.

3)Le Comité remercie l’État partie d’avoir fait parvenir les réponses à la liste des points dans le délai prescrit. Il se félicite également du dialogue franc et constructif qui s’est déroulé avec la délégation de haut niveau de l’État partie, ainsi que des informations et explications supplémentaires que lui a données la délégation.

B.Aspects positifs

4)Le Comité note avec satisfaction que l’État partie a ratifié les instruments internationaux suivants:

a)Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, le 21 juin 2005;

b)Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés, le 12 février 2009;

c)Protocole additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants, le 24 septembre 2003;

d)Protocole contre le trafic illicite de migrants par terre, air et mer, additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée, le 24 septembre 2003;

e)Statut de Rome de la Cour pénale internationale, le 5 mars 2002;

f)Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée, le 21 avril 2003.

5)Le Comité prend note avec satisfaction des efforts déployés par l’État partie pour réviser sa législation afin d’assurer une protection accrue des droits de l’homme et se félicite de l’adoption des dispositions législatives suivantes:

a)La loi portant modification du Code pénal, en 2003 (art. 78), qui incorpore en droit interne la définition de la torture donnée à l’article premier de la Convention contre la torture;

b)Les modifications apportées en 2004 à la loi de 1997 relative à la protection contre la violence au foyer;

c)Les modifications apportées en 2005 et 2008, à la loi de 1994 sur la protection de l’enfance;

d)La loi relative à la lutte contre la traite des êtres humains, le 21 avril 2009;

e)La loi portant modification du Code de procédure pénale, en 2007 (dont l’article 5, par. 1) abolit les peines obligatoires prévues pour certaines infractions pénales et à la loi sur les drogues dangereuses et rétablit le pouvoir discrétionnaire des tribunaux quant aux peines à prononcer);

f)La loi relative à l’abolition de l’emprisonnement pour dette civile, en 2006;

g)La loi sur la discrimination fondée sur le sexe, en 2002, portant création, au sein de la Commission nationale des droits de l’homme, d’une division de la lutte contre la discrimination fondée sur le sexe;

h)La loi sur le transfèrement de prisonniers, en 2001.

6)Le Comité relève avec satisfaction les efforts consentis par l’État partie pour permettre à la Commission nationale des droits de l’homme d’entrer en fonctions en avril 2001 et créer le Bureau du Médiateur pour les enfants.

C.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Incorporation du droit international

7)Le Comité note que le système d’incorporation des instruments internationaux de l’État partie est dualiste, mais il s’inquiète de ce que l’État partie n’a pas encore pleinement incorporé la Convention dans son droit interne (art. 2).

L ’ État partie devrait, dans le cadre du prochain examen constitutionnel annoncé par la délégation, envisager d ’ incorporer entièrement les dispositions de la Convention dans sa législation afin de permettre aux tribunaux de faire respecter les obligations énoncées dans celle-ci.

Peines appropriées applicables aux actes de torture

8)Le Comité note que l’article 78 (révisé) du Code pénal modifié en 2008 punit l’infraction de torture d’une amende de 150 000 roupies au maximum et d’un emprisonnement de dix ans au maximum, mais il demeure préoccupé par le fait que certaines circonstances aggravantes, comme l’invalidité permanente de la victime, ne sont pas expressément prises en compte. Il note également avec préoccupation que d’autres infractions, comme le trafic de drogue, emportent des peines plus sévères que les actes de torture (art. 1 et 4).

L ’ État partie devrait réviser son Code pénal de façon à rendre les actes de torture passibles de peines appropriées qui prennent en considération leur gravité, conformément à l ’ article 4 de la Convention.

Interdiction absolue de la torture

9)Le Comité note qu’«il est peu probable que les tribunaux mauriciens considèrent que des circonstances exceptionnelles puissent justifier la torture» (CAT/C/MUS/3, par. 15), mais il s’inquiète de l’absence, dans la législation de l’État partie, d’une disposition garantissant qu’aucune circonstance exceptionnelle, quelle qu’elle soit, ne puisse être invoquée pour justifier la torture, comme le prévoit le paragraphe 2 de l’article 2 de la Convention.

L ’ État partie devrait introduire dans sa législation une disposition établissant l’interdiction absolue de la torture et prévoyant qu ’ aucune circonstance, quelle qu ’ elle soit, ne peut être invoquée pour la justifier.

Garanties juridiques fondamentales

10)Le Comité note les informations données par l’État partie, mais il relève avec préoccupation le manque de précisions sur le point de savoir si une personne arrêtée et détenue par la police a accès à un médecin, si possible de son choix, dès le début de sa détention et si le droit à la protection de la vie privée est respecté. Le Comité est également préoccupé par l’absence d’informations claires sur le point de savoir si les personnes placées en détention sont informées dans le plus court délai de leur droit de contacter leur famille ou une personne de leur choix. Il se demande de plus si les personnes sont dûment enregistrées entre le moment de leur arrestation et celui où elles sont déférées devant un juge (art. 2).

L ’ État partie devrait prendre des mesures pour que:

a) Les personnes arrêtées et détenues dans des commissariats de police aient accès dès le début de la détention à un médecin, si possible de leur choix;

b) Les visites médicales se déroulent dans le respect de la confidentialité;

c) L es personnes arrêtées et détenues puissent informer leur famille ou une personne de leur choix de leur détention.

L ’ État partie devrait aussi fixer des règles et des procédures appropriées claires concernant l’ enregistrement des personnes dès leur placement en détention et veiller à ce que ces personnes soient déférées rapidement devant un juge.

Mécanismes de plainte

11)Le Comité note que différents mécanismes sont chargés de recevoir les plaintes portées contre des policiers pour utilisation excessive de la force et d’enquêter sur ces plaintes, comme la Commission nationale des droits de l’homme et le Bureau d’enquête sur les plaintes, mais il s’interroge sur l’indépendance de ce dernier, qui demeure placé sous l’autorité administrative du Directeur de la police. Il regrette l’absence d’informations sur l’application des recommandations faites par la Commission nationale des droits de l’homme dans son rapport de 2007 au sujet de la police (art. 2, 12 et 13).

L ’ État partie devrait prendre des mesures concrètes pour garantir que les plaintes portées contre la police soient traitées rapidement, de manière approfondie et en toute impartialité , par des mécanismes de plainte indépendants et que les personnes responsables des actes incriminés soient poursuivi e s, condamné e s et sanctionné e s. À cette fin , il devrait adopter et mettre en œuvre rapidement le projet de loi sur les plaintes contre la police qui est en cours d’élaboration et créer le bureau indépendant des plaintes contre la police, adopter une nouvelle loi sur la police et une loi sur les procédures policières et les preuves judiciaires, ainsi que des codes de déontologie à l ’ usage des personnes chargées d ’ enquêter sur les infractions. L ’ État partie devrait en outre assurer l ’ application des recommandations faites par la Commission nationale des droits de l ’ homme en 2007 au sujet du comportement de la police et informer le Comité des résultats qu ’ elles ont eus dans la pratique.

Non-refoulement

12)Le Comité craint que la législation de l’État partie ne garantisse pas clairement et pleinement le principe du non-refoulement consacré à l’article 3 de la Convention, comme il l’avait demandé dans ses observations finales (A/54/44, par. 123 c)). Il est également préoccupé par le manque d’informations sur la procédure suivie en cas de demande d’extradition ainsi que sur les garanties procédurales dont bénéficie une personne extradée, notamment le droit de faire appel de l’extradition, avec effet suspensif (art. 3).

L ’ État partie devrait revoir sa législation de façon à garantir pleinement le principe du non- refoulement. Il devrait également revoir sa loi sur l ’ extradition afin de la rendre pleinement conforme à l ’ article 3 de la Convention; il devrait en particulier clarifier l a proc édure par l a quel le l ’ extradition est demandée et la manière dont la décision de l ’ accorder ou non est prise, les garanties offertes, notamment la possibilité de contester la décision avec effet suspensif pour que la personne expulsée, renvoyée ou extradée ne soit pas exposée au risque d ’ être torturée. L ’ État partie devrait également fournir des données statistiques détaillées sur le nombre de demandes d’extradition reçues, le s États d e ma n deur s et le nombre de personnes d ont l ’ extradition a été autorisée ou refusé e .

Éducation et formation dans le domaine des droits de l’homme

13)Le Comité note les efforts entrepris par l’État partie pour dispenser une éducation et une formation dans le domaine des droits de l’homme aux membres de la police et à d’autres catégories de personnel, notamment sur la prévention de la torture, mais il regrette le manque d’informations sur les résultats concrets des activités de formation menées. Le Comité est également préoccupé par le fait que les programmes de formation destinés au personnel médical ne contiennent pas un élément portant sur le «Manuel pour enquêter efficacement sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants» (Protocole d’Istanbul) (art. 10).

L ’ État partie devrait renforcer ses programmes de formation à l’intention des agents chargés de faire appliquer la loi , du personnel médical et des personnes chargées d’enquêter sur les actes de torture et d’établir la réalité de ces faits concernant les dispositions de la Convention, ainsi qu e d’autres instruments, comme le «M anuel pour enquêter efficacement sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants» (Protocole d ’ Istanbul). Il devrait également établir une méthode pour évaluer les effets concrets de tels programmes de formation et informer le Comité de leurs résultats. À cet te fin , l ’ État partie est encouragé à solliciter une assistance technique auprès d ’ organes et d ’ organismes internationaux.

Conditions de détention

14)Le Comité prend note des informations données par l’État partie au sujet de ses efforts pour améliorer les conditions de détention, dont la construction d’une nouvelle prison d’une capacité de 750 détenus à Melrose. Il est toutefois préoccupé par la surpopulation dans certaines prisons (en particulier celles de Beau Bassin, de Petit Verger et de GRNW) ainsi que par les conditions de détention inadéquates, la non-séparation systématique des prévenus d’avec les condamnés et le taux élevé de violence entre prisonniers. Le Comité est également préoccupé par la proportion élevée de personnes en détention provisoire (art. 11 et 16).

L ’ État partie devrait prendre de nouvelles mesures pour réduire l a surpopulation carcérale et améliorer les conditions dans toutes les prisons. Le Comité engage l ’ État partie à recourir à des peines de substitution et à des mesures non privatives de liberté et à réduire la durée de la détention avant jugement. L ’ État partie devrait également prendre des mesures pour séparer les prévenus des condamnés et adopter un plan pour lutter contre la violence entre prisonniers.

Plaintes, enquêtes et poursuites

15)Le Comité note avec préoccupation que seul un petit nombre de plaintes pour torture, usage excessif de la force ou mauvais traitements mettant en cause les forces de l’ordre ou le personnel pénitentiaire ou de cas de décès survenus en garde à vue font l’objet d’une enquête et de poursuites et que, le cas échéant, aucune indemnisation n’est généralement accordée (art. 12, 13 et 14).

L ’ État partie devrait mener systématiquement des enquêtes impartiales, complètes et efficaces sur toutes les allégations de violence commises par la police ou des agents pénitentiaires, poursuivre les auteurs et leur infliger des peines à la mesure de la gravité de leurs actes. Il devrait également garantir aux victimes ou à leur famille le droit d’obtenir réparation et d’être indemnisés équitablement et de manière adéquate, y compris les moyens nécessaires à une réadaptation la plus complète possible. L ’ État partie devrait informer le Comité de l ’ issue des procédures en cours et des résultats de l ’ appel interjeté par le Procureur public contre la destitution de quatre agents de police accusés d ’ actes de violence.

Violence contre les femmes, y compris violence au foyer

16)Le Comité donne à l’État partie acte des efforts déployés pour combattre la violence au foyer, en particulier à l’égard des femmes et des enfants, comme la modification, en 2004, de la loi sur la protection contre la violence au foyer, l’adoption et l’exécution de plusieurs plans et stratégies et la mise en place de différents mécanismes. Il est toutefois préoccupé par la persistance, dans l’État partie, de la violence au foyer, en particulier à l’égard des femmes et des enfants, y compris la violence sexuelle, et par la non-criminalisation du viol conjugal (art. 2 et 16).

L ’ État partie devrait continuer de combattre la violence au foyer, notamment à l’égard des femmes et d es enfants. À cet te fin , il devrait assurer l ’ entrée en vigueur des modifications apportées à la loi sur la protection contre la violence au foyer en 2007 et continuer de mener des campagnes de sensibilisation et de dispenser une formation à ses fonctionnaires au sujet de la violence au foyer, y compris la violence sexuelle. L ’ État partie devrait également prendre des mesures pour faciliter le dépôt de plaintes par les victimes et les informer des recours disponibles. Il devrait enquêter sur les cas de violence et poursuivre et punir les responsables. En outre, l ’ État partie devrait ériger en infraction pénale distincte le viol conjugal et adopter dans les meilleurs délais le projet de loi sur les infractions sexuelles qui est actuellement en cours d ’ élaboration.

Châtiments corporels et sévices à enfant

17)Le Comité prend note des informations données par l’État partie indiquant que l’article 13 de la loi sur la protection de l’enfant érige en infraction le fait d’exposer un enfant à un préjudice, mais il constate avec préoccupation que les châtiments corporels ne sont pas totalement interdits par la législation mauricienne, notamment dans les institutions pénales et dans les structures de protection de remplacement. Il est également préoccupé par les informations émanant de l’État partie selon lesquelles des cas de «brutalités», y compris de sévices sexuels, sont signalés chaque année aux autorités compétentes. Ces cas sont transmis à la police, qui prend des mesures disciplinaires contre les coupables, mais aucune information n’est fournie sur les conséquences pénales de tels actes (art. 16).

L ’ État partie devrait adopter des textes législatifs pour interdire les châtiments corporels, en particulier dans les établissements sociaux et dans les structures de protection de remplacement. À cet effet, il devrait faire figurer la question dans son projet de loi sur les enfants qui est actuellement en cours d ’ élaboration. L ’ État partie devrait en outre mener des campagnes de sensibilisation aux effets préjudiciables des châtiments corporels. Enfin, il devrait intensifier ses efforts pour combattre les sévices à enfa nt, notamment en enquêtant sur l es cas de sévices , en traduisant les responsables en justice et en les punissant. L ’ État partie devrait fournir au Comité des données statistiques sur les cas de sévices à enfant, les enquêtes menées, les poursuites engagées, les condamnations prononcées et les mesures de réparation et de réadaptation prises en faveur des victimes.

Adoption de projets de loi relatifs aux droits de l’homme

18)Le Comité prend note des explications données par la délégation de l’État partie concernant les difficultés rencontrées pour finaliser et adopter les projets de loi, mais il note avec préoccupation que plusieurs projets de loi relatifs aux droits de l’homme visant à prévenir la torture, notamment ceux concernant la création d’une commission indépendante d’examen des plaintes contre la police, les droits des victimes, la charte des victimes, la police, ainsi que les procédures policières et les preuves pénales, sont en cours d’élaboration ou en lecture au Parlement depuis longtemps, dans certains cas depuis plusieurs années, et n’ont pas été adoptés (art. 2 et 4).

L ’ État partie devrait prendre les mesures nécessaires pour accélérer le processus d ’ adoption des projets de loi relatifs aux droits de l ’ homme, en particulier ceux qui vis e nt à prévenir la torture et les autres traitements cruels, inhumains ou dégradants , et leur donner effet dès leur adoption .

Mécanisme national de prévention

19)Le Comité note que la Commission nationale des droits de l’homme a été chargée de faire office de mécanisme national de prévention chargé d’appliquer le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture, mais il est préoccupé par le fait que le projet de loi sur le mécanisme national de prévention est encore en cours d’élaboration et que le mécanisme national de prévention n’a pas encore été mis en place alors que l’État partie a ratifié le Protocole facultatif en 2005 (art. 2).

Le Comité recommande à l’État partie de:

a) F inaliser le projet de loi sur le mécanisme national de prévention, l ’ adopter et mettre en place le mécanisme dans le s meilleur s délai s . Ce mécanisme devrait être doté des ressources humaines et financières nécessaires , comme le prévoient le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et les Principes concernant le statut des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l ’ homme (Principes de Paris ) ( résolution 48/134 de l ’ Assemblée générale, annexe) ;

b) Rendre public le rapport établi par le Sous-Comité pour la prévention de la torture à la suite de sa visite à Maurice en 2007.

Plan d’action national pour les droits de l’homme

20)Le Comité prend note des renseignements apportés par l’État partie et sa délégation selon lesquels un plan d’action pour les droits de l’homme sera prêt sous peu, mais il regrette que ce plan, qui vise à mettre en place un cadre général pour la promotion et la protection des droits de l’homme dans l’État partie, notamment la prévention de la torture et la protection contre cette pratique, n’ait pas encore été adopté (art. 2).

L ’ État partie devrait accélérer le processus d ’ adoption du p lan d ’ action relatif aux droits de l ’ homme et le mettre en œuvre afin d ’ assurer une protection efficace des droits de l ’ homme et, notamment , une protection contre la torture. L ’ État partie devrait tenir compte des recommandations formulées par le Comité et consulter la société civile lors de l ’ élaboration et de la mise en œuvre d ’ un tel plan.

Collecte de données

21)Le Comité regrette l’absence de données complètes et ventilées sur les plaintes, les enquêtes, les poursuites et les condamnations dans les affaires de torture et de mauvais traitements où sont impliqués des fonctionnaires chargés de faire appliquer la loi, des agents des forces de sécurité, des militaires et des membres du personnel pénitentiaire, ainsi que sur les condamnés à mort, les mauvais traitements infligés aux travailleurs migrants, la traite des êtres humains, la violence au foyer et la violence sexuelle.

L ’ État partie devrait rassembler des données statistiques utiles pour la surveillance de l ’ application de la Convention au niveau national, notamment sur les plaintes, les enquêtes, les poursuites et les condamnations de personnes coupables d ’ actes de torture et de mauvais traitements, sur les mauvais traitements infligés aux travailleurs migrants, sur les condamnés à mort , la traite des êtres humains , la violence au foyer et la violence sexuelle, ventilées par âge, sexe, appartenance ethnique et type d ’ infraction commise, ainsi que sur les moyens de réparation, notamment d ’ indemnisation et de réadaptation , dont peuvent bénéficier les victimes.

22)Le Comité invite l’État partie à envisager de ratifier les principaux instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme auxquels il n’est pas encore partie: la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, le deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, visant à abolir la peine de mort, le Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants et le Protocole facultatif se rapportant à la Convention relative aux droits des personnes handicapées.

23)Le Comité recommande à l’État partie d’adopter le projet de loi sur la Cour pénale visant à incorporer les dispositions du Statut de Rome de la Cour pénale internationale dans la législation interne.

24)Le Comité invite l’État partie à envisager de faire la déclaration prévue à l’article 22 de la Convention relative aux plaintes émanant de particuliers.

25)Le Comité invite l’État partie à soumettre son prochain rapport périodique en suivant les directives sur l’établissement des rapports et en respectant la limite de 40 pages fixée pour le document spécifique à la Convention. Il l’invite également à mettre à jour son document de base commun conformément aux instructions qui figurent dans les directives harmonisées pour l’établissement des rapports à soumettre en vertu des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme (HRI/GEN.2/Rev.6) approuvées par la Réunion intercomités des organes créés en vertu d’instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, en respectant la limite de 80 pages. Le document spécifique à la Convention et le document de base commun constituent conjointement les documents que l’État partie est tenu de soumettre pour s’acquitter de son obligation de faire rapport en vertu de la Convention.

26)L’État partie est invité à diffuser largement, dans toutes les langues officielles, le rapport qu’il a soumis au Comité et les présentes observations finales, par le biais des sites Web officiels, des médias et des organisations non gouvernementales.

27)Le Comité demande à l’État partie de lui faire parvenir dans un délai d’un an des renseignements sur la suite qu’il aura donnée aux recommandations figurant aux paragraphes 11, 14, 19 a) et 19 b).

28)Le Comité invite l’État partie à soumettre son prochain rapport périodique, qui sera le quatrième, au plus tard le 3 juin 2015.

59. Monaco

1)Le Comité contre la torture a examiné les quatrième et cinquième rapports périodiques de Monaco, réunis en un seul document (CAT/C/MCO/4-5), à ses 1000e et 1003e séances (CAT/C/SR.1000 et 1003), les 20 et 23 mai 2011, et a adopté à sa 1015e séance (CAT/C/SR.1015) les observations finales ci-après.

A.Introduction

2)Le Comité accueille avec satisfaction les quatrième et cinquième rapports périodiques de Monaco et note avec appréciation que le rapport a été soumis conformément à la nouvelle procédure facultative pour l’établissement des rapports, qui consiste pour l’État partie à répondre à une liste de points à traiter transmise par le Comité (CAT/C/MCO/Q/4). Le Comité remercie l’État partie d’avoir accepté de présenter son rapport en suivant cette nouvelle procédure facultative, qui facilite la coopération entre l’État partie et le Comité.

3)Le Comité se félicite du dialogue franc et constructif qu’il a eu avec la délégation de haut niveau de l’État partie, à laquelle il exprime ses remerciements pour les réponses claires, précises et détaillées données lors de ce dialogue ainsi que pour les réponses additionnelles apportées par écrit.

B.Aspects positifs

4)Le Comité prend note avec satisfaction de la ratification par l’État partie des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme ci-après pendant la période considérée:

a)Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, en 2005;

b)Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants, en 2008.

5)Le Comité prend note avec satisfaction de:

a)L’entrée en vigueur de la loi no 1343 du 26 décembre 2007, intitulée «Justice et Liberté», portant modification de certaines dispositions du Code de procédure pénale garantissant les droits des personnes soumises à la garde à vue ou à la détention provisoire. Ladite loi établit également le régime de l’indemnisation du dommage résultant d’une détention provisoire injustifiée;

b)L’entrée en vigueur de la loi no 1344 du 26 décembre 2007 relative au renforcement de la répression des crimes et délits contre l’enfant;

c)L’entrée en vigueur de la loi no 1312 du 29 juin 2006 relative à l’obligation de motiver les décisions administratives, y compris les décisions de refoulement d’étrangers, sous peine de nullité;

d)L’ordonnance souveraine no 605 du 1er août 2006 portant application de la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée et de ses Protocoles additionnels.

6)Le Comité prend également note avec satisfaction de l’organisation des différentes activités de formation et de sensibilisation aux droits de l’homme, notamment à l’intention des magistrats et des agents de la sûreté publique.

C.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Définition et pénalisation de la torture

7)Le Comité note que l’article 8 du Code de procédure pénale établissant la compétence des tribunaux sur des faits de torture commis à l’étranger fait référence à l’article premier de la Convention. Néanmoins, il demeure préoccupé par l’absence d’intégration dans le Code pénal, malgré sa récente révision, d’une définition de la torture qui soit pleinement conforme à l’article premier de la Convention. Le Comité est également préoccupé par l’absence d’une disposition spécifique incriminant la torture (art. 1 et 4).

L ’ État partie devrait incorporer dans sa législation pénale une définition de la torture qui soit strictement conforme à celle de l ’ article premier de la Convention. Le Comité estime que les États parties, en établissant et en définissant l ’ infraction de torture conformément aux articles 1 er et 4 de la Convention et en l ’ érigeant en une infraction distincte des autres crimes, serviront directement l ’ objectif fondamental de la Convention qui consiste à prévenir la torture, notamment en attirant l ’ attention de tous − auteurs, victimes et public − sur le fait que ce crime est d ’ une gravité particulière et en renforçant l ’ effet dissuasif de l ’ interdiction de la torture.

Interdiction absolue de la torture

8)Tout en notant que les articles 127 à 130 du Code pénal relatifs à l’abus d’autorité sanctionnent sévèrement les ordres d’autorités publiques contraires à la loi, le Comité est préoccupé du fait que les révisions récentes du Code pénal de l’État partie n’incluent pas de dispositions interdisant expressément d’invoquer des circonstances exceptionnelles ou l’ordre d’un supérieur ou d’une autorité publique pour justifier la torture (art. 2).

L ’ État partie devrait adopter des dispositions spécifiques interdisant d ’ invoquer des circonstances exceptionnelles ou l ’ ordre d ’ un supérieur pour justifier la torture , ainsi que le Comité l ’ avait recommandé dans ses précédentes observations finales. L ’ État partie devrait prendre des mesures législatives, administratives, judiciaires et autres mesures efficaces pour empêcher que des actes de torture soient commis, y compris renforcer les garanties de protection en faveur d’ un agent refusant d’exécuter l’ordre illégal donné par son supérieur hiérarchique .

Non-refoulement

9)Le Comité regrette que le recours contre les décisions d’expulsion ou de refoulement d’étrangers devant le Tribunal suprême ait un caractère suspensif uniquement s’il est assorti d’une requête en sursis à l’exécution. En outre, considérant le fait que le statut de réfugié à Monaco est subordonné à la reconnaissance par l’Office français des réfugiés et apatrides (OFPRA), le Comité regrette l’absence de suivi par l’État partie des demandes d’asile qui sont traitées par la France et note par ailleurs la difficulté pratique pour un demandeur d’asile à Monaco d’exercer un recours contre un rejet de sa demande (art. 3).

L ’ État partie devrait instaurer un mécanisme de suivi des dossiers de demandeurs d ’ asile auprès de l ’ OFPRA. Il devrait également rendre automatique l ’ effet suspensif des recours contre les décisions d ’ expulsion ou de refoulement d ’ étrangers de manière à assurer le respect du principe de non-refoulement. Par ailleurs, bien que l ’ expulsion et le refoulement soient exclusivement opérés vers la France, également partie à la Convention, le Comité est particulièrement préoccupé par le manque de suivi des cas d ’ expulsion concernant notamment les ressortissants non européens qui pourraient être exposés à une expulsion subséquente vers un État où il pourrait y avoir risque de torture ou de mauvais traitements.

Suivi des conditions de détention

10)Le Comité note que l’État partie a engagé avec les autorités françaises une négociation visant à déterminer par voie conventionnelle les modalités consacrant un «droit de visite» des détenus condamnés par les juridictions monégasques et placés dans les établissements pénitentiaires français. Toutefois, le Comité est préoccupé par l’absence de suivi des cas de détenus en France et regrette que la pratique du consentement explicite des personnes condamnées à Monaco à transfèrement en France ne soit pas formellement consacrée par un texte (art. 11).

L ’ État partie devrait créer un organe qui dépendra directement des autorités monégasques devant faciliter le suivi du traitement et des conditions matérielles de ces prisonniers. L ’É tat partie est encouragé à intégrer le consentement explicite des condamnés à leur transfèrement dans la convention avec la France.

Violence au sein de la famille

11)Le Comité prend note du dépôt en octobre 2009 du projet de loi no 869 relatif à la lutte et à la prévention des violences particulières contre les femmes, enfants et personnes handicapées au Conseil national. Il demeure toutefois préoccupé par la lenteur du processus d’adoption de cette importante loi (art. 2, 13, 14 et 16).

L ’ État partie devrait faire en sorte que le p rojet de loi n o 869 soi t rapidement adopté afin de prévenir et de combattre toute forme de violence à l’égard des femmes, d es enfants et d es personnes handicapées. L ’ État partie devrait veiller à ce q ue le châtiment corporel des enfants soit explicitement interdit dans tous les secteurs de la vie et la violence familiale soit réprimée. Le Comité recommande en outre à l ’É tat partie d ’ organiser des formations ou des campagnes de sensibilisation visant spécifiquement à informer les victimes de violence dans la famille de leurs droits.

Réparation pour les victimes de torture

12)Bien qu’aucune allégation d’actes de torture n’ait été reçue durant la période à l’examen, le Comité est préoccupé par l’absence de dispositions spécifiques relatives à la réparation et à l’indemnisation des victimes de torture ou de mauvais traitements (art. 14).

Le Comité recommande à l ’ État partie de prévoir dans son projet de loi sur les violences particulières, des dispositions spécifiques relatives à l’ indemnisation des victimes de la torture ou de mauvais traitements, en conformité avec les dispositions de l ’ article 14 de la Convention qui prévoit, par ailleurs, qu ’ en cas de mort de la victime résultant d ’ un acte de torture, les ayants cause d e celle-ci ont droit à l ’ indemnisation.

Formation

13)Le Comité prend note des informations fournies par l’Étatpartie sur les différents programmes de formation pour les magistrats et les agents de la sécurité publique. Toutefois, il déplore que les formations organisées n’aient pas été complètes à la lumière de la Convention contre la torture (art. 10).

Le Comité encourage l ’ État partie à continuer à organiser des sessions de formation sur les droits de l ’ homme et recommande que le Manuel pour enquêter efficacement sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (Protocole d ’ Istanbul) soit incorporé dans les programmes de formation du personnel médical et d ’ autres catégories professionnelles. L ’ État partie devrait également évaluer l ’ efficacité et l ’ incidence de ces programmes de formation.

Mesures contre le terrorisme

14)Nonobstant le fait qu’aucun cas de terrorisme n’ait été enregistré durant la période à l’examen, le Comité réitère les préoccupations exprimées par le Comité des droits de l’homme (CCPR/C/MCO/CO/2) sur le caractère large et peu précis de la définition des actes terroristes contenue dans le Code pénal, y compris le manque de clarté de la définition du terrorisme dit «écologique» (art. 2 et 16).

L ’ État partie devrait adopter une définition plus précise des actes terroristes tout en veillant à ce que toute mesure prise contre le terrorisme respecte toutes les obligations qui lui incombent en vertu du droit international, y compris l ’ article 2 de la Convention.

Institution nationale des droits de l’homme

15)Tout en notant le travail accompli par la Cellule des droits de l’homme et le Médiateur ainsi que le projet de texte actuellement à l’étude visant à renforcer les missions de ce dernier, le Comité regrette la réticence manifestée par l’État partie à mettre sur pied une institution nationale des droits de l’homme (art. 2, 12, 13 et 16).

Le Comité encourage l ’ État partie à mettre sur pied une institution nationale des droits de l ’ homme indépendante qui soit conforme aux Principes concernant le statut des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l ’ homme (Principe s de Paris, annexe à la résolution 48/1 3 4 de l ’ Assemblée générale) en lui octroyant les ressources humaines et financières nécessaires pour lui permett re de remplir son rôle de manière efficace, y compris d ’ enquêter sur les allégations de torture.

16)Le Comité invite l’État partie à envisager de ratifier les principaux instruments relatifs aux droits de l’homme auxquels il n’est pas encore partie, notamment le Protocole facultatif à la Convention contre la torture, la Convention relative aux droits des personnes handicapées, la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées et le Statut de Rome de la Cour pénale internationale.

17)L’État partie est encouragé à diffuser largement les rapports qu’il a soumis au Comité, ainsi que les conclusions et recommandations de celui-ci, au moyen des sites Web officiels et par l’intermédiaire des médias et des organisations non gouvernementales.

18)Le Comité invite l’État partie à présenter son prochain rapport périodique en respectant la limite de 40 pages. Il l’invite également à mettre à jour si nécessaire son document de base du 27 mai 2008 (HRI/CORE/MCO/2008), conformément aux instructions relatives au document de base commun qui figurent dans les directives harmonisées pour l’établissement de rapports à présenter en vertu des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme (HRI/GEN/2/Rev.6), approuvées par la Réunion intercomités des organes créés en vertu d’instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme et à respecter la limite de 80 pages fixée pour le document de base commun. Le document spécifique à la Convention et le document de base commun constituent conjointement les documents que l’État partie est tenu de soumettre pour s’acquitter de son obligation de faire rapport en vertu de la Convention.

19)Le Comité prie l’État partie de lui fournir, dans un délai d’un an, des renseignements sur la suite donnée aux recommandations formulées aux paragraphes 9, 10, et 11 du présent document.

20)Le Comité invite l’État partie à soumettre son prochain rapport, qui sera son sixième rapport périodique, le 3 juin 2015 au plus tard.

60. Slovénie

1)Le Comité contre la torture a examiné le troisième rapport périodique de la Slovénie (CAT/C/SVN/3) à ses 984e et 987e séances, les 10 et 11 mai 2011 (CAT/C/SR.984 et 987), et a adopté à sa 1006e séance (CAT/C/SR.1006), le 25 mai 2011, les observations finales ci‑après.

A.Introduction

2)Le Comité accueille avec satisfaction la soumission du troisième rapport périodique de la Slovénie, qui a été établi conformément aux directives concernant la forme et le contenu des rapports, mais il regrette qu’il lui soit parvenu avec trois ans de retard.

3)Le Comité remercie l’État partie d’avoir dépêché une délégation de haut niveau pour le rencontrer et se félicite également de l’occasion qui lui a été donnée d’engager un dialogue constructif portant sur de nombreux aspects de la Convention.

B.Aspects positifs

4)Le Comité note avec satisfaction que depuis l’examen du deuxième rapport périodique l’État partie a ratifié les instruments internationaux suivants:

a)Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants le 23 janvier 2007;

b)Convention relative aux droits des personnes handicapées et le Protocole facultatif, le 24 avril 2008;

c)Protocoles facultatifs à la Convention relative aux droits de l’enfant, le 23 septembre 2004;

d)Protocole facultatif à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, le 23 septembre 2004;

e)Protocole additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée, visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants, le 21 mai 2004.

5)Le Comité note les efforts que l’État partie continue de déployer pour réviser sa législation dans des domaines relevant de la Convention, notamment:

a)L’introduction de l’article 265 contenant une définition et une incrimination de la torture et les modifications au Code pénal, augmentant la peine maximale encourue pour la traite des êtres humains, en 2008;

b)Les modifications apportées en 2005 à la loi sur la police, qui assurent aux détenus l’accès à un médecin;

c)Les modifications à la loi de procédure pénale et à la loi sur les poursuites, en 2007, qui mettent en place des départements spécialisés du Groupe des procureurs publics chargés de la poursuite des faits délictueux commis par des membres de la police, de la police militaire ou des personnes détachées auprès d’un organe militaire ou travaillant à une opération militaire à l’étranger;

d)L’adoption de la loi relative aux droits des patients, en 2008, qui régit la procédure de plainte en cas de violation des droits des patients, y compris de ceux qui sont placés dans des établissements de santé mentale;

e)L’adoption de la loi sur la santé mentale, en 2008, qui prévoit des services de conseil et la protection des droits dans le domaine de la santé mentale, notamment des procédures régissant le placement en détention de personnes souffrant de problèmes de santé mentale;

f)L’adoption de la loi sur la prévention de la violence au foyer, en 2008;

g)L’adoption de la loi portant modification de la loi relative au statut juridique des citoyens de l’ancienne République fédérative socialiste de Yougoslavie vivant en Slovénie, en 2010;

h)L’adoption de la loi sur la protection du droit d’être jugé sans retard excessif, en 2006, et les modifications apportées à cette loi, en 2009.

6)Le Comité relève également avec satisfaction les efforts consentis par l’État partie pour améliorer ses politiques et procédures de façon à garantir une plus grande protection des droits de l’homme et à donner effet à la Convention, notamment:

a)L’introduction d’une forme de peine de substitution, appelée «emprisonnement de fin de semaine»;

b)La publication d’une brochure intitulée «Notification des droits de la personne en état d’arrestation», en 2009;

c)L’adoption d’une résolution sur la prévention de la violence au foyer pour la période 2009-2014.

C.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Définition et incrimination de la torture

7)Le Comité accueille avec satisfaction l’introduction d’une nouvelle disposition qui définit et criminalise la torture et reprend tous les éléments énoncés à l’article premier de la Convention, mais il est préoccupé par le fait que le crime de torture est prescriptible(art. 1 et 4).

Le Comité engage instamment l ’ État partie à modifier l ’ article 90 de son Code pénal de façon à supprimer la prescription pour les faits de torture. L ’ État partie devrait également veiller à ce que c e tt e infraction emporte une peine appropriée, à la mesure de la gravité des actes, comme il est énoncé au paragraphe 2 de l ’ article 4 de la Convention.

Garanties juridiques fondamentales

8)Le Comité note qu’en vertu de l’article 148 du Code de procédure pénale il est possible de procéder à un enregistrement audio et vidéo des interrogatoires mais demeure préoccupé de ce que les interrogatoires ne sont généralement pas enregistrés étant donné que la loi n’impose pas une obligation de le faire (art. 2).

Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ établir par la loi l ’ obligation d ’ enregistrer sur support audio et vidéo tous les interrogatoires de personnes en détention, dans tout le pays, en tant que moyen supplémentaire de prévenir la torture et les mauvais traitements.

9)Le Comité note que l’État partie s’est doté d’un système informatisé pour enregistrer tous les renseignements relatifs à la garde à vue mais il relève avec préoccupation que toutes les informations ne figurent pas dans le système car certaines données − par exemple l’heure d’arrivée au poste de police et l’heure de placement en cellule − ne sont pas saisies (art. 2).

Le Comité recommande d ’ élargir le système informatisé d ’ enregistrement des détenus de façon qu ’ il comporte tous les renseignements utiles concernant la garde à vue , ce qui permettrait de mettre en place un dispositif de surveillance précis de toute la période passée en détention.

Détention avant jugement et arriéré judiciaire

10)Le Comité accueille avec satisfaction la mise en œuvre par l’État partie du projet «Lukenda» et d’autres mesures visant à réduire l’arriéré judiciaire mais il est toujours préoccupé par la forte proportion de détenus en attente de jugement qui, d’après les statistiques fournies par l’État partie, n’a pas diminué au cours des cinq dernières années (art. 2).

Le Comité recommande à l ’ État partie de poursuivre ses efforts tendant à réduire le nombre d ’ affaires judiciaires en souffrance et de prendre toutes les mesures nécessaires à cette fin, y compris des mesures non privatives de liberté.

Médiateur

11)Le Comité prend note du nouveau rôle du Médiateur pour les droits de l’homme qui a été désigné pour faire office de mécanisme national de prévention au titre du Protocole facultatif mais il est préoccupé par le financement insuffisant assuré au bureau du Médiateur et par les renseignements concernant l’étendue de son mandat pour ce qui est de mener à bien ses propres enquêtes sur les allégations de torture et de mauvais traitements (art. 2).

L ’ État partie devrait renforcer encore la structure du bureau du Médiateur et élargir son mandat de façon à lui permettre de mener à bien ses propres enquêtes sur les allégations de torture et de mauvais traitements et le doter des ressources humaines, matérielles et financières suffisantes, conformément aux Principes concernant le statut des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l ’homme (Principes de Paris) .

Plaintes pour actes de torture, enquêtes et poursuites

12)Le Comité prend note des données fournies par l’État partie au sujet des enquêtes menées dans des affaires de mauvais traitements tombant sous le coup de différents articles du Code pénal, comme l’abus de pouvoir, la falsification de documents, les menaces, la négligence et d’autres infractions, et il est préoccupé par l’absence de renseignements sur les affaires qui ont fait l’objet d’une enquête ou sur les plaintes pour des faits visés à l’article 265 du Code pénal (torture) (art. 12 et 13).

Le Comité engage instamment l ’ État partie à veiller à ce que des enquêtes rapides, impartiales et eff i c ac es soient menées sur toutes les allégations de torture et de mauvais traitements et à poursuivre les auteurs de tels actes. Il demande à l ’ État partie de lui faire parvenir des données ventilées par sexe, âge, appartenance ethnique ou origine des victimes, montrant le nombre de plaintes, d ’ enquêtes et de poursuites, de condamnations et de peines en vertu de l ’ article 265 du Code pénal.

Conditions de détention

13)Le Comité accueille avec satisfaction les mesures prises par l’État partie pour améliorer considérablement les conditions de détention, notamment la construction de nouveaux bâtiments et la rénovation des structures existantes, mais il demeure préoccupé par les problèmes de surpopulation, en particulier dans les principales prisons comme celles de Dob, Ljubljana, Maribor, Koper et Novy Mesto. Il note également avec inquiétude l’insuffisance des dispositifs en place pour prévenir les suicides en prison (art. 11 et 16).

L ’ État partie devrait intensifier ses efforts pour obtenir que les conditions de détention dans les lieux de privation de liberté soient co nform es à l ’E nsemble de règles minima pour le traitement des détenus ainsi qu ’à d ’ autres normes internationales applicables, en particulier en diminuant la surpopulation carcérale, en développant l ’ application de mes ures non privatives de liberté et en garantissant des conditions d ’ hébergement adéquates et une aide et un soutien psychosociaux suffisants pour les détenus qui ont besoin d ’ une surv eillance et d ’ un traitement psychiatriques. Le Comité recommande aussi à l’État partie de prendre toutes les mesures nécessaires pour enquêter sur les cas de suicide dans les lieux de détention et pour prévenir le suicide en détention.

Établissements psychiatriques

14)Le Comité apprécie les renseignements donnés par les représentants de l’État partie pendant le dialogue mais regrette de ne pas avoir reçu d’informations sur les cas de placement sans consentement dans des établissements psychiatriques lorsque quelques‑uns seulement des critères établis dans la loi sur la santé mentale, et non pas tous les critères, sont remplis, ni de renseignements sur le nombre de plaintes et de recours contre des décisions de placement sans consentement dans des établissements psychiatriques. Malgré les informations apportées pendant le dialogue, le Comité regrette de n’avoir pas d’informations sur l’application de méthodes telles que la thérapie électroconvulsive et l’administration de médicaments psychotropes et sur les plaintes dénonçant l’utilisation de ces mesures spéciales (art. 16).

Le Comité recommande à l ’ État partie de mettre en place un système de c on trôle et de sui vi étroits par les organes judiciaires de tou s les placement s en établissement psychiatrique et de faire en sorte que tous les établissements dans lesquels des patients souffrant de maladies mentales sont placés pour subir un traitement sans leur consentement soient régulièrement visités par des organes de surveillance indépendants , de façon à assurer la mise en œuvre adéquate des garanties existantes. De plus , l ’ État partie devrait veiller à ce que les recommandations formulées par le Médiateur et d ’ autres organes de surveillance à ce sujet soient appliquées intégralement et sans délai . Le Comité recommande également à l ’ État partie d’entreprendre une évaluation sérieuse de l’application du traitement électroconvulsif et de tout autre traitement qui pourrait être contraire à la Convention .

Violence à l’égard des femmes et des enfants, y compris violence dans la famille

15)Le Comité prend note des mesures juridiques et administratives prises par l’État partie pour lutter contre la violence sexiste et la violence à l’égard des enfants, mais il demeure préoccupé par la prévalence de la violence à l’égard des femmes et des filles (voir observations finales du Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes, CEDAW/C/SVN/CO/4, par. 23). Il constate également avec préoccupation que l’usage des châtiments corporels sur les enfants n’est pas illégal dans la famille (art. 2, 12et 16).

Le Comité recommande à l ’ État partie de redoubler d ’ efforts pour prévenir, réprimer et punir toutes les formes de violence à l ’ égard des femmes et des enfants, y compris la violence dans la famille, et veiller à la mise en œuvre pleine et effective des lois existantes et des stratégies nationales adoptées à cette fin, y compris du Programme national pour la prévention de la violence dans la famille pour la période 2009-2014. Le Comité recommande également à l ’ État partie d ’ accélérer l ’ adoption du projet de loi sur le mari age et la famille, qui interdit les châtiments corporels au foyer (voir o bservations finales du Comité des droits de l’enfant, CRC/C/15/Add.230, par. 40 ). En outre, l ’ État partie est encouragé à mener de plus vastes campagnes de sensibilisation et de formation sur la violence dans la famille à l ’ intention des membres des forces de l ’ ordre, des juges, des avocats et des travailleurs sociaux qui sont en contact direct avec les victimes et à l ’ intention du grand public.

Traite des personnes

16)Le Comité accueille avec satisfaction les modifications apportées au Code pénal faisant de la traite une infraction pénale et alourdissant les peines prévues pour les actes de traite, ainsi que les politiques adoptées par l’État partie dans le domaine de la sensibilisation, de la protection des victimes et des poursuites. Toutefois, le Comité note avec préoccupation que la traite des femmes à des fins de prostitution reste un problème en Slovénie et que les mesures visant à protéger et aider les victimes sont fondées sur des projets et ne sont pas institutionnalisées, et regrette le manque d’information sur le nombre de cas où les victimes ont reçu une réparation, y compris une indemnisation (art. 2, 4 et 16).

L ’ État partie devrait intensifier ses efforts pour lutter contre la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants. Il devrait notamment:

a) Continuer ses efforts pour sensibiliser l ’ ensemble du personnel de police, des juges et des procureurs à la traite des personnes;

b) Veiller à ce que les auteurs d ’ actes de traite soient poursuivis en vertu des dispositions pertinentes du Code pénal et à ce que toutes les victimes de la traite obtiennent une r éparation effective, y compris une indemnisation et des moyens de réadaptation;

c) Améliorer l ’ identification des victimes de la traite, faire en sorte que celles-ci puissent bénéficier de programmes de réadaptation appropriés et avoir véritablement accès à des soins médicaux et à un soutien psychologique, et institutionnaliser de tels services.

Asile et non-refoulement

17)Bien que l’article 51 de la loi sur les étrangers consacre le principe dunon-refoulement, le Comité demeure préoccupé par le fait que la nouvelle loi sur la protection internationale, qui régit l’asile et les questions relatives à l’asile, ne contient pas de disposition interdisant le renvoi lorsqu’il y a des motifs sérieux de croire que l’intéressé courrait le risque d’être soumis à la torture s’il était expulsé, renvoyé ou extradé vers un autre État. Il est également préoccupé par la longueur de la procédure de détermination du statut de réfugié et les incertitudes qui y sont liées (art. 3).

L ’ État partie devrait:

a) S ’assurer que le principe du non-refoulement est inscrit dans tous les textes législatifs qui régissent l ’ asile ou les questions relatives à l ’asile, y compris les procédures de protection subsidiaire concernant les groupes vulnérables, en particulier les victimes de la traite;

b) Veiller à ce que des garanties de procédure contre le refoulement soient en place et qu ’ un recours effectif contre les décisions de renvoi dans les procédures d ’ expulsion soit possible, notamment à ce qu ’ un organe judiciaire indépendant puisse examiner ces décisions;

c) Garantir aux demandeurs d ’ asile déboutés la possibilité d ’ exercer un recours utile avec effet suspensif de l ’ exécution de la décision d ’ expulsion ou de renvoi;

d) Modifier la loi sur la protection internationale afin qu ’ elle reflète les principes et les critères établis dans le droit international des réfugiés et les normes internationales relatives aux droits de l ’ homme, en particulier la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés et le Protocole de 1967.

18)Le Comité prend note des mesures législatives prises pour modifier la loi régissant le statut juridique des citoyens de l’ex-République fédérative socialiste de Yougoslavie vivant en République de Slovénie de manière à corriger les dispositions qui ont été jugées inconstitutionnelles, mais il demeure préoccupé de ce que l’État partie n’a pas donné effet à cette loi et rétabli les droits de résidence des personnes originaires des autres républiques yougoslaves qui ont été illégalement radiées du registre des résidents permanents en Slovénie en 1992 et renvoyées vers d’autres républiques de l’ex-République fédérative socialiste de Yougoslavie, connues comme les personnes «effacées». Le Comité s’inquiète de la persistance de la discrimination à l’égard de ces personnes, y compris celles qui appartiennent à la communauté rom (art. 3 et 16).

À la lumièr e de son Observation générale n o 2 (2008) relative à l ’ application de l ’article 2 par les États parties , le Comité rappelle que la protection spéciale de certaines minorités ou certains groupes ou individus marginalisés particulièrement exposés à un risque fait partie des obligations qui incombent à l ’ État partie en vertu de la Convention. À cet sujet , le Comité recommande à l ’ État partie de prendre des mesures pour rétablir le statut de résident permanent des personnes dites «e ffacées » qui ont été renvoyées vers d ’ autres États issus de l ’ ex-République fédérative socialiste de Yougoslavie. Le Comité encourage également l ’ État partie à faciliter la pleine inté gration des personnes «effacées» , y compris celles qui appartiennent aux communautés roms, et à leur garantir des procédures équitables pour les demandes de citoyenneté.

Réparation, y compris l’indemnisation et les moyens de réadaptation

19)Le Comité regrette l’absence d’information sur les réparations éventuellement accordées à des victimes d’actes de torture et de mauvais traitements par l’État partie(art. 14 et 16).

L ’ État partie devrait veiller à ce que toutes les victimes d ’ actes de torture et de mauvais traitements obtiennent réparation, y compris une indemnisation et les moyens nécessaires à une réadaptation aussi complète que possible. Il devrait en outre recueillir des données sur le nombre de victimes qui ont reçu une indemnisation et bénéficié de mesures de réadaptation, et sur le montant des indemnités accordées.

Formation

20)Le Comité accueille avec satisfaction les mesures positives prises par l’État partie pour mettre sur pied des programmes de formation sur la déontologie policière et les droits de l’homme à l’intention des policiers et pour établir un système de retour de l’information, mais il demeure préoccupé par l’insuffisance du suivi et de l’évaluation de l’efficacité de ces programmes pour ce qui est de prévenir et de détecter la torture et les mauvais traitements (art. 10).

Le Comité recommande à l ’ État partie:

a) De faire en sorte que le personnel médical et tous les fonctionnaires qui participent à la recherche et la documentation des cas de torture reçoivent une formation sur le Manuel pour enquêter efficacement sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants ( Protocole d ’Istanbul) , sur une base régulière et systématique;

b) D ’ élaborer et appliquer une méthode pour mesurer l ’ efficacité des programmes d ’ éducation et de formation et leur incidence sur la réduction des cas de torture et de mauvais traitements, et d ’ évaluer régulièrement la formation dispensée aux agents des forces de l ’ ordre;

c) D ’ intensifier ses efforts pour mettre en œuvre une approche plus respectueuse de la différence entre les sexes dans le cadre de la formation du personnel impliqué dans la garde, l ’ interrogatoire ou le traitement des femmes soumises à toute forme d ’ arrestation, de détention ou d ’emprisonnement;

d) De concevoir des modules de formation visant à sensibiliser les agents des forces de l’ordre contre la discrimination fondée sur l’appartenance ethnique.

Minorité rom

21)Le Comité prend note de l’explication donnée par l’État partie, qui considère que la collecte de données sur l’appartenance ethnique va à l’encontre du droit au respect de la vie privée, mais il demeure préoccupé par l’absence d’autres modalités permettant à l’État partie d’étudier l’ampleur des crimes à motivation ethnique et de prévenir et surveiller ces actes, tout en assurant la protection de la vie privée. Il est en outre préoccupé par la discrimination contre la minorité nationale rom (voir observations finales du Comité des droits économiques, sociaux et culturels, E/C.12/SVN/CO/1) (art. 2, 10 et 16).

À la lumière de son Observation générale n o 2 , le Comité rappelle que la protection spéciale de certaines minorités ou certains groupes ou individus marginalisés particulièrement exposés à un risque fait partie des obligations qui incombent à l ’ État partie en vertu de la Convention. Le Comité note que la collecte de données statistiques a pour but de permettre aux États parties d ’ identifier et de mieux comprendre les groupes ethniques vivant sur leur territoire ainsi que le type de discrimination dont ils font ou peuvent faire l ’ objet, afin de trouver des réponses et des solutions adaptées aux formes de discrimination recensées, et de mesurer les progrès accomplis. Le Comité recommande donc à l ’ État d ’étudier et de faire connaître l ’ ampleur des crimes à motivation ethnique, d’ enquêter sur les causes profondes de ces crimes tout en protégeant le droit au respect de la vie privée et de prendre toutes les mesures voulues pour empêcher de tels crimes à l ’ avenir. À ce sujet, l’État partie devrait renforcer ses efforts pour lutter contre tout type de discrimination à l’égard des minorités roms.

Collecte de données

22)Le Comité regrette l’absence de données complètes et détaillées sur les plaintes, les enquêtes, les poursuites et les condamnations dans les affaires de torture et de mauvais traitements par les agents des forces de l’ordre et le personnel pénitentiaire, ainsi que sur la violence dans la famille, la violence sexuelle, la violence à l’égard des femmes et la violence contre les enfants et d’autres groupes vulnérables. Il rappelle en outre l’absence d’information sur les recours ouverts aux victimes d’actes de torture et de mauvais traitements.

L ’ État partie devrait compiler des données statistiques ventilées par infraction, origine ethnique, âge et sexe, pertinentes pour la surveillance de la mise en œuvre de la Convention au niveau national, notamment des données sur les plaintes, les enquêtes, les poursuites et les condamnations dans les affaires de torture et de mauvais traitements par les agents des forces de l ’ ordre et le personnel pénitentiaire, sur la violence dans la famille, l a violence sexuelle et la violence contre les enfants et d’autres groupes vulnérables et sur les mesures de réparation accordée aux victimes, y compris l ’ indemnisation et les moyens de réadaptation.

23)Le Comité invite l’État partie à ratifier les principaux instruments des Nations Unies relatifs aux droits de l’homme auxquels il n’est pas encore partie: la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, la Convention pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, et le Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels.

24)L’État partie est invité à diffuser largement le rapport soumis au Comité ainsi que les présentes observations finales, dans les langues voulues, par le biais des sites Web officiels, des médias et des organisations non gouvernementales.

25)Le Comité demande à l’État partie de lui faire parvenir, dans un délai d’un an, des renseignements sur la suite donnée aux recommandations figurant aux paragraphes 9, 12, 17 et 21 du présent document.

26)Le Comité invite l’État partie à présenter son prochain rapport périodique en suivant les directives pour l’établissement des rapports et à respecter la limite de 40 pages fixée pour le document spécifique à la Convention. Il l’invite également à soumettre un document de base mis à jour conformément aux instructions relatives au document de base qui figurent dans les directives harmonisées pour l’établissement des rapports à présenter en vertu des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme (HRI/GEN.2/Rev.6) approuvées par la Réunion intercomités des organes créés en vertu d’instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, et à respecter la limite de 80 pages fixée pour le document de base commun. Le document spécifique à la Convention et le document de base commun constituent conjointement les documents que l’État partie est tenu de soumettre pour s’acquitter de son obligation de faire rapport en vertu de la Convention.

27)L’État partie est invité à soumettre son prochain rapport périodique, qui sera le quatrième, le 3 juin 2015 au plus tard.

61. Turkménistan

1)Le Comité contre la torture a examiné le rapport initial du Turkménistan (CAT/C/TKM/1) à ses 994e et 997e séances (CAT/C/SR.994 et 997), les 17 et 18 mai 2011, et a adopté à sa 1015e séance (CAT/C/SR.1015) les observations finales ci-après.

A.Introduction

2)Le Comité accueille avec satisfaction la soumission du rapport initial du Turkménistan qui, dans l’ensemble, suit les directives du Comité pour l’établissement des rapports. Toutefois, il regrette qu’il ne contienne pas suffisamment d’informations statistiques et concrètes sur l’application des dispositions de la Convention et qu’il ait été présenté avec dix années de retard, ce qui a empêché le Comité de procéder à une analyse de l’application de la Convention par l’État partie après la ratification de celle-ci en 1999.

3)Le Comité note avec satisfaction que l’État partie a envoyé une délégation de haut niveau à sa quarante-sixième session et se félicite d’avoir pu engager un dialogue constructif sur de nombreux domaines intéressant la Convention.

B.Aspects positifs

4)Le Comité note avec satisfaction que l’État partie a ratifié les instruments internationaux suivants ou y a adhéré:

a)Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale (le 29 septembre 1994);

b)Convention relative aux droits de l’enfant (le 20 septembre 1993), et ses deux Protocoles facultatifs (les 29 avril et 28 mars 2005);

c)Pacte international relatif aux droits civils et politiques (le 1er mai 1997), et ses deux Protocoles facultatifs (les 1er mai 1997 et 11 janvier 2000);

d)Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (le 1er mai 1997) et Protocole facultatif (le 20 mai 2009);

e)Le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (le 1er mai 1997);

f)Convention relative aux droits des personnes handicapées (le 4 septembre 2008) et Protocole facultatif (le 10 novembre 2010).

5)Le Comité prend acte des efforts que l’État partie déploie avec constance pour réformer sa législation, ses politiques et ses procédures dans les domaines intéressant la Convention, notamment de:

a)L’adoption de la nouvelle Constitution, le 26 septembre 2008;

b)L’adoption du nouveau Code d’application des peines, le 26 mars 2011;

c)L’adoption du nouveau Code pénal, le 10 mai 2010;

d)L’adoption du nouveau Code de procédure pénale, le 18 avril 2009;

e)L’adoption de la loi relative aux tribunaux, le 15 août 2009;

f)L’adoption de la loi sur la lutte contre la traite des êtres humains, le 14 décembre 2007;

g)La création de la Commission d’État chargée d’examiner les plaintes des citoyens concernant les activités des organes ayant pour mission de faire respecter la loi, par décret présidentiel, le 19 février 2007;

h)L’abolition de la peine capitale, par décret présidentiel, le 28 décembre 1999.

C.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Torture et mauvais traitements

6)Le Comité est profondément préoccupé par les allégations nombreuses et concordantes dénonçant la pratique généralisée dans l’État partie de la torture et des mauvais traitements à l’encontre des détenus. Selon des informations dignes de foi présentées au Comité, les personnes privées de liberté sont torturées, maltraitées et menacées, surtout au moment de l’arrestation et pendant la détention avant jugement, par les agents de l’État qui veulent leur extorquer des aveux et leur infliger une peine supplémentaire une fois les aveux obtenus. Ces informations confirment les préoccupations exprimées par un certain nombre d’organes internationaux, notamment celles qui sont formulées dans le rapport du Secrétaire général (A/61/489, par. 38 à 40) et dans les décisions rendues par la Cour européenne des droits de l’homme dans les affaires Kolesnik c. Russie, Soldatenko c. Ukraine, Ryabkin c. Russie et Garabayev c. Russie. Le Comité note l’existence de lois qui interdisent notamment l’abus de pouvoir et l’utilisation de la violence par les agents de l’État contre des personnes placées sous leur garde aux fins d’obtenir des éléments de preuve, mais il s’inquiète du fossé profond qui sépare le cadre législatif de son application pratique (art. 2, 4, 12 et 16).

L’État partie devrait de toute urgence prendre des mesures immédiates et efficaces pour prévenir les actes de torture et les mauvais traitements dans tout le pays, notamment en mettant en œuvre des politiques de nature à produire des résultats mesurables sur le plan de l’élimination des actes de torture et des mauvais traitements imputés aux agents de l’État. En outre, l’État partie devrait prendre des mesures énergiques pour faire cesser l’impunité dont bénéficient les auteurs présumés d’actes de torture et de mauvais traitements, faire en sorte que des enquêtes impartiales et exhaustives soient menées sans délai, traduire en justice les auteurs de ces actes qui, s’ils sont reconnus coupables, devront être condamnés à des peines appropriées, et veiller à ce que les victimes soient dûment indemnisées.

Place de la Convention dans l’ordre juridique interne

7)Le Comité prend note de l’article 6 de la Constitution du Turkménistan, qui reconnaît la primauté des normes universellement reconnues du droit international, mais il relève avec préoccupation que la Convention n’a jamais été invoquée directement devant les tribunaux nationaux. Il prend acte des assurances données verbalement par les représentants de l’État partie qui ont indiqué qu’il était envisagé d’appliquer directement les dispositions de la Convention dans un proche avenir.

Le Comité recommande à l’État partie de prendre les mesures nécessaires pour assurer la pleine applicabilité des dispositions de la Convention dans son ordre juridique interne et veiller à l’application pratique de l’article 6 de la Constitution, notamment en dispensant une formation approfondie aux magistrats et aux personnels des organes ayant mission de faire respecter la loi afin de les sensibiliser pleinement aux dispositions de la Convention et à son applicabilité directe. De plus, l’État partie devrait faire rapport sur les progrès réalisés dans ce domaine et sur les décisions des juridictions et des autorités administratives nationales qui donnent effet aux droits consacrés dans la Convention.

Définition, interdiction absolue et incrimination de la torture

8)Le Comité prend note de l’article 23 de la Constitution, qui interdit les actes de torture et les peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, mais demeure préoccupé par le fait que l’État partie n’a toujours pas introduit dans son droit interne l’infraction de torture tel qu’elle est définie à l’article premier de la Convention, et que le Code pénal ne contient pas de dispositions réprimant expressément la torture, mais criminalise plutôt «le fait d’infliger des souffrances physiques ou morales au moyen de coups systématiques ou d’autres actes violents», à l’article 113, l’«abus de pouvoir» par un agent de l’État, à l’article 358 et l’utilisation de la force par des agents de l’État contre des personnes placées sous leur garde dans le but d’obtenir des informations, à l’article 197. Le Comité relève avec préoccupation l’article 47 de la Constitution, en vertu duquel l’application des droits et libertés des citoyens peut être suspendue en cas de promulgation de l’état d’exception ou de la loi martiale, conformément au droit interne. Il regrette en outre l’absence d’informations sur les règles et dispositions qui régissent la prescription (art. 1, 2 et 4).

Le Comité invite instamment l’État partie à adopter une définition de la torture qui couvre tous les éléments figurant à l’article premier de la Convention. La définition de la torture devrait préciser la finalité de l’infraction, prévoir des circonstances aggravantes, inclure la tentative de pratiquer la torture ainsi que les actes visant à intimider la victime ou une tierce personne ou à faire pression sur elle, et renvoyer aux motifs ou aux raisons d’infliger la torture visés à l’article premier de la Convention. L’État partie devrait également veiller à ce que les actes de torture ne soient pas définis comme constitutifs d’une infraction moins grave, telle que le fait d’infliger des souffrances physiques ou morales, et à ce que ces infractions soient passibles de peines appropriées, à la mesure de la gravité des actes commis, comme le prévoit le paragraphe 2 de l’article 4 de la Convention. De plus, l’État partie devrait faire en sorte qu’il soit impossible de déroger à l’interdiction absolue de la torture et que les actes assimilables à des actes de torture soient imprescriptibles.

Garanties juridiques fondamentales

9)Le Comité prend note de l’article 26 du Code de procédure pénale sur l’assistance d’un avocat, mais exprime sa profonde préoccupation devant le fait que, dans la pratique, l’État partie n’offre pas toutes les garanties juridiques fondamentales visées aux paragraphes 13 et 14 de l’Observation générale no 2 du Comité (2008), relative à l’application de l’article 2 par les États parties, à toutes les personnes privées de liberté, y compris celles qui sont dans des centres de détention temporaire (IVS), dès leur placement en détention. Il s’inquiète de ce que le Code pénal permette aux policiers de placer une personne en détention pendant soixante-douze heures, en l’absence d’autorisation du Procureur général, et pendant une période pouvant aller jusqu’à une année sans la déférer devant un juge. L’accès à un avocat serait souvent refusé aux détenus, et les policiers infligeraient à ceux-ci des violences pour obtenir des aveux pendant cette période. Le Comité prend note avec préoccupation des informations indiquant que les actes de torture et les mauvais traitements sur la personne de mineurs sont courants au moment de l’arrestation et pendant la détention avant jugement (CRC/C/TKM/CO/1, par. 36) (art. 2, 11 et 12).

Le Comité recommande à l’État partie de:

a) Faire en sorte que tous les détenus bénéficient, dans la pratique, de toutes les garanties juridiques fondamentales dès le début de la détention, notamment qu’ils puissent voir rapidement un avocat, se faire examiner par un médecin indépendant, aviser un proche, qu’ils soient informés de leurs droits au moment de leur arrestation ainsi que des accusations portées contre eux, et soient présentés sans délai devant un juge;

b) Veiller à ce que les mineurs soient accompagnés d’un avocat et de leurs parents ou représentants légaux à tous les stades de la procédure, notamment pendant les interrogatoires de police;

c) Faire en sorte que tous les détenus, y compris les mineurs, soient inscrits sur un registre central des personnes privées de liberté et que le registre soit accessible aux avocats et aux proches des personnes détenues et autres, le cas échéant;

d) Prendre des mesures pour assurer l’enregistrement audio ou vidéo de tous les interrogatoires menés dans les postes de police et les centres de détention comme moyen supplémentaire de prévenir la torture et les mauvais traitements.

Indépendance du pouvoir judiciaire

10)Le Comité est profondément préoccupé par le mauvais fonctionnement de la justice, apparemment causé en partie par l’absence d’indépendance du ministère public et de la magistrature, comme l’avait noté le Secrétaire général en 2006 (A/61/489, par. 46). Il regrette que ce soit le Président qui est responsable de la nomination et de l’avancement des juges, ce qui compromet l’indépendance du pouvoir judiciaire. Le Comité s’inquiète du cas de Ilmurad Nurliev, pasteur protestant qui a été reconnu coupable d’escroquerie à l’issue d’un procès au cours duquel de nombreuses règles applicables en matière de procès équitable et de garantie des droits de la défense auraient été violées (art. 2 et 13).

L’État partie devrait prendre des mesures pour établir et assurer l’indépendance et l’impartialité du pouvoir judiciaire dans l’exercice de ses fonctions conformément aux normes internationales, notamment aux Principes fondamentaux relatifs à l’indépendance de la magistrature. L’État partie devrait aussi permettre un réexamen impartial et indépendant de la condamnation de M. Nurliev.

Mécanismes d’examen des plaintes et enquêtes; impunité

11)Le Comité est profondément préoccupé par les allégations indiquant que les actes de torture et les mauvais traitements pratiqués par des agents de l’État donnent rarement lieu à des enquêtes et à des poursuites et qu’il semble exister un climat d’impunité qui se traduit par une absence de véritables mesures disciplinaires et poursuites pénales contre les agents de l’État accusés d’actes visés dans la Convention (art. 2, 11, 12, 13 et 16). Le Comité est préoccupé en particulier par:

a)L’absence de mécanisme indépendant et efficace habilité à recevoir les plaintes pour actes de torture, émanant en particulier de prisonniers condamnés et de personnes en détention avant jugement, et à effectuer des enquêtes impartiales et complètes sur ces plaintes;

b)Les informations donnant à penser que de graves conflits d’intérêts empêchent les mécanismes de plainte existants de conduire des enquêtes efficaces et impartiales sur les plaintes reçues;

c)Les informations indiquant qu’aucun agent de l’État n’a fait l’objet de poursuites pour avoir commis des actes de torture et, qu’au cours des dix dernières années, seuls quatre agents d’organes chargés de faire appliquer la loi ont été inculpés du chef moins grave d’«abus d’autorité» qualifié au paragraphe 2 de l’article 182 du Code pénal;

d)L’absence d’informations détaillées, y compris de statistiques, sur le nombre de plaintes dénonçant des actes de torture et des mauvais traitements adressées à tous les mécanismes de plainte existants, y compris à l’Institut national pour la démocratie et les droits de l’homme et à la Commission d’État chargée d’examiner les plaintes des citoyens concernant les activités des organes ayant pour mission de faire respecter la loi et sur les résultats de ces enquêtes, que la procédure ait été engagée au niveau pénal ou disciplinaire, et leurs conclusions. À ce sujet, le Comité s’inquiète tout particulièrement du cas de Bazargeldy et Aydyemal Berdyev, dans lequel l’État partie a contesté l’authenticité d’une réponse que les intéressés disent avoir reçue de l’Institut national en 2009, au sujet d’une plainte pour torture qu’ils avaient soumise précédemment.

Le Comité engage l’État partie à:

a) Mettre en place un mécanisme indépendant et efficace:

i) Pour faciliter le dépôt de plaintes par les victimes d’actes de torture et de mauvais traitements auprès des pouvoirs publics, y compris par l’obtention d’éléments de preuve médicaux à l’appui de leurs allégations, et veiller à ce que, dans la pratique, les plaignants soient protégés contre tous mauvais traitements ou mesures d’intimidation qui seraient la conséquence de leur plainte ou des éléments de preuve produits;

ii) Pour procéder sans délai à des enquêtes approfondies et impartiales sur les allégations dénonçant des actes de torture ou des mauvais traitements que des policiers ou d’autres agents de l’État auraient commis, ordonnés ou tolérés, et punir les auteurs de ces actes;

b) Veiller à ce que ces enquêtes soient menées non pas par la police ou sous son autorité mais par un organe indépendant, et à ce que tous les agents de l’État qui seraient responsables de violations de la Convention soient suspendus de leurs fonctions pendant la durée de l’enquête;

c) Donner des informations sur le nombre de plaintes déposées contre des agents de l’État pour torture ou mauvais traitements, ainsi que sur les résultats des enquêtes et de toute procédure engagée aux niveaux pénal et disciplinaire. Ces informations devraient comporter des statistiques, ventilées par sexe, âge et origine ethnique de l’auteur de la plainte, ainsi qu’une description de chaque allégation et la mention de l’autorité chargée d’enquêter. Elles devraient comprendre des renseignements précis sur la plainte pour torture en détention déposée auprès de l’Institut national par Bazargeldy et Aydyemal Berdyev, spécifiant notamment les mesures prises pour enquêter sur cette plainte, l’organe qui a été chargé de l’enquête et les conclusions de l’enquête.

Institution nationale des droits de l’homme

12)Le Comité prend note de la réponse de l’État partie à la recommandation tendant à créer un institut national indépendant de défense des droits de l’homme formulée dans le cadre de l’Examen périodique universel (A/HRC/10/79), mais constate avec préoccupation qu’aucun institut de ce type n’a été créé conformément aux Principes concernant le statut des institutions nationales pour la protection et la promotion des droits de l’homme (Principes de Paris). Le Comité regrette que les mécanismes nationaux de protection existants, qui relèvent de la présidence, notamment l’Institut national pour la démocratie et les droits de l’homme et la Commission d’État chargée d’examiner les plaintes des citoyens concernant les activités des organes ayant pour mission de faire respecter la loi, ne soient pas conformes aux Principes de Paris, eu égard en particulier à leur composition et à leur manque d’indépendance (art. 2, 11 et 13).

L’État partie devrait procéder à la mise en place d’une institution nationale indépendante des droits de l’homme conforme aux Principes de Paris, qui aurait compétence pour recevoir et examiner les plaintes et les requêtes relatives à des situations individuelles et pour surveiller les lieux de détention et qui rendrait publics les résultats de ses enquêtes, et devrait veiller à ce que les recommandations de cette institution concernant l’octroi de mesures de réparation aux victimes soient suivies d’effet, que des poursuites soient engagées contre les auteurs, ainsi que dégager des ressources suffisantes pour son fonctionnement. Le Comité recommande à l’État partie de mettre en place un mécanisme national de prévention faisant partie d’une institution nationale des droits de l’homme. Il invite aussi l’État partie à envisager de ratifier le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

Défenseurs des droits de l’homme

13)Le Comité prend note avec préoccupation des allégations nombreuses et concordantes faisant état d’actes graves d’intimidation, de représailles et de menaces contre des défenseurs des droits de l’homme, des journalistes et leurs proches, ainsi que du manque d’informations relatives à toute enquête menée sur ces allégations. Il est également très préoccupé par les informations selon lesquelles des défenseurs des droits de l’homme ont été arrêtés pour des infractions pénales, apparemment en représailles à cause de leur travail, et ont été jugés dans des procès à propos desquels de nombreuses violations du droit à une procédure régulière ont été signalées. Le Comité est vivement préoccupé par le fait que, le 30 septembre 2010, le Président Berdymukhamedov a donné au Ministère de la sécurité nationale l’instruction de mener une lutte «inflexible contre ceux qui calomnient notre État démocratique ... laïc» après la diffusion la veille, sur une chaîne satellitaire, d’un entretien avec Farid Tukhbatullin, défenseur des droits de l’homme turkmène en exil. Le Comité reste préoccupé par les informations faisant état de menaces contre M. Tukhbatullin et par les attaques subies par son site Web, mais prend note avec satisfaction des assurances données verbalement par le représentant de l’État partie, selon lesquelles il ne fera pas l’objet d’actes d’intimidation ou de menaces de la part du Gouvernement turkmène ou de ses agents. Le Comité regrette que l’État partie n’ait pas donné suite à la décision du Groupe de travail sur la détention arbitraire (avis no 15/2010) et n’ait pas répondu aux appels urgents envoyés par la Rapporteuse spéciale sur la situation des défenseurs des droits de l’homme (A/HRC/4/37/Add.1, par. 700 à 704) en faveur de M. Annakurban Amanklychev, membre de la Fondation Helsinki du Turkménistan, et de M. Sapardurdy Khajiev, membre de la famille du directeur de la Fondation (art. 2, 12 et 16).

L’État partie devrait prendre toutes les mesures nécessaires pour:

a) Veiller à ce que les défenseurs des droits de l’homme et les journalistes, au Turkménistan comme à l’étranger, soient protégés contre les actes d’intimidation ou de violence motivés par leurs activités;

b) Faire en sorte que ces actes fassent sans délai l’objet d’une enquête impartiale et approfondie, que les auteurs soient poursuivis et condamnés à des peines à la mesure de la nature des actes commis;

c) Donner des informations actualisées sur les résultats des enquêtes menées au sujet des allégations de menaces et de mauvais traitements à l’encontre des défenseurs des droits de l’homme, y compris les allégations mentionnées plus haut;

d) Mettre en œuvre la décision du Groupe de travail sur la détention arbitraire (avis n o 15/2010), qui conclut que l’emprisonnement de M. Amanklychev et M. Khajiev est arbitraire et demande leur libération immédiate et l’octroi de dommages-intérêts.

Surveillance et inspection des lieux de détention

14)Le Comité prend note des activités de surveillance des lieux de détention menées par le Bureau du Procureur général, mais relève avec une vive préoccupation que les organismes internationaux de surveillance, qu’ils soient gouvernementaux ou non gouvernementaux, n’ont pas accès aux lieux de détention. Le Comité note que l’État partie coopère avec le Comité international de la Croix-Rouge (CICR), qui apporte une assistance dans le domaine du droit humanitaire et d’autres manières. Toutefois, il constate avec préoccupation que l’État partie n’a pas accordé au CICR l’accès aux lieux de détention, malgré les recommandations d’organismes internationaux, notamment de l’Assemblée générale dans ses résolutions 59/206 et 60/172, et comme l’a indiqué le Secrétaire général (A/61/489, par. 21). Le Comité regrette également qu’il n’ait pas encore été donné suite aux demandes de visites faites depuis longtemps par neuf titulaires de mandat au titre des procédures spéciales du Conseil des droits de l’homme, en particulier le Rapporteur spécial sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants et le Groupe de travail sur la détention arbitraire (art. 2, 11 et 16).

Le Comité engage l’État partie:

a) À mettre en place un système national permettant de surveiller et d’inspecter sans préavis et de manière indépendante, efficace et régulière tous les lieux de détention;

b) À autoriser de toute urgence l’accès des organisations gouvernementales et non gouvernementales indépendantes, en particulier le CICR, à tous les lieux de détention du pays;

c) À renforcer encore la coopération avec les mécanismes des droits de l’homme de l’Organisation des Nations Unies, en particulier en autorisant dès que possible les visites du Rapporteur spécial sur la question de la torture et du Groupe de travail sur la détention arbitraire, conformément aux règles applicables aux missions d’enquête effectuées par les rapporteurs spéciaux et les représentants spéciaux (E/CN.4/1998/45).

Disparitions forcées et détention au secret

15)Le Comité note avec préoccupation qu’un certain nombre de personnes ont été arrêtées, condamnées à l’issue d’un procès à huis clos pour lequel elles n’ont pas bénéficié d’une véritable défense et placées au secret. Il note également avec préoccupation que l’État partie n’a pas donné d’informations sur les progrès accomplis pour déterminer ce qui est leur arrivé et où elles se trouvent. Il s’agit notamment de Gulgeldy Annaniazov, Ovezgeldy Ataev, Boris Shikhmuradov et Batyr Berdyev et des personnes emprisonnées dans l’affaire de la tentative d’assassinat de l’ancien Président en 2002, dont la situation a été évoquée, notamment, par le Rapporteur spécial sur la torture (A/HRC/13/42, par. 203 et 204, et E/CN.4/2006/6/Add.1, par. 514). En particulier, le Comité est préoccupé par a) le fait qu’aucune enquête effective, indépendante et transparente n’ait été menée sur les allégations faisant état de telles pratiques et que les auteurs n’aient pas été poursuivis et condamnés, s’il y a lieu et b) le fait que les proches des personnes disparues n’aient pas été tenus informés des résultats des investigations, s’agissant notamment de savoir où ces personnes sont détenues et si elles sont en vie. Cette absence d’enquête et de suivi soulève de graves questions quant à la volonté de l’État partie de s’acquitter de ses obligations en vertu de la Convention et constitue une violation continue de la Convention à l’égard des proches des victimes (art. 12 et 13).

Le Comité engage l’État partie:

a) À prendre toutes les mesures appropriées pour supprimer de fait la détention au secret et veiller à ce que toutes les personnes placées au secret soient remises en liberté ou inculpées et jugées selon une procédure régulière;

b) À titre de mesure prioritaire, à informer les proches des personnes détenues au secret sur le sort de ces personnes, en indiquant où elles se trouvent, et à faciliter les visites des familles;

c) À prendre sans délai des mesures pour garantir que des enquêtes impartiales et approfondies soient promptement menées sur toutes les affaires de disparitions présumées, à accorder une réparation, selon qu’il convient, et à informer les proches des victimes des résultats des enquêtes et des poursuites;

d) À informer le Comité des résultats des enquêtes menées sur les cas précités de M. Annaniazov, M. Ataev, M. Shikhmuradov, M. Berdyev et des personnes emprisonnées pour la tentative présumée d’assassinat de l’ancien Président en 2002.

Décès en détention

16)Le Comité est profondément préoccupé par les informations nombreuses et concordantes faisant état de décès en détention et de restrictions qui entraveraient la réalisation d’examens médico-légaux par des spécialistes indépendants dans de tels cas, et notamment par le cas de Ogulsapar Muradova, qui a été maintenue au secret pendant toute la durée de sa détention et est morte en détention dans des circonstances suspectes. Cette affaire, dans laquelle des signes de torture ont été constatés, est attestée par de nombreux documents et a été mentionnée par le Secrétaire général (A/61/489, par. 39) et par plusieurs rapporteurs spéciaux (A/HRC/WG.6/3/TKM/2, par. 38) (art. 2, 11, 12 et 16).

Le Comité engage l’État partie:

a) À mener sans délai des enquêtes approfondies et impartiales sur tous les cas de décès en détention, à mettre les résultats de ces enquêtes à la disposition du public et à poursuivre les personnes responsables de violations de la Convention qui ont conduit à ces décès;

b) À veiller à ce que tous les cas de décès en détention fassent l’objet d’un examen médico-légal indépendant, à autoriser les membres de la famille du défunt à demander une autopsie indépendante et à veiller à ce que les tribunaux de l’État partie acceptent les résultats des autopsies indépendantes comme éléments de preuve dans les procédures pénales et civiles;

c) À fournir au Comité des données concernant tous les décès en détention, ventilées par lieu de détention, sexe de la victime et résultats de l’enquête et, en particulier, donner des détails sur toute enquête portant sur des décès qui peuvent résulter d’actes de torture, de mauvais traitements ou de négligence volontaire, y compris le décès en détention, en septembre 2006, de M me Muradova.

Utilisation abusive des établissements psychiatriques

17)Le Comité est profondément préoccupé par les nombreuses informations concordantes et crédibles faisant état de l’utilisation abusive des hôpitaux psychiatriques pour détenir des personnes pour des raisons autres que médicales, en particulier des personnes qui ont exprimé des opinions politiques de manière non violente. Il regrette que l’État partie n’ait pas répondu à au moins deux appels urgents adressés conjointement par le Rapporteur spécial sur la torture, le Rapporteur spécial sur le droit à la liberté d’opinion et d’expression et le Groupe de travail sur la détention arbitraire en faveur de Gurbandurdy Durdykuliev, dissident politique, en 2004 (E/CN.4/2005/62/Add.1, par. 1817) et en faveur de Sazak Durdymuradov, journaliste, en 2008 (A/HRC/10/44/Add.4, par. 239) (art. 2, 11 et 16).

Le Comité recommande à l’État partie:

a) De libérer les personnes internées de force en hôpital psychiatrique pour des raisons autres que médicales et de prendre les mesures appropriées pour remédier à cette situation;

b) De prendre des mesures pour que personne ne puisse être interné en établissement psychiatrique contre son gré pour des raisons autres que médicales, notamment en permettant l’accès d’observateurs indépendants et de mécanismes de contrôle aux établissements et hôpitaux psychiatriques, et en faisant en sorte que l’internement pour raisons médicales ne soit ordonné qu’après avis d’experts psychiatres indépendants et que la décision puisse faire l’objet d’un recours;

c) D’informer le Comité des résultats des enquêtes sur les allégations de placement forcé en hôpital psychiatrique, en particulier sur les cas de M. Durdykuliev et de M. Durdymuradov.

Violence en prison, y compris le viol et la violence sexuelle

18)Le Comité est préoccupé par la violence physique et les pressions psychologiques exercées par le personnel pénitentiaire, y compris les châtiments collectifs, les mauvais traitements à titre de mesure «préventive», la mise à l’isolement et les violences sexuelles et les viols commis par les gardiens ou les détenus, qui auraient conduit plusieurs détenus au suicide. Dans le cas de la femme détenue dans la colonie pénitentiaire de Dashoguz qui a été rouée de coups, en février 2009, le Comité note avec préoccupation qu’alors que le responsable de l’établissement a été démis de ses fonctions pour corruption, aucune sanction pénale n’a été infligée aux fonctionnaires responsables de ces actes de violence (art. 2, 11, 12 et 16).

Le Comité recommande à l’État partie:

a) D’élaborer un plan global pour lutter contre le problème de la violence, y compris la violence sexuelle et le viol, qu’elle soit le fait des détenus ou du personnel pénitentiaire, dans tous les centres de détention, y compris la colonie pénitentiaire pour femmes de Dashoguz, et de faire en sorte que des enquêtes effectives soient menées sur ces affaires. L’État partie devrait donner des informations au sujet des enquêtes menées sur les violences et les viols commis sur des détenues par des fonctionnaires à Achgabat en 2007 et à Dashoguz en 2009, et indiquer quelles ont été les résultats des procès, notamment les peines prononcées et les mesures de réparation et l’indemnisation accordées aux victimes;

b) De coordonner la surveillance judiciaire des conditions de détention entre les organes compétents et de mener des enquêtes approfondies sur toutes les allégations d’actes de torture ou de mauvais traitements commis dans les lieux de détention;

c) De faire en sorte que la mise à l’isolement reste une mesure exceptionnelle d’une durée limitée.

Conditions de détention

19)Tout en prenant acte du plan du Gouvernement pour la construction de nouveaux centres de détention, le Comité demeure profondément préoccupé par les conditions matérielles et les conditions d’hygiène qui règnent actuellement dans les lieux de privation de liberté (nourriture et soins de santé insuffisants, grave surpeuplement, restriction non justifiée des visites des familles, etc.) (art. 11 et 16).

L’État partie devrait intensifier ses efforts pour mettre les conditions de détention dans les lieux de privation de liberté en conformité avec l’Ensemble de règles minima pour le traitement des détenus et d’autres normes pertinentes du droit international et de la législation nationale, notamment:

a) En atténuant la surpopulation et en envisageant de mettre au point des formes de peines non privatives de liberté;

b) En garantissant que tous les détenus reçoivent une nourriture suffisante et aient accès aux soins de santé requis;

c) En veillant à ce que tous les mineurs soient détenus séparément des adultes pendant toute la période de leur détention ou d’isolement et en leur offrant des activités éducatives et récréatives.

Aveux obtenus par la contrainte

20)Le Comité note qu’il existe des dispositions législatives garantissant le principe de l’irrecevabilité dans le cadre d’une procédure judiciaire des preuves obtenues par la contrainte, telles que l’article 45 de la Constitution et le paragraphe 1 de l’article 25 du Code de procédure pénale. Il note toutefois avec une vive préoccupation les informations nombreuses, concordantes et crédibles qui indiquent qu’il est fréquent que des aveux obtenus par la contrainte soient retenus comme preuves par les tribunaux de l’État partie et que de telles pratiques persistent en raison de l’impunité dont jouissent les coupables. Le Comité note avec préoccupation que l’État partie n’a apporté aucune information au sujet de fonctionnaires qui auraient été poursuivis et punis pour avoir extorqué des aveux (art. 15).

Le Comité engage l’État partie à garantir, dans la pratique, que les aveux obtenus par la torture ne puissent pas être invoqués comme éléments de preuve dans une procédure, conformément à l’article 15 de la Convention, et à réexaminer les dossiers de personnes condamnées sur la seule foi d’aveux, sachant que dans de nombreux cas les aveux peuvent avoir été obtenus par la torture ou par des mauvais traitements et, le cas échéant, à ouvrir sans délai des enquêtes impartiales et à prendre les mesures correctrices qui s’imposent. L’État partie devrait faire savoir si des fonctionnaires ont déjà été poursuivis et punis pour avoir extorqué des aveux.

Réparation, y compris indemnisation et moyens de réadaptation

21)Le Comité note avec satisfaction que le droit à indemnisation des victimes d’«actes illégaux» ou d’un «préjudice causé» par des organes publics est garanti par l’article 44 de la Constitution et l’article 23 du Code de procédure pénale, mais il demeure préoccupé par le non-respect du droit des victimes d’actes de torture et de mauvais traitements à réparation et à indemnisation, notamment à des moyens de réadaptation, et par l’absence d’exemples d’affaires dans lesquelles des personnes ont été indemnisées. En outre, tout en prenant acte des informations données par les représentants de l’État, le Comité se déclare particulièrement préoccupé par le fait que l’État partie n’a pas donné suite aux constatations formulées par le Comité des droits de l’homme dans l’affaire Komarovski c. Turkménistan (communication no 1450/2006, constatations adoptées le 24 juillet 2008), dans laquelle le Comité des droits de l’homme a décidé, après avoir reçu la réponse du Gouvernement turkmène, que le Turkménistan devait offrir à M. Komarovski un recours utile et prendre les mesures voulues pour poursuivre et punir les auteurs des violations commises (art. 14).

Le Comité recommande à l’État partie d’intensifier ses efforts pour assurer, dans la pratique, aux victimes d’actes de torture et de mauvais traitements une réparation sous la forme d’une indemnisation appropriée et d’une réadaptation aussi complète que possible et pour les protéger contre la stigmatisation et le risque d’être une nouvelle fois victimes. L’État partie devrait fournir des informations sur les mesures de réparation, d’indemnisation et autres, y compris les moyens de réadaptation, ordonnées par les tribunaux en faveur des victimes de la torture ou de leur famille pendant la période considérée. Ces informations devraient indiquer le nombre de demandes déposées, le nombre de celles auxquelles il a été fait droit ainsi que les montants accordés et effectivement versés dans chaque cas. En outre, l’État partie devrait faire connaître la suite donnée aux constatations du Comité des droits de l’homme dans l’affaire Komarovski c. Turkménistan .

Bizutage dans les forces armées

22)Le Comité est gravement préoccupé par les informations nombreuses et concordantes faisant état de bizutages dans les forces armées effectués par des officiers ou d’autres membres du personnel militaire ou avec leur consentement exprès ou tacite ou leur approbation. Une telle pratique a un effet dévastateur sur les victimes et serait à l’origine de suicides et de décès dans certains cas. Le Comité prend note des renseignements donnés par les représentants de l’État partie, mais demeure préoccupé par les informations indiquant que les enquêtes sont insuffisantes ou inexistantes (art. 2 et 16).

Le Comité recommande à l’État partie:

a) De renforcer les mesures pour interdire et éliminer le bizutage dans les forces armées;

b) De veiller à ce que toutes les affaires de bizutage, notamment les suicides et les décès qui auraient été provoqués par des mauvais traitements et des pressions psychologiques, donnent lieu sans délai à des enquêtes, impartiales et complètes et à des poursuites, le cas échéant, et de faire publiquement rapport sur les résultats des poursuites engagées;

c) De prendre des mesures pour assurer des moyens de réadaptation aux victimes, notamment en leur fournissant l’assistance médicale et psychologique voulue.

Réfugiés et demandeurs d’asile

23)Le Comité accueille avec satisfaction la décision de l’État partie d’accorder la citoyenneté et le statut de résident permanent à des milliers de réfugiés tadjiks en 2005. Il est préoccupé par le fait que les demandeurs d’asile n’ont qu’un accès limité à des services gratuits de conseil et de représentation en justice indépendants et qualifiés et que les personnes dont la demande d’asile est rejetée en première instance peuvent ne pas être en mesure de former des recours bien argumentés. Il est en outre préoccupé par le retard pris dans l’adoption du texte modifié de la loi sur les réfugiés et par le manque d’informations sur les demandes d’asile et les réfugiés, ainsi que sur le nombre d’expulsions. Le Comité regrette en outre le manque d’informations sur les garanties de non-renvoi de personnes vers des pays où elles courent un risque réel d’être soumises à la torture et sur le recours éventuel à des «assurances diplomatiques» pour contourner l’obligation absolue de non-refoulement prévue par l’article 3 de la Convention (art. 3).

L’État partie devrait prendre les mesures nécessaires pour:

a) Accélérer l’adoption du texte modifié de la loi sur les réfugiés et revoir les procédures et pratiques en vigueur pour les mettre en conformité avec les normes internationales, en particulier l’article 3 de la Convention;

b) Faire en sorte que nul ne soit expulsé, renvoyé ou extradé vers un pays où il y a des motifs sérieux de croire qu’il risque d’être soumis à la torture et envisager de transférer aux magistrats le pouvoir de décision actuellement exercé en la matière par le Président;

c) Garantir aux demandeurs d’asile, notamment à ceux pouvant être soumis à une mesure de rétention, l’accès gratuit à des services de conseil juridique et de représentation en justice indépendants et qualifiés de façon que les besoins en protection des réfugiés et d’autres personnes nécessitant une protection internationale soient dûment reconnus et afin de prévenir le refoulement;

d) Établir et mettre en œuvre une procédure d’asile et d’aiguillage normalisée et accessible aux postes frontière, y compris dans les aéroports internationaux et les zones de transit;

e) Mettre en place un système de collecte et d’échange de données statistiques et d’autres informations sur les demandeurs d’asile, y compris ceux placés en rétention, dont la demande est en instance auprès des autorités, ainsi que sur les personnes extradées, expulsées ou renvoyées par l’État partie, en indiquant les pays vers lesquels elles ont été renvoyées, et fournir au Comité les données voulues.

Formation

24)Le Comité prend note des informations données dans le rapport de l’État partie sur les programmes de formation et la publication de manuels sur les droits de l’homme, mais il regrette le manque de renseignements sur la formation portant sur les questions liées à l’interdiction de la torture et des autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants destinée au personnel médical et aux agents des forces de l’ordre, aux responsables de la sécurité et aux personnels pénitentiaires, aux fonctionnaires judiciaires et aux autres personnes participant à la garde, à l’interrogatoire ou au traitement des personnes placées sous le contrôle de l’État (art. 10).

Le Comité recommande à l’État partie de:

a) Dispenser périodiquement aux personnes exerçant les diverses fonctions énumérées à l’article 10 de la Convention une formation portant sur les dispositions de la Convention et sur l’interdiction absolue de la torture, ainsi que sur les règles, instructions et méthodes d’interrogatoire, notamment en coopération avec les organisations de la société civile;

b) Dispenser à l’ensemble des personnels concernés, en particulier aux personnels médicaux, une formation complète sur la manière de déceler les signes de torture et de mauvais traitements et sur l’utilisation du Manuel pour enquêter efficacement sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (Protocole d’Istanbul);

c) Suivre une démarche tenant compte des spécificités hommes-femmes dans la formation du personnel participant à la garde, à l’interrogatoire ou au traitement des femmes soumises à une quelconque forme d’arrestation, de détention ou d’emprisonnement;

d) Prévoir un élément sur l’interdiction des mauvais traitements et de la discrimination à l’égard des personnes appartenant à des minorités ethniques, religieuses et autres dans la formation des membres des forces de l’ordre et des autres catégories professionnelles concernées;

e) Évaluer l’efficacité et l’incidence de cette formation et des programmes éducatifs en ce qui concerne la réduction des cas de torture et de mauvais traitements.

Absence de données

25)Malgré la publication de ses directives sur la forme et le contenu des rapports initiaux (CAT/C/4/Rev.3) et malgré son insistance auprès de l’État partie pour qu’il lui fournisse des données statistiques, le Comité note avec regret qu’il n’a guère reçu d’informations sur des aspects autres que les dispositions législatives. L’absence de données complètes ou ventilées sur les plaintes, les enquêtes, les poursuites et les condamnations dans des affaires de torture et de mauvais traitements où sont impliqués des agents des forces de l’ordre, sur le taux global d’occupation des prisons et sur les décès en détention, ainsi que sur les cas dans lesquels des individus auraient été victimes de torture et de disparition forcée évoqués par le Comité − y compris sur le sort de ces personnes − constitue un obstacle majeur qui empêche de déterminer l’existence éventuelle d’un ensemble de violations devant retenir l’attention (art. 2, 12, 13 et 19).

L’État partie devrait rassembler et faire parvenir au Comité les données statistiques utiles pour la surveillance de l’application de la Convention au niveau national, en indiquant le type d’organes qui participent à cette surveillance et leurs mécanismes de communication d’informations. Ces données devraient être ventilées notamment par sexe, appartenance ethnique, âge, type d’infraction et lieu géographique, et comporter des informations sur les plaintes, les enquêtes, les poursuites et les condamnations dans des affaires de torture et de mauvais traitements, de détention au secret, de décès en détention, de traite, de violences dans la famille et de violences sexuelles, et sur l’issue de telles plaintes et affaires, y compris sur l’indemnisation et la réadaptation des victimes.

26)Le Comité recommande à l’État partie d’envisager de faire les déclarations prévues aux articles 21 et 22 de la Convention.

27)Le Comité invite l’État partie à ratifier les instruments des Nations Unies relatifs aux droits de l’homme auxquels il n’est pas encore partie, en particulier la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées et la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille. L’État partie est également encouragé à ratifier le Statut de Rome de la Cour pénale internationale.

28)L’État partie est invité à diffuser largement le rapport qu’il a soumis au Comité et les présentes observations finales, ainsi que les comptes rendus analytiques des séances consacrées à l’examen de ce rapport, dans les langues voulues, par le biais des sites Web officiels, des médias et des organisations non gouvernementales, et à faire rapport au Comité sur les résultats de la diffusion de ces documents.

29)Le Comité demande à l’État partie de lui faire parvenir dans un délai d’un an des renseignements sur la suite qu’il aura donnée aux recommandations figurant aux paragraphes 9, 14 et 15 b) et c) et de lui communiquer les informations demandées au cours du dialogue avec ses représentants.

30)Le Comité invite l’État partie à présenter son prochain rapport en respectant la limite fixée de 40 pages pour le document spécifique à la Convention. Il l’invite également à mettre à jour son document de base commun (HRI/CORE/TKM/2009) conformément aux instructions qui figurent dans les directives harmonisées pour l’établissement des rapports à soumettre en vertu des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme (HRI/GEN.2/Rev.6) approuvées par la Réunion intercomités des organes créés en vertu d’instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, et à respecter la limite de 80 pages. Le document spécifique à la Convention et le document de base commun constituent conjointement les documents que l’État partie est tenu de soumettre pour s’acquitter de son obligation de faire rapport en vertu de la Convention.

31)L’État partie est invité à soumettre son prochain rapport, qui sera le deuxième, le 3 juin 2015 au plus tard.

IV.Suivi des observations finales relatives aux rapportsdes États parties

62.Dans le présent chapitre, le Comité dresse un tableau actualisé de ses constatations et activités au titre du suivi des observations finales adoptées en application de l’article 19 de la Convention. On y trouvera ci-après un récapitulatif des réponses reçues des États parties et des activités de la Rapporteuse pour le suivi des observations finales au titre de l’article 19 de la Convention, y compris les vues de la Rapporteuse sur les résultats de cette procédure. Ces renseignements ont été mis à jour à la date de la clôture de la quarante‑sixième session, le 3 juin 2011.

63.Au chapitre IV de son rapport annuel pour 2005-2006, le Comité a exposé le cadre qu’il avait mis en place pour assurer le suivi des conclusions et recommandations adoptées relativement aux rapports soumis par les États parties en application de l’article 19 de la Convention. Il a inclus dans chacun de ses rapports annuels des renseignements sur les réponses reçues des États parties depuis le lancement de cette procédure en mai 2003.

64.Conformément à son règlement intérieur, le Comité a institué le poste de rapporteur pour le suivi des observations finales au titre de l’article 19 de la Convention et nommé Mme Felice Gaer pour le pourvoir. La Rapporteuse a présenté des rapports intérimaires sur les résultats de la procédure aux quarante-cinquième et quarante-sixième sessions (en novembre 2010 et mai-juin 2011, respectivement).

65.À l’issue de l’examen de chaque rapport d’État partie, le Comité expose des sujets de préoccupation et recommande des mesures spécifiques visant à prévenir les actes de torture et les mauvais traitements. Le Comité aide ainsi les États parties à déterminer les mesures législatives, judiciaires, administratives et autres à mettre en œuvre pour faire en sorte que leur législation et leur pratique soient parfaitement conformes aux obligations énoncées dans la Convention.

66.Conformément à la procédure établie pour le suivi des observations finales relatives aux rapports de pays, le Comité a identifié un certain nombre de recommandations qui requéraient un complément d’information spécifique dans un délai d’un an aux fins de la procédure de suivi. Les recommandations ainsi retenues ont en commun de porter sur des faits graves, d’avoir une finalité de protection et de pouvoir être mises en œuvre en l’espace d’un an. Les États parties sont priés de fournir dans les douze mois des renseignements sur les mesures qu’ils auront prises pour donner une suite auxdites recommandations, lesquelles sont explicitement mentionnées dans l’un des derniers paragraphes des observations finales les concernant.

67.Entre la mise en place de la procédure (en mai 2003, lors de la trentième session) et la fin de la quarante-sixième session, en juin 2011, le Comité a examiné 109 rapports d’États parties pour lesquels il a demandé des renseignements sur la suite donnée à ses recommandations. Sur les 95 États parties qui devaient envoyer des renseignements aux fins du suivi avant mai 2011, 67 l’avaient fait au moment de l’adoption du présent rapport. Les 27 États qui n’avaient envoyé aucune réponse au 3 juin 2011 alors que le délai était échu étaient les suivants: Afrique du Sud, Autriche, Bénin, Bulgarie, Burundi, Cambodge, Cameroun, Chili, Costa Rica, El Salvador, France, Honduras, Indonésie, Jordanie, Luxembourg, Nicaragua, Ouganda, Pérou, République arabe syrienne, République de Moldova (rapport initial, trentième session), République démocratique du Congo, Suisse, Tadjikistan, Tchad, Togo, Yémen et Zambie. On notera que les États parties qui n’avaient fourni aucune information dans le cadre de la procédure de suivi au 3 juin 2011 appartenaient à toutes les régions du monde.

68.La Rapporteuse envoie un rappel à chacun des pays qui n’ont pas fourni les renseignements demandés sur la suite donnée aux recommandations. Des informations sur les réponses reçues des États parties dans le cadre du suivi des observations finales sont disponibles sur le site Web du Comité, pour chacune de ses sessions. Depuis 2010, une page Web séparée est consacrée au suivi: http://www2.ohchr.org/english/bodies/cat/follow-procedure.htm. Y figurent les réponses des États parties, ainsi que les communications des ONG au titre du suivi et les lettres adressées par la Rapporteuse aux États parties (voir par. 70).

69.La Rapporteuse se félicite des renseignements envoyés par les États parties sur les mesures prises pour s’acquitter de leurs obligations en vertu de la Convention. Elle a procédé à une évaluation des réponses reçues pour déterminer si tous les points mentionnés par le Comité avaient été suivis d’effet, si les renseignements pouvaient être qualifiés de satisfaisants et si de plus amples renseignements s’imposaient. Chacune de ses lettres répond spécifiquement et en détail aux renseignements fournis par l’État partie concerné. Lorsqu’un complément d’information est nécessaire, la Rapporteuse écrit à l’État partie pour lui demander des éclaircissements sur certains points précis. À ce jour, 22 États parties ont apporté un complément d’information en réponse à ces demandes. La Rapporteuse écrit aussi aux États qui n’ont pas donné du tout les renseignements demandés pour les inviter à le faire.

70.En mai 2007, le Comité a décidé de rendre publiques les lettres de la Rapporteuse aux États parties. Le Comité a également décidé d’attribuer une cote de l’ONU à toutes les réponses des États parties au titre du suivi et de les afficher aussi sur son site.

71.Comme les recommandations adressées à chaque État partie sont formulées en fonction de la situation propre au pays concerné, les réponses reçues et les lettres de la Rapporteuse sollicitant des éclaircissements portent sur des sujets très divers. Dans les lettres demandant aux États parties de plus amples renseignements sont abordés des points précis jugés essentiels pour la mise en œuvre de la recommandation considérée. Un certain nombre des points mentionnés tiennent compte des renseignements donnés alors que d’autres concernent des sujets non traités qui sont estimés essentiels pour les travaux du Comité dans l’optique de l’adoption de mesures efficaces de prévention et de protection propres à éliminer la torture et les mauvais traitements.

72.Parmi les activités qu’elle a menées pendant l’année écoulée, la Rapporteuse a notamment participé aux deux réunions intercomités tenues à Genève au cours desquelles les procédures de suivi ont été débattues avec les membres des autres organes conventionnels: la première a eu lieu du 28 au 30 juin 2010 et la deuxième, qui était une réunion du Groupe de travail sur le suivi des organes créés en vertu d’instruments relatifs aux droits de l’homme, en janvier 2011. En juin, la Rapporteuse a également fait un exposé concernant la procédure de suivi du Comité lors de la réunion des titulaires de mandat au titre des procédures spéciales. En l’absence de visites sur le terrain par les experts membres du Comité, les rapports des titulaires de mandat au titre des procédures spéciales peuvent apporter à cet organe et à ses rapporteurs des éléments d’information et d’analyse utiles pour l’évaluation des réponses reçues des États parties. Après avoir évalué les réponses des États parties et autres documents pertinents, la Rapporteuse rédige des lettres de suivi adressées aux pays, selon les besoins, en consultation avec les rapporteurs désignés par le Comité pour chaque pays concerné.

73.La Rapporteuse a entrepris une étude de la procédure de suivi du Comité; elle a commencé par un examen du nombre et de la nature des sujets abordés par le Comité dans les demandes de renseignements adressées aux États parties au titre du suivi. Elle a exposé certaines de ses conclusions au Comité à ses quarante-cinquième et quarante-sixième sessions. Globalement, les sujets qui reviennent le plus fréquemment sont les suivants: a) ouverture sans délai d’enquêtes impartiales et efficaces; b) poursuites et sanctions à l’encontre des auteurs d’actes de torture et de mauvais traitements; c) mise en place ou renforcement des garanties juridiques pour les personnes détenues; d) exercice du droit de déposer plainte et d’obtenir que sa cause soit examinée; e) formation et sensibilisation; f) mise en conformité des méthodes d’interrogatoire avec les dispositions de la Convention et abolition de la détention au secret; g) réparation et réadaptation; h) lutte contre la violence sexiste et protection des femmes; i) surveillance des lieux de détention et réalisation de visites inopinées par des organes indépendants; j) amélioration de la collecte de données sur la torture; k) amélioration des conditions de détention (surpeuplement).

74.La Rapporteuse a en outre présenté des graphiques montrant qu’il était important d’inclure les questions à aborder au titre du suivi dans les listes de points à traiter établies par le Comité avant la soumission des rapports périodiques. Elle a observé que le Comité s’était efforcé de mieux prendre en compte les questions soulevées précédemment au titre du suivi et restées en suspens en les incorporant aux listes de points adoptées avant l’examen des rapports, mais que des progrès restaient à faire en la matière.

75.Dans sa correspondance avec les États parties, la Rapporteuse a dégagé plusieurs sujets de préoccupation récurrents qui ne sont pas pleinement traités dans les réponses; une liste de ces sujets a été donnée dans les rapports annuels précédents. En résumé, la Rapporteuse considère qu’il serait extrêmement utile de disposer de renseignements plus précis, par exemple de listes de prisonniers et de détails sur les décès en détention et les enquêtes médico-légales.

76.À l’issue de nombreux échanges avec les États parties, la Rapporteuse a constaté la nécessité de renforcer les activités d’établissement des faits et de surveillance dans de nombreux États parties. En outre, la collecte et l’analyse des statistiques de la police et de la justice pénale laissent souvent à désirer. Lorsque le Comité demande de telles données, il est fréquent que les États parties ne les fournissent pas. La Rapporteuse a souligné en outre l’importance de l’ouverture immédiate d’enquêtes approfondies et impartiales sur les allégations de violations dans une optique de protection. Le meilleur moyen d’agir en la matière est souvent la réalisation d’inspections inopinées par des organismes indépendants. Le Comité a reçu des documents, des renseignements et des plaintes dénonçant l’absence de tels organes de surveillance, le manque d’indépendance de ces organes ou le fait que ceux-ci ne mettent pas en œuvre les recommandations visant à améliorer leur fonctionnement.

77.La Rapporteuse a également souligné qu’il était important que les États parties donnent des instructions claires sur l’interdiction absolue de la torture dans le cadre de la formation des forces de l’ordre et autres personnels concernés. Les États parties devraient fournir des informations sur les résultats des examens médicaux et des autopsies et recenser les signes de torture, y compris en particulier la violence sexuelle. Les États parties devraient également informer le personnel sur la nécessité de garantir et préserver les preuves. La Rapporteuse a constaté de nombreuses lacunes dans les statistiques nationales, y compris sur les mesures pénales et disciplinaires contre les membres des forces de l’ordre. La tenue de registres exacts, couvrant toutes les étapes de la procédure de détention, est essentielle et requiert une plus grande attention. Toutes ces mesures contribuent à protéger l’individu contre la torture ou d’autres formes de mauvais traitements, telles que définies dans la Convention.

78.Les tableaux ci-après récapitulent les réponses reçues dans le cadre de la procédure de suivi au 3 juin 2011, date de la clôture de la quarante-sixième session du Comité. Il y est également fait mention, le cas échéant, des remarques des États parties concernant les observations finales.

Procédure de suivi des observations finales (mai 2003-juin 2011)

Trentième session (mai 2003)

État partie

Informations demandées pour

Informations reçues le (y compris les remarques)

Mesure prise

Azerbaïdjan

Mai 2004

7 juillet 2004 CAT/C/CR/30/RESP/1

Demande d’éclaircissements (21 avril 2006)

République de Moldova

Mai 2004

-

Rappel (7 mars 2006)

Trente et unième session (novembre 2003)

État partie

Informations demandées pour

Informations reçues le (y compris les remarques)

Mesure prise

Cambodge

Novembre 2004

-

Rappel (28 avril 2006)

Cameroun

Novembre 2004

-

Rappel (17 février 2006)

Colombie

Novembre 2004

24 mars 2006 CAT/C/COL/CO/3/Add.1

Rappel (17 février 2006)

16 octobre 2007 CAT/C/COL/CO/3/Add.2

Demande d’éclaircissements (2  mai 2007)

Remarques: 17 décembre 2009 CAT/C/COL/CO/3/Add.3

Demande d’éclaircissements (30  octobre 2009)

Lettonie

Novembre 2004

3 novembre 2004 CAT/C/CR/31/RESP/1

Demande d ’éclaircissements (21  avril 2006)

14 mai 2007 CAT/C/LVA/CO/1/Add.1

Informations en cours d’examen

Lituanie

Novembre 2004

7 décembre 2004 CAT/C/CR/31/ 5/ RESP/1

Demande d’éclaircissements (21  avril 2006)

25 octobre 2006 CAT/C/LTU/CO/1/Add.2

Demande d’écl aircissements (27  octobre 2008)

Maroc

Novembre 2004

22 novembre 2004 CAT/C/CR/31/2/Add.1

Demande d’éclaircissements (17  mars 2011)

2 août 2006 CAT/C/MAR/CO/3/Add.2

Demande d’éclaircissements (10  mai 2006)

30 octobre 2006 CAT/C/MAR/CO/3/Add.3

Yémen

Novembre 2004

22 août 2005 CAT/C/CR/31/4/Add.1

Demande d’éclaircissements (21  avril 2006)

Trente-deuxième session (mai 2004)

État partie

Informations demandées pour

Informations reçues le (y compris les remarques)

Mesure prise

Allemagne

Mai 2005

4 août 2005 CAT/C/CR/32/7/RESP/1

Demande d’éclaircissements (30  octobre 2006)

25 septembre 2007 CAT/C/DEU/CO/3/Add.1

Demande d’éclaircissements (3 mai 2011)

Bulgarie

Mai 2005

-

Rappel (17 février 2006)

Chili

Mai 2005

22 janvier 2007 CAT/C/38/CRP.4

Rappel (17 février 2006)

Demande d’éclaircissements (15  mai 2008)

Croatie

Mai 2005

12 juillet 2006 CAT/C/HRV/CO/3/Add.1

Rappel (17 février 2006)

16 février 2009 CAT/C/HRV/CO/3/Add.2

Demande d’éclaircissements (13 mai 2008)

Informations en cours d’examen

Monaco

Mai 2005

30 mars 2006 CAT/C/MCO/CO/4/Add.1

Rappel (17 février 2006)

Demande d’éclaircissements (15  mai 2008)

Nouvelle-Zélande

Mai 2005

9 juin 2005 CAT/C/CR/32/4/RESP/1

Remarques: 19 décembre 2006 CAT/C/NZL/CO/3/Add.2

Demande d’éclaircissements (14  mai 2007)

République tchèque

Mai 2005

25 avril 2005 CAT/C/CZE/CO/3/Add.1

Demande d’éclaircissements (16  mai 2006)

14 janvier 2008 CAT/C/CZE/CO/3/Add.2

Demande d’éclaircissements (6 mai 2011)

Trente-troisième session (novembre 2004)

État partie

Informations demandées pour

Informations reçues le (y compris les remarques)

Mesure prise

Argentine

Novembre 2005

2 février 2006 CAT/C/ARG/CO/4/Add.1

Demande d’éclaircissements (11  mai 2007)

Grèce

Novembre 2005

14 mars 2006 CAT/C/GRC/CO/4/Add.1

Rappel (17 février 2006)

9 octobre 2008 CAT/C/GRC/CO/4/Add.2

Demande d’éclaircissements (15  mai 2008)

Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord

Novembre 2005

14 mars 2006 CAT/C/GBR/CO/4/Add.1

Rappel (17 février 2006)

25 août 2009 CAT/C/GBR/CO/4/Add.2

Demande d’éclaircissements (29  avril 2009)

Informations en cours d’examen

Trente-quatrième session (mai 2005)

État partie

Informations demandées pour

Informations reçues le (y compris les remarques)

Mesure prise

Albanie

Mai 2006

15 août 2006 CAT/C/ALB/CO/1/Add.1

Demande d’éclaircissements (15  novembre 2008)

Bahreïn

Mai 2006

21 novembre 2006 CAT/C/BHR/CO/1/Add.1

Demande d’éclaircissements (17  novembre 2008)

13 février 2009 CAT/C/BHR/CO/1/Add.2

Demande d’éclaircissements (25 mai 2011)

Canada

Mai 2006

2 juin 2006 CAT/C/CAN/CO/4/Add.1

Demande d’éclaircissements (29  avril 2009)

Finlande

Mai 2006

19 mai 2006 CAT/C/FIN/CO/4/Add.1

Demande d’éclaircissements (13  mai 2008)

2 décembre 2008 CAT/C/FIN/CO/4/Add.2

Informations en cours d’examen

Ouganda

Mai 2006

-

Rappel (5 avril 2007)

Suisse

Mai 2006

16 juin 2005 CAT/C/CHE/ CO/4/ Add.1

Rappel (5 avril 2007)

15 mai 2007 CAT/C/CHE/CO/4/Add.2

Demande d’éclaircissements (11  novembre 2009)

7 décembre 2009 CAT/C/CHE/CO/4/Add.3

Informations en cours d’examen

Trente-cinquième session (novembre 2005)

État partie

Informations demandées pour

Informations reçues le (y compris les remarques)

Mesure prise

Autriche

Novembre 2006

24 novembre 2006 CAT/C/AUT/CO/3/Add.1

Dem ande d’éclaircissements (15 novembre 2008)

Bosnie-Herzégovine

Novembre 2006

1 er février 2006 CAT/C/BIH/CO/1/Add.1

Rappel (5 avril 2007)

6 mai 2007 CAT/C/BIH/CO/1/Add.2

Demande d’éclaircissements (12 février 2008)

Équateur

Novembre 2006

20 novembre 2006 CAT/C/ECU/CO/3/Add.1

Demande d’éclaircissements (11 mai 2009)

France

Novembre 2006

13 février 2007 CAT/C/FRA/CO/3/Add.1

Informations en cours d’examen

Népal

Novembre 2006

1 er juin 2007 CAT/C/NPL/CO/2/Add.1

Rappel (13 avril 2007)

Demande d’éclaircis sements (15 mai 2008)

République démocratique du Congo

Novembre 2006

-

Rappel (5 avril 2007)

Sri Lanka

Novembre 2006

22 novembre 2006 CAT/C/LKA/CO/2/Add.1

Demande d’éclaircissements (21 novembre 2007)

Trente-sixième session (mai 2006)

État partie

Informations demandées pour

Informations reçues le (y compris les remarques)

Mesure prise

États-Unis d’Amérique

Mai 2007

25 juillet 2007 CAT/C/USA/CO/2/Add.1

Demandes d’éclaircissements (8  août 2008 et 14 mai 2009)

Géorgie

Mai 2007

31 mai 2007 CAT/C/GEO/CO/3/Add.1

Demande d’éclaircissements ( 13 novembre 2009)

Guatemala

Mai 2007

15 novembre 2007 CAT/C/GTM/CO/4/Add.1

Rappel (4 septembre 2007)

Demande d’éclaircissements (17 novembre 2008)

9 juin 2009 CAT/C/GTM/CO/4/Add.2

Informations en cours d’examen

Pérou

Mai 2007

-

Rappel (4 septembre 2007)

Qatar

Mai 2007

12 décembre 2006 CAT/C/QAT/CO/1/Add.1

Demande d’éclaircissements (7 mai 2010)

République de Corée

Mai 2007

27 juin 2007 CAT/C/KOR/CO/2/Add.1

Demandes d’éclaircissements (15 novembre 2008 )

10 juillet 2009 CAT/C/KOR/CO/2/Add.2

Demandes d’éclaircissements ( 14 mai 2010)

Togo

Mai 2007

-

Rappel (4 septembre 2007)

Trente-septième session (novembre 2006)

État partie

Informations demandées pour

Informations reçues le (y compris les remarques)

Mesure prise

Afrique du Sud

Novembre 2007

-

Rappel (25 avril 2008)

Burundi

Novembre 2007

-

Rappel (25 avril 2008)

Fédération de Russie

Novembre 2007

23 août 2007 CAT/C/RUS/CO/4/Add.1

Demande d’éclaircissements (15 mai 2009)

Guyana

Novembre 2007

5 décembre 2008 CAT/C/GUY/CO/1/Add.1

Rappel (25 avril 2008)

Demande d’éclaircissements (14 mai 2010)

Hongrie

Novembre 2007

15 novembre 2007 CAT/C/HUN/CO/4/Add.1

Demande d’éclaircissements (15 novembre 2008)

Mexique

Novembre 2007

14 août 2008 CAT/C/MEX/CO/4/Add.1

Demande d’éclaircissements (6 mai 2009)

7 janvier 2010 CAT/C/MEX/CO/4/Add.2

Informations en cours d’examen

Tadjikistan

Novembre 2007

-

Rappel (25 avril 2008)

Trente-huitième session (mai 2007)

État partie

Informations demandées pour

Informations reçues le (y compris les remarques)

Mesure prise

Danemark

Mai 2008

18 juillet 2008 CAT/C/DNK/CO/5/Add.1

Demande d’éclaircissements (12  mai 2010)

Italie

Mai 2008

9 mai 2008 CAT/C/ITA/CO/4/Add.1

Demande d’éclaircissements (17 novembre 2009)

Japon

Mai 2008

29 mai 2008 CAT/C/JPN/CO/1/Add.1

Demande d’éclaircissements (11 mai 2009)

Luxembourg

Mai 2008

-

Rappel (17 novembre 2008)

Pays-Bas

Mai 2008

17 juin 2008 CAT/C/NET/CO/4/Add.1

Demande d’éclaircissements (19  novembre 2010)

Pologne

Mai 2008

12 juin 2008 CAT/C/POL/CO/4/Add.1

Informations en cours d’examen

Ukraine

Mai 2008

21 avril 2009 CAT/UKR/CO/5/Add.1

Rappel (17 novembre 2008) Informations en cours d’examen

Trente-neuvième session (novembre 2007)

État partie

Informations demandées pour

Informations reçues le (y compris les remarques)

Mesure prise

Bénin

Novembre 2008

-

Rappel (6 mai 2009)

Estonie

Novembre 2008

19 janvier 2009 CAT/C/EST/CO/4/Add.1

Rappel (29 avril 2009) Informations en cours d’examen

Lettonie

Novembre 2008

10 février 2010 CAT/C/LVA/CO/2/Add.1

Rappel (29 avril 2009)

Demande d’éclaircissements (25 mai 2011) Informations en cours d’examen

Norvège

Novembre 2008

9 juillet 2009 CAT/C/NOR/CO/5/Add.1 (Appendice 1 manquant)

Rappel (29 avril 2009) Demande d’éclaircissements (12  mai 2010)

26 novembre 2010 CAT/C/NOR/CO/5/Add.2

Informations en cours d’examen

4 mars 2011 CAT/C/NOR/CO/5/Add.3

Ouzbékistan

Novembre 2008

13 février 2008 CAT/C/UZB/CO/3/Add.1 ( y compris remarques)

Rappel et demande d’éclaircissements (16 novembre 2009)

7 janvier 2010 CAT/C/UZB/CO/3/Add.2

Informations en cours d’examen

Portugal

Novembre 2008

23 novembre 2007 CAT/C/PRT/CO/4/Add.1 ( y compris remarques)

Demande d’éclaircissements ( 12 mai 2010)

Quarantième session (mai 2008)

État partie

Informations demandées pour

Informations reçues le (y compris les remarques)

Mesure prise

Algérie

Mai 2009

2 0 mai 2008 CAT/C/DZA/CO/3/Add.1 ( y compris remarques)

Rappel et demande d’éclaircissements (2 0 novembre 2009)

Australie

Mai 2009

29 mai 2009 CAT/C/AUS/CO/3/Add.1

Demande d’éclaircissements (6  mai 2010)

12 novembre 2010 CAT/C/AUS/CO/3/Add.2

Informations en cours d’examen

Costa Rica

Mai 2009

-

Rappel (12 novembre 2009)

ex-République yougoslave de Macédoine

Mai 2009

15 septembre 2009 CAT/C/MKD/CO/ 2/ Add.1

Demande d’éclaircissements (19  novembre 2010)

3 mai 2011 CAT/C/MKD/CO/2/Add.2

Informations en cours d’examen

Indonésie

Mai 2009

-

Rappel (12 novembre 2009)

Islande

Mai 2009

22 décembre 2009 CAT/C/ISL/CO/3/Add.1

Rappel (12 novembre 2009)

Demande d’éclaircissements (19  novembre 2010)

Suède

Mai 2009

11 juin 2009 CAT/C/SWE/CO/5/Add.1

Demande d’éclaircissements (25 mai 2011)

Zambie

Mai 2009

-

Rappel (12 novembre 2009)

Quarante et unième session (novembre 2008)

État partie

Informations demandées pour

Informations reçues le (y compris les remarques)

Mesure prise

Belgique

Novembre 2009

17 mars 2010 CAT/C/BEL/CO/2/Add.1

Informations en cours d’examen

Chine

Novembre 2009

Remarques: 17 décembre 2008 CAT/C/CHN/CO/4/Add. 1

26 novembre 2009 CAT/C/CHN/CO/4/Add.2

Demande d’ éclaircissements (29  octobre 2010, Chine)

Hong Kong

7 janvier 2010 CAT/C/HKG/CO/4/Add.1 (Hong Kong)

Demande d’éclaircissements (29 octobre 2010, Hong Kong)

Macao

8 mars 2010 CAT/C/MAC/CO/4/Add.1 (Macao)

Demande d’ éclaircissements (29  octobre 2010, Macao)

Kazakhstan

Novembre 2009

25 février 2010 CAT/C/KAZ/CO/2/Add.1

Demande d’ éclaircissements (13  septembre 2010)

18 février 2011 CAT/C/KAZ/CO/2/Add.2

Informations en cours d’examen

Kenya

Novembre 2009

30 novembre 2009 CAT/C/KEN/CO/1/Add.1

Demande d’éclaircissements (4 mai 2010)

Lituanie

Novembre 2009

29 mars 2011 CAT/C/LTU/CO/2/Add.1

Rappel (28 mars 2011)

Monténégro

Novembre 2009

6 avril 2009 CAT/C/MNE/CO/1/Add.1

Demande d’éclaircissements (19 novembre 2010)

Serbie

Novembre 2009

5 février 2010 CAT/C/SRB/CO/1/Add.1

Demande d’éclaircissements (23 mai 2011)

Quarante-deuxième session (mai 2009)

État partie

Informations demandées pour

Informations reçues le (y compris les remarques)

Mesure prise

Chili

Mai 2010

-

Rappel (28 mars 2011)

Honduras

Mai 2010

-

Rappel (28 mars 2011)

Israël

Mai 2010

3 août 2010 CAT/C/ISR/CO/4/Add.1

Informations en cours d’examen

Nicaragua

Mai 2010

-

Rappel (28 mars 2011)

Nouvelle-Zélande

Mai 2010

19 mai 2010 CAT/C/NZL/CO/5/Add.1

Informations en cours d’examen

Philippines

Mai 2010

5 novembre 2010 CAT/C/PHL/CO/2/Add.1

Informations en cours d’examen

Tchad

Mai 2010

-

Rappel (28 mars 2011)

Quarante-troisième session (novembre 2009)

État partie

Informations demandées pour

Informations reçues le (y compris les remarques)

Mesure prise

Azerbaïdjan

Novembre 2010

18 novembre 2010 CAT/C/AZE/CO/3/Add.1

Informations en cours d’examen

Colombie

Novembre 2010

14 avril 2011 CAT/C/COL/4/Add.1

Rappel (28 mars 2011)

El Salvador

Novembre 2010

-

Rappel (28 mars 2011)

Espagne

Novembre 2010

19 janvier 2011 CAT/C/ESP/CO/5/Add.1

Informations en cours d’examen

République de Moldova

Novembre 2010

14 février 2011 CAT/C/MDA/CO/2/Add.1

Informations en cours d’examen

Slovaquie

Novembre 2010

16 novembre 2010 CAT/C/SVK/CO/2/Add.1

Informations en cours d’examen

Quarante-quatrième session (mai 2010)

État partie

Informations demandées pour

Informations reçues le (y compris les remarques)

Mesure prise

Autriche

Mai 2011

-

-

Cameroun

Mai 2011

-

-

France

Mai 2011

-

-

Jordanie

Mai 2011

-

-

Liechtenstein

Mai 2011

22 décembre 2009 CAT/C/LIE/CO/3/Add.1 (Remarques)

-

18 mai 2011 CAT/C/LIE/CO/3/Add.2

République arabe syrienne

Mai 2011

-

-

Suisse

Mai 2011

-

-

Yémen

Mai 2011

-

-

Quarante-cinquième session (novembre 2010)

État partie

Informations demandées pour

Informations reçues le (y compris les remarques)

Mesure prise

Bosnie-Herzégovine

Novembre 2011

-

-

Cambodge

Novembre 2011

-

-

Équateur

Novembre 2011

-

-

Éthiopie

Novembre 2011

-

-

Mongolie

Novembre 2011

-

-

Turquie

Novembre 2011

-

-

Quarante-sixième session (mai-juin 2011)

État partie

Informations demandées pour

Informations reçues le (y compris les remarques)

Mesure prise

Finlande

Juin 2012

-

-

Ghana

Juin 2012

-

-

Irlande

Juin 2012

-

-

Koweït

Juin 2012

-

-

Maurice

Juin 2012

-

-

Monaco

Juin 2012

-

-

Slovénie

Juin 2012

Turkménistan

Juin 2012

-

-

V.Activités menées par le Comité en application de l’article 20 de la Convention

79.En vertu du paragraphe 1 de l’article 20 de la Convention, «si le Comité reçoit des renseignements crédibles qui lui semblent contenir des indications bien fondées que la torture est pratiquée systématiquement sur le territoire d’un État partie, il invite ledit État à coopérer dans l’examen des renseignements et, à cette fin, à lui faire part de ses observations à ce sujet».

80.Conformément à l’article 75 du Règlement intérieur du Comité, le Secrétaire général porte à l’attention du Comité les renseignements qui sont ou semblent être présentés pour examen par le Comité au titre du paragraphe 1 de l’article 20 de la Convention.

81.Le Comité ne reçoit aucun renseignement concernant un État partie qui, conformément au paragraphe 1 de l’article 28 de la Convention, a déclaré, au moment où il a ratifié la Convention ou y a adhéré, qu’il ne reconnaissait pas la compétence du Comité en vertu de l’article 20, à moins que cet État n’ait ultérieurement levé sa réserve conformément au paragraphe 2 de l’article 28 de la Convention.

82.Le Comité a poursuivi ses travaux en application de l’article 20 de la Convention pendant la période couverte par le présent rapport. Conformément aux dispositions de l’article 20 de la Convention et des articles 78 et 79 du Règlement intérieur, tous les documents et tous les travaux du Comité afférents aux fonctions qui lui sont confiées en vertu de l’article 20 sont confidentiels et toutes les séances concernant ses travaux au titre de ce même article sont privées. Toutefois, conformément au paragraphe 5 de l’article 20, le Comité peut, après consultations avec l’État partie intéressé, décider de faire figurer dans son rapport annuel aux États parties et à l’Assemblée générale un résumé des résultats de ces travaux.

83.Dans le cadre des activités de suivi, les rapporteurs pour l’article 20 ont continué à encourager les États parties ayant fait l’objet d’une enquête dont les résultats ont été rendus publics à prendre des mesures pour donner suite aux recommandations du Comité.

VI.Examen de requêtes reçues en application de l’article 22 de la Convention

A.Introduction

84.Conformément à l’article 22 de la Convention, les particuliers qui se disent victimes d’une violation par un État partie de l’un quelconque des droits énoncés dans la Convention ont le droit d’adresser une requête au Comité contre la torture pour examen, sous réserve des conditions énoncées dans cet article. Soixante-quatre des États qui ont adhéré à la Convention ou l’ont ratifiée ont déclaré reconnaître la compétence du Comité pour recevoir et examiner des requêtes en vertu de l’article 22 de la Convention. La liste de ces États figure à l’annexe III. Le Comité ne peut pas recevoir de requête concernant un État partie à la Convention qui n’a pas reconnu sa compétence en vertu de l’article 22.

85.Conformément au paragraphe 1 de l’article 104 de son règlement intérieur, le Comité a créé le poste de Rapporteur chargé des nouvelles requêtes et des mesures provisoires de protection, qui est actuellement occupé par M. Fernando Mariño Menéndez.

86.Les requêtes soumises en vertu de l’article 22 de la Convention sont examinées en séance privée (art. 22, par. 6). Tous les documents relatifs aux travaux du Comité au titre de l’article 22 (observations des parties et autres documents de travail du Comité) sont confidentiels. Les modalités de la procédure d’examen des requêtes sont définies en détail aux articles 113 et 115 du Règlement intérieur du Comité.

87.Le Comité rend une décision à la lumière de tous les renseignements qui lui ont été apportés par le requérant et par l’État partie. Ses constatations sont communiquées aux parties (art. 22, par. 7, de la Convention, et art. 118 du Règlement intérieur) et sont ensuite rendues publiques. Le texte des décisions du Comité déclarant des requêtes irrecevables en vertu de l’article 22 de la Convention est également rendu public, sans que l’identité du requérant soit révélée mais en identifiant l’État partie.

88.Conformément au paragraphe 1 de l’article 121 de son règlement intérieur, le Comité peut décider d’inclure dans son rapport annuel un résumé des requêtes examinées. Il inclut aussi dans son rapport annuel le texte de ses décisions en vertu du paragraphe 7 de l’article 22 de la Convention.

B.Mesures provisoires de protection

89.Il est fréquent que les requérants demandent une protection à titre préventif, en particulier quand ils sont sous le coup d’une mesure d’expulsion ou d’extradition imminente et invoquent une violation de l’article 3 de la Convention. En vertu du paragraphe 1 de l’article 114 du Règlement intérieur, le Comité, par l’intermédiaire de son Rapporteur chargé des nouvelles requêtes et des mesures provisoires, peut, à tout moment après avoir reçu une requête, adresser à l’État partie une demande tendant à ce qu’il prenne les mesures provisoires que le Comité juge nécessaires pour éviter qu’un préjudice irréparable ne soit causé à la victime ou aux victimes de la violation alléguée. L’État partie est informé que la demande de mesures provisoires ne préjuge pas la décision qui sera prise en définitive sur la recevabilité ou sur le fond de la requête. Pendant la période couverte par le présent rapport, 37 demandes de mesures provisoires de protection ont été formulées dans des requêtes, dont 24 ont été approuvées par le Rapporteur chargé des nouvelles requêtes et des mesures provisoires, qui vérifie régulièrement que les demandes de mesures provisoires du Comité sont respectées.

90.La décision de demander des mesures provisoires de protection peut être prise sur la base des informations figurant dans la lettre du requérant. Conformément au paragraphe 3 de l’article 114 du Règlement intérieur du Comité, cette décision peut être réexaminée par le Rapporteur chargé des nouvelles requêtes et des mesures provisoires, à l’initiative de l’État partie, à la lumière de renseignements reçus en temps voulu de cet État partie montrant que la requête n’est pas justifiée et que le requérant ne court pas le risque de subir un préjudice irréparable, ainsi que d’éventuels commentaires ultérieurs du requérant. Certains États parties ont adopté la pratique de demander systématiquement au Rapporteur de retirer sa demande de mesures provisoires de protection. La position du Rapporteur est que pareille demande n’appelle une réponse que si des éléments nouveaux et pertinents, dont il n’avait pas connaissance lorsqu’il a pris la décision de demander l’application de mesures provisoires, sont avancés.

91.Le Comité a arrêté les critères de fond et de forme devant être appliqués par le Rapporteur chargé des nouvelles requêtes et des mesures provisoires pour accepter ou ne pas accepter une demande de mesures provisoires de protection. Outre la présentation en temps voulu de la demande de mesures provisoires par le requérant, en application du paragraphe 1 de l’article 114 du Règlement intérieur du Comité, les principaux critères de recevabilité énoncés aux paragraphes 1 à 5 de l’article 22 de la Convention doivent être remplis pour que le Rapporteur donne suite à la demande. L’épuisement des recours internes n’est pas nécessaire si les seuls recours ouverts au requérant n’ont pas d’effet suspensif − par exemple dans le cas de recours dont le dépôt n’entraîne pas automatiquement le sursis à exécution d’un arrêté d’expulsion − ou si le requérant risque l’expulsion immédiate après le rejet définitif de sa demande d’asile. En pareil cas, le Rapporteur peut demander à l’État partie de ne pas expulser le requérant tant que le Comité est saisi de sa plainte, même avant que les recours internes ne soient épuisés. Pour ce qui est des critères de fond, la plainte doit avoir des chances raisonnables d’être accueillie sur le fond pour que le Rapporteur conclue qu’un préjudice irréparable risque d’être causé à la victime alléguée si elle est expulsée.

92.Dans les cas où l’expulsion ou l’extradition est imminente, lorsque la requête ne donne pas à penser que la plainte aura des chances raisonnables d’être accueillie sur le fond, ce qui permettrait au Rapporteur chargé des nouvelles requêtes et des mesures provisoires de conclure qu’un préjudice irréparable risque d’être causé à la victime alléguée si elle est expulsée, le requérant est invité par écrit à confirmer qu’il souhaite voir le Comité examiner sa communication bien que le Rapporteur ait rejeté la demande de mesures provisoires le concernant.

93.Le Comité n’ignore pas qu’un certain nombre d’États parties ont relevé avec préoccupation que des mesures provisoires de protection étaient trop souvent demandées dans les affaires où une violation de l’article 3 de la Convention était invoquée, en particulier quand l’expulsion du requérant est dite imminente, alors qu’il n’y a pas suffisamment d’éléments factuels pour justifier une demande de mesures provisoires. Le Comité prend cette préoccupation au sérieux et il est disposé à en discuter avec les États parties. Il souhaite souligner à ce sujet que, dans certains cas, les demandes de mesures provisoires sont levées par le Rapporteur, conformément au paragraphe 3 de l’article 114 du Règlement intérieur et sur la base des renseignements donnés par l’État partie.

C.Travaux accomplis

94.Au moment de l’adoption du présent rapport, le Comité avait, depuis 1989, enregistré 462 requêtes concernant 29 États parties, dont 123 avaient été classées et 62 déclarées irrecevables. Le Comité avait adopté des constatations sur le fond pour 181 requêtes et constaté que les faits faisaient apparaître des violations de la Convention dans 60 d’entre elles. Il avait encore à examiner 93 requêtes et avait suspendu l’examen de 2 en attendant que les recours internes soient épuisés.

95.À sa quarante-cinquième session, le Comité a adopté des décisions sur le fond concernant les requêtes no 333/2007 (T.  I. c. Canada), no 339/2008 (Amini c. Danemark), no344/2008 (A. M.  A. c. Suisse), no 349/2008 (Güclü c. Suède) et no 373/2009 (Aytulun et Güclü c. Suède). Le texte de ces décisions est reproduit dans la section A de l’annexe XII du présent rapport.

