Autriche

Troisième rapport périodique

CAT/C/34/Add.18

Bosnie-Herzégovine

Rapport initial

CAT/C/21/Add.6

Équateur

Troisième rapport périodique

CAT/C/39/Add.6

France

Troisième rapport périodique

CAT/C/34/Add.19

Népal

Deuxième rapport périodique

CAT/C/33/Add.6

République démocratique du Congo

Rapport initial

CAT/C/37/Add.6

Sri Lanka

Deuxième rapport périodique

CAT/C/48/Add.2

19.À sa trente‑sixième session, le Comité était saisi des rapports ci‑après:

États-Unis d’Amérique

Deuxième rapport périodique

CAT/C/48/Add.3

Géorgie

Troisième rapport périodique

CAT/C/73/Add.1

Guatemala

Quatrième rapport périodique

CAT/C/74/Add.1

Pérou

Quatrième rapport périodique

CAT/C/61/Add.1

Qatar

Rapport initial

CAT/C/58/Add.1

République de Corée

Deuxième rapport périodique

CAT/C/53/Add.2

Togo

Rapport initial

CAT/C/5/Add.33

20.Conformément à l’article 66 de son règlement intérieur, le Comité a invité des représentants de tous les États parties qui présentaient des rapports à assister aux séances au cours desquelles leur rapport était examiné. Tous les États parties concernés ont envoyé des représentants, qui ont participé à l’examen de leur rapport.

21.Un rapporteur et un corapporteur ont été désignés pour chacun des rapports examinés. On en trouvera la liste à l’annexe VI du présent rapport.

22.Dans le cadre de l’examen des rapports, le Comité était également saisi des documents suivants:

a)Directives générales concernant la forme et le contenu des rapports initiaux que les États parties doivent présenter en application du paragraphe 1 de l’article 19 de la Convention (CAT/C/4/Rev.2);

b)Directives générales concernant la forme et le contenu des rapports périodiques que les États parties doivent présenter en application du paragraphe 1 de l’article 19 de la Convention (CAT/C/14/Rev.1).

23.Le Comité a adopté une nouvelle présentation pour les directives, à la suite des consultations tenues par la réunion intercomités et la réunion des présidents des organes créés en vertu d’instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme. Le texte des conclusions et recommandations adoptées par le Comité à l’issue de l’examen des rapports des États parties susmentionnés figure ci‑après:

24. Autriche

1)Le Comité contre la torture a examiné le troisième rapport périodique de l’Autriche (CAT/C/34/Add.18) à ses 679e et 680e séances (CAT/C/SR.679 et 680), les 16 et 17 novembre 2005, et a adopté à sa 691e séance, le 24 novembre 2005, les conclusions et recommandations ci‑après.

A. Introduction

2)Le Comité accueille avec satisfaction le troisième rapport périodique de l’Autriche, qui a été établi selon ses directives. Il note toutefois qu’il lui a été soumis avec trois ans de retard. Le Comité apprécie le dialogue constructif instauré avec la délégation de haut niveau, et remercie l’État partie des réponses écrites détaillées qu’il a données à la liste des points à traiter (CAT/C/35/L/AUT) et la délégation des informations fournies oralement au cours de l’examen du rapport.

B. Aspects positifs

3)Le Comité se félicite que l’État partie lui ait donné l’assurance, en ce qui concerne la relation qui existe entre le respect des normes relatives aux droits de l’homme et la lutte contre le terrorisme, qu’il se conformera strictement aux lignes directrices adoptées en 2002 par le Conseil de l’Europe sur les droits de l’homme et la lutte contre le terrorisme et s’emploiera, pendant sa présidence de l’Union européenne (janvier‑juin 2006), à renforcer encore ses engagements afin de respecter le caractère absolu de l’interdiction de la torture.

4)Le Comité prend note avec satisfaction des efforts incessants déployés par l’État partie en vue de réviser sa législation et d’adopter d’autres mesures nécessaires afin d’assurer une meilleure protection des droits de l’homme et de donner effet à la Convention, notamment:

a)L’adoption de la loi relative à la réforme de la procédure pénale et des amendements au Code de procédure pénale, qui entreront en vigueur le 1er janvier 2008. Le Comité se félicite en particulier des nouvelles dispositions concernant:

i)L’interdiction d’utiliser les déclarations qui ont été obtenues au moyen de la torture, de la contrainte, de la tromperie ou d’autres méthodes d’interrogatoire inadmissibles, au détriment du défendeur;

ii)La mention expresse du droit du défendeur à garder le silence;

iii)Le droit de contacter un avocat avant un interrogatoire;

iv)Le droit du défendeur d’être assisté d’un interprète;

v)Les dispositions régissant la séparation des prévenus des autres prisonniers;

b)La publication d’une feuille d’information en 26 langues à l’intention des détenus pour les informer de leurs droits;

c)Les nouvelles mesures prises pour améliorer les conditions de détention, notamment la création d’«unités ouvertes» dans les centres de détention de la police;

d)Les nouvelles règles relatives aux procédures d’expulsion interdisant notamment le recours à tout dispositif qui obstrue le système respiratoire et prévoyant l’examen de la personne par un médecin avant le vol, ainsi que le respect du principe de proportionnalité dans l’exercice de mesures de coercition. Le Comité accueille en particulier avec satisfaction la présence d’ONG pendant la procédure d’expulsion;

e)Les nouvelles mesures adoptées pour empêcher que de mauvais traitements soient infligés aux personnes placées en garde à vue, notamment la révision en cours des règles relatives à la détention, dans le but de mettre en place de nouveaux moyens de contention, et l’introduction de questions relatives aux droits de l’homme dans les programmes de formation destinés au personnel chargé de l’application des lois;

f)Les nouvelles initiatives prises pour combattre et prévenir la traite d’êtres humains, en particulier la délivrance régulière, à des victimes de la traite, de permis de séjour pour raisons humanitaires ainsi que le fait que les autorités de l’État partie n’ont pas limité la définition de la traite aux seuls cas d’exploitation sexuelle mais l’ont étendue à d’autres formes d’exploitation;

g)La publication, en juillet 2005, du dernier rapport du Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants et la réponse de l’État partie à ce rapport.

5)Le Comité accueille également avec satisfaction:

a)La signature du Protocole facultatif à la Convention, en septembre 2003, et l’assurance que lui ont donnée oralement les représentants de l’État partie que la ratification est envisagée dans un avenir proche;

b)La ratification du Statut de Rome de la Cour pénale internationale en 2001.

C. Sujets de préoccupation et recommandations

Définition de la torture

6)Malgré les affirmations de l’État partie selon lesquelles tous les actes pouvant être qualifiés de «torture» au sens de l’article premier de la Convention sont passibles de sanctions judiciaires au titre du Code pénal autrichien, le Comité constate qu’une définition de la torture, telle qu’énoncée à l’article premier de la Convention, ne figure toujours pas dans le Code pénal de l’État partie.

Le Comité rappelle sa recommandation précédente (A/55/44, par. 50 a)), selon laquelle l’État partie devrait adopter des dispositions adéquates en vue de définir légalement la torture, conformément à l’article premier de la Convention, et de l’ériger en infraction pénale conformément au paragraphe 2 de l’article 4 de la Convention.

Non ‑refoulement

7)Le Comité s’est dit préoccupé d’apprendre que la nouvelle loi sur l’asile, entrée en vigueur en mai 2004, pourrait augmenter le risque pour les réfugiés d’être envoyés dans des pays tiers supposés sûrs, que les demandeurs d’asile pourraient être expulsés avant qu’une décision sur leur recours ait été prise et que la possibilité de présenter de nouveaux éléments de preuve pendant l’audience est limitée.

Étant donné que la Cour constitutionnelle a déclaré inconstitutionnels certains articles de la loi, l’État partie est prié de fournir au Comité des informations sur les mesures qu’il a l’intention de prendre pour y remédier.

8)Le Comité déplore que, selon les informations dont il dispose, l’État partie ait procédé à des extraditions après avoir reçu des assurances diplomatiques du pays requérant.

L’État partie devrait fournir au Comité des renseignements détaillés sur les cas d’extradition ou d’expulsion sous réserve d’assurances diplomatiques qui se sont produits depuis 1999. En outre, l’État partie devrait donner au Comité des renseignements détaillés sur les cas de refus d’extradition, de renvoi ou d’expulsion en raison du risque encouru par la personne de faire l’objet d’actes de torture, de mauvais traitements ou de la peine capitale à son retour dans le pays.

9)Le Comité est préoccupé par les garanties limitées qui ont été données pour que les demandeuses d’asile soient interrogées par du personnel féminin.

L’État partie devrait prendre les mesures nécessaires pour garantir que les demandeuses d’asile seront interrogées par du personnel féminin en toutes circonstances.

Enquête immédiate et impartiale

10)Le Comité est préoccupé par le fait que certains cas de torture et de mauvais traitements commis par des membres des forces de l’ordre ne fassent pas rapidement l’objet d’une enquête et par les sanctions prononcées contre leurs auteurs, en particulier en ce qui concerne le décès de M. Cheibani Wague pendant sa garde à vue, en 2003. Dans cette affaire, le Comité se déclare gravement préoccupé par les éléments suivants:

a)Le délai écoulé entre l’ouverture de l’enquête préliminaire, en juillet 2003, et le début des audiences du tribunal, en juillet 2005;

b)La peine légère prononcée le 9 novembre 2005, compte tenu du fait que des motifs raciaux ne pouvaient être exclus.

L’État partie devrait:

a) Faire en sorte que les plaintes pénales concernant la torture et les mauvais traitements déposées contre les autorités chargées de l’application des lois soient traitées rapidement;

b) Indiquer au Comité si un appel a été interjeté par le Procureur général et le tenir au courant du résultat de l’appel.

Examen des règles, des instructions, des méthodes et des pratiques relatives aux interrogatoires

11)Le Comité est préoccupé par les restrictions appliquées au droit de toute personne arrêtée de bénéficier de la présence d’un avocat pendant l’interrogatoire s’«il y a des raisons de croire que la présence d’un avocat pourrait remettre en cause la suite de l’enquête».

Le Comité demande instamment à l’État partie de prendre toutes les garanties juridiques et administratives nécessaires pour que cette restriction ne soit pas appliquée abusivement, qu’elle ne soit utilisée qu’en cas d’infractions très graves et qu’elle soit toujours soumise à l’autorisation d’un juge.

L’État partie devrait fournir, dans son prochain rapport périodique, des renseignements complémentaires sur la normalisation des techniques utilisées pour interroger des personnes en garde à vue et la mise en place de nouvelles techniques, en particulier l’enregistrement vidéo des interrogatoires, que le Comité encourage l’État partie à continuer d’utiliser, mais qui ne peuvent se substituer à la présence d’un avocat. En outre, le Comité demande des précisions sur les mesures qui ont été prises afin de surveiller et d’évaluer l’utilisation de ces techniques.

12)Le Comité est particulièrement préoccupé par l’insuffisance du système d’aide judiciaire.

Le Comité demande instamment à l’État partie de mettre en œuvre les recommandations du Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants afin d’établir un véritable système d’aide judiciaire doté des fonds nécessaires.

13)Le Comité est préoccupé par les informations selon lesquelles des policiers seraient présents pendant l’examen médical des personnes en garde à vue.

L’État partie devrait prendre les mesures appropriées pour qu’aucun policier n’assiste à l’examen médical des personnes en garde à vue afin de garantir la confidentialité des données médicales, sauf dans des circonstances exceptionnelles et justifiables (notamment le risque d’agression physique).

14)Le Comité est préoccupé par les conditions de détention des mineurs, en particulier par le fait que les moins de 18 ans ne soient pas toujours séparés des adultes dans les lieux de détention.

L’État partie devrait:

a) Mettre en place des mesures de substitution à la détention pour les mineurs;

b) Assurer la séparation stricte des mineurs et des adultes dans les lieux de détention;

c) Prendre des mesures préventives en vue d’empêcher que les jeunes détenus ne subissent de mauvais traitements physiques, notamment en dispensant une formation adéquate au personnel s’occupant des mineurs;

d) Veiller à ce que les responsables donnent au personnel, par écrit ou oralement, des instructions claires, selon lesquelles aucun comportement abusif envers des mineurs ne sera toléré.

Prévention des actes constituant un traitement cruel, inhumain et dégradant

15)Le Comité est préoccupé par le racisme et l’intolérance envers les étrangers dont feraient preuve certains agents chargés de faire respecter la loi, notamment par les agressions verbales dont auraient fait l’objet des Roms et des personnes d’origine africaine.

L’État partie devrait continuer à faire preuve de vigilance en veillant à ce que les mesures juridiques et administratives existantes pertinentes soient appliquées strictement et qu’il soit constamment signifié au personnel, dans le cadre des programmes de formation et des directives administratives, que les agressions verbales et les mauvais traitements ne seront pas tolérés et seront sanctionnés comme il se doit, et que les motivations d’ordre racial constituent des facteurs aggravants.

L’État partie devrait fournir au Comité des données sur les cas de torture et de mauvais traitements pour lesquels des facteurs aggravants, tels qu’ils sont énoncés à l’article 33 du Code pénal autrichien, y compris le racisme et la xénophobie, ont été invoqués lors de l’évaluation des peines prononcées pour les infractions.

16)Le Comité regrette que, dans de nombreux domaines visés par la Convention, l’État partie n’ait pu fournir des statistiques ou ventiler de façon appropriée les données communiquées (par âge, sexe et/ou groupe ethnique), par exemple, au cours du dialogue, en ce qui concerne les rejets de demandes d’extradition par crainte de torture, l’expulsion d’étrangers et le refoulement de demandeurs d’asile. L’État partie n’a pas non plus été en mesure de fournir des informations détaillées sur les cas de violence sexuelle ni sur les enquêtes menées, les poursuites engagées et les peines prononcées contre les auteurs de telles violations.

L’État partie devrait prendre les mesures nécessaires pour que les autorités compétentes ainsi que le Comité disposent d’informations détaillées lorsqu’ils évaluent la façon dont l’État partie respecte ses obligations découlant de la Convention.

17)Le Comité prend note avec préoccupation des informations selon lesquelles les autorités des Länder auraient pris du retard dans la révision de leurs cadres législatif et administratif en vue de mettre en œuvre les mesures prises à l’échelon fédéral pour renforcer l’application de la Convention. Il est particulièrement préoccupé par le fait que, en raison d’apparentes difficultés d’ordre constitutionnel résultant de la répartition des pouvoirs entre les autorités fédérales et celles des Länder, des dispositions fédérales détaillées concernant les besoins fondamentaux des réfugiés, notamment l’assistance en matière de santé, qui figurent dans la loi fédérale relative aux soins (2005), telle que modifiée, ainsi que dans l’Accord sur l’assistance de base (2004) conclu entre le Gouvernement fédéral et les Länder, n’ont été adoptées à ce jour que dans deux Länder.

L’État partie devrait tenir le Comité informé de l’adoption par les Länder des dispositions juridiques relatives aux besoins fondamentaux des réfugiés.

En outre, l’État partie devrait adopter les mesures nécessaires pour que les besoins considérés comme fondamentaux des demandeurs d’asile ne soient pas revus à la baisse au titre de la loi fédérale de 2005 relative aux soins, telle que modifiée.

Demande d’information

18)Le Comité recommande à l’État partie de lui donner des renseignements sur l’issue des procédures pénales dans l’affaire concernant l’agent autrichien de la Police civile des Nations Unies, accusé de mauvais traitements sur la personne d’un détenu de souche albanaise pendant qu’il était au service de la Mission d’administration intérimaire des Nations Unies au Kosovo, sur les mesures disciplinaires prises pendant et après les poursuites judiciaires, ainsi que sur l’indemnisation accordée à la victime présumée.

19)Le Comité encourage l’État partie à continuer de contribuer au Fonds de contributions volontaires des Nations Unies pour les victimes de la torture.

20)Le Comité encourage l’État partie à diffuser largement les rapports qu’il lui a soumis ainsi que les présentes conclusions et recommandations, dans toutes les langues voulues, par le biais des sites Web officiels, des médias et des organisations non gouvernementales.

21)Le Comité demande à l’État partie de lui fournir, dans un délai d’un an, des renseignements sur la suite qu’il aura donnée aux recommandations formulées aux paragraphes 7, 8, 10 b), 12, 15 b) et 17 a) ci‑dessus.

22)L’État partie est invité à soumettre son prochain rapport périodique, qui contiendra ses quatrième et cinquième rapports, avant le 31 décembre 2008, date à laquelle son cinquième rapport est attendu.

25. Bosnie-Herzégovine

1)Le Comité a examiné le rapport initial de la Bosnie‑Herzégovine (CAT/C/21/Add.6) à ses 667e et 670e séances (CAT/C/SR.667 et 670), les 8 et 9 novembre 2005, et a adopté, à sa 689e séance, les conclusions et recommandations ci‑après.

A. Introduction

2)Tout en accueillant avec satisfaction la présentation du rapport initial de la Bosnie‑Herzégovine et les renseignements qu’il contient, le Comité est préoccupé par le fait que ce document a été soumis avec plus de 10 ans de retard. Il se félicite de ce que la délégation ait été nombreuse et de haut niveau et composée de représentants des ministères compétents et des entités constitutives du pays, ce qui a contribué à la qualité du dialogue noué à l’occasion de l’examen du rapport.

3)Le Comité note qu’après avoir accédé à l’indépendance, en 1992, l’État partie a continué d’être troublé par un conflit armé, et ce jusqu’en 1995. En outre, sa structure juridique complexe et fragmentée, en vertu de laquelle les deux entités créées en application de l’Accord de paix de Dayton de 1995 (la Fédération de Bosnie‑Herzégovine et la Republika Srpska) et le district de Brčko jouissent d’une autonomie considérable, a parfois été la source de contradictions et de problèmes pour ce qui est de l’application de l’intégralité des lois et politiques à tous les échelons hiérarchiques. Le Comité tient néanmoins à rappeler à l’État partie que, malgré sa structure complexe, la Bosnie‑Herzégovine est un État unique au regard du droit international, qu’elle a l’obligation d’appliquer pleinement la Convention et qu’aucune circonstance exceptionnelle ne peut être invoquée pour justifier la torture.

B. Aspects positifs

4)Le Comité note que l’État partie a ratifié les principaux traités internationaux protégeant les droits fondamentaux de ses citoyens, dont la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale, la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, la Convention relative aux droits de l’enfant, la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, la Convention relative au statut des réfugiés et le Statut de Rome de la Cour pénale internationale.

5)En outre, le Comité prend note du fait que l’État partie a adhéré à des instruments régionaux ou les a ratifiés, dont la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, la Convention européenne pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants et la Convention européenne sur la transmission des procédures répressives.

6)Le Comité relève avec satisfaction les efforts fournis actuellement par l’État partie pour réviser la législation interne en vue d’assurer une meilleure protection des droits de l’homme, dont le droit de ne pas être soumis à la torture et à d’autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, qui se sont traduits en particulier par l’adoption des lois suivantes:

a)Le Code pénal et le Code de procédure pénale, qui sont entrés en vigueur en mars 2003;

b)La loi sur la protection des témoins menacés ou vulnérables, qui est entrée en vigueur en mars 2003;

c)La loi sur la circulation et le séjour des étrangers et sur l’asile, qui est entrée en vigueur en octobre 2003;

d)La loi nationale sur les personnes disparues, qui est entrée en vigueur en novembre 2004.

7)Le Comité se félicite en outre de la mise en place de la Cour d’État de Bosnie‑Herzégovine et de sa Chambre spéciale chargée d’examiner les crimes de guerre, ainsi que du Département spécial chargé des crimes de guerre relevant du Bureau du Procureur de la Bosnie‑Herzégovine, qui sont entrés en fonctions en mars 2005 et dont la création a ouvert la voie au défèrement aux tribunaux nationaux d’affaires dont le Tribunal pénal international pour l’ex‑Yougoslavie était saisi. Le Comité se félicite également de la création de la Commission de Srebrenica, qui a pour tâche d’enquêter sur les événements qui ont conduit au massacre de Srebrenica, de renseigner les familles de disparus sur le sort de leurs proches et de rendre public le résultat de leurs recherches dans un rapport.

8)Le Comité prend note avec intérêt de la déclaration d’un des membres de la délégation de l’État partie, selon laquelle la Bosnie‑Herzégovine ne dispose certes pas de mécanisme global de protection des victimes de tortures et de violences sexuelles commises pendant la période du conflit, soit de 1992 à 1995, mais qu’un système de protection du type d’une loi‑cadre nationale sera instauré en 2006.

C. Principaux sujets de préoccupation et recommandations

9)Le Comité est préoccupé par le décalage entre les définitions de la torture figurant dans la législation nationale et les lois des entités et par l’incompatibilité de ces définitions, en particulier celles contenues dans la législation de la Republika Srpska et de Brčko, avec la définition donnée à l’article premier de la Convention.

L’État partie devrait incorporer la définition de la torture telle qu’elle figure dans la Convention dans le droit interne de l’ensemble de l’État et faire en sorte que les définitions contenues dans les lois de la Republika Srpska et du district de Brčko soient harmonisées avec le Code pénal et le Code de procédure pénale de la Bosnie ‑Herzégovine en y apportant toutes les modifications nécessaires.

10)À propos des cas de torture et de mauvais traitements infligés pendant la guerre en ex‑Yougoslavie (1992‑1995), qui sont attestés par une documentation abondante, le Comité est préoccupé par les allégations selon lesquelles:

a)Les autorités compétentes de l’État partie manqueraient à leur obligation de procéder immédiatement à une enquête impartiale, de poursuivre les auteurs présumés et d’accorder aux victimes une indemnisation équitable et adéquate;

b)La conduite des procédures pénales serait entachée de partialité, les fonctionnaires appartenant au groupe ethnique majoritaire s’abstenant souvent de poursuivre les criminels présumés dont l’origine ethnique est identique à la leur;

c)Les témoins et victimes qui font une déposition dans le cadre d’une procédure seraient la cible d’actes de harcèlement et d’intimidation et de menaces et l’État partie ne leur offrirait pas une protection adéquate;

d)Les survivants de la torture, dont les victimes de violences sexuelles, ne seraient pas reconnus en tant que victimes de guerre, statut qui leur permettrait d’obtenir réparation et d’exercer leur droit à être indemnisés équitablement et de manière adéquate;

e)L’État partie, en particulier la Republika Srpska, ne coopérerait pas comme il le devrait avec le Tribunal pénal international pour l’ex‑Yougoslavie, n’ayant ni arrêté ni déféré des personnes mises en accusation par cet organe, dont Radovan Karadzić et Ratko Mladić, qui sont poursuivies pour génocide, tortures et d’autres crimes internationaux.

