Nations Unies

A/HRC/RES/35/35

Assemblée générale

Distr. générale

6 juillet 2017

Français

Original : anglais

Conseil des droits de l’homme

Trente ‑cinquième session

6‑23 juin 2017

Point 4 de l’ordre du jour

Résolution adoptée par le Conseil des droits de l’homme le 23 juin 2017

35/35. Situation des droits de l’homme en Érythrée

Le Conseil des droits de l ’ homme,

S ’ inspirant de la Charte des Nations Unies,de la Déclaration universelle des droits de l’homme, des Pactes internationaux relatifs aux droits de l’homme et des autres instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme pertinents,

Rappelant la résolution 91 et les décisions 250/2002 et 275/2003 de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples,

Rappelant aussi ses résolutions 5/1, sur la mise en place des institutions du Conseil des droits de l’homme, et 5/2, sur le Code de conduite pour les titulaires de mandat au titre des procédures spéciales du Conseil, en date du 18 juin 2007, et soulignant que le titulaire de mandat doit s’acquitter de ses fonctions conformément à ces résolutions et à leurs annexes,

Rappelant en outre ses résolutions 20/20 du 6 juillet 2012, 23/21 du 14 juin 2013, 26/24 du 27 juin 2014, 29/18 du 2 juillet 2015 et 32/24 du 1er juillet 2016,

Notant que l’Érythrée est partie aux instruments internationaux et régionaux relatifs aux droits de l’homme, et lui demandant instamment de respecter les obligations internationales et les engagements qu’elle a contractés à ce titre en matière de droits de l’homme,

Notant également la participation de l’Érythrée au deuxième cycle de l’Examen périodique universel, son acceptation de 92 recommandations, et le programme qu’elle a adopté avec le Programme des Nations Unies pour le développement pour donner suite à ces recommandations, et engageant le Gouvernement érythréen à prendre immédiatement des mesures concrètes à cet égard,

Se félicitant de l’action menée par le Gouvernement érythréen pour protéger et promouvoir les droits économiques et sociaux de sa population, notamment grâce à la réalisation anticipée des objectifs du Millénaire pour le développement, et de son engagement en faveur des objectifs de développement durable,

Se félicitant également de l’engagement du Gouvernement érythréen à promouvoir l’égalité des sexes, notamment au moyen de programmes destinés à mettre fin aux mutilations génitales féminines et d’une campagne visant à mettre fin aux mariages d’enfants, aux mariages précoces et aux mariages forcés,

Regrettant le manque de coopération du Gouvernement érythréen avec la Commission d’enquête sur les droits de l’homme en Érythrée et son manque persistant de coopération avec la Rapporteuse spéciale sur la situation des droits de l’homme en Érythrée, notamment son refus d’autoriser l’accès au pays,

Rappelant les rapports de la Commission d’enquête, et continuant de se dire extrêmement préoccupé par les conclusions qui y sont énoncées au sujet d’exactions et de violations passées et actuelles des droits de l’homme, notamment l’esclavage, la détention arbitraire, la disparition forcée, la torture, d’autres actes inhumains, la persécution, le viol et le meurtre, et selon lesquelles il existe des motifs raisonnables de croire que des crimes contre l’humanité sont commis en Érythrée depuis 1991, et réaffirmant que tous les auteurs de ces violations et exactions doivent répondre de leurs actes,

Soulignant que tout citoyen a le droit de prendre part à la gestion des affaires publiques de son pays, directement ou par l’intermédiaire de représentants librement choisis, et se déclarant vivement préoccupé par l’absence d’élections nationales en Érythrée depuis 1993 et par le fait que la Constitution de 1997 n’a jamais été appliquée,

Prenant note avec une vive préoccupation des conclusions de la Commission d’enquête concernant les infractions constitutives de violations des droits de l’homme ou d’atteintes à ces droits, commises par le Gouvernement et des responsables du parti au pouvoir, des officiers militaires et des membres du Bureau de la sécurité nationale,

Notant avec une vive préoccupation que le Gouvernement érythréen continue d’avoir recours aux arrestations et détentions arbitraires, notamment à la détention au secret, dans des conditions extrêmement dures qui mettent la vie en danger, de personnes soupçonnées de se soustraire au service national et de personnes qui tentent de fuir le pays, qui ne peuvent pas présenter de documents d’identité ou qui exercent leur droit à la liberté de religion ou d’opinion et d’expression, notamment celles qui sont perçues comme critiques à l’égard du Gouvernement, celles qui reviennent au pays après avoir fui le service national et celles détenues à la suite de la tentative de prise de contrôle, le 21 janvier 2013, du bâtiment abritant le Ministère de l’information,