96.La requête no 333/2007 (T.  I. c. Canada) concernait un ressortissant ouzbek appartenant à l’ethnie tatare, qui affirmait que son renvoi en Ouzbékistan constituerait une violation par le Canada des articles 1er et 3 de la Convention car il courrait le risque d’être soumis à la torture en raison de son origine ethnique. Le Comité a reconnu que la situation des droits de l’homme en Ouzbékistan laissait beaucoup à désirer mais il a noté que le requérant n’avait pas fourni d’éléments suffisants pour établir que les Tatars, et donc lui-même, étaient victimes de discrimination à un point tel qu’il se trouverait exposé à un risque particulier d’être soumis à la torture en Ouzbékistan. Le Comité a également noté qu’en dépit de plusieurs demandes en ce sens, le requérant n’avait fourni aucun rapport médical ni aucun autre document permettant de vérifier les événements qui s’étaient déroulés en Ouzbékistan avant son départ, qui corroborerait ses allégations ou confirmerait les éventuelles séquelles des mauvais traitements qu’il affirmait avoir subis. Le requérant n’avait pas non plus fourni de rapport médical qui aurait été établi après son arrivée au Canada. Le Comité a donc conclu, sur le fond, que le requérant n’avait pas établi qu’il courait personnellement un risque réel d’être soumis à la torture s’il était renvoyé en Ouzbékistan et que le renvoi du requérant vers ce pays ne constituerait pas une violation de l’article 3 de la Convention.

97.Dans la requête no 339/2008 (Amini c. Danemark), le requérant affirmait que son expulsion vers la République islamique d’Iran constituerait une violation par le Danemark de l’article 3 de la Convention parce qu’il courrait le risque d’être torturé ou soumis à des traitements inhumains ou dégradants par les autorités iraniennes en raison de sa participation active à un groupe monarchiste appelé «Refrondom Komite» (Comité pour la réforme), sous-groupe du Parti royaliste. Cette crainte était fondée sur le fait qu’il avait été torturé dans le passé en raison de ses activités politiques, qu’il était toujours recherché par les autorités iraniennes et qu’il avait repris ses activités politiques depuis le Danemark. Le Comité a estimé qu’il était probable, compte tenu des rapports médicaux fournis par le requérant, attestant que les lésions que celui-ci présentait correspondaient à son récit, que le requérant avait été placé en détention et torturé comme il l’affirmait. De plus, il a noté que l’État partie ne contestait pas le grief de torture mais faisait valoir qu’il était peu probable que le requérant ait été soumis à la torture en raison de sa participation au mouvement monarchiste, étant donné la très faible activité de ce mouvement en République islamique d’Iran. Pour ce qui était de la situation générale des droits de l’homme en République islamique d’Iran, le Comité s’est déclaré préoccupé par la dégradation constatée après les élections de juin 2009, notamment par le rapport établi par six experts indépendants des Nations Unies en juillet 2009, mettant en cause le fondement en droit de l’arrestation de journalistes, de défenseurs des droits de l’homme, de partisans de l’opposition et d’une multitude de manifestants et donnant à craindre que des individus qui exerçaient légitimement leur droit à la liberté d’expression, d’opinion et de réunion n’aient été victimes de détention arbitraire. Le Comité était préoccupé en particulier par les informations indiquant que les monarchistes avaient été récemment pris pour cible en République islamique d’Iran. Compte tenu de ces éléments et des déclarations corroborées du requérant concernant les actes de torture qu’il avait subis dans le passé, le Comité a estimé que des arguments suffisants lui avaient été présentés pour lui permettre de conclure que le requérant courait personnellement le risque d’être torturé s’il était renvoyé en République islamique d’Iran et que son expulsion forcée vers ce pays constituerait une violation par le Danemark des droits garantis à l’article 3 de la Convention.

98.Dans la requête no 344/2008 (A. M.  A. c. Suisse), le requérant affirmait qu’il serait en danger dans son pays d’origine, le Togo, parce qu’il avait surpris des hommes en uniforme militaire en train de jeter des corps dans la lagune peu après la répression d’une manifestation par les forces de l’ordre. Le père du requérant, qui avait également assisté à cette tentative de se débarrasser de cadavres, aurait été capturé par des hommes en uniforme militaire et son corps mutilé aurait été retrouvé quelque temps plus tard. Le requérant affirmait également que la procédure d’aide d’urgence, qui était un régime d’assistance minimale doublée d’une surveillance par la police administrative suisse dans l’attente d’un renvoi, violait l’article 22 de la Convention. En ce qui concerne les griefs tirés de l’article 22 de la Convention, le Comité a pris note de l’argument de l’État partie faisant valoir que l’aide d’urgence, octroyée sur demande uniquement, avait pour but de subvenir aux besoins essentiels de l’individu et que l’obligation au titre de l’article 3 était celle du non-refoulement et non une obligation de garantir un niveau de vie élevé dans le pays d’accueil. En conséquence, le Comité a considéré que le requérant n’avait pas fourni assez d’éléments pour étayer ses allégations au titre de l’article 22 de la Convention et a déclaré cette partie de la communication irrecevable. Après avoir examiné les griefs et les éléments de preuve soumis par le requérant ainsi que les arguments avancés par l’État partie, le Comité a conclu que le requérant n’avait pas apporté d’éléments suffisants pour établir qu’il courait personnellement un risque réel et prévisible d’être soumis à la torture s’il était expulsé vers le Togo. Aucune violation de l’article 3 de la Convention n’a donc été constatée en l’espèce.

99.La requête no 349/2008 (Güclü c. Suède) concernait une femme qui affirmait que son expulsion de la Suède vers la Turquie constituerait une violation de l’article 3 de la Convention. La requérante, qui avait été pendant longtemps un membre actif du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) et un soldat de la guérilla, avait un jour commencé à avoir des doutes sur l’idéologie du PKK, dont elle avait finalement quitté les rangs. Elle affirmait qu’à son arrivée en Turquie, elle serait arrêtée et torturée par les autorités turques ou par le PKK. Elle affirmait également qu’elle ne bénéficierait pas d’un procès équitable et serait envoyée en prison, où elle n’aurait aucune protection contre le PKK. Concernant l’allégation de la requérante selon laquelle en cas de renvoi en Turquie, elle serait tuée par le PKK pour avoir quitté l’organisation sans autorisation, le Comité a considéré que la question de savoir si l’État partie avait l’obligation de ne pas expulser une personne qui risquait de se voir infliger une douleur ou des souffrances par une entité non gouvernementale, sans le consentement exprès ou tacite du Gouvernement, était en dehors du champ d’application de l’article 3 de la Convention. Il a donc estimé que ce grief était irrecevable. Il a noté que l’État partie ne contestait pas que la requérante ait participé à l’activité du PKK, mais faisait valoir que sa participation avait eu lieu à un niveau peu élevé. Il a également noté que si l’État partie niait qu’elle présente aujourd’hui un grand intérêt pour les autorités turques, il admettait néanmoins qu’elle risquait d’être arrêtée, placée en détention avant jugement et condamnée à une longue peine d’emprisonnement si elle était recherchée par les autorités turques. De plus, le Comité a noté que la requérante avait donné des informations concernant une action pénale engagée contre elle en Turquie, qui n’avaient pas été contestées par l’État partie. Il a ensuite fait observer que, selon diverses sources, notamment les rapports soumis par la requérante, les forces de sécurité et la police turques continuaient à utiliser la torture, en particulier pendant les interrogatoires et dans les centres de détention, notamment à l’égard des personnes soupçonnées de terrorisme. En conclusion, il a noté que la requérante avait été membre du PKK pendant quinze ans et que, même si elle occupait une position peu élevée, elle avait parfois effectué des travaux pour le chef de l’organisation, Abdullah Öcalan, ainsi que pour d’autres hauts dirigeants du PKK, qu’elle était recherchée en Turquie pour y être jugée en vertu de la législation antiterroriste et qu’elle risquait d’être arrêtée à son arrivée dans le pays. À la lumière de ces éléments, le Comité a estimé que la requérante avait présenté suffisamment d’éléments prouvant qu’elle courait personnellement un risque réel et prévisible d’être soumise à la torture si elle était renvoyée en Turquie. En conséquence, il a conclu que le renvoi de la requérante dans son pays d’origine constituerait une violation de l’article 3 de la Convention.

100.Dans la requête no 373/2009 (Aytulun et Güclü c. Suède), les requérants − le mari et la fille de l’auteur de la communication enregistrée sous le no 349/2008 − affirmaient que l’expulsion du premier nommé vers la Turquie constituerait une violation par la Suède de l’article 3 de la Convention. M. Aytulun avait été membre du PKK, qui l’avait placé en détention pendant un mois pour avoir entretenu des relations avec une femme soldat du PKK, sa future épouse. Il avait «déserté» le PKK peu avant son départ pour la Suède. Comme dans le cas de la requête soumise par la femme du requérant, le Comité a considéré que la question de savoir si l’État partie avait l’obligation de ne pas expulser une personne qui risquait de se voir infliger une douleur ou des souffrances par une entité non gouvernementale, sans le consentement exprès ou tacite du Gouvernement, était en dehors du champ d’application de l’article 3 de la Convention. Il a donc estimé que cette partie de la communication était irrecevable. Pour les raisons qu’il avait exposées dans sa décision concernant la communication no 349/2008 (Güclü c. Suède), le Comité a estimé que le requérant avait présenté suffisamment d’éléments prouvant qu’il courait personnellement un risque réel et prévisible d’être soumis à la torture s’il était renvoyé en Turquie. Étant donné que l’affaire de la requérante, qui était l’enfant mineur du requérant, dépendait de l’affaire de celui-ci, il n’a pas estimé nécessaire d’examiner son cas séparément. Il a conclu que la décision de l’État partie de renvoyer les requérants en Turquie constituerait une violation de l’article 3 de la Convention.

101.À sa quarante-sixième session, le Comité a adopté des décisions sur le fond concernant les requêtes no 310/2007 (Chahin c. Suède), no 319/2007 (Singh c. Canada), no 336/2008 (Singh Khalsa et consortsc. Suisse), no 338/2008 (Mondal c. Suède), no 341/2008 (Hanafi c. Algérie), no 350/2008 (R. T-N. c. Suisse), no 352/2008 (S. G. et consorts c. Suisse), no 357/2008 (Jahani c. Suisse), no 369/2008 (E. C. B. c. Suisse), no 375/2009 (T. D .c. Suisse), no 379/2009 (Bakatu-Bia c. Suède) et no 419/2010 (Ktiti c. Maroc). Le texte de ces décisions est également reproduit dans la section A de l’annexe XII du présent rapport.

102.La requête no 310/2007 (Chahin c. Suède) concernait un Syrien qui faisait valoir que son expulsion vers la République arabe syrienne en 1997, en exécution d’un jugement par lequel il avait été condamné pour homicide involontaire constituait une violation de l’article 3 de la Convention parce qu’il avait ensuite été torturé. Il faisait valoir aussi que si l’État partie l’expulsait de nouveau vers la République arabe syrienne, d’où il était parti pour retourner en Suède en 2003, l’expulsion constituerait une nouvelle violation de l’article 3. Concernant l’expulsion de 1997, le Comité a relevé que les déclarations contradictoires du requérant au sujet de sa nationalité, de sa situation personnelle et de son voyage en Suède avaient compliqué la tâche des autorités suédoises quand il avait fallu évaluer le risque de torture qu’il encourait s’il était renvoyé en République arabe syrienne. Il a conclu que le requérant n’avait pas montré, aux fins de la recevabilité, que l’État partie pouvait prévoir le risque que le requérant courait quand il a été expulsé et a déclaré cette partie de la communication irrecevable. Pour ce qui était du grief de risque de torture que le requérant courait en République arabe syrienne au moment de la soumission de la communication, le Comité a noté que dans un jugement de 1997 le Conseil suprême de la sûreté de l’État syrien avait condamné le requérant à trois ans d’emprisonnement pour appartenance à une organisation terroriste pendant la guerre civile libanaise et a pris note également de deux rapports médicaux confirmant qu’il était probable que le requérant avait été torturé dans le passé. Étant donné la dégradation de la situation des droits de l’homme en République arabe syrienne, avec la répression par le Gouvernement des manifestations en faveur de réformes politiques en 2011, le Comité a conclu que l’expulsion vers la République arabe syrienne exposerait le requérant au risque d’être soumis à la torture et constituerait donc une violation de l’article 3 de la Convention.

103.Dans la requête no 319/2007 (Singh c. Canada) un sikh, de nationalité indienne, affirmait que son renvoi forcé en Inde constituerait une violation des droits qu’il tenait de l’article 3 de la Convention. Le requérant faisait également valoir qu’il ne disposait pas d’un recours utile pour contester la décision d’expulsion. Le Comité a relevé que les renseignements soumis à la fois par le requérant et par l’État partie confirmaient entre autres choses que de nombreux cas de torture en garde à vue continuaient de se produire et que les responsables bénéficiaient d’une impunité générale en Inde. Le Comité a pris note de la description faite par le requérant du traitement qu’il avait subi quand il était en détention, du fait de ses activités en tant que religieux sikh, de son engagement politique au sein du parti Akali Dal et de son rôle de premier plan dans les structures locales du parti. Le Comité a également relevé que, en l’espèce, la révision judiciaire de la décision de la Commission de l’immigration ne comportait pas une révision sur le fond des griefs du requérant qui affirmait qu’il serait torturé s’il était renvoyé en Inde et il a rappelé sa jurisprudence, réaffirmant que l’État partie devait offrir un tel recours. Pour ces raisons, le Comité a conclu que la décision de renvoyer le requérant en Inde, si elle était exécutée, constituerait une violation de l’article 3 de la Convention et que, dans la présente affaire, l’absence de recours utile contre la décision d’expulsion représentait une violation de l’article 22 de la Convention.

104.La requête no 336/2008 (Singh Khalsa et consorts c. Suisse) concernait quatre sikhs de nationalité indienne qui avaient détourné des avions de la compagnie aérienne indienne qui faisaient route vers le Pakistan, en 1981 et 1984. Tous les requérants avaient exécuté leur peine d’emprisonnement au Pakistan, avaient été remis en liberté à la fin de 1994 et avaient reçu l’ordre de quitter le pays. Ils avaient quitté le Pakistan et s’étaient rendus en Suisse où ils avaient déposé une demande d’asile immédiatement à leur arrivée, en 1995. Les requérants faisaient valoir que leur renvoi vers l’Inde constituerait une violation par la Suisse de l’article 3 de la Convention. Après l’enregistrement de la plainte, l’un des requérants avait reçu un permis humanitaire en Suisse et avait retiré sa requête. Le Comité a noté que d’après des rapports récents du Rapporteur spécial sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants et du Rapporteur spécial sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires, les mauvais traitements et la torture auxquels étaient soumis les détenus ainsi que les décès en garde à vue ou à l’issue de la détention demeuraient un problème en Inde. Il a relevé en outre que les requérants avaient apporté des informations concernant des affaires, similaires à la leur, dans lesquelles des individus qui avaient participé à des détournements d’avion avaient été arrêtés, placés en détention dans des conditions inhumaines, torturés ou tués. Le Comité a noté que les requérants étaient manifestement connus des autorités comme des militants sikhs et que la police indienne continuait de les rechercher et d’interroger leur famille pour savoir où ils se trouvaient longtemps après qu’ils étaient partis pour la Suisse. En conséquence, le Comité a conclu que le renvoi en Inde des trois requérants qui avaient maintenu leur plainte constituerait une violation de l’article 3 de la Convention.

105.Dans la requête no 338/2008 (Mondal c. Suède) le requérant faisait valoir qu’il serait incarcéré et torturé s’il était renvoyé au Bangladesh, en violation des articles 3 et 16 de la Convention, en raison de son profil personnel et de ses activités politiques passées. Après avoir examiné les griefs et les éléments de preuve soumis par le requérant ainsi que les arguments de l’État partie, le Comité a conclu que les renseignements apportés, et en particulier les conclusions du rapport médical, les activités politiques du requérant dans le passé et le risque de persécution en raison de son homosexualité, conjugué au fait qu’il appartenait à la minorité hindoue, constituaient des éléments suffisants pour montrer qu’il courait personnellement un risque réel et prévisible d’être soumis à la torture s’il était renvoyé dans son pays d’origine. En conséquence, le Comité a conclu que l’expulsion du requérant vers le Bangladesh constituerait une violation des obligations qui s’imposent à l’État partie en vertu de l’article 3 de la Convention. Il a constaté que les griefs de violation de l’article 16 de la Convention n’avaient pas été suffisamment étayés aux fins de la recevabilité.

106.Dans la requête no 341/2008 (Hanafi c. Algérie) la requérante, de nationalité algérienne, faisait valoir une violation de l’article premier de la Convention ou à tout le moins de l’article 16, du fait que son mari avait été torturé en détention et était décédé des suites de torture peu de temps après avoir été libéré. La requérante affirmait en outre qu’elle-même et sa famille avaient été empêchées de porter plainte pour ces violations et que l’État partie n’avait jamais ouvert d’enquête sur la mort de son mari, et que les autorités n’avaient pas non plus accordé d’indemnisation à la famille de la victime, en violation des articles 11, 12, 13 et 14 de la Convention. À la lumière des renseignements apportés par la requérante et en l’absence d’information satisfaisante émanant de l’État partie, le Comité a conclu que le traitement infligé à la victime constituait des tortures au sens de l’article premier de la Convention. Il a également établi que l’absence de diligence et les obstacles mis à la procédure d’enquête ainsi que l’absence d’indemnisation pour le traitement infligé à la victime constituaient une violation du paragraphe 1 de l’article 2 de la Convention, lu conjointement avec l’article premier, et une violation des articles 11, 12, 13 et 14. Le Comité a souligné que les agissements de l’État partie, qui avait voulu interférer dans la procédure devant le Comité en faisant pression sur les témoins pour qu’ils retirent leur témoignage à l’appui de la communication de la requérante, constituaient une ingérence inacceptable dans la procédure mise en place par l’article 22 de la Convention.

107.La requête no 350/2008 (R. T-N. c. Suisse) concernait un Congolais qui affirmait que son expulsion vers la République démocratique du Congo constituerait une violation de l’article 3 de la Convention. Il déclarait être un membre actif d’un groupe politique, avoir prononcé trois discours au sujet des élections dans la République démocratique du Congo au cours desquels il avait appelé l’attention sur le fait que Joseph Kabila n’était pas d’origine congolaise. Le requérant expliquait qu’après ces réunions il avait été arrêté, torturé et emprisonné pendant deux semaines avant de réussir à s’évader de prison et à quitter le pays. Arrivé en Suisse, le requérant avait témoigné dans une émission de télévision pour expliquer la situation des demandeurs d’asile en Suisse. L’émission de télévision avait été retransmise en République démocratique du Congo et le requérant craignait que les autorités congolaises n’apprennent ainsi qu’il se trouvait en Suisse et ne le persécutent quand il serait de nouveau en République démocratique du Congo. Après avoir examiné les griefs avancés par le requérant ainsi que les arguments de l’État partie, qui avait joint un avis du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés et de l’Organisation suisse d’aide aux réfugiés pour qui, étant donné sa situation personnelle, le requérant ne courait pas de risque s’il était renvoyé dans son pays, le Comité a conclu que le renvoi ne constituerait pas une violation de l’article 3 de la Convention.

108.La requête no 352/2008 (S. G. et consorts c. Suisse) concernait un Turc d’origine kurde qui affirmait que son renvoi forcé vers la Turquie constituerait une violation de l’article 3 de la Convention. Le requérant faisait valoir qu’il avait été considéré comme un partisan du PKK par les autorités turques et était recherché par la police en Turquie. Ayant tenu compte des renseignements disponibles dans le dossier, des rapports sur la situation actuelle des droits de l’homme en Turquie et des objections de l’État partie concernant la crédibilité du requérant ainsi que les incohérences constatées dans une bonne partie des preuves documentaires soumises par le requérant à l’appui de ses griefs, le Comité a conclu que les faits dans leur ensemble ne permettaient pas de considérer que le renvoi du requérant et de sa femme en Turquie constituerait un manquement de la part de l’État partie à ses obligations en vertu de l’article 3 de la Convention.

109.Dans la requête no 357/2008 (Jahani c. Suisse), le requérant faisait valoir qu’il risquait d’être soumis à la torture s’il était renvoyé en République islamique d’Iran, en violation de l’article 3 de la Convention, car il appartenait à la minorité kurde en République islamique d’Iran où il avait déjà été arrêté dans le passé. De plus il était le représentant régional d’un mouvement d’opposition iranien agissant en Suisse, il avait participé à des émissions de radio et écrit des articles dans les journaux, toutes activités qui pouvaient très bien avoir attiré l’attention des autorités iraniennes. Après avoir examiné les griefs et les éléments soumis par le requérant et les renseignements donnés par l’État partie et ayant pris en considération les rapports sur la situation des droits de l’homme dans la République islamique d’Iran aujourd’hui, le Comité a conclu qu’il y avait des motifs sérieux de croire que l’État partie commettrait un manquement à ses obligations en vertu de l’article 3 de la Convention s’il procédait au renvoi forcé du requérant.

110.La requête no 369/2008 (E. C. B. c. Suisse) avait été présentée par un ressortissant du Congo qui affirmait que son expulsion vers son pays d’origine ou vers la Côte d’Ivoire constituerait une violation de l’article 3 de la Convention étant donné qu’il était opposant au régime de Denis Sassou-Nguesso et que, en tant que réfugié en Côte d’Ivoire, il serait la cible des forces de Laurent Gbagbo du fait de ses activités politiques. Ayant examiné les arguments des deux parties, le Comité a conclu que le requérant n’avait pas montré qu’il courrait un risque réel, actuel et prévisible d’être soumis à la torture. Il n’avait pas suffisamment montré que son rôle actif dans un parti politique ou ses activités politiques au Congo, en Côte d’Ivoire ou en Suisse le mettaient en danger d’être persécuté. Le Comité a considéré que l’expulsion du requérant vers le Congo ou vers la Côte d’Ivoire ne constituerait pas une violation de l’article 3 de la Convention.

111.La requête no 375/2009 (T. D. c. Suisse) concernait un Éthiopien qui faisait valoir que son expulsion vers l’Éthiopie constituerait une violation de l’article 3 de la Convention. Il affirmait que ses activités politiques depuis qu’il était arrivé dans l’État partie, en particulier au sein du mouvement d’opposition Kinijit/Coalition for Unity and Democracy (CUDP) dont il était le représentant pour le canton de Zurich, lui faisaient courir un risque s’il était renvoyé en Éthiopie. Après avoir examiné les griefs du requérant ainsi que les arguments de l’État partie, le Comité a estimé que le simple fait d’occuper un poste politique au sein de la section zurichoise du CUDP ne signifiait pas qu’il serait considéré comme une menace pour le Gouvernement éthiopien. De plus, étant donné que le requérant n’avait pas apporté d’éléments pour montrer que les événements qui avaient précédé son départ de l’Éthiopie lui feraient courir un risque d’être soumis à la torture s’il était renvoyé dans ce pays, le Comité a conclu que le renvoi du requérant dans son pays d’origine ne constituerait pas une violation de l’article 3 de la Convention.

112.Dans la requête no 379/2009 (Bakatu-Bia c. Suède), la requérante faisait valoir qu’elle serait incarcérée et torturée si elle était renvoyée en République démocratique du Congo, en violation de l’article 3 de la Convention, étant donné qu’elle avait été arrêtée et, en détention, avait été soumise à des tortures, rouée de coups et violée maintes fois en raison des activités religieuses et politiques qu’elle menait au sein d’une paroisse aux côtés d’un pasteur engagé politiquement et qui était un ferme opposant au régime. Le Comité a pris note des griefs et des éléments soumis par la requérante et des arguments de l’État partie ainsi que des rapports récents de sept experts des Nations Unies et de la Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme relatifs à la situation des droits de l’homme en République démocratique du Congo et, à la lumière des renseignements dont il était saisi, a considéré qu’il était impossible de trouver dans le pays des endroits qui pourraient être considérés comme sûrs pour la requérante. Le Comité, ayant tenu compte de tous les éléments pertinents aux fins de son examen de la plainte en vertu de l’article 3 de la Convention, et considérant que le récit de la requérante était conforme à ce qu’il savait de la situation actuelle des droits de l’homme en République démocratique du Congo, a constaté qu’il y avait des motifs sérieux de croire que la requérante risquait d’être soumise à la torture si elle était renvoyée en République démocratique du Congo. Il a donc constaté une violation de l’article 3 de la Convention dans cette requête.

113.Dans la requête no 419/2010 (Ktiti c. Maroc) le requérant, de nationalité française, faisait valoir que si son frère était extradé vers l’Algérie il serait placé en détention et torturé, en violation de l’article 3 de la Convention. Le Comité a pris note des allégations du requérant qui faisait valoir que le mandat d’arrestation international que les autorités judiciaires algériennes avaient lancé contre son frère et sa condamnation par contumace à une peine de réclusion à perpétuité reposaient sur les déclarations d’un homme qui avait été appréhendé sur les lieux du crime dans la même affaire et qui avait désigné le frère du requérant comme le chef d’un réseau de trafic de drogues démantelé par la police algérienne. Le Comité a également pris note de l’allégation du requérant qui affirmait que les aveux du témoin avaient été obtenus par la torture, dont des marques visibles avaient été confirmées par le frère de cet homme lui-même. Le Comité a noté que l’État partie n’avait pas contesté ces faits. À la lumière des renseignements fournis par le requérant et par l’État partie, le Comité a donc conclu qu’il y aurait violation de l’article 3 de la Convention si le frère du requérant était extradé vers l’Algérie. Le Comité a également constaté une violation de l’article 15 de la Convention étant donné que l’État partie avait utilisé dans la procédure d’extradition un témoignage fait sous la contrainte.

114.À sa quarante-sixième session également, le Comité a décidé de déclarer irrecevables les requêtes no 395/2009 (H. E-M. c. Canada) et no 399/2009 (F. M-M. c. Suisse). Le texte de ces décisions figure à la section B de l’annexe XII du présent rapport.

115.La requête no 395/2009 (H. E-M. c. Canada) concernait un Libanais qui faisait valoir que son expulsion vers le Liban conduirait à une violation de l’article 3 de la Convention. Après avoir examiné les griefs du requérant ainsi que les arguments de l’État partie, le Comité a conclu que le requérant n’avait pas épuisé les recours internes étant donné que l’avocat qu’il avait engagé à titre privé n’avait pas fait appel des décisions des autorités de l’État partie dans le délai prescrit par la loi. Le fait que le requérant ne se soit pas prévalu des recours disponibles ne pouvait donc pas être imputé à l’État partie. Le Comité a donc déclaré la communication irrecevable en vertu du paragraphe 5 b) de l’article 22 de la Convention.

116.La requête no 399/2009 (F. M-M. c. Suisse) concernait un ressortissant du Congo qui faisait valoir que son expulsion vers le Congo l’exposerait au risque d’être soumis à la torture, en violation de l’article 3 de la Convention. Après avoir examiné les griefs avancés par le requérant et les arguments de l’État partie, le Comité a conclu que la plainte devait être déclarée irrecevable en vertu du paragraphe 5 b) de l’article 22 de la Convention car le requérant n’avait pas épuisé tous les recours internes disponibles relativement aux faits et preuves nouveaux qu’il avait présentés au Comité.

D.Activités de suivi

117.À sa vingt-huitième session, en mai 2002, le Comité contre la torture a modifié son règlement intérieur et institué la fonction de rapporteur chargé du suivi des décisions prises au sujet des requêtes présentées en vertu de l’article 22. À sa 527e séance, le 16 mai 2002, il a décidé que le Rapporteur exercerait notamment les activités suivantes: surveiller l’application des décisions du Comité en envoyant des notes verbales aux États parties pour s’informer de la suite qu’ils ont donnée à ces décisions, recommander au Comité les mesures qu’il convient de prendre au vu des réponses des États parties ou de l’absence de réponse de leur part, ainsi qu’en réponse aux lettres reçues ultérieurement de la part de requérants concernant la non-application des décisions du Comité, rencontrer les représentants des missions permanentes des États parties pour encourager ceux-ci à appliquer les décisions du Comité et déterminer s’il serait opportun ou souhaitable que le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme leur fournisse des services consultatifs ou une assistance technique, effectuer, avec l’approbation du Comité, des visites de suivi dans les États parties, et établir périodiquement à l’intention du Comité un rapport sur ses activités.

118.À sa trente-quatrième session le Comité, agissant par l’intermédiaire de son rapporteur chargé du suivi des décisions au sujet des requêtes, a décidé que dans les cas où une violation de la Convention était constatée, y compris dans les décisions prises par le Comité avant la mise en place de la procédure de suivi, les États parties devraient être priés de donner des informations sur toutes les mesures qu’ils auraient prises pour donner suite aux décisions du Comité. À ce jour, les pays ci-après n’ont pas encore répondu à ces demandes: Bulgarie (Keremedchiev, requête no 257/2004); Canada (Tahir Hussain Khan, requête no15/1994); Serbie-et-Monténégro (Dimitrov, requête no171/2000; Dimitrijevic, requête no172/2000; Nikolić, Slobodan et Ljiljana, requête no174/2000; Dimitrijevic, requête no207/2002; et Osmani c. République de Serbie, requête no261/2005); Tunisie (Ben Salem, requête no269/2005).

119.Les mesures prises par les États parties dans les affaires mentionnées ci-après étaient entièrement conformes aux décisions du Comité et aucune autre mesure ne sera donc prise dans le cadre de la procédure de suivi: Halimi-Ned z ibi c. Autriche (no8/1991), voir A/65/44; M. A. K. c. Allemagne (no 214/2002), voir A/65/44; Dzemajl et consorts c. Serbie-et-Monténégro (no 161/2000), voir A/65/44; A. c. Pays-Bas (no 91/1997), voir A/65/44; Mutombo c. Suisse (no 13/1993), voir A/65/44; Alan c. Suisse (no 21/1995), voir A/65/44; Aemei c. Suisse (no 34/1995), voir A/65/44; V. L. c. Suisse (no 262/2005), voir A/65/44; El Rgeig c. Suisse (no 280/2005), voir A/65/44; Tapia Páez c. Suède (no 39/1996), voir A/65/44; Kisoki c. Suède (no 41/1996), voir A/65/44; Tala c. Suède (no 43/1996), voir A/65/44; Korban c. Suède (no 88/1997), voir A/65/44; Ali Falakaflaki c. Suède (no 89/1997), voir A/65/44; Ayas c. Suède (no 97/1997), voir A/65/44; Halil Haydin c. Suède (no 101/1997), voir A/65/44; A. S. c. Suède (no 149/1999), voir A/65/44; Karoui c. Suède (no185/2001), voir A/65/44; Dar c. Norvège (no 249/2004), voir A/65/44; T . A. c. Suède (no266/2003), voir A/65/44; C. T. et K. M. c. Suède (no279/2005), voir A/65/44; Iya c. Suisse (no299/2006), voir A/65/44.

120.Dans les affaires ci-après, le Comité examinera à sa prochaine session s’il y a lieu de mettre fin au dialogue avec l’État partie dans le cadre de la procédure de suivi, en fonction des informations récentes adressées par les États parties: Amini c. Danemark (no 339/2008), voir plus loin; et Njamba et Balikosa c. Suède (no 322/2007), voir plus loin.

121.Dans les affaires ci-après, le Comité a estimé que pour diverses raisons aucune autre mesure ne devait être prise dans le cadre de la procédure de suivi: Elmi c. Australie (no120/1998), voir A/65/44; Arana c. France (no63/1997), voir A/65/44; Ltaief c. Tunisie (no189/2001), voir A/65/44. Dans un cas, comme le requérant était retourné volontairement dans son pays, le Comité a décidé de cesser le suivi de l’affaire: Falcon Ríos c. Canada (no 133/1999), voir A/65/44.

122.Dans les affaires ci-après, des renseignements supplémentaires sont attendus de l’État partie ou des requérants ou le dialogue avec l’État partie se poursuit: Pelit c. Azerbaïdjan (no 281/2005); Dadar c. Canada (no258/2004); Singh Sogi c. Canada (no 297/2006); Brada c. France (no195/2002); Tebourski c. France (no 300/2006); Guen gueng et consorts c. Sénégal (no181/2001); Ristic c. Serbie-et-Monténégro (no113/1998); Osmani c. République de Serbie (no 261/2005); Blanco Abad c. Espagne (no59/1996); Urra Guridi c. Espagne (no212/2002); Agiza c. Suède (no233/2003); Aytulun et Güclü c. Suède (no 373/2009); Thabti c. Tunisie (no187/2001); Abdelli c. Tunisie (no188/2001); M ’ Barek c. Tunisie (no60/1996); Ali c. Tunisie (no 291/2006); Núñez Chipana c. Venezuela (no 110/1998).

123.On trouvera ci-après un état complet des réponses reçues au sujet de toutes les affaires dans lesquelles le Comité a constaté des violations de la Convention à ce jour et pour lesquelles, à la clôture de la quarante-sixième session, il considérait que le dialogue se poursuivait. Il contient des renseignements à jour sur les éléments communiqués au Comité concernant toutes les affaires pour lesquelles les réponses attendues des États parties dans le cadre de la procédure de suivi n’étaient pas parvenues et, le cas échéant, sur les informations reçues depuis mai 2010.

Requêtes pour lesquelles le Comité a constaté des violationsde la Convention (jusqu’à la quarante-sixième session)et pour lesquelles le dialogue se poursuit

État partie

Azerbaïdjan

Affaire

Pelit, n o 281/2005

Nationalité et pays de renvoi, le cas échéant

Turque; Turquie

Date d ’ adoption des constatations

30 avril 2007

Questions soulevées et violations constatées

Renvoi − articles 3 et 22

Mesures provisoires demandées et réponse de l ’ État partie

Demandées; refusées par l’État partie (assurances obtenues)

Réparation recommandée

Réparer la violation de l’article 3 et s’enquérir auprès des autorités turques du lieu où se trouve la requérante et de son état de santé.

Date fixée pour la réponse de l ’ État partie

29 août 2007

Date de la réponse

4 septembre 2007

Réponse de l ’ État partie

Les autorités azerbaïdjanaises ont obtenu des assurances diplomatiques que la requérante ne serait pas maltraitée ou torturée après son retour. Plusieurs mécanismes ont été mis en place aux fins d’une surveillance après extradition. Ainsi, le Premier Secrétaire de l’ambassade de l’Azerbaïdjan lui a rendu visite en prison et la visite a eu lieu en privé. Lors de cette rencontre, elle a déclaré n’avoir été ni torturée ni maltraitée et a été examinée par un médecin qui n’a pas constaté de problèmes de santé. Elle a pu s’entretenir avec son avocat et des proches parents et passer des appels téléphoniques. Elle a en outre été autorisée à recevoir des colis, des journaux et d’autres documents. Le 12 avril 1997, elle a été libérée sur décision de la cour d’assises d’Istanbul.

Commentaires du requérant

Le 13 novembre 2007, le conseil a informé le Comité que le 1er novembre 2007 Mme Pelit avait été condamnée à six ans d’emprisonnement. Son avocat d’Istanbul a fait appel du jugement.

Décision du Comité

Le Comité considère que le dialogue se poursuit et que l’État partie devrait continuer à surveiller la situation de la requérante en Turquie et tenir le Comité informé.

État partie

Bulgarie

Affaire

Keremedchiev, n o 257/2004

Nationalité et pays de renvoi, le cas échéant

Sans objet

Date d ’ adoption des constatations

11 novembre 2008

Questions soulevées et violations constatées

Peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants; droit à une enquête immédiate et impartiale − article 12 et par. 1 de l’article 16

Mesures provisoires demandées et réponse de l ’ État partie

Sans objet

Réparation recommandée

Accorder une réparation appropriée au requérant, y compris sous la forme d’une indemnisation adéquate pour les souffrances infligées, conformément à l’Observation générale no 2 (2007) du Comité, ainsi qu’une réadaptation médicale.

Date fixée pour la réponse de l ’ État partie

17 février 2009

Date de la réponse

Néant

Réponse de l ’ État partie

Aucune

Commentaires du requérant

Sans objet

Décision du Comité

Poursuite du dialogue au titre du suivi. Un rappel a été adressé à l’État partie le 11 avril 2011 pour lui demander de faire part de ses observations.

État partie

Canada

Affaire

Tahir Hussain Khan, n o 15/1994

Nationalité et pays de renvoi, le cas échéant

Pakistanaise; Pakistan

Date d ’ adoption des constatations

15 novembre 1994

Questions soulevées et violations constatées

Renvoi − article 3

Mesures provisoires demandées et réponse de l ’ État partie

Demandées; acceptées par l’État partie

Réparation recommandée

L’État partie est tenu de s’abstenir de renvoyer de force Tahir Hussain Khan au Pakistan.

Date fixée pour la réponse de l ’ État partie

Aucune

Date de la réponse

Néant

Réponse de l ’ État partie

Aucun renseignement fourni au Rapporteur chargé du suivi des décisions au sujet des requêtes; toutefois, pendant l’examen du rapport de l’État partie par le Comité contre la torture, en mai 2005, l’État partie a indiqué que le requérant n’avait pas été expulsé.

Commentaires du requérant

Aucun

Décision du Comité

Le Comité considère que le dialogue au titre du suivi se poursuit. L’État partie a été invité à fournir des renseignements à jour sur la situation du requérant en avril 2011.

État partie

Canada

Affaire

Dadar, n o 258/2004

Nationalité et pays de renvoi, le cas échéant

Iranienne; Iran (République islamique d’)

Date d ’ adoption des constatations

3 novembre 2005

Questions soulevées et violations constatées

Renvoi − article 3

Mesures provisoires demandées et réponse de l ’ État partie

Demandées; acceptées par l’État partie

Réparation recommandée

Le Comité a engagé l’État partie, en application du paragraphe 5 de l’article 112 de son règlement intérieur, à l’informer, dans un délai de quatre-vingt-dix jours à compter de la date de transmission de la décision, des mesures qu’il aura prises pour donner effet à cette décision.

Date fixée pour la réponse de l ’ État partie

26 février 2006

Date de la réponse

Dernière réponse en date du 10 octobre 2007 (l’État partie avait précédemment répondu les 22 mars et 24 avril 2006 (voir Documents officiels de l ’ Assemblée générale, soixante et unième session, Supplément n o 44 (A/61/44)), le 9 août 2006 et le 5 avril 2007 (voir ibid., s oixante-deuxième session, Supplément n o  44 (A/62/44)).

Réponse de l ’ État partie

L’État partie a renvoyé le requérant en Iran le 26 mars 2006 alors qu’une violation de la Convention avait été constatée. Dans sa réponse du 24 avril 2006, l’État partie a signalé que, depuis le retour du requérant, un neveu de M. Dadar avait indiqué à un représentant du Canada que son oncle était arrivé à Téhéran sans encombre et se trouvait auprès de sa famille. L’État partie n’avait plus de contact avec M. Dadar depuis son renvoi en Iran. Eu égard à cette information et à sa propre conviction que le requérant ne courait pas de risque réel d’être torturé à son retour en Iran, l’État partie estimait ne pas avoir besoin d’envisager de procédure de suivi en l’espèce. (Pour un compte rendu complet de la réponse de l’État partie, voir A/61/44.)

Commentaires du requérant

Le 29 juin 2006, le conseil a informé le Comité qu’après sa détention initiale le requérant avait été assigné à résidence chez sa vieille mère. Les autorités iraniennes lui avaient demandé à plusieurs reprises de se présenter pour être interrogé de nouveau. Les interrogatoires avaient porté, entre autres choses, sur les activités politiques du requérant au Canada. Le requérant avait exprimé son mécontentement face à son statut manifeste de persona non grata en Iran et indiqué que cela lui interdisait d’obtenir un emploi ou de voyager. Il lui était en outre impossible de se procurer les médicaments prescrits au Canada pour se soigner. En outre, les autorités iraniennes lui avaient remis à son domicile une copie de la décision du Comité et lui avaient demandé de se présenter pour interrogatoire.

Réponse de l ’ État partie

Le 9 août 2006, l’État partie a signalé au Comité que le requérant s’était présenté le 16 mai 2006 à l’ambassade du Canada à Téhéran pour certaines questions personnelles et administratives relatives à son séjour au Canada et sans rapport avec les griefs dont le Comité était saisi. Le requérant ne s’était plaint d’aucun mauvais traitement en Iran et n’avait formulé aucune plainte à l’encontre des autorités iraniennes. Comme la visite du requérant confirmait les informations fournies précédemment par son neveu, les autorités canadiennes ont demandé que la question ne soit plus soumise à la procédure de suivi.

Le 5 avril 2007, en réponse aux commentaires du conseil en date du 24 juin 2006, l’État partie a indiqué qu’il ne disposait d’aucune information sur les conditions de vie du requérant et que si ce dernier avait été interrogé par les autorités iraniennes ce devait être en rapport avec leur prise de connaissance de la décision du Comité. L’État partie considérait qu’il s’agissait là d’un «facteur incident» intervenu depuis le retour du requérant, qu’il ne pouvait pas prendre en considération au moment du renvoi. En outre les préoccupations du requérant ne faisaient apparaître aucun grief qui pourrait amener le Comité, s’il en était saisi, à conclure à une violation de la Convention. Le fait d’être interrogé par les autorités ne pouvait être assimilé à de la torture. Quoi qu’il en soit, la crainte du requérant d’être torturé pendant des interrogatoires n’était que pure spéculation, étant donné que l’Iran avait ratifié le Pacte international relatif aux droits civils et politiques et que le requérant avait la possibilité de se prévaloir des mécanismes offerts par les procédures spéciales de l’ONU et de s’adresser par exemple au Rapporteur spécial sur la question de la torture; l’État partie estimait que l’ONU était mieux placée pour enquêter sur la situation du requérant.

Commentaires du requérant

Le 1er juin 2007, le conseil a informé le Comité que si le frère du requérant n’était pas intervenu auprès d’un membre haut placé du Service du renseignement iranien avant l’arrivée du requérant à Téhéran puis durant sa détention, immédiatement à son arrivée, le requérant aurait été torturé voire exécuté. Il a demandé que l’affaire ne soit pas retirée de la procédure de suivi du Comité.

Réponse de l ’ État partie

Le 10 octobre 2007, l’État partie a réaffirmé que le requérant n’avait pas été torturé depuis son retour en Iran. Le Canada s’était donc entièrement acquitté de ses obligations en vertu de l’article 3 de la Convention et n’était nullement tenu de surveiller l’état de santé du requérant. L’absence d’éléments prouvant qu’il eût subi des tortures à son retour étayait la position du Canada, qui estimait qu’on ne saurait lui imputer une prétendue violation de l’article 3 puisque les événements postérieurs confirment son évaluation selon laquelle le requérant ne courait pas un risque grave de torture. Au vu de cette situation, l’État partie demandait de nouveau que l’affaire ne fasse plus l’objet de la procédure de suivi.

Commentaires du requérant

Le conseil du requérant a contesté la décision de l’État partie d’expulser le requérant en dépit des conclusions du Comité. Il n’a jusqu’ici donné aucune information dont il pourrait disposer sur la situation du requérant depuis son arrivée en Iran. Le conseil du requérant a indiqué que, le 24 juin 2006, son client l’avait informé que les autorités iraniennes lui avaient envoyé à son domicile une copie de la décision du Comité et demandé de se présenter pour répondre à des questions. Il semblait très inquiet au téléphone et le conseil avait perdu tout contact avec lui depuis lors. En outre le conseil indiquait que M. Dadar était persona non grata en Iran. Il ne pouvait ni travailler ni voyager et n’arrivait pas à obtenir le traitement médical qui lui avait été prescrit au Canada.

Mesures prises

Pour un résumé du contenu des notes verbales envoyées par le Rapporteur chargé du suivi des décisions au sujet des requêtes à l’État partie, voir le rapport annuel du Comité (A/61/44).

Décision du Comité

Pendant l’examen de la suite donnée à ses décisions, à sa trente-sixième session, le Comité a déploré que l’État partie ne se soit pas acquitté de ses obligations en vertu de l’article 3, et a conclu que l’État partie avait commis une violation de cet article qui lui fait obligation de ne pas «expulser», «refouler» ni «extrader» «une personne vers un autre État où il y a des motifs sérieux de croire qu’elle risque d’être soumise à la torture». Le Comité considère que le dialogue se poursuit. Un rappel a été adressé à l’État partie en avril 2011 pour lui demander de faire part de ses observations.

État partie

Canada

Affaire

Singh Sogi, n o 297/2006

Nationalité et pays de renvoi, le cas échéant

Indienne; Inde

Date d ’ adoption des constatations

16 novembre 2007

Questions soulevées et violations constatées

Renvoi − article 3

Mesures provisoires demandées et réponse de l ’ État partie

Demandées; refusées par l’État partie

Réparation recommandée

Accorder réparation pour la violation de l’article 3 de la Convention et déterminer, en consultation avec le pays vers lequel le requérant a été expulsé, le lieu où il se trouve et sa situation actuelle.

Date fixée pour la réponse de l ’ État partie

28 février 2008

Date de la réponse

Dernière réponse le 31 août 2009 (réponses précédentes de l’État partie le 29 février 2008, le 21 octobre 2008 et le 7 avril 2009)

Réponse de l ’ État partie

Le 29 février 2008, l’État partie a répondu qu’il regrettait de ne pas être en mesure de donner suite aux constatations du Comité. Il considérait que ni une demande de mesures provisoires ni les constatations elles-mêmes du Comité n’étaient juridiquement contraignantes et estimait s’être acquitté de toutes ses obligations internationales. Le refus du Canada de donner suite aux constatations du Comité ne devait pas être interprété comme un manque de respect envers son travail. L’État partie estimait que le Gouvernement indien était mieux placé pour informer le Comité du lieu où résidait le requérant ainsi que de sa situation, et il rappelait au Comité que l’Inde était partie à la Convention ainsi qu’au Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Il avait cependant écrit au Ministère indien des affaires étrangères pour l’informer des constatations du Comité, en particulier de la demande d’informations sur la situation actuelle du requérant.

L’État partie estimait que la décision d’expulser le requérant n’était pas un cas de «circonstances exceptionnelles», comme le Comité l’avait laissé entendre dans sa décision (par. 10.2). Il rappelait au Comité que la décision du 2 décembre 2003 avait été annulée par la Cour d’appel fédérale le 6 juillet 2005 et que l’expulsion du requérant était fondée sur la décision du 11 mai 2006. Dans cette décision, la déléguée du Ministre avait conclu que le requérant ne risquait pas la torture et qu’il n’était donc pas nécessaire de pondérer l’aspect risque avec l’aspect danger pour la société afin de déterminer si la situation du requérant donnait lieu à des «circonstances exceptionnelles» justifiant le renvoi malgré le risque de torture.

Pour l’État partie, il était inexact de conclure que la déléguée du Ministre avait nié l’existence d’un risque et que la décision n’était pas motivée. L’existence d’une nouvelle loi en Inde n’était pas le seul fondement de cette décision. La déléguée du Ministre avait tenu compte tant de la situation générale en Inde que de la situation particulière du requérant. Le bien-fondé de cette décision avait été confirmé par la Cour d’appel fédérale le 23 juin 2006.

L’État partie contestait avoir conclu que le requérant ne risquait pas la torture sur la base d’éléments de preuve qui n’avaient pas été divulgués à l’intéressé. Il réitérait que le risque avait été évalué indépendamment de la question du danger que le requérant présentait pour la société et que les éléments de preuve en question ne concernaient que ce danger. Qui plus est, dans le cas du requérant, la Cour d’appel fédérale avait jugé que la loi même qui autorise la prise en compte d’informations pertinentes sans les divulguer au demandeur n’était pas inconstitutionnelle, et le Comité des droits de l’homme avait considéré qu’une procédure analogue n’était pas contraire au Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

L’État partie informait toutefois le Comité que la loi avait été modifiée et que, depuis le 22 février 2008, elle autorisait la nomination d’un «avocat spécial» pour défendre l’intéressé en son absence et en l’absence de son conseil, lorsque ces éléments de preuve sont examinés à huis clos.

Le Comité ayant fait observer qu’il avait la faculté d’apprécier librement les faits dans les circonstances de chaque affaire (par. 10.3), l’État partie le renvoyait à sa jurisprudence, rappelant que le Comité avait déclaré qu’il ne lui appartenait pas de remettre en question les conclusions des autorités nationales en l’absence d’erreur manifeste, d’abus de procédure, d’irrégularité grave, etc. (voir affaires nos 282/2005 et 193/2001). À ce propos, il affirmait que la décision de la déléguée du Ministre avait été examinée dans le détail par la Cour d’appel fédérale, qui avait elle-même revu les documents soumis par le requérant à l’appui de ses affirmations ainsi que de nouveaux éléments de preuve et conclu qu’elle ne pouvait pas considérer la décision de la déléguée comme déraisonnable.

Commentaires du requérant

Le 12 mai 2008, la représentante du requérant a répondu aux observations de l’État partie. Rappelant les arguments précédemment avancés, elle faisait valoir que des changements intervenus ultérieurement dans la législation ne justifiaient pas les atteintes aux droits du requérant, ni le refus des autorités de l’indemniser. L’État partie avait enfreint les obligations qui lui incombaient au regard du droit international en refusant d’accepter les constatations du Comité et d’y donner suite, et en refusant de prendre les mesures provisoires de protection demandées par le Comité. Les efforts faits par l’État partie pour s’enquérir de la situation actuelle du requérant étaient insuffisants, et il avait négligé d’informer la représentante du requérant et le Comité des résultats de la demande qu’il avait adressée au Ministère indien des affaires étrangères. La représentante du requérant était même d’avis que cette prise de contact avait peut-être fait courir des risques supplémentaires au requérant. Enfin, bien que l’État partie ne veuille pas en convenir, le fait que les autorités indiennes continuent à pratiquer la torture était, selon elle, largement attesté.

Le 27 février 2008, le conseil du requérant avait reçu d’Inde, par téléphone, les informations suivantes: lorsqu’il avait été renvoyé du Canada en Inde, le requérant avait été maintenu attaché durant les vingt heures du vol et en dépit de ses demandes répétées les gardes canadiens avaient refusé de desserrer les liens qui le faisaient souffrir. En outre, l’autorisation d’utiliser les toilettes lui avait été refusée et il avait été obligé d’uriner dans une bouteille devant des gardes de sexe féminin, ce qu’il avait trouvé humiliant. Toute boisson et nourriture lui avaient en outre été refusées pendant tout le voyage. La représentante du requérant estimait que le traitement infligé par les autorités canadiennes constituait une violation des droits fondamentaux de son client.

Le requérant avait également décrit la façon dont il avait été traité à son retour en Inde. À son arrivée, il avait été remis aux autorités indiennes et interrogé à l’aéroport durant environ cinq heures, au cours desquelles on l’avait, entre autres, accusé de terrorisme et menacé de mort s’il ne répondait pas aux questions posées. Il avait ensuite été conduit à un commissariat de police de Guraspur; au cours de ce voyage qui avait duré cinq heures, ceux qui l’escortaient l’avaient cruellement battu à coups de poing et de pied et s’étaient assis sur lui après l’avoir fait se coucher sur le plancher du véhicule. Ils lui avaient aussi tiré les cheveux et la barbe, ce qui était une offense à sa religion. À son arrivée au commissariat, il avait été interrogé et torturé dans un local qui devait être des toilettes désaffectées. Des décharges électriques lui avaient été administrées sur les doigts, les tempes et le pénis, on avait fait rouler sur lui un engin pesant, ce qui lui avait causé de fortes douleurs, et il avait été battu à coups de bâton et de poing. Durant les six premiers jours de sa détention, il avait été mal nourri et ni sa famille ni son avocat n’avaient été informés du lieu où il se trouvait. Vers le sixième jour, il avait été transféré dans un autre commissariat de police où il avait été traité de la même façon, pendant trois jours encore. Le neuvième jour, il avait comparu devant un juge pour la première fois et avait pu voir sa famille. Après avoir été inculpé − il était accusé d’avoir fourni des explosifs à des terroristes et d’avoir participé à un complot visant à assassiner des dirigeants du pays −, il avait été transféré dans un centre de détention à Nabha, où il avait encore été détenu durant sept mois sans rencontrer aucun membre de sa famille ni son avocat. Le 29 janvier 2007, il avait contesté son placement en détention provisoire et avait été remis en liberté le 3 février 2007 sous certaines conditions.

Depuis sa remise en liberté, le requérant lui-même mais aussi des membres de sa famille étaient surveillés et interrogés tous les deux ou quatre jours. Le requérant avait été interrogé au commissariat de police six fois, et avait fait l’objet à ces occasions de harcèlement psychologique et de menaces. Tous ses proches, notamment sa famille, son frère (qui affirme lui aussi avoir été torturé) et le médecin qui l’avait examiné après sa sortie de prison, avaient trop peur pour donner la moindre information concernant les mauvais traitements dont eux-mêmes et le requérant avaient tous été victimes. Le requérant craignait de subir des représailles de la part des autorités indiennes s’il révélait les actes de torture et mauvais traitements qui lui avaient été infligés.

Pour ce qui est de la réparation, le conseil demandait que les autorités canadiennes enquêtent au sujet des allégations de torture et de mauvais traitements subis par le requérant depuis son arrivée en Inde (comme dans l’affaire Agiza c. Suède, requête no 233/2003). Il demandait aussi au Canada de prendre toutes mesures nécessaires pour que le requérant puisse rentrer au Canada et être autorisé à y demeurer à titre permanent (comme dans l’affaire Dar c. Norvège, requête no 249/2004). Une autre solution suggérée par le conseil était que l’État partie obtienne d’un pays tiers qu’il accepte d’accueillir le requérant à titre permanent. Enfin, il réclamait une somme de 368 250 dollars canadiens à titre d’indemnisation pour les préjudices subis par son client.

Réponse de l ’ État partie

Le 21 octobre 2008, dans une réponse complémentaire, l’État partie a rejeté les allégations du requérant, qui affirmait que les autorités canadiennes n’avaient pas respecté ses droits quand il avait été renvoyé du Canada. L’État partie précisait que dans des circonstances où un individu faisant l’objet d’une mesure de renvoi présentait une menace importante pour la sécurité, le renvoi s’effectuait sur un vol affrété plutôt que sur un vol commercial. Le requérant était entravé par les mains et les pieds, les menottes étant reliées à une sangle attachée à sa ceinture de sécurité et les entraves aux chevilles étant fixées à une courroie de sécurité. Il était retenu à son siège par une ceinture passée autour du corps. Ces mesures étaient systématiques lorsqu’il existait un risque très élevé pour la sécurité sur un vol affrété. Les entraves n’empêchaient pas le requérant de remuer un peu les mains et les pieds, ni de manger ou de boire. Les représentants des autorités lui avaient proposé à plusieurs reprises de modifier la position de son siège, mais il avait refusé. Pour ce qui était de la nourriture, des repas végétariens spécialement préparés lui avaient été proposés, mais il avait tout refusé à l’exception de jus de pomme. Les W.-C. chimiques n’ayant pas été montés sur l’appareil, il n’était pas possible de les utiliser, si bien qu’un «dispositif sanitaire» avait été mis à la disposition du requérant. Lors du départ, l’escorte à bord de l’appareil ne comprenait pas de femmes. Malheureusement, le requérant n’a pas pu faire usage du dispositif sanitaire de manière satisfaisante.

L’État partie a relevé qu’il était étrange que le requérant n’ait pas formulé ces allégations à un stade plus précoce de la procédure alors qu’il s’était adressé deux fois au Comité avant son départ et avant que le Comité ne rende sa décision. Le Comité s’était désormais prononcé et, en tout état de cause, la requête ne concernait que l’article 3 de la Convention.

En ce qui concerne les actes de torture que le requérant aurait subis à son retour en Inde, l’État partie estimait que de telles allégations étaient certes fort préoccupantes, mais soulignait qu’elles n’étaient pas antérieures à la décision du Comité, ni aux lettres du requérant datées du 5 avril 2007 et du 24 septembre 2007. L’État partie relevait également que, selon divers journaux indiens, le requérant avait comparu devant un juge le 5 septembre 2006, soit six jours après son arrivée en Inde. En tout état de cause, le requérant n’était plus sous juridiction canadienne et si l’Inde n’avait peut-être pas ratifié la Convention, elle avait ratifié le Pacte international relatif aux droits civils et politiques et adhéré à d’autres mécanismes, relevant ou non des Nations Unies, qui pouvaient être saisis en cas d’allégation de torture. Quant à la question de savoir si l’Inde avait répondu à la lettre initiale de l’État partie, ce dernier indiquait qu’il avait effectivement reçu une réponse, mais que celle-ci ne comportait aucun renseignement sur le lieu de résidence ou les conditions de vie du requérant. En outre, le conseil du requérant ayant affirmé que la dernière note adressée à l’Inde par l’État partie pouvait avoir fait courir des risques supplémentaires au requérant, l’État partie déclarait ne plus vouloir désormais communiquer avec les autorités indiennes.

Commentaires du requérant

Le 2 février 2009, la représentante du requérant a répondu aux observations présentées par l’État partie le 21 octobre 2008. Elle réitérait les arguments précédemment avancés et indiquait que si le requérant ne s’était pas plaint de la façon dont il avait été traité par les autorités canadiennes lors de son voyage de retour en Inde, ni même du traitement qui lui avait été réservé à son arrivée en Inde, c’était en raison de l’action judiciaire intentée contre lui en Inde et du fait qu’il ne pouvait pas communiquer avec son conseil. En outre, la représentante du requérant indiquait que les autorités indiennes auraient menacé son client de représailles s’il divulguait les mauvais traitements qu’il avait subis, ce qui expliquait qu’il fût réticent à donner des renseignements détaillés. Selon elle, le requérant était resté aux mains de la police jusqu’au 13 juillet 2006, date de sa première comparution devant un tribunal. Compte tenu des menaces proférées contre lui, il craignait que toute plainte adressée aux autorités indiennes ne lui vaille de nouveaux sévices. La représentante estimait que les efforts des autorités canadiennes pour localiser le requérant et vérifier ses conditions de vie avaient été insuffisants. Elle précisait qu’un échange d’informations entre les autorités canadiennes et indiennes pouvait faire courir un risque au requérant, mais qu’il n’en irait pas de même si l’État partie adressait une demande d’informations aux autorités indiennes, à condition de ne pas évoquer les allégations de torture formulées par le requérant à l’encontre des autorités indiennes.

Réponse de l ’ État partie

Le 7 avril 2009, l’État partie a répondu aux observations présentées par le requérant le 2 février 2009 ainsi qu’aux préoccupations exprimées par le Comité au sujet de la façon dont le requérant avait été traité lors de son renvoi en Inde. L’État partie affirmait que le requérant avait été traité avec tout le respect et la dignité possibles, mais qu’il avait fallu en même temps veiller à la sécurité de toutes les personnes concernées. Il prenait note de ce que le Comité, ainsi qu’il l’avait lui-même fait observer, ne pouvait pas accueillir dans le cadre de sa procédure de suivi de nouveaux griefs formulés à l’encontre du Canada. Dès lors, l’État partie estimait que l’affaire était close et ne devait plus être examinée dans le cadre de la procédure de suivi.

Le 31 août 2009, l’État partie a répondu à la demande formulée par le Comité à sa quarante-deuxième session de redoubler d’efforts pour prendre contact avec les autorités indiennes. L’État partie maintient que sa position sur cette affaire n’a pas changé, qu’il s’est acquitté de toutes ses obligations en vertu de la Convention et qu’il n’a pas l’intention d’essayer de mieux communiquer avec les autorités indiennes. Il demande à nouveau que l’affaire ne soit plus examinée dans le cadre de la procédure de suivi. Dans l’impossibilité d’accepter la décision du Comité, l’État partie considère l’affaire close.

Décision du Comité

À sa quarantième session, le Comité a décidé d’écrire à l’État partie pour lui préciser quelles étaient ses obligations au titre des articles 3 et 22 de la Convention et lui demander notamment d’établir, en consultation avec les autorités indiennes, l’endroit où se trouvait le requérant en Inde, sa situation actuelle et ses conditions de vie.

Concernant les nouvelles allégations formulées par le requérant dans les observations communiquées par son conseil le 12 mai 2008 au sujet de la façon dont il avait été traité par les autorités canadiennes lors de son renvoi en Inde, le Comité a estimé qu’il avait déjà examiné cette communication, au sujet de laquelle il avait adopté ses constatations, et qu’elle relevait désormais de la procédure de suivi. Il a regretté que ces allégations n’aient pas été formulées avant l’examen de la communication. Toutefois, dans sa réponse du 21 octobre 2008, l’État partie avait confirmé certains aspects des affirmations du requérant, en particulier la manière dont il avait été attaché durant toute la durée du voyage, ainsi que le fait qu’il n’avait pas bénéficié d’installations sanitaires adéquates au cours de ce vol long courrier.

Bien que le Comité ait estimé qu’il ne pouvait pas examiner si ces nouvelles allégations révélaient une violation de la Convention dans le cadre de la présente procédure et non d’une nouvelle communication, il a fait part des inquiétudes que lui inspirait la façon dont le requérant avait été traité par l’État partie lors de son renvoi, ainsi que cela avait été confirmé par l’État partie lui-même. Le Comité a considéré que les procédés utilisés et en particulier le fait que le requérant ait été totalement immobilisé pendant toute la durée du voyage au point de ne pouvoir bouger un peu que les mains et les pieds, et qu’il n’ait disposé pour uriner que d’un simple «dispositif sanitaire» décrit par le requérant comme une bouteille, étaient déplorables et pour le moins inadéquats. Quant à la question de savoir si l’État partie devait tenter de nouveau de recueillir des informations sur l’endroit où se trouvait le requérant et sur ses conditions de vie, le Comité a noté que la représentante du requérant avait commencé par indiquer que ces démarches pouvaient faire courir des risques supplémentaires au requérant mais que dans ses observations du 2 février 2009, elle avait précisé qu’une simple demande d’informations ne faisant pas mention des allégations de torture formulées à l’encontre des autorités indiennes contribuerait quelque peu à remédier aux préjudices subis.

À sa quarante-deuxième session et bien que l’État partie lui ait demandé de ne plus examiner cette question au titre du suivi, le Comité a décidé de demander à l’État partie de prendre contact avec les autorités indiennes afin de se renseigner sur l’endroit où se trouvait le requérant et sur son état. Il a aussi rappelé à l’État partie qu’il était tenu d’offrir réparation pour la violation de l’article 3 et que toute demande future du requérant visant à revenir dans l’État partie devrait être sérieusement examinée.

À sa quarante-troisième session, le Comité a décidé qu’il rappellerait de nouveau à l’État partie ses précédentes demandes formulées dans le cadre de la procédure de suivi concernant le respect de ses obligations au titre de l’article 3 de la Convention. Il regrettait que l’État partie ait refusé de donner suite aux recommandations du Comité. Il a décidé d’informer les autres mécanismes des Nations Unies traitant des questions de torture de la réponse de l’État partie.

Le Comité considère que le dialogue au titre du suivi se poursuit.

État partie

Danemark

Affaire

Amini, n o 339/2008

Nationalité et pays de renvoi, le cas échéant

Iranienne; République islamique d’Iran

Date d’adoption des constatations

15 novembre 2010

Questions soulevées et violations constatées

Renvoi − article 3

Mesures provisoires demandées et réponse de l’État partie

Demandées

Réparation recommandée

Le Comité invite l’État partie à lui faire connaître, dans un délai de quatre-vingt-dix jours à compter de la transmission de la présente décision, les mesures qu’il aura prises pour donner suite à ses constatations.

Date fixée pour la réponse de l’État partie

16 février 2011

Date de la réponse

10 janvier 2011

Réponse de l’État partie

Le 10 janvier 2011, l’État partie a fait savoir au Comité que le 15 décembre 2010, la Commission de recours pour les réfugiés avait décidé d’accorder au requérant un permis de séjour en application du paragraphe 2 de l’article 7 de la loi danoise sur les étrangers.

Commentaires du requérant

Les observations de l’État partie ont été transmises au conseil du requérant pour commentaires le 10 janvier 2011. Le 1er février 2011, le conseil du requérant a fait savoir qu’il n’avait aucun commentaire à faire sur ces observations.

Décision du Comité

À sa prochaine session, le Comité examinera s’il y a lieu de mettre fin au dialogue engagé avec l’État partie au titre de la procédure de suivi.

État partie

France

Affaire

Brada, n o 195/2003

Nationalité et pays de renvoi, le cas échéant

Algérienne; Algérie

Date d’adoption des constatations

17 mai 2005

Questions soulevées et violations constatées

Renvoi − articles 3 et 22

Mesures provisoires demandées et réponse de l’État partie

Demandées; refusées par l’État partie

Réparation recommandée

Indemniser le requérant pour la violation de l’article 3 de la Convention et déterminer en consultation avec le pays de destination (qui est aussi un État partie à la Convention) le lieu où se trouve le requérant et ses conditions de vie.

Date fixée pour la réponse de l’État partie

Aucune

Date de la réponse

21 septembre 2005

Réponse de l’État partie

En réponse à la demande d’informations sur les mesures prises pour donner suite aux constatations du Comité, qui lui a été adressée le 7 juin 2005, l’État partie a informé le Comité que le requérant serait autorisé à retourner en France s’il le souhaitait et qu’un permis spécial de résidence lui serait délivré en application de l’article L.523-3 du Code relatif à l’entrée et au séjour des étrangers. Cette mesure était rendue possible par l’arrêt de la cour d’appel de Bordeaux, en date du 18 novembre 2003, qui a annulé la décision du tribunal administratif de Limoges du 8 novembre 2001. Cette dernière décision avait confirmé que l’Algérie était le pays vers lequel le requérant devait être renvoyé. En outre, l’État partie a informé le Comité qu’il s’apprêtait à prendre contact avec les autorités algériennes par la voie diplomatique pour s’informer du lieu où se trouvait le requérant et de sa situation.

Commentaires du requérant

Aucun

Décision du Comité

Le Comité considère que le dialogue se poursuit. Un rappel a été adressé à l’État partie en avril 2011 pour lui demander de faire part de ses observations.

État partie

France

Affaire

Tebourski, n o 300/2006

Nationalité et pays de renvoi, le cas échéant

Tunisienne; Tunisie

Date d’adoption des constatations

1er mai 2007

Questions soulevées et violations constatées

Renvoi − articles 3 et 22

Mesures provisoires demandées et réponse de l’État partie

Demandées; refusées par l’État partie

Réparation recommandée

Réparer la violation de l’article 3 et s’enquérir auprès des autorités tunisiennes du lieu où se trouve le requérant et de sa situation.

Date fixée pour la réponse de l’État partie

13 août 2007

Date de la réponse

15 août 2007

Réponse de l’État partie

Suite à plusieurs demandes d’informations de l’État partie, les autorités tunisiennes ont indiqué que le requérant n’avait pas été inquiété depuis son arrivée en Tunisie le 7 août 2006 et qu’aucune action judiciaire n’avait été ouverte contre lui. Il vit avec sa famille à Testour (gouvernorat de Béja). L’État partie suit la situation du requérant et tente de vérifier les informations fournies par les autorités tunisiennes.

Commentaires du requérant

Non encore reçus

Décision du Comité

Le Comité considère que le dialogue se poursuit. Un rappel a été adressé à l’État partie en avril 2011 pour lui demander de faire part de ses observations.

État partie

Sénégal

Affaire

Guengueng et consorts, n o 181/2001

Nationalité et pays de renvoi, le cas échéant

Sans objet

Date d’adoption des constatations

17 mai 2006

Questions soulevées et violations constatées

Absence de poursuites − articles 5 (par. 2) et 7

Mesures provisoires demandées et réponse de l’État partie

Sans objet

Réparation recommandée

En application du paragraphe 5 de l’article 112 de son règlement intérieur (CAT/C/3/Rev.4), le Comité a prié l’État partie de l’informer, dans un délai de quatre‑vingt‑dix jours à compter de la date de la transmission de la présente décision, des mesures qu’il aura prises en réponse aux constatations du Comité.

Date fixée pour la réponse de l’État partie

16 août 2006

Date de la réponse

Dernière réponse en date le 28 avril 2010 (l’État partie avait déjà répondu les 18 août et 28 septembre 2006, et les 7 mars, 31 juillet 2007, et 17 juin 2008).

Réponse de l’État partie

Le 18 août 2006, l’État partie a nié avoir violé la Convention et a réitéré ses arguments quant au fond, dont celui avancé au sujet de l’article 5, qui était que la Convention n’oblige pas un État partie à s’acquitter de ses obligations dans un délai précis. La demande d’extradition avait été examinée dans le cadre de la législation nationale applicable entre l’État partie et les États avec lesquels il est lié par un traité d’extradition. L’État partie indiquait que toute autre façon de procéder en l’espèce aurait constitué une violation de sa législation. L’incorporation de l’article 5 dans le droit interne était arrivée au stade final et le texte à introduire allait être examiné par l’autorité législative. Afin d’éviter un éventuel état d’impunité, l’affaire avait été soumise à l’examen de l’Union africaine, et il n’y avait donc pas eu violation de l’article 7. L’Union africaine n’ayant pas encore statué, il n’était pas encore possible d’indemniser les requérants.

Le 28 septembre 2006, l’État partie a fait savoir que le Comité d’éminents juristes africains de l’Union africaine avait décidé de le charger de juger M. Hissène Habré. Les autorités judiciaires sénégalaises examinaient la faisabilité de cette mesure sous l’angle juridique ainsi que les éléments nécessaires du contrat qui devrait être conclu avec l’Union africaine concernant la logistique et le financement.

Le 7 mars 2007, l’État partie a fourni une mise à jour, indiquant que le 9 novembre 2006 le Conseil des ministres avait adopté deux nouvelles lois sur la reconnaissance du génocide, des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité, ainsi que sur la compétence universelle et l’entraide judiciaire. Leur adoption comblait le vide juridique qui avait empêché l’État partie de se saisir de l’affaire Habré. Le 23 novembre 2006, un groupe de travail avait été créé aux fins d’examiner les mesures à prendre pour assurer à M. Habré un procès équitable. Le groupe de travail avait examiné les éléments suivants: textes de l’Assemblée nationale sur les modifications qu’il convenait d’apporter à la loi pour lever les obstacles mis en évidence lors de l’examen de la requête d’extradition, le 20 septembre 2005; cadre pour les changements nécessaires sur le plan de l’infrastructure, de la législation et de l’administration pour faire droit à la demande de l’Union africaine visant à assurer un procès équitable; mesures à prendre au niveau diplomatique pour assurer une coopération entre tous les États concernés ainsi qu’avec d’autres États et l’Union africaine; mesures de sécurité; soutien financier. Ces éléments avaient fait l’objet d’un rapport présenté à l’Union africaine à sa huitième session, tenue les 29 et 30 janvier 2007.

Le rapport soulignait la nécessité de mobiliser des ressources financières auprès de la communauté internationale.

Commentaires des requérants

Le 9 octobre 2006, les requérants ont fait part de leurs commentaires sur les observations de l’État partie en date du 18 août 2006. Ils ont noté que l’État partie n’avait fourni aucune information quant aux mesures qu’il entendait prendre pour donner effet à la décision du Comité. Bien que trois mois se soient écoulés depuis la décision de l’Union africaine demandant au Sénégal de juger M. Habré, l’État partie n’avait pas encore expliqué comment il entendait l’appliquer.

Le 24 avril 2007, les requérants ont répondu aux observations de l’État partie en date du 7 mars 2007. Ils remerciaient le Comité de sa décision et d’avoir institué une procédure de suivi qui était à n’en pas douter pour beaucoup dans les efforts de l’État partie tendant à donner effet à la décision. Ils saluaient les amendements que l’État partie indiquait avoir apportés aux dispositions de sa législation l’empêchant de se saisir de l’affaire Habré.

Tout en reconnaissant les efforts consentis à ce jour par l’État partie, les requérants soulignaient que la décision du Comité n’avait pas encore été complètement appliquée et que l’affaire n’avait pas encore été soumise aux autorités compétentes. Ils appelaient également l’attention sur les points suivants:

a)La nouvelle législation portait sur le génocide, les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre mais pas sur la torture;

b)L’État partie étant tenu d’organiser un procès ou d’extrader M. Habré, le respect de cette obligation ne devait pas être subordonné à l’obtention d’une aide financière. Les requérants supposaient que la demande faite dans ce sens visait à garantir que le procès se déroule dans les meilleures conditions;

c)Quelle que soit la décision prise par l’Union africaine au sujet de cette affaire, elle ne pouvait avoir d’incidence sur l’obligation de l’État partie de reconnaître sa compétence en l’espèce et de soumettre l’affaire à la juridiction compétente.

Réponse de l’État partie

Le 31 juillet 2007, l’État partie a informé le Comité que, contrairement à l’affirmation du conseil des requérants, le crime de torture était défini à l’article 295-1 de la loi no 96‑15, dont le champ d’application avait été élargi par l’article 431-6 de la loi no 2007-02. Il soulignait aussi que la conduite d’une action contre M. Habré nécessitait d’importantes ressources financières. C’est pourquoi l’Union africaine avait invité ses États membres et la communauté internationale à aider le Sénégal à cet égard. En outre, les propositions faites par le groupe de travail mentionné plus haut concernant le jugement de M. Habré avaient été présentées à la huitième Conférence des chefs d’État et de gouvernement de l’Union africaine et approuvées. Les autorités sénégalaises évaluaient le coût des débats judiciaires et prendraient prochainement une décision à ce sujet. En tout état de cause, elles entendaient remplir le mandat qui leur avait été donné par l’Union africaine et honorer les obligations conventionnelles du Sénégal.

Commentaires des requérants

Le 19 octobre 2007, le conseil a noté avec préoccupation que, dix‑sept mois après que le Comité eut pris sa décision, l’État partie n’avait encore engagé aucune poursuite pénale ni pris aucune décision concernant l’extradition. Il soulignait que le temps était très important pour les victimes et que l’un des requérants était mort des suites des mauvais traitements subis sous le régime Habré. Le conseil priait le Comité de continuer à dialoguer avec l’État partie dans le cadre de la procédure de suivi.

Le 7 avril 2008, le conseil a noté avec préoccupation que vingt et un mois s’étaient maintenant écoulés depuis que le Comité avait pris sa décision, mais que M. Habré n’avait toujours pas été jugé ou extradé. Il rappelait que lors de son entretien avec le Rapporteur chargé du suivi des décisions au sujet des requêtes, au cours de la session de novembre 2007 du Comité, l’Ambassadeur avait indiqué que les autorités attendaient une aide financière de la communauté internationale. Il semblait que cette demande d’aide ait été faite en juillet 2007 et que des réponses aient été reçues, entre autres pays, de l’Union européenne, de la France, de la Suisse, de la Belgique et des Pays‑Bas. Ces pays étaient disposés à accorder une aide financière et technique. En novembre dernier, les autorités sénégalaises avaient donné aux victimes l’assurance que la procédure ne serait pas retardée, mais aucune date n’avait été fixée pour le début de l’action pénale.

Réponse de l’État partie

Le 17 juin 2008, l’État partie a confirmé les informations fournies par son représentant au Rapporteur lors d’une réunion le 15 mai 2008. Il indiquait que l’adoption d’une loi modifiant la Constitution serait sous peu confirmée par le Parlement. Cette loi ajouterait à l’article 9 de la Constitution un nouveau paragraphe qui lèverait l’interdiction actuelle de la rétroactivité de la loi pénale et permettrait de juger tout individu pour des actes, y compris le génocide, les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre, qui étaient tenus pour criminels au regard du droit international au moment où ils ont été commis. L’État partie indiquait que le budget avait été chiffré à titre initial à 18 millions de francs CFA (environ 43 000 dollars), qu’une contre‑proposition avait été examinée par le Cabinet et qu’une fois le rapport finalisé une réunion serait organisée à Dakar avec des donateurs potentiels. Pour témoigner de son attachement à ce processus, l’État avait lui même versé une contribution de 1 million de francs CFA (soit 2 400 dollars) pour en assurer le lancement. L’État partie avait en outre tenu compte des recommandations des experts de l’Union européenne et nommé M. Ibrahima Gueye, juge et Président de la Cour de cassation, «coordonnateur» du processus. On s’attendait aussi à ce que les ressources humaines du tribunal de Dakar, qui jugerait M. Habré, soient renforcées et à ce que les juges nécessaires soient désignés.

Commentaires des requérants

Le 22 octobre 2008, le conseil a fait part des inquiétudes que lui inspirait un entretien accordé à un journal sénégalais par le Président de la République, dans lequel celui-ci aurait déclaré qu’il n’était «pas obligé de juger M. Habré» et qu’en l’absence d’une aide financière, il n’avait pas l’intention «de garder indéfiniment Habré au Sénégal», mais qu’il ferait en sorte «qu’il abandonne le Sénégal». Le conseil rappelait les mesures prises à ce jour en vue de juger M. Habré, notamment le fait que différents pays avaient offert une assistance financière mais que l’État partie n’était pas parvenu, au bout de deux ans, à présenter un budget raisonnable en vue de son procès. Les requérants s’inquiétaient de ce que le conseil appelait la «menace» proférée par le Président d’expulser M. Habré du Sénégal; ils rappelaient au Comité qu’une demande d’extradition présentée par la Belgique était toujours pendante, et lui demandaient de prier le Sénégal de ne pas expulser M. Habré et de prendre des mesures nécessaires pour l’empêcher de quitter le pays autrement que dans le cadre d’une procédure d’expulsion, comme le Comité l’avait déjà fait en 2001.

Réponse de l’État partie

Le 28 avril 2010 l’État partie a fait le point sur l’évolution du dossier. Il a évoqué l’assistance qu’il avait fournie à la mission du Comité contre la torture au Sénégal en août 2009 et a rappelé les problèmes financiers qui faisaient obstacle à l’ouverture du procès. Il a indiqué que le 23 juin 2009, la Belgique s’était inquiétée auprès des autorités sénégalaises du non-commencement du procès. Elle avait proposé d’envoyer une copie du dossier qu’elle avait constitué sur l’affaire aux autorités sénégalaises et invité des magistrats sénégalais à se rendre en Belgique pour procéder à un échange d’informations avec leurs homologues belges.

Le 4 juin 2009, une mission présidée par Me Robert Dossou s’est rendue au Sénégal à la demande du Président de l’Union africaine. En outre, en décembre 2009, deux experts de l’Union européenne ont travaillé avec l’Union africaine à la mise au point du budget. La présence en même temps d’experts de l’Union africaine et de l’Union européenne a coïncidé avec la tenue d’une réunion sur les bases juridiques d’un procès, à laquelle ils ont pris part aux côtés du représentant régional du Haut-Commissariat aux droits de l’homme. La présence des experts a été mise à profit pour visiter le vieux palais de justice, où le procès aura lieu une fois que les bâtiments seront rénovés. L’État partie attend actuellement les résultats de cette mission de l’Union européenne, qui aura des conséquences considérables sur l’établissement du budget. Aux douzième et treizième sommets de l’Union africaine de nombreux appels ont été lancés par des États africains en faveur d’un appui financier au Sénégal pour la conduite du procès, et, en février 2010, l’Union africaine a adopté une décision invitant ce pays à organiser une table ronde des donateurs en 2010, avec la participation d’autres États africains, aux fins de mobiliser des fonds. Sous couvert d’une lettre datée du 30 mars 2010, le Tchad a confirmé sa volonté de contribuer au procès et a demandé des informations sur le numéro du compte sur lequel sa contribution financière pourrait être versée.

L’État partie a aussi évoqué l’affaire de M. Habré devant la Cour de justice de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest, où il avait affirmé que le Sénégal avait violé les principes de non-rétroactivité et d’égalité en appliquant une nouvelle législation de manière rétroactive. En janvier 2010, l’examen de l’affaire a été ajourné jusqu’au 16 avril 2010. Une plainte déposée auprès de la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples contre le Sénégal, contestant l’exercice d’une compétence universelle pour poursuivre M. Habré, a été rejetée pour incompétence, le 15 décembre 2009.

Consultations avec l’État partie

Pendant la trente‑neuvième session, le Rapporteur chargé du suivi des décisions au sujet des requêtes a rencontré un représentant de la Mission permanente du Sénégal, qui a indiqué que l’État partie était soucieux de poursuivre la coopération avec le Comité au sujet de cette affaire. Une évaluation des coûts du procès avait été faite et une réunion des donateurs à laquelle participeraient des pays européens aurait lieu prochainement.

Le 15 mai 2008, le Rapporteur spécial a rencontré à nouveau un représentant de l’État partie. Une copie de la lettre du conseil des requérants datée du 7 avril 2008 avait été remise au représentant de la Mission pour information. Au sujet de l’état d’avancement de la mise en œuvre de la décision du Comité, le représentant a indiqué qu’un groupe de travail d’experts avait remis au Gouvernement son rapport sur les modalités et le budget de la mise en route de la procédure et que ce rapport avait été envoyé aux pays ayant exprimé leur volonté d’aider le Sénégal. Les pays de l’Union européenne concernés avaient retourné le rapport avec une contre‑proposition, que le Président était en train d’examiner. En outre, conscient de l’importance de l’affaire, le Président avait affecté une certaine somme d’argent (d’un montant non précisé) à la mise en route de la procédure. La réforme de la législation était également en cours. Le représentant a indiqué que l’État partie fournirait des explications plus complètes par écrit et le Rapporteur a demandé à les revoir dans un délai d’un mois à compter de la date de la réunion, afin de les inclure dans son rapport annuel.

Résumé d’une mission confidentielle au Sénégal au titre de l’article 22

À sa quarante et unième session, qui s’est tenue du 3 au 21 novembre 2008, le Comité a décidé,dans le cadre du suivi des décisions prises au titre de l’article22 de la Convention, de demander au Sénégal d’accepter une mission confidentielle officielle de suivi concernant l’affaire Guengueng et consorts c. Sénégal (requête no181/2001, adoptée le 17 mai 2006). Le 7mai 2009, le Gouvernement sénégalais a accepté la demande de visite.

La mission à Dakar s’est déroulée du 4 au 7 août 2009, avec la participation de deux membres du Comité contre la torture, M. Claudio Grossman, Président du Comité et M. Fernando Mariño Menéndez, Rapporteur pour le suivi des décisions du Comité au sujet des requêtes, ainsi que de deux membres du secrétariat.

La mission a rencontré des représentants de plusieurs ministères, de la société civile et de l’Union européenne. Elle a constaté que l’État partie était bien préparé pour la visite et que tous les interlocuteurs étaient parfaitement au courant des faits et de l’état d’avancement du dossier. Dans son résumé, la mission a noté avec appréciation que le Sénégal avait procédé à toutes les modifications législatives et constitutionnelles nécessaires, ainsi que pris les arrangements administratifs requis pour traduire en justice M. Habré. Tous les interlocuteurs ont insisté sur l’absence d’obstacles à son procès et souligné les efforts considérables déployés par l’État partie dans ce domaine.

La mission a noté qu’il incombait encore à l’État partie d’élaborer une stratégie pour mener les poursuites. En dépit des vues exprimées par certains représentants selon lesquelles on aurait besoin de ressources importantes pour héberger un nombre, sans doute illimité, de témoins, la mission s’est félicitée de l’option choisie par l’appareil judiciaire, à savoir qu’une approche plus restrictive serait plus raisonnable. L’appareil judiciaire a souligné que le juge d’instruction serait le seul à prendre des décisions, notamment sur le nombre de témoins nécessaires, qui en tout état de cause ne pouvait pas être illimité et ne pouvait être utilisé pour faire obstacle au procès.

La mission a noté que la stratégie retenue permettrait sans aucun doute de déterminer les besoins financiers du procès. Malgré le flou concernant les ressources dont on aurait besoin, la mission a noté que les questions financières étaient sur le point d’être réglées, et a constaté qu’au moins du point de vue de l’appareil judiciaire, cette question pouvait être réglée au fur et à mesure que la procédure avançait.

La mission a aussi appris de plusieurs interlocuteurs que le manque de formation était un autre obstacle à l’ouverture du procès. Elle a fait savoir à tous les interlocuteurs que toute demande d’assistance technique pourrait être traitée dans les meilleurs délais, dès la réception d’une demande correctement formulée.

La mission a constaté qu’au moins du point de vue de l’appareil judiciaire plus rien ne faisait obstacle au procès et elle était convaincue que les questions financières pourraient être réglées au fur et à mesure du procès. Toutefois, l’appareil exécutif était résolument d’avis que la question financière devait être réglée avant de donner des instructions en vue de l’inculpation de M. Habré.

À sa quarante-troisième session, qui s’est tenue du 2 au 20 novembre 2009, le Comité a examiné un rapport confidentiel de la mission. Le 23 novembre 2009, après sa session, il a adressé une note verbale à l’État partie, dans laquelle il l’a remercié pour sa coopération lors de la mission, lui a fait part de ses principales impressions à la suite de plusieurs entretiens avec des représentants de l’État partie et lui a rappelé ses obligations en vertu de la Convention (en référence au paragraphe 10 de sa décision no 181/2001, Guengueng et consorts c. Sénégal, adoptée le 17 mai 2006), et lui a demandé de lui fournir des renseignements actualisés sur cette affaire dans un délai de trois mois, soit avant le 23 février 2010. À ce jour, aucune réponse n’a été reçue de l’État partie.

Renseignements supplémentaires

Le 16 décembre 2010, le Comité international qui est chargé de suivre le procès de M. Habré (composé de sept ONG, dont Human Rights Watch et la Fédération internationale des droits de l’homme) a adressé au Comité copie de la lettre qu’il avait envoyée au Président du Sénégal, dans laquelle il exprimait sa déception face aux récentes déclarations de ce dernier au sujet de l’affaire Habré. Le Comité contre la torture, par l’intermédiaire de son rapporteur chargé du suivi des communications, a décidé de transmettre la lettre à l’État partie pour commentaires. Le Rapporteur a également rappelé à l’État partie qu’il avait reporté l’ouverture du procès de M. Habré en raison d’un manque de ressources financières, or il disposait désormais des ressources nécessaires. Il a par conséquent été rappelé à l’État partie qu’il devait soit ouvrir le procès, soit extrader M. Habré vers la Belgique pour qu’il y soit jugé.

Le 9 février 2011, la Mission permanente du Sénégal auprès de l’Office des Nations Unies à Genève a fait savoir qu’elle avait transmis la lettre du 16 décembre 2010 ainsi que la lettre du Rapporteur chargé du suivi des communications aux autorités de l’État partie et qu’elle informerait le Comité de l’évolution de l’affaire.

Renseignements supplémentaires reçus des requérants

Le 10 mars 2011, le conseil des requérants a expliqué que ceux-ci avaient accueilli avec préoccupation la récente déclaration du Président du Sénégal, qui avait affirmé son intention de «se débarrasser» de cette affaire. Les requérants invitaient le Comité à réaffirmer que l’État partie avait l’obligation de juger M. Habré au Sénégal ou de l’extrader vers la Belgique. Au sujet de l’affirmation de l’État partie selon laquelle le procès aurait lieu lorsque les fonds nécessaires auraient été recueillis auprès de la communauté internationale, les requérants expliquaient qu’à la suite d’une table ronde qui s’était déroulée le 24 novembre 2010 à Dakar, plusieurs États et organisations, dont l’Union africaine, l’Union européenne, la Belgique, l’Allemagne et les Pays-Bas, s’étaient engagés à faire des dons d’un montant total de 11 700 000 dollars des États-Unis pour que le procès de M. Habré puisse avoir lieu. Le document final de la table ronde mettait l’accent sur la nécessité d’ouvrir le procès sans délai. Les requérants rappelaient aussi que l’Union africaine, lors de son sommet du 31 janvier 2011, avait réaffirmé que le Sénégal avait l’obligation de juger M. Habré.

Le 18 novembre 2010, la Cour de justice de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) a invité l’État partie à mettre en place un tribunal ad hoc pour juger M. Habré. Cette décision a été critiquée par plusieurs parties concernées, qui arguaient qu’elle était motivée par des considérations politiques, et à l’occasion d’une visite dans l’État partie, une délégation de l’Union africaine a proposé au Président du Sénégal de créer des unités spéciales au sein des juridictions existantes afin que M. Habré soit jugé dans le pays. À la suite de cela, le Président a déclaré qu’il en avait assez et que M. Habré était désormais entre les mains de l’Union africaine.

Les requérants ont invité le Comité à a) rappeler à l’État partie son obligation d’engager une action pénale contre M. Habré ou de l’extrader vers la Belgique, b) exprimer sa préoccupation face aux propos du Président du Sénégal, et c) demander à l’État partie de ne pas autoriser M. Habré à quitter le pays.

Décision du Comité

Le Comité considère que le dialogue se poursuit. Un rappel a été adressé à l’État partie en avril 2011 pour lui demander de faire part de ses observations.

État partie

Serbie-et-Monténégro

Affaire

Ristic, n o 113/1998

Nationalité et pays de renvoi, le cas échéant

Yougoslave

Date d’adoption des constatations

11 mai 2001

Questions soulevées et violations constatées

Absence d’enquête sur des actes présumés de torture imputés à la police − articles 12 et 13

Mesures provisoires demandées et réponse de l’État partie

Aucune

Réparation recommandée

L’État partie est vivement engagé à entreprendre sans délai les enquêtes nécessaires. Recours approprié.

Date fixée pour la réponse de l’État partie

6 janvier 1999

Date de la réponse

Dernière note verbale datée du 28 juillet 2006 (réponse précédente le 5 août 2005 − voir le rapport annuel du Comité, A/61/44)

Réponse de l’État partie

Le Comité se rappellera que, sous couvert de sa note verbale du 5 août 2005, l’État partie a confirmé que le premier tribunal municipal de Belgrade avait ordonné, dans sa décision du 30 décembre 2004, que les parents du requérant soient indemnisés. Toutefois, comme elle fait l’objet d’un appel devant le tribunal de district de Belgrade, cette décision n’est ni effective ni exécutoire à ce stade. L’État partie a informé le Comité que le tribunal municipal avait jugé irrecevable la demande tendant à mener une enquête approfondie et impartiale sur les allégations de brutalités policières en tant que cause possible du décès de M. Ristic.

Commentaires du requérant

Le 25 mars 2005, le Comité a reçu du Centre de droit humanitaire de Belgrade des informations indiquant que le premier tribunal municipal de Belgrade avait ordonné à l’État partie de verser une indemnisation de 1 million de dinars aux parents du requérant pour ne pas avoir effectué une enquête rapide, impartiale et approfondie sur les causes du décès conformément à la décision du Comité contre la torture.

Réponse de l’État partie

Le 28 juillet 2006, l’État partie a fait savoir que le tribunal de district de Belgrade avait rejeté la plainte déposée par la République de Serbie et l’Union de la Serbie-et-Monténégro en mai 2005. Le 8 février 2006, la Cour suprême de Serbie a rejeté comme infondée la déclaration révisée de l’Union de la Serbie-et-Monténégro, statuant que cette dernière était tenue de s’acquitter des obligations qui lui incombaient en vertu de la Convention. L’Union a également été tenue pour responsable de l’absence d’enquête rapide, impartiale et approfondie sur le décès de Milan Ristic.

Décision du Comité

Le Comité considère que le dialogue se poursuit. Un rappel a été adressé à l’État partie en avril 2011 pour lui demander de faire part de ses observations.

État partie

Serbie-et-Monténégro

Affaire

Dimitrov, n o 171/2000

Nationalité et pays de renvoi, le cas échéant

Yougoslave

Date d’adoption des constatations

3 mai 2005

Questions soulevées et violations constatées

Torture et absence d’enquête − article 2 (par. 1), lu conjointement avec les articles 1er, 12, 13 et 14

Mesures provisoires demandées et réponse de l’État partie

Sans objet

Date de la réponse

Néant

Réponse de l’État partie

Aucune

Commentaires du requérant

Sans objet

Décision du Comité

Le Comité considère que le dialogue se poursuit. Un rappel a été adressé à l’État partie en avril 2011 pour lui demander de faire part de ses observations.

État partie

Serbie

Affaire

Dimitrijevic , n o 172/2000

Nationalité et pays de renvoi, le cas échéant

Serbe

Date d’adoption des constatations

16 novembre 2005

Questions soulevées et violations constatées

Torture et absence d’enquête − articles 1er, 2 (par. 1), 12, 13 et 14

Mesures provisoires demandées et réponse de l ’État partie

Sans objet

Réparation recommandée

L’État partie est vivement engagé à poursuivre quiconque est responsable des violations constatées, à accorder réparation au requérant et, conformément au paragraphe 5 de l’article 112 de son règlement intérieur (CAT/C/3/Rev.4), à informer le Comité, dans un délai de quatre-vingt-dix jours à compter de la date de transmission de la présente décision, des mesures qu’il aura prises conformément aux constatations du Comité.

Date fixée pour la réponse de l’État partie

26 février 2006

Date de la réponse

Néant

Réponse de l’État partie

Aucune

Commentaires du requérant

Sans objet

Décision du Comité

Le Comité considère que le dialogue se poursuit. Un rappel a été adressé à l’État partie en avril 2011 pour lui demander de faire part de ses observations.

État partie

Serbie

Affaire

Nikolić et consorts , n o 174/2000

Nationalité et pays de renvoi, le cas échéant

Sans objet

Date d’adoption des constatations

24 novembre 2005

Questions soulevées et violations constatées

Absence d’enquête − articles 12 et 13

Mesures provisoires demandées et réponse de l’État partie

Sans objet

Réparation recommandée

Renseignements sur les mesures prises pour donner effet aux constatations du Comité, en particulier sur l’ouverture d’une enquête impartiale sur les circonstances du décès du fils du requérant.

Date fixée pour la réponse de l’État partie

27 février 2006

Date de la réponse

Néant

Réponse de l’État partie

Aucune

Commentaires du requérant

Le 27 avril 2009, le requérant a fait savoir que le 2 mars 2006 le Ministre de la justice avait adressé aux services du procureur de district une lettre dans laquelle il insistait sur le caractère contraignant des décisions du Comité et demandait que soit engagée une «procédure appropriée en vue d’éclaircir les circonstances dans lesquelles Nikola Nikolić avait perdu la vie». Le 12 avril 2006, les services du procureur de district avaient demandé au juge d’instruction du tribunal de district de Belgrade de faire établir un nouveau rapport médico-légal pour déterminer la cause du décès de la victime. Le 11 mai 2006, la chambre d’appel du tribunal de district avait rendu une décision par laquelle elle rejetait la demande au motif que la cause du décès avait été établie avec suffisamment de précision dans le rapport en date du 27 novembre 1996 à la Commission d’experts de la faculté de médecine de Belgrade ainsi que dans un rapport postérieur. Le 27 décembre 2007, les services du procureur de district avaient introduit auprès de la Cour suprême un recours extraordinaire appelé «requête aux fins de protéger la légalité» pour contester la décision du tribunal de district. Le 14 novembre 2008, la Cour suprême avait rejeté la requête, estimant qu’elle n’était pas fondée. Le requérant considérait par conséquent que l’État partie n’avait pas exécuté la décision du Comité et était responsable d’une nouvelle violation de l’article 13.

Décision du Comité

Le Comité considère que le dialogue se poursuit. Un rappel a été adressé à l’État partie en avril 2011 pour lui demander de faire part de ses observations.

État partie

Serbie

Affaire

Dimitrijevic , n o 207/2002

Nationalité et pays de renvoi, le cas échéant

Serbe

Date d’adoption des constatations

24 novembre 2004

Questions soulevées et violations constatées

Torture et absence d’enquête − article 2 (par. 1), lu conjointement avec les articles 1er, 12, 13 et 14

Mesures provisoires demandées et réponse de l’État partie

Aucune

Réparation recommandée

Mener une enquête en bonne et due forme sur les faits allégués par le requérant.

Date fixée pour la réponse de l’État partie

Février 2005

Date de la réponse

Néant

Réponse de l’État partie

Aucune

Commentaires du requérant

Le 1er septembre 2005, le représentant du requérant a informé le Comité qu’il ressortait des vérifications qu’il venait d’effectuer que rien n’indiquait que l’État partie avait ouvert une enquête sur les faits allégués.

Décision du Comité

Le Comité considère que le dialogue se poursuit. Un rappel a été adressé à l’État partie en avril 2011 pour lui demander de faire part de ses observations.

État partie

Serbie

Affaire

Osmani, n o 261/2005

Nationalité et pays de renvoi, le cas échéant

Sans objet

Date d’adoption des constatations

8 mai 2009

Questions soulevées et violations constatées

Peine ou traitement cruel, inhumain ou dégradant; absence d’enquête immédiate et impartiale; absence de réparation − articles 16 (par. 1), 12 et 13

Mesures provisoires demandées et réponse de l’État partie

Sans objet

Réparation recommandée

L’État partie est vivement engagé à mener une enquête en bonne et due forme sur les faits survenus le 8 juin 2000, en vue de poursuivre et de punir les responsables, et à accorder une réparation au requérant, sous la forme d’une indemnisation équitable et appropriée.

Date fixée pour la réponse de l’État partie

12 août 2009

Date de la réponse

Néant

Réponse de l’État partie

Aucune

Commentaires du requérant

Sans objet

Décision du Comité

Le Comité considère que le dialogue se poursuit. Un rappel a été adressé à l’État partie en avril 2011 pour lui demander de faire part de ses observations.

État partie

Espagne

Affaire

Blanco Abad, n o 59/1996

Nationalité et pays de renvoi, le cas échéant

Espagnole

Date d’adoption des constatations

14 mai 1998

Questions soulevées et violations constatées

Absence d’enquête − articles 12 et 13

Mesures provisoires demandées et réponse de l’État partie

Aucune

Réparation recommandée

Mesures appropriées

Date fixée pour la réponse de l’État partie

Aucune

Date de la réponse

Dernière réponse en date le 25 mai 2009 (réponse précédente le 23 janvier 2008)

Réponse de l’État partie

Le 23 janvier 2008, l’État partie a indiqué qu’il avait déjà communiqué des informations au titre du suivi de cette affaire en septembre 1998.

Le 25 mai 2009, l’État partie a indiqué que, comme suite à la décision du Comité, l’administration pénitentiaire devait toujours transmettre immédiatement au tribunal toute information sur l’état de santé des détenus, afin que les juges puissent immédiatement donner la suite appropriée. Cette mesure a été prise pour répondre aux préoccupations du Comité, signalées au paragraphe 8.4 de la décision, selon lesquelles dans cette affaire le juge aurait attendu trop longtemps pour donner suite aux rapports médicaux montrant que le requérant avait subi des mauvais traitements. La décision a été transmise à tous les juges pour information, ainsi qu’au bureau du procureur qui a élaboré le projet de directives à l’intention de tous les procureurs, aux termes duquel l’appareil judiciaire devrait donner suite à toutes les allégations de torture. Les directives elles-mêmes n’ont pas été communiquées.

Commentaires du requérant

Aucun

Décision du Comité

Le Comité considère que le dialogue se poursuit. Un rappel a été adressé au requérant en avril 2011 pour lui demander de faire part de ses commentaires.

État partie

Espagne

Affaire

Urra Guridi, n o 212/2002

Nationalité et pays de renvoi, le cas échéant

Espagnole

Date d’adoption des constatations

17 mai 2005

Questions soulevées et violations constatées

Absence de mesures pour prévenir et punir des actes de torture et assurer une réparation − articles 2, 4 et 14

Mesures provisoires demandées et réponse de l’État partie

Aucune

Réparation recommandée

L’État partie est instamment invité à faire en sorte, dans la pratique, que les responsables des actes de torture soient dûment punis et d’assurer au requérant une réparation complète.

Date fixée pour la réponse de l’État partie

18 août 2005

Date de la réponse

23 janvier 2008

Réponse de l’État partie

L’État partie a indiqué que cette affaire concernait des faits pour lesquels des agents des forces de sécurité espagnoles avaient été condamnés pour crime de torture et par la suite partiellement graciés par le Gouvernement. La décision n’est pas susceptible de recours. La responsabilité civile a été établie et le requérant a été indemnisé compte tenu du préjudice subi. Entre autres mesures prises pour mettre en œuvre la décision, l’État partie a fait connaître la teneur de la décision à différentes autorités, dont le Président du Tribunal suprême, le Président du Conseil de la magistrature et le Président du Tribunal constitutionnel.

Commentaires du requérant

Dans une lettre du 4 juin 2009, le requérant a repris l’argument exposé dans sa requête, soulignant que le fait de gracier les auteurs d’actes de torture conduit à l’impunité et favorise la répétition de la torture. Il fournit des informations d’ordre général sur le fait que l’État partie continue de ne pas enquêter sur les allégations de torture et sur le fait que les auteurs d’actes de torture sont rarement poursuivis. De fait, de l’avis du requérant, ces personnes sont souvent récompensées dans leur carrière et certaines sont promues à la lutte contre le terrorisme, y compris celles qui ont été reconnues coupables d’avoir torturé le requérant. Manuel Sánchez Corbi (une des personnes reconnues coupables d’avoir torturé le requérant) a été promu au grade de commandant et a été chargé de la coordination de la lutte contre le terrorisme avec la France. José María de las Cuevas a été intégré à l’action des Gardes civils et a été nommé représentant de la police judiciaire. Il a représenté le Gouvernement dans de nombreuses instances internationales, et a notamment reçu la délégation du Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants en 2001, alors qu’il a été lui-même condamné pour avoir torturé le requérant.

Décision du Comité

Le Comité considère que le dialogue se poursuit. Un rappel a été adressé à l’État partie en avril 2011 pour lui demander de faire part de ses observations.

État partie

Suède

Affaire

Agiza , n o 233/2003

Nationalité et pays de renvoi, le cas échéant

Égyptienne; Égypte

Date d’adoption des constatations

20 mai 2005

Questions soulevées et violations constatées

Expulsion − article 3 (double violation, fond et procédure) et article 22 (double violation)

Mesures provisoires demandées et réponse de l’État partie

Aucune

Réparation recommandée

Conformément au paragraphe 5 de l’article 112 de son règlement intérieur (CAT/C/3/Rev.4), le Comité a demandé à l’État partie de l’informer, dans un délai de quatre-vingt-dix jours à compter de la date de la transmission de la présente décision, des mesures qu’il aurait prises comme suite aux constatations énoncées plus haut. L’État partie est aussi tenu d’éviter que des violations similaires ne se reproduisent.

Date fixée pour la réponse de l’État partie

20 août 2005

Date de la réponse

Dernières informations reçues le 7 décembre 2009 (réponses précédentes les 18 août 2005 (rapport annuel du Comité, A/61/44), 1er septembre 2006 (rapport annuel du Comité, A/62/44), 25 mai et 5 octobre 2007, et 16 décembre 2008).

Réponse de l’État partie

Le Comité se souviendra de la réponse adressée par l’État partie au titre de la procédure de suivi, dans laquelle il mentionnait entre autres mesures la promulgation d’une nouvelle loi sur les étrangers et la surveillance continue du requérant exercée par le personnel de l’ambassade de Suède au Caire. Voir le rapport annuel A/61/44 pour un compte rendu complet de sa réponse.

Le 1er septembre 2006, l’État partie a communiqué des renseignements à jour sur sa surveillance du requérant. Il a indiqué que le personnel de l’ambassade avait rendu sept autres visites à M. Agiza, lequel s’était montré constamment de bonne humeur et avait reçu régulièrement en prison des visites de sa mère et de son frère. Son état de santé était stable et il se rendait à l’hôpital Manial une fois par semaine pour suivre un traitement de physiothérapie. Le personnel de l’ambassade lui avait rendu visite à 39 reprises et poursuivrait ses visites.

Commentaires du requérant

Le 31 octobre 2006, le conseil du requérant a répondu à la communication de l’État partie. Il a indiqué qu’il avait rencontré l’Ambassadeur de Suède, à l’ambassade, le 24 janvier 2006. Lors de cette rencontre, le conseil a souligné qu’il était essentiel que l’ambassade poursuive ses visites aussi régulièrement que jusque-là. Le conseil a demandé à l’État partie d’envisager d’ouvrir un nouveau procès en Suède ou d’autoriser le requérant à y purger sa peine d’emprisonnement, mais l’État partie a répondu qu’aucune mesure de ce genre n’était possible. En outre, des demandes d’indemnisation à titre gracieux avaient été rejetées et il avait été suggéré de déposer une plainte officielle au titre de la loi sur les indemnisations. C’est ce qui avait été fait. Selon le conseil, la surveillance exercée par l’État partie était satisfaisante, mais globalement son action était insuffisante en ce qui concernait la demande de contact avec la famille en Suède, le nouveau procès, etc.

Réponse de l’État partie

Le 25 mai 2007, l’État partie a indiqué que le requérant avait reçu cinq visites supplémentaires, ce qui portait le total à 44 visites. Ses conditions de vie et son état de santé demeuraient inchangés. Il avait eu une fois l’autorisation de téléphoner à sa femme et à ses enfants et sa mère lui avait rendu visite plusieurs fois. Son père était décédé en décembre 2006, mais il n’avait pas reçu l’autorisation de se rendre à l’enterrement. Au début de 2007, M. Agiza avait demandé un permis de résidence permanente en Suède ainsi qu’une indemnisation. Le Gouvernement a chargé le Ministère de la justice de rechercher un accord avec M. Agiza au sujet de l’indemnisation. La demande de permis de séjour est traitée par le Conseil des migrations.

Commentaires du requérant

Le 20 juillet 2007, le conseil a fait savoir que les rencontres entre M. Agiza et le personnel de l’ambassade de Suède avaient lieu en présence de surveillants de la prison et qu’elles étaient enregistrées sur bande vidéo. Les surveillants avaient ordonné à M. Agiza de n’exprimer aucune critique sur les conditions carcérales sous peine d’être transféré dans une prison située dans une région reculée. En outre, le traitement médical qu’il recevait était insuffisant et il souffrait, entre autres choses, de problèmes neurologiques qui faisaient qu’il avait des difficultés à contrôler ses mains et ses jambes et à uriner, et il souffrait d’un problème articulaire à un genou. L’État partie avait annulé la décision d’expulsion le 18 décembre 2001, mais le Conseil des migrations et le Ministère de la justice n’avaient encore pris aucune décision.

Réponse de l’État partie

Le 5 octobre 2007, l’État partie a fait savoir que M. Agiza avait reçu deux nouvelles visites, le 17 juillet et le 19 septembre 2007, respectivement. M. Agiza avait continué de répéter qu’il se sentait bien, se plaignant toutefois de ne pas recevoir en été un traitement médical suffisamment fréquent. Cette situation semblait s’être de nouveau améliorée. Les représentants de l’ambassade avaient rendu 46 visites à M. Agiza en prison. Ces visites continuaient. En outre, il était impossible pour l’instant de savoir quand le Conseil des migrations et le Ministère de la justice pourraient conclure les affaires concernant M. Agiza.

L’État partie a donné des renseignements actualisés à l’occasion de l’examen de son troisième rapport périodique, à la quarantième session du Comité qui s’est tenue du 28 avril au 16 mai 2008. Il a indiqué que le Ministère de la justice était saisi d’une demande de réparation présentée par le requérant pour violation des droits qu’il tenait de la Convention.

Le 16 décembre 2008, l’État partie a fait savoir que des membres de l’ambassade de Suède au Caire continuaient de rendre régulièrement visite au requérant en prison, la cinquante-troisième visite ayant eu lieu en novembre 2008. La famille du requérant devait lui rendre visite en décembre, et il a eu plusieurs fois la possibilité de parler à ses proches avec un téléphone portable mis à sa disposition par l’ambassade.

L’État partie a fait savoir au Comité qu’une indemnisation d’un montant de 3 097 920 couronnes suédoises (379 485,20 dollars É.-U.) a été versée à l’avocat du requérant le 27 octobre 2008 comme suite à un accord conclu entre le Ministère de la justice et le requérant. Cette indemnisation a été versée à titre de règlement complet et définitif, compte non tenu du préjudice moral subi en raison d’une violation de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme, d’un éventuel préjudice découlant d’une violation de l’article 6 de ladite convention et d’une éventuelle perte de revenus. Le Ministère a décidé que, puisque la responsabilité des faits considérés était en partie imputable aux services de la police suédoise de sécurité, ceux-ci devraient payer une partie de l’indemnité accordée (250 000 couronnes).

La demande de permis de séjour présentée par le requérant a été rejetée par le Conseil des migrations le 9 octobre 2007, puis par la cour d’appel chargée des questions de migration le 25 février 2008. L’un et l’autre organes ont estimé que les conditions préalables à l’octroi d’un permis de séjour n’étaient pas réunies puisqu’il fallait que le requérant ait non seulement l’intention, mais aussi la possibilité réelle de venir s’installer dans le pays et que le requérant continuait d’exécuter une peine de prison en Égypte. Le recours formé auprès du Gouvernement est toujours pendant.

Commentaires du requérant

Le 20 janvier 2009, le conseil du requérant a confirmé que l’État partie avait versé l’indemnisation ordonnée. Au sujet du permis de séjour, il indiquait que même si M. Agiza n’était pas en mesure de se prévaloir immédiatement d’un permis de séjour, l’octroi de ce permis représenterait un grand soulagement moral pour lui-même et sa famille, et réparerait en grande partie le préjudice subi.

Réponse de l’État partie

Le 7 décembre 2009, l’État partie a déclaré que, suite à la décision rendue le 9 octobre 2007 par le Conseil des migrations et à l’arrêt rendu le 25 février 2008 par la cour d’appel chargée des questions de migration, le Gouvernement s’était prononcé le 19 novembre 2009 sur la nouvelle demande de permis de séjour présentée par le requérant. Cette demande avait été déposée en vertu de la nouvelle loi sur les étrangers, adoptée en 2005. Le Gouvernement avait conclu que l’article 4 du chapitre 5 était applicable à cette demande. Ledit article se lit comme suit: «Si un organe international habilité à examiner des plaintes présentées par des particuliers a conclu que, dans une affaire donnée, une décision de non-admission ou d’expulsion était contraire à un engagement contracté par la Suède au titre d’une convention, un permis de séjour doit être accordé à la personne visée par la décision, sauf motifs exceptionnels justifiant que soit refusé l’octroi du permis de séjour.». Après avoir largement consulté les services de sécurité suédois, le Gouvernement avait conclu qu’il existait des motifs exceptionnels, liés à des questions de sécurité nationale, justifiant que l’octroi d’un permis de séjour soit refusé à M. Agiza. Le Gouvernement avait notamment estimé que «les activités qu’avait menées le requérant étaient d’une nature si grave qu’il y avait lieu de craindre qu’il n’entreprenne des activités similaires, menaçant la sécurité nationale de la Suède, si un permis de séjour lui était accordé».

L’ambassade de Suède continuait de rendre fréquemment visite au requérant pour surveiller sa situation en prison. À la date de la réponse de l’État partie, 58 visites avaient été effectuées − la dernière remontait au 18 octobre 2009. Le requérant avait maintes fois déclaré qu’il allait bien. Son traitement semblait de nouveau se dérouler de manière satisfaisante et il recevait les médicaments nécessaires. Il s’était plaint des conditions pendant son transport à l’hôpital, qu’il qualifiait d’inconfortables et fatigantes. Il s’était aussi plaint de ce qu’un garde de sécurité avait menacé de l’abattre s’il tentait de s’enfuir pendant son transport à l’hôpital. Il avait également indiqué que son avocat envisageait de demander une nouvelle fois sa libération pour raisons de santé. L’État partie fait observer qu’il y avait d’importantes contradictions entre cette description du traitement et de l’état de santé du requérant et celle faite par celui-ci et sa mère aux représentants de l’ambassade. Le service de sécurité avait officieusement rejeté l’affirmation selon laquelle le requérant avait été menacé, ainsi que l’affirmation de sa mère indiquant qu’il avait subi des mauvais traitements.

Compte tenu des efforts qu’il a déployés jusqu’à présent pour appliquer la décision rendue en l’espèce, l’État partie indique qu’il ne prendra aucune autre mesure et qu’il considère cette affaire comme close dans le cadre de la procédure de suivi.

Autres mesures prises/à prendre

À l’issue de sa quarante-deuxième session, le Comité a décidé qu’il convenait de rappeler à l’État partie son obligation de réparer la violation de l’article 3. L’État partie devrait également accorder une attention particulière à la demande de permis de séjour du requérant.

Décision du Comité

Le Comité considère que le dialogue se poursuit. Une demande d’informations actualisées sur l’affaire a été adressée à l’État partie en avril 2011.

État partie

Suède

Affaire

Njamba et Balikosa , n o 322/2007

Nationalité et pays de renvoi, le cas échéant

Congolaise; République démocratique du Congo

Date d’adoption des constatations

14 mai 2010

Questions soulevées et violations constatées

Violation de l’article 3; il existe des motifs sérieux de croire que les requérantes risquaient d’être soumises à la torture en République démocratique du Congo au regard des preuves relatives à l’incidence de la violence sexuelle dans le pays.

Réparation recommandée

L’État partie est instamment prié, conformément au paragraphe 5 de l’article112 du règlement intérieur du Comité (CAT/C/3/Rev.4), de l’informer, dans un délai de quatre-vingt-dix jours à compter de la date de la transmission de la présente décision, des mesures qu’il aura prises en réponse à cette décision.

Date fixée pour la réponse de l’État partie

25 novembre 2010

Date de la réponse

27 juillet 2010

Réponse de l’État partie

Le 27 juillet 2010, l’État partie a fait savoir que le 9 juin 2010 le Conseil des migrations avait accordé aux requérantes un permis de séjour permanent et a adressé au Comité copie des décisions correspondantes. L’État partie a indiqué qu’il ne prendrait aucune autre mesure et qu’il considérait l’affaire comme close dans le cadre de la procédure de suivi.

Décision du Comité

À sa prochaine session, le Comité examinera s’il y a lieu de mettre fin au dialogue engagé avec l’État partie au titre de la procédure de suivi.

État partie

Suède

Affaire

Aytulun et Güclü, n o 373/2009

Nationalité et pays de renvoi, le cas échéant

Turque; Turquie

Date d’adoption des constatations

19 novembre 2010

Questions soulevées et violations constatées

Risque de renvoi forcé − article 3

Mesures provisoires demandées et réponse de l’État partie

Demandées

Réparation recommandée

Conformément au paragraphe 5 de l’article 112 de son règlement intérieur (CAT/C/3/Rev.4), le Comité souhaite recevoir, dans un délai de quatre-vingt-dix jours, des renseignements sur les mesures que l’État partie aura prises pour donner suite aux présentes constatations.

Date fixée pour la réponse de l’État partie

1er avril 2011

Date de la réponse

22 février 2011

Réponse de l’État partie

L’État partie a informé le Comité que le 21 février 2011 le Conseil des migrations avait accordé aux requérants un permis de séjour temporaire valable jusqu’au 1er novembre 2011 avec possibilité de prorogation. Les requérants ne pourraient pas être expulsés de Suède tant que leur permis de séjour serait valable ou que leur renouvellement serait à l’examen. Le Conseil des migrations a estimé que M. Aytulun n’était pas admis au bénéfice du statut de réfugié ni au bénéfice de la protection subsidiaire en raison des activités qu’il avait exercées avant son arrivée en Suède.

L’État partie estime avoir apporté les informations requises aux fins du suivi, et invite par conséquent le Comité à clore l’examen de l’affaire au titre de la procédure de suivi.

Décision du Comité

Les observations de l’État partie ont été transmises aux requérants le 22 février 2011. Le Comité considère que le dialogue se poursuit.

État partie

Tunisie

Affaire

M’Barek, n o 60/1996

Nationalité et pays de renvoi, le cas échéant

Tunisienne

Date d’adoption des constatations

10 novembre 2004

Questions soulevées et violations constatées

Absence d’enquête − articles 12 et 13

Mesures provisoires demandées et réponse de l’État partie

Aucune

Réparation recommandée

Le Comité invite l’État partie à l’informer, dans un délai de quatre‑vingt-dix jours, des mesures qu’il aura prises en réponse à ses observations.

Date fixée pour la réponse de l’État partie

22 février 2000

Date de la réponse

Dernière réponse en date le 27 août 2009 (réponses précédentes le 15 avril 2002 et les 23 février et 24 et 27 août 2009)

Réponse de l’État partie

Voir le premier rapport sur les activités de suivi. L’État partie a contesté la décision du Comité. À sa trente‑troisième session, le Comité a recommandé au Rapporteur pour le suivi des décisions au sujet des requêtes d’organiser une réunion avec un représentant de l’État partie.

Commentaires du requérant

Le 27 novembre 2008, le requérant a notamment informé le Comité qu’une demande officielle d’exhumation du corps du défunt avait été déposée auprès de l’autorité judiciaire mais que depuis mai 2008, il n’avait reçu aucun renseignement quant à la suite donnée à sa demande. Il demandait au Rapporteur pour le suivi de continuer d’examiner avec l’État partie la question de la mise en œuvre de la décision du Comité.

Réponse de l’État partie

Le 23 février 2009, l’État partie a commenté les informations contenues dans la lettre du requérant datée du 27 novembre 2008. Il a informé le Comité qu’il ne pouvait pas accéder à la demande du requérant d’exhumer le corps, étant donné que la question avait déjà été examinée par les autorités et qu’aucune information nouvelle justifiant cette exhumation n’était venue au jour. Sur le plan pénal, l’État partie exposait à nouveau les arguments qu’il avait présentés avant que le Comité ne prenne sa décision, selon lesquels une procédure avait été ouverte à trois reprises, la dernière faisant suite à l’enregistrement de la communication adressée au Comité: à chaque fois, en l’absence de preuves suffisantes, l’affaire avait été classée. Concernant la procédure civile, l’État partie a réaffirmé sa position selon laquelle le père du défunt avait engagé une action civile et avait été indemnisé pour le décès de son fils survenu à la suite d’un accident de la circulation. Rouvrir une enquête dont la conclusion avait été que le décès était dû à un homicide involontaire dû à un accident de la circulation et ayant donné lieu à une action civile irait à l’encontre du principe de «l’autorité de la chose jugée».

Commentaires du requérant

Le 3 mai 2009, le requérant a commenté les observations de l’État partie en date du 23 novembre 2009. Il a indiqué qu’il ignorait avant d’avoir lu la réponse de l’État partie que la demande d’exhumation du corps avait été rejetée. Il a déclaré que l’État partie ne tenait aucunement compte de la décision du Comité et de la recommandation qui y figurait. Il n’était pas surprenant que le Ministre de la justice parvienne à une telle conclusion, étant donné qu’il était directement impliqué par le Comité dans sa décision. Le requérant a fait valoir que la recommandation formulée par le Comité dans sa décision était claire et que l’exhumation du corps, suivie d’une nouvelle autopsie en présence de quatre médecins internationaux, serait une juste réponse à cette recommandation. Il a prié le Comité de déclarer que l’État partie avait délibérément et illégitimement refusé de rechercher la cause réelle du décès et de mettre en œuvre la décision, de la même manière qu’il avait violé les articles 12 et 14. Il a demandé qu’une indemnisation équitable soit versée à la famille de la victime (sa mère et ses frères, le père étant décédé entre-temps) au titre du préjudice psychologique et moral subi.

Réponse de l’État partie

Le 24 août 2009, l’État partie a réitéré son argument précédent, affirmant que la question de l’exhumation du corps ne pouvait être réexaminée en vertu de l’article 121 du Code pénal. Toutefois, il a indiqué que, pour surmonter cette difficulté légale, le Ministre de la justice et des droits de l’homme, se prévalant des articles 23 et 24 du Code pénal, avait prié le Procureur de la cour d’appel de Nabeul de se charger de la procédure et de prendre les mesures nécessaires pour déterminer les causes du décès, y compris la demande d’exhumation du corps et la demande de nouveau rapport médico-légal.

Le 27 août 2009, l’État partie a informé le Comité que la procédure en question avait été confiée au juge du tribunal de première instance de Grombalia et enregistrée sous le numéro 27227/1.

Commentaires du requérant

Le 7 septembre 2009, le requérant a accueilli avec satisfaction l’initiative prise par l’État partie d’établir la cause du décès et a estimé que les nouvelles mesures adoptées par l’État partie constituaient un tournant dans l’enquête. Cependant, il s’est dit préoccupé par le flou qui entourait les intentions de l’État partie concernant les détails de l’exhumation judiciaire. Le requérant a rappelé à l’État partie que toute exhumation devrait se faire dès le début en présence de la totalité ou de certains des quatre médecins internationaux qui s’étaient déjà prononcés sur l’affaire devant le Comité, ce qui, d’après le requérant, était prévu dans la décision du Comité. Toute mesure prise unilatéralement par l’État partie concernant la dépouille serait considérée comme suspecte. Le requérant a prié le Comité de rappeler à l’État partie les obligations sans lesquelles une exhumation n’aurait aucune crédibilité. Enfin, le requérant a remercié le Comité de sa précieuse assistance et de son rôle dans l’évolution prometteuse des événements.

Consultations avec l’État partie

Le 13 mai 2009, le Rapporteur pour le suivi des décisions au sujet des requêtes s’est entretenu avec l’Ambassadeur de la Mission permanente de la suite donnée aux décisions du Comité. Le Rapporteur a rappelé à l’Ambassadeur que l’État partie avait contesté les conclusions du Comité dans quatre des cinq affaires le concernant et n’avait pas répondu aux demandes d’informations dans le cadre du suivi dans la cinquième affaire, l’affaire Ben Salem (no 269/2005).

Concernant l’affaire no 291/2006, pour laquelle l’État partie avait récemment demandé un réexamen, le Rapporteur a expliqué qu’il n’existait aucune procédure dans la Convention ou dans le règlement intérieur, qui permette le réexamen des affaires. En ce qui concernait l’affaire no 60/1996, le Rapporteur a informé l’État partie que le Comité avait décidé à sa quarante-deuxième session qu’il prierait l’État partie d’exhumer le corps du requérant. Le Rapporteur a rappelé à l’Ambassadeur que l’État partie n’avait toujours pas apporté de réponse satisfaisante aux décisions du Comité dans les affaires no 188/2001 et no 189/2001.

Pour chacune de ces affaires, l’Ambassadeur a donné de nouveau des arguments détaillés (dont la plupart ont été communiqués par l’État partie) pour expliquer pourquoi l’État partie contestait les décisions du Comité. En particulier, dans la plupart des cas, les arguments portaient sur la question de la recevabilité pour non-épuisement des recours internes. Le Rapporteur a indiqué qu’une note verbale serait envoyée à l’État partie, rappelant notamment la position du Comité sur la question de la recevabilité.

Renseignements supplémentaires

Le 25 octobre 2010, dans une lettre concernant l’affaire no 60/1996, la Coalition des organisations non gouvernementales internationales contre la torture (CINAT) a indiqué que grâce aux efforts du Comité contre la torture l’État partie avait accepté en 2009 de rouvrir l’affaire Baraket et d’exhumer la dépouille afin que les preuves médicales puissent être réévaluées. La CINAT a signalé néanmoins que plus d’un an après que l’État partie a pris cet engagement, aucun progrès n’a été fait. La CINAT a proposé que le Comité effectue une visite en Tunisie pour voir où en était la situation dans cette affaire ainsi que dans les autres affaires mettant en cause la Tunisie. Elle craignait que si le Comité ne prenait pas de mesures, par exemple en fixant à l’intention de l’État partie une date limite pour agir, celui-ci ne continue à «noyer le poisson et à cacher la vérité» comme il l’avait fait ces vingt dernières années.

Renseignements supplémentaires reçus de l’ État partie

Le 26 décembre 2010 l’État partie a fait valoir que la CINAT n’était pas et n’avait jamais été partie à l’affaire Baraket, qu’elle n’était pas non plus partie à la présente communication et que le requérant ne l’avait pas autorisée à agir comme telle. Par conséquent, la lettre de la CINAT devait être considérée comme irrecevable.

L’État partie a en outre communiqué des informations concernant les progrès réalisés dans l’enquête sur l’affaire Baraket. Le 9 octobre 2009, le juge du tribunal de première instance de Grombalia avait convoqué les trois experts médicaux qui avaient établi le rapport sur les causes de la mort de M. Baraket en 1993. Aucun d’eux ne s’était présenté. Le juge les avait de nouveau convoqués, mais aucun des médecins spécialistes ne s’était présenté à l’audience dont la date avait été fixée au 18 mars 2010. Apparemment, deux des médecins étaient décédés et il avait été impossible de remettre la convocation au troisième en mains propres. Le 20 mai 2010, le juge avait convoqué le troisième médecin pour une audience fixée au 21 juillet 2010, à laquelle l’expert s’était rendu. Il avait insisté sur le fait que le rapport d’autopsie concernant M. Baraket que les experts avaient établi en octobre 1991 ne faisait nulle part mention de lésions laissant supposer que la victime avait été violée. L’expert avait également affirmé que l’exhumation ne serait d’aucune utilité pour préciser ce fait en raison du temps qui s’était écoulé. Le juge a donc décidé de ne pas ordonner l’exhumation du corps.

Le 15 décembre 2010, le Procureur général a fait appel de la décision du juge de ne pas ordonner l’exhumation auprès de la cour d’appel de Nabeul (appel no 8021). La cour d’appel a décidé qu’elle examinerait le recours le 3 février 2011.

L’État partie estime que tout ce qui précède montre que les autorités tunisiennes sont résolues à donner effet à la décision du Comité.

Renseignements supplémentaires reçus du requérant

Le 21 février 2011, le requérant a fait savoir qu’il souscrivait à l’objection formulée par l’État partie au sujet de l’intervention de la CINAT.

Il a ajouté qu’à la lumière des événements récents survenus dans l’État partie il avait l’intention de se rendre à Tunis pour tenter d’obtenir réparation et solliciter l’intervention du Ministère de la justice.

Autres mesures prises

À sa quarante-deuxième session, le Comité a décidé qu’il demanderait officiellement à l’État partie de faire exhumer le corps.

À sa quarante-troisième session, le Comité a décidé de remercier par écrit l’État partie d’avoir fourni des informations encourageantes dans ses lettres du 24 et du 27 août 2009 sur la suite donnée à cette affaire, et en particulier de se montrer disposé à ordonner l’exhumation du corps. Il a demandé à l’État partie des précisions sur la question de savoir si l’exhumation avait déjà été ordonnée et, dans l’affirmative, sur les modalités de cette exhumation. Il a aussi rappelé à l’État partie que l’obligation qui lui est faite en vertu des articles 12 et 13 de la Convention de procéder à une enquête impartiale suppose qu’il veille à ce que toute exhumation soit conduite de manière impartiale en présence d’experts internationaux indépendants.

Décision du Comité

Le Comité considère que le dialogue se poursuit. Une demande d’informations actualisées sur l’affaire a été adressée à l’État partie en avril 2011.

État partie

Tunisie

Affaire

Thabti, n o 187/2001, et Abdelli, n o  188/2001

Nationalité et pays de renvoi, le cas échéant

Tunisienne

Date d’adoption des constatations

20 novembre 2003

Questions soulevées et violations constatées

Absence d’enquête − articles 12 et 13

Mesures provisoires demandées et réponse de l’État partie

Aucune

Réparation recommandée

Enquêter sur les allégations de torture et de mauvais traitements des requérants et informer le Comité, dans un délai de quatre‑vingt-dix jours à compter de la date de la transmission de la décision, des mesures prises en réponse aux constatations du Comité.

Date fixée pour la réponse de l’État partie

23 février 2004

Dates de la réponse

16 mars 2004 et 26 avril 2006

Réponse de l’État partie

Voir le premier rapport sur les activités de suivi. Le 16 mars 2004, l’État partie a contesté la décision du Comité. À sa trente-troisième session, le Comité a demandé au Rapporteur pour le suivi des décisions au sujet des requêtes de rencontrer un représentant de l’État partie. Un entretien a eu lieu et est résumé ci-après. Le 26 avril 2006, l’État partie a envoyé une réponse complémentaire, dans laquelle il mettait en doute les motivations réelles des auteurs des trois requêtes (no 187/2001, no 188/2001 ainsi que no 189/2001, qui a été retirée depuis). Il réitérait son argumentation antérieure, estimant que le retrait de la requête no 189/2001 confirmait que ces requêtes constituaient un abus de procédure, que les requérants n’avaient pas épuisé les recours internes et que l’ONG qui les représentait n’était pas de bonne foi.

Commentaires du requérant

Le 8 août 2006, la lettre datée du 31 mai 2005 par laquelle l’auteur de la requête no 189/2001 retirait sa plainte a été envoyée aux requérants pour commentaires. Tous deux ont répondu le 12 décembre 2006, s’étonnant que le requérant ait «retiré» sa plainte sans donner de raison. Ils n’ont pas exclu que sa décision résulte de pressions exercées par les autorités tunisiennes. Ils ont insisté sur la légitimité de leur grief et encouragé le Comité à en continuer l’examen dans le cadre de la procédure de suivi.

Le 12 décembre 2006, après avoir reçu des deux autres requérants une copie de la lettre de «retrait» du premier requérant, en date du 31 mai 2005, le représentant de ce dernier s’est étonné de ce prétendu retrait, qu’il a attribué lui aussi à des pressions exercées sur le requérant et sa famille et à des menaces reçues des autorités de l’État partie. D’après lui, c’est évident vu la manière dont la requête a été retirée. Ce retrait ne change rien aux faits de la cause et n’exonère pas de leur responsabilité ceux qui ont torturé le requérant. Le représentant du requérant regrettait le retrait et encourageait le Comité à continuer d’examiner l’affaire dans le cadre de la procédure de suivi.

Consultations avec l’État partie

Le 25 novembre 2005, le Rapporteur pour le suivi des décisions au sujet des requêtes s’est entretenu avec l’Ambassadeur de Tunisie à propos des affaires no 187/2001, no 188/2001 et no 189/2001 (classée à la demande du requérant, voir Documents officiels de l’Assemblée générale, soixante-cinquième session, Supplément n o  44 (A/65/44), chap. VI, par. 232 et 233). Le Rapporteur a expliqué la procédure de suivi. Il a expliqué que chaque cas devrait être traité séparément et que le Comité avait demandé que des enquêtes soient effectuées. L’Ambassadeur a demandé pourquoi le Comité avait jugé approprié d’examiner l’affaire au fond alors que l’État partie était d’avis que les recours internes n’avaient pas été épuisés. Le Rapporteur a expliqué que le Comité avait estimé que les mesures mentionnées par l’État partie n’étaient pas efficaces, comme le montrait le fait qu’il n’y avait eu aucune enquête sur ces affaires plus de dix ans après que les allégations eurent été formulées.

L’Ambassadeur a confirmé qu’il transmettrait les préoccupations du Comité et sa demande d’enquête concernant les requêtes no187/2001 et no188/2001 à l’État partie et informerait le Comité de toute mesure qui serait prise.

Décision du Comité

Pour ce qui est des affaires no187/2001 et no188/2001, le Comité considère que le dialogue se poursuit. Une demande d’informations actualisées sur l’affaire a été adressée à l’État partie en avril 2011.

État partie

Tunisie

Affaire

Ben Salem, n o 269/2005

Nationalité et pays de renvoi, le cas échéant

Sans objet

Date d’adoption d es constatations

7 novembre 2007

Questions soulevées et violations constatées

Absence de mesures pour prévenir et réprimer les actes de torture; obligation de procéder immédiatement à une enquête impartiale; droit de porter plainte; droit d’obtenir une réparation juste et appropriée − articles 1, 12, 13 et 14

Réparation recommandée

Le Comité a engagé l’État partie à achever l’enquête sur les faits en vue de poursuivre en justice les personnes responsables du traitement du requérant, et à l’informer, dans un délai de quatre-vingt-dix jours à compter de la date de transmission de la décision, des mesures qu’il aurait prises conformément à la décision du Comité, y compris l’indemnisation du requérant.

Date fixée pour la réponse de l’État partie

26 février 2008

Date de la réponse

Néant

Réponse de l’État partie

Aucune

Commentaires du requérant

Le 3 mars 2008, le requérant a indiqué que, depuis la décision du Comité, il avait de nouveau été victime de mauvais traitements et de harcèlement de la part des autorités de l’État. Le 20 décembre 2007, il avait été jeté à terre et roué de coups de pied par des policiers, postés en permanence en faction devant son domicile, alors qu’il accueillait des amis et des collègues venus lui rendre visite. Ses blessures étaient telles qu’il avait dû être conduit à l’hôpital. Le lendemain, plusieurs ONG, dont l’Organisation mondiale contre la torture (OMCT) − qui représente le requérant −, ont condamné l’incident. Le requérant est désormais sous surveillance ininterrompue, privé de toute liberté de circulation et sans contact avec d’autres personnes. Sa ligne téléphonique est coupée régulièrement et ses adresses de courrier électronique sont surveillées et systématiquement détruites.

Hormis une comparution devant un juge du tribunal d’instance le 8 janvier 2008, au cours de laquelle le requérant a été entendu au sujet de sa plainte (déposée en 2000), aucune mesure n’a été prise pour donner suite à l’enquête sur cette affaire. En outre, le requérant ne voit pas de rapport entre la comparution du 8 janvier et l’application de la décision du Comité. Il indique qu’il est actuellement en très mauvaise santé et n’a pas assez d’argent pour payer ses frais médicaux et rappelle que le paiement des frais médicaux liés à la rééducation des victimes de la torture est considéré comme faisant partie des obligations en matière de réparation.

Consultations avec l’État partie

Des consultations ont été tenues entre le Représentant permanent et le Rapporteur pour le suivi des décisions au sujet des requêtes pendant la quarante-deuxième session.

Décision du Comité

Le Comité considère que le dialogue se poursuit. Une demande d’informations actualisées sur l’affaire a été adressée à l’État partie en avril 2011.

État partie

Tunisie

Affaire

Saadia Ali, n o 291/2006

Nationalité et pays de renvoi, le cas échéant

Sans objet

Date d’adoption des constatations

21 novembre 2008

Questions soulevées et violations constatées

Torture; droit à une enquête immédiate et impartiale; droit de porter plainte; droit à réparation − articles 1, 12, 13 et 14

Mesures provisoires demandées et réponse de l’État partie

Sans objet

Réparation recommandée

Le Comité a engagé l’État partie à achever l’enquête sur les faits en vue de poursuivre en justice les personnes responsables des actes dont la requérante avait été victime, et à l’informer, dans un délai de quatre-vingt-dix jours à compter de la date de transmission de la présente décision, des mesures qu’il aurait prises conformément à la décision du Comité, y compris l’indemnisation de la requérante.