L’État partie devrait:

a) Prendre des mesures efficaces pour garantir que les autorités compétentes procèdent immédiatement à une enquête impartiale sur toute allégation de torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, que les auteurs soient poursuivis et sanctionnés quelle que soit leur origine ethnique et que les victimes soient indemnisées équitablement et de manière adéquate;

b) Collaborer pleinement avec le Tribunal pénal international pour l’ex ‑Yougoslavie, notamment en veillant à ce que toutes les personnes mises en accusation par cet organe soient appréhendées, arrêtées et mises à sa disposition et en lui donnant librement accès aux documents qu’il a demandés et aux témoins éventuels;

c) Fournir des informations concernant les procédures pénales, accorder une entraide judiciaire aux pays tiers concernés et au Tribunal pénal international pour l’ex ‑Yougoslavie et collaborer avec eux, conformément aux obligations découlant de la Convention;

d) Mettre en application la législation pertinente, notamment en assurant la protection des témoins et des autres parties à la procédure, et veiller à ce que les témoignages des victimes d’actes de torture et de mauvais traitements soient traités équitablement à tous les stades de la procédure;

e) Mettre au point des mesures d’ordre législatif et autre applicables dans tout le pays, notamment élaborer un programme officiel de réadaptation des victimes de la torture, dont les victimes de violences sexuelles, qui reconnaisse leur statut de victime et leur donne la possibilité de demander réparation et d’exercer leur droit d’être indemnisées équitablement et de manière adéquate et d’obtenir les moyens nécessaires à leur réadaptation conformément aux dispositions de la Convention.

11)Le Comité note que la composition des organes respectifs des entités tend à devenir multiethnique, mais il demeure préoccupé par des allégations selon lesquelles des enquêtes de police et des procédures judiciaires n’auraient pas été menées de manière impartiale pour des motifs d’ordre ethnique ou politique. Le Comité est également préoccupé par le fait que les autorités de l’État partie n’ont pas pu prévenir les attaques violentes lancées contre des personnes appartenant à des minorités ethniques ou autres, en particulier les rapatriés, et qu’elles n’ont pas ouvert d’enquête sur ces incidents.

L’État partie devrait veiller à ce que les juges, les procureurs, les avocats et les autres membres de l’appareil judiciaire soient pleinement conscients des obligations internationales de l’État partie en vertu de la Convention, à ce que le principe d’un traitement équitable soit respecté dans toute procédure et à ce que l’indépendance du pouvoir judiciaire soit pleinement garantie et protégée, en particulier dans les affaires relatives à la protection des minorités et des rapatriés.

12)Le Comité est préoccupé de constater que certains individus n’ont pas pu bénéficier en toutes circonstances d’une protection complète des droits garantis par les articles de la Convention relatifs à l’expulsion, au renvoi ou à l’extradition vers un pays tiers.

L’État partie devrait veiller à appliquer pleinement l’article 3 de la Convention et s’assurer que toute personne relevant de sa juridiction reçoive l’attention voulue des autorités compétentes et bénéficie d’un traitement équitable à tous les stades de la procédure, notamment en lui donnant la possibilité de demander un réexamen efficace, indépendant et impartial de toute décision d’expulsion, de renvoi et d’extradition la concernant.

L’État partie devrait fournir au Comité des renseignements concernant les affaires d’extradition dans lesquelles le risque de torture en cas de renvoi dans un pays tiers a ou n’a pas été pris en considération et indiquer notamment si la législation interne prévoit des garanties permettant d’empêcher qu’une personne soit extradée lorsque l’existence d’un tel risque est avérée.

13)Tout en prenant bonne note des informations fournies par l’État partie sur les diverses procédures relatives à l’application des lois et à l’administration des prisons, le Comité juge néanmoins préoccupant que ces procédures ne soient pas appliquées de la même manière dans tout le pays. En outre, la formation et les connaissances des membres de la police et des gardiens de prison et la traduction dans la pratique du savoir et des compétences acquis au cours de leur formation varient d’une entité à l’autre.

L’État partie devrait:

a) Organiser régulièrement des cours de formation du personnel chargé de l’application des lois, dont les membres de la police et les fonctionnaires de l’administration pénitentiaire, afin d’assurer que tous aient une connaissance approfondie des dispositions de la Convention et qu’ils soient bien conscients que les violations sont inadmissibles, qu’elles donnent lieu à une enquête et que leurs auteurs s’exposent à des poursuites. L’ensemble du personnel devrait recevoir une formation spécifique aux méthodes de détection des indices de torture;

b) Laisser des organismes indépendants exercer une surveillance régulière du comportement de la police et du personnel des prisons et veiller à ce que ce contrôle ait lieu, notamment en mobilisant les moyens existants tels que les bureaux des médiateurs et les organisations non gouvernementales;

c) Veiller au bon fonctionnement, à l’indépendance et à l’efficacité des mécanismes de contrôle interne de la police et des prisons.

14)Le Comité est préoccupé par l’absence d’installations séparées pour les hommes, les femmes et les enfants en détention, tant au début de la période de détention qu’après le prononcé de la peine.

L’État partie devrait prendre les mesures nécessaires pour que les hommes, les femmes et les enfants soient détenus dans des locaux séparés tout au long de la période de détention ou de confinement, conformément aux normes internationales en vigueur.

15)Le Comité note avec préoccupation que les personnes privées de liberté n’ont pas toutes la possibilité de communiquer promptement avec un avocat, un médecin ou un membre de leur famille.

L’État partie devrait faire en sorte de garantir à toutes les personnes détenues le droit d’entrer en relation avec leur famille et de communiquer sans délai avec un médecin indépendant ou un conseil dès le début de la période de détention.

16)Le Comité est préoccupé par des informations faisant état d’actes de violence entre détenus et de cas de violence sexuelle qui se seraient produits dans les prisons et autres lieux de détention.

L’État partie devrait diligenter des enquêtes pour faire la lumière sur toutes les allégations de violence dans les centres de détention et établissements pénitentiaires, en procédant, le cas échéant, à des examens médico ‑légaux, et prendre des mesures pour que de tels incidents ne se produisent plus.

17)Le Comité est préoccupé par des informations selon lesquelles les détenus resteraient jusqu’à 23 heures par jour dans leur cellule sans réelles occupations.

L’État partie devrait tout mettre en œuvre pour améliorer les conditions de vie des détenus et leur permettre d’avoir des activités à caractère professionnel ou de faire régulièrement de l’exercice physique.

18)Le Comité est préoccupé par l’insuffisance des mesures prises pour réviser les procédures d’enquête et de jugement et remédier aux lacunes et problèmes éventuels.

L’État partie devrait veiller à ce que les règles, instructions, méthodes et pratiques relatives à l’interrogatoire des personnes privées de liberté soient systématiquement révisées. Les recommandations formulées par les bureaux de médiateurs et autres mécanismes de surveillance suivie devraient dûment être mises en œuvre.

19)Le Comité note, sur la base des renseignements fournis par l’État partie, qu’il existe des procédures permettant aux détenus de déposer plainte, mais il est préoccupé par le fait que ces procédures diffèrent d’une prison à l’autre et que les détenus n’ont pas connaissance de ce droit consacré à l’article 13 de la Convention.

L’État partie devrait:

a) Veiller, entre autres, à ce que les personnes privées de liberté connaissent leurs droits et aient la possibilité de déposer plainte;

b) Créer un mécanisme indépendant qui serait chargé d’enquêter sur les allégations de torture ou de mauvais traitements;

c) Prendre les dispositions nécessaires pour que les personnes privées de liberté puissent communiquer régulièrement et en toute confidentialité avec les personnes et organes compétents (juges du tribunal compétent, bureau du médiateur ou organisations non gouvernementales).

20)Le Comité, tout en prenant note de l’adoption de la loi relative aux personnes disparues et des informations fournies de vive voix par la délégation de l’État partie, n’en demeure pas moins préoccupé par le fait que cette loi n’a pas été pleinement mise en œuvre, notamment en ce qui concerne la création des institutions qui y étaient prévues.

L’État partie devrait redoubler d’efforts pour créer l’institut chargé des personnes disparues et le fonds d’indemnisation des familles des disparus ainsi que le registre central des personnes disparues. L’État partie devrait également veiller à ce que les mécanismes en vigueur pour l’indemnisation des personnes soient utilisés de façon non discriminatoire.

21)Le Comité, tout en prenant note des efforts déployés par l’État partie pour lutter contre la traite à des fins d’esclavage sexuel, constate avec préoccupation que seul un nombre restreint de cas ont fait l’objet d’enquêtes et de poursuites, et que les sanctions infligées dans le cadre des affaires examinées en justice ont essentiellement été des amendes et des peines légères. Le Comité est en outre préoccupé par les allégations de complicité de membres de la police et des autorités chargées du contrôle des frontières. Par ailleurs, la législation adoptée par les entités, notamment les codes pénaux et les codes de procédure pénale, n’a pas été totalement harmonisée avec la législation fédérale.

L’État partie devrait:

a) Prendre les mesures nécessaires pour s’assurer que tous les responsables de l’application des lois enquêtent de façon exhaustive et sans délai sur toutes les allégations de traite d’êtres humains et que les auteurs de tels actes soient poursuivis;

b) Envisager de modifier le Code pénal et le Code de procédure pénale pour s’assurer que les sanctions prononcées pour la traite d’êtres humains soient à la hauteur de la gravité du crime;

c) Assurer la pleine et entière mise en œuvre de la loi sur la circulation et le séjour des étrangers et de son règlement sur la protection des victimes de la traite d’êtres humains;

d) Veiller à ce que les victimes de la traite d’êtres humains obtiennent réparation et soient indemnisées équitablement et de manière adéquate.

22)Le Comité note que le rapport de l’État partie contient beaucoup d’informations sur un certain nombre de situations, mais que ces informations n’ont pas été ventilées comme l’a demandé le Comité, de sorte qu’il est difficile de déceler s’il existe des abus systématiques ou des mesures appelant l’attention.

L’État partie est invité à fournir dans son prochain rapport périodique des données statistiques détaillées, ventilées par sexe, origine ethnique ou nationalité, âge, région géographique, type de privation de liberté et lieu de détention, sur les plaintes pour actes de torture ou autres mauvais traitements, y compris les affaires rejetées par les tribunaux, ainsi que sur les enquêtes, poursuites et sanctions disciplinaires et pénales correspondantes. Des renseignements sont également demandés sur les mesures d’indemnisation et de réadaptation prises en faveur des victimes.

23)L’État partie est encouragé à diffuser largement les rapports présentés par la Bosnie‑Herzégovine au Comité ainsi que les conclusions et recommandations de celui‑ci, dans les langues appropriées, par le biais des sites Web officiels, des médias et des organisations non gouvernementales. En outre, le Comité encourage l’État partie à examiner les conclusions et recommandations du Comité avec de nombreux interlocuteurs, y compris les bureaux de médiateurs et les organisations internationales, et en particulier avec les organismes qui ont soumis des renseignements à l’État partie et ont participé à la préparation du rapport.

24)Le Comité demande à l’État partie de lui fournir, dans un délai d’un an, des renseignements sur la suite qu’il aura donnée aux recommandations formulées aux paragraphes 10, 11, 15, 19 et 21 a) ci‑dessus.

25)L’État partie est invité à soumettre son prochain rapport périodique, qui sera considéré comme un rapport unique valant deuxième à cinquième rapports, avant le 5 mars 2009, date à laquelle est dû le cinquième rapport périodique.

26.République démocratique du Congo

1)Le Comité a examiné le rapport initial de la République démocratique du Congo (CAT/C/37/Add.6) à ses 686e et 687e séances, les 21 et 22 novembre 2005 (CAT/C/SR.686 et 687), et a adopté, à sa 691e séance, les conclusions et recommandations ci-après.

A. Introduction

2)Le Comité se félicite de la présentation du rapport initial de la République démocratique du Congo, qui est conforme aux directives générales du Comité pour l’établissement des rapports, mais regrette qu’il ait été soumis avec huit années de retard. Il salue la franchise de ce rapport dans lequel l’État partie reconnaît des lacunes dans la mise en œuvre de la Convention. Il se félicite du dialogue constructif engagé avec la délégation de haut niveau envoyée par l’État partie et prend note avec satisfaction des réponses franches et complètes apportées aux questions posées au cours de ce dialogue.

B. Aspects positifs

3) Le Comité prend note avec satisfaction des faits positifs suivants:

a)La ratification par l’État partie de la plupart des principales conventions internationales relatives aux droits de l’homme;

b) La ratification par l’État partie, le 30 mars 2002, du Statut de Rome de la Cour pénale internationale;

c) La volonté exprimée par l’État partie de résorber le retard pris dans la présentation de ses rapports aux différents organes conventionnels, volonté concrétisée par la transmission desdits rapports au Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies, par le biais du nouveau Comité interministériel permanent créé le 13 décembre 2001;

d) L’existence d’une proposition de loi modifiant et complétant le Code pénal pour que la Convention soit intégrée pleinement dans la législation nationale de la République démocratique du Congo;

e) La création d’institutions destinées à la promotion et à la protection des droits de l’homme, telles que l’Observatoire national des droits de l’homme et le Ministère des droits de l’homme, ainsi que la coopération naissante entre les autorités gouvernementales et la société civile dans la promotion et la protection des droits de l’homme, en particulier dans la lutte contre la torture.

C. Facteurs et difficultés entravant la mise en œuvre de la Convention

4) Le Comité note que l’État partie se trouve encore dans une phase de transition politique, économique et sociale aggravée par un conflit armé qui a eu et continue d’avoir un impact sur le pays. Le Comité fait observer toutefois qu’aucune circonstance exceptionnelle, quelle qu’elle soit, ne peut être invoquée pour justifier la torture, conformément à l’article 2, paragraphe 2, de la Convention.

D. Sujets de préoccupation et recommandations

5) Le Comité constate avec préoccupation que l’État partie n’a ni incorporé la Convention dans son droit interne ni adopté des dispositions législatives visant à mettre en œuvre la Convention, et note en particulier:

a) Qu’il n’existe pas encore, dans le droit interne, une définition de la torture strictement conforme à celle figurant dans l’article premier de la Convention;

b) Que le droit de la République démocratique du Congo ne prévoit pas de compétence universelle pour les actes de torture;

c) Qu’il n’existe pas de dispositions donnant effet à d’autres articles de la Convention, notamment les articles 6 à 9.

Le Comité recommande à l’État partie de prendre toutes les mesures législatives, administratives et judiciaires nécessaires pour prévenir la torture et les mauvais traitements sur son territoire, et en particulier:

a) D’adopter une définition de la torture qui englobe tous les éléments constitutifs qui figurent à l’article premier de la Convention et de modifier son droit pénal interne en conséquence;

b) De veiller à ce que les actes de torture constituent des infractions relevant de sa compétence, conformément à l’article 5 de la Convention;

c) De garantir l’application de la Convention, notamment ses articles 6 à 9.

6)Le Comité est en outre préoccupé par les allégations récurrentes de torture et de mauvais traitements généralisés imputés aux forces et services de sécurité de l’État partie, ainsi que par l’impunité apparente dont bénéficient les auteurs de ces actes.

a) L’État partie devrait prendre des mesures effectives pour prévenir tout acte de torture et tous mauvais traitements dans tout territoire sous sa juridiction;

b) L’État partie devrait prendre des mesures énergiques pour que soit éliminée l’impunité des auteurs présumés d’actes de torture et de mauvais traitements, que des enquêtes promptes, impartiales et exhaustives soient menées à ce sujet, que les auteurs de ces actes soient jugés et, s’ils sont reconnus coupables, condamnés à des peines appropriées, et que les victimes soient convenablement indemnisées.

7) Le Comité prend note de la mise hors la loi des lieux de détention illégale échappant au contrôle du parquet, tels que les cachots des services de sécurité et du Groupe spécial de sécurité présidentielle où des personnes ont été soumises à la torture. Il reste toutefois préoccupé par le fait que des agents de l’État partie continuent de priver arbitrairement des personnes de leur liberté, notamment dans des lieux occultes de détention. Il s’inquiète aussi des allégations selon lesquelles des militaires et des responsables de l’application des lois infligeraient couramment des tortures et des mauvais traitements aux personnes détenues.

a) L’État partie devrait prendre des mesures urgentes pour que tout lieu de détention soit sous autorité judiciaire, en accord avec la décision présidentielle du 8 mars 2001;

b) L’État partie devrait prendre sans délai des mesures efficaces pour empêcher ses agents de procéder à des détentions arbitraires et de pratiquer la torture. Tous les cas allégués de détention arbitraire et de torture devraient faire l’objet d’enquêtes approfondies, les responsables devraient être poursuivis et les victimes devraient se voir accorder une réparation complète, y compris une indemnisation juste et suffisante;

c) L’État partie devrait prendre des mesures pour garantir que toute personne détenue soit enregistrée formellement et conduite devant un juge et pour assurer son droit à recevoir l’assistance d’un avocat de son choix, à être examinée par un médecin et à contacter sa famille ou les personnes de son choix.

8) Le Comité est préoccupé par les déficiences d’ordre qualitatif et quantitatif au sein du pouvoir judiciaire et du ministère public, qui sont les institutions publiques auxquelles incombe l’obligation de veiller à la sécurité des personnes et celle d’assurer le fonctionnement d’un État qui garantit le respect des droits de l’homme.

a) L’État partie devrait adopter des mesures efficaces visant à renforcer l’indépendance du pouvoir judiciaire, épine dorsale de tout état de droit parce que garant des droits et libertés reconnus par la Constitution, en particulier en améliorant les conditions de travail des fonctionnaires ainsi que les infrastructures propres au bon déroulement de leurs tâches. Le Comité estime que l’État devrait former les magistrats pour améliorer l’efficacité des enquêtes et mettre les décisions judiciaires en conformité avec les normes internationales applicables en la matière. Il recommande, en outre, l’adoption de mesures efficaces pour assurer l’indépendance des membres du pouvoir judiciaire et la protection de leur intégrité physique;

b) Le Comité encourage l’État partie à rechercher les moyens de renforcer le pouvoir judiciaire, en particulier par le biais de la coopération internationale.

9)Le Comité note avec préoccupation l’existence d’une justice militaire pouvant juger des civils.

L’État partie devrait prendre les dispositions nécessaires pour que les juridictions militaires se cantonnent à juger uniquement des militaires, pour des infractions militaires et en accord avec les dispositions internationales applicables en la matière.

10) Le Comité a pris note avec préoccupation du grand nombre de forces et de services de sécurité dotés de pouvoirs d’arrestation, de mise en détention et d’enquête.

L’État partie devrait limiter au strict minimum le nombre de forces et de services de sécurité dotés de pouvoirs d’arrestation, de détention et d’enquête et veiller à ce que la police reste la principale institution responsable de l’application des lois.

11) Le Comité a noté les conditions de détention préoccupantes qui règnent en République démocratique du Congo. Les problèmes les plus courants sont le surpeuplement, une nourriture insuffisante, les mauvaises conditions d’hygiène et le manque de ressources matérielles, humaines et financières. Le traitement des prisonniers reste un sujet de préoccupation pour le Comité. Des cas de châtiments corporels pour faute disciplinaire sont signalés. La mise au secret et la privation de nourriture sont aussi utilisées à titre de mesure disciplinaire. Il est fréquent que des mineurs et des femmes ne soient pas séparés des adultes et des hommes.

L’État partie devrait mettre fin aux pratiques contraires à l’Ensemble de règles minima des Nations Unies pour le traitement des détenus. Il devrait également prendre immédiatement des mesures pour réduire la surpopulation dans les prisons ainsi que le nombre de personnes placées en détention provisoire, tout en garantissant que les mineurs et les femmes soient séparés des adultes et des hommes.

12) Le Comité est vivement préoccupé par la violence sexuelle généralisée contre les femmes, y compris dans les lieux de détention.

L’État partie devrait mettre en place et promouvoir un mécanisme efficace chargé de recevoir les plaintes pour violence sexuelle, y compris au sein du système pénitentiaire, et d’enquêter sur ces plaintes, ainsi que de fournir aux victimes une protection et une aide psychologiques et médicales.

13) Le Comité a pris note avec préoccupation des représailles, des actes graves d’intimidation et des menaces dont feraient l’objet les défenseurs des droits de l’homme, en particulier les personnes dénonçant des actes de torture et des mauvais traitements.

L’État partie devrait prendre des mesures efficaces pour veiller à ce que toutes les personnes dénonçant des tortures ou des mauvais traitements soient protégées contre tous actes d’intimidation et toutes conséquences défavorables que pourrait avoir pour elles cette dénonciation. Le Comité encourage l’État partie à renforcer sa coopération avec la société civile dans la prévention de la torture.

14) Le Comité est préoccupé par la situation de vulnérabilité générale dans laquelle se trouvent les enfants abandonnés face à la torture et autres traitements cruels, inhumains ou dégradants, en particulier les enfants utilisés comme combattants par les groupes armés qui agissent sur le territoire de la République démocratique du Congo.

L’État partie devrait adopter et appliquer des mesures législatives et administratives d’urgence pour protéger les enfants, en particulier les enfants abandonnés, des violences sexuelles et assurer leur réhabilitation et réinsertion. Le Comité, en outre, recommande à l’État partie de prendre toutes les mesures possibles pour que tous les enfants soldats soient démobilisés, ainsi que de veiller à leur réadaptation et réinsertion sociale.

15) Le Comité note avec préoccupation le manque de statistiques, en particulier sur les cas de torture, sur les plaintes et les condamnations des coupables.

L’État partie devra faire figurer dans son prochain rapport périodique des données statistiques détaillées, ventilées par infraction, origine ethnique et sexe, sur les plaintes concernant des actes de torture et des mauvais traitements qui auraient été commis par des responsables de l’application des lois, ainsi que sur les enquêtes, poursuites et sanctions pénales et disciplinaires correspondantes. Des renseignements sont également demandés sur les mesures d’indemnisation et les services de réadaptation offerts aux victimes.

16) L’État partie est encouragé à diffuser largement les rapports présentés par la République démocratique du Congo au Comité, ainsi que les conclusions et recommandations de celui-ci, dans les langues appropriées, par le moyen des sites Web officiels, des médias et des organisations non gouvernementales.

17)Le Comité demande à l’État partie de lui fournir, dans un délai d’un an, des renseignements sur les suites qu’il aura données aux recommandations du Comité, telles qu’exprimées dans le paragraphe 5, points a), b) et c), ci-dessus.