Se félicitant de la libération, par le Gouvernement érythréen, à la suite de la médiation du Gouvernement qatari, de quatre prisonniers de guerre djiboutiens le 18 mars 2016, tout en rappelant que 13 autres prisonniers de guerre djiboutiens sont toujours détenus en Érythrée,

Se déclarant gravement préoccupé par le recours généralisé à la conscription pour une durée indéterminée, régime assimilable à du travail forcé et qui comprend tout un éventail d’activités économiques, et par les informations faisant état de la conscription forcée d’enfants, et regrettant que la crainte et l’expérience d’un service national de longue durée poussent un grand nombre d’Érythréens à quitter le pays,

Constatant avec une vive préoccupation que la situation des droits de l’homme en Érythrée est l’un des principaux facteurs qui expliquent le nombre élevé d’Érythréens quittant leur pays, souvent au risque d’être enlevés, de subir des violences physiques et psychologiques abominables et d’autres mauvais traitements sur le chemin de l’émigration, notamment par des passeurs et des trafiquants d’êtres humains, tout en se félicitant que le Gouvernement érythréen participe à des instances multilatérales traitant des questions relatives à la lutte contre la traite,

Prenant note avec une profonde préoccupation des conclusions de la Commission d’enquête concernant la persécution fondée sur l’appartenance religieuse ou ethnique, notamment des membres de groupes religieux non autorisés,

1.Rappelle le rapport de la Commission d’enquête sur les droits de l’homme en Érythrée, souligne l’importance des travaux qu’elle a menés et des informations qu’elle a recueillies à l’appui de ce qui sera fait à l’avenir pour établir les responsabilités, et continue d’exhorter le Gouvernement érythréen à prendre immédiatement des mesures concrètes pour mettre en œuvre ses recommandations ;

2.Salue le travail de la Rapporteuse spéciale sur la situation des droits de l’homme en Érythrée, souligne sa vive préoccupation face aux exactions et violations graves et persistantes dont il y est fait état, et prie instamment le Gouvernement érythréen de prendre immédiatement des mesures concrètes pour mettre en œuvre ses recommandations ;

3.Accueille avec satisfaction le compte rendu oral présenté par la Rapporteuse spéciale au Conseil des droits de l’homme à sa trente‑quatrième session ;

4.Condamne avec la plus grande fermeté les exactions et violations systématiques, généralisées et flagrantes des droits de l’homme qui ont été dénoncées et qui ont été et sont encore commises par le Gouvernement érythréen dans un climat d’impunité généralisée ;

5.Condamne en particulier les détentions arbitraires, les disparitions forcées, la torture, les meurtres, les violences sexuelles, la discrimination fondée sur l’appartenance religieuse ou ethnique et les représailles exercées en raison du comportement présumé de membres de la famille, et les exactions et les violations des droits de l’homme perpétrées dans le cadre d’un service national d’une durée indéterminée, notamment celles touchant au travail forcé, à la conscription forcée d’enfants et aux violences sexuelles ;

6.Note avec une vive inquiétude les graves restrictions apportées à la liberté de ne pas être inquiété pour ses opinions, à la liberté d’expression, y compris le droit de rechercher, de recevoir et de répandre des informations, à la liberté de circulation, à la liberté de pensée, de conscience et de religion, et au droit de réunion pacifique et de libre association, ainsi que la détention de journalistes, de défenseurs des droits de l’homme, de personnalités politiques et de chefs et membres de groupes religieux en Érythrée ;

7.Répète que tous les responsables des exactions et violations des droits de l’homme qui ont été commises ou sont commises aujourd’hui en Érythrée doivent répondre de leurs actes ;

8.Demande de nouveau au Gouvernement érythréen :

a)De mettre un terme à la détention arbitraire de personnes en Érythrée et à l’utilisation de la torture et d’autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants ;

b)De rendre compte du sort de toutes les personnes détenues arbitrairement, y compris les membres du groupe de la réforme G‑15, les journalistes, les prisonniers politiques et les personnes détenues à la suite de la tentative de prise de contrôle, le 21 janvier 2013, du bâtiment abritant le Ministère de l’information, et de les libérer ou de veiller à ce qu’elles bénéficient d’un procès équitable et transparent, sans retard excessif et dans le plein respect des garanties d’un procès équitable ;