Date fixée pour la réponse de l’État partie

24 février 2009

Date de la réponse

26 février 2009

Réponse de l’État partie

L’État partie s’est dit étonné de la décision du Comité étant donné que, selon lui, les recours internes n’avaient pas été épuisés. Il a exposé de nouveau les arguments qu’il avait avancés dans ses observations sur la recevabilité. Concernant la constatation du Comité selon laquelle ce qui avait été présenté par l’État partie comme des comptes rendus de l’audience préliminaire n’étaient que des résumés incomplets, l’État partie reconnaissait que ces procès-verbaux étaient confus et incomplets et a transmis l’intégralité des procès-verbaux en arabe afin que le Comité puisse les examiner.

En outre, l’État partie a informé le Comité que le 6 février 2009, le juge d’instruction avait rejeté la plainte de la requérante pour les raisons suivantes:

1.Tous les policiers que la requérante accusait niaient l’avoir maltraitée;

2.La requérante n’a pu identifier aucun de ses agresseurs présumés, à l’exception du policier censé avoir fait usage de la force pour l’emmener avant son arrestation, ce qui, en tout état de cause, ne constituerait pas un mauvais traitement;

3.Tous les témoins ont déclaré qu’elle n’avait pas été maltraitée;

4.L’un des témoins a affirmé que la requérante avait tenté de le suborner, lui demandant de faire une fausse déclaration à l’encontre de la police;

5.Le propre frère de la requérante a dit tout ignorer de l’agression alléguée et déclaré qu’à son retour de la prison la requérante ne présentait aucun signe donnant à penser qu’elle avait été maltraitée;

6.Une déposition du greffier du tribunal a confirmé que son sac lui avait été rendu intact;

7.Des contradictions ont été constatées dans la déclaration de la requérante concernant son certificat médical − elle a déclaré que l’incident s’était produit le 22 juillet 2004, alors que la date portée sur le certificat était le 23 juillet 2004;

8.Des contradictions ont été constatées dans les dépositions de la requérante, qui a déclaré lors de son entrevue avec le juge qu’elle n’avait pas porté plainte devant les autorités judiciaires tunisiennes alors qu’elle a affirmé par la suite avec insistance qu’elle avait déposé plainte par l’intermédiaire de son avocat, qu’elle n’a d’ailleurs pas reconnu lors de l’audience.

L’État partie a communiqué le texte de la loi en vertu de laquelle cette affaire a été classée; il mentionnait une autre plainte récemment déposée par la requérante par l’intermédiaire de l’Organisation mondiale contre la torture (OMCT) à l’encontre de fonctionnaires hospitaliers, et demandait au Comité de réexaminer ce cas.

Commentaires de la requérante

Le 2 juin 2009, la requérante a rappelé en détail les arguments qu’elle avait présentés dans les lettres qu’elle avait adressées au Comité avant que l’affaire soit examinée. Elle a fait valoir que son avocat avait tenté de porter plainte en son nom le 30 juillet 2004 mais que les autorités avaient refusé d’enregistrer la plainte. Elle estimait surprenant que l’État partie ait été incapable d’identifier et de localiser les suspects impliqués dans l’incident, sachant qu’il s’agit d’agents de l’État, et a affirmé que les autorités savaient qu’elle vivait en France à l’époque. Elle a fait valoir qu’elle coopérait avec les autorités de l’État et a nié que l’affaire soit démesurée et compliquée comme le laissait entendre l’État partie.

Concernant les minutes de l’audience préliminaire fournies par l’État partie, la requérante indique qu’il manque des paragraphes, sans qu’aucune explication ne soit donnée, que les minutes de l’audition de plusieurs témoins sont manquantes, et que certaines déclarations de témoins sont identiques (mot pour mot). L’authenticité de ces minutes est donc remise en cause. En outre, ces minutes ne sont fournies qu’en arabe.

La requérante indique également qu’au moins cinq témoins n’ont pas été entendus, qu’elle a formellement identifié ses agresseurs, que son frère n’était pas au courant de l’incident parce qu’elle ne lui en avait pas parlé, par honte, et que les contradictions relatives à la date de l’incident étaient dues à une simple erreur reconnue très rapidement. Elle nie avoir tenté de soudoyer un témoin.

Enfin, la requérante prie le Comité de ne pas réexaminer l’affaire et de demander à l’État partie d’accorder pleine réparation pour tous les préjudices subis, de rouvrir l’enquête et de poursuivre les personnes responsables.

Consultations avec l’État partie

Le 13 mai 2009, le Rapporteur pour le suivi des décisions au sujet des requêtes s’est entretenu avec un représentant de l’État partie. Au cours de cet entretien, il a précisé à l’État partie qu’il n’était pas prévu de réexaminer les requêtes quant au fond. La seule possibilité de réexamen prévue par la procédure instituée par l’article 22 concernait la recevabilité − dans les cas où le Comité déclare la requête irrecevable pour non-épuisement des recours et où, par la suite, le requérant épuise ces voies de recours (voir par. 2 de l’article 116 du règlement intérieur du Comité, CAT/C/3/Rev.5).

À sa quarante-troisième session, le Comité a décidé de rappeler à l’État partie (comme il était indiqué dans une note verbale en date du 8 juin 2009 adressée à l’État partie après la réunion avec le Rapporteur) que ni la Convention elle-même ni le règlement intérieur ne prévoient de procédure pour le réexamen des requêtes au fond. Il a également rappelé à l’État partie que la Convention lui faisait obligation d’offrir réparation à la requérante conformément à la décision du Comité.

Décision du Comité

Le Comité considère que le dialogue se poursuit. Une demande d’informations actualisées sur l’affaire a été adressée à l’État partie en avril 2011.

État partie

Venezuela (République bolivarienne du)

Affaire

Chipana, n o 110/1998

Nationalité et pays de renvoi, le cas échéant

Péruvienne; Pérou

Date d’adoption des constatations

10 novembre 1998

Questions soulevées et violations constatées

L’extradition de la requérante vers le Pérou a constitué une violation de l’article 3

Mesures provisoires demandées et réponse de l’État partie

Demandées; refusées par l’État partie

Réparation recommandée

Aucune

Date fixée pour la réponse de l’État partie

7 mars 1999

Date de la réponse

Dernière réponse en date le 9 octobre 2007 (réponses précédentes le 13 juin 2001 et le 9 décembre 2005)

Réponse de l’État partie

Le 13 juin 2001, l’État partie a exposé les conditions de détention de la requérante. Le 23 novembre 2000, l’Ambassadeur du Venezuela au Pérou et des représentants de l’administration péruvienne ont rendu visite à la requérante en prison et l’ont trouvée en bonne santé. En septembre 2000, elle avait été transférée du quartier de haute sécurité au quartier de «sécurité spéciale moyenne», où elle bénéficiait d’autres aménagements. Le 18 octobre 2001, l’État partie a rendu compte d’une visite effectuée auprès de la requérante en prison le 14 juin 2001, au cours de laquelle elle avait indiqué que ses conditions de détention s’étaient améliorées, qu’elle pouvait voir sa famille plus souvent et qu’elle avait l’intention de faire appel de sa condamnation. Elle avait été transférée du quartier de sécurité spéciale moyenne au quartier de «sécurité moyenne» où elle bénéficiait d’aménagements supplémentaires. Sa santé était bonne, mis à part le fait qu’elle souffrait de dépression. Elle n’avait subi aucuns mauvais traitements physiques ou psychologiques, recevait chaque semaine la visite de sa famille et participait dans la prison à des activités éducatives ou professionnelles.

Le 9 décembre 2005, l’État partie a informé le Comité que l’Ambassadeur du Venezuela au Pérou avait pris contact avec Mme Nuñez Chipana le 23 novembre 2005. La requérante a regretté que les autorités péruviennes aient refusé de laisser entrer son frère, venu du Venezuela pour lui rendre visite. Elle a indiqué qu’elle suivait un traitement médical, pouvait recevoir des visites de son fils et était soumise à un régime pénitentiaire imposant des restrictions minimales aux détenus. Elle a aussi indiqué qu’elle demanderait l’annulation du jugement et préparait une nouvelle demande en vertu de laquelle elle espérait être acquittée. L’État partie considérait qu’il avait donné suite à la recommandation tendant à veiller à ce que des violations analogues ne se reproduisent pas à l’avenir en adoptant en 2001 la loi sur les réfugiés, en vertu de laquelle la Commission nationale pour les réfugiés, récemment créée, traite désormais toutes les demandes de réfugiés potentiels et examine les cas d’expulsion. L’État partie a demandé au Comité de déclarer qu’il avait suivi ses recommandations et de le libérer de l’obligation de suivre la situation de la requérante au Pérou.

Le 9 octobre 2007, l’État partie a répondu à la demande d’informations du Comité concernant la nouvelle procédure engagée par la requérante. Il a indiqué que le Pérou n’avait pas demandé de modification des clauses de l’accord d’extradition, qui lui permettrait de poursuivre la requérante pour des crimes autres que ceux pour lesquels l’extradition avait été accordée (trouble à l’ordre public et appartenance au mouvement subversif du Sentier lumineux). Il n’a pas répondu au sujet de l’état d’avancement de la nouvelle procédure engagée par la requérante.

Commentaires de la requérante

Aucun

Décision du Comité

Le Comité considère que le dialogue se poursuit. Une demande d’informations actualisées sur l’affaire a été adressée à l’État partie en avril 2011.

VII.Sessions futures du Comité

124.Conformément à l’article 2 de son règlement intérieur, le Comité tient deux sessions ordinaires par an. En consultation avec le Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies, le Comité a arrêté les dates ci-après pour sa prochaine session ordinaire de 2011 et ses sessions ordinaires de 2012:

Quarante-septième session

31 octobre-25 novembre 2011

Quarante-huitième session

7 mai-1er juin 2012

Quarante-neuvième session

29 octobre-23 novembre 2012

Temps de réunion supplémentaire pour 2011 et 2012

125.Le Comité a accueilli avec satisfaction la résolution 65/204 de l’Assemblée générale, par laquelle celle-ci autorisait le Comité, à titre provisoire, à se réunir pendant une semaine supplémentaire à chacune de ses sessions à compter de mai 2011 jusqu’à fin novembre 2012, comme suite à la demande que le Comité avait faite à l’Assemblée de lui fournir un appui financier suffisant à cette fin. La semaine supplémentaire est comprise dans les dates des sessions futures du Comité indiquées plus haut.

VIII.Adoption du rapport annuel du Comité sur ses activités

126.Conformément à l’article 24 de la Convention, le Comité soumet aux États parties et à l’Assemblée générale un rapport annuel sur ses activités. Comme le Comité tient chaque année sa seconde session ordinaire à la fin du mois de novembre, période qui coïncide avec les sessions ordinaires de l’Assemblée générale, il adopte son rapport annuel à la fin de sa session de printemps, afin de le transmettre à l’Assemblée générale la même année civile. En conséquence, à sa 1017e séance, le 1er juin 2011, le Comité a examiné et a adopté à l’unanimité son rapport sur les travaux effectués à ses quarante-cinquième et quarante‑sixième sessions.

Annexes

Annexe I

Liste des États ayant signé ou ratifié la Convention contrela torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, ou y ayant adhéré, au 3 juin 2011

État

Date de la signature

Date de réception des instruments de ratification, d’adhésion a ou de succession b

Afghanistan

4 février 1985

1er avril 1987

Afrique du Sud

29 janvier 1993

10 décembre 1998

Albanie

11 mai 1994 a

Algérie

26 novembre 1985

12 septembre 1989

Allemagne

13 octobre 1986

1er octobre 1990

Andorre

5 août 2002

22 septembre 2006

Antigua-et-Barbuda

19 juillet 1993 a

Arabie saoudite

23 septembre 1997 a

Argentine

4 février 1985

24 septembre 1986

Arménie

13 septembre 1993 a

Australie

10 décembre 1985

8 août 1989

Autriche

14 mars 1985

29 juillet 1987

Azerbaïdjan

16 août 1996 a

Bahamas

16 décembre 2008

Bahreïn

6 mars 1998 a

Bangladesh

5 octobre 1998 a

Bélarus

19 décembre 1985

13 mars 1987

Belgique

4 février 1985

25 juin 1999

Belize

17 mars 1986 a

Bénin

12 mars 1992 a

Bolivie (État plurinational de)

4 février 1985

12 avril 1999

Bosnie-Herzégovine

1er septembre 1993 b

Botswana

8 septembre 2000

8 septembre 2000

Brésil

23 septembre 1985

28 septembre 1989

Bulgarie

10 juin 1986

16 décembre 1986

Burkina Faso

4 janvier 1999 a

Burundi

18 février 1993 a

Cambodge

15 octobre 1992 a

Cameroun

19 décembre 1986 a

Canada

23 août 1985

24 juin 1987

Cap-Vert

4 juin 1992 a

Chili

23 septembre 1987

30 septembre 1988

Chine

12 décembre 1986

4 octobre 1988

Chypre

9 octobre 1985

18 juillet 1991

Colombie

10 avril 1985

8 décembre 1987

Comores

22 septembre 2000

Congo

30 juillet 2003 a

Costa Rica

4 février 1985

11 novembre 1993

Côte d’Ivoire

18 décembre 1995 a

Croatie

12 octobre 1992 b

Cuba

27 janvier 1986

17 mai 1995

Danemark

4 février 1985

27 mai 1987

Djibouti

5 novembre 2002 a

Égypte

25 juin 1986 a

El Salvador

17 juin 1996 a

Équateur

4 février 1985

30 mars 1988

Espagne

4 février 1985

21 octobre 1987

Estonie

21 octobre 1991 a

États-Unis d’Amérique

18 avril 1988

21 octobre 1994

Éthiopie

14 mars 1994 a

ex-République yougoslavede Macédoine

12 décembre 1994 b

Fédération de Russie

10 décembre 1985

3 mars 1987

Finlande

4 février 1985

30 août 1989

France

4 février 1985

18 février 1986

Gabon

21 janvier 1986

8 septembre 2000

Gambie

23 octobre 1985

Géorgie

26 octobre 1994 a

Ghana

7 septembre 2000

7 septembre 2000

Grèce

4 février 1985

6 octobre 1988

Guatemala

5 janvier 1990 a

Guinée

30 mai 1986

10 octobre 1989

Guinée-Bissau

12 septembre 2000

Guinée équatoriale

8 octobre 2002 a

Guyana

25 janvier 1988

19 mai 1988

Honduras

5 décembre 1996 a

Hongrie

28 novembre 1986

15 avril 1987

Inde

14 octobre 1997

Indonésie

23 octobre 1985

28 octobre 1998

Irlande

28 septembre 1992

11 avril 2002

Islande

4 février 1985

23 octobre 1996

Israël

22 octobre 1986

3 octobre 1991

Italie

4 février 1985

12 janvier 1989

Jamahiriya arabe libyenne

16 mai 1989 a

Japon

29 juin 1999 a

Jordanie

13 novembre 1991 a

Kazakhstan

26 août 1998 a

Kenya

21 février 1997 a

Kirghizistan

5 septembre 1997 a

Koweït

8 mars 1996 a

Lesotho

12 novembre 2001 a

Lettonie

14 avril 1992 a

Liban

5 octobre 2000 a

Libéria

22 septembre 2004 a

Liechtenstein

27 juin 1985

2 novembre 1990

Lituanie

1er février 1996 a

Luxembourg

22 février 1985

29 septembre 1987

Madagascar

1er octobre 2001

13 décembre 2005

Malawi

11 juin 1996 a

Maldives

20 avril 2004 a

Mali

26 février 1999 a

Malte

13 septembre 1990 a

Maroc

8 janvier 1986

21 juin 1993

Maurice

9 décembre 1992 a

Mauritanie

17 novembre 2004a

Mexique

18 mars 1985

23 janvier 1986

Monaco

6 décembre 1991 a

Mongolie

24 janvier 2002 a

Monténégro

23 octobre 2006 b

Mozambique

14 septembre 1999 a

Namibie

28 novembre 1994 a

Nauru

12 novembre 2001

Népal

14 mai 1991 a

Nicaragua

15 avril 1985

5 juillet 2005

Niger

5 octobre 1998 a

Nigéria

28 juillet 1988

28 juin 2001

Norvège

4 février 1985

9 juillet 1986

Nouvelle-Zélande

14 janvier 1986

10 décembre 1989

Ouganda

3 novembre 1986 a

Ouzbékistan

28 septembre 1995 a

Pakistan

17 avril 2008

23 juin 2010

Panama

22 février 1985

24 août 1987

Paraguay

23 octobre 1989

12 mars 1990

Pays-Bas

4 février 1985

21 décembre 1988

Pérou

29 mai 1985

7 juillet 1988

Philippines

18 juin 1986 a

Pologne

13 janvier 1986

26 juillet 1989

Portugal

4 février 1985

9 février 1989

Qatar

11 janvier 2000 a

République arabe syrienne

19 août 2004 a

République de Corée

9 janvier 1995 a

République de Moldova

28 novembre 1995 a

République démocratique du Congo

18 mars 1996 a

République démocratique populaire lao

21 septembre 2010

République dominicaine

4 février 1985

République tchèque

22 février 1993 b

Roumanie

18 décembre 1990 a

Royaume-Uni de Grande-Bretagneet d’Irlande du Nord

15 mars 1985

8 décembre 1988

Rwanda

15 décembre 2008 a

Saint-Marin

18 septembre 2002

27 novembre 2006

Saint-Siège

26 juin 2002 a

Saint-Vincent-et-les Grenadines

1er août 2001 a

Sao Tomé-et-Principe

6 septembre 2000

Sénégal

4 février 1985

21 août 1986

Serbie

12 mars 2001 b

Seychelles

5 mai 1992 a

Sierra Leone

18 mars 1985

25 avril 2001

Slovaquie

28 mai 1993 b

Slovénie

16 juillet 1993 a

Somalie

24 janvier 1990 a

Soudan

4 juin 1986

Sri Lanka

3 janvier 1994 a

Suède

4 février 1985

8 janvier 1986

Suisse

4 février 1985

2 décembre 1986

Swaziland

26 mars 2004 a

Tadjikistan

11 janvier 1995 a

Tchad

9 juin 1995 a

Thaïlande

2 octobre 2007 a

Timor-Leste

16 avril 2003 a

Togo

25 mars 1987

18 novembre 1987

Tunisie

26 août 1987

23 septembre 1988

Turkménistan

25 juin 1999 a

Turquie

25 janvier 1988

2 août 1988

Ukraine

27 février 1986

24 février 1987

Uruguay

4 février 1985

24 octobre 1986

Venezuela (République bolivarienne du)

15 février 1985

29 juillet 1991

Yémen

5 novembre 1991 a

Zambie

7 octobre 1998 a

Notes

a Adhésion (73 États).

b Succession (7 États).

Annexe II

États parties ayant déclaré, au moment de la ratificationou de l’adhésion, ne pas reconnaître la compétencedu Comité en application de l’article 20 de la Convention,au 3 juin 2011

Afghanistan

Arabie saoudite

Chine

Guinée équatoriale

Israël

Koweït

Mauritanie

Pakistan

République arabe syrienne

Annexe III

États parties ayant fait les déclarations prévuesaux articles 21 et 22 de la Convention, au 3 juin 2011 a, b

État partie

Date d’entrée en vigueur

Afrique du Sud

10 décembre 1998

Algérie

12 octobre 1989

Allemagne

19 octobre 2001

Andorre

22 novembre 2006

Argentine

26 juin 1987

Australie

29 janvier 1993

Autriche

28 août 1987

Belgique

25 juillet 1999

Bolivie (État plurinational de)

14 février 2006

Bulgarie

12 juin 1993

Cameroun

11 novembre 2000

Canada

13 novembre 1989

Chili

15 mars 2004

Chypre

8 avril 1993

Costa Rica

27 février 2002

Croatie

8 octobre 1991 c

Danemark

26 juin 1987

Équateur

29 avril 1988

Espagne

20 novembre 1987

Fédération de Russie

1er octobre 1991

Finlande

29 septembre 1989

France

26 juin 1987

Géorgie

30 juin 2005

Ghana

7 octobre 2000

Grèce

5 novembre 1988

Hongrie

13 septembre 1989

Irlande

11 mai 2002

Islande

22 novembre 1996

Italie

10 octobre 1989

Kazakhstan

21 février 2008

Liechtenstein

2 décembre 1990

Luxembourg

29 octobre 1987

Malte

13 octobre 1990

Monaco

6 janvier 1992

Monténégro

23 octobre 2006 c

Norvège

26 juin 1987

Nouvelle-Zélande

9 janvier 1990

Paraguay

29 mai 2002

Pays-Bas

20 janvier 1989

Pérou

28 octobre 2002

Pologne

12 mai 1993

Portugal

11 mars 1989

République de Corée

9 novembre 2007

République tchèque

3 septembre 1996 c

Sénégal

16 octobre 1996

Serbie

12 mars 2001 c

Slovaquie

17 mars 1995 c

Slovénie

15 août 1993

Suède

26 juin 1987

Suisse

26 juin 1987

Togo

18 décembre 1987

Tunisie

23 octobre 1988

Turquie

1er septembre 1988

Ukraine

12 septembre 2003

Uruguay

26 juin 1987

Venezuela (République bolivarienne du)

26 avril 1994

États parties ayant fait uniquement la déclaration prévueà l’article 21 de la Convention, au 3 juin 2011 a

État partie

Date d’entrée en vigueur

États-Unis d’Amérique

21 octobre 1994

Japon

29 juin 1999

Ouganda

19 décembre 2001

Royaume-Uni de Grande-Bretagneet d’Irlande du Nord

8 décembre 1988

États parties ayant fait uniquement la déclaration prévueà l’article 22 de la Convention, au 3 juin 2011 b

État partie

Date d’entrée en vigueur

Azerbaïdjan

4 février 2002

Bosnie-Herzégovine

4 juin 2003

Brésil

26 juin 2006

Burundi

10 juin 2003

Guatemala

25 septembre 2003

Maroc

19 octobre 2006

Mexique

15 mars 2002

Seychelles

6 août 2001

a Au total 60 États parties ont fait la déclaration prévue à l’article 21 .

b Au total 64 États parties ont fait la déclaration prévue à l’article 22 .

c États parties ayant fait les déclarations prévues aux articles 21 et 22 par voie de succession.

Annexe IV

Composition du Comité contre la torture en 2011

Membres

Pays de nationalité

Mandat expirant le 31 décembre

Mme Essadia Belmir(Vice-Présidente)

Maroc

2013

M. Alessio Bruni

Italie

2013

Mme Felice Gaer(Vice-Présidente)

États-Unis d’Amérique

2011

M. Luis Gallegos Chiriboga

Équateur

2011

M. Abdoulaye Gaye

Sénégal

2011

M. Claudio Grossman (Président)

Chili

2011

Mme Myrna Kleopas

Chypre

2011

M. Fernando Mariño Menéndez

Espagne

2013

Mme Nora Sveaass(Rapporteuse)

Norvège

2013

M. Xuexian Wang (Vice-Président)

Chine

2013

Annexe V

États parties ayant signé ou ratifié le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradantsou y ayant adhéré, au 3 juin 2011

État

Date de la signature ou de la succession à la signature b

Date de réception des instruments de ratification, d’adhésion a ou de succession b

Afrique du Sud

20 septembre 2006

Albanie

1er octobre 2003 a

Allemagne

20 septembre 2006

4 décembre 2008

Argentine

30 avril 2003

15 novembre 2004

Arménie

14 septembre 2006 a

Australie

19 mai 2009

Autriche

25 septembre 2003

Azerbaïdjan

15 septembre 2005

28 janvier 2009

Belgique

24 octobre 2005

Bénin

24 février 2005

20 septembre 2006

Bolivie (État plurinational de)

22 mai 2006

23 mai 2006

Bosnie-Herzégovine

7 décembre 2007

24 octobre 2008

Brésil

13 octobre 2003

12 janvier 2007

Bulgarie

22 septembre 2010

1er juin 2011

Burkina Faso

21 septembre 2005

7 juillet 2010

Cambodge

14 septembre 2005

30 mars 2007

Cameroun

15 décembre 2009

Chili

6 juin 2005

12 décembre 2008

Chypre

26 juillet 2004

29 avril 2009

Congo

29 septembre 2008

Costa Rica

4 février 2003

1er décembre 2005

Croatie

23 septembre 2003

25 avril 2005

Danemark

26 juin 2003

25 juin 2004

Équateur

24 mai 2007

20 juillet 2010

Espagne

13 avril 2005

4 avril 2006

Estonie

21 septembre 2004

18 décembre 2006

ex-République yougoslave de Macédoine

1er septembre 2006

13 février 2009

Finlande

23 septembre 2003

France

16 septembre 2005

11 novembre 2008

Gabon

15 décembre 2004

22 septembre 2010

Géorgie

9 août 2005 a

Ghana

6 novembre 2006

Grèce

3 mars 2011

Guatemala

25 septembre 2003

9 juin 2008

Guinée

16 septembre 2005

Honduras

8 décembre 2004

23 mai 2006

Irlande

2 octobre 2007

Islande

24 septembre 2003

Italie

20 août 2003

Kazakhstan

25 septembre 2007

22 octobre 2008

Kirghizistan

29 décembre 2008 a

Liban

22 décembre 2008 a

Libéria

22 septembre 2004 a

Liechtenstein

24 juin 2005

3 novembre 2006

Luxembourg

13 janvier 2005

19 mai 2010

Madagascar

24 septembre 2003

Maldives

14 septembre 2005

15 février 2006

Mali

19 janvier 2004

12 mai 2005

Malte

24 septembre 2003

24 septembre 2003

Maurice

21 juin 2005 a

Mexique

23 septembre 2003

11 avril 2005

Monténégro

23 octobre 2006 b

6 mars 2009

Nicaragua

14 mars 2007

25 février 2009

Nigéria

27 juillet 2009 a

Norvège

24 septembre 2003

Nouvelle-Zélande

23 septembre 2003

14 mars 2007

Panama

22 septembre 2010

2 juin 2011

Paraguay

22 septembre 2004

2 décembre 2005

Pays-Bas

3 juin 2005

28 septembre 2010

Pérou

14 septembre 2006 a

Pologne

5 avril 2004

14 septembre 2005

Portugal

15 février 2006

République démocratique du Congo

23 septembre 2010 a

République de Moldova

16 septembre 2005

24 juillet 2006

République tchèque

13 septembre 2004

10 juillet 2006

Roumanie

24 septembre 2003

2 juillet 2009

Royaume-Uni de Grande-Bretagneet d’Irlande du Nord

26 juin 2003

10 décembre 2003

Sénégal

4 février 2003

18 octobre 2006

Serbie

25 septembre 2003

26 septembre 2006

Sierra Leone

26 septembre 2003

Slovénie

23 janvier 2007 a

Suède

26 juin 2003

14 septembre 2005

Suisse

25 juin 2004

24 septembre 2009

Timor-Leste

16 septembre 2005

Togo

15 septembre 2005

20 juillet 2010

Turquie

14 septembre 2005

Ukraine

23 septembre 2005

19 septembre 2006

Uruguay

12 janvier 2004

8 décembre 2005

Zambie

27 septembre 2010

Annexe VI

Composition du Sous-Comité pour la prévention de la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumainsou dégradants en 2011

Membres

Pays de nationalité

Montant expirant le 31 décembre

Mme Mari Amos

Estonie

2014

M. Mario Luis Coriolano(Vice-Président)

Argentine

2012

M. Arman Danielyan

Arménie

2014

Mme Marija Definis Gojanović

Croatie

2012

M. Malcolm Evans(Président)

Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord

2012

M. Emilio Ginés Santidrián

Espagne

2014

Mme Lowell Patria Goddard

Nouvelle-Zélande

2012

M. Zdenĕk Hájek(Vice-Président)

République tchèque

2012

Mme Suzanne Jabbour(Vice-Présidente)

Liban

2012

Mr. Goran Klemenčič

Slovénie

2012

M. Paul Lam Shang Leen

Maurice

2012

M. Zbigniew Lasocik

Pologne

2012

M. Petros Michaelides

Chypre

2014

Mme Aisha Shujune Muhammad(Vice-Présidente)

Maldives

2014

M. Olivier Obrecht

France

2014

M. Hans Draminsky Petersen

Danemark

2014

Mme Maria Margarida E. Pressburger

Brésil

2012

M. Christian Pross

Allemagne

2012

M. Victor Manuel Rodríguez-Rescia

Costa Rica

2012

Mme Judith Salgado Álvarez

Équateur

2014

M. Miguel Sarre Iguíniz

Mexique

2014

Mme Aneta Stanchevska

ex-République yougoslavede Macédoine

2014

M. Wilder Tayler Souto

Uruguay

2014

M. Felipe Villavicencio Terreros

Pérou

2014

M. Fortuné Gaétan Zongo

Burkina Faso

2014

Annexe VII

Quatrième rapport annuel du Sous-Comitépour la prévention de la torture et autres peinesou traitements cruels, inhumains ou dégradants (avril-décembre 2010) *

Table des matières

Paragraphes Page

I.Introduction1−5244

II.Bilan de l’année6−32245

A.Participation au système du Protocole facultatif6−8245

B.Composition du Sous-Comité et questions d’organisation9−12246

C.Visites réalisées pendant la période considérée13−17247

D.Activités de suivi, y compris la publication des rapports du Sous-Comitépar l’État partie18−19247

E.Faits nouveaux concernant la mise en place des mécanismes nationauxde prévention20−28248

F.Contributions au Fonds spécial établi conformément aux dispositionsde l’article 26 du Protocole facultatif29−32250

III.Coopération avec d’autres organes dans le domaine de la préventionde la torture33−39251

A.Coopération internationale33−37251

B.Coopération régionale38252

C.Société civile39252

IV.Questions notables découlant des travaux du Sous-Comité pendant la périodecouverte par le rapport40−62252

A.Article 24 du Protocole facultatif40252

B.Perfectionnement des méthodes de travail du Sous-Comité41−45252

C.Réflexions sur le rôle de la confidentialité dans les travauxdu Sous-Comité46−48253

D.Questions découlant des visites49−57254

E.Publication des rapports de visite du Sous-Comité et dialogue avecles États parties58257

F.Site Web du Sous-Comité59257

G.Obligation d’établir des mécanismes nationaux de prévention60−61257

H.Formes que peuvent prendre les mécanismes nationaux de prévention62258

V.Questions de fond63−107258

A.Directives concernant les mécanismes nationaux de prévention63−102258

B.Approche du Sous-Comité concernant la notion de prévention de la tortureet des autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradantsau sens du Protocole facultatif103−107262

VI.Activités à venir108−115265

A.Élargissement du Sous-Comité108−109265

B.Plan de travail pour 2011110−112265

C.Établissement de relations de travail avec d’autres organes113−115266

Appendices

I.Résumé du mandat du Sous-Comité pour la prévention de la torture268

II.Membres du Sous-Comité pour la prévention de la torture270

III.Renseignements sur les rapports établis à l’issue des visites dans les pays, sur leur statutet sur la suite qui y a été donnée, au 31 décembre 2010271

I.Introduction

1.Le quatrième rapport annuel du Sous-Comité pour la prévention de la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants est différent des précédents. Le Sous-Comité a reçu beaucoup d’observations utiles sur ses rapports annuels antérieurs, compte tenu desquelles il a décidé d’utiliser le présent rapport et les suivants non seulement pour rendre compte de ses activités mais aussi pour réfléchir sur celles-ci. Il espère qu’une telle réflexion contribuera à donner des orientations utiles à tous ceux qui s’intéressent à ses travaux et à faire mieux comprendre la manière dont il conçoit l’exercice de son mandat.

2.À cet effet, le rapport a été divisé en six chapitres, dont le premier constitue l’introduction. Le chapitre II contient un résumé des principaux faits nouveaux et des activités menées concernant le Protocole facultatif à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants pendant la période considérée. Il doit être lu conjointement avec les appendices, qui apportent des précisions complémentaires, et avec le site Web du Sous-Comité (www2.ohchr.org/english/ bodies/cat/opcat), où sont consignés les faits nouveaux les plus récents. Le chapitre III complète le précédent en donnant un récapitulatif factuel des activités menées par le Sous‑Comité en collaboration avec d’autres organes dans le domaine de la prévention de la torture.

3.Le chapitre IV constitue une innovation en ce qu’il analyse un certain nombre de questions notables qui se sont posées pendant la période couverte par le rapport. Certaines de ces questions ont trait aux aspects pratiques et à l’organisation des travaux du Comité; les autres concernent les préoccupations qui se sont dégagées des visites dans les pays et de la collaboration avec les mécanismes nationaux de prévention, ainsi que des séminaires et autres formes de débat auxquels le Sous-Comité a pris part. Cette partie n’a pas pour but de couvrir l’ensemble des questions d’intérêt ou des sujets de préoccupation pouvant exister ni de les traiter de façon exhaustive. Elle vise plutôt à appeler l’attention sur les questions qui se sont posées au Sous-Comité et auxquelles il réfléchit.

4.Le chapitre V, intitulé «Questions de fond», est également nouveau. Tandis que le chapitre IV met en lumière les questions qui intéressent ou préoccupent le Sous-Comité, cette partie approfondit certains sujets donnés et peut être considérée comme reflétant l’approche actuelle de ces questions par le Comité. Le chapitre VI, dernier du rapport, est tourné vers l’avenir: il énonce les grands axes du plan de travail pour l’année à venir et donne un aperçu des objectifs que le Sous-Comité a pu se fixer, ainsi que des difficultés qu’il devra surmonter.

5.Enfin, il convient de noter que le Sous-Comité a décidé de modifier la période couverte par le rapport annuel. Le présent rapport couvre la période allant d’avril à décembre 2010 et les rapports annuels futurs couvriront chacun une année civile. Non seulement ce changement a le mérite d’être simple mais il signifie aussi que le nouveau cycle coïncidera avec l’élargissement du Sous-Comité, qui a pris effet le 1er janvier 2011.

II.Bilan de l’année

A.Participation au système du Protocole facultatif

6.Au 31 décembre 2010, 57 États étaient parties au Protocole facultatif. Depuis avril 2010, les sept États ci-après ont ratifié le Protocole facultatif ou y ont adhéré: Luxembourg (19 mai 2010), Burkina Faso (7 juillet 2010), Équateur et Togo (20 juillet 2010), Gabon (22 septembre 2010), République démocratique du Congo (23 septembre 2010) et Pays-Bas (28 septembre 2010). De plus, trois États ont signé le Protocole facultatif pendant la période considérée, à savoir la Bulgarie et le Panama (22 septembre 2010) et la Zambie (27 septembre 2010).

7.Cette augmentation du nombre d’États parties s’est traduite par des changements dans la représentation géographique par région, qui est désormais la suivante:

États parties par région

Afrique

10

Asie

6

Europe orientale

16

Groupe des États d’Amérique latine et des Caraïbes

13

Groupe des États d’Europe occidentale et autres États

12

8.La répartition géographique par région des États qui ont signé le Protocole facultatif mais ne l’ont pas encore ratifié est la suivante:

États ayant signé mais non ratifié le Protocole facultatif, par région (total: 21)

Afrique

8

Asie

1

Europe orientale

1

Groupe des États d’Amérique latine et des Caraïbes

1

Groupe des États d’Europe occidentale et autres États

10

B.Composition du Sous-Comité et questions d’organisation

9.Pendant la période couverte par le rapport (1er avril 2010-31 décembre 2010), le Sous-Comité a tenu deux sessions d’une semaine à l’Office des Nations Unies à Genève, du 21 au 25 juin et du 15 au 19 novembre 2010.

10.La composition du Sous-Comité n’a pas changé pendant l’année 2010. Toutefois, le 28 octobre 2010, à la troisième réunion des États parties au Protocole facultatif, cinq membres ont été élus pour remplacer ceux dont le mandat prenait fin le 31 décembre 2010. De plus, conformément au paragraphe 1 de l’article 5 du Protocole facultatif, 15 nouveaux membres ont été élus suite à la cinquantième ratification du Protocole facultatif, qui a eu lieu en septembre 2009, portant à 25 le nombre de membres du Sous-Comité. Pour faciliter le roulement des membres, et conformément à la pratique établie, la durée du mandat de 7 des 15 nouveaux membres désignés par scrutin a été réduite à deux ans. Le mandat de tous les membres nouvellement élus a pris effet le 1er janvier 2011 et, conformément au Règlement intérieur du Sous-Comité, chaque membre devra prononcer un engagement solennel à l’ouverture de la session de février 2011 avant d’entrer en fonctions.

11.Le Règlement intérieur du Sous-Comité prévoyait initialement l’élection d’un bureau composé d’un président ou une présidente et de deux vice-président(e)s, pour une période de deux ans. Le Bureau élu en février 2009, dont le mandat prendra fin en février 2011, se compose de M. Rodríguez‑Rescia (Président) et M. Mario Coriolano et M. Hans Draminsky Petersen (Vice-Présidents). Compte tenu de l’augmentation du nombre de ses membres, le Sous-Comité a décidé, à sa douzième session, d’élargir le Bureau à cinq membres à partir de sa treizième session.

12.Pendant la période couverte par le rapport, le Sous-Comité a revu son organisation interne, de manière à mieux prendre en compte sa collaboration croissante avec les partenaires nationaux et régionaux et à favoriser celle-ci. M. Coriolano et M. Ginés Santidrián ont continué de remplir le rôle de coordonnateurs chargés des mécanismes nationaux de prévention pendant l’année 2010. Il a été décidé d’établir un nouveau système de coordonnateurs régionaux. Ceux-ci auront pour rôle d’assurer la liaison avec les organismes compétents et de faciliter la coordination des activités du Sous-Comité au sein des régions pour lesquelles ils seront désignés. Les coordonnateurs pour l’Afrique, l’Asie, l’Europe et l’Amérique latine seront nommés par le Sous-Comité dans sa composition élargie à sa treizième session.

C.Visites réalisées pendant la période considérée

13.Le Sous-Comité a effectué quatre visites en 2010, toutes pendant la période couverte par le rapport. De 24 mai au 3 juin, il s’est rendu au Liban, ce qui a constitué sa troisième visite en Asie (après les Maldives en décembre 2007 et le Cambodge en décembre 2009) et sa première visite dans un pays arabe (le Liban étant actuellement le seul pays arabe à avoir ratifié le Protocole facultatif).

14.Du 30 août au 8 septembre 2010, le Sous-Comité s’est rendu dans l’État plurinational de Bolivie, ce qui a constitué sa quatrième visite dans un pays d’Amérique latine (après le Mexique en août‑septembre 2008, le Paraguay en mars 2009 et le Honduras en septembre 2009).

15.Du 6 au 13 décembre 2010, le Sous-Comité s’est rendu au Libéria, ce qui a constitué sa troisième visite dans un pays d’Afrique (après Maurice en octobre 2007 et le Bénin en mai 2008).

16.Outre ces trois visites, qui avaient été annoncées au début de 2010, le Comité a réalisé sa première visite de suivi, au Paraguay, du 13 au 15 septembre 2010.

17.On trouvera à l’appendice III un tableau récapitulatif concernant ces activités. Des renseignements détaillés, y compris des listes des lieux visités, sont donnés dans les communiqués de presse publiés à l’issue de chaque visite, qui peuvent être consultés sur le site Web du Sous-Comité (www2.ohchr.org/english/bodies/cat/opcat/index.htm).

D.Activités de suivi, y compris la publication des rapports du Sous-Comité par État partie

18.Cinq rapports de visite du Sous-Comité ont été rendus publics sur demande de l’État partie concerné (Honduras, Maldives, Mexique, Paraguay et Suède) conformément au paragraphe 2 de l’article 16 du Protocole facultatif, dont deux pendant la période couverte par le rapport (Mexique et Paraguay, en mai 2010). Deux réponses d’États parties (Suède et Paraguay) ont également été rendues publiques à la demande des États concernés, dont une pendant la période couverte par le rapport (celle du Paraguay, en juin 2010). Pendant cette même période, trois rapports de visite et une réponse ont été publiés, ce qui représente une évolution que le Sous-Comité considère comme positive dans la mesure où elle traduit une tendance croissante à autoriser la publication des rapports.

19.Conformément à la pratique établie, le Sous-Comité a mis en place une procédure de suivi concernant ses rapports de visite. Il demande aux États parties de lui adresser dans un délai de six mois une réponse donnant une description détaillée des mesures prises pour mettre en œuvre les recommandations énoncées dans le rapport de visite. Au moment de l’élaboration du présent rapport, le Sous-Comité avait reçu une réponse de 3 des 11 États parties dans lesquels il avait effectué une visite, à savoir Maurice, en décembre 2008, la Suède, en janvier 2009, et le Paraguay, en mars 2010. La réponse de Maurice est restée confidentielle, tandis que celles de la Suède et du Paraguay ont été rendues publiques à la demande des deux États. Le Sous-Comité a à son tour formulé des recommandations comme suite aux réponses de Maurice et de la Suède, et il a effectué une visite de suivi au Paraguay, dont le rapport a été transmis à l’État partie. Des rappels ont également été envoyés aux États parties qui n’avaient pas encore adressé de réponse au Sous-Comité concernant ses rapports de visite. Il convient de noter que le délai de six mois prévu à cet effet n’avait pas encore expiré pour le Liban, la Bolivie et le Libéria pendant la période couverte par le rapport. Les aspects de fond de la procédure de suivi sont soumis à la règle de confidentialité, sauf dans les cas où l’État partie autorise la publication de sa réponse.

E.Faits nouveaux concernant la mise en place des mécanismes nationaux de prévention

20.Sur 57 États parties, 27 ont officiellement informé le Sous-Comité de la désignation de mécanismes nationaux de prévention. Les renseignements disponibles concernant ces mécanismes peuvent être consultés sur le site Web du Sous-Comité (http://www2.ohchr. org/english/bodies/cat/opcat/mechanisms.htm).

21.En 2010, le Sous-Comité a reçu six notifications officielles concernant la désignation de mécanismes nationaux de prévention, des pays ci-après: Danemark (en rapport avec le Médiateur pour le Groenland), Allemagne (en rapport avec la Commission mixte des Länder), Mali, Maurice, Espagne et Suisse. Il convient de noter qu’au Chili et en Uruguay, des mécanismes nationaux de prévention ont été officiellement désignés mais n’ont pas encore commencé à fonctionner en tant que tels.

22.Trente États parties n’ont donc pas encore annoncé la désignation de mécanismes nationaux de prévention. Le délai d’un an accordé pour la mise en place de ces mécanismes conformément à l’article 17 du Protocole facultatif n’a pas encore expiré pour sept d’entre eux (Burkina Faso, République démocratique du Congo, Équateur, Gabon, Luxembourg, Pays-Bas et Togo). De plus, trois États parties (Kazakhstan, Monténégro et Roumanie) ont fait la déclaration prévue à l’article 24 du Protocole facultatif, leur permettant de retarder la désignation du mécanisme national de deux ans supplémentaires.

23.Vingt États parties ne se sont donc pas acquittés de l’obligation qui leur incombe en vertu de l’article 17, ce qui préoccupe grandement le Sous-Comité. Il convient néanmoins de noter que trois États parties (Arménie, ex-République yougoslave de Macédoine et Nigéria) ont apparemment désigné des mécanismes nationaux de prévention mais n’ont pas encore adressé de notification officielle au Sous-Comité.

24.Le Sous-Comité a poursuivi son dialogue avec tous les États parties qui n’ont pas encore désigné de mécanisme national de prévention, en les encourageant à lui communiquer des renseignements sur l’état d’avancement du processus engagé à cet effet. Il a demandé à ces États de lui donner des détails sur leur projet de mécanisme (mandat, composition, taille, domaine de compétence, ressources financières et humaines et fréquence des visites, notamment). Sept États parties ont communiqué au Sous-Comité des renseignements écrits sur la totalité ou certains de ces points.

25.Le Sous-Comité a également établi et entretenu des contacts avec les mécanismes nationaux de prévention eux-mêmes, conformément à l’article 11 b) du Protocole facultatif. À sa onzième session, il a tenu une réunion avec le mécanisme national de prévention de l’Albanie afin d’échanger des renseignements et des données d’expérience et de débattre des domaines de coopération future. À sa douzième session, il a tenu des réunions semblables avec les mécanismes nationaux de prévention de l’Allemagne, de la Suisse et du Mexique. Le Sous-Comité se félicite que 10 mécanismes nationaux de prévention lui aient transmis leur rapport annuel en 2010 et signale que ces rapports peuvent être consultés sur son site Web.

26.Pendant la période couverte par le rapport, les membres du Sous-Comité ont accepté des invitations à participer à diverses réunions aux niveaux national, régional et international concernant la désignation, la mise en place et le renforcement des mécanismes nationaux de prévention. Ces activités ont été organisées avec le soutien d’organisations de la société civile (en particulier l’Association pour la prévention de la torture (APT), le Centre de réadaptation et de recherche pour les victimes de la torture et le Groupe de contact du Protocole facultatif), des mécanismes nationaux de prévention, d’organismes régionaux comme la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples, la Commission interaméricaine des droits de l’homme, le Conseil de l’Europe, l’Union européenne et le Bureau des institutions démocratiques et des droits de l’homme de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), ainsi que d’organisations et organismes internationaux comme le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH), le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) et le Comité international de coordination des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l’homme. Il s’est notamment agi des activités suivantes:

a)Avril 2010: Séminaire régional sur le Protocole facultatif en Afrique, tenu à Dakar (Sénégal) et organisé par l’APT et Amnesty International, en collaboration avec la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples;

b)Mai 2010: Présentation du mécanisme national de prévention de l’Espagne, organisée par le Médiateur de l’Espagne;

c)Mai 2010: Conférence sur le renforcement de l’institution du Médiateur en tant que mécanisme national de prévention en Azerbaïdjan, organisée par le Bureau des institutions démocratiques et des droits de l’homme de l’OSCE;

d)Mai 2010: Série d’activités visant à promouvoir la mise en œuvre du Protocole facultatif au Brésil, organisées par l’APT;

e)Juin 2010: Séminaire sur le mécanisme national de prévention de l’Uruguay, organisé par l’APT, la Commission interaméricaine des droits de l’homme et le HCDH;

f)Septembre 2010: Ateliers sur les mécanismes nationaux de prévention au Honduras et au Guatemala, organisés par le Centre de réadaptation et de recherche pour les victimes de la torture;

g)Octobre 2010: Atelier sur la mise en place d’un mécanisme national de prévention au Libéria, organisé par le Centre de réadaptation et de recherche pour les victimes de la torture;

h)Octobre 2010: Table ronde régionale sur les mécanismes nationaux de prévention établis en vertu du Protocole facultatif − difficultés de mise en œuvre et rôle des institutions nationales de défense des droits de l’homme, organisée en Croatie par le PNUD;

i)Octobre 2010: Séminaire sur le rôle des institutions nationales de défense des droits de l’homme et la prévention de la torture en Afrique de l’Est, organisé au Kenya par l’Université de Bristol;

j)Novembre 2010: Atelier sur les mécanismes de prévention locaux, organisé en Argentine par l’APT.

27.Dans le cadre du Projet du Conseil de l’Europe et de l’Union européenne sur les mécanismes nationaux de prévention en Europe, mis en œuvre en collaboration avec l’APT, le Sous-Comité a participé à trois ateliers thématiques sur: a) le rôle des mécanismes nationaux de prévention en matière de prévention de la torture et des autres formes de mauvais traitements dans les établissements psychiatriques et les foyers sociaux en Italie (mars 2010); b) les droits liés à la prévention de la torture en Albanie (juin 2010); et c) la préparation des visites en Arménie (octobre 2010). Ont également eu lieu trois visites sur le terrain et réunions d’échange de données d’expérience: a) avec le mécanisme national de prévention de la Pologne, en mai 2010; b) avec le mécanisme national de prévention de la Géorgie, en juin-juillet 2010; et c) avec le mécanisme national de prévention de l’Espagne, en novembre 2010.

28.Le Sous-Comité tient à remercier les organisateurs de ces manifestations pour les invitations qu’ils ont adressées à ses membres.

F.Contributions au Fonds spécial établi conformément aux dispositions de l’article 26 du Protocole facultatif

29.Au 31 décembre 2010, les contributions suivantes avaient été versées au Fonds spécial établi en vertu du Protocole facultatif: 20 271,52 dollars des États-Unis par la République tchèque, 5 000 dollars É.-U. par les Maldives et 82 266,30 dollars É.-U. par l’Espagne. Le tableau ci-après récapitule les contributions à ce jour.

Contributions reçues pendant la période de 2008 à 2010

Donateurs

Montants (en dollars É.-U. )

Date du versement

République tchèque

10 000,00

16 novembre 2009

République tchèque

10 271,52

30 décembre 2010

Maldives

5 000,00

27 mai 2008

Espagne

25 906,74

16 décembre 2008

Espagne

29 585,80

10 novembre 2009

Espagne

26 773,76

29 décembre 2010

30.À la fin de la période couverte par le présent rapport, le Royaume-Uni de Grande‑Bretagne et d’Irlande du Nord a annoncé qu’il contribuerait au Fonds spécial établi en vertu du Protocole facultatif.

31.Le Sous-Comité tient à remercier ces États pour leur contribution généreuse.

32.Comme le dispose le paragraphe 1 de l’article 26 du Protocole facultatif, le Fonds spécial a pour but d’aider à financer l’application des recommandations du Sous-Comité, ainsi que les programmes d’éducation des mécanismes nationaux de prévention. Le Sous‑Comité est convaincu que le Fonds spécial peut constituer un outil précieux pour le renforcement de la prévention et se félicite donc qu’un plan ait été adopté en vue de sa mise en fonctionnement et qu’il soit prévu de prendre des mesures à cet effet pendant la prochaine période. Il s’agit d’un plan provisoire géré par le HCDH et visant à examiner les demandes liées aux recommandations formulées dans les rapports de visite déjà publiés par le Sous-Comité concernant des questions données, qui doivent être arrêtées par le Sous‑Comité en session plénière. Une fois achevée sa mise au point, tous les détails sur le contenu de ce plan seront rendus publics et portés plus particulièrement à l’attention des États pouvant en bénéficier. Le Sous-Comité espère vivement que le lancement de ce plan encouragera de nouvelles contributions au Fonds spécial, qui permettront d’aider les États à appliquer ses recommandations en matière de prévention.

III.Coopération avec d’autres organes dans le domainede la prévention de la torture

A.Coopération internationale

1.Coopération avec les autres organismes des Nations Unies

33.Conformément aux dispositions du Protocole facultatif, le Président du Sous-Comité a présenté le troisième rapport annuel du Sous-Comité au Comité contre la torture en séance plénière, le 11 mai 2010. En outre, le Sous-Comité et le Comité ont mis à profit leurs sessions simultanées de novembre 2010 pour se réunir en privé afin de débattre d’une série de questions d’intérêt commun et pour rencontrer ensemble le nouveau Rapporteur spécial sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, M. Juan Méndez.

34.Conformément à la résolution 64/153 de l’Assemblée générale, en date du 18 décembre 2009, le Président du Sous-Comité a présenté le troisième rapport annuel du Sous-Comité à l’Assemblée générale à sa soixante-cinquième session, en octobre 2010, à New York. Il a également pu à cette occasion échanger des renseignements avec le Président du Comité contre la torture, qui s’est aussi adressé à l’Assemblée générale à cette session.

35.Le Sous-Comité a continué de participer activement aux réunions intercomités (onzième réunion intercomités, tenue du 28 au 30 juin 2010 à Genève) et aux réunions des présidents des organes créés en vertu d’instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme (les 1er et 2 juillet 2010, à Bruxelles). Dans ce cadre, il a également pris part à la réunion conjointe avec les titulaires de mandat au titre des procédures spéciales. En réponse à la demande de la Haut-Commissaire tendant à ce que des mesures soient prises pour renforcer le système des organes conventionnels et comme suite aux précédentes réunions d’experts consacrées aux travaux de ces organes, le Sous-Comité a participé à un séminaire d’experts tenu à Poznan (Pologne) en septembre 2010 (organisé par l’Université Adam Mickiewicz et par le Ministère des affaires étrangères de la Pologne). Il a également pris part à plusieurs activités organisées par le HCDH, parmi lesquelles l’Atelier international sur le renforcement de la coopération entre les mécanismes régionaux et les mécanismes internationaux dans le domaine de la promotion et de la protection des droits de l’homme et la vingt-troisième session du Comité international de coordination des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l’homme, qui ont eu lieu respectivement en mars et en mai 2010 à Genève.

36.Le Sous-Comité a poursuivi sa coopération avec le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) et avec l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et a entrepris de coopérer avec l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (UNODC), notamment en participant à l’atelier sur les stratégies et les meilleures pratiques de prévention de la surpopulation carcérale dans le cadre du douzième Congrès des Nations Unies pour la prévention du crime et la justice pénale (tenu au Brésil en avril 2010).

2.Coopération avec les autres organisations internationales concernées

37.Compte tenu de l’expérience qu’il a acquise au cours de ses visites, le Sous-Comité a affiné les modalités de sa coopération et de sa coordination avec le Comité international de la Croix-Rouge (CICR). En 2010, il a tenu une série de réunions avec des représentants du CICR à Genève dans le cadre des préparatifs et du suivi de ses visites, afin de faire le point des enseignements à en tirer dans le but d’améliorer encore la coopération et la coordination entre les deux organes. Comme le dispose le Protocole facultatif, le CICR et le Sous-Comité sont des partenaires clefs dans la prévention de la torture et des autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

B.Coopération régionale

38.En désignant parmi ses membres des coordonnateurs chargés de la liaison et de la coordination avec les organes régionaux, le Sous-Comité a officialisé et renforcé sa coopération avec les partenaires concernés dans le domaine de la prévention de la torture, comme la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples, la Commission interaméricaine des droits de l’homme, le Conseil de l’Europe, l’Union européenne et le Bureau des institutions démocratiques et des droits de l’homme de l’OSCE. Outre les activités courantes menées avec ces organismes régionaux en 2010 (voir partie II, sect. E), le Sous-Comité a tenu pendant sa session de juin 2010 une réunion avec le Bureau des institutions démocratiques et des droits de l’homme de l’OSCE afin d’échanger davantage de renseignements et de données d’expérience et de débattre des domaines possibles de coopération.

C.Société civile

39.Le Sous-Comité a continué de recevoir un soutien essentiel des acteurs de la société civile, à la fois du Groupe de contact du Protocole facultatif (présent pendant la session de novembre du Sous-Comité) et des institutions universitaires (en particulier les universités de Bristol et de Padua et l’Université d’État de l’Arizona à travers son Centre de droit et relations internationales au Sandra Day O’Connor College of Law), tant pour la promotion du Protocole facultatif et de sa ratification que pour la mise en œuvre de ses activités.

IV.Questions notables découlant des travaux du Sous-Comité pendant la période couverte par le rapport

A.Article 24 du Protocole facultatif

40.Il était indiqué dans le troisième rapport annuel du Sous-Comitéque le Bureau des affaires juridiques avait proposé d’harmoniser le texte de l’article 24 du Protocole facultatif dans les différentes langues en rectifiant les versions espagnole et russe de manière à disposer que les États parties peuvent faire une déclaration indiquant qu’ils ajournent l’exécution des obligations qui leur incombent en vertu de la troisième ou de la quatrième partie du Protocole facultatif «au moment de la ratification», et non «une fois le Protocole ratifié». Cette modification est entrée en vigueur, avec effet rétroactif, le 29 avril 2010.

B.Perfectionnement des méthodes de travail du Sous-Comité

41.Tout au long de l’année, le Sous-Comité a réfléchi à ses méthodes de travail. Le Sous-Comité est désormais riche de quatre années d’expérience sur lesquelles il peut s’appuyer; il est néanmoins conscient que le passage de 10 à 25 membres aura pour effet à la fois de poser des difficultés quant au maintien du modus operandi existant, et de créer des possibilités d’activités supplémentaires dans le cadre de son mandat. Comme il a été spécifié dans les précédents rapports annuels, le Sous-Comitéa trois fonctions essentielles, qui sont énoncées à l’article 11 du Protocole et qui sont: a) la réalisation des visites des lieux de détention conformément aux dispositions du Protocole facultatif; b) la mise en œuvre de diverses activités concernant les mécanismes nationaux de prévention; c) la coopération avec les autres organes et mécanismes compétents dans le domaine de la prévention de la torture.

42.Ces fonctions ne sont pas restrictives et il est clair pour le Sous-Comitéqu’il n’existe pas de limite naturelle au volume total de travail qui peut être attendu de lui dans le cadre de leur exercice. Dans la pratique, les limites sont celles qu’imposent les contraintes découlant du manque de personnel (tant au sein du Sous-Comitéqu’au sein de son secrétariat), de temps et d’argent. Le Sous-Comitéreconnaît que les autres organes relevant du HCDH connaissent aussi ce type de difficultés mais il encourage le HCDH à faire son possible pour accroître les moyens à sa disposition, étant donné que le passage de 10 à 25 membres a pour but de permettre un renforcement global de ses activités. Il reconnaît également qu’il doit pour sa part s’efforcer d’utiliser les ressources disponibles de la manière la plus rationnelle et la plus efficace possible.

43.Jusqu’à présent le Sous-Comitéa consacré l’essentiel de ses ressources aux visites dans les États parties, qui durent en moyenne de huit à dix jours et au cours desquelles il rencontre des ministres et des hauts fonctionnaires et des représentants ainsi que des mécanismes nationaux de prévention (lorsqu’ils ont été mis en place) de la société civile, et aux visites inopinées des lieux de détention. Le Sous-Comité,demeurant convaincu que les visites de cette nature constituent une pratique optimale, entend poursuivre celles-ci dans le cadre de son programme d’activités ordinaire.

44.Le Sous-Comitén’a jusqu’à présent pas été en mesure d’accorder autant d’attention qu’il l’aurait souhaité aux deuxième et troisième volets de son mandat. Il regrette de ne pas avoir pu commencer plus tôt à coopérer avec les États parties, dès le début de leur participation au système du Protocole facultatif, et en particulier pendant la mise en place de leurs mécanismes nationaux de prévention. Ses membres ont participé à titre individuel à un grand nombre d’activités concernant les mécanismes nationaux de prévention, sur l’invitation d’autres organismes régionaux et nationaux, et ilest très reconnaissant à tous ceux qui leur ont apporté soutien et assistance. L’un des enseignements tirés de ces activités est que les contacts pendant la période précédant immédiatement la désignation d’un mécanisme national de prévention et au moment de sa mise en fonctionnement sont très souvent recherchés tant par les États parties que par les mécanismes concernés et peuvent être extrêmement bénéfiques en ce qu’ils favorisent l’établissement de mécanismes nationaux de prévention conformes aux dispositions du Protocole facultatif.

45.Le Sous-Comitétend vers un système dans lequel il s’efforcerait d’effectuer des visites dans les pays le plus tôt possible après la ratification du Protocole facultatif afin de fournir aux États parties des conseils et une assistance en vue de la mise en place de leur mécanisme national de prévention. Ces visites, qui viendraient s’ajouter au programme d’activités actuel, ne comprendraient pas nécessairement de visites des lieux de détention et pourraient donc être plus courtes. Le Sous-Comitéestime également que l’existence d’un mécanisme national de prévention opérationnel pourrait être un facteur à prendre en compte pour décider de la longueur d’une visite.

C.Réflexions sur le rôle de la confidentialité dans les travauxdu Sous-Comité

46.Le paragraphe 3 de l’article 2 du Protocole facultatif dispose que le Sous-Comités’inspire, entre autres, du principe de confidentialité. La confidentialité est au cœur de la philosophie qui sous-tend le Protocole facultatif, selon laquelle il est possible d’engager un dialogue constructif sur des questions aussi sensibles que celle de la torture et des traitements ou peines cruels, inhumains ou dégradants en nouant une relation fondée sur la confiance mutuelle, ce que permet la confidentialité. Le Sous-Comitérespecte scrupuleusement le principe de la confidentialité dans le but de favoriser un tel engagement constructif. Il est convaincu que la confidentialité de l’identité et des données personnelles doit toujours être préservée.

47.Toutefois, comme il ressort clairement du Protocole facultatif lui-même, la confidentialité n’est qu’un moyen en vue d’une fin et peut être levée par l’État, s’il le souhaite, en autorisant la publication des rapports et des recommandations du Sous-Comité. S’il reconnaît et respecte le droit des États de maintenir la confidentialité des rapports, le Sous-Comitéaccueille avec satisfaction toute volonté de publication, comme un signe tangible de l’approfondissement de ses liens avec un État partie dans la poursuite d’un objectif commun, celui de la prévention. Il est convaincu que la publication des rapports accroît considérablement leur effet préventif en les rendant accessibles à un public plus large, qui devient alors susceptible de contribuer à l’action de prévention en encourageant ou en facilitant l’examen et la mise en œuvre des recommandations énoncées dans les rapports. De plus, le Sous-Comitéest habilité par le Protocole facultatif à communiquer à titre confidentiel des éléments de ses rapports de visite au mécanisme national de prévention d’un État partie s’il le juge nécessaire, ce qu’il a déjà fait.

48.Les renseignements obtenus pendant une visite et les rapports et recommandations transmis à l’État partie à l’issue de cette visite demeurent confidentiels tant que l’État concerné n’en a pas décidé autrement, à moins qu’une déclaration publique ne soit faite conformément au Protocole facultatif. Il s’ensuit que, tout en respectant le principe de confidentialité énoncé dans le Protocole facultatif, le Comité ne considère pas que ses activités et les approches qu’il adopte dans son travail soient confidentielles elles-mêmes et il se félicite de pouvoir les faire largement connaître. C’est dans ce contexte qu’en 2010 il a décidé de publier son Règlement intérieur et ses Directives concernant les visites dans les États parties.

D.Questions découlant des visites

49.Le Sous-Comité, ayant réfléchi sur les visites qu’il a effectuées pendant la période couverte par le rapport, souhaite appeler l’attention sur un certain nombre de questions d’ordre général s’y rapportant.

1.Aspects pratiques de la coopération pendant les visites, y compris l’accès aux personnes privées de liberté, aux lieux de détention, aux registres, etc.

50.Pour pouvoir s’acquitter pleinement et efficacement de son mandat en matière de visites, le Sous-Comité doit avoir l’entière coopération des autorités. Il est particulièrement important que les autorités veillent à ce que les personnes chargées de la gestion des lieux de détention au quotidien soient pleinement informées des attributions du Sous-Comité en vertu du Protocole facultatif préalablement à ses visites. Le Sous-Comité reconnaît qu’il est inévitable de devoir attendre quelques instants en arrivant dans un lieu de détention mais il estime que ce temps d’attente devrait être de l’ordre de quelques minutes, et non durer des dizaines de minutes. De plus, il considère qu’il ne devrait pas avoir à expliquer ses attributions et son mandat à chaque fois qu’il se présente dans un lieu de détention. Il ne devrait pas non plus être nécessaire que les responsables présents s’en réfèrent aux autorités supérieures avant de procéder à la visite.

51.Le Sous-Comité continue de rencontrer des problèmes pour accéder aux personnes privées de liberté, s’entretenir avec les détenus en privé, avoir accès aux registres, se déplacer librement à l’intérieur des lieux de détention et avoir accès à toute pièce, armoire, etc. Il est difficile de comprendre pourquoi, étant donné que son mandat est clairement énoncé dans le Protocole facultatif et longuement expliqué aux États avant toute visite. À cet égard, le Sous-Comité a trouvé extrêmement utile que quelques-uns de ses membres aient pu dans certains cas se rendre dans le pays concerné avant la visite officielle pour y tenir des réunions d’information informelles. À chaque fois, ceci a permis d’identifier et de résoudre les difficultés et les malentendus éventuels, ce qui a rendu les visites elles-mêmes plus productives. Le Sous-Comité souhaiterait dans la mesure du possible que ce type d’activités préalables deviennent systématiques.

2.Surpeuplement carcéral et détention avant jugement

52.Il est évident pour le Sous-Comité que l’utilisation excessive − et abusive − de la détention avant jugement est un problème général auquel il faut s’attaquer en priorité. Ce problème engendre ou alimente le surpeuplement endémique qui caractérise le système carcéral de nombreux États parties. Le Sous-Comité demeure perplexe devant la complaisance qui semble entourer l’utilisation courante de la détention avant jugement pour des périodes prolongées et le surpeuplement chronique qui en résulte, ainsi que tous les problèmes qui y sont associés. Chacun sait que ce phénomène existe dans de nombreux États parties au Protocole facultatif. Ceux-ci ne devraient pas attendre une visite du Sous‑Comité (ou du mécanisme national de prévention) pour commencer à s’attaquer au problème, étant donné qu’ils y sont déjà tenus par leurs obligations préexistantes en matière de droits de l’homme. Il n’existe aucune raison pour que les États parties ne mettent pas immédiatement en œuvre des stratégies à cet effet, concrétisant leur obligation de prévenir la torture, plutôt que d’attendre que le Sous-Comité effectue une visite et recommande des mesures évidentes (comme l’utilisation de la détention avant jugement en dernier recours et seulement pour les infractions les plus graves, ou lorsqu’il existe des risques sérieux qui ne peuvent être atténués qu’en utilisant ce type de détention).

3.Mise en pratique des garanties

53.De même, le Sous-Comité continue de se demander pourquoi les États parties devraient se contenter de disposer de lois et de procédures qui prévoient des garanties en matière de protection mais qui ne sont manifestement pas respectées dans la pratique. Des garanties ne peuvent être valables que si elles sont réellement utilisées. Ainsi, par exemple, le droit d’avoir accès à un avocat ou à un médecin perd son sens si aucun avocat ou médecin n’est effectivement accessible. Il ne saurait suffire d’énoncer simplement des garanties sur papier. Des systèmes doivent être mis en place pour rendre ces garanties effectives. Le Sous-Comité est bien conscient des écarts qui existent entre le droit et la pratique dans ce domaine et il continuera pendant ses visites de s’efforcer de déterminer dans quelle mesure les garanties qu’il préconise sont mises en pratique.

4.«Normaliser» l’inacceptable

54.Le Sous-Comité ne peut s’empêcher de noter que certains États parties ont tendance à s’accoutumer à des situations et des pratiques qu’ils savent inacceptables mais qu’ils ont fini par accepter comme normales. Il tient à souligner que ce n’est pas parce qu’une chose est normale dans un système judiciaire ou pénitentiaire donné qu’elle est nécessairement juste et il appelle à lutter contre une telle complaisance, où qu’elle se manifeste. S’il comprend et accepte la nécessité de prendre en compte le contexte général dans une société donnée pour déterminer les critères précis applicables à son système pénitentiaire, il considère néanmoins que rien ne saurait justifier de ne pas traiter les personnes privées de liberté conformément aux normes fondamentales généralement admises au plan international et de ne pas leur accorder dans la pratique les garanties fondamentales de l’état de droit.

5.Le Sous-Comité et les cas individuels (y compris la question des représailles)

55.Le Protocole facultatif n’établit pas de mécanisme de plainte et les visites qu’il prévoit n’ont pas pour but d’examiner et de résoudre la situation d’individus donnés. Le Sous-Comité examine le traitement des personnes privées de liberté dans le but de formuler des recommandations générales à l’intention de l’État partie sur les meilleurs moyens de prévenir la torture et les mauvais traitements. Bien qu’il s’appuie sur des cas individuels de mauvais traitements pour illustrer les problèmes devant être réglés, il ne cherche pas à fournir un recours aux personnes concernées − même si, bien sûr il espère que bon nombre des cas de mauvais traitements qu’il a observés trouveront de fait une réponse grâce à la mise en œuvre de ses recommandations.

56.Le Sous-Comité est néanmoins désireux de voir les États parties respecter pleinement l’obligation qui leur incombe en vertu du Protocole facultatif de veiller à ce que les personnes qu’il rencontre et avec lesquelles il s’entretient pendant ses visites ne subissent aucun préjudice de ce fait. Conscient que nombre des détenus qui choisissent de parler craignent de subir des représailles sous une forme ou sous une autre, il continue de réfléchir aux meilleurs moyens de répondre à cette préoccupation. L’organisation de visites de suivi par les mécanismes nationaux de prévention et/ou la société civile dans les lieux de détention visités par le Sous-Comité, peu après le passage de celui-ci, pourrait permettre d’offrir une protection dans les situations les plus préoccupantes. Le Sous-Comité souhaiterait qu’un débat se tienne sur cette question importante.

6.Systèmes d’autogestion des prisonniers

57.Le Sous-Comité continue de constater des situations dans lesquelles la vie quotidienne des établissements fermés est largement aux mains des détenus eux-mêmes. Ces situations sont parfois le résultat de négligence, et parfois l’expression d’une politique officiellement reconnue. Il va de soi que c’est à l’État partie qu’il incombe en toutes circonstances d’assurer la sécurité et le bien-être de tous les détenus et il est inacceptable que certaines structures ne soient pas sous contrôle effectif du personnel officiel. En même temps, le Sous-Comité reconnaît que certaines formes d’autogestion des détenus peuvent contribuer à améliorer les conditions de vie au quotidien dans les établissements fermés. Il est toutefois conscient des dangers inhérents aux systèmes d’autogestion interne et il est d’avis que des mécanismes de protection efficaces sont indispensables pour garantir que ces systèmes ne se retournent pas contre les prisonniers vulnérables et ne soient pas utilisés comme des moyens de coercition ou d’extorsion. Le Sous-Comité a conscience que de tels systèmes d’autogestion peuvent eux-mêmes être liés à des problèmes plus généraux de corruption au sein du système de justice pénale ou subir les conséquences de ces problèmes, auxquels il faut également s’attaquer. De plus, les autorités doivent veiller à ce que tous les détenus soient traités sur un pied d’égalité et que les avantages pouvant être tirés de l’exercice de certaines responsabilités dans le cadre de l’autogestion n’aillent pas au-delà de ce qui est raisonnablement nécessaire pour permettre aux détenus concernés de s’acquitter des fonctions qui leur ont été légitimement confiées. Lorsqu’il existe des systèmes d’autogestion, ceux-ci devraient être officiellement reconnus et l’exercice de responsabilités internes par des détenus devrait obéir à un mandat et des critères de sélection clairs et transparents. Ces personnes devraient être soumises à une supervision étroite. Elles ne devraient en aucun cas être en mesure de contrôler l’accès aux autorités responsables des lieux de détention ni l’accès au personnel médical ou aux mécanismes de plaintes, ou encore d’exercer un pouvoir disciplinaire sur leurs codétenus.

E.Publication des rapports de visite du Sous-Comité et dialogueavec les États parties

58.Comme indiqué précédemment, les États parties ont à ce jour autorisé la publication de cinq rapports de visite et d’une réponse au titre du suivi. Étant donné que trois rapports avaient été reçus relativement récemment, ces chiffres semblent révéler une tendance encourageante à aller vers la publication des rapports. Toutefois, la publication n’est pas une fin en elle-même. Elle constitue plutôt un moyen important de renforcer le dialogue et la collaboration, en faisant mieux connaître les recommandations du Sous-Comité. Celui-ci note avec préoccupation que les États parties n’ont pas respecté les délais prescrits pour répondre à ses rapports de visite (publiés ou non) et ne lui ont même parfois adressé aucune réponse. Si dans le premier cas le dialogue sur la mise en œuvre des recommandations s’en trouve retardé, dans le second, le dialogue tend alors à porter davantage sur la question de savoir quand une réponse pourra être reçue plutôt que sur les mesures de mise en œuvre. Le Sous-Comité invite donc instamment les États parties à lui adresser leur réponse dans les délais prescrits afin de pouvoir entamer le dialogue sur la mise en œuvre.

F.Site Web du Sous-Comité

59.Le site Web du Sous-Comité a été fréquemment mentionné dans le présent rapport. Le Sous-Comité souhaiterait néanmoins appeler l’attention sur la richesse et la facilité d’accès des sources d’information que contient ce site. On y trouve par exemple des copies de la correspondance entre le Sous-Comité et les États parties concernant la désignation des mécanismes nationaux de prévention, ainsi que des liens vers les sites Web des différents mécanismes nationaux de prévention. Les rapports annuels des mécanismes nationaux de prévention reçus par le Sous-Comité peuvent également y être consultés. Il contient en outre des liens vers d’excellents sites Web gérés par des ONG et d’autres organisations, dont le contenu se rapporte au Protocole facultatif. Le Sous-Comité espère vivement que son site continuera de se développer et il entend étudier activement la possibilité de l’utiliser pour faciliter la circulation de l’information concernant ses travaux et ceux des mécanismes nationaux de prévention.

G.Obligation d’établir des mécanismes nationaux de prévention

60.S’ils n’ont pas fait la déclaration prévue à l’article 24 du Protocole facultatif au moment de la ratification (voir partie II, sect. E, ci-dessus), tous les États parties sont tenus de désigner un mécanisme national de prévention dans un délai d’un an à compter de l’entrée en vigueur du Protocole facultatif. Le Sous-Comité est conscient que la mise en place d’un mécanisme national de prévention n’est pas toujours une tâche facile et il reconnaît qu’il est préférable de prendre du temps pour obtenir un résultat satisfaisant. Convaincu que l’établissement d’un mécanisme national conforme au Protocole facultatif constitue un élément clef du système de prévention, il note avec préoccupation que de nombreux États parties n’ont toujours pas satisfait à cette obligation.

61.Le Sous-Comité encourage les États parties à solliciter ses conseils et son assistance aux fins de la mise en place des mécanismes nationaux de prévention le plus tôt possible afin de garantir le respect des obligations qui leur incombent en la matière en vertu du Protocole facultatif. Pour aider à cela, le Sous-Comité a revu ses directives concernant les mécanismes nationaux de prévention, qui sont exposées dans la partie V du présent rapport.

H.Formes que peuvent prendre les mécanismes nationaux de prévention

62.Il a souvent été demandé au Sous-Comité s’il existait un modèle de la forme que devraient prendre les mécanismes nationaux de prévention. La réponse à cette question est non. La forme et la structure du mécanisme national peuvent varier en fonction de différents facteurs propres au pays concerné et il n’appartient pas au Sous-Comité de déclarer ce qui convient ou non dans l’absolu. Tous les mécanismes nationaux de prévention doivent bien sûr être indépendants. Au-delà de cela, ce qui compte pour le Sous-Comité est qu’ils soient opérationnels; le fait qu’un modèle fonctionne bien dans un pays ne signifie pas nécessairement qu’il en serait de même dans un autre pays. Ce qui importe est que le modèle adopté fonctionne bien dans le pays où il est mis en place. C’est pourquoi le Sous-Comité ne procède pas à une «évaluation» ou une «accréditation» des mécanismes nationaux de prévention sur la base de leur conformité aux critères énoncés dans le Protocole. Il préfère travailler avec les mécanismes désignés pour les aider à mieux fonctionner conformément à la lettre et à l’esprit du Protocole facultatif.

V.Questions de fond

A.Directives concernant les mécanismes nationaux de prévention

63.Le Protocole facultatif contient de nombreuses indications détaillées concernant la création des mécanismes nationaux de prévention, y compris leur mandat et leurs attributions. Les dispositions les plus pertinentes à cet égard sont les articles 3, 4, 17 à 23, 29 et 35, même si les autres dispositions du Protocole facultatif sont également importantes. Il va de soi que tous les mécanismes nationaux de prévention doivent refléter pleinement ces dispositions.

64.C’est à l’État qu’il incombe de veiller à la mise en place d’un mécanisme national de prévention qui soit conforme aux prescriptions du Protocole facultatif. Pour sa part, le Sous-Comité travaille avec les organismes qui ont été désignés par les États comme mécanisme national de prévention. S’il n’a pas − et n’entend pas avoir − pour rôle d’évaluer la conformité de chaque mécanisme avec les dispositions du Protocole facultatif, le Sous-Comité considère néanmoins qu’un aspect essentiel de son mandat est de conseiller les États et les mécanismes nationaux de prévention et de les aider à s’acquitter des obligations découlant du Protocole facultatif. À cet effet, le Sous-Comité avait inclus dans son premier rapport annuel des Directives préliminaires pour la mise en place des mécanismes nationaux de prévention. Il a eu l’occasion d’approfondir le sujet dans ses rapports annuels suivants et dans un certain nombre de recommandations formulées dans ses rapports de visites. Compte tenu de l’expérience qu’il a acquise, le Sous-Comité a jugé qu’il serait utile d’établir une série de directives révisées concernant les mécanismes nationaux de prévention, qui tienne compte des questions et problèmes rencontrés dans la pratique et qui y réponde.

65.Ces directives n’ont pas pour but de répéter ce qui est énoncé dans le texte du Protocole facultatif mais de clarifier les attentes du Sous-Comité en ce qui concerne la création et le fonctionnement des mécanismes nationaux de prévention. La partie I définit les principes de base qui devraient orienter l’ensemble des travaux des mécanismes nationaux. La partie II contient des directives destinées essentiellement aux États, portant sur les questions relatives à la création des mécanismes nationaux, et la partie III contient des directives à l’intention des États et des mécanismes eux-mêmes, concernant le fonctionnement pratique de ces derniers.

66.Au fur et à mesure de ses travaux, le Sous-Comité s’emploiera à compléter ces directives, en traitant plus en détail de certains aspects donnés des activités des mécanismes nationaux de prévention.

1.Principes de base

67.Les mécanismes nationaux de prévention devraient compléter plutôt que remplacer les systèmes de surveillance existants et leur création ne devrait pas exclure l’établissement ou le fonctionnement d’autres mécanismes complémentaires.

68.Le mandat et les attributions des mécanismes nationaux de prévention devraient être conformes aux dispositions du Protocole facultatif.

69.Le mandat et les attributions des mécanismes nationaux de prévention devraient être clairement définis dans un texte constitutionnel ou législatif.

70.L’indépendance de fonctionnement des mécanismes nationaux de prévention devrait être garantie.

71.La législation pertinente devrait spécifier la durée du mandat des membres du mécanisme national de prévention, ainsi que les motifs éventuels de révocation. La durée du mandat, qui peut être renouvelable, devrait être suffisante pour favoriser le fonctionnement indépendant du mécanisme.

72.Les attributions des mécanismes nationaux de prévention en matière de visites devraient couvrir tous les lieux de privation de liberté, comme il est énoncé à l’article 4 du Protocole facultatif.

73.Des ressources suffisantes devraient être affectées aux mécanismes nationaux de prévention pour permettre leur fonctionnement effectif, conformément aux dispositions du Protocole facultatif.

74.Les mécanismes nationaux de prévention devraient jouir d’une entière autonomie financière et opérationnelle pour pouvoir s’acquitter de leurs fonctions en vertu du Protocole facultatif.

75.Les autorités gouvernementales et les mécanismes nationaux de prévention devraient engager un processus de suivi aux fins de la mise en œuvre des recommandations qui pourraient être formulées par ces mécanismes.

76.Ceux qui participent ou collaborent aux activités menées par les mécanismes nationaux de prévention en vertu du Protocole facultatif ne devraient subir aucune forme de sanction, représailles ou autre acte d’empêchement en raison de leur rôle.

77.Le bon fonctionnement des mécanismes nationaux de prévention est une obligation continue. L’efficacité de ces mécanismes devrait être régulièrement évaluée par l’État et par les mécanismes eux-mêmes, en tenant compte des observations du Sous-Comité, afin de pouvoir être renforcée si nécessaire.

2.Questions fondamentales concernant la mise en place des mécanismes nationauxde prévention

a)Désignation ou création d’un mécanisme national de prévention

78.La mise en place d’un mécanisme national de prévention devrait faire l’objet d’un processus ouvert, non exclusif et transparent, faisant intervenir un large éventail d’acteurs, y compris la société civile. Il en va de même de la sélection et de la nomination des membres du mécanisme national, qui devraient obéir à des critères expressément énoncés.

79.Conformément aux paragraphes 1 et 2 de l’article 18 du Protocole facultatif, les membres du mécanisme national de prévention devraient posséder collectivement les compétences et les connaissances requises pour lui permettre de fonctionner efficacement.

80.L’État devrait garantir l’indépendance du mécanisme national de prévention en veillant à ne pas nommer des membres qui occupent une position susceptible de donner lieu à des conflits d’intérêts.

81.Les membres des mécanismes nationaux de prévention devaient eux-aussi faire en sorte de ne pas occuper ou accepter de fonctions susceptibles d’entraîner des conflits d’intérêts.

82.Compte tenu des paragraphes 1 et 2 de l’article 18 du Protocole facultatif, chaque mécanisme national de prévention devrait veiller à ce que, par sa composition, son personnel présente la diversité de milieux, de compétences et de connaissances professionnelles voulue pour lui permettre de s’acquitter correctement de son mandat. Parmi ces compétences devraient figurer notamment les connaissances juridiques et médicales utiles.

b)Désignation et notification

83.La mise en place d’un mécanisme national de prévention devrait avoir lieu au plus tard un an après l’entrée en vigueur du Protocole facultatif pour l’État concerné, sauf si une déclaration a été faite au moment de la ratification conformément à l’article 24 du Protocole facultatif.

84.La désignation d’un organisme comme mécanisme national de prévention doit être annoncée publiquement au niveau national.

85.L’État devrait notifier rapidement au Sous-Comité l’organisme désigné comme mécanisme national de prévention.

3.Questions fondamentales concernant le fonctionnement des mécanismes nationauxde prévention

a)Points intéressant les États

86.L’État devrait autoriser le mécanisme national de prévention à visiter tout lieu placé sous sa juridiction où se trouvent ou pourraient se trouver des personnes privées de liberté, comme il est énoncé aux articles 4 et 29 du Protocole facultatif. À cet effet, la juridiction de l’État s’étend à tous les lieux sur lesquels il exerce un contrôle effectif.

87.L’État devrait veiller à ce que le mécanisme national de prévention puisse effectuer ses visites de la manière et avec la fréquence qu’il décide lui-même. Le mécanisme national de prévention devrait notamment pouvoir s’entretenir en privé avec les personnes privées de liberté et procéder à tout moment à des visites inopinées dans tous les lieux de privation de liberté, conformément aux dispositions du Protocole facultatif.

88.L’État devrait veiller à ce que les membres et le personnel du mécanisme national de prévention jouissent des privilèges et immunités nécessaires à l’exercice indépendant de leurs fonctions.

89.L’État ne devrait en aucun cas ordonner, appliquer, autoriser ou tolérer de sanction, représailles ou autre acte d’empêchement à l’encontre d’une personne ou d’une organisation qui aurait communiqué avec le mécanisme national de prévention ou lui aurait remis des renseignements, vrais ou faux, et ladite personne ou organisation ne devrait subir de préjudice d’aucune manière.

90.L’État devrait informer le mécanisme national de prévention lorsqu’un projet de loi intéressant son mandat est à l’examen et lui permettre de faire des propositions ou des observations sur toute politique ou législation en projet ou en vigueur. Il devrait prendre en compte toute proposition ou observation sur la législation émanant du mécanisme national de prévention.

91.L’État devrait publier et diffuser largement les rapports annuels du mécanisme national de prévention. Il devrait en outre veiller à ce que ces rapports soient présentés à l’assemblée législative nationale (Parlement) et examinés par cette institution. Les rapports annuels du mécanisme national de prévention devraient également être transmis au Sous-Comité, qui se chargera de les publier sur son site Web.

b)Points intéressant les mécanismes nationaux de prévention

92.Les mécanismes nationaux de prévention devraient faire en sorte d’éviter les conflits d’intérêts réels ou perçus dans tous les aspects de l’exercice de leur mandat.

93.Les mécanismes nationaux de prévention, leurs membres et leur personnel devraient être tenus d’examiner leurs méthodes de travail et de suivre des formations de façon régulière afin de renforcer leur capacité à s’acquitter de leurs responsabilités en vertu du Protocole facultatif.

94.Lorsque l’organe désigné comme mécanisme national de prévention exerce d’autres fonctions que celles visées par le Protocole facultatif, ses fonctions en tant que mécanisme national devraient être confiées à un groupe ou un département distinct, doté de son propre personnel et de son propre budget.

95.Chaque mécanisme national de prévention devrait établir un plan/programme de travail qui couvre progressivement tous les lieux placés sous la juridiction de l’État où se trouvent ou pourraient se trouver des personnes privées de liberté, conformément aux dispositions des articles 4 et 29 du Protocole facultatif. À cet effet, la juridiction de l’État s’étend à tous les lieux sur lesquels il exerce un contrôle effectif.

96.Les mécanismes nationaux de prévention devraient planifier leurs activités et utiliser leurs ressources d’une manière qui leur permette de visiter les lieux de privation de liberté selon des modalités appropriées et avec une fréquence suffisante pour contribuer efficacement à la prévention de la torture et des autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

97.Les mécanismes nationaux de prévention devraient adresser des propositions et des observations aux autorités compétentes en ce qui concerne les politiques ou les textes de loi en projet ou en vigueur qu’ils considèrent comme pertinents au regard de leur mandat.

98.Les mécanismes nationaux de prévention devraient établir des rapports sur leurs visites ainsi qu’un rapport annuel, auxquels ils pourront ajouter tout autre rapport qu’ils jugent utile. Ces rapports devraient contenir des recommandations à l’intention des autorités compétentes, s’il y a lieu. Les recommandations des mécanismes nationaux devraient tenir compte des normes pertinentes de l’Organisation des Nations Unies dans le domaine de la prévention de la torture et des autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, y compris les observations et recommandations du Sous-Comité.

99.Les mécanismes nationaux de prévention devraient veiller à ce que tout renseignement confidentiel recueilli dans le cadre de leurs travaux soit pleinement protégé.

100.Les mécanismes nationaux de prévention devraient s’assurer d’avoir la capacité d’engager un processus de dialogue véritable avec l’État en ce qui concerne la mise en œuvre de leurs recommandations, et engager effectivement un tel processus. Ils devraient également s’employer à assurer le suivi de toute recommandation formulée par le Sous‑Comité au sujet du pays concerné, en assurant la liaison avec le Sous-Comité à cet effet.

101.Les mécanismes nationaux de prévention devraient s’efforcer d’établir et d’entretenir des contacts avec les autres mécanismes nationaux afin de partager des données d’expérience et de renforcer leur efficacité.

102.Les mécanismes nationaux de prévention devraient s’efforcer d’établir et d’entretenir des contacts avec le Sous-Comité, conformément aux dispositions et aux objectifs du Protocole facultatif.

B.Approche du Sous-Comité concernant la notion de préventionde la torture et des autres peines ou traitements cruels, inhumainsou dégradants au sens du Protocole facultatif

103.Il ne fait aucun doute que les États parties au Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants («le Protocole facultatif») ont l’obligation juridique de «prévenir» la torture et les autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Le paragraphe 1 de l’article 2 de la Convention, à laquelle tous les États parties au Protocole facultatif doivent aussi être parties, dispose que «tout État partie prend des mesures législatives, administratives, judiciaires et autres mesures efficaces pour empêcher que des actes de torture soient commis dans tout territoire sous sa juridiction». Le paragraphe 1 de l’article 16 de la Convention élargit cette obligation en disposant que «tout État partie s’engage à interdire dans tout territoire sous sa juridiction d’autres actes constitutifs de peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants qui ne sont pas des actes de torture…». Comme l’a expliqué le Comité contre la torture dans son Observation générale no 2 «les dispositions du paragraphe 1 de l’article 2 obligent chaque État partie à prendre des mesures législatives, administratives, judiciaires et autres qui renforceront l’interdiction de la torture». Même si l’obligation de prévenir la torture et les mauvais traitements vient renforcer l’interdiction de la torture, elle reste aussi une obligation à part entière et le fait, pour un État, de ne pas prendre les mesures préventives appropriées qui sont en son pouvoir pourrait engager sa responsabilité internationale si des actes de torture étaient commis dans des circonstances où l’État n’aurait pas été autrement responsable.

104.Appelant l’attention sur l’article 2 de la Convention, la Cour internationale de Justice a fait observer que «le contenu de l’obligation de prévention varie d’un instrument à l’autre, selon le libellé des dispositions pertinentes et en fonction de la nature même des actes qu’il s’agit de prévenir». Le Comité a noté que l’obligation de prévention était «de portée large» et que le contenu de cette obligation n’était pas immuable puisque «les mesures que le Comité considère efficaces et recommande d’adopter sont en constante évolution» et ne se limitent donc pas aux «mesures énoncées dans les articles 3 à 16».

105.Le Sous-Comité pour la prévention de la torture est d’avis que, comme ces observations le donnent à penser, il n’est pas possible d’énoncer de manière exhaustive ce qu’entraîne in abstracto l’obligation de prévenir la torture et les mauvais traitements. Il est bien sûr possible et important de déterminer la mesure dans laquelle un État respecte les engagements juridiques pris officiellement en vertu d’instruments internationaux et qui ont une visée préventive mais, bien que nécessaires, ils sont rarement suffisants pour remplir l’obligation de prévenir la torture: tout autant que le contenu des mesures législatives, administratives, judiciaires ou autres d’un État, c’est la pratique qui est au cœur de l’action de prévention. En outre, la prévention de la torture et des mauvais traitements nécessite plus que le respect des engagements juridiques. En effet, la prévention de la torture et des mauvais traitements englobe − ou devrait englober − le plus grand nombre possible des éléments qui, dans une situation donnée, peuvent contribuer à réduire la probabilité ou le risque de torture ou de mauvais traitements. Une telle approche suppose non seulement de respecter les obligations et les normes internationales pertinentes tant du point de vue de la forme que du fond, mais aussi de s’intéresser à un ensemble d’autres facteurs en rapport avec l’expérience et le traitement des personnes privées de liberté et qui, de par leur nature même, dépendront du contexte.

106.C’est pour cette raison que le Protocole facultatif vise à renforcer la protection des personnes privées de liberté, non en établissant des obligations de fond supplémentaires en matière de prévention, mais en contribuant à la prévention de la torture par la création, aux niveaux international et national, d’un système préventif de visites régulières donnant lieu à l’élaboration de rapports et des recommandations. Ces rapports et ces recommandations tendent non seulement à favoriser le respect des obligations et des normes internationales, mais aussi à apporter des suggestions et des avis concrets sur les moyens de réduire la probabilité ou le risque de torture ou de mauvais traitements et seront solidement étayés et fondés sur les faits constatés et les situations rencontrées au cours des visites. Par conséquent, le Sous-Comité estime qu’il est mieux à même de contribuer à la prévention en développant sa réflexion sur la meilleure manière de remplir son mandat au titre du Protocole facultatif plutôt qu’en présentant ses vues sur ce que la prévention peut ou non nécessiter soit du point de vue des notions abstraites, soit en ce qui concerne les obligations juridiques. Toutefois, l’approche du Sous-Comité concernant son mandat de prévention obéit à un certain nombre de principes fondamentaux qu’il est utile d’exposer.

Principes directeurs

107.Les principes directeurs sont les suivants:

a)L’incidence de la torture et des mauvais traitements dépend d’un large éventail de facteurs, notamment du niveau général d’exercice des droits de l’homme et de respect de la légalité, des niveaux de pauvreté, d’exclusion sociale, de corruption, de discrimination, etc. Si un niveau globalement élevé de respect des droits de l’homme et de la légalité dans une société ou une communauté ne constitue pas une garantie contre la pratique de la torture et les mauvais traitements, il offre les meilleures perspectives pour une prévention efficace. En ce sens, le Sous-Comité s’intéresse vivement à la situation générale des pays en ce qui concerne l’exercice des droits de l’homme et son incidence sur la situation des personnes privées de liberté;

b)Dans ses travaux, le Sous-Comité doit prendre en considération, de manière plus large, les cadres réglementaires et la politique générale concernant le traitement des personnes privées de liberté et établir un dialogue avec ceux qui en sont responsables. Il doit aussi s’intéresser à la manière dont ces dispositions sont appliquées au moyen des divers mécanismes institutionnels mis en place à cette fin, à la manière dont ces derniers sont dirigés et administrés et à leur fonctionnement dans la pratique. Il convient donc d’adopter une approche globale de la situation, alimentée notamment mais non exclusivement par l’expérience acquise au cours des visites dans les différents lieux de détention;

c)Il conviendra, dans le cadre de la prévention, de veiller à ce qu’une grande diversité de garanties procédurales pour les personnes privées de liberté soient reconnues et appliquées dans la pratique. Elles concerneront tous les stades de la détention, depuis l’arrestation jusqu’à la libération définitive. Comme ces garanties visent à réduire la probabilité ou le risque de torture ou de mauvais traitements, elles sont intéressantes, qu’il existe ou non des informations faisant état de la pratique de la torture ou des mauvais traitements;

d)Les conditions de détention peuvent non seulement soulever la question des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants mais, dans certaines circonstances, peuvent aussi constituer un moyen de torture si elles sont utilisées d’une manière qui correspond aux dispositions de l’article premier de la Convention. Par conséquent, les recommandations relatives aux conditions de détention sont fondamentales pour une prévention efficace et porteront sur une grande diversité de questions, notamment les conditions matérielles, les taux d’occupation et les causes de taux élevés, l’existence d’équipements et de services suffisants et l’accès à ces équipements et ces services;

e)Les visites dans les États parties et les inspections de lieux de détention précis devraient être soigneusement préparées à l’avance, compte tenu de tous les facteurs pertinents, notamment les cadres juridiques et administratifs généraux, les droits fondamentaux, les garanties procédurales et les garanties d’une procédure équitable applicables à la détention ainsi que les contextes concrets. La manière dont les visites sont menées, leur objet principal et les recommandations faites à l’issue des visites peuvent varier en fonction de ces facteurs et selon les situations rencontrées afin de mieux atteindre l’objectif premier de la visite, qui est de maximiser le potentiel et l’effet préventifs de la visite;

f)Les rapports et les recommandations seront plus efficaces s’ils sont fondés sur une analyse rigoureuse et sur des faits bien établis. Les recommandations figurant dans les rapports de visite du Sous-Comité devraient être adaptées aux situations traitées afin d’apporter les conseils les plus concrets possibles. Lorsqu’il formule ses recommandations, le Sous-Comité est conscient qu’il n’existe pas de limite logique à l’éventail de questions qui, si elles sont explorées, peuvent avoir un effet préventif. Toutefois, il estime approprié de se concentrer sur les questions qui, compte tenu de la visite dans l’État partie concerné comme de son expérience plus générale, lui paraissent plus urgentes, pertinentes et réalisables;

g)Les mécanismes nationaux de contrôle efficaces, notamment les mécanismes de plainte, constituent un aspect essentiel de l’appareil de prévention. Ces mécanismes prendront diverses formes et fonctionneront à de nombreux niveaux. Certains seront internes, intégrés à l’organe, d’autres exerceront un contrôle externe tout en appartenant à l’appareil gouvernemental alors que d’autres encore, comme le mécanisme national de prévention, dont le Protocole facultatif impose la mise en place, exerceront un contrôle totalement indépendant;

h)La prévention de la torture et des mauvais traitements est plus aisée si le système de détention est ouvert à la surveillance extérieure. Les mécanismes nationaux de prévention, ainsi que les institutions nationales de défense des droits de l’homme et les services du médiateur jouent un rôle essentiel pour faire en sorte que cette surveillance soit exercée. Leur action est appuyée et complétée par la société civile, qui aide aussi grandement à assurer la transparence et la responsabilité en surveillant les lieux de détention, en examinant la façon dont les détenus sont traités et en fournissant des services pour répondre aux besoins de ces derniers. Le contrôle juridictionnel constitue un moyen de surveillance complémentaire. Ensemble, le mécanisme national de prévention, la société civile et le système de contrôle juridictionnel offrent des moyens de prévention essentiels, qui se renforcent mutuellement;

i)Il ne doit pas y avoir d’exclusivité dans l’action de prévention. La prévention est une entreprise multiforme et interdisciplinaire. Elle doit être fondée sur les connaissances et l’expérience de personnes d’horizons très divers − par exemple juridique, médical, éducatif, religieux, politique, milieux de la police et systèmes de détention;

j)Toutes les personnes placées en détention forment un groupe vulnérable mais certains groupes sont particulièrement exposés: les femmes, les jeunes, les membres de groupes minoritaires, les étrangers, les handicapés et les personnes présentant une dépendance ou une pathologie physique ou psychologique grave. Des connaissances portant sur toutes ces vulnérabilités sont nécessaires pour réduire le risque de mauvais traitements.

VI.Activités à venir

A.Élargissement du Sous-Comité

108.À sa treizième session, en février 2011, le Sous-Comité accueillera 15 nouveaux membres. Cet élargissement devrait venir accroître sa capacité à s’acquitter de son mandat. Au cours de l’année écoulée, le Sous-Comité a réexaminé ses méthodes de travail de manière à les organiser en un système qui lui permette de travailler efficacement avec une équipe plus nombreuse. Il a davantage fait appel à des rapporteurs et s’est efforcé, comme indiqué précédemment, de structurer ses contacts avec les organismes régionaux et les mécanismes nationaux de prévention. La première mission du Sous-Comité élargi sera de faire connaissance avec les nouveaux membres et de trouver les moyens d’exploiter au mieux l’expérience et les compétences nouvelles qu’il aura désormais à sa disposition. La formation des nouveaux membres à la manière de travailler du Sous-Comité sera également un aspect important. Le Sous-Comité reconnaît que l’élargissement va nécessiter des changements, mais il estime que ceux-ci doivent être opérés compte dûment tenu de l’expérience qu’il a acquise dans l’exécution de son difficile mandat au sein du cadre institutionnel unique qu’offrent l’Organisation des Nations Unies et le HCDH. Le Sous‑Comité espère que le fait de compter davantage de membres lui permettra au fil du temps de renforcer la collaboration avec les mécanismes nationaux de prévention en l’intégrant dans un programme permanent, au lieu de se limiter à répondre à des demandes ponctuelles, comme cela a été le cas jusqu’à présent.

109.Le Sous-Comité note que le fait de compter plus de membres lui permettra d’effectuer beaucoup plus de visites qu’il ne le peut à l’heure actuelle. Toutefois, pour qu’il puisse exploiter pleinement ce potentiel accru, il faudra impérativement que son secrétariat soit sensiblement renforcé. En l’état actuel des choses, il est déjà difficile pour le secrétariat d’assumer la lourde charge de travail qui est la sienne; il lui sera tout simplement impossible de faire face à l’intensification des activités que l’élargissement du Sous-Comité est voué à entraîner. Le Sous-Comité estime que l’augmentation des effectifs du secrétariat est une condition préalable indispensable au développement futur de ses travaux qui, si elle n’était pas remplie, réduirait à néant l’objet et le but de la deuxième phrase du paragraphe 1 de l’article 5.

B.Plan de travail pour 2011

110.Lorsqu’il a élaboré son plan de travail pour 2011, le Sous-Comité a tenu compte de la nécessité de concilier des impératifs contradictoires. Premièrement, il fallait mettre à profit l’élargissement du Sous-Comité et établir un programme qui contribue à former et à intégrer les nouveaux membres aussi rapidement que possible. Deuxièmement, il fallait élargir le champ des activités de suivi auprès des États dans lesquels le Sous-Comité s’était déjà rendu, en vue d’approfondir le dialogue avec ces États et de parvenir à des résultats concrets en termes de prévention. Troisièmement, il devenait de plus en plus urgent d’instaurer une réelle collaboration avec les mécanismes nationaux de prévention. Quatrièmement, il fallait prendre contact le plus rapidement possible avec les nouveaux États parties. Cinquièmement, il fallait maintenir une capacité suffisante pour répondre au nombre croissant d’invitations et de demandes de conseils et d’assistance. Sixièmement, il fallait contribuer davantage aux travaux du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés lorsque c’était possible. Enfin, tout ce qui précède devait être accompli dans les limites d’un budget serré, ce qui exigeait de l’innovation et de l’efficacité.

111.C’est dans ce contexte qu’à sa douzième session, tenue en novembre 2010, le Sous‑Comité a décidé qu’en 2011, il se rendrait au Brésil, au Mali et en Ukraine.

112.Comme pour les précédentes visites, ces pays ont été choisis après mûre réflexion et compte tenu d’un ensemble de facteurs qui ont été exposés dans le présent rapport annuel et dans le précédent, tels que la date de ratification et l’établissement de mécanismes nationaux de prévention, la répartition géographique, la taille et la complexité de l’État, la surveillance préventive organisée à l’échelon régional et les problèmes spécifiques ou urgents qui ont été signalés.

C.Établissement de relations de travail avec d’autres organes

113.Le Sous-Comité entretient de nombreux contacts formels et informels avec d’autres organes aux niveaux national, régional et international. L’accent est beaucoup mis sur la collaboration, l’échange d’informations, etc., comme moyens de faciliter le travail des uns et des autres, mais le fait est que ces modalités restent souvent difficiles à concrétiser. Le Sous-Comité espère que la création d’un système de rapporteurs régionaux ouvrira de nouvelles perspectives de coopération renforcée. Il estime qu’il pourrait à cette fin être utile d’élaborer une grille type d’activités de coopération possibles afin d’alimenter sa réflexion concernant la meilleure façon de procéder pour établir des relations avec d’autres organes.

114.Le Sous-Comité estime qu’il convient d’établir une distinction entre plusieurs formes générales de coopération:

a)Promotion/sensibilisation: comme leur nom l’indique, ces formes de coopération seront menées à un niveau relativement général, typiquement sous la forme de présentations ponctuelles, afin de promouvoir une meilleure compréhension mutuelle des activités des organismes régionaux concernés et du Sous-Comité. Ces activités devraient être encouragées quand les ressources le permettent et lorsqu’elles présentent un intérêt stratégique important pour les travaux du Sous-Comité;

b)Échange d’informations: lorsque des organismes s’occupent d’un domaine intéressant le Sous-Comité, il sera souvent utile d’échanger des informations sur les questions, les approches et les pratiques actuelles pour permettre à chacun d’être mieux informé des travaux de l’autre, ou des questions qu’il traite ou essaie de traiter, afin d’en tenir compte dans l’exercice de son propre mandat;

c)Coordination: lorsque des organismes ont des activités semblables, qu’il s’agisse de visites dans les lieux de détention ou de collaboration avec des mécanismes nationaux de prévention, il sera souvent utile de vérifier que les activités prévues ne se contrarient pas, dans la pratique comme dans leur conception;

d)Participation: cela suppose de jouer un rôle dans les activités d’un organe pertinent en allant au-delà des formes plus générales de collaboration visées aux alinéas a et b ci-dessus. Il pourrait par exemple s’agir de prendre part à une manifestation ou à un processus dirigé par d’autres mais qui est jugé important pour les travaux du Sous-Comité;

e)Collaboration: cela suppose un partenariat dans la conception et l’exécution d’activités sur une base de partage, avec une responsabilité commune.

115.À tout moment, le Sous-Comité peut être amené à coopérer d’une façon ou d’une autre avec diverses organisations. La capacité à instaurer un climat de confiance joue souvent un rôle dans ce type de relation, car l’expérience de relations fructueuses encourage le passage à un autre niveau de coopération. Toutefois, il ne faut pas y voir une question de «progression» dans une relation donnée; chaque demande ou possibilité de coopération devrait être examinée en fonction de sa valeur intrinsèque, même si la nature de la relation institutionnelle dans son ensemble peut évidemment entrer en jeu dans la prise de décisions particulières.

Appendices

Appendice I

Résumé du mandat du Sous-Comité pour la préventionde la torture

1.Le Sous-Comité pour la prévention de la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (le Sous-Comité) a été institué à la suite de l’entrée en vigueur en juin 2006 du Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Il a commencé ses travaux en février 2007. Il se compose actuellement de 10 experts indépendants originaires d’États parties qui ont ratifié le Protocole facultatif. En janvier 2011, le nombre d’experts indépendants sera porté à 25, conformément au paragraphe 1 de l’article 5 du Protocole facultatif.

2.En vertu du mandat défini dans le Protocole facultatif, le Sous-Comité effectue des visites dans tout lieu placé sous la juridiction ou sous le contrôle d’un État partie où se trouvent ou pourraient se trouver des personnes privées de liberté sur l’ordre d’une autorité publique ou à son instigation, ou avec son consentement exprès ou tacite. Le Sous-Comité effectue des visites dans les commissariats de police, les prisons (militaires et civiles), les centres de détention (centres de détention avant jugement, centres de rétention pour immigrants, établissements pénitentiaires pour mineurs, etc.), les établissements psychiatriques et sociaux et tous autres lieux où des personnes sont ou peuvent être privées de liberté. Le Sous-Comité applique une approche globale de la prévention. Au cours de ses visites, il examine la situation des personnes privées de liberté et le fonctionnement du système pénitentiaire et des autres services de l’État ayant autorité pour garder des individus afin de déterminer s’il y a des carences dans la protection des personnes détenues et d’adresser à l’État partie des recommandations dans le but d’éliminer ou de réduire au minimum les risques de torture ou de mauvais traitements. Le Sous-Comité ne donne pas de conseils juridiques, ne contribue pas au règlement des litiges et n’apporte pas d’aide financière directe. En vertu du Protocole facultatif, il doit avoir accès sans restriction à tous les lieux de détention et à leurs installations et équipements ainsi qu’à tous les renseignements utiles relatifs au traitement des personnes privées de liberté et à leurs conditions de détention. Il doit pouvoir s’entretenir en privé avec les personnes privées de liberté, sans témoins, ainsi qu’avec toute autre personne dont il pense qu’elle pourrait fournir des renseignements pertinents. Les États parties s’engagent à faire en sorte que les personnes ayant fourni des renseignements aux membres du Sous-Comité ne fassent pas l’objet de sanctions ou de représailles.

3.En outre, le Protocole facultatif fait obligation aux États parties de mettre en place des mécanismes nationaux de prévention indépendants chargés d’examiner la manière dont sont traitées les personnes en détention, d’adresser des recommandations aux autorités en vue de renforcer la protection contre la torture et de formuler des avis sur la législation en vigueur ou les projets de loi. Au titre de l’alinéa b de l’article 11 du Protocole facultatif, le Sous-Comité offre des avis et une assistance à la fois aux États parties en ce qui concerne la mise en place et le fonctionnement des mécanismes nationaux de prévention, et aux mécanismes nationaux de prévention eux-mêmes en vue de renforcer leur mandat, leur indépendance et leurs capacités et de les aider à déterminer les moyens de renforcer la protection des personnes privées de liberté.

4.Comme le dispose l’alinéa c de l’article 11 du Protocole facultatif, le Sous-Comité coopère, en vue de prévenir la torture, avec les organes et mécanismes compétents de l’Organisation des Nations Unies ainsi qu’avec les organisations ou organismes internationaux, régionaux et nationaux qui œuvrent en faveur du renforcement de la protection de toutes les personnes contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

5.Le Sous-Comité obéit aux principes fondamentaux de confidentialité, d’impartialité, de non-sélectivité, d’universalité et d’objectivité. Le Protocole facultatif est axé sur la coopération entre le Sous-Comité et les États parties. Au cours de leurs visites, les membres du Sous-Comité rencontrent des représentants de l’État, des mécanismes nationaux de prévention, des institutions nationales des droits de l’homme et des organisations non gouvernementales, ainsi que toute autre personne susceptible de fournir des renseignements en rapport avec le mandat du Sous-Comité.

6.Le Sous-Comité communique ses recommandations et observations à titre confidentiel à l’État Partie et, le cas échéant, au mécanisme national de prévention. Il publie son rapport, accompagné des observations de l’État partie, à la demande de ce dernier. Toutefois, si l’État partie rend publique une partie du rapport, le Sous-Comité peut le publier, en tout ou en partie. En outre, si un État partie refuse de coopérer avec le Sous-Comité ou ne prend pas de mesures pour améliorer la situation à la lumière des recommandations du Sous-Comité, celui-ci peut demander au Comité contre la torture de faire une déclaration publique ou de publier son rapport (Protocole facultatif, art. 16, par. 4).

Appendice II

Membres du Sous-Comité pour la prévention de la torture

A.Composition du Sous-Comité pendant la période couvertepar le présent rapport

Nom du membre

Expiration du mandat

M. Mario Luis Coriolano

31 décembre 2012

Mme Marija Definis-Gojanovic

31 décembre 2010

M. Malcolm Evans

31 décembre 2012

M. Emilio Ginés Santidrián

31 décembre 2010

M. Zdenek Hájek

31 décembre 2012

M. Zbigniew Lasocik

31 décembre 2012

M. Hans Draminsky Petersen

31 décembre 2010

M. Víctor Manuel Rodríguez-Rescia

31 décembre 2012

M. Miguel Sarre Iguíniz

31 décembre 2010

M. Wilder Tayler Souto

31 décembre 2010

B.Bureau du Sous-Comité

Président: Víctor Manuel Rodríguez-Rescia

Vice-Présidents: Mario Luis Coriolano et Hans Draminsky Petersen

C.Composition du Sous-Comité à compter du 1er janvier 2011

[Voir annexe VI du présent rapport à l’Assemblée générale.]

Appendice III

Renseignements sur les rapports établis à l’issue des visites dans les pays, sur leur statut et sur la suite qui y a été donnée, au 31 décembre 2010

Pays

Date de la visite

Rapport envoyé

Statut du rapport

Réponse reçue

Statut de la réponse

Maurice

8-18 octobre 2007

Oui

Confidentiel

Oui

Confidentiel

Maldives

10-17 décembre 2007

Oui

Public

Non

Suède

10-14 mars 2008

Oui

Public

Oui

Public

Bénin

17-26 mai 2008

Oui

Confidentiel

Non

Mexique

27 août-12 septembre 2008

Oui

Public

Non

Paraguay

10-16 mars 2009

Oui

Public

Oui

Public

Honduras

13-22 septembre 2009

Oui

Public

Non

Cambodge

2-11 décembre 2009

Oui

Confidentiel

Non

Liban

24 mai-2 juin 2010

Oui

Confidentiel

Bolivie (État plurinational de)

30 août-8 septembre 2010

Pas encore

Paraguay

Visite de suivi:13-15 septembre 2010

Oui

Confidentiel

Libéria

6-13 décembre 2010

Pas encore

Annexe VIII

Déclaration commune à l’occasion de la Journée internationale des Nations Unies pour le soutienaux victimes de la torture

26 juin 2011

Le Comité contre la torture, le Sous-Comité pour la prévention de la torture, le Rapporteur spécial sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants et le Conseil d ’ administration du Fonds de contributions volontaires des Nations Unies pour les victimes de la torture ont fait paraître à l ’ occasion de la Journée internationale des Nations Unies pour le soutien aux victimes de la torture et du trentième anniversaire du Fonds de contributions volontaires des Nations Unies pour les victimes de la torture la déclaration suivante:

«Les manifestations publiques qui ont eu lieu récemment dans de nombreux pays du monde nous ont montré que la torture et les mauvais traitements continuaient d’être largement pratiqués. Il est essentiel de rappeler que les États ont l’obligation d’empêcher, d’interdire et de punir tous les actes de torture et autres formes de traitements cruels, inhumains ou dégradants et d’enquêter sur ces actes. Ils ont le devoir de respecter l’intégrité physique et mentale de tous, de garantir, à l’égard des victimes et de la communauté dans son ensemble, que justice soit rendue et que de tels actes ne soient pas impunis, et pour ce faire de traduire les auteurs de violations en justice.

En outre, les États doivent veiller à ce que les victimes de la torture ou d’autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants obtiennent une forme de réparation, soient indemnisées équitablement et de manière adéquate et bénéficient des moyens nécessaires à une réadaptation aussi complète que possible. Dans ce contexte, si le droit international et la pratique imposent un certain nombre de normes et principes minimaux relatifs aux recours et moyens de réparation qui doivent être assurés aux victimes de la torture, nous notons avec préoccupation que dans certains États, les droits reconnus aux victimes restent théoriques et qu’ils sont souvent modestes et secondaires dans les systèmes de justice.

Autre déception: le manque de progrès réalisés en vue de l’institutionnalisation des principes fondamentaux et des directives visant à établir des normes minimales pour les recours et les moyens de réparation qui doivent être offerts aux victimes. Nous sommes convaincus que les victimes doivent jouer un rôle central pour obtenir que les tortionnaires rendent compte de leurs actes. Nous tenons à insister sur la fonction de prévention des recours et de la réparation dus aux victimes de la torture; ils participent de l’obligation juridique de prévenir la torture et les autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Nous continuons donc à soutenir les États, les organisations et autres organes de la société civile qui font de l’élimination de la torture et de la garantie de réparation pour toutes les victimes leur combat.

Cette année, la Journée internationale des Nations Unies pour le soutien aux victimes de la torture coïncide avec le trentième anniversaire du Fonds de contributions volontaires des Nations Unies pour les victimes de la torture. Ces trente dernières années, le Fonds a alloué plus de 120 millions de dollars des États‑Unis à des projets d’assistance médicale, psychologique, juridique, sociale et financière aux victimes de la torture et aux membres de leur famille, et a permis ainsi aux victimes d’obtenir réparation, d’exercer leur droit à une indemnisation équitable et adéquate, et de bénéficier de la réadaptation la plus complète possible. Avec le soutien du Fonds, des médecins, des psychologues, des experts légistes, des travailleurs sociaux, des avocats et d’autres particuliers ou groupes concernés s’occupent individuellement des victimes et les accompagnent pendant plusieurs années, les aidant à se reconstruire, pas à pas, tout en rassemblant des informations sur l’utilisation et les effets de la torture.

Nous exprimons notre gratitude à tous les donateurs du Fonds des Nations Unies pour les victimes de la torture, qui soutient actuellement les activités de plus de 300 organisations dans plus de 70 pays, et nous espérons que les contributions au Fonds continueront d’augmenter, afin que les victimes de la torture et les membres de leur famille puissent recevoir l’aide dont ils ont besoin. Nous invitons tous les États à verser des contributions généreuses, dans l’esprit d’un engagement universel en faveur de la réadaptation des victimes de la torture et de leur famille, afin de permettre au Fonds de continuer à donner aux organisations les moyens nécessaires pour pouvoir apporter une assistance psychologique, médicale, sociale, juridique et économique. Nous invitons également les États à soutenir, financièrement et par d’autres moyens, les travaux des organisations nationales, et à créer l’environnement nécessaire pour permettre à ces organisations d’offrir aux victimes de la torture des moyens de recours et de réadaptation.

Nous engageons en outre tous les États à adhérer à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants et à faire les déclarations prévues aux articles 21 et 22 de la Convention reconnaissant la compétence du Comité contre la torture pour examiner des communications émanant d’États ou de particuliers, ainsi qu’à devenir parties au Protocole facultatif se rapportant à la Convention, afin d’assurer une transparence et une responsabilité maximales dans leur lutte contre la torture.».

Annexe IX

Règlement intérieur *

Première partieDispositions générales

Articles Page

I.Sessions279

1.Réunions du Comité279

2.Sessions ordinaires279

3.Sessions extraordinaires279

4.Lieu de réunion279

5.Notification de la date d’ouverture des sessions280

II.Ordre du jour280

6.Ordre du jour provisoire des sessions ordinaires280

7.Ordre du jour provisoire des sessions extraordinaires280

8.Adoption de l’ordre du jour280

9.Révision de l’ordre du jour280

10.Distribution de l’ordre du jour provisoire et des documents essentiels281

III.Membres du Comité281

11.Membres281

12.Début du mandat281

13.Vacance fortuite281

14.Engagement solennel282

15.Indépendance des membres282

IV.Bureau282

16.Élections282

17.Durée du mandat282

18.Position du/de la Président(e) par rapport au Comité282

19.Président(e) par intérim283

20.Droits et devoirs du/de la Président(e) par intérim283

21.Remplacement des membres du Bureau283

V.Secrétariat283

22.Devoirs du Secrétaire général283

23.Exposés284

24.Service des réunions284

25.Information des membres284

26.Incidences financières des propositions284

VI.Langues284

27.Langues officielles et langues de travail284

28.Interprétation d’une langue de travail284

29.Interprétation d’une langue autre qu’une langue de travail285

30.Langues des décisions officielles et des documents officiels285

VII.Séances publiques et privées285

31.Séances publiques et privées285

32.Publication de communiqués au sujet des séances privées285

VIII.Comptes rendus285

33.Rectifications aux comptes rendus analytiques provisoires285

34.Distribution des comptes rendus analytiques286

IX.Distribution des rapports et autres documents officiels du Comité286

35.Distribution des documents officiels286

X.Conduite des débats286

36.Quorum286

37.Pouvoirs du/de la Président(e)286

38.Motions d’ordre287

39.Limitation du temps de parole287

40.Liste des orateurs287

41.Suspension ou levée des séances287

42.Ajournement du débat287

43.Clôture du débat288

44.Ordre des motions288

45.Soumission des propositions288

46.Décision sur la compétence288

47.Retrait des motions288

48.Nouvel examen des propositions289

XI.Vote289

49.Droit de vote289

50.Adoption des décisions289

51.Partage égal des voix289

52.Modalités du vote289

53.Vote par appel nominal290

54.Règles à observer durant le scrutin et explications de vote290

55.Division des propositions290

56.Ordre du vote sur les amendements290

57.Ordre du vote sur les propositions290

XII.Élections291

58.Modalités des élections291

59.Cas où un seul poste électif est à pourvoir291

60.Cas où plusieurs postes électifs sont à pourvoir291

XIII.Organes subsidiaires292

61.Création d’organes subsidiaires292

XIV.Sous-Comité pour la prévention de la torture292

62.Réunions avec le Sous-Comité pour la prévention de la torture292

XV.Renseignements et documentation

63.Communication de renseignements, de documents et d’exposés écrits292

XVI.Rapport annuel du Comité293

64.Rapport annuel293

Deuxième partieDispositions relatives aux fonctions du Comité

XVII.Rapports soumis par les États parties en application de l’article 19 de la Convention293

65.Soumission des rapports293

66.Liste de points à traiter adressée aux États parties avant réception d’un rapport293

67.Non-soumission des rapports294

68.Présence des États parties pendant l’examen de leurs rapports294

69.Demande de rapports et de renseignements complémentaires294

70.Examen des rapports et dialogue avec les représentants des États parties295

71.Observations finales du Comité295

72.Suivi et rapporteurs295

73.Non-participation ou absence obligatoire pendant l’examen d’un rapport296

XVIII.Observations générales du Comité296

74.Observations générales relatives à la Convention296

XIX.Procédure au titre de l’article 20 de la Convention296

75.Transmission de renseignements au Comité296

76.Registre des renseignements communiqués297

77.Résumé des renseignements297

78.Caractère confidentiel des documents et des travaux297

79.Séances297

80.Communiqués concernant les séances privées297

81.Examen préliminaire des renseignements par le Comité297

82.Examen des renseignements298

83.Documents des organismes des Nations Unies et des institutions spécialisées298

84.Enquête298

85.Coopération de l’État partie intéressé299

86.Mission de visite299

87.Auditions dans le cadre de l’enquête299

88.Assistance pendant l’enquête299

89.Communication des conclusions, observations ou suggestions300

90.Compte rendu succinct des résultats des travaux300

XX.Procédure d’examen des communications reçues en application de l’article 21de la Convention301

91.Déclarations des États parties301

92.Notification par les États parties intéressés301

93.Registre des communications301

94.Information des membres du Comité301

95.Séances302

96.Communiqués concernant les séances privées302

97.Conditions pour l’examen des communications302

98.Bons offices302

99.Demande de renseignements302

100.Participation des États parties intéressés303

101.Rapport du Comité303

XXI.Procédure d’examen des communications reçues en application de l’article 22de la Convention303

A.Dispositions générales303

102.Déclarations des États parties303

103.Transmission des requêtes au Comité304

104.Enregistrement des requêtes; Rapporteur chargé des nouvelles requêteset des mesures provisoires de protection304

105.Demande d’éclaircissements ou de renseignements supplémentaires304

106.Résumé des renseignements305

107.Séances et auditions305

108.Communiqués concernant les séances privées305

109.Non-participation obligatoire à l’examen d’une requête305

110.Non-participation facultative à l’examen d’une requête306

B.Procédure visant à déterminer la recevabilité des requêtes306

111.Procédure applicable aux requêtes306

112.Constitution d’un groupe de travail et désignation de rapporteurschargés de requêtes particulières306

113.Conditions de recevabilité des requêtes307

114.Mesures provisoires307

115.Renseignements, éclaircissements et observations complémentaires308

116.Requêtes irrecevables309

C.Examen quant au fond309

117.Procédure applicable aux requêtes recevables; procédure orale309

118.Conclusions du Comité; décisions sur le fond310

119.Opinions individuelles310

120.Procédure de suivi310

121.Inclusion dans le rapport annuel du Comité de résumés des requêteset du texte des décisions finales311

Première partieDispositions générales

I.Sessions

Réunions du Comité

Article premier

Le Comité contre la torture (ci-après dénommé «le Comité») tiendra les sessions qui pourront être nécessaires pour lui permettre de s’acquitter de façon satisfaisante de ses fonctions conformément à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (ci-après dénommée «la Convention»).

Sessions ordinaires

Article 2

1.Le Comité tient normalement deux sessions ordinaires par an.

2.Les sessions ordinaires du Comité sont convoquées aux dates fixées par le Comité en consultation avec le Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies (ci-après dénommé «le Secrétaire général»), compte tenu du calendrier des conférences approuvé par l’Assemblée générale.

Sessions extraordinaires

Article 3

1.Des sessions extraordinaires du Comité sont convoquées sur la décision du Comité. Lorsque le Comité n’est pas en session, le/la Président(e) peut convoquer des sessions extraordinaires en consultation avec les autres membres du Bureau. Le/la Président(e) du Comité convoque aussi des sessions extraordinaires:

a)Sur la demande de la majorité des membres du Comité;

b)Sur la demande d’un État partie à la Convention.

2.Les sessions extraordinaires sont convoquées aussitôt que possible pour une date fixée par le/la Président(e) en consultation avec le Secrétaire général et les autres membres du Bureau du Comité, compte tenu du calendrier des conférences approuvé par l’Assemblée générale.

Lieu de réunion

Article 4

Les sessions du Comité se tiennent normalement à l’Office des Nations Unies à Genève. Le Comité peut, en consultation avec le Secrétaire général, décider de tenir une session en un autre lieu, compte tenu des règles pertinentes de l’Organisation des Nations Unies.

Notification de la date d’ouverture des sessions

Article 5

Le Secrétaire général fait connaître aux membres du Comité la date de la première séance de chaque session et le lieu où elle doit se tenir. Cette notification est envoyée, dans le cas d’une session ordinaire, six semaines au moins à l’avance et, dans le cas d’une session extraordinaire, trois semaines au moins à l’avance.

II.Ordre du jour

Ordre du jour provisoire des sessions ordinaires

Article 6

L’ordre du jour provisoire de chaque session ordinaire est établi par le Secrétaire général en consultation avec le/la Président(e) du Comité, conformément aux dispositions de la Convention applicables en la matière, et comporte:

a)Toute question que le Comité a décidé d’inscrire à son ordre du jour lors d’une session précédente;

b)Toute question proposée par le/la Président(e) du Comité;

c)Toute question proposée par un État partie à la Convention;

d)Toute question proposée par un membre du Comité;

e)Toute question proposée par le Secrétaire général au titre de la Convention ou du présent règlement concernant ses fonctions.

Ordre du jour provisoire des sessions extraordinaires

Article 7

L’ordre du jour provisoire d’une session extraordinaire du Comité comporte seulement les questions qu’il est proposé d’examiner à cette session extraordinaire.

Adoption de l’ordre du jour

Article 8

L’adoption de l’ordre du jour constitue le premier point de l’ordre du jour provisoire d’une session, sauf s’il y a lieu d’élire les membres du Bureau conformément à l’article 16.

Révision de l’ordre du jour

Article 9

Au cours d’une session, le Comité peut réviser l’ordre du jour et, s’il y a lieu, ajourner ou supprimer des points; il ne peut être ajouté à l’ordre du jour que des points urgents et importants.

Distribution de l’ordre du jour provisoire et des documents essentiels

Article 10

L’ordre du jour provisoire et les documents essentiels relatifs à chaque point de celui-ci sont distribués aux membres du Comité par le Secrétaire général aussitôt que possible. Le Secrétaire général communique l’ordre du jour provisoire d’une session extraordinaire aux membres du Comité en même temps qu’il les informe de la tenue de la réunion conformément à l’article 5.

III.Membres du Comité

Membres

Article 11

Les membres du Comité sont les 10 experts élus conformément à l’article 17 de la Convention.

Début du mandat

Article 12

1.Le mandat des membres du Comité élus lors de la première élection prendra effet le 1er janvier 1988. Le mandat des membres du Comité élus lors des élections ultérieures prendra effet le jour suivant la date d’expiration du mandat des membres du Comité qu’ils remplaceront.

2.Le/la Président(e), les membres du Bureau et les rapporteurs peuvent continuer de s’acquitter des attributions qui leur ont été confiées jusqu’au jour qui précède la première réunion du Comité, composé de ses nouveaux membres, à laquelle celui-ci élit son bureau.

Vacance fortuite

Article 13

1.Si un membre du Comité décède, se démet de ses fonctions ou n’est plus en mesure pour quelque autre raison de s’acquitter de ses attributions au Comité, le Secrétaire général déclarera immédiatement vacant le siège qu’occupait ledit membre et demandera à l’État partie dont l’expert a cessé d’exercer ses fonctions de membre du Comité de désigner, si possible dans les deux mois, un autre expert parmi ses ressortissants, qui siégera pour la durée du mandat de son prédécesseur qui reste à courir.

2.Le Secrétaire général transmettra le nom et le curriculum vitae de l’expert ainsi désigné aux États parties aux fins d’approbation. L’approbation sera réputée acquise si la moitié des États parties au moins n’émettent pas d’opinion défavorable dans un délai de six semaines à compter du moment où ils auront été informés par le Secrétaire général de la nomination proposée.

3.Sauf en cas de vacance due au décès ou à l’invalidité d’un membre du Comité, le Secrétaire général n’appliquera les dispositions des paragraphes 1 et 2 du présent article qu’après avoir reçu du membre intéressé une notification écrite de sa décision de cesser d’exercer ses fonctions de membre du Comité.

Engagement solennel

Article 14

Tout membre du Comité doit, avant d’entrer en fonctions après sa première élection, prendre en séance publique l’engagement solennel ci-après:

«Je déclare solennellement que j’exercerai tous mes devoirs et attributions de membre du Comité contre la torture en tout honneur et dévouement, en pleine et parfaite impartialité et en toute conscience.».

Indépendance des membres

Article 15

1.L’indépendance des membres du Comité est essentielle pour l’exécution de leurs fonctions et exige qu’ils siègent à titre personnel et ne demandent ni n’acceptent d’instructions de qui que ce soit concernant l’accomplissement de leurs fonctions. Les membres sont responsables seulement devant le Comité et leur propre conscience.

2.Dans le cadre de leurs fonctions au titre de la Convention, les membres du Comité font preuve de l’impartialité et de l’intégrité les plus totales, et appliquent les normes de la Convention à tous les États et à tous les individus de façon égale, sans crainte ni a priori favorable et sans discrimination d’aucune sorte.

IV.Bureau

Élections

Article 16

Le Comité élit parmi ses membres un président ou une présidente, trois vice-président(e)s et un rapporteur. Quand il élit les membres de son bureau, le Comité prend en considération la nécessité d’assurer une répartition géographique équitable et une représentation équilibrée des hommes et des femmes et, dans la mesure du possible, un roulement entre les membres.

Durée du mandat

Article 17

Sous réserve des dispositions de l’article 12 relatives au/à la Président(e), aux membres du Bureau et aux rapporteurs, les membres du Bureau du Comité sont élus pour une période de deux ans. Ils sont rééligibles. Aucun d’eux ne peut, toutefois, rester en fonctions s’il cesse d’être membre du Comité.

Position du/de la Président(e) par rapport au Comité

Article 18

1.Le/la Président(e) exerce les fonctions qui lui sont confiées par le Comité et le présent règlement intérieur. Dans l’exercice de ses fonctions de président, le/la Président(e) demeure sous l’autorité du Comité.

2.Entre les sessions, lorsqu’il est impossible ou difficile de convoquer une session extraordinaire du Comité conformément à l’article 3, le/la Président(e) est autorisé(e) à prendre, au nom du Comité, des mesures pour promouvoir le respect de la Convention s’il/si elle reçoit des renseignements qui le/la conduisent à croire qu’il est nécessaire de le faire. Le/la Président(e) informe le Comité des mesures prises au plus tard à sa session suivante.

Président(e) par intérim

Article 19

1.Si, pendant une session, le/la Président(e) est empêché(e) d’assister à toute une séance ou à une partie d’une séance, il/elle désigne un des vice-président(e)s pour le/la remplacer.

2.En cas d’absence ou d’incapacité temporaire du/de la Président(e), la présidence est exercée par un/une des vice-président(e)s selon un ordre de préséance déterminé par leur ancienneté en tant que membres du Comité; à ancienneté égale, le plus âgé a la préséance.

3.Si le/la Président(e) cesse d’être membre du Comité dans l’intervalle entre les sessions ou est dans une des situations visées à l’article 20, le/la Président(e) par intérim exerce la présidence jusqu’au commencement de la session ordinaire ou extraordinaire suivante.

Droits et devoirs du/de la Président(e) par intérim

Article 20

Un/une vice-président(e) agissant en qualité de président a les mêmes droits et les mêmes devoirs que le/la Président(e).

Remplacement des membres du Bureau

Article 21

Si l’un quelconque des membres du Bureau cesse d’exercer ou déclare qu’il n’est plus en mesure d’exercer les fonctions de membre du Comité, ou n’est plus en mesure, pour quelque raison que ce soit, de siéger au Bureau, un nouveau membre du Bureau est élu pour la durée du mandat de son prédécesseur qui reste à courir.

V.Secrétariat

Devoirs du Secrétaire général

Article 22

1.Sous réserve que les États parties s’acquittent des obligations financières qui leur incombent conformément au paragraphe 5 de l’article 18 de la Convention, le Secrétaire général assure le secrétariat du Comité et des organes subsidiaires qui peuvent être créés par le Comité (ci-après dénommé «le secrétariat»).

2.Si les conditions visées au paragraphe 1 du présent article sont remplies, le Secrétaire général mettra à la disposition du Comité le personnel et les moyens matériels qui lui sont nécessaires pour s’acquitter efficacement des fonctions qui lui sont confiées par la Convention.

Exposés

Article 23

Le Secrétaire général ou son représentant assiste à toutes les séances du Comité. Sous réserve des dispositions de l’article 37, le Secrétaire général ou son représentant peut présenter des exposés oraux ou écrits aux séances du Comité ou de ses organes subsidiaires.

Service des réunions

Article 24

Le Secrétaire général est chargé de prendre toutes les dispositions voulues pour les réunions du Comité et de ses organes subsidiaires.

Information des membres

Article 25

Le Secrétaire général est chargé de porter à la connaissance des membres du Comité toutes les questions dont le Comité peut être saisi aux fins d’examen.

Incidences financières des propositions

Article 26

Avant que le Comité ou l’un de ses organes subsidiaires n’approuve une proposition entraînant des dépenses, le Secrétaire général dresse et fait distribuer, aussitôt que possible, aux membres du Comité ou de l’organe subsidiaire un état estimatif des dépenses entraînées par la proposition. Il incombe au/à la Président(e) d’appeler l’attention des membres sur cet état estimatif pour qu’ils le discutent lorsque la proposition est examinée par le Comité ou par l’organe subsidiaire.

VI.Langues

Langues officielles et langues de travail

Article 27

L’arabe, l’anglais, le chinois, l’espagnol, le français et le russe sont les langues officielles du Comité et, dans la mesure du possible, ses langues de travail également, y compris pour les comptes rendus analytiques de ses séances.

Interprétation d’une langue de travail

Article 28

Les discours prononcés dans l’une des langues de travail sont interprétés dans les autres langues de travail.

Interprétation d’une langue autre qu’une langue de travail

Article 29

Toute personne prenant la parole devant le Comité dans une langue autre que l’une des langues officielles assure en principe l’interprétation dans une des langues de travail. Les interprètes du secrétariat peuvent prendre pour base de leur interprétation dans les autres langues de travail celle qui a été faite dans la première langue de travail utilisée.

Langues des décisions officielles et des documents officiels

Article 30

Toutes les décisions officielles et tous les documents officiels du Comité sont publiés dans les langues officielles.

VII.Séances publiques et privées

Séances publiques et privées

Article 31

Les séances du Comité et de ses organes subsidiaires sont publiques à moins que le Comité n’en décide autrement ou qu’il ne ressorte des dispositions pertinentes de la Convention que la séance doit être privée.

Publication de communiqués au sujet des séances privées

Article 32

À l’issue de chaque séance privée, le Comité ou son organe subsidiaire peut faire publier un communiqué, par l’intermédiaire du Secrétaire général, à l’intention des moyens d’information et du public, sur ce qui a été fait au cours des séances privées.

VIII.Comptes rendus

Rectifications aux comptes rendus analytiques provisoires

Article 33

Le secrétariat établit le compte rendu analytique des séances publiques et privées du Comité et de ses organes subsidiaires. Il le distribue aussitôt que possible aux membres du Comité et à tous les autres participants à la séance. Tous ces participants peuvent, dans les trois jours ouvrables suivant la réception du compte rendu de la séance, soumettre des rectifications au secrétariat dans les langues dans lesquelles le compte rendu a paru. Les rectifications aux comptes rendus des séances sont regroupées en un seul rectificatif, qui est publié après la session à laquelle ils se rapportent. En cas de contestation au sujet de ces rectifications, le/la Président(e) du Comité ou le/la Président(e) de l’organe subsidiaire auquel se rapporte le compte rendu tranche le désaccord, ou si le désaccord persiste, le Comité ou l’organe subsidiaire décide.