18) L’État partie est invité à soumettre son prochain rapport périodique, qui couvrira ses deuxième à quatrième rapports, regroupés en un seul document, avant le 16 avril 2009, date à laquelle son quatrième rapport est attendu.

27. Équateur

1)Le Comité a examiné le troisième rapport périodique de l’Équateur (CAT/C/39/Add.6) à ses 673e et 675e séances, les 11 et 14 novembre 2005 (CAT/C/SR.673 et 675), et a adopté les conclusions et recommandations ci‑après.

A. Introduction

2)Le Comité prend note avec satisfaction du troisième rapport périodique de l’Équateur, mais observe qu’il aurait dû être présenté en avril 1997, c’est‑à‑dire six ans plus tôt. Il se félicite du dialogue constructif établi avec la délégation de haut niveau et des réponses écrites franches et directes aux questions du Comité.

3)Le Comité prend note des efforts entrepris par l’État partie pour se conformer aux directives du Comité concernant la présentation de rapports mais constate que le rapport ne contient pas suffisamment d’informations sur les aspects pratiques de l’application des dispositions de la Convention et espère qu’à l’avenir l’État partie s’acquittera pleinement des obligations qui lui incombent en vertu de l’article 19 de la Convention.

B. Aspects positifs

4)Le Comité accueille avec satisfaction l’adoption de la nouvelle Constitution politique de la République de 1998 qui renforce de manière générale la protection des droits de l’homme. Il se félicite également, en particulier, de l’adoption en 2003 du Code de l’enfance et de l’adolescence et, en 2005, de la loi de réforme du Code pénal qui qualifie les infractions d’exploitation sexuelle de mineurs. Il se félicite en outre de l’intégration définitive des juges pour mineurs au pouvoir judiciaire.

5)Le Comité se félicite de la présentation au pouvoir législatif de différents projets de loi, comme l’avant‑projet de loi sur l’administration de la justice autochtone, le projet de loi organique sur l’exécution des peines, le projet de loi sur la défense publique et le projet de loi sur les crimes contre l’humanité.

6)Le Comité se félicite de l’adoption du Plan national pour les droits de l’homme et des plans opérationnels sectoriels et de la création de sous‑commissions provinciales dotées de programmes thématiques qui répondent aux priorités régionales et locales. Il prend note avec satisfaction de la prise en compte des questions relatives à la prison dans le Plan opérationnel sur les droits de l’homme.

7)Le Comité prend note de la diminution du nombre de plaintes déposées auprès du Commissariat à la femme et à la famille.

8)Le Comité prend note avec satisfaction de l’invitation permanente adressée par l’État partie à tous les mécanismes spéciaux de la Commission des droits de l’homme et se félicite en particulier de la visite récente du Rapporteur spécial sur l’indépendance des juges et des avocats.

9)Le Comité salue la création, en 2002, de la Commission de coordination publique pour les droits de l’homme, mécanisme interinstitutions aux travaux duquel la société civile participe activement et qui est chargé d’élaborer les rapports périodiques que l’État partie doit présenter en application des instruments internationaux des droits de l’homme auxquels il est partie.

10)Le Comité note également avec satisfaction que le Bureau d’enquêtes sur les délits a été supprimé et que c’est le ministère public qui dirige l’enquête préalable au jugement et l’instruction pénale.

11)Le Comité se félicite de la collaboration de la Commission permanente du Plan national pour les droits de l’homme avec la société civile en vue de l’élaboration de manuels de formation à l’intention du personnel pénitentiaire.

12)Le Comité se félicite en outre de la ratification par l’État partie de la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille en 2003, du Statut de la Cour pénale internationale en 2002 et de la Convention interaméricaine sur les disparitions forcées en 2002.

C. Facteurs et difficultés entravant la mise en œuvre de la Convention

13)Le Comité prend note de la crise politique et constitutionnelle que connaît l’État partie. Toutefois, il signale qu’aucune circonstance exceptionnelle, quelle qu’elle soit, ne peut être invoquée pour justifier la torture.

D. Principaux sujets de préoccupation et recommandations

14)Bien que la législation de l’État partie interdise le recours à des peines cruelles, inhumaines ou dégradantes, le Comité note avec préoccupation que l’État partie n’a pas complètement aligné la définition du crime de torture du Code pénal équatorien sur les dispositions des articles 1er à 4 de la Convention.

L’État partie doit prendre les mesures nécessaires pour veiller à ce que tous les actes de torture visés aux articles 1 er à 4 de la Convention soient considérés comme des infractions au regard de sa législation pénale interne et pour veiller à l’application de peines appropriées correspondant à la gravité de ces infractions. De même, le Comité recommande l’adoption du projet de loi sur les crimes contre l’humanité qui s’inscrit dans le processus de mise en œuvre du Statut de Rome, y compris en ce qui concerne le crime de torture.

15)Tout en prenant note avec satisfaction de la mise en place du Plan national pour les droits de l’homme et de ses plans opérationnels sectoriels, à l’élaboration desquels la société civile a beaucoup participé, le Comité regrette que ne participe plus à la mise en œuvre de ces plans qu’une des cinq organisations de la société civile qui l’avaient initialement appuyé (art. 2).

L’État partie doit stimuler l’application du Plan national pour les droits de l’homme par le biais de mécanismes véritablement opérationnels qui permettent aux organisations de la société civile de participer à la mise en œuvre dudit Plan.

16)Le Comité prend note avec préoccupation des allégations selon lesquelles au moins 70 % des détenus des centres de réadaptation sociale de Quito ont été victimes d’un recours excessif et illégitime à la force, y compris de tortures psychologiques et sexuelles, de la part de fonctionnaires de l’administration de la justice pénale et de la force publique au cours de leur détention (art. 2 et 7).

L’État partie devrait prendre des mesures pour mettre un terme à l’impunité des responsables présumés d’actes de torture et de mauvais traitements à l’encontre de ces détenus et veiller à ce que des enquêtes promptes, impartiales et exhaustives soient menées à ce sujet, que les auteurs de ces actes soient jugés et, le cas échéant, reconnus coupables et condamnés à des peines appropriées, et que les victimes soient convenablement indemnisées. En outre, il devrait mettre en place des programmes de formation destinés à résoudre ces problèmes.

17)Le Comité est préoccupé par les allégations d’actes de torture et de mauvais traitements commis à l’encontre de groupes vulnérables, comme par exemple les membres des communautés autochtones, les minorités sexuelles et les femmes (violence familiale), bien que la législation interne protège ces groupes. Les enquêtes menées sur ces allégations, qui portent aussi sur le traitement des défenseurs des droits de l’homme, sont insuffisantes (art. 2 et 12).

L’État partie doit veiller à ce que les allégations d’actes de torture et de mauvais traitements commis à l’encontre de ces groupes fassent l’objet d’enquêtes minutieuses et à ce que les responsables soient poursuivis. De même, l’État partie devrait développer et renforcer les services du défenseur du peuple destinés à protéger ces groupes.

18)Le Comité prend note avec préoccupation de la lenteur et du retard avec lesquels les affaires judiciaires sont traitées. Il a été informé que, rien qu’à Pichincha, plus de 390 000 affaires étaient en souffrance.

L’État partie doit allouer des ressources qui permettent de réduire et, à terme, d’éliminer le véritable engorgement que connaît l’appareil judiciaire et prendre des mesures pour éviter qu’un tel phénomène se reproduise.

19)Le Comité note avec préoccupation l’application de la détention avant mise en accusation («detención en firme»), mesure par laquelle le magistrat instructeur de l’affaire, au moment de rendre une ordonnance de renvoi, doit obligatoirement ordonner la détention de la personne afin de garantir sa présence au procès et éviter la suspension de la procédure (art. 2).

L’État partie devrait favoriser les progrès législatifs de manière à contribuer à la réduction de la durée de la détention provisoire, et notamment à supprimer du Code de procédure pénale la détention avant mise en accusation («detención en firme»), qui doit faire l’objet d’un recours en inconstitutionnalité devant le Tribunal constitutionnel dont les membres seront désignés prochainement.

20)Le Comité est préoccupé par les allégations selon lesquelles, dans le cadre des procédures d’expulsion, les règles relatives à une procédure régulière ne seraient pas pleinement respectées et l’application des mécanismes empêchant de faire courir des risques à une personne en la renvoyant dans son pays d’origine ne serait pas totalement garantie. Il regrette aussi l’insuffisance des mécanismes permettant aux autorités migratoires de vérifier si une personne risque d’être soumise à la torture si elle est renvoyée dans son pays d’origine (art. 3 et 6).

L’État partie doit adopter dans toutes les intendencias du pays des mesures administratives visant à garantir le respect d’une procédure régulière pendant l’expulsion, en particulier le droit à la défense, la présence d’un agent diplomatique du pays de la personne détenue et, dans le cas des réfugiés, la présence obligatoire de personnel du HCR. Il lui est aussi recommandé d’organiser dans l’ensemble du pays, à l’intention des membres de la police des migrations et des fonctionnaires de l’administration chargés des expulsions, des programmes de formation au droit international des réfugiés mettant l’accent sur le contenu et la portée du principe de non ‑refoulement.

21)Le Comité prend note avec préoccupation des allégations d’actes de torture commis lors de la détention au secret, à laquelle serait soumis un grand nombre de détenus. Certains avocats disent que, dans les locaux de la police judiciaire, ils ne sont pas autorisés à s’entretenir avec leur client et que, dans certains cas, le détenu ne peut être examiné par un médecin indépendant. Il semblerait aussi que, dans certains cas, la victime n’ait pas eu le droit de contacter son propre avocat (art. 4 et 6).

L’État partie doit garantir la mise en pratique de garanties légales de base applicables aux personnes détenues par la police, en veillant à ce que soit respecté leur droit de contacter un proche, de consulter un avocat et un médecin de leur choix et d’être rapidement informées de leurs droits et, lorsqu’il s’agit de mineurs, de bénéficier de la présence de leur représentant légal pendant l’interrogatoire.

22)Le Comité regrette que l’État partie n’ait pas encore mis en place un programme de formation et de renforcement des capacités à l’intention du personnel de l’appareil judiciaire, du ministère public, de la police et des établissements pénitentiaires, y compris à l’intention du personnel médical, des psychiatres et des psychologues, sur les principes et normes de protection des droits de l’homme dans le traitement des détenus, comme le demande l’arrêt de la Cour interaméricaine des droits de l’homme du 7 septembre 2004.

L’État partie doit améliorer et approfondir la formation des forces de sécurité de l’État en matière de droits de l’homme, en particulier en ce qui concerne les dispositions de la Convention, en faisant appel à la société civile (universités et ONG notamment). Il devrait adopter et appliquer rapidement le Plan national des forces armées pour les droits de l’homme. De même, il devrait, conformément à l’arrêt de la Cour interaméricaine des droits de l’homme dans l’affaire Tibi , créer un comité interinstitutions chargé de définir et d’exécuter des programmes de formation sur les droits de l’homme et le traitement des détenus.

23)Le Comité prend note avec préoccupation des allégations selon lesquelles la torture et autres traitements inhumains ou dégradants constituent une pratique habituelle dans le cadre des enquêtes pénales effectuées dans les locaux de la police judiciaire par des agents de la force publique (art. 11 et 16).

L’État partie doit veiller à ce que les allégations faisant état d’un usage excessif de la force pendant les enquêtes pénales fassent l’objet d’enquêtes minutieuses et à ce que les responsables soient poursuivis. Il doit veiller à ce que, pendant l’enquête, les personnes soient détenues dans des lieux adaptés, où s’exerce une surveillance constante.

24)Le Comité regrette vivement la situation qui existe dans les centres de détention, en particulier dans les centres de réadaptation sociale, où les violations des droits fondamentaux des détenus sont une constante. Le surpeuplement, la corruption et les mauvaises conditions matérielles qui prévalent dans les établissements pénitentiaires, en particulier le manque d’hygiène, d’aliments appropriés et de soins de santé adaptés, constituent des violations des droits consacrés par la Convention (art. 11).

L’État partie doit adopter des mesures efficaces, y compris l’allocation des crédits budgétaires nécessaires pour améliorer les conditions matérielles dans les établissements pénitentiaires, réduire le surpeuplement et répondre comme il se doit aux besoins fondamentaux de toutes les personnes privées de liberté, en particulier la présence de personnel médical indépendant et qualifié chargé d’examiner à intervalles réguliers les personnes détenues. De même, le Comité encourage la Sous ‑Commission sectorielle pour les droits de l’homme en prison à mettre en pratique le plan opérationnel prévoyant entre autres objectifs le suivi des programmes de formation et des plaintes relatives à des violations des droits de l’homme dans le système pénitentiaire présentées par des particuliers.

25)Le Comité exprime une nouvelle fois son inquiétude quant à l’existence de juridictions militaires et policières qui ne se contentent pas de statuer dans des affaires portant sur des délits commis dans l’exercice de fonctions policières ou militaires. Cette situation n’est pas compatible avec les instruments internationaux auxquels l’Équateur est partie (art. 12 et 13).

L’État partie doit garantir aux tribunaux ordinaires le plein exercice de leur fonction, conformément à ses obligations internationales et à la vingt ‑sixième disposition transitoire de la Constitution politique de la République, afin de garantir l’indépendance des juges.

26)Le Comité regrette que la législation de l’État partie ne prévoie aucun mécanisme spécifique pour indemniser les victimes d’actes de torture et/ou leur offrir réparation et pour leur fournir les moyens nécessaires à leur réadaptation (art. 14).

L’État partie doit établir un cadre normatif spécifique pour la réparation des actes de torture et pour la conception et l’application de programmes complets de soins et d’appui destinés aux victimes d’actes de torture.

27)Le Comité note avec satisfaction que l’État partie a participé à des processus de règlement amiable au niveau international, en particulier dans le cadre du système interaméricain, afin de donner suite à des plaintes relatives à des violations des droits de l’homme (y compris la torture). Cependant, il s’est généralement contenté d’indemniser les victimes sans enquêter suffisamment sur les plaintes et sans punir les responsables (art. 14).

L’État partie doit s’assurer que, dans les cas de règlement amiable, outre le versement d’indemnités, une enquête approfondie est menée pour établir la responsabilité des auteurs des violations des droits de l’homme.

28)Le Comité recommande à l’État partie de diffuser largement les rapports qu’il a présentés au Comité, ainsi que les conclusions et recommandations de celui‑ci, par le biais des sites Web officiels, des médias et des organisations non gouvernementales.

29)Le Comité engage l’État partie à envisager de ratifier le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

30)Le Comité demande à l’État partie de lui fournir, dans le délai d’un an, des renseignements sur les mesures concrètes qu’il aura prises pour donner suite aux recommandations contenues dans les paragraphes 17, 22, 24 et 25 à compter de l’adoption des présentes conclusions.

31)Le Comité invite l’État partie à présenter son prochain rapport périodique, qui sera considéré comme regroupant les quatrième, cinquième et sixième rapports, au plus tard le 28 avril 2009, date limite de présentation de son sixième rapport périodique.

28. France

1)Le Comité a examiné le troisième rapport périodique de la France (CAT/C/34/Add.19) à ses 681e et 684e séances, les 17 et 18 novembre 2005, et a adopté les conclusions et recommandations suivantes à sa 692e séance, le 24 novembre 2005.

A. Introduction

2)Le Comité accueille avec satisfaction le troisième rapport périodique de la France qui, dans l’ensemble, est conforme aux directives concernant la forme et le contenu des rapports périodiques, mais regrette qu’il ait été soumis avec six années de retard. Tout en notant que le même régime juridique s’applique sur l’ensemble du territoire de l’État partie, le Comité relève l’absence d’information sur l’application de la Convention dans les départements et territoires d’outre-mer. Le Comité note également l’absence d’information sur la mise en œuvre de la Convention dans les territoires ne relevant pas de la juridiction de l’État partie et où ses forces armées sont déployées, notamment en Côte d’Ivoire.

3)Le Comité se félicite du processus participatif visant à associer la Commission nationale consultative des droits de l’homme, qui regroupe de nombreux acteurs de la société civile, à la préparation du rapport. Le Comité prend également note avec satisfaction des réponses écrites apportées par la France à la liste des points à traiter, ainsi que des renseignements complémentaires fournis oralement lors de l’examen du rapport. Enfin, le Comité se félicite du dialogue constructif engagé avec la délégation de haut niveau envoyée par l’État partie et la remercie des réponses franches et directes apportées aux questions posées.

B. Aspects positifs

4)Le Comité prend note avec satisfaction des éléments suivants:

a)La création de la Commission nationale de déontologie de la sécurité (CNDS), le 6 juin 2000, faisant rapport de manière exhaustive sur la conduite des agents de la force publique;

b)La création par la loi du 26 novembre 2003 d’une Commission nationale de contrôle des centres et locaux de rétention et des zones d’attente, chargée de veiller «au respect des droits des étrangers qui y sont placés ou maintenus», ainsi qu’«au respect des normes relatives à l’hygiène, à la salubrité, à l’équipement et à l’aménagement de ces lieux», et qui devrait entrer en fonctions prochainement, conformément aux indications fournies par l’État partie lors de l’examen du rapport;

c) La participation du Ministère de la santé, en collaboration avecl’Association pour les victimes de la répression en exil (AVRE), à la publication d’un manuel destiné au corps médical et qui concerne la détection des séquelles de torture;

d) La réforme introduite par la loi du 10 décembre 2003, qui accorde une protection subsidiaire «à toute personne» ne remplissant pas les conditions pour se voir reconnaître la qualité de réfugié, conformément à la Convention du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, et qui «établit qu’elle est exposée dans son pays à l’une des menaces graves suivantes: la peine de mort, la torture ou des peines ou traitements inhumains ou dégradants (…)»;

e) Le soutien régulier au Fonds de contributions volontaires des Nations Unies pour les victimes de la torture, depuis 1982, et l’augmentation substantielle de la contribution de la France à ce fonds;

f) Le dispositif permettant aux victimes du terrorisme d’obtenir une indemnisation, même lorsque les faits se sont produits en dehors du territoire français;

g) La signature du Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, le 16 septembre 2005, et les mesures en cours en vue de sa ratification;

h)La ratification du Statut de Rome de la Cour pénale internationale, le 9 juin 2000, et les mesures adoptées par l’État partie pour intégrer ce traité dans sa législation interne.

C.  Sujets de préoccupation et recommandations

Définition

5)Tout en notant les efforts réalisés par l’État partie dans sa législation, afin de poursuivre et sanctionner les responsables d’actes de torture, le Comité reste préoccupé par l’absence dans le Code pénal français d’une définition de la torture qui soit conforme à l’article premier de la Convention, ce qui peut prêter à confusion et nuire à la collecte de données pertinentes, tel que cela est apparu dans les statistiques accompagnant les réponses écrites de l’État partie (art. 1er).

Le Comité réitère sa recommandation (A/53/44, par. 144) que l’État partie devrait envisager d’intégrer dans sa législation pénale une définition de la torture strictement conforme à l’article premier de la Convention, établissant une différenciation entre les actes de torture commis par un agent de la fonction publique, ou toute autre personne agissant à titre officiel ou à son instigation ou avec son consentement exprès ou tacite, et les actes de violence au sens large commis par des acteurs non étatiques, ainsi que d’en faire une infraction imprescriptible.

Non-refoulement

6)Le Comité est préoccupé par la procédure d’asile en vigueur dans l’État partie qui ne permet pas à l’heure actuelle de distinguer les demandes d’asile fondées sur l’article 3 de la Convention de l’ensemble des autres demandes, en augmentant ainsi le risque de renvoi de certaines personnes vers un État où elles pourraient être soumises à la torture. Le Comité est également préoccupé par le caractère expéditif de la procédure dite prioritaire, concernant l’examen des demandes déposées dans les centres de rétention administrative ou aux frontières, laquelle ne permet pas une évaluation des risques conforme à l’article 3 de la Convention (art. 3).

Le Comité recommande que l’État partie envisage d’instituer une procédure permettant une distinction entre les demandes d’asile fondées sur l’article 3 de la Convention et l’ensemble des autres demandes, en vue d’assurer une protection absolue à toute personne qui risque d’être soumise à la torture en cas de renvoi dans un État tiers. À cet égard, le Comité recommande également que les situations couvertes par l’article 3 de la Convention fassent l’objet d’un examen des risques plus approfondi, en conformité avec les dispositions de l’article 3 susvisé, notamment en procédant de manière systématique à des entretiens individuels qui permettraient une meilleure évaluation des risques personnels encourus par le demandeur, ainsi qu’en mettant à sa disposition un service d’interprétariat gratuit.

7)Tout en notant que, suite à l’entrée en vigueur de la loi du 30 juin 2000, la décision de refoulement («non-admission») d’une personne peut faire l’objet d’un référé-suspension ou d’un référé-injonction, le Comité est préoccupé par le caractère non suspensif de ces procédures, compte tenu du fait que «la décision prononçant le refus d’entrée peut être exécutée d’office par l’administration» entre l’introduction du recours et la décision du juge relative à la suspension de la mesure d’éloignement (art. 3).

Le Comité réitère sa recommandation (A/53/44, par. 145) qu’une décision de refoulement («non-admission») entraînant une mesure d’éloignement puisse faire l’objet d’un recours suspensif, lequel devrait être effectif dès l’instant où il est déposé. Le Comité recommande également que l’État partie prenne les mesures nécessaires pour s’assurer que les personnes soumises à une mesure d’éloignement puissent faire usage de toutes les voies de recours existantes, y compris l’accès au Comité contre la torture par le moyen de l’article 22 de la Convention.

8)Le Comité est préoccupé par le fait que, depuis l’entrée en vigueur de la loi du 26 novembre 2003, toute personne refoulée («non admise») ne bénéficie plus d’office d’un jour franc, mais doit en faire expressément la demande, faute de quoi elle peut faire l’objet d’une mesure d’éloignement immédiate (art. 3).

Le Comité recommande que l’État partie prenne les mesures nécessaires afin que les personnes refoulées («non admises») bénéficient d’office d’un jour franc et soient informées de ce droit dans une langue qu’elles comprennent.