c)De mettre un terme au régime du service national à durée indéterminée en démobilisant les conscrits qui ont achevé leurs dix‑huit mois de service militaire obligatoire, ainsi que l’a annoncé le Gouvernement érythréen, et en mettant effectivement un terme à la pratique consistant à les astreindre au travail forcé après cette période, autoriser l’objection de conscience au service militaire et cesser d’imposer à tous les enfants l’obligation d’effectuer la dernière année de leur scolarité dans un camp d’entraînement militaire ;

d)De respecter le droit de chacun à la liberté d’expression, de pensée, de conscience et de religion ou de conviction, ainsi que le droit de réunion pacifique et la liberté d’association ;

e)D’assurer aux personnes détenues un accès libre, équitable et égal à un tribunal indépendant et impartial pour contester la légalité d’une détention, d’améliorer les conditions de détention, notamment en interdisant le placement de ces personnes dans des cellules en sous‑sol ou des conteneurs, en mettant fin à l’utilisation de centres de détention secrets et à la pratique de la détention au secret, en autorisant les proches et les avocats des personnes détenues à avoir régulièrement accès à elles, ainsi que les autorités de surveillance indépendantes, et de permettre aux personnes détenues d’accéder rapidement, à intervalles réguliers et sans entrave, à des soins médicaux ;

f)De mettre un terme à la pratique consistant à obliger les citoyens à participer à la milice ;

g)D’enquêter sans retard sur toutes les allégations d’exécution extrajudiciaire, de torture et d’autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, de viol et de sévices sexuels dans le cadre du service national, et de traduire les auteurs de tels actes en justice ;

h)De mettre un terme à la pratique consistant à tirer sur les Érythréens qui tentent de passer la frontière pour fuir le pays afin de les blesser ou de les tuer ;

i)De renforcer encore la promotion et la protection des droits des femmes, notamment en prenant des mesures supplémentaires pour lutter contre les pratiques préjudiciables telles que le mariage d’enfants, le mariage précoce et le mariage forcé et les mutilations génitales féminines ;

j)De prendre immédiatement des mesures concrètes pour donner suite aux recommandations issues du deuxième Examen périodique universel, de rendre compte des progrès accomplis et de coopérer pleinement avec le Conseil des droits de l’homme dans le cadre du troisième cycle de l’Examen périodique universel ;

k)De mettre fin à la politique de la « culpabilité par association » visant les membres de la famille des personnes qui se soustraient au service national, cherchent à fuir l’Érythrée ou ont commis tout autre acte qui est présumé constituer une infraction ;

l)D’assurer le droit de constituer des partis politiques et d’y adhérer et de garantir à tous les citoyens le droit et la possibilité de prendre part à tous les niveaux au processus politique et de voter et d’être élu lors d’élections démocratiques libres, régulières et transparentes garantissant la libre expression de la volonté du peuple ;

m)De renforcer encore sa coopération avec le Haut‑Commissariat des Nation Unies aux droits de l’homme conformément aux obligations internationales qui lui incombent en matière de droits de l’homme ;

n)D’accorder aux nouvelles missions du Haut‑Commissariat, aux organes conventionnels des droits de l’homme et à tous les mécanismes du Conseil des droits de l’homme un accès sans entrave au pays, et de coopérer avec tous les mécanismes internationaux et régionaux relatifs aux droits de l’homme ;

o)De communiquer au Haut‑Commissariat toutes informations pertinentes sur l’identité, la sécurité et l’état de santé de toutes les personnes détenues ou disparues au combat, y compris les membres du G15, les journalistes, les personnes détenues à la suite de la tentative de prise de contrôle, le 21 janvier 2013, du bâtiment abritant le Ministère de l’information et les 13 combattants djiboutiens qui sont toujours détenus, ainsi que sur le lieu où ils se trouvent ;

p)De s’attacher, en consultation avec toutes les parties prenantes, à arrêter le texte définitif de la Constitution de 1997 et à mettre celle-ci en œuvre ;

9.Encourage les États où résident des témoins à protéger, en particulier contre d’éventuelles représailles, ceux qui ont coopéré avec la Commission d’enquête et la Rapporteuse spéciale ;

10.Se félicite des échanges préliminaires de la Rapporteuse spéciale avec l’Union africaine, et prend note de ses recommandations quant à la création d’un mécanisme régional d’établissement des responsabilités, la Commission ayant affirmé que ni un tribunal mixte ni une commission de vérité ne constitueraient une option viable en l’espèce ;

11.Demande instammentà l’Érythrée de donner des informations sur le reste des prisonniers de guerre djiboutiens disparus depuis les affrontements survenus du 10 au 12 juin 2008, de façon à permettre aux parties concernées d’établir si des Djiboutiens sont retenus en tant que prisonniers de guerre et dans quelles conditions ;