Distribution des comptes rendus analytiques

Article 34

1.Les comptes rendus analytiques des séances publiques sont des documents de distribution générale.

2.Les comptes rendus des séances privées sont distribués aux membres du Comité et aux autres participants aux séances. Ils peuvent être communiqués à d’autres personnes sur décision du Comité, au moment et dans les conditions fixées, le cas échéant, par celui-ci.

IX.Distribution des rapports et autres documents officielsdu Comité

Distribution des documents officiels

Article 35

1.Sans préjudice des dispositions de l’article 34 et sous réserve des paragraphes 2 et 3 du présent article, les rapports, les décisions officielles et tous les autres documents officiels du Comité et de ses organes subsidiaires sont des documents de distribution générale, à moins que le Comité n’en décide autrement.

2.Les rapports, les décisions officielles et les autres documents officiels du Comité et de ses organes subsidiaires relatifs aux articles 20, 21 et 22 de la Convention sont distribués par le secrétariat à tous les membres du Comité et aux États parties intéressés et, selon la décision du Comité, aux membres de ses organes subsidiaires et à d’autres destinataires intéressés.

3.Les rapports et les renseignements supplémentaires présentés par les États parties conformément à l’article 19 de la Convention sont des documents de distribution générale, à moins que l’État partie intéressé ne demande qu’il en soit autrement.

X.Conduite des débats

Quorum

Article 36

Le quorum est constitué par six membres du Comité.

Pouvoirs du/de la Président(e)

Article 37

Le/la Président(e) a charge de prononcer l’ouverture et la clôture de chaque séance du Comité; il/elle dirige les débats, assure l’application du présent règlement, donne la parole, met les questions aux voix et proclame les décisions. Sous réserve des dispositions du présent règlement, le/la Président(e) règle les débats du Comité et assure le maintien de l’ordre au cours des séances. Le/la Président(e) peut, au cours de la discussion d’un point de l’ordre du jour, proposer au Comité de limiter le temps de parole de chaque orateur, ainsi que le nombre des interventions de chaque orateur sur une même question, et de clore la liste des orateurs. Il/elle statue sur les motions d’ordre et a le pouvoir de proposer l’ajournement ou la clôture du débat ainsi que la levée ou la suspension d’une séance. Les débats portent uniquement sur la question dont est saisi le Comité et le/la Président(e) peut rappeler à l’ordre un orateur dont les remarques n’ont pas trait au sujet en discussion.

Motions d’ordre

Article 38

Au cours de la discussion de toute question, un membre peut, à tout moment, présenter une motion d’ordre sur laquelle le/la Président(e) prend immédiatement une décision conformément au règlement. S’il en est appelé de la décision du/de la Président(e), l’appel est immédiatement mis aux voix et la décision du/de la Président(e), si elle n’est pas annulée par la majorité des membres présents, est maintenue. Un membre qui présente une motion d’ordre ne peut, dans son intervention, traiter du fond de la question en discussion.

Limitation du temps de parole

Article 39

Le Comité peut limiter le temps de parole de chaque orateur sur toute question. Lorsque les débats sont limités et qu’un orateur dépasse le temps qui lui a été accordé, le/la Président(e) le rappelle immédiatement à l’ordre.

Liste des orateurs

Article 40

Au cours d’un débat, le/la Président(e) peut donner lecture de la liste des orateurs et, avec l’assentiment du Comité, déclarer cette liste close. Le/la Président(e) peut cependant accorder le droit de réponse à un membre ou représentant quelconque lorsqu’un discours prononcé après la clôture de la liste des orateurs rend cette décision opportune. Lorsque la discussion portant sur un point est terminée du fait qu’il n’y a pas d’autres orateurs inscrits, le/la Président(e) prononce la clôture du débat. En pareil cas, la clôture du débat a le même effet que si elle était approuvée par le Comité.

Suspension ou levée des séances

Article 41

Au cours de la discussion de toute question, un membre peut demander la suspension ou la levée de la séance. Les motions en ce sens ne doivent pas faire l’objet d’un débat, mais sont immédiatement mises aux voix.

Ajournement du débat

Article 42

Au cours de la discussion de toute question, un membre peut demander l’ajournement du débat sur la question en discussion. Outre l’auteur de la motion, deux orateurs peuvent prendre la parole, l’un en faveur de la motion et l’autre contre, après quoi la motion est immédiatement mise aux voix.

Clôture du débat

Article 43

À tout moment, un membre peut demander la clôture du débat sur la question en discussion, même si d’autres membres ou représentants ont manifesté le désir de prendre la parole. L’autorisation de prendre la parole au sujet de la clôture du débat n’est accordée qu’à deux orateurs opposés à la clôture, après quoi la motion est immédiatement mise aux voix.

Ordre des motions

Article 44

Sous réserve des dispositions de l’article 38, les motions suivantes ont, dans l’ordre indiqué ci-après, priorité sur toutes les autres propositions ou motions présentées:

a)Suspension de la séance;

b)Levée de la séance;

c)Ajournement du débat sur le point en discussion;

d)Clôture du débat sur le point en discussion.

Soumission des propositions

Article 45

À moins que le Comité n’en décide autrement, les propositions et les amendements ou motions de fond présentés par les membres sont remis par écrit au secrétariat; si un membre en fait la demande, leur examen est reporté à la première séance qui doit se tenir après le jour de leur présentation.

Décision sur la compétence

Article 46

Sous réserve des dispositions de l’article 44, toute motion présentée par un membre tendant à ce que le Comité décide s’il est compétent pour adopter une proposition dont il est saisi est mise aux voix immédiatement avant le vote sur la proposition en cause.

Retrait des motions

Article 47

L’auteur d’une motion peut toujours la retirer avant qu’elle n’ait été mise aux voix, à condition qu’elle n’ait pas fait l’objet d’un amendement. Une motion qui est ainsi retirée peut être présentée à nouveau par un autre membre.

Nouvel examen des propositions

Article 48

Lorsqu’une proposition est adoptée ou rejetée, elle ne peut être examinée à nouveau au cours de la même session, sauf décision contraire du Comité. L’autorisation de prendre la parole à l’occasion d’une motion tendant à un nouvel examen n’est accordée qu’à deux orateurs favorables à la motion et à deux orateurs opposés à la motion, après quoi elle est immédiatement mise aux voix.

XI.Vote

Droit de vote

Article 49

Chaque membre du Comité dispose d’une voix.

Adoption des décisions

Article 50

1.Les décisions du Comité sont prises à la majorité des membres présents.

2.Avant de recourir au vote, le Comité s’efforce de prendre ses décisions par consensus, sous réserve que les dispositions de la Convention et du Règlement intérieur soient respectées et que la recherche du consensus n’ait pas pour effet de retarder indûment les travaux du Comité.

3.Compte tenu du paragraphe 1 ci-dessus, le/la Président(e) peut à toute séance mettre la proposition aux voix et il/elle doit le faire à la demande de tout membre.

Partage égal des voix

Article 51

En cas de partage égal des voix lors d’un vote ne portant pas sur une élection, la proposition est considérée comme repoussée.

Modalités du vote

Article 52

Sous réserve des dispositions de l’article 58, le Comité vote normalement à main levée à moins qu’un membre ne demande le vote par appel nominal, lequel a lieu alors dans l’ordre alphabétique des noms des membres du Comité, en commençant par le membre dont le nom est tiré au sort par le/la Président(e).

Vote par appel nominal

Article 53

En cas de vote par appel nominal, le vote de chaque membre participant au scrutin est consigné au compte rendu.

Règles à observer durant le scrutin et explications de vote

Article 54

Quand le scrutin est commencé, il ne peut être interrompu sauf si un membre présente une motion d’ordre relative à la manière dont s’effectue le scrutin. Le/la Président(e) peut permettre aux membres d’intervenir brièvement, soit avant que le scrutin commence, soit quand il est terminé, mais uniquement pour expliquer leur vote.

Division des propositions

Article 55

La division des propositions est de droit si elle est demandée. Les parties de la proposition qui ont été adoptées sont ensuite mises aux voix en bloc; si toutes les parties du dispositif d’une proposition ont été repoussées, la proposition est considérée comme repoussée dans son ensemble.

Ordre du vote sur les amendements

Article 56

1.Lorsqu’une proposition fait l’objet d’un amendement, l’amendement est mis aux voix en premier lieu. Si une proposition fait l’objet de deux ou de plusieurs amendements, le Comité vote d’abord sur celui qui s’éloigne le plus, quant au fond, de la proposition primitive. Il vote ensuite sur l’amendement qui, après ce premier amendement, s’éloigne le plus de la proposition, et ainsi de suite jusqu’à ce que tous les amendements aient été mis aux voix. Si un ou plusieurs amendements sont adoptés, il vote ensuite sur la proposition modifiée.

2.Une motion est considérée comme un amendement à une proposition si elle comporte simplement une addition, une suppression ou une modification intéressant une partie de ladite proposition.

Ordre du vote sur les propositions

Article 57

1.Si la même question fait l’objet de deux ou de plus de deux propositions, le Comité, à moins qu’il n’en décide autrement, vote sur ces propositions dans l’ordre où elles ont été présentées.

2.Après chaque vote, le Comité peut décider s’il votera sur la proposition suivante.

3.Toutefois, les motions qui tendent à ce que le Comité ne se prononce pas sur le fond des propositions sont considérées comme des questions préalables et mises aux voix avant lesdites propositions.

XII.Élections

Modalités des élections

Article 58

Les élections ont lieu au scrutin secret, à moins que le Comité n’en décide autrement lorsqu’il s’agit d’une élection à un poste pour lequel un seul candidat a été proposé.

Cas où un seul poste électif est à pourvoir

Article 59

1.Lorsqu’il s’agit d’élire une seule personne ou un seul membre et qu’aucun candidat ne recueille au premier tour la majorité requise, on procède à un second tour de scrutin, mais le vote ne porte plus que sur les deux candidats qui ont obtenu le plus grand nombre de voix.

2.Si le second tour de scrutin n’est pas décisif et que la majorité des membres présents est requise, on procède à un troisième tour de scrutin et les membres ont le droit de voter pour tout candidat éligible. Si ce troisième tour ne donne pas de résultat, le scrutin suivant ne porte plus que sur les deux candidats qui ont recueilli le plus grand nombre de voix au troisième tour, et ainsi de suite, les scrutins portant alternativement sur tous les candidats éligibles et sur les seuls deux candidats qui ont recueilli le plus grand nombre de voix au tour précédent, jusqu’à ce qu’une personne ou un membre soit élu.

3.Si le second tour de scrutin n’est pas décisif et que la majorité des deux tiers est requise, le scrutin continue jusqu’à ce qu’un candidat recueille la majorité requise des deux tiers. Aux trois tours suivants, les membres ont le droit de voter pour tout candidat éligible. Si trois tours de scrutin ont lieu selon cette dernière procédure sans donner de résultat, les trois scrutins suivants ne portent plus que sur les deux candidats ayant obtenu le plus grand nombre de voix au troisième des scrutins qui ont eu lieu selon ladite procédure; aux trois tours de scrutin suivants, les membres ont de nouveau le droit de voter pour tout membre éligible, et ainsi de suite jusqu’à ce qu’une personne ou un membre soit élu.

Cas où plusieurs postes électifs sont à pourvoir

Article 60

Lorsque deux ou plus de deux postes doivent être pourvus par voie d’élection en même temps et dans les mêmes conditions, les candidats qui obtiennent au premier tour la majorité requise sont élus. Si le nombre des candidats qui ont obtenu cette majorité est inférieur au nombre des personnes ou des membres à élire, on procède à d’autres tours de scrutin afin de pourvoir les postes encore vacants, le vote ne portant que sur les candidats qui ont obtenu le plus grand nombre de suffrages au scrutin précédent et dont le nombre ne doit pas dépasser le double de celui des postes restant à pourvoir; toutefois, après le troisième tour de scrutin non décisif, les membres ont le droit de voter pour tout candidat éligible. Si trois tours de scrutin ont lieu selon cette dernière procédure sans donner de résultat, les trois scrutins suivants ne portent plus que sur les candidats ayant obtenu le plus grand nombre de voix au troisième des scrutins qui ont eu lieu selon ladite procédure, le nombre de ces candidats ne devant pas dépasser le double de celui des postes restant à pourvoir; aux trois tours de scrutin suivants, les membres ont de nouveau le droit de voter pour toute personne ou membre éligible, et ainsi de suite jusqu’à ce que tous les postes aient été pourvus.

XIII.Organes subsidiaires

Création d’organes subsidiaires

Article 61

1.Le Comité peut, compte tenu des dispositions de la Convention et sous réserve des dispositions de l’article 26, créer des organes subsidiaires ad hoc lorsqu’il le juge nécessaire et en fixer la composition et les attributions.

2.Chaque organe subsidiaire élit son bureau et adopte son règlement intérieur. À défaut, le présent règlement sera applicable mutatis mutandis.

3.Le Comité peut aussi désigner un ou plusieurs de ses membres au poste de rapporteur pour exercer toutes attributions qu’il leur confierait.

XIV.Sous-Comité pour la prévention de la torture

Réunions avec le Sous-Comité pour la prévention de la torture

Article 62

Pour maintenir sa coopération institutionnelle avec le Sous-Comité pour la prévention de la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, en particulier selon les dispositions du paragraphe 3 de l’article 10, des paragraphes 3 et 4 de l’article 16 et du paragraphe 2 de l’article 24 du Protocole facultatif se rapportant à la Convention, le Comité rencontre le Sous-Comité pour la prévention de la torture au moins une fois par an, pendant la session ordinaire qu’ils tiennent simultanément.

XV.Renseignements et documentation

Communication de renseignements, de documents et d’exposés écrits

Article 63

1.Le Comité peut inviter le Secrétariat, les institutions spécialisées, les organismes des Nations Unies intéressés, les détenteurs de mandat au titre des procédures spéciales du Conseil des droits de l’homme, les organisations intergouvernementales, les institutions nationales des droits de l’homme, les organisations non gouvernementales et d’autres organisations compétentes de la société civile à lui communiquer des renseignements, des documents et des exposés écrits, selon qu’il conviendra, se rapportant aux travaux qu’il entreprend en application de la Convention.

2.Le Comité peut recevoir, à sa discrétion, tous les renseignements, documents et exposés écrits qui lui sont soumis, même s’ils émanent de particuliers ou de sources qui ne sont pas énumérés dans le paragraphe précédent du présent article.

3.Le Comité décide, à sa discrétion, comment ces renseignements, documents et exposés écrits sont communiqués aux membres du Comité, y compris en dégageant, pendant ses sessions, du temps de réunion qui sera consacré à la présentation orale de ces informations.

4.Les renseignements, documents et exposés écrits reçus par le Comité concernant l’article 19 de la Convention sont rendus publics par les moyens appropriés, notamment par voie d’affichage sur le site Web du Comité. Dans des cas exceptionnels toutefois, le Comité peut considérer, à sa discrétion, que les renseignements, documents et exposés écrits qu’il a reçus ont un caractère confidentiel et ne doivent pas être rendus publics. Dans ce cas, il décide de la façon dont il utilisera l’information reçue.

XVI.Rapport annuel du Comité

Rapport annuel

Article 64

Le Comité soumet aux États parties et à l’Assemblée générale des Nations Unies un rapport annuel sur les activités qu’il a menées en application de la Convention, dans lequel il fait référence aux travaux du Sous-Comité pour la prévention de la torture, telles qu’elles sont exposées dans le rapport annuel public que lui soumet le Comité sur ses activités, conformément au paragraphe 3 de l’article 16 du Protocole facultatif.

Deuxième partieDispositions relatives aux fonctions du Comité

XVII.Rapports soumis par les États parties en application de l’article 19 de la Convention

Soumission des rapports

Article 65

1.Les États parties soumettent au Comité, par l’intermédiaire du Secrétaire général, des rapports sur les mesures qu’ils ont prises pour donner effet à leurs engagements en vertu de la Convention, dans un délai d’un an à compter de l’entrée en vigueur de la Convention pour l’État partie intéressé. Les États parties soumettent ensuite des rapports complémentaires tous les quatre ans sur toutes nouvelles mesures prises, et tous autres rapports et renseignements demandés par le Comité.

2.Le Comité peut considérer que figurent dans un rapport récent des renseignements qui auraient dû figurer dans des rapports attendus. Il peut, à sa discrétion, recommander aux États parties de regrouper leurs rapports périodiques.

3.Le Comité peut, à sa discrétion, recommander aux États parties de soumettre un rapport avant une certaine date.

4.Le Comité peut, par l’intermédiaire du Secrétaire général, faire savoir aux États parties comment il souhaite que soient présentés, quant au fond, à la forme et à la méthodologie à suivre, les rapports à soumettre en application de l’article 19 de la Convention qu’il est appelé à examiner, et formuler des directives à cet effet.

Liste des points à traiter adressée aux États parties avant réception d’un rapport

Article 66

Le Comité peut adresser à un État partie une liste de points établie avant la réception de son rapport. Si l’État partie accepte cette procédure facultative, ses réponses à la liste constitueront, pour la période visée, son rapport au titre de l’article 19 de la Convention.

Non-soumission des rapports

Article 67

1.À chaque session, le Secrétaire général fera part au Comité de tous les cas de non-soumission du ou des rapports visés aux articles 65 et 69 du présent règlement. En pareil cas, le Comité pourra prendre les mesures qu’il juge appropriées, y compris adresser à l’État partie intéressé, par l’intermédiaire du Secrétaire général, un rappel concernant la présentation du ou des rapports.

2.Si, après le rappel prévu au paragraphe 1 du présent article, l’État partie ne fait pas parvenir le rapport qu’il est tenu de soumettre conformément aux articles 65 et 69 du présent règlement, le Comité signale le fait dans le rapport qu’il adresse chaque année aux États parties et à l’Assemblée générale des Nations Unies.

3.Le Comité peut signifier à l’État défaillant, par l’intermédiaire du Secrétaire général, qu’il entend examiner, à une date spécifiée dans la notification, les mesures prises par l’État partie pour protéger les droits reconnus dans la Convention ou leur donner effet, en l’absence du rapport, et adopter des observations finales.

Présence des États parties pendant l’examen de leurs rapports

Article 68

1.Le Comité fait connaître dès que possible aux États parties, par l’intermédiaire du Secrétaire général, la date d’ouverture, la durée et le lieu de la session à laquelle leurs rapports seront examinés. Les représentants des États parties sont invités à assister aux séances du Comité auxquelles leurs rapports sont étudiés. Le Comité peut également informer un État partie auquel il décide de demander des renseignements supplémentaires qu’il peut autoriser son représentant à assister à une séance déterminée. Ce représentant doit être en mesure de répondre aux questions qui pourront lui être posées par le Comité et de faire des déclarations au sujet de rapports déjà soumis par son pays et il peut également fournir des renseignements supplémentaires émanant de son pays.

2.Si un État partie a soumis un rapport en vertu du paragraphe 1 de l’article 19 de la Convention mais n’envoie pas, comme l’exige le paragraphe 1 du présent article, un représentant à la session à laquelle son rapport sera examiné, comme il en aura été informé, le Comité peut, à sa discrétion, prendre l’une des mesures suivantes:

a)Informer l’État partie, par l’intermédiaire du Secrétaire général, qu’il a l’intention d’examiner le rapport à une date spécifiée, puis agir conformément au paragraphe 1 de l’article 68 et à l’article 71 du présent règlement; ou

b)Examiner le rapport à la session prévue initialement, puis adopter des observations finales provisoires et les soumettre à l’État partie pour qu’il les commente par écrit. Le Comité adopte des observations finales définitives à sa session suivante.

Demande de rapports et de renseignements complémentaires

Article 69

1.Lorsqu’il examine un rapport soumis par un État partie en vertu de l’article 19 de la Convention, le Comité doit tout d’abord s’assurer que le rapport donne tous les renseignements requis au sens de l’article 65 du présent règlement.

2.Si, de l’avis du Comité, un rapport soumis par un État partie à la Convention ne contient pas de renseignements suffisants, ou si les renseignements donnés sont dépassés, le Comité peut demander à l’État partie, en lui adressant une liste de questions, de lui fournir un rapport complémentaire ou des renseignements spécifiques, en indiquant pour quelle date le rapport ou les renseignements complémentaires devront lui parvenir.

Examen des rapports et dialogue avec les représentants des États parties

Article 70

1.Le Comité peut mettre en place, selon qu’il conviendra, des rapporteurs chargés du rapport d’un pays, ou tout autre moyen lui permettant de s’acquitter avec diligence de ses fonctions au titre de l’article 19 de la Convention.

2.Pendant l’examen du rapport de l’État partie, le Comité organise la séance comme il le juge approprié, de façon à instaurer un dialogue entre ses membres et les représentants de l’État partie.

Observations finales du Comité

Article 71

1.Après avoir examiné chaque rapport, le Comité peut, conformément au paragraphe 3 de l’article 19 de la Convention, formuler sur le rapport les observations d’ordre général, les observations finales ou les recommandations qu’il juge appropriées et les transmettre, par l’intermédiaire du Secrétaire général, à l’État partie intéressé qui peut y répondre en présentant les commentaires qu’il estime appropriés.

2.Le Comité peut, en particulier, indiquer si à la suite de l’examen des rapports et des renseignements communiqués par l’État partie il lui apparaît que celui-ci ne s’est pas acquitté de certaines des obligations qui lui incombent en vertu de la Convention ou n’a pas donné suffisamment de renseignements à leur sujet, et peut alors lui demander d’apporter des renseignements de suivi supplémentaires, en précisant la date à laquelle ces renseignements doivent lui parvenir.

3.Le Comité peut, à sa discrétion, décider de reproduire dans le rapport annuel qu’il établit conformément à l’article 24 de la Convention toutes observations formulées par lui conformément au paragraphe 1 du présent article, accompagnées des commentaires reçus à ce sujet de l’État partie intéressé. Si ce dernier le demande, le Comité peut aussi reproduire le rapport soumis en application du paragraphe 1 de l’article 19 de la Convention.

Suivi et rapporteurs

Article 72

1.Pour favoriser la mise en œuvre de ses observations finales, y compris en ce qui concerne les renseignements demandés à l’État partie conformément au paragraphe 2 de l’article 71, le Comité peut désigner au moins un rapporteur chargé de suivre avec l’État partie l’application d’un certain nombre de recommandations choisies par le Comité dans ses observations finales.

2.Le(s) rapporteur(s) chargé(s) du suivi des observations finales évaluera (évalueront) les renseignements apportés par l’État partie, en consultation avec les rapporteurs pour le pays, et fera (feront) rapport au Comité à chaque session sur ses (leurs) activités. Le Comité peut établir des critères pour guider cette évaluation.

Non-participation ou absence obligatoire pendant l’examend’un rapport

Article 73

1.Aucun membre ne peut prendre part à l’examen d’un rapport par le Comité ou par ses organes subsidiaires s’il est ressortissant de l’État partie intéressé, est employé par celui-ci, ou s’il existe tout autre conflit d’intérêts.

2.Un membre qui se trouve dans ce cas ne peut pas être présent pendant des consultations ou des réunions non publiques entre le Comité et les institutions nationales des droits de l’homme, des organisations non gouvernementales, ou toute autre entité visée à l’article 63, ainsi que pendant l’examen et l’adoption des observations finales concernant cet État.

XVIII.Observations générales du Comité

Observations générales relatives à la Convention

Article 74

1.Le Comité peut élaborer et adopter des observations générales relatives aux dispositions de la Convention en vue de promouvoir une plus grande application de celle-ci ou d’aider les États parties à s’acquitter de leurs obligations.

2.Le Comité fait figurer les observations générales qu’il élabore dans son rapport annuel à l’Assemblée générale.

XIX.Procédure au titre de l’article 20 de la Convention

Transmission de renseignements au Comité

Article 75

1.Conformément au présent règlement, le Secrétaire général porte à l’attention du Comité les renseignements qui sont ou semblent être présentés pour examen par le Comité, en vertu du paragraphe 1 de l’article 20 de la Convention.

2.Aucun renseignement ne sera reçu par le Comité s’il concerne un État partie qui, conformément au paragraphe 1 de l’article 28 de la Convention, a déclaré, au moment où il a ratifié la Convention ou y a adhéré, qu’il ne reconnaissait pas la compétence accordée au Comité en vertu de l’article 20, à moins que cet État n’ait ultérieurement levé sa réserve, conformément au paragraphe 2 de l’article 28 de la Convention.

Registre des renseignements communiqués

Article 76

Le Secrétaire général tient en permanence un registre des renseignements portés à l’attention du Comité conformément à l’article 75 ci-dessus et communique ces renseignements à tout membre du Comité sur sa demande.

Résumé des renseignements

Article 77

Si nécessaire, le Secrétaire général établit et distribue aux membres du Comité un bref résumé des renseignements communiqués conformément à l’article 75 ci-dessus.

Caractère confidentiel des documents et des travaux

Article 78

Tous les documents et tous les travaux du Comité afférents aux fonctions qui lui sont confiées en vertu de l’article 20 de la Convention sont confidentiels, jusqu’au moment où le Comité décide, conformément aux dispositions du paragraphe 5 de l’article 20 de la Convention, de les rendre publics.

Séances

Article 79

1.Les séances du Comité consacrées aux travaux au titre de l’article 20 de la Convention sont privées. Aucun membre ne peut prendre part aux travaux au titre de l’article 20 de la Convention, ou être présent, s’il est ressortissant de l’État partie intéressé, est employé par celui-ci, ou s’il existe tout autre conflit d’intérêts.

2.Les séances au cours desquelles le Comité examine des questions d’ordre général telles que les procédures d’application de l’article 20 de la Convention sont publiques, à moins que le Comité n’en décide autrement.

Communiqués concernant les séances privées

Article 80

Le Comité peut décider de publier par l’intermédiaire du Secrétaire général, à l’intention des moyens d’information et du public, des communiqués concernant ses activités au titre de l’article 20 de la Convention.

Examen préliminaire des renseignements par le Comité

Article 81

1.Si nécessaire, le Comité peut vérifier, par l’intermédiaire du Secrétaire général, la crédibilité des renseignements et/ou des sources de renseignements portés à son attention conformément à l’article 20 de la Convention ou obtenir des renseignements supplémentaires corroborant les faits.

2.Le Comité détermine si les renseignements reçus lui semblent contenir des indications bien fondées que la torture, telle qu’elle est définie à l’article premier de la Convention, est pratiquée systématiquement sur le territoire de l’État partie intéressé.

Examen des renseignements

Article 82

1.S’il lui paraît que les renseignements reçus sont crédibles et contiennent des indications bien fondées que la torture est pratiquée systématiquement sur le territoire d’un État partie, le Comité invite, par l’intermédiaire du Secrétaire général, l’État partie intéressé à coopérer à son examen des renseignements et, à cette fin, à lui faire part de ses observations à ce sujet.

2.Le Comité fixera un délai pour la soumission des observations de l’État partie concerné afin d’éviter des retards excessifs dans ses travaux.

3.Lorsqu’il examine les renseignements reçus, le Comité tient compte de toutes observations qui peuvent avoir été présentées par l’État partie intéressé et de tous autres renseignements pertinents dont il dispose.

4.Le Comité peut décider, s’il le juge approprié, d’obtenir des renseignements ou des réponses supplémentaires aux questions relatives aux renseignements examinés auprès de différentes sources, notamment des représentants de l’État partie intéressé, des organisations gouvernementales et non gouvernementales, des institutions nationales des droits de l’homme ainsi que de particuliers.

5.Le Comité décide, sur son initiative et sur le fondement de son règlement intérieur, sous quelle forme et de quelle manière ces renseignements supplémentaires peuvent être obtenus.

Documents des organismes des Nations Unies et des institutions spécialisées

Article 83

Le Comité peut à tout moment obtenir, par l’intermédiaire du Secrétaire général, tous documents pertinents des organismes des Nations Unies ou des institutions spécialisées qui peuvent l’aider à examiner les renseignements reçus conformément à l’article 20 de la Convention.

Enquête

Article 84

1.Le Comité peut, s’il juge que cela est justifié, charger un ou plusieurs de ses membres de procéder à une enquête confidentielle et de lui faire rapport dans un délai qu’il pourra fixer.

2.Lorsque le Comité décide de faire une enquête conformément au paragraphe 1 du présent article, il fixe les modalités de l’enquête qu’il juge appropriées.

3.Les membres chargés par le Comité de procéder à une enquête confidentielle déterminent leurs propres méthodes de travail conformément aux dispositions de la Convention et au règlement intérieur du Comité.

4.Pendant que l’enquête confidentielle est en cours, le Comité peut différer l’examen de tout rapport que l’État partie aura pu pendant cette période soumettre en application du paragraphe 1 de l’article 19 de la Convention.

Coopération de l’État partie intéressé

Article 85

Le Comité invite, par l’intermédiaire du Secrétaire général, l’État partie intéressé à coopérer avec lui à l’enquête. À cette fin, le Comité peut demander à l’État partie intéressé:

a)De désigner un représentant accrédité chargé de rencontrer les membres désignés par le Comité;

b)De fournir aux membres chargés de l’enquête les renseignements qu’ils jugent ou que l’État partie juge utiles pour établir les faits relatifs à l’enquête;

c)D’indiquer toute autre forme de coopération que l’État peut désirer apporter au Comité ou aux membres du Comité chargés de l’enquête afin de faciliter le déroulement de celle-ci.

Mission de visite

Article 86

Si le Comité estime nécessaire que l’enquête comporte une mission de visite d’un ou de plusieurs de ses membres sur le territoire de l’État partie intéressé, il demande, par l’intermédiaire du Secrétaire général, l’accord dudit État partie et informe celui-ci de ses souhaits quant aux dates de la mission et aux facilités nécessaires pour permettre aux membres chargés de l’enquête de s’acquitter de leur tâche.

Auditions dans le cadre de l’enquête

Article 87

1.Les membres chargés de l’enquête peuvent décider de procéder à des auditions s’ils le jugent approprié.

2.Les membres chargés de l’enquête déterminent, en coopération avec l’État partie, les conditions et les garanties nécessaires pour procéder à ces auditions. Ils demandent à l’État partie de veiller à ce que les témoins et autres particuliers désireux de rencontrer les membres du Comité ne se heurtent pas à des obstacles et qu’aucune mesure de représailles ne soit prise contre ces particuliers ou leurs familles.

3.Toute personne qui comparaît devant les membres chargés de l’enquête afin de témoigner doit prêter serment ou faire une déclaration solennelle concernant la véracité de son témoignage et le respect du caractère confidentiel des travaux.

Assistance pendant l’enquête

Article 88

1.En plus du personnel et des facilités que le Secrétaire général fournit pour les besoins de l’enquête et/ou de la mission de visite dans le territoire de l’État partie intéressé, les membres chargés de l’enquête peuvent inviter, par l’intermédiaire du Secrétaire général, des personnes ayant des compétences particulières dans le domaine médical ou dans celui du traitement des prisonniers, ainsi que des interprètes, à leur apporter leur concours à tous les stades de l’enquête.

2.Si les personnes qui apportent leur concours pendant l’enquête ne sont pas liées par serment à l’Organisation des Nations Unies, elles devront déclarer solennellement qu’elles s’acquitteront de leurs devoirs de bonne foi, loyalement et avec impartialité, compte dûment tenu du caractère confidentiel des travaux.

3.Les personnes visées aux paragraphes 1 et 2 du présent article auront droit aux mêmes facilités, privilèges et immunités que ceux qui sont prévus à l’article 23 de la Convention pour les membres du Comité.

Communication des conclusions, observations ou suggestions

Article 89

1.Après avoir examiné les conclusions des membres chargés de l’enquête qui lui sont soumises conformément au paragraphe 1 de l’article 84, le Comité transmet, par l’intermédiaire du Secrétaire général, ces conclusions à l’État partie intéressé, avec toutes observations ou suggestions qu’il juge appropriées.

2.L’État partie intéressé est invité à informer le Comité dans un délai raisonnable des mesures qu’il prend au sujet des conclusions du Comité et en réponse aux observations ou suggestions du Comité.

Compte rendu succinct des résultats des travaux

Article 90

1.Une fois achevés tous les travaux du Comité relatifs à une enquête menée en vertu de l’article 20 de la Convention, le Comité peut, après consultations avec l’État partie intéressé, décider de faire figurer un compte rendu succinct des résultats des travaux dans le rapport annuel qu’il établit conformément à l’article 24 de la Convention.

2.Le Comité invite l’État partie intéressé, par l’intermédiaire du Secrétaire général, à informer le Comité, directement ou par l’intermédiaire du représentant qu’il aura désigné, de ses observations sur la question de la publication éventuelle d’un compte rendu succinct des résultats des travaux concernant l’enquête, et peut fixer un délai dans lequel les observations de l’État partie doivent lui être communiquées.

3.S’il décide de faire figurer dans son rapport annuel un compte rendu succinct des résultats des travaux relatifs à une enquête, le Comité transmet, par l’intermédiaire du Secrétaire général, le texte du compte rendu succinct à l’État partie intéressé.

XX.Procédure d’examen des communications reçues en application de l’article 21 de la Convention

Déclarations des États parties

Article 91

1.Le Secrétaire général communique aux autres États parties copie des déclarations déposées auprès de lui par les États parties reconnaissant la compétence du Comité, conformément à l’article 21 de la Convention.

2.Le retrait d’une déclaration faite conformément à l’article 21 de la Convention est sans préjudice de l’examen de toute question qui fait l’objet d’une communication déjà transmise en vertu de cet article; aucune autre communication d’un État partie ne sera reçue en vertu dudit article après que le Secrétaire général aura reçu notification du retrait de la déclaration, à moins que l’État partie intéressé n’ait fait une nouvelle déclaration.

Notification par les États parties intéressés

Article 92

1.Toute communication présentée en vertu de l’article 21 de la Convention peut être soumise au Comité par l’un ou l’autre des États parties intéressés, par voie de notification adressée conformément au paragraphe 1 b) dudit article.

2.La notification visée au paragraphe 1 du présent article contient des renseignements sur les éléments ci-après ou en est accompagnée:

a)Les mesures prises pour essayer de régler la question conformément au paragraphe 1 a) et b) de l’article 21 de la Convention, y compris le texte de la communication initiale et de toute explication écrite ultérieure des États parties intéressés qui concerne la question;

b)Les mesures prises pour épuiser les recours internes;

c)Toute autre procédure d’enquête internationale ou de règlement international à laquelle les États parties intéressés ont recouru.

Registre des communications

Article 93

Le Secrétaire général tient un registre permanent de toutes les communications reçues par le Comité en vertu de l’article 21 de la Convention.

Information des membres du Comité

Article 94

Le Secrétaire général informe sans délai les membres du Comité de toute notification adressée conformément à l’article 92 et leur fait tenir aussitôt que possible copie de la notification ainsi que des renseignements pertinents.

Séances

Article 95

Le Comité examine les communications visées à l’article 21 de la Convention en séance privée.

Communiqués concernant les séances privées

Article 96

Après avoir consulté les États parties intéressés, le Comité peut faire paraître, par l’intermédiaire du Secrétaire général, des communiqués à l’intention des moyens d’information et du public concernant ses activités au titre de l’article 21 de la Convention.

Conditions pour l’examen des communications

Article 97

Le Comité n’examine une communication que si:

a)Les deux États parties intéressés ont fait la déclaration prévue au paragraphe 1 de l’article 21 de la Convention;

b)Le délai fixé au paragraphe 1 b) de l’article 21 de la Convention est expiré;

c)Le Comité s’est assuré que tous les recours internes disponibles ont été utilisés et épuisés, conformément aux principes de droit international généralement reconnus, ou que les procédures de recours excèdent des délais raisonnables ou qu’il est peu probable que ces procédures donnent satisfaction à la personne victime de la violation de la Convention.

Bons offices

Article 98

1.Sous réserve des dispositions de l’article 97, le Comité met ses bons offices à la disposition des États parties intéressés afin de parvenir à une solution amiable de la question fondée sur le respect des obligations prévues par la Convention.

2.Aux fins mentionnées au paragraphe 1 du présent article, le Comité peut, s’il l’estime opportun, établir une commission de conciliation ad hoc.

Demande de renseignements

Article 99

Le Comité peut, par l’intermédiaire du Secrétaire général, prier les États parties intéressés ou l’un d’eux de communiquer des renseignements ou observations supplémentaires, oralement ou par écrit. Le Comité fixe un délai pour la présentation par écrit de ces renseignements ou observations.

Participation des États parties intéressés

Article 100

1.Les États parties intéressés ont le droit de se faire représenter pendant l’examen de la communication par le Comité et de présenter des observations oralement ou par écrit, ou sous l’une et l’autre forme.

2.Le Comité notifie aussitôt que possible aux États parties intéressés, par l’intermédiaire du Secrétaire général, la date d’ouverture, la durée et le lieu de la session à laquelle la communication sera examinée.

3.La procédure à suivre pour présenter des observations oralement ou par écrit est arrêtée par le Comité, après consultation des États parties intéressés.

Rapport du Comité

Article 101

1.Dans les douze mois qui suivent la date à laquelle il a reçu la notification visée à l’article 92, le Comité adopte un rapport conformément au paragraphe 1 h) de l’article 21 de la Convention.

2.Les dispositions du paragraphe 1 de l’article 100 ne s’appliquent pas aux délibérations du Comité concernant l’adoption du rapport.

3.Le rapport du Comité est communiqué aux États parties intéressés par l’intermédiaire du Secrétaire général.

XXI.Procédure d’examen des communications reçues en application de l’article 22 de la Convention

A.Dispositions générales

Déclarations des États parties

Article 102

1.Le Secrétaire général transmet aux autres États parties copie des déclarations déposées auprès de lui par les États parties reconnaissant la compétence du Comité, conformément à l’article 22 de la Convention.

2.Le retrait d’une déclaration faite conformément à l’article 22 de la Convention est sans préjudice de l’examen de toute question qui fait l’objet d’une requête déjà transmise en vertu de cet article; aucune autre requête soumise par ou pour le particulier ne sera reçue en vertu dudit article après que le Secrétaire général aura reçu notification du retrait de la déclaration, à moins que l’État partie intéressé n’ait fait une nouvelle déclaration.

Transmission des requêtes

Article 103

1.Conformément au présent règlement, le Secrétaire général porte à l’attention du Comité les requêtes qui sont ou semblent être présentées pour que le Comité les examine conformément au paragraphe 1 de l’article 22 de la Convention.

2.Le Secrétaire général peut, selon que de besoin, demander au requérant de préciser s’il souhaite que sa requête soit soumise au Comité pour examen au titre de l’article 22 de la Convention. Si des doutes subsistent au sujet de la volonté de l’auteur, le Comité est saisi de la requête.

Enregistrement des requêtes; Rapporteur chargé des nouvelles requêtes et des mesures provisoires de protection

Article 104

1.Les requêtes peuvent être enregistrées par le Secrétaire général ou sur décision du Comité ou par le Rapporteur chargé des nouvelles requêtes et des mesures provisoires de protection.

2.Aucune requête ne sera enregistrée par le Secrétaire général si:

a)Elle concerne un État qui n’a pas fait la déclaration prévue au paragraphe 1 de l’article 22 de la Convention;

b)Elle est anonyme; ou

c)Elle n’est pas présentée par écrit par la victime ou par des parents proches de la victime au nom de celle-ci ou par un représentant dûment mandaté par un pouvoir écrit adéquat.

3.Le Secrétaire général établit des listes des requêtes portées à l’attention du Comité conformément à l’article 103, en y joignant un résumé succinct de leur teneur, et fait régulièrement distribuer ces listes aux membres du Comité. Le Secrétaire général tient en outre en permanence un registre de toutes ces requêtes.

4.Un dossier individuel est ouvert pour toute requête qui fait l’objet d’un résumé. Le texte intégral de toute requête portée à l’attention du Comité est communiqué à tout membre du Comité sur sa demande.

Demande d’éclaircissements ou de renseignements supplémentaires

Article 105

1.Le Secrétaire général ou le Rapporteur chargé des nouvelles requêtes et des mesures provisoires de protection peut demander au requérant de fournir des éclaircissements concernant l’applicabilité de l’article 22 de la Convention à sa requête, et de préciser en particulier:

a)Ses nom, adresse, âge et profession en justifiant de son identité;

b)Le nom de l’État partie visé par la requête;

c)L’objet de la requête;

d)La ou les dispositions de la Convention qui auraient été violées;

e)Les moyens de fait;

f)Les dispositions prises par le requérant pour épuiser les recours internes;

g)Si la même question est en cours d’examen ou a déjà été examinée par une autre instance internationale d’enquête ou de règlement.

2.Lorsqu’il demande des éclaircissements ou des renseignements, le Secrétaire général fixe un délai approprié au requérant en vue d’éviter des retards indus dans la procédure prévue à l’article 22 de la Convention. Ce délai peut être allongé dans certaines circonstances.

3.Le Comité peut adopter un questionnaire aux fins de demander au requérant les renseignements susmentionnés.

4.La demande d’éclaircissements visée au paragraphe 1 c) à g) du présent article n’empêche pas que la requête soit inscrite sur les listes prévues au paragraphe 3 de l’article 104.

5.Le Secrétaire général indique au requérant la procédure qui sera suivie et l’informe que le texte de sa requête sera porté, confidentiellement, à l’attention de l’État partie intéressé, conformément au paragraphe 3 de l’article 22 de la Convention.

Résumé des renseignements

Article 106

Pour chaque requête enregistrée, le Secrétaire général établit un résumé des renseignements obtenus et le distribue aux membres du Comité.

Séances et auditions

Article 107

1.Les séances du Comité ou de ses organes subsidiaires au cours desquelles sont examinées les requêtes soumises en vertu de l’article 22 de la Convention sont privées.

2.Les séances au cours desquelles le Comité peut examiner des questions d’ordre général telles que les procédures d’application de l’article 22 de la Convention peuvent être publiques si le Comité en décide ainsi.

Communiqués concernant les séances privées

Article 108

Le Comité peut faire paraître par l’intermédiaire du Secrétaire général, à l’intention des moyens d’information et du public, des communiqués concernant ses activités au titre de l’article 22 de la Convention.

Non-participation obligatoire à l’examen d’une requête

Article 109

1.Ne prend pas part à l’examen d’une requête par le Comité ou par son organe subsidiaire tout membre:

a)Qui a un intérêt personnel quelconque dans l’affaire; ou

b)Qui a participé à un titre quelconque autre qu’en tant que membre du Comité à l’adoption d’une décision relative à l’affaire; ou

c)Qui est ressortissant de l’État partie intéressé, ou est employé par cet État.

2.Toute question relative à l’application du paragraphe 1 ci-dessus est tranchée par le Comité sans la participation du membre intéressé.

Non-participation facultative à l’examen d’une requête

Article 110

Si, pour une raison quelconque, un membre considère qu’il/elle ne devrait pas prendre part ou continuer à prendre part à l’examen d’une requête, il/elle informe le/la Président(e) de sa décision de se retirer.

B.Procédure visant à déterminer la recevabilité des requêtes

Procédure applicable aux requêtes

Article 111

1.Conformément aux dispositions ci-après, le Comité décide à la majorité simple, dès que possible, si la requête est ou n’est pas recevable en vertu de l’article 22 de la Convention.

2.Le groupe de travail constitué conformément au paragraphe 1 de l’article 112 peut également déclarer une requête recevable à la majorité ou irrecevable à l’unanimité.

3.À moins qu’ils n’en décident autrement, le Comité, le groupe de travail constitué conformément au paragraphe 1 de l’article 112, ou le(s) rapporteur(s) désigné(s) conformément au paragraphe 3 de l’article 112 examinent les requêtes dans l’ordre où elles sont reçues par le secrétariat.

4.Le Comité peut, s’il le juge bon, décider d’examiner conjointement deux ou plus de deux requêtes.

5.Le Comité peut, s’il le juge bon, décider de disjoindre l’examen d’une requête soumise conjointement par plusieurs requérants. Les requêtes ainsi disjointes peuvent recevoir chacune un numéro d’enregistrement distinct.

Constitution d’un groupe de travail et désignation de rapporteurs chargés de requêtes particulières

Article 112

1.Le Comité peut, conformément à l’article 61 du présent règlement, constituer un groupe de travail qui se réunira peu de temps avant chaque session, ou à tout autre moment opportun que le Comité arrêtera en consultation avec le Secrétaire général, en vue de prendre des décisions sur la recevabilité ou l’irrecevabilité et de faire au Comité des recommandations concernant le fond des requêtes ainsi que d’aider le Comité de toutes les manières que celui-ci jugera appropriées.

2.Le groupe de travail sera composé au moins de trois membres et au plus de cinq membres du Comité. Il élira son propre bureau et mettra au point ses propres méthodes de travail. Le Règlement intérieur du Comité s’appliquera dans la mesure du possible aux réunions du groupe de travail. Les membres du groupe de travail seront désignés par le Comité toutes les deux sessions.

3.Le groupe de travail peut désigner parmi ses membres des rapporteurs chargés de traiter de requêtes particulières.

Conditions de recevabilité des requêtes

Article 113

Afin de se prononcer sur la recevabilité d’une requête, le Comité, son groupe de travail ou un rapporteur désigné conformément à l’article 104 ou au paragraphe 3 de l’article 112 s’assure:

a)Que le requérant déclare être victime d’une violation par l’État partie intéressé des dispositions de la Convention. La requête doit être présentée par le plaignant lui-même ou par des parents ou des représentants désignés ou par d’autres personnes au nom d’une victime présumée lorsqu’il appert que celle-ci est dans l’incapacité de présenter personnellement la requête et lorsque l’autorisation requise est remise au Comité;

b)Que la requête ne constitue pas un abus de la procédure devant le Comité ou n’est pas manifestement dénuée de fondement;

c)Que la requête n’est pas incompatible avec les dispositions de la Convention;

d)Que la même question n’est pas déjà en cours d’examen ou n’a pas déjà été examinée par une autre instance internationale d’enquête ou de règlement;

e)Que le requérant a épuisé tous les recours internes disponibles. Toutefois, cette règle ne s’applique pas si les procédures de recours excèdent des délais raisonnables ou s’il est peu probable qu’elles constituent un recours utile pour la personne victime de la violation de la Convention;

f)Que le délai écoulé depuis l’épuisement des recours internes n’est pas déraisonnablement long, au point que l’examen de la plainte par le Comité ou l’État partie en est rendu anormalement difficile.

Mesures provisoires

Article 114

1.Le Comité, un groupe de travail ou le(s) Rapporteur(s) chargé(s) des nouvelles requêtes et des mesures provisoires de protection peut (peuvent), à tout moment après avoir reçu une requête, adresser à l’État partie intéressé une demande pressante afin qu’il prenne les mesures provisoires que le Comité juge nécessaires pour éviter qu’un préjudice irréparable ne soit causé à la victime ou aux victimes de la violation alléguée.

2.Lorsque le Comité, le groupe de travail ou un (des) rapporteur(s) demande(nt) que des mesures provisoires soient prises en application du présent article, cette demande ne préjuge pas de la décision qui sera prise en définitive sur la recevabilité ou sur le fond de la requête. L’État partie en est informé quand la demande lui est faite.

3.La décision de demander des mesures provisoires de protection peut être prise sur la base des informations figurant dans la lettre du requérant. Elle peut être réexaminée, à l’initiative de l’État partie, à la lumière de renseignements reçus en temps voulu de cet État partie montrant que la requête n’est pas justifiée et que le requérant ne court pas le risque de subir un préjudice irréparable, ainsi que d’éventuels commentaires ultérieurs du requérant.

4.Lorsqu’une demande de mesures provisoires est faite par le groupe de travail ou un (des) rapporteur(s) conformément au présent article, le groupe de travail ou le(s) rapporteurs(s) fait (font) connaître aux membres du Comité la nature de la demande et la requête à laquelle elle se rapporte à la session ordinaire suivante du Comité.

5.Le Secrétaire général tient une liste des demandes de mesures provisoires.

6.Le Rapporteur chargé des nouvelles requêtes et des mesures provisoires de protection s’assure aussi qu’il est accédé aux demandes de mesures provisoires du Comité.

7.L’État partie peut faire savoir au Comité que les raisons qui ont motivé la demande de mesures provisoires ont cessé d’exister ou avancer des arguments pour expliquer que la demande devrait être retirée.

8.Le Rapporteur, le Comité ou le groupe de travail peut retirer la demande de mesures provisoires.

Renseignements, éclaircissements et observations complémentaires

Article 115

1.Aussitôt que possible après son enregistrement, la requête est transmise à l’État partie qui est prié de soumettre une réponse écrite dans un délai de six mois.

2.L’État partie intéressé soumet par écrit au Comité des explications ou des observations portant à la fois sur la recevabilité et sur le fond de la requête ainsi que sur toute mesure qui peut avoir été prise pour remédier à la situation, à moins que le Comité, le groupe de travail ou le Rapporteur chargé des nouvelles requêtes et des mesures provisoires de protection n’ait décidé, du fait du caractère exceptionnel de l’affaire, de demander une réponse écrite qui porte exclusivement sur la question de la recevabilité.

3.L’État partie à qui il a été demandé d’adresser, conformément au paragraphe 1 du présent article, une réponse écrite à la fois sur la recevabilité et sur le fond de la requête, peut demander par écrit, dans un délai de deux mois, que la requête soit déclarée irrecevable en indiquant les motifs d’irrecevabilité. Le Comité ou le Rapporteur chargé des nouvelles requêtes et des mesures provisoires de protection peut accepter ou ne pas accepter d’examiner la question de la recevabilité séparément de celle du fond.

4.Lorsqu’une décision a été rendue sur la seule question de la recevabilité, le Comité fixe la date limite de la réponse au cas par cas.

5.Le Comité ou le groupe de travail constitué conformément à l’article 112 ou l’un des rapporteurs désignés en vertu du paragraphe 3 de l’article 112 peut, par l’intermédiaire du Secrétaire général, demander à l’État partie intéressé ou au requérant de présenter par écrit des renseignements, éclaircissements ou observations supplémentaires concernant la question de la recevabilité ou le fond.

6.Le Comité ou le groupe de travail ou l’un des rapporteurs désignés conformément au paragraphe 3 de l’article 112 fixe un délai pour la soumission des renseignements ou éclaircissements supplémentaires afin d’éviter des retards excessifs.

7.Si le délai fixé n’est pas observé par l’État partie intéressé ou par le requérant, le Comité ou le groupe de travail peut décider d’examiner la question de la recevabilité et/ou le fond de la requête à la lumière des renseignements disponibles.

8.Une requête ne peut être déclarée recevable qu’à condition que l’État partie intéressé en ait reçu le texte et que la possibilité lui ait été donnée de soumettre des renseignements ou des observations conformément au paragraphe 1 du présent article.

9.Si l’État partie intéressé conteste l’affirmation du requérant qui fait valoir que tous les recours internes disponibles ont été épuisés, il est prié de donner des détails sur les recours utiles ouverts à la victime présumée dans les circonstances particulières de l’espèce et conformément aux dispositions du paragraphe 5 b) de l’article 22 de la Convention.

10.Dans le délai indiqué par le Comité ou le groupe de travail ou l’un des rapporteurs désignés en vertu du paragraphe 3 de l’article 112 du présent règlement, l’État partie ou le requérant peut bénéficier de la possibilité de faire des commentaires sur toute réponse reçue de l’autre partie à la suite d’une demande faite en vertu du présent article. Le fait de ne pas recevoir ces commentaires dans le délai fixé ne doit pas, en règle générale, retarder l’examen de la question de la recevabilité de la requête.

Requêtes irrecevables

Article 116

1.Si le Comité ou le groupe de travail décide qu’une requête est irrecevable en vertu de l’article 22 de la Convention, ou que l’examen doit en être suspendu ou arrêté, il fait connaître sa décision le plus tôt possible, par l’intermédiaire du Secrétaire général, au requérant et à l’État partie intéressé.

2.Si le Comité ou le groupe de travail a déclaré une requête irrecevable en vertu du paragraphe 5 de l’article 22 de la Convention, il peut reconsidérer cette décision à une date ultérieure sur demande d’un membre du Comité ou sur demande écrite faite par le particulier ou en son nom. Cette demande écrite doit contenir des renseignements d’où il ressort que les motifs d’irrecevabilité visés au paragraphe 5 de l’article 22 de la Convention ne sont plus applicables.

C.Examen quant au fond

Procédure applicable aux requêtes recevables; procédure orale

Article 117

1.Lorsque le Comité ou le groupe de travail a déclaré une requête recevable en vertu de l’article 22 de la Convention, avant de recevoir la réponse de l’État partie sur le fond, le Comité transmet à l’État partie, par l’intermédiaire du Secrétaire général, le texte de sa décision et les autres renseignements reçus du requérant qui n’ont pas encore été communiqués à l’État partie conformément au paragraphe 1 de l’article 115 du présent règlement. Le Comité informe également le requérant, par l’intermédiaire du Secrétaire général, de sa décision.

2.Pendant la période fixée par le Comité, l’État partie intéressé soumet par écrit au Comité des explications ou déclarations éclaircissant la question à l’examen et indiquant, le cas échéant, les mesures qu’il a pu prendre. Le Comité peut indiquer, s’il le juge nécessaire, le type d’informations qu’il souhaite recevoir de l’État partie intéressé.

3.Toutes les explications ou déclarations soumises par un État partie en application du présent article sont communiquées, par l’intermédiaire du Secrétaire général, au requérant, qui peut soumettre par écrit tous renseignements ou observations supplémentaires dans un délai fixé par le Comité.

4.Le Comité peut inviter le requérant ou son représentant et les représentants de l’État partie intéressé à se présenter devant lui à des séances privées déterminées pour lui fournir des éclaircissements supplémentaires ou pour répondre à des questions sur le fond de la requête. Si une partie est invitée, l’autre partie en est informée et est invitée à être présente et à faire des observations appropriées. La non-représentation de l’une des parties ne doit pas être préjudiciable à l’examen de l’affaire.

5.Le Comité peut révoquer la décision par laquelle il a déclaré une requête recevable, à la lumière des explications ou déclarations présentées par l’État partie conformément au présent article. Toutefois, avant que le Comité n’envisage de révoquer cette décision, les explications ou déclarations pertinentes doivent être communiquées au requérant pour qu’il puisse soumettre tous renseignements ou observations supplémentaires dans le délai fixé par le Comité.

Conclusions du Comité; décisions sur le fond

Article 118

1.Dans le cas où les parties ont soumis des renseignements portant à la fois sur la question de la recevabilité et sur le fond, ou dans le cas où une décision concernant la recevabilité a déjà été prise et où les parties ont soumis des renseignements sur le fond, le Comité examine la requête à la lumière de toutes les informations qui lui sont soumises par le requérant ou en son nom et par l’État partie intéressé, et il formule ses conclusions à ce sujet. Auparavant, le Comité peut renvoyer la requête au groupe de travail ou au rapporteur désigné conformément au paragraphe 3 de l’article 112, pour qu’il lui fasse des recommandations.

2.Le Comité, le groupe de travail ou le rapporteur peut à tout moment au cours de l’examen obtenir auprès d’organismes des Nations Unies, d’institutions spécialisées ou d’autres sources tout document pouvant l’aider dans l’examen de la requête.

3.Le Comité ne se prononce pas sur le fond d’une requête sans avoir examiné l’applicabilité de tous les motifs de recevabilité visés à l’article 22 de la Convention. Les conclusions du Comité sont communiquées, par l’intermédiaire du Secrétaire général, au requérant et à l’État partie intéressé.

4.Les conclusions du Comité sur le fond de la requête sont des «décisions».

5.En règle générale, l’État partie intéressé est invité à informer le Comité, dans un délai donné, des mesures qu’il a prises conformément aux décisions du Comité.

Opinions individuelles

Article 119

Tout membre du Comité qui a pris part à une décision peut demander que le texte de son opinion individuelle soit joint à la décision.

Procédure de suivi

Article 120

1.Le Comité peut désigner un ou plusieurs rapporteurs pour assurer le suivi des décisions adoptées au titre de l’article 22 de la Convention, afin de vérifier que les États parties ont pris des mesures pour donner effet à ses conclusions.

2.Les rapporteurs chargés du suivi peuvent établir les contacts et prendre les mesures appropriées pour s’acquitter dûment de leur mandat et ils en rendent compte au Comité. Ils peuvent recommander au Comité les mesures complémentaires qui peuvent être nécessaires.

3.Les rapporteurs font périodiquement rapport au Comité sur les activités de suivi.

4.Dans l’exercice de leur mandat, les rapporteurs peuvent, avec l’accord du Comité, effectuer les visites nécessaires auprès de l’État partie intéressé.

Inclusion dans le rapport annuel du Comité de résumés des requêteset du texte des décisions finales

Article 121

1.Le Comité peut décider d’inclure dans son rapport annuel un résumé des requêtes examinées et, s’il le juge opportun, un résumé des explications et déclarations des États parties intéressés et de l’appréciation qu’il en a faite.

2.Le Comité fait figurer dans son rapport annuel le texte de ses décisions finales en vertu du paragraphe 7 de l’article 22 de la Convention.

3.Le Comité consigne dans son rapport annuel des informations sur les activités de suivi.

Annexe X

Rapports en retard au 3 juin 2011

A.Rapports initiaux

État partie

Date à laquelle le rapport était attendu

1.Andorre

22 octobre 2007

2.Antigua-et-Barbuda

17 août 1994

3.Bangladesh

4 novembre 1999

4.Botswana

7 octobre 2001

5.Burkina Faso

2 février 2000

6.Cap-Vert

3 juillet 1993

7.Congo

30 août 2004

8.Côte d’Ivoire

16 janvier 1997

9.Guinée équatoriale

6 novembre 2003

10.Gabon

7 octobre 2001

11.Guinée

8 novembre 1990

12.Saint-Siège

25 juillet 2003

13.Liban

3 novembre 2001

14.Lesotho

11 décembre 2002

15.Libéria

22 octobre 2005

16.Malawi

10 juillet 1997

17.Maldives

20 mai 2005

18.Mali

27 mars 2000

19.Mauritanie

17 décembre 2005

20.Mozambique

14 octobre 2000

21.Niger

3 novembre 1999

22.Nigéria

28 juin 2002

23.Saint-Vincent-et-les Grenadines

30 août 2002

24.Saint‑Marin

27 décembre 2007

25.Seychelles

3 juin 1993

26.Sierra Leone

25 mai 2002

27.Somalie

22 février 1991

28.Swaziland

25 avril 2005

29.Thaïlande

1er novembre 2008

30.Timor-Leste

16 mai 2004

B.Rapports périodiques

État partie

Rapport

Date à laquelle le rapport était attendu

Date révisée, conformément aux observations finales du Comité concernant le dernier rapport de l ’ État partie

1.Afghanistan

Deuxième

25 juin 1992

Troisième

25 juin 1996

Quatrième

25 juin 2000

Cinquième

25 juin 2004

Sixième

25 juin 2008

2.Albanie

Troisième

9 juin 2003

Quatrième

9 juin 2007

3.Algérie

Quatrième

11 octobre 2002

[20 juin 2012]

Cinquième

11 octobre 2006

Sixième

11 octobre 2010

4.Antigua-et-Barbuda

Deuxième

17 août 1998

Troisième

17 août 2002

Quatrième

17 août 2006

Cinquième

17 août 2010

5.Argentine

Cinquième

25 juin 2004

[25 juin 2008]

Sixième

25 juin 2008

[25 juin 2008]

6.Arménie

Quatrième

12 octobre 2006

Cinquième

12 octobre 2010

7.Australie

Quatrième

6 septembre 2002

[30 juin 2012]

Cinquième

6 septembre 2006

[30 Juin 2012]

Sixième

6 septembre 2010

8.Autriche

Sixième

27 août 2008

[14 mai 2014]

9.Azerbaïdjan

Quatrième

14 septembre 2009

[20 novembre 2013]

10.Bahreïn

Deuxième

4 avril 2003

[4 avril 2007]

Troisième

4 avril 2007

11.Bangladesh

Deuxième

4 novembre 2003

Troisième

4 novembre 2007

12.Bélarus

Cinquième

25 juin 2004

Sixième

25 juin 2008

13.Belgique

Troisième

25 juillet 2008

[21 novembre 2012]

14.Belize

Deuxième

25 juin 1992

Troisième

25 juin 1996

Quatrième

25 juin 2000

Cinquième

25 juin 2004

Sixième

25 juin 2008

15.Bénin

Troisième

10 avril 2001

[30 décembre 2011]

Quatrième

10 avril 2005

Cinquième

10 avril 2009

16.Bolivie (État plurinational de)

Deuxième

11 mai 2004

Troisième

11 mai 2008

17.Botswana

Deuxième

7 octobre 2005

Troisième

7 octobre 2009

18.Brésil

Deuxième

27 octobre 1994

Troisième

27 octobre 1998

Quatrième

27 octobre 2002

Cinquième

27 octobre 2006

Sixième

27 octobre 2010

19.Burkina Faso

Deuxième

2 février 2004

Troisième

2 février 2008

20.Burundi

Deuxième

19 mars 1998

[31 décembre 2008]

Troisième

19 mars 2002

Quatrième

19 mars 2006

Cinquième

19 mars 2010

21.Cambodge

Troisième

13 novembre 2001

[19 novembre 2014]

Quatrième

13 novembre 2005

Cinquième

13 novembre 2009

22.Cameroun

Cinquième

25 juin 2008

[14 mai 2014]

23.Cap-Vert

Deuxième

3 juillet 1997

Troisième

3 juillet 2001

Quatrième

3 juillet 2005

Cinquième

3 juillet 2009

24.Tchad

Deuxième

9 juillet 2000

[15 mai 2013]

Troisième

9 juillet 2004

Quatrième

9 juillet 2008

25.Chili

Sixième

29 octobre 2009

[15 mai 2013]

26.Chine et Hong Kong,Chine et Macao, Chine

Cinquième

2 novembre 2005

[21 novembre 2012]

Sixième

2 novembre 2009

27.Colombie

Cinquième

6 janvier 2005

[20 novembre 2013]

Sixième

6 janvier 2009

28.Congo

Deuxième

30 août 2008

29.Costa Rica

Troisième

10 décembre 2002

[30 juin 2012]

Quatrième

10 décembre 2006

Cinquième

10 décembre 2010

30.Côte d’Ivoire

Deuxième

16 janvier 2001

Troisième

16 janvier 2005

Quatrième

16 janvier 2009

31.Croatie

Quatrième

7 octobre 2004

[7 octobre 2008]

Cinquième

7 octobre 2008

[7 octobre 2008]

32.Cuba

Troisième

15 juin 2004

Quatrième

15 juin 2008

33.Chypre

Quatrième

16 août 2004

Cinquième

16 août 2008

34.République démocratique du Congo

Deuxième

16 avril 2001

[16 avril 2009]

Troisième

16 avril 2005

[16 avril 2009]

Quatrième

16 avril 2009

[16 avril 2009]

35.Djibouti

Deuxième

5 décembre 2007

36.Égypte

Cinquième

25 juin 2004

Sixième

25 juin 2008

37.El Salvador

Troisième

16 juillet 2005

[20 novembre 2013]

Quatrième

16 juillet 2009

38.Guinée équatoriale

Deuxième

6 novembre 2007

39.Estonie

Quatrième

19 décembre 2004

[31 décembre 2011]

Cinquième

19 décembre 2008

40.Éthiopie

Deuxième

12 avril 1999

[19 novembre 2014]

Troisième

12 avril 2003

Quatrième

12 avril 2007

41.Gabon

Deuxième

7 octobre 2005

Troisième

7 octobre 2009

42.Géorgie

Quatrième

27 novembre 2007

[24 novembre 2011]

43.Ghana

Deuxième

6 octobre 2005

[3 juin 2015]

Troisième

6 octobre 2009

44.Guatemala

Sixième

3 février 2011

48.Guinée

Deuxième

8 novembre 1994

Troisième

8 novembre 1998

Quatrième

8 novembre 2002

Cinquième

8 novembre 2006

Sixième

8 novembre 2010

46.Guyana

Deuxième

17 juin 1993

[31 décembre 2008]

Troisième

17 juin 1997

Quatrième

17 juin 2001

Cinquième

17 juin 2005

Sixième

17 juin 2009

47.Saint-Siège

Deuxième

25 juillet 2007

48.Honduras

Deuxième

3 janvier 2002

[15 mai 2013]

Troisième

3 janvier 2006

Quatrième

3 janvier 2010

49.Hongrie

Cinquième

25 juin 2004

[31 décembre 2010]

Sixième

25 juin 2008

[31 décembre 2010]

50.Indonésie

Troisième

27 novembre 2007

[30 juin 2012]

51.Irlande

Deuxième

11 mai 2007

[3 juin 2015]

Troisième

11 mai 2011

52.Israël

Cinquième

1er novembre 2008

[15 mai 2013]

53.Italie

Sixième

11 février 2010

[30 juin 2011]

54.Japon

Deuxième

29 juillet 2004

[30 juin 2011]

Troisième

29 juillet 2008

55.Jordanie

Troisième

12 décembre 2000

[14 mai 2014]

Quatrième

12 décembre 2004

Cinquième

12 décembre 2008

56.Kazakhstan

Troisième

25 septembre 2007

[21 novembre 2012]

57.Kenya

Deuxième

22 mars 2002

[21 novembre 2012]

Troisième

22 mars 2006

Quatrième

22 mars 2010

58.Koweït

Troisième

6 avril 2005

[3 juin 2015]

Quatrième

6 avril 2009

59.Kirghizistan

Deuxième

4 octobre 2002

Troisième

4 octobre 2006

Quatrième

4 octobre 2010

60.Lettonie

Cinquième

13 mai 2009

[30 décembre 2011]

61.Liban

Deuxième

3 novembre 2005

Troisième

3 novembre 2009

62.Lesotho

Deuxième

12 décembre 2006

Troisième

12 décembre 2010

63.Libéria

Deuxième

22 octobre 2009

64.Jamahiriya arabe libyenne

Quatrième

14 juin 2002

Cinquième

14 juin 2006

Sixième

14 juin 2010

65.Liechtenstein

Quatrième

1er décembre 2003

[14 mai 2014]

Cinquième

1er décembre 2007

66.Lituanie

Troisième

2 mars 2005

[21 novembre 2012]

Quatrième

2 mars 2009

67.Madagascar

Deuxième

13 janvier 2011

68.Malawi

Deuxième

10 juillet 2001

Troisième

10 juillet 2005

Quatrième

10 juillet 2009

69.Maldives

Deuxième

20 mai 2009

70.Mali

Deuxième

27 mars 2004

Troisième

27 mars 2008

74.Malte

Troisième

12 octobre 1999

[31 décembre 2000]

Quatrième

12 octobre 2003

Cinquième

12 octobre 2007

72.Mauritanie

Deuxième

17 décembre 2009

73.Maurice

Quatrième

7 janvier 2006

[3 juin 2015]

Cinquième

7 janvier 2010

74.Mongolie

Deuxième

23 février 2007

[19 novembre 2014]

Troisième

23 février 2011

75.Maroc

Cinquième

21 juillet 2010

76.Mozambique

Deuxième

14 octobre 2004

Troisième

14 octobre 2008

77.Namibie

Deuxième

27 décembre 1999

Troisième

27 décembre 2003

Quatrième

27 décembre 2007

78.Népal

Troisième

12 juin 2000

[12 juin 2008]

Quatrième

12 juin 2004

[12 juin 2008]

Cinquième

12 juin 2008

[12 juin 2008]

79.Pays-Bas

Sixième

20 janvier 2010

[30 juin 2011]

80.Nouvelle-Zélande

Sixième

8 janvier 2011

[15 mai 2013]

81.Nicaragua

Deuxième

4 août 2010

[15 mai 2013]

82.Niger

Deuxième

3 novembre 2003

Troisième

3 novembre 2007

83.Nigéria

Deuxième

28 juin 2006

Troisième

28 juin 2010

84.Panama

Quatrième

22 septembre 2000

Cinquième

22 septembre 2004

Sixième

22 septembre 2008

85.Pérou

Cinquième

5 août 2005

[5 août 2009]

Sixième

5 août 2009

[5 août 2009]

86.Philippines

Troisième

25 juin 1996

[15 mai 2013]

Quatrième

25 juin 2000

Cinquième

25 juin 2004

Sixième

25 juin 2008

87.Pologne

Sixième

25 août 2010

[30 juin 2011]

88.Portugal

Sixième

10 mars 2010

[30 décembre 2011]

89.Qatar

Troisième

10 février 2008

90.République de Corée

Troisième

7 février 2004

[7 février 2012]

Quatrième

7 février 2008

91.République de Moldova

Troisième

27 décembre 2004

[20 novembre 2013]

Quatrième

27 décembre 2008

92.Roumanie

Deuxième

16 janvier 1996

Troisième

16 janvier 2000

Quatrième

16 janvier 2004

Cinquième

16 janvier 2008

93.Fédération de Russie

Sixième

25 juin 2008

94.Saint-Vincent-et-les Grenadines

Deuxième

30 août 2006

Troisième

30 août 2010

95.Arabie saoudite

Deuxième

21 octobre 2002

Troisième

21 octobre 2006

Quatrième

21 octobre 2010

96.Sénégal

Quatrième

25 juin 2000

Cinquième

25 juin 2004

Sixième

25 juin 2008

97.Seychelles

Deuxième

3 juin 1997

Troisième

3 juin 2001

Quatrième

3 juin 2005

Cinquième

3 juin 2009

98.Sierra Leone

Deuxième

25 mai 2006

Troisième

25 mai 2010

99.Slovaquie

Troisième

27 mai 2002

[20 novembre 2013]

Quatrième

27 mai 2006

Cinquième

27 mai 2010

100.Slovénie

Quatrième

14 août 2006

[3 juin 2015]

Cinquième

14 août 2010

101.Somalie

Deuxième

22 février 1995

Troisième

22 février 1999

Quatrième

22 février 2003

Cinquième

22 février 2007

Sixième

22 février 2011

102.Afrique du Sud

Deuxième

9 janvier 2004

[31 décembre 2009]

Troisième

9 janvier 2008

103.Espagne

Sixième

19 novembre 2008

[20 novembre 2013]

104.Sri Lanka

Cinquième

1er février 2011

105.Swaziland

Deuxième

25 avril 2009

106.République arabe syrienne

Deuxième

18 septembre 2009

[14 mai 2014]

107.Tadjikistan

Troisième

9 février 2004

Quatrième

9 février 2008

108.ex-République yougoslave de Macédoine

Troisième

17 octobre 2000

[30 juin 2012]

Quatrième

17 octobre 2004

Cinquième

17 octobre 2008

109.Timor-Leste

Deuxième

16 mai 2008

110.Togo

Troisième

17 décembre 1996

Quatrième

17 décembre 2000

Cinquième

17 décembre 2004

Sixième

17 décembre 2008

111.Tunisie

Quatrième

22 octobre 2003

Cinquième

22 octobre 2007

112.Turquie

Quatrième

31 août 2001

[19 novembre 2014]

Cinquième

31 août 2005

Sixième

31 août 2009

113.Turkménistan

Deuxième

24 juillet 2004

[3 juin 2015]

Troisième

24 juillet 2008

114.Ouganda

Deuxième

25 juin 1992

[25 juin 2008]

Troisième

25 juin 1996

Quatrième

25 juin 2000

Cinquième

25 juin 2004

Sixième

25 juin 2008

115.Ukraine

Sixième

25 juin 2007

[30 juin 2011]

116.Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord

Cinquième

6 janvier 2006

[31 décembre 2008]

Sixième

6 janvier 2010

117.États-Unis d’Amérique

Troisième

19 novembre 2003

Quatrième

19 novembre 2007

118.Uruguay

Troisième

25 juin 1996

Quatrième

25 juin 2000

Cinquième

25 juin 2004

Sixième

25 juin 2008

119.Ouzbékistan

Quatrième

28 octobre 2008

[30 décembre 2011]

120.Venezuela (République bolivarienne du)

Quatrième

20 août 2004

Cinquième

20 août 2008

121.Yémen

Troisième

4 décembre 2000

[14 mai 2014]

Quatrième

4 décembre 2004

Cinquième

4 décembre 2008

122.Zambie

Troisième

6 novembre 2007

[30 juin 2012]

Annexe XI

Rapporteurs et corapporteurs pour chacun des rapportsdes États parties examinés par le Comitéà ses quarante-cinquième et quarante-sixième sessions(par ordre alphabétique)

A.Quarante-cinquième session

Rapport

Rapporteur

Corapporteur

Bosnie Herzégovine (CAT/C/BIH/2-5)

M. Gallegos

M. Wang Xuexian

Cambodge (CAT/C/KHM/2 et Corr.1)

Mme Sveaass

Mme Gaer

Équateur (CAT/C/ECU/4-6)

M. Grossman

M. Mariño Menéndez

Éthiopie (CAT/C/ETH/1)

M. Gaye

Mme Belmir

Mongolie (CAT/C/MNG/1)

M. Bruni

Mme Kleopas

Turquie (CAT/C/TUR/3)

M. Bruni

Mme Gaer

B.Quarante-sixième session

Rapport

Rapporteur

Corapporteur

Finlande(CAT/C/FIN/5-6)

M. Mariño Menéndez

Mr. Wang Xuexian

Ghana (CAT/C/GHA/1)

M. Grossman

Mme Sveaass

Irlande (CAT/C/IRL/1)

M. Gallegos

Mme Kleopas

Koweït (CAT/C/KWT/2)

M. Bruni

Mme Belmir

Maurice (CAT/C/MUS/3)

M. Gallegos

M. Bruni

Monaco (CAT/C/MCO/4-5)

Mme Belmir

M. Gaye

Slovénie (CAT/C/SVN/3)

M. Mariño Menéndez

Mr. Wang Xuexian

Turkménistan (CAT/C/TKM/1)

Mme Gaer

M. Grossman

Annexe XII

Décisions du Comité contre la torture au titre de l’article 22de la Convention

A.Décisions sur le fond

Communication no 310/2007: Chahin c. Suède

Présentée par:

Tony Chahin (représenté par un conseil, Bo Johansson)

Au nom de:

Tony Chahin

État partie:

Suède

Date de la requête:

20 décembre 2006 (date de la lettre initiale)

Le Comité contre la torture, institué en vertu de l’article 17 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,

Réuni le 30 mai 2011,

Ayant achevé l’examen de la requête no 310/2007 présentée par M. Tony Chahin en vertu de l’article 22 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,

Ayant tenu compte de toutes les informations qui lui ont été communiquées par le requérant, son conseil et l’État partie,

Adopte ce qui suit:

Décision au titre du paragraphe 7 de l’article 22 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumainsou dégradants

1.1Le requérant est Tony Chahin, de nationalité syrienne, né en 1964, qui réside actuellement de façon illégale en Suède, où il est retourné en 2003 malgré une interdiction à vie du territoire suédois et où il vit depuis dans la clandestinité. Il affirme qu’il a subi des tortures après avoir été expulsé de Suède vers la République arabe syrienne en 1997 et que s’il était une nouvelle fois renvoyé dans ce pays, il courrait à nouveau le risque d’être soumis à la torture, en violation de l’article 3 de la Convention. Il est représenté par un conseil.

1.2Dans sa lettre initiale, datée du 20 décembre 2006, le requérant a demandé au Comité de prier l’État partie de prendre des mesures provisoires consistant à ne pas procéder à son expulsion vers la République arabe syrienne tant que le Comité n’aurait pas pris une décision définitive concernant sa requête. Le 10 janvier 2008, le Rapporteur chargé des nouvelles requêtes et des mesures provisoires a informé le requérant et l’État partie qu’il avait décidé de ne pas accéder à cette demande, en précisant toutefois que cette décision pourrait être reconsidérée et qu’une nouvelle demande de mesures provisoires pourrait être formulée lorsque le requérant serait sorti de la clandestinité. Le 13 décembre 2007, le conseil a informé le Comité qu’il n’avait pu convaincre le requérant de faire cette démarche car il redoutait d’être renvoyé en République arabe syrienne.

Rappel des faits présentés par le requérant

2.1Le requérant appartient à la minorité chrétienne de la République arabe syrienne. En 1975, sa famille a déménagé au Liban, où, pendant la guerre civile des années 1980, il a rejoint les Forces libanaises, et plus précisément la milice de Samir Geagea, groupe hostile à la République arabe syrienne. Il a pris part à des combats armés contre les forces syriennes.

2.2Le 10 juin 1989, le requérant a épousé Fehima Melki à Beyrouth. Plus tôt, en mai 1989, Mme Melki avait été informée qu’elle avait obtenu un permis de séjour et de travail en Suède, où sa famille vivait depuis 1986. En septembre 1989, après son arrivée en Suède, Mme Melki a sollicité un permis de séjour et un permis de travail pour le requérant, qui lui ont été accordés en décembre 1989 pour une durée de six mois, puis prolongés jusqu’en janvier 1991, pour raison de mariage. Le requérant est arrivé en Suède en 1989 ou 1990. Le 14 novembre 1990, il a sollicité un permis de séjour, un permis de travail et un passeport pour étranger.

2.3Le 1er septembre 1991, le requérant s’est querellé avec deux hommes dans un café de Norrköping et il a poignardé mortellement l’un d’eux dans le dos avec un objet tranchant.

2.4Par un jugement en date du 3 octobre 1991, le tribunal de district de Norrköping a déclaré le requérant coupable d’homicide involontaire, l’a condamné à huit ans d’emprisonnement et a ordonné son expulsion de Suède lorsqu’il aurait purgé sa peine. L’ordonnance d’expulsion était assortie d’une interdiction à vie du territoire suédois. Pour la détermination de la durée de la peine de prison, le tribunal a tenu compte du fait que le requérant serait expulsé. Pendant la procédure, le Conseil suédois des migrations a rendu un avis consultatif indiquant que le requérant n’avait pas demandé l’asile et que rien ne s’opposait à son expulsion.

2.5Le 18 octobre 1991, le Conseil des migrations a rejeté la demande de permis de séjour et de permis de travail du requérant au motif qu’il était sous le coup d’une décision d’expulsion.

2.6Le requérant a fait appel du jugement du tribunal de district uniquement sur le point concernant son expulsion. Le 12 novembre 1991, la cour d’appel de Göta a confirmé le jugement rendu en première instance. Le 20 décembre 1991, après que la Cour suprême a décidé de refuser au requérant l’autorisation de se pourvoir, la décision d’expulsion est devenue définitive.

2.7En août 1993, alors qu’il exécutait sa peine de prison, le requérant a présenté une demande de révocation de la décision d’expulsion rendue à son encontre, faisant valoir qu’en 1979, il avait été enrôlé de force dans une milice phalangiste chrétienne assyrienne, Rabeta El-Soryanie, et qu’il avait participé à des combats armés contre les forces musulmanes pendant la guerre civile libanaise. Il avait été blessé à plusieurs reprises par des éclats d’obus et des balles. En 1989, il avait été capturé par d’autres forces chrétiennes placées sous le commandement du général Aoun, tenu prisonnier, soumis à des tortures (application de décharges électriques et suspension dans un pneu rempli d’eau), et contraint de combattre dans leurs rangs. Au bout de six mois, il avait réussi à s’échapper et à rejoindre ses propres forces, puis à partir pour la Suède. Il affirmait que, la République arabe syrienne occupant la plus grande partie du territoire libanais, il courrait le risque d’être persécuté, torturé et exécuté à son retour au Liban en raison de son engagement dans les forces phalangistes pendant la guerre civile. Le 3 février 1994, les autorités suédoises ont rejeté sa demande, estimant qu’il n’y avait pas de motif particulier de révoquer la décision d’expulsion.

2.8Le 11 novembre 1996, le requérant a déposé une nouvelle demande de révocation de la décision d’expulsion, invoquant à la fois ses liens avec sa femme et ses trois enfants en Suède, et le fait que sa participation à des combats armés en tant que membre d’une milice chrétienne et garde du corps de deux personnalités politiques chrétiennes de haut rang pendant la guerre civile libanaise l’exposerait au risque d’être torturé et exécuté en cas de retour en République arabe syrienne ou au Liban. Le 19 décembre 1996, les autorités suédoises l’ont débouté.

2.9Le 27 décembre 1996, un aumônier de la prison de Norrköping, où le requérant purgeait sa peine, a présenté à l’administration suédoise, au nom du requérant, une nouvelle requête en révocation de la décision d’expulsion. Le 16 janvier 1997, l’administration a rejeté cette requête.

2.10Le 5 janvier 1997, le requérant a été expulsé vers la République arabe syrienne sous l’escorte d’un policier suédois, d’un agent de sécurité syrien et d’un interprète. À son arrivée à l’aéroport de Damas, le requérant a été accusé d’avoir participé à des combats armés contre les forces syriennes au Liban et d’avoir ainsi servi les «intérêts sionistes et israéliens». Il a subi de longs interrogatoires au cours desquels il a été questionné sur la milice dont il avait fait partie au Liban et il a été contraint de faire des aveux. Il a été soumis à la torture.

2.11Le 7 octobre 1997, la Cour suprême de sûreté de l’État a condamné le requérant à une peine de trois ans d’emprisonnement assortie de travaux forcés pour appartenance à une organisation ayant pour but de renverser l’ordre économique et social de la République arabe syrienne. En intégrant le groupe terroriste de Samir Geagea au sein des Forces libanaises, qui cherchait à diviser le Liban, il avait commis un acte de haute trahison avec l’intention de porter atteinte à la République arabe syrienne.

2.12Le requérant a exécuté sa peine à la prison Saydnaya de Damas. Il a passé ses neufs premiers mois de détention à l’isolement avant d’être placé dans une cellule ordinaire. Pendant son séjour en prison, il a été soumis à la torture et à d’autres traitements inhumains et dégradants. Néanmoins, ces tortures n’étaient pas aussi fréquentes que celles qu’il avait subies pendant son interrogatoire par le service de sécurité. En 2000, après avoir purgé sa peine, il a été remis à l’armée pour l’accomplissement d’un service militaire d’une durée de trois ans (un an de plus que le service normal, conformément à la peine qui lui avait été infligée) dans la ville de Homs, où il a travaillé dans des conditions pénibles au sein d’une unité militaire de construction non armée.

2.13Au début de 2003, le requérant a terminé son service militaire et s’est installé dans sa ville natale d’Al-Jazire, dans le nord de la République arabe syrienne, où vivait sa famille. À son arrivée, il a été convoqué au bureau local du service de sécurité, où on lui a imposé les obligations suivantes: a) obligation de se présenter tous les deux jours au service de sécurité; et b) obligation de demander une autorisation spéciale chaque fois qu’il voulait quitter Al-Jazire. En outre, il lui a été interdit: a) de quitter le territoire syrien; et b) de solliciter un emploi dans la fonction publique.

2.14Craignant pour sa sécurité, le requérant a pris contact avec un passeur professionnel qui lui a procuré un faux passeport syrien et un visa pour la France. Il a quitté la République arabe syrienne par avion et est arrivé à Paris, via Chypre, en mai 2003. Un ou deux jours plus tard, il est parti pour Hambourg, d’où il s’est rendu en Suède, en juillet 2003. Après son départ de République arabe syrienne, des membres du service de sécurité se sont rendus fréquemment dans sa famille, à Al-Jazire, demandant à le voir. Lors d’une de ces visites, son père, 80 ans, a eu si peur qu’il avait fallu l’hospitaliser.

2.15Le 28 mai 2003, l’épouse du requérant a introduit en son nom une demande de révocation de la décision d’expulsion dont il faisait l’objet, au motif de sa condamnation en République arabe syrienne et au titre du regroupement familial. Par une décision en date du 10 juillet 2003, le Ministère de la justice a rejeté cette demande.

2.16Le 23 novembre 2004, le requérant a déposé une nouvelle demande de révocation de la décision d’expulsion, dans laquelle il faisait valoir: a) qu’il avait subi diverses formes de torture − flagellation avec une ceinture ou un bâton, application de décharges électriques, immobilisation dans un pneu, suspension par les bras et les mains et bastonnade sur la plante des pieds («falaka») − au cours des interrogatoires que lui avait fait subir le service de sécurité syrien en 1997 parce qu’il le soupçonnait d’avoir combattu contre les forces syriennes pendant la guerre civile libanaise; b) qu’il avait été déclaré coupable d’appartenance à un groupe terroriste; et c) qu’il avait enfreint trois des quatre restrictions qui lui avaient été imposées. Il affirmait qu’il risquait d’être soumis à la torture s’il était renvoyé en République arabe syrienne, où il serait considéré comme représentant un risque pour la sécurité compte tenu de ses activités passées au Liban et du fait qu’il avait purgé une peine de prison pour crime contre l’État. Il serait placé en détention et interrogé au sujet de ses activités à l’étranger. À l’appui de sa demande, il a présenté une copie de l’arrêt de la Cour suprême de sûreté de l’État ainsi qu’un rapport d’expertise médico-légale daté du 7 septembre 2004 (examen du 26 août 2004) et un rapport psychiatrique daté du 15 septembre 2004 (examen du 25 août 2004) établis par des experts du Centre de prise en charge des victimes de crises et de traumatismes à Stockholm. Le rapport d’expertise médico-légale confirme que plusieurs formations cicatricielles visibles sur son corps concordent avec la description faite par le requérant des tortures qu’il a subies. Le rapport psychiatrique indique qu’il souffre très probablement d’un choc post-traumatique consécutif à l’expérience de la guerre et de la torture qu’il a vécue et qu’il est peut-être également atteint de troubles de la personnalité. Le requérant concluait que le risque qu’il courrait d’être soumis à la torture constituait un obstacle absolu à son expulsion vers la République arabe syrienne en vertu de la loi suédoise sur les étrangers et des articles 3 de la Convention contre la torture et de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

2.17Le Ministère de la justice a envoyé la copie de l’arrêt syrien et d’autres pièces à l’ambassade de Suède à Damas pour qu’elle en vérifie l’authenticité. Le 16 mars 2005, l’ambassade a confirmé que l’arrêt était authentique, mais n’a pas confirmé qu’il lui avait été interdit de quitter le territoire syrien.

2.18Le 12 avril 2005, le conseil du requérant a formulé des commentaires sur les renseignements reçus de l’ambassade, dont il a mis en cause la source et la fiabilité.

2.19Le 11 octobre 2005, le Conseil des migrations a rendu, à la demande du Ministère de la justice, un avis sur cette affaire. S’appuyant sur l’avis de l’ambassade de Suède selon lequel on n’avait pas imposé de restrictions au requérant, il a conclu que ce dernier ne risquait pas d’être soumis à la torture à son retour en République arabe syrienne. Par conséquent, rien n’empêchait l’exécution de la décision d’expulsion.

2.20Dans une lettre adressée aux autorités suédoises en date du 9 novembre 2005, le requérant a maintenu qu’il lui avait interdit de quitter sa ville natale, ainsi que la République arabe syrienne, et qu’il avait reçu l’ordre de se présenter régulièrement aux autorités. Il a fait valoir que l’imposition de restrictions à une personne condamnée pour un crime de nature politique était vraisemblable et a réitéré que l’on ne savait pas au juste comment l’ambassade avait obtenu des informations établissant le contraire.

2.21Le 21 juin 2006, le Gouvernement a rejeté la demande du requérant, estimant qu’il n’y avait pas de motif particulier de révoquer la décision d’expulsion prononcée contre lui.

Teneur de la plainte

3.1Le requérant affirme que son expulsion vers la République arabe syrienne en 1997 constituait une violation par l’État partie de l’article 3 de la Convention. Alors qu’il était prévisible qu’il soit soumis à la torture en République arabe syrienne, puisque son engagement dans les Forces libanaises était connu, que les autorités syriennes considéraient cet engagement comme un acte de trahison et que des rapports internationaux relatifs aux droits de l’homme montraient que la pratique de la torture était courante en République arabe syrienne, en particulier dans les affaires ayant trait à la sûreté de l’État, l’État partie avait sommairement rejeté ses demandes et l’avait renvoyé en République arabe syrienne. Les actes de torture dont il avait été victime après son renvoi en République arabe syrienne avaient été confirmés par deux rapports d’expertise médicale et psychiatrique, n’avaient pas été réfutés par l’État partie et étaient à imputer à ce dernier, en vertu de l’article 3 de la Convention.

3.2Le requérant affirme que l’État partie enfreindrait l’article 3 de la Convention s’il l’expulsait à nouveau vers la République arabe syrienne. Il est établi qu’en 1997, il a été gravement torturé et condamné à une peine d’emprisonnement de trois ans pour trahison en République arabe syrienne. Il ressortait des rapports internationaux relatifs aux droits de l’homme que les forces de sécurité syriennes avaient encore fréquemment recours à la torture. Aux dires du requérant, le service de sécurité syrien le considérait comme un individu qui présentait un risque pour la sécurité et qui pourrait adhérer à des groupes politiques hostiles au régime en place et participer à des activités contraires à l’intérêt national. Il était dès lors vraisemblable que le service de sécurité continuerait de le maintenir sous surveillance en exigeant de lui qu’il se présente régulièrement aux autorités et en restreignant sa liberté de circulation. L’imposition de restrictions à son encontre était une conséquence logique de son engagement antérieur dans les Forces libanaises. Il répète que les autorités suédoises n’ont pas réfuté les présomptions qu’il a invoquées pour démontrer qu’il risquait d’être soumis à la torture en République arabe syrienne, en particulier le fait qu’en fuyant le pays, il avait enfreint les restrictions qui lui avaient été imposées.

3.3Pour le requérant, il va de soi que s’il était renvoyé en République arabe syrienne, les autorités syriennes enquêteraient sur ses activités à l’étranger, le soupçonneraient de comploter contre la République arabe syrienne et verraient en lui une source utile de renseignements au sujet des milieux politiques antisyriens à l’étranger. Il était par conséquent probable qu’il soit placé en détention, interrogé et soumis à la torture, laquelle faisait partie intégrante du processus d’enquête en République arabe syrienne. Les autorités syriennes avaient le plus grand intérêt à lui extorquer des informations et il y avait peu de chances qu’elles s’abstiennent d’utiliser la torture. Même en l’absence de restrictions, le risque serait grand que le service de sécurité syrien l’arrête à son arrivée à l’aéroport de Damas, l’interroge et le torture. Sa condamnation antérieure pour trahison et son expulsion d’un pays tiers après un long séjour à l’étranger pour des raisons «peu claires» faisaient de lui un suspect politique.

3.4Le requérant indique qu’il a épuisé tous les recours internes disponibles en Suède puisque la décision du Ministère de la justice rejetant sa demande de révocation des décisions judiciaires rendues contre lui et d’attribution d’un permis de séjour était définitive et n’était pas susceptible de recours. Il fait valoir aussi que la même question n’a pas été et n’est pas actuellement examinée par une autre instance internationale d’enquête ou de règlement.

Observations de l’État partie sur la recevabilité et le fond

4.1Le 10 octobre 2007, l’État partie a présenté des observations sur la recevabilité et sur le fond de la requête. Il fait valoir que les allégations du requérant quant au risque qu’il court actuellement et à celui qu’il courait en 1997 d’être soumis à la torture sont irrecevables en vertu du paragraphe 2 de l’article 22 de la Convention car elles sont manifestement infondées. Subsidiairement, il estime que la requête du requérant est dénuée de fondement.

4.2En ce qui concerne la recevabilité, l’État partie, après avoir évoqué la législation interne pertinente (Code pénal et lois sur les étrangers de 1989 et de 2005), indique qu’il ne conteste pas le fait que le requérant a épuisé tous les recours internes disponibles en Suède et que la même question n’a pas été et n’est pas actuellement examinée par une autre instance internationale d’enquête ou de règlement. Il considère toutefois que ses allégations quant à l’incompatibilité de son expulsion de 1997 et de cette éventuelle seconde expulsion avec l’article 3 de la Convention ne sont pas étayées par le minimum d’éléments de preuve requis aux fins de la recevabilité. L’État partie conclut que la requête est irrecevable car manifestement infondée en vertu du paragraphe 2 de l’article 22 de la Convention et de l’alinéa b de l’article 107 du Règlement intérieur du Comité (CAT/C/3/Rev.4).

4.3Sur le fond, l’État partie rappelle l’Observation générale no 1 (1996) du Comité sur l’application de l’article 3 de la Convention dans le contexte de l’article 22. Pour déterminer si le renvoi forcé d’une personne dans un autre pays constituerait une violation de l’article 3, le Comité doit certes tenir compte de tous les éléments pertinents, notamment, le cas échéant, l’existence d’un ensemble de violations systématiques des droits de l’homme graves, flagrantes ou massives, mais il s’agit toutefois d’apprécier si l’intéressé risque personnellement d’être soumis à la torture dans son pays d’origine. Se référant à plusieurs rapports relatifs aux droits de l’homme, l’État partie reconnaît que même si elle s’est quelque peu améliorée, la situation des droits de l’homme en République arabe syrienne reste préoccupante. Il rappelle parallèlement que cette situation n’est pas en soi un motif suffisant pour établir que le renvoi forcé du requérant a constitué ou constituerait une violation de l’article 3. Pour déterminer si le requérant a couru ou courrait personnellement un risque prévisible et réel d’être soumis à la torture à son retour en République arabe syrienne, il convient d’accorder le poids voulu à la crédibilité des déclarations faites par le requérant devant les autorités suédoises.

4.4L’État partie indique que le requérant a fait à plusieurs reprises des déclarations incorrectes, incomplètes et contradictoires concernant sa nationalité, son âge et sa famille:

a)Lorsqu’il a sollicité un permis de séjour et de travail en 1990, il a indiqué qu’il était né à Beyrouth (Liban) en 1964, que ses parents étaient de nationalité inconnue et vivaient à Beyrouth, et qu’il avait huit frères et sœurs, dont Gabi C., qui vivait en République arabe syrienne;

b)Dans le cadre d’un complément d’enquête mené par la police en mai 1991, il a nié que ses frères et sœurs et lui-même soient originaires de République arabe syrienne;

c)Dans le cadre de l’action pénale engagée contre lui en 1991 et des procédures concernant les demandes de révocation de la décision d’expulsion rendue à son encontre qu’il a présentées en 1993 et 1996, il a affirmé qu’il était un chrétien apatride d’origine syrienne né au Liban, qu’il avait été élevé chez une sœur aînée à Beyrouth, et qu’il ignorait ce qu’il était advenu de ses parents;

d)Au cours d’un entretien qui a eu lieu en 1996, il a nié être de nationalité syrienne et déclaré qu’il n’avait jamais vu ses parents ni mis les pieds en République arabe syrienne.

4.5Selon un rapport d’enquête en date du 17 juin 1992 établi par l’ambassade de Suède à Damas à la demande de la police suédoise, le requérant était né à Malkie, dans le nord de la République arabe syrienne, ses parents étaient Ibrahim C. et Myriam Y., il n’avait pas de frère prénommé Gabi et il avait quitté la République arabe syrienne à l’âge de 12 ans pour le Liban, où il avait vécu pendant huit ans, jusqu’à son départ en Suède. Un extrait du registre syrien des familles remis à l’ambassade de Suède en 1996 contient des informations au sujet d’une famille Chahin, enregistrée sous la référence 773/Malkie, qui se compose des deux parents et de 10 enfants, dont un Anton Chahin né en 1968. Toutefois, c’est seulement en 1997, au moment de l’exécution de la décision d’expulsion prononcée à son encontre, et à son retour en Suède en 2003 que le requérant a déclaré qu’il avait été titulaire d’un passeport syrien et qu’il était de nationalité syrienne et né en République arabe syrienne. La demande de révocation de la décision d’expulsion qu’il a introduite en novembre 2004 mentionnait que ses parents et ses frères et sœurs vivaient en République arabe syrienne.

4.6L’État partie affirme que le requérant a également fourni des renseignements contradictoires au sujet de son voyage vers la Suède:

a)Après avoir d’abord déclaré qu’il était arrivé en Suède en août ou en septembre 1990, le requérant a indiqué, dans la demande de révocation de la décision d’expulsion introduite en août 1993, qu’il était arrivé en octobre 1990;

b)Dans la demande de révocation de la décision d’expulsion qu’il a déposée en novembre 2004, il renvoyait aux dossiers établis lors de son examen au Centre de prise en charge des victimes de crises et de traumatismes, où il était indiqué qu’il avait fait des allers et retours entre le Liban et la Suède de 1984 à 1987 et qu’après avoir ensuite passé deux ans au Liban, il s’était installé en Suède en 1989;

c)Dans la requête qu’il a adressée au Comité, il a répété qu’il était arrivé en Suède en 1989;

d)Dans le cadre de l’action pénale intentée contre lui en 1991, il a indiqué qu’il avait fui le Liban pour se réfugier en Suède en 1990 avec sa famille.

4.7L’État partie conteste l’allégation du requérant selon laquelle il aurait quitté Beyrouth muni d’un «laissez-passer libanais tenant lieu de passeport», l’ambassade de Suède à Damas ayant fait savoir qu’il n’était pas enregistré auprès des autorités compétentes à Beyrouth.

4.8L’État partie observe que l’on ne peut exclure que les formations cicatricielles présentes sur le corps du requérant soient dues à d’autres causes que des tortures subies entre 1997 et 2000. À supposer que le requérant ait été torturé à son retour en République arabe syrienne en 1997, le Comité doit se prononcer sur la compatibilité de son expulsion avec l’article 3 de la Convention à la lumière des renseignements dont les autorités de l’État partie avaient, ou auraient dû, avoir connaissance au moment de l’expulsion, même si les événements ultérieurs sont utiles pour apprécier ce que savait l’État partie au moment de l’expulsion. L’État partie fait valoir qu’avant l’expulsion du requérant en 1997, il n’existait pas de motifs sérieux de croire que l’intéressé serait soumis à la torture en République arabe syrienne, et ce, pour les raisons suivantes:

a)Il n’avait jamais demandé l’asile en Suède. Dans le cadre d’une enquête complémentaire menée par la police en mai 1991, l’enquêteur avait expressément noté que, puisque le requérant avait présenté une demande de permis de séjour en Suède fondée uniquement sur ses liens avec la Suède, ses activités politiques n’avaient pas été examinées en détail;

b)C’est seulement en août 1993, dans le cadre de la demande de révocation de la décision d’expulsion dont il faisait l’objet, que le requérant a affirmé qu’il risquait d’être soumis à la torture, et uniquement s’il était renvoyé au Liban (non en République arabe syrienne);

c)Ce n’est qu’en avril 1996, lors d’un entretien avec des fonctionnaires du Conseil suédois des migrations, et dans la demande de révocation de la décision d’expulsion qu’il a déposée en novembre 1996, qu’il a fait valoir qu’il risquait d’être soumis à la torture s’il était renvoyé en République arabe syrienne. Cependant, il n’a pas évoqué d’éventuelles tortures qu’il aurait subies pendant la guerre civile au Liban ni apporté d’éléments dans ce sens;

d)À plusieurs reprises avant son expulsion, le requérant avait fourni aux autorités suédoises des renseignements contradictoires, incorrects et incomplets concernant son lieu de naissance, son âge et sa famille, la date de son arrivée en Suède et ses documents de voyage. De ce fait, il avait été extrêmement compliqué pour les autorités d’évaluer correctement le risque avant l’expulsion du requérant vers la République arabe syrienne;

e)Avant 1997, le requérant n’avait jamais indiqué que les autorités syriennes le recherchaient pour avoir combattu contre les forces syriennes pendant la guerre civile libanaise ou qu’il risquait d’être déclaré coupable de crime contre l’État s’il retournait en République arabe syrienne. Selon un rapport de mission de la police de Norrköping daté du 8 janvier 1997, au cours du vol vers Damas, en janvier 1997, il avait simplement exprimé la crainte d’être arrêté pour non-accomplissement de son service militaire en République arabe syrienne. Mais il a lui-même signalé à l’agent de sécurité syrien qu’il avait fait de la prison en Suède. À l’aéroport de Damas, il a été accueilli par son frère, qui lui a remis une carte d’identité et un extrait d’acte de naissance syriens. Il a alors été pris en charge par le service de sécurité syrien. Lorsqu’il a fait observer à la police de l’immigration qu’il avait été titulaire d’un passeport syrien, celle-ci a déclaré qu’un tel document ne lui avait pas été délivré et qu’il ne s’était pas présenté pour effectuer son service militaire. Le requérant a expliqué qu’il était parti pour la Suède au départ de Beyrouth muni d’un «laissez-passer libanais tenant lieu de passeport». La police de l’immigration a ensuite informé le service de sécurité que le requérant avait purgé une peine de prison en Suède pour avoir tué un Kurde de nationalité turque et que les autorités de sa ville natale avaient demandé son transfert dans celle-ci;

f)Les autorités suédoises ne pouvaient prévoir que le requérant serait arrêté par le service de sécurité syrien puis condamné par la Cour suprême de sûreté de l’État pour crime contre l’État. Elles ne pouvaient pas non plus imaginer qu’il s’accuserait lui-même en révélant à l’agent de sécurité syrien, pendant le vol vers Damas, qu’il avait fait de la prison en Suède et en indiquant à la police de l’immigration, à son arrivée à l’aéroport de Damas, qu’il avait tué quelqu’un en Suède.

4.9L’État partie fait valoir en outre que le requérant n’a jamais sollicité l’asile politique en Suède et que c’est seulement lorsqu’il a présenté des demandes de révocation de la décision d’expulsion le concernant en 1993 et 1996 qu’il a dit avoir des raisons de craindre d’être soumis à la torture à son retour en République arabe syrienne et/ou au Liban, sans fournir de certificat médical ou d’autres éléments à l’appui de ses dires.

4.10Pour ce qui est de la décision d’expulsion en attente d’exécution, l’État partie met en doute le fait que des restrictions aient été imposées au requérant après l’achèvement de son service militaire en République arabe syrienne. S’il ne s’était pas présenté au service de sécurité alors qu’on lui avait ordonné de le faire, il serait aujourd’hui recherché et son nom figurerait dans une base de données spéciale relative aux déplacements à destination et au départ du pays. Or rien n’indiquait qu’il était recherché, qu’il devait se présenter au service de sécurité ou solliciter une autorisation spéciale pour pouvoir quitter sa ville natale, ou qu’il était sous le coup d’une interdiction d’emploi dans la fonction publique. Les autorités syriennes auraient consigné des informations à ce sujet dans un registre. Selon des informations reçues le 16 mars 2005 de l’ambassade de Suède à Damas, aucun mandat d’arrêt n’avait été décerné contre le requérant en République arabe syrienne. S’il était probable que le service de sécurité le recherche depuis plusieurs années, l’ambassade ne pouvait confirmer qu’il était interdit au requérant de quitter la République arabe syrienne. En l’absence du moindre élément de preuve, le requérant n’a pas établi qu’il était recherché par le service de sécurité syrien ou qu’il présentait un intérêt pour ce dernier de toute autre manière.

4.11L’État partie ne conteste pas que le requérant a été torturé dans le passé, fait qui est d’ailleurs confirmé par les dossiers médicaux du Centre de prise en charge des victimes de crises et de traumatismes. Toutefois, il n’est pas possible d’établir à partir de ces dossiers quand et où le requérant a été torturé. L’État partie réitère que l’on ne peut exclure que les tortures soient antérieures à 1997, qu’elles remontent à l’époque où le requérant était tombé aux mains de forces ennemies au Liban, en 1989, et que certaines des formations cicatricielles proviennent de blessures de guerre. Par ailleurs, ce n’est qu’en août 2004, soit un an après son arrivée en Suède, que le requérant a consulté un médecin et ce n’est que lorsqu’il a déposé une demande de révocation de la décision d’expulsion le concernant en date du 23 novembre 2004 qu’il a affirmé avoir subi des tortures en République arabe syrienne en 1997.

4.12L’État partie fait valoir qu’après avoir purgé sa peine d’emprisonnement et effectué son service militaire, le requérant n’avait plus de dette envers l’État syrien. Il était improbable que les autorités syriennes le considèrent toujours comme un risque pour la sécurité sachant que l’arrêt de la Cour suprême de sûreté de l’État visait des actes remontant aux années 1980 et qu’il ne s’était apparemment pas livré à des activités antisyriennes dans un passé récent.

4.13L’État partie note en conclusion que l’exécution de la décision d’expulsion en 1997 ne constituait pas une violation de l’article 3 de la Convention et qu’il en irait de même de l’exécution de la décision d’expulsion en suspens.

Commentaires du requérant sur les observations de l’État partie

5.1Le 13 décembre 2007, le requérant a fait part de ses commentaires sur les observations de l’État partie. Pour ce qui est des faits, il indique qu’il a obtenu un permis de séjour en Suède en 1990 en raison de son mariage avec Fehima Melki. Dans les années 1980, il avait vécu au Liban, où il avait rejoint l’une des factions armées des Forces libanaises. Un supérieur militaire l’avait aidé à quitter le Liban pour Chypre, où il avait déposé une demande de permis de séjour auprès de la représentation diplomatique suédoise.

5.2Le requérant fait valoir que la raison pour laquelle il avait d’abord caché sa nationalité syrienne et indiqué aux autorités suédoises qu’il était né à Beyrouth, où il prétendait que ses parents et ses frères et sœurs vivaient, était qu’à l’époque il était plus aisé d’obtenir un permis de séjour si l’on était un ressortissant libanais ou un apatride venant du Liban. Ainsi, les demandeurs d’asile chrétiens de République arabe syrienne choisissaient souvent de se faire passer pour des Libanais. Par ailleurs, il s’auto-identifiait comme Libanais. Après sa condamnation pénale, en 1991, il craignait d’être renvoyé en République arabe syrienne, du fait de son engagement antérieur dans une faction des Forces libanaises hostile à ce pays.

5.3Le requérant indique qu’avant sa condamnation pénale, il avait pris contact avec la police suédoise en vue de demander le statut de réfugié en vertu de la Convention de Genève de 1951, mais qu’on lui avait fait remarquer qu’une telle démarche n’était pas nécessaire puisqu’il possédait déjà un permis de séjour.

5.4Le requérant explique qu’à son arrivée à l’aéroport de Damas en 1997, il avait été conduit dans une salle d’interrogatoire spéciale où il avait été contraint de révéler qu’il avait purgé une peine de prison en Suède.

5.5À ses dires, la raison pour laquelle il n’avait évoqué les tortures qu’il avait subies en République arabe syrienne en 1997 que dans sa demande de novembre 2004 était que la demande déposée par sa femme en son nom en mai 2003 avait été rédigée par un non-juriste. C’est seulement après avoir reçu une aide financière de la section suédoise d’Amnesty International qu’il a pu bénéficier d’un examen médical et psychiatrique au Centre de prise en charge des victimes de crises et de traumatismes, en août 2004, et faire traduire en suédois l’arrêt de la Cour suprême syrienne de sûreté de l’État pour étayer ses allégations de torture.

5.6Le requérant réaffirme que l’État partie n’a pas révélé par quels moyens et auprès de quelles sources il avait obtenu les renseignements indiquant qu’il n’était pas recherché en République arabe syrienne et que des restrictions ne lui avaient pas été imposées. Il doute que les autorités syriennes communiquent à un État étranger non allié des données ayant trait à la sécurité qui présentent un tel degré de confidentialité, et prétend que l’État partie a reçu des informations inexactes à partir desquelles il a tiré ses propres conclusions.

5.7En ce qui concerne la recevabilité, le requérant fait valoir qu’il a étayé son affirmation selon laquelle il risque d’être soumis à la torture à son retour en République arabe syrienne en présentant une copie de l’arrêt de la Cour suprême de sûreté de la République arabe syrienne ainsi que des éléments de preuve de nature médicale. Avant son expulsion en 1997, il avait justifié sa crainte d’être torturé en République arabe syrienne en invoquant les activités auxquelles il s’était livré pendant la guerre civile libanaise, même s’il n’avait pas été en mesure de fournir des éléments de preuve médicaux. L’administration pénitentiaire suédoise ne prévoyait pas des examens médicaux gratuits pour les victimes de torture, et les moyens financiers dont il disposait en tant que détenu étaient trop modestes pour qu’il puisse s’offrir une consultation privée. Il conclut que sa requête doit être déclarée recevable en vertu du paragraphe 2 de l’article 22 de la Convention car elle est suffisamment étayée.

5.8Sur le fond, le requérant note que l’État partie a reconnu que la situation des droits de l’homme en République arabe syrienne restait préoccupante. Il évoque plusieurs rapports relatifs aux droits de l’homme dont il ressort que les services de sécurité ont fréquemment recours à la torture, en particulier lorsqu’il est question de crimes liés à la sécurité, lorsqu’ils ont affaire à des opposants au régime baasiste et lorsque les intérêts syriens à l’étranger sont en jeu. L’État partie savait qu’il avait participé à la guerre civile libanaise; il était dès lors prévisible, en 1997, qu’il serait arrêté, placé en détention, interrogé et torturé par le service de sécurité syrien.

5.9Le requérant affirme qu’il court encore personnellement le risque d’être soumis à la torture en République arabe syrienne. À supposer qu’il n’ait pas enfreint des restrictions et qu’il soit simplement placé en détention provisoire et remis à un service d’enquête pour une durée de dix à quatorze jours, comme le prétend l’État partie, il serait presque inévitablement torturé à nouveau. Le service de sécurité s’intéresserait particulièrement à lui après sa longue absence de République arabe syrienne et continuerait de le considérer comme un risque pour la sécurité et comme un ennemi de l’État, indépendamment du fait qu’il avait exécuté sa peine de prison en République arabe syrienne.

5.10Le requérant souligne que l’État partie n’a pas réfuté son affirmation selon laquelle il avait enfreint les restrictions que les autorités syriennes lui avaient imposées. Cette affirmation était également corroborée par le fait que son père avait été interrogé par le service de sécurité, lequel avait aussi interrogé à son sujet sa sœur Georgette Chahin, sa nièce Carolin Chamoun, son neveu Josef Chamoun et son oncle Walid Chahin, tous de nationalité suédoise et/ou résidant en Suède, lors de visites qu’ils avaient effectuées en République arabe syrienne entre 2003 et 2007. Son neveu avait même été brutalisé au cours de son interrogatoire.

5.11Pour le conseil, le fait que le requérant avait dissimulé sa nationalité syrienne et tenu des propos contradictoires au sujet de son arrivée en Suède n’entamait pas sa crédibilité. Il est fréquent que des demandeurs d’asile et des migrants fournissent aux autorités des renseignements incorrects, pour des motifs rationnels ou irrationnels. Ce qui importe, c’est que le requérant est de nationalité syrienne et qu’il a été expulsé en 1997 vers la République arabe syrienne, où il a été interrogé, torturé et condamné pour atteinte aux intérêts nationaux syriens.

5.12Le requérant rejette l’argument de l’État partie selon lequel ses cicatrices pourraient fort bien provenir de blessures de guerre. Seize constatations médicales ont été faites et six symptômes de torture relevés. Il est plus vraisemblable que ces marques soient les séquelles d’un passage entre les mains d’un service de sécurité de l’État ayant la connaissance et l’expérience de l’utilisation de la torture comme méthode d’interrogatoire plutôt que d’un traitement infligé par l’une des factions ayant participé à la guerre civile libanaise. Pendant cette guerre, il avait été touché par une balle qui avait provoqué une blessure mineure des parties molles.

5.13Le requérant affirme que son expulsion vers la République arabe syrienne en 1997 constituait une violation de l’article 3 de la Convention et qu’il en irait de même d’une nouvelle expulsion.

5.14Le 21 décembre 2007, le requérant a soumis des copies des passeports suédois de sa sœur et de son neveu montrant qu’ils s’étaient rendus en République arabe syrienne en 2005 et 2006, respectivement.

Réponse de l’État partie aux commentaires du requérant

6.1Le 11 mars 2008, l’État partie a répondu aux commentaires du requérant, répétant que l’expulsion à laquelle il avait été procédé en 1997 n’était pas contraire à l’article 3 de la Convention et que l’exécution de la décision d’expulsion en suspens ne constituerait pas non plus une violation de cet article. Il y avait de très grandes différences entre l’expulsion du requérant en 1997 et l’affaire Agiza, dans laquelle le Comité avait considéré que l’État partie savait ou aurait dû savoir que M. Agiza, qui avait été condamné par contumace et qui était recherché pour participation présumée à des activités terroristes dans son pays d’origine, courait personnellement un risque réel d’être soumis à la torture en cas de renvoi dans ce pays. À la différence de M. Agiza, le requérant n’avait jamais demandé l’asile en Suède mais avait obtenu un permis de séjour en raison de ses liens avec la Suède. S’il avait eu besoin d’une protection, il aurait demandé l’asile directement à son arrivée en Suède, sans tenir compte de ce que la police lui avait dit. De l’avis de l’État partie, il est douteux que la police lui ait conseillé de ne pas demander l’asile, sachant qu’il ne s’était vu accorder qu’un permis de séjour temporaire. Par ailleurs, le requérant était représenté par un avocat lorsqu’il avait soumis des demandes de révocation de la décision d’expulsion le concernant en 1993 et en 1996.

6.2L’État partie souligne qu’avant son expulsion, le requérant n’avait pas fourni un avis de recherche ou un autre élément de preuve qui aurait étayé son affirmation selon laquelle il serait arrêté et torturé en République arabe syrienne pour avoir participé à la guerre civile libanaise. Non seulement il avait donné aux autorités suédoises des renseignements contradictoires, incorrects et incomplets sur son identité, mais il avait aussi présenté au Comité différentes explications non convaincantes pour justifier ces contradictions.

6.3Au sujet de la décision d’expulsion en attente d’exécution, l’État partie rappelle que le requérant n’a pas fourni de pièces documentaires tendant à prouver que les autorités syriennes le considéreraient encore comme constituant un risque pour la sécurité et qu’il présenterait dès lors un intérêt particulier pour elles. Il répète que le requérant a exécuté sa peine d’emprisonnement et effectué son service militaire, conformément à l’arrêt de la Cour suprême de sûreté de l’État, et qu’il n’a pas dit s’être livré, après 2003, à des activités politiques ou autres susceptibles d’être considérées comme hostiles au régime syrien. Le rapport de l’ambassade daté du 7 août 2007, où il est indiqué que même s’il avait quitté la République arabe syrienne illégalement, il ne serait probablement condamné qu’à une peine d’amende, réfute l’argument du requérant quant aux restrictions qui lui auraient été imposées. Ce rapport a été établi «par un avocat local qui connaît très bien le régime syrien et qui effectue des recherches pour le compte de plusieurs ambassades européennes et d’organismes des Nations Unies en Syrie». Le requérant n’a pas apporté de preuve contraire tendant à réfuter ce document ou même à expliquer pourquoi il considère que les informations qui y figurent sont incorrectes.

6.4L’État partie rappelle que, selon le certificat médical daté du 6 septembre 1991, le requérant a été hospitalisé à deux reprises pendant la guerre civile libanaise après avoir reçu des éclats de projectile dans les jambes. Ce qu’il disait dans sa dernière lettre au Comité, à savoir qu’il n’avait été blessé qu’une seule fois par une balle qui avait provoqué une blessure mineure des parties molles, était également incompatible avec l’indication qu’il donnait dans sa demande de révocation de la décision d’expulsion de 1993, selon laquelle il avait été blessé à plusieurs reprises par des éclats d’obus et des balles. Par ailleurs, dans le cadre de la procédure interne, le requérant avait aussi affirmé qu’il avait été torturé au Liban en 1989. Le rapport d’expertise médico-légale qu’il a soumis conclut uniquement que les formations cicatricielles présentes sur son corps pourraient résulter de lésions subies entre 1997 et 2000. Pour l’État partie, il n’est pas possible de tirer à partir de là des conclusions positives quant à la période et au lieu où le requérant a été torturé.

6.5L’État partie conteste aussi l’affirmation du requérant qui prétend que les autorités syriennes l’ont contraint, à son arrivée à l’aéroport de Damas, de révéler qu’il avait fait de la prison en Suède, rappelant que, selon le rapport de mission de la police de Norrköping, il avait mentionné son séjour en prison à l’agent syrien qui l’escortait pendant le vol vers Damas.

6.6L’État partie rejette, pour communication trop tardive, les informations fournies par le requérant au sujet des interrogatoires auxquels le service de sécurité syrien a soumis sa sœur, sa nièce, son neveu et son oncle lors de leurs visites en République arabe syrienne. Aucun élément n’avait été apporté pour corroborer ces renseignements qui, par ailleurs, auraient déjà été disponibles au moment de l’envoi de la lettre initiale au Comité.

6.7Enfin, l’État partie indique qu’il ne précise généralement aucune raison dans ses décisions de rejet de demande de révocation d’ordonnances d’expulsion.

Commentaires supplémentaires du requérant

7.1Le 21 avril 2008, le requérant a fait parvenir des commentaires supplémentaires. Il réitère en particulier qu’avant son expulsion en 1997, il existait des éléments suffisamment solides permettant de penser qu’il pouvait être arrêté et soumis à la torture en République arabe syrienne, même si ces éléments n’avaient pas la même force probante que ceux qui existaient dans l’affaire Agiza.

7.2Le requérant fait valoir que, même s’il ne peut pas prouver que des restrictions lui avaient été imposées, la probabilité était grande que cela ait été le cas étant donné son statut d’ancien condamné. L’État partie n’avait pas indiqué comment son avocat avait obtenu des informations établissant le contraire. En tout état de cause, il conviendrait de lui accorder le bénéfice du doute, conformément aux principes internationalement reconnus.

7.3Le requérant justifie les contradictions de ses déclarations devant les autorités suédoises par son état mental. Le psychiatre du Centre de prise en charge des victimes des crises et de traumatismes avait confirmé qu’il était peut-être atteint de troubles de la personnalité et qu’il souffrait vraisemblablement d’un choc post-traumatique. Ces contradictions ne changeaient rien au fait qu’il avait été torturé en 1997 en République arabe syrienne et qu’il courrait un risque élevé d’être soumis à la torture s’il était à nouveau renvoyé dans ce pays.

7.4Les renseignements concernant les interrogatoires auxquels avaient été soumis des proches du requérant lors de visites en République arabe syrienne avaient été portés à la connaissance du conseil par les membres de la famille. Selon le conseil, le requérant lui-même reste extrêmement passif lorsqu’on lui demande de fournir des renseignements, attitude courante chez les personnes en état de choc post-traumatique. Il n’était pas possible d’obtenir des éléments de preuve autres que les copies des passeports soumises par le requérant.

Délibérations du Comité

Examen de la recevabilité

8.1Avant d’examiner une plainte soumise dans une requête, le Comité contre la torture doit déterminer si la requête est recevable en vertu de l’article 22 de la Convention. Le Comité note que l’État partie a reconnu que le requérant avait épuisé tous les recours internes disponibles. Le Comité s’est également assuré, comme il est tenu de le faire conformément au paragraphe 5 a) de l’article 22 de la Convention, que la même question n’a pas été et n’est pas actuellement examinée par une autre instance internationale d’enquête ou de règlement.

8.2Le Comité note que l’État partie a soulevé une objection concernant la recevabilité de la requête, estimant que celle-ci était manifestement dénuée de fondement, conformément au paragraphe 2 de l’article 22 de la Convention. À ce sujet, le Comité considère qu’il faut établir une distinction entre a) l’expulsion du requérant vers la République arabe syrienne en janvier 1997 et b) la décision d’expulsion en attente d’exécution dont il fait actuellement l’objet.

8.3En ce qui concerne l’expulsion en 1997, le Comité prend acte de l’argument de l’État partie pour qui, même en admettant que le requérant ait été soumis à la torture à son retour en République arabe syrienne, il fallait que le risque de torture soit prévisible au moment de l’exécution de la décision d’expulsion à l’encontre du requérant, le 5 janvier 1997, pour que l’on puisse conclure à une violation de l’article 3 de la Convention. Le Comité rappelle que le requérant n’a pas demandé l’asile en Suède. Il note aussi qu’il a fait des déclarations contradictoires devant les autorités de l’État partie au sujet de sa nationalité, de sa situation personnelle et de son voyage vers la Suède qui suscitaient des doutes quant à sa crédibilité et ont compliqué la tâche des autorités suédoises s’agissant d’évaluer le risque auquel il serait exposé à son retour en République arabe syrienne. Le Comité estime par conséquent que le requérant n’a pas étayé, aux fins de la recevabilité, le fait que l’État partie pouvait prévoir le risque que le requérant courait d’être soumis à la torture à son retour en République arabe syrienne. Il conclut que cette partie de la communication est par conséquent irrecevable car manifestement non fondée en vertu de l’article 22 de la Convention et de l’article 113 b) du Règlement intérieur du Comité (CAT/C/3/Rev.5).

8.4En ce qui concerne l’ordonnance d’expulsion dont le requérant fait actuellement l’objet, le Comité considère que le requérant a fourni suffisamment d’éléments à l’appui de ses dires, à savoir le texte de l’arrêt de la Cour suprême syrienne de sûreté de l’État et deux rapports médicaux, pour étayer ses griefs aux fins de la recevabilité. Considérant qu’il n’existe aucun autre obstacle à la recevabilité, le Comité déclare cette partie de la requête recevable et procède à son examen quant au fond.

Examen au fond

9.1Conformément au paragraphe 4 de l’article 22 de la Convention, le Comité a examiné la présente requête en tenant compte de toutes les informations qui lui avaient été communiquées par les parties.

9.2Le Comité doit déterminer si, en exécutant l’ordonnance d’expulsion dont fait l’objet le requérant, l’État partie manquerait à l’obligation qui lui est faite en vertu de l’article 3 de la Convention de ne pas expulser ou refouler une personne vers un État où il y a des motifs sérieux de croire qu’elle risque d’être soumise à la torture.

9.3Pour déterminer s’il y a de sérieux motifs de penser que le requérant risque d’être soumis à la torture à son retour en République arabe syrienne, le Comité doit tenir compte de tous les éléments pertinents, y compris l’existence dans ce pays d’un ensemble systématique de violations graves, flagrantes ou massives des droits de l’homme. Il s’agit cependant de déterminer si l’intéressé risque personnellement d’être soumis à la torture dans le pays vers lequel il serait renvoyé. Dès lors, l’existence d’un ensemble systématique de violations graves, flagrantes ou massives des droits de l’homme dans un pays ne constitue pas en soi un motif suffisant pour conclure qu’un individu risque d’être soumis à la torture à son retour dans ce pays; il doit exister des motifs supplémentaires donnant à penser que l’intéressé court personnellement un risque. À l’inverse, l’absence d’un ensemble systématique de violations flagrantes des droits de l’homme ne signifie pas qu’une personne ne peut pas être considérée comme risquant d’être soumise à la torture dans les circonstances qui sont les siennes.

9.4Le Comité note que l’État partie lui-même reconnaît que la situation des droits de l’homme en République arabe syrienne demeure préoccupante et rappelle ses observations finales sur la République arabe syrienne, adoptées en 2010, dans lesquelles il s’est dit préoccupé «par les allégations nombreuses, persistantes et cohérentes concernant le recours routinier à la torture par les fonctionnaires chargés de l’application de la loi et des enquêtes, à leur instigation ou avec leur consentement, en particulier dans les lieux de détention». Il a également relevé que «de tels actes sont courants avant même que des accusations soient portées, ainsi que pendant la détention avant jugement, lorsque le détenu est privé des garanties juridiques fondamentales, en particulier du droit d’accéder à un avocat». Le Comité note que, depuis lors, la situation des droits de l’homme s’est beaucoup aggravée en République arabe syrienne avec la répression par le Gouvernement des manifestations en faveur de réformes politiques. En avril 2011, au cours d’une session extraordinaire du Conseil des droits de l’homme consacrée à la situation des droits de l’homme en République arabe syrienne, tous les titulaires de mandat au titre des procédures spéciales du Conseil des droits de l’homme ont appelé le Gouvernement syrien à mettre fin à l’usage de la violence et à «respecter ses obligations en matière de droits de l’homme, en particulier les droits intangibles à la vie et à ne pas être victime de torture et de mauvais traitements».

9.5En ce qui concerne le risque que le requérant court personnellement d’être torturé s’il est renvoyé en République arabe syrienne, le Comité note que celui-ci a fourni des pièces documentaires à l’appui de ses dires, dont une traduction en suédois de l’arrêt de la Cour suprême syrienne de sûreté de l’État en date du 7 octobre 1997 le condamnant à une peine de trois ans d’emprisonnement assortie de travaux forcés pour participation à une organisation terroriste. Il prend aussi note du rapport d’expertise médico-légale daté du 7 septembre 2004 et du rapport psychiatrique daté du 15 septembre 2004 émanant du Centre de prise en charge des victimes de crises et de traumatismes à Stockholm, qui confirment l’un et l’autre qu’il est probable que le requérant a été soumis à la torture dans le passé, sans indiquer quand les faits ont eu lieu. Il prend acte également des arguments de l’État partie concernant le retard mis par le requérant à soumettre ces documents et à exposer ses griefs. Le Comité considère toutefois que le requérant a fourni des explications satisfaisantes pour justifier ce retard, à savoir que la demande déposée en mai 2003 avait été établie par un non-juriste et que c’est seulement après avoir reçu des fonds d’Amnesty International qu’il a pu obtenir les pièces requises. Il observe que, même si les rapports médicaux ne précisent pas quand et où le requérant a été soumis à la torture, ils apportent des éléments qui ne se limitent pas à de simples supputations ou soupçons donnant à penser qu’il a été torturé dans un passé récent.

9.6Vu la situation des droits de l’homme en République arabe syrienne actuellement, la question de savoir si des restrictions ont été imposées ou non au requérant après l’accomplissement de son service militaire, au début de 2003, n’a pas une importance déterminante pour le Comité. Il rappelle que l’État partie lui-même a admis que le requérant serait placé en détention provisoire à son arrivée en République arabe syrienne pour avoir quitté le pays illégalement, puis remis à un service qui effectuerait un complément d’enquête d’une durée de dix à quatorze jours. Cet élément, ajouté au fait qu’en 1997 la Cour suprême de sûreté de l’État a déclaré le requérant coupable de crimes contre l’État, suffit en l’espèce pour considérer qu’il y a des motifs sérieux de croire que le requérant serait placé en détention et interrogé sur les raisons de son départ de République arabe syrienne et sur ses activités à l’étranger et que, dans ces circonstances, il courrait le risque d’être soumis à la torture. Le Comité observe que ce risque est encouru personnellement et actuellement.

9.7Le Comité contre la torture, agissant en vertu du paragraphe 7 de l’article 22 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, conclut que l’expulsion du requérant vers la République arabe syrienne constituerait une violation de l’article 3 de la Convention.

10.Le Comité invite l’État partie, conformément au paragraphe 5 de l’article 118 de son règlement intérieur (CAT/C/3/Rev.5), à l’informer, dans un délai de quatre-vingt-dix jours à compter de la date de la transmission de la présente décision, des mesures qu’il aura prises en réponse à cette décision.

Communication no 319/2007: Singh c. Canada

Présentée par:

Nirmal Singh (représenté par un conseil, Stewart Istvanffy)

Au nom de:

Nirmal Singh

État partie:

Canada

Date de la requête:

20 juin 2007 (lettre initiale)

Le Comité contre la torture, institué en vertu de l’article 17 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,

Réuni le 30 mai 2011,

Ayant achevé l’examen de la requête no 319/2007 présentée par Stewart Istvanffy au nom de Nirmal Singh en vertu de l’article 22 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,

Ayant tenu compte de toutes les informations qui lui ont été communiquées par le requérant, son conseil et l’État partie,

Adopte ce qui suit:

Décision au titre du paragraphe 7 de l’article 22 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumainsou dégradants

1.1L’auteur, Nirmal Singh, de nationalité indienne, né en 1963, résidait au Canada au moment de l’introduction de la présente requête et faisait l’objet d’un arrêté d’expulsion vers l’Inde. Il affirme que son renvoi en Inde constituerait une violation par le Canada de l’article 3 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Le requérant fait état de l’absence du contrôle juridictionnel requis par le droit international des droits de l’homme sur la décision administrative d’expulsion et de l’absence de recours utile lui permettant de contester la décision d’expulsion. Le requérant est représenté par un conseil, Stewart Istvanffy.

1.2Conformément au paragraphe 3 de l’article 22 de la Convention, le Comité a porté la requête à l’attention de l’État partie par une note verbale en date du 21 juin 2007. Dans le même temps, le Rapporteur chargé des nouvelles requêtes et des mesures provisoires a demandé à l’État partie de ne pas expulser le requérant vers l’Inde tant que sa requête était en cours d’examen, conformément au paragraphe 1 de l’article 108 du Règlement intérieur du Comité (CAT/C/3/Rev.4). L’État partie a par la suite informé le Comité que le requérant n’avait pas été expulsé.

Rappel des faits exposés par le requérant

2.1Le requérant est un sikh baptisé, qui était prêtre à temps partiel dans les provinces indiennes du Penjab et du Haryana. En raison de ses activités de prédication et de ses déplacements fréquents dans la région, il a été interrogé et harcelé par la police indienne à plusieurs reprises. La police le soupçonnait d’être un terroriste ou un sympathisant de la Force de libération du Khalistan (KLF), une organisation qui milite en Inde, et d’avoir aidé des militants en les hébergeant. Il a été placé deux fois en détention sur de fausses accusations, la première fois pour plus de trois ans, de 1988 à 1991, et la deuxième fois en 1995.

2.2Le 10 avril 1988, des agents du poste de police de Shahbad (province du Haryana) ont arrêté le requérant, son frère et trois autres personnes sans motiver cette arrestation. Au poste de police, les frères ont été séparés. Le requérant a été accusé d’avoir participé à un homicide dans la ville de Shahbad et d’être en relation avec un certain Daya Singh. Le requérant a démenti les allégations. Alors qu’il était en détention, il a été roué de coups, humilié par les agents chargés de l’enquête et contraint de s’avouer coupable. Après trois années de détention, le requérant et son frère ont été libérés sous caution le 14 mars 1991 avec l’aide d’un avocat. Le 19 février 1998, le requérant a été déclaré non coupable des faits sur lesquels portait la première accusation, mais les policiers ont continué à le harceler sous prétexte d’inspecter son domicile et son lieu de culte.

2.3Le 14 septembre 1995, un inspecteur du poste de police de Kotwali (province du Penjab), accompagné de policiers, a fait une descente au domicile du requérant et a arrêté ce dernier. Le requérant a été menotté et sa maison fouillée, mais rien d’illégal n’a été découvert. Il a été conduit dans une salle d’interrogatoire du poste de police et interrogé par l’inspecteur au sujet d’un certain Paramjit Singh, qui aurait participé à l’assassinat du Ministre en chef du Penjab. Selon l’inspecteur, le requérant avait hébergé Paramjit Singh chez lui avant l’assassinat du Ministre en chef. L’inspecteur a aussi affirmé qu’il avait reçu des renseignements secrets de la police du Haryana, selon lesquels le requérant était lié au KLF, et qu’un autre militant avait indiqué à la police avoir adressé Paramjit Singh au requérant pour qu’il séjourne chez lui. Pour qu’il avoue ses liens avec Paramjit Singh, la police a fait subir au requérant les formes de torture suivantes: un lourd rouleau de bois a été roulé sur ses cuisses, alors qu’il avait les jambes écartées; il a été pendu la tête en bas et on lui a envoyé des décharges électriques; on lui a battu la plante des pieds avec des baguettes de bois et on l’a empêché de dormir. Il a été accusé d’héberger un dangereux criminel, mais il a été libéré sous caution le 30 septembre 1995, avec l’aide d’un avocat. Le tribunal de Patiala l’a reconnu innocent des accusations susmentionnées le 19 mars 1997.

2.4Après avoir été acquitté dans les deux affaires, le requérant est devenu membre du Sarab Hind Shiromani Akali Dal (Akali Dal), le principal parti nationaliste du Penjab et, le 4 juillet 1999, il a été nommé Secrétaire général de l’Akali Dal pour la province du Haryana.

2.5Bien qu’il ait été acquitté, la police voulait encore que le requérant identifie Paramjit Singh et deux autres personnes, qui étaient alors en détention avant jugement à la prison de Burali. En 2000, il a reçu trois citations à comparaître, mais les audiences ont été à chaque fois reportées. Pendant tout ce temps, le requérant a été sous surveillance policière; il a soudoyé l’inspecteur pour échapper à cette surveillance et a déménagé à Muzaffarnagar dans la province de l’Uttar Pradesh. Là, il a demandé un passeport, qui lui a été délivré par le bureau des passeports de Ghaziabad en septembre 2002.

2.6Le 13 janvier 2003, le requérant a été arrêté dans la province de l’Uttar Pradesh et interrogé au sujet de son domicile et de ses activités. Il a admis avoir une résidence dans deux endroits. À la demande de la police du Haryana, il a été transféré le 15 janvier 2003, à Karnal où il a encore subi des actes de torture avant d’être libéré le 20 janvier 2003, avec l’aide de ses parents et d’un membre important de l’Akali Dal.

2.7À une date non précisée, après une cérémonie sikhe, le requérant a été abordé par une personne qui avait été impressionnée par le service célébré au temple dans lequel le requérant prêchait alors, et qui l’a invité à venir au Canada. Sur la base de l’invitation d’un temple sikh de Colombie‑Britannique, le requérant a reçu un visa canadien le 16 septembre 2003 et il est arrivé à Vancouver (Canada) le 24 septembre 2003. Alors qu’il était déjà au Canada, son père a été placé en détention pendant trois jours à la suite de l’évasion des assassins du Ministre en chef du Penjab. La famille du requérant a ensuite été constamment harcelée par la police, qui essayait de savoir où il se trouvait.

2.8Après son arrivée au Canada, le requérant a prêché dans deux temples sikhs pendant un an et demi à titre bénévole. La direction de la société Gurudwara basée au Canada lui avait promis de faire régulariser sa situation au regard de l’immigration, mais ne l’a pas fait.

2.9Le requérant s’est rendu à Montréal où, le 28 mars 2005, il a déposé une demande de statut de réfugié et d’asile. Le 3 octobre 2005, la Commission de l’immigration et du statut de réfugié («la Commission») a entendu le requérant afin de déterminer s’il pouvait prétendre au statut de réfugié. Le 16 novembre 2005, la Commission a établi qu’il n’était pas un réfugié au sens de la Convention. Elle a conclu que le requérant n’était pas crédible, que son comportement n’était pas celui d’une personne qui craignait pour sa vie et que son départ était lié à l’invitation qui lui avait été faite par une communauté religieuse sikhe de venir travailler au Canada.

2.10Le requérant a sollicité auprès de la Cour fédérale l’autorisation de demander un contrôle juridictionnel de la décision de la Commission, qui lui a été accordée le 16 mars 2006. La demande de contrôle juridictionnel de la décision a été examinée le 7 juin 2006 et rejetée par la Cour fédérale le 13 juin 2006. Pour déterminer la crédibilité des conclusions de la Commission, la Cour fédérale a appliqué le critère de la décision «manifestement raisonnable». Elle a conclu que la décision n’était pas manifestement déraisonnable, en grande partie en raison du temps écoulé entre l’arrivée du requérant dans le pays et le moment où il avait demandé le statut de réfugié et du fait que le requérant n’avait pas fourni de preuve crédible ou digne de foi concernant l’historique de sa situation en Inde.

2.11Après le refus du statut de réfugié et la décision de la Cour fédérale, le requérant a déposé, le 27 décembre 2006, une demande de séjour pour raisons humanitaires (appelée demande CH (pour considérations humanitaires)), en soumettant des preuves supplémentaires en vertu de l’article 25 2) de la loi sur l’immigration et la protection des réfugiés. La demande a été rejetée le 27 mars 2007 par un agent d’Examen des risques avant renvoi (ERAR), qui a conclu que le demandeur n’avait pas prouvé qu’il serait en danger s’il retournait en Inde. Le requérant a sollicité auprès de la Cour fédérale l’autorisation de demander un contrôle juridictionnel de la décision concernant la demande CH et a été débouté sans motif le 6 septembre 2007.

2.12Le 12 décembre 2006, le requérant a déposé une demande de protection par le Canada en vertu du programme ERAR. Le 27 mars 2007, cette demande a été rejetée par le même agent d’ERAR qui avait refusé la demande CH. Le motif du rejet était que les pièces justificatives soumises par le requérant ne prouvaient pas qu’il était susceptible de figurer sur une liste ou d’être recherché par les autorités indiennes; que le requérant n’avait jamais déclaré être un militant sikh ou un sympathisant des militants; qu’il n’avait pas prouvé qu’il occupait un poste important ni qu’il était une personne présentant un intérêt pour les autorités indiennes. Par conséquent, les éléments d’information présentés par le requérant ne corroboraient pas le fait qu’il pourrait courir personnellement un risque objectivement identifiable s’il retournait en Inde.

2.13Après le rejet de sa demande d’ERAR, le requérant a sollicité auprès de la Cour fédérale l’autorisation de demander un contrôle juridictionnel de cette décision. La Cour fédérale a rejeté sa demande sans motif le 14 août 2007.

2.14À une date non précisée, le requérant a demandé à la Cour fédérale un sursis à exécution de son arrêté d’expulsion. Une déclaration sous serment détaillée concernant le degré du risque alors encouru a été soumise avec une requête de sursis à l’expulsion, qui a été examinée le 18 juin 2007 et rejetée le 20 juin 2007. L’expulsion du requérant avait été fixée au 21 juin 2007.

Teneur de la plainte

3.1Le requérant affirme qu’il a épuisé tous les recours internes disponibles et utiles.

3.2Le requérant estime qu’il serait victime d’une violation par le Canada de l’article 3 de la Convention contre la torture s’il devait être renvoyé en Inde compte tenu du traitement qu’il a subi en garde à vue et de l’intérêt que lui portait et que continue de lui porter la police indienne.

3.3Le requérant fait valoir que, en Inde, les sikhs soupçonnés d’activité militante sont régulièrement arrêtés, torturés et tués par la police en toute impunité. Il renvoie au rapport relatif à la situation d’impunité publié dans le Harvard Human Rights Journal en 2002, intitulé «A Judicial Blackout: Judicial Impunity for Disappearances in Punjab» (Justice en panne: L’impunité pour les disparitions au Penjab), considéré comme faisant autorité sur la situation actuelle au Penjab. Il fait ensuite observer que, à la suite des tortures qu’il a subies dans le passé, il souffre de troubles post-traumatiques, dont le diagnostic est corroboré par des rapports médicaux établis en Inde et à Montréal. Au moment où l’expulsion était prévue, les provinces du Penjab et du Haryana traversaient une crise. La crise aurait poussé le Gouvernement central à envoyer un grand nombre de paramilitaires dans ces deux provinces. Une grève générale et des violences généralisées ont eu lieu en mai et juin 2007 parmi les sikhs et les membres d’une autre secte religieuse. Le requérant affirme que des personnes telles que lui sont régulièrement prises pour cible par la police au moindre signe de crise ou de trouble politique.

3.4Le requérant indique aussi qu’il n’a pu bénéficier d’aucun recours utile pour contester la décision d’expulsion, contrairement aux dispositions de l’article 2 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Il explique que le contrôle juridictionnel de la décision de la Commission, qui lui a refusé le statut de réfugié au sens de la Convention, ne correspond pas à un appel sur le fond mais plutôt un examen très limité qui vise à rechercher des erreurs de droit grossières. Concernant une mesure d’expulsion, cette procédure n’a aucun effet suspensif. Le requérant fait aussi observer que la procédure d’Examen des risques avant renvoi (ERAR) est conduite par des agents des services d’immigration qui n’ont pas compétence pour les questions qui touchent aux droits de l’homme consacrés par les instruments internationaux et qui ne sont ni indépendants ni impartiaux et ne possèdent pas de compétence reconnue dans ce domaine. Il affirme qu’il existe, dans les services d’immigration, une attitude extrêmement négative à l’égard des personnes qui demandent le statut de réfugié et que les décisions prises ne font pas l’objet d’un contrôle indépendant comme le requiert le droit international des droits de l’homme.

Observations de l’État partie sur la recevabilité et sur le fond

4.1Le 18 janvier 2008, l’État partie a présenté ses observations sur la recevabilité et sur le fond de la communication.

4.2Concernant le grief de violation de l’article 3 de la Convention, l’État partie maintient que la plainte du requérant est irrecevable en vertu du paragraphe 2 de l’article 22 de la Convention et des paragraphes 1 b) et c) de l’article 107 du Règlement intérieur du Comité, puisqu’elle est manifestement non fondée et incompatible avec la Convention. L’État partie fait observer que le requérant n’a pas fourni d’éléments permettant d’établir qu’il y avait à première vue des motifs sérieux de croire qu’il courrait personnellement le risque d’être soumis à la torture s’il retournait en Inde. L’État partie renvoie à l’Observation générale no 1 (1997) du Comité, où il est dit que c’est à l’auteur qu’il incombe d’établir qu’à première vue sa communication est recevable.

4.3L’État partie soutient que la communication est fondée sur les mêmes faits et les mêmes preuves que ceux présentés à des tribunaux et organes de décision nationaux compétents et impartiaux et souligne que le Comité n’a pas pour rôle d’apprécier les éléments de preuve ni de réévaluer les conclusions concernant les faits et la crédibilité auxquelles sont parvenues les autorités nationales compétentes. L’État partie affirme que la demande du statut de réfugié présentée par le requérant a été examinée par la Commission de l’immigration et du statut de réfugié, qui est un tribunal spécialisé, indépendant et quasi judiciaire chargé de statuer sur les demandes du statut de réfugié. La Commission établit si une personne est un réfugié sur la base d’un entretien et de l’examen des pièces justificatives. Les membres de la Commission sont des spécialistes en droit des réfugiés, qui reçoivent une formation complète et continue et développent leur connaissance de la situation des droits de l’homme dans les pays où ont lieu les persécutions présumées. L’État partie affirme que la décision de la Commission a été soumise au contrôle juridictionnel de la Cour fédérale.

4.4L’État partie fait aussi valoir que l’affaire du requérant a été réexaminée dans le cadre du programme d’ERAR, qui est fondé sur l’engagement pris par le Canada aux niveaux national et international de respecter le principe de non-refoulement. Dans le cadre de cette procédure, le demandeur d’asile débouté par la Commission ne peut présenter que des éléments de preuve survenus depuis le rejet ou qui n’étaient alors pas normalement accessibles ou, s’ils l’étaient, qu’il n’était pas raisonnable, dans les circonstances, de s’attendre à ce qu’il les ait présentés au moment du rejet. Les demandes d’ERAR sont examinées par des agents spécialement formés pour évaluer les risques et pour tenir compte de la Charte canadienne des droits et des libertés, ainsi que des obligations internationales contractées par le Canada, notamment au titre de la Convention contre la torture. L’État partie mentionne également la demande CH du requérant, qui a été rejetée. L’État partie évoque des décisions antérieures du Comité et d’autres organes conventionnels de l’ONU, dans lesquelles le contrôle juridictionnel et le processus d’ERAR ont été considérés comme des recours utiles.

4.5L’État partie indique que le Comité a toujours considéré qu’il ne pouvait pas examiner les conclusions relatives à la crédibilité d’une affaire à moins qu’il ne puisse être prouvé que ces conclusions étaient arbitraires ou déraisonnables. Le requérant n’a pas fait d’allégation dans ce sens et les éléments présentés ne portent pas à conclure que la décision de la Commission a été entachée de telles irrégularités.

4.6Concernant l’affirmation du requérant qui prétend que la procédure canadienne de détermination du statut de réfugié et la procédure qui a suivi ont été insuffisantes et ne répondaient pas aux normes internationales en matière de droits de l’homme, l’État partie affirme que cette allégation ne contient pas suffisamment de détails quant à la manière dont les procédures en question contreviennent à l’article 3 ou à toute autre disposition de la Convention ou ne permettent pas de disposer d’un recours utile. Il note aussi qu’il n’appartient pas au Comité, dans le cadre de l’examen auquel il procède, de se pencher sur le système canadien en général, mais qu’il doit seulement établir si, en l’espèce, l’État partie respecte ses obligations au titre de la Convention. L’État partie soutient que l’allégation concernant l’absence de recours utile devrait être jugée irrecevable puisqu’il s’agit d’une allégation de violation du paragraphe 3 de l’article 2 du Pacte relatif aux droits civils et politiques et que, par conséquent, elle ne relève pas de la compétence du Comité au titre du paragraphe 1 de l’article 22 de la Convention.

4.7L’État partie soutient que le requérant n’a pas montré qu’il courrait personnellement un risque sérieux d’être soumis à la torture s’il retournait en Inde. L’État partie fait observer que la crédibilité du requérant suscite de sérieux doutes; que son attitude générale n’était pas celle d’une personne qui craint d’être persécutée ou de subir de graves préjudices; qu’il n’existe pas de raisons crédibles de penser que le requérant a le profil d’une personne susceptible d’intéresser les autorités indiennes; que la situation générale des droits de l’homme dans le pays ne peut en soi être suffisante pour établir que le requérant serait personnellement en danger s’il y était renvoyé; et que la situation actuelle des droits de l’homme en Inde ne corrobore pas les allégations du requérant concernant les risques qu’il court.

4.8L’État partie affirme que, si le Comité estimait devoir se pencher sur la crédibilité des allégations du requérant, il constaterait sans nul doute, au vu d’un certain nombre de points essentiels, que son récit n’est pas crédible: le fait que le requérant ait laissé passer un an et demi avant de déposer une demande du statut de réfugié et les raisons qu’il a avancées pour expliquer ce délai entament considérablement sa crédibilité; l’allégation du requérant qui affirme être en danger n’est pas plausible puisqu’il a attendu de nombreux mois pour quitter l’Inde après avoir reçu un passeport; les allégations de l’auteur concernant son engagement politique contiennent des contradictions; il a notamment été incapable de fournir des détails sur l’idéologie du parti Akali Dal et n’a pas expliqué de quelle manière il pouvait continuer à assumer les fonctions de secrétaire général de la section du Haryana après avoir quitté la région.

4.9L’État partie fait également observer que les données objectives ne corroborent pas les allégations du requérant relatives à la situation des droits de l’homme en Inde. Il affirme que la situation des sikhs du point de vue des droits de l’homme au Penjab et en Inde s’est améliorée au point qu’il n’existe pas de risque important de torture ou d’autre mauvais traitement de la part de la police et que seules les personnes considérées comme des militants en vue seraient encore en danger, et il renvoie à plusieurs rapports qui viennent étayer cet avis.

4.10L’État partie soutient que le requérant n’a pas montré dans ses commentaires qu’il lui serait impossible de vivre à l’abri de la torture dans une autre partie de l’Inde et fait référence à la jurisprudence du Comité qui a coutume de considérer que, s’il est possible que le requérant rencontre des difficultés s’il n’est pas en mesure de rentrer chez lui, ces difficultés ne seraient pas assimilables à de la torture ou à des mauvais traitements.

4.11Dans le cas où le Comité établirait que la communication du requérant est recevable, l’État partie demande que la communication soit déclarée infondée.

Commentaires du requérant sur les observations de l’État partie sur la recevabilité et sur le fond

5.1Le requérant soumet à l’appui de sa communication un rapport établi par la Punjab Human Rights Organization, concernant son cas. Il note aussi que l’État partie ne met pas sérieusement en doute le fait qu’il a été pris pour cible et torturé dans le passé.

5.2Dans un document présenté séparément le requérant souligne que la Cour fédérale du Canada n’exerce pas un réel contrôle sur les autorités de l’immigration lorsqu’elle examine des demandes de sursis à l’exécution de la décision d’expulsion puisque, selon la jurisprudence de la Cour, si la Commission décide qu’un demandeur du statut de réfugié n’est pas crédible, les affirmations de ce dernier ne peuvent servir de fondement à l’interruption de la procédure d’expulsion, même s’il existe de sérieux indices d’une erreur de jugement. Le requérant cite des affaires dans lesquelles la Cour fédérale a systématiquement jugé que les décisions de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié étaient laissées à l’entière discrétion de cette dernière et que la Cour ne devait pas intervenir sauf si l’agent d’immigration exerçait son pouvoir discrétionnaire «à des fins illégitimes, selon des critères non pertinents, avec mauvaise foi ou d’une manière manifestement déraisonnable». Il soutient que, lorsque le recours en justice est voué à l’échec et dans des cas où il y a des motifs sérieux d’intervenir, la Cour n’examine même pas l’affaire et qu’il ne s’agit pas là d’un recours effectif et utile conforme aux principes reconnus du droit international. Le requérant affirme qu’aucune organisation de défense des droits de l’homme s’occupant des réfugiés ne croit en l’efficacité de l’ERAR en tant que recours visant à protéger les victimes de violations et mentionne plusieurs documents à l’appui de cette opinion.

5.3Le requérant soutient que les autorités de l’État partie suivent une ligne politique consistant à refuser l’asile aux sikhs victimes de la torture venus d’Inde. Il affirme que la proportion de demandes d’ERAR qui aboutissent à une décision favorable est de 3 % pour le Canada et de seulement 1 % au Québec, où son affaire a été examinée. Il affirme en outre que la plupart des demandes sont rejetées pour des motifs identiques.

5.4Le requérant fait de plus observer que, même si les sikhs ne sont pas visés en tant que groupe, certains sikhs le sont en raison de leurs activités politiques ou de leurs efforts pour obtenir justice à la suite de violations des droits de l’homme. Il soutient que, d’après les groupes indiens de défense des droits de l’homme, des arrestations arbitraires ont lieu en permanence et les personnes qui couraient le risque d’être arrêtées autrefois demeurent exposées à ce risque. Il maintient qu’il n’existe pas, en Inde, de voies de recours utiles pour les victimes de violations des droits de l’homme et renvoie à l’article du Harvard Human Rights Law Journal qu’il a soumis.

5.5Le requérant conteste l’idée selon laquelle il pourrait s’installer et vivre en sécurité dans une autre région de l’Inde, renvoie à nouveau à l’article paru dans le Harvard Human Rights Law Journal et indique que des personnes ont été arrêtées pour ne pas s’être présentées à la police. Il conteste aussi l’affirmation de l’État partie selon laquelle il ne courrait pas un risque immédiat en arrivant en Inde et indique que des personnes ont déjà été arrêtées à leur arrivée à l’aéroport et conduites en prison, où elles ont été torturées. En outre, il conteste l’affirmation selon laquelle seules des personnes en vue courent le risque d’être torturées et renvoie à un rapport établi en 2003 par Amnesty International, qui montre à quel point le système de torture et de violences est enraciné. Il renvoie aussi aux pages 25 à 28 du rapport établi par les services danois de l’immigration, intitulé «Report on the Fact-finding Mission to Punjab, India, 21 March to 5 April 2000» (Rapport sur la mission d’enquête au Penjab (Inde) du 21 mars au 5 avril 2000), qui fait état du caractère généralisé de la torture et du grand nombre de décès en garde à vue.

5.6Le requérant affirme qu’il court personnellement le risque d’être torturé s’il retourne en Inde parce que: il a auparavant été accusé d’avoir participé à des activités militantes en 1988 et en 1995; il a été détenu pendant trois ans et demi entre 1988 et 1991 et soumis à la torture en détention, or les personnes qui ont été précédemment détenues pour activités militantes constituent l’un des principaux groupes à risque selon des rapports sur les droits de l’homme; il a été un prêtre sikh de renom dans certains des plus importants temples sikhs du Penjab et du Haryana et il est, par conséquent, une personnalité en vue, et les personnalités religieuses sikhes de renom figurent parmi les personnes les plus visées par les services de sécurité; il a été une personnalité importante de l’Akali Dal du Haryana; il a des liens familiaux avec des militants bien connus, comme cela est confirmé par le rapport soumis par la Punjab Human Rights Organization.

5.7Le requérant conteste l’affirmation de l’État partie selon laquelle la pratique de la torture en toute impunité n’a plus cours en Inde et évoque, pour appuyer son propos, plusieurs affaires dans lesquelles des défenseurs des droits de l’homme ou des militants de l’Akali Dal ont été arrêtés et torturés par la police. Il soutient également que, après les attentats de Mumbai en 2008, de nombreuses personnes appartenant à la classe politique ont été victimes d’arrestations, de fausses accusations et d’actes de torture. Le requérant mentionne aussi un rapport établi en 2005 par l’organisation ENSAAF, intitulé «Punjab Police: Fabricating Terrorism through Illegal Detention and Torture» (Police du Penjab: Terrorisme fabriqué par la détention illégale et la torture), qui fait état d’un grand nombre d’arrestations arbitraires entre juin et août 2005, notamment celle d’un responsable de l’Akali Dal. Il affirme que ses activités politiques l’exposeraient particulièrement à une arrestation et à la torture s’il devait être renvoyé.

Observations de l’État partie sur la recevabilité et sur le fond

6.1Dans une note verbale en date du 17 juillet 2009, l’État partie affirme que le rapport intitulé «Fact-finding report regarding Nirmal Singh» (Enquête concernant Nirmal Singh) présenté par le requérant, ne contient aucun nouvel élément prouvant qu’il existe des motifs sérieux de croire que l’intéressé court personnellement le risque d’être soumis à la torture s’il est renvoyé en Inde.

6.2L’État partie affirme que, s’il devait être établi que le rapport contient de nouveaux éléments de preuve, le requérant devrait le soumettre en premier lieu aux autorités canadiennes de l’immigration, que le requérant n’a pas épuisé les recours internes comme l’exige le paragraphe 5 b) de l’article 22 de la Convention et que, par conséquent, sa plainte n’est pas recevable. L’État partie note qu’il reste ouvert à une demande du requérant concernant un nouvel ERAR ou une nouvelle demande CH de résidence permanente fondée sur un nouveau rapport.

6.3En conclusion, l’État partie continue de se fonder sur le document initial du 17 janvier 2007 et prie le Comité de déclarer la communication irrecevable et insuffisamment fondée.

Délibérations du Comité

Examen de la recevabilité

7.1Avant d’examiner une plainte soumise dans une communication, le Comité contre la torture doit déterminer si la communication est recevable en vertu de l’article 22 de la Convention. Le Comité s’est assuré, comme il est tenu de le faire conformément au paragraphe 5 a) de l’article 22 de la Convention, que la même question n’a pas été et n’est pas actuellement examinée par une autre instance internationale d’enquête ou de règlement et que tous les recours internes disponibles ont été épuisés.

7.2Le Comité note l’affirmation de l’État partie selon laquelle le grief de violation de l’article 3 de la Convention, fondé sur le renvoi en Inde du requérant, est manifestement infondé et, par conséquent, irrecevable. Le Comité estime toutefois que le requérant a apporté assez d’éléments pour lui permettre d’examiner l’affaire au fond.

7.3Le Comité note l’observation de l’État partie selon laquelle l’allégation d’absence de recours utile devrait être déclarée irrecevable puisqu’elle dénonce une violation du paragraphe 3 de l’article 2 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et, par conséquent, ne relève pas de la compétence du Comité au titre du paragraphe 1 de l’article 22 de la Convention. Le Comité, renvoyant toutefois à sa jurisprudence, réaffirme que l’interdiction du refoulement devrait être interprétée comme englobant un recours au cas où elle serait enfreinte.

7.4En conséquence, le Comité décide que, telle qu’elle est exposée, la requête est recevable en ce qui concerne la violation présumée de l’article 3 de la Convention.

Examen au fond

8.1Le Comité doit déterminer s’il existe des motifs sérieux de penser que le requérant risquerait personnellement d’être torturé à son retour en Inde.

8.2Le Comité note l’argument de l’État partie selon lequel la situation des droits de l’homme au Penjab et en Inde s’est améliorée et stabilisée ces dernières années. Il fait toutefois observer que les rapports soumis tant par le requérant que par l’État partie confirment notamment que l’usage de la torture est encore fréquent en garde à vue et que les auteurs de ces actes bénéficient d’une large impunité. Le Comité fait observer que l’existence d’un ensemble systématique de violations graves, flagrantes ou massives des droits de l’homme dans un pays ne constitue pas en soi un motif suffisant pour conclure qu’un individu risque d’être soumis à la torture à son retour dans ce pays; il doit exister des motifs supplémentaires donnant à penser que l’intéressé court personnellement un tel risque.

8.3Le Comité note l’observation de l’État partie selon laquelle il ne revient pas au Comité d’examiner les éléments de preuve ou de procéder à une nouvelle appréciation des constatations faites par des organes de décision internes compétents concernant les faits et la crédibilité. D’après le paragraphe 9 de l’Observation générale no 1, le Comité accordera «un poids considérable (…) aux constatations de fait des organes de l’État partie intéressés (…) toutefois le Comité n’est pas lié par de telles constatations et est, au contraire, habilité, en vertu du paragraphe 4 de l’article 22 de la Convention, à apprécier librement les faits en se fondant sur l’ensemble des circonstances de chaque affaire». Le Comité note qu’en l’espèce, la plupart des faits ne sont pas contestés par les parties, mais que le désaccord porte sur l’évaluation des conséquences juridiques des faits en question. En pareille situation, le Comité doit apprécier les faits à la lumière des obligations de l’État partie au titre de la Convention.

8.4Le Comité fait observer que le requérant a soumis des éléments de preuve à l’appui de son affirmation selon laquelle il a été torturé pendant sa détention en au moins trois occasions, en 1988, 1995 et 2003, notamment des rapports médicaux, ainsi que des témoignages écrits corroborant ses allégations. Il prend également note des rapports médicaux établis par des centres médicaux en Inde et au Canada, qui concluent qu’il y a suffisamment de signes physiques et psychologiques corroborant la description des actes de torture faite par l’intéressé, et que l’État partie n’a pas contesté les allégations du requérant concernant le fait qu’il a été torturé dans le passé.

8.5Le Comité prend note de l’observation de l’État partie selon laquelle le requérant n’a pas démontré qu’il était une personne «en vue» et qu’il serait par conséquent susceptible d’intéresser les autorités indiennes. Le Comité note toutefois que le requérant affirme qu’il a été placé en détention et torturé parce qu’il était accusé d’être un militant, que, bien qu’il ait été officiellement acquitté par les tribunaux, la police a continué à le harceler, qu’il est bien connu des autorités en raison de ses activités en tant que prêtre sikh, de son engagement politique au sein du parti Akali Dal et de son rôle de premier plan dans les structures locales du parti. Le Comité fait observer que le requérant a fourni des documents prouvant qu’il avait fait l’objet d’enquêtes et de poursuites en tant que militant sikh présumé, qu’il a été nommé Secrétaire général de la section du Haryana du parti Akali Dal et qu’il a officié comme prêtre sikh. Le Comité considère en conséquence que le requérant a apporté assez de preuves qu’il est quelqu’un de suffisamment en vue pour courir le risque d’être torturé s’il est arrêté.

8.6Le Comité prend note de l’observation de l’État partie selon laquelle le requérant n’a pas montré dans ses communications qu’il lui serait impossible de vivre à l’abri de la torture dans une autre partie de l’Inde. Le Comité fait toutefois observer que le requérant a soumis des éléments prouvant qu’il avait été arrêté dans trois provinces différentes − le Haryana, le Penjab et l’Uttar Pradesh. Le Comité prend aussi note des éléments soumis qui prouvent que la police indienne a continué à rechercher le requérant et à interroger sa famille pour savoir où il se trouvait longtemps après sa fuite au Canada. À la lumière de ces considérations, le Comité n’est pas d’avis qu’il serait possible à l’intéressé de vivre à l’abri de la torture dans d’autres parties de l’Inde.

8.7Au vu de ce qui précède, le Comité conclut que le requérant a établi qu’il courrait personnellement, à l’heure actuelle, un risque prévisible d’être soumis à la torture s’il devait être renvoyé en Inde.

8.8Le requérant affirme qu’il n’a pas disposé d’un recours utile pour contester la décision d’expulsion et que le réexamen judiciaire de la décision de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié, qui lui a refusé le statut de réfugié au sens de la Convention, n’était pas un appel sur le fond, mais plutôt un examen très limité qui visait à rechercher des erreurs de droit grossières. Dans sa réponse, l’État partie affirme que la décision de la Commission a été soumise au contrôle juridictionnel de la Cour fédérale. Le Comité note que, en vertu de l’article 18.1 4) de la loi sur les cours fédérales, la Cour fédérale peut infirmer une décision de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié si elle est convaincue que: le tribunal a agi sans compétence; n’a pas observé un principe de justice naturelle ou d’équité procédurale; a rendu une décision entachée d’une erreur de droit; a rendu une décision fondée sur une conclusion de fait erronée; a agi ou omis d’agir en raison d’une fraude ou de faux témoignages; ou a agi de toute autre façon contraire à la loi. Le Comité fait observer qu’aucun des motifs susmentionnés ne permet un réexamen au fond de la plainte du requérant selon laquelle il serait torturé s’il était renvoyé en Inde.

8.9À propos de la procédure ERAR d’examen des risques, pour laquelle le requérant a aussi fait une demande, le Comité note que, selon les observations de l’État partie, les demandes d’ERAR ne peuvent porter que sur de nouveaux éléments de preuve apparus depuis le rejet de la demande du statut de réfugié; en outre, il peut être fait appel des décisions prises à l’issue de l’ERAR sous réserve d’obtenir une autorisation discrétionnaire, qui a été refusée dans le cas du requérant. Le Comité renvoie à ses observations finales (CAT/C/CR/34/CAN de mai 2005, par. 5 c)), dans lesquelles il recommande à l’État partie de prévoir de soumettre à un examen juridictionnel au fond, plutôt qu’à un simple examen de leur caractère raisonnable, les décisions de renvoi d’une personne lorsqu’il y a des motifs sérieux de croire que celle-ci risque d’être soumise à la torture. En conséquence, le Comité conclut que, en l’espèce, le requérant n’a pas bénéficié d’un recours efficace contre son expulsion vers l’Inde, ce qui constitue une violation de l’article 22 de la Convention.

9.Le Comité contre la torture, agissant en vertu du paragraphe 7 de l’article 22 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, est d’avis que la décision de l’État partie de renvoyer le requérant en Inde constituerait, si elle était exécutée, une violation de l’article 3 de la Convention. Le Comité est aussi d’avis que, en l’espèce, l’absence d’un recours utile contre la décision d’expulsion constitue une violation de l’article 22 de la Convention.

10.Conformément au paragraphe 5 de l’article 118 de son règlement intérieur (CAT/C/3/Rev.5), le Comité souhaite recevoir, dans un délai de quatre-vingt-dix jours, des renseignements sur les mesures que l’État aura prises pour donner suite aux présentes constatations.

Communication no333/2007: T. I. c. Canada

Présentée par:

T. I. (non représenté)

Au nom de:

T. I.

État partie:

Canada

Date de la requête:

15 septembre 2007 (lettre initiale)

Le Comité contre la torture, institué en vertu de l’article 17 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,

Réuni le 15 novembre 2010,

Ayant achevé l’examen de la requête no 333/2007 présentée par M. T. I. en vertu de l’article 22 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,

Ayant tenu compte de toutes les informations qui lui ont été communiquées par le requérant et l’État partie,

Adopte ce qui suit:

Décision au titre du paragraphe 7 de l’article 22 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumainsou dégradants

1.Le requérant est T. I., de nationalité ouzbèke, qui est actuellement en attente d’expulsion du Canada. Il affirme que son renvoi en Ouzbékistan constituerait une violation par le Canada des articles 1er et 3 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Il n’est pas représenté par un conseil.

Exposé des faits

2.1Né en 1962 en Ouzbékistan, le requérant appartient à l’ethnie tatare. Il a étudié en russe et ne parle pas l’ouzbek. Il aurait été contraint de quitter son emploi d’avocat en 1991 parce qu’il était Tatar et que seuls les Ouzbeks pouvaient occuper des fonctions judiciaires. En 1992, il a créé sa propre entreprise, qui aurait également échoué en raison de ses origines tatares.

2.2En 1995, le requérant a commencé à travailler pour une société de commerce opérant à Doubaï. La même année, alors qu’il était à Doubaï en voyage d’affaires, il a reçu un appel téléphonique de sa mère, qui l’a informé que son père avait été arrêté par les services de sécurité ouzbeks en raison de ses liens avec les milieux tatars et de son amitié avec un célèbre écrivain ouïgour.

2.3Après son retour en Ouzbékistan, peu de temps après l’arrestation de son père, le requérant aurait été arrêté, interrogé au sujet des activités de son père et soumis à des actes de torture (passage à tabac, coups de pied, aiguilles enfoncées sous les ongles, privation de sommeil et d’eau, isolement cellulaire, exposition continue à la lumière et administration de substances psychotropes). Il affirme qu’il avait du sang dans les urines et dans les poumons. Il serait resté en détention environ un mois. Après sa remise en liberté, il a fui avec sa femme et sa fille aux Émirats arabes unis. En 1998, sa mère l’a informé que son père était mort en prison. Bien que les autorités aient invoqué des «causes naturelles», le requérant et sa famille sont convaincus que le décès a été causé par des actes de torture.

2.4En novembre 2000, une personne qui s’est présentée comme un agent du Ministère de l’intérieur ouzbek a abordé le requérant près de son domicile à Doubaï et lui a dit qu’il était recherché en Ouzbékistan. Lorsque le requérant lui a répondu qu’il ne rentrerait pas dans son pays, cette personne l’a menacé, affirmant qu’il y avait des moyens de le contraindre à retourner en Ouzbékistan par exemple en lui créant des problèmes de visa. Comme suite à cet incident, en décembre 2000, le requérant a quitté Doubaï pour l’Allemagne, où il a présenté une demande d’asile sous un faux nom pour des raisons de sécurité. Sa demande a été rejetée. Il s’est ensuite rendu en Norvège, où il a demandé le statut de réfugié, également sous un faux nom. Il a de nouveau été débouté.

2.5En septembre 2001, le requérant est entré au Canada comme passager clandestin sur un navire islandais. Le 15 septembre 2001, il a demandé l’asile au Canada. Le 7 novembre 2002, la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada a rejeté sa demande au motif qu’il n’avait pas présenté d’éléments crédibles et fiables permettant d’établir que sa vie serait en danger ou qu’il courrait un risque sérieux d’être soumis à la torture s’il retournait en Ouzbékistan. La Commission a également soulevé la question de l’identité du requérant et a estimé qu’il était peu plausible qu’il soit persécuté en raison de son appartenance à l’ethnie tatare. Le requérant a interjeté appel auprès de la Cour fédérale, qui a rejeté sa demande d’autorisation de contrôle juridictionnel le 24 février 2003.

2.6Le 1er avril 2003, le requérant a présenté une demande de permis de séjour pour raisons humanitaires et le 19 juin 2003, il a déposé une demande d’examen des risques avant renvoi. Ces deux demandes ont été rejetées le 11 mai 2006, les autorités ayant conclu qu’il ne serait pas persécuté ni soumis à la torture ou à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants s’il était renvoyé en Ouzbékistan. Le requérant affirme que les deux décisions de rejet ont été rendues par le même agent chargé de l’examen des risques avant renvoi et qu’elles ne lui ont été notifiées que près de six mois plus tard. La demande officielle qu’il a présenté pour recevoir les décisions a été rejetée en décembre 2006. Sa demande d’autorisation de contrôle juridictionnel de cette décision de rejet devant la Cour fédérale, déposée le 5 février 2007, a été rejetée le 17 août 2007.

Teneur de la plainte

3.1Le requérant affirme qu’il serait soumis à la torture s’il était forcé de retourner en Ouzbékistan et que cela constituerait une violation des articles 1er et 3 de la Convention par le Canada.

3.2Pour étayer cette affirmation, le requérant invoque son appartenance à l’ethnie tatare, minorité qui serait victime de discrimination en Ouzbékistan, ainsi que la situation des droits de l’homme en Ouzbékistan et les tortures qu’il aurait subies par le passé.

3.3D’après le requérant, cette affaire n’est actuellement examinée par aucune autre instance internationale d’enquête ou de règlement.

3.4Le requérant n’a présenté aucune demande de mesure provisoire.

Observations de l’État partie sur la recevabilité et sur le fond

4.1Dans une note du 28 mai 2008, l’État partie a contesté la recevabilité de la requête en affirmant que celle-ci était incompatible avec les dispositions de la Convention et que le requérant n’avait pas étayé ses griefs au titre de l’article premier. Il a également affirmé que le requérant n’avait pas épuisé les recours internes ni suffisamment étayé ses griefs au titre de l’article 3 de la Convention.

4.2Rappelant les allégations du requérant, l’État partie affirme que celui-ci n’a présenté aucun argument nouveau au Comité et s’est contenté de reprendre tous les arguments soumis aux autorités canadiennes. Le requérant n’a pas établi que les conclusions des organes de décision nationaux le concernant ont été arbitraires ou ont constitué un déni de justice. L’État partie considère donc que la requête est fondée sur le mécontentement du requérant à l’égard des décisions des autorités nationales.

4.3L’État partie fait observer que le requérant n’a pas expliqué en quoi le Canada aurait commis une violation de ses droits au titre de l’article premier de la Convention. Même si les affirmations du requérant concernant les tortures que lui auraient infligées les autorités ouzbèkes étaient vraies, la responsabilité du Canada en vertu de l’article premier ne serait pas engagée, dans les faits ou en droit. Cette partie de la requête est donc dénuée de fondement et incompatible avec la Convention.

4.4En ce qui concerne les recours internes, l’État partie fait valoir que le requérant n’a pas présenté à la Cour fédérale de demande d’autorisation de contrôle juridictionnel de la décision par laquelle sa demande de permis de séjour pour raisons humanitaires avait été rejetée. Rappelant la jurisprudence du Comité, il affirme que la demande pour raisons humanitaires constitue un recours utile qui devrait être épuisé. Les demandes de ce type peuvent être fondées sur le risque et déboucher, si elles sont acceptées, sur l’octroi d’un permis de séjour puis sur l’acquisition de la citoyenneté sous réserve de certaines interdictions liées à la sécurité et à la criminalité, qui ne s’appliquent pas en l’espèce.

4.5L’État partie soutient en outre que la plainte est manifestement dénuée de fondement puisque le requérant n’a pas étayé ses griefs au titre de l’article 3, ne serait-ce qu’à première vue. Il rappelle l’Observation générale no 1 (1997) du Comité sur l’application de l’article 3 dans le contexte de l’article 22, qui fait peser la charge de la preuve sur le requérant en spécifiant que c’est à lui qu’il incombe d’établir qu’il risque d’être soumis à la torture. La plainte doit être étayée par des faits suffisamment solides, ne se limitant pas à de simples supputations ou soupçons. L’État partie affirme que la crédibilité du requérant est loin d’être établie et que ses allégations sont incohérentes et peu plausibles. Aucun rapport médical ni autre document crédible ne prouve qu’il a déjà été torturé. Même s’il a effectivement subi des actes de torture, ceux-ci auraient été commis en 1995, et non dans un passé récent. Il n’existe aucune raison plausible de penser qu’il présente les caractéristiques d’une personne à laquelle s’intéresseraient les autorités ouzbèkes ou que son retour en Ouzbékistan l’exposerait à un risque particulier.

4.6L’État partie affirme que l’analyse des preuves et les conclusions établies par la Commission, ainsi que par l’agent chargé d’évaluer les risques auxquels serait exposé le requérant s’il était renvoyé en Ouzbékistan étaient appropriées et fondées. Il rappelle la jurisprudence du Comité, selon laquelle il n’a pas compétence pour examiner l’appréciation qui a été faite de la crédibilité des allégations dans une affaire à moins qu’il ne soit manifeste que cette appréciation a été arbitraire ou a constitué un déni de justice. Il cite plusieurs exemples d’incohérences et d’éléments peu crédibles dans les déclarations du requérant. Ce dernier a fourni des renseignements contradictoires concernant ses documents d’identité: il a d’abord déclaré aux services d’immigration canadiens qu’il avait détruit ses documents de voyage en Islande avant de monter à bord du navire à destination du Canada, puis il a indiqué sur sa fiche de renseignements personnels qu’il avait détruit son passeport en Allemagne. Il a également reconnu avoir utilisé différents faux noms pour présenter ses demandes de statut de réfugié en Allemagne et en Norvège. Les supposés documents d’identité faxés par sa femme depuis Doubaï ne sont pas suffisamment fiables pour permettre d’établir son identité.

4.7L’État partie considère également que les doutes de la Commission en ce qui concerne l’arrestation du requérant et les mauvais traitements qui lui auraient été infligés en 1995 sont fondés. Il fait valoir que le requérant n’a pas mentionné son arrestation lors de son premier entretien avec un agent des Services d’immigration et qu’il a donné à la Commission des renseignements contradictoires, en déclarant dans un premier temps que les menaces de mauvais traitements n’avaient pas été mises à exécution avant d’affirmer qu’on lui avait enfoncé des aiguilles sous les ongles. Il a également déclaré qu’il avait du sang dans les urines et dans les poumons mais n’a produit aucun document médical qui permette de corroborer ces affirmations. Il n’a pas mentionné l’arrestation de son père lorsqu’il a été interrogé par les agents des Services d’immigration canadiens à son arrivée au Canada. L’État partie prend note de la déclaration du requérant, qui a expliqué qu’un enquêteur ouzbek l’avait abordé alors qu’il se trouvait à Doubaï et qu’il avait été menacé de problèmes avec son visa s’il ne retournait pas en Ouzbékistan pour témoigner contre des militants tatars. Enfin, il fait valoir que ses tentatives pour induire en erreur les autorités chargées de l’asile dans les autres États jettent le doute sur la fiabilité de ses allégations devant les tribunaux canadiens.

4.8Renvoyant à la jurisprudence récente du Comité concernant des procédures d’expulsion vers l’Iraq et vers la République islamique d’’Iran, l’État partie fait observer que la situation des droits de l’homme en Ouzbékistan n’est pas telle qu’il y ait lieu de craindre que le requérant encoure un risque réel et personnel d’être soumis à la torture s’il était expulsé vers ce pays. Relevant que le requérant affirme qu’il court le risque d’être torturé en Ouzbékistan parce qu’il est tatar d’origine, l’État partie fait observer qu’aucun des principaux rapports sur la situation des droits de l’homme en Ouzbékistan ne laisse entendre que les Tatars courent un risque particulier d’être soumis à la torture dans ce pays.

Commentaires du requérant

5.1Dans une note du 7 juillet 2008, le requérant réfute les observations de l’État partie. Il fait valoir que plus de six mois s’étaient écoulés avant que ne lui soient notifiées les décisions concernant sa demande de permis de séjour pour raisons humanitaires et l’examen des risques avant renvoi, qui étaient datées du 11 mai 2006. Il affirme qu’il n’a été informé de ces décisions qu’après avoir déposé une plainte auprès de la Cour fédérale et avoir reçu un arrêté d’expulsion daté du 18 octobre 2006. Les deux décisions ont été rendues par le même agent des Services d’immigration. Le requérant affirme qu’il a demandé un sursis à l’expulsion et une autorisation de contrôle juridictionnel des deux décisions. Le dossier ne contient pas de copie de sa demande de contrôle juridictionnel de la décision de refus du permis de séjour pour raisons humanitaires.

5.2Le requérant fait en outre valoir que sa crédibilité a été entamée par son avocat canadien, commis d’office au titre de l’aide juridictionnelle. Il affirme que celui-ci n’a pas agi dans son intérêt et n’a pas présenté tous les faits et documents voulus à l’appui de ses requêtes. Il aurait en outre refusé de le représenter devant la Cour fédérale.

5.3Le requérant note que l’État partie affirme qu’il n’a pas mentionné son arrestation lors de son entretien initial avec un agent des Services d’immigration, et qu’il a fourni des renseignements contradictoires à la Commission, en disant dans un premier temps que les menaces de mauvais traitements n’avaient pas été mises à exécution, avant de déclarer qu’on lui avait enfoncé des aiguilles sous les ongles. Le requérant affirme qu’il ne se souvient pas s’il avait mentionné ce détail ou non. Il se peut qu’il ait montré ses doigts aux membres de la Commission, avec leur accord. Ceux-ci n’avaient rien demandé de plus à ce moment-là. Le requérant fait valoir qu’il n’est pas en mesure de produire un document médical attestant la présence de sang dans ses urines et dans ses poumons pour prouver les mauvais traitements qu’il a subis. Il aurait fallu pour cela qu’il demande à ses tortionnaires un examen médical, ce qui n’est pas réaliste.

5.4En ce qui concerne son identité, le requérant explique qu’il a remis au tribunal l’original de son bulletin de naissance, qui indique que ses deux parents sont tatars, ce document étant le seul en Ouzbékistan à contenir ces précisions sur l’appartenance ethnique. Il affirme que les autorités canadiennes ont utilisé l’argument des contradictions concernant ses documents d’identité pour saper sa crédibilité et qu’il aurait été plus simple pour elles d’obtenir des éclaircissements par le biais de son avocat dès le début de la procédure d’asile. Il fait valoir qu’il serait passé par la voie officielle pour émigrer en Allemagne, comme il l’avait prévu, s’il n’avait pas reçu de menaces d’un enquêteur ouzbek.

5.5Le requérant fait observer que les incohérences concernant les documents qu’il a utilisés pour entrer au Canada pourraient être dues à l’absence d’autres éléments de preuve. Il soutient qu’il n’avait pas de documents sur lui lorsqu’il est arrivé au Canada parce qu’il les avait détruits en Islande. Il avait détruit son passeport plus tôt, après avoir passé la douane à son arrivée en Allemagne, par crainte d’être expulsé vers l’Ouzbékistan.

Délibérations du Comité

Examen de la recevabilité

6.1Avant d’examiner une plainte soumise dans une requête, le Comité contre la torture doit déterminer si la requête est recevable en vertu de l’article 22 de la Convention. Le Comité s’est assuré, comme il est tenu de le faire conformément au paragraphe 5 a) de l’article 22 de la Convention, que la même question n’a pas été et n’est pas actuellement examinée par une autre instance internationale d’enquête ou de règlement.

6.2Conformément au paragraphe 5 b) de l’article 22 de la Convention, le Comité n’examine aucune requête sans s’être assuré que le requérant a épuisé tous les recours internes disponibles; cette règle ne s’applique pas s’il est établi que les procédures de recours ont excédé des délais raisonnables et s’il est peu probable qu’elles donnent satisfaction à la victime présumée à l’issue d’un procès équitable.

6.3Le Comité prend note de l’argument de l’État partie selon lequel la requête devrait être déclarée irrecevable en vertu du paragraphe 5 b) de l’article 22 de la Convention étant donné que le requérant n’a pas présenté de demande de contrôle juridictionnel de la décision en date du 11 mai 2006 concernant sa demande de permis de séjour pour raisons humanitaires. Il note également que le requérant ne conteste pas l’utilité de ce recours, bien qu’il ait eu la possibilité de le faire. À cet égard, le Comité rappelle que lors de sa vingt-cinquième session, dans ses observations finales sur le rapport de l’État partie, il avait examiné la question de la demande de «dispense ministérielle pour raisons d’ordre humanitaire». Il avait alors relevé le manque d’indépendance dont semblaient faire preuve les fonctionnaires chargés d’examiner ce type de recours, ainsi que le fait qu’une personne pouvait être expulsée alors que ledit recours était en cours d’examen. Il avait conclu que cela pouvait amoindrir l’efficacité de la protection des droits énoncés au paragraphe 1 de l’article 3 de la Convention. Le Comité avait noté que, bien que le droit de bénéficier d’une assistance pour des raisons humanitaires puisse fonder un recours prévu par la loi, cette assistance était accordée par un ministre sur la base de critères purement humanitaires, et non sur une base juridique, et constituait ainsi plutôt une faveur. Il a également observé que lorsqu’une demande de contrôle juridictionnel est acceptée, la Cour fédérale renvoie le dossier à l’instance qui a pris la décision initiale ou à une autre instance compétente, de sorte qu’elle ne procède pas elle-même au réexamen de l’affaire et ne rend pas de décision. La décision relève plutôt du pouvoir discrétionnaire d’un ministre et donc du pouvoir exécutif. Le Comité ajoute que si le recours fondé sur des considérations humanitaires n’est pas de ceux qui doivent avoir été épuisés pour satisfaire à la règle de l’épuisement des recours internes, alors la question du recours contre une telle décision ne se pose pas.

6.4Le Comité rappelle également que, conformément à sa jurisprudence selon laquelle, en vertu du principe de l’épuisement des recours internes, le requérant est tenu d’engager des recours qui soient directement en rapport avec le risque d’être soumis à la torture dans le pays où il serait envoyé et non pas des recours qui pourraient lui permettre de rester dans le pays où il se trouve.

6.5En ce qui concerne l’allégation de violation de l’article premier, le Comité note que l’État partie affirme que cette partie de la requête est dénuée de fondement et incompatible avec les dispositions de la Convention. Le Comité relève que le requérant n’étaye pas ses griefs au titre de l’article premier et ne réfute pas les arguments de l’État partie s’y rapportant. En conséquence, il déclare cette partie de la requête irrecevable en vertu du paragraphe 2 de l’article 22 de la Convention.

6.6En ce qui concerne les allégations de violation de l’article 3, le Comité considère que les arguments présentés par le requérant en ce qui concerne la situation générale des droits de l’homme en Ouzbékistan, les allégations de discrimination à l’égard des Tatars et les tortures qu’il aurait subies par le passé en Ouzbékistan soulèvent des questions qui devraient être examinées quant au fond et pas seulement sur le plan de la recevabilité. En conséquence, il déclare cette partie de la requête recevable.

Délibérations du Comité sur le fond

7.1Le Comité doit déterminer si, en renvoyant le requérant en Ouzbékistan, l’État partie manquerait à l’obligation qui lui est faite en vertu du paragraphe 1 de l’article 3 de la Convention de ne pas expulser ou refouler un individu vers un autre État où il y a des motifs sérieux de croire qu’il risque d’être soumis à la torture.

7.2Le Comité rappelle son Observation générale no 1 relative à l’article 3 et sa jurisprudence, qui établissent qu’il incombe généralement au requérant de présenter des arguments défendables et que l’existence d’un risque de torture doit être appréciée selon des éléments qui ne se limitent pas à de simples supputations ou soupçons. Tout en prenant note de l’Observation générale no 1, il rappelle également qu’il est habilité, en vertu du paragraphe 4 de l’article 22 de la Convention, à apprécier librement les faits en se fondant sur l’ensemble des circonstances de l’affaire.

7.3Le Comité doit déterminer s’il existe des motifs sérieux de croire que le requérant risque personnellement d’être soumis à la torture en Ouzbékistan. Pour ce faire, il doit, conformément au paragraphe 2 de l’article 3 de la Convention, tenir compte de toutes les considérations pertinentes, y compris de l’existence d’un ensemble de violations systématiques des droits de l’homme, graves, flagrantes ou massives. Il s’agit cependant de déterminer si l’intéressé risque personnellement d’être soumis à la torture dans le pays vers lequel il serait renvoyé. Dès lors, l’existence dans un pays d’un ensemble de violations systématiques des droits de l’homme, graves, flagrantes ou massives, ne constitue pas en soi un motif suffisant pour établir qu’une personne risque d’être soumise à la torture à son retour dans ce pays. Il doit exister des motifs supplémentaires donnant à penser qu’elle courrait personnellement un risque. À l’inverse, l’absence d’un ensemble de violations flagrantes et systématiques des droits de l’homme ne signifie pas qu’une personne ne peut pas être considérée comme risquant d’être soumise à la torture dans les circonstances qui sont les siennes.

7.4Le Comité est conscient que la situation des droits de l’homme en Ouzbékistan laisse beaucoup à désirer. Il a lui-même relevé les allégations nombreuses, persistantes et cohérentes faisant état d’un recours systématique à la torture et à d’autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants par des agents de la force publique et des enquêteurs ou bien à leur instigation ou avec leur consentement, souvent dans le but d’extorquer des aveux ou des informations aux fins de l’action pénale et au cours de la détention provisoire, avant que l’intéressé n’ait été inculpé et alors qu’il est privé des garanties fondamentales, ainsi que le fait que ces allégations ne donnaient pas lieu à l’ouverture rapide d’enquêtes impartiales et complètes. Il note cependant que le requérant n’a pas fourni d’éléments suffisants pour établir que les Tatars, et donc lui-même, étaient victimes de discrimination à un point tel qu’il se trouverait exposé à un risque particulier d’être soumis à la torture en Ouzbékistan. À cet égard, dans ses décisions antérieures, le Comité a statué que le requérant devait courir personnellement un risque réel et prévisible d’être torturé.

7.5Le Comité note que, bien que plusieurs demandes lui aient été faites dans ce sens, le requérant n’a fourni aucun rapport médical ni aucun autre document permettant de vérifier les événements qui se sont déroulés en Ouzbékistan avant son départ, à savoir son arrestation présumée et les mauvais traitements qu’il aurait subis en détention en 1995, qui corroboreraient ses allégations ou confirmeraient d’éventuelles séquelles. Il n’a pas non plus fourni de rapport médical qui aurait été établi après son arrivée au Canada. Dans ces circonstances, il conclut que le requérant n’a pas établi qu’il court personnellement un risque réel d’être soumis à la torture s’il est renvoyé en Ouzbékistan à l’heure actuelle.

8.Compte tenu de ce qui précède, le Comité contre la torture, agissant en vertu du paragraphe 7 de l’article 22 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, conclut que la décision de l’État partie de renvoyer le requérant en Ouzbékistan ne constituerait pas une violation de l’article 3 de la Convention.

Communication no 336/2008: Singh Khalsa et al. c. Suisse

Présentée par:

Harminder Singh Khalsa et consorts (représentéspar un conseil, M. Werner Spirig)

Au nom de:

Harminder Singh Khalsa et consorts

État partie:

Suisse

Date de la requête:

18 février 2008 (lettre initiale)

Le Comité contre la torture, institué en vertu de l’article 17 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,

Réuni le 26 mai 2011,

Ayant achevé l’examen de la requête no 336/2008, présentée par M. Werner Spirig au nom de Harminder Singh Khalsa et consorts en vertu de l’article 22 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,

Ayant tenu compte de toutes les informations qui lui ont été communiquées par les requérants, leur conseil et l’État partie,

Adopte ce qui suit:

Décision au titre du paragraphe 7 de l’article 22 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumainsou dégradants

1.1Les requérants sont Harminder Singh Khalsa et sa famille, Karan Singh et sa famille, Jasvir Singh et Dalip Singh Khalsa. De nationalité indienne, ils appartiennent au groupe ethnique des Sikhs. Au moment où la requête a été présentée, ils résidaient en Suisse et avaient sommation de quitter le territoire pour l’Inde. Ils affirment que leur expulsion vers l’Inde constituerait une violation de l’article 3 de la Convention contre la torture. Ils sont représentés par un conseil, Werner Spirig.

1.2Conformément au paragraphe 3 de l’article 22 de la Convention, le Comité a porté la communication à l’attention de l’État partie par une note verbale datée du 25 février 2008. Parallèlement, en application du paragraphe 1 de l’article 114 (ancien article 108, par. 1) du règlement intérieur du Comité (CAT/C/3/Rev.5), le Rapporteur chargé des nouvelles requêtes et des mesures provisoires de protection a prié l’État partie de ne pas procéder à l’expulsion des requérants vers l’Inde tant que leur requête serait à l’examen. Le 4 mars 2008, l’État partie a informé le Comité que les requérants ne seraient pas expulsés tant que leur cause serait examinée par le Comité.

Rappel des faits exposés par les requérants

2.1Le 29 septembre 1981, un groupe de cinq personnes, dont faisaient partie Karan Singh et Jasvir Singh, a détourné vers Lahore (Pakistan) un avion de la compagnie Indian Airlines qui effectuait un vol entre New Dehli et Srinagar (Cachemire). Par cette action, ils protestaient contre l’arrestation de Sant Jarnail Singh Bhindranwala, chef du mouvement de lutte pour un État sikh indépendant, et contre le meurtre de 36 Sikhs par les forces de sécurité indiennes. Lorsque cet événement s’est produit, Karan Singh et Jasvir Singh étaient tous deux membres de groupes qui revendiquaient un État sikh indépendant, respectivement la Fédération panindienne des étudiants sikhs (All India Sikh Students’ Federation) et l’organisation Dal Khalsa.

2.2En 1984, un groupe de neuf personnes, dont Dalip Singh Khalsa et Harminder Singh Khalsa, a détourné vers le Pakistan un avion de la compagnie Indian Airlines en réponse à l’assaut de l’armée indienne sur la ville sainte sikhe d’Amritsar et pour attirer l’attention de la communauté internationale sur le meurtre de milliers d’innocents. Le groupe appartenait à la Fédération panindienne des étudiants sikhs.

2.3Aucun des passagers des deux avions n’a été blessé. Les requérants ont été arrêtés par la police pakistanaise. Ils ont été jugés à Lahore par un tribunal spécial. En janvier 1986, Dalip Singh Khalsa et Harminder Singh Khalsa ont été condamnés à mort mais leur peine a été commuée en emprisonnement à vie à la suite de l’amnistie générale accordée à l’occasion de l’accession de Benazir Bhutto aux fonctions de Premier Ministre. Karan Singh et Jasvir Singh ont été condamnés à un emprisonnement à vie. Tous les requérants ont été libérés à la fin de 1994 et sommés de quitter le pays. Ils ont quitté le Pakistan pour la Suisse, où ils ont déposé une demande d’asile dès leur arrivée en 1995.

2.4En Suisse, les requérants ont été entendus par l’Office fédéral des réfugiés, qui a rejeté leurs demandes d’asile le 10 juin 1998. Les requérants ont présenté un recours, qui a été rejeté le 7 mars 2003 par la Commission suisse de recours en matière d’asile. Entre le 7 mars 2003 et le 19 décembre 2007, les requérants ont déposé plusieurs demandes de réexamen des décisions de rejet mais ont été déboutés. Le 19 décembre 2007, le Tribunal administratif fédéral a rendu sa décision définitive et confirmé le refus de leur accorder l’asile au motif qu’il n’avait trouvé aucune raison valable de supposer que les forces de sécurité indiennes considéreraient les requérants comme de dangereux ennemis de l’État indien.

2.5Les requérants vivent paisiblement en Suisse depuis 1995. Deux d’entre eux ont fondé une famille. Ils sont très actifs dans la communauté sikhe. Karan Singh est Président du premier temple sikh construit en Suisse. Harminder Singh Khalsa en est Vice-Président. Les requérants affirment qu'ils ont continué à mener des activités politiques pendant leur séjour en Suisse et que les autorités indiennes le savent. Karan Singh a participé en tant qu’observateur à la cinquante-sixième session de la Commission des droits de l’homme à Genève, mais a été forcé de partir parce qu’il était suivi et harcelé par des agents des services de sécurité indiens. Au même moment, en Inde, les membres de sa famille étaient harcelés par la police. En 1998, Harminder Singh Khalsa a participé à une conférence à laquelle s’est opposé le Gouvernement indien, ce qui a été rapporté par un journal. En 2003, lors d’une manifestation à Berne contre le Gouvernement indien, Karan Singh a prononcé un discours. En 2007, une conférence sur les droits de l’homme, à laquelle deux des requérants ont participé, s’est tenue dans le nouveau temple sikh. Les participants ont organisé une manifestation devant le bâtiment de l’Organisation des Nations Unies à Genève. Par la suite, les parents des requérants ont été harcelés par la police et ont été menacés de «conséquences terribles» s’ils n’empêchaient pas leurs fils d’organiser des rassemblements anti-indiens.

Teneur de la plainte

3.1Les requérants affirment que leur expulsion de la Suisse vers l’Inde constituerait une violation de l’article 3 de la Convention contre la torture parce que leur santé et leur vie seraient gravement menacées. Ils font valoir que les forces de sécurité indiennes entendent toujours les poursuivre en justice pour le détournement des deux avions indiens. À l’appui de cette allégation, les requérants font observer que, le 22 juin 1995, le Bureau central d’enquête indien a écrit aux autorités canadiennes de l’immigration pour leur demander de leur prêter assistance pour arrêter deux des personnes qui avaient participé au détournement d’avion de 1984.

3.2Les requérants indiquent aussi que deux personnes qui avaient participé au détournement de 1984 et qui avaient été acquittées par le Tribunal spécial du Pakistan en 1986 et libérées de prison ont été tuées par les forces de sécurité indiennes dans des circonstances mystérieuses lors de leur retour en Inde en 1990. Ils fournissent des déclarations sous serment de membres de la famille des deux personnes en question et mentionnent le jugement rendu le 7 mars 2007 par la Commission suisse de recours en matière d’asile dans l’affaire de Harminder Singh Khalsa, qui reconnaîtrait la mort des deux anciens pirates de l’air.

3.3Les requérants mentionnent aussi le cas de K. S., qui avait aussi participé au détournement d’un avion civil indien en 1984. Après avoir exécuté une peine de douze ans d’emprisonnement en Inde, il a été retrouvé mort un mois après sa libération, le corps marqué de blessures, dans un canal d’un village du Rajasthan et l’enquête du magistrat a conclu qu’il avait été torturé avant d’être jeté dans le canal. L’enquête n’identifie toutefois pas les auteurs du crime et la mort de K. S. a été considérée comme sans objet par les autorités suisses chargées des demandes d’asile.

3.4Les requérants font observer que les forces de sécurité indiennes les recherchent activement parce qu’ils sont médiatisés, leurs noms apparaissant très souvent dans les journaux, qui rapportent que leurs demandes d’asile ont été rejetées en Suisse et qu’ils seront prochainement expulsés vers l’Inde. Ils affirment avoir présenté aux autorités suisses des copies d’une affiche comportant des photos de personnes recherchées pour activités terroristes, parmi lesquelles figuraient deux des requérants, qui a été distribuée dans la région dont ils étaient originaires (Jammu). Ils affirment aussi que la police a effectué des descentes dans leur ancien domicile de Jammu. Ils ajoutent que, dans un entretien télévisé du 25 août 2005, le chef de la cellule antiterroriste indienne a demandé au Gouvernement de faire pression pour obtenir leur extradition en Inde.

3.5Les requérants font valoir qu’en raison de leur participation, dans le passé, aux détournements d’avions et de leurs activités politiques actuelles, ils sont très connus en tant que militants pour un État sikh indépendant. Ils affirment que les autorités indiennes les considèrent comme une menace et les recherchent activement et que, s’ils étaient renvoyés de force en Inde, ils seraient immédiatement arrêtés, torturés, voire tués. Les requérants mentionnent une lettre de l’organisation Human Rights Watch, datée du 28 avril 2003, qui décrit de quelle manière la nouvelle législation antiterroriste pourrait être utilisée contre eux. Ils évoquent aussi une lettre d’Amnesty International, datée du 7 mai 2003, dans laquelle l’organisation expose ses préoccupations concernant leur sécurité s’ils étaient renvoyés en Inde.

Observations de l’État partie

4.1Le 21 avril 2008, l’État partie a déclaré ne pas faire d’objections à la recevabilité de la requête.

4.2Le 20 août 2008, l’État partie rappelle les faits, mentionnant l’appartenance des requérants à la Fédération panindienne des étudiants sikhs et à l’organisation Dal Khalsa, leur participation aux détournements d’avions, les procès dont ils ont fait l’objet et les condamnations pénales prononcées contre eux. L’État partie confirme aussi les dates des demandes d’asile présentées par les requérants et celles des recours et des demandes de réexamen des demandes d’asile présentées ensuite sans succès.

4.3En ce qui concerne l’existence en Inde d’un ensemble de violations systématiques, graves, flagrantes ou massives des droits de l’homme, l’État partie déclare que, conformément à une décision rendue le 18 mars 1991 par le Conseil fédéral suisse, l’Inde est considérée comme un pays d’origine exempt de persécutions. Il souligne qu’il s’agit là d’une présomption qui peut être réfutée au cours d’une demande d’asile ou d’une demande de sursis à l’exécution d’une mesure d’expulsion.

4.4L’État partie note que les requérants n’affirment pas avoir été torturés ou maltraités en Inde, mais utilisent plutôt comme éléments de preuve les traitements infligés à d’autres personnes dans des situations analogues. L’État partie mentionne l’exemple, présenté par les requérants, des deux membres de leur groupe qui, à leur retour, ont été arrêtés par les forces de sécurité et tués. Il indique que ces faits ont été examinés par les autorités suisses chargées des demandes d’asile, qui ont établi que ni le moment, ni les circonstances précises de la mort de ces personnes n’ont été clairement établis et que les événements en question remontent à dix-huit ans. Il ajoute que la situation actuelle des Sikhs en Inde et, en particulier, celle d’autres participants à des détournements d’avion montre que les requérants ne courent guère le risque d’être torturés s’ils sont renvoyés en Inde. S’agissant du cas de K. S., l’État partie fait valoir que le rapport présenté ne contient pas d’informations sur les motifs ou sur les auteurs de son assassinat et que, par conséquent, la responsabilité de ce crime, attribuée par les requérants aux autorités indiennes, n’est qu’une supposition. En outre, les événements en question ont eu lieu il y a douze ans et ne peuvent donc être utilisés pour évaluer le risque encouru actuellement.

4.5L’État partie fait observer que, depuis 1993, la situation au Penjab est plus stable et qu’un gouvernement a été élu dans le cadre d’élections libres. Il note que la loi sur le terrorisme et les activités de déstabilisation a été abolie huit ans après son adoption. Même après l’assassinat du Premier Ministre Beant Singh, le 31 août 1995, la situation est restée calme. Depuis 1995, la police du Penjab est sous surveillance et, conformément à une ordonnance de la Cour suprême, un Bureau central d’enquête a engagé plus de 1 000 procédures contre des fonctionnaires de police. Le nouveau gouvernement élu en 1997 a annoncé qu’il prendrait des mesures contre les fonctionnaires de police qui commettent des fautes et qu’il indemniserait les victimes.

4.6S’agissant de l’affiche comportant des photos des terroristes recherchés qui aurait été diffusée par la police indienne, l’État partie fait observer que les requérants ont fourni aux autorités suisses non pas l’original, mais une copie sur laquelle il n’était pas possible de déceler de photos des requérants. En outre, l’affiche n’était pas datée et il semblait improbable que les autorités recherchent les requérants de cette manière vingt ans après les détournements d’avion.

4.7En ce qui concerne les copies des articles présentés par les requérants à l’appui de leur allégation selon laquelle leurs noms et leurs activités étaient connus des autorités indiennes, l’État partie fait valoir que ces copies n’ont pas de valeur probante et que les requérants auraient facilement pu obtenir les originaux et les soumettre aux autorités suisses à un stade antérieur de la procédure.

4.8L’État partie déclare que, même si les autorités judiciaires indiennes recherchaient encore aujourd’hui les requérants, cela ne suffirait pas en soi pour conclure que ces derniers subiraient un traitement contraire à la Convention. Le système judiciaire indien est fondé sur le modèle britannique et peut être qualifié d’indépendant. Par conséquent, les requérants pourraient engager des avocats et assurer leur défense. Rien ne permet d’affirmer qu’ils seraient désavantagés en raison de leurs activités politiques. L’État partie affirme également que sept personnes, qui avaient participé à un détournement d’avion en 1984, avaient été expulsées vers l’Inde et condamnées à un emprisonnement à vie, mais avaient été libérées au bout de douze ans et n’avaient jamais été persécutées. Il soutient que de nombreux militants sikhs sont rentrés en Inde, que le mouvement sikh a été «largement normalisé» et que, aujourd’hui, les Sikhs sont une minorité religieuse reconnue qui bénéficie de la protection effective de la Constitution. En outre, différents États de l’Inde comptent un grand nombre de Sikhs et, par conséquent, les requérants ont la possibilité de se réinstaller dans un État autre que leur État d’origine. L’État partie note que l’actuel Premier Ministre indien est sikh.

4.9S’agissant des activités politiques des requérants en Suisse, l’État partie déclare qu’ils n’ont pas prouvé qu’ils avaient participé à des activités visant à renverser par la force les institutions démocratiques, mais plutôt qu’ils menaient des activités politiques non violentes. Il affirme que ces activités sont protégées par la Constitution indienne et tolérées dans la pratique et qu’elles ne constituent pas un motif sérieux de craindre un traitement contraire à la Convention.

4.10L’État partie soutient qu’il n’existe pas de motifs sérieux de croire que les requérants risquent réellement, concrètement et personnellement d’être soumis à la torture s’ils étaient renvoyés en Inde. Il affirme que le Comité devrait conclure que l’expulsion des requérants vers l’Inde ne constituerait pas une violation de l’article 3 de la Convention.

Commentaires des requérants

5.1Le 28 octobre 2008, les requérants notent que l’État partie ne conteste pas les faits tels qu’ils les ont présentés et qu’il accepte l’affirmation selon laquelle la police antiterroriste indienne pourrait les rechercher. Les requérants sont toutefois en désaccord avec l’État partie lorsqu’il affirme que l’Inde dispose d’un système de justice pénale efficace, qui poursuit les fonctionnaires de police qui commettent des violations des droits de l’homme, que depuis 1993, l’opposition politique en Inde ne diffère pas de celle des démocraties occidentales, que même si les requérants sont recherchés par la police, il n’existe pas de raison valable de croire qu’ils pourraient être torturés et que les requérants ne sont que de simples militants sikhs à l’étranger.

5.2Les requérants répètent que trois Sikhs ayant participé à des détournements d’avion ont été tués par la police indienne à leur retour en Inde, ce qui a été reconnu par la Commission suisse de recours en matière d’asile dans sa décision du 7 mars 2003. Ils affirment en outre qu’entre 1999 et 2004, les autorités suisses ont accordé l’asile à au moins six Sikhs, dont la cause était similaire à la leur. Ils soutiennent que même les autorités pakistanaises ne les ont pas expulsés en Inde après les avoir libérés de prison parce qu’elles pensaient que les forces de sécurité indiennes les auraient torturés et tués.

5.3Les requérants répètent qu’ils sont recherchés par la police et que cela a été annoncé par le Chef de la cellule antiterroriste lors d’un entretien télévisé. Ils font valoir que l’affiche présentée aux autorités suisses est authentique et qu’elle contient des photos de deux d’entre eux, datant de l’époque où ils ont participé aux détournements d’avion. Ils ajoutent que plusieurs Sikhs rentrés d’Europe entre 2006 et 2008 ont été interrogés par la police à leur sujet.

5.4Les requérants soutiennent qu’ils sont des personnalités importantes de la Communauté sikhe européenne radicale. Ils réaffirment que les médias indiens ont évoqué leurs activités en de nombreuses occasions. Ils déclarent qu’en mars 2007, 27 organisations sikhes se sont réunies en Suisse et ont élaboré un mémorandum à l’intention de l’Organisation des Nations Unies et que l’un des requérants était le porte-parole de la réunion. Deux des requérants ont fait partie des représentants sikhs qui ont participé à une réunion avec le Rapporteur spécial sur la promotion et la protection des droits de l’homme et des libertés fondamentales dans la lutte antiterroriste, le 10 avril 2007. Les requérants affirment que les autorités indiennes veulent arrêter tous les «militants sikhs» et les «terroristes irréductibles», tels qu’eux-mêmes, et mentionnent une publication affichée sur le site Web du journal The Pioneer, datée du 2 octobre 2006, qui indique que les terroristes sikhs recherchés se sont réfugiés dans de nombreux pays, notamment en Suisse, et qui rapporte les paroles du Chef de la police du Penjab, qui a formulé le vœu que les gouvernements occidentaux reconsidèrent «la position qu’ils avaient adoptée consistant à accorder l’asile à de telles personnes».

5.5Les requérants soutiennent que la torture et les mauvais traitements en garde en vue, ainsi que les exécutions extrajudiciaires, restent largement répandus, et citent le Rapport de 2007 du Département d’État des États-Unis (2007 Country Report on Human Rights Practices) sur les pratiques en matière de droits de l’homme en Inde, selon lequel: «les autorités utilisent souvent la torture pendant les interrogatoires pour extorquer de l’argent et comme forme de punition sommaire […]»; «les groupes de défense des droits de l’homme ont affirmé que la nouvelle législation n’avait pas entraîné de diminution du nombre de cas de mauvais traitements ou de meurtre pendant la garde à vue»; «les forces de sécurité mettaient souvent en scène des homicides qui auraient eu lieu au cours d’affrontements pour couvrir la mort de rebelles et de terroristes non cachemiriens qu’elles avaient capturés et qui venaient du Pakistan ou d’autres pays. […] La plupart des postes de police n’étaient pas en conformité avec l’ordonnance rendue en 2002 par la Cour suprême, demandant au gouvernement central et aux autorités locales de procéder à des contrôles réguliers dans les postes de police pour surveiller les cas de violences durant la garde à vue».

Observations complémentaires de l’État partie

6.Le 17 février 2009, l’État partie a déclaré que les allégations des requérants ne permettaient pas de conclure qu’ils couraient réellement et personnellement un risque sérieux d’être soumis à la torture s’ils étaient expulsés vers l’Inde. Que les autorités indiennes veuillent arrêter les requérants ne signifiait pas nécessairement que ceux-ci seraient torturés. L’État partie renvoie à l’argument des requérants, qui affirment que plusieurs Sikhs ayant quitté l’Europe entre 2006 et 2008 pour revenir en Inde ont été interrogés par la police à leur sujet. Il fait valoir que, d’après la déclaration écrite faite par l’une de ces personnes, que les requérants ont eux-mêmes présentée, la personne en question n’a pas affirmé avoir été torturée.

Commentaires supplémentaires des requérants

7.Le 17 février 2010, les requérants ont présenté des documents complémentaires sur l’affaire d’un certain P. S. à l’appui de leurs affirmations. Ils soutiennent que, tout comme eux, P. S. a participé au détournement d’avion de 1984, a exécuté une peine de dix ans de prison au Pakistan, a mené une vie paisible au Canada pendant quinze ans, mais a été immédiatement arrêté à la suite de son expulsion vers l’Inde le 26 janvier 2010 et placé dans une prison de haute sécurité, où il a été détenu dans des conditions épouvantables. Des accusations seraient portées contre lui sur la base de la loi sur la sécurité nationale. Le 7 avril 2010, les requérants ont présenté une copie du document intitulé: «Motifs de la détention de M. P. S. au titre de la loi de 1980 sur la sécurité nationale», établi par le commissaire de police de Delhi, qui souligne que P. S. «est manifestement une personne représentant un danger pour les citoyens indiens» qu’il est «un ennemi de la nation, ce qui a été prouvé de manière incontestable par le fait qu’il a conduit l’avion détourné à Lahore», qu’il est «un criminel prêt à tout et endurci dont les activités sont préjudiciables à la sécurité de l’État, ainsi qu’au maintien de l’ordre public» et que «tout porte à croire que […], il se livrera à nouveau à ce type d’activités criminelles». Deux des requérants sont mentionnés dans le rapport comme complices (Dalip Singh Khalsa et Harminder Singh Khalsa). Les requérants déclarent qu’il est évident que la police indienne les accuserait de mener des activités contre le Gouvernement.

Observations complémentaires de l’État partie

8.Le 19 octobre 2010, l’État partie a souligné que les nouveaux documents présentés par les requérants ne permettaient pas de conclure qu’ils couraient réellement et personnellement un risque sérieux de torture s’ils étaient expulsés vers l’Inde. Il a noté que les requérants n’indiquaient pas si la détention décrite dans ces documents a été confirmée par les autorités compétentes. L’État partie a mentionné en outre la décision du Comité dans l’affaire no 99/1997, T.P.S. c. Canada, dans laquelle le Comité n’avait constaté aucune violation de l’article 3 de la Convention.

Commentaires complémentaires du requérant

9.Le 7 décembre 2010, l’un des requérants, Dalip Singh Khalsa, a indiqué que, le 25 novembre 2010, on lui avait accordé un permis de séjour ordinaire. En conséquence, le requérant a retiré sa plainte. Selon les informations émanant des autorités de l’État partie et soumises le 18 février 2011, on lui avait accordé un permis humanitaire, au motif qu’il était bien intégré dans la société suisse. Le 23 mars 2011, les requérants ont fait valoir que P. S. était toujours détenu et que sa demande de libération avait été rejetée par le tribunal le 9 février 2011 au motif qu’il représentait un danger pour la sécurité publique.

Délibérations du Comité

Examen de la recevabilité

10.1Avant d’examiner une plainte soumise dans une communication, le Comité contre la torture doit déterminer si la communication est recevable en vertu de l’article 22 de la Convention. Le Comité s’est assuré, comme il est tenu de le faire en vertu du paragraphe 5 a) et b) de l’article 22 de la Convention, que la même question n’a pas été et n’est pas actuellement examinée par une autre instance internationale d’enquête ou de règlement et que tous les recours internes disponibles ont été épuisés.

10.2Le Comité relève que l’État partie ne conteste pas la recevabilité de la requête et décide donc qu’elle est recevable en ce qui concerne le grief de violation de l’article 3 de la Convention, fondé sur le renvoi en Inde des requérants.

Examen au fond

11.1Le Comité prend note du fait que, le 25 novembre 2010, Dalip Singh Khalsa a reçu de l’État partie un permis de séjour ordinaire. Par conséquent, le Comité décide de ne pas examiner la partie de la requête concernant Dalip Singh Khalsa.

11.2Le Comité doit déterminer si le renvoi forcé en Inde des trois autres requérants constituerait un manquement de l’État partie à l’obligation, qui lui incombe au titre de l’article 3 de la Convention, de ne pas expulser ou refouler une personne vers un autre État où il y a des motifs sérieux de croire qu’elle risque d’être soumise à la torture. Afin de déterminer si, au moment de l’expulsion, il y aurait des motifs sérieux de croire que les requérants risquent d’être soumis à la torture s’ils sont renvoyés en Inde, le Comité doit tenir compte de tous les éléments pertinents, y compris l’existence d’un ensemble de violations graves et systématiques, flagrantes ou massives des droits de l’homme. Il s’agit cependant de déterminer si les intéressés risquent personnellement d’être soumis à la torture dans le pays vers lequel ils doivent être renvoyés.

11.3Le Comité prend note de la réponse de l’État partie qui affirme que, depuis 1993, la situation au Penjab est devenue plus stable, qu’un gouvernement élu dans le cadre d’élections libres a annoncé qu’il prendrait des mesures contre les fonctionnaires de police, que la loi sur le terrorisme et les activités de déstabilisation a été abolie et que le Bureau central d’enquête a engagé plus de 1 000 procédures contre des fonctionnaires de police accusés de conduite inappropriée. Le Comité fait toutefois observer que, selon les informations disponibles, dont des rapports récents du Rapporteur spécial sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants et du Rapporteur spécial sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires, les mauvais traitements et la torture auxquels sont soumises les personnes en détention, ainsi que les décès en garde à vue ou à l’issue de la détention demeurent un problème en Inde. Les Rapporteurs spéciaux ont fait part également de leur préoccupation concernant des actes criminels commis par des fonctionnaires qui seraient restés impunis. Dans certaines affaires relatives à des accusations de décès ou de mauvais traitements en détention, les autorités auraient tenté de bloquer l’enquête, de détruire des preuves, ou se seraient abstenues d’enquêter.

11.4Le Comité note la réponse de l’État partie, qui indique que les requérants n’ont pas affirmé avoir été torturés ou maltraités en Inde et que la situation actuelle des Sikhs dans ce pays et, en particulier, des autres participants aux détournements d’avion, montre que les requérants ne courent aucun risque d’être torturés s’ils sont renvoyés en Inde. Le Comité rappelle toutefois que la question de savoir si le requérant a été soumis à la torture dans le passé ne constitue que l’un des éléments qu’il estime pertinent de prendre en compte pour l’examen au fond de l’affaire. Il fait observer que les requérants ont soumis des informations concernant des affaires similaires à la leur, dans lesquelles des personnes qui avaient participé à des détournements d’avion avaient été arrêtées, détenues dans des conditions inhumaines, torturées et/ou tuées. Le Comité rappelle son Observation générale no 1 (1997) sur l’application de l’article 3, dans laquelle il stipule que le risque de torture «doit être apprécié selon des éléments qui ne se limitent pas à de simples supputations ou soupçons» et que «[e]n tout état de cause, il n’est pas nécessaire de montrer que le risque couru est hautement probable».

11.5Le Comité note que l’État partie met en doute le fait que les autorités judiciaires en Inde recherchent toujours les requérants et fait valoir que même si tel était le cas cela ne permettrait pas en soi de conclure qu’ils seraient soumis à un traitement contraire à la Convention. Le Comité fait toutefois observer que les requérants sont manifestement connus des autorités comme des militants sikhs et qu’ils ont présenté aux autorités suisses et au Comité plusieurs déclarations faites en Inde par des agents de l’État qui les citaient par leur nom, ce qui prouve que les autorités judiciaires les recherchaient encore en 2005. Le Comité relève aussi que les requérants sont bien connus des autorités indiennes en raison de leurs activités politiques en Suisse et du rôle de meneurs qu’ils jouent dans la communauté sikhe à l’étranger. Le Comité estime par conséquent que les requérants ont apporté assez d’éléments de preuve montrant qu’ils suscitent suffisamment d’intérêt pour courir le risque d’être torturés s’ils sont arrêtés.

11.6Le Comité prend note de la réponse de l’État partie, qui affirme que de nombreux militants sikhs sont rentrés en Inde, que différents États comptent un grand nombre de Sikhs et que, par conséquent, les requérants ont la possibilité de se réinstaller dans un État de l’Inde autre que leur État d’origine. Le Comité fait toutefois observer que certains Sikhs supposés avoir participé à des activités terroristes ont été arrêtés par les autorités à leur arrivée à l’aéroport et immédiatement conduits en prison et accusés de diverses infractions. Le Comité prend aussi note des éléments de preuve qui lui ont été soumis et qui indiquent que la police indienne a continué à rechercher les requérants et à interroger leur famille sur l’endroit où ils se trouvaient longtemps après qu’ils eurent fui en Suisse. À la lumière de ces considérations, le Comité n’est pas d’avis qu’il serait possible aux intéressés de mener une vie à l’abri de la torture dans d’autres parties de l’Inde.

11.7En outre, le Comité considère que l’Inde n’étant pas partie à la Convention, les requérants courent le risque, en cas d’expulsion vers ce pays, non seulement d’être soumis à la torture, mais aussi de ne plus avoir la possibilité juridique de saisir le Comité pour être protégés.

11.8Au vu de ce qui précède, le Comité conclut que les requérants ont démontré qu’ils couraient un risque personnel, actuel et prévisible d’être soumis à la torture s’ils étaient renvoyés en Inde. Le Comité contre la torture, agissant en vertu du paragraphe 7 de l’article 22 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, conclut qu’en l’espèce le renvoi des requérants en Inde constituerait une violation de l’article 3 de la Convention.

11.9Les causes des familles du premier et du deuxième requérant dépendant des causes de ces derniers, le Comité n’estime pas nécessaire de les examiner séparément.

12.Conformément au paragraphe 5 de l’article 118 de son règlement intérieur (CAT/C/3/Rev.5), le Comité souhaite recevoir, dans un délai de quatre-vingt-dix-jours, des renseignements sur les mesures que l’État partie aura prises pour donner suite à la présente décision.

Communication no 338/2008: Mondal c. Suède

Présentée par:

Uttam Mondal (représenté par un conseil, Gunnel Stunberg)

Au nom de:

Uttam Mondal

État partie:

Suède

Date de la requête:

30 novembre 2007 (lettre initiale)

Le Comité contre la torture, institué en vertu de l’article 17 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,

Réuni le 23 mai 2011,

Ayant achevé l’examen de la requête no 338/2008 présentée par Gunnel Stunberg au nom de Uttam Mondal en vertu de l’article 22 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,

Ayant tenu compte de toutes les informations qui lui ont été communiquées par le requérant, son conseil et l’État partie,

Adopte ce qui suit:

Décision au titre du paragraphe 7 de l’article 22 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumainsou dégradants

1.1Le requérant est Uttam Mondal, de nationalité bangladaise, qui est actuellement en attente d’expulsion de la Suède. Il affirme que son expulsion vers le Bangladesh constituerait une violation par la Suède de l’article 3 de la Convention contre la torture ou autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Il est représenté par un conseil, Gunnel Stunberg.

1.2Conformément au paragraphe 1 de l’article 108 de son règlement intérieur (CAT/C/3/Rev.4), le Comité a prié l’État partie de ne pas expulser le requérant tant que sa requête serait à l’examen.

Rappel des faits présentés par le requérant

2.1Au Bangladesh, le requérant militait pour un parti politique appelé Bikolpo Dhara Bangladesh (BDB). Le BDB a été créé en 2003 et le requérant y a adhéré à la fin de la même année. En 2004, il est devenu Président d’une organisation de jeunes du parti, la Juba Dhara, dans le district de Sreenagar. Il a organisé des réunions et des manifestations et prononcé des discours, en liaison étroite avec le professeur Chowdhury, fondateur du parti, et son fils Mahi Chowdhury. Il a également aidé à mettre en place des comités locaux du parti.

2.2En 2004, Mahi Chowdhury a été élu député pour le BDB. Le requérant, qui avait activement pris part à la campagne électorale, aurait reçu plusieurs menaces de mort de militants du parti national du Bangladesh (BNP), opposé au BDB. Tout comme le professeur Chowdhury, il avait été membre du BNP avant la création du BDB et son affiliation au nouveau parti. Les militants du BNP ont menacé de le tuer, de porter de fausses accusations contre lui auprès de la police, de kidnapper son frère et de détruire sa maison. Dans le même temps, plusieurs partisans du BDB ont été persécutés par la police.

2.3Le 20 juin 2004, alors qu’il célébrait la victoire du BDB, un ami proche du requérant a été tué par des partisans du BNP. Le 21 juin 2004, le BDB a organisé une manifestation pour protester contre cet assassinat. Lorsque le requérant est rentré chez lui, la police l’a arrêté et l’a informé qu’il était soupçonné d’avoir tué son ami en raison de leur rivalité politique. Il a été emmené au poste de police et inculpé de meurtre. Les policiers lui ont demandé d’avouer les faits et lorsqu’il a refusé, il lui ont donné des coups de barre de fer sur la plante des pieds et l’ont suspendu la tête en bas, frappé à coup de crosse de fusil et roué de coups de poing et brûlé avec des cigarettes sur le dos. Ils auraient également introduit une barre de fer chaude dans son rectum, ce qui lui aurait fait perdre connaissance. Il a été gardé au poste de police pendant quarante-huit heures puis libéré, pour la seule raison que Mahi Chowdhury avait versé un pot-de-vin à la police. À sa remise en liberté, le requérant s’est rendu à la clinique de Dhaka, où il a été traité pendant une semaine.

2.4Le 10 août 2004, le requérant a été arrêté une nouvelle fois. Il était accusé d’avoir attaqué l’escorte motorisée de Khaleda Zia’s en 1999. Le requérant a été maintenu en garde à vue pendant trois jours puis libéré de nouveau après le versement d’un pot-de-vin. Pendant sa détention, les policiers lui auraient demandé de témoigner contre les autres personnes accusées de l’attaque en question et, devant son refus de coopérer, trois d’entre eux l’auraient violé. Après sa libération, il a été admis à l’hôpital, où il est resté cinq jours.

2.5Le requérant appartient à la communauté hindoue, minorité religieuse qui serait victime de harcèlement et de persécutions. Il affirme que les musulmans tentent de s’approprier les terres des Hindous par la force ou en utilisant de faux documents et détruisent leurs lieux de culte. Le temple de la famille du requérant faisait partie de ceux qui ont été détruits. Les femmes hindoues sont violées et les Hindous sont victimes de discrimination systématique au travail.

2.6Le requérant déclare qu’il est un homosexuel actif. Un de ses amis musulmans aurait dévoilé son homosexualité à d’autres personnes, à la suite de quoi l’imam local aurait prononcé une fatwa le condamnant à mort. Quelques jours après la remise en liberté du requérant après sa deuxième arrestation, sa maison a été cernée par un groupe de musulmans qui étaient à sa recherche et qui ont fait subir des violences à sa famille et causé des dégâts matériels importants, vandalisant l’épicerie familiale. Le requérant affirme que l’hindouisme interdit aussi les relations homosexuelles et qu’il a eu des problèmes avec sa famille pour cette raison. Lorsqu’il a décidé de quitter sa ville natale, on lui jetait des pierres et sa famille refusait de lui parler.

2.7Le requérant est alors parti pour Dhaka. Là, il s’est rendu compte qu’il était recherché non seulement par les extrémistes islamistes mais aussi par la police en raison des fausses accusations portées contre lui et de son homosexualité. Il a alors décidé de quitter le pays. Mahi Chowdhury a organisé son départ par avion, en faisant appel à un passeur. Le requérant affirme avoir commis une tentative de suicide lorsqu’il était à Dhaka.

2.8À son arrivée en Suède, le requérant a pris contact avec sa famille et a appris que l’imam local et d’autres personnes avaient forcé ses proches à partir de chez eux. Le compagnon du requérant a également été obligé de quitter le Bangladesh peu après son départ.

2.9À l’appui de ses allégations, le requérant a présenté son passeport national, la fatwa prononcée contre lui ainsi que des documents attestant qu’il était membre du BDB, un article de presse et une revue médicale suédoise.

2.10Le 15 juin 2005, le Conseil des migrations a rejeté la demande d’asile du requérant. Il a fait valoir que son identité n’avait pas pu être établie, car son passeport était abimé. Les activités politiques du requérant n’ont pas été mises en doute mais le Conseil a noté qu’elles étaient restées limitées à la fois dans le temps et géographiquement. En ce qui concerne les allégations de torture, le Conseil a conclu qu’il s’agissait d’un acte isolé et que le requérant aurait dû porter plainte devant une autorité supérieure. Le Conseil n’a trouvé aucun élément prouvant que le requérant faisait l’objet d’une procédure pénale au Bangladesh. Il a par ailleurs considéré que la religion du requérant ne lui avait pas causé de problèmes tels qu’il aurait besoin d’une protection. Il a reconnu que l’homosexualité était incriminée au Bangladesh et pouvait être punie de l’emprisonnement à vie. Dans la pratique, toutefois, les homosexuels n’étaient victimes d’aucune persécution active au Bangladesh.

2.11En appel, le requérant a déclaré que Mahi Chowdhury, avec lequel il avait eu des contacts en août 2005, l’avait informé que la police continuait d’enquêter sur lui. La procédure en était à un stade préliminaire et demeurait confidentielle. Le requérant déclare en outre que sa famille a disparu. Il fait par ailleurs valoir que les quelques pages qui manquaient de son passeport n’étaient pas celles qui contenaient son nom, son adresse, sa photographie, etc. En ce qui concerne ses activités politiques, il affirme qu’il a été torturé et arrêté à deux reprises en raison de celles-ci, même si elles n’étaient que locales.

2.12En ce qui concerne sa religion et son homosexualité, le requérant souligne que ces deux facteurs combinés aggravent sa situation au Bangladesh. Étant hindou, il est davantage susceptible d’être condamné à une peine de prison à vie en raison de son homosexualité que s’il était musulman. De plus, il souligne que le Conseil des migrations n’a formulé aucun commentaire sur la fatwa prononcée contre lui.

2.13La Commission de recours des étrangers ayant cessé d’exister en mars 2006, le tribunal des migrations de Stockholm a été saisi de la plainte du requérant. Ce dernier y a ajouté, notamment, des certificats médicaux délivrés en 2006 et 2007 par des spécialistes suédois, qui avaient conclu qu’il souffrait de stress post-traumatique et de dépression et avait besoin d’un traitement continu de longue durée.

2.14Le 3 avril 2007, le tribunal a conclu que les informations dont il disposait ne lui permettaient pas de mettre en doute la crédibilité de M. Mondal. Il a toutefois considéré que le requérant n’avait pas établi qu’il serait persécuté au Bangladesh en raison de ses opinions politiques passées. Il a également conclu que le requérant n’avait pas prouvé qu’il serait persécuté en raison de son homosexualité. En ce qui concerne la persécution fondée sur la religion, le tribunal a considéré que le simple fait d’appartenir à une minorité ne constituait pas une raison suffisante. Enfin, les éléments fournis par le requérant n’avaient pas permis au tribunal d’établir qu’il existait des raisons sérieuses de croire qu’il courrait le risque d’être condamné à mort ou soumis à des mauvais traitements ou des actes de torture s’il était de nouveau arrêté. Le tribunal a statué que le requérant ne pouvait pas recevoir de permis de séjour pour raison humanitaire.

2.15Le requérant a fait appel de cette décision devant la Cour d’appel pour les affaires d’immigration, qui l’a débouté le 31 août 2007.

Teneur de la plainte

3.1Le requérant renvoie à des rapports d’organisations non gouvernementales sur les violations des droits de l’homme au Bangladesh et affirme que son renvoi au Bangladesh constituerait une violation par la Suède des droits qui lui sont reconnus en vertu des articles 3 et 16 de la Convention.

3.2Le 16 avril 2008, conformément au paragraphe 1 de l’article 108 de son règlement intérieur (CAT/C/3/Rev.4), le Comité a prié l’État partie de ne pas expulser le requérant vers le Bangladesh tant que sa requête serait à l’examen.

Observations de l’État partie sur la recevabilité et sur le fond

Examen de la recevabilité

4.1Dans une note du 30 octobre 2008, l’État partie a reconnu que tous les recours internes avaient été épuisés. Il soutient néanmoins que l’affirmation du requérant selon laquelle il risquerait d’être traité d’une manière qui constituerait une violation de l’article 3 de la Convention s’il était expulsé au Bangladesh n’est pas étayée par le minimum de preuves requis.

4.2En ce qui concerne les griefs tirés de l’article 16 de la Convention, l’État partie conteste la possibilité d’appliquer cet article. Il renvoie à la jurisprudence du Comité et fait valoir que cette partie de la requête devrait être déclarée irrecevable ratione materiae. Il affirme que les griefs tirés de l’article 16 sont incompatibles avec les dispositions de la Convention et ne sont pas étayés par le minimum de preuves requis.

Examen au fond

4.3L’État partie reconnaît que la situation des droits de l’homme au Bangladesh est problématique. Même si la législation nationale en matière de protection des droits de l’homme est très complète, dans la pratique, la situation laisse à désirer. L’État partie renvoie aux rapports de plusieurs organisations de défense des droits de l’homme et organismes et fait valoir que la violence est omniprésente dans la vie politique au Bangladesh. Les heurts entre partisans des différents partis et avec la police sont fréquents lors des rassemblements et des manifestations. Bien que la Constitution du Bangladesh interdise la torture et les traitements cruels, inhumains ou dégradants, la police aurait recours à la torture, aux passages à tabac et à d’autres formes de violence pendant les interrogatoires de suspects. Les auteurs d’actes de torture sont rarement sanctionnés. En janvier 2007, après la déclaration de l’état d’urgence et le report des élections, la situation des droits de l’homme s’est aggravée. Bien que le nombre d’exécutions extrajudiciaires par les forces de sécurité ait sensiblement diminué, des violations graves continuent d’être commises. Le Gouvernement respecte généralement le droit de pratiquer la religion de son choix mais les minorités religieuses sont défavorisées dans la pratique, notamment sur le plan de l’accès à l’emploi dans le secteur public et aux postes politiques. Près de 10 % de la population est hindoue. Si les actes homosexuels sont illégaux, la législation n’est cependant pas appliquée de façon systématique.

4.4L’État partie renvoie à la jurisprudence du Comité et déclare que les préoccupations relatives à la situation des droits de l’homme au Bangladesh ne permettent pas de conclure que les personnes susceptibles d’être arrêtées et inculpées courent ipso facto un risque réel d’être soumises à la torture. Il fait valoir également que les éléments portés à la connaissance du Comité ne montrent pas que le requérant courrait aujourd’hui le risque d’être persécuté pour des raisons politiques ni qu’il serait particulièrement vulnérable s’il était placé en détention. En conséquence, même s’il était établi que le requérant risque d’être arrêté à son retour au Bangladesh, ceci ne constituerait pas un motif sérieux de croire qu’il risque d’être soumis à la torture.

4.5L’État partie fait valoir que plusieurs dispositions des lois de 1989 et de 2005 sur les étrangers reflètent les principes énoncés au paragraphe 1 de l’article 3 de la Convention. Les autorités suédoises appliquent donc le même type de critères que le Comité lorsqu’elles examinent une demande d’asile conformément à la loi sur les étrangers. Ainsi, l’autorité nationale chargée des entretiens avec les demandeurs d’asile est naturellement bien placée pour apprécier les informations présentées par ceux-ci et pour évaluer la crédibilité de leurs affirmations. En l’occurrence, le Conseil des migrations a rendu sa décision après deux entretiens avec le requérant. Le deuxième de ces entretiens a duré deux heures. Le Conseil disposait donc de renseignements suffisants, compte tenu également de la documentation réunie, pour évaluer sur une base solide les besoins du requérant en matière de protection.

4.6L’État partie ajoute que le requérant n’a fourni au Comité aucune explication détaillée sur les raisons pour lesquelles son expulsion vers le Bangladesh constituerait une violation de la Convention. Le requérant s’en est tenu au fait qu’il risquait d’être arrêté à son retour au Bangladesh et donc d’être soumis à la torture. Sa requête est trop vague et imprécise et manque de détails sur les points importants devant être examinés quant au fond.

4.7La situation politique au Bangladesh a changé depuis que le requérant a quitté le pays. D’après les affirmations du requérant, les persécutions et les fausses accusations dont il a été victime étaient le fait du parti au pouvoir, le BNP. Le requérant a soumis une lettre non datée émanant de Mahi Chowdhury, qui faisait savoir qu’il était menacé par des membres du BNP. Toutefois, ce parti n’est plus au pouvoir au Bangladesh. Le pays est actuellement dirigé par un Gouvernement intérimaire et le restera jusqu’à la tenue d’élections générales. Le BNP n’ayant plus le même statut qu’à l’époque où le requérant a quitté le Bangladesh, le risque pour celui-ci d’être harcelé par les autorités à l’instigation de ce parti devrait avoir diminué considérablement.

4.8L’État partie affirme en outre que le requérant n’a fourni, en dehors de la déclaration susmentionnée de Mahi Chowdhury, aucun document démontrant que les autorités bangladaises continuaient de s’intéresser à lui en raison de ses activités politiques ou pour tout autre motif. Pendant son deuxième entretien avec les services d’immigration suédois, le requérant a déclaré qu’il ne possédait aucun document concernant les fausses accusations portées contre lui. Il a également déclaré qu’il n’avait déposé aucune plainte contre les policiers qui l’avaient maltraité. Il n’a pas non plus donné de précision sur l’état des poursuites qui auraient été engagées contre lui. Il a fait valoir qu’il n’était pas possible de rassembler des éléments de preuve tant que l’enquête préliminaire était en cours. Toutefois, d’après l’État partie, il aurait mentionné devant le Conseil des migrations un document qui lui aurait été montré à l’hôpital de Dhaka et qui contenait une liste de suspects, sur laquelle figurait son nom. Il serait également parvenu à obtenir d’autres documents venant du Bangladesh, par l’intermédiaire de la personne qui lui avait montré la liste en question. L’État partie met donc en doute l’impossibilité pour le requérant de rassembler des éléments sur les procédures qui, selon ses allégations, auraient été engagées contre lui.

4.9L’État partie renvoie également aux décisions du Conseil des migrations et du tribunal des migrations, qui ont mis en avant le fait que le requérant n’avait pas joué un rôle de premier plan au sein du parti. Il affirme que, compte tenu de la durée de ses activités politiques (moins d’un an) et du laps de temps qui s’est écoulé depuis l’époque où il militait et où il aurait été victime d’actes de torture, le requérant ne devrait pas être une personnalité politique d’une telle importance et d’un tel intérêt pour les autorités qu’il coure le risque d’être persécuté à son retour. Le parti auquel appartenait le requérant a fusionné avec le Parti démocrate libéral et n’existe donc plus. Si un risque de persécution persistait, il serait de nature très locale et le requérant pourrait en tout état de cause préserver sa sécurité en se déplaçant dans le pays.

4.10En ce qui concerne les actes de torture subis par le requérant, l’État partie note que le Conseil des migrations a rejeté la demande d’examen médical de ce dernier. Il fait valoir que le requérant ne semble pas avoir insisté pour obtenir cet examen par la suite et qu’il n’a pas non plus fourni de son propre chef des pièces à l’appui de ses allégations de torture. Les rapports médicaux soumis par le requérant aux services d’immigration suédois et au Comité portent essentiellement sur sa santé mentale. Seules les deux autorisations de sortie de l’hôpital de Dhaka attestent de blessures par coupures et lacération. L’État partie renvoie à la jurisprudence du Comité et fait valoir que l’examen de la communication par le Comité a pour but de déterminer si le requérant risquerait aujourd’hui d’être torturé s’il était renvoyé dans son pays. Même si le Comité considérait qu’il a été établi que le requérant a été victime d’actes de torture commis par la police bangladaise comme il l’affirme, ceci ne signifierait pas pour autant que le requérant a étayé l’affirmation selon laquelle il risquerait d’être torturé s’il était renvoyé dans son pays.

4.11L’État partie renvoie aux conclusions du tribunal des migrations concernant l’orientation sexuelle du requérant et le fait que sa famille en avait connaissance. Le requérant et son compagnon entretenaient une relation depuis 1997 et vivaient ensemble au domicile du requérant. Ce dernier a déclaré que personne n’avait trouvé cette situation étrange car il n’était pas inhabituel que deux hommes vivent ensemble. Il paraît difficile qu’il ait pu cacher son orientation sexuelle à sa famille alors que sa relation avec un homme durait depuis si longtemps. L’État partie déclare que les actes homosexuels sont illégaux au Bangladesh en vertu du Code pénal. La peine encourue peut aller jusqu’à l’emprisonnement à vie. Toutefois, d’après les informations qui figurent dans les rapports sur les droits de l’homme au Bangladesh, il est rare que des poursuites soient engagées en vertu de cette disposition. En outre, ces rapports ne permettent pas de conclure que les autorités bangladaises persécutent activement les homosexuels ou qu’il existe un besoin général de protection des demandeurs d’asile homosexuels originaires du Bangladesh. Le principal problème est la stigmatisation sociale des homosexuels et des autres personnes qui vivent en dehors des normes de la société bangladaise. Le requérant n’a pas étayé, que ce soit par des documents ou par d’autres moyens, l’affirmation selon laquelle les autorités bangladaises s’intéresseraient à lui en raison de son orientation sexuelle. Si tel était toutefois le cas, il lui resterait sans aucun doute la possibilité de vivre et de travailler dans d’autres régions du Bangladesh où il n’est pas encore connu. Le certificat de la Fédération suédoise de défense des lesbiennes, gay, bisexuels et transgenres présenté par le requérant ne constitue pas un avis d’expert, contrairement à ce qu’il affirme. Il en va de même du certificat établi ultérieurement par la Fédération, en date du 27 janvier 2007, qui a également été soumis au Comité.

4.12L’État partie indique que, pour étayer l’affirmation selon laquelle il risque d’être persécuté voire tué par les extrémistes islamistes en raison de son orientation sexuelle, le requérant a présenté une affiche de la fatwa proclamée contre lui. Cette affiche, sur laquelle apparaît son visage, a été diffusée à différents endroits mais le requérant ignore si elle l’a été dans tout le pays. L’État partie fait valoir que le Bangladesh est un État laïc, même si la religion est au cœur des programmes de certains partis politiques, et que la charia n’y est pas officiellement appliquée. Il doute que les intégristes islamistes s’intéresseraient toujours au requérant, étant donné le laps de temps qui s’est écoulé depuis qu’il a quitté le Bangladesh. D’après les renseignements disponibles en ce qui concerne le Bangladesh, la fatwa est sans effet juridique. Si toutefois il existait un risque, celui-ci serait certainement de nature locale, si bien que le requérant pourrait assurer sa sécurité en se déplaçant à l’intérieur du pays. L’État partie reconnaît que le Conseil des migrations ne s’est pas penché sur la fatwa mais souligne que le requérant ne sait pas quelle a été sa diffusion et n’a aucun élément de preuve à ce sujet.

4.13Pour ce qui est de l’affirmation du requérant selon laquelle les Hindous ne sont pas libres de pratiquer leur religion, sont victimes de tentatives d’appropriation illégale de leurs terres par les musulmans et sont défavorisés en matière d’accès à l’emploi, l’État partie fait observer que les difficultés que peuvent rencontrer les groupes minoritaires comme les Hindous au Bangladesh peuvent difficilement être considérés comme une forme de persécution de la part des autorités nationales, et moins encore comme de la torture au sens de l’article premier de la Convention. L’État partie renvoie aux rapports sur la situation des droits de l’homme dans le pays et conclut que les persécutions dont les Hindous peuvent être victimes pour des motifs religieux ne sont en aucun cas le fait de l’État. Elles ne se produisent pas non plus avec son consentement ou son approbation. En ce qui concerne l’incident au cours duquel des membres de la famille du requérant ont été attaqués et leur temple familial détruit, auquel le requérant fait référence, l’État partie note que ce dernier n’était pas présent au moment des faits et que rien n’indique que lui-même ait été victime de persécutions religieuses.

4.14Pour ce qui est des griefs tirés de l’article 16, l’État partie fait valoir que le requérant n’explique pas en quoi il y aurait violation de cet article. Il rappelle la jurisprudence du Comité et affirme que l’aggravation de l’état de santé du requérant du fait de son renvoi ne constituerait pas un traitement cruel, inhumain ou dégradant au sens de l’article 16 de la Convention.

4.15L’État partie cite le rapport de Ziad Yanes, psychiatre, qui a été soumis par le requérant et qui, selon lui, n’est rien d’autre qu’une relation de l’histoire du requérant. Ce dernier a également soumis deux certificats médicaux établis par le docteur Asa Magnusson. L’État partie affirme que le requérant a déclaré lors de son entretien initial qu’il était inquiet mais ne souffrait d’aucune maladie mentale, tandis que les rapports médicaux font apparaître que sa santé s’est détériorée depuis son arrivée en Suède. D’après les certificats établis par le docteur Magnusson, l’état de santé du requérant s’est amélioré en raison du traitement qu’il a reçu. L’État partie affirme que le requérant pourrait, s’il en avait besoin, recevoir des soins de santé mentale dans son pays, tout au moins dans les grandes villes. En conséquence, l’aggravation éventuelle de ses problèmes de santé du fait de son expulsion ne constituerait pas une forme de mauvais traitement visée à l’article 16.

Commentaires du requérant sur les observations de l’État partie sur la recevabilité et sur le fond

5.1Par une note datée du 4 septembre 2009, le requérant a soumis un résumé des résultats de l’enquête médicale sur ses blessures résultant de tortures, qui font apparaître qu’il a été torturé à deux reprises en 2004 par la police bangladaise. Le requérant décrit les méthodes de torture employées, parmi lesquelles les coups de poing américain, de barre de fer, de crosse de fusil et de matraque. Il affirme également avoir été blessé à coups de baïonnette, brûlé avec des cigarettes, fouetté sous les pieds et suspendu la tête en bas, avoir reçu le «traitement à l’eau» et avoir été violé. Depuis, il souffrirait de douleurs chroniques dans les articulations, de douleurs dans les pieds lorsqu’il marche et de démangeaisons. Le requérant fournit également le résumé des conclusions d’un certain docteur Edston, qui a constaté qu’il avait des cicatrices à la tête, aux deux bras, au torse et aux deux jambes.

5.2Le requérant soumet le résumé d’un rapport médical établi par un certain docteur Soegndergaard, qui déclare que le requérant a été hospitalisé en raison de tentatives de suicide et confirme qu’il présente clairement des symptômes de troubles post-traumatiques.

5.3En réponse à l’argument de l’État partie selon lequel il n’a pas apporté le minimum d’éléments de preuve requis aux fins de la recevabilité, le requérant fait valoir qu’il a exposé les motifs pour lesquels il courrait personnellement un risque s’il retournait au Bangladesh. Il affirme que les éléments soumis, y compris les certificats médicaux, montrent qu’il a été victime d’actes de torture commis par les autorités bangladaises et qu’il reste exposé à un risque réel, personnel et prévisible d’être soumis à la torture s’il était renvoyé au Bangladesh.

5.4Le requérant affirme que l’État partie n’a absolument pas démontré en quoi ses griefs étaient manifestement sans fondement. Les documents qu’il a fournis et ses déclarations contiennent des renseignements détaillés et précis. Étant donné qu’il est fortement traumatisé, on ne peut pas attendre de lui qu’il donne un récit exact et détaillé de tout ce qui s’est produit, ce qui n’est pas humainement possible.

5.5En ce qui concerne la situation générale au Bangladesh, le requérant affirme que celle-ci est loin de s’être améliorée: si la ligue Awami a remporté les élections de décembre 2008, le BNP a toujours un certain pouvoir et ses opposants continuent d’être persécutés.

Délibérations du Comité

Examen de la recevabilité

6.1Avant d’examiner toute plainte soumise dans une communication, le Comité contre la torture doit déterminer si la plainte est recevable en vertu de l’article 22 de la Convention. Le Comité s’est assuré, comme il est tenu de le faire conformément au paragraphe 5 a) de l’article 22 de la Convention, que la même question n’a pas été examinée et n’est pas en cours d’examen devant une autre instance internationale d’enquête ou de règlement.

6.2Conformément au paragraphe 5 b) de l’article 22 de la Convention, le Comité n’examine aucune communication avant de s’être assuré que le requérant a épuisé tous les recours internes disponibles. Il note que l’État partie a reconnu en l’espèce que les recours internes ont été épuisés et conclut par conséquent que le requérant a satisfait aux prescriptions du paragraphe 5 b) de l’article 22.

6.3Le Comité note qu’aucun argument ni élément de preuve n’ont été présentés à l’appui du grief tiré de l’article 16 de la Convention, et conclut par conséquent que ce grief n’a pas été étayé aux fins de la recevabilité. Cette partie de la communication est par là même irrecevable.

6.4Pour ce qui est de l’allégation de violation de l’article 3, le Comité considère que les arguments dont il est saisi soulèvent des questions de fond, qui doivent être examinées sur le fond et pas seulement au regard de la recevabilité. En conséquence, le Comité juge cette partie de la communication recevable et procède à son examen sur le fond.

Examen au fond

7.1Le Comité doit déterminer si, en renvoyant le requérant au Bangladesh, l’État partie manquerait à l’obligation qui lui est faite en vertu du paragraphe 1 de l’article 3 de la Convention de ne pas expulser ou refouler un individu vers un autre État où il y a des motifs sérieux de croire qu’il risque d’être soumis à la torture.

7.2Le Comité doit déterminer, conformément au paragraphe 1 de l’article 3, s’il existe des motifs sérieux de croire que le requérant risquerait d’être soumis à la torture s’il était renvoyé au Bangladesh. Pour cela, le Comité doit tenir compte de toutes les considérations pertinentes, conformément au paragraphe 2 de l’article 3, y compris de l’existence d’un ensemble de violations systématiques des droits de l’homme, graves, flagrantes ou massives. À ce sujet, le Comité note que l’État partie a reconnu que la situation générale des droits de l’homme avait empiré au Bangladesh et que la police avait recours à la torture, aux passages à tabac et à d’autres formes de violence pendant les interrogatoires de suspects.

7.3Cependant, le présent examen a pour but de déterminer si le requérant court personnellement un risque d’être soumis à la torture après son retour au Bangladesh. L’existence d’un ensemble de violations systématiques des droits de l’homme dans le pays ne constituerait pas en soi un motif suffisant pour établir que l’intéressé risquerait d’être soumis à la torture à son retour dans ce pays; il doit exister des motifs spécifiques donnant à penser que l’intéressé courrait personnellement un risque. Le Comité note que le requérant affirme courir un risque particulier d’être soumis à la torture au Bangladesh en raison de sa religion et de son orientation sexuelle. L’État partie soutient que les persécutions des Hindous pour des motifs religieux qui peuvent se produire dans le pays ne sont pas le fait de l’État et que le requérant n’a soumis aucun document à l’appui de cette affirmation. En ce qui concerne l’orientation sexuelle du requérant, l’État partie reconnait que les actes homosexuels sont illégaux au Bangladesh en vertu du Code pénal et que la peine encourue peut aller jusqu’à la prison à vie. À ce sujet, le Comité note que l’argument de l’État partie faisant valoir que les autorités bangladaises ne persécutent pas activement les homosexuels n’écarte pas l’éventualité que des poursuites soient engagées.

7.4Pour ce qui est de la fatwa prononcée contre le requérant en raison de son orientation sexuelle, le Comité considère que l’argument invoqué par l’État partie, à savoir que le requérant ne savait pas quelle avait été la diffusion de l’affiche annonçant cette fatwa, et que cette diffusion n’avait pu avoir qu’un caractère local, est injustifié car il serait impossible pour le requérant de prouver le contraire étant donné qu’il ne se trouve pas dans le pays. De surcroît, la notion de «risque de nature locale» ne permet pas d’utiliser un critère mesurable et ne suffit pas à dissiper totalement le risque couru personnellement par le requérant d’être torturé. Le Comité note également l’argument invoqué par l’État partie selon lequel les intégristes islamistes ne paraissent pas s’intéresser au requérant, étant donné le laps de temps qui s’est écoulé depuis qu’il a quitté le Bangladesh, mais il considère que l’État partie n’a pas fourni suffisamment d’arguments pour démontrer en quoi le laps de temps écoulé a réduit le risque de persécution que court le requérant en raison de son orientation sexuelle.

7.5En ce qui concerne les arguments invoqués par le requérant qui affirme qu’il sera persécuté en raison de ses activités politiques passées, le Comité prend note de l’argument de l’État partie selon lequel le BNP n’est plus le parti au pouvoir au Bangladesh et ne joue plus le même rôle que lorsque le requérant a quitté le Bangladesh. Le Comité note toutefois que la situation politique reste instable au Bangladesh, où règnent la violence et les rivalités entre les divers partis politiques et où de nombreux incidents violents d’origine politique continuent à se produire. Le Comité note également que l’État partie n’a contesté le fait que le requérant a été torturé dans le passé, même si, de l’avis de l’État partie, il s’agissait d’un acte isolé. En outre, l’État partie reconnaît que la torture est encore pratiquée au Bangladesh et que les responsables de ces actes sont rarement sanctionnés.

7.6Pour ce qui est des rapports médicaux fournis par le requérant en ce qui concerne les séquelles d’actes de torture, le Comité rappelle sa jurisprudence selon laquelle le fait qu’une personne a déjà été torturée n’est qu’un des éléments pris en considération pour déterminer si elle court personnellement le risque d’être torturée en cas de renvoi dans son pays d’origine mais il note que les rapports médicaux confirment un lien de causalité entre les lésions corporelles du requérant, son état psychologique actuel et les mauvais traitements subis en 2004.

7.7Compte tenu de ce qui précède, et en particulier des conclusions des rapports médicaux, des activités politiques passées du requérant et du risque qu’il court d’être persécuté en raison de son homosexualité conjugué au fait qu’il appartient à un groupe minoritaire hindou, le Comité considère que le requérant a fourni suffisamment d’éléments de preuves pour montrer qu’il court personnellement un risque réel et prévisible d’être soumis à la torture s’il était renvoyé dans son pays d’origine. Dans ces circonstances, le Comité conclut que l’expulsion du requérant vers le Bangladesh constituerait une violation par l’État partie des obligations qui lui incombent en vertu de l’article 3 de la Convention.

7.8Le Comité contre la torture, agissant en vertu du paragraphe 7 de l’article 22 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, estime que la décision de l’État partie de renvoyer le requérant au Bangladesh constituerait une violation de l’article 3 de la Convention.

8.Conformément au paragraphe 5 de l’article 112 de son règlement intérieur, le Comité souhaite être informé, dans un délai de quatre-vingt-dix jours, des mesures prises par l’État partie pour donner suite à cette décision.

Communication no 339/2008: Amini c. Danemark

Présentée par:

Said Amini (représenté par un conseil, Jens Bruhn-Petersen)

Au nom de:

Said Amini

État partie:

Danemark

Date de la requête:

16 avril 2008 (date de la lettre initiale)

Le Comité contre la torture, institué en vertu de l’article 17 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,

Réuni le 15 novembre 2010,

Ayant achevé l’examen de la requête no 339/2008 présentée par M. Said Amini en vertu de l’article 22 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,

Ayant tenu compte de toutes les informations qui lui ont été communiquées par le requérant, son conseil et l’État partie,

Adopte ce qui suit:

Décision au titre du paragraphe 7 de l’article 22 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumainsou dégradants

1.1Le requérant est Said Amini, né en 1979, actuellement en attente d’expulsion du Danemark vers la République islamique d’Iran, son pays d’origine. Il fait valoir que son expulsion vers la République islamique d’Iran constituerait une violation par le Danemark de l’article 3 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Il est représenté par un conseil.

1.2Conformément au paragraphe 3 de l’article 22 de la Convention, le Comité a demandé à l’État partie, en application du paragraphe 1 de l’article 108 de son règlement intérieur, de ne pas expulser le requérant vers la République islamique d’Iran tant que sa requête serait à l’examen.

Rappel des faits présentés par le requérant

2.1Le requérant est né à Ghazvin en République islamique d’Iran. Il a la nationalité iranienne et est musulman chiite. Il a effectué onze années de scolarité puis deux années de service militaire. Après avoir achevé son service militaire, il a travaillé comme gérant dans l’une des boutiques tenues par sa famille. Il n’est pas marié et n’a pas d’enfant. Sa mère, son père et ses neuf frères et sœurs vivent tous en République islamique d’Iran.

2.2En juillet 2002, le requérant s’est engagé activement dans un groupe monarchiste appelé «Refrondom Komite» (Comité pour la réforme), sous-groupe du Parti royaliste. Ce groupe était composé de trois personnes, dont le requérant lui-même. L’une des trois était en contact avec un membre du groupe monarchiste «Hzbe-Mashrutekhanan Iran/Saltanat Talab» (le Parti royaliste la République islamique d’Iran). Deux ou trois fois par semaine, le requérant et ses deux camarades du groupe distribuaient des tracts, écrivaient des slogans, collaient des affiches, etc.

2.3Le 22 décembre 2002, alors qu’ils distribuaient des tracts, les trois membres du groupe ont été cernés et arrêtés par des représentants des autorités habillés en civil. Le requérant a été isolé dans une cellule et torturé. Il a été menacé, frappé à coups de pied, passé à tabac et torturé à l’électricité; on lui a fait des incisions sur les mamelons, des objets lourds ont été suspendus à ses parties génitales et il a subi le supplice de l’eau. En raison de problèmes de santé provoqués par les tortures, le requérant a été transféré dans un hôpital à la mi-février 2003. Il a réussi à s’en échapper avec l’aide de son père, de son frère et du personnel de l’établissement.

2.4Le requérant a été emmené en voiture dans la ville de Makoo où il a séjourné chez un ami de son père pendant qu’on organisait sa fuite la République islamique d’Iran. Entre le 16 et le 17 mai 2003, il est entré en Turquie illégalement depuis la République islamique d’Iran. Il s’est alors rendu aux Pays-Bas, puis au Danemark où il est arrivé le 18 août 2003. Le 19 août 2003, il est entré en contact avec la police danoise et a demandé l’asile. Il a ensuite été arrêté et emprisonné jusqu’au 16 décembre 2003. Le 17 décembre 2003, le lendemain de sa remise en liberté, il s’est inscrit à la section danoise du Parti constitutionnel iranien (PCI). Il est depuis lors un membre actif du PCI Danemark. Le 18 décembre 2003, après sa remise en liberté, la Croix-Rouge danoise lui a fait passer un examen médical.

2.5Le 4 mars 2004, le requérant a été interrogé par le Service danois de l’immigration, qui lui a refusé l’asile le 17 mai 2004. Cette décision a fait l’objet d’un recours devant la Commission pour les réfugiés. Le 27 septembre 2004, la Commission pour les réfugiés a rejeté la demande d’asile au motif que sa déclaration n’était pas digne de foi. Dans ses conclusions, la Commission a affirmé que l’explication du requérant n’était pas plausible compte tenu des documents d’information disponibles au sujet du niveau d’activité du mouvement monarchiste en République islamique d’Iran et que le requérant ne semblait pas être bien informé sur le plan politique.

2.6La Commission pour les réfugiés a rejeté une requête déposée par l’avocat du requérant, qui demandait que la procédure soit suspendue le temps que le requérant passe un examen médical. Le 30 décembre 2004, l’équipe médicale d’Amnesty International Danemark a conclu que les douleurs dont souffrait le requérant correspondaient aux violences qu’il avait décrites et ses symptômes mentaux, au diagnostic de troubles post-traumatiques, fréquents chez les victimes de torture.

2.7À la suite de l’examen médical effectué par Amnesty International, une demande de réouverture du dossier a été adressée à la Commission pour les réfugiés le 25 avril 2005. Elle a été rejetée le 24 janvier 2006.

2.8Du 19 au 29 juillet 2006, le requérant a observé une grève de la faim devant le Parlement danois, dont les médias danois se sont largement fait l’écho, et le 3 août 2006 la Commission pour les réfugiés a reporté une nouvelle fois la date de l’expulsion. Le 5 septembre 2006, le requérant a demandé une nouvelle fois la réouverture de son dossier. Cette demande a été rejetée le 22 décembre 2006 au motif que le requérant n’était pas exposé à un risque justifiant le réexamen de la décision.

2.9Le 22 janvier 2007, le requérant a demandé une dernière fois la réouverture de son dossier à la Commission pour les réfugiés. Cette requête était fondée uniquement sur le fait que la Commission n’avait pas accordé une importance décisive aux informations démontrant qu’il avait été soumis à la torture et sur le fait qu’elle n’avait donné aucune raison expliquant pourquoi ces informations n’avaient pas été prises en considération.

2.10Le 10 juillet 2007, la Commission pour les réfugiés a refusé une nouvelle fois de rouvrir le dossier. Elle a répété que les résultats de l’examen médical ne justifiaient pas la révision de la décision et que le requérant n’avait pas fait une déclaration digne de foi concernant ses activités politiques en République islamique d’Iran. La Commission a également déclaré que même si le requérant avait été soumis à la torture en République islamique d’Iran, rien ne donnait à penser que, s’il y était renvoyé, il serait exposé à un risque de préjudice physique ou psychologique susceptible de justifier l’octroi de l’asile.

2.11Le requérant affirme qu’il est manifeste que des activités politiques sont menées en République islamique d’Iran par différents groupes, dont divers groupes monarchistes. Il reconnaît que les éléments figurant dans les documents d’information sont à certains égards contradictoires, mais il est de fait que dans plusieurs de ses décisions, la Commission danoise pour les réfugiés a reconnu de telles activités. Par exemple, par une décision du 9 octobre 2006, un Iranien s’est vu délivrer un permis de séjour parce que la Commission avait estimé qu’il risquait d’être persécuté en Iran à cause de ses activités, qui consistaient à distribuer des tracts pour le compte d’un petit groupe monarchiste.

Teneur de la plainte

3.1Le requérant affirme qu’il risque d’être soumis à la torture s’il est renvoyé en République islamique d’Iran. Cette crainte est justifiée par le fait qu’il a été soumis à la torture dans le passé en raison de ses activités politiques, activités qu’il a reprises depuis le Danemark. Il répète qu’il s’est échappé de l’hôpital, et que la torture a été subie pendant son emprisonnement immédiatement avant qu’il ne fuie l’Iran. Cela indique bien que son dossier n’est pas clos pour les autorités iraniennes.

3.2D’après le requérant, dans l’évaluation du risque de torture auquel il est exposé, on ne saurait accorder une importance décisive à la question de savoir s’il semblait être bien informé sur le plan politique ou non.

Observations de l’État partie sur la recevabilité

4.1Dans sa réponse du 22 juillet 2008, l’État partie a reconnu que le requérant avait épuisé les recours internes mais il a contesté la recevabilité de la requête, qu’il a qualifiée de manifestement dénuée de fondement. Il a déclaré qu’il n’y avait pas de motif sérieux de croire que si le requérant était renvoyé en République islamique d’Iran il risquerait d’être soumis à la torture. L’État partie s’appuyait pour cela, en tout premier lieu, sur les quatre décisions rendues par la Commission de recours pour les réfugiés.

4.2Concernant l’allégation de torture, l’État partie a souligné que la Commission de recours pour les réfugiés n’avait pas, à proprement parler, rejeté l’argument selon lequel le requérant avait subi les atteintes décrites dans le rapport établi par Amnesty International. Cela ne signifiait pas pour autant que le requérant courait personnellement un risque réel et prévisible d’être soumis à la torture s’il était renvoyé en République islamique d’Iran.

4.3Pour justifier sa crainte d’être soumis à la torture en République islamique d’Iran, le requérant avait évoqué le fait qu’il s’était échappé de l’hôpital où il avait été admis et le fait que la torture avait été subie pendant sa détention, immédiatement avant qu’il ne fuie la République islamique d’Iran. L’État partie a fait observer que ces allégations n’avaient en aucune manière été étayées par le requérant.

4.4À propos de la décision rendue par la Commission de recours pour les réfugiés le 9 octobre 2006 visant un autre demandeur d’asile et mentionnée par le requérant, l’État partie a expliqué que la Commission prenait une décision concrète dans chaque cas de demande d’asile en s’appuyant sur les déclarations du requérant et les documents d’information relatifs au pays d’origine de celui-ci. Que la Commission puisse avoir accordé l’asile dans un autre cas, sans rapport avec celui du requérant, ne justifiait pas, en soi, le réexamen du cas du requérant.

4.5Concernant les activités politiques que le requérant aurait menées en République islamique d’Iran pour le compte d’une organisation monarchiste, l’État partie a fait valoir que la Commission de recours pour les réfugiés avait examiné en détail les affirmations en question et avait conclu qu’elles ne paraissaient pas plausibles compte tenu des informations fournies par le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) et d’autres sources à propos du niveau d’activité de l’organisation en question. L’État partie se référait également à la page 6 de la lettre initiale, où l’avocat du requérant indiquait que l’«on ne peut exclure la possibilité que [le requérant] ait exagéré l’ampleur de ses activités politiques…».

4.6Pour ce qui est des activités politiques que le requérant affirmait avoir eues après son arrivée au Danemark, l’État partie a objecté que le requérant n’avait pas démontré que la majorité de ces activités avaient un caractère fondamentalement politique. Par exemple, l’objectif de la grève de la faim à laquelle le requérant avait participé était d’appeler l’attention de la société sur la situation des demandeurs d’asile au Danemark; il n’était en aucune manière lié à la situation en République islamique d’Iran.

4.7En résumé, l’État partie estimait que le requérant n’avait pas suffisamment démontré qu’il avait participé, que ce soit en République islamique d’Iran ou au Danemark, à des activités politiques régulières ou à toute autre activité pertinente qui, à l’heure actuelle, constituerait un motif sérieux de croire que son renvoi en République islamique d’Iran l’exposerait personnellement à un risque réel et spécifique de torture au sens de l’article 3 de la Convention.

Commentaires du requérant sur les observations de l’État partie concernant la recevabilité

5.1Dans des commentaires du 6 octobre 2008, le requérant a souligné que la clef pour comprendre la manière dont les autorités danoises avaient traité son cas résidait dans la décision du Service de l’immigration danois en date du 17 mai 2004 et dans la décision de la Commission danoise pour les réfugiés en date du 27 septembre 2004. Dans ces deux décisions, la demande d’asile avait été rejetée et les déclarations du requérant faisant état de torture n’avaient pas été mentionnées du tout. Lorsqu’elle avait refusé, trois fois, de rouvrir le dossier, la Commission danoise pour les réfugiés n’avait pas examiné l’affaire mais avait simplement défendu sa décision initiale du 27 septembre 2004, dans laquelle la question de la torture n’avait pas du tout été traitée.

5.2Le requérant a fait valoir qu’il avait fui son pays d’origine et qu’il n’était donc pas en mesure de produire d’autres preuves que les informations qu’il avait apportées oralement. L’État partie avait la possibilité de laisser le requérant passer un examen médical pour déceler des marques de torture mais il ne l’avait pas fait. Le requérant a ajouté que les autorités iraniennes étaient au courant de ses activités politiques à l’extérieur de la République islamique d’Iran, y compris de l’article qu’il avait écrit dans un journal monarchiste allemand.

Décision sur la recevabilité

6.1À sa quarante-deuxième session, le Comité a examiné la question de la recevabilité de la requête et s’est assuré que la même question n’avait pas été et n’était pas actuellement examinée par une autre instance internationale d’enquête ou de règlement. Sur la question des recours internes, le Comité a noté que l’État partie reconnaissait que les recours internes avaient été épuisés et il a donc considéré que la requête satisfaisait aux dispositions du paragraphe 5 b) de l’article 22 de la Convention.

6.2Le Comité a pris note de l’argument de l’État partie qui faisait valoir que la requête devait être déclarée irrecevable en vertu du paragraphe 2 de l’article 22 de la Convention au motif qu’elle n’était pas étayée par le minimum d’éléments de preuve requis aux fins de la recevabilité. Il a considéré toutefois que le requérant avait fait des efforts suffisants pour étayer, aux fins de la recevabilité, son grief de violation de l’article 3 de la Convention, compte tenu en particulier des informations au sujet des tortures qu’il avait subies (voir communication no227/2003, A. A. C. c. Suède) et du certificat médical qu’il avait produit à l’appui de ses déclarations. Le Comité a donc déclaré la communication recevable et a demandé à l’État partie de lui faire parvenir ses observations sur le fond. Le Comité demandait également des précisions sur les raisons pour lesquelles l’État partie n’avait pas voulu tenir compte de l’examen médical effectué par la Croix-Rouge danoise et de l’examen effectué par l’équipe médicale de la section danoise d’Amnesty International établissant la réalité des tortures. En particulier, il voulait savoir pourquoi l’État partie ne s’était intéressé qu’à la question de l’activité politique du requérant et non pas à celle des tortures qu’il disait avoir subies, compte tenu de la relation entre ses activités politiques et la torture.

6.3En conséquence le Comité contre la torture a déclaré la communication recevable et a demandé à l’État partie de lui soumettre ses observations sur le fond ainsi que des explications ou observations concernant la demande de renseignements précis mentionnée au paragraphe 6.2. Il ajoutait que ces observations seraient transmises au requérant.

Observations de l’État partie sur le fond

7.1Dans une note du 14 septembre 2009, l’État partie a signalé qu’à la suite de la décision de recevabilité il avait demandé un nouvel avis à la Commission de recours pour les réfugiés. Le 25 août 2009, la Commission a fait les observations suivantes, sans revenir sur son appréciation. Elle signale que les propos du requérant qui affirmait avoir été torturé ont bien été pris en considération lors de l’évaluation de sa demande d’asile initiale et ensuite de l’examen de ses demandes de réouverture du dossier. La Commission avait fait figurer le rapport médical de la Croix-Rouge, en date du 18 décembre 2003, dans sa première appréciation, faite le 27 septembre 2004. Dans ses trois décisions (24 janvier 2006, 22 décembre 2006 et 10 juillet 2007) rejetant les demandes de réouverture du dossier sur la base des preuves médicales attestant la torture, la Commission a conclu que cet élément ne pouvait pas aboutir à une réévaluation de la crédibilité du requérant au sujet de ses activités politiques et de sa détention en République islamique d’Iran. Ainsi, même si l’on considérait comme un fait que le requérant avait été soumis à la torture dans le passé, la Commission estimait que des tortures subies dans le passé à elles seules ne suffisaient pas à justifier l’octroi de l’asile en vertu du paragraphe 1 ou du paragraphe 2 de l’article 7 de la loi sur les étrangers. La Commission appelle également l’attention sur la réponse du Gouvernement datée du 22 juillet 2008 dans laquelle il est dit que la Commission n’a pas à proprement parler rejeté la déclaration selon laquelle le requérant avait subi les atteintes décrites dans le rapport de l’équipe médicale d’Amnesty International. La Commission ajoute que la décision du 24 janvier 2006 a été rendue par écrit par tous les membres et non pas par le Président seul, ce qui garantit que les membres composant la Commission de l’époque ont procédé à une évaluation attentive de l’importance du rapport médical en question.

7.2En ce qui concerne le lien entre les activités politiques que le requérant dit avoir menées et la torture, la Commission objecte que si la torture peut être un élément prouvant l’existence de persécutions politiques, les conditions à remplir pour obtenir l’asile ne sont pas automatiquement réunies dans tous les cas où un demandeur d’asile a été soumis à la torture. Dans sa décision initiale du 27 septembre 2004, la Commission avait établi que les griefs du requérant concernant ses activités pour une organisation monarchiste semblaient improbables compte tenu des informations sur le niveau d’activité de cette organisation en Iran données par le HCR et d’autres sources, du caractère stéréotypé de la déclaration relative aux objectifs politiques de cette organisation et du fait que le requérant semblait mal informé sur les questions politiques. Les informations de base dont la Commission disposait quand elle a rendu sa décision donnent une impression, uniforme et non ambiguë, d’un mouvement monarchiste quasiment inexistant en République islamique d’Iran. Le requérant lui-même avait reconnu qu’il ne savait pas grand-chose du parti puisque c’était un mouvement clandestin. Il a déclaré que ce parti avait pour objectif de renverser le gouvernement religieux et de donner le pouvoir au peuple mais il ne savait pas très bien qui avait fondé le parti, quand celui-ci avait été fondé et s’il était possible qu’il ait été interdit par le gouvernement religieux. Il ne connaissait aucun des autres membres de l’organisation si ce n’est deux personnes avec lesquelles il avait participé aux activités qu’il disait avoir menées et il ne pouvait pas donner des détails sur les activités qui avaient eu lieu en République islamique d’Iran étant donné que l’organisation était secrète. Pour ces raisons notamment la Commission affirme que le requérant n’avait pas montré qu’il était probable qu’il intéresse les autorités iraniennes en raison des activités politiques de l’organisation monarchiste. La Commission se réfère au rapport médical d’Amnesty International et fait valoir que l’on ne peut pas conclure de ce rapport que les actes de torture allégués avaient été infligés en raison de la participation du requérant aux activités politiques qu’il avait décrites. Se référant à la jurisprudence du Comité qui considère que l’on ne peut attendre une précision complète de la part de personnes qui souffrent de troubles post-traumatiques, l’État partie fait valoir que les déclarations du requérant au sujet de ses activités politiques en République islamique d’Iran ne présentaient pas de contradictions ni d’incohérences.

7.3L’État partie fait valoir qu’il se fonde sur l’opinion de la Commission exposée plus haut. Pour ce qui est des informations de base à la disposition de la Commission, ces informations sont mises à jour régulièrement et il est jugé très important qu’elles soient le plus fiables possible. L’État partie donne l’adresse du site Web où ces informations peuvent être consultées, et il explique le fondement sur lequel ces informations sont utilisées, en joignant en annexe tous les renseignements donnés au requérant quand son cas a été examiné. Pour conclure, l’État partie fait valoir que les rapports médicaux ont bien été pris en considération par la Commission, que la question de savoir s’il existe un lien quelconque entre les tortures invoquées et les activités politiques que le requérant aurait eues en Iran a été minutieusement étudiée, que les autorités danoises n’ont pas été en mesure d’établir la véracité des déclarations du requérant au sujet de ses activités politiques, que les autorités n’ont pas été en mesure d’établir qu’il avait été torturé par les autorités iraniennes pour des raisons politiques ou d’autres raisons, et que même s’il était admis qu’il avait été torturé en République islamique d’Iran il n’avait pas suffisamment démontré qu’il avait mené des activités politiques suivies en République islamique d’Iran ou au Danemark pour établir qu’un renvoi vers la République islamique d’Iran l’exposerait à un risque réel, spécifique et personnel d’être soumis à la torture; enfin, la Commission avait pu prendre connaissance d’informations de base exhaustives et suffisantes sur la République islamique d’Iran quand elle avait examiné l’affaire.

Commentaires du requérant sur les observations de l’État partie quant au fond

8.1Dans une note du 20 novembre 2009, le requérant relève que, dans sa dernière réponse, l’État partie ne donne aucun élément nouveau et, alors qu’il maintient que les déclarations relatives à la torture ont été prises en considération par les autorités dans l’évaluation de son cas, il reste que cette information n’est pas mentionnée dans la décision du Service danois de l’immigration ni dans celle de la Commission pour les réfugiés. De plus, dans les décisions de ne pas rouvrir l’affaire, la Commission n’a pas pris position sur les griefs de torture et a rejeté l’information sur ses activités politiques sans tenir compte des preuves objectives sur les tortures subies. Si elle avait accepté les preuves, il lui aurait fallu invoquer un motif différent pour justifier le refus d’accorder l’asile. Il aurait fallu en fait qu’elle traite du lien possible entre la torture et ses activités politiques. Dans sa dernière réponse, l’État partie indique que le requérant n’a pas fait de déclaration incohérente ou contradictoire concernant ses activités politiques en République islamique d’Iran. Ainsi le rejet de la demande d’asile est fondé sur l’argument selon lequel le requérant n’avait pas de connaissances particulières des questions politiques et les monarchistes iraniens d’aujourd’hui n’ont pas d’activités politiques en République islamique d’Iran.

8.2Pour ce qui est de la question de son absence de connaissances politiques, le requérant objecte qu’on ne lui a pas posé de questions à ce sujet quand il a été entendu par la Commission et que le travail qu’il faisait, c’est-à-dire du travail de propagande clandestine, était le seul genre de travail politique possible en République islamique d’Iran. En raison de la situation politique en République islamique d’Iran, il n’avait pas eu la possibilité de faire des études et son avocat considère qu’il est possible que ses connaissances politiques soient limitées mais cela ne signifie pas qu’il n’ait pas mené d’activités politiques. Pour ce qui est de savoir si les monarchistes ont des activités en République islamique d’Iran, le requérant avance que depuis la révolution de 1979, la Commission a toujours reconnu que les monarchistes menaient des activités limitées, par exemple la distribution de tracts et autres actes de propagande. En ce qui concerne le fait que les tortures ont été infligées six ans auparavant, le requérant fait valoir que le temps écoulé n’a aucune incidence sur le risque qu’il soit de nouveau soumis à la torture.

Délibérations du Comité

9.1Le Comité a examiné la communication en tenant compte de toutes les informations communiquées par les parties, conformément au paragraphe 4 de l’article 22 de la Convention.

9.2Le Comité doit déterminer si en renvoyant le requérant en République islamique d’Iran le Danemark manquerait à l’obligation qui lui est faite en vertu de l’article 3 de la Convention de ne pas expulser ou renvoyer un individu vers un autre État où il y a des motifs sérieux de croire qu’il risque d’être soumis à la torture.

9.3Pour ce faire, le Comité doit tenir compte de tous les éléments, conformément au paragraphe 2 de l’article 3 de la Convention, y compris l’existence d’un ensemble systématique de violations graves, flagrantes ou massives des droits de l’homme. Il s’agit cependant de déterminer si l’intéressé risque personnellement d’être soumis à la torture dans le pays vers lequel il serait renvoyé. Dès lors, l’existence d’un ensemble de violations systématiques des droits de l’homme, graves, flagrantes ou massives dans le pays ne constitue pas en soi un motif suffisant pour établir que l’individu risque d’être soumis à la torture à son retour dans ce pays; il doit exister des motifs supplémentaires donnant à penser que l’intéressé courrait personnellement un risque. À l’inverse, l’absence d’un ensemble de violations flagrantes et systématiques des droits de l’homme ne signifie pas qu’une personne ne peut pas être considérée comme risquant d’être soumise à la torture dans les circonstances qui sont les siennes.

9.4Le Comité rappelle son Observation générale no1 (1997) relative à l’application de l’article 3 dans le contexte de l’article 22, dans laquelle il est indiqué que le Comité doit déterminer s’il y a des motifs sérieux de croire qu’un requérant risque d’être soumis à la torture s’il est expulsé. Il n’est pas nécessaire que le risque soit hautement probable mais il doit être encouru personnellement et actuellement. Dans de précédentes décisions, le Comité a établi que le risque de torture devait être «prévisible, réel et personnel».

9.5En ce qui concerne la charge de la preuve, le Comité rappelle aussi son Observation générale et ses décisions précédentes et réaffirme que c’est généralement au requérant qu’il appartient de présenter des arguments défendables et que le risque de torture doit être apprécié selon des éléments qui ne se limitent pas à de simples supputations ou soupçons.

9.6Pour évaluer le risque de torture dans le cas d’espèce, le Comité prend note de l’argument du requérant qui affirme qu’il existe un risque prévisible qu’il sera soumis à la torture s’il est renvoyé en République islamique d’Iran en raison de la détention et des tortures qu’il dit avoir subies dans le passé du fait de ses activités politiques et de la reprise de ses activités politiques quand il est arrivé au Danemark. Il note que le requérant affirme que l’État partie n’a pas pris ses griefs de torture en considération et qu’il n’a jamais émis d’avis sur la véracité de la teneur des rapports médicaux qui prouveraient qu’il avait bien été torturé.

9.7Le Comité lui ayant demandé, dans sa décision concernant la recevabilité, des précisions sur les allégations de torture subie dans le passé, l’État partie a fait part d’une opinion consultative de la Commission de recours pour les réfugiés. La Commission disait qu’elle avait bien pris les allégations du requérant en considération, y compris les rapports médicaux en question et qu’elle avait fait état de ces rapports dans ses décisions du 27 septembre 2004, du 24 janvier 2006, du 22 décembre 2006 et du 10 juillet 2007. Bien que l’État partie ne se prononce pas sur la véracité de la teneur des rapports médicaux, il ne confirme pas les allégations de torture et ne les nie pas non plus. Par deux fois il affirme qu’il ne «rejette pas» ces allégations. Il conteste les allégations de l’auteur relatives à sa participation à des activités politiques et il est d’avis que même s’il reconnaissait que le requérant avait été torturé dans le passé, le requérant n’avait pas montré le lien entre ces faits et sa participation à des activités politiques.

9.8Le Comité estime qu’il est probable, au vu des rapports médicaux fournis par le requérant, qui attestent que les lésions qu’il présente correspondent à son récit, qu’il a été placé en détention et torturé comme il l’affirme. Le Comité note aussi que l’État partie ne conteste pas le grief de torture subie dans le passé mais fait valoir qu’il est peu probable qu’il ait été soumis à la torture en raison de sa participation au mouvement monarchiste, compte tenu de la très faible activité de ce mouvement en République islamique d’Iran. Pour ce qui est de la situation générale des droits de l’homme en République islamique d’Iran, le Comité est préoccupé par le fait qu’elle s’est dégradée depuis les élections de juin 2009, notamment par le rapport de six experts indépendants de l’Organisation des Nations Unies rendu en juillet 2009, qui ont mis en cause le fondement en droit de l’arrestation de journalistes, de défenseurs des droits de l’homme, de partisans de l’opposition et d’une multitude de manifestants, donnant à craindre que des individus qui exercent légitimement leur droit à la liberté d’expression, d’opinion et de réunion ne soient victimes de détention arbitraire. En particulier, le Comité est préoccupé par les informations qui indiquent que les monarchistes ont été récemment pris pour cible en République islamique d’Iran. À la lumière de ce qui précède, ainsi que de l’affirmation, corroborée, du requérant qui dit avoir été torturé dans le passé, le Comité est d’avis que des arguments suffisants ont été présentés pour lui permettre de conclure que le requérant courrait personnellement le risque d’être torturé s’il était renvoyé en République islamique d’Iran.

9.9Le Comité contre la torture, agissant en vertu du paragraphe 7 de l’article 22 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, est d’avis que le renvoi du requérant en République islamique d’Iran constituerait une violation des droits garantis à l’article 3 de la Convention.

10.Conformément au paragraphe 5 de l’article 112 de son règlement intérieur, le Comité invite l’État partie à lui faire connaître, dans un délai de quatre-vingt-dix jours à compter de la transmission de la présente décision, les mesures qu’il aura prises pour donner suite à ses constatations.

Communication no341/2008: Hanafi c. Algérie

Présentée par:

Fatiha Sahli (représentée par TRIAL (Track Impunity Always)

Au nom de:

Djilali Hanafi (mari de l’auteur)

État partie:

Algérie

Date de la requête:

30 avril 2008 (lettre initiale)

Le Comité contre la torture, institué en vertu de l’article 17 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,

Réuni le 3 juin 2011,

Ayant achevé l’examen de la requête no 341/2008, présentée par Fatiha Sahli en vertu de l’article 22 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,

Ayant tenu compte de toutes les informations qui lui ont été communiquées par la requérante, son conseil et l’État partie,

Adopte ce qui suit:

Décision au titre du paragraphe 7 de l’article 22 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumainsou dégradants

1.1La requérante est Fatiha Sahli, née le 28 juin 1972 à Mechraâ-Sfa (Wilaya de Tiaret), en Algérie. Elle soutient que son mari a été victime d’une violation par l’Algérie du paragraphe 1 de l’article 2, et des articles 11, 12, 13 et 14 lus conjointement avec l’article premier et subsidiairement avec l’article 16 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Elle est représentée par TRIAL (Track Impunity Always).

1.2Le 15 septembre 2009, le Comité, à la demande de la requérante et par l’intermédiaire de son Rapporteur chargé des nouvelles requêtes et des mesures provisoires, a demandé à l’État partie de ne pas invoquer la législation nationale contre la requérante et les membres de sa famille, pouvant être de nature à limiter leur droit de poursuivre la procédure entamée devant le Comité contre la torture.

Rappel des faits exposés par la requérante

2.1Le 1er novembre 1998, le mari de la requérante est allé travailler dans son magasin d’alimentation générale. Le soir, il n’est pas rentré à son domicile. Le 2 novembre 1998, les membres de sa famille ont reçu la visite d’un homme qui les a informés que Djilali Hanafi était détenu au siège de la brigade de la gendarmerie de Mechraâ-Sfa. Cet homme leur a expliqué qu’il venait d’être libéré le jour même, après avoir été détenu dans cette même brigade, où il avait rencontré Djilali Hanafi. Il a précisé qu’ils étaient placés dans une cellule en ciment de 2m², partagée avec plus d’une dizaine de personnes. Il a affirmé que Djilali Hanafi grelottait visiblement et vomissait sans cesse après la séance de torture qu’il venait de subir. D’autres codétenus ont confirmé les conditions de détention, ainsi que l’état de santé de Djilali Hanafi. Ils ont ajouté qu’ils ont frappé à la porte toute la nuit pour attirer l’attention des gendarmes de garde, avec espoir que ceux-ci portent secours à Djilali Hanafi. Ce n’est pourtant que le lendemain matin, vers une heure tardive, qu’un gendarme est venu le sortir de la cellule pour qu’il puisse prendre l’air. À aucun moment il n’a reçu de soins médicaux.

2.2Ayant pris connaissance du lieu de détention de son fils, le père de Djilali Hanafi s’est rendu à la brigade de la gendarmerie de Mechraâ-Sfa, a demandé à le voir, et a cherché à connaître les raisons de sa détention. Le chef de la gendarmerie a rejeté ses requêtes. Le père s’est alors tourné vers le capitaine de la gendarmerie commandant la compagnie, supérieur hiérarchique du chef de brigade, et lui a demandé de libérer son fils. Celui-ci lui a également répondu par la négative. Le 3 novembre 1998, le père de la victime est retourné au siège de la brigade, accompagné de l’un de ses fils. Les gendarmes, qui avaient refusé la veille de lui donner le moindre renseignement sur Djilali Hanafi, ont alors procédé à sa libération dans la soirée. Il se trouvait dans un état déplorable et avait visiblement été soumis à de graves sévices. Incapable de marcher debout, il a été transporté jusqu’à son domicile par un véhicule de la gendarmerie.

2.3La nuit étant déjà tombée, et compte tenu de la situation de trouble et d’insécurité dans le pays, la famille s’est résolue à attendre le matin pour amener Djilali Hanafi à l’hôpital qui se trouvait à 30 kilomètres de leur domicile. Dans la nuit du 3 novembre 1998, quelques heures après avoir été remis à sa famille, la victime a succombé à ses blessures dans de grandes souffrances. Dans son agonie, Djilali Hanafi a répété à plusieurs reprises que les gendarmes l’avaient battu, qu’ils l’avaient tué. Vers 8 heures du matin le même jour, les gendarmes se sont présentés au domicile familial et ont demandé à son épouse le livret de famille afin que le chef de la brigade effectue la déclaration de décès de Djilali Hanafi. Le requérant considère que ceci prouve de manière incontestable à quel point les agents concernés avaient la certitude que les violences qui avaient été infligées à Djilali Hanafi au cours de sa détention allaient immanquablement entraîner sa mort.

2.4Le 4 novembre 1998, vers 15 heures, la famille s’apprêtait à quitter son domicile en direction du cimetière pour enterrer le défunt lorsque les gendarmes se sont présentés et ont demandé de surseoir à l’enterrement et de transporter la dépouille de la victime à l’hôpital Youssef Damerdji de Tiaret afin qu’une autopsie soit pratiquée. Selon les informations verbalement reçues des membres du corps médical, cette autopsie avait été ordonnée par le Procureur de la République de Tiaret, au moment de la signature du permis d’inhumer, au vu du constat de décès qui avait été établi, faisant état de la «mort suspecte» de la victime. Une autopsie a été pratiquée le lendemain, après quoi le corps fut restitué à la famille dans l’après-midi. Ils l’ont ensuite ramené chez eux, puis au cimetière pour lui donner une sépulture. Malgré ses nombreuses demandes aux autorités, la famille n’a jamais reçu de copie du rapport de l’autopsie pratiquée sur Djilali Hanafi. Ils n’ont obtenu qu’une copie du certificat du constat de décès. Les causes de la mort n’y sont pas précisées, mais il est néanmoins indiqué qu’il s’agit d’une «mort suspecte».

2.5Après le décès de la victime, ses proches se sont adressés au Procureur du ressort des tribunaux territorialement compétents, aussi bien de la juridiction civile que militaire, mettant en cause l’arrestation arbitraire et la torture suivie de la mort de Djilali Hanafi, en vain. Le 12 janvier 1999, la requérante a saisi le Procureur de la République du tribunal de Tiaret. Elle n’a cependant jamais obtenu de réponse de la part des autorités. Au cours de l’année 2000, les membres de sa famille se sont également adressés au Procureur général de Tiaret, au commandant du secteur militaire, au commandant de la gendarmerie nationale de Tiaret et au Ministère de la justice, mais aucune suite n’a été donnée à leurs démarches. En 2006, la famille a entamé la procédure prévue par la Charte pour la Paix et la Réconciliation nationale visant à obtenir des aides de l’État en cas de mort d’un proche au cours de la période de trouble. Un dossier complet a été déposé à cet effet auprès de la délégation de la sécurité du Wilaya de Tiaret. Aussi bien la requérante que les parents de la victime ont été entendus par la brigade de la gendarmerie de Mechraâ-Sfa dans le cadre de la procédure d’enquête sur les causes du décès. Par un courrier du 21 novembre 2007, le délégué à la sécurité a fait part à la requérante du rejet de cette demande. Les services ont conclu que la victime était décédée d’une «mort normale», et que par conséquent, le lien entre sa mort et la tragédie nationale n’était pas établi. La requérante soulève que l’enquête a été menée par la même gendarmerie qui a arrêté et torturé la victime.

2.6Le 16 février 2008, la requérante et sa famille ont de nouveau adressé une demande au Procureur général de Tiaret en vue d’obtenir une copie du rapport d’autopsie. Les autorités de l’État partie n’ont pas, à ce jour, fait suite à sa demande ou reconnu leur responsabilité dans le décès de la victime. En outre, la requérante se trouve dans l’impossibilité légale de recourir à une instance judiciaire après la promulgation de l’ordonnance no 06-01 du 27 février 2006 portant mise en œuvre de la Charte pour la Paix et la Réconciliation nationale. Si auparavant ils étaient inutiles et inefficaces, les recours internes sont aujourd’hui indisponibles.

Teneur de la plainte

3.1La requérante fait valoir que Djilali Hanafi a fait l’objet de sévices d’une extrême gravité. La victime a elle-même dit à sa famille avant de succomber à ses blessures, avoir été très violemment battue, un traitement qui est qualifié de torture par le Comité. De plus, ses tortionnaires ne lui ont pas ensuite apporté les soins nécessaires malgré son état de santé sérieux. En outre, l’intention de lui infliger de telles douleurs semble manifeste vu l’état dans lequel il s’est retrouvé. Au vu du traitement infligé également à ses codétenus, la requérante en déduit que la pratique était systématique, planifiée et concertée dans ce lieu de détention. La requérante allègue que la finalité d’un tel traitement était d’obtenir des renseignements, des aveux, de le punir, l’intimider ou de faire pression sur lui en raison de son appartenance politique supposée. Quant aux auteurs de tels actes, il ne fait pas de doute qu’il s’agissait d’agents étatiques. La requérante estime donc que les traitements infligés constituent de la torture au titre de l’article premier de la Convention et, à tout le moins, des traitements cruels, inhumains et dégradants au titre de l’article 16 de la Convention.

3.2La requérante rappelle que l’État partie n’a pas adopté les mesures législatives ou règlementaires nécessaires pour se prémunir contre la pratique de la torture sous sa juridiction. Il a, de ce fait, manqué à l’obligation prescrite par l’article 2, paragraphe 1, de la Convention. Il a également failli à son devoir d’enquête, en ce qui concerne la victime. Les mesures prévues par l’ordonnanceno 06-01 du 27 février 2006, qui interdit de porter des accusations de crimes graves contre les agents des forces de sécurité algériennes perpétrés pendant la période dite de «tragédie nationale», favorisent davantage l’impunité. Aussi, la loi algérienne ne contient aucune disposition interdisant l’utilisation comme preuve des aveux ou déclarations extorqués sous la torture, ce qui ne contribue pas à dissuader la police judiciaire de se servir de méthodes illicites pour obtenir des déclarations qui seront ensuite employées dans des procès pénaux à l’encontre des accusés ou à l’encontre de tiers. Par ailleurs, le Comité a prévu une série de garanties de nature à prévenir la torture et les mauvais traitements infligés aux personnes privées de liberté, dont la tenue d’un registre officiel des détenus. Or l’État partie possède de nombreux centres secrets de détention, et aucun registre ne rend compte des personnes détenues dans ces centres et leurs proches n’ont aucun moyen de les localiser. D’autre part, la législation algérienne prévoit une durée de la garde à vue allant jusqu’à douze jours, sans possibilité de contact avec l’extérieur et notamment avec la famille, un avocat, ou un médecin indépendant. Ce long délai de détention incommunicado expose les intéressés à un risque accru de torture et mauvais traitements. Dans ces circonstances, les détenus sont dans l’incapacité matérielle de faire valoir leurs droits par voie judiciaire.

3.3La requérante fait valoir que l’État partie ne respecte pas l’obligation qui lui incombe, en vertu de l’article 11 de la Convention, de réviser systématiquement le droit et la pratique se rapportant aux interrogatoires et au traitement dispensé aux personnes privées de liberté. Elle rappelle les différentes recommandations qui ont été faites à l’État partie, notamment concernant le long délai de garde à vue autorisé, le manque de contrôle judiciaire dans plusieurs centres de détention, le système de traitements des détenus, le devoir d’enquête sur toutes les allégations de torture et traitements cruels, inhumains et dégradants par un organe indépendant, et le devoir d’assurer aux détenus la jouissance effective du droit de disposer d’un avocat dès leur arrestation. Ces lacunes dans la législation et les pratiques des autorités algériennes ont été régulièrement soulignées depuis 1992. Le fait que les mêmes insuffisances soient relevées quinze ans plus tard démontre que l’État partie manque à ses obligations au titre de l’article 11 de la Convention.

3.4La requérante fait valoir que l’État partie n’a pas effectué une enquête prompte ni impartiale sur les allégations de torture dont a été victime Djilali Hanifi, au mépris du devoir imposé par l’article 12 de la Convention contre la torture. Malgré les nombreuses demandes adressées par les proches de Djilali Hanafi portant les faits à la connaissance des diverses institutions étatiques en leur demandant d’intervenir, aucune enquête pénale n’a jamais été ordonnée. La seule enquête menée s’inscrit dans le cadre de la procédure d’attribution d’aides, et n’a eu lieu qu’en 2006. Les agents chargés d’enquêter sur les circonstances de la mort de Djilali Hanafi étaient ceux qui en étaient responsables. L’enquête a donc été menée de manière partiale.

3.5La requérante fait valoir que l’État partie n’a pas offert la possibilité aux membres de la famille de la victime de porter plainte en vue de l’examen immédiat et impartial des faits allégués, contrevenant ainsi à l’article 13 de la Convention. Le Procureur de la République de Tiaret et les différentes autorités saisies ultérieurement n’ont donné aucune suite aux plaintes déposées par les proches de Djilali Hanafi. Ceux-ci se sont vus refuser la remise du rapport de l’autopsie pratiquée le 5 novembre 1998, ainsi que l’accès aux résultats de l’enquête que l’État affirme avoir menée suite à la demande d’indemnisation de 2006.

3.6La requérante considère également que l’État partie a violé l’article 14 de la Convention contre la torture. Il a ignoré le droit à réparation des proches de Djilali Hanafi, d’une part, en ce que les crimes perpétrés à son encontre sont restés impunis du fait de la passivité de l’État et, d’autre part, en ce que ses ayants droit, loin de percevoir une indemnisation adéquate, se sont vus refuser toute forme de compensation ou même d’aide de l’État.

Observations de l’État partie sur la recevabilité et le fond

4.1Le 2 mars 2009, l’État partie a soumis ses observations sur la recevabilité et le fond de la requête. Il conteste la recevabilité de la requête pour non-épuisement des voies de recours internes, conformément au paragraphe 5 b) de l’article 22 et à l’alinéa e de l’article 107 du Règlement intérieur du Comité (CAT/C/3/Rev.4), ainsi que pour abus du droit de soumettre des communications, au titre du paragraphe 2 de l’article 22 de la Convention et de l’alinéa b de l’article 107 du Règlement intérieur. L’État partie conteste également le bien-fondé de la requête selon laquelle la victime, M. Djilali Hanafi, serait décédée entre le 1er et le 3 novembre 1998, dans un lieu de garde à vue, à la brigade de gendarmerie de Mechraâ-Sfa, dans le Wilaya de Tiaret.

4.2L’État partie souligne que l’obligation d’épuiser les voies de recours internes constitue une obligation essentielle pour qu’une requête soit recevable. Or, en l’espèce, la requérante n’a pas épuisé tous les recours disponibles en vertu de la législation algérienne. L’État partie insiste sur l’importance de faire une distinction entre les simples démarches auprès d’autorités politiques ou administratives, les recours non contentieux devant des organes consultatifs ou de médiation, et les recours contentieux exercés devant les diverses instances juridictionnelles compétentes. L’État partie remarque qu’il ressort des déclarations de la requérante que celle-ci a adressé des lettres à des autorités politiques ou administratives, saisi des organes consultatifs ou de médiation et a parfois transmis une requête à des représentants du parquet (procureurs généraux ou procureurs de la République) sans avoir à proprement parler, engagé une procédure de recours judiciaire et l’avoir menée jusqu’à son terme par l’exercice de l’ensemble des voies de recours disponibles en appel et en cassation. Parmi toutes ces autorités, seuls les représentants du ministère public sont habilités par la loi à ouvrir une enquête préliminaire et à saisir le juge d’instruction pour instruire une affaire dans le cadre d’une information judiciaire. Dans le système judiciaire algérien, le Procureur de la République est celui qui reçoit les plaintes et qui, le cas échéant, met en mouvement l’action publique.

4.3L’État partie note cependant que pour protéger les droits de la victime ou de ses ayants droit, le Code de procédure pénale autorise ces derniers à agir par la voie de la plainte avec constitution de partie civile directement devant le juge d’instruction. Dans ce cas, c’est la victime et non le procureur qui met en mouvement l’action publique en saisissant le juge d’instruction. Ce recours visé aux articles 72 et 73 du Code de procédure pénale n’a pas été utilisé alors qu’il aurait suffi pour la requérante à déclencher l’action publique et obliger le juge d’instruction à informer, même si le parquet en avait décidé autrement. Ainsi, une simple requête datée et signée, déposée devant le juge d’instruction par la famille, aurait suffi pour déclencher l’action publique. Cette procédure visée aux articles 72 et 73 du Code de procédure pénale est susceptible d’appel devant la chambre d’accusation et de pourvoi en cassation devant la Cour suprême. En vertu de l’article 73, le juge d’instruction ordonne communication de la plainte déposée par les victimes ou leurs ayants droit au Procureur de la République, dans un délai de cinq jours, aux fins de réquisitions. Le Procureur doit prendre des réquisitions dans les cinq jours de la communication. Le réquisitoire peut être pris contre une personne dénommée ou non dénommée. L’État partie note qu’il existe des exceptions à cette procédure. Le Procureur peut en effet décider de ne pas poursuivre, soit lorsque les faits ne peuvent légalement comporter une poursuite ou, si les faits sont démontrés, lorsque ces faits ne peuvent admettre aucune qualification pénale. Dans le cas où le juge d’instruction passe outre, il doit statuer par une ordonnance motivée.

4.4L’État partie insiste sur le fait que victime et procureur sont deux parties au procès pénal, qui disposent l’une et l’autre, en droit pénal algérien, de prérogatives analogues et parallèles. Or la requérante et sa famille n’ont pas jugé bon d’utiliser cette voie de recours qui lui offrait la possibilité de mettre en mouvement l’action publique sans qu’elle ait eu besoin d’attendre le bon vouloir du représentant du parquet. L’État partie considère que la famille de la victime a préféré attendre une réponse «hypothétique» du représentant du ministère public.

4.5L’État partie note en outre que selon la requérante, l’adoption par référendum de la Charte et ses textes d’application, notamment l’article 45 de l’ordonnanceno06-01 du 27 février 2006, rend impossible de considérer qu’il existe en Algérie des recours internes efficaces, utiles et disponibles pour les familles de personnes victimes. Sur cette base, la requérante s’est crue dispensée de l’obligation de saisir les juridictions compétentes en préjugeant de leur position et de leur appréciation dans l’application des dispositions de l’article 45 susvisé, tant par rapport à sa conformité avec la Constitution algérienne, qu’au regard de sa compatibilité avec les dispositions de la Convention contre la torture. Or la requérante ne peut invoquer cette ordonnance et ses textes d’application pour s’exonérer de n’avoir pas engagé les procédures judiciaires disponibles. En tant qu’état de droit, l’État partie est régi par le principe constitutionnel de séparation des pouvoirs. En acceptant la recevabilité de la requête sans que les faits qui la constituent aient été soumis aux juridictions internes, la requérante invite indirectement à partager sa suspicion et son a priori sur le fonctionnement de la justice algérienne et l’indépendance du juge algérien. L’État partie demande donc au Comité de déclarer la requête irrecevable pour non-épuisement des recours internes au titre du paragraphe 5 b) de l’article 22 de la Convention.

4.6L’État partie entend néanmoins présenter des éléments d’information suite à des auditions menées auprès des personnes citées dans la requête et consignées sur procès‑verbal. Ces auditions révèlent que la requête se base sur de faux témoignages ou des témoignages détournés ce qui constitue un délit et ceci dans la perspective d’abuser de la procédure en violation de l’alinéa b de l’article 107 du Règlement intérieur du Comité (CAT/C/3/Rev.4). Le premier témoin, Boudali Benaissa qui avait été arrêté le 1er novembre 1998 par la même brigade de gendarmerie pour soutien et apologie des groupes terroristes, a déclaré qu’il était au courant de l’arrestation de Djilali Hanafi en date du 2 novembre 1998 et sa remise en liberté le 3 novembre 1998 à l’heure de la prière d’El-Icha car il souffrait de douleurs à l’estomac. Il a poursuivi dans son témoignage qu’il avait le même jour rencontré la victime au siège de la brigade de gendarmerie durant près d’une demi-heure, niant avoir passé la nuit en sa compagnie et réfutant avoir fourni une quelconque déclaration écrite à la famille de la victime ou à une quelconque organisation des droits de l’homme.

4.7L’État partie poursuit que le deuxième témoin entendu est Mohamed Belkacem qui affirme avoir été arrêté en 1997 et ne connaissait absolument pas la victime et qu’il n’avait jamais rien entendu à son sujet. Il a déclaré ignorer tout de la déclaration établie à son nom et jointe à la requête, précisant qu’il ne s’agissait pas de sa signature. Le troisième témoin est Djilali Malki. Il a nié avoir apporté un quelconque témoignage verbal ou écrit dans l’affaire mentionnée. Il a ajouté que Djilali Hanafi qui se trouvait en sa compagnie dans la chambre de sûreté au niveau de la brigade territoriale de la gendarmerie nationale de Mechraâ-Sfa n’avait subi aucune violence de la part des éléments de cette unité, précisant que l’intéressé a été remis en liberté le 3 novembre 1998, à la tombée de la nuit après qu’il se soit plaint de douleurs au niveau de l’estomac. Il a conclu que la victime se plaignait de ce mal bien avant son interpellation par les éléments de la gendarmerie. La requérante, veuve de la victime, a déclaré qu’elle avait tout d’abord donné procuration à son beau-frère Sahraoui Hanafi pour saisir la ligue des droits de l’homme afin d’obtenir des réparations financières. Elle a ajouté que son époux avait été interpellé par les éléments de la brigade territoriale de gendarmerie nationale de Mechraâ-Sfa le 2 novembre 1998, puis avait été relâché le lendemain 3 novembre 1998 à l’heure de la prière El-Icha et environ quatre heures plus tard, il décédait des suites de sa maladie. Elle a conclu en indiquant qu’elle n’a pas remarqué de traces de coups sur le corps.

4.8L’État partie ajoute que le médecin légiste du secteur sanitaire de Tiaret a remis aux enquêteurs une copie du rapport de l’autopsie pratiquée sur le défunt. Cette copie démontre que le décès est dû à une crise cardiaque aiguë et ne signale aucune trace de violence. De l’enquête effectuée par l’État partie, il ressort que les témoins ont unanimement nié avoir apporté un quelconque témoignage verbal ou écrit dans cette affaire, comme ils ont affirmé n’avoir jamais signé de telles déclarations.

4.9L’État partie relève que la requête présente des contradictions telles que le temps qu’aurait duré la garde à vue de la victime. La requête mentionne une durée de garde à vue de trois jours alors que les témoins ont unanimement affirmé qu’elle a été d’un jour. L’État partie en conclut que les allégations de la requérante sont sans fondement et que son beau-frère a obtenu de faux témoignages et falsifié les faits dans le seul but d’obtenir d’indues réparations financières. L’État partie considère donc que la requête est non fondée.

4.10Le 30 mars 2009, l’État partie a fourni au Comité une copie de l’autopsie établie par le médecin légiste du secteur sanitaire de Tiaret, au sujet du décès de la victime. Cette autopsie conclut à une souffrance cardiaque aiguë, cause directe du décès et à une absence de trace de lutte ou de défense tant à l’examen externe qu’interne.

Commentaires de la requérante

5.1Dans une lettre du 29 juin 2009, le conseil de la requérante a informé le Comité que le frère de la victime, Sahraoui Hanafi, qui avait soumis la requête initiale souhaitait retirer sa communication devant le Comité. Cette demande était motivée par le fait que durant le délai accordé à l’État partie pour soumettre ses observations, Sahraoui Hanafi et d’autres membres de sa famille, ainsi que plusieurs témoins avaient été convoqués par les forces de l’ordre algériennes pour s’expliquer sur cette affaire dans le cadre d’interrogatoires. Cela s’est passé début 2009, à la brigade de Mechraâ-Sfa.

5.2Le Conseil de la requérante rappelle à ce titre que selon l’article 45 de l’ordonnance no 06-01 du 27 février 2006, aucune poursuite ne peut être engagée, à titre individuel ou collectif, à l’encontre des éléments des forces de défense et de sécurité de la République, toutes composantes confondues, pour des actions menées en vue de la protection des personnes et des biens, de la sauvegarde de la nation et de la préservation des institutions de la République algérienne. Selon l’article 46 de la même ordonnance, est puni d’un emprisonnement de trois à cinq ans et d’une amende de 250 000 à 500 000 dinars algériens, quiconque qui, par ses déclarations, écrits ou tout autre acte, utilise ou instrumentalise les blessures de la tragédie nationale, pour porter atteinte aux institutions de la République, fragiliser l’État, nuire à l’honorabilité de ses agents qui l’ont dignement servie, ou ternir l’image de l’Algérie sur le plan international. Les poursuites pénales sont engagées d’office par le ministère public.

5.3Le conseil poursuit qu’à l’issue de ces interrogatoires, deux témoins se seraient rétractés, du moins partiellement. Sahraoui Hanafi, le frère de la victime, qui avait soumis la requête initiale, était convaincu que les témoins avaient eu peur d’être eux-mêmes poursuivis; qu’il y avait également une probabilité pour qu’ils se retournent contre lui. Il a quant à lui expliqué craindre que des poursuites pénales soient engagées contre lui. Les questions qui lui ont été posées, et dont les réponses ont été consignées dans un procès-verbal dont il n’a pas pu obtenir une copie, étaient suffisamment explicites pour qu’il les ressente comme un risque réel. Il lui a été par exemple demandé s’il confirmait déposer plainte contre la gendarmerie. Un autre de ses frères ainsi que la requérante se sont vus poser les mêmes questions, suivies de commentaires selon lesquels M. Hanafi n’avait pas le droit d’entreprendre de telles démarches.

5.4Le conseil s’étonne du fait que les autorités de l’État partie convoquent le frère de la victime, la requérante et leur famille alors que la procédure est en cours devant le Comité et alors que cette même procédure est close devant les autorités algériennes. Ce comportement est perçu par la requérante, sa famille et le conseil comme un avertissement. Le conseil s’étonne également du fait que ce n’est qu’après avoir engagé une procédure devant le Comité que la famille de la victime a enfin obtenu le rapport d’autopsie. Enfin, le frère de la victime a appris que trois de ses cousins, entendus au mois de mai 2009 par les services secrets algériens pour une affaire sans rapport avec la requête devant le Comité, se sont fait dire que Sahraoui Hanafi était sous surveillance. Il s’agit de menaces indirectes qui ont ébranlé la confiance du frère de la victime quant au fait que la procédure devant le Comité pourrait se dérouler sans dommage pour lui.

5.5Le 13 août 2009, le conseil a informé le Comité de la substitution de la veuve de la victime au frère de celle-ci, en tant que requérante dans le cadre de la procédure devant le Comité.

Observations supplémentaires de l’État partie

6.1Dans une note du 30 novembre 2009, l’État partie a exprimé son désaccord au sujet de la violation de la procédure que constituerait la décision unilatérale du Comité de proroger les délais au profit de la requérante ainsi que d’accepter le changement de l’auteur de la communication.

6.2L’État partie rappelle en outre que contrairement à ce que prétend la requérante, l’ordonnance no 06-01 du 27 février 2006 portant mise en œuvre de la Charte pour la Paix et la Réconciliation nationale n’empêche en rien un justiciable de se prévaloir auprès des organes de surveillance des traités des dispositions desdits traités et de présenter des communications, dans le respect des procédures, notamment celle relative au préalable de l’épuisement des voies de recours internes. L’État partie rappelle enfin qu’aucune disposition légale, y compris l’ordonnance susvisée, n’interdit à un justiciable de porter plainte pour des voies de fait qui n’entrent pas dans le cadre des actions menées en vue de la protection des personnes et des biens, de la sauvegarde de la nation et de la préservation des institutions de l’État partie.

Commentaires supplémentaires de la requérante

7.1Le 30 décembre 2009, la requérante a soumis ses commentaires sur les observations de l’État partie datées du 2 mars 2009. Sur la recevabilité de la communication, la requérante fait valoir que ses intentions n’étaient pas de se soustraire à ses obligations de saisine des instances internes mais d’obtenir la vérité sur ce qu’il s’est réellement passé au commissariat de Mechraâ-Sfa du 1er au 3 novembre 1998. Or, toutes les démarches entreprises se sont révélées vaines. De plus, la procédure envisagée par l’État partie devant le juge d’instruction est une procédure complexe et payante et qui n’aurait certainement pas abouti puisque toutes ces procédures sont réduites à néant depuis l’adoption de la Charte pour la Paix et la Réconciliation nationale.

7.2La requérante rappelle les nombreuses démarches judiciaires et administratives entreprises depuis le décès de son mari en 1998. Elle note que son ultime lettre recommandée, qui a été déposée auprès du Procureur général de Tiaret le 16 février 2008, est restée sans suite malgré la qualification de «mort suspecte» figurant sur le certificat de décès délivrée le 3 avril 2006 et signé par le service de médecine légale de la Wilaya de Tiaret. La requérante estime dès lors qu’elle n’a pas tenté de s’exonérer de sa responsabilité d’épuiser les recours internes. Au contraire, tout porte à croire que les recours engagés ne pouvaient que demeurer vains. La requérante se réfère notamment au fait que l’autopsie a été demandée dans la précipitation par le parquet de Tiaret le jour même de l’enterrement; qu’une copie de cette même autopsie n’a pu être obtenue que plus de dix ans après le décès de la victime et ce, dans le cadre, de la procédure devant le Comité; que les officiers chargés d’interroger les témoins aux événements dans le cadre de la procédure devant le Comité étaient les mêmes que ceux qui auraient été responsables de la mort de la victime; que la requérante, d’autres membres de sa famille et des codétenus de la victime ont été convoqués suite au dépôt de la requête devant le Comité et interrogés dans le même commissariat où la victime aurait été torturée; et que le frère de la victime serait sous la surveillance des autorités de l’État partie.

7.3Alors même que les autorités de l’État partie auraient dû agir ex officio et immédiatement, c’est la famille qui a dû entreprendre les démarches et déposer plainte pénale en date du 12 janvier 1999. Malgré cela, le parquet n’y a jamais donné suite, ce qui paraît incompréhensible à la requérante d’autant plus que ce même parquet avait ordonné l’autopsie le jour de l’enterrement de la victime. La requérante estime donc que c’est à juste titre qu’elle invoque l’inefficacité mais aussi l’indisponibilité des recours internes.

7.4S’agissant de la procédure devant le juge d’instruction, la requérante la considère complexe et onéreuse. Elle rappelle tout d’abord qu’au vu de la détention de la victime quelques heures seulement avant son décès, et son état de santé préoccupant alors que vu son âge il était, avant cela en parfaite santé, il revenait au ministère public de mettre en mouvement l’action pénale et non à la famille de la victime. La requérante cite les dernières observations finales du Comité adressées à l’État partie où il a considéré que l’État partie devrait déclencher spontanément et systématiquement des enquêtes promptes et impartiales dans tous les cas où existent des motifs raisonnables de croire qu’un acte de torture a été commis, y compris en cas de décès de la personne détenue. Le Comité ajoute que l’État partie devrait veiller à ce que les résultats de l’enquête soient communiqués aux familles des victimes. Malgré les demandes répétées de la famille de la victime, aucune enquête n’a été diligentée, et cela même onze ans après les faits. La requérante reproche donc à l’État partie d’avoir non seulement failli à son obligation de mener une enquête prompte et impartiale, mais aussi d’avoir mis la charge de l’opportunité des poursuites sur la famille de la victime.

7.5La requérante note que la procédure devant le juge d’instruction était quoi qu’il en soit indisponible puisqu’en vertu de la législation nationale, une décision du ministère public sur les suites à donner à une procédure engagée devait être prise pour que le juge d’instruction puisse se saisir ou être saisi. La famille de la victime a donc été privée de toute possibilité de porter l’affaire devant le juge d’instruction puisque aucune décision du ministère public n’a jamais été prise en l’espèce. Dans l’hypothèse où le ministère public aurait pris une décision de non-poursuite et où le juge d’instruction aurait été saisi, il aurait tout de même incombé en vertu de l’article 73 du Code de procédure pénale algérien, au parquet de prendre des réquisitions dans les cinq jours. Si la décision avait été de ne pas informer l’affaire, le juge d’instruction aurait dû alors motiver son ordonnance pour passer outre la décision du ministère public. La requérante entend montrer ici que la procédure pénale algérienne ne favorise pas l’action dirigée par le juge d’instruction dès lors qu’elle va à l’encontre de l’avis du parquet. La requérante soutient que l’État partie ne pourrait d’ailleurs pas citer une seule affaire dans laquelle un juge d’instruction a pu, sur plainte de la partie civile, passer outre l’inaction du ministère public et diligenter une instruction prompte, efficace et indépendante sur des faits d’une telle gravité imputables à des agents étatiques.

7.6La requérante note que la procédure devant le juge d’instruction est onéreuse puisqu’en vertu de l’article 75 du Code de procédure pénale, le plaignant qui n’a pas reçu l’assistance judiciaire doit consigner au greffe une somme déterminée par ordonnance du juge d’instruction, couvrant les frais de procédure. Elle rappelle à ce titre qu’avec la mort de son mari elle s’est retrouvée seule pour élever ses enfants et que sa situation financière était dès lors précaire. Les conditions d’obtention de l’assistance judiciaire obéissent à une procédure complexe qui est déclenchée par une demande adressée au Procureur de la République. Compte tenu de l’attitude du Procureur en l’espèce, la requérante considère que cette demande n’aurait pas abouti.

7.7La requérante soutient que l’article 45 de l’ordonnance prise en application de la Charte pour la Paix et la Réconciliation nationale a pour effet direct de priver les justiciables de tout recours utile, même en cas de violations graves des règles fondamentales telles que l’interdiction de la torture. Le Comité a lui-même exprimé ses préoccupations quant à l’impunité dont jouissent les agents de l’État depuis l’adoption de la Charte puisque celle-ci prévoit une amnistie pour les agents de l’État et interdit toute poursuite pour les actes commis dans le cadre de la tragédie nationale par ces mêmes agents. La requérante rappelle que le Comité a considéré que ces dispositions ne sont pas conformes à l’obligation de tout État partie de procéder à une enquête impartiale chaque fois qu’il y a des motifs raisonnables de croire qu’un acte de torture a été commis sur tout territoire sous sa juridiction, de poursuivre les auteurs de ces actes et d’indemniser les victimes. La requérante ajoute que le Comité a attiré l’attention de l’État partie sur le paragraphe 5 de son Observation générale no 2 (2007) selon laquelle il considère qu’une amnistie ou tout autre obstacle juridique qui empêcherait que les auteurs d’actes de torture ou de mauvais traitements fassent rapidement l’objet de poursuites et de sanctions équitables, ou qui exprimerait une réticence à cet égard, violerait le principe de non-dérogeabilité.

7.8La requérante considère que l’action qu’elle et sa famille ont engagé depuis 1998 pour faire la lumière sur la disparition de son mari entre dans le champ d’application de l’article 45 de l’ordonnance susvisée, lequel est un obstacle à l’épuisement de recours efficaces et utiles. La requérante n’était dès lors pas dans l’obligation d’épuiser d’autres recours pour satisfaire aux conditions de recevabilité de l’article 22, paragraphe 5 b), de la Convention.

7.9Sur le fond, elle relève l’attitude suspecte des autorités de l’État partie s’agissant du rapport d’autopsie daté de novembre 1998. La famille de la victime a dû attendre que leur requête soit soumise au Comité pour que l’État partie se décide à lui donner copie de l’autopsie. La requérante insiste sur le fait que la victime était en très bonne santé avant d’être incarcérée au commissariat de Mechraâ-Sfa. En revanche, lorsqu’il est revenu à son domicile, celui-ci a confié avoir été sévèrement battu. Il vomissait du sang quelques heures après sa sortie de détention. Il appartenait aux autorités de veiller au respect de l’intégrité de la personne détenue et il relevait donc du ministère public de procéder à une enquête prompte, impartiale et indépendante dans la mesure où la mort pouvait avoir un lien avec la détention de la victime. Au vu du contenu du rapport d’autopsie aujourd’hui délivré à la famille qui révèle un décès par arrêt cardiaque, la requérante se demande pourquoi les autorités ont caché les conclusions de ce rapport pendant onze années sinon peut-être pour empêcher la famille de demander une contre-expertise médico-légale en temps voulu.

7.10Afin de démontrer que le rapport d’autopsie n’a pas été diligenté de manière sérieuse et professionnelle, la requérante a prié plusieurs médecins légistes de procéder à son analyse. Ces médecins concluent unanimement au caractère succinct et lapidaire de ce rapport. Selon eux, l’examen cardiaque n’est pas suffisant et il est impossible de conclure à un décès cardiaque au vu des éléments retenus dans ce rapport. La seule information sur la situation cardiaque de la victime est la présence de «plusieurs zones hémorragiques sur la surface cardiaque». Selon les spécialistes en médecine légale consultés par la requérante, cet aspect n’est pas spécifique à une souffrance cardiaque et ne peut seul conduire à la conclusion d’un aspect macroscopique caractéristique d’une souffrance cardiaque aiguë, cause directe du décès. La «cyanose des extrémités», la «spume aérique» et les «poumons congestifs et très œdématiés» sont d’après ces spécialistes, des éléments retrouvés pour des décès d’ordre asphyxique et ne sont pas spécifiques à des souffrances cardiaques aiguës. En tout état de cause, l’examen conduit par les deux médecins du secteur sanitaire de Tiaret, signataires du rapport d’autopsie, n’est pas suffisant pour aboutir à la conclusion d’un décès par arrêt cardiaque d’une personne âgée de 32 ans en pleine forme au moment de son arrestation. Cette analyse est reprise par le professeur Patrice Mangin, Directeur du Centre universitaire romand de médecine légale en Suisse. La requérante relève également que l’attestation du certificat médical de décès délivré le 3 avril 2006 fait état d’une mort suspecte alors que le rapport d’autopsie présenté par l’État partie ne permet pas de mener à une telle conclusion. Cet élément permet de mettre sérieusement en doute la crédibilité du rapport d’autopsie divulgué onze ans après les faits.

7.11S’agissant des témoignages communiqués, la requérante fait valoir que les procès verbaux des auditions de Boudali Benaissa, Mohamed Belkacem et Djilali Malki n’ont jamais été communiqués au Comité. Dans ces circonstances, les arguments de l’État partie ne reposent sur aucune preuve tangible contrairement aux témoignages signés et transmis au Comité par la requérante dans sa requête initiale. Cette même absence de preuve ne permet pas d’identifier les personnes qui auraient modifié leurs témoignages initiaux. Quand bien même ces personnes auraient été interrogées par l’État partie, la requérante considère cette méthode comme abusive dans la mesure où les témoins ont été interrogés dans les mêmes locaux où ils auraient été détenus et où la victime aurait été torturée et ceci, alors qu’une procédure est en cours devant le Comité. Dans l’hypothèse où l’État partie est en droit de mener une enquête complémentaire alors que la procédure devant le Comité est engagée, la requérante note que des dispositions spéciales auraient dues êtres prises afin de garantir l’intégrité des témoignages des personnes interrogées. La requérante considère donc que ces auditions auraient dû être préalablement autorisées par le Comité devant qui une procédure est en cours. En outre, un avocat représentant les intérêts de la requérante ou toute autre personne choisie par celle-ci aurait dû être présent lors de l’interrogatoire, afin d’éviter toute pression, intimidation ou contrainte sur les témoins.

7.12Enfin, sur les allégations de contradiction dans la requête, la requérante souligne qu’elle n’a jamais allégué que la garde à vue avait duré une journée. Ce sont les affirmations de l’État partie qui vont dans ce sens. La requérante et sa famille ont toujours soutenu que la victime avait été détenue trois jours. Quant au témoignage de la requérante selon lequel elle n’aurait pas remarqué de traces de coups sur le corps de la victime, celle-ci maintient en effet qu’au vu de l’état de santé de son mari de retour au domicile, elle et sa famille l’ont simplement allongé sur un lit. Avant de mourir, il vomissait du sang et il est vrai que la requérante n’a pas pensé, avant que le corps soit emmené, de vérifier la présence de possibles traces de contusion sur son corps. La requérante insiste sur le fait qu’elle n’a jamais eu l’intention de déclencher une procédure pour obtenir d’indues réparations financières comme le soutient l’État partie. Elle précise d’ailleurs que la recherche de réparation pour actes de torture n’est pas indue comme le prétend l’État partie mais justifiée. Cette réparation ne comprend pas seulement des indemnisations financières mais également une reconnaissance des violations commises.

Délibérations du Comité

Examen de la recevabilité

8.1Avant d’examiner une plainte qui fait l’objet d’une communication, le Comité contre la torture doit déterminer si la requête est recevable en vertu de l’article 22 de la Convention.

8.2S’agissant de la question du respect de la procédure devant le Comité, celui-ci souhaite rappeler qu’en vertu du paragraphe 2, alinéa c, de l’article 104 de son règlement intérieur (CAT/C/3/Rev.5), une requête peut être soumise par la victime présumée ou un membre de la famille proche. Dès lors que l’intérêt de la victime présumée est respecté, aucune disposition du règlement intérieur n’interdit au Comité de considérer ladite requête. S’agissant des délais impartis pour soumettre des commentaires, le Comité souhaite rappeler sa pratique selon laquelle il peut octroyer des délais supplémentaires à l’une ou l’autre partie, à sa demande, s’il l’estime fondée.

8.3Le Comité s’est assuré, comme il est tenu de le faire conformément au paragraphe 5 a) de l’article 22 de la Convention, que la même question n’a pas été et n’est pas actuellement examinée par une autre instance internationale d’enquête ou de règlement.

8.4Le Comité note que selon l’État partie, la requérante n’aurait pas épuisé les recours internes au titre de l’article 22, paragraphe 5 b), de la Convention puisque la possibilité de saisine du juge d’instruction en se constituant partie civile n’a pas été envisagée par la requérante et sa famille. Le Comité note les arguments de la requérante selon lesquels elle et sa famille se sont adressés au procureur du ressort des tribunaux territorialement compétents, aussi bien de la juridiction civile que militaire, mettant en cause l’arrestation arbitraire et la torture suivie de la mort de Djilali Hanafi, en vain; que le 12 janvier 1999, la requérante a saisi le Procureur de la République du tribunal de Tiaret; qu’elle n’a cependant jamais obtenu de réponse de la part des autorités; qu’au cours de l’année 2000, les membres de sa famille se sont également adressés au Procureur général de Tiaret, au commandant du secteur militaire, au commandant de la gendarmerie nationale de Tiaret et au Ministère de la justice, mais qu’aucune suite n’a été donnée à leurs démarches. Le Comité note que selon la requérante, il revenait aux autorités de l’État partie de diligenter une enquête et non à la famille de se constituer partie civile auprès du juge d’instruction qui n’aurait de toute façon pu être saisi puisque aucune décision du Procureur positive ou négative n’a jamais été prise.

8.5Le Comité rappelle que la règle de l’épuisement des recours internes ne s’applique pas s’il est établi que les procédures de recours ont excédé ou excéderaient des délais raisonnables ou s’il est peu probable qu’elles donneraient satisfaction à la victime. Le Comité rappelle à cet égard ses dernières observations finales adressées à l’État partie dans lesquelles il a insisté sur la nécessité pour celui-ci de déclencher spontanément et systématiquement des enquêtes promptes et impartiales dans tous les cas où existent des motifs raisonnables de croire qu’un acte de torture a été commis, y compris en cas de décès de la personne détenue. La constitution de partie civile pour des infractions aussi graves que celles alléguées en l’espèce ne saurait remplacer des poursuites qui devraient être engagées par le Procureur de la République lui-même. Le Comité en conclut que les obstacles procéduraux insurmontables rencontrés par la requérante par suite de l’inaction des autorités compétentes ont rendu fort improbable l’ouverture d’un recours susceptible de lui apporter une réparation utile. Le Comité considère en outre que les procédures internes ont excédé des délais raisonnables, la première plainte ayant été déposée le 12 janvier 1999 et aucune enquête impartiale et approfondie n’ayant encore été engagée à la date de la considération par le Comité de la présente requête. Le Comité conclut à la recevabilité de la requête au titre du paragraphe 5 b) de l’article 22 de la Convention. Ne pouvant identifier d’autres obstacles quant à la recevabilité, le Comité déclare la requête recevable et procède à son examen sur le fond.

Examen au fond

9.1Le Comité a examiné la requête en tenant dûment compte de toutes les informations qui lui ont été fournies par les parties, conformément au paragraphe 4 de l’article 22 de la Convention.

9.2La requérante a allégué une violation du paragraphe 1 de l’article 2, lu conjointement avec l’article premier de la Convention, soutenant que l’État partie a enfreint ses obligations de prévenir et de sanctionner les actes de torture subis par la victime. Ces dispositions sont applicables dans la mesure où les actes dont la victime a été l’objet sont considérés comme des actes de torture au sens de l’article premier de la Convention. Le Comité note à cet égard que d’après la requérante, la victime a elle-même dit à sa famille avant de succomber à ses blessures, avoir été très violemment battue en détention; que ses tortionnaires ne lui ont pas ensuite apporté les soins nécessaires malgré son état de santé sérieux; qu’en outre, l’intention de lui infliger de telles douleurs semble manifeste vu l’état dans lequel il s’est retrouvé. Le Comité note également que d’après la requérante, la finalité d’un tel traitement était d’obtenir des renseignements, des aveux, de le punir, l’intimider ou de faire pression sur lui en raison de son appartenance politique supposée; que s’agissant des auteurs de tels actes, il ne fait pas de doute qu’il s’agissait d’agents étatiques. Le Comité note que l’ensemble de ces allégations sont contestées par l’État partie qui n’a néanmoins pas apporté d’autres éléments de preuve que le rapport d’autopsie de la victime qui ne permet d’aboutir à aucune conclusion, et des témoignages de codétenus dont les procès-verbaux n’ont pas été soumis au Comité.

9.3Le Comité considère que les éléments de la communication qui lui ont été soumis, sont constitutifs de torture au sens de l’article premier de la Convention pour les raisons suivantes. En premier lieu, la victime a souffert d’un traitement en détention d’une telle gravité, sous l’autorité d’agents étatiques, qu’elle a entraîné son décès dans un laps de temps très court; qu’alors qu’elle était encore en détention, les codétenus de la victime auraient alerté les autorités du lieu de détention sur son état de santé critique et de l’urgence d’un traitement médical; et qu’en dépit d’une telle démarche, les autorités n’auraient à aucun moment appelé un médecin pour vérifier l’état de santé de la victime. Le Comité constate en outre que la victime est décédée quelques heures après sa libération, ce qui n’est pas contesté par l’État partie. S’agissant de l’intention des agents étatiques, le Comité rappelle qu’il incombe à l’État partie d’apporter la preuve que le traitement infligé en détention n’avait pas pour objectif de causer un traitement contraire à l’article premier de la Convention, et en particulier celui de lui infliger une punition. En l’espèce, cette preuve n’a pas été fournie et l’État partie n’a pas non plus procédé à une enquête immédiate et d’office afin d’établir les circonstances du décès de la victime. En effet, durant toute la durée de la détention de la victime et malgré des témoignages concordants selon lesquels elle aurait été torturée, les autorités n’ont diligenté aucune enquête ni demandé à un médecin de vérifier son état de santé alors que les codétenus ont alerté les gardes sur l’état critique de la victime. En outre, alors que le certificat de décès a révélé la «mort suspecte» de la victime, le parquet ne s’est à aucun moment saisi de l’affaire ce que l’État partie n’a pas contesté. Le Comité en conclut que le traitement infligé à la victime et ses conséquences mortelles sont constitutifs d’une violation de l’article premier ainsi que de l’article 2, paragraphe 1, lu conjointement avec l’article premier de la Convention.

9.4Ayant constaté la violation de l’article premier de la Convention, le Comité n’a pas besoin d’examiner s’il y a eu violation du paragraphe 1 de l’article 16 de la Convention.

9.5S’agissant de l’article 11, le Comité note les arguments de la requérante selon lesquels la victime aurait été détenue trois jours à la brigade de Mechraâ-Sfa et qu’elle était en parfaite santé avant sa mise en détention; qu’à sa sortie de détention elle était dans un état de santé sérieux et vomissait du sang. Le Comité note que selon l’État partie, la remise en liberté de la victime a eu lieu le 3 novembre 1998 car il souffrait de douleurs à l’estomac; que la requête mentionne une durée de garde à vue de trois jours alors que les témoins ont unanimement affirmé qu’elle a été d’un jour; et que le rapport d’autopsie effectué par le médecin légiste du secteur sanitaire de Tiaret a conclu à une souffrance cardiaque aiguë, cause directe du décès et à une absence de trace de lutte ou de défense tant à l’examen externe qu’interne. Le Comité s’étonne des dires de l’État partie qui se fonde sur les témoignages de codétenus pour infirmer les allégations de la requérante s’agissant de la durée de la garde à vue. Le Comité s’étonne aussi du fait que le seul examen médical qui semble avoir été effectué sur la victime n’a eu lieu qu’après son décès; que la victime aurait été libérée parce qu’elle souffrait de douleurs à l’estomac alors qu’il incombait aux responsables du lieu de détention de procéder à un examen médical au vu de tels symptômes survenus en détention. Le Comité rappelle à ce titre ses dernières observations finales adressées à l’État partie dans lesquelles il lui a recommandé de veiller au respect, dans la pratique, du droit de toute personne détenue d’avoir accès à un médecin en détention mais également de veiller à la création d’un registre national de personnes détenues. Au vu du manque d’informations fournies par l’État partie sur ces questions et les arguments figurant dans ses observations, le Comité ne peut que constater en l’espèce que l’État partie a failli à ses obligations au titre de l’article 11 de la Convention.

9.6Concernant la violation présumée des articles 12 et 13 de la Convention, le Comité observe que, d’après la requérante, aucune des autorités contactées, y compris le Procureur de Tiaret, ne lui ont indiqué si une enquête était en cours ou avait été effectuée suite à la première plainte déposée en janvier 1999. Selon la requérante, la seule enquête menée s’inscrit dans le cadre de la procédure d’attribution d’aide, et n’a eu lieu qu’en 2006; les agents chargés d’enquêter sur les circonstances de la mort de Djilali Hanafi étant ceux qui en étaient responsables. Le Comité note l’argument de l’État partie selon lequel la famille de la victime a préféré attendre une réponse hypothétique du représentant du ministère public au lieu de déclencher elle-même l’action publique. Le Comité constate ainsi qu’aucune enquête pénale impartiale et approfondie n’a été diligentée pour faire la lumière sur la mort du mari de la requérante et ceci encore douze ans après les faits, ce que ne conteste pas l’État partie. L’absence d’enquête est d’autant plus inexplicable que le certificat de décès délivré en avril 2006 fait référence à la mort suspecte de la victime. Le Comité considère qu’un tel délai avant l’ouverture d’une enquête sur des allégations de torture est abusivement long et n’est pas conforme aux dispositions de l’article 12 de la Convention, qui impose à l’État partie l’obligation de procéder immédiatement à une enquête impartiale chaque fois qu’il y a des motifs raisonnables de croire qu’un acte de torture a été commis. L’État partie ne s’est pas non plus acquitté de l’obligation, imposée par l’article 13 de la Convention, d’assurer à la requérante le droit de porter plainte puisque cette obligation comprend l’obligation incidente des autorités de réagir à une telle plainte par le déclenchement d’une enquête prompte et impartiale.

9.7S’agissant de la violation présumée de l’article 14 de la Convention, le Comité note les allégations de la requérante selon lesquelles l’État partie l’a privée de toute réparation, en ne donnant pas suite à sa plainte et en ne procédant pas immédiatement à une enquête publique. Le Comité rappelle que l’article 14 de la Convention reconnaît non seulement le droit d’être indemnisé équitablement et de manière adéquate, mais impose aussi aux États parties l’obligation de veiller à ce que la victime d’un acte de torture obtienne réparation. Le Comité considère que la réparation doit couvrir l’ensemble des dommages subis par la victime, et englobe, entre autres mesures, la restitution, l’indemnisation ainsi que des mesures propres à garantir la non-répétition des violations, en tenant toujours compte des circonstances de chaque affaire. Compte tenu du manque d’enquête diligentée de manière prompte et impartiale malgré l’existence d’un rapport d’autopsie mais surtout d’un certificat de décès se référant à une mort suspecte, le Comité conclut que l’État partie a également manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 14 de la Convention.

9.8S’agissant du respect de la procédure au titre de l’article 22, le Comité note que par lettre du 29 juin 2009, le conseil de la requérante a informé le Comité que le frère de la victime, Sahraoui Hanafi, qui avait soumis la requête initiale souhaitait retirer sa communication devant le Comité; que cette demande était motivée par les pressions exercées à son encontre ainsi qu’à l’encontre des codétenus de la victime; et que ceux-ci auraient été interrogés par les autorités de l’État partie afin qu’ils se rétractent. Le Comité constate que l’État partie ne conteste pas avoir interrogé le frère de la victime et ses codétenus; qu’il justifie une telle démarche par la nécessité de mettre en exergue le caractère diffamatoire des allégations soumises par la requérante. Le Comité réaffirme que dans le cadre de la procédure de communication individuelle de l’article 22, l’État partie est tenu de coopérer avec le Comité en toute bonne foi et s’abstenir de prendre toute mesure susceptible d’entraver une telle démarche; qu’il a l’obligation de prendre toute mesure garantissant le droit d’accès de tout individu à la procédure de l’article 22 et que cet accès ne devrait en aucun cas être limité ou supprimé et devrait s’exercer librement. En l’espèce, les méthodes consistant à interroger des anciens codétenus et la requérante elle-même dans le but qu’ils retirent leurs précédents témoignages devant le Comité constitue une ingérence inacceptable dans la procédure visée à l’article 22 de la Convention.

9.9Le Comité tient à rappeler ses observations finales concernant l’Algérie qu’il a adoptées lors de sa quarantième session où il a considéré que l’État partie devrait amender le chapitre 2 et l’article 45 de l’ordonnance no 06-01 afin de préciser que l’exonération des poursuites ne s’applique en aucun cas aux crimes tels que la torture. L’État partie devrait prendre sans délai toutes les mesures nécessaires pour garantir que les cas de torture ou de mauvais traitements font l’objet d’enquêtes systématiques et impartiales, que les auteurs de ces actes sont poursuivis et sanctionnés de manière proportionnelle à la gravité des actes commis, et que les victimes et leurs ayants droit sont indemnisés de manière adéquate. Le Comité a attiré l’attention de l’État partie sur le paragraphe 5 de son Observation générale no 2 (2007) selon laquelle il considère qu’une amnistie ou tout autre obstacle juridique qui empêcherait que les auteurs d’actes de torture ou de mauvais traitements fassent rapidement l’objet de poursuites et de sanctions équitables, ou qui exprimeraient une réticence à cet égard, violerait le principe d’intangibilité. Le Comité rejette donc l’argument de l’État partie selon lequel la requérante ne peut invoquer cette ordonnance et ses textes d’application pour s’exonérer de n’avoir pas engagé les procédures judiciaires disponibles, l’obligation reposant non pas sur les victimes présumées mais sur l’État partie de réduire tout obstacle au bon déroulement des poursuites. Le Comité rappelle enfin à l’État partie que l’impossibilité pour les victimes de porter plainte pour des actions menées en vue de la protection des personnes et des biens, de la sauvegarde de la nation et de la préservation des institutions de l’État partie constitue une amnistie telle que visée par le paragraphe 5 de son Observation générale no 2 (2007).

10.Le Comité contre la torture, agissant en vertu du paragraphe 7 de l’article 22 de la Convention, conclut que les faits dont il a été saisi font apparaître une violation des articles 1, 2, paragraphe 1, 11, 12, 13 et 14de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

11.Conformément au paragraphe 5 de l’article 18 de son règlement intérieur, le Comité invite instamment l’État partie à initier une enquête impartiale sur les événements en question, dans le but de poursuivre en justice les personnes qui pourraient être responsables du traitement infligé à la victime, et à l’informer, dans un délai de quatre-vingt-dix jours à compter de la date de transmission de la présente décision, des mesures qu’il aura prises conformément à la présente décision, y inclus l’indemnisation de la requérante.

Communication no344/2008: A. M. A. c. Suisse

Présentée par:

A. M. A. (représenté par le Service d’aide juridiqueaux exilé-e-s (SAJE))

Au nom de:

A. M. A.

État partie:

Suisse

Date de la requête:

22 mai 2008 (lettre initiale)

Le Comité contre la torture, institué en vertu de l’article 17 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,

Réuni le 12 novembre 2010,

Ayant achevé l’examen de la requête no 344/2008, présentée par A. M. A. en vertu de l’article 22 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,

Ayant tenu compte de toutes les informations qui lui ont été communiquées par le requérant, son conseil et l’État partie,

Adopte ce qui suit:

Décision au titre du paragraphe 7 de l’article 22 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumainsou dégradants

1.1Le requérant, A. M. A., né le 1er janvier 1983, a présenté sa requête au Comité le 22 mai 2008. Ressortissant togolais et séjournant en Suisse, il fait l’objet d’un arrêté d’expulsion à destination de son pays d’origine. Il prétend que son retour forcé au Togo constituerait une violation par la Suisse de l’article 3 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Il est représenté par le Service d’aide aux exilé-e-s (SAJE).

1.2Conformément au paragraphe 3 de l’article 22 de la Convention, le Comité a porté la requête à l’attention de l’État partie par note verbale datée du 3 juillet 2008, en y joignant une demande de mesures provisoires de protection.

Rappel des faits exposés par le requérant

2.1Le requérant est un pêcheur originaire de la ville de Lomé (Togo). Il n’a jamais exercé d’activité politique. Le 27 février 2005 a eu lieu une manifestation organisée par plusieurs associations de femmes, destinée à obtenir un changement de la Constitution togolaise. Cette manifestation a été réprimée par les forces de l’ordre. Le soir, le requérant et son père sont allés pêcher du poisson dans la lagune de Bé, avec leur pirogue. Ils ont aperçu deux camions garés près de la lagune. Entendant les bruits d’objets tombant dans l’eau, ils ont allumé leurs torches électriques. Le requérant et son père ont alors vu des hommes en treillis militaire en train de jeter des corps dans l’eau. Parmi les sept ou huit soldats présents, ils en ont reconnu deux, qui habitaient le même quartier qu’eux, derrière le château de Bé. Bouleversés, le requérant et son père ont interpellé les soldats. Ces derniers ont alors braqué leur torche dans leur direction. Les deux soldats que le requérant et son père avaient identifiés les ont reconnus à leur tour et les ont interpellés par leur nom. Trois soldats se sont jetés à l’eau dans leur direction. Le requérant et son père se sont également jetés dans l’eau pour tenter de fuir à la nage. Dans sa fuite, le requérant s’est retourné et a vu son père entouré de deux soldats. Il l’a entendu crier à l’aide mais, persuadé qu’il ne pouvait pas l’aider, il a continué à nager. Lorsqu’il a atteint la rive opposée, il s’est déshabillé et a jeté ses vêtements. Il a ensuite couru jusqu’à la maison de l’un de ses amis à Bé. Cet ami lui a conseillé de se rendre au siège de l’Union des forces de changement (UFC), parti d’opposition, à Bé Kpehenou. Tous deux s’y sont rendus le lendemain.

2.2Le 28 février 2005, au siège de l’UFC, le requérant et son ami ont été reçus par une femme à qui ils ont relaté les événements de la nuit. Ils se sont ensuite fait accompagner par trois hommes sur les lieux de l’incident. Ensemble, ils ont remonté quatre corps, dont celui d’un enfant de 10 ou 12 ans. Le requérant n’a trouvé aucune trace de son père. Dans la soirée du 28 février 2005, le requérant a quitté Bé et s’est rendu dans une autre ville chez un ami. Une fois arrivé là-bas, il a repris contact avec M. A. et lui a demandé d’informer son oncle A. D. de la situation et d’aller chercher les économies que son père et lui cachaient dans la chambre. Le 2 mars 2005, M. A. s’est rendu dans la maison du requérant. Des colocataires l’ont alors informé que la veille, le 1er mars 2005, trois inconnus s’étaient présentés au domicile du requérant, avaient défoncé la porte et fouillé la chambre.

2.3Le 3 mars 2005, les tantes du requérant l’ont appelé et lui ont recommandé de quitter le pays. Celui-ci a préféré attendre l’issue des élections, espérant une victoire de l’opposition. Il est resté caché chez son ami S., et n’est jamais sorti de la maison. Le 26 avril 2005, apprenant la victoire de Faure Gnassingbé, le requérant a décidé de quitter le pays. Son ami a pris contact avec une connaissance émigrée en Suisse qui se trouvait au Togo à ce moment-là et qui auparavant avait aidé une personne à fuir le pays. Moyennant le paiement de 3 millions de francs CFA, cette personne a accepté de l’aider à quitter le pays, en lui prêtant le passeport de son propre fils. Le requérant a envoyé son ami à son domicile pour chercher sa carte d’identité. S. n’a trouvé que l’ancienne carte, déjà périmée. C’est ce document qu’il a présenté aux autorités suisses.

2.4Le 28 avril 2005, le requérant a quitté le Togo pour Cotonou (Bénin), où il a pris un avion vers la Suisse. Le 29 avril 2005, le requérant a déposé une demande d’asile en Suisse au Centre d’enregistrement de Vallorbe. Le 3 mai 2005, il a été auditionné une première fois dans ce centre. Deux autres auditions ont eu lieu, les 24 mai et 22 août 2005.

2.5Depuis la Suisse, le requérant a pris contact avec son oncle. Celui-ci lui a dit s’être rendu à la prison de Lomé pour rechercher le père du requérant, sans succès. Le 30 juillet 2005, lors d’un autre contact téléphonique, l’oncle a informé le requérant que la veille, les forces de l’ordre étaient retournées à son domicile pour s’enquérir à son sujet auprès des locataires. Elles les ont brutalisés et frappés avec leurs armes. Tous les locataires ont quitté la maison. Dans une lettre du 13 février 2006, l’oncle a affirmé qu’il s’était résigné à rechercher le père du requérant dans les morgues de la ville. Il dit s’être rendu au CHU de Tokoin, à la morgue de Tsevié, et de Kpalimé. C’est à Aného qu’il a finalement retrouvé le corps du défunt, le 7 février 2006. Selon l’acte de décès signé par le président de la délégation spéciale de la commune d’Aného, le corps a été déposé à la morgue le 15 novembre 2005. L’autopsie a été réalisée le jour où l’oncle du requérant a retrouvé le corps soit le 7 février 2006. À l’examen, il a été dénoté des blessures et des hématomes sur tout le corps. Il a aussi été constaté que la tête du défunt avait été écrasée. Le père du requérant a été enterré le 11 février 2006.

2.6Par décision du 19 février 2007, l’Office fédéral des migrations (ODM) a rejeté la demande d’asile du requérant. Il a jugé que le récit du requérant était invraisemblable, et a fixé sa date de renvoi au 18 avril 2007. Le 23 février 2007, le requérant a déposé un recours devant le Tribunal administratif fédéral (TAF), demandant l’annulation de la décision de l’ODM, l’octroi de l’asile et, subsidiairement, l’admission provisoire. Le 8 juin 2007, le requérant a déposé un mémoire complémentaire. Le 12 décembre 2007, le Tribunal administratif fédéral a rejeté son recours. Le 17 janvier 2008, le requérant a déposé une demande de révision contre l’arrêt du 12 décembre 2007, demande qui fut jugée irrecevable par le Tribunal administratif fédéral dans un arrêt du 30 janvier 2008.

2.7Dans ses soumissions complémentaires du 17 novembre et du 9 décembre 2008, le conseil a informé le Comité que, par décision du 27 octobre 2008, l’Établissement vaudois d’accueil des migrants (EVAM) avait attribué une place d’hébergement au requérant dans le centre collectif d’hébergement de Vennes (canton de Vaud). Le requérant a fait opposition de cette décision au motif que le centre d’hébergement en question est un centre d’urgence qui ne reçoit que des requérants d’asile déboutés soumis au régime spécial de l’«aide d’urgence». Ce régime aurait été instauré par les autorités de l’État partie dans l’objectif de pousser les demandeurs d’asile les plus récalcitrants à quitter le territoire helvétique faute de perspectives. Dans ce centre d’hébergement, le requérant ne bénéficiait plus de moyens essentiels pour vivre et était placé dans un milieu de vie collective, bruyant et sommairement aménagé, entièrement surveillé nuit et jour par la police administrative chargée de l’exécution des renvois, donc hostile. Par décision du 11 novembre 2008, l’EVAM a rejeté l’opposition introduite par le requérant et a maintenu la décision du 27 octobre 2008 de le placer dans le centre d’hébergement de Vennes. Le requérant a fait recours le 25 novembre 2008.

Teneur de la plainte

3.1Le requérant affirme que son expulsion vers le Togo constituerait une violation de l’article 3 de la Convention contre la torture. En tant que témoin des faits commis durant la nuit du 27 au 28 février 2005, il serait en danger dans son pays, ce qui est confirmé par la mort dramatique de son père. Il estime qu’il existe un risque personnel, réel et prévisible de torture en cas de renvoi vers le Togo. En outre, le requérant considère que le régime de l’aide d’urgence qui est un régime d’assistance minimale doublée d’un régime de contrôle par la police administrative suisse, dans l’attente de son renvoi, violerait l’article 22 de la Convention.

3.2S’agissant de l’article 3, le requérant relève que les autorités suisses n’ont pas contesté l’authenticité des documents qu’il a présentés, or ceux-ci, contrairement à l’appréciation qui a été faite par le Tribunal administratif fédéral, viennent apporter la preuve de la vraisemblance de son récit, des circonstances de la mort de son père et des menaces qui pèsent sur sa personne en cas de retour au Togo. Le requérant met en évidence le fait que sur le site Internet de l’UFC, on peut lire dans les archives que la Ligue togolaise des droits de l’homme mentionnait, le 28 février 2005, qu’au moins quatre corps avaient été repêchés dans la lagune de Bé, parmi lesquels celui d’un enfant de 12 ans.

3.3Le requérant souligne que tous les acteurs internationaux ont dénoncé les exactions commises par les forces de l’ordre togolaises lors des élections présidentielles de 2005. Il rappelle que le Comité lui-même, dans ses observations finales du 15 mai 2006 concernant le rapport initial du Togo, se disait «préoccupé par les allégations qu’il a reçues, en particulier après les élections d’avril 2005, faisant état d’une pratique généralisée de la torture, de disparitions forcées, d’arrestations arbitraires et de détentions au secret» (CAT/C/TGO/CO/1, par. 12). Le Comité critiquait également «l’absence d’enquêtes impartiales visant à établir la responsabilité individuelle des auteurs d’actes de torture et de traitements cruels, inhumains et dégradants, en particulier après les élections d’avril 2005, contribuant au climat d’impunité qui règne au Togo» (ibid., par. 22), tout en prenant note du rapport de la Commission nationale spéciale d’enquête indépendante (CNSEI). Le requérant soutient que les autorités togolaises semblent vouloir passer l’éponge sur les exactions commises par les forces de l’ordre dans le contexte des élections de 2005, au mépris des victimes des multiples violations des droits humains. Dans un rapport sur le Togo réalisé par le Bureau pour la démocratie, les droits humains et le travail, du Département d’État des États-Unis, daté du 11 mars 2008, il est mentionné que de sérieux problèmes de violation des droits humains persistent, bien que la situation se soit améliorée.

3.4S’agissant de l’article 22, le requérant estime que la procédure devant le Comité contre la torture et l’octroi de mesures provisoires de protection ont pour but de suspendre la procédure de renvoi dans l’attente d’une décision du Comité sur le fond. Or, le régime d’aide d’urgence pourrait être assimilable à un régime de contrainte en vue de rendre la poursuite du séjour en Suisse moins attractive, de briser la résistance morale des étrangers indésirables en Suisse, considérés comme séjournant illégalement en Suisse, de manière à ce qu’ils fassent le nécessaire pour quitter le pays ou devenir clandestin.

Observations de l’État partie sur le fond

4.1Le 9 décembre 2008, l’État partie a présenté ses observations sur le fond de la requête. Rappelant brièvement les faits tels que présentés par le requérant, il soutient que celui-ci n’apporte pas de nouveaux éléments devant le Comité. Bien au contraire, le requérant conteste d’abord l’appréciation des faits par les autorités internes puis décrit, de manière générale, la situation des droits de l’homme au Togo et se base finalement sur sa propre appréciation des faits pour prétendre qu’il serait exposé à un risque réel, personnel et imminent d’être soumis à la torture en cas de renvoi au Togo.

4.2Rappelant les dispositions de l’article 3 de la Convention, l’État partie mentionne la jurisprudence du Comité ainsi que son Observation générale no 1 (1997) sur l’application de l’article 3 dont les alinéas 6 et suivants prévoient que le requérant doit prouver qu’il existe pour lui un risque personnel, actuel et sérieux d’être soumis à la torture en cas d’expulsion vers son pays d’origine. L’État partie note que cette disposition signifie que les faits allégués ne peuvent se limiter à de simples soupçons et qu’ils doivent faire apparaître un risque sérieux. Confrontant ensuite les éléments à prendre en compte pour évaluer le risque avec la situation du requérant, l’État partie précise que celui-ci n’a jamais eu d’activités politiques, ses activités religieuses se limitant à l’appartenance à un groupe de prière ce qui ne lui a pas causé d’ennui. Des allégations de torture n’ayant pas non plus été soulevées par le requérant, l’État partie se limite dans ses observations aux alinéas a, d et g du paragraphe 8 de l’Observation générale.

4.3L’État partie précise que les événements que le requérant prétend avoir observés en tant que témoin direct le 27 février 2005 se situaient dans le contexte des élections présidentielles d’avril 2005 qui était accompagnées de violences. Selon l’État partie, la situation au Togo s’est considérablement améliorée depuis que le requérant a quitté le pays. En août 2006, les cinq principaux partis d’opposition ont paraphé un accord politique global avec le Rassemblement du peuple togolais (RPT, le parti au pouvoir) prévoyant la mise en place d’un gouvernement d’union nationale. Ces démarches ont abouti à la nomination d’un opposant historique au poste de premier ministre, à la mise en place d’un gouvernement incluant les partis d’opposition et à la constitution de la Commission électorale nationale indépendante dans laquelle l’UFC, bien que restée dans l’opposition, était représentée. L’État partie ajoute qu’un accord tripartite entre le Togo, le Ghana et le Bénin a été conclu en avril 2006 sous l’égide du Haut-Commissariat des Nations Unies aux réfugiés (HCR). Dans cet accord, le Gouvernement togolais s’est engagé à prendre toutes les mesures pour garantir un retour des réfugiés dans la dignité et la sécurité. En juin 2008, une partie des personnes qui avaient fui le Togo lors des élections présidentielles sont retournées dans leur patrie sans que des persécutions n’aient été rapportées.

4.4L’État partie ajoute que des élections législatives se sont tenues le 14 octobre 2007 et que, selon plusieurs sources indépendantes, le scrutin s’est déroulé de manière globalement satisfaisante. L’État partie considère que cette évolution et l’amélioration de la situation des droits de l’homme dans le pays ont conduit le Commissaire européen au développement et à l’aide humanitaire à estimer que les conditions étaient remplies pour rétablir une coopération pleine et entière entre l’Union européenne et le Togo. Quant à l’impunité à laquelle fait allusion le requérant, elle demeure un problème, mais plusieurs signes d’amélioration ont été observés puisque plus d’une trentaine d’agents de l’État auraient été traduits en justice pour leur implication dans des braquages. L’État partie note enfin que le fait qu’il existe une impunité ne signifie pas, à lui seul, que les personnes qui ont vu ou dénoncé les atrocités commises sont à l’heure actuelle persécutées par les autorités. À supposer que le récit du requérant soit crédible, cela ne signifie pas que ce seul fait soit un motif sérieux de penser qu’en cas de retour au Togo il serait exposé à la torture. Or, l’État partie conteste la crédibilité des allégations du requérant.

4.5L’État partie revient sur les constatations des instances nationales telles que l’Office fédéral des migrations (ODM) et le Tribunal administratif fédéral (TAF), qui ont mis en évidence des incohérences factuelles qui rendaient le récit invraisemblable. Devant le Tribunal administratif fédéral, le requérant a fourni la copie d’un article du journal Le point daté du 2 mars 2005, qui était censé attester de la véracité de son récit. Selon cet article, quatre corps ensanglantés ont été repêchés le 28 février 2005, de la lagune de Bé à la suite des violences de la veille. Cependant, cet article ne décrit que de manière ponctuelle ce qui s’est passé sans que le requérant ni son père ne soient mentionnés. L’article ne mentionne pas non plus la nature des violences qui se sont produites, alors que le rapport de la Ligue togolaise des droits de l’homme (LTDH) auquel les autorités suisses se sont référées détaille ces événements et donne une autre réalité que celle décrite par le requérant. Le Tribunal administratif fédéral a tenu compte des déclarations faites par celui-ci, selon lesquelles il n’aurait pas été témoin d’un meurtre mais seulement du transport de cadavres ensuite jetés à l’eau. En outre, le requérant n’a pas décrit la réalité des événements tels que relatés par la LTDH, selon laquelle les militaires qui contrôlaient les abords de la lagune auraient tiré des coups de feu, utilisé des grenades lacrymogènes et commis plusieurs meurtres à l’endroit même de la lagune de Bé. L’État partie considère aussi qu’il est invraisemblable que le requérant n’ait entendu parler des événements que le lendemain alors que ces événements avaient été d’une grande ampleur et s’étaient déroulés dans les quartiers où il résidait. Le Tribunal administratif fédéral a aussi relevé des incohérences de temps puisque, selon la LTDH, les corps auraient été repêchés l’après-midi du lendemain et non le matin. Les victimes seraient mortes noyées, ce qui ne coïncide pas avec le témoignage du requérant. Enfin, bien que le décès du père du requérant ait été prouvé, la date de sa mort ne semble pas coïncider avec le déroulement du récit du requérant. L’État partie doute du fait que l’armée ait constitué prisonnier le père du requérant et ceci pendant six mois avant de l’assassiner. Il semblerait donc que le père du requérant soit mort, certes de manière violente, mais dans d’autres circonstances que celles décrites par le requérant. Les divergences entre le témoignage du requérant et les descriptions délivrées par la LTDH ainsi que son caractère lacunaire, ont amené le Tribunal administratif fédéral à écarter le risque du requérant de retourner dans son pays d’origine.

4.6Sur l’allégation de violation de l’article 22 de la Convention, l’État partie rappelle qu’aucune mesure d’éloignement du requérant n’a été prise ou envisagée depuis la demande de mesures provisoires de protection du Comité. L’article 3 protège les personnes concernées contre un renvoi lorsqu’il y a un risque de torture. Cette norme ne garantit pas un standard de vie élevé dans l’État dans lequel le requérant se trouve. L’État partie ajoute que les obligations pouvant être déduites de l’article 22 de la Convention ne sauraient aller au-delà des dispositions matérielles de la Convention. Au vu des prestations accordées au requérant par l’autorité cantonale en l’espèce, l’octroi de l’aide d’urgence n’est de toute façon pas en contradiction avec une quelconque obligation qui pourrait découler de l’article 22 de la Convention. L’État partie rappelle en outre que l’aide d’urgence est octroyée sur demande et vise à accorder à quiconque se trouvant en situation de détresse, les moyens indispensables pour mener une existence conforme à la dignité humaine. L’État partie conclut que, dans la mesure où l’auteur estime que les prestations accordées n’englobent pas le nécessaire pour une survie décente, il peut saisir les instances de recours, ce qu’il a fait le 6 novembre 2008.

Commentaires du requérant sur les observations de l’État partie

5.1Le 16 février 2009, le conseil a fait savoir au Comité qu’il n’avait pas de remarque particulière à faire sur la position de l’État partie puisque tous les arguments relatifs à l’article 3 de la Convention avaient été développés dans la communication initiale. Le conseil a cependant transmis au Comité une lettre écrite par l’oncle du requérant qui atteste des recherches faites en vue de retrouver son père. A. D., oncle du requérant, a expliqué avoir retrouvé son corps à la morgue d’Aného le 7 février 2006. Selon le personnel de la morgue, le corps aurait été déposé le 15 novembre 2005 par des inconnus. La lettre atteste également du harcèlement exercé par des soldats en civil sur les locataires de la maison du requérant.

5.2Le 15 juin 2009, le requérant a abordé la question des mesures provisoires ordonnées par le Comité. Les deux recours introduits par le requérant contre son placement au centre d’hébergement de Vennes (canton de Vaud), où il ne recevait que des prestations de survie en nature, ont été rejetés par le Département de l’intérieur le 11 mai 2009 et par le tribunal cantonal vaudois le 21 avril 2009. Dans sa décision, le tribunal cantonal a considéré que le requérant n’avait pas droit à l’aide sociale et ceci en conformité avec la législation nationale. Il n’était cependant pas en situation illégale et pouvait percevoir l’aide d’urgence. Le requérant n’a pas fait recours de cette décision devant le Tribunal fédéral en raison de la jurisprudence récente de ce même Tribunal en mars 2009, qui est une jurisprudence de principe dans laquelle il a confirmé que l’aide d’urgence est le bénéfice du droit fondamental au minimum vital et ne peut être assimilée à une mesure de contrainte en vue de l’exécution du renvoi. Devant le Comité le requérant soutient que, contrairement à ce qui a été établi par la jurisprudence interne, l’aide d’urgence est une mesure de contrainte et a pour finalité d’inciter le requérant à quitter la Suisse.

Délibérations du Comité

Examen de la recevabilité

6.1Avant d’examiner une plainte soumise dans une requête, le Comité contre la torture doit déterminer si la requête est recevable en vertu de l’article 22 de la Convention. Le Comité s’est assuré, comme il est tenu de le faire conformément au paragraphe 5 a) de l’article 22 de la Convention, que la même question n’avait pas été examinée et n’était pas actuellement examinée par une autre instance internationale d’enquête ou de règlement.

6.2Conformément au paragraphe 5 b) de l’article 22 de la Convention, le Comité n’examine aucune communication sans s’être assuré que le requérant a épuisé tous les recours internes disponibles. Le Comité note que l’État partie reconnaît que les recours internes ont été épuisés et constate donc que la requête respecte les dispositions du paragraphe 5 b) de l’article 22 de la Convention.

6.3S’agissant des allégations au titre de l’article 22 de la Convention, le Comité prend note de l’argument du requérant selon lequel le régime de l’aide d’urgence auquel il est soumis est assimilable à une mesure de contrainte qui, à terme, inciterait le requérant à quitter la Suisse. Il prend également note de l’argument de l’État partie selon lequel l’aide d’urgence, qui n’est octroyée que sur demande, a pour but de subvenir aux besoins essentiels de l’individu, et que l’obligation au titre de l’article 3 est une obligation de non-refoulement et non une obligation de garantir un niveau de vie élevé dans le pays d’accueil. Dans les circonstances de l’espèce, le Comité considère que le requérant n’a pas fourni assez d’informations pour étayer ses allégations au titre de l’article 22 de la Convention. Cette partie de la communication est donc irrecevable.

Examen au fond

7.1Le Comité doit déterminer si le renvoi du requérant vers le Togo violerait l’obligation de l’État partie, en vertu de l’article 3 de la Convention, de ne pas expulser ou refouler une personne vers un autre État où il a des motifs sérieux de croire qu’elle risque d’être soumise à la torture.

7.2En procédant à l’évaluation du risque de torture, le Comité tient compte de tous les éléments pertinents, conformément au paragraphe 2 de l’article 3, y compris de l’existence d’un ensemble de violations systématiques des droits de l’homme, graves, flagrantes ou massives. Toutefois, le but de cette analyse est de déterminer si l’intéressé risquerait personnellement d’être soumis à la torture dans le pays où il serait renvoyé. Il s’ensuit que l’existence, dans un pays, d’un ensemble de violations systématiques des droits de l’homme, graves, flagrantes ou massives ne constitue pas en soi une raison suffisante d’établir qu’une personne donnée serait en danger d’être soumise à la torture à son retour dans ce pays. Il doit exister des motifs supplémentaires donnant à penser que l’intéressé serait personnellement en danger. Pareillement, l’absence d’un ensemble de violations flagrantes et systématiques des droits de l’homme ne signifie pas qu’une personne ne puisse pas être soumise à la torture dans la situation particulière qui est la sienne.

7.3Le Comité rappelle son Observation générale no 1 concernant l’application de l’article 3 dans le contexte de l’article 22, dans laquelle il expose qu’il doit déterminer s’il y a des motifs sérieux de croire que le requérant risque d’être soumis à la torture s’il est renvoyé dans le pays concerné. Il n’est pas nécessaire de montrer que le risque couru est hautement probable, mais ce risque doit être encouru personnellement et actuellement. À cet égard, le Comité a établi dans des décisions antérieures que le risque de torture devait être «prévisible, réel et personnel».

7.4En ce qui concerne la charge de la preuve, le Comité rappelle également son Observation générale ainsi que sa jurisprudence selon laquelle il incombe généralement au requérant de présenter des arguments défendables et que le risque de torture doit être apprécié selon des éléments qui ne se limitent pas à de simples supputations ou soupçons.

7.5En évaluant le risque de torture dans le cas à l’examen, le Comité a noté l’affirmation du requérant selon laquelle lui et son père ont observé des militaires jeter des corps dans la lagune de Bé. Il note aussi que deux des militaires les ont reconnus et se sont lancés à leur poursuite, que le père du requérant aurait été appréhendé tandis que le requérant aurait réussi à s’enfuir, et que le corps de son père aurait été retrouvé roué de coups, quelques mois après les événements du 27 février 2005. Le Comité note l’argument du requérant selon lequel ces événements puis les intrusions ultérieures à son domicile par des militaires en civil comportent un risque pour lui de revenir dans son pays d’origine. Le Comité note enfin l’argument selon lequel de sérieux problèmes de droits de l’homme persistent au Togo et que les responsables des exactions commises durant les élections de 2005 sont toujours en liberté.

7.6Le Comité note l’argument de l’État partie selon lequel les événements auxquels le requérant aurait assisté se situaient dans le contexte des élections présidentielles et que, depuis cette date, la situation des droits de l’homme s’est considérablement améliorée. Il note aussi que selon l’État partie, l’existence d’une impunité ne signifie pas, à elle seule que les personnes qui ont été témoins des atrocités sont aujourd’hui persécutées au Togo. Il prend note que les instances nationales ont constaté une série d’invraisemblances dans le récit du requérant, telles que les divergences entre les nombreux témoignages récoltés par la LTDH et celui du requérant qui donnent deux versions opposées des mêmes événements que, vu l’ampleur des manifestations et des exactions commises, le requérant n’aurait pu entendre parler de ces événements que le lendemain, surtout si ces événements ont eu lieu dans la lagune de Bé, que la manière dont le requérant aurait surpris les militaires, le fait que ceux-ci se soient jetés à l’eau pour le poursuivre alors que lui-même se trouvait dans sa pirogue, qu’à son tour il aurait plongé dans l’eau alors qu’il lui aurait été plus facile de s’échapper en bateau, sont particulièrement invraisemblables, et enfin que la date du décès de son père ne coïncide pas avec le déroulement des événements tels que décrits par le requérant. Le Comité note l’argument de l’État partie selon lequel, à supposer que son témoignage soit crédible, cela ne signifie pas que ce seul fait soit un motif sérieux de penser qu’en cas de retour au Togo, il serait exposé à la torture.

7.7Ayant tenu compte des arguments présentés par les parties, le Comité constate que le requérant n’a pas apporté la preuve d’un risque réel, actuel et prévisible. Il considère en effet que le récit du requérant présente des incohérences factuelles qui rendent le récit invraisemblable, notamment s’agissant de l’affirmation qu’il n’était pas au courant des répressions exercées le jour où il était lui-même sur les lieux et que seul le témoignage de son oncle, selon lequel des militaires en civil continuent à harceler les locataires de sa maison, pourrait apporter la preuve d’un risque actuel. Le Comité note en outre que les autorités suisses ont entendu le requérant à trois reprises et ont tenté, malgré le manque de documents ou de témoignages à l’appui des dires du requérant, d’apporter la lumière sur les faits de l’affaire et que les juridictions nationales ont à leur tour entendu le requérant et ont argumenté le refus d’accéder à sa demande d’asile. La question principale étant de savoir si le requérant court actuellement le risque d’être torturé s’il était déporté au Togo, il n’existe aucune preuve substantielle de ce que, plusieurs années après les faits, un risque réel, personnel et prévisible existe toujours.

7.8Compte tenu de l’ensemble des informations qui lui ont été communiquées, le Comité estime que le requérant n’a pas apporté suffisamment d’éléments de preuve pour montrer qu’il court personnellement un risque réel et prévisible d’être soumis à la torture s’il était expulsé vers son pays d’origine.

8.Le Comité contre la torture, agissant en vertu du paragraphe 7 de l’article 22 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, conclut que l’expulsion du requérant vers le Togo ne constituerait pas une violation de l’article 3 de la Convention.

Communication no 349/2008: Güclü c. Suède

Présentée par:

Mükerrem Güclü(représentée par un conseil, Ingemar Sahlström)

Au nom de:

Mükerrem Güclü

État partie:

Suède

Date de la requête:

29 juillet 2008 (lettre initiale)

Le Comité contre la torture, institué en vertu de l’article 17 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,

Réuni le 11 novembre 2010,

Ayant achevé l’examen de la requête no 349/2008, présentée par Ingemar Sahlström au nom de Mükerrem Güclü en vertu de l’article 22 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,

Ayant tenu compte de toutes les informations qui lui ont été communiquées par la requérante, son conseil et l’État partie,

Adopte ce qui suit:

Décision au titre du paragraphe 7 de l’article 22 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumainsou dégradants

1.1La requérante est Mükerrem Güclü, de nationalité turque, née le 3 mai 1973. Elle réside en Suède et fait l’objet d’un arrêté d’expulsion vers la Turquie. Elle vit avec son mari et sa fille, qui ont également soumis une requête au Comité (communication no 373/2009, Aytulun et Güclü c. Suède). Elle affirme que son renvoi vers la Turquie constituerait une violation par la Suède de l’article 3 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Elle est représentée par un conseil, M. Ingemar Sahlström.

1.2Le 31 juillet 2008, le Rapporteur chargé des nouvelles requêtes et des mesures provisoires de protection, agissant en application du paragraphe 1 de l’article 108 du Règlement intérieur, a prié l’État partie de ne pas expulser la requérante vers la Turquie tant que sa requête serait examinée par le Comité. À la même date, l’État partie a accédé à cette demande.

Rappel des faits présentés par la requérante

2.1La requérante est entrée au Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) en mai 1990, à l’âge de 17 ans. Elle a participé à ses activités pendant quinze ans en tant que «soldat de la guérilla», et a suivi un entraînement de deux mois en Iraq. Entre 1991 et 1998, elle était chargée de dactylographier des articles écrits pour des journaux par d’autres membres du PKK, notamment Abdullah Öcalan, le chef du PKK. Elle a présenté aux autorités suédoises des photos d’elle en compagnie d’Abdullah Öcalan et d’autres dirigeants du PKK. Jusqu’en 1998, elle travaillait principalement dans les régions de Sirnak et de Diyarbakir en Turquie. Bien qu’elle n’ait jamais pris part au combat, elle devait porter des armes comme n’importe quel autre soldat de la guérilla; elle était armée d’une kalachnikov. L’armée turque a attaqué le camp de la guérilla où elle se trouvait à 10 reprises. En 1997, elle a été blessée au coude lors d’une attaque de l’armée turque.

2.2En 1998, elle a été transférée au camp principal du PKK en République arabe syrienne, appelé «l’Académie», où elle a participé à un cours d’éducation politique durant dix mois. Pendant cette formation, elle dirigeait un groupe de 20 personnes. Elle a été élue pour participer au sixième congrès du PKK tenu en Iraq entre décembre 1998 et février 1999. Elle a ensuite participé aux activités de la branche féminine du PKK (le PJA) à Qandil en Iraq. Sa tâche consistait principalement à dactylographier les articles rédigés par des dirigeants et d’autres membres du parti pour le journal Tanrica Zilan, mais elle a également écrit plusieurs articles elle-même.

2.3À la fin des années 90, la requérante a commencé à avoir des doutes sur l’idéologie du PKK. En 2002, elle a été détenue pendant plusieurs mois par cette organisation qui la soupçonnait d’avoir aidé un soldat de la guérilla à fuir et de ne pas soutenir le PKK et le PJA. Elle a été interrogée à de nombreuses reprises et humiliée devant ses camarades. Elle a également été traduite devant le tribunal du PKK appelé «la Plateforme». Après un certain temps, elle a été autorisée à poursuivre son travail au département des médias du PKK où elle a été maintenue sous surveillance. Elle s’efforçait d’éviter de se faire remarquer. Les personnes qui avaient tenté de s’échapper des camps de la guérilla ont été exécutées.

2.4En mai 2004, elle a été autorisée à s’entretenir avec des membres de sa famille dans un camp de réfugiés à Machmoor en Iraq. Elle s’est alors enfuie avec l’aide de son oncle, citoyen suédois. Elle a passé quelques mois en République islamique d’Iran, puis est retournée en Turquie avec de faux papiers d’identité. Elle y est restée pendant un certain temps, en veillant toutefois à ne pas se rendre dans les régions où le PKK était actif, de crainte d’être reconnue et tuée. Elle s’est rendue en Suède, où elle a présenté une demande d’asile le 14 avril 2005. En Suède, elle a épousé un homme dont la demande d’asile était également pendante, avec qui elle a eu un enfant en 2007. Par la suite, la demande d’asile de son mari, qui est également un ancien soldat de la guérilla du PKK ayant fui cette organisation, a été rejetée par la Suède.

2.5La requérante dit qu’elle est recherchée par les autorités turques, qui ont effectué de nombreuses recherches pour la retrouver, ont arrêté des membres de sa famille et les ont interrogés pour tenter de savoir où elle se trouvait. Selon elle, les autorités turques sont bien au courant de sa participation aux activités du PKK, car elles ont dit aux membres de sa famille qu’elles savaient qu’elle avait été un soldat de la guérilla. Son frère a dit à la police qu’elle se trouvait en Suède. La requérante affirme qu’en cas de renvoi en Turquie, elle risque jusqu’à quinze ans de prison pour ses activités au sein du PKK, et d’être soumise à la torture en détention. Elle affirme également que le PKK, la considérant comme un déserteur, la tuera, et que les autorités turques n’assureront pas sa protection.

2.6Le 23 mai 2006, le Conseil des migrations a rejeté la demande d’asile de la requérante ainsi que ses demandes de permis de séjour et de permis de travail. Il a également ordonné son expulsion vers son pays d’origine. Il n’a pas contesté le récit de ses activités au sein du PKK, mais a estimé qu’elle n’avait pas établi qu’elle était recherchée par les autorités turques. Le Conseil a reconnu qu’il y avait un risque que la requérante soit arrêtée et jugée, mais a considéré qu’il n’y avait aucun élément prouvant qu’elle recevrait une «peine plus sévère que d’autres personnes dans la même situation». Le Conseil a également estimé que la peine ne serait pas disproportionnée, compte tenu du fait que la requérante avait été membre d’une organisation terroriste. En outre, le Conseil a fait référence à la récente politique de la Turquie de «tolérance zéro» à l’égard de la torture et a dit que bien qu’il y ait encore des cas isolés de torture, rien n’indiquait que la requérante elle-même serait soumise à de tels actes. Le Conseil a également estimé que la requérante n’avait pas prouvé que le PKK la tuerait pour avoir quitté l’organisation sans autorisation.

2.7La requérante a fait appel de la décision du Conseil des migrations devant le tribunal des migrations (tribunal administratif du comté de Stockholm). Le 8 janvier 2007, Amnesty International a soumis une communication au tribunal pour soutenir l’appel de la requérante, affirmant que celle-ci ne bénéficierait pas d’un procès équitable en Turquie et qu’elle risquerait d’être soumise à la torture, ainsi qu’à d’autres traitements inhumains ou cruels. Amnesty International a relevé que les personnes qui se trouvaient dans la même situation que la requérante ne bénéficiaient pas de l’assistance d’un avocat et qu’elles étaient soumises à la torture dans le but de leur extorquer des aveux.

2.8Le 22 novembre 2007, le tribunal des migrations a rejeté l’appel de la requérante. Le 10 juin 2008, la cour d’appel des migrations a refusé à la requérante l’autorisation de faire appel de la décision du tribunal des migrations.

Teneur de la plainte

2.9La requérante affirme qu’à son arrivée en Turquie, elle sera arrêtée et torturée par les autorités et/ou par le PKK. Elle dit qu’elle ne bénéficiera pas d’un procès équitable et sera envoyée en prison, où elle n’aura aucune protection contre le PKK.

2.10La requérante se réfère aux directives du Ministère britannique de l’intérieur concernant le traitement des membres du PKK en Turquie, au rapport de la Commission européenne sur la Turquie, aux rapports d’Amnesty International de juillet 2007, et aux directives des services d’immigration canadiens relatives au PKK et à la Turquie. Tous ces documents font état de cas de mauvais traitements et de torture dans le système pénitentiaire turc, et deux d’entre eux indiquent explicitement que les forces de sécurité prennent pour cible les membres du PKK. La plupart de ces rapports datent de 2007.

Observations de l’État partie

3.1Dans une note datée du 30 janvier 2009, l’État partie rappelle partiellement les faits présentés par la requérante dans sa communication initiale. Il appelle en outre l’attention sur les réformes qui ont été engagées par les autorités turques pour lutter contre le problème de la torture, bien qu’il reconnaisse que des cas de torture continuent à se produire. Rappelant les arguments du Conseil des migrations, il relève que le PKK est considéré comme une organisation terroriste tant par la Turquie que par l’Union européenne. L’État partie reconnaît que la requérante risque d’être arrêtée, jugée et emprisonnée, mais il considère que l’octroi du statut de réfugié ne saurait être uniquement fondé sur le fait qu’une personne risque d’être punie conformément à la législation nationale.

3.2L’État partie relève que la requérante menait des activités à un niveau relativement peu élevé dans l’organisation et estime qu’elle n’a pas démontré qu’elle risquait une «peine disproportionnée» si elle était jugée en Turquie. Elle n’a pas démontré qu’elle risquait de faire l’objet de persécutions, de menaces ou d’actes de harcèlement de la part du PKK qui nécessiteraient que sa protection soit assurée. Même si elle risquait de subir un tel traitement, l’État partie considère qu’il est de la responsabilité des autorités judiciaires et de la police turques d’assurer sa protection.

3.3L’État partie rappelle que l’un des juges du tribunal des migrations a émis une opinion dissidente en faveur de la plaignante. Il a estimé que les informations relatives aux activités de la requérante dans le PKK étaient suffisantes pour que celle-ci soit considérée comme une «personne nécessitant une protection» et que, par conséquent, il fallait lui accorder un permis de résidence en Suède.

3.4Au sujet de la recevabilité, l’État partie reconnaît que la requérante a épuisé tous les recours internes disponibles et que, à sa connaissance, la même question n’a pas été et n’est pas actuellement examinée par une autre instance internationale d’enquête ou de règlement. Il estime que la requérante affirme qu’elle risque de subir un traitement incompatible avec l’article 3 de la Convention sans apporter le minimum d’éléments de preuve requis aux fins de la recevabilité. Il fait valoir que la communication est manifestement infondée et donc irrecevable en vertu du paragraphe 2 de l’article 22 de la Convention et de l’alinéa b de l’article 107 du Règlement intérieur du Comité.

3.5L’État partie conteste les griefs de la requérante quant au fond. Il rappelle les réformes entreprises par la Turquie dans le domaine des droits de l’homme, notamment l’adoption d’une politique de tolérance zéro à l’égard de la torture et les importantes réformes législatives qui prévoient des mécanismes de plainte pour les victimes de tortures. Il estime qu’il convient d’accorder un grand poids aux conclusions des autorités suédoises, car celles-ci sont très bien placées pour apprécier les informations présentées par la requérante et évaluer la crédibilité de ses allégations. La requérante avait pris part aux activités du PKK à un niveau peu élevé et son travail se limitait à des tâches de dactylographie et d’édition. L’État partie nie donc qu’elle présente autant d’intérêt pour les autorités turques qu’elle le prétend. La requérante avait indiqué qu’elle n’avait jamais été privée de liberté, emprisonnée, ni arrêtée. Dans sa décision initiale, le Conseil des migrations avait relevé que la requérante n’avait pas pu établir par des preuves documentaires qu’elle présentait un intérêt pour les autorités turques, notamment qu’elle n’avait pas produit un extrait du registre national turc de la population prouvant qu’elle était recherchée par les autorités. Toutefois, l’État partie relève que, selon les informations dont il dispose, depuis 2004 il serait illégal d’indiquer dans ce registre qu’une personne est recherchée. Pour cette raison, l’État partie ne tient pas compte du fait que la requérante n’a pas présenté un tel document.

3.6L’État partie est conscient du fait que, le PKK étant considéré comme une organisation terroriste, au regard de la législation antiterroriste turque tout lien avec cette organisation constitue une infraction qui est réprimée par une peine alourdie d’un facteur de 1,5. Il estime que le risque que la requérante soit placée en détention ne constitue pas en soi un motif sérieux de croire qu’elle risque d’être soumise à un traitement contraire à l’article 3 de la Convention. En outre, l’État partie, citant de nombreux rapports concernant la question de la torture en Turquie, affirme que la situation des droits de l’homme dans le pays s’est améliorée, malgré une certaine augmentation des cas de torture signalée par les organisations non gouvernementales en 2007, et conclut que les informations concernant la vulnérabilité des membres du PKK dans les prisons sont quelque peu contradictoires.

3.7L’État partie affirme également que le risque d’être soumis à des mauvais traitements par un acteur non étatique ou par des particuliers sans le consentement exprès ou tacite du Gouvernement du pays de renvoi n’entre pas dans le champ d’application de l’article 3 de la Convention, et que par conséquent les griefs formulés à cet égard ne devraient pas être pris en compte dans l’examen de la communication. Il note en outre que la requérante a passé dix mois dans le pays après avoir quitté le PKK sans être inquiétée et nie qu’elle présente autant d’intérêt pour le PKK qu’elle le prétend. L’État partie attire l’attention sur les contradictions dans les déclarations de la requérante concernant les possibilités d’échapper au PKK. Pendant la procédure d’asile, la requérante a affirmé qu’elle n’était pas autorisée à quitter le PKK et a décrit le sort réservé à ceux qui tentaient de s’échapper. Toutefois, elle a également dit qu’elle avait été autorisée à voir son oncle en dehors de la zone de guérilla, et que les règles avaient été modifiées en 2004 de sorte que les membres de l’organisation qui souhaitaient partir étaient désormais autorisés à le faire.

Commentaires de la requérante

4.1Le 15 avril 2009, la requérante a contesté les arguments de l’État partie sur la recevabilité et sur le fond de la plainte.

4.2La requérante fournit une déclaration de la section de Diyarbakir de l’Association pour les droits de l’homme en Turquie datée du 13 août 2008 à l’appui de ses allégations. Il y est indiqué que des traitements cruels et inhumains sont souvent infligés par les forces de sécurité et que les personnes expulsées vers la Turquie suite au rejet de leur demande du statut de réfugié sont souvent arrêtées à leur arrivée dans les aéroports et soumises à un interrogatoire durant lequel la force physique et la pression psychologique sont utilisées. Les auteurs de ce document affirment qu’un mandat d’arrêt a été émis contre la requérante au motif qu’elle était membre d’une organisation terroriste armée, et indiquent le numéro de l’affaire pénale engagée contre elle par un procureur de Diyarbakir (2005/298). Il est affirmé dans cette déclaration que le nombre de plaintes déposées auprès de l’association concernant des actes de torture dans la région n’a cessé d’augmenter depuis 2004, et que rien qu’entre 2007 et 2008, il a augmenté de 260% (passant de 172 plaintes pour torture en 2007 à 434 en 2008). En ce qui concerne les anciens membres du PKK, l’association affirme qu’on les force à faire des aveux, à donner des informations sur le PKK et l’emplacement de ses camps, ainsi qu’à participer au combat contre leurs anciens camarades. L’association avance en outre que si la requérante et son mari étaient tous deux renvoyés en Turquie et qu’ils y étaient arrêtés, leur fille serait condamnée à vivre dans la rue.

4.3La requérante communique également des copies de décisions du Conseil des migrations et du tribunal des migrations concernant des affaires similaires à la sienne accordant le statut de réfugié en Suède à d’anciens membres du PKK. Elle fait valoir que, suivant leur propre pratique, les autorités auraient dû lui accorder l’asile.

Délibérations du Comité

Examen de la recevabilité

5.1Avant d’examiner une plainte soumise dans une requête, le Comité contre la torture doit déterminer si la requête est recevable en vertu de l’article 22 de la Convention. Le Comité s’est assuré, comme il est tenu de le faire conformément aux paragraphes 5 a) et b) de l’article 22 de la Convention, que la même question n’a pas été et n’est pas actuellement examinée par une autre instance internationale d’enquête ou de règlement et que tous les recours internes disponibles ont été épuisés.

5.2Concernant l’allégation de la requérante selon laquelle en cas de renvoi en Turquie, elle serait tuée par le PKK pour avoir quitté l’organisation sans autorisation, le Comité considère que la question de savoir si l’État partie a l’obligation de ne pas expulser une personne qui risque de se voir infliger une douleur ou des souffrances par une entité non gouvernementale, sans le consentement exprès ou tacite du Gouvernement, est en dehors du champ d’application de l’article 3 de la Convention. Le Comité estime donc que ce grief est irrecevable en vertu de l’article 107 c) du Règlement intérieur du Comité.

5.3Le Comité prend note de l’argument de l’État partie qui affirme que la communication est irrecevable car manifestement infondée, étant donné que l’affirmation de la requérante selon laquelle elle risque de subir de la part des agents de l’État un traitement qui équivaudrait à une violation de l’article 3 de la Convention n’est pas étayée par le minimum d’éléments de preuve aux fins de la recevabilité. Le Comité est cependant d’avis que la requérante a apporté assez d’éléments pour lui permettre d’examiner l’affaire sur le fond.

Examen au fond

6.1Le Comité doit déterminer si, en renvoyant la requérante en Turquie, l’État partie manquerait à l’obligation qui lui est faite en vertu de l’article 3 de la Convention de ne pas expulser ou refouler un individu vers un autre État où il y a des motifs sérieux de croire qu’il risque d’être soumis à la torture.

6.2Le Comité doit déterminer, comme le prévoit le paragraphe 1 de l’article 3, s’il existe des motifs sérieux de croire que la requérante risque d’être soumise à la torture si elle est renvoyée en Turquie. Pour ce faire, il doit tenir compte de tous les éléments, conformément au paragraphe 2 de l’article 3, y compris l’existence d’un ensemble systématique de violations graves, flagrantes ou massives des droits de l’homme. À cet égard, le Comité prend note de l’argument de l’État partie qui indique que des dispositions ont été prises pour améliorer la situation des droits de l’homme, notamment par l’introduction d’une politique de tolérance zéro et de mécanismes permettant de porter plainte contre les auteurs d’actes de torture. Il prend également note de l’argument de la requérante selon lequel ces changements n’ont pas fait diminuer le nombre de cas de torture signalés en Turquie (une organisation non gouvernementale locale ayant enregistré 172 plaintes pour torture en 2007 et 434 en 2008).

6.3Il s’agit cependant de déterminer si l’intéressée risque personnellement d’être soumise à la torture à son retour en Turquie. Même s’il existait en Turquie un ensemble systématique de violations graves, flagrantes ou massives des droits de l’homme, cette situation ne constituerait pas en soi un motif suffisant pour conclure que la requérante risque d’être soumise à la torture à son retour dans ce pays; il doit exister des motifs spécifiques donnant à penser que l’intéressée court personnellement un risque. À l’inverse, l’absence d’un ensemble de violations flagrantes et systématiques des droits de l’homme ne signifie pas qu’une personne ne peut pas être considérée comme risquant d’être soumise à la torture dans les circonstances qui sont les siennes.

6.4Le Comité rappelle son Observation générale no 1 (1997) sur l’application de l’article 3 de la Convention, où il est indiqué que l’existence d’un risque d’être soumis à la torture doit être appréciée selon des éléments qui ne se limitent pas à de simples supputations ou soupçons et qu’en tout état de cause, il n’est pas nécessaire de montrer que le risque couru est hautement probable.

6.5Le Comité note que l’État partie ne conteste pas que la requérante ait participé aux activités du PKK, mais fait valoir que sa participation a eu lieu à un niveau peu élevé. Il note que l’État partie nie qu’elle présente aujourd’hui un grand intérêt pour les autorités turques, mais qu’il admet, tout comme le Conseil des migrations, que si elle est recherchée par les autorités turques, il y a un risque qu’elle soit arrêtée, placée en détention avant jugement et condamnée à une longue peine d’emprisonnement (par. 3.1 ci-dessus). En outre, l’État partie indique qu’il ne tient pas compte du fait que la requérante n’a pas présenté d’éléments étayant directement l’allégation selon laquelle elle est recherchée par les autorités. Le Comité note également que la requérante a donné des informations concernant une action pénale engagée contre elle (affaire no 2005/298) (par. 4.2 ci-dessus) qui n’ont pas été contestées par l’État partie. Le Comité est donc d’avis que la requérante a apporté suffisamment d’éléments indiquant qu’elle risque d’être arrêtée si elle est renvoyée en Turquie.

6.6Le Comité observe que, selon diverses sources, notamment les rapports soumis par la requérante, les forces de sécurité et la police turques continuent à utiliser la torture, en particulier pendant les interrogatoires et dans les centres de détention, notamment à l’égard des personnes soupçonnées de terrorisme. Le Comité note également que, selon les propres observations de l’État partie (par. 3.6 ci-dessus), le nombre de cas signalés de mauvais traitements a augmenté en 2007. Plusieurs rapports présentés par l’État partie indiquent que, malgré les mesures législatives prises par le Gouvernement turc, les auteurs de ces crimes bénéficient souvent de l’impunité, et mettent en doute l’efficacité de la réforme entreprise. Un grand nombre des rapports récents auxquels l’État partie renvoie font également état d’une augmentation des cas signalés de mauvais traitements et de tortures commis par des membres des forces de sécurité ou de la police en dehors des locaux officiels, qui sont par conséquent plus difficiles à détecter et à documenter.

6.7En conclusion, le Comité note que la requérante a été membre du PKK pendant quinze ans; que, même si elle occupait une position peu élevée, elle a parfois effectué des travaux pour le chef de l’organisation, Abdullah Öcalan, ainsi que pour d’autres hauts dirigeants du PKK; qu’elle est recherchée en Turquie pour y être jugée en vertu de la législation antiterroriste et qu’elle risque donc d’être arrêtée à son arrivée dans le pays. À la lumière de ce qui précède, le Comité estime que la requérante a présenté suffisamment d’éléments prouvant qu’elle court personnellement un risque réel et prévisible d’être soumise à la torture si elle est renvoyée dans son pays d’origine.

6.8Le Comité contre la torture, agissant en vertu du paragraphe 7 de l’article 22 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, conclut que la décision de l’État partie de renvoyer la requérante en Turquie constituerait une violation de l’article 3 de la Convention.

7.Conformément au paragraphe 5 de l’article 112 de son règlement intérieur, le Comité souhaite recevoir, dans un délai de quatre-vingt-dix jours, des renseignements sur les mesures que l’État partie aura prises pour donner suite à la présente décision.

Communication no 350/2008: R. T -N. c. Suiss e

Présentée par:

R. T-N. (représenté par Kathrin Stutz du Zürcher Beratungsstelle für Asylsuchende)

Au nom de:

R. T-N.

État partie:

Suisse

Date de la requête:

5 août 2008 (lettre initiale)

Le Comité contre la torture, institué en vertu de l’article 17 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,

Réuni le 3 juin 2011,

Ayant achevé l’examen de la requête no 350/2008, présentée par R. T-N. en vertu de l’article 22 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,

Ayant tenu compte de toutes les informations qui lui ont été communiquées par le requérant, son conseil et l’État partie,

Adopte ce qui suit:

Décision au titre du paragraphe 7 de l’article 22 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumainsou dégradants

1.1Le requérant est R.T-N., citoyen de la République démocratique du Congo, né le 25 décembre 1970 et actuellement domicilié en Suisse. Il estime que son expulsion vers la République démocratique du Congo (RDC) constituerait une violation par la Suisse de l’article 3 de la Convention. Le requérant est représenté par Kathrin Stutz (Zürcher Beratungsstelle für Asylsuchende).

1.2Conformément au paragraphe 3 de l’article 22 de la Convention, le Comité a porté la communication à l’attention de l’État partie le 18 août 2008. Parallèlement, en application du paragraphe 1 de l’article 114 de son règlement intérieur (précédent art. 108), le Comité a prié l’État partie de ne pas procéder à l’expulsion du requérant vers la République démocratique du Congo tant que sa requête serait à l’examen.

Exposé des faits

2.1Le requérant est originaire de République démocratique du Congo et a toujours vécu à Kinshasa où il était actif au sein de l’association GJCC (Groupe de jeunes chrétiens pour le changement). En mai 2004, il a tenu des discours en vue de sensibiliser les jeunes avant les élections et les a informés que le Président Joseph Kabila n’était pas d’origine congolaise. Il a été appréhendé le 15 juillet 2004 pour cette raison et son épouse aurait été violée. Trois jours plus tard, il a été interrogé, puis, le soir même, transféré par avion dans une prison du Katanga (région située près de la frontière zambienne). Le requérant s’est évadé de prison le 13 septembre 2004 grâce à la complicité d’un officier et a quitté le pays quatre jours plus tard. Il a appris par la suite par son épouse que des recherches avaient été lancées contre lui.

2.2Le 20 septembre 2004, le requérant est arrivé par avion en Suisse et a déposé une demande d’asile le jour même. Le 17 septembre 2006, la Croix-Rouge suisse lui a demandé s’il accepterait de témoigner pour la Télévision Suisse Romande (TSR) lors d’un reportage sur les mesures de contrainte dans le canton de Zurich dans le cadre des votations sur les nouvelles lois sur l’asile et les étrangers du 26 septembre 2006. Le requérant a accepté de témoigner à visage découvert car les journalistes lui ont dit que le reportage ne serait diffusé qu’en Suisse. Peu de temps après la diffusion du reportage, il a reçu des appels de République démocratique du Congo, car le journal télédiffusé de la TSR est retransmis sur TV5, chaîne qui émet également en République démocratique du Congo. Entre-temps, l’épouse du requérant a fui au Zimbabwe avec leur fille et toutes deux ont reçu le statut de réfugié en décembre 2007 et sont sous la protection du Haut-Commissariat aux réfugiés (HCR).

2.3Le requérant a développé des problèmes mentaux du fait de ce qu’il a vécu en République démocratique du Congo, de la prolongation de la procédure d’asile et de la situation de sa femme qui est réfugiée au Zimbabwe avec leur fille. Il a consulté en urgence le service de psychiatrie ambulatoire du Centre des hôpitaux universitaires du canton de Vaud (CHUV) le 17 février 2005 en raison de cauchemars répétés et d’importantes angoisses. Ses troubles psychiques l’ont conduit à consulter de manière régulière deux praticiens du centre de soins ambulatoires sociopsychiatriques de Bülach, dépendant de la clinique Psychiatrie-Zentrum Hard. D’après le rapport médical établi sur demande du requérant par la policlinique psychiatrique de l’hôpital universitaire de Zurich le 22 janvier 2009, les symptômes pathologiques concordent avec le témoignage du requérant quant au traitement subi en République démocratique du Congo et démontrent que, d’un point de vue clinique, il n’y a pas de doute que le requérant a subi un stress traumatique considérable. Le rapport établit le diagnostic de stress post-traumatique.

2.4Le 20 septembre 2004, à son arrivée sur le territoire suisse, le requérant a déposé une demande d’asile alors qu’il était dans la zone de transit de l’aéroport de Zurich. Par décision du 30 septembre 2004, l’Office fédéral des migrations (ODM) lui a refusé l’entrée sur le territoire suisse au motif que les faits allégués n’étaient pas vraisemblables. Le 26 octobre 2004, la Commission suisse de recours en matière d’asile (CRA; depuis lors remplacée par le Tribunal administratif fédéral, ci-après TAF) a déclaré le recours du requérant irrecevable au motif que l’avance exigée en garantie des frais de procédure n’avait pas été versée dans le délai imparti. Le 11 janvier 2005, le requérant a sollicité le réexamen de la décision prise à son encontre. Le 27 janvier 2005, l’ODM a rejeté sa demande. Le recours interjeté contre cette décision a été déclaré irrecevable par la CRA le 9 mars 2005 en raison du paiement tardif de l’avance de frais requise. Le 17 mars 2005, le requérant a déposé une nouvelle demande auprès de l’ODM qui l’a rejetée le 24 mars 2005. Il a interjeté appel de cette décision et, le 6 décembre 2006, l’ODM a annulé sa décision du 24 mars 2005 au motif que le requérant invoquait l’existence de motifs subjectifs postérieurs à sa fuite, lesquels devaient être examinés dans une seconde procédure d’asile.

2.5Par décision du 12 juillet 2007, l’ODM n’est pas entré en matière sur la deuxième demande d’asile en application de l’article 32, alinéa 2 e), de la loi fédérale suisse du 26 juin 1998 sur l’asile (LAsi). Le recours du requérant contre cette décision a été rejeté le 1er février 2008 par le Tribunal administratif fédéral (TAF, anciennement la CRA), au motif que les nouveaux éléments soumis par le requérant n’étaient pas de nature à remettre en cause la conclusion à laquelle avaient abouti les autorités judiciaires précédentes. Le 8 avril 2008, le requérant a déposé auprès de l’ODM une demande de réexamen, qui a été transmise pour raison de compétence au Tribunal administratif fédéral, qui l’a à son tour rejetée le 20 juin 2008. Le requérant avait jusqu’au 19 février 2008 pour quitter la Suisse. Il a déposé une demande de réexamen accompagnée d’une demande de mesures provisionnelles mais le Tribunal administratif fédéral a rejeté la demande de réexamen et par conséquent également les mesures provisionnelles le 20 juin 2008. L’expulsion était dès lors possible à tout moment.

Teneur de la plainte

3.1Le requérant estime qu’il encourt un risque d’être torturé en violation de l’article 3 de la Convention s’il était expulsé vers son pays d’origine. En tant que membre actif de l’association GJCC (Groupe de jeunes chrétiens pour le changement), il a été amené à organiser trois conférences sur les élections en République démocratique du Congo, au cours desquelles il a averti les jeunes chrétiens du fait que Joseph Kabila n’était pas d’origine congolaise. À la suite de ces déclarations, il a été torturé et emprisonné pendant deux semaines avant de pouvoir s’échapper et quitter le pays. Le requérant considère que les événements précédant son départ ainsi que son apparition à visage découvert à la TSR dans une émission sur les demandes d’asile le 26 septembre 2006 impliquent un risque pour lui d’être torturé en cas d’expulsion vers la République démocratique du Congo. Le requérant ajoute que sa femme a été violée et, de ce fait, s’est réfugiée dans un pays tiers.

3.2Le requérant cite le rapport annuel 2008 d’Amnesty International qui évoque les tensions politiques et militaires qui ont dégénéré en affrontements violents à Kinshasa et dans la province du Bas-Congo. Des exécutions extrajudiciaires, des arrestations et placements en détention arbitraires, des actes de torture et d’autres formes de traitement cruel, inhumain et dégradant étaient pratiqués dans tout le pays par les forces de sécurité et les groupes armés, et visaient le plus souvent des personnes considérées comme des opposants politiques. Le requérant estime donc que la situation en République démocratique du Congo répond aux caractéristiques de la situation visée par l’article 3, alinéa 2, de la Convention en ce qu’il s’agit de violations systématiques de droits de l’homme, graves, flagrantes et massives. Le requérant insiste sur le fait que la torture est systématiquement pratiquée en détention, plus particulièrement sur des personnes considérées comme des opposants politiques.

3.3À l’appui de ses allégations, le requérant fournit une copie de l’avis de recherche lancé par la Police nationale congolaise, un extrait du journal Le Satellite dans lequel est mentionné qu’un avis de recherche a été lancé pour retrouver la trace du requérant le 17 juillet 2004, deux copies de convocations envoyées respectivement à la femme du requérant et au président de l’association GJCC par le même commandant Clément Konde, une copie de l’avis de recherche lancé par l’Agence nationale de renseignement du 10 novembre 2004, et une page du journal Le Palmar è s datée du 6 septembre 2006 signalant la disparition du président de l’association GJCC à Kinshasa et précisant que celle-ci est intervenue après la disparition du requérant. S’ajoute à cette liste une lettre attestant du passage du requérant dans une émission de la TSR diffusée par la suite sur TV5. Le requérant fournit également copie des rapports médicaux établis par les psychologues ou thérapeutes sur sa santé depuis qu’il est en Suisse.

Observations de l’État partie sur la recevabilité et sur le fond

4.1Le 18 février 2009, l’État partie a présenté ses observations sur la recevabilité et sur le fond de la requête. Rappelant brièvement les faits tels que présentés par le requérant, il soutient que celui-ci n’apporte pas de nouveaux éléments devant le Comité, si ce n’est la détérioration de son état de santé. L’État partie rappelle à ce titre que les autorités judiciaires, notamment le Tribunal administratif fédéral, dans ses arrêts du 1er février et du 20 juin 2008, ont examiné la situation du requérant de manière circonstanciée et qu’aucun argument avancé par le requérant ne permet de remettre en cause cet examen. L’État partie souligne en outre que dans sa communication, le requérant n’explique pas les incohérences et contradictions figurant dans ses allégations bien qu’elles aient été clairement relevées par les autorités suisses compétentes.

4.2Rappelant les dispositions de l’article 3 de la Convention, l’État partie mentionne la jurisprudence du Comité ainsi que son Observation générale no 1 (1997) dont les paragraphes 6 et suivants prévoient que le requérant doit prouver qu’il existe pour lui un risque personnel, actuel et sérieux d’être soumis à la torture en cas d’expulsion vers son pays d’origine. L’État partie note que cette disposition signifie que les faits allégués ne peuvent se limiter à de simples soupçons et qu’ils doivent faire apparaître un risque sérieux. Confrontant ensuite les éléments à prendre en compte pour évaluer le risque avec la situation du requérant, l’État partie reconnaît que la situation en République démocratique du Congo est préoccupante. Toutefois, selon la jurisprudence du Comité et son observation générale mentionnée ci-dessus, la situation dans le pays du requérant ne saurait constituer, à elle seule, un motif suffisant pour conclure que le requérant risquerait d’y être torturé en cas de renvoi.

4.3S’agissant des allégations de torture du requérant, l’État partie note que celles-ci sont évoquées devant le Comité sans donner plus de détails. Les seuls moyens de preuve déposés au cours de la procédure à cet égard sont deux rapports médicaux datés du 27 septembre 2006 et du 30 août 2007, qui ont été respectivement examinés par l’Office fédéral des migrations (ODM) dans sa décision du 12 juillet 2007, et le Tribunal administratif fédéral dans son arrêt du 1er février 2008. L’État partie insiste sur le fait que le requérant n’a à aucun moment évoqué ces allégations de torture devant les autorités suisses avant la transmission des deux rapports médicaux susmentionnés. Le requérant a donc pour la première fois évoqué ces allégations lorsqu’il a été interrogé sur le contenu du premier rapport médical le 28 mars 2007. L’État partie ajoute que les deux rapports reposent sur une anamnèse élaborée sur la base des seules déclarations du patient. Ils n’apportent pas de preuve de la véracité des faits allégués, notamment quant aux circonstances et aux motifs ou encore à l’auteur des mauvais traitements. Les rapports ne font non plus pas état de traces de torture physique.

4.4L’État partie ne conteste pas les troubles psychiques constatés par les médecins mais il relève que les rapports médicaux ne prouvent pas l’origine, alléguée par le patient, des troubles psychiques, qui sont au demeurant attribués par les médecins traitants à d’autres causes. Les rapports médicaux font ressortir en effet que le requérant souffre de la séparation d’avec sa famille comme de l’insécurité liée à son statut en Suisse. L’État partie ajoute que les maux dont semble souffrir le requérant ne sont en tout état de cause pas d’une gravité telle qu’ils fassent obstacle à l’exécution de son renvoi, ce d’autant plus qu’il lui est possible de s’adresser à un médecin dans son pays d’origine en sollicitant, si nécessaire, une aide financière au retour. L’État partie se rallie donc à l’analyse faite par les autorités judiciaires internes et considère que les rapports médicaux n’établissent pas la véracité des faits allégués et, par conséquent, ne constituent pas un motif pour conclure à l’existence d’un risque concret de torture en cas de retour dans le pays d’origine. L’État partie ajoute que la demande d’asile déposée par la femme du requérant auprès de l’ambassade de Suisse au Zimbabwe le 17 avril 2008 ne fait pas état, en tout cas explicitement, de torture ou violences subies en République démocratique du Congo. L’État partie en conclut qu’aucun élément du dossier ne permet de retenir que le requérant a subi des tortures par le passé.

4.5S’agissant de la question de savoir si le requérant s’est livré à des activités politiques à l’intérieur ou hors de l’État d’origine, l’État partie relève que celui-ci allègue avoir été animateur au sein du Groupe de jeunes chrétiens pour le changement au Congo (GJCC) en République démocratique du Congo. Or, les documents concernant le GJCC (notamment la carte de membre) et les attestations de responsables des paroisses, confirmant que l’intéressé aurait animé en 2004 des débats sur le thème «élections et nationalité», n’établissent pas l’existence d’un risque actuel et concret de torture. L’État partie se réfère notamment au document de l’Organisation suisse d’aide aux réfugiés (OSAR) du 24 mars 2005 déposé par le requérant en procédure. Celui-ci s’était adressé à l’OSAR pour obtenir diverses informations et avis sur son dossier. Dans sa réponse, l’OSAR avait confirmé l’absence de persécution à l’égard des membres de communautés religieuses comme le GJCC et elle avait également fait état de certains doutes sur la véracité des dires du requérant. L’État partie ajoute que l’origine de Joseph Kabila a été, durant des années, avant et durant la campagne présidentielle, un sujet de polémique. Avec sa victoire le 29 octobre 2006, Joseph Kabila s’est non seulement vu confirmer dans son poste de Président de la République démocratique du Congo mais a acquis une légitimité dont il ne pouvait se prévaloir auparavant. L’État partie souligne que le requérant n’a pas su expliquer les raisons pour lesquelles il serait actuellement recherché en République démocratique du Congo pour des propos pré-électoralistes utilisés largement à l’époque par l’opposition, aujourd’hui représentée au Parlement congolais.

4.6En Suisse, le requérant a livré son témoignage dans le cadre d’un reportage de la Télévision Suisse Romande (TSR), le 17 septembre 2006, ayant pour sujet les mesures de contrainte, en relation avec les votations sur la loi sur l’asile. Il n’a pas prétendu avoir, dans le cadre de cette émission, tenu des propos critiques contre le Gouvernement congolais. Il n’a pas non plus donné des informations sur les faits à l’origine de sa demande d’asile. Le seul fait que les autorités de son pays aient connaissance, par le biais de cette émission, de l’existence du dépôt d’une demande d’asile en Suisse ne permet pas de conclure à un risque concret de torture en cas de retour dans son pays. L’État partie ajoute que le requérant n’a pas prouvé qu’il a reçu des messages et des appels après la diffusion de l’émission sur la TSR et TV5. L’État partie se rallie en outre au constat du Tribunal administratif fédéral (arrêt du 1er février 2008, constatation 6.2) selon lequel la participation à visage découvert à cette émission semble incompatible avec le comportement d’une personne réellement persécutée et menacée. Ceci ne plaide donc pas pour la crédibilité du requérant.

4.7L’État partie considère que hormis les raisons exposées ci-dessus d’autres éléments indiquent que les allégations de l’auteur ne sont pas plausibles. Ces éléments ont été analysés par les juridictions internes. Parmi elles, l’État partie cite le fait qu’à son arrivée en Suisse, le requérant a tenté de tromper les autorités en produisant de faux documents d’identité ainsi qu’une carte de légitimation de la Croix-Rouge comprenant des indices objectifs de falsification. Fin 2006, le requérant a également essayé de se rendre en France muni d’une autorisation d’établissement (permis C) qui ne lui appartenait pas. Ces faits permettent de formuler des doutes quand à la crédibilité du requérant.

4.8Avec sa demande de réexamen du 11 janvier 2005 et son recours devant la CRA du 27 janvier 2005, le requérant a fourni un communiqué de presse ainsi qu’un avis de recherche, paru le 15 octobre 2004 sur le site Internet www.societecivile.cd, indiquant que l’organisation «Action contre les violations des droits des personnes vulnérables (ACVDP)» était à sa recherche. Dans un courriel du 18 février 2005 destiné au conseil du requérant, le Président de l’ACVDP, Crispin Kobolongo, confirmait avoir été informé par le GJCC de l’enlèvement du requérant. Sur cette base, l’ACVDP aurait interrogé le président du GJCC et l’épouse du requérant. Celle-ci aurait confirmé son enlèvement et le fait qu’elle aurait été violée le même jour ainsi que la disparition depuis lors de son mari. C’est parce que les investigations se seraient avérées vaines pour localiser le requérant que l’avis de recherche et le communiqué de presse auraient été lancés. Or, la famille, en particulier l’épouse du requérant et son oncle, avaient été en contact par téléphone mobile, fax et courriel avec lui lors de son assignation à l’aéroport de Zurich, fin septembre et début octobre 2004, et connaissait donc son lieu de séjour. L’État partie en déduit que la femme du requérant n’avait aucun intérêt à la publication de ladite annonce, sauf à procurer au requérant un moyen de preuve à l’appui de ses démarches en Suisse. Le fait que le requérant lui-même a fourni ces pièces dites à conviction en 2005, alors même qu’il avait été en relation téléphonique avec son épouse au moins deux semaines avant leur parution, jette un discrédit supplémentaire sur le requérant et son entourage.

4.9Dans le cadre de son recours du 27 janvier 2005, le requérant a aussi fourni l’annonce de sa disparition, parue dans le bihebdomadaire Le Satellite le 22 octobre 2004, aux termes de laquelle la famille priait les lecteurs de lui communiquer ou de communiquer à la police tout renseignement permettant de localiser le disparu. L’État partie considère paradoxal que la famille invite les lecteurs d’un journal à collaborer avec la police afin de retrouver plus facilement l’intéressé. Après avoir noté que l’avis de recherche du 10 novembre 2004 de l’Agence nationale de renseignement avait également été manipulé, l’État partie souligne que l’avis de recherche du 19 septembre 2004 et la convocation du 26 septembre 2004 (avec invitation de l’épouse du requérant à se présenter dans les locaux de police le lendemain à 10 h 30), revêtent une valeur probatoire très faible. Ces deux documents, signés par le même Clément Konde, ont été établis à une semaine d’intervalle, chacun un dimanche, jour normalement chômé. L’État partie note que les instances suisses mettent en doute en général le caractère probatoire des convocations (qui sont pour la plupart des télécopies), tout comme les articles parus dans la presse écrite ou sur Internet. Il note d’ailleurs la facilité avec laquelle il est possible à Kinshasa de se procurer de tels documents moyennant rétribution.

4.10Dans sa demande de révision du 8 avril 2008, le requérant a fait valoir qu’après une perte de contact totale pendant plusieurs années, il aurait enfin retrouvé la trace de son épouse en mars 2008. Celle-ci l’aurait informé qu’elle avait quitté Kinshasa en 2005, les recherches entreprises par les autorités congolaises pour le retrouver la mettant en danger. Avant de quitter la République démocratique du Congo pour demander l’asile au Zimbabwe fin 2007, elle aurait vécu la plupart du temps chez ses parents, dans le centre du pays. Le Tribunal administratif fédéral a considéré que, compte tenu de la facilité avec laquelle l’épouse aurait eu la possibilité de retrouver des personnes ayant été en contact avec son mari depuis sa disparition, les allégations relatives à la perte totale de contact et la reprise du contact quelques jours seulement après que le requérant a été informé de l’issue imminente de la procédure de recours, n’étaient guère convaincantes.

4.11L’État partie note enfin que l’appréciation d’absence de plausibilité du requérant par l’ODM lors de la première procédure de demande d’asile a été partagée par le Haut‑Commissariat aux réfugiés (HCR) auquel l’affaire a été soumise pour avis le 27 septembre 2004. Le HCR a estimé, au vu des documents transmis et de la situation des droits de l’homme en République démocratique du Congo, que le requérant n’était manifestement pas menacé de persécution dans son pays d’origine.

4.12S’agissant du rapport médical daté du 22 janvier 2009 fourni par le requérant au Comité et transmis à l’État partie, ce dernier note, comme pour les précédents rapports médicaux fournis par le requérant, que les faits relevés dans l’anamnèse reposent sur les seules déclarations du patient et le rapport ne prouve pas l’origine, alléguée par le requérant, des troubles psychiques constatés (stress post-traumatique, dépression). L’État partie soutient que ces derniers peuvent être attribués à d’autres causes telles que la séparation du requérant d’avec sa famille et l’insécurité liée à son statut en Suisse. Il ressort par ailleurs du rapport médical que certains faits relevés par le requérant ne correspondent pas à ce qu’il a fait valoir lors de la procédure d’asile. Ainsi, il allègue pour la première fois avoir entendu parler du viol de sa femme. Il ne mentionne aucunement son transfert par avion de Kinshasa à la prison de Kasapa au Katanga. Dans sa demande de révision auprès du Tribunal administratif fédéral, le requérant avait allégué n’avoir pu parler à son épouse qu’en mars 2008, après des années de perte totale de contact, tandis que dans le rapport médical il est fait mention d’octobre 2008. Ces contradictions et incohérences ne plaident pas en faveur de la crédibilité du requérant. Enfin, le requérant ne donne aucun détail quant aux mauvais traitements qu’il aurait subis en République démocratique du Congo. L’État partie maintient donc que le rapport médical du 22 janvier 2009 n’apporte pas d’élément permettant de conclure à un risque pour le requérant d’être renvoyé dans son pays d’origine.

Commentaires du requérant sur les observations de l’État partie

5.1Le 27 avril 2009, le requérant note que, s’agissant des tortures subies, les rapports médicaux du 4 mars 2005 et du 1er juin 2006 démontrent que le requérant avait déjà allégué des mauvais traitements subis en République démocratique du Congo dans ses premières thérapies. Les rapports font état de ce que le requérant a été traumatisé par les événements vécus en République démocratique du Congo. Le requérant a aussi fourni une copie de l’avis de recherche de l’Agence nationale de renseignement (ANR) qui est placée dans tous les postes frontière de la République démocratique du Congo. Il mentionne également les confirmations de trois églises où il aurait tenu ses conférences. Le requérant souligne que, jusqu’ici, l’État partie n’a entrepris aucune recherche ou déposé des preuves contraires à ces allégations. Il ajoute que la première audition de la procédure d’asile a été effectuée par un policier qui n’a pu mettre le requérant en confiance. Du fait du traitement subi par cette même police (menaces et ordre de se déshabiller), le requérant n’a pas senti qu’il pouvait s’exprimer librement sur la question des tortures subies en République démocratique du Congo.

5.2Le requérant insiste sur le fait que la demande d’asile engagée par son épouse au Zimbabwe est étayée par des preuves des violences qu’elle a subies en République démocratique du Congo. Sur la situation sécuritaire en République démocratique du Congo en général, le requérant souligne que le rapport de l’OSAR ne peut être considéré comme pertinent du fait de son absence d’enquête sur le GJCC et les activités du requérant en République démocratique du Congo. Le requérant souligne néanmoins que l’OSAR évoque les risques que peuvent courir les partisans de certaines communautés religieuses qui auraient mené une activité politique au nom de leur groupe contre Joseph Kabila et le Gouvernement. Le requérant ajoute qu’il a toujours participé aux activités organisées par des partis politiques ou associations de la diaspora congolaise en Suisse. Il est membre sympathisant du parti «Apareco» du Président Ngwanda, dont le siège est à Paris, en France. Il intervient également régulièrement à la radio «Kimpuanza» dans le cadre des émissions animées par le parti du Rassemblement des patriotes pour la libération du Congo (RPLC). Mais, étant donné que le requérant a un statut précaire en Suisse, il est limité dans cette entreprise d’autant plus qu’il s’est déjà suffisamment exposé avec la diffusion de l’émission télévisée diffusée par la TSR puis TV5.

5.3Le requérant ajoute que le GJCC, bien que sachant où il se trouvait, se devait d’informer l’organisation des droits, d’une part pour mettre en lumière les abus du Gouvernement Kabila et d’autre part pour encourager un suivi par les organisations de droits de l’homme de ce type de violations. S’agissant de l’article paru dans le journal Le Satellite, celui-ci ne fait qu’un rappel du communiqué de juillet 2004. À ce moment-là, la famille du requérant n’était pas encore informée de son enlèvement. Lorsque l’épouse du requérant a été informée du départ de son mari pour la Suisse en septembre 2004, elle n’a pu en informer le journal, son mari étant encore détenu à l’aéroport de Zurich.

5.4Le requérant considère par ailleurs que les avis de recherche attaqués par l’État partie pouvaient avoir été émis un dimanche du fait de l’aspect délicat et de l’urgence d’émettre de tels documents. Si l’acte avait été prémédité, le deuxième document aurait sans doute été modifié pour réparer l’erreur commise pour le premier avis de recherche. Le requérant précise également qu’il n’a pas eu de contact avec son épouse depuis mai ou juin 2005 lorsque sa femme a quitté Kinshasa jusqu’en mars 2008 lorsqu’il a pu lui parler grâce à l’aide de la Croix-Rouge à Zurich. S’agissant enfin de la position du HCR, le requérant considère que l’agence des Nations Unies ne pouvait que se contenter des documents qui lui avaient été présentés par l’ODM. Le requérant rappelle enfin que, lors de la première procédure d’asile, il lui avait été demandé de fournir tout élément de preuve en appui à sa demande dans les deux semaines suivant l’introduction de la requête. Pour une personne en fuite, un tel délai ne peut être respecté.

Observations supplémentaires des parties

6.1Le 14 mai 2009, l’État partie commente les allégations et moyens de preuve nouveaux présentés par le requérant dans ses commentaires. S’agissant de la demande d’asile de l’épouse du requérant présentée à l’ambassade de Suisse au Zimbabwe, l’État partie souligne que celle-ci a été rejetée le 19 août 2008 et qu’aucun recours devant le Tribunal administratif fédéral n’a été introduit contre cette décision. Par ailleurs, l’épouse du requérant n’a pas fourni de moyens de preuve à l’appui de sa demande d’asile. Elle n’a pas non plus saisi l’occasion de se prononcer sur un préavis de l’ODM du 27 juin 2008 relatif à sa demande. L’État partie note en outre que le requérant a fourni un certificat médical daté du 1er juin 2006, dans lequel il est confirmé qu’il aurait consulté un médecin en 2004 au sujet des violences qu’il aurait subies en République démocratique du Congo et prend acte de l’information selon laquelle le requérant serait un membre sympathisant du parti «Apareco» et qu’il interviendrait régulièrement sur la station de radio «Kimpuanza». L’État partie note que ces deux informations n’ont jamais été soumises aux autorités suisses dans le cadre des recours internes mais qu’en tout état de cause elles ne sauraient être probantes puisque le certificat n’établit pas la véracité des faits, et la prétendue affiliation du requérant au parti politique «Apareco» ne semble pas être d’une ampleur telle qu’elle ferait courir un risque pour le requérant en cas de renvoi dans son pays d’origine.

6.2Le 19 mai 2009, le requérant a informé le Comité de son arrestation le 24 avril 2009 par la police zurichoise malgré la suspension de l’exécution de renvoi par l’État partie depuis le 19 août 2008. Alors que les bureaux de l’immigration cantonale étaient encore ouverts et qu’il pouvait donc être procédé à une simple vérification administrative, le requérant a été arrêté et détenu pour une période de quatre jours. Ce n’est que le 28 avril 2009 que les vérifications par le procureur puis le juge d’instruction ont permis d’établir que le requérant résidait de manière légale en Suisse suite à la requête du Comité relative aux mesures provisoires de protection.

6.3Le 19 juin 2009, le requérant a informé le Comité de la détérioration de la santé de son épouse et a présenté un rapport médical établi par l’Harare Central Hospital au Zimbabwe attestant qu’elle souffrait également d’un stress post-traumatique.

6.4Le 10 juillet 2009, l’État partie commente les allégations transmises par le requérant le 19 mai 2009. Il note que celui-ci a été arrêté par la police zurichoise à l’occasion d’un contrôle d’identité. Soupçonné par la police de séjourner illégalement en Suisse, il a été placé en détention pour infraction aux dispositions pénales sur la loi sur les étrangers et non pour exécution du renvoi. Il a été déféré au parquet de Zurich-Limmat. Le 27 avril 2009, le juge unique du tribunal de district de Zurich a refusé d’ordonner la détention préventive du requérant, parce qu’à la suite de la demande de mesures provisoires de protection du Comité du 18 août 2008 l’exécution du renvoi a été suspendue. Le requérant a immédiatement été transféré à l’Office des migrations du canton de Zurich, lequel l’a relâché le lendemain. En tout état de cause, les autorités cantonales n’auraient pas pu exécuter le renvoi sans mandat de l’Office fédéral des migrations (ODM). Le requérant n’a donc à aucun moment risqué d’être expulsé de Suisse et ces éléments sont sans rapport avec le contenu de la communication devant le Comité.

6.5Le 19 octobre 2010, le requérant attire l’attention du Comité sur la précarité de sa situation, alors qu’il vit dans un centre d’aide d’urgence sous la menace perpétuelle d’arrestations arbitraires et de contrôles répétés par la police, et sur les conditions financières précaires liées à l’aide d’urgence, en vertu de laquelle il perçoit une aide journalière de 10 CHF. Le requérant informe également le Comité de l’introduction d’une demande de permis de rigueur (permis se basant sur des considérations humanitaires), demande qui ne peut être traitée tant que la procédure est en cours devant le Comité. Le requérant indique de nouveau que le Gouvernement congolais ne garantit pas l’exercice des droits des citoyens en République démocratique du Congo, citant pour preuve les récents assassinats d’Armand Tungulu, militant de la diaspora en Belgique, et de Floribert Chebeya Bahizire, ainsi que la disparition de Fidèle Bazana Edadi.

Délibérations du Comité

Examen de la recevabilité

7.1Avant d’examiner toute plainte soumise dans une communication, le Comité contre la torture doit s’assurer qu’elle est recevable en vertu de l’article 22 de la Convention. Le Comité s’est assuré, comme il est tenu de le faire conformément à l’alinéa a du paragraphe 5 de l’article 22, que la même question n’a pas été examinée, ni n’est en cours d’examen devant une autre instance internationale d’enquête ou de règlement.

7.2Le Comité relève en outre que les recours internes ont été épuisés au titre de l’alinéa b du paragraphe 5 de l’article 22, et que l’État partie ne conteste pas la recevabilité de la requête. Il la déclare donc recevable et procède à son examen quant au fond.

Examen au fond

8.1Conformément au paragraphe 4 de l’article 22 de la Convention, le Comité a examiné la présente requête en tenant compte de toutes les informations qui lui ont été communiquées par les parties.

8.2Le Comité doit déterminer si, en expulsant le requérant vers la République démocratique du Congo, l’État partie manquerait à l’obligation qui lui est faite en vertu de l’article 3 de la Convention de ne pas expulser ou refouler un individu vers un autre État où il y a des motifs sérieux de croire qu’il risque d’être soumis à la torture.

8.3Concernant les allégations du requérant au titre de l’article 3, le Comité doit tenir compte de tous les éléments, y compris l’existence dans l’État de renvoi d’un ensemble systématique de violations graves, flagrantes ou massives des droits de l’homme. Il s’agit cependant de déterminer si le requérant risque personnellement d’être soumis à la torture en République démocratique du Congo. Dès lors, l’existence d’un ensemble de violations systématiques des droits de l’homme, graves, flagrantes ou massives dans le pays ne constitue pas en soi un motif suffisant pour établir qu’il risquerait d’être soumis à la torture en cas d’expulsion vers ce pays; il doit exister des motifs supplémentaires donnant à penser que l’intéressé court personnellement un risque.

8.4Le Comité rappelle son Observation générale no 1 sur l’application de l’article 3 dans le contexte de l’article 22, dans laquelle il considère qu’il n’est pas nécessaire de montrer que le risque couru est hautement probable, mais ce risque doit être encouru personnellement et actuellement. À cet égard, le Comité a établi dans des décisions antérieures que le risque de torture devait être «prévisible, réel et personnel».En ce qui concerne la charge de la preuve, le Comité rappelle qu’il incombe généralement au requérant de présenter des arguments défendables et que le risque de torture doit être apprécié selon des éléments qui ne se limitent pas à de simples supputations ou soupçons.

8.5Le Comité est conscient de la situation précaire des droits de l’homme en République démocratique du Congo, et observe que l’État partie reconnaît que la situation dans le pays est préoccupante. Il note cependant les doutes émis par l’État partie quant à la crédibilité des allégations présentées par le requérant depuis sa première demande d’asile en septembre 2004, ainsi que la référence qu’il fait à une lettre du HCR datée du 30 septembre 2004, dans laquelle le HCR a estimé qu’au vu des documents transmis et de la situation des droits de l’homme en République démocratique du Congo, le requérant n’était manifestement pas menacé de persécution dans son pays d’origine.

8.6En évaluant le risque de torture dans le cas à l’examen, le Comité note que le requérant affirme que, en tant que membre actif de l’association chrétienne GJCC, il a été amené à organiser trois conférences sur les élections présidentielles en République démocratique du Congo et a dans ce contexte averti les jeunes chrétiens du fait que Joseph Kabila, principal candidat, n’était pas d’origine congolaise; que, suite à ces déclarations, il a été arrêté, interrogé puis transféré dans une prison du Katanga où il a été torturé; que deux semaines plus tard il s’est échappé de cette prison, puis a fui le pays vers la Suisse. Le Comité note que, selon le requérant, au moment de son arrestation, son épouse a été violée et a pu, quelques années plus tard, à son tour fuir le pays et se réfugier au Zimbabwe. Le Comité note également l’allégation du requérant selon laquelle son apparition à visage découvert dans une émission de la TSR retransmise sur TV5 ainsi que ses activités politiques au sein de «Apareco» et ses interventions dans l’émission de la radio «Kimpuanza» contribuent au risque qu’il encourt d’être torturé s’il était expulsé vers son pays d’origine. Il note enfin l’information, selon laquelle les divers rapports médicaux de psychothérapeutes depuis 2005 font état d’un stress post-traumatique chez le requérant, qui confirme le traumatisme subi suite aux événements qu’il a vécus en République démocratique du Congo.

8.7Le Comité note l’argument de l’État partie selon lequel les rapports médicaux fournis par le requérant reposent sur une anamnèse élaborée sur la base des seules déclarations du patient et ne prouvent pas la véracité des faits allégués, notamment quant aux circonstances, aux motifs ou encore à l’identité de l’auteur des mauvais traitements. Le Comité note que l’État partie ne conteste pas les troubles psychiques constatés mais qu’il met en doute le lien de causalité entre ces troubles et leur origine et que ces troubles sont attribués par ces mêmes médecins à d’autres causes telles que le fait que le requérant souffre de la séparation d’avec sa famille et de l’insécurité liée à son statut en Suisse. Le Comité note également les doutes évoqués par l’État partie quant à la crédibilité des faits allégués par le requérant, faits qui sont à l’origine de son prétendu risque d’être torturé en cas d’expulsion vers la République démocratique du Congo. Il note à ce sujet le manque de détails fournis par le requérant s’agissant des tortures subies en République démocratique du Congo, le manque de caractère probatoire des documents tels que les avis de recherche et les articles de presse et les témoignages contradictoires du requérant s’agissant des contacts entretenus avec son épouse depuis son départ de République démocratique du Congo.

8.8À la lumière des informations fournies par les parties, le Comité note que le requérant n’a pas établi le lien de causalité entre les événements qui l’ont amené à quitter son pays d’origine ainsi que ceux qui se sont déroulés depuis son arrivée en Suisse ni le risque de torture en cas de retour en République démocratique du Congo. Le requérant n’a en effet fourni aucun élément permettant de déduire que des déclarations sur l’origine non congolaise du Président Joseph Kabila par des mouvements chrétiens tels que le GJCC entraîneraient des conséquences telles que la torture, des années après les faits et alors que ce même sujet semble avoir été débattu largement par l’opposition. Le requérant n’a en outre fourni aucun détail sur les tortures dont il aurait été victime pendant sa détention en République démocratique du Congo; il n’a pas non plus établi que son apparition dans l’émission de la TSR ainsi qu’à la radio entraînerait un risque pour lui d’être torturé en cas de retour dans son pays d’origine. Le Comité rappelle que les faits tragiques dont la femme du requérant aurait été la victime n’entraînent pas pour autant un risque réel, personnel et prévisible pour le requérant lui-même.

8.9Compte tenu de l’ensemble des informations qui lui ont été communiquées, le Comité estime que le requérant n’a pas apporté suffisamment d’éléments de preuve pour montrer qu’il court personnellement un risque réel et prévisible d’être soumis à la torture s’il était expulsé vers son pays d’origine.

9.Le Comité contre la torture, agissant en vertu du paragraphe 7 de l’article 22 de la Convention contre la torture et autres peines et traitements cruels, inhumains ou dégradants, conclut que l’expulsion du requérant vers la République démocratique du Congo ne constituerait pas une violation de l’article 3 de la Convention.

Communication no 352/2008: S. G. et consorts c. Suisse

Présentée par:

S. G. et consorts (représentés par un conseil)

Au nom de:

S. G. et consorts

État partie:

Suisse

Date de la requête:

15 août 2008 (date de la lettre initiale)

Le Comité contre la torture, institué en vertu de l’article 17 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,

Réuni le 30 mai 2011,

Ayant achevé l’examen de la requête no 352/2008, présentée au nom de S. G. et consorts en vertu de l’article 22 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,

Ayant tenu compte de toutes les informations qui lui ont été communiquées par les requérants, leur conseil et l’État partie,

Adopte ce qui suit:

Décision au titre du paragraphe 7 de l’article 22 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumainsou dégradants

1.1Les requérants sont S. G. (ci-après «le requérant»), sa femme D. G. et leur fils, tous de nationalité turque, en attente d’expulsion de la Suisse. Ils affirment que leur expulsion vers la Turquie constituerait une violation de l’article 3 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Ils sont représentés par un conseil.

1.2En application de l’article 114 (ancien article 108) de son règlement intérieur, le 28 août 2008 le Comité a demandé à l’État partie de ne pas expulser les requérants vers la Turquie tant que leur requête serait à l’examen.

Rappel des faits présentés par les requérants

2.1Les requérants sont des ressortissants turcs d’origine kurde. À la fin de ses études, S. G. a ouvert un magasin de matériel électrique à Gaziantep, ville située dans une région où le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) est actif. Il n’a jamais été membre de ce parti et n’a jamais participé à ses activités. Le seul soutien qu’il lui ait apporté était une contribution financière annuelle qu’il se sentait obligé de verser lorsque les membres du parti venaient le voir pour une collecte de fonds. Le requérant ajoute que les membres du PKK laissaient régulièrement des journaux du parti dans son magasin pour qu’il les distribue, mais qu’il s’en débarrassait immédiatement.

2.2Le 15 juillet 2000, le requérant a été arrêté et, les yeux bandés, il a été emmené dans un poste de police où il a été passé à tabac et interrogé sur ses liens avec le PKK. Il a été libéré un ou deux jours plus tard. Par la suite, il a été arrêté à plusieurs reprises et emmené au poste de police où il a été détenu un ou deux jours.

2.3En septembre 2000, le requérant a été informé par un membre du PKK qui fréquentait son magasin qu’un autre membre de ce parti avait été arrêté en possession d’une liste des partisans du PKK qui contenait le nom du requérant. Lui et sa femme ont donc décidé de partir à Istanbul. Pendant deux ans, ils ont vécu dans les montagnes environnant la ville dans une maison prêtée par un ami. Celui-ci leur apportait régulièrement de la nourriture et ils cultivaient des légumes dans le potager. Le 25 mars 2001, leur fils est né.

2.4En août 2002, le frère du requérant leur a rendu visite à Istanbul. Il leur a apporté un exemplaire du journal Dogus du 2 octobre 2000. Sur la première page figurait une photographie du requérant accompagnée d’un article expliquant qu’il était recherché par la police.

2.5Le 25 août 2002, les requérants ont quitté la Turquie. Ils sont entrés clandestinement en Suisse où ils ont présenté une demande d’asile le 2 septembre 2002. Le requérant explique qu’il a été entendu une première fois à propos de sa demande d’asile le 9 septembre 2002; il a produit l’exemplaire du journal Dogus du 2 octobre 2000 pour étayer ses propos. D’après lui, l’Office fédéral des réfugiés a envoyé ce journal à l’ambassade de Suisse à Ankara pour en vérifier l’authenticité. Le 21 juillet 2003, l’ambassade a informé l’Office fédéral des réfugiés que, après enquête, le journal en question s’était révélé être un faux. Le requérant affirme que l’’ambassade a indiqué qu’elle avait contacté un employé de ce journal. Celui-ci n’avait pas pu fournir une copie de l’édition du 2 octobre 2000 car les journaux de cette année avaient déjà été archivés, mais il avait démenti que l’édition du 2 octobre 2000 contenait un article indiquant que le requérant était recherché par la police.

2.6Après avoir été informé par l’Office fédéral des réfugiés que cet exemplaire du journal était considéré comme un faux, le requérant a demandé à son père de lui envoyer une copie du mandat d’arrêt décerné contre lui. Son père lui a envoyé le mandat d’arrêt original délivré le 18 janvier 2005 par un juge pénal de Gaziantep. Le requérant note que l’Office fédéral des réfugiés a lui aussi estimé que ce document était un faux, car il est généralement impossible d’obtenir l’original de tels documents et parce que le tampon utilisé était celui d’un procureur et non celui d’un juge. Le requérant note en outre que, d’après l’ambassade de Suisse à Ankara, il n’était pas recherché par la police en Turquie et les registres de la police ne contenaient aucune information à son sujet.

2.7Étant donné le manque de crédibilité du requérant, les autorités suisses ont également rejeté les rapports médicaux établis par des médecins publics et privés attestant que l’intéressé souffrait du syndrome de stress post-traumatique en raison des tortures qu’il avait subies, ainsi que la déclaration certifiée faite devant un tribunal turc par un membre du PKK affirmant que le requérant était un partisan du PKK. Le requérant note que les autorités de l’État partie ont rejeté les allégations de mauvais traitements que lui-même et sa femme auraient subis au motif qu’ils ne les avaient pas formulées aux premières auditions de demande d’asile.

2.8Le 4 avril 2008, le requérant a demandé à l’Office fédéral des réfugiés de reconsidérer sa décision de lui refuser l’asile car il apportait un nouvel élément. Il s’agissait de la copie de la déclaration d’un membre du PKK le désignant comme un partisan de ce parti, accompagnée d’une lettre d’un avocat turc qui en certifiait l’authenticité. Le 17 avril 2008, le Tribunal administratif fédéral (TAF) a refusé de lui accorder l’aide juridictionnelle et lui a demandé de payer une avance de frais de 2 400 francs suisses pour le réexamen de l’affaire. Le juge a notamment souligné que l’appel semblait «mutwillig», autrement dit, en un certain sens abusif, que les chances de succès étaient très minces et que les nouveaux éléments − la déclaration du membre du PKK qui confirmait avoir apporté des journaux du parti au requérant − avaient déjà été portés à la connaissance des autorités suisses lors des précédents appels. Le 19 mai 2008, le Tribunal administratif fédéral a rejeté la demande de réexamen car le requérant refusait de payer l’avance de frais.

Teneur de la plainte

3.Les requérants affirment qu’ils risquent d’être soumis à la torture en cas de renvoi en Turquie, en particulier S. G., du fait qu’il a déjà été passé à tabac par la police et que les autorités turques le soupçonnent d’appartenir au PKK.

Observations de l’État partie sur la recevabilité

4.1Dans une note datée du 28 octobre 2008, l’État partie explique que le 3 septembre 2003 les requérants ont présenté une demande d’asile qui a été rejetée par l’ancien Office fédéral des réfugiés (devenu l’Office fédéral des migrations) le 29 décembre 2003. Les requérants ont fait appel de cette décision devant l’ancienne Commission suisse de recours en matière d’asile (remplacée en 2007 par le Tribunal administratif fédéral). Par la suite, les requérants ont présenté plusieurs demandes de reconsidération ou de réexamen. La cinquième demande de réexamen a été présentée au Tribunal administratif fédéral le 7 avril 2008. Le 17 avril 2008, le juge compétent a rejeté la demande d’aide juridictionnelle des requérants. Il a considéré que la demande de réexamen avait très peu de chances d’aboutir, voire qu’elle était abusive, et a ordonné aux requérants de verser une garantie de 2 400 francs suisses pour couvrir les frais de procédure. Les requérants n’ayant pas versé cette somme, le 19 mai 2009, le Tribunal administratif fédéral a rejeté leur demande de réexamen.

4.2L’État partie rappelle que le Comité ne peut examiner une communication si les recours internes n’ont pas été épuisés. Renvoyant à la jurisprudence du Comité, il rappelle que les autorités de l’État partie doivent avoir la possibilité d’évaluer tout nouvel élément de preuve avant que celui-ci ne soit soumis au Comité au titre de l’article 22 de la Convention. Selon l’État partie, en l’espèce, la décision d’un juge qui évalue les chances de succès de l’appel du requérant et demande une avance de frais ne préjuge pas l’affaire. Dans les cas où l’avance de frais est versée, le juge doit consulter un autre juge pour pouvoir statuer sur le fond. Si les deux juges ont des avis contraires, la décision est prise par une commission de trois juges. En outre, rien dans la présente affaire n’indique que la demande d’une avance de frais empêche le requérant d’épuiser les recours internes. Par conséquent, le requérant n’a pas épuisé les recours internes disponibles et la requête devrait donc être déclarée irrecevable.

Commentaires des requérants sur les observations de l’État partie

5.1Dans une réponse datée du 5 janvier 2009, les requérants ont fait part de leurs commentaires sur les observations de l’État partie. Ils notent que l’État partie affirme que la demande de réexamen soumise le 4 avril 2008 aurait eu une chance d’aboutir. Ils relèvent toutefois qu’ils n’avaient aucune garantie que, même s’ils versaient l’avance de frais de 2 400 francs suisses (une somme particulièrement élevée pour les requérants qui n’avaient aucun revenu), le juge ne déclarerait pas l’affaire irrecevable. Ils font valoir que la demande d’avance de frais visait à les empêcher d’aller au bout de la procédure d’appel relative à leur demande d’asile. Ils ajoutent que le juge a utilisé le terme allemand de «mutwillig» pour qualifier leur requête (appel), signifiant qu’elle n’était pas totalement dénuée de fondement mais qu’elle était en quelque sorte empreinte de mauvaise foi. Le juge a également estimé que les motifs de leur demande et les éléments de preuve à l’appui n’étaient pas crédibles et qu’ils n’entraîneraient pas une modification des précédentes décisions de rejet de leur demande d’asile. D’après les requérants, ces faits montrent sans aucun doute possible que leur appel n’avait tout simplement aucune chance d’aboutir.

5.2Les requérants relèvent en outre que l’État partie ne s’est pas intéressé aux circonstances particulières de l’affaire ni aux déclarations du juge, mais qu’il s’est contenté de rappeler les dispositions générales de la loi. Selon eux, dans les faits, les juges chargés des affaires d’asile sont poussés à statuer rapidement en raison du nombre élevé d’affaires à examiner.

Observations de l’État partie sur le fond

6.1L’État partie a présenté de nouvelles observations dans une note verbale datée du 20 mars 2009. Il commence par rappeler ses précédentes observations contestant la recevabilité de la requête et ajoute qu’il a examiné les commentaires des requérants datés du 5 janvier 2009. Il relève que les requérants ont reconnu que l’État partie avait correctement décrit la situation judiciaire. Ainsi, le juge chargé de l’affaire ne pouvait rejeter leur demande sans le consentement d’un second juge. On ne saurait donc affirmer, comme le fait le requérant, que la décision rendue le 17 avril 2008 préjugeait des résultats d’un éventuel examen sur le fond de l’affaire. En ce qui concerne le montant de l’avance de paiement requise (2 400 francs suisses), l’État partie explique qu’il a été déterminé conformément aux tarifs adoptés par les juges du Tribunal administratif fédéral le 14 septembre 2007 (la liste de ces tarifs a été communiquée).

6.2L’État partie fait valoir que le Comité est habilité à examiner les requêtes présentées par des personnes qui se trouvent sous la juridiction d’un État partie ayant reconnu la compétence du Comité en vertu de l’article 22 de la Convention. Dans la présente affaire, les requérants affirment qu’ils se trouvent toujours en Suisse. Toutefois, il ressort clairement des décisions du Tribunal administratif fédéral (par exemple, celle du 29 juin 2007) que le lieu de résidence des requérants est inconnu depuis le 6 juillet 2005. Le Tribunal administratif fédéral a donc conclu que la présence des requérants en Suisse ne pouvait être établie et qu’il n’en existait aucune preuve. Les requérants, qui ne risquent pas un renvoi forcé de la Suisse tant que leur requête est à l’examen devant le Comité, n’ont apporté aucun élément pour réfuter les conclusions du Tribunal. Vu que le dernier rapport médical soumis au Comité est daté du 16 janvier 2006, l’État partie ne peut que souscrire aux conclusions du Tribunal administratif fédéral. L’État partie estime donc que la présente requête est également irrecevable pour cette deuxième raison.

6.3Sur le fond, l’État partie relève que les requérants affirment devant le Comité (tout comme ils l’avaient déjà fait devant les autorités suisses chargées des demandes d’asile) que leur renvoi en Turquie constituerait une violation par l’État partie des obligations qui lui incombent en vertu de l’article 3 de la Convention. Les requérants affirment que les autorités suisses chargées des demandes d’asile ont estimé à tort que certains éléments de preuve étaient falsifiés ou non pertinents et en ont conclu que les intéressés manquaient de crédibilité. Selon eux, le 15 juillet 2000, S. G. a été arrêté et brutalisé par des agents des forces de sécurité parce qu’il était soupçonné d’avoir coopéré avec le PKK. Grâce à l’aide d’un ami, lui et sa femme ont pu vivre à Istanbul pendant deux ans. En août 2002, il a reçu un exemplaire du journal Dogus qui reproduisait en première page un mandat d’arrêt délivré contre lui. Le requérant, sa femme et leur fils ont fui la Turquie et sont arrivés en Suisse le 25 août 2002.

6.4L’État partie note que dans sa requête au Comité le requérant répète les griefs qu’il avait formulés dans sa demande d’asile sans apporter de nouveaux éléments. Il estime donc qu’il n’y a aucune raison de remettre en question les fondements de la décision rendue par les autorités nationales dans cette affaire et que la requête conteste seulement l’évaluation des faits et des éléments de preuve faite par les autorités.

6.5L’État partie rappelle les nombreuses actions engagées par les requérants en Suisse. Le 3 septembre 2003, le requérant a présenté une demande d’asile qui a été rejetée par l’Office fédéral des réfugiés le 29 septembre 2003. L’Office fédéral des réfugiés, se fondant sur les vérifications effectuées par l’ambassade de Suisse en Turquie, avait estimé que les allégations du requérant n’étaient pas crédibles et avait conclu qu’il avait présenté de fausses preuves, notamment un journal falsifié. Le 2 janvier 2004, le requérant a fait appel de cette décision devant la Commission fédérale des réfugiés, qui a confirmé les conclusions initiales de l’Office fédéral des réfugiés le 28 juin 2005.

6.6Le 10 juin 2005, le requérant a présenté à l’Office fédéral des réfugiés une demande de reconsidération de son cas; sa requête a été qualifiée de demande de réexamen et transmise à la Commission fédérale des réfugiés. Le requérant n’ayant pas payé l’avance de frais requise, la Commission a rejeté sa requête sans l’avoir examinée.

6.7Le 6 février 2006, le requérant a présenté une deuxième demande de réexamen qu’il a retirée par la suite. Toujours en février 2006, le requérant a présenté une troisième demande de réexamen qui a été rejetée par la Commission fédérale des réfugiés le 28 mars 2006. La Commission a estimé que les certificats médicaux produits par le requérant pour étayer ses allégations de torture n’étaient pas pertinents et ne permettaient pas de réfuter les précédentes conclusions de la Commission concernant la crédibilité du requérant. Contrairement à ce qu’affirme le requérant, la Commission ne s’est pas contentée de rejeter la demande de réexamen. Selon l’État partie, la Commission a pris acte des nouveaux certificats médicaux indiquant que la femme du requérant avait souffert de problèmes psychologiques après le rejet de leur demande d’asile, et a décidé de transmettre l’affaire à l’Office fédéral des migrations pour de nouvelles vérifications. Le 3 mai 2006, l’Office fédéral des migrations a rejeté la demande de réexamen au motif que les problèmes mentionnés n’étaient pas la conséquence de persécutions par les autorités turques et qu’un traitement médical approprié était disponible en Turquie. L’État partie note qu’il n’a pas été fait appel de cette décision.

6.8Le 11 décembre 2006, le requérant a présenté une quatrième demande de réexamen. Il y a joint le compte rendu d’un interrogatoire daté du 18 avril 2001 montrant, premièrement, que l’inculpé A. A. avait avoué avoir collaboré avec le PKK en distribuant des journaux et des brochures et qu’il avait indiqué avoir remis de tels documents notamment au requérant et, deuxièmement, que les enquêteurs avaient demandé à A. A. de leur communiquer l’adresse du requérant. Le Tribunal administratif fédéral (qui a remplacé la Commission fédérale des réfugiés en janvier 2007) a rejeté cette demande le 29 juin 2007 (une copie de la décision a été communiquée). Le Tribunal a estimé que ce document n’était pas pertinent, du fait notamment que sa teneur était en contradiction avec les conclusions de l’Office fédéral des migrations et de la Commission fédérale des réfugiés concernant le manque de crédibilité du requérant révélé par les résultats des enquêtes menées par l’ambassade de Suisse en Turquie. L’État partie note à cet égard que l’ambassade de Suisse a confirmé le 21 juillet 2003 que la police n’avait établi aucun dossier sur les activités politiques du requérant, qu’aucun mandat d’arrêt n’avait été délivré contre lui ni par la police ni par la gendarmerie et qu’il n’était pas frappé d’une interdiction de passeport. En outre, le Tribunal administratif fédéral a exprimé de sérieux doutes quant à l’authenticité du compte rendu de l’interrogatoire.

6.9Selon l’État partie, le 8 avril 2008, les requérants ont présenté une cinquième demande de réexamen. Ils essayaient apparemment d’y démontrer l’authenticité du compte rendu de l’interrogatoire mené en 2001 mais ils n’y faisaient aucun commentaire concernant la pertinence de ce document au regard des conclusions de l’ambassade de Suisse en Turquie. Le 17 avril 2008, le Tribunal administratif fédéral a rejeté cette demande au motif qu’elle était abusive et, en fin de compte, ne l’a jamais examinée au fond, car l’avance de frais n’avait pas été payée. L’État partie conclut que les allégations des requérants ont été soigneusement examinées par l’Office fédéral des migrations ainsi que, à plusieurs reprises, par la Commission fédérale des réfugiés et le Tribunal administratif fédéral.

6.10L’État partie examine en outre les allégations des requérants à la lumière de l’article 3 de la Convention, qui interdit aux États parties d’expulser une personne qui se trouve sous leur juridiction s’il y a des motifs sérieux de croire qu’elle risque d’être torturée. Si un requérant ne se trouve pas sous la juridiction d’un État partie, il ne peut être expulsé par cet État, et l’article 3 de la Convention ne s’applique donc pas. Dans la présente affaire, la présence continue des requérants en Suisse n’a pas pu être établie. L’État partie estime donc que l’article 3 de la Convention ne s’applique pas aux requérants et que, par conséquent, il n’a pas pu y avoir violation de cette disposition.

6.11L’État partie rappelle la jurisprudence du Comité et son Observation générale no 1 (1997) concernant l’application de l’article 3, et dit qu’il adhère aux motifs qui ont été avancés par l’Office fédéral des réfugiés et le Tribunal administratif fédéral pour justifier leurs décisions de rejeter la demande d’asile des requérants. Il rappelle que, conformément à la jurisprudence du Comité, l’existence d’un ensemble de violations systématiques des droits de l’homme, graves, flagrantes ou massives ne constitue pas en soi une raison suffisante pour conclure qu’une personne risque d’être soumise à la torture si elle est renvoyée dans son pays, et qu’il faut qu’il existe des raisons supplémentaires pour que le risque de torture puisse être réputé «prévisible, réel et personnel», aux fins de l’application du paragraphe 1 de l’article 3.

6.12L’État partie rappelle que le Comité a examiné plusieurs requêtes émanant de personnes qui affirmaient qu’elles risquaient d’être torturées en Turquie. Il note que par le passé le Comité a conclu que la situation des droits de l’homme dans ce pays était préoccupante, en particulier pour les militants du PKK, qui risquaient d’être torturés par des agents des services de sécurité. Cependant, lorsqu’il avait conclu qu’une violation de l’article 3 de la Convention se produirait en cas de renvoi, le Comité avait établi que le requérant avait mené des activités politiques en faveur du PKK, qu’il avait été détenu et torturé avant de quitter la Turquie et que ses griefs étaient confirmés par des sources indépendantes, comme des certificats médicaux. Dans deux affaires mettant la Suisse en cause, le Comité avait néanmoins conclu que le renvoi des requérants vers la Turquie ne constituerait pas une violation de l’article 3 de la Convention.

6.13L’État partie note que dans la première affaire, communication no 112/1998, H. D. c. Suisse, constatations adoptées le 30 avril 1999, le Comité a notamment constaté que le requérant n’avait jamais fait l’objet de poursuites pour des faits précis et que les procédures n’avaient pas été dirigées directement contre lui mais visaient des membres de sa famille appartenant au PKK. Le Comité a noté aussi que rien n’indiquait que, depuis son départ de Turquie, il avait collaboré de quelque manière que ce soit avec des membres du PKK ou que des membres de sa famille avaient été intimidés par les autorités turques. Dans la communication no 107/1998, K. M. c. Suisse, le Comité a pris en considération le fait que rien n’indiquait que l’auteur avait collaboré avec le PKK après son départ de Turquie.

6.14L’État partie rappelle que dans la présente affaire, les autorités compétentes ont conclu à l’issue d’un examen détaillé de tous les éléments pertinents que les allégations du requérant qui affirme avoir été arrêté, maltraité et persécuté par les autorités turques en raison de ses liens présumés avec le PKK n’étaient pas plausibles. Il ajoute que l’ambassade de Suisse en Turquie a mené une enquête et qu’un avocat turc a confirmé, après vérification, qu’en 2003 la police turque ne possédait aucun dossier sur les activités politiques du requérant, qu’elle n’avait délivré aucun mandat d’arrêt contre lui et qu’il n’était pas frappé d’une interdiction de passeport. Aucun mandat de perquisition ou d’arrêt n’a donc été émis contre le requérant à la suite de l’interrogatoire mené le 18 avril 2001 dont il a fourni le compte rendu. Ce point a également été relevé par le Tribunal administratif fédéral dans sa décision du 29 juin 2007. Contrairement à ce que prétend le requérant, le rejet par le Tribunal administratif fédéral de sa quatrième demande de réexamen n’était pas uniquement fondé sur des doutes concernant l’authenticité de ce document.

6.15L’État partie estime que si le requérant était recherché par les autorités, il aurait été en mesure de produire d’autres éléments de preuve, tels que des documents confirmant qu’il avait été arrêté, des mandats d’arrêt officiels, des rapports d’enquêtes de police, des actes d’accusation ou des pièces de correspondance avec des avocats. En outre, s’agissant du compte rendu de l’interrogatoire soumis par le requérant, l’État partie ne connaît toujours pas le nom du procureur qui l’a signé, ce qui renforce ses doutes quant à l’authenticité de ce document.

6.16L’État partie note de surcroît que le requérant a fourni à l’Office fédéral des migrations les exemplaires de deux mandats d’arrêt (formulaires appelés Örnek 29) pour étayer ses allégations. L’Office fédéral des migrations a scrupuleusement examiné le premier document daté du 4 août 2000 (dont une copie a été communiquée au Comité) pour en vérifier l’authenticité. L’État partie relève qu’en Turquie les mandats d’arrêt sont délivrés par des tribunaux. L’en-tête du document soumis par le requérant est bien celle d’un tribunal et il est apparemment signé par un juge. Toutefois, le tampon utilisé est celui du bureau du procureur. L’État partie conçoit difficilement qu’un juge utilise le tampon d’un procureur. Il comprend également difficilement comment il est possible que la personne visée par un mandat d’arrêt soit en possession de l’original de ce document. Comme l’ambassade de Suisse l’a indiqué, le requérant n’a jamais été recherché par la police. Il n’a produit un exemplaire du mandat d’arrêt susmentionné qu’après avoir reçu une copie du rapport de l’ambassade de Suisse. L’État partie estime donc qu’il n’y a pas lieu de répondre à la demande du requérant de vérifier l’authenticité de ce mandat d’arrêt auprès d’un avocat turc. L’État partie affirme que le second formulaire Örnek 29 présente les mêmes caractéristiques que le premier car il est également estampillé du tampon du procureur.

6.17En ce qui concerne l’exemplaire du journal Dogus du 2 octobre 2000 produit par le requérant, l’État partie explique que l’ambassade de Suisse en Turquie a contacté un employé de ce journal. Après vérification dans les archives, il est apparu que cet exemplaire était un faux. Le journal original du 2 octobre 2000 ne reproduisait aucun mandat d’arrêt ni aucune photo du requérant. La première page du journal original était complètement différente de celle du journal présenté par le requérant. En outre, les mentions légales obligatoires pour tous les périodiques qui figuraient à la quatrième page de l’exemplaire fourni par le requérant étaient inexactes. Enfin, dans le journal original le titre de la première page était imprimé en rouge alors qu’il était imprimé en blanc dans l’exemplaire remis par le requérant. L’État partie pense donc qu’aucun mandat d’arrêt contre le requérant n’a été reproduit dans le journal, ce qui corrobore les conclusions de l’avocat turc contacté par l’ambassade de Suisse exposées ci-dessus.

6.18L’État partie ajoute que les circonstances de la fermeture du magasin du requérant ne correspondent pas aux allégations qu’il a formulées concernant les persécutions qu’il aurait subies. Dans les déclarations qu’il a faites à la police pour justifier sa demande d’asile, le requérant a affirmé que son magasin avait été fermé par la police en septembre 2000. Or, la Commission fédérale des réfugiés a indiqué que l’ambassade de Suisse en Turquie avait appris en juillet 2003 que le magasin du requérant avait en fait été fermé en juillet 2002 par son frère et non par la police. Le requérant n’a présenté aucun commentaire à ce sujet.

6.19L’État partie rappelle que les autorités chargées des demandes d’asile ont estimé que les allégations du requérant, qui affirme avoir été persécuté, n’étaient pas crédibles. Les problèmes de santé du requérant et de sa femme ne sont pas la conséquence des persécutions qu’ils auraient subies, mais ont d’autres causes. Cela est notamment confirmé par le fait que les troubles mentaux du requérant (qui se sont notamment manifestés sous la forme de brutalités contre des membres de sa famille) n’ont commencé qu’après le rejet de sa demande d’asile politique en décembre 2003.

6.20L’État partie dit qu’à la lumière de ces considérations, il adhère aux motifs invoqués par l’Office fédéral des réfugiés et le Tribunal administratif fédéral pour justifier leur conclusion que les allégations du requérant manquent de crédibilité. Il ajoute que les faits tels que présentés par le requérant ne portent pas à croire qu’il existe des raisons sérieuses de craindre qu’il soit torturé en Turquie. Rien n’indique donc qu’il existe des motifs sérieux de penser que le renvoi des requérants vers la Turquie les exposerait personnellement à un risque prévisible et réel d’être torturés.

6.21L’État partie conclut en engageant le Comité à déclarer la communication irrecevable pour non-épuisement des recours internes et non-applicabilité de l’article 3 de la Convention en la matière, ou, subsidiairement, à rejeter la requête au motif que le requérant n’a pas le statut de victime, ou à déclarer que le renvoi des requérants vers la Turquie ne constituerait pas une violation par la Suisse des obligations découlant de l’article 3 de la Convention.

Commentaires du requérant sur les observations de l’État partie

7.1Le conseil du requérant a présenté ses commentaires sur les observations de l’État partie dans une note datée du 26 mai 2009. Pour ce qui est de l’argumentation de l’État partie concernant la question de l’épuisement des recours internes, il relève que l’explication qui a été avancée au sujet du réexamen de l’affaire par un deuxième juge est purement théorique. Selon lui, la charge de travail du Tribunal administratif fédéral est telle que les juges chargés de donner un deuxième avis ne sont pas en mesure de prendre connaissance en profondeur des affaires traitées par un autre juge.

7.2Le conseil indique en outre qu’il est en contact avec les requérants, qui lui téléphonent régulièrement. Il les a vus en personne pour la dernière fois lorsqu’ils lui ont remis les pièces supplémentaires pour la dernière demande de réexamen de leur affaire. Il ajoute que dans les circonstances de l’affaire, l’adresse des requérants ne peut être communiquée aux autorités de l’État partie.

7.3En ce qui concerne la conclusion de l’État partie que les mandats d’arrêt «Örnek 29» datés du 4 août 2000 et du 10 janvier 2005 sont des faux parce que le tampon qui y figure est celui d’un procureur, le conseil explique que ce ne sont pas les requérants eux-mêmes qui ont apporté ces documents, mais qu’ils leur ont été remis par des membres de leur famille en Turquie. Les mandats d’arrêt n’ont pas été examinés par l’avocat turc mandaté par l’ambassade de Suisse, mais seulement par un fonctionnaire suisse qui a conclu que ces documents étaient des faux parce qu’il s’agissait d’originaux et que le timbre apposé était celui d’un procureur. Toutefois, ce fonctionnaire n’a pas remis en question l’authenticité des formulaires eux-mêmes. Le conseil ajoute que le requérant savait que les autorités suisses avaient des doutes concernant l’authenticité du premier mandat d’arrêt lorsqu’il a demandé à des membres de sa famille en Turquie de lui envoyer une copie du deuxième mandat d’arrêt, et qu’il leur avait probablement dit que le fait qu’un document du tribunal soit estampillé du tampon d’un procureur posait problème. Toutefois, malgré cela, les membres de sa famille lui ont fait parvenir un mandat d’arrêt portant le même timbre.

7.4Le conseil affirme en outre qu’en ce qui concerne la fermeture du magasin du requérant, l’ambassade de Suisse s’est appuyée sur les déclarations du maire du district qui ne connaissait pas les circonstances de l’affaire. Le maire a affirmé que le magasin en question avait été géré par le requérant et son frère pendant un an ou deux, et qu’environ une année plus tôt il avait entendu dire que les deux frères avaient fermé leur magasin et que le requérant était parti voyager à l’étranger. D’après le conseil, cette déclaration ne fait que confirmer que le requérant a tenu un magasin. En outre, le maire a également affirmé qu’il n’avait pas réussi à découvrir pour quels motifs le requérant avait quitté le pays. Il n’y a donc aucune contradiction avec les explications que le requérant a données aux autorités suisses chargées des demandes d’asile.

7.5En ce qui concerne l’assertion de l’État partie qui affirme que les problèmes de santé du requérant sont apparus après le rejet de sa demande d’asile, le conseil indique qu’un psychiatre, M. E. B., a conclu que le requérant souffrait d’un stress post-traumatique qui était la conséquence de graves tortures. D’après le conseil, il ne fait aucun doute que le requérant était déprimé après le rejet de sa demande d’asile car il se trouvait face à la menace de devoir quitter le pays sans aucune garantie qu’il ne serait pas de nouveau soumis à la torture. Le conseil estime que l’État partie n’a pas porté une attention suffisante au rapport de l’expert psychiatre.

7.6Le 12 février 2010, le conseil a fait tenir au Comité quatre rapports médicaux concernant le requérant établis par des médecins et par la Croix-Rouge suisse («Ambulatorim Für Folter-und Kriegsopfer SRK») en 2009et en 2010 ainsi qu’un rapport concernant sa femme établi par un médecin en 2009. Le conseil explique que le requérant a commencé à consulter l’«Ambulatorim Für Folter-und Kriegsopfer SRK» en 2008 parce que «sa souffrance psychique était devenue insupportable tant pour lui-même que pour sa famille». Le requérant souffrait également de vives douleurs dans les organes génitaux, d’une sensation de brûlure et de démangeaisons sur tout le corps, ainsi que de maux de tête. Le rapport médical de l’«Ambulatorim Für Folter-und Kriegsopfer SRK daté du 12 décembre 2009 indique que le requérant revoyait des images des actes de torture subis. À la fin de 2009, le requérant a été traité dans une institution psychiatrique (du 12 novembre 2009 au 7 janvier 2010). Un rapport daté du 1er janvier 2010 élaboré dans cet établissement indique que le requérant revivait les tortures qu’il avait subies et qu’il avait des idées suicidaires. Pendant son séjour dans cette institution, il était parfois très agressif et refusait tout contact avec autrui.

7.7Le conseil relève que la lecture des rapports médicaux donne à penser que le requérant était également «désespéré, prêt à tout, qu’il souffrait de problèmes de concentration, de cauchemars, etc.». En outre, il avait une grande peur des policiers.

7.8Le conseil fait également observer qu’un urologue, le docteur G., n’a détecté aucun problème concernant les organes génitaux du requérant. Le conseil indique que dans son rapport daté du 14 septembre 2009, l’urologue a estimé que le requérant était «un homme anéanti par la torture» et que la cause de ses douleurs était probablement plus psychologique que physique.

7.9Le conseil affirme qu’il apparaît clairement à la lumière de ces informations que les problèmes dont souffre le requérant sont la conséquence des tortures qu’il a subies, et que sa famille et lui-même souffrent de l’incertitude dans laquelle ils se trouvent. Le conseil souligne en outre que les rapports médicaux qui ont été soumis ont été établis dans le cadre d’une aide d’urgence. Les médecins n’ont pas cherché à déterminer les causes profondes des problèmes dont souffrait le requérant, mais à le soulager temporairement. En tous les cas, le requérant a répété à tous les médecins qu’il avait été soumis à la torture en Turquie. En ce qui concerne la femme du requérant, un rapport de la Croix-Rouge suisse daté du 25 novembre 2010 indique qu’elle souffre également en raison de l’état de santé de son mari, de son comportement agressif et de l’incertitude dans laquelle ils se trouvent.

Renseignements complémentaires de l’État partie

8.1Dans une note datée du 19 mars 2010, l’État partie a réaffirmé sa position et répondu aux commentaires présentés par le conseil le 12 février 2010. Il note au sujet des douleurs que le requérant ressent dans ses organes génitaux que le médecin spécialisé qui l’a examiné a conclu qu’il ne souffrait pas de blessures démontrant qu’il aurait été soumis à de mauvais traitements.

8.2L’État partie prend également acte du fait que les différents rapports médicaux présentés au Comité indiquent que le requérant a déclaré avoir été soumis à la torture en Turquie. Il relève toutefois que le rapport de l’«Ambulatorim Für Folter-und Kriegsopfer SRK» (Croix-Rouge suisse) daté du 16 décembre 2009 indique que le requérant a expliqué qu’à l’âge de 25 ans il avait été détenu et torturé pendant trois mois dans un poste de police où on lui avait infligé des électrochocs aux organes génitaux. L’État partie note que cette description contredit les déclarations faites par le requérant aux autorités suisses chargées des demandes d’asile, auxquelles il a affirmé avoir été arrêté et maltraité à plusieurs reprises pendant un jour ou deux, sans toutefois jamais mentionner qu’aucun acte de torture ne lui ait été infligé aux organes génitaux. Par conséquent, les rapports médicaux soumis par le requérant n’entrent pas en contradiction avec la conclusion que les problèmes psychiques dont il souffre ne sont pas dus aux tortures qu’il aurait subies.

Renseignements complémentaires du requérant

9.1Le conseil du requérant a apporté de nouvelles précisions dans une note datée du 31 août 2010. Il reconnaît qu’il est exact que, comme l’a relevé l’État partie, le rapport de l’«Ambulatorim Für Folter-und Kriegsopfer SRK» (Croix-Rouge suisse) daté de décembre 2009 indique que le requérant a été arrête et torturé pendant trois mois. Il explique toutefois que le rapport a été établi sur la base d’une discussion tenue avec le requérant sans l’aide d’un interprète. Le conseil pense qu’il est probable que le psychologue qui a examiné le requérant a mal compris ses explications. Selon le conseil, cette hypothèse est confirmée par une lettre de deux fonctionnaires de l’«Ambulatorim Für Folter-und Kriegsopfer SRK» (Croix-Rouge suisse) datée du 10 août 2010, selon laquelle il a été supposé que le requérant avait dit qu’il avait été détenu plusieurs fois au cours d’une période de trois mois et non durant trois mois. D’après les fonctionnaires en question, le requérant avait refusé les services d’un interprète car il n’avait pas confiance en ses compatriotes.

9.2D’après le conseil, cette explication concorde avec les précédentes déclarations du requérant qui a toujours affirmé qu’il avait été arrêté pour la première fois le 15 juillet 2000 et pour la dernière fois à la fin d’août 2000. Cette période ne couvre qu’un mois et demi, mais les événements s’étant produits plus de dix ans auparavant, le conseil estime qu’il est compréhensible que le requérant ne se souvienne pas de la durée exacte.

9.3En ce qui concerne les allégations de torture par électrochocs rapportées par le docteur G., le conseil estime qu’il y a également eu un malentendu dû au fait que le requérant ne parlait pas bien l’allemand et qu’aucun interprète n’était présent. L’«Ambulatorim Für Folter-und Kriegsopfer SRK» a expliqué dans une nouvelle lettre que le patient avait déclaré ressentir une douleur aux organes génitaux similaire à celle d’électrochocs, ce que le médecin avait interprété comme une description des tortures qu’il avait subies. Le conseil suppose que, de la même façon, le docteur G. a mal compris le requérant car lors de cette consultation aussi aucun interprète n’était présent.

9.4Le 9 septembre 2010, le conseil a fait tenir au Comité une lettre datée du 7 septembre 2010 dans laquelle le docteur G. confirme qu’aucun interprète n’était présent lorsqu’il a examiné le requérant en 2009. Il dit qu’il est possible qu’il ait mal compris le requérant et ait pensé qu’il avait été torturé, alors qu’en réalité le requérant a dit ressentir une douleur semblable à une décharge électrique dans ses organes génitaux. Le conseil estime que cette information est de la plus haute importance étant donné que l’«Ambulatorim Für Folter-und Kriegsopfer SRK» a étudié le rapport du docteur G. daté de 2009 et que ce document l’a peut-être influencée.

Délibérations du Comité

Examen de la recevabilité

10.1Avant d’examiner une plainte soumise dans une requête, le Comité contre la torture doit déterminer si la requête est recevable en vertu de l’article 22 de la Convention. Le Comité s’est assuré, comme il est tenu de le faire conformément au paragraphe 5 a) de l’article 22 de la Convention, que la même question n’a pas été et n’est pas actuellement examinée par une autre instance internationale d’enquête ou de règlement.

10.2Le Comité a noté que l’État partie avait contesté la recevabilité de la communication au motif que le requérant n’avait pas épuisé tous les recours internes disponibles étant donné que sa cinquième demande de réexamen par le Tribunal administratif fédéral avait été classée sans suite sans avoir été examinée, du fait qu’il n’avait pas versé l’avance de frais requise. Le Comité note également que, comme l’a reconnu l’État partie, lorsque le juge chargé de l’affaire avait rejeté la demande d’aide juridictionnelle du requérant, il avait évalué à l’avance les chances de succès de la demande de réexamen qu’il avait estimées minimes, et avait exprimé des doutes concernant la requête, craignant qu’elle ne soit abusive.

10.3Le Comité note que le requérant avait déjà formé plusieurs appels, notamment des demandes de réexamen, et que la plupart d’entre eux avaient été rejetés. Il note également que la demande de réexamen du requérant était fondée sur une lettre qui confirmait l’authenticité du compte rendu d’une audience à laquelle un partisan du PKK avait mentionné son nom. Le Comité note qu’en tous les cas, le compte rendu de cette audience avait déjà été soumis comme preuve à l’appui des précédents appels du requérant et qu’il avait été examiné par les autorités suisses chargées des demandes d’asile. À la lumière de ce qui précède, en dépit de l’explication donnée par l’État partie qui indique que le juge n’avait pas examiné le fond de l’affaire et que pour que l’appel soit rejeté, il aurait fallu que ce dernier demande l’avis d’un autre juge, le Comité n’est pas convaincu que ce recours constitue un motif suffisant pour l’empêcher d’examiner le fond de la requête, étant donné que les allégations du requérant ont été suffisamment étayées aux fins de la recevabilité.

10.4Le Comité note en outre que l’État partie n’explique pas pourquoi le recours invoqué − une cinquième demande de réexamen − serait pertinent en l’espèce. Il estime que l’État partie s’est contenté d’invoquer la disponibilité de ce recours et son efficacité potentielle sans donner d’autres explications. Dans ces circonstances, et à la lumière des informations dont il est saisi, le Comité considère que dans la présente affaire, les requérants ont apporté des renseignements suffisants pour lui permettre de poursuivre l’examen de leur requête quant au fond.

10.5L’État partie a invoqué un second motif d’irrecevabilité de la requête, estimant que dans la mesure où les autorités suisses ont conclu que la présence des requérants en Suisse ne pouvait être établie, l’article 3 de la Convention n’est pas applicable en l’espèce. Le Comité a également pris acte de la réponse du conseil des requérants (voir par. 7.2 ci‑dessus) qui affirme avoir des contacts constants avec eux et recevoir régulièrement des appels téléphoniques de leur part. Dans ces circonstances, le Comité ne considère pas que les dispositions de la Convention ne sont pas applicables en l’espèce.

Examen au fond

11.1Le Comité a examiné la communication en tenant compte de toutes les informations communiquées par les parties, conformément au paragraphe 4 de l’article 22 de la Convention.

11.2Le Comité doit déterminer si, en renvoyant les requérants en Turquie, l’État partie manquerait à l’obligation qui lui est faite en vertu du paragraphe 1 de l’article 3 de la Convention de ne pas expulser ou refouler un individu vers un autre État où il y a des motifs sérieux de croire qu’il risque d’être soumis à la torture.

11.3Pour ce faire, le Comité doit tenir compte de tous les éléments, y compris de l’existence dans l’État où le requérant serait renvoyé d’un ensemble systématique de violations graves, flagrantes ou massives des droits de l’homme. Il s’agit cependant de déterminer si l’intéressé risque personnellement d’être soumis à la torture dans le pays vers lequel il serait renvoyé. Le Comité réaffirme que l’existence dans le pays d’un ensemble de violations systématiques des droits de l’homme, graves, flagrantes ou massives ne constitue pas en soi un motif suffisant pour conclure que l’individu risque d’être soumis à la torture à son retour dans ce pays; il doit exister des motifs supplémentaires donnant à penser que l’intéressé court personnellement un risque. À l’inverse, l’absence d’un ensemble de violations flagrantes et systématiques des droits de l’homme ne signifie pas qu’une personne ne peut pas être considérée comme risquant d’être soumise à la torture dans les circonstances qui sont les siennes.

11.4Le Comité rappelle son Observation générale sur l’application de l’article 3 de la Convention et réaffirme que «l’existence (…) d’un risque [de torture] doit être appréciée selon des éléments qui ne se limitent pas à de simples supputations ou soupçons. En tout état de cause, il n’est pas nécessaire de montrer que le risque couru soit “hautement probable”» (par. 6); le risque doit être encouru personnellement et actuellement. À ce propos, le Comité a conclu dans des décisions précédentes que le risque de torture devait être prévisible, réel et personnel. Il note aussi qu’il accordera un poids considérable, dans l’exercice de ses compétences en application de l’article 3 de la Convention, aux constatations de fait des organes de l’État partie intéressé.

11.5Dans la présente affaire, le Comité estime que les faits tels qu’ils ont été présentés ne lui permettent pas de conclure que le requérant et sa femme courent personnellement et actuellement un risque prévisible et réel de torture s’ils sont renvoyés en Turquie. Pour parvenir à cette conclusion, le Comité a pris note en particulier des observations de l’État partie sur les conclusions des autorités suisses chargées des demandes d’asile concernant le manque de crédibilité du requérant, les conclusions relatives à l’utilisation de preuves falsifiées − telles qu’un journal reproduisant un mandat d’arrêt contre le requérant et une photo de lui − et l’utilisation de deux mandats d’arrêt qui auraient été signés par un juge mais qui portent le tampon d’un procureur, ainsi que les informations recueillies par l’ambassade de Suisse avec l’aide d’un avocat turc qui montrent que la police n’a établi aucun dossier sur le requérant et qu’aucun mandat de perquisition ou d’arrêt n’a été délivré contre lui par les autorités turques en lien avec ses activités politiques. Le Comité a apporté l’attention voulue aux commentaires du requérant et de sa femme, mais il considère que leurs arguments ne sont pas suffisamment étayés pour réfuter ou clarifier les contradictions relevées par l’État partie dans ses observations.

11.6Le Comité a, enfin, pris note des conclusions des médecins et du psychiatre soumises par le requérant après l’enregistrement de sa communication, ainsi que de l’existence de contradictions et de malentendus dans les déclarations que les requérants ont faites devant les autorités suisses chargées des demandes d’asile. Toutefois, il est d’avis que le seul fait que le requérant souffre aujourd’hui de difficultés psychologiques, relevées par les médecins, ne peut pas être considéré comme un motif suffisant pour obliger l’État partie à ne pas procéder à l’expulsion du requérant et de sa femme vers la Turquie où, comme l’ont indiqué les autorités de l’État partie, un traitement médical approprié est disponible.

11.7Étant donné ce qui précède, le Comité n’est pas convaincu que, pris dans leur ensemble, les faits dont il est saisi sont suffisants pour conclure que les requérants courent personnellement un risque prévisible et réel d’être soumis à la torture s’ils sont renvoyés en Turquie. En conséquence, il conclut que l’expulsion des requérants vers ce pays ne constituerait pas une violation de l’article 3 de la Convention.

12.Le Comité contre la torture, agissant en vertu du paragraphe 7 de l’article 22 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, conclut que l’expulsion du requérant vers la Turquie ne constituerait pas une violation par l’État partie de l’article 3 de la Convention.

Communication no357/2008: Jahani c. Suisse

Présentée par:

Fuad Jahani (représenté par un conseil, Urs Ebnöther)

Au nom de:

Fuad Jahani

État partie:

Suisse

Date de la requête:

9 octobre 2008 (lettre initiale)

Le Comité contre la torture, institué en vertu de l’article 17 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,

Réuni le 23 mai 2011,

Ayant achevé l’examen de la requête no 357/2008 présentée au nom de M. Fuad Jahani en vertu de l’article 22 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,

Ayant tenu compte de toutes les informations qui lui ont été communiquées par le requérant, son conseil et l’État partie,

Adopte ce qui suit:

Décision au titre du paragraphe 7 de l’article 22 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumainsou dégradants

1.1Le requérant, Fuad Jahani, est un ressortissant de la République islamique d’Iran, né en 1981, qui risque d’être expulsé de Suisse vers son pays d’origine. Il prétend qu’une telle mesure constituerait une violation par la Suisse de l’article 3 de la Convention à son égard. Il est représenté par un conseil, Urs Ebnöther.

1.2Le 15 octobre 2008, le Comité a porté la requête à l’attention de l’État partie, conformément au paragraphe 3 de l’article 22 de la Convention et, en application du paragraphe 1 de l’article 108 de son règlement intérieur (CAT/C/3/Rev.4), le Comité a prié l’État partie de ne pas expulser le requérant vers la République islamique d’Iran tant que l’affaire serait à l’examen.

Rappel des faits présentés par le requérant

2.1Le requérant est un Iranien appartenant à la minorité kurde. Il allègue qu’en raison de ses activités de militant au sein du Parti communiste des travailleurs («Communist Workers’ Party»), il a dû quitter son pays d’origine et demander l’asile en Suisse, où il est arrivé le 11 juillet 2005. Peu après son arrivée en Suisse, le requérant a déposé une demande d’asile et il est devenu un membre actif du mouvement d’opposition iranien en Suisse.

2.2Le 26 novembre 2007, l’Office fédéral des migrations (ODM) a décidé de ne pas considérer le fond de la demande du requérant. Toutefois, le 25 janvier 2008, l’appel interjeté par ce dernier contre cette décision a été autorisé par le Tribunal administratif fédéral (TAF), qui a ordonné à l’ODM d’examiner le fond de l’affaire.

2.3Le 25 mars 2008, l’ODM a adopté une nouvelle décision rejetant la demande d’asile du requérant. Un appel contre cette décision a été rejeté par le Tribunal administratif fédéral le 6 mai 2008, au motif qu’il avait été formé hors délai.

2.4Le 3 juin 2008, le requérant a présenté une nouvelle demande d’asile, invoquant ses activités politiques en Suisse. L’ODM, dans sa décision du 18 juin 2008, a décidé de ne pas considérer le fond de la demande. Le 14 juillet 2008, le Tribunal administratif fédéral a rejeté l’appel du requérant contre cette décision. Le 18 juillet 2008, l’ODM a ordonné au requérant de quitter le territoire de l’État partie, au plus tard le 30 juillet 2008. Ce dernier réside donc illégalement en Suisse depuis cette date.

2.5Selon le requérant, le Tribunal administratif fédéral, dans sa décision du 14 juillet 2008, a considéré à tort que ses activités de représentant cantonal de l’Association démocratique pour les réfugiés (ADR) − qui ferait partie du mouvement d’opposition iranien en Suisse −, sa présence régulière à des réunions de ce mouvement, ses contacts étroits avec le Président de l’ADR, ainsi que sa participation régulière à des émissions de radio ne démontraient pas l’existence d’un risque de persécution en cas de retour en République islamique d’Iran. Le requérant considère que ce faisant, le Tribunal a manqué de tenir compte du fait que de nombreuses informations crédibles attestent que les autorités iraniennes observent scrupuleusement et enregistrent les activités politiques de la diaspora iranienne. Il ajoute que pour ces raisons, les activistes politiques iraniens en exil sont exposés à un risque réel d’arrestation et de torture en cas de retour forcé vers leur pays d’origine. Selon le requérant, un rapport détaillé de l’Organisation suisse d’aide aux réfugiés (OSAR) confirme que les Iraniens vivant en Suisse et qui occupent un rang important au sein de l’ADR courent un tel risque.

2.6Le requérant allègue qu’il a participé à de nombreuses manifestations et réunions organisées par le mouvement d’opposition iranien en Suisse, et que les autorités suisses n’ont pas contesté ce fait. De nombreuses photos le montrant à de telles rencontres auraient été diffusées sur des sites Internet et dans des journaux. Par ailleurs, le requérant aurait participé de manière régulière à des émissions de radio en Suisse. Il souligne qu’étant à la tête de la section cantonale de l’ADR, il occupe à ce titre une position d’importance au sein du mouvement d’opposition politique iranien en Suisse, au sens de la jurisprudence récente du Tribunal administratif fédéral. Pour ces raisons, le requérant réaffirme qu’il est extrêmement probable qu’il ait attiré l’attention des autorités iraniennes, et que ses activités politiques seront perçues par ces dernières non seulement comme diffamatoires vis-à-vis du régime actuel − ce qui en soi constitue un crime en République islamique d’Iran − mais également comme une menace pour la sécurité intérieure du pays.

2.7Compte tenu de la situation déplorable des droits de l’homme en République islamique d’Iran, ainsi que de la répression notoire dont fait l’objet toute forme d’opposition au régime dans ce pays, le requérant allègue une crainte bien fondée de subir des actes de torture en cas de retour forcé en République islamique d’Iran. Il ajoute que le Tribunal administratif fédéral a récemment conclu que des fonctions de représentant cantonal de l’ADR entrainaient un risque concret de persécution en cas de retour en République islamique d’Iran. Dès lors, le même raisonnement devrait lui être appliqué.

2.8Par ailleurs, le requérant ajoute qu’il fait partie de la minorité kurde iranienne, ce qui augmente considérablement le risque de persécution encouru en cas de retour forcé. Les actions politiques menées contre le régime en place par des membres des groupes ethniques minoritaires sont plus à même d’attirer l’attention des autorités, et aboutissent à des sanctions encore plus sévères que le même type d’actions commises par des Iraniens d’ethnie persane.

Teneur de la plainte

3.1Le requérant allègue que son expulsion de la Suisse vers la République islamique d’Iran constituerait une violation de l’article 3 de la Convention, car il y a de sérieux motifs de croire qu’il risquerait d’être soumis à la torture en cas de renvoi.

Observations de l’État partie sur la recevabilité et le fond

4.1Le 14 avril 2009, l’État partie a soumis ses observations sur la recevabilité et sur le fond de la communication. Il affirme que le requérant n’a pas établi l’existence d’un risque personnel, réel et prévisible de torture en cas de retour en République islamique d’Iran. Tout en prenant acte du caractère préoccupant de la situation des droits de l’homme en République islamique d’Iran, et se référant à l’Observation générale no 1 (1997) du Comité, l’État partie rappelle que cette situation n’est pas en soi un élément suffisant pour conclure que le requérant risquerait d’être soumis à la torture s’il y retournait. Ce dernier aurait manqué de démontrer courir un risque prévisible, personnel et réel d’être soumis à la torture en cas de retour en République islamique d’Iran.

4.2Selon l’État partie, le requérant aurait déclaré, au cours de la procédure judiciaire interne, avoir été arrêté et détenu pendant deux semaines en 2002 pour avoir participé à une manifestation de soutien au leader indépendantiste Öcalan. Toutefois, le requérant n’aurait pas allégué avoir été torturé pendant sa détention. L’État partie ajoute que les allégations du requérant, quant aux raisons ayant précipité son départ d’Iran, n’ont pas été jugées plausibles par l’Office fédéral des migrations (ODM), qui a rendu ses décisions le 26 novembre 2007 et le 25 mars 2008. L’État partie note en outre que le requérant n’a pas épuisé les recours internes en ce qui concerne sa première demande d’asile, puisque l’appel qu’il a interjeté contre la décision de l’ODM du 25 mars 2008 a été rejeté le 6 mai 2008 par le Tribunal administratif fédéral au motif qu’il avait été formé hors délai. La décision de l’ODM est donc entrée en vigueur. L’État partie relève toutefois que le requérant a fondé sa communication devant le Comité sur sa deuxième demande d’asile, basée sur ses activités politiques postérieures à sa fuite de la République islamique d’Iran, et pour laquelle il a épuisé tous les recours.

4.3En ce qui concerne les activités politiques du requérant en République islamique d’Iran, décrites lors de sa première demande d’asile, l’État partie relève que l’ODM a étayé de manière détaillée les raisons pour lesquelles il ne les jugeait pas crédibles. Il réaffirme également que le requérant n’a pas épuisé les recours internes en ce qui concerne cette procédure. De l’avis de l’État partie, il en est de même pour les allégations formulées par le requérant au moment de sa seconde demande d’asile, selon lesquelles il aurait attiré l’attention des autorités iraniennes du fait de ses activités politiques comme représentant de l’ADR pour le canton de Schaffhouse. Ces allégations ont été examinées en détail par différentes instances judiciaires nationales, qui ont conclu que le requérant ne courrait pas de danger en cas de retour en République islamique d’Iran. Dans plusieurs décisions concernant le renvoi de requérants d’asile déboutés vers la République islamique d’Iran, le Tribunal administratif fédéral a considéré que les services secrets iraniens peuvent surveiller les activités politiques entreprises contre le régime à l’étranger, mais seulement lorsque les personnes impliquées dans de telles activités possèdent un profil particulier, agissent au-delà du cadre habituel d’opposition de masse et occupent des fonctions ou réalisent des activités d’une nature telle qu’elles représentent une menace sérieuse et concrète pour le gouvernement concerné. L’État partie ajoute, se référant à diverses sources d’information, que des personnes soupçonnées d’être impliquées dans un crime grave, ou agissant au nom de groupes politiques spécifiques, risquent aussi d’être arrêtées.

4.4L’État partie ajoute qu’il ne ressort pas du rapport de l’Organisation suisse d’aide aux réfugiés (OSAR), cité par le requérant, qu’une position particulière au sein de l’ADR créerait un risque spécifique en cas de retour. Selon le même rapport, la participation, même répétée, à des actions critiques vis-à-vis du régime iranien actuel n’entrainerait pas un risque accru de représailles. En revanche, la conduite d’actions violentes et l’exercice d’une fonction supposant une responsabilité particulière dans des groupes d’opposition spécifiques pourraient être déterminants. L’État partie suggère en outre que l’ADR ne fait pas partie des principales organisations d’opposition en exil évoquées dans le rapport de l’OSAR. L’État partie ajoute que l’ADR aurait été décrite par une partie de la presse comme ayant pour raison d’être principale de fournir à ses membres des preuves d’activité politique leur permettant de rester en Suisse. Dès lors, si les autorités iraniennes devaient observer les activités de cette association, elles devraient également avoir connaissance de ces réserves, et en tenir compte.

4.5L’État partie relève que la seconde demande du requérant était fondée uniquement sur ses activités politiques du 25 mars 2008 au 14 juillet 2008 (date du dernier arrêt du Tribunal administratif fédéral). Le requérant a donc été débouté sur la base des activités qu’il a invoquées, à savoir son rôle de représentation de l’ADR, sa participation à trois manifestations, ainsi que son engagement pour une radio locale. L’État partie note que son rôle de représentant de l’ADR a déjà été considéré au cours de la première procédure d’asile, et qu’aucun fait nouveau en la matière n’a été avancé depuis. Il réaffirme qu’il n’est pas possible d’inférer de l’ensemble des activités mises en avant par le requérant que celui-ci serait perçu comme un cadre dirigeant d’une organisation d’opposition qui constituerait une menace potentielle pour le régime iranien et qu’il serait, de ce fait, exposé à un risque de torture en cas de retour.

4.6Lors de l’examen de la première demande d’asile du requérant, l’ODM avait considéré en détail un article de presse signé par ce dernier, et en avait conclu que, bien qu’il contienne un appel au renversement du régime des Mollahs, qui ressemblait à un slogan, il ne s’en dégageait pas l’impression que le requérant y ait formulé des opinions claires démontrant une conviction politique, ni qu’il représentait un danger potentiel pour le régime en République islamique d’Iran. L’article semblait plutôt avoir été envisagé comme un motif d’asile postérieur à la fuite, et les autorités iraniennes seraient en mesure de percevoir cela.

4.7Pour ce qui est de la participation du requérant à des émissions de radio à contenu politique, l’État partie note que l’ODM a considéré que le requérant n’avait pas démontré que les autorités iraniennes en avaient eu connaissance, ni qu’elles le considéreraient comme un danger sur cette base. Enfin, l’État partie soutient que le requérant n’a fourni aucun élément de nature à établir le fait que son appartenance à la minorité kurde augmenterait le risque qu’il soit persécuté en cas de retour.

Commentaires du requérant sur les observations de l’État partie

5.1Le 16 juin 2009, le requérant affirme que le fait que l’ADR ne soit pas mentionnée dans la liste des organisations d’opposition iraniennes les plus importantes s’explique par le fait que cette liste n’est qu’illustrative et qu’à la date de parution du rapport de l’OSAR, l’ADR n’était qu’une jeune association pas assez connue pour être citée parmi d’autres mouvements d’opposition plus anciens. Toutefois, plusieurs décisions de justice de l’État partie ont reconnu l’ADR. Le requérant objecte au fait que l’État partie fasse écho à des articles de presse décrivant le militantisme politique au sein de l’ADR comme un simple alibi pour des demandeurs d’asile, notant qu’une telle interprétation est marginale et erronée.

5.2En ce qui concerne l’arrêt du Tribunal administratif fédéral en date du 16 août 2008, qui a accordé l’asile à un membre de l’ADR, le requérant maintient que l’intéressé était représentant cantonal de l’ADR, tout comme lui, et que son nom est également apparu avec ses coordonnées dans le magazine Kanoun. Selon le requérant, le Tribunal administratif fédéral a donc explicitement reconnu que le fait d’occuper une position de représentant cantonal de l’ADR, et d’avoir vu son nom et ses coordonnées publiés, devait être considéré comme indiquant que cette personne serait perçue comme un danger pour le régime de Téhéran. Il ajoute que dans une décision plus récente, le Tribunal administratif fédéral a également accordé le statut de réfugié à un demandeur d’asile, membre de l’ADR, dont le profil politique était moins marqué que celui du requérant, puisqu’il était simple responsable de la sécurité lors des manifestations. Le requérant ajoute que l’ODM a accordé le statut de réfugié à plusieurs responsables cantonaux de l’ADR.

5.3Pour ce qui est de l’article de presse qu’il avait publié, et qui avait été examiné par l’ODM lors de sa première demande d’asile, le requérant souligne qu’il est similaire à d’autres articles parus dans le magazine Kanoun. Les membres de l’ADR qui ont été reconnus comme réfugiés politiques par l’État partie sur la base de tels articles ne se seraient pas distingués par un style ou des propos politiques plus appuyés. Par ailleurs, le requérant n’a cessé depuis de publier d’autres articles dans le magazine Kanoun,de participer à des manifestations contre le régime iranien, et de participer à des émissions de radio.

Observations supplémentaires de l’État partie

6.1Le 24 août 2009, l’État partie, concernant les allégations du requérant qui affirme que certains membres de l’ADR se seraient vu octroyer l’asile en Suisse à la suite d’une décision de l’ODM ou du Tribunal administratif fédéral, réaffirme que ces instances examinent chaque cas particulier en fonction des éléments spécifiques qui le caractérisent. Il ajoute que 40 décisions auraient été rendues par le Tribunal administratif fédéral depuis début 2007 concernant des personnes ayant fait valoir des activités politiques au sein de l’ADR. L’asile n’a été accordé que dans un certain nombre de cas seulement, et après un examen attentif de l’ensemble des circonstances. Même en cas d’activités comparables au sein de la même organisation, deux personnes pourraient être exposées à des risques différents en cas de retour en Iran, car d’autres facteurs influencent le degré d’attention dont font preuve les autorités iraniennes. L’État partie réaffirme que celles-ci sont en mesure de distinguer des activités politiques reflétant une conviction personnelle sérieuse, et présentant de ce fait un potentiel subversif important à leurs yeux, d’activités destinées principalement à fournir à leurs auteurs un titre de séjour dans un pays tiers.

6.2L’État partie ajoute que l’ADR cherche systématiquement à fournir à ses membres des motifs subjectifs d’asile, en organisant des stands quasi hebdomadaires à l’occasion desquels ils sont photographiés de manière reconnaissable, munis de tracts, et qu’elle publie ensuite les photos sur son site Internet. Lorsque le Tribunal administratif fédéral a considéré que la seule qualité de membre de l’organisation ne constituait pas un motif personnel de bénéficier de l’asile après avoir fui d’un autre pays, l’ADR aurait alors commencé à créer différentes fonctions pour ses membres, telles que responsable de la logistique, de la sécurité, etc. Depuis, dans la majorité des affaires concernant ses membres, il était question de «fonction dirigeante» au sein de l’ADR. En conclusion, l’État partie réaffirme que le risque d’être soumis à la torture doit être apprécié en fonction des circonstances de chaque cas d’espèce, et que le requérant n’a en l’occurrence pas établi qu’il faisait face à un tel risque en cas de retour en République islamique d’Iran.

Commentaires supplémentaires du requérant

7.1Le 11 juin 2010, le requérant se réfère à un arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme, qui a considéré que le renvoi en République islamique d’Iran d’un requérant qui avait été arrêté et torturé dans le passé dans ce pays constituait une violation de l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme, eu égard, notamment, à la situation générale en Iran, en particulier depuis les élections de juin 2009. Le requérant relève en particulier que dans cette décision, la Cour a admis que les autorités iraniennes arrêtent et torturent fréquemment des personnes participant à des manifestations pacifiques dans le pays, non seulement lorsqu’elles occupent un rôle de leader politique, mais également lorsqu’elles sont de simples opposants au régime. La Cour a également relevé que la situation était particulièrement risquée pour les requérants ayant quitté le pays de manière illégale.

7.2Le requérant affirme dans la même lettre qu’il a quitté la République islamique d’Iran de manière illégale, pour des raisons politiques. Il réaffirme que depuis son arrivée en Suisse en 2005, il a été actif au sein de mouvements d’opposition au régime. Non seulement a-t-il participé à de nombreuses manifestations, mais il anime également une émission de radio appelée La voix de la résistance, en plus d’être responsable régional pour l’ADR. Les autorités iraniennes suivant de près toute activité de dissidence politique, ce qui inclut selon elles la participation à des manifestations pacifiques, il y a des raisons sérieuses de croire que le requérant serait détenu et questionné s’il devait être expulsé vers la République islamique d’Iran. Le fait qu’il ne pourrait prouver avoir quitté le pays légalement ne ferait qu’aggraver sa situation.

7.3Le 28 février 2011, le requérant informe le Comité qu’il continue d’animer une émission radio sur la station locale «Lora», et ce depuis plusieurs mois. Sur cette station de radio, il a pu lire dans une émission hebdomadaire intitulée La voix de la résistance des poèmes écrits de sa main qui reflètent ses opinions sur la situation actuelle en République islamique d’Iran. Il ajoute qu’il continue d’être un membre actif de l’ADR, et de représenter l’association pour le canton de Schaffhouse. Par ailleurs, il continue de participer à des manifestations et autres événements publics organisés par l’opposition iranienne en exil à travers la Suisse.

7.4Dans la même lettre, le requérant note également que la situation des droits de l’homme en République islamique d’Iran s’est gravement détériorée au cours des derniers mois. Il affirme qu’en janvier 2011 seulement, au moins 66 personnes ont été exécutées, dont de nombreux activistes politiques. Le requérant affirme également que le Gouvernement iranien a récemment établi une unité de «cyberpolice», chargée de traquer «l’espionnage et les émeutes» sur les réseaux sociaux d’opposition présents sur l’Internet et d’en mesurer l’étendue. Le requérant relève en outre qu’étant un Kurde de souche de confession sunnite, il serait persécuté pour trois motifs en cas de retour: parce qu’il est militant politique, en tant que membre d’une minorité ethnique et comme membre d’une minorité religieuse. D’après lui, plusieurs Kurdes auraient été exécutés l’an passé, et d’autres sont actuellement dans les couloirs de la mort pour avoir soutenu la résistance kurde armée. En conclusion, le requérant réaffirme qu’étant donné que la situation des droits de l’homme en République islamique d’Iran est des plus préoccupantes, et qu’elle s’est fortement dégradée au cours des derniers mois, en particulier pour les militants des droits de l’homme et les opposants politiques, qu’il a lui-même quitté le pays illégalement, qu’il est membre à la fois d’une minorité ethnique et d’une minorité religieuse, et un opposant politique actif sur l’Internet et à la radio, il serait sans nul doute arrêté en cas de retour. Il ajoute que le risque est extrêmement élevé qu’il soit soumis à des tortures ou autres actes inhumains ou dégradants, y compris l’imposition de la peine de mort à l’issue d’un procès inéquitable.

Délibérations du Comité

Examen de la recevabilité

8.1Avant d’examiner toute plainte soumise dans une requête, le Comité contre la torture doit déterminer si la requête est recevable en vertu de l’article 22 de la Convention. Le Comité s’est assuré, comme il est tenu de le faire conformément au paragraphe 5 a) de l’article 22 de la Convention, que la même question n’a pas été et n’est pas actuellement examinée par une autre instance internationale d’enquête ou de règlement.

8.2L’État partie constate que le requérant n’a pas épuisé les recours internes en ce qui concerne sa première demande d’asile, puisque l’appel qu’il a interjeté devant le Tribunal administratif fédéral contre la décision de l’ODM en date du 25 mars 2008 a été rejeté le 6 mai 2008 au motif qu’il avait été formé hors délai. Dès lors, la décision de l’ODM précitée est entrée en vigueur. Le Comité note, cependant, tout comme l’État partie l’a lui-même relevé, que la communication que le requérant présente au Comité est fondée sur sa deuxième demande d’asile, qu’il a déposée le 3 juin 2008 et qui a été rejetée le 18 juin 2008 par l’ODM. Le 14 juillet 2008, le Tribunal administratif fédéral a rejeté l’appel introduit par le requérant contre cette décision. Ce dernier a donc épuisé tous les recours internes pour ce qui est de la seconde procédure d’asile qu’il a engagée. Le Comité déclare par conséquent la requête recevable, et procède à son examen quant au fond.

Examen au fond

9.1Le Comité a examiné la communication en tenant compte de toutes les informations communiquées par les parties, conformément au paragraphe 4 de l’article 22 de la Convention.

9.2Le Comité doit déterminer si, en renvoyant le requérant en République islamique d’Iran, l’État partie manquerait à l’obligation qui lui est faite en vertu de l’article 3 de la Convention de ne pas expulser ou refouler un individu vers un autre État où il y a des motifs sérieux de croire qu’il risque d’être soumis à la torture.

9.3Pour apprécier s’il existe des motifs sérieux de croire que le requérant risquerait d’être soumis à la torture s’il était renvoyé en République islamique d’Iran, le Comité doit tenir compte de tous les éléments pertinents, y compris l’existence d’un ensemble systématique de violations graves, flagrantes ou massives des droits de l’homme en Iran. Il s’agit cependant de déterminer si le requérant risque personnellement d’être soumis à la torture dans le pays vers lequel il serait renvoyé.

9.4Le Comité rappelle son Observation générale relative à l’application de l’article 3 de la Convention, où il est indiqué que l’existence d’un tel risque doit être appréciée selon des éléments qui ne se limitent pas à de simples supputations ou soupçons. Bien qu’il ne soit pas nécessaire de montrer que le risque couru est hautement probable, le Comité rappelle que le fardeau de la preuve incombe généralement au requérant, qui se doit de présenter des arguments défendables établissant qu’il encourt un risque «prévisible, réel et personnel». Le Comité précise en outre dans son Observation générale qu’il s’agit également de vérifier si le requérant s’est livré, à l’intérieur ou à l’extérieur de l’État intéressé, à des activités politiques qui font qu’il «court un risque particulier» d’être soumis à la torture. Le Comité rappelle également que, tout en accordant un poids considérable aux conclusions des organes de l’État partie, il lui appartient d’apprécier librement les faits de chaque cause en tenant compte des circonstances.

9.5Le Comité relève en premier lieu que la situation objective des droits de l’homme en République islamique d’Iran est extrêmement préoccupante, notamment depuis la tenue d’élections dans le pays en juin 2009. Le Comité a pu prendre connaissance de nombreux documents décrivant, en particulier, la répression et la détention arbitraire de nombreux réformateurs, étudiants, journalistes, et défenseurs des droits de l’homme, dont certains ont été condamnés à mort et exécutés. L’État partie a lui-même reconnu que la situation des droits de l’homme en République islamique d’Iran est préoccupante à de nombreux égards.

9.6Le Comité relève également que,bien qu’il ne l’ait pas invoqué devant le Comité, il apparait que le requérant, qui fait partie de la minorité kurde, a été détenu en République islamique d’Iran pendant deux semaines en mars 2002, pour avoir participé à une manifestation de soutien au leader indépendantiste Öcalan. Depuis son arrivée en Suisse, il est actif au sein de l’Association démocratique pour les réfugiés (ADR), dont il est représentant cantonal pour le canton de Schaffhouse. Le Comité note que le requérant a participé à plusieurs manifestations de l’ADR, ainsi qu’à des émissions de radio dans lesquelles il a exprimé des opinions politiques hostiles au régime iranien. L’État partie n’a pas contesté ces activités. Le Comité note en outre que le requérant a écrit plusieurs articles dans la revue Kanoun, dans laquelle son nom et ses coordonnées téléphoniques ont été publiés. Dans ces conditions, le Comité est d’avis que le nom du requérant a pu être enregistré par les autorités iraniennes. Le Comité a également pris note de la décision du Tribunal administratif fédéral citée par le requérant, accordant l’asile à un membre de l’ADR qui occupait, comme lui, une fonction de représentant cantonal de cette association.

9.7En conséquence, et à la lumière de la situation générale des droits de l’homme en République islamique d’Iran qui affecte particulièrement les défenseurs des droits de l’homme et membres de l’opposition cherchant à exercer leur droit à la liberté d’expression, ainsi qu’au regard des activités d’opposition politique du requérant en Suisse, qui peuvent donner à penser qu’il a attiré l’attention des autorités iraniennes, le Comité considèrequ’il y a de sérieux motifs de croire que le requérant risque d’être soumis à la torture s’il est renvoyé en République islamique d’Iran.

10.Le Comité contre la torture, agissant en vertu du paragraphe 7 de l’article22 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, conclut que le renvoi du requérant enRépublique islamique d’Iran constituerait une violation de l’article3 de la Convention.

11.Conformément au paragraphe5 de l’article118 de son règlement intérieur (CAT/C/3/Rev.5), le Comité invite instamment l’État partie à l’informer, dans un délai de quatre-vingt-dix jours à compter de la date de la transmission de la présente décision, des mesures qu’il aura prises en réponse à cette décision.

Communication no 369/2008: E. C. B. c. Suisse

Présentée par:

E. C. B.

Au nom de:

E. C. B.

É tat partie:

Suisse

Date de la requête:

14 décembre 2008 (lettre initiale)

Le Comité contre la torture, institué en vertu de l’article 17 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,

Réuni le 26 mai 2011,

Ayant achevé l’examen de la requête no 369/2008, présentée par E. C. B. en vertu de l’article 22 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,

Ayant tenu compte de toutes les informations qui lui ont été communiquées par le requérant, son conseil et l’État partie,

Adopte ce qui suit:

Décision au titre du paragraphe 7 de l’article 22 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumainsou dégradants

1.1Le requérant est E. C. B., de nationalité congolaise, né le 10 janvier 1977. Il prétend que son renvoi vers le Congo constituerait une violation par la Suisse de l’article 3 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Il n’était pas représenté par un conseil lorsqu’il a présenté sa communication. Le 5 décembre 2009, le requérant a désigné Alfred Ngoyi wa Mwanza pour le représenter.

1.2Conformément au paragraphe 3 de l’article 22 de la Convention, le Comité a porté la communication à l’attention de l’État partie le 30 décembre 2008.

1.3Le 21 janvier 2009, compte tenu des nouveaux renseignements obtenus par le requérant, le Rapporteur spécial pour les nouvelles plaintes et les mesures provisoires a demandé à l’État partie de ne pas expulser le requérant vers le Congo ou la Côte d’Ivoire tant que sa requête est à l’examen devant le Comité. Il a indiqué que cette demande pourrait être revue à la lumière des informations et commentaires reçus de l’État partie. Le 23 janvier 2009, l’État partie a informé le Comité qu’aucune démarche en vue de l’exécution du renvoi du requérant ne sera faite tant que sa communication sera en cours d’examen devant le Comité.

Rappel des faits exposés par le requérant

2.1Le requérant est originaire de Nkayi, une ville au sud du Congo. Il est militant et membre actif au sein de l’Union panafricaine pour la démocratie sociale (UPADS) et a toujours joué un rôle important pour l’instauration de la démocratie dans son pays d’origine. Il était le Président de la Jeunesse de l’UPADS.

2.2De 1997 à 1998, pendant l’affrontement entre l’armée gouvernementale et la milice du futur Président Sassou Nguesso, le requérant est devenu cible de la milice de Sassou Nguesso à cause de ses opinions politiques et du rôle qu’il a joué contre la tentative de prise de pouvoir de la force de Sassou Nguesso. Le 15 janvier 1999, le requérant a pu se réfugier en Côte d’Ivoire, d’où il a continué ses activités politiques. Il a adhéré au Cercle d’études pour le retour de la démocratie au Congo (CERDEC). Le frère aîné du requérant, G. D. B., est le proche collaborateur du fondateur du CERDEC et vit en exil en Fédération de Russie.

2.3En vertu d’une recommandation venant des cadres du CERDEC, le requérant a décidé de ne pas dévoiler les vraies raisons de sa fuite dans sa demande d’asile en Côte d’Ivoire, considérant que Sassou Nguesso entretenait de bonnes relations avec le Président de la Côte d’Ivoire et pouvait donc poursuivre les militants actifs du CERDEC.

2.4Durant son séjour en Côte d’Ivoire, le requérant a créé une association «Jeunesse pour la paix, l’entreprise et l’unité» (JE-PEU). Son association a eu du succès et plusieurs jeunes y ont adhéré, surtout des partisans d’Alassane Ouattara du nord. Les partisans de Laurent Gbagbo ont considéré son association comme une institution destinée à favoriser l’émergence des ressortissants du nord et, par conséquent, le requérant a reçu des menaces de la part de jeunes patriotes. Craignant pour sa vie et sa sécurité, le requérant a quitté la Côte d’Ivoire pour rejoindre son frère en Fédération de Russie. Compte tenu du racisme et des attaques dont il y était victime, le requérant a quitté la Fédération de Russie.

2.5Le 26 décembre 2003, le requérant a demandé l’asile en Suisse. Le 25 août 2004, l’Office fédéral des migrations (ODM) a rejeté sa demande d’asile. Le 24 novembre 2008, le Tribunal administratif fédéral a rejeté son recours et lui a donné jusqu’au 5 janvier 2009 pour quitter la Suisse.

2.6Pendant son séjour en Suisse, le requérant a continué les activités de son association JE-PEU qui est considérée comme proche du CERDEC.

2.7Le 10 janvier 2009, le requérant a présenté des nouveaux éléments de preuve, y compris une attestation du Président du CERDEC et des documents d’identité de son frère ainé.

Teneur de la plainte

3.1 Le requérant allègue que, malgré la signature de l’amnistie autorisant le retour de tous les opposants en République du Congo, il existe des règlements de compte contre les gens du sud considérés comme de vrais opposants au régime actuel. Il prétend également que les activités de son frère G. D. B. qui sont très hostiles au régime de Sassou Nguesso l’exposeraient à des dangers concrets et graves. Plusieurs proches de la famille ont été persécutés par le régime actuel pour leurs liens avec son frère et ils ont été soumis à la torture et autres peines cruelles ou dégradantes.

3.2Il indique également qu’en tant que partisan d’un parti d’opposition, il risque d’être l’objet d’interrogatoires, de pressions et d’autres mesures visant à l’obliger à dévoiler ses vraies activités à l’étranger. En outre, ses activités postérieures à sa fuite, à savoir la création et la direction de l’association JE-PEU visant les valeurs de la démocratie, lui feraient courir des risques, en particulier parce que son association et son parti s’opposent aux idéologies actuelles du pouvoir en place au Congo. Pour étayer sa plainte, le requérant se réfère au cas de G. T. M., qui a été arrêté en décembre 2008 parce qu’il était un membre actif du CERDEC, et il affirme que ceci prouve qu’il courrait le risque d’être soumis à la torture s’il était renvoyé au Congo.

3.3En ce qui concerne un retour en Côte d’Ivoire, son dernier pays de résidence, le requérant indique qu’il est considéré par les jeunes patriotes comme un partisan de M. Ouattara et qu’en l’absence d’état de droit, il courrait un danger réel, sans être assuré d’une protection efficace. En outre, compte tenu de la collaboration entre les pays africains, le requérant allègue qu’il court un risque d’être livré aux autorités congolaises, surtout pour avoir caché aux autorités ivoiriennes les vraies raisons de sa fuite du Congo en 1999.

Observations de l’État partie sur la recevabilité et sur le fond

4.1Le 30 juin 2009, l’État partie a présenté ses observations sur la recevabilité et le fond de la requête. L’État partie maintient que dans sa communication du 14 décembre 2008 le requérant se contente de rappeler les motifs qu’il a invoqués devant les autorités suisses et de se référer aux moyens de preuve produits à l’appui de sa demande d’asile. L’État partie se réfère aux documents additionnels présentés par le requérant le 10 janvier 2009 devant ce comité et maintient qu’ils n’apportent aucun élément ou argument pertinent qui permettrait de remettre en question l’arrêt du Tribunal administratif fédéral du 24 novembre 2008.

4.2L’État partie rappelle la jurisprudence du Comité et son Observation générale no 1 (1997), qui prévoient que le requérant doit prouver qu’il existe pour lui un risque personnel, actuel et sérieux d’être soumis à la torture en cas d’expulsion vers son pays d’origine. En ce qui concerne les preuves que dans l’État intéressé il existe un ensemble de violations systématiques des droits de l’homme, graves, flagrantes ou massives, l’État partie se réfère au jugement du Tribunal administratif fédéral du 24 novembre 2008 qui a retenu qu’après la fin des guerres civiles et la signature d’un accord de paix entre le Gouvernement de Sassou Nguesso et les milices adverses en 2003, la situation au pays s’est beaucoup calmée et qu’il ne règne plus une situation de guerre civile généralisée. Cela d’autant plus que le requérant n’est pas originaire de la région de Pool, la région la plus instable du pays, mais de Nkayi. L’État partie souligne également que le requérant n’a, à aucun moment, prétendu avoir été torturé ou maltraité par le passé.

4.3À propos des prétendues activités politiques du requérant au Congo, l’État partie soutient que les autorités suisses ont relevé que le récit du requérant à ce sujet manquait de substance et qu’il a fait de nombreuses déclarations contradictoires et incohérentes. Lors de sa première audition en décembre 2003, le requérant a allégué avoir été le coordonnateur du mouvement de jeunesse du parti UPADS de la ville de Nkayi, alors que lors de son audition du 10 février 2004, il a affirmé avoir été le Président de la Jeunesse de l’UPADS. En outre, le requérant a allégué avoir quitté Nkayi au mois de novembre 1998 à cause des attaques des milices de Sassou Nguesso ayant eu lieu ce même mois, alors qu’elles n’ont effectivement commencé qu’en décembre 1998. Par ailleurs, l’attestation de militantisme du Secrétaire général de l’UPADS du 20 janvier 1996 n’indique ni quand le requérant aurait adhéré au parti ni qu’il aurait été président ou coordonnateur d’une section. L’État partie souligne également que le requérant n’a apporté aucun détail relatif à ses prétendues activités politiques ainsi qu’aux dangers qu’elles auraient entrainés. Par ailleurs, le Tribunal administratif fédéral a retenu que les membres de l’UPADS, qui est un des plus grands partis d’opposition légaux du pays, ne font actuellement pas l’objet de représailles. Après l’accord de paix, l’Assemblée nationale a approuvé, en août 2003, une loi d’amnistie en faveur des milices ayant affronté les troupes gouvernementales de Sassou Nguesso. En août 2008, l’UPADS a tenu une réunion du parti à Brazzaville sans qu’on ait eu connaissance de troubles ou représailles. L’État partie soumet que, par conséquent, le requérant n’a pas de motifs objectifs de s’attendre à une quelconque persécution en raison de sa prétendue participation à l’UPADS.

4.4En ce qui concerne l’affirmation du requérant qu’il s’était engagé en faveur de la plate-forme CERDEC après avoir fui sa ville natale, l’État partie souligne qu’il est difficile de s’imaginer que le requérant aurait immédiatement pu s’engager pour une organisation qui, selon lui, venait d’être fondée à Paris en décembre 1998. En outre, le requérant ne s’est exprimé que de manière très vague sur ses activités au sein du CERDEC et il n’a fait valoir que lors de la deuxième audition que ses activités pour le CERDEC pouvaient le mettre en danger au Congo. Dans sa soumission additionnelle du 10 janvier 2009 devant ce comité, le requérant indique qu’un membre de haut rang du CERDEC aurait été arrêté en décembre 2008. Cependant, étant donné qu’il n’a pas démontré son engagement et sa notoriété en tant qu’opposant politique, il ne peut pas en déduire un danger pour lui-même. En ce qui concerne les documents d’identité du prétendu frère du requérant, G. D. B., l’État partie maintient que le prétendu frère, un opposant politique, a un nom de famille différent de celui du requérant et son nom ne correspond pas à celui du Président du CERDEC Russie, G. D. B. L’attestation manuscrite du prétendu frère ne serait d’ailleurs pas susceptible d’établir un lien de parenté.

4.5En ce qui concerne les allégations de persécution découlant de ses activités pour l’association JE-PEU, que le requérant aurait fondée en 2000 en Côte d’Ivoire, l’État partie soutient que la signature qui figure sur l’acte constitutif de l’organisation diffère de celle que le requérant a apposée sur les procès-verbaux des auditions et que son nom ne figure pas sur le récépissé de réception du Ministère de l’intérieur. Par ailleurs, le récit du requérant relatif aux actions qu’il aurait organisées pour le CERDEC et aux menaces que ces actions auraient engendrées reste vague et manque à l’évidence de substance. Par ailleurs, le requérant allègue avoir été menacé par des groupes de jeunes patriotes et non pas par des acteurs étatiques. Pour cette raison, l’État partie soumet qu’il paraît hautement improbable que le requérant serait soumis à des traitements, qui peuvent, conformément au paragraphe 1 de l’article premier de la Convention, être imputés à des personnes agissant à titre officiel. Par ailleurs, selon des enquêtes effectuées par l’ambassade suisse à Abidjan, le requérant n’a jamais fait mention de son appartenance à l’association JE-PEU, ni de difficultés rencontrées avec de jeunes patriotes. L’État partie soumet que le requérant n’a pas rendu vraisemblable son appartenance à l’UPADS ou qu’il aurait mené des activités pour CERDEC ou JE-PEU, et indépendamment à cela, les activités alléguées pour ces organisations ne peuvent pas justifier actuellement une crainte fondée de persécution au Congo ou en Côte d’Ivoire.

4.6Le fait que le HCR en Côte d’Ivoire ait reconnu le requérant en tant que réfugié ne constituerait pas une preuve de sa persécution individuelle au Congo. Selon les renseignements de l’ambassade suisse à Abidjan, le requérant a été reconnu en tant que réfugié à cause des conditions générales au Congo, ce que ne conteste pas le requérant.

4.7L’État partie souligne que le requérant n’a pas étayé son affirmation selon laquelle il poursuivrait des activités politiques pour son association JE-PEU en Suisse et rien n’indique que de telles activités aient été portées à la connaissance des autorités congolaises, ou qu’elles pourraient provoquer une persécution par les autorités. Par conséquent, tous éléments considérés, l’État partie soumet que rien n’indique qu’il existe des motifs sérieux de craindre que le requérant serait exposé concrètement et personnellement à la torture en cas de retour au Congo.

Commentaires du requérant sur les observations de l’État partie

5.1Le 21 août 2009, le requérant a présenté ses commentaires sur les observations de l’État partie. Il rejette l’observation de l’État partie selon laquelle le Congo ne connaît pas une situation de violence et de guerre généralisée et il affirme qu’il existe des violations massives des droits de l’homme. Il souligne que les accords d’amnistie de 2003 ne concernaient que les anciens opposants au régime actuel qui ont changé de position et les membres de l’UPADS qui ont pu se réunir librement et participer aux élections sont ceux qui se sont livrés à la corruption et non pas ceux qui composent le vrai UPADS prônant les valeurs de la démocratie et de la justice. Pour illustrer les actes de torture et de mauvais traitements contre des journalistes, défenseurs des droits de l’homme et certains membres de partis politiques en exil et leurs proches, il cite l’exemple du journaliste B. O. et la déclaration récente du Président du CERDEC dénonçant la réélection de Sassou Nguesso et affirmant que ce dernier utilisait des pratiques staliniennes et dictatoriales.

5.2En ce qui concerne son risque personnel, concret et sérieux, il rappelle que son combat en faveur de l’instauration d’un état de droit et de la démocratie est connu des autorités congolaises et fait de lui un ennemi du Gouvernement. Il souligne qu’il court un risque sérieux d’être soumis à la torture à cause de son activité politique avant et après son arrivée en Suisse et à cause de son lien de parenté avec le Président du CERDEC, antenne Russie-CEI, G. D. B.. Le requérant confirme qu’il n’a pas allégué avoir été torturé avant son départ, mais qu’il craint des persécutions à son retour.

5.3Le 10 avril 2009, le requérant a créé le CERDEC en Suisse. Par ailleurs, il continue ses activités à travers l’association JE-PEU qui a une personnalité juridique en Suisse. Il maintient que ses activités politiques sont connues des autorités congolaises représentées en Suisse par leur ambassade et par des agents secrets dissimulés dans la population congolaise en Suisse.

5.4Concernant les contradictions factuelles relevées par l’État partie, le requérant précise que les mots «président» ou «coordonnateur» d’une association se confondent souvent et ceci ne saurait porter atteinte à la crédibilité de ses activités politiques au Congo. En ce qui concerne l’attestation de militantisme, il souligne que celle-ci ne pouvait pas contenir des renseignements prouvant plus que son adhésion et son engagement en tant que membre du parti politique.

5.5En ce qui concerne la décision de la Cour européenne des droits de l’homme du 28 juin 2008 (voir par. 4.3), le requérant affirme que cette personne était un ancien employé et fanatique de l’ex-Président Lissouba, tandis que le requérant a été actif politiquement au sein de l’UPADS et à l’étranger au sein du CERDEC et de JE-PEU.

5.6Le requérant indique également que son retour en Côte d’Ivoire le mettrait en danger compte tenu de ses activités au sein de JE-PEU en Suisse.

Commentaires additionnels du requérant

6.Le 5 décembre 2009, le requérant, par l’intermédiaire de son nouveau conseil, Alfred Ngoyi wa Mwanza, a sollicité la suspension de l’examen de sa communication devant le Comité, afin de permettre aux autorités du canton de Zurich de poursuivre la procédure d’octroi d’un permis à titre humanitaire.

Observations complémentaires de l’État partie

7.Le 6 janvier 2010, l’État partie a fait valoir que les autorités compétentes du canton de Zurich ne pouvaient se prononcer sur des demandes d’autorisation liées à des cas de rigueur (permis humanitaire) tant qu’une autre procédure était en cours, y compris devant le Comité. L’État partie note que l’octroi du permis de rigueur est soumis à l’approbation des autorités fédérales et que ses critères d’octroi sont complètement dissociables des conditions imposées au titre de l’article 3 de la Convention.

Commentaires supplémentaires de l’auteur

8.1Par une lettre du 7 janvier 2010, et après avoir été avisé de la position de l’État partie, le requérant a demandé au Comité d’annuler la suspension et de prendre une décision concernant sa plainte.

8.2Le 13 juin 2010, le requérant soumet une deuxième confirmation de son frère aîné et membre actif au sein du CERDEC. Le frère souligne que le requérant serait exposé à des persécutions au sens de l’article 3 de la Convention, compte tenu de ses activités politiques antérieures et actuelles en tant que Président du CERDEC Suisse, et de ses liens de parenté avec lui.

8.3Par une lettre du 25 août 2010, le requérant a prié le Comité d’examiner sa plainte à l’occasion de la session suivante. Il explique que les autorités du canton de Zurich seraient disposées à lui accorder le permis humanitaire pour cas de rigueur, à condition que son cas soit tranché devant le Comité. Il souligne également que son statut actuel est précaire.

Délibérations du Comité

Examen de la recevabilité

9.Avant d’examiner toute plainte soumise dans une communication, le Comité contre la torture doit déterminer si la requête est recevable en vertu de l’article 22 de la Convention. Le Comité s’est assuré, comme il est tenu de le faire, conformément à l’alinéa adu paragraphe 5 de l’article 22, que la même question n’a pas été examinée, ni n’est en cours d’examen devant une autre instance internationale d’enquête ou de règlement. Le Comité note aussi que tous les recours internes sont épuisés, et que l’État partie n’a pas contesté la recevabilité de la communication. Considérant donc que la communication est recevable, le Comité procède à son examen quant au fond.

Examen au fond

10.1Conformément au paragraphe 4 de l’article 22 de la Convention, le Comité a examiné la présente requête en tenant compte de toutes les informations qui lui ont été communiquées par les parties.

10.2Le Comité doit déterminer si le renvoi du requérant vers le Congo ou vers la Côte d’Ivoire violerait l’obligation de l’État partie, en vertu de l’article 3 de la Convention, de ne pas expulser ou refouler une personne vers un autre État où il y a des motifs sérieux de croire qu’elle risque d’être soumise à la torture.

10.3En procédant à l’évaluation du risque de torture, le Comité tient compte de tous les éléments pertinents, conformément au paragraphe 2 de l’article 3, y compris de l’existence d’un ensemble de violations systématiques des droits de l’homme, graves, flagrantes ou massives. Toutefois, le but de cette analyse est de déterminer si l’intéressé risquerait personnellement d’être soumis à la torture dans le pays où il serait renvoyé. Il s’ensuit que l’existence, dans un pays, d’un ensemble de violations systématiques des droits de l’homme, graves, flagrantes ou massives ne constitue pas en soi une raison suffisante d’établir qu’une personne donnée serait en danger d’être soumise à la torture à son retour dans ce pays. Il doit exister des motifs supplémentaires donnant à penser que l’intéressé serait personnellement en danger. Pareillement, l’absence d’un ensemble de violations flagrantes et systématiques des droits de l’homme ne signifie pas qu’une personne ne puisse pas être soumise à la torture dans la situation particulière qui est la sienne.

10.4Le Comité rappelle son Observation générale no 1 (1997) concernant l’application de l’article 3 dans le contexte de l’article 22, dans laquelle il expose qu’il doit déterminer s’il y a des motifs sérieux de croire que le requérant risque d’être soumis à la torture s’il est renvoyé dans le pays concerné. Il n’est pas nécessaire de montrer que le risque encouru est hautement probable, mais ce risque doit être encouru personnellement et actuellement. À cet égard, le Comité a établi dans des décisions antérieures que le risque de torture devait être «prévisible, réel et personnel».

10.5En ce qui concerne la charge de la preuve, le Comité rappelle également son Observation générale no 1 ainsi que sa jurisprudence selon laquelle il incombe généralement au requérant de présenter des arguments défendables et que le risque de torture doit être apprécié selon des éléments qui ne se limitent pas à de simples supputations ou soupçons. Dans son Observation générale, le Comité a également insisté sur le fait qu’il accorderait un poids considérable aux constatations de faits des organes de l’État partie, bien qu’il se laisse la possibilité d’apprécier librement les faits et les éléments de preuve des circonstances de chaque affaire.

10.6En évaluant le risque de torture dans le cas à l’examen, le Comité a noté que le requérant affirmait qu’il était le Président de la Jeunesse de l’Union panafricaine pour la démocratie sociale (UPADS) et que c’était son opinion politique qui l’avait forcé à quitter le pays. Il a également noté qu’en Côte d’Ivoire, le requérant aurait continué ses activités politiques, aurait adhéré au Cercle d’études pour le retour de la démocratie au Congo (CERDEC) et aurait créé l’association Jeunesse pour la paix, l’entreprise et l’unité (JE-PEU). Le Comité note l’affirmation du requérant selon laquelle son lien de parenté avec le Président du CERDEC Russie-CEI, connu pour être très hostile au Gouvernement de Sassou Nguesso, l’exposerait à des persécutions. Il note enfin que le requérant aurait été visé par les jeunes patriotes en Côte d’Ivoire comme étant partisan d’Alassane Ouattara du nord, et qu’un retour en Côte d’Ivoire l’exposerait donc à des dangers réels sans protection de l’État.

10.7Le Comité note ensuite l’argument de l’État partie selon lequel, à l’exception de documents d’identité de son prétendu frère et d’un article faisant état de l’arrestation en décembre 2008 d’un membre du CERDEC de haut rang, le requérant n’aurait soumis aucun élément de preuve nouveau devant le Comité, et tous les autres documents auraient été analysés en détail par les juridictions internes. Le Comité note que, selon l’État partie, les accords de paix ainsi que les lois d’amnistie adoptées au Congo engendrent une nouvelle situation qui ne présente pas une situation de guerre civile généralisée, d’autant plus que le requérant n’est pas originaire de Pool, mais de Nkayi. Il note que l’État partie a relevé des contradictions et incohérences dans les allégations du requérant se rapportant à son activité politique au sein de l’UPADS et que selon des sources indépendantes les membres de l’UPADS, qui serait un des plus grand partis d’opposition du pays, ne feraient pas l’objet de représailles. Le Comité note que les allégations du requérant sur ses activités au sein du CERDEC seraient très vagues et que l’attestation du prétendu frère et Président du CERDEC Russie-CEI ne serait pas susceptible d’établir un lien de parenté. L’État partie a soutenu que le requérant aurait été reconnu en tant que réfugié en Côte d’Ivoire à cause des conditions générales au Congo. Le Comité note l’argument de l’État partie selon lequel le requérant aurait allégué des menaces des acteurs non-étatiques en Côte d’Ivoire et par ailleurs n’aurait pas rendu vraisemblable qu’il aurait mené des activités pour CERDEC ou JE-PEU. Indépendamment de cela, selon l’État partie, les activités prétendument menées ne pourraient pas justifier une crainte fondée de persécution. Il note enfin l’affirmation de l’État partie que le requérant n’aurait pas étayé ses activités politiques menées en Suisse et que rien n’indiquait que de telles activités auraient été portées à la connaissance des autorités congolaises.

10.8Le Comité note l’argument de l’auteur selon lequel, malgré les accords de paix et l’amnistie, il existait des violations massives des droits de l’homme et que le vrai UPADS prônant les valeurs de la démocratie et de la justice était toujours en danger. Il note également que selon le requérant ses activités politiques au Congo et en Suisse ainsi que son lien de parenté avec G. D. B., le Président du CERDEC Russie-CEI, seraient connues des autorités congolaises. Il note enfin que le requérant prétend que ses activités au sein de JE-PEU le mettraient en danger en cas d’un retour en Côte d’Ivoire.

10.9Ayant tenu compte des arguments présentés par les parties, le Comité constate que le requérant n’a pas apporté de preuves d’un risque réel, actuel et prévisible. Le Comité observe que le requérant fait valoir que ses activités politiques au Congo, en Côte d’Ivoire et en Suisse, ainsi que son lien de parenté avec le Président du CERDEC Russie-CEI, lui feraient courir un danger de persécution, sans pour autant présenter des preuves étayant son rôle actif au sein d’un parti politique ou des activités politiques susceptibles de justifier sa crainte de persécutions.

10.10En ce qui concerne sa crainte de persécutions en cas d’un retour au Congo, le Comité observe que le requérant a soumis une attestation d’affiliation en tant que militant de l’UPADS qui ne fait pas état de son rôle de Président de la Jeunesse de l’UPADS. Il note également que, selon des sources indépendantes, les membres de l’UPADS ne font pas l’objet de représailles au Congo. Le Comité observe que, mis à part un article dans un journal sur l’arrestation de l’ancien Ministre des finances et membre du CERDEC, le requérant n’a pas suffisamment étayé son allégation de persécution et torture par les autorités congolaises de tout membre du CERDEC. De plus, même si le requérant était véritablement membre actif de l’UPADS et du CERDEC, il n’est pas clairement établi que ses activités avaient une importance telle qu’elles susciteraient actuellement l’intérêt des autorités s’il était renvoyé au Congo. En outre, indépendamment de la crédibilité du lien de parenté avec le Président du CERDEC Russie-CEI, le Comité observe que les preuves au dossier parviennent uniquement de son prétendu frère qui affirme que le requérant serait exposé à des persécutions s’il retournait au Congo. Même si le requérant affirme que d’autres membres de sa famille auraient eu des problèmes à cause de leur lien de parenté avec G. D. B., le Comité n’a pas d’informations ni preuves sur la nature de ces problèmes et il ne dispose pas d’indications objectives qu’un éventuel lien de parenté entre le requérant et G. D. B. l’exposerait à un risque de torture.

10.11L’État partie n’ayant pas précisé dans quel pays le requérant serait renvoyé, le Comité doit également déterminer si le requérant risque d’être soumis à la torture s’il est renvoyé en Côte d’Ivoire. À l’appui de ses déclarations concernant le risque qu’il court personnellement, le requérant affirme qu’en tant que fondateur de l’association JE-PEU, il a quitté la Côte d’Ivoire craignant pour sa vie et sa sécurité à cause de problèmes avec les Jeunes patriotes, partisans de Laurent Gbagbo. Le Comité observe que les renseignements obtenus à Abidjan par l’État partie ne font ni état de son appartenance à l’association JE-PEU ni des difficultés rencontrées avec les Jeunes patriotes. Le Comité note que, au moment de ses délibérations, M. Ouattara, pour lequel le requérant s’est battu, a été élu Président. Il observe également que le requérant n’a pas établi un risque personnel, actuel et sérieux de torture lors de son retour en Côte d’Ivoire et que ses allégations ne vont pas au‑delà de supputations.

10.12Finalement, le Comité observe que, le 10 avril 2009, le requérant a créé le CERDEC en Suisse et il a inscrit l’association JE-PEU dans le registre des associations. Néanmoins, le requérant n’a pas établi que ses activités en Suisse avaient une importance telle qu’elles susciteraient actuellement l’intérêt des autorités congolaises ou ivoiriennes.

10.13Compte tenu de l’ensemble des informations qui lui ont été communiquées, le Comité estime que le requérant n’a pas apporté suffisamment d’éléments de preuve pour montrer qu’il court personnellement un risque réel et prévisible d’être soumis à la torture s’il était expulsé vers le Congo ou la Côte d’Ivoire.

11.Le Comité contre la torture, agissant en vertu du paragraphe 7 de l’article 22 de la Convention contre la torture et autres peines et traitements cruels, inhumains ou dégradants, conclut que l’expulsion du requérant vers la République du Congo ou la République de Côte d’Ivoire ne constituerait pas une violation de l’article 3 de la Convention.

Communication no 373/2009: Aytulun et Güclü c. Suède

Présentée par:

Munir Aytulun et Lilav Güclü (représentés par un conseil, M. Ingerman Sahlström)

Au nom de:

Munir Aytulun et Lilav Güclü

État partie:

Suède

Date de la requête:

27 janvier 2009 (date de la lettre initiale)

Le Comité contre la torture, institué en vertu de l’article 17 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,

Réuni le 19 novembre 2010,

Ayant achevé l’examen de la requête no 373/2009 présentée par M. Ingemar Sahlström au nom de Munir Aytulun et de Lilav Güclü en vertu de l’article 22 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,

Ayant tenu compte de toutes les informations qui lui ont été communiquées par les requérants, leur conseil et l’État partie,

Adopte ce qui suit:

Décision au titre du paragraphe 7 de l’article 22 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumainsou dégradants

1.1 Les requérants sont Munir Aytulun, né en 1965, et sa fille Lilav Güclü, née en 2007, tous deux de nationalité turque et d’origine ethnique kurde. Ils vivent actuellement en Suède et font l’objet d’un arrêté d’expulsion vers la Turquie. Leur expulsion était initialement prévue à la fin du mois de février 2009. Ils affirment que l’expulsion vers la Turquie du requérant constituerait une violation par la Suède de l’article 3 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Les requérants sont représentés par un conseil, M. Ingemar Sahlström. L’épouse du requérant a soumis une requête similaire au Comité (Güclü c. Suède, communication no 349/2008).

1.2Le Comité, agissant en application du paragraphe 1 de l’article 108 de son règlement intérieur, a prié l’État partie de ne pas expulser les requérants vers la Turquie tant que leur requête serait à l’examen au Comité.

Rappel des faits présentés par les requérants

2.1En 1991, M. Aytulun, enseignant, est devenu membre du Parti des travailleurs du Kurdistan. Peu de temps après, il a été envoyé rejoindre les combattants du PKK dans un camp situé à Haftanin, en Iraq. En 1995, il a suivi un cours d’éducation politique durant six mois au quartier général du PKK à Damas.

2.2À la fin de 1996, M. Aytulun a été blessé et a été soigné sur le terrain. Il n’a été envoyé dans un hôpital à Urimia, en République islamique d’Iran, que trois mois plus tard. Il a ensuite continué à travailler comme enseignant au sein du PKK. En 2000, il a été envoyé enseigner en République arabe syrienne et en 2003, en Iraq, où il a rencontré sa future femme, qui était un soldat du PKK. Le PKK interdisant toute relation avec des soldats, le requérant a été incarcéré pendant un mois. Il a «déserté» le PKK le 16 octobre 2005 et est arrivé en Suède quatre jours plus tard. Il affirme que sa photo a été publiée dans des journaux nationaux turcs en 1991 et 1992.

2.3Le requérant affirme être recherché par l’armée et la police, qui l’ont cherché chez ses parents. Ses frères et sœurs ont été forcés à plusieurs reprises d’accompagner les autorités lorsqu’elles le recherchaient dans les montagnes. Il affirme que les autorités ont mis et maintiennent le téléphone de sa famille sur écoute. Une lettre de son avocat confirme qu’il est recherché et qu’il sera poursuivi en justice pour les crimes visés par les articles 302 et 314 de la loi pénale turque. Le requérant affirme qu’en vertu de cette loi il sera condamné à une peine de quinze ans d’emprisonnement, et qu’il sera soumis à la torture par les forces de sécurité. Cela a été confirmé par la section de Diyabakir de l’Association pour les droits de l’homme.

2.4Le 18 janvier 2008, le Conseil des migrations a rejeté la requête des requérants. Ceux-ci ont fait appel devant le tribunal des migrations, qui les a déboutés le 2 septembre 2008 au motif que le requérant n’avait pas occupé un poste élevé au sein du PKK et qu’il n’avait jamais pris part aux combats. Deux juges sur quatre étaient en désaccord avec la décision du tribunal et ont estimé que la crainte du requérant d’être soumis à la torture en cas d’expulsion vers la Turquie était justifiée.

2.5Le 22 octobre 2008, la cour d’appel des migrations a refusé aux requérants l’autorisation de faire appel.

Teneur de la plainte

3.1Les requérants affirment que le renvoi forcé de M. Aytulun vers la Turquie constituerait une violation par la Suède de ses droits garantis à l’article 3 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

3.2Le conseil se réfère aux directives du Ministère britannique de l’intérieur, dans lesquelles il est indiqué que bien que la politique de tolérance zéro à l’égard de la torture ait permis d’éliminer les formes de torture et de mauvais traitements les plus graves, des cas de torture pendant la garde à vue continuent à être signalés.

Observations de l’État partie sur la recevabilité et sur le fond

4.1Dans une note du 18 septembre 2009, l’État partie a rappelé les faits présentés par les requérants ajoutant que, selon les informations données par M. Aytulun au cours d’entretiens avec les services d’immigration, il avait été arrêté une première fois en 1989 au motif qu’il était soupçonné d’entretenir une liaison avec une collègue enseignante, qui était membre du Parti communiste turc. Il avait été soumis à des interrogatoires pendant quatre jours, au cours desquels il avait été passé à tabac et soumis à des chocs électriques. Il avait également été poursuivi en justice pour avoir distribué des tracts politiques. Au procès, il avait réussi à démontrer que les accusations portées contre lui étaient fausses, et il avait été libéré.

4.2Jusqu’en 1994, le requérant avait également participé à l’instruction des nouvelles recrues du PKK. Il avait occupé un poste de dirigeant dans cette organisation de 1994 à 1995. À un certain moment, il avait émis des critiques concernant les politiques et les stratégies de l’organisation, affirmant que la stratégie du conflit armé ne permettrait pas de réaliser les objectifs politiques du PKK. Il avait alors été accusé par les dirigeants du PKK de mettre en doute l’organisation de la guérilla. Un des frères du requérant avait été détenu pendant sept mois en raison de l’appartenance au PKK de M. Aytulun.

4.3L’État partie admet que le Conseil des migrations n’a pas contesté la déclaration de M. Aytulun concernant ses activités dans le PKK et a reconnu qu’il y avait un risque qu’il soit arrêté et jugé s’il était renvoyé en Turquie. Toutefois, le Conseil a estimé que rien ne laissait penser que le requérant recevrait une peine plus sévère que d’autres personnes dans des situations similaires. Il a également évoqué la politique du Gouvernement turc de tolérance zéro à l’égard de la torture et les modifications législatives apportées à cet effet, qui ont donné aux victimes d’actes de torture davantage de moyens pour dénoncer les responsables de tels actes.

4.4L’État partie affirme qu’au cours de la procédure d’appel devant le tribunal des migrations, les requérants ont ajouté que le Conseil des migrations n’avait pas tenu compte du fait que M. Aytulun serait traduit devant un tribunal pénal spécial, chargé de connaître des infractions graves, et qu’il pourrait être condamné à la réclusion à perpétuité. Cette affirmation aurait été appuyée par une organisation non gouvernementale de défense des droits de l’homme et par l’avocat de M. Aytulun en Turquie. M. Aytulun a affirmé qu’il serait soumis à la torture et que sa fille serait placée dans une institution publique. Il a fait valoir que des permis de résidence avaient été accordés dans des affaires semblables. En outre, il avait reçu des menaces du PKK alors qu’il se trouvait en Suède.

4.5Le 2 septembre 2008, le tribunal des migrations a rejeté l’appel du requérant, faisant valoir que celui-ci n’avait pas occupé un poste élevé au sein du PKK et qu’il n’avait jamais participé aux combats. Ses actes ne pouvaient être considérés comme des actes terroristes et il n’avait passé que relativement peu de temps en Turquie. Le tribunal a reconnu que l’appartenance à une organisation terroriste pouvait entraîner une peine allant jusqu’à quinze ans d’emprisonnement; toutefois, l’octroi du statut de réfugié ne saurait être fondé uniquement sur le fait que l’intéressé risque d’être puni conformément à la législation de son pays. Le tribunal a estimé qu’il convenait de faire la distinction entre la persécution et une peine réprimant une violation de la loi, et a ajouté que la peine n’était pas disproportionnée compte tenu du fait que le requérant avait été membre d’une organisation terroriste. Concernant la question de savoir si les requérants pouvaient être considérés comme des personnes nécessitant une protection, le tribunal a appelé l’attention sur les réformes engagées par les autorités turques pour lutter contre le problème de la torture, bien qu’il ait reconnu qu’en dépit des mesures prises, des cas de torture continuaient à se produire. Toutefois, ces violations n’étaient pas systématiques et elles n’étaient pas cautionnées par le Gouvernement turc. Le tribunal a ajouté que le requérant n’avait pas apporté des arguments plausibles pour démontrer qu’il risquait d’être persécuté par le PKK en raison de sa défection et qu’il nécessitait une protection pour cette raison. Il a estimé que si le requérant risquait d’être persécuté par le PKK, c’était aux autorités judiciaires et de police turques qu’il incomberait d’assurer sa protection. Ce n’est que dans le cas où cette protection ne serait pas satisfaisante que l’intéressé nécessiterait une protection en Suède, et rien n’indiquait que les autorités turques ne pourraient pas assurer une protection adéquate. En outre, le tribunal a relevé que les requérants avaient une grande famille en Turquie, et a considéré que si les parents de Lilav Güclü étaient tous deux condamnés à une peine d’emprisonnement, il serait de la responsabilité des autorités turques de décider de sa prise en charge.

4.6L’État partie ajoute que le requérant a affirmé aux services d’immigration qu’il n’avait jamais eu de passeport, et qu’il avait présenté une copie d’un extrait du registre national turc de la population daté de 2003, ainsi qu’un extrait original de ce registre daté de 2005. L’État partie relève que la copie de l’extrait daté de 2003 indiquait que l’intéressé était recherché par la police à cette époque, alors que l’extrait original soumis par la suite ne contenait pas ces informations.

4.7Au sujet de la recevabilité, l’État partie dit que, à sa connaissance, la même question n’a pas été et n’est pas actuellement examinée par une autre instance internationale d’enquête ou de règlement. Il reconnaît également que tous les recours internes ont été épuisés. Il estime toutefois que les requérants n’apportent pas le minimum d’éléments de preuve requis aux fins de la recevabilité. Il fait valoir que la communication est manifestement infondée et donc irrecevable.

4.8En ce qui concerne le fond, l’État partie note que la Turquie a ratifié plusieurs des principaux instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme et qu’elle a signé le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture. Il note également que la Turquie coopère avec le Comité européen pour la prévention de la torture et accepte que ses rapports soient publiés. Il rappelle que le Gouvernement turc a adopté une politique de tolérance zéro et a mené d’importantes réformes législatives à cette fin. Il note en outre que malgré les efforts déployés, des actes de torture continuent à se produire, notamment au moment de l’arrestation et en dehors des centres de détention. Il se réfère à des rapports d’organisations de défense des droits de l’homme qui ont signalé une augmentation des cas de torture et de mauvais traitements en 2007. Il relève que les méthodes de torture les plus graves ont été éliminées, mais que des cas de mauvais traitements pendant la garde à vue continuent à se produire, que les tribunaux condamnent rarement les membres des services de sécurité accusés de torture et que, lorsqu’ils le font, ils ont tendance à imposer des peines relativement légères. Le pouvoir judiciaire n’est toujours pas indépendant du pouvoir exécutif et les procédures traînent en longueur. L’État partie se réfère au rapport du Département d’État des États-Unis pour 2007, où il est indiqué que les personnes soupçonnées d’infractions de droit commun risquent autant de subir des actes de torture et des mauvais traitements en détention que celles soupçonnées de crimes politiques, bien qu’il y ait moins de chances qu’elles signalent de tels actes. Il cite également le rapport publié par le Ministère suédois des affaires étrangères, où il est dit que les membres du PKK devraient être considérés comme un groupe cible particulier des agents de l’État qui enfreignent l’interdiction d’utiliser la torture. L’État partie fait toutefois valoir que les préoccupations relatives à la situation des droits de l’homme en Turquie ne permettent pas de conclure que les personnes susceptibles d’être arrêtées et inculpées courent ipso facto un risque réel d’être soumises à la torture.

4.9L’État partie dit qu’il doit tenir compte des faits nouveaux récents concernant les efforts déployés par le Gouvernement turc pour éliminer la torture; il fait valoir que l’utilisation de la torture n’est pas systématique et que les actes de torture qui continuent à se produire ne sont pas commis avec le consentement de l’État turc. Ainsi, l’État partie estime que l’on serait en droit de se demander si les cas de torture signalés peuvent être imputés à l’État turc ou s’il ne doivent pas plutôt être considérés comme des crimes pour lesquels la Turquie ne peut être tenue responsable.

4.10L’État partie relève que plusieurs dispositions de la loi de 2005 sur les étrangers reflètent les principes énoncés au paragraphe 1 de l’article 3 de la Convention. Ainsi, les autorités suédoises appliquent lors de l’examen d’une demande d’asile les mêmes critères que le Comité. Il estime que les autorités suédoises qui effectuent les entretiens sont bien placées pour apprécier les informations présentées par les demandeurs d’asile et vérifier la crédibilité de leurs allégations. Le Conseil des migrations a rendu sa décision à l’issue de deux entretiens approfondis; il disposait de suffisamment d’informations, qui ont été considérées conjointement avec les faits et documents versés au dossier.

4.11L’État partie ajoute que les services d’immigration n’ont pas contesté la participation du requérant aux activités du PKK, ni l’affirmation qu’il était recherché par la police turque et risquait d’être arrêté et traduit en justice. L’État partie souscrit aux conclusions des services d’immigration et estime que la participation de M. Aytulun aux activités du PKK doit être considérée comme ayant eu lieu à un niveau peu élevé, bien que celui-ci affirme avoir instruit de nouvelles recrues du PKK et dirigé un camp du PKK (jusqu’en 1995). Il avait été membre du PKK pendant de nombreuses années mais n’avait pas participé activement aux combats. Dans ce contexte, l’État partie doute que le requérant présente un grand intérêt pour les autorités turques.

4.12L’État partie dit qu’il est conscient du fait que toutes les personnes ayant des liens avec le PKK sont poursuivies au pénal et condamnées. Se référant à un rapport de l’ambassade de Suède à Ankara, il relève que les fondateurs ou les dirigeants d’organisations illégales et armées peuvent être condamnés à une peine allant de dix à quinze années d’emprisonnement. Si l’organisation concernée est classée comme une organisation terroriste, conformément à la législation antiterroriste turque, la peine est alourdie d’un facteur de 1,5. L’appartenance à une organisation illégale et armée peut entraîner une peine d’emprisonnement allant de 7,5 à quinze ans (une fois la peine augmentée d’un facteur de 1,5). L’État partie ne conteste donc pas l’allégation du requérant qui affirme courir le risque d’être arrêté et jugé à son retour en Turquie. Il fait toutefois valoir que rien n’indique que l’intéressé serait condamné à une peine plus sévère que d’autres personnes dans la même situation. Il rappelle les arguments avancés par les services d’immigration et estime que la peine qui pourrait être imposée n’est pas disproportionnée au crime que constitue l’appartenance au PKK, le requérant ayant participé aux activités d’une organisation qui est considérée comme une organisation terroriste par le Gouvernement turc et l’Union européenne. Il ajoute que grâce à l’adoption par le Gouvernement turc d’une politique de tolérance zéro à l’égard de la torture et aux modifications législatives effectuées, les victimes de torture disposent de plus de moyens pour dénoncer les responsables de tels actes.

4.13L’État partie estime que le requérant n’a pas démontré qu’il risquait d’être persécuté par le PKK en raison de sa défection de l’organisation et qu’il nécessitait une protection à ce titre. Il fait valoir que le risque qu’une personne soit soumise à des mauvais traitements par une entité non gouvernementale ou des particuliers, sans le consentement exprès ou tacite du Gouvernement, n’entre pas dans le champ d’application de l’article 3 de la Convention. En tout état de cause, il considère que le grief n’a pas été étayé. Il doute que le requérant présente aujourd’hui un intérêt pour le PKK, compte tenu du temps écoulé depuis son départ de la Turquie. L’État partie fait valoir que si un tel risque existe, le requérant pourrait certainement obtenir la protection des autorités turques.

4.14En ce qui concerne la requérante, l’État partie souscrit à l’appréciation du tribunal des migrations qui a relevé que les requérants ont une grande famille en Turquie. Si les deux parents étaient condamnés à une peine d’emprisonnement, il serait de la responsabilité des autorités turques de décider de la prise en charge de leur fille.

Commentaires des requérants sur les observations de l’État partieconcernant la recevabilité et le fond

5.1Dans une note datée du 11 décembre 2009, les requérants ont contesté l’argument de l’État partie selon lequel le requérant a participé aux activités du PKK à un niveau peu élevé. Ils affirment qu’il a été membre de cette organisation pendant de nombreuses années et qu’en raison de sa position élevée il a servi dans de nombreux pays.

5.2Les requérants font valoir qu’une affaire pénale contre M. Aytulun est toujours ouverte à Van (affaire no 1999/190) concernant son appartenance à une organisation terroriste. En cas de renvoi, il serait condamné à quinze ans d’emprisonnement. Ils ajoutent que les cas de torture ont augmenté en Turquie.

5.3Le requérant relève que le tribunal des migrations était au courant du fait qu’une action pénale était engagée à son égard et que les cas de torture en Turquie étaient en augmentation.

Délibérations du Comité

Examen de la recevabilité

6.1Avant d’examiner une plainte soumise dans une requête, le Comité contre la torture doit déterminer si la requête est recevable en vertu de l’article 22 de la Convention. Le Comité s’est assuré, comme il est tenu de le faire conformément aux alinéas a et b des paragraphes 5 de l’article 22 de la Convention, que la même question n’a pas été et n’est pas actuellement examinée par une autre instance internationale d’enquête ou de règlement et que tous les recours internes disponibles ont été épuisés.

6.2Concernant l’allégation des requérants qui affirment que si M. Aytulun était renvoyé en Turquie, il serait tué par le PKK pour avoir quitté l’organisation sans autorisation, le Comité considère que la question de savoir si l’État partie a l’obligation de ne pas expulser une personne qui risque de se voir infliger une douleur ou des souffrances par une entité non gouvernementale, sans le consentement exprès ou tacite du Gouvernement, est en dehors du champ d’application de l’article 3 de la Convention. Le Comité estime donc que ce grief est irrecevable en vertu de l’alinéa c de l’article 107 du Règlement intérieur du Comité.

6.3Le Comité prend note de l’argument de l’État partie selon lequel la communication est irrecevable car manifestement dénuée de fondement, étant donné que l’affirmation des requérants que M. Aytulun risque de subir de la part des agents de l’État un traitement qui constituerait une violation de l’article 3 de la Convention n’est pas étayée par le minimum d’éléments de preuve aux fins de la recevabilité. Le Comité est cependant d’avis que les requérants ont apporté assez d’éléments pour lui permettre d’examiner l’affaire sur le fond.

Examen au fond

7.1Le Comité doit déterminer si, en renvoyant les requérants en Turquie, l’État partie manquerait à l’obligation qui lui est faite en vertu du paragraphe 1 de l’article 3 de la Convention de ne pas expulser ou refouler un individu vers un autre État où il y a des motifs sérieux de croire qu’il risque d’être soumis à la torture.

7.2Le Comité doit déterminer, comme le prévoit le paragraphe 1 de l’article 3, s’il existe des motifs sérieux de croire que les requérants risquent d’être soumis à la torture s’ils sont renvoyés en Turquie. Pour ce faire, il doit tenir compte de tous les éléments, conformément au paragraphe 2 de l’article 3, y compris de l’existence d’un ensemble systématique de violations graves, flagrantes ou massives des droits de l’homme. À cet égard, le Comité note l’argument de l’État partie selon lequel des dispositions ont été prises pour améliorer la situation des droits de l’homme, notamment par l’adoption d’une politique de tolérance zéro et de modifications législatives appropriées. Il prend également note de l’argument des requérants qui affirment qu’en dépit de ces changements, des cas de torture pendant la garde à vue continuent à être signalés.

7.3Il s’agit cependant de déterminer si l’intéressé risque personnellement d’être soumis à la torture à son retour en Turquie. Même s’il existait en Turquie un ensemble systématique de violations, graves, flagrantes ou massives des droits de l’homme, cette situation ne constituerait pas en soi un motif suffisant pour conclure que le requérant risque d’être soumis à la torture à son retour dans ce pays; il doit exister des motifs spécifiques donnant à penser que l’intéressé court personnellement un tel risque. À l’inverse, l’absence d’un ensemble de violations flagrantes et systématiques des droits de l’homme ne signifie pas qu’une personne ne peut pas être considérée comme risquant d’être soumise à la torture dans les circonstances qui sont les siennes.

7.4Le Comité rappelle son observation générale relative à l’application de l’article 3 de la Convention, où il est indiqué que l’existence d’un risque d’être soumis à la torture doit être appréciée selon des éléments qui ne se limitent pas à de simples supputations ou soupçons mais qu’en tout état de cause, il n’est pas nécessaire de montrer que le risque couru est hautement probable.

7.5Le Comité note que l’État partie ne conteste pas le fait que le requérant ait participé aux activités du PKK, mais fait valoir que sa participation a eu lieu à un niveau peu élevé. Il note que l’État partie nie qu’il présenterait aujourd’hui un grand intérêt pour les autorités turques, mais qu’il admet, tout comme le Conseil des migrations, que s’il est recherché par les autorités turques, il y a un risque qu’il soit arrêté, placé en détention avant jugement et condamné à une longue peine d’emprisonnement (par. 4.11 et 4.12 ci-dessus). Le Comité note également que les requérants ont donné des informations concernant l’action pénale engagée contre M. Aytulun (affaire no 1999/190) (par. 5.2 ci-dessus) qui n’ont pas été contestées par l’État partie. Le Comité est donc d’avis que les requérants ont apporté suffisamment d’éléments indiquant que M. Aytulun risque d’être arrêté s’il est renvoyé en Turquie.

7.6Le Comité observe que, selon diverses sources, de graves allégations font état d’une utilisation persistante de la torture par les forces de sécurité et la police turques, en particulier pendant les interrogatoires et dans les centres de détention, en dépit de la politique de tolérance zéro à l’égard de la torture adoptée par le Gouvernement. Le Comité note également que, selon les propres observations de l’État partie (par. 4.8), le nombre de cas signalés de mauvais traitements a augmenté en 2007. Plusieurs des rapports cités par l’État partie indiquent que, malgré les mesures législatives prises par le Gouvernement turc, les auteurs de ces crimes bénéficient souvent de l’impunité, et mettent en doute l’efficacité de la réforme entreprise. Un grand nombre des rapports récents auxquels l’État partie renvoie font également état d’une augmentation des cas signalés de mauvais traitements et de torture commis par des membres des forces de sécurité ou de la police en dehors des locaux officiels, qui sont par conséquent plus difficiles à détecter et à documenter. Le Comité prend note en outre de l’affirmation qui figure dans le rapport publié par le Ministère suédois des affaires étrangères cité par l’État partie, où il est dit que les membres du PKK devraient être considérés comme un groupe cible particulier des agents de l’État qui violent l’interdiction d’utiliser la torture. Il note également que, d’après la section de Diyabakir de l’Association pour les droits de l’homme, des aveux sont extorqués aux personnes qui ont déserté le PKK afin d’obtenir le nom de leurs anciens camarades.

7.7En conclusion, le Comité note que le requérant a été membre du PKK pendant quatorze ans et que tout porte à croire qu’il est recherché en Turquie pour y être jugé en vertu de la législation antiterroriste et qu’il risque donc d’être arrêté à son arrivée dans le pays et contraint à des aveux forcés. À la lumière de ce qui précède, le Comité estime que les requérants ont présenté suffisamment d’éléments prouvant que M. Aytulun court personnellement un risque réel et prévisible d’être soumis à la torture s’il est renvoyé dans son pays d’origine.

7.8Étant donné que l’affaire de la requérante, qui est l’enfant mineur du requérant, dépend de l’affaire de celui-ci, le Comité n’estime pas nécessaire d’examiner son cas séparément.

7.9Le Comité contre la torture, agissant en vertu du paragraphe 7 de l’article 22 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, conclut que la décision de l’État partie de renvoyer les requérants en Turquie constituerait une violation de l’article 3 de la Convention.

8.Conformément au paragraphe 5 de l’article 112 de son règlement intérieur, le Comité souhaite recevoir, dans un délai de quatre-vingt-dix jours, des renseignements sur les mesures que l’État partie aura prises pour donner suite à la présente décision.

Communication no375/2009: T. D. c. Suisse

Présentée par:

T. D. (représenté par un Conseil, Tarig Hassan)

Au nom de:

T. D.

État partie:

Suisse

Date de la requête:

10 mars 2009 (lettre initiale)

Le Comité contre la torture, institué en vertu de l’article 17 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,

Réuni le 26 mai 2011,

Ayant achevé l’examen de la requête no 375/2009, présentée par T. D. en vertu de l’article 22 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,

Ayant tenu compte de toutes les informations qui lui ont été communiquées par le requérant, son conseil et l’État partie,

Adopte ce qui suit:

Décision au titre du paragraphe 7 de l’article 22 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumainsou dégradants

1.1Le requérant, T. D., de nationalité éthiopienne, né en 1973, est menacé d’être expulsé de Suisse vers son pays d’origine. Il prétend qu’une telle mesure constituerait une violation par la Suisse de l’article 3 de la Convention à son égard. Il est représenté par un conseil, Tarig Hassan.

1.2Le 16 mars 2009, le Comité a porté la requête à l’attention de l’État partie, conformément au paragraphe 3 de l’article 22 de la Convention et, en application du paragraphe 1 de l’article 108 de son règlement intérieur (CAT/C/3/Rev.4), le Comité a prié l’État partie de ne pas expulser le requérant vers l’Éthiopie tant que l’affaire serait à l’examen.

1.3Le 27 mai 2009, l’État partie a communiqué ses observations sur le fond de l’affaire.

Rappel des faits présentés par le requérant

2.1Le requérant est un ressortissant éthiopien, qui prétend avoir dû quitter son pays d’origine pour la Suisse le 7 novembre 2003 pour des raisons politiques. Le 19 novembre 2003, il a déposé une demande d’asile. Le 15 novembre 2004, l’Office fédéral des réfugiés (ODR, remplacé depuis par l’«Office fédéral des migrations») a rejeté sa demande. L’ODR n’a pas jugé crédibles les allégations du requérant selon lesquelles il aurait été arrêté par des agents de sécurité et détenu durant six mois en 2003 en raison de son appartenance au mouvement Oromo Neetsaanet Gymbaar, et selon lesquelles il avait par la suite été recherché pour les mêmes motifs. Le 27 janvier 2005, la Commission suisse de recours en matière d’asile a rejeté l’appel qu’il avait interjeté contre la décision de l’ODR.

2.2Malgré cette décision négative, et l’ordre corollaire de quitter la Suisse qui lui a été donné, le requérant est néanmoins resté en Suisse. C’est lors de son séjour en Suisse qu’il est devenu actif politiquement, alléguant qu’il est le membre fondateur du mouvement d’opposition «Kinijit/CUDP» Suisse («Coalition for Unity and Democracy Party»). Il ajoute qu’il occupe une position clef au sein de ce mouvement, étant l’un des représentants de l’organisation pour le canton de Zurich. Le requérant souligne que les membres du CUDP en Éthiopie font régulièrement face à des actes de répression et de persécution de la part des autorités en place. Il soutient par ailleurs qu’il participe à l’organisation de nombreuses manifestations et rencontres de l’opposition éthiopienne en Suisse, et que de nombreuses photos où il apparaît dans des telles manifestations ont été publiées sur des sites à contenu politique ou dans des journaux.

2.3Le 29 novembre 2006, le requérant a entrepris une seconde procédure d’asile, sur la base de ses activités politiques en Suisse. Il a été interrogé par l’Office fédéral des migrations (ODM) le 10 décembre 2008 au sujet du changement des motifs de sa demande d’asile. Le 17 décembre 2008, l’ODM a rejeté cette demande, ordonnant également son départ de Suisse. Le requérant a fait appel de cette décision auprès du Tribunal administratif fédéral (TAF), qui a rejeté sa demande le 12 février 2009. Le délai imparti au requérant pour quitter la Suisse a été fixé au 24 mars 2009. Dans cette décision, le Tribunal administratif fédéral a principalement considéré que le requérant, à travers ses activités politiques, y compris comme représentant cantonal du CUDP, ne s’était pas exposé de manière telle qu’il pouvait être perçu comme représentant un risque pour le régime en place. Faisant écho aux conclusions de l’ODM, le Tribunal a estimé que le régime éthiopien ne suivait et n’enregistrait que les activités politiques des opposants faisant partie du «noyau dur» de l’opposition au régime, dont le requérant ne fait pas partie, considérant que son rôle de représentant cantonal du CUDP n’impliquait que sa participation à un nombre limité de manifestations publiques, ainsi que la participation à l’organisation de telles manifestations. Selon le Tribunal, de nombreux Éthiopiens en Suisse sont représentants cantonaux de l’organisation du CUDP, et les autorités éthiopiennes savent que les activités politiques des requérants d’asile s’intensifient à dessein lorsque le statut de réfugié leur a été refusé. Par ailleurs, le Tribunal administratif fédéral a considéré que rien ne montrait que les autorités éthiopiennes aient engagé quelconque procédure à l’encontre du requérant en raison de ses activités politiques en Suisse. En conclusion, le Tribunal a estimé que ce dernier ne remplissait pas les critères applicables pour l’attribution du statut de réfugié, et n’encourait pas de risque d’être soumis à des actes de torture en cas de retour.

2.4Le requérant maintient au contraire que son rôle dans la planification et l’organisation de tels événements pour le CUDP, ainsi que son rôle de membre fondateur de ce mouvement, démontrent qu’il tient une position d’importance au sein de ce mouvement d’opposition, qui l’expose particulièrement à la répression par les forces de sécurité éthiopiennes. Il souligne que le Tribunal administratif fédéral a erronément accordé peu de poids à son statut de représentant cantonal du CUDP, notant que cette organisation n’est pas représentée dans tous les cantons, et que ce dernier fait donc partie d’une minorité d’opposants ayant ce statut. Par ailleurs, il note que lors de son entretien du 10 décembre 2008, au sujet du changement des motifs de sa demande d’asile, le requérant n’a été que sommairement interrogé, l’ODM ne s’étant pas assurée avec diligence de la nature et de l’étendue de ses activités politiques. Réaffirmant que les activités politiques de la communauté éthiopienne en exil sont méticuleusement suivies et enregistrées, il indique risquer dans ces circonstances d’être arrêté et soumis à la torture en cas de retour.

Teneur de la plainte

3.1Le requérant allègue que son expulsion de la Suisse vers l’Éthiopie violerait l’article 3 de la Convention, car il y a de sérieux motifs de croire qu’il risquerait d’y être soumis à la torture en cas de renvoi.

Observations de l’État partie sur le fond

4.1Le 27 mai 2009, l’État partie a soumis ses observations sur le fond de la communication. Il affirme que le requérant n’a pas établi l’existence d’un risque personnel, réel et prévisible de torture en cas de retour en Éthiopie. Se référant à l’Observation générale no 1 (1997) du Comité, l’État partie note que depuis les élections de mai et août 2005 en Éthiopie, la représentation de l’opposition au sein du Parlement s’est accrue. Bien que les arrestations et détentions arbitraires restent nombreuses, en particulier de membres de partis d’opposition, et bien que l’Éthiopie ne soit pas dotée d’une justice indépendante, le fait d’être un simple sympathisant ou membre d’un parti d’opposition n’entraîne pas à lui seul de risque de persécution. Il en va différemment des personnes tenant une position clef et exposée au sein d’un parti d’opposition. L’approche adoptée par l’État partie veut que les membres de l’«Oromo Liberation Front», ou de l’«Ogaden National LiberationFront»soient considérés comme étant exposés à un risque de persécution. En ce qui concerne les autres groupes d’opposition, tel le «Coalition for Unity and Democracy» (CUD), également connu sous le nom de «Kinijit» ou «CUDP» à l’étranger, la situation doit être analysée selon le cas d’espèce.

4.2S’agissant de la surveillance des activités politiques exercées en exil, l’État partie est d’avis que les missions diplomatiques ou consulaires éthiopiennes à l’étranger n’ont pas les moyens de surveiller systématiquement les activités politiques de l’opposition. Dès lors, seuls les représentants actifs et/ou importants des mouvements d’opposition courent le risque d’être identifiés et enregistrés, et par conséquent persécutés en cas de retour. Il en va de même pour les organisations ou activistes qui prôneraient, ou s’engageraient dans des actions violentes. Selon l’État partie, les autorités éthiopiennes portent avant tout leur attention sur des personnes présentant un profil particulier en raison d’activités politiques qui dépassent la moyenne, qui occupent une fonction particulière, de manière à représenter un danger pour le régime en place. L’État partie ajoute que les autorités éthiopiennes n’ignorent pas que souvent, comme dans le cas de l’auteur, un grand nombre de demandeurs d’asile déboutés entreprennent des activités politiques après le rejet définitif de leur demande.

4.3En ce qui concerne le cas spécifique du requérant, l’État partie note que ce dernier n’a pas invoqué avoir subi des actes de torture, ni avoir été arrêté ou détenu par les autorités éthiopiennes. Aucune procédure pénale n’a été ouverte contre lui. Se référant aux conclusions de l’ancien Office fédéral des réfugiés (ODR, actuellement «Office des migrations») et de la Commission fédérale se recours en matière d’asile, l’État partie ajoute que le requérant n’a pas démontré de manière crédible avoir été politiquement actif en Éthiopie. En ce qui concerne les activités politiques qu’il a entreprises en Suisse depuis son arrivée en 2003, sa participation à l’organisation de manifestations du CUDP contre le gouvernement éthiopien actuel, et le fait qu’il soit membre du Kinijit/CUDP, sont des activités exercées par la plupart des Éthiopiens politiquement actifs en Suisse. Son rôle de représentant cantonal de ce mouvement ne se traduit pas en responsabilité additionnelle. Comme il n’était pas connu des autorités avant de quitter l’Éthiopie, ces dernières n’auraient pas de raison de suivre et d’enregistrer ses activités actuelles en Suisse.

4.4L’État partie conteste l’argument du requérant, selon lequel ses activités politiques n’auraient pas fait l’objet d’une évaluation rigoureuse durant l’entretien qu’il a eu avec l’ODM le 10 décembre 2008. Il ajoute que ce dernier, conformément à la procédure en vigueur, a déclaré connaître et accepter les déclarations de ses représentants, et n’avoir rien de plus à ajouter à ces déclarations. Par ailleurs, le protocole applicable veut que des questions ciblées portant sur ses activités politiques depuis sa dernière intervention écrite soient ensuite posées, suite à quoi le requérant doit encore confirmer qu’il n’a pas de nouveaux éléments à fournir. Selon l’État partie, en vertu de cette procédure, tant l’ODM que le Tribunal administratif fédéral ont conclu à juste titre, après un examen circonstancié de son cas, que le requérant ne courait pas de risque d’être soumis à la torture ou à des traitements inhumains ou dégradants en cas de renvoi.

Commentaires du requérant sur les observations de l’État partie sur le fond

5.1Le 22 juin 2009, le requérant réitère qu’il encourt un risque de torture en cas de retour en Éthiopie, puisque les autorités éthiopiennes suivent de près et enregistrent les activités des opposants politiques à l’étranger. Selon lui, le Tribunal administratif fédéral aurait lui-même reconnu, dans la décision le concernant, que les opposants politiques à l’étranger faisaient l’objet de surveillance. Il réitère qu’il a un profil politique sans ambiguïté, et ajoute qu’il a mentionné dès sa première procédure d’asile avoir été un membre de l’Oromo Neetsaanet Gymbaar (ONEG) pendant plusieurs années en Éthiopie.

5.2Le requérant relève que, durant les mois de janvier, mars et mai 2009, des manifestations ont été organisées à l’échelle mondiale en protestation contre le régime éthiopien actuel. La section suisse du CUDP participait à la coordination de ces activités, en partenariat avec le mouvement international Kinijit. Il ajoute que la section suisse de l’organisation CUDP s’inscrit dans le mouvement global d’opposition au régime actuel éthiopien, ce qui accroit sa visibilité, et en fait une organisation perçue comme menaçante pour ce régime.

Délibérations du Comité

Examen de la recevabilité

6.1Avant d’examiner toute plainte soumise dans une requête, le Comité contre la torture doit déterminer si celle-ci est recevable en vertu de l’article 22 de la Convention. Le Comité s’est assuré, comme il est tenu de le faire conformément au paragraphe 5 a) de l’article 22 de la Convention, que la même question n’a pas été examinée et n’est pas en cours d’examen par une autre instance internationale d’enquête ou de règlement.

6.2En l’absence d’autre obstacle à la recevabilité de la communication, le Comité procède à son examen quant au fond.

Examen au fond

7.1Conformément au paragraphe 4 de l’article 22 de la Convention, le Comité a examiné la présente requête en tenant compte de toutes les informations qui lui ont été communiquées par les parties.

7.2Le Comité doit déterminer si, en renvoyant le requérant en Éthiopie, l’État partie manquerait à l’obligation qui lui est faite en vertu de l’article 3 de la Convention de ne pas expulser ou refouler un individu vers un autre État où il y a des motifs sérieux de croire qu’il risque d’être soumis à la torture.

7.3Pour apprécier s’il existe des motifs sérieux de croire que le requérant risquerait d’être soumis à la torture s’il était renvoyé en Éthiopie, le Comité doit tenir compte de tous les éléments pertinents, y compris l’existence d’un ensemble systématique de violations graves, flagrantes ou massives des droits de l’homme. Il s’agit cependant de déterminer si le requérant risque personnellement d’être soumis à la torture dans le pays vers lequel il serait renvoyé.

7.4Le Comité rappelle son Observation générale no1 relative à l’application de l’article 3 de la Convention, où il est indiqué que l’existence d’un risque d’être soumis à la torture doit être appréciée selon des éléments qui ne se limitent pas à de simples supputations ou soupçons. Bien qu’il ne soit pas nécessaire de montrer que le risque couru est hautement probable, le Comité rappelle que le fardeau de la preuve incombe généralement au requérant, qui se doit de présenter des arguments défendables établissant qu’il encourt un risque «prévisible, réel et personnel». Le Comité précise en outre dans son Observation générale qu’il s’agit également de vérifier si le requérant s’est livré, à l’intérieur ou à l’extérieur de l’État intéressé, à des activités politiques qui font qu’il «court un risque particulier» d’être soumis à la torture.

7.5En évaluant le risque de torture dans le cas présent, et bien que ces allégations n’aient pas été présentées devant le Comité, il y a lieu de relever que le requérant a affirmé, devant les instances judiciaires de l’État partie, avoir été arrêté par des agents de sécurité, puis détenu durant six mois en 2003 en raison de son appartenance au mouvement Oromo Neetsaanet Gymbaar. Il affirme en outre qu’il a par la suite été recherché. Le requérant n’a pas fait état de tortures pendant sa détention, ni à un autre moment. Devant le Comité, il affirme qu’il encourt un risque personnel d’être soumis à la torture en Éthiopie en cas de retour, du fait de ses activités politiques depuis son arrivée dans l’État partie, notamment ses activités politiques au sein du mouvement Kinijit/CUDP, dont il est représentant cantonal pour le canton de Zurich. Il précise qu’il contribue à l’organisation de manifestations de ce mouvement contre le régime actuel éthiopien, qu’il y participe, et que de nombreuses photos où il apparaît dans des telles manifestations ont été publiées sur des sites à contenu politique, ou dans des journaux. À ce titre, le requérant estime qu’il est hautement probable qu’il ait attiré l’attention des autorités éthiopiennes qui suivent les activités des opposants politiques à l’étranger, et le considéreront comme une menace à la sécurité intérieure du pays.

7.6Le Comité se doit de tenir compte de la situation objective des droits de l’homme en Éthiopie, ayant pris note du fait qu’elle reste préoccupante à certains égards, comme en témoignent certains rapports relatifs à la répression et la détention arbitraire de membres de partis d’opposition et de défenseurs des droits de l’homme. Le Comité rappelle toutefois que l’existence d’un ensemble de violations systématiques des droits de l’homme, graves, flagrantes ou massives dans le pays ne constitue pas en soi un motif suffisant pour établir que l’individu risque d’être soumis à la torture à son retour dans ce pays; il doit exister des motifs supplémentaires donnant à penser que l’intéressé courrait personnellement un risque. À ce titre, le Comité a noté que les différentes instances de l’État partie ont considéré les faits et preuves avancés par le requérant lors de sa seconde procédure d’asile, et qu’il a présentés devant le Comité.

7.7Bien qu’aux termes de son Observation générale, le Comité soit libre d’apprécier librement les faits en se fondant sur l’ensemble des circonstances de chaque affaire, il rappelle qu’il n’est pas un organe juridictionnel d’appel, et qu’il doit accorder un poids considérable aux constatations de fait des organes de l’État partie. En l’espèce, le Comité a noté l’analyse de l’État partie, selon laquelle le simple fait d’être membre ou sympathisant d’un parti politique d’opposition n’entraîne pas ipso facto de risque de persécution, à l’exception de deux partis spécifiques, l’«Oromo Liberation Front» et l’«Ogaden National Liberation Front». Le Comité a en outre noté l’argument de l’État partie, auquel il accorde le poids voulu, selon lequel le profil particulier de chaque requérant doit être examiné au cas par cas, et à la lumière de l’ensemble des circonstances, de façon à établir s’il serait exposé à un risque particulier de persécution et/ou de torture en cas de retour.

7.8Le Comité observe que l’État partie a reconnu, et a tenu compte du fait que les autorités éthiopiennes peuvent exercer une surveillance des activités des opposants au régime en exil. Toutefois, il a établi que c’est le fait d’occuper une position emportant des responsabilités particulières dans un mouvement d’opposition au régime, de façon à représenter un danger à son égard, qui est déterminant dans l’évaluation du risque encouru en cas de retour. Le Comité accorde également le poids voulu à l’argument de l’État partie, qui a établi que la position de représentant cantonal de l’ADR, à la lumière des activités concrètes que cette position implique, ne satisfait pas en tant que tel ce critère de dangerosité vis-à-vis du Gouvernement éthiopien, de sorte que le requérant n’a probablement pas attiré l’attention de ces autorités.

7.9Le Comité relève également que bien qu’il mentionne avoir été arrêté, détenu en 2003, puis avoir été recherché, le requérant n’a pas allégué avoir subi depuis quelconque menace, intimidation, ou autre forme de pression de la part des autorités éthiopiennes. Il n’a pas fait état d’une procédure judiciaire ouverte à son encontre, ni d’éléments de preuve, tel un mandat d’arrêt ou de recherche, susceptible d’appuyer ses allégations selon lesquelles il serait recherché, et, partant, ferait l’objet de traitement contraire à l’article 3 de la Convention en cas de retour. Réaffirmant que c’est généralement au requérant qu’il incombe de présenter des arguments défendables, le Comité considère que, sur la base de toutes les informations soumises, celui-ci n’ a pas fourni d’éléments de preuve suffisants qui permettent de conclure que son retour en Éthiopie lui ferait courir un risque réel, spécifique et personnel d’être soumis à la torture, comme l’exige l’article 3 de la Convention.

8.En conséquence, le Comité contre la torture, agissant en vertu du paragraphe 7 de l’article 22 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, conclut que le renvoi du requérant vers l’Éthiopie ne constitue pas une violation de l’article 3 de la Convention.

Communication no 379/2009: Bakatu-Bia c. Suède

Présentée par:

Sylvie Bakatu-Bia (représentée par un conseil,Mme Emma Persson)

Au nom de:

Sylvie Bakatu-Bia

État partie:

Suède

Date de la requête:

26 mars 2009 (lettre initiale)

Le Comité contre la torture, institué en vertu de l’article 17 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,

Réuni le 3 juin 2011,

Ayant achevé l’examen de la requête no 379/2009, présentée par Mme Sylvie Bakatu‑Bia, en vertu de l’article 22 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,

Ayant tenu compte de toutes les informations qui lui ont été communiquées par la requérante, son conseil et l’État partie,

Adopte ce qui suit:

Décision au titre du paragraphe 7 de l’article 22 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumainsou dégradants

1.1La requérante est Sylvie Bakatu-Bia, née le 22 mai 1984 en République démocratique du Congo. Elle se trouve actuellement en Suède et fait l’objet d’un arrêté d’expulsion vers la République démocratique du Congo. Elle affirme que son renvoi en République démocratique du Congo constituerait une violation par la Suède de l’article 3 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Elle est représentée par un conseil.

1.2Conformément au paragraphe 3 de l’article 22 de la Convention, le Comité, agissant en application du paragraphe 1 de l’article 114 (ancien art. 108) de son règlement intérieur (CAT/C/3/Rev.5), a demandé à l’État partie de ne pas expulser la requérante vers la République démocratique du Congo tant que sa requête serait à l’examen par le Comité. L’État partie a accédé à sa demande et, le 27 mars 2009, a décidé de surseoir à l’exécution de l’arrêté d’expulsion.

Exposé des faits

2.1La requérante est née et a grandi dans le village de Tshilenge dans la région de Mbuji-Mayi, en République démocratique du Congo. Elle a deux filles. Les dernières années avant de quitter la République démocratique du Congo et de fuir en Suède, elle vivait et travaillait à Lubumbashi, dans le sud du pays. Elle travaillait comme secrétaire dans la paroisse de la Nouvelle Cité de David, église chrétienne protestante radicale. Son compagnon était censé être le prochain pasteur. Le pasteur en fonction, ferme opposant au régime, critiquait ouvertement les autorités dans certains de ses sermons. La requérante, qui était sa secrétaire, partageait ses opinions politiques. Compte tenu de la situation tendue dans la région, la paroisse faisait l’objet d’une surveillance particulière de la part des forces militaires, qui voulaient que le pasteur les aide à diffuser leur message politique. Comme il refusait de le faire, le pasteur a été arrêté à plusieurs reprises, notamment le 3 août 2004 (date de la deuxième arrestation) et le 23 ou 24 décembre 2004 (date de la troisième arrestation). Au cours de sa dernière détention d’une journée, il aurait été cruellement torturé et il est décédé, probablement des suites de la torture, peu de temps après avoir été remis en liberté. Après le décès du pasteur, la surveillance de la paroisse s’est accrue. Les forces de sécurité savaient que la requérante était la secrétaire du pasteur et qu’elle partageait ses opinions et convictions politiques. Elle craignait pour sa vie et sa sécurité mais, compte tenu de sa foi et de son attachement fort à la paroisse, elle a décidé de rester à Lubumbashi.

2.2Le 30 septembre 2005, la requérante et son compagnon ont été arrêtés par les forces de sécurité. Aucun motif n’a été fourni pour leur arrestation. Ils ont été conduits dans des prisons différentes et la requérante n’a plus jamais revu son compagnon. Pendant ce temps, les deux enfants du couple et la sœur de la requérante sont restés à son domicile. Des membres des forces de sécurité sont aussi restés sur place et, selon la requérante, ils ont mis à sac la maison et pris notamment ses papiers d’identité.

2.3La requérante ignore le nom de la prison où elle a été incarcérée. Pendant sa détention, du 30 septembre 2005 au 22 février 2006, elle a été torturée, a reçu des coups sur les jambes et dans le dos et a été violée à de nombreuses reprises, parfois plusieurs fois dans la même journée. La torture subie l’a marquée à jamais et fait qu’elle est tout le temps angoissée.

2.4Le 22 février 2006, la requérante est parvenue à s’évader de la prison avec l’aide d’amis de sa paroisse, qui ont acheté des membres du personnel pénitentiaire. Immédiatement après son évasion, elle a fui vers Kinshasa où elle a rencontré une religieuse qui l’a aidée à quitter le pays. En conséquence, elle n’a pas pu retourner chez elle pour chercher ses deux enfants, dont elle avait été séparée lors de son arrestation. Elle dit ne pas savoir où ils se trouvent.

2.5La requérante serait arrivée en Suède le 27 février 2006 et a demandé l’asile le même jour. Sa demande d’asile a été rejetée par le Conseil des migrations le 11 juillet 2007. D’après le Conseil, la requérante n’avait pas fourni la preuve de son identité congolaise même s’il a reconnu qu’elle parle la langue de la région dont elle dit être originaire. Le Conseil a estimé que la situation générale en République démocratique du Congo ne constitue pas un motif d’asile. S’agissant de la situation personnelle de la requérante, le Conseil a mis en doute de la crédibilité de l’histoire, indiquant que la requérante n’avait produit aucun document prouvant son identité. Il a fait observer que, contrairement au pasteur, la requérante n’occupait aucun poste important dans la paroisse, et il a aussi jugé improbables les allégations concernant sa détention et la façon dont elle s’était rendue en Suède.

2.6La requérante a fait appel devant le Tribunal des migrations. À cette occasion, elle a joint à sa demande initiale deux documents, à savoir le rapport médical déjà soumis au Conseil des migrations (voir note 3) et un document délivré par une paroisse de Kiruna (nord de la Suède) attestant des solides convictions politiques et religieuses de la requérante. Le 25 mars 2008, elle a fourni un rapport médical délivré par un psychothérapeute travaillant dans un centre de la Croix-Rouge suédoise à Luleå, qui concluait, selon la requérante, qu’elle montrait des signes de dépression en raison du traumatisme subi dans son pays d’origine. Le 20 mai 2008, elle a fourni un autre rapport médical établi par le même psychothérapeute qui indiquait, toujours selon la requérante, qu’elle avait peur de retourner en République démocratique du Congo et souffrait d’insomnie, qu’elle était toujours affectée par les viols subis et qu’elle buvait beaucoup d’alcool pour apaiser son angoisse. Le 23 mai 2008, le recours a été rejeté par le Tribunal des migrations. La requérante a alors saisi la Cour d’appel des migrations, qui a rejeté son recours le 10 juillet 2008. Le 25 février 2009, la requérante a présenté une demande au Conseil des migrations, affirmant que sa relation avec un Suédois était un autre facteur qui rendait impossible l’application de l’arrêté d’expulsion. Le 27 février 2009, le Conseil des migrations a décidé de ne pas accorder à la requérante de permis de séjour au titre de l’article 18 du chapitre 12 de la loi de 2005 relative aux étrangers. Cette décision n’est pas susceptible d’appel.

Teneur de la plainte

3.La requérante affirme que son expulsion forcée vers la République démocratique du Congo constituerait une violation par la Suède de l’article 3 de la Convention. Elle prétend qu’elle serait arrêtée et torturée à son retour en République démocratique du Congo en raison de ses convictions religieuses et politiques et parce qu’elle avait critiqué le régime et était liée au pasteur décédé Albert Lukusa, aujourd’hui bien connu. Elle fait valoir qu’elle risquerait personnellement d’être soumise à la torture si elle était renvoyée en République démocratique du Congo, et que ses griefs sont suffisamment étayés par les renseignements qu’elle a fournis concernant son arrestation, sa détention et la torture et les mauvais traitements subis, ainsi que par les informations attestant de l’existence d’un ensemble de violations systématiques des droits de l’homme, graves, flagrantes ou massives en République démocratique du Congo.

Observations de l’État partie sur la recevabilité et sur le fond

4.1Dans une lettre du 25 septembre 2009, l’État partie a communiqué ses observations sur la recevabilité et sur le fond de la requête. Il fait valoir que la requérante a demandé l’asile le 27 février 2006, le jour même où elle prétend être arrivée en Suède. Elle n’était en possession d’aucun titre de voyage ni d’aucune pièce d’identité. Le Conseil suédois des migrations s’est entretenu une première fois avec elle le 1er mars 2006. Lors de l’entretien, la requérante a indiqué être née à Tshilenge dans la province de Mbuji-Mayi. Elle n’était pas mariée mais vivait avec un homme dont elle avait deux enfants, nés en 2002 et 2004. Elle était active au sein d’une église protestante en République démocratique du Congo. Elle et son compagnon avaient été arrêtés à la suite de critiques exprimées par le pasteur Albert Lusaka à l’égard du régime. Pendant sa détention, elle avait été torturée, avait reçu des coups dans le dos et sur les jambes et avait été violée à plusieurs reprises. Des personnes de la paroisse avaient acheté des membres du personnel pénitentiaire et avaient organisé son évasion en février 2006. Elle n’avait pas pu retourner chez elle pour chercher ses enfants dont elle avait été séparée lors de son arrestation. Elle s’était rendue en train à Kinshasa, où elle avait reçu un billet d’avion et des documents de voyage d’une personne de sa paroisse qui lui avait rendu visite pendant sa détention. Elle a affirmé ne pas savoir où se trouvaient son compagnon et ses enfants. Elle a déclaré ne pas avoir de pièce d’identité et ne pas pouvoir s’en procurer, sa maison ayant été détruite. Elle n’avait personne en République démocratique du Congo qui pouvait l’aider à obtenir de nouveaux papiers d’identité. Interrogée sur sa santé, la requérante a dit qu’elle était très stressée, avait mal au dos et au ventre, souffrait d’insomnie et faisait des cauchemars.

4.2Le 7 mars 2006, au cours du deuxième entretien, la requérante a expliqué qu’elle n’avait jamais eu de passeport et qu’elle ne pouvait pas présenter de papiers d’identité car le seul document en sa possession se trouvait en République démocratique du Congo à son domicile, qui avait été mis à sac par les forces de sécurité. Elle a ajouté que personne ne pouvait vérifier son identité, que ce soit en Suède ou en République démocratique du Congo. Elle a affirmé que la religieuse avec laquelle elle s’était rendue en Suède était en possession de tous les documents nécessaires. Elles ne parlaient pas la même langue et ne pouvaient donc pas communiquer entre elles. La requérante a aussi indiqué qu’elle était l’assistante du pasteur de sa paroisse et que son compagnon était censé succéder au pasteur. Elle n’avait pas d’activité politique et n’avait pas eu de problème avec les autorités, sauf au moment de son arrestation. Elle a prétendu qu’elle était recherchée en République démocratique du Congo et, compte tenu de son évasion, qu’elle serait emprisonnée et soumise à des mauvais traitements à son retour. D’après l’analyse linguistique réalisée par les services de l’immigration, il était fort probable que la requérante parlait un dialecte de la République démocratique du Congo, plus précisément des régions du Kasaï oriental et du Kasaï occidental. Il était également probable qu’elle ait vécu à Kinshasa.

4.3L’État partie indique aussi que le 22 septembre 2006, le conseil de la requérante a fourni des renseignements complémentaires et apporté des corrections à ce qu’avait déclaré la requérante pendant les entretiens. La requérante doutait que ses papiers d’identité soient encore à son domicile, celui-ci ayant été mis à sac après son arrestation, et affirmait qu’elle devrait retourner en République démocratique du Congo pour demander de nouveaux papiers. Elle ne pouvait joindre aucune personne susceptible de prouver son identité car elle ne savait pas où se trouvait sa famille. En ce qui concerne son adresse, la requérante a dit qu’elle habitait à Tshilenge mais que les trois dernières années, elle avait vécu à Lubumbashi avec sa famille, notamment une de ses sœurs. Ses parents et ses autres frères et sœurs vivent dans le village de Mushenge. Elle avait quitté Tshilenge parce qu’on lui avait proposé d’être l’assistante d’un pasteur bien connu à Lubumbashi. Elle a de nouveau donné les mêmes informations sur l’activité du pasteur, la détention et la torture dont il aurait fait l’objet, ainsi que son décès peu après sa remise en liberté, qui serait dû aux traitements subis. Le conseil a aussi donné les mêmes informations sur l’enlèvement de la requérante, sa détention et les mauvais traitements subis, y compris des coups et blessures, des actes de torture et des viols, et a confirmé les circonstances dans lesquelles la requérante s’était évadée de prison.

4.4Le 31 octobre 2006, lors de son troisième entretien, la requérante a indiqué qu’en raison de problèmes de santé, elle ne pouvait pas participer à une réunion de la Croix-Rouge en vue de localiser sa famille. Lorsqu’on lui a demandé si elle avait vécu à Kinshasa, la requérante a soutenu qu’elle n’y avait jamais habité et qu’elle y était seulement allée pour se rendre en Suède. Elle a en outre déclaré qu’elle serait en danger même si elle devait s’installer à Kinshasa ou dans une autre région de la République démocratique du Congo. D’après elle, elle était recherchée par les autorités et serait arrêtée à son retour. L’État partie indique que, d’après les rapports médicaux fournis par la requérante, elle était en bonne santé, à part le mal de dos dont elle se plaignait.

4.5Dans une lettre datée du 17 novembre 2006, le conseil a indiqué au Conseil des migrations que la requérante avait travaillé avec des personnes originaires de Kinshasa et avait voyagé en République démocratique du Congo, ce qui avait eu des incidences sur son accent. Elle avait travaillé en étroite collaboration avec le pasteur et était donc devenue la cible suivante après le décès de celui-ci. Le conseil a également indiqué que la situation générale des femmes en République démocratique du Congo faisait que la requérante ne pouvait pas retourner dans le pays, et a maintenu que les rapports médicaux confirmaient les allégations de la requérante concernant les mauvais traitements subis lors de sa détention.

4.6Le 11 juillet 2007, le Conseil des migrations a rejeté la demande d’asile de la requérante au motif qu’elle n’avait fourni aucune information pour prouver son identité ou son activité dans la paroisse. Il a aussi rappelé que, selon les déclarations de la requérante, elle n’avait fait l’objet d’aucune poursuite judiciaire ni condamnation. Il a donc conclu que la requérante n’avait pas démontré qu’elle risquait d’être persécutée en raison de ses convictions religieuses et politiques. Le récit de la requérante au sujet de son itinéraire et de ses titres de voyage n’a pas été jugé crédible. Le Conseil a estimé qu’en l’espèce, la requérante ne se trouvait pas dans une situation de détresse exceptionnelle justifiant la délivrance d’un permis de séjour.

4.7La requérante a fait appel de la décision du Conseil des migrations, affirmant que son identité pouvait être vérifiée à l’aide de l’analyse linguistique réalisée par les services de l’immigration. Elle a aussi rappelé que les détentions arbitraires, les viols et la torture étaient monnaie courante en République démocratique du Congo. Elle a en outre indiqué que, d’après les renseignements obtenus par le Conseil des migrations auprès de l’ambassade de la Suède en République démocratique du Congo, il était possible d’acheter des gardes frontière à l’aéroport de Kinshasa pour pouvoir quitter le pays. Le Conseil des migrations a demandé au Tribunal des migrations de Stockholm de rejeter l’appel de la requérante car elle n’avait pas eu d’activité politique en République démocratique du Congo et n’avait pas occupé un poste important au sein de la paroisse, de sorte qu’il était improbable que les autorités s’intéressent à elle à son retour dans le pays.

4.8Le 3 octobre 2007, la requérante a joint à son appel deux documents: un rapport médical attestant qu’elle avait des problèmes de santé en raison des mauvais traitements qu’elle aurait subis en République démocratique du Congo, et une lettre d’une paroisse suédoise qui témoignait de ses convictions religieuses. Le 26 février 2008, le Tribunal des migrations a rejeté la demande d’audience adressée par la requérante.

4.9Le 25 mars 2008, la requérante a présenté un rapport établi par un psychothérapeute travaillant pour la Croix-Rouge, daté du 14 mars 2008, indiquant qu’elle souffrait d’insomnie à cause de l’éventualité de son retour en République démocratique du Congo et qu’elle était toujours affectée par les mauvais traitements subis dans son pays d’origine. Dans une lettre au Tribunal des migrations, le Conseil des migrations a contesté la pertinence du rapport médical et soutenu que la requérante n’avait pas démontré qu’elle courrait le risque d’être persécutée en raison de ses liens présumés avec la paroisse. Elle n’avait pas prouvé qu’elle était membre de la paroisse ou qu’elle avait une activité politique, ni que les membres de la paroisse courraient particulièrement le risque d’être soumis à des mauvais traitements.

4.10Le recours de la requérante a été rejeté par le Tribunal des migrations le 23 mai 2008. Le Tribunal a estimé que la requérante n’avait pas suffisamment étayé ses griefs. Il a aussi jugé vague et improbable le récit qu’elle avait fait de son évasion de prison et de son voyage vers la Suède. La requérante n’avait pas apporté la preuve qu’elle était réfugiée ou avait besoin d’une protection au sens des articles 1er et 2 du chapitre 4 de la loi relative aux étrangers. En outre, après avoir examiné l’état de santé de la requérante et la durée de son séjour en Suède, le Tribunal a estimé qu’en l’espèce la requérante n’était pas dans une situation de détresse exceptionnelle justifiant la délivrance d’un permis de séjour au titre de l’article 6 du chapitre 5 de la loi relative aux étrangers. Le 2 juin 2008, la requérante a fait appel de la décision du Tribunal des migrations. La Cour d’appel des migrations a rejeté sa demande d’appel le 25 juillet 2008.

4.11S’agissant de la recevabilité de la requête, l’État partie reconnaît que tous les recours internes disponibles ont été épuisés. Toutefois, il soutient que les allégations de la requérante selon lesquelles elle fera l’objet d’un traitement contraire à la Convention ne contiennent pas d’éléments étayant ce grief aux fins de la recevabilité. La requête est manifestement dénuée de fondement et, de ce fait, irrecevable en vertu du paragraphe 2 de l’article 22 de la Convention et de l’article 113 b) (ancien art. 107 b)) du Règlement intérieur du Comité (CAT/C/3/Rev.5).

4.12Sur le fond, l’État partie fait valoir que, si la requête est jugée recevable, le Comité doit, pour déterminer si le retour forcé de la requérante en République démocratique du Congo constituerait une violation par la Suède de l’article 3 de la Convention, tenir compte de tous les éléments pertinents, notamment, s’il y a lieu, de l’existence dans le pays en question d’un ensemble de violations systématiques des droits de l’homme graves, flagrantes ou massives, même si cela ne constitue pas en soi un motif suffisant pour établir que cette personne risque d’être soumise à la torture à son retour dans ce pays. Pour qu’il y ait violation de l’article 3, il doit exister des motifs supplémentaires donnant à penser que l’intéressé courrait personnellement un risque. L’État partie indique en outre que l’obligation de non-refoulement est directement liée à la définition de la torture figurant à l’article premier de la Convention, et rappelle que selon la jurisprudence du Comité, l’obligation de ne pas expulser une personne qui risque de se voir infliger une douleur ou des souffrances par une entité non gouvernementale, sans le consentement exprès ou tacite du Gouvernement, n’entre pas dans le champ d’application de l’article 3 de la Convention.

4.13En ce qui concerne la situation des droits de l’homme en République démocratique du Congo, l’État partie note que la République démocratique du Congo a ratifié plusieurs des principaux instruments relatifs aux droits de l’homme, y compris la Convention contre la torture, et a également reconnu la compétence du Comité des droits de l’homme pour recevoir et examiner des requêtes émanant de particuliers. Cela étant, la République démocratique du Congo n’est pas en mesure de s’acquitter de nombre des obligations qui lui incombent au titre des instruments relatifs aux droits de l’homme. L’État partie constate, compte tenu du rapport intitulé «Country of Origin Information Report-The Democratic Republic of the Congo», que de nombreuses violations des droits de l’homme sont commises dans le pays. De graves violations, notamment des exécutions arbitraires, des viols et des actes de torture, sont commises principalement par l’armée, la police et les services du renseignement. L’État partie prend également note de la situation difficile des femmes qui sont soumises en toute impunité à des viols systématiques, à l’esclavage sexuel et à d’autres formes de violence sexuelle. S’il reconnaît que des violations des droits de l’homme sont encore fréquemment signalées dans le pays, il relève qu’elles se produisent surtout dans des régions non contrôlées par les autorités, principalement dans l’est du pays, notamment les provinces du Nord-Kivu et du Sud-Kivu, le district d’Iruru dans la province Orientale et au nord de la province du Katanga. Il fait valoir en outre que les circonstances mentionnées plus haut ne suffisent pas en elles-mêmes à établir que le retour forcé de la requérante constituerait une violation de l’article 3 de la Convention. La requérante n’est pas originaire de l’une des régions dans lesquelles le Tribunal des migrations a estimé qu’il existait toujours un conflit armé interne ou de graves troubles, et ne serait pas obligée de retourner dans l’une d’entre elles. En outre, l’analyse linguistique a montré que la requérante était liée d’une manière ou d’une autre à Kinshasa. En conséquence, l’État partie estime qu’une expulsion forcée de la requérante ne constituerait une violation de l’article 3 que si l’intéressée pouvait prouver qu’elle risquait personnellement d’être soumise à un traitement contraire à cet article.

4.14L’État partie fait valoir, en se référant à la jurisprudence du Comité, qu’aux fins de l’application de l’article 3 de la Convention, l’intéressée doit courir un risque prévisible, réel et personnel d’être torturée dans le pays où elle doit être expulsée. Il rappelle aussi que, conformément à l’Observation générale no1 du Comité, c’est au requérant qu’il incombe de présenter des arguments défendables, c’est-à-dire de réunir et de présenter des éléments de preuve corroborant son récit des événements. L’État partie indique en outre que, lorsqu’elles examinent une demande d’asile au titre de la loi relative aux étrangers, les services suédois de l’immigration appliquent le même type de critères que ceux qu’applique le Comité lorsqu’il examine une requête en vertu de la Convention. Il fait observer que les services qui procèdent à des entretiens aux fins de l’asile sont très bien placés pour apprécier les renseignements fournis par un demandeur d’asile et en évaluer la crédibilité. En l’espèce, le Conseil des migrations a pris sa décision après avoir eu trois entretiens avec la requérante et recueilli suffisamment de renseignements garantissant qu’il disposait d’une base solide pour déterminer si la requérante avait besoin d’une protection en Suède. En conséquence, pour ce qui est du fond de l’affaire, l’État partie se fie aux décisions prises par le Conseil des migrations et le Tribunal des migrations et aux motifs exposés dans ces décisions.

4.15L’État partie fait valoir que les explications de la requérante concernant les raisons qui l’avaient poussée à quitter la République démocratique du Congo et à demander l’asile en Suède ne sont pas crédibles et, partant, que son grief tiré de l’article3 n’est pas suffisamment étayé. Il affirme qu’aucun document n’a été produit pour prouver l’identité de la requérante. Celle-ci a déclaré au coursd’un des entretiens que personne en Suède ou en République démocratique du Congo ne pouvait confirmer son identité, argument en contradiction avec les informations fournies le 22 septembre 2006 par le conseil de la requérante qui a indiqué que les parents et les frères et sœurs de la requérante vivent toujours en République démocratique du Congo dans le village de Mushenge, dans la province du Kasaï occidental. Si tel est bien le cas, la requérante pourrait obtenir de nouveaux papiers d’identité avec l’aide de ses proches, ou du moins les joindre pour qu’ils confirment son identité − or elle n’a fait aucune démarche en ce sens. L’État partie est d’avis que le fait que la requérante n’a pas épuisé toutes les possibilités pour prouver son identité ou, au moins, tenter de le faire, nuit à la crédibilité générale de sa requête. En outre, la requérante n’a fourni aucun document pour prouver son appartenance àla paroisse. Il semble pourtant trèsimprobable qu’elle ne puisse pas en obtenir car selon ses dires, elle a joué un rôle actif dans la paroisse et les membres de celle-ci ont organisé son évasion de prison et financé son voyage en Suède.

4.16En ce qui concerne les messages électroniques échangés entre le conseil de la requérante et l’ambassade de Suède à Kinshasa, l’État partie indique que l’ambassade a confirmé qu’un homme du nom d’Albert Lukusa était le pasteur de la paroisse de la Nouvelle Cité de David à Lubumbashi, jusqu’à son décès en 2004. Il rappelle cependant que la requérante a indiqué au Conseil des migrations que le pasteur s’appelait Albert Lusaka (et non Lukusa). C’est aussi ce nom-là que le conseil de la requérante a mentionné au cours du troisième entretien et dans sa lettre du 7 septembre 2007 adressée au Tribunal des migrations. L’État partie estime peu probable qu’une personne ayant travaillé en étroite collaboration avec le pasteur se trompe de nom. En outre, les déclarations de la requérante qui a affirmé avoir grandi à Mbuji-Mayi dans le centre de la République démocratique du Congo et vécu à Lubumbashi dans le sud du pays avant de se rendre en Suède contredisent les résultats de l’analyse linguistique, d’après laquelle elle a vécu à Kinshasa, c’est-à-dire dans l’ouest de la République démocratique du Congo. Pour ce qui est des rapports médicaux présentés par la requérante, indiquant qu’elle a mal au dos, montre des signes de dépression et a sollicité une aide médicale en raison des traumatismes subis dans son pays d’origine, l’État partie fait valoir que la requérante s’est contentée d’affirmer que ses problèmes de santé étaient dus aux mauvais traitements subis dans son pays. Le fait que les rapports médicaux ne contiennent qu’une description très générale des symptômes ne permet pas de déterminer la cause de ses problèmes de santé, de sorte que ces informations sont insuffisantes pour conclure que les symptômes sont dus à des mauvais traitements physiques ou à tout autre traitement contraire à l’article 3 de la Convention.

4.17En ce qui concerne les allégations de la requérante qui a dit avoir travaillé pour un pasteur fermement opposé au régime en République démocratique du Congo, l’État partie fait valoir que l’intéressée n’a pas suffisamment expliqué pourquoi les autorités s’étaient intéressées à elle après avoir, selon elle, persécuté le pasteur. Cela semble d’autant moins probable que la requérante a déclaré qu’elle n’avait pas d’activité politique. En outre, l’État partie juge improbable que le simple fait d’appartenir à une paroisse dont le pasteur est politiquement actif puisse avoir les conséquences décrites par la requérante, surtout qu’elle a dit n’avoir jamais occupé un poste important au sein de la paroisse.

4.18L’État partie affirme aussi que la requérante a d’abord passé sous silence certains faits importants concernant son évasion de prison. Lors des entretiens du 1er et du 7 mars 2006, elle a indiqué que les membres de sa paroisse l’avaient aidée à s’évader en achetant des gardiens. Il a fallu attendre la lettre écrite par son conseil pour apprendre qu’elle avait reçu de l’aide d’une connaissance qui n’appartenait pas à la paroisse. Le fait que la requérante n’ait pas fourni ces renseignements essentiels lors des premiers entretiens nuit à la crédibilité de ses allégations. L’État partie affirme en outre que la description faite par la requérante de son évasion est vague et improbable. L’intéressée n’a pas expliqué pourquoi une de ses connaissances l’avait aidée à s’évader ni comment l’homme en question avait appris que la requérante était emprisonnée et dans quel établissement. De même, elle n’a donné aucune information concernant l’identité de l’autre homme qui l’attendait dans le véhicule utilisé pour son évasion. L’État partie juge aussi douteux que la requérante ne connaisse pas le nom de la prison où elle aurait été détenue pendant plusieurs mois.

4.19L’État partie conteste le récit que fait l’auteur de la façon dont elle a quitté la République démocratique du Congo, le jugeant peu probable compte tenu des mesures de contrôle appliquées à l’aéroport de Kinshasa. Il juge aussi improbable que la requérante ait été aidée par une religieuse dont l’identité n’est pas connue et qui ne parlait pas la même langue qu’elle, et que cette religieuse ait été en possession de tous les titres de voyage nécessaires.

4.20Pour ce qui est de l’allégation de la requérante qui prétend ignorer où se trouve sa famille, l’État partie note que l’intéressée a fait peu d’efforts pour retrouver les siens. Le conseil de la requérante a indiqué que celle-ci avait pris contact avec la Croix-Rouge mais n’avait pas pu se présenter au rendez-vous fixé en raison de problèmes de santé. L’État partie relève cependant que le rapport médical présenté par la requérante n’indique pas que son état de santé l’empêche de se déplacer ou de prendre part à des réunions. Le fait qu’un groupe de la Croix-Rouge aidait la requérante à retrouver sa famille a été confirmé dans une lettre d’un psychothérapeute de la Croix-Rouge, qui est la seule indication que la requérante ait tenté de retrouver sa famille, alors qu’elle vit en Suède depuis plus de deux ans. En outre, elle ne fait que supposer que son domicile a été mis à sac. On ne peut donc pas exclure que son compagnon et ses enfants puissent être retrouvés aujourd’hui en République démocratique du Congo. Rien n’indique que les autorités de la République démocratique du Congo aient tenté de retrouver la requérante au domicile de ses parents à Mushenge. La requérante n’a pas prouvé qu’elle n’a pas de réseau social en République démocratique du Congo, comme elle l’affirme. Même si elle ne parvient effectivement pas à retrouver son compagnon et ses enfants, elle peut toujours retourner en République démocratique du Congo et s’installer à Mushenge.

4.21L’État partie fait en outre valoir que, même s’il faut tenir compte des faits survenus par le passé aux fins de l’application de l’article 3 de la Convention, l’élément déterminant est de savoir s’il existe des motifs sérieux de croire que la requérante risque d’être soumise à un traitement contraire à la Convention à son retour dans son pays. À cet égard, l’État partie rappelle que, selon ses propres lettres, la requérante n’a été condamnée pour aucune infraction en République démocratique du Congo. Il est donc improbable qu’elle intéresse encore les autorités à son retour en République démocratique du Congo, étant donné qu’elle a quitté le pays en 2006.

4.22En conclusion, l’État partie affirme que les éléments de preuve et les circonstances invoqués par la requérante ne suffisent pas à montrer que le risque présumé de torture est prévisible, réel et personnel, et qu’en conséquence son expulsion ne constituerait pas une violation de l’article 3 de la Convention. La requérante n’ayant pas étayé ses griefs, la communication devrait être déclarée irrecevable car manifestement dénuée de fondement. Si le Comité devait considérer que la requête est recevable, l’État partie estime qu’elle ne révèle aucune violation de la Convention.

Commentaires de la requérante sur les observations de l’État partie

5.1Dans une lettre du 15 février 2010, la requérante soumet ses commentaires sur les observations de l’État partie. Elle affirme que l’existence de la paroisse de la Nouvelle Cité de David et du pasteur Albert Lukusa, aujourd’hui décédé, a été attestée par l’ambassade de Suède à Kinshasa. L’ambassade a aussi confirmé qu’en République démocratique du Congo, nul ne peut obtenir de papiers d’identité sans se présenter en personne. S’agissant de l’affirmation de l’État partie qui indique que la requête devrait être irrecevable car non étayée, l’auteur soutient qu’elle a présenté des documents écrits à l’appui de ses griefs, dont deux rapports médicaux délivrés par un psychothérapeute qui a conclu qu’elle montre des signes de dépression en raison des mauvais traitements subis dans son pays d’origine, souffre d’insomnie et est toujours affectée par les viols répétés dont elle avait été victime pendant sa détention. Le psychothérapeute a aussi indiqué que la requérante craignait pour sa vie si elle était expulsée en République démocratique du Congo et avait commencé à boire beaucoup d’alcool pour apaiser son angoisse. La requérante affirme que ses griefs sont fondés sur des éléments de preuve écrits et sur les informations d’ordre général concernant la situation des droits de l’homme en République démocratique du Congo, et rappelle les renseignements fournis par l’État partie sur les violations des droits de l’homme actuellement commises en République démocratique du Congo. Elle affirme qu’il existe un risque de torture si elle est renvoyée en République démocratique du Congo, qui est fondé sur des éléments qui ne se limitent pas à de simples supputations ou soupçons. Ce risque doit être considéré comme hautement probable, étant donné qu’elle a déjà été emprisonnée et soumise à la torture et à d’autres formes de mauvais traitements. Elle note en outre que pour établir une violation de l’article3 de la Convention, la charge de la preuve incombe d’abord à l’auteur de la requête, mais elle rappelle que si l’auteur a fourni un certain nombre de détails et de renseignements, il peut y avoir renversement de la charge de la preuve, qui incombe alors à l’État partie. Elle a été torturée par des personnes agissant à titre officiel en raison de ses convictions religieuses et politiques et parce que le pasteur avec lequel elle travaillait critiquait ouvertement les autorités et le régime.

5.2La requérante conteste l’affirmation de l’État partie qui prétend que les services de l’immigration, lorsqu’ils examinent une demande d’asile en vertu de la loi relative aux étrangers, appliquent les mêmes critères que le Comité, et affirme que ces services se fondent sur la procédure de détermination du statut de réfugié prévue par la Convention relative aux réfugiés, et non sur la Convention sur la torture.

5.3En ce qui concerne la remise en cause par l’État partie de sa crédibilité et le fait qu’aucun document n’a été fourni pour prouver son identité, la requérante fait valoir qu’en vertu de l’article 196 du Guide des procédures et critères à appliquer pour déterminer le statut de réfugié au regard de la Convention de 1951 et du Protocole de 1967 relatifs au statut des réfugiés (ci-après le Guide du HCR), les cas où le demandeur peut fournir des preuves à l’appui de toutes ses déclarations sont l’exception bien plus que la règle. Dans la plupart des cas, une personne qui fuit la persécution arrive très souvent dans un autre pays sans papiers personnels, c’est-à-dire sans carte d’identité. L’auteur indique qu’elle n’a jamais eu de passeport et que les forces de sécurité ont très probablement pris sa carte d’identité lorsqu’elles l’ont arrêtée. Elle se réfère aux résultats de l’analyse linguistique, selon lesquels sa langue maternelle est le tchilouba et sa connaissance du français est celle des personnes les moins instruites en République démocratique du Congo. Il est donc probable qu’elle soit originaire de la région dont elle dit provenir. Elle rappelle aussi qu’une personne qui ne se trouve pas en République démocratique du Congo ne peut obtenir de papiers d’identité sans se présenter en personne, comme l’a confirmé l’ambassade de Suède à Kinshasa. Elle affirme qu’elle n’a pas pu entrer en contact avec sa famille bien qu’elle ait tenté, en vain, de la retrouver avec l’aide de la Croix-Rouge.

5.4En ce qui concerne l’erreur sur le nom du pasteur, la requérante affirme qu’elle est due au conseil et à l’interprète. Elle explique aussi que ses rapports médicaux ont été établis par un psychothérapeute qui l’a suivie pendant plus de six mois et qu’ils corroborent ses affirmations indiquant qu’elle a été emprisonnée et soumise à la torture et à des mauvais traitements. L’auteur fait en outre observer que si elle ne se considère pas comme ayant des activités politiques, elle a des craintes fondées d’être persécutée en raison de ses convictions religieuses et politiques et des critiques du pasteur à l’égard du régime. Pour ce qui est des détails de son évasion, l’auteur maintient qu’elle a été aidée par des personnes de sa paroisse, notamment Douglas M., qu’elle avait connu par l’intermédiaire de cette paroisse et des amis qu’elle y avait.

5.5La requérante affirme que si elle n’a commis aucun acte criminel, elle a critiqué le régime et a été emprisonnée et soumise à la torture pour cela. À son retour en République démocratique du Congo, elle sera punie et de nouveau emprisonnée en raison de ses convictions religieuses et politiques et de son évasion. Elle affirme que son retour en République démocratique du Congo constituerait une violation par la Suède de l’article 3 de la Convention.

Observations complémentaires de l’État partie

6.1Dans une lettre datée du 23 avril 2010, l’État partie réfute l’argument de l’auteur qui prétend que, lorsqu’ils examinent si une expulsion est contraire à l’article 3 de la Convention, les services de l’immigration se fondent sur les mêmes critères que ceux utilisés dans le cadre de la procédure de détermination du statut de réfugié, et fait observer que l’examen réalisé au titre de la loi relative aux étrangers est le même que celui effectué au titre de l’article 3 de la Convention, et va même plus loin en ce sens que l’étranger est aussi protégé contre toute expulsion vers un pays où il risquerait la peine de mort ou une peine ou un traitement inhumain, ce que ne prévoit pas l’interdiction de non-refoulement consacrée par l’article 3 de la Convention.

6.2S’agissant de l’affirmation de la requérante qui dit avoir produit des documents écrits à l’appui de ses griefs, l’État partie rappelle que la requérante n’a fourni aucun document attestant de sa soi-disant appartenance à la paroisse. En outre, les rapports médicaux n’établissent pas la cause présumée de ses problèmes de santé, à savoir qu’ils seraient dus aux mauvais traitements subis en République démocratique du Congo. En conséquence, aucune conclusion concernant la cause de ses problèmes de santé ne peut être tirée de ces rapports médicaux.

6.3L’argument de la requérante qui affirme qu’elle ne peut pas produire un document prouvant son identité car sa carte d’identité a été confisquée par les forces de sécurité de la République démocratique du Congo relève de la spéculation car il est fondé uniquement sur des hypothèses avancées par la requérante. Celle-ci n’a pris aucune initiative pour prouver son identité et fait peu d’efforts pour entrer en contact avec sa famille. Elle n’a pas non plus fourni d’élément montrant que, comme elle l’affirme, les contacts avec la Croix-Rouge n’avaient donné aucun résultat. Tous ces faits nuisent à la crédibilité de sa requête.

6.4L’État partie rappelle que la requérante a modifié plusieurs fois l’orthographe du nom du pasteur. Au départ, elle a indiqué qu’il s’appelait Albert Lusaka. Dans une lettre ultérieure, le conseil parlait d’Albert Lukusa. Toutefois, lors du troisième entretien, le conseil a indiqué au Conseil des migrations que le nom du pasteur avait été mal orthographié et qu’il s’appelait en fait Albert Lusaka, comme l’avait signalé au départ la requérante. L’ambassade de Suède à Kinshasa a précisé que le nom du pasteur était Lukusa, alors que dans son message électronique à l’ambassade, le conseil parlait du pasteur Lusaka. Compte tenu de ces incohérences, l’État partie juge légitime de remettre en question la véracité des allégations de la requérante lorsqu’elle affirme avoir travaillé avec le pasteur. Il conclut que le retour de la requérante en République démocratique du Congo ne constituerait pas une violation de l’article 3 de la Convention.

Observations supplémentaires de la requérante

7.1Dans une lettre datée du 9 juin 2010, l’auteur insiste sur le fait que, selon elle, l’examen réalisé par les services de l’immigration diffère de celui effectué par le Comité en vertu de l’article 3 de la Convention. Elle affirme aussi qu’elle a fait tout ce qui était en son pouvoir pour prendre contact avec sa famille, mais en vain.

7.2S’agissant de l’argument de l’État partie qui fait valoir qu’elle n’a fourni aucun élément de preuve provenant de son pays d’origine, la requérante, faisant référence au paragraphe 196 du Guide du HCR, rappelle qu’elle a été emprisonnée et qu’après s’être évadée, elle a quitté illégalement la République démocratique du Congo en toute hâte. Elle est arrivée en Suède avec le minimum nécessaire et sans documents personnels.

7.3Pour ce qui est de l’erreur sur le nom du pasteur, la requérante réaffirme que, comme elle l’a expliqué, il s’agissait simplement d’une erreur commise par son conseil et l’interprète. Elle soutient de nouveau que son retour en République démocratique du Congo constituerait une violation de l’article 3 de la Convention.

Réponses complémentaires des parties

8.1Dans une lettre du 17 août 2010, l’État partie réfute l’argument de la requérante qui affirme n’avoir ménagé aucun effort pour prendre contact avec sa famille en République démocratique du Congo. Il fait observer que toutes les tentatives visant à retrouver des personnes par l’intermédiaire de la Croix-Rouge sont enregistrées, même si elles n’aboutissent pas. Or, la requérante n’a fourni aucun élément montrant les résultats de ses prétendues tentatives visant à entrer en contact avec sa famille ou à la localiser. Rien, à l’exception de vagues allégations contenues dans sa dernière lettre, ne suggère qu’elle a fait autre chose pour retrouver sa famille que s’adresser à la Croix-Rouge. En conséquence, l’État partie soutient qu’elle n’a pas apporté d’éléments montrant que, comme elle l’affirme, les membres de sa famille ont disparu, qu’elle ne dispose pas d’un réseau social en République démocratique du Congo ou qu’elle ne pourrait pas se réinstaller à Mushenge, où ses parents vivent, à son retour en République démocratique du Congo. Il réaffirme que les éléments de preuve et les circonstances invoqués par la requérante ne suffisent pas pour établir que l’intéressée court un risque prévisible, réel et personnel d’être torturée et que, par conséquent, son retour en République démocratique du Congo ne constituerait pas une violation de l’article 3 de la Convention.

8.2Dans une lettre du 2 septembre 2010, la requérante maintient que ses efforts pour localiser sa famille n’ont donné aucun résultat. D’après elle, elle a fourni des preuves écrites établissant qu’elle court un risque prévisible, réel et personnel d’être torturée. Le 16 septembre 2010, elle a transmis deux rapports de l’ONU qui contenaient des informations crédibles montrant que la situation des droits de l’homme en République démocratique du Congo était extrêmement préoccupante, ainsi qu’une copie de la décision du Comité concernant la communication no 322/2007. Le 4 octobre 2010, la requérante a fourni des renseignements sur le sort d’autres personnes qui ont le même profil ou ont été dans la même situation qu’elle. Elle fait valoir qu’en 2002, un prêtre catholique a été arrêté pour avoir critiqué le régime et n’a été remis en liberté que parce que le cardinal Etshou avait menacé le régime d’organiser une manifestation de grande envergure. Le cardinal est décédé quelques semaines plus tard à Bruxelles, probablement après avoir été empoisonné. Un autre pasteur de Katanga, Theodore Ngoy, a dû fuir le pays et se réfugier au Canada. Le pasteur Kotino Fernando, qui travaillait à Kinshasa, a été condamné à mort puis a vu sa peine commuée en vingt ans d’emprisonnement. En conséquence, la requérante maintient qu’elle serait arrêtée à son retour et serait persécutée et torturée en raison de ses activités politiques et religieuses passées en République démocratique du Congo.

Délibérations du Comité

Examen de la recevabilité

9.1Avant d’examiner une plainte soumise dans une requête, le Comité contre la torture doit déterminer si la requête est recevable en vertu de l’article 22 de la Convention. Il s’est assuré, comme il est tenu de le faire conformément au paragraphe 5 a) de l’article 22 de la Convention, que la même question n’a pas été et n’est pas actuellement examinée par une autre instance internationale d’enquête ou de règlement.

9.2Conformément à l’alinéa b du paragraphe 5 de l’article 22 de la Convention, le Comité n’examine aucune communication sans s’être assuré que le requérant a épuisé tous les recours internes disponibles. Il note que l’État partie a reconnu en l’espèce que les recours internes ont été épuisés et conclut par conséquent que la requérante a satisfait aux prescriptions du paragraphe 5 b) de l’article 22 de la Convention.

9.3L’État partie fait valoir que la communication est irrecevable au titre du paragraphe 2 de l’article 22 de la Convention au motif que la requérante n’apporte pas le minimum d’éléments de preuve requis aux fins de la recevabilité. Le Comité considère que les arguments qui lui ont été présentés soulèvent des questions qui devraient être examinées quant au fond et pas seulement sur le plan de la recevabilité.

9.4En conséquence, le Comité déclare la communication recevable et procède à son examen quant au fond.

Examen au fond

10.1Le Comité a examiné la communication en tenant compte de toutes les informations qui lui ont été soumises par les parties intéressées conformément au paragraphe 4 de l’article 22 de la Convention.

10.2Le Comité doit déterminer si le renvoi de la requérante en République démocratique du Congo violerait l’obligation qu’a l’État partie, en vertu de l’article 3 de la Convention, de ne pas expulser ou refouler une personne vers un autre État où il y a des motifs sérieux de croire qu’elle risque d’être soumise à la torture.

10.3Pour déterminer s’il existe des motifs sérieux de croire que la requérante risque d’être soumise à la torture à son retour dans le pays, le Comité doit tenir compte de tous les éléments, y compris l’existence d’un ensemble de violations systématiques des droits de l’homme, graves, flagrantes ou massives en République démocratique du Congo. L’objectif de cette analyse est de déterminer si l’intéressée risque personnellement d’être soumise à la torture dans le pays où elle serait renvoyée. Dès lors, l’existence d’un ensemble de violations systématiques des droits de l’homme, graves, flagrantes ou massives dans un pays ne constitue pas en soi un motif suffisant pour conclure que la personne risque d’être soumise à la torture à son retour dans ce pays. Il doit exister des motifs supplémentaires de penser qu’elle serait personnellement en danger. À l’inverse, l’absence d’un ensemble de violations flagrantes et systématiques des droits de l’homme ne signifie pas qu’une personne ne peut pas être considérée comme risquant d’être soumise à la torture dans la situation particulière qui est la sienne.

10.4Le Comité rappelle son Observation générale no 1 relative à l’article 3, dans laquelle il indique qu’il est tenu de déterminer s’il y a des motifs sérieux de croire que le requérant risque d’être soumis à la torture s’il est expulsé, refoulé ou extradé, et que l’existence d’un tel risque doit être appréciée selon des éléments qui ne se limitent pas à de simples supputations ou soupçons. En tout état de cause, il n’est pas nécessaire de montrer que le risque encouru est hautement probable. Le risque doit néanmoins être prévisible, réel et personnel, ainsi qu’actuel comme l’a confirmé le Comité dans ses précédentes décisions. Le Comité rappelle que s’il accorde un poids considérable aux constatations de fait des organes de l’État partie intéressé, il est habilité à apprécier librement les faits en se fondant sur l’ensemble des circonstances de chaque affaire.

10.5Le Comité note que l’État partie a mis en doute la crédibilité de la requérante, notamment ses affirmations concernant sa participation à des activités politiques dans sa paroisse, et a considéré que son récit des événements n’était pas plausible. Par ailleurs, il note que l’auteur affirme avoir été emprisonnée, torturée et violée par le passé, et constate que ses allégations sont corroborées par les rapports médicaux fournis.

10.6Le Comité fait observer que, d’après le deuxième rapport conjoint de sept experts des Nations Unies sur la situation en République démocratique du Congo (2010) et le rapport de la Haut-Commissaire des Nations Unies sur la situation des droits de l’homme et les activités du Haut-Commissariat en République démocratique du Congo (2010)sur la situation générale des droits de l’homme en République démocratique du Congo, de graves violations des droits de l’homme, en particulier des actes de violence contre les femmes, des viols et des viols collectifs commis par des membres des forces armées, des groupes rebelles et des civils, ont continué de se produire dans tout le pays et pas seulement dans les régions touchées par le conflit armé. En outre, dans un rapport récent, la Haut-Commissaire des Nations Unies a souligné que la violence sexuelle en République démocratique du Congo reste un problème profondément préoccupant, en particulier dans les régions touchées par le conflit, et que malgré les efforts faits par les autorités pour le combattre, ce phénomène reste généralisé et touche en particulier des milliers de femmes et d’enfants. Le Comité note également que dans son rapport du 17 janvier 2011, le Secrétaire général, même s’il a reconnu un certain nombre de faits nouveaux positifs en République démocratique du Congo, s’est dit préoccupé par les niveaux élevés d’insécurité, de violence et de violations des droits de l’homme auxquels la population doit faire face.

10.7En conséquence, à la lumière des informations susmentionnées, le Comité considère que la situation des droits de l’homme précaire en République démocratique du Congo, dont témoignent des rapports récents de l’ONU, fait qu’il lui est impossible de distinguer des zones particulières du pays qui pourraient être considérées comme sûres pour la requérante au regard de sa situation actuelle et potentielle.

10.8C’est pourquoi le Comité, après avoir tenu compte de tous les éléments pertinents aux fins de son examen en vertu de l’article 3 de la Convention, et considérant que le récit de la requérante est conforme à ce qu’il sait de la situation actuelle des droits de l’homme en République démocratique du Congo, estime qu’en l’espèce, il y a de sérieux motifs de croire que la requérante risque d’être soumise à la torture si elle est renvoyée en République démocratique du Congo.

11.Le Comité contre la torture, agissant en vertu du paragraphe 7 de l’article 22 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, conclut que le renvoi de la requérante en République démocratique du Congo constituerait une violation de l’article 3 de la Convention.

12.Conformément au paragraphe 5 de l’article 118 (anciennement art. 112) de son règlement intérieur (CAT/C/3/Rev.5), le Comité invite l’État partie à l’informer, dans un délai de quatre-vingt-dix jours à compter de la date de la présente décision, des mesures qu’il aura prises en réponse à la présente décision.

Communication no 419/2010: Ktiti c. Maroc

Présentée par:

Yousri Ktiti (représenté par l’Action des chrétiens pour l’abolition de la torture − ACAT France)

Au nom de:

Son frère, Djamel Ktiti

État partie:

Maroc

Date de la requête:

14 avril 2010 (lettre initiale)

Le Comité contre la torture, institué en vertu de l’article 17 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,

Réuni le 26 mai 2011,

Ayant achevé l’examen de la requête no 419/2010, présentée par Yousri Ktiti, au nom de son frère Djamel Ktiti en vertu de l’article 22 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,

Ayant tenu compte de toutes les informations qui lui ont été communiquées par le requérant, son conseil et l’État partie,

Adopte ce qui suit:

Décision au titre du paragraphe 7 de l’article 22 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumainsou dégradants

1.1Le requérant est Yousri Ktiti, de nationalité française, né le 17 décembre 1982. Il présente la communication au nom de son frère, Djamel Ktiti, de nationalité française, né le 29 juin 1974, et actuellement détenu à la prison civile de Salé à Rabat en attente de son extradition vers l’Algérie. Le requérant allègue que le renvoi de son frère vers l’Algérie par le Maroc serait en violation de ses obligations sous l’article 3 de la Convention. Il est représenté par l’Action des chrétiens pour l’abolition de la torture − ACAT France.

1.2Conformément au paragraphe 3 de l’article 22 de la Convention, le Comité a porté la communication à l’attention de l’État partie le 19 avril 2010. Parallèlement, en application du paragraphe 1 de l’article 108 de son règlement intérieur (CAT/C/3/Rev.4), le Comité a prié l’État partie de ne pas procéder à l’expulsion du frère du requérant vers l’Algérie tant que sa requête serait à l’examen.

Rappel des faits exposés par le requérant

2.1Le frère du requérant, Djamel Ktiti, a été arrêté le 14 août 2009 au port de Tanger, au Maroc, par la police marocaine, suite à la demande de l’Organisation internationale de police criminelle (Interpol), en application d’un mandat d’arrêt international lancé par la justice algérienne le 19 avril 2009. Ce mandat d’arrêt a été émis du fait qu’un dénommé M. K., arrêté le 7 août 2008 en Algérie en possession de résine de cannabis, a, pendant ses interrogatoires, cité le nom de Djamel Ktiti. Selon le frère de M. K., qui lui aurait rendu visite en prison, ce dernier aurait subi des tortures et des mauvais traitements pendant sa garde à vue, dans le but de lui faire avouer le crime dont il était accusé, et d’obtenir le nom d’éventuels complices impliqués dans un trafic de cannabis entre l’Algérie et la France, où M. K. a sa résidence principale. Ce dernier aurait alors donné, entre autres, le nom de Djamel Ktiti, qui habite dans le même quartier que lui à Saint-Étienne (France).

2.2Selon le témoignage recueilli auprès de sa famille, M. K. a été passé à tabac à la douane algérienne, puis séquestré pendant deux jours, nu dans un cachot. Il y a été torturé: ses tortionnaires l’ont frappé à la tête et sur le reste du corps. Il a été électrocuté. On l’a attaché sur une chaise, on lui a coupé la respiration, et on a tenté de le noyer en lui versant de l’eau dans la bouche, puis on l’a sodomisé avec une bouteille. Toujours selon sa famille, lorsque celle-ci lui a rendu visite en prison, M. K. avait un œil au beurre noir, l’arcade sourcilière et les lèvres sectionnées, et des hématomes sur tout le corps (bras, jambes, dos). L’objectif du recours à la torture était de lui faire avouer les faits qui lui étaient reprochés, et les noms de ses complices. Lors d’un entretien téléphonique avec l’Action des chrétiens pour l’abolition de la torture (ACAT) en avril 2010, la famille de M. K. a confirmé une nouvelle fois que ce dernier avait été sauvagement torturé après son arrestation, mais n’a pas souhaité le mettre par écrit, par crainte de représailles contre lui par les autorités algériennes, puisqu’il n’a pas encore été jugé.

2.3Suite à son arrestation, Djamel Ktiti a été placé en garde à vue jusqu’au 15 août 2009, puis déféré devant le Procureur du Roi près le tribunal de première instance de Tanger, qui l’a informé du motif de son arrestation, à savoir la publication, par l’Algérie, d’un mandat d’arrêt international. Le Procureur a ensuite ordonné sa détention provisoire à la prison de Tanger, en attendant son transfert à la prison de Salé, où Djamel Ktiti reste détenu. Le 7 octobre 2009, la Cour suprême marocaine a rendu l’arrêt no 913/1, autorisant l’extradition de Djamel Ktiti vers l’Algérie. Le 14 janvier 2010, ses avocats ont déposé un recours en révision devant cette même instance, arguant de l’irrégularité du mandat d’arrêt, notamment en raison de nombreuses erreurs concernant l’état civil de Djamel Ktiti. Le 7 avril 2010, la Cour suprême a rejeté la demande de révision de l’arrêt d’extradition.

2.4 D’après des informations recueillies par le consulat de France en Algérie auprès du Ministère de la justice algérien, malgré l’arrestation de Djamel Ktiti et l’accord donné par le Maroc pour l’extrader vers l’Algérie, le Tribunal de Constantine aurait procédé à son jugement par contumace le 28 janvier 2010. Il aurait été condamné à la réclusion criminelle à perpétuité. Malgré la demande formulée par le consulat de France à Alger, les autorités algériennes refusent de communiquer une copie du jugement, au motif qu’un jugement par contumace ne peut être délivré qu’au condamné en personne.

2.5La famille de Djamel Ktiti a effectué de nombreuses démarches auprès des autorités marocaines et françaises. En France, la famille a écrit aux Ministère de la justice, au Ministère des affaires étrangères, au Président de la République, au consulat et à l’ambassade de France à Rabat. La famille a également écrit au Roi du Maroc et à son Ministre de la justice. Seul le Ministre de la justice français a répondu à la famille, les invitant à écrire aux autorités consulaires françaises, lesquelles ont informé la famille qu’une intervention auprès des autorités marocaines et algériennes serait ressentie comme une ingérence dans la souveraineté des deux pays, et comme une atteinte à l’indépendance de leurs juridictions. La Fédération internationale des Ligues des droits de l’homme (FIDH) a remis une attestation à la famille, et l’ACAT a envoyé un courrier au Président de la Cour suprême marocaine, l’alertant des risques de torture encourus en cas de renvoi vers l’Algérie.

Teneur de la plainte

3.1Le requérant allègue que Djamel Ktiti, a été présenté par M. K. et les autres personnes arrêtées dans cette affaire comme le chef du réseau de trafic de drogue démantelé par la police algérienne. Il soutient donc qu’à ce titre son frère risque de subir des tortures similaires, voire pires que celles qui ont été infligées à M. K., en violation de l’article 3 de la Convention.

3.2Le requérant se réfère aux dernières observations finales relatives à l’examen du rapport périodique de l’Algérie, dans lesquelles le Comité s’est dit «préoccupé par le nombre et la gravité des allégations parvenues jusqu’à lui de cas de torture et de mauvais traitements infligés à des détenus par des agents des forces de l’ordre». Il ajoute que la torture et les mauvais traitements infligés à M. K. suite à son arrestation illustrent le bien-fondé de cette préoccupation, et réitère que F. K., le frère de M. K., a lui-même pu constater les traces de torture et de mauvais traitements infligés à son frère, lorsqu’il est allé lui rendre visite en prison.

3.3Le requérant soutient en outre que tous les recours internes ont été épuisés au Maroc, la Cour suprême ayant rejeté la demande de révision de l’arrêt d’extradition le 7 avril 2010.

Observations de l’État partie sur la recevabilité et sur le fond

4.1Le 8 septembre 2010, l’État partie a présenté ses observations sur la recevabilité et sur le fond de la requête. Après avoir exposé les faits en litige, l’État partie souligne que la mise en détention de Djamel Ktiti le 14 août 2009 par les autorités judiciaires marocaines fait suite au mandat d’arrêt international émis le 19 avril 2009 par les autorités judiciaires algériennes pour les faits de constitution de bande criminelle organisée en vue de l’exportation illicite de stupéfiants, et qui a été diffusé par Interpol dans les différentes centrales de police du pays, dont celles de Rabat. Le 7 septembre 2008, les services de douane et de police des frontières algériens ont, après avoir fouillé une voiture conduite par le dénommé M. K., trouvé 110 kilogrammes de drogue soigneusement dissimulés dans le coffre du véhicule qui embarquait pour Marseille. Interrogé, le dénommé M. K. a déclaré que l’opération avait été planifiée à Saint-Étienne par les dénommés Djamel Ktiti et B. Z., qui avaient quitté l’Algérie un jour avant son arrestation. M. K. a également fait savoir que d’autres opérations avaient été exécutées précédemment.

4.2L’État partie note que, conformément à l’Accord d’entraide judiciaire qu’il a conclu le 15 mars 1963 avec l’Algérie, et en réponse à la demande officielle d’extradition de Djamel Ktiti présentée par les autorités algériennes, ce dernier a été présenté à la Chambre criminelle de la Cour suprême marocaine le 20 septembre 2009. Durant l’audience, Djamel Ktiti était assisté par un avocat qui a pu présenter un mémoire écrit, étayé par une plaidoirie orale. Durant toute la procédure d’examen de sa cause devant la Cour suprême, Djamel Ktiti a bénéficié de la totalité des garanties prévues dans le Code de procédure pénale. Le 7 octobre 2009, la Chambre criminelle de la Cour suprême a émis l’arrêt no 913/1, par lequel elle a autorisé l’extradition de Djamel Ktiti vers l’Algérie, après s’être assurée que la demande remplissait, sur le fond et la forme, toutes les conditions fixées par l’Accord d’entraide judiciaire précité, et par le Code de procédure pénale marocain. Dans l’exercice de son droit à une défense, Djamel Ktiti a présenté le 8 février 2010, par l’entremise de son avocat, une demande de révision de l’arrêt d’extradition. Cette demande a été rejetée le 7 avril 2010 par la Chambre criminelle de la Cour suprême (dans son arrêt no 1/366), après que la Cour se soit assurée que la décision contestée était dûment justifiée, et n’avait enfreint aucun texte législatif applicable en la matière.

Commentaires du requérant sur les observations de l’État partie

5.1Le 14 novembre 2010, le requérant note que l’État partie, dans ses observations, ne se prononce pas sur les deux points essentiels de la requête, à savoir la demande de sursis à l’extradition (mesures provisoires requises par le Comité en vertu de l’article 108, par. 1, de son règlement intérieur, CAT/C/3/Rev.4), et sur les risques de torture encourus au cas où l’État partie extraderait son frère vers l’Algérie.

5.2Le requérant souligne qu’à de nombreuses reprises depuis la soumission de sa communication devant le Comité, il a, par l’entremise de son conseil, adressé de multiples correspondances aux autorités marocaines, notamment au Roi du Maroc, au Premier Ministre, au Ministre de la justice, au Ministre des affaires étrangères, au Directeur de Cabinet du Ministre de la Justice, au Secrétaire général du Ministre de la justice, ainsi qu’à la Direction des affaires pénales et des grâces, afin de solliciter leur confirmation de leur intention de surseoir à l’extradition de son frère. Il n’a reçu aucune réponse à ces demandes.

5.3Le requérant affirme en outre que son frère est toujours détenu à la prison de Salé, à Rabat, et observe que les autorités marocaines semblent avoir décidé de surseoir à son extradition, de facto. Il ajoute que dans un courrier adressé à l’ACAT-France le 23 août 2010, la Conseillère aux affaires juridiques et judiciaires internationales du Cabinet du Ministère des affaires étrangères français affirmait que son Ministère avait été informé par les autorités marocaines de leur intention d’attendre la décision du Comité sur le fond avant d’extrader Djamel Ktiti.

5.4Réitérant le fait que Djamel Ktiti encourt un risque sérieux d’être soumis à la torture en cas d’extradition vers l’Algérie, le requérant réaffirme que l’État partie a omis de se prononcer à ce sujet.

Observations supplémentaires du requérant

6.1Le 14 novembre 2010, le requérant sollicite de la part du Comité un traitement prioritaire de sa communication, réitérant le fait que les autorités marocaines semblent avoir tacitement accepté de surseoir à l’extradition de Djamel Ktiti, et ce jusqu’à l’adoption par le Comité d’une décision sur le fond. Or, Djamel Ktiti est en détention depuis le 14 août 2009, soit depuis plus de quinze mois. Son maintien en détention, sans aucune charge, est intrinsèquement lié à la procédure en cours devant le Comité.

6.2Le requérant souligne en outre que toutes les demandes de libération provisoire présentées par ses avocats ont été rejetées, ou n’ont simplement pas été examinées. Les personnes contactées par ses avocats et par l’ACAT-France au sein du Département des affaires pénales et des grâces du Ministère de la justice marocain disent aujourd’hui ne pas être en mesure d’examiner une demande de libération provisoire, dès lors que l’extradition a été autorisée par la Chambre criminelle de la Cour suprême marocaine dans sa décision du 7 avril 2010.

Délibérations du Comité

Examen de la recevabilité

7.1Avant d’examiner toute plainte soumise dans une communication, le Comité contre la torture doit s’assurer qu’elle est recevable en vertu de l’article 22 de la Convention. 

7.2Le Comité s’est assuré, comme il est tenu de le faire conformément à l’alinéa a du paragraphe 5 de l’article 22, que la même question n’a pas été examinée, ni n’est en cours d’examen devant une autre instance internationale d’enquête ou de règlement.

7.3Le Comité note aussi que tous les recours internes sont épuisés conformément à l’alinéa b du paragraphe 5 de l’article 22, et que l’État partie n’a pas contesté la recevabilité de la communication.

7.4Bien que le requérant n’ait pas invoqué cette disposition, le Comité est d’avis que la communication soulève également des questions au titre de l’article 15 de la Convention.

7.5Le Comité considère donc la communication recevable en ce qu’elle soulève des questions au regard des articles 3 et 15 de la Convention, et procède à son examen sur le fond.

Examen au fond

8.1Conformément au paragraphe 4 de l’article 22 de la Convention, le Comité a examiné la présente requête en tenant compte de toutes les informations qui lui ont été communiquées par les parties.

8.2Le Comité doit déterminer si, en extradant Djamel Ktiti en Algérie, l’État partie manquerait à l’obligation qui lui est faite en vertu de l’article 3 de la Convention de ne pas expulser ou refouler un individu vers un autre État où il y a des motifs sérieux de croire qu’il risque d’être soumis à la torture.

8.3Concernant les allégations du requérant au titre de l’article 3, le Comité doit tenir compte de tous les éléments, y compris l’existence dans l’État de renvoi d’un ensemble systématique de violations graves, flagrantes ou massives des droits de l’homme. Il s’agit cependant de déterminer si Djamel Ktiti risque personnellement d’être soumis à la torture en Algérie. Dès lors, l’existence d’un ensemble de violations systématiques des droits de l’homme, graves, flagrantes ou massives dans le pays ne constitue pas en soi un motif suffisant pour établir qu’il risquerait d’y d’être soumis à la torture en cas d’extradition vers ce pays; il doit exister des motifs supplémentaires donnant à penser que l’intéressé court personnellement un risque.

8.4Le Comité rappelle son Observation générale no 1 (1997) concernant l’article 3, dans laquelle il est indiqué que, pour déterminer, comme il y est tenu, s’il y a des motifs sérieux de croire qu’un requérant risque d’être soumis à la torture s’il est expulsé, refoulé ou extradé, le Comité doit apprécier l’existence d’un tel risque selon des éléments qui ne se limitent pas à de simples supputations ou soupçons. En tout état de cause, il n’est pas nécessaire de montrer que le risque couru est hautement probable. Il doit néanmoins être encouru personnellement et actuellement. Dans de précédentes décisions, le Comité a statué que le risque de torture devait être prévisible, réel et personnel.

8.5Le Comité rappelle que lors de l’examen du troisième rapport périodique de l’Algérie, présenté en application de l’article 19 de la Convention, il s’est inquiété du nombre et de la gravité des allégations qu’il a reçues de torture et de mauvais traitements infligés à des détenus par des agents des forces de l’ordre.

8.6Par ailleurs, dans la présente affaire, le Comité a pris note des allégations du requérant, selon lesquelles M. K. avait subi des actes de torture sévères lors de sa garde à vue en Algérie qui l’ont conduit à présenter Djamel Ktiti comme le chef du réseau de trafic de drogue dans cette affaire; que sur la base de ces aveux obtenus sous la torture, le Tribunal de Constantine a condamné Djamel Ktiti par contumace à la réclusion criminelle à perpétuité mais que ce jugement n’a jamais été rendu public; que l’Algérie a alors demandé à l’État partie d’extrader le requérant vers l’Algérie en vertu d’un mandat d’arrêt international. Le Comité observe en outre que l’acte d’accusation du 7 octobre 2009 émis par la Cour d’assises de Constantine à l’encontre de M. K., Djamel Ktiti, et quatre autres coaccusés, mentionne que M. K. a affirmé avoir fait des déclarations sous la torture. L’État partie n’a contesté aucune de ces allégations et n’a pas non plus soumis dans ses observations au Comité une quelconque information sur lesdites allégations.

8.7Le Comité réaffirme que c’est aux tribunaux des États parties à la Convention qu’il appartient d’apprécier les faits et les éléments de preuve dans un cas d’espèce. Il appartient aux juridictions d’appel des États parties à la Convention d’examiner la conduite du procès, sauf s’il peut être établi que la manière dont les éléments de preuve ont été appréciés était manifestement arbitraire ou équivalait à un déni de justice. Le Comité constate en l’espèce que malgré les allégations soulevées par le requérant mettant en exergue les risques potentiellement encourus, aucune appréciation de ce risque n’a été effectuée par la Cour suprême du Maroc, qui s’est contentée de baser sa décision d’extradition sur des déclarations qui, selon les allégations du requérant, ont été obtenues sous la torture. Au vu de ces éléments qui n’ont d’ailleurs pas été réfutés par l’État partie, le Comité en déduit que l’extradition du requérant vers l’Algérie violerait l’article 3 de la Convention.

8.8En ce qui concerne l’article 15, le Comité considère que cet élément est central et étroitement lié aux questions soulevées au titre de l’article 3 de la Convention. Le Comité rappelle que la généralité des termes de cette disposition découle du caractère absolu de la prohibition de la torture et implique, par conséquent, une obligation pour tout État partie de vérifier si des déclarations faisant partie d’une procédure d’extradition pour laquelle il est compétent n’ont pas été faites sous la torture. En l’espèce, le Comité note que les déclarations de M. K. qui ont servi de fondement à la demande d’extradition auraient été obtenues sous la torture; que les séquelles de tels sévices ont été vérifiées par le frère de M. K.; et que l’acte d’accusation du 7 octobre 2009 de la Cour d’assises de Constantine à l’encontre de M. K. mentionne que M. K. a allégué avoir avoué sous la torture. Le Comité note que l’État partie ne réfute aucune de ces allégations et n’a pas non plus soumis dans ses observations au Comité une quelconque information à ce sujet. Le Comité considère que l’État partie était dans l’obligation de vérifier le contenu des allégations de l’auteur selon lesquelles les déclarations de M. K. avaient été obtenues sous la torture; qu’en ne procédant pas à de telles vérifications et en utilisant cet élément de preuve dans la procédure d’extradition l’État partie a violé ses obligations au regard de l’article 15 de la Convention. Le Comité en déduit que les éléments qui lui ont été fournis font apparaître une violation de l’article 15 de la Convention.

9.Le Comité contre la torture, agissant en vertu du paragraphe 7 de l’article 22 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, conclut que l’État partie violerait l’article 3 de la Convention si le requérant était extradé vers l’Algérie. Il conclut en outre que les faits soumis à son attention constituent une violation de l’article 15 de la Convention.

10.Le Comité invite l’État partie, conformément au paragraphe 5 de l’article 118 de son règlement intérieur (CAT/C/3/Rev.5), à l’informer, dans un délai de quatre-vingt-dix jours à compter de la date de la transmission de la présente décision, des mesures qu’il aura prises en réponse à cette décision.Notant qu’il est en détention depuis vingt et un mois, alors qu’aucune charge ne semble peser à son encontre, l’État partie est tenu de libérer Djamel Ktiti, ou de le juger si des charges étaient portées contre lui. Faisant référence à ses dernières observations finales, le Comité engage de nouveau l’État partie à revoir sa législation, de façon à intégrer une disposition interdisant que toute déclaration obtenue sous la torture soit invoquée comme un élément de preuve dans une procédure, conformément à l’article 15 de la Convention.

B.Décisions sur la recevabilité

Communication no 395/2009: H. E-M. c. Canada

Présentée par:

H. E-M. (représenté par un conseil, Marie-Hélène Giroux)

Au nom de:

H. E-M.

État partie:

Canada

Date de la requête:

17 août 2009 (date de la lettre initiale)

Le Comité contre la torture, institué en vertu de l’article 17 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,

Réuni le 23 mai 2011,

Ayant achevé l’examen de la requête no 395/2009, présentée par H. E-M. en vertu de l’article 22 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,

Ayant tenu compte de toutes les informations qui lui ont été communiquées par le requérant, son conseil et l’État partie,

Adopte ce qui suit:

Décision sur la recevabilité

1.1Le requérant est H. E-M. né en 1966, ressortissant libanais et résidant au Canada. Il soutient que son expulsion vers le Liban constituerait une violation par le Canada de l’article 3 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Il est représenté par un conseil, Marie-Hélène Giroux.

1.2Le 24 août 2009, le Comité, à la demande du requérant, et par l’intermédiaire de son Rapporteur chargé des nouvelles requêtes et des mesures provisoires, a demandé à l’État partie de ne pas expulser le requérant vers le Liban tant que sa requête serait à l’examen.

Exposé des faits

2.1Le requérant occupait un rôle important au sein du parti «Shia» au Liban, dont son frère, H. E-M., était un leader important. En 1989, dans la ville de Bouj-El-Barajnieh (sud-ouest du Liban), son frère et lui-même ont été la cible de coups de feu de la part des forces du Hezbollah. Quelques mois plus tard, des membres de l’armée syrienne se sont rendus à la maison familiale et ont menacé la famille du requérant. Suite à cela, son frère a quitté le pays et s’est installé au Canada. Le requérant a quant à lui fui la région et s’est réfugié à Beyrouth. En 1993, les tensions avec l’armée syrienne se sont intensifiées. Le frère du requérant, qui résidait au Canada, l’a alors appelé et lui a demandé de recueillir des informations sur les activités de l’armée syrienne dans Beyrouth‑Ouest. En novembre de la même année, le requérant a été arrêté par des membres de l’armée syrienne et détenu à Ramle-El-Baida (Beyrouth) pendant sept jours. Durant sa détention, le requérant a été sévèrement battu. En juillet 1994, le frère du requérant est revenu au Liban pour une visite familiale et, une semaine après son arrivée, l’arme syrienne l’a arrêté. Il a été détenu à Adra en Syrie pendant plus de deux ans. Suite à cet événement, et sachant que l’armée syrienne le recherchait également, le requérant s’est caché pendant deux ans chez une de ses sœurs dans le sud du pays. En avril 1996, le requérant a quitté le pays avec les deux enfants de son frère pour se réfugier au Canada. Le 18 décembre 1998, le Canada lui a accordé le statut de réfugié et, le 8 décembre 2000, il a obtenu le statut de résident permanent dans le pays.

2.2Le 15 novembre 2007, le requérant a été condamné à deux ans d’emprisonnement pour voies de fait graves pour avoir agressé son ex-conjointe avec un couteau. Le 13 décembre 2007, alors qu’il était en prison pour purger sa peine, le requérant a reçu une condamnation de trente jours d’emprisonnement supplémentaire pour harcèlement contre son ex-conjointe par téléphone mobile.

2.3Le 19 juin 2008, l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) a informé le requérant de son intention de demander un avis du Ministre de la citoyenneté et de l’immigration sur la question de savoir si le requérant présentait un danger pour le public au Canada au titre du paragraphe 2 a) de l’article 115 de la LIPR. Le 20 mars 2009, le Ministre a rendu un avis de danger contre le requérant. Cet avis évaluait sa propension à la violence et citait des cas de violence contre son ex-conjointe pendant leur mariage, ainsi que des allégations de menaces contre son frère en 1998 (qui n’ont pas abouti à une condamnation), et trois infractions disciplinaires commises pendant son incarcération. Selon le paragraphe 2 de l’article 33 de la Convention relative au statut de réfugié, de telles condamnations et comportements permettraient au pays d’accueil de l’exclure de la protection du statut de réfugié. S’agissant du risque de torture encouru par le requérant en cas de renvoi au Liban, l’avis note que la situation au Liban est différente de celle qui prévalait au moment de l’octroi du statut de réfugié au requérant. Le Hezbollah serait aujourd’hui la force protectrice des musulmans chiites au Liban (or le requérant est chiite) et les forces syriennes se sont retirées du Liban en 2005 et n’ont dès lors plus de contrôle sur le territoire libanais. De ce fait, selon l’avis, la balance entre le danger que le requérant représente pour le public au Canada et le risque qu’il encourrait s’il était renvoyé au Liban penche pour son renvoi au Liban et l’annulation de son statut de résident permanent.

2.4 Le 7 juillet 2009, la Cour fédérale a rejeté la demande d’autorisation et de contrôle judiciaire introduite par le requérant, et ce, parce que le dossier n’avait pas été déposé. Le 13 août 2009, le requérant a été informé que, dès le 17 août 2009, l’Agence des services frontaliers du Canada serait en mesure de procéder au renvoi. Depuis le 13 mars 2009, le requérant est maintenu en détention préventive par les services de l’immigration en attendant son expulsion.

Teneur de la plainte

3.1Le requérant soutient que son renvoi constituerait une violation par le Canada de l’article 3 de la Convention. Lui ayant octroyé le statut de réfugié en 1998, l’État partie est conscient des risques que le requérant encourrait s’il devait être expulsé vers le Liban. En tant que membre connu du parti «Shia» opposé au mouvement politique du Hezbollah, il serait exposé à la torture et à des traitements dégradants puisque les membres du parti «Shia» sont des victimes de violations systématiques, graves et flagrantes de leurs droits. Le requérant précise que le Secrétaire général des Nations Unies a souligné dans un de ses rapports que le maintien par le Hezbollah d’une capacité paramilitaire constitue un défi majeur pour le Gouvernement libanais. Les forces de sécurité au Liban sont dès lors incapables de contenir le Hezbollah et ne pourraient pas prévenir des violations contre le requérant.

3.2Le requérant remarque que la mesure de renvoi est disproportionnée au crime qu’il a commis et contredit l’évaluation d’experts selon laquelle il ne représenterait qu’un risque modéré de récidivité. Il prétend également que le crime qu’il a commis était un incident isolé commis en état d’ébriété et de dépression suite à sa rupture avec sa femme.

Observations de l’État partie sur la recevabilité et le fond

4.1Dans une note du 14 décembre 2009, l’État partie a contesté la recevabilité de la requête pour incompatibilité de la plainte avec la Convention, non-étayement et non-épuisement des voies de recours internes. Sur le fond, l’État partie réfute la violation de l’article 3 de la Convention.

4.2L’État partie rappelle que le requérant, qui a obtenu le statut de réfugié en 1998 et un titre de résidence permanente au Canada en 2000, a été reconnu coupable de voies de fait graves et condamné à une peine d’emprisonnement de deux ans en plus des vingt-cinq mois qu’il avait déjà passé en détention. En conséquence de cette condamnation, l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) a émis un rapport d’interdiction de territoire contre le requérant et a déféré son cas à la Section de l’immigration (SI) de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (CISR) pour enquête. Le 25 avril 2008, après une audition dans le cadre de laquelle l’auteur a eu l’opportunité de se faire entendre, la SI a déterminé que le requérant était effectivement interdit du territoire canadien pour cause de grande criminalité conformément à la législation interne, et a pris une mesure de renvoi contre lui. Du fait de cette mesure de renvoi, le requérant a perdu son statut de résident permanent au Canada. Il a porté appel de cette décision devant la Section d’appel de l’immigration (SAI) mais son appel a été rejeté pour défaut de compétence.

4.3 Lorsque l’ASFC a informé le requérant de son intention de demander un avis du Ministre de la citoyenneté et immigration Canada sur la question du danger que pourrait constituer le requérant vis-à-vis du public au Canada, il était précisé que le requérant pouvait soumettre dans les quinze jours des observations écrites et des preuves documentaires sur les risques encourus en cas de retour au Liban. Le requérant a refusé d’accuser réception de cette lettre. Le 8 août 2008, la conseillère du requérant a demandé à l’ASFC de lui accorder un délai supplémentaire pour formuler des observations écrites. Ce délai a été refusé puisque la demande avait déjà été transférée au Ministre. La conseillère avait néanmoins été informée qu’elle pouvait soumettre ces observations directement au Ministre. Le 11 février 2009, l’ASFC a donné au requérant une nouvelle opportunité de soumettre des observations, ce qu’il n’a pas fait. Ainsi, lorsque l’avis du Ministre a été émis le 20 mars 2009, le requérant n’avait toujours pas soumis ses observations sur le risque encouru en cas de retour au Liban. Le Ministre s’est donc basé sur les informations mises à sa disposition pour conclure à l’absence d’un risque contraire à l’article 3 de la Convention. Se fondant sur plusieurs sources documentaires, l’avis du Ministre a considéré que depuis la fin de la guerre civile au Liban en 1990, le Hezbollah ne représente pas un danger pour la population civile, particulièrement en ce qui concerne la communauté chiite. L’État partie insiste sur le fait que le cas du requérant n’est pas celui d’une personne qui est sujette au renvoi pour des raisons de criminalité malgré les dangers auxquels elle serait vraisemblablement exposée, mais bel et bien d’une personne qui, selon les vérifications des autorités canadiennes, ne court aucun risque de torture en cas de retour dans son pays d’origine.

4.4 Le 22 avril 2009, le requérant a déposé une demande d’autorisation et de contrôle judiciaire devant la Cour fédérale du Canada à l’encontre de l’avis du Ministre. Cette demande a été rejetée le 7 juillet 2009 en raison du défaut de dépôt le dossier. Le 12 août 2009, le requérant a présenté une requête en annulation de l’ordonnance du 7 juillet 2009, alléguant la négligence de ses conseillers. La Cour fédérale a rejeté cette requête le 17 août 2009 suite à une audience dans le cadre de laquelle le conseil du requérant a eu la possibilité de se faire entendre. Les motifs du rejet étaient liés au fait que la négligence des avocats ne saurait constituer un motif d’annulation d’une décision de la Cour fédérale.

4.5 L’État partie soutient que la communication du requérant devant le Comité est irrecevable en ce qu’elle est incompatible avec la Convention puisque les risques allégués par le requérant ne constituent pas la torture telle que définie par son article premier, qu’elle n’est pas suffisamment étayée, et que le requérant, par manque de diligence, n’a pas épuisé les recours internes disponibles. Sur le premier motif, l’État partie rappelle que la torture telle que définie par l’article premier de la Convention requiert que les souffrances soient infligées par un agent de la fonction publique, ou par une autre personne agissant à titre officiel ou à l’instigation ou avec le consentement d’un tel agent. Or, selon l’État partie, rien ne suggère que le requérant risque quoi que ce soit de la part des autorités libanaises. En outre, la communication ne serait pas assez étayée aux fins de la recevabilité compte tenu du fait qu’elle ne révèle aucune preuve de risque personnel. Aucun document fourni par le requérant ne permet d’identifier le «parti Shia» auquel il est fait référence. Il n’est pas non plus fait référence à la nature de la prétendue participation du requérant dans ce parti. Celui-ci n’explique pas non plus pourquoi en tant que chiite, il aurait à craindre du Hezbollah qui est lui-même un parti chiite. Aucun des documents fournis par le requérant ne fait référence à un conflit existant entre le Hezbollah et un parti nommé «Shia» ou à la persécution des chiites par le Hezbollah.

4.6 L’État partie fait valoir que pour étayer ses allégations, le requérant se fonde surtout sur le fait que le Canada lui a octroyé le statut de réfugié en 1998. Or le statut de réfugié a été octroyé au requérant sur la base d’allégations tout à fait différentes de celles avancées dans sa requête devant le Comité. En particulier, la demande d’asile soumise en 1996 ne fait aucune mention du «parti Shia» ou d’une quelconque affiliation politique du requérant. Au contraire, cette demande laisse entendre que sa famille n’était justement pas impliquée dans la politique et que c’est précisément le refus de son frère d’être impliqué qui a conduit à l’attaque par le Hezbollah. La demande suggère que le requérant n’était pas personnellement ciblé mais qu’il aurait été blessé parce qu’il se trouvait à proximité de son frère. En outre, le seul risque allégué par le requérant dans sa demande d’asile en 1996 était celui de persécution par les forces syriennes. Même si le requérant avait refusé de se joindre au Hezbollah pendant la guerre civile, rien n’indique que cela représente toujours, après plus de dix ans, un risque à sa sécurité. Même la preuve fournie par le requérant dans sa requête devant le Comité indique que le Hezbollah ne recrute pas de force et ne s’adonne pas aux représailles. Cette même preuve indique que la protection de l’État est généralement adéquate, particulièrement en dehors du sud du pays.

4.7 Rappelant la jurisprudence du Comité ainsi que son Observation générale no 1 (1997), l’État partie souligne que c’est au requérant qu’il incombe d’établir qu’à première vue sa communication est recevable au titre de l’article 22 de la Convention. En l’occurrence, l’État partie soutient que ces conditions ne sont pas remplies.

4.8 L’État partie soutient également que le requérant n’a pas épuisé les voies de recours internes disponibles et n’a pas diligemment poursuivi les recours dont il s’est prévalu. Le requérant avait plusieurs occasions et plusieurs mois pour faire valoir ses allégations auprès du Ministre de la citoyenneté et immigration Canada dans le cadre de l’examen par ce dernier du danger que représente le requérant pour le public au Canada et les risques auxquels le requérant pourrait être exposé au Liban. Or le requérant n’a soumis aucune observation écrite dans le cadre de cet examen. En outre, le requérant n’a pas poursuivi sa demande d’autorisation et de contrôle judiciaire avec la diligence voulue en omettant de déposer le dossier à l’appui de sa demande devant la Cour fédérale. L’État partie souligne que, conformément à la jurisprudence du Comité, la simple négligence des conseillers ne constitue pas une justification au non-épuisement des recours internes.

4.9 Subsidiairement à ses observations sur la recevabilité et pour les mêmes motifs, l’État partie soutient que la communication du requérant devrait être rejetée sur le fond puisqu’elle ne révèle aucune violation de l’article 3 de la Convention.

Commentaires du requérant

5.1Dans sa réponse du 23 décembre 2009 aux observations de l’État partie sur la recevabilité et le fond de la requête, le conseil soutient que le risque encouru par le requérant demeure encore aujourd’hui. Malgré le départ officiel des forces syriennes du Liban, le Hezbollah a connu une croissance et un niveau d’influence de plus en plus grand, surtout depuis la fin du récent conflit avec Israël en 2006. Le danger pour le requérant n’en est donc aucunement diminué puisque c’est son refus de participer aux milices, dont le Hezbollah, qui a été la cause de ses blessures en 1989. Malgré la participation des branches du Hezbollah dans le Gouvernement du Liban, les actes de cette milice ne sont pas moins violents ou arbitraires quand elle fait face aux personnes qui lui sont opposées. Le conseil évoque plusieurs cas de détention abusive par les forces du Hezbollah rapportés en 2008 dans le rapport annuel du Département d’État des États-Unis. Le conseil en cite trois, l’un contre un membre du Parti socialiste français, l’un contre des journalistes brésiliens et le dernier contre cinq employés d’une entreprise effectuant une étude dans les quartiers sud de Beyrouth.

5.2 Le conseil ajoute que la participation actuelle du Hezbollah au gouvernement ne permet plus à l’État partie d’exclure que le requérant s’il est détenu au Liban pourra être soumis à des pratiques prohibées par l’article premier de la Convention puisqu’elles pourraient être perpétrées par des agents de l’État qui pourraient être du Hezbollah ou être infligées à l’instigation de ceux-ci.

5.3 S’agissant de l’épuisement des voies de recours internes, le conseil note que le requérant a agi avec diligence mais que c’est son avocat qui, lors de la demande d’autorisation et de contrôle judiciaire, a omis de déposer le dossier du demandeur devant la Cour fédérale.

5.4Le 29 janvier 2010, le conseil a soumis au Comité la copie d’une demande d’évaluation criminologique du requérant. Cette demande provient du conseil et avait pour but d’estimer le risque que représente le requérant. L’évaluation conclut à un risque de récidive réduit par des facteurs encourageants liés à l’environnement familial du requérant et son manque d’antécédent. Le rapport mentionne le fait que le requérant serait prêt à s’engager dans un processus clinique qui aurait pour but de réduire davantage le risque qu’il représente.

Délibérations du Comité

6.1Avant d’examiner une plainte qui fait l’objet d’une communication, le Comité contre la torture doit déterminer si la requête est recevable en vertu de l’article 22 de la Convention. Le Comité s’est assuré, comme il est tenu de le faire conformément au paragraphe 5 a) de l’article 22 de la Convention, que la même question n’a pas été et n’est pas actuellement examinée par une autre instance internationale d’enquête ou de règlement.

6.2Conformément à l’alinéa b du paragraphe 5 de l’article 22 de la Convention, le Comité doit s’assurer que le requérant a épuisé les voies de recours internes disponibles, cette règle ne s’appliquant pas lorsque les procédures de recours ont excédé des délais raisonnables ou s’il est peu probable qu’elles donneraient satisfaction à la victime présumée.

6.3Le Comité note que selon l’État partie, la requête devrait être déclarée irrecevable puisque, malgré les nombreuses opportunités qui lui ont été données d’apporter la preuve d’un risque personnel d’être torturé en cas de retour au Liban, le requérant n’a jamais soumis d’observations écrites lors de la procédure, et qu’il n’a ensuite pas poursuivi sa demande d’autorisation et de contrôle judiciaire avec la diligence voulue en omettant de déposer le dossier à l’appui de sa demande devant la Cour fédérale. Le Comité note que selon l’État partie le requérant ne saurait se prévaloir d’une négligence de ses conseillers pour s’exonérer de sa responsabilité d’épuiser les voies de recours internes. Le Comité prend note par ailleurs de l’argument du requérant selon lequel celui-ci a agi avec diligence mais que c’est son conseiller qui a omis de déposer le dossier devant la Cour fédérale et que, par conséquent, cette négligence ne saurait lui être imputable.

6.4Le Comité rappelle sa jurisprudence constante selon laquelle les erreurs commises par un conseil dont le requérant s’est attaché les services à titre privé ne peuvent normalement pas être imputées à l’État partie. Le Comité note en outre que le requérant a, à plusieurs reprises au cours de la procédure interne, été sollicité pour apporter la preuve d’un risque actuel et personnel de torture en cas d’expulsion vers le Liban; que le requérant ne s’est jamais prévalu de telles opportunités sans, par ailleurs, en apporter les motifs. Dès lors, et sans qu’il ait à se prononcer sur les autres griefs présentés par les parties, le Comité conclut que le requérant ne s’est pas prévalu des opportunités qui lui ont été ouvertes pour épuiser les voies de recours internes, recours qui sont maintenant clos du fait de la prescription des recours en droit interne.

6.5Le Comité conclut que les recours internes n’ont pas été épuisés conformément au paragraphe 5 b) de l’article 22 de la Convention.

7.En conséquence, le Comité contre la torture décide:

a)Que la requête est irrecevable;

b)Que la présente décision sera communiquée à l’État partie et au requérant.

Communication no 399/2009: F. M-M. c. Suisse

Présentée par:

F. M-M. (représenté par un conseil, le Bureau de conseilpour les Africains francophones de la Suisse (BUCOFRAS))

Au nom de:

F. M-M.

État partie:

Suisse

Date de la requête:

9 septembre 2009 (date de la lettre initiale)

Le Comité contre la torture, institué en vertu de l’article 17 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,

Réuni le 26 mai 2011,

Ayant achevé l’examen de la requête no 399/2009, présentée par F. M-M. en vertu de l’article 22 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,

Ayant tenu compte de toutes les informations qui lui ont été communiquées par le requérant, son conseil et l’État partie,

Adopte ce qui suit:

Décision sur la recevabilité

1.1Le requérant est F. M-M., né en 1977, ressortissant du Congo, et résidant actuellement en Suisse. Il soutient que son rapatriement forcé vers le Congo constituerait une violation par la Suisse de l’article 3 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Il est représenté par le Bureau de conseil pour les Africains francophones de la Suisse (BUCOFRAS).

1.2Le 18 septembre 2009, le Comité, à la demande du requérant, et par l’intermédiaire de son rapporteur chargé des nouvelles requêtes et des mesures provisoires, a demandé à l’État partie de ne pas expulser le requérant vers la République du Congo tant que sa requête serait à l’examen.

Exposé des faits

2.1Depuis 1995, le requérant est membre actif de l’Union panafricaine pour la démocratie sociale (UPADS) de l’ex-Président Pascal Lissouba. Dans le cadre de ses fonctions de militant, le requérant a joué un rôle important dans la campagne de son parti, en qualité de propagandiste dans la région de Lekoumou, en vue des élections de 1997. Suite à la victoire de Sassou-Nguesso et la défaite de Pascal Lissouba, qui a été contraint à l’exil avec les autres partisans, le requérant a intégré le Conseil national de la résistance (CNR), et a combattu à Dolisie et d’autres régions du pays, sur injonction de Pascal Lissouba. En raison du conflit armé ayant éclaté la même année, le requérant n’a pas pu regagner Brazzaville. Par crainte pour sa vie, il a finalement quitté la rébellion et s’est installé à Pointe-Noire, où il a appris que son nom figurait sur la liste des rebelles recherchés par le Gouvernement de Sassou-Nguesso. Craignant pour sa vie, et suite aux règlements de compte perpétrés contre les partisans de Lissouba et de l’UPADS, le requérant a quitté le Congo pour se rendre en Angola, puis en Afrique du Sud, en vue de rejoindre Pascal Lissouba en Angleterre. En 2003, il a été intercepté lors de son transit à l’aéroport de Zurich en possession d’un faux passeport.

2.2Le requérant a soumis une demande d’asile le 25 septembre 2003, qui a été rejetée le 11 mai 2004 par l’Office fédéral des réfugiés (ODM), au motif que ses déclarations n’étaient pas crédibles, notamment en ce qui a trait à la date des élections, à la continuité de la présence de l’UPADS au Congo après le départ de Pascal Lissouba, et à la période durant laquelle le requérant aurait participé à des combats. L’ODM n’a pas non plus jugé authentique la carte militaire produite faute de tampon officiel. Une décision de renvoi de Suisse a été prononcée contre lui. Le 23 avril 2004, le requérant a recouru contre la décision de l’ODM auprès de la Commission suisse de recours en matière d’asile. L’ODM, par décision du 1er juillet 2004, et considérant que le recours était d’emblée voué à l’échec car ne contenait aucun élément ou moyen de preuve nouveau, a proposé le rejet du recours.

2.3Le 26 août 2009, le Tribunal administratif fédéral (TAF) a rejeté le recours formé par le requérant, relevant les incohérences et invraisemblances dans le récit, notées par la décision de première instance, l’inauthenticité des moyens de preuve soumis, et le fait que même si ces moyens de preuve (notamment un avis de recherche de 2001) avaient été authentiques, ils ne pouvaient soutenir les allégations de persécution du requérant puisque le requérant était recherché pour vandalisme, ce qui ne pourrait constituer un domaine couvert par l’article 3 de la LASi. Le Tribunal administratif fédéral avait ajouté que, même en admettant que le requérant ait combattu aux côtés des rebelles de l’opposition, sa crainte d’être recherché par les autorités congolaises ne serait plus fondée actuellement, au vu des changements politiques récents au Congo, notamment l’accord de paix signé le 17 mars 2003 entre les deux parties, et la loi d’amnistie adoptée en août 2003 par l’Assemblée nationale, applicable à toutes les infractions commises par toutes les parties belligérantes depuis janvier 2000. Lors des dernières élections législatives de 2007, et malgré la victoire absolue de Sassou-Nguesso à l’Assemblée nationale, l’opposition avait tout de même remporté 11 sièges, dont 10 à l’UPADS de l’ex-Président Lissouba, qui est la principale formation d’opposition, et qui a présenté un candidat officiel aux élections présidentielles du 12 juillet 2009. Par conséquent, selon le Tribunal administratif fédéral, le requérant ne saurait être exposé à des persécutions au Congo, et ses craintes ne sembleraient de toute façon plus fondées. En rejetant l’appel, le Tribunal administratif fédéral a donné au requérant jusqu’au 28 septembre 2009 pour quitter la Suisse.

2.4Dès son arrivée en Suisse, le requérant a maintenu des liens étroits avec l’UPADS et avec la famille et l’entourage de l’ex-Président Lissouba. Il est parmi les membres fondateurs du «CERDEC» (Cercle d’études pour le retour de la démocratie au Congo), association nouvellement créée depuis l’étranger par les principaux partis d’opposition en exil. Il serait à présent très connu des milieux congolais vivant en Suisse, y compris des partisans du pouvoir de Sassou-Nguesso. Plusieurs des membres de la famille du requérant auraient été victimes de harcèlement de la part d’agents étatiques. Quant à lui, il serait victime de menaces anonymes par téléphone à tel point que son conseil serait sur le point de porter plainte contre X auprès des autorités zurichoises.

2.5Lors de sa requête déposée auprès du Comité le 9 septembre 2009, le requérant a fourni l’original d’un mandat de recherche et d’amener signé du doyen des juges d’instruction au tribunal de grande instance de Dolisie. Le requérant serait poursuivi pour port illégal de tenue militaire et détention d’arme de guerre.

2.6Dans une lettre du 18 décembre 2009, le conseil soumet au Comité une preuve supplémentaire du risque personnel encouru par le requérant en cas de retour au Congo. Il s’agit de l’original du journal congolais Maintenant daté du 19 novembre 2009 qui relate le harcèlement par les autorités congolaises dont font l’objet certains membres de la famille du requérant.

Teneur de la plainte

3.1Le requérant affirme que son renvoi forcé vers le Congo constituerait une violation par l’État partie de l’article 3 de la Convention car il existe des motifs sérieux de croire qu’il serait exposé à des préjudices graves tels que décrits par l’article 1, paragraphe 1, de la Convention, du fait de son allégeance connue à l’ancien Président Lissouba aujourd’hui en exil et de son implication au sein du Cercle d’études pour le retour de la démocratie au Congo (CERDEC) nouvellement créé en Suisse (il est l’un des fondateurs de la branche suisse de l’organisation).

3.2Il note que tous les proches de la famille Lissouba et sympathisants du CERDEC sont exposés, en cas de retour au pays, à des actes de torture et mauvais traitements dans le but d’obtenir des renseignements et des aveux. Il ajoute que malgré l’amnistie signée par le pouvoir de Brazzaville, il existe toujours des violations flagrantes des droits de l’homme à l’encontre des opposants acquis à la démocratie et à la justice sociale. Par ailleurs, le requérant fait valoir des motifs de crainte postérieurs à son arrivée en Suisse, notamment un mandat de recherche et d’amener émis par la cour d’appel de Dolisie, ainsi qu’un mandat d’arrêt du tribunal de grande instance de Dolisie le concernant. Selon lui, ces moyens de preuve établissent un risque personnel, sérieux et concret pour le requérant de subir des tortures morales et physiques en cas de retour au Congo, notamment du fait de sa qualité de militaire et de rebelle, et de ses relations avec la famille Lissouba et l’opposant Moungounga Nguila.

Observations de l’État partie sur la recevabilité

4.1Dans une note du 13 novembre 2009, l’État partie a contesté la recevabilité de la requête pour non-épuisement des voies de recours internes, conformément au paragraphe 5 b) de l’article 22 et à l’alinéa e de l’article 107 du Règlement intérieur du Comité (CAT/C/3/Rev.4).

4.2L’État partie rappelle que le requérant a interjeté appel du rejet de la demande d’asile prononcé par l’Office fédéral des migrations (ODM) le 23 avril 2004. Le Tribunal administratif fédéral (TAF) a confirmé la décision de l’ODM le 26 avril 2009 du fait, tout d’abord, du caractère invraisemblable des allégations de l’intéressé. Il a ensuite jugé qu’indépendamment de la question de la vraisemblance des propos, la crainte de futures persécutions de l’intéressé n’était actuellement plus fondée, compte tenu de l’évolution de la situation dans son pays d’origine depuis son départ.

4.3L’État partie relève cependant que, dans sa requête devant le Comité, le requérant fait principalement valoir qu’après son départ du Congo, il aurait été actif au sein du Cercle d’études pour le retour de la démocratie au Congo (CERDEC), une association fondée à Paris par des membres de l’opposition en exil, et dont il aurait fondé la branche suisse. Son activisme, notamment en tant que secrétaire de la section suisse du CERDEC, l’aurait fait connaître des milieux congolais en Suisse, de sorte que sa proche parenté à Brazzaville aurait été harcelée par les autorités congolaises; que lui-même faisant l’objet de menaces téléphoniques, il envisagerait de déposer plainte contre X auprès de la police zurichoise. Le requérant met en outre en exergue ses liens privilégiés avec la famille de Pascal Lissouba et affirme avoir fait l’objet d’un «mandat de recherche et d’amener» le 6 septembre 2004 pour port illégal de tenue militaire et détention d’arme de guerre.

4.4L’État partie souligne qu’aucun de ces faits n’ont été allégués ni devant l’ODM ni devant le Tribunal administratif fédéral, de sorte qu’ils n’ont pas fait l’objet d’un examen de la part desdites autorités. En tant que faits nouveaux, ils sont susceptibles de conduire à l’ouverture d’une procédure extraordinaire devant l’autorité de première instance (réexamen) ou de recours (révision), voire à l’ouverture d’une nouvelle procédure d’asile (seconde demande d’asile). L’État partie rappelle la jurisprudence du Comité selon laquelle l’État partie doit avoir la possibilité d’apprécier les nouveaux éléments de preuve avant que celui-ci ne se saisisse de la communication pour examen conformément à l’article 22 de la Convention. L’État partie demande donc au Comité de déclarer la requête irrecevable pour non-épuisement des voies de recours internes conformément à l’article 22, paragraphe 5 b), de la Convention.

Commentaires du requérant

5.1Dans sa réponse du 23 février 2010 aux observations de l’État partie sur la recevabilité de la requête, le conseil insiste sur le fait que d’importants éléments de preuve justifiant les craintes du requérant d’être refoulé dans son pays d’origine, éléments qui ont été soumis aux autorités judiciaires nationales, n’ont pas été pris en compte par lesdites autorités, conduisant ainsi à la violation de l’article 3 de la Convention. Le requérant note par ailleurs que l’entrée en vigueur de la décision de renvoi met la personne concernée devant le risque d’être refoulée. Selon l’article 112 de la LASi, l’usage d’une voie de droit extraordinaire ne suspend pas l’exécution du renvoi sauf si l’autorité en décide autrement. Aussi, il n’existe aucune garantie que le requérant ne sera pas renvoyé dans son pays avant l’issue de la procédure extraordinaire. Le requérant demande dès lors au Comité de se prononcer en faveur de la recevabilité de ladite communication.

Délibérations du Comité

6.1Avant d’examiner une plainte qui fait l’objet d’une communication, le Comité contre la torture doit déterminer si la requête est recevable en vertu de l’article 22 de la Convention. Le Comité s’est assuré, comme il est tenu de le faire conformément au paragraphe 5 a) de l’article 22 de la Convention, que la même question n’a pas été et n’est pas actuellement examinée par une autre instance internationale d’enquête ou de règlement.

6.2Conformément à l’alinéa b du paragraphe 5 de l’article 22 de la Convention, le Comité doit s’assurer que le requérant a épuisé les voies de recours internes disponibles, cette règle ne s’appliquant pas lorsque les procédures de recours ont excédé des délais raisonnables ou s’il est peu probable qu’elles donneraient satisfaction à la victime présumée.

6.3Le Comité note que, selon l’État partie, la requête devrait être déclarée irrecevable en vertu du paragraphe 5 b) de l’article 22 de la Convention puisque, devant le Comité, le requérant faisant principalement valoir des éléments qui n’ont jamais été soumis à l’appréciation des autorités judiciaires nationales. Il s’agit de son engagement actif au sein du CERDEC en Suisse, qui l’aurait fait connaître des milieux congolais en Suisse, de sorte que sa proche parenté à Brazzaville aurait été harcelée par les autorités congolaises; que lui-même faisant l’objet de menaces téléphoniques, il envisagerait de déposer plainte contre X auprès de la police zurichoise. L’État partie soulève en outre que le mandat de recherche et d’amener émis par les autorités congolaises le 6 septembre 2004 n’a jamais été présenté ni à l’ODM ni au Tribunal administratif fédéral.

6.4Le Comité note que le requérant fait valoir que les autorités judiciaires de l’État partie ont déjà violé l’article 3 de la Convention puisqu’elles ont rejeté à tort les éléments de preuve fournis par le requérant durant la procédure d’asile et que, par conséquent, l’État partie ne saurait se retrancher derrière le fait que ces nouveaux éléments n’ont pas été portés à la connaissance de l’ODM et du Tribunal administratif fédéral. Le Comité note que, selon le requérant, le retour devant les autorités judiciaires nationales pour faire valoir ces nouveaux éléments de preuve ne conduirait pas au sursis à l’exécution du renvoi sauf si l’autorité en décide autrement.

6.5Le Comité rappelle sa jurisprudence selon laquelle l’État partie doit avoir la possibilité d’apprécier les nouveaux éléments de preuve, dès lors qu’ils entrent dans le champ d’application de l’article 3 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, et ceci avant que le Comité ne se saisisse de la communication pour examen conformément à l’article 22 de la Convention. En l’espèce, des éléments nouveaux et importants tels que la preuve d’une activité politique du requérant au sein du CERDEC en Suisse et les menaces proférées contre sa famille et lui-même qui en ont découlé, ainsi qu’une copie d’un mandat d’amener pour port illégal de tenue militaire et détention d’arme de guerre datant du 6 septembre 2004, n’ont pas pu être examinés par les autorités judiciaires nationales. Or, le requérant ne fournit aucun argument valable justifiant que ces faits et éléments de preuve dont il connaissait l’existence n’ont pas été soumis aux autorités nationales durant la procédure nationale. Le Comité considère dès lors que les conditions de l’alinéa b du paragraphe 5 de l’article 22 de la Convention ne sont pas remplies et que la requête est dès lors irrecevable. Le Comité note également qu’outre la procédure extraordinaire, il existe aussi la possibilité pour le requérant de formuler une nouvelle demande d’asile sur la base de ces nouveaux éléments.

7.En conséquence, le Comité contre la torture décide:

a)Que la requête est irrecevable;

b)Que la présente décision sera communiquée à l’État partie et au requérant.