9)Le Comité est également préoccupé par les nouvelles dispositions de la loi du 10 décembre 2003 introduisant des notions d’«asile interne» et de «pays d’origine sûrs» qui ne garantissent pas une protection absolue contre le risque de renvoi d’une personne vers un État où elle risquerait d’être soumise à la torture. Le Comité s’interroge sur les raisons pour lesquelles l’État partie, en intégrant dans sa législation interne la décision-cadre no 2002/584/JAI du Conseil de l’Union européenne, en date du 13 juin 2002 et relative au mandat d’arrêt européen et aux procédures de remise entre États membres, n’y a pas transposé le treizième considérant de cette décision-cadre qui stipule que «nul ne devrait être éloigné, expulsé ou extradé vers un État où il existe un risque sérieux qu’il soit soumis à la peine de mort, à la torture ou à d’autres peines ou traitements inhumains ou dégradants» (art. 3).

Le Comité recommande que l’État partie prenne les mesures idoines pour s’assurer que les demandes d’asile de personnes provenant d’États auxquels s’appliquent les notions d’«asile interne» ou de «pays d’origine sûrs» soient examinées en tenant compte de la situation personnelle du demandeur et en pleine conformité avec les dispositions des articles 3 et 22 de la Convention. Le Comité recommande, par ailleurs, que l’État partie prenne les mesures législatives nécessaires pour intégrer à la loi du 9 mars 2004, portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, une disposition prévoyant que nul ne pourra être refoulé, expulsé ou extradé vers un État où il y a des motifs sérieux de croire qu’il risque d’être soumis à la torture.

10)Tout en relevant la retenue dont les agents de la force publique ont fait preuve lors des troubles qui se sont répandus dans de nombreuses villes françaises et face auxquels la police a été mobilisée pour contrôler les émeutes, le Comité est sérieusement préoccupé par les déclarations du Ministre de l’intérieur demandant aux préfets d’ordonner l’expulsion immédiate des personnes condamnées durant ces émeutes, indépendamment de leur statut administratif. Le Comité craint que la mise en œuvre de cette déclaration puisse avoir un effet discriminatoire, par le fait même qu’elle viserait non seulement des ressortissants étrangers en situation irrégulière, mais également des Français naturalisés déchus de leur nationalité par décision de justice et des étrangers jusque-là régulièrement établis en France. Par ailleurs, le Comité est préoccupé par le risque de renvoi des personnes ainsi condamnées dans un État où elles risqueraient d’être soumises à la torture (art. 3).

Le Comité recommande que l’État partie prenne toutes les mesures nécessaires afin de garantir qu’aucune expulsion ne sera exécutée à l’encontre de quiconque risquerait d’être soumis à la torture en cas de renvoi vers un État tiers. Le Comité recommande, par ailleurs, que l’État partie veille à ce que les personnes concernées aient droit à un procès équitable, lorsque cette mesure est conforme à la loi. Le Comité souligne également que l’expulsion ne devrait pas être utilisée comme une mesure punitive.

Le Comité recommande également que l’État partie lui fournisse des informations sur les allégations reçues qui concernent des arrestations collectives de personnes en vue d’être placées, dans l’attente d’un renvoi vers un État tiers, dans des centres de rétention administrative.

11)Le Comité prend note qu’à la suite du décès de M. Ricardo Barrientos et de M. Mariame Geto Hagos, tous deux morts au cours d’une opération d’éloignement forcé pendant l’année 2002, de nouvelles instructions, relatives à l’éloignement des étrangers en situation irrégulière, ont été données le 17 juin 2003, lesquelles interdisent toutes formes de bâillonnement, la compression du thorax, le pliage du tronc et le garrottage des membres et autorisent les seuls gestes techniques professionnels d’intervention qui sont précisés dans ces instructions et sont conformes aux prescriptions médicales (art. 3).

Le Comité recommande que l’État partie prenne les mesures nécessaires pour assurer une mise en œuvre effective de ces instructions par les agents chargés des opérations d’éloignement. L’État partie devrait également autoriser la présence d’observateurs des droits de l’homme ou de médecins indépendants à l’occasion de tous les éloignements forcés par avion. Il devrait également permettre de façon systématique un examen médical avant ce type d’éloignement et lorsque la tentative d’éloignement a échoué.

12)Le Comité fait observer à l’État partie qu’il lui avait demandé, par lettre du 19 décembre 2001, à travers son Rapporteur spécial chargé des nouvelles requêtes et des mesures provisoires de protection, et en application du paragraphe 1 de l’article 108 de son règlement intérieur, de surseoir à l’expulsion d’un requérant, compte tenu du fait qu’il existait des motifs sérieux de croire que celui-ci risquait d’être soumis à la torture en cas de renvoi dans son pays d’origine, mais que l’État partie n’a pas jugé opportun de donner une suite favorable à la recommandation du Comité. Le Comité rappelle à l’État partie qu’en faisant sa déclaration sous l’article 22, qui reconnaît la compétence du Comité pour recevoir et examiner des communications de particuliers relevant de sa juridiction qui prétendent être victimes d’une violation des dispositions de la Convention par l’État partie, ce dernier s’engage à appliquer de bonne foi les recommandations qui lui sont faites par le Comité. En ne respectant pas la demande de mesures conservatoires qui lui avait été faite, l’État partie a contrevenu gravement aux obligations qui lui incombent, en vertu de l’article 22 de la Convention, parce qu’il a empêché le Comité de mener à bonne fin l’examen de la requête faisant état d’une violation de la Convention et a rendu l’action du Comité sans objet et l’expression de ses constatations sans valeur. De plus, le non-respect de la disposition susmentionnée, en particulier par une action irréparable comme l’expulsion, anéantit la protection des droits consacrés par la Convention (art. 3).

Le Comité recommande que l’État partie prenne toutes les mesures nécessaires afin de garantir que toute demande de mesures provisoires de protection adressée par le Comité, en application du paragraphe 1 de l’article 108 de son règlement intérieur, sera désormais rigoureusement observée.

Compétence universelle

13)Le Comité est préoccupé par le fait que l’avant-projet de loi portant adaptation de la législation française au Statut de la Cour pénale internationale limite le champ de la compétence universelle aux ressortissants d’États non parties au Traité de Rome portant création de la Cour pénale internationale et confie le monopole des poursuites au ministère public de l’État partie (art. 5).

Le Comité recommande que l’État partie maintienne sa détermination à poursuivre et à juger les auteurs présumés d’actes de torture trouvés sur tout territoire sous sa juridiction, quelle que soit leur nationalité. Le Comité recommande également à l’État partie de garantir réellement le droit des victimes à un recours effectif, en particulier par leur faculté de déclencher l’action publique par le moyen de la constitution en partie civile, ainsi que par tout autre moyen permettant le plus effectif respect de ses obligations par l’État partie, au titre des articles 5, 6, 7 et 13 de la Convention.

14)Tout en saluant la décision de la cour d’assises de Nîmes, en date du 1er juillet 2005, de condamner par contumace à la peine de 10 ans de réclusion le capitaine mauritanien Ely Ould Dah pour crimes de torture, le Comité reste préoccupé par le fait que, bien qu’arrêté en 1999, il a pu quitter le territoire français en 2000, après que la chambre d’accusation de la cour d’appel de Montpellier eut décidé de le remettre en liberté en le plaçant sous contrôle judiciaire. Le Comité regrette que l’État partie n’ait pas pris les mesures nécessaires pour maintenir M. Ould Dah sur son territoire et assurer sa présence lors du procès, conformément à ses obligations au titre de l’article 6 de la Convention (art. 6).

Le Comité recommande que l’État partie, lorsqu’il établit sa compétence aux fins de connaître des actes de torture, dans le cas où l’auteur présumé de ceux-ci se trouve sur tout territoire sous sa juridiction, prenne les mesures nécessaires pour assurer la détention ou la présence de cette personne, conformément à ses obligations au titre de l’article 6 de la Convention.

Formation des agents de la force publique

15)Le Comité prend note de la réactualisation du Guide pratique de la déontologie dans la police nationale et des informations apportées par l’État partie au sujet des mesures en cours pour prolonger et améliorer la formation des agents de la force publique au respect de l’intégrité physique et psychique des personnes arrêtées, détenues ou emprisonnées. Le Comité reste néanmoins préoccupé par le nombre et la gravité des allégations parvenues jusqu’à lui au sujet des mauvais traitements infligés par des agents de l’ordre public à des détenus et à d’autres personnes auxquelles ils se heurtent (art. 10).

Le Comité recommande que l’État partie prenne les mesures nécessaires pour que la réforme en cours, prévoyant la prolongation et l’amélioration de la formation des agents de la force publique, soit rapidement mise en œuvre et étendue à toute personne chargée de l’application des lois.

Dispositions concernant la garde et le traitement des personnes arrêtées, détenues ou emprisonnées

16)Le Comité est préoccupé par les modifications apportées par la loi du 9 mars 2004, lesquelles, dans le cadre de la procédure particulière applicable en matière de criminalité et de délinquance organisées, retardent l’accès à un avocat à la 72e heure de la garde à vue. Ces nouvelles dispositions seraient de nature à entraîner des violations aux dispositions de l’article 11 de la Convention, dans la mesure où c’est pendant les premières heures de l’arrestation, et en particulier pendant la période de détention «incomunicado», que le risque de torture est le plus grand. Le Comité est également préoccupé tant par le recours fréquent à la détention provisoire que par sa durée (art. 11).

Le Comité recommande que l’État partie prenne les mesures législatives adéquates afin de garantir l’accès immédiat à un avocat dès les premières heures de la garde à vue, ceci dans le but de prévenir tout risque de torture, conformément à l’article 11 de la Convention. À cet égard, le Comité recommande également à l’État partie d’étendre aux adultes la pratique existante qui consiste à filmer les gardes à vue de mineurs. Le Comité recommande également que des mesures soient prises pour réduire la durée de la détention provisoire, ainsi que le recours à celle-ci.

17)Tout en prenant acte des mesures prises par l’État partie pour répondre au problème crucial de la surpopulation carcérale, notamment par la construction de nouveaux établissements et l’étude de solutions alternatives à la détention, le Comité reste préoccupé par les mauvaises conditions de détention dans les établissements pénitentiaires, en particulier aux maisons d’arrêt de Loos et de Toulon, ainsi que dans les centres de rétention administrative. Le Comité est particulièrement préoccupé par l’insuffisance des inspections internes, l’inadaptation et la vétusté des bâtiments, ainsi que par les conditions d’hygiène défaillantes. Il est également préoccupé par l’augmentation des incidents violents entre détenus ainsi que par celle des suicides qui lui ont été rapportés (art. 11 et 16).

Le Comité recommande que l’État partie prenne les mesures nécessaires pour ratifier dans les meilleurs délais le Protocole facultatif à la Convention et instituer un mécanisme national chargé de conduire des visites périodiques dans les lieux de détention, afin de prévenir la torture ou tous autres traitements cruels, inhumains ou dégradants.

18)Le Comité prend acte des mesures prises par l’État partie pour améliorer les conditions de vie dans les zones d’attente, en particulier à l’aéroport de Roissy‑Charles‑de‑Gaulle, et en faciliter l’accès aux organisations non gouvernementales. Il reste néanmoins préoccupé par les informations reçues concernant des cas de violence policière, incluant des traitements cruels, inhumains et dégradants, dans ces zones d’attente, en particulier à l’encontre de personnes d’origine non occidentale (art. 11 et 16).

Le Comité recommande à l’État partie de prendre les mesures nécessaires qui permettent une rapide entrée en fonction de la Commission nationale de contrôle des centres et locaux de rétention et des zones d’attente, ainsi que de s’assurer que ces recommandations seront mises en œuvre de manière effective.

19)Tout en prenant note du projet de décret régissant l’isolement cellulaire invoqué par l’État partie, le Comité est préoccupé par le fait que celui-ci ne prévoit aucune limitation de durée et qu’une motivation spéciale ne serait nécessaire qu’à partir de deux années passées en isolement. Le Comité s’inquiète du fait que des détenus peuvent être ainsi maintenus sous ce régime pendant de nombreuses années, en dépit des répercussions nocives que cette mesure d’isolement pourrait entraîner sur l’état physique et psychique de ces personnes (art. 16).

Le Comité recommande que l’État partie prenne les mesures nécessaires pour que l’isolement cellulaire demeure une mesure exceptionnelle et limitée dans le temps, en accord avec les normes internationales.

Enquête impartiale

20) Le Comité continue d’être préoccupé par le système de l’opportunité des poursuites qui laisse aux procureurs de la République la possibilité de ne pas poursuivre les auteurs d’actes de torture et de mauvais traitements impliquant des agents de la force publique, ni même d’ordonner une enquête, ce qui est en contradiction évidente avec les dispositions de l’article 12 de la Convention (art. 12).

Le Comité réitère sa recommandation (A/53/44, par. 147) selon laquelle, pour respecter dans la lettre et dans l’esprit les dispositions de l’article 12 de la Convention, l’État partie devrait envisager une dérogation au système de l’opportunité des poursuites, afin qu’aucun doute ne soit permis quant à l’obligation pour les autorités compétentes de déclencher spontanément et systématiquement des enquêtes impartiales dans tous les cas où existent des motifs raisonnables de croire qu’un acte de torture a été commis sur tout territoire sous sa juridiction, et cela dans l’esprit de la recommandation du Comité des droits de l’homme (CCPR/C/79/Add.80, par. 15) demandant à l’État partie de «prendre les mesures voulues pour avoir l’entière assurance que toutes les enquêtes et poursuites sont entreprises en totale conformité avec les dispositions du paragraphe 3 de l’article 2 et des articles 9 et 14 du Pacte».

21)Le Comité est préoccupé par le fait qu’en dépit de la condamnation de l’État partie par la Cour européenne des droits de l’homme, pour violation de l’article 3 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales dans l’affaire Selmouni c. France, la cour d’appel de Paris a condamné à une peine légère les agents de la force publique impliqués dans cette affaire (art. 12).

Le Comité recommande que l’État partie prenne les mesures nécessaires pour s’assurer que tout agent de la fonction publique, ou toute autre personne agissant à titre officiel ou à son instigation ou avec son consentement exprès ou tacite, responsable d’actes de torture soit poursuivi et sanctionné d’une peine proportionnelle à la gravité des actes commis.

Droit de porter plainte

22)Tout en accueillant avec satisfaction la création de la Commission nationale de déontologie de la sécurité (CNDS), le Comité est préoccupé par le fait que cette commission ne peut pas être saisie directement par une personne ayant fait l’objet de torture ou de traitements cruels, inhumains ou dégradants, mais uniquement par l’entremise d’un parlementaire, du Premier Ministre ou du Défenseur des enfants(art. 13).

Le Comité recommande que l’État partie prenne les mesures nécessaires permettant la saisine directe de la CNDS par toute personne qui prétend avoir été soumise à la torture ou à un traitement cruel, inhumain ou dégradant sur tout territoire sous sa juridiction, conformément aux dispositions de l’article 13 de la Convention.

23)Le Comité recommande à l’État partie d’inclure dans son prochain rapport des informations sur l’application de la Convention dans les départements et territoires d’outre-mer, ainsi que sur la mise en œuvre de celle-ci dans les territoires ne relevant pas de sa juridiction et où ses forces armées sont déployées.

24)Le Comité recommande également à l’État partie d’inclure dans son prochain rapport des données, ventilées par âge, sexe et appartenance ethnique, sur:

a)Le nombre de demandes d’asile enregistrées;

b)Le nombre de demandes acceptées;

c)Le nombre de requérants dont la demande d’asile a été acceptée sur la base de tortures subies ou parce qu’ils pourraient être sujets à la torture s’ils étaient renvoyés dans le pays de provenance;

d)Le nombre de refoulements ou d’expulsions;

e)Le nombre de plaintes enregistrées pour allégations de torture ou de traitements cruels, inhumains ou dégradants.

25)Le Comité recommande que l’État partie assure une large distribution sur son territoire des conclusions et recommandations du Comité, dans toutes les langues appropriées, par le moyen de sites Internet officiels, de la presse et des organisations non gouvernementales.

26)Le Comité demande à l’État partie de lui fournir dans un délai d’un an des informations sur la mise en œuvre des recommandations du Comité exprimées aux paragraphes 10, 15 et 18 ci‑dessus.

27)L’État partie est invité à soumettre son prochain rapport périodique, qui sera considéré comme ses quatrième à sixième rapports, regroupés en un seul document, au plus tard le 25 juin 2008, date à laquelle son sixième rapport est attendu.

29.Népal

1)Le Comité a examiné le deuxième rapport périodique du Népal (CAT/C/33/Add.6) à ses 669e et 672e séances (CAT/C/SR.669 et 672), les 9 et 10 novembre 2005, et a adopté, à sa 687e séance, le 22 novembre 2005, les conclusions et recommandations ci‑après.

A. Introduction

2)Le Comité accueille avec satisfaction le rapport du Népal et se félicite de l’occasion qui lui est ainsi offerte de reprendre ses échanges avec l’État partie. Tout en appréciant le dialogue constructif instauré avec la délégation de l’État partie, le Comité note que le rapport n’est pas totalement conforme aux directives pour l’élaboration des rapports périodiques et qu’il y manque des informations sur les aspects pratiques de l’application de la Convention.

3)Le Comité prend connaissance avec intérêt des renseignements complémentaires fournis par l’État partie par écrit en réponse à la liste des points à traiter (CAT/C/35/NPL) et par la délégation dans ses observations préliminaires et dans ses réponses aux questions soulevées.

B. Aspects positifs

4)Le Comité se félicite de l’adoption de la loi de 1996 sur l’indemnisation en cas de torture et de la loi de 1997 portant création d’une commission des droits de l’homme, qui visent à favoriser la mise en œuvre de la Convention.

5)Le Comité prend note de la mise en place d’un certain nombre de mécanismes de coordination et de surveillance en matière de droits de l’homme, comme la Commission nationale des droits de l’homme, la Commission nationale pour les femmes et la Commission nationale dalit, le Comité de la protection des droits de l’homme et le Comité national de coordination, ainsi que de cellules des droits de l’homme au sein de la police, de la Force de police armée et de l’Armée royale népalaise.

6)Le Comité accueille également avec satisfaction l’accord passé entre l’État partie et le Haut‑Commissariat aux droits de l’homme (HCDH) le 11 avril 2005, portant sur la création d’un bureau du HCDH au Népal. Il se félicite de la coopération suivie de l’État partie avec le bureau du HCDH au Népal.

7)Le Comité note que l’État partie a reçu la visite de membres des procédures spéciales ci‑après de la Commission des droits de l’homme:

a)Groupe de travail sur la détention arbitraire, en 1996;

b)Rapporteur spécial sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires, en 2000;

c)Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires, en 2004;

d)Représentant du Secrétaire général pour les droits de l’homme des personnes déplacées dans leur propre pays, en 2005; et

e)Rapporteur spécial sur la question de la torture, en 2005.

8)Le Comité salue la générosité dont a fait preuve l’État partie en accueillant plus de 100 000 réfugiés bhoutanais et de 20 000 réfugiés tibétains.

9)Le Comité se réjouit également de la signature par l’État partie, le 8 septembre 2000, du Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés.

C. Facteurs et difficultés entravant la mise en œuvre de la Convention

10)Le Comité est conscient de la situation difficile que connaît l’État partie du fait du conflit armé interne et s’alarme du grand nombre d’atrocités commises par le Parti communiste népalais (CPN) maoïste. Il fait observer toutefois qu’aucune circonstance exceptionnelle quelle qu’elle soit ne peut être invoquée pour justifier la torture.

11)Le Comité déplore que l’absence de parlement, depuis mai 2002, nuise à la capacité de l’État partie de mettre en œuvre la Convention, et en particulier d’adopter ou de modifier des lois, ainsi que de ratifier des instruments internationaux.

D. Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Définition

12)Le Comité constate avec préoccupation que la définition de la torture figurant à l’alinéa a du paragraphe 2 de la loi de 1996 sur l’indemnisation en cas de torture, l’absence de disposition légale dans le droit interne en vigueur visant à ériger la torture en infraction pénale et le projet de code pénal ne sont pas en accord avec la définition de l’article premier de la Convention contre la torture (art. 1er et 4 de la Convention).

L’État partie devrait adopter une législation interne qui garantisse que les actes de torture, y compris les tentatives, la complicité et la participation à de tels actes, soient érigés en infractions pénales sanctionnées par des peines proportionnées à la gravité des infractions commises, et envisager de prendre des mesures pour modifier la loi de 1996 sur l’indemnisation en cas de torture afin de la rendre conforme à tous les éléments de la définition de la torture figurant dans la Convention. L’État partie devrait fournir au Comité des renseignements sur la jurisprudence nationale relative à la définition de la torture selon l’article premier de la Convention.

Pratique généralisée de la torture

13)Le Comité est vivement préoccupé par le nombre anormalement élevé de rapports concordants et fiables faisant état d’une pratique généralisée de la torture et de mauvais traitements par les agents des forces de l’ordre, et en particulier par l’Armée royale népalaise, la Force de police armée et la police, et par l’absence de mesures visant à garantir une protection réelle à tous les membres de la société (art. 2 et 11).

L’État partie devrait condamner publiquement la pratique de la torture et prendre des mesures concrètes pour empêcher les actes de torture sur tout territoire dépendant de sa juridiction. Il devrait également prendre toutes les mesures nécessaires, selon qu’il conviendra, pour protéger tous les membres de la société des actes de torture.

Détention

14)Le Comité s’inquiète également:

a)Du nombre de détenus en détention prolongée sans jugement au titre de la loi sur la sécurité publique et de l’ordonnance sur la prévention et la répression des actes terroristes et subversifs de 2004;

b)Du recours généralisé à la détention avant jugement, pour une durée pouvant aller jusqu’à 15 mois, et de l’absence, au titre de l’ordonnance sur la prévention et la répression des actes terroristes et subversifs de 2005, de garanties fondamentales concernant le respect des droits des personnes privées de liberté, y compris du droit de contester l’arrestation, qui se traduit par de nombreux cas présumés de détention au secret.

L’État partie devrait rendre la pratique de la détention avant jugement conforme aux normes internationales en matière de droits de l’homme et veiller à ce que les droits fondamentaux des personnes privées de liberté soient garantis, y compris le droit à l’ habeas corpus , le droit d’informer un proche et le droit de consulter un avocat et un médecin de leur choix. Il devrait veiller à ce que toute mesure prise pour lutter contre le terrorisme soit conforme aux dispositions des résolutions 1373 (2001) et 1566 (2004) du Conseil de sécurité, qui exigent que les mesures antiterroristes soient appliquées dans le respect total, entre autres, du droit international relatif aux droits de l’homme, y compris la Convention. L’État partie devrait fournir au Comité des renseignements sur le nombre de personnes encore en détention avant jugement.

Commission nationale des droits de l’homme

15)Tout en reconnaissant le rôle important joué par la Commission nationale des droits de l’homme dans la promotion et la protection des droits de l’homme au Népal, le Comité est préoccupé par la fréquente inapplication par l’État partie des recommandations de la Commission.

L’État partie devrait prendre les mesures nécessaires pour soutenir la Commission nationale des droits de l’homme dans ses activités, en veillant à ce que ses recommandations soient pleinement mises en œuvre.

Indépendance de l’appareil judiciaire

16)Le Comité se déclare préoccupé par la perte d’indépendance et d’efficacité marquée de l’appareil judiciaire dans l’État partie et par le non‑respect flagrant des décisions judiciaires par les membres des forces de sécurité qui, semble‑t‑il, arrêtent à nouveau les mêmes personnes, et ce y compris dans les locaux de la Cour suprême.

L’État partie devrait tout mettre en œuvre pour garantir l’indépendance de son appareil judiciaire, notamment en veillant à ce que les forces de sécurité respectent les décisions judiciaires. Il devrait fournir au Comité des renseignements sur la composition, le mandat, les méthodes de travail et les enquêtes de la Commission royale de lutte contre la corruption, et indiquer notamment si celle ‑ci est compétente pour les questions constitutionnelles en totale conformité avec les dispositions de la Convention et si ses décisions peuvent faire l’objet d’un contrôle juridictionnel. Les mêmes informations sont demandées à l’État partie en ce qui concerne les comités de coordination du secteur de la justice.

Non ‑refoulement

17)Le Comité regrette l’absence de législation nationale énonçant les droits des réfugiés et des demandeurs d’asile, et note avec préoccupation que l’État partie n’a pas adhéré à la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés ni aux instruments juridiques internationaux connexes. Le Comité est également préoccupé par des allégations concernant le refoulement de demandeurs d’asile tibétains, étant donné le caractère absolu de l’interdiction de refoulement au titre de l’article 3 de la Convention (art. 3).

Le Comité recommande à l’État partie d’envisager d’adhérer à la Convention relative au statut des réfugiés et aux instruments juridiques internationaux connexes. Il recommande également à l’État partie de se doter d’une législation visant à interdire le refoulement de personnes sans procédure légale appropriée. L’État partie devrait fournir au Comité des renseignements sur le nombre de cas d’extradition, de déplacement, de reconduite à la frontière, de retour forcé et d’expulsion qui ont eu lieu depuis 1994, ainsi que des renseignements sur le nombre de cas où la reconduite à la frontière n’a pas été effectuée par crainte de torture.

Compétence universelle

18)Le Comité regrette l’absence de compétence universelle dans la législation interne en ce qui concerne les actes de torture, ainsi que le fait que certaines dispositions du projet de code pénal ne soient pas conformes aux articles 5 à 9 de la Convention.

L’État partie devrait prendre les mesures nécessaires pour garantir que les actes de torture relèvent de la compétence universelle au titre du projet de code pénal, conformément à l’article 5 de la Convention. Il devrait également tout mettre en œuvre pour veiller au respect des articles 6 à 9 de la Convention.

Formation sur l’interdiction de la torture

19)Tout en reconnaissant les efforts faits par l’État partie pour former et informer les agents de l’État en matière d’interdiction de la torture, le Comité regrette l’absence d’informations sur les effets de tels efforts d’éducation et de formation. Le Comité est également préoccupé par des rapports faisant état d’un raccourcissement de la formation des officiers et des nouvelles recrues de l’Armée royale népalaise (art. 10).

L’État partie devrait intensifier ses efforts d’éducation et de formation relatives à l’interdiction de la torture et mettre en place des mécanismes d’évaluation et de surveillance pour en mesurer les effets.

Interrogatoires et détention

20)Le Comité est profondément troublé par les allégations fiables et persistantes selon lesquelles les forces de sécurité auraient souvent recours à des méthodes d’interrogatoire interdites par la Convention (art. 11).

L’État partie doit garantir que les agents des forces de l’ordre ne recourent en aucune circonstance à des méthodes d’interrogatoire interdites par la Convention. De plus, l’État partie devrait communiquer au Comité des renseignements sur les mesures adoptées pour revoir les règles, les instructions, les méthodes et les pratiques en matière d’interrogatoire applicables par les agents des forces de l’ordre et lui en fournir des exemples.

21)Le Comité est préoccupé par:

a)Le nombre de prisonniers en détention provisoire dans les lieux d’incarcération;

b)Le recours systématique aux casernes pour les détenus en attente de jugement ou en détention provisoire;

c)L’absence d’enregistrement systématique et officiel des arrestations et des détentions;

d)Une disposition de la loi de 1996 sur l’indemnisation en cas de torture qui donne pouvoir à l’officier concerné, dans un lieu de détention, de procéder à l’examen médical d’un détenu lors de son arrestation et de sa libération, lorsqu’il n’y a pas de médecin. En particulier, le Comité s’inquiète de rapports selon lesquels les examens médicaux effectués au moment de l’arrestation et de la libération ne seraient pas faits dans les règles;

e)De graves allégations faisant état d’un recours persistant à la détention au secret et le manque d’informations sur le nombre exact de lieux et d’établissements de détention;

f)Des allégations de non‑respect des ordonnances d’habeas corpus délivrées par les tribunaux;

g)L’absence de système judiciaire pour mineurs opérationnel, les enfants étant souvent soumis aux mêmes procédures, lois et violations que les adultes. En particulier, le Comité est préoccupé par des allégations selon lesquelles des enfants sont détenus au titre de l’ordonnance sur la prévention et la répression des actes terroristes et subversifs pendant de longues périodes.

En conséquence, l’État partie devrait:

a) Prendre les mesures nécessaires pour réduire la détention avant jugement chaque fois que c’est possible;

b) Transférer immédiatement tous les détenus vers des lieux de détention légaux et conformes aux normes internationales minimales;

c) Prendre immédiatement des mesures pour veiller à ce que toutes les arrestations et les détentions soient systématiquement enregistrées, en particulier s’agissant de mineurs. L’État partie devrait envisager de créer un registre central des personnes privées de liberté auquel les inspecteurs nationaux et internationaux auraient accès;

d) Envisager de modifier la section pertinente de la loi de 1996 sur l’indemnisation en cas de torture, afin de garantir que tous les détenus subissent un examen médical adéquat au moment de leur arrestation et de leur libération;

e) Interdire le recours à la détention au secret. Le Comité recommande que les personnes détenues au secret soient libérées, ou inculpées et jugées dans le cadre d’une procédure régulière. L’État partie devrait fournir au Comité des renseignements sur le nombre exact et la localisation des lieux et des établissements de détention utilisés par l’Armée royale népalaise, la Force de police armée et la police, ainsi que sur le nombre de personnes privées de liberté;

f) Prendre des mesures pour garantir le respect par les forces de sécurité de toutes les décisions judiciaires des tribunaux, y compris celles d’ habeas corpus ;

g) Prendre les mesures nécessaires pour protéger les mineurs de violations de la Convention et garantir le bon fonctionnement d’un système judiciaire pour mineurs conforme aux normes internationales, leur accordant un traitement en rapport avec leur âge.

Surveillance systématique de tous les lieux de détention

22)Le Comité est préoccupé par l’absence de surveillance systématique efficace de tous les lieux de détention, notamment de visites régulières inopinées de ces lieux par des inspecteurs nationaux et internationaux.

L’État partie devrait envisager d’instaurer un système national visant à surveiller tous les lieux de détention et à donner suite aux résultats de cette surveillance systématique.

23)Le Comité est également préoccupé par le fait qu’à plusieurs reprises des inspecteurs nationaux et internationaux se sont vu refuser l’accès à des lieux de détention ou n’ont pas bénéficié d’une coopération suffisante lors de leurs missions d’information. Le Comité s’inquiète en outre de l’adoption du nouveau Code de conduite des organisations non gouvernementales qui, entre autres dispositions, limitera considérablement les possibilités de surveillance par les ONG.

Le Comité recommande à l’État partie d’envisager de modifier le Code de conduite des organisations non gouvernementales afin qu’il corresponde aux normes internationales en matière de droits de l’homme en ce qui concerne la protection des défenseurs des droits de l’homme. L’État partie devrait veiller à ce que les inspecteurs nationaux et internationaux soient autorisés à effectuer des visites régulières, indépendantes, inopinées et non soumises à restriction dans tous lieux de détention. L’État partie devrait faciliter les visites, par exemple, du Comité international de la Croix-Rouge, du HCDH, de la Commission nationale des droits de l’homme et des ONG nationales et internationales.

Impunité

24)Le Comité est préoccupé par le climat d’impunité qui règne en ce qui concerne les actes de torture et les mauvais traitements et par les allégations persistantes d’arrestations sans mandat, d’exécutions extrajudiciaires, de décès en détention et de disparitions (art. 12).

L’État partie devrait faire savoir clairement et sans ambiguïté à toutes les personnes et à tous les groupes sous sa juridiction qu’il condamne la torture et les mauvais traitements. Il devrait prendre des mesures législatives, administratives et judiciaires efficaces pour veiller à ce que toutes les allégations d’arrestations sans mandat, d’exécutions extrajudiciaires, de décès en détention et de disparitions donnent rapidement lieu à des enquêtes, des poursuites et des sanctions. En ce qui concerne les présomptions de cas de torture, les suspects devraient être suspendus de leurs fonctions ou mutés pendant la durée des investigations.

25)Tout en prenant acte de la création de cellules des droits de l’homme au sein des forces de sécurité, le Comité s’inquiète de l’absence d’organisme indépendant susceptible d’enquêter sur les actes de torture et les mauvais traitements commis par des agents des forces de l’ordre.

L’État partie devrait créer un organisme indépendant chargé d’enquêter sur les actes de torture et les mauvais traitements commis par des agents des forces de l’ordre. Il devrait fournir au Comité des renseignements sur le mandat, le rôle, la composition et la jurisprudence des tribunaux spéciaux de police.

Groupes ou castes marginalisés et défavorisés

26)Malgré la reconnaissance par l’État partie de l’existence d’une discrimination de caste dans le pays et la création de la Commission nationale dalit, le Comité est profondément préoccupé par la persistance de pratiques discriminatoires profondément ancrées et commises à large échelle à l’égard de groupes ou de castes marginalisés et défavorisés, comme les Dalits. Le Comité s’inquiète également du fait que la pratique de discrimination de caste, qui est très ancienne, soit renforcée par le conflit que connaît actuellement le pays.

Le Comité réaffirme qu’il est du devoir de l’État partie de protéger tous les membres de la société, en particulier les citoyens appartenant aux groupes ou aux castes marginalisés et défavorisés, comme les Dalits. L’État partie devrait prendre des mesures spécifiques pour préserver leur intégrité physique, veiller à ce que des mécanismes de responsabilité soient mis en place pour garantir que l’appartenance à une caste n’ouvre pas la porte à des violences, à des détentions illégales et à la torture, et prendre des mesures pour assurer une représentation plus diversifiée des castes et des ethnies dans ses forces de police et de sécurité. L’État partie devrait donner des informations sur la discrimination de caste dans son prochain rapport périodique.

Violence à l’égard des femmes

27)Le Comité est préoccupé de la persistance des allégations de violences fondées sur le sexe et d’atteintes sexuelles sur des femmes et des enfants en détention, notamment d’actes de violence sexuelle commis par des agents des forces de l’ordre.

L’État partie devrait veiller à mettre en place des procédures pour surveiller le comportement des agents des forces de l’ordre et ouvrir sans délai des enquêtes impartiales sur tous les cas de torture et de mauvais traitements, y compris de violences sexuelles, en vue de traduire les responsables en justice. L’État partie devrait fournir au Comité une liste des cas de violence sexiste et d’atteintes sexuelles sur des femmes et des enfants en détention qui ont été instruits et jugés et dont les auteurs ont été punis.

Droit de porter plainte

28)Le Comité est préoccupé par:

a)Le fait que la charge de la preuve incombe aux victimes d’actes de torture selon les dispositions de la loi de 1996 sur l’indemnisation en cas de torture et que le délai pour déposer plainte pour acte de torture et engager une procédure d’indemnisation en vertu de la loi sur la sécurité publique et de l’ordonnance sur la prévention et la répression des actes terroristes et subversifs est de 35 jours;

b)Des allégations de représailles et d’intimidation à l’égard de personnes dénonçant des actes de tortures, sous forme de nouvelles arrestations et de menaces, et de l’absence de législation et de mécanismes portant sur la protection des témoins (art. 13).

En conséquence, l’État partie devrait:

a) Tenir à la disposition des victimes de torture les conclusions de toute enquête indépendante afin de les aider à introduire une demande d’indemnisation. L’État partie devrait modifier sa législation actuelle et à venir de façon qu’il n’y ait plus de délai pour l’enregistrement de plaintes pour acte de torture et que les actions en indemnisation puissent être engagées dans les deux ans à compter de la parution des conclusions de l’enquête;

b) Envisager d’adopter des mesures législatives et administratives pour la protection des témoins, garantissant que toutes les personnes dénonçant des actes de torture ou des mauvais traitements soient protégées comme il convient.

Indemnisation des victimes de torture

29)Tout en reconnaissant que le système judiciaire a rendu un certain nombre de décisions d’indemnisation, le Comité regrette que, jusqu’à présent, des indemnités n’aient été versées que dans une seule affaire. En outre, le Comité est préoccupé par les retards injustifiés dans le versement des indemnités octroyées par les tribunaux ou la Commission nationale des droits de l’homme (art. 14).

L’État partie devrait veiller à ce que les indemnités accordées par les tribunaux ou décidées par la Commission nationale des droits de l’homme soient versées en temps opportun. Il devrait fournir au Comité des renseignements sur le montant total des indemnités versées aux victimes de torture.

Utilisation de déclarations obtenues par la torture

30)Le Comité s’inquiète d’allégations selon lesquelles des déclarations obtenues par la torture seraient utilisées comme preuves dans des procédures judiciaires (art. 15).

L’État partie devrait fournir au Comité des renseignements à la fois sur la législation et sur la jurisprudence qui interdisent que les déclarations obtenues par la torture soient admises comme preuves.

Mauvais traitements

31)Le Comité est préoccupé par des allégations de mauvaises conditions de détention, en particulier de surpeuplement et de manque d’hygiène, de personnel et de soins médicaux pour les détenus (art. 16).

Le Comité recommande à l’État partie de prendre toutes les mesures nécessaires pour améliorer les conditions de détention.

Traite d’êtres humains

32)Le Comité est préoccupé par des rapports persistants faisant état de traite de femmes et d’enfants et de l’implication présumée d’agents de l’État dans ces actes.

L’État partie devrait renforcer les mécanismes internationaux de coopération en vue de lutter contre la traite d’êtres humains, poursuivre les auteurs de tels actes et offrir protection et réparation à toutes les victimes.

Enfants soldats

33)Le Comité est préoccupé par des allégations selon lesquelles des enfants seraient utilisés par les forces de sécurité comme espions et messagers. Le Comité est également préoccupé par les informations selon lesquelles des enfants seraient recrutés et enlevés par le CPN-maoïste (art. 16).

L’État partie devrait prendre des mesures efficaces pour empêcher les forces de sécurité d’utiliser des enfants comme espions et messagers. Il devrait également prendre toutes les mesures nécessaires, de toute urgence et de façon complète, pour empêcher l’enlèvement d’enfants par le CPN-maoïste et pour faciliter la réinsertion des anciens enfants soldats dans la société. L’État partie devrait également envisager de ratifier le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés.

34)Le Comité recommande également à l’État partie d’étudier la possibilité:

a)De faire les déclarations prévues aux articles 21 et 22 de la Convention;

b)De devenir partie au Protocole facultatif se rapportant à la Convention;

c)De devenir partie au Statut de Rome de la Cour pénale internationale;

d)De devenir partie au Protocole additionnel aux Conventions de Genève du 12 août 1949 relatif à la protection des victimes des conflits armés non internationaux (Protocole II).

35)L’État partie devrait fournir au Comité des renseignements sur la composition, le mandat, les méthodes de travail du Comité de la protection des droits de l’homme, du Comité national de coordination pour la protection et la promotion des droits de l’homme, des cellules des droits de l’homme instaurées au sein de la Police, de l’Armée royale népalaise et de la Force de police armée, ainsi que sur leurs enquêtes et les résultats qu’ils ont obtenus.

36)Le Comité demande à l’État partie de faire figurer dans son prochain rapport périodique des données statistiques détaillées sur les cas de torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants signalés aux autorités administratives et sur les enquêtes, poursuites et sanctions pénales et disciplinaires, y compris avec des précisions sur les procès en cour martiale, ces données étant ventilées notamment par sexe, origine ethnique, caste, région géographique et par type et situation géographique des établissements de privation de liberté le cas échéant, et mettant particulièrement l’accent sur les mineurs en détention. Des renseignements sont également demandés sur les mesures d’indemnisation et les services de réadaptation offerts aux victimes.

37)L’État partie est encouragé à diffuser largement son deuxième rapport périodique ainsi que les conclusions et recommandations du Comité, dans les langues voulues, en recourant aux sites Web officiels et aux médias et aux organisations non gouvernementales.

38)Le Comité demande à l’État partie de lui adresser, dans le délai d’un an, des renseignements sur la suite qu’il aura donnée aux recommandations contenues dans les paragraphes 14, 15, 22 b), 22 c), 22 e), 26, 28 et 30 ci-dessus.

39)L’État partie est invité à soumettre son prochain rapport périodique, qui sera considéré comme un rapport unique valant troisième à cinquième rapports, avant le 12 juin 2008, date d’échéance du cinquième rapport périodique.

30. Sri Lanka

1)Le Comité a examiné le deuxième rapport périodique de Sri Lanka (CAT/C/48/Add.2) à ses 671e et 674e séances, les 10 et 11 novembre 2005 (CAT/C/SR.671 et 674), et a adopté, à sa 683e séance, les conclusions et recommandations ci‑après.

A. Introduction

2)Le Comité accueille avec satisfaction le deuxième rapport périodique de Sri Lanka, qui est centré sur les conclusions et recommandations du Comité (A/53/44, par. 243 à 257), ainsi que sur les recommandations faites à l’issue de l’enquête effectuée en 2000 en vertu de l’article 20 de la Convention, et qui est établi selon les directives du Comité; il relève toutefois qu’il a été soumis avec cinq ans de retard. Le Comité se félicite du dialogue instauré avec la délégation de l’État partie et remercie celui‑ci des réponses écrites détaillées apportées à la liste des points à traiter, qui ont facilité le débat entre la délégation et les membres du Comité. Il remercie en outre la délégation des réponses orales qu’elle a données aux questions soulevées et aux préoccupations exprimées pendant l’examen du rapport.

B. Aspects positifs

3)Le Comité prend note avec satisfaction des faits positifs suivants:

a)La signature de l’accord de cessez‑le‑feu entre le Gouvernement sri‑lankais et les Tigres de libération de l’Eelam tamoul en février 2002, qui s’est traduite par une forte diminution des cas de torture liés au conflit signalés, dus principalement aux forces armées. Le Comité encourage les parties à reprendre et à poursuivre les pourparlers afin de régler le problème;

b)Le renforcement de la Commission nationale des droits de l’homme, qui est maintenant en mesure de traiter plus efficacement les violations des droits de l’homme en général et les cas de torture en particulier;

c)La création de la Commission nationale de la police, par l’adoption du dix‑septième amendement à la Constitution en 2001, qui a obtenu des succès dans la promotion des droits de l’homme;

d)Les mesures institutionnelles et autres prises par l’État partie pour donner effet aux conclusions et recommandations du Comité et aux recommandations faites à l’issue de l’enquête menée en application de l’article 20 de la Convention, notamment la mise en place du Comité permanent interministériel et du Groupe de travail sur les questions relatives aux droits de l’homme, du Département des enquêtes criminelles, du Groupe des enquêtes spéciales de la police et du fichier central des personnes placées en garde à vue;

e)L’établissement de directions des droits de l’homme dans les forces armées terrestres, navales et aériennes et dans la police ainsi que de cellules des droits de l’homme dans les trois corps de l’armée, dotées du pouvoir d’enquêter sur les violations des droits de l’homme;

f)La ratification, le 21 août 2000, du Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés, et l’adhésion, le 15 octobre 2002, au Protocole facultatif à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes;

g)L’abolition récente des châtiments corporels, par la promulgation de la loi no23 de 2005.

C. Facteurs et difficultés entravant la mise en œuvre de la Convention

4)Le Comité reconnaît la situation difficile à laquelle Sri Lanka doit faire face du fait du conflit armé interne. Il fait observer toutefois qu’aucune circonstance exceptionnelle quelle qu’elle soit ne saurait être invoquée pour justifier la torture.

D. Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Définition

5)Le Comité est préoccupé par le fait qu’il n’existe pas dans la législation interne de définition complète de la torture telle qu’elle est donnée à l’article premier de la Convention.

L’État partie devrait adopter une définition de la torture qui couvre tous les éléments énoncés à l’article premier de la Convention.

Commission nationale des droits de l’homme

6)Reconnaissant l’importance du rôle joué par la Commission nationale des droits de l’homme dans la promotion et la protection des droits de l’homme à Sri Lanka et le fait qu’elle a opté pour une politique qui exclut toute tolérance vis‑à‑vis de la torture, le Comité s’inquiète de ce que, fréquemment, l’État partie ne donne pas suite aux recommandations émanant de la Commission.

L’État partie devrait renforcer la Commission nationale des droits de l’homme de façon à lui permettre de fonctionner efficacement et veiller à ce que les recommandations qu’elle formule soient intégralement mises en œuvre. La Commission devrait être dotée de ressources suffisantes, être notifiée de toutes les arrestations et pouvoir compter sur une coopération totale pour faire fonctionner sa permanence téléphonique d’urgence sur les cas de torture ouverte 24 heures sur 24 et améliorer le système des visites de contrôle. De plus l’État partie devrait prendre les dispositions nécessaires afin que les nouveaux membres de la Commission soient rapidement désignés quand le mandat de trois ans de ses membres actuels prendra fin, en mars 2006.

Commission nationale de la police

7)Le Comité prend note du rôle important joué par la Commission nationale de la police dans les enquêtes disciplinaires sur les actes des forces de police, mais il relève que le mandat de ses membres actuels expire à la fin de novembre 2005 et s’inquiète de ce que de nouveaux membres n’aient pas encore été désignés.

L’État partie devrait procéder d’urgence à la désignation des membres de la Commission nationale de la police. Il devrait de plus faire en sorte que la procédure de plainte prévue à l’article 155G 2) de la Constitution soit mise en œuvre et que la Commission dispose des ressources suffisantes et compte sur la coopération sans réserve de la police de Sri Lanka pour s’acquitter de sa tâche.

Garanties fondamentales

8)Le Comité est préoccupé par les allégations faisant état de l’inobservation des garanties légales fondamentales dans le cas des personnes arrêtées et détenues par la police, notamment du droit d’habeas corpus.

L’État partie devrait prendre des mesures efficaces pour que les garanties légales fondamentales dans le cas des personnes arrêtées et détenues par la police soient respectées, notamment le droit d’ habeas corpus , le droit d’informer un proche, de communiquer avec un avocat et de voir le médecin de son choix et d’être informés de leurs droits.

Non ‑refoulement

9)Le Comité note avec préoccupation que l’État partie n’a pas donné effet au principe de non‑refoulement inscrit à l’article 3 de la Convention.

L’État partie devrait adopter des dispositions législatives pour mettre en œuvre le principe de non ‑refoulement inscrit à l’article 3 de la Convention.

Compétence universelle

10)Le Comité est préoccupé par l’absence dans la législation sri‑lankaise de dispositions établissant la compétence universelle pour connaître des actes de torture.

L’État partie devrait prendre les mesures nécessaires pour que la législation sri ‑lankaise établisse sa compétence à l’égard des actes de torture conformément à l’article 5 de la Convention, et notamment conformément à l’article 7 de la Convention, des dispositions permettant d’engager des poursuites pénales contre les ressortissants non sri ‑lankais qui ont commis des actes de torture ailleurs qu’à Sri Lanka qui se trouvent sur le territoire de Sri Lanka et qui n’ont pas été extradés.

Surveillance systématique de tous les lieux de détention

11)Le Comité constate avec préoccupation que la Commission nationale des droits de l’homme et les autres mécanismes de surveillance ne procèdent pas systématiquement à une surveillance effective de tous les lieux de détention, notamment en y effectuant de façon régulière et inopinée des visites (art. 11).

L’État partie devrait habiliter des observateurs indépendants des droits de l’homme, notamment la Commission nationale des droits de l’homme, à se rendre sans restriction dans tous les lieux de détention, y compris dans les commissariats de police, sans préavis, et mettre en place un système national permettant de passer en revue les conclusions des visites de surveillance systématique et de prendre des mesures en conséquence.

Enquêtes immédiates et impartiales

12)Le Comité exprime sa profonde préoccupation face à la persistance d’allégations bien établies de torture et de mauvais traitements généralisés ainsi que de disparitions, mettant en cause principalement les forces de police. Il s’inquiète également de ce que ces violations commises par des agents des forces de l’ordre ne fassent pas l’objet de la part des autorités compétentes de l’État partie d’enquêtes immédiates et impartiales (art. 12).

L’État partie devrait:

a) Veiller à ce que des enquêtes impartiales et approfondies soient immédiatement menées chaque fois que des allégations de torture, mauvais traitements et disparitions mettent en cause des agents des forces de l’ordre. Il faut veiller en particulier à ce que ces enquêtes ne soient pas menées par la police ou sous l’autorité de celle ‑ci mais soient confiées à un organe indépendant. Dans le cas de présomptions d’actes de torture, la personne accusée devrait être suspendue de ses fonctions ou affectée à une autre charge pendant la durée de l’enquête, en particulier s’il existe un risque qu’elle cherche à l’entraver;

b) Juger les auteurs de tels actes et en cas de culpabilité dûment les condamner, de façon à éliminer toute idée d’impunité que pourraient nourrir les auteurs d’actes de torture.

Violences et sévices sexuels

13)Le Comité est inquiet de la persistance des allégations de violences et de sévices sexuels sur la personne de femmes et d’enfants en détention, mettant en cause notamment des agents des forces de l’ordre, de même que de l’absence d’enquêtes immédiates et impartiales sur elles (art. 12).

L’État partie devrait veiller à mettre en place des procédures pour surveiller le comportement des agents des forces de l’ordre et ouvrir sans délai des enquêtes impartiales chaque fois que des cas de torture et de mauvais traitements sont dénoncés, y compris des cas de violences sexuelles, en vue de traduire les responsables en justice. De plus, l’État partie devrait prendre toutes les mesures nécessaires pour prévenir de tels actes, en particulier en veillant à ce que les directives concernant le traitement des femmes en détention soient intégralement appliquées, et devrait envisager d’ouvrir dans les postes de police situés dans les zones de conflit des bureaux pour accueillir les femmes et les enfants.

Retard dans l’administration de la justice

14)Le Comité est préoccupé par les retards excessifs qui interviennent dans l’administration de la justice, en particulier dans le cas de procès intentés contre des personnes accusées d’actes de torture.

L’État partie devrait prendre les mesures nécessaires pour garantir que la justice soit administrée sans retard.

Intimidation et menaces

15)Le Comité est préoccupé par les informations faisant état de représailles, d’intimidation et de menaces subies par des personnes qui signalent des cas de torture et de mauvais traitements ainsi que par l’absence de dispositifs efficaces de protection des témoins et des victimes (art. 13).

Conformément à l’article 13, l’État partie devrait prendre des mesures concrètes pour garantir que toute personne qui signale des cas de torture ou de mauvais traitements soit protégée contre tout acte d’intimidation et toutes représailles que pourrait entraîner le fait d’avoir dénoncé ces cas. L’État partie devrait ouvrir une enquête sur tous les cas signalés d’intimidation de témoins et mettre en place un dispositif de protection des témoins et des victimes.

Réadaptation

16)Le Comité note avec préoccupation l’absence de programme de réparation, comprenant des mesures de réadaptation, en faveur des nombreuses victimes de torture pendant le conflit armé (art. 14).

L’État partie devrait instituer un programme de réparation, comportant un traitement pour le traumatisme subi et d’autres formes de réadaptation, et dégager des ressources suffisantes pour en garantir le fonctionnement efficace.

Enfants soldats

17)Le Comité est vivement préoccupé par des allégations faisant état de la persistance de l’enlèvement et de l’enrôlement d’enfants dans les rangs des Tigres de libération de l’Eelam tamoul (art. 16).

L’État partie devrait prendre les mesures nécessaires, de tous ordres et dans la mesure du possible au regard des circonstances, pour empêcher les enlèvements et l’enrôlement d’enfants par les Tigres de libération de l’Eelam tamoul et pour faciliter la réinsertion des anciens enfants soldats dans la société.

18)Le Comité recommande en outre ce qui suit:

a) L’État partie devrait envisager de faire les déclarations prévues aux articles 21 et 22 de la Convention;

b) L’État partie devrait envisager de devenir partie au Protocole facultatif se rapportant à la Convention;

c) L’État partie devrait envisager de devenir partie au Statut de Rome de la Cour pénale internationale.

19)Le Comité demande à l’État partie de faire figurer dans son prochain rapport périodique des données statistiques détaillées, ventilées par infraction, origine ethnique et sexe, sur les plaintes pour actes de torture et mauvais traitements qui auraient été commis par des agents des forces de l’ordre, ainsi que sur les enquêtes, poursuites et sanctions pénales ou disciplinaires engagées. Il lui demande également de fournir des renseignements sur les mesures d’indemnisation et les services de réadaptation offerts aux victimes. Le Comité recommande à l’État partie d’accueillir favorablement les contributions d’organisations non gouvernementales pour l’établissement de son prochain rapport périodique.

20)L’État partie est encouragé à diffuser largement les rapports qu’il soumet au Comité et les conclusions et recommandations de celui‑ci, dans les langues voulues, en recourant aux sites Web officiels, aux médias et aux organisations non gouvernementales.

21)Le Comité demande à l’État partie de lui adresser, dans le délai d’un an, des renseignements sur la suite qu’il aura donnée aux recommandations contenues aux paragraphes 6, 7, 8, 11, 12 et 15 ci‑dessus.

22)L’État partie est invité à soumettre son prochain rapport périodique, qui sera considéré comme combinant les troisième et quatrième rapports, au plus tard le 1er février 2007, date à laquelle le quatrième rapport périodique doit être soumis.

31. Géorgie

1)Le Comité a examiné le troisième rapport périodique de la Géorgie (CAT/C/73/Add.1) à ses 699e et 702e séances (voir CAT/C/SR.699 et CAT/C/SR.702), les 3 et 4 mai 2006, et a adopté, à sa 716e séance (CAT/C/SR.716), les conclusions et recommandations ci-après.

A. Introduction

2)Le Comité se félicite de ce que le troisième rapport périodique de la Géorgie ait été présenté en temps voulu et accueille avec satisfaction les renseignements qu’il contient. Il se félicite de ce que la délégation ait été nombreuse et de haut niveau, ce qui a contribué à la qualité du dialogue noué à l’occasion de l’examen du rapport. Il accueille aussi avec satisfaction les réponses fournies oralement et par écrit aux questions posées au cours du dialogue.

3)Le Comité note qu’après l’accession à l’indépendance de l’État partie en 1991, des conflits internes se sont poursuivis sur une partie de son territoire. En particulier, la situation dans les Républiques autonomes autoproclamées d’Abkhazie et d’Ossétie du Sud, qui a fait plus de 215 000 personnes déplacées dans cette dernière, suscite de graves préoccupations. Le Comité tient néanmoins à rappeler à l’État partie qu’aucune circonstance exceptionnelle ne peut être invoquée pour lever l’interdiction absolue de la torture.

B. Aspects positifs

4)Le Comité se félicite de l’adhésion de l’État partie au Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, le 9 août 2005, ainsi que des déclarations faites en vertu des articles 21 et 22 de la Convention et encourage l’État partie à informer les praticiens et le public de la disponibilité de ce mécanisme.

5)Le Comité note aussi que, dans la période écoulée depuis l’examen du dernier rapport, l’État partie a ratifié le Protocole facultatif à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants et le Statut de Rome de la Cour pénale internationale.

6)En outre, le Comité prend acte du fait que l’État partie a adhéré à des instruments régionaux ou les a ratifiés, dont la Convention européenne pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants, la Convention européenne d’extradition et la Convention européenne sur la transmission des procédures répressives.

7)Le Comité note avec satisfaction les efforts déployés actuellement par l’État pour réformer sa législation, ses politiques et ses procédures afin de garantir une meilleure protection des droits de l’homme, notamment du droit de ne pas être soumis à la torture et à d’autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, et en particulier:

a)La révision du Code de procédure pénale, en particulier l’article 144 qui met la législation géorgienne en conformité avec les normes internationales pour ce qui concerne la définition de la torture;

b)L’élaboration du Plan d’action contre la torture en Géorgie, du Plan de mesures visant à réformer et à développer le système pénal ainsi que du Plan national de lutte contre la traite et les efforts faits pour renforcer les institutions de l’État, notamment la création du Département des enquêtes au Ministère de la justice en 2005;

c)L’adoption de nouvelles lois comme la loi sur la violence intrafamiliale en avril 2006 et l’élaboration d’une nouvelle loi sur la traite ainsi que d’un nouveau projet de code pénitentiaire qui sera examiné par le Parlement en 2006;

d)L’affectation par l’État partie de ressources supplémentaires pour améliorer la situation dans les lieux de détention, en particulier l’accès aux soins de santé, à des activités et à des formations, ainsi que les conditions de vie carcérales;

e)Le Mémorandum d’accord de 2004 entre le Ministère de l’intérieur et le Bureau du Médiateur, qui permet au Bureau du Médiateur d’autoriser des groupes de surveillance, composés de représentants d’organisations non gouvernementales, à effectuer des visites inopinées dans tout établissement de détention placé sous la responsabilité du Ministère de l’intérieur.

8)Le Comité prend note avec satisfaction de l’existence d’une permanence téléphonique ouverte 24 heures sur 24 pour le dépôt de plaintes et encourage l’État partie à continuer à faire connaître son existence.

C. Sujets de préoccupation et recommandations

9)Le Comité demeure préoccupé de ce que, malgré d’importantes réformes législatives, l’impunité et l’intimidation continuent de régner dans l’État partie, en particulier en ce qui concerne l’usage d’une force excessive, et notamment de la torture et d’autres formes de mauvais traitements, par les responsables de l’application des lois, tout particulièrement avant et pendant les arrestations, au cours d’émeutes dans les prisons et dans la lutte contre la criminalité organisée (art. 2).

L’État partie devrait donner un plus haut rang dans l’ordre des priorités à l’action qu’il mène pour promouvoir une culture des droits de l’homme en veillant à élaborer et à appliquer une politique de tolérance zéro à tous les niveaux hiérarchiques de sa force de police ainsi qu’à l’égard de l’ensemble du personnel des établissements pénitentiaires. Une telle politique devrait consister à dégager et à traiter les problèmes, ainsi qu’à élaborer un code de conduite à l’intention de tous les responsables, notamment ceux qui participent à la lutte contre la criminalité organisée, et à instituer des contrôles périodiques confiés à un organisme de supervision indépendant.

10)Le Comité note qu’il semble y avoir actuellement une contradiction entre l’article 17 et le paragraphe 4 de l’article 18 de la Constitution dans la mesure où l’article 17 dispose que le droit d’être protégé de la torture est intangible, tandis que le paragraphe 4 de l’article 18 autorise des dérogations à certains droits (art. 2).

Le Comité recommande à l’État partie de mettre le paragraphe 4 de l’article 18 de sa Constitution en conformité avec la Convention. Il lui recommande en outre de faire en sorte que les mesures exceptionnelles adoptées en période d’état d’urgence soient conformes aux dispositions de la Convention.

11)Le Comité s’inquiète de ce que l’État partie ne respecte pas comme il convient l’article 3 de la Convention et en particulier de son recours aux assurances diplomatiques dans la suite qu’il donne aux demandes de refoulement, d’extradition et d’expulsion de personnes accusées d’activités criminelles (art. 3).

Le Comité recommande à l’État partie d’examiner chaque cas individuellement et de ne recourir à la pratique consistant à demander des assurances diplomatiques qu’avec une grande prudence. Il l’invite à lui fournir des détails sur le nombre de personnes qui ont été refoulées, extradées ou expulsées en échange d’assurances ou de garanties diplomatiques depuis 2002, sur le contenu minimum des assurances ou garanties demandées par l’État partie et sur les mesures de suivi qui ont été prises concernant ces différents cas.

12)Le Comité est également préoccupé par le nombre relativement faible de condamnations et de mesures disciplinaires prononcées à l’égard de responsables de l’application des lois eu égard aux allégations nombreuses et largement répandues de torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, ainsi que par le manque d’information du public sur ces affaires (art. 4).

L’État partie est invité à renforcer sa capacité d’enquête, notamment celle des services du Procureur général, afin que soient examinées rapidement et de manière approfondie toutes les allégations de torture et de mauvais traitements et que des statistiques sur les condamnations prononcées et les mesures disciplinaires prises soient régulièrement publiées et portées à la connaissance du public.

13)Le Comité est également préoccupé par les renseignements reçus d’organisations non gouvernementales selon lesquels dans certains cas, les détenus ne sont pas dûment informés de leur droit de s’entretenir avec un conseil ni de leur droit d’être examinés par un médecin de leur choix (art. 6).

L’État partie est invité à prendre toutes les mesures nécessaires pour garantir que toutes les personnes détenues soient dûment informées de leurs droits dès leur arrestation et aient accès dans le plus court délai à un avocat et à un médecin de leur choix. L’État partie informera le Comité des mesures spécifiques prises à cet égard.

14)Le Comité est préoccupé par les informations faisant état d’accords en vertu desquels les citoyens de certains États se trouvant sur le territoire géorgien ne peuvent être transférés à la Cour pénale internationale afin d’être jugés pour crimes de guerre ou crimes contre l’humanité (art. 6 et 8).

Conformément aux articles 6 et 8 de la Convention, l’État partie est invité à prendre toutes les mesures nécessaires pour revoir les termes des accords interdisant le transfert à la Cour pénale internationale de citoyens de certains États se trouvant sur le territoire géorgien.

15)Le Comité s’inquiète de ce qu’aucune information précise ne soit disponible sur les effets de la formation que suivent les responsables de l’application des lois, ni sur l’utilité qu’ont eue ces programmes de formation pour réduire le nombre d’incidents de violence et de mauvais traitements dans les établissements pénitentiaires (art. 10).

L’État partie devrait poursuivre sa coopération avec l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe, l’Organisation des Nations Unies et d’autres organisations internationales et nationales pour élaborer des programmes d’éducation à l’intention des responsables de l’application des lois et des établissements pénitentiaires; il devrait aussi mettre au point et appliquer des méthodes visant à évaluer l’efficacité et l’impact de ces programmes sur la réduction des cas de violence, de mauvais traitements et de torture.

16)Le Comité est préoccupé par le grand nombre de plaintes reçues de détenus ainsi que par les informations selon lesquelles des responsables de l’application des lois portent des masques au cours des raids et n’ont pas de badge d’identité, ce qui fait qu’il est impossible de les identifier si un détenu porte plainte pour torture ou mauvais traitements (art. 2 et 11).

L’État partie devrait faire en sorte que tous les membres du personnel pénitentiaire, y compris les forces spéciales, soient équipés de badges d’identité visibles en tout temps pour garantir la protection des détenus contre tout acte commis en violation de la Convention.

17)Le Comité est particulièrement préoccupé par le grand nombre de morts subites en garde à vue et par l’absence de renseignements détaillés sur les causes de la mort dans chaque cas. Il est également préoccupé par le grand nombre de décès dus à la tuberculose qui sont signalés (art. 6 et 12).

L’État partie est invité à fournir des informations détaillées sur les causes et circonstances de toutes les morts subites survenues dans des établissements pénitentiaires ainsi que sur les enquêtes indépendantes qui ont été menées à cet égard. Le Comité encourage en outre l’État partie à poursuivre sa coopération avec le Comité international de la Croix ‑Rouge et les organisations non gouvernementales en ce qui concerne l’exécution des programmes relatifs au traitement de la tuberculose, à la distribution de médicaments dans les établissements pénitentiaires sur l’ensemble de son territoire et au suivi dans ce domaine.

18)Le Comité est préoccupé par les mauvaises conditions de détention qui règnent dans de nombreux établissements pénitentiaires, en particulier dans les provinces, ainsi que par le surpeuplement de nombreux centres de détention provisoire (art. 11).

Il est recommandé à l’État partie d’envisager: a) de réduire encore la période de détention provisoire; b) de pourvoir plus rapidement les postes vacants dans l’appareil judiciaire; et c) d’utiliser des moyens de détention non carcéraux dans les cas où l’inculpé ne constitue pas une menace pour la société.

19)Le Comité s’inquiète également de ce que les femmes ne bénéficient pas d’une protection suffisante dans les lieux de détention et de ce qu’aucune information ne soit disponible concernant la violence faite aux détenues ou les procédures permettant de déposer plainte (art. 11).

L’État partie est invité à garantir la protection des femmes dans les lieux de détention et à établir des procédures claires de dépôt de plaintes.

20)Le Comité note que si la Constitution et le Code de procédure pénale contiennent des dispositions concernant le droit des victimes à indemnisation, il n’existe pas de lois prévoyant expressément des réparations. Le Comité est également préoccupé de ce qu’aucune information ne soit donnée sur le nombre de victimes ayant bénéficié d’une assistance ou de soins de réadaptation (art. 14).

L’État partie est invité à envisager d’adopter des lois spécifiques en matière d’indemnisation, de réparation et de restitution et de prendre dans l’intervalle des mesures concrètes pour garantir réparation aux victimes et leur assurer une indemnisation juste et suffisante, y compris les moyens leur permettant une réadaptation aussi complète que possible.

21)L’État partie est invité à présenter dans son prochain rapport périodique des données statistiques détaillées, ventilées par crime, origine ethnique et sexe, sur les plaintes relatives à des allégations de torture et de mauvais traitements perpétrés par des responsables de l’application des lois et sur les enquêtes, poursuites et sanctions disciplinaires correspondantes. Des renseignements sont également demandés sur les mesures d’indemnisation et de réadaptation prises en faveur des victimes.

22)L’État partie est invité à diffuser largement les rapports présentés par la Géorgie ainsi que les conclusions et recommandations du Comité, dans les langues appropriées, par le biais des sites Web officiels, des médias et des organisations non gouvernementales. En outre, le Comité encourage l’État partie à examiner les conclusions et recommandations du Comité avec de nombreux interlocuteurs, y compris les bureaux de médiateurs et les organisations non gouvernementales, et en particulier les organismes qui ont soumis des renseignements à l’État partie et ont participé à l’établissement du rapport.

23)Le Comité demande à l’État partie de lui fournir, dans un délai d’un an, des renseignements sur la suite donnée aux recommandations formulées aux paragraphes 9, 13, 16, 17 et 19 ci-dessus.

24)L’État partie est invité à soumettre son prochain rapport périodique, qui sera considéré comme étant son cinquième rapport, avant le 24 novembre 2011.

32. Guatemala

1)Le Comité a examiné le quatrième rapport périodique du Guatemala (CAT/C/74/Add.1) à ses 701e et 704e séances, les 4 et 5 mai 2006 (CAT/C/SR.701 et 704), et a adopté à sa 719e séance, le 17 mai 2006 (CAT/C/SR.719), les conclusions et recommandations ci‑après.

A. Introduction

2)Le Comité accueille avec satisfaction le quatrième rapport périodique du Guatemala ainsi que les renseignements donnés oralement par les représentants de l’État partie pendant l’examen du rapport. Il remercie les représentants de l’État partie du dialogue franc et constructif qu’ils ont eu avec lui.

3)Le Comité accueille aussi avec satisfaction les renseignements écrits apportés par le Procureur des droits de l’homme (Procurador de los Derechos Humanos) au sujet de l’application au Guatemala de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

B. Aspects positifs

4)Le Comité note avec satisfaction les efforts que l’État partie a entrepris pour réformer son système judiciaire et tout particulièrement les travaux menés par l’Unité de modernisation de l’organe judiciaire.

5)Le Comité se félicite de ce que l’État partie ait fait, le 25 septembre 2003, la déclaration prévue à l’article 22 de la Convention, reconnaissant ainsi la compétence du Comité pour recevoir des plaintes de particuliers qui se déclarent victimes d’une violation.

6)Le Comité note avec satisfaction la proposition adressée en avril 2006 par l’État partie au Bureau du Secrétaire général relative à la création d’une commission d’enquête sur les groupes illégaux et les appareils clandestins de sécurité.

7)Le Comité accueille avec satisfaction l’établissement, en septembre 2005, d’un bureau au Guatemala de la Haut‑Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, doté d’un mandat associant des fonctions de coopération technique et de surveillance.

8)Le Comité se félicite de la ratification par le Guatemala, le 14 mars 2003, de la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille.

9)Le Comité prend note avec satisfaction de l’amélioration de la situation des droits de l’homme dans l’État partie, y compris du fait que la pratique des disparitions forcées en tant que politique de l’État n’existe plus et qu’on ne reçoit plus de plaintes concernant l’existence de centres de détention secrets.

C. Sujets de préoccupation et recommandations

10)Le Comité réitère la préoccupation qu’il avait déjà exprimée lors de l’examen des rapports précédents du fait que la définition de l’infraction de torture figurant dans le Code pénal de l’État partie n’a toujours pas été rendue entièrement conforme aux dispositions de la Convention (art. 1er et 4).

L’État partie doit, à titre prioritaire, modifier les dispositions pertinentes du Code pénal, en particulier des articles 201  bis et 425, de façon que la définition légale de la torture corresponde à celle de l’article premier de la Convention et que de tels actes soient érigés en infraction pénale conformément au paragraphe 2 de l’article 4 de la Convention.

11)Le Comité réitère aussi sa préoccupation au sujet de dispositions juridiques et de pratiques qui permettent à l’armée d’intervenir dans des domaines relevant de la police, tels que la prévention et la répression de la criminalité de droit commun. Il relève de plus que l’État partie a affecté 3 000 membres des forces armées à la lutte contre la criminalité de droit commun, au lieu de renforcer les effectifs de la police (art. 2).

L’État partie doit prendre des mesures efficaces pour renforcer la police nationale civile et abroger toutes les dispositions qui permettent à l’armée d’intervenir dans des opérations relevant purement de la police et de la prévention de la criminalité de droit commun, qui sont uniquement du ressort de la police nationale civile.

12)Le Comité est préoccupé par les allégations qui font état d’une augmentation des actes de harcèlement et de persécution, notamment des menaces, des assassinats et d’autres violations des droits de l’homme, dont sont victimes les défenseurs des droits de l’homme, et par le fait que ces actes demeurent impunis (art. 2).

L’État partie doit adopter des mesures efficaces pour renforcer le groupe de la protection des défenseurs des droits de l’homme au sein de la Commission présidentielle des droits de l’homme et assurer son indépendance, et pour prévenir de nouveaux actes de violence contre les défenseurs des droits de l’homme et assurer leur protection à cet égard. De plus, l’État partie doit veiller à ce qu’une enquête diligente, exhaustive et efficace soit menée rapidement et à ce que les auteurs de tels actes soient dûment punis.

13)Le Comité relève avec préoccupation que l’obligation découlant du paragraphe 3 de l’article 2 de la Convention est reprise de façon ambiguë dans la législation de l’État partie (art. 2).

L’État partie doit modifier sa législation de façon à énoncer explicitement que l’ordre d’un supérieur ou d’une autorité publique ne peut pas être invoqué pour justifier la torture.

14)Le Comité est préoccupé par le projet de loi relatif à la juridiction militaire soumis au Congrès en 2005, qui prévoit que les tribunaux militaires seraient compétents pour juger les militaires accusés de délits de droit commun (art. 2 et 12).

L’État partie doit amender le projet de loi susmentionné de manière à limiter la compétence des tribunaux militaires au jugement de militaires accusés exclusivement d’infractions liées à des fonctions militaires.

15)Le Comité est préoccupé par l’impunité persistante de la plupart des violations des droits de l’homme commises pendant le conflit armé interne, plus de 600 massacres reconnus comme tels par la Commission de clarification historique n’ayant toujours pas fait l’objet d’enquêtes. Il note avec préoccupation que l’application de la loi de 1996 sur la réconciliation nationale est devenue, dans la pratique, un obstacle à une enquête effective sur l’affaire du massacre de Las Dos Erres de 1982 qui est suspendue à cause de mesures dilatoires dénuées de justification juridique (art. 11, 12 et 14).

L’État partie doit appliquer strictement la loi de réconciliation nationale, qui exclut explicitement les actes de torture et les autres violations graves des droits de l’homme du champ d’application de l’amnistie, mener rapidement des enquêtes diligentes, efficaces, indépendantes et rigoureuses sur tous les actes de torture et autres violations graves des droits de l’homme commis pendant le conflit armé interne et garantit aux victimes une indemnisation adéquate.

16)Le Comité est profondément préoccupé par les nombreuses plaintes concernant:

a)La «purification sociale» et les assassinats d’enfants vivant dans les rues et dans les quartiers marginalisés, qui s’accompagnent souvent d’actes de torture et de mauvais traitements, ainsi que par l’absence d’enquêtes exhaustives;

b)L’augmentation des meurtres violents de femmes, souvent accompagnés de violences sexuelles, de mutilations et de tortures. Le fait que ces actes ne font pas l’objet d’enquêtes aggrave les souffrances des proches qui demandent justice et qui, de surcroît, se plaignent d’être victimes de discrimination au motif du sexe de la part des autorités pendant les enquêtes et les poursuites;

c)Le lynchage, pratique qui porte atteinte à la légalité dans l’État partie (art. 2, 12, 13 et 16).

Concernant ces pratiques, l’État partie doit:

a) Prendre d’urgence des mesures pour faire en sorte que les personnes placées sous sa juridiction ne soient pas soumises à la torture ou à des traitements inhumains ou dégradants et s’acquitter sans réserve de son obligation de prévenir et de punir de tels actes quand ils sont commis par des particuliers;

b) Veiller à ce que des enquêtes diligentes impartiales et exhaustives approfondies soient menées immédiatement, sans aucune discrimination au motif du sexe, de la race, de l’origine sociale ou tout autre motif, et à ce que les auteurs présumés soient traduits devant la justice;

c) Garantir la mise en œuvre sans réserve de la loi pour la protection complète des enfants et des adolescents, notamment en allouant des fonds d’un montant suffisant pour assurer la sécurité, le bien ‑être et le développement de tous les enfants;

d) Organiser des campagnes d’information et des activités de formation à l’intention des fonctionnaires de police et des membres de l’appareil judiciaire pour les sensibiliser au phénomène existant de la violence sociale et leur en faire prendre conscience, afin de leur donner les moyens de recevoir des plaintes et d’enquêter comme il convient.

17)Le Comité est préoccupé par les informations faisant état de violences sexuelles commises contre les femmes dans les postes de police (art. 6 et 11).

L’État partie doit adopter des mesures tendant à ce que toute femme en état d’arrestation soit immédiatement conduite devant un juge puis transférée dans un centre de détention pour femmes, si le juge l’ordonne.

18)Le Comité est préoccupé par le fait qu’il n’existe toujours pas de cadre législatif pour réglementer le fonctionnement du système pénitentiaire de l’État partie (art. 11).

L’État partie doit adopter un texte législatif sur le système pénitentiaire qui soit conforme aux normes internationales des droits de l’homme, comme l’Ensemble de règles minima pour le traitement des détenus et l’Ensemble de principes pour la protection de toutes les personnes soumises à une forme quelconque de détention ou d’emprisonnement.

19)Le Comité s’inquiète de l’existence d’une disposition dans le Code pénal, actuellement examinée par la Cour constitutionnelle, qui dispense de peine le violeur qui épouse sa victime (art. 4 et 13).

Compte tenu de la gravité de ce crime, l’État partie devrait abroger cette disposition et faire en sorte que tous les coupables soient poursuivis et punis comme il convient.

20)Le Comité est préoccupé par le pourcentage élevé de personnes placées en détention provisoire qui, d’après l’État partie, représentent 50 % de la population carcérale (art. 6 et 11).

L’État partie doit intensifier ses efforts pour adopter des mesures efficaces, y compris législatives, en vue de réduire le nombre de personnes en détention provisoire.

21)Le Comité est préoccupé par les allégations faisant état de l’utilisation d’une force excessive par la police dans le cadre d’expulsions dans des zones rurales, ce qui entraîne souvent la destruction de logements et de biens personnels et se solde parfois par des morts violentes (art. 6, 10, 12 et 13).

L’État partie doit adopter des mesures efficaces pour empêcher l’utilisation d’une force excessive dans les opérations d’expulsion; il devrait donner aux fonctionnaires de police une formation spécifique sur la façon de procéder aux expulsions et veiller à ce que toutes les plaintes ayant trait à des expulsions forcées fassent l’objet d’une enquête approfondie et à ce que les responsables soient traduits en justice.

22)Le Comité est préoccupé par l’extension de la peine de mort à de nouveaux types de délits. Comme l’a indiqué l’État partie, 12 personnes sont condamnées à mort en dépit du fait que, conformément aux normes régionales et internationales qu’il a librement ratifiées, l’État partie a l’obligation de ne pas étendre la peine de mort à de nouveaux délits. Ne pas annuler ces condamnations constitue une forme de peine ou traitement cruel et inhumain (art. 16).

L’État partie doit rendre sa législation relative à la peine de mort pleinement conforme aux obligations qui lui incombent en vertu du droit international.

23)Le Comité demande à l’État partie de faire figurer dans son prochain rapport périodique des données statistiques détaillées, ventilées par infraction, origine ethnique et sexe, sur les plaintes pour actes de torture et mauvais traitements imputés à des agents des forces de l’ordre, ainsi que sur les enquêtes et poursuites engagées et les sanctions pénales ou disciplinaires prononcées. Il lui demande également des renseignements sur l’indemnisation et la réadaptation offertes aux victimes.

24)Le Comité engage instamment l’État partie à envisager de ratifier le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

25)Étant donné que les représentants de l’État partie ont donné l’assurance que les mesures nécessaires pour ratifier le Statut de Rome de la Cour pénale internationale sont en cours, le Comité encourage l’État partie à procéder rapidement à la ratification.

26)L’État partie devrait diffuser largement son rapport et les conclusions et recommandations du Comité, sur les sites Web officiels et par l’intermédiaire des médias et des organisations non gouvernementales.

27)Le Comité demande à l’État partie de lui adresser, dans le délai d’un an, des renseignements sur la suite qu’il aura donnée aux recommandations figurant aux paragraphes 12, 15, 16 et 17.

28)L’État partie est invité à soumettre son prochain rapport périodique, qui sera considéré comme le sixième, au plus tard le 3 février 2011, date prévue pour la présentation de ce sixième rapport périodique.

33. Pérou

1)Le Comité a examiné le quatrième rapport périodique du Pérou (CAT/C/61/Add.2) à ses 697e et 699e séances, les 2 et 3 mai 2006 (CAT/C/SR.697 et 699) et a adopté les conclusions et recommandations suivantes à sa 718e séance, le 16 mai 2006 (CAT/C/SR.718).

A. Introduction

2)Le Comité accueille avec satisfaction le quatrième rapport périodique du Pérou. Il se félicite du dialogue constructif engagé avec la délégation de haut niveau et la remercie des réponses franches et directes qu’elle a apportées par écrit et oralement aux questions du Comité.

B. Aspects positifs

3)Le Comité félicite l’État partie pour les progrès importants qu’il a accomplis au cours des cinq dernières années. Il salue en particulier le travail de la Commission Vérité et Réconciliation qui, en août 2003, a soumis au Président de la République un rapport contenant, d’une part, une série de recommandations visant à promouvoir les principes de la justice, de la vérité et de la réparation au moyen de réformes institutionnelles, et, d’autre part, des mesures relatives à la reconnaissance du statut de victime et à l’établissement de réparations pour les victimes. Le Comité souhaite souligner en particulier l’importance du Plan intégré de réparations et signaler qu’il importe que des ressources suffisantes soient dégagées pour mettre en œuvre les recommandations faites dans le présent rapport.

4)Le Comité prend note de l’augmentation du nombre d’enquêtes menées sur des plaintes pour actes de torture.

5)Le Comité félicite le bureau du Défenseur du peuple pour son travail de suivi des plaintes pour torture.

6)Le Comité relève avec satisfaction que le Tribunal constitutionnel et la Cour suprême ont fait référence aux normes internationales et régionales relatives aux droits de l’homme quand ils se sont prononcés sur la compétence des juridictions pénales militaires.

7)Le Comité accueille avec satisfaction, dans les cas de disparition forcée, la reconnaissance par le Tribunal constitutionnel du droit à la vérité comme droit fondamental.

8)Le Comité accueille avec satisfaction la mise en place d’un sous-système pénal spécialisé dans les actions contre la torture, qui comprend des parquets et d’autres organes spécialisés.

9)Le Comité prend note de la loi pour la protection des réfugiés, adoptée en décembre 2002, qui consacre le droit au non-refoulement selon les dispositions de la Convention relative au statut des réfugiés et du Protocole relatif au statut des réfugiés. Ainsi, le respect des obligations énoncées à l’article 3 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants est renforcé.

10)Le Comité se félicite de la déclaration de l’État partie en 2002 au sujet de la formulation de la déclaration prévue aux articles 21 et 22 de la Convention.

11)Le Comité félicite aussi l’État partie d’avoir ratifié le Statut de Rome de la Cour pénale internationale, le 10 novembre 2001, la Convention interaméricaine sur les disparitions forcées, le 8 février 2002, et la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, le 14 septembre 2005.

C. Sujets de préoccupation et recommandations

Persistance des plaintes pour torture et traitements cruels

12)Le Comité prend note de la diminution du nombre de plaintes contre la police déposées devant le Défenseur du peuple pour actes de torture entre 1999 et 2004. Cependant, le Comité est préoccupé par les plaintes qui continuent à être déposées contre des membres de la police nationale ou des forces armées et contre des agents du système pénitentiaire, ainsi que par les plaintes de recrues pour torture et traitements cruels.

L’État partie doit adopter des mesures efficaces pour empêcher la pratique de la torture sur tout le territoire placé sous sa juridiction. Le Comité rappelle à l’État partie qu’il est tenu de mener immédiatement des enquêtes efficaces et impartiales sur toutes les plaintes déposées, puis de veiller à ce que des peines appropriées soient prononcées contre les coupables et à ce que réparation soit accordée aux victimes.

Bureau du Défenseur du peuple

13)Le Comité souligne le rôle important du bureau du Défenseur du peuple en matière de promotion et de protection des droits de l’homme au Pérou et en particulier le rôle de ses visites dans les lieux de détention. Le Comité constate avec préoccupation qu’il arrive fréquemment que les autorités ne s’acquittent pas de leur devoir de collaboration avec le bureau du Défenseur du peuple et s’inquiète de ce que l’État partie ne donne pas suite aux recommandations formulées par le bureau.

L’État partie doit adopter les mesures nécessaires pour soutenir l’action du bureau du Défenseur du peuple, notamment une large diffusion des informations sur le mandat du bureau, et doit mettre en œuvre les recommandations que celui-ci formule.

Registre national des plaintes pour torture et autres traitements inhumains

14)Le Comité prend note de l’existence, affirmée par la délégation, du registre du bureau du Défenseur du peuple. Il considère néanmoins que l’État partie doit aussi créer un registre du ministère public afin de compléter le registre précédent.

L’État partie doit établir un registre national recensant toutes les plaintes déposées par les personnes qui déclarent être victimes de torture et de traitements cruels, inhumains ou dégradants, comme le Comité l’a déjà recommandé dans ses conclusions et recommandations de 1999 (A/55/44, par. 56 à 63).

États d’urgence

15)Le Comité est préoccupé par les proclamations fréquentes de l’état d’urgence et les allégations d’abus commis par la police et les forces armées lorsque ces mesures exceptionnelles sont appliquées.

L’État partie doit limiter la proclamation de l’état d’urgence aux situations absolument nécessaires et scrupuleusement respecter, pendant ces périodes ‑là, les obligations qui lui incombent en matière de droits de l’homme, conformément au paragraphe 2 de l’article 2 de la Convention.

Enquête immédiate et impartiale (art. 4 et 13)

16)Le Comité reconnaît que l’État partie a progressé en abrogeant les lois d’amnistie et en traduisant devant les tribunaux pénaux, pour actes de torture, des officiers de l’armée et de hauts responsables de la police. Toutefois, le Comité est toujours préoccupé par les retards excessifs avec lesquels les procès sont menés et regrette que la compétence de la justice pénale militaire ne soit pas alignée sur les obligations internationales dans le domaine des droits de l’homme contractées par le Pérou et inscrites dans la Convention.

L’État partie doit:

a) Faire en sorte qu’une enquête impartiale et approfondie soit immédiatement menée sur toutes les allégations d’actes de torture, de mauvais traitements et de disparitions forcées imputés à des agents de l’État. Les enquêtes ne doivent pas être réalisées par la justice pénale militaire. En cas d’accusation de torture, l’inculpé devrait être suspendu de ses fonctions ou transféré pendant la durée de l’enquête afin d’éviter tout risque d’entrave à la justice. Le Comité rappelle que les forces armées et la police sont tenues de collaborer aux enquêtes menées par la justice ordinaire;

b) Juger les responsables et infliger des peines appropriées aux coupables, ce qui ne permettra à aucun acte de ce type de rester impuni;

c) Veiller à ce que le ministère public et le service de médecine légale disposent de ressources propres suffisantes et que leur personnel ait la formation voulue pour s’acquitter de leurs fonctions.

Formation des professionnels (art. 10)

17)Le Comité reconnaît que l’État partie a fait des efforts pour améliorer la formation des professionnels de l’administration de la justice. Toutefois, il est préoccupé par le fait que ceux-ci et les professionnels de santé n’ont toujours pas la formation nécessaire pour reconnaître les cas de torture et de traitements cruels, inhumains ou dégradants, en particulier en détention provisoire et en garde à vue.

L’État partie doit développer les programmes de formation à l’intention des officiers de police, des membres de l’armée, du personnel pénitentiaire et des procureurs, sur les obligations imposées par la Convention et spécialement sur la qualification appropriée des cas de torture. De même, il est recommandé de mettre en place des cours de formation pour les professionnels de santé chargés de déceler les cas de torture et pour tous ceux qui aident les victimes de torture à se réadapter.

Conditions dans les centres de détention et les établissements pénitentiaires (art. 1 er , 11, 12 et 16)

18)Le Comité est préoccupé par le fait que des plaintes pour torture et mauvais traitements dans les lieux de détention provisoire et dans les établissements pénitentiaires continuent à être déposées. Il s’inquiète de la surpopulation et de l’entassement dans les prisons ainsi que de l’absence de professionnels de santé et d’avocats commis d’office chargés de défendre convenablement leurs clients.

L’État partie doit prendre d’urgence des mesures pour réduire la surpopulation carcérale et donner la priorité à un meilleur accès aux professionnels de santé et aux avocats commis d’office.

19)Le Comité prend note de l’annonce de la fermeture de la prison de Challapalca, mais regrette que la prison de Yanamayo n’ait pas elle aussi été fermée alors que le Comité l’avait expressément recommandé à l’issue de l’enquête menée en 1998 au titre de l’article 20. De même, le Comité s’inquiète que la prison de sécurité maximale de la base navale de Callao, placée sous l’administration de la marine, soit toujours utilisée pour les prisonniers de droit commun.

L’État partie doit fermer la prison de Yanamayo. Il doit garantir que les établissements pénitentiaires civils seront régis par les autorités civiles et non militaires et il doit aussi mettre en œuvre son Plan national de traitement pénitentiaire.

Intimidation et menaces

20)Le Comité est préoccupé par les plaintes qu’il a reçues faisant état de représailles, d’actes d’intimidation et de menaces contre les personnes qui dénoncent des actes de torture et de mauvais traitements, ainsi que par l’absence de dispositif efficace de protection des témoins et des victimes. Il regrette que les défenseurs des droits de l’homme qui ont collaboré avec la Commission Vérité et Réconciliation aient été menacés.

Conformément à l’article 13 de la Convention, l’État partie doit prendre des mesures efficaces pour que toutes les personnes qui portent plainte pour actes de torture ou de mauvais traitements soient protégées contre toute intimidation et contre tout risque de représailles. L’État partie doit mener des enquêtes sur tous les cas d’intimidation de témoins qui sont portés à sa connaissance et mettre en place un dispositif approprié de protection des témoins et des victimes.

Réparations

21)Le Comité reconnaît les progrès réalisés en matière de protection du droit de réparation pour les victimes de torture et de traitements cruels, inhumains ou dégradants, et dans tout ce qui a trait aux travaux de la Commission Vérité et Réconciliation dont les plaintes sont progressivement examinées par les tribunaux. Malgré des progrès significatifs réalisés dans le domaine des réparations, le Comité regrette que les recommandations de la Commission Vérité et Réconciliation n’aient pas été suffisamment appliquées, spécialement en faveur des groupes vulnérables.

L’État partie doit appliquer les recommandations de la Commission Vérité et Réconciliation pour que les conséquences de la violence soient éliminées et que l’impunité du passé n’ait plus cours. En ce qui concerne les réparations, l’État partie doit prendre en compte les considérations sexospécifiques et prêter l’attention nécessaire aux groupes les plus vulnérables, en particulier aux populations autochtones qui ont subi le plus de violences.

22)Le Comité souligne l’obligation de donner réparation aux victimes chaque fois qu’un jugement pour acte de torture est rendu dans l’un des tribunaux du pays. Le Comité est préoccupé par le caractère souvent dérisoire de la somme donnée au titre de réparation et le retard pris par l’État partie lorsqu’il s’agit de s’acquitter des réparations fixées par plusieurs jugements de la Cour interaméricaine des droits de l’homme ainsi que par plusieurs décisions du Comité des droits de l’homme saisis pour des cas de viol, de torture et autres traitements cruels, inhumains ou dégradants.

L’État partie doit garantir que, pour tous les cas d’actes de torture et autres traitements cruels, inhumains ou dégradants où sa responsabilité aura été établie, il s’acquittera de son obligation de verser une réparation convenable aux victimes.

Traitements cruels, inhumains ou dégradants

23)Le Comité est préoccupé par les plaintes faisant état de cas de femmes involontairement stérilisées. Il a aussi été informé que les professionnels de santé, employés par l’État, refusaient d’administrer les soins médicaux mettant leur vie en péril. La loi en vigueur restreint fortement la pratique de l’interruption volontaire de grossesse, y compris dans les cas de viol, ce qui a eu des conséquences graves et a entraîné le décès de femmes qui auraient pu être sauvées. Les allégations reçues indiquent que l’État partie n’a pas empêché que des actes nuisant gravement à la santé physique et mentale des femmes soient commis, et que ces actes sont des actes cruels et inhumains.

L’État partie doit prendre les mesures nécessaires, y compris au niveau législatif, pour empêcher efficacement que soient commis des actes nuisant gravement à la santé des femmes et pour que soient donnés les soins médicaux nécessaires. Il doit aussi renforcer les programmes de planification familiale en offrant un meilleur accès à l’information et aux services de santé de la procréation, y compris pour les adolescents.

24)Le Comité demande que, dans son prochain rapport périodique, l’État partie fournisse les renseignements demandés en suivant les directives concernant les rapports périodiques, et qu’il inclue les données relatives à toutes les plaintes déposées pour torture et autres traitements cruels, inhumains ou dégradants afin d’éviter les contradictions et de faciliter le travail du Comité pour que celui-ci ait une vision plus claire de la situation en matière de protection contre la torture.

Il faudra préciser:

a) Le sexe, les origines ethnique et géographique des victimes des actes visés par la Convention;

b) Les fonctions des accusés et l’unité à laquelle ils appartiennent ainsi que des précisions sur leur suspension pendant la durée de l’enquête;

c) La juridiction compétente pour mener l’enquête et les sanctions ou dispenses de peine qui ont été prononcées;

d) Les réparations accordées aux victimes, notamment le montant des indemnisations et les services de réadaptation proposés.

25) Le Comité recommande à l’État partie de diffuser largement les rapports qu’il a soumis au Comité ainsi que les présentes conclusions et recommandations, y compris dans les langues autochtones, par le biais des médias, des sites Web officiels et des organisations non gouvernementales.

26) Le Comité engage l’État partie à envisager de ratifier le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

27) Le Comité demande à l’État partie de lui fournir, dans un délai d’un an, des renseignements sur les mesures qu’il aura prises pour donner suite aux recommandations formulées aux paragraphes 14, 15, 16, 20 et 22.

28) Le Comité invite l’État partie à présenter son prochain rapport périodique, qui sera considéré comme le sixième rapport, au plus tard le 5 août 2009, date limite de présentation de son sixième rapport périodique.

34. Qatar

1)Le Comité a examiné le rapport initial du Qatar (CAT/C/58/Add.1) à ses 707e et 710e séances, les 9 et 10 mai 2006 (CAT/C/SR.707 et CAT/C/SR.710), et a adopté les conclusions et recommandations suivantes à sa 722e séance, le 18 mai 2006 (CAT/C/SR.722).

A. Introduction

2)Le Comité accueille avec satisfaction le rapport initial du Qatar ainsi que la possibilité d’engager un dialogue constructif avec les représentants de l’État partie. Il regrette toutefois que ce rapport, attendu le 10 février 2000, ait été soumis avec plus de quatre ans de retard. En outre, il note que le rapport n’est pas pleinement conforme aux directives du Comité relatives à l’élaboration des rapports initiaux, et qu’il manque à la fois le document de base et les informations sur la façon dont les dispositions de la Convention sont appliquées concrètement dans l’État partie. Ce rapport initial consiste essentiellement en une présentation des dispositions légales plutôt qu’en une analyse de la mise en œuvre de la Convention étayée par des exemples et des statistiques.

B. Aspects positifs

3)Le Comité prend acte des efforts considérables déployés actuellement par l’État partie pour réformer son système judiciaire et ses institutions et accueille avec satisfaction l’affirmation de la délégation selon laquelle les autorités politiques de l’État, au plus haut niveau, ont la volonté de promouvoir et de protéger les droits de l’homme, en particulier ceux garantis par la Convention.

4)Le Comité se félicite en outre de l’adoption de la nouvelle Constitution, entrée en vigueur le 9 juin 2005, qui contient des garanties en matière de droits de l’homme et dont on notera qu’elle énonce, dans son article 36, que nul ne peut être soumis à la torture ou à un traitement dégradant et que la torture est un délit punissable par la loi.

5)Le Comité prend note avec intérêt de la création, par le décret-loi no 38 de 2002, de la Commission nationale des droits de l’homme, chargée de promouvoir et de garantir le respect des droits de l’homme, d’enquêter sur les éventuelles violations des droits de l’homme et des libertés fondamentales en vue d’y remédier, et de collaborer avec les organisations internationales et régionales œuvrant dans le domaine des droits de l’homme.

6)De plus, le Comité se félicite des mesures prises par l’État partie pour lutter contre la traite des êtres humains, notamment la loi no 22 de 2005 qui interdit de recruter des enfants en tant que jockeys pour les courses de chameaux, et pour garantir la réadaptation et l’indemnisation des victimes.

7)En outre, le Comité prend note de la création en 2003 d’une institution nationale de protection de la mère et de l’enfant et de la mise en place de plusieurs permanences téléphoniques à l’intention des victimes d’actes de violence.

8)Le Comité se félicite de la coopération de l’État partie avec le Haut-Commissariat aux droits de l’homme et de la création du Centre de formation et de documentation des Nations Unies sur les droits de l’homme pour l’Asie du Sud-Ouest et la région arabe.

C. Sujets de préoccupation et recommandations

9)Le Comité est préoccupé par le caractère général et imprécis de la réserve émise par l’État partie à propos de la Convention, dans laquelle il fait globalement référence à son droit national sans en préciser le contenu et sans indiquer clairement dans quelle mesure il a accepté la Convention, ce qui soulève des questions quant à la mesure dans laquelle il honore, d’une manière générale, les obligations qui en découlent.

Tout en accueillant avec satisfaction la déclaration du représentant de l’État partie, selon laquelle la réserve émise au sujet de la Convention ne nuira pas au plein exercice de l’ensemble des droits qui y sont garantis, le Comité recommande à l’État partie d’envisager de réexaminer sa réserve en vue de la lever.

10)Il n’existe pas de définition complète de la torture dans le droit interne qui corresponde à celle qui est donnée à l’article premier de la Convention. Les références à la torture dans la Constitution ou aux actes de cruauté et aux actes qui causent un préjudice dans d’autres textes du droit interne, notamment le Code pénal et le Code de procédure pénale, sont imprécises et incomplètes.

L’État partie devrait adopter, dans sa législation pénale, une définition de la torture qui soit conforme aux dispositions de l’article premier de la Convention, y compris en ce qui concerne les motifs qui y sont énoncés, et devrait veiller à ce que tous les actes de torture soient érigés en infractions pénales et que des sanctions appropriées soient prévues pour leurs auteurs.

11)Le Comité s’inquiète en outre des menaces qui pèsent dans la pratique sur l’indépendance des juges, dont une large proportion sont des ressortissants étrangers. Le fait que les permis de séjour des juges étrangers soient délivrés par les autorités civiles exerce une certaine pression sur les juges en créant un sentiment de malaise quant à la sécurité de leur emploi et l’impression de devoir indûment dépendre du bon vouloir de ces autorités. Par ailleurs, bien qu’en vertu de la Constitution toutes les personnes soient égales devant la loi, il existe tout un ensemble de protections qui ne s’appliquent qu’aux citoyens. En outre, l’État partie ne précise pas le nombre de femmes travaillant dans la magistrature, ni la nature de leurs compétences.

L’État partie devrait adopter des mesures efficaces pour garantir la pleine indépendance de sa magistrature, conformément aux Principes fondamentaux relatifs à l’indépendance de la magistrature. Il devrait également prendre des mesures destinées à garantir que les femmes juges puissent siéger et intervenir dans les mêmes juridictions que leurs homologues masculins.

12)Certaines dispositions du Code pénal autorisent les autorités judiciaires et administratives à infliger des peines comme la flagellation et la lapidation en guise de sanction pénale. Or ces pratiques violent les dispositions de la Convention. Le Comité note avec intérêt que les autorités compétentes envisagent actuellement de modifier la loi sur les prisons en vue d’abolir la flagellation.

L’État partie devrait revoir les dispositions du Code pénal qui autorisent les autorités judiciaires et administratives à recourir à ces pratiques interdites à titre de sanctions pénales, en vue de les abolir sans délai.

13)Le Comité s’inquiète de l’absence de dispositions légales interdisant expressément l’expulsion, le refoulement ou l’extradition d’une personne vers un autre État où il y a des motifs sérieux de croire qu’elle risque d’être soumise à la torture. En outre, il n’existe pas non plus dans le droit interne de dispositions prévoyant d’accorder l’asile ou le statut de réfugié et donc une protection aux personnes concernées.

L’État partie devrait veiller au respect, en droit et dans la pratique, des obligations énoncées à l’article 3 de la Convention en toute circonstance, et incorporer pleinement dans son droit interne des dispositions régissant l’asile et le statut de réfugié.

14)En ce qui concerne leur droit à ne pas faire l’objet de pratiques violant les dispositions de la Convention, les nationaux et les étrangers se voient appliquer des régimes différents, en droit comme dans la pratique, notamment en ce qui concerne le droit fondamental de dénoncer ces pratiques.

L’État partie devrait veiller à ce que la Convention et ses dispositions s’appliquent à tous les actes portant atteinte à la Convention, commis sur tout territoire sous sa juridiction, dispositions qui garantissent que toutes les personnes bénéficient, dans la même mesure et sans discrimination, des droits qui y sont énoncés.

15)Il n’y a apparemment ni action éducative ni information sur l’interdiction de la torture et les agents de l’État ont une connaissance insuffisante des dispositions de la Convention.

L’État partie devrait faire en sorte que des formations et des programmes soient organisés à l’intention des agents des forces de l’ordre, des personnels civils, militaires et médicaux, des agents de l’État et autres personnes susceptibles d’intervenir pendant la garde à vue, les interrogatoires ou le traitement de tout individu privé de liberté, afin de les sensibiliser aux conséquences physiques de la torture, de leur donner les moyens de respecter l’interdiction absolue de pratiquer la torture et de s’attacher à mener des enquêtes rapidement et efficacement sur toute plainte dénonçant de tels actes. Le Comité engage aussi l’État partie à tenir compte des questions liées aux différences entre les sexes et à veiller à l’organisation de programmes de formation à l’intention des personnels médicaux qui interviennent dans le processus de réadaptation.

16)Des détenus font l’objet de restrictions pour leur droit de communiquer avec un avocat, de consulter un médecin indépendant ou d’entrer en contact avec leur famille. Par exemple, malgré les dispositions du Code de procédure pénale exigeant que la personne interpellée soit inculpée ou libérée dans les 48 heures, il existe des cas de placement en détention pour des périodes pouvant aller jusqu’à six mois, voire parfois jusqu’à deux ans, au titre de la loi sur la protection de la société qui ne prévoit pas le droit de communiquer avec un avocat ou avec sa famille pendant cette longue période. De plus, des allégations de traitement inégal des non‑ressortissants au moment de leur arrestation et pendant leur détention suscitent des inquiétudes.

L’État partie devrait faire en sorte que, en droit et dans la pratique, toutes les personnes placées en détention ou en garde à vue aient la possibilité de communiquer sans délai avec un avocat et avec un médecin indépendant, et d’informer un membre de leur famille de leur placement en détention, ces dispositions importantes étant des garanties contre les actes de torture et les mauvais traitements.

17)La Commission nationale des droits de l’homme a entamé la visite des lieux de détention, ce qui peut constituer une étape importante sur la voie d’un meilleur respect des obligations découlant de la Convention dans l’État partie. Le Comité s’interroge toutefois sur l’efficacité et la fréquence des visites, se demande si les plaintes font l’objet d’enquêtes approfondies engagées dans les meilleurs délais, si les membres de la Commission peuvent entrer en contact avec tous les détenus et si les rapports de la Commission sont rendus publics. En outre, dans la mesure où la majorité des membres de la Commission nationale des droits de l’homme sont de hauts fonctionnaires de l’État, on peut se demander si la Commission peut être totalement indépendante.

L’État partie devrait faire en sorte que toutes les activités de la Commission nationale des droits de l’homme soient totalement conformes aux principes régissant les institutions nationales de défense des droits de l’homme (Principes de Paris), notamment en matière d’indépendance.

18)Selon certaines informations, aucune indemnisation ne serait octroyée, dans la pratique, aux victimes d’actes de torture.

L’État partie devrait garantir que toutes les personnes ayant été victimes d’actes de torture bénéficient d’une indemnisation équitable et adéquate, y compris des moyens nécessaires à une réadaptation complète.

19)Dans son rapport, l’État partie ne donne pas d’informations sur les plaintes individuelles déposées, faisant état d’actes de torture ou de mauvais traitements, ni sur les résultats des enquêtes ou des poursuites liées à des dispositions de la Convention.

L’État partie devrait, dans son prochain rapport périodique, fournir des données statistiques détaillées, ventilées par infraction, nationalité, appartenance ethnique et sexe, sur les plaintes liées à des actes de torture et à des mauvais traitements qui auraient été commis par des agents des forces de l’ordre ou autres, et sur les enquêtes, poursuites, sanctions pénales et disciplinaires auxquelles elles ont donné lieu, ainsi que des informations sur les mesures d’indemnisation et de réadaptation prises en faveur des victimes.

20)Le Comité est préoccupé par les violences subies par les travailleurs migrants et par l’absence de mesures de protection des employés à risque, en particulier des employées de maison qui affirment avoir été victimes de violences sexuelles et sont enfermées chez leur employeur et/ou empêchées de déposer des plaintes en vertu de dispositions de la Convention.

L’État partie devrait prendre des mesures visant à prévenir la violence à l’égard des travailleurs migrants sur son territoire, et plus particulièrement la violence sexuelle à l’égard des employées de maison, en donnant la possibilité à ces travailleurs de porter plainte et en veillant à ce que ces cas soient examinés et jugés dans les meilleurs délais et en toute impartialité.

21)Selon certaines informations, des personnes détenues ou privées de liberté subiraient des fouilles corporelles approfondies et humiliantes, en violation de la Convention.

L’État partie devrait prendre sans délai des mesures visant à garantir le respect des droits fondamentaux de toute personne faisant l’objet d’une fouille corporelle et veiller à ce que les fouilles soient menées conformément aux normes internationales, notamment la Convention.

22)Il n’existe pas de loi spéciale protégeant les femmes contre la violence familiale et, si de nombreux cas ont été rapportés en 2005, aucun n’a donné lieu à des arrestations publiques ou à des poursuites.

Compte tenu du Plan d’action national de prévention de la violence familiale de 2003, l’État partie devrait mettre en œuvre des mesures visant à prévenir et à sanctionner la violence à l’égard des femmes, notamment à établir des normes de preuve équitables.

23)Le Comité note qu’un grand nombre des questions qu’il a posées sont restées sans réponse et rappelle à l’État partie qu’il souhaite recevoir des informations supplémentaires par écrit dans les meilleurs délais.

24)Le Comité demande à l’État partie de fournir, dans son prochain rapport périodique, des données statistiques détaillées, ventilées par infraction, âge, sexe et nationalité, sur les plaintes se rapportant à des actes de torture et à des mauvais traitements et sur les enquêtes, poursuites, sanctions pénales et disciplinaires qui ont suivi. De plus, l’État partie devrait également lui fournir des informations sur les résultats des mesures prises pour détecter la violence sexuelle dans les lieux de détention ainsi que sur toute démarche visant à aider les personnes à déposer des plaintes confidentiellement. L’État partie est également invité à donner au Comité des renseignements sur les formations, les programmes et les évaluations mis en place.

25)Le Comité invite l’État partie à envisager de ratifier le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

26)L’État partie devrait diffuser largement son rapport, ainsi que les conclusions et recommandations du Comité et les comptes rendus analytiques de celui-ci, par le biais des sites Web officiels, des médias et des organisations non gouvernementales.

27)Le Comité demande également à l’État partie de lui fournir, dans un délai d’un an, des renseignements sur la suite qu’il aura donnée aux recommandations formulées aux paragraphes 12, 15, 16, 20 et 21 ci-dessus.

28)L’État partie est invité à soumettre son prochain rapport périodique avant le 10 février 2008, date à laquelle le deuxième rapport périodique est attendu.

35. République de Corée

1)Le Comité contre la torture a examiné le deuxième rapport périodique de la République de Corée (CAT/C/53/Add.2) à ses 711e et 714e séances, les 11 et 12 mai 2006 (CAT/C/SR.711 et CAT/C/SR.714), et a adopté les conclusions et recommandations ci-après à sa 722e séance, le 18 mai 2006.

A. Introduction

2)Le Comité se félicite de la présentation du deuxième rapport périodique de la République de Corée, qui a été élaboré conformément à ses directives mais a été soumis avec quatre ans de retard. Il prend acte avec satisfaction des réponses écrites complètes qui ont été apportées à la liste des points à traiter (CAT/C/KOR/Q/2), ainsi que des informations orales et audiovisuelles qui lui ont été données lors de l’examen du rapport. Il se félicite, en outre, du dialogue franc et constructif engagé avec la délégation de haut niveau envoyée par l’État partie.

B. Aspects positifs

3)Le Comité note avec satisfaction les progrès importants accomplis vers une meilleure protection des droits de l’homme depuis l’examen du rapport initial. Il note également les efforts que déploie actuellement l’État partie pour revoir sa législation et prendre d’autres mesures nécessaires pour appliquer les recommandations du Comité et améliorer la mise en œuvre de la Convention, notamment:

a)L’application plus rigoureuse de la loi sur la sécurité nationale et les mesures visant à libérer et à gracier des personnes condamnées pour avoir violé cette loi;

b)Les mesures prises pour enquêter sur les violations passées des droits de l’homme et offrir des recours aux victimes, comme l’adoption en 2000 de la loi spéciale sur la recherche de la vérité dans les cas de morts suspectes, qui a débouché sur la création de la Commission présidentielle de la vérité sur les morts suspectes, et l’adoption de la loi sur la restitution de l’honneur et l’indemnisation des militants des mouvements pour la démocratie en 2000;

c)La création en 2001 de la Commission nationale des droits de l’homme qui a pour mandat d’enquêter sur les violations des droits de l’homme et d’offrir des recours et, dans certaines circonstances, de mener des inspections dans les centres de détention et les établissements pénitentiaires;

d)Les mesures visant à faire en sorte que les garanties juridiques fondamentales dont jouissent les personnes détenues par la police soient respectées, notamment la révision en 1997 du Code de procédure pénale pour permettre (sur demande) aux juges d’interroger les personnes avant qu’elles ne soient placées en détention; l’adoption de la directive pour la protection des droits de l’homme durant les procédures d’enquête en 2002, ainsi que l’adoption des mesures générales pour renforcer la protection des droits de l’homme au cours des procédures d’enquête en 2005;

e)La création de groupes ou de départements des droits de l’homme au Ministère de la justice et au Ministère de la défense nationale, ainsi que dans les bureaux des procureurs de district; et

f)La mise en place d’organes civils de surveillance des centres de détention et des établissements pénitentiaires, comme le comité de surveillance de la violence sexuelle et le comité consultatif de l’administration pénitentiaire.

C. Sujets de préoccupation et recommandations

4)Tout en se félicitant des assurances verbales de la délégation tendant à faire des recommandations en vue de modifier le droit national relatif à la torture, le Comité demeure préoccupé par le fait que l’État partie n’a pas incorporé de définition expresse du crime de torture dans son droit pénal comme celle figurant à l’article premier de la Convention.

Comme l’a précédemment recommandé le Comité (A/52/44, par. 62), l’État partie devrait incorporer dans son Code pénal une définition du crime de torture conforme à celle que contient l’article premier de la Convention.

5)Le Comité note avec préoccupation que l’article 125 du Code pénal concernant la violence et les actes de cruauté ne s’applique qu’à certains individus dans le cadre d’une enquête et/ou d’un procès, alors que d’autres actes constitutifs de torture, qui ne relèvent pas de cet article, sont traités en vertu d’autres dispositions du Code pénal et donnent lieu à des peines moins sévères.

L’État partie devrait revoir et, au besoin, modifier son Code pénal pour garantir que tous les actes de torture soient érigés en infraction pénale et punis conformément au paragraphe 2 de l’article 4 de la Convention.

6)Tout en prenant acte des mesures prises récemment pour limiter l’application de la loi sur la sécurité nationale et montrer plus de clémence à l’égard des personnes condamnées, le Comité demeure préoccupé par le fait que les dispositions de la loi restent imprécises et que les règles régissant l’arrestation et la détention continuent d’être appliquées de façon arbitraire.

Comme l’a précédemment recommandé le Comité (A/52/44, par. 59), l’État partie devrait poursuivre la révision de la loi sur la sécurité nationale pour faire en sorte qu’elle soit pleinement conforme à la Convention et que les arrestations et les mises en détention effectuées au titre de cette loi ne créent pas de nouvelles possibilités de violations des droits de l’homme. L’État partie devrait également fournir, dans son prochain rapport périodique, des informations sur les progrès et les résultats des débats à l’Assemblée nationale en vue de l’abrogation ou de la modification de cette loi.

7)Nonobstant les mesures législatives et administratives visant à prévenir et à interdire la torture et autres formes de mauvais traitements, le Comité demeure préoccupé par les allégations persistantes faisant état d’intimidations et d’actes de torture commis par des membres des forces de l’ordre, revêtant notamment la forme d’un recours excessif à la force et à d’autres types de mauvais traitements, au cours des arrestations et des enquêtes, ainsi que dans les centres de détention et les établissements pénitentiaires.

L’État partie devrait s’attacher bien d’avantage à promouvoir une culture des droits de l’homme en veillant à l’adoption et à l’application d’une politique de tolérance zéro vis ‑à-vis de tous les membres des forces de l’ordre, ainsi que de tous les personnels des centres de détention et des établissements pénitentiaires. Il devrait également redoubler d’efforts pour renforcer les activités d’éducation, de sensibilisation et de formation dans le domaine des droits de l’homme en général, et concernant l’interdiction de la torture en particulier.

8)Compte tenu du nombre d’allégations faisant état de torture et d’autres actes cruels, inhumains ou dégradants et de plaintes pour violation des droits de l’homme en général, le Comité s’inquiète du nombre relativement faible de mises en accusation, de condamnations et de mesures disciplinaires dont font l’objet des membres des forces de l’ordre. À cet égard, il craint également que la prescription des infractions de torture, tant en droit pénal qu’en droit civil, ne rende impossibles des enquêtes, des poursuites et des sanctions contre leurs auteurs, et ne prive les victimes d’une indemnisation et d’autres recours. En outre, le Comité s’inquiète de l’absence de programmes spécifiques de traitement ou de réadaptation des victimes de torture.

a) L’État partie devrait garantir que dans son système juridique toutes les allégations de torture et de mauvais traitements soient examinées rapidement et de manière approfondie, et que toutes les victimes obtiennent réparation et jouissent d’un droit exécutoire d’être indemnisées équitablement et de manière adéquate;

b) À cet égard, le Comité recommande instamment l’adoption du projet de loi visant à exclure ou suspendre l’application de la prescription