12.Décide de prolonger le mandat du Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme en Érythrée pour une durée d’un an, et prie la titulaire du mandat de continuer, selon qu’il conviendra, d’assurer le suivi de la mise en œuvre des recommandations de la Commission d’enquête et des recommandations qu’elle a elle‑même formulées dans son rapport sur la situation des droits de l’homme en Érythrée, de présenter un rapport écrit au Conseil des droits de l’homme à sa trente‑huitième session et de prendre la parole devant l’Assemblée générale et d’engager avec elle un dialogue à sa soixante‑douzième session ;

13.Décide également de tenir un dialogue renforcé sur la situation des droits de l’homme en Érythrée à sa trente‑septième session, avec la participation de la Rapporteuse spéciale, du Haut‑Commissariat, de la société civile et des autres parties prenantes ;

14.Engage le Gouvernement érythréen àenvisager de mettre en place en Érythrée une présence du Haut‑Commissariat investie d’un mandat général consistant à protéger et à promouvoir les droits de l’homme et à en surveiller le respect grâce à un accès sans entrave ;

15.Engage également le Gouvernement érythréen à coopérer pleinement avec la Rapporteuse spéciale, à autoriser celle‑ci et ses collaborateurs à effectuer des visites dans le pays sans restriction, à prendre dûment en considération les recommandations figurant dans les rapports de la Rapporteuse spéciale et à communiquer à celle‑ci toutes les informations nécessaires à l’accomplissement de son mandat, et souligne combien il importe que tous les États apportent leur concours à la Rapporteuse spéciale dans le cadre de l’exécution de son mandat ;

16.Prie le Haut‑Commissariat de continuer d’intensifier l’action visant à améliorer la situation des droits de l’homme en Érythrée et de présenter un compte rendu oral au Conseil des droits de l’homme à sa trente‑septième session sur les progrès accomplis dans la coopération entre l’Érythrée et le Haut‑Commissariat, et sur leur incidence sur la situation des droits de l’homme en Érythrée ;

17.Demande au Gouvernement érythréen de mettre immédiatement fin à la pratique consistant à exiger des membres de la diaspora érythréenne qu’ils signent le formulaire B4/4.2 (le dénommé « formulaire de regrets ») par lequel ils assument la responsabilité de toute infraction qu’ils auraient pu commettre avant de quitter le pays, afin d’avoir droit aux services consulaires offerts par les missions diplomatiques de l’Érythrée ;

18.Demande également au Gouvernement érythréen de mettre fin à l’extorsion, aux menaces de violence, à la fraude et aux autres moyens illicites utilisés pour prélever des impôts, hors d’Érythrée, à ses ressortissants et à d’autres individus d’origine érythréenne et de s’abstenir d’avoir recours à de telles pratiques ;

19.Exhorte la communauté internationale à redoubler d’efforts et à collaborer davantage pour assurer la protection des personnes qui fuient l’Érythrée, en particulier les enfants non accompagnés ;

20.Encourage les entreprises à appliquer de façon appropriée une procédure de diligence raisonnable en matière de droits de l’homme pour identifier leurs incidences sur ces droits, prévenir ces incidences et en atténuer les effets, et rendre compte de la manière dont elles y remédient, notamment s’agissant des allégations concernant les conscrits astreints au travail forcé ;

21.Encourage les États Membres à redoubler d’attention quant à la situation des droits de l’homme en Érythrée et, si possible, à augmenter les ressources qu’elles mobilisent pour améliorer celle‑ci en renforçant leur collaboration avec le Gouvernement érythréen ;

22.Prie le Secrétaire général de fournir à la Rapporteuse spéciale toutes les informations et les ressources nécessaires à l’accomplissement de son mandat ;

23.Prie l’Assemblée générale de soumettre le rapport et les comptes rendus oraux de la Commission d’enquête à tous les organes compétents de l’ONU pour examen et suite à donner ;

24.Encourage de nouveau énergiquement l’Union africaine à donner suite au rapport et aux recommandations de la Commission d’enquête et aux comptes rendus sur les droits de l’homme en Érythrée en ouvrant une enquête, soutenue par la communauté internationale, dans le but d’enquêter sur les infractions constitutives de violations des droits de l’homme ou d’atteintes à ces droits identifiées par la Commission d’enquête, y compris celles susceptibles de constituer un crime contre l’humanité, et de poursuivre les responsables en justice ;

25.Décide de rester saisi de la question.

38 e  séance 23 juin 2017

[Adoptée sans vote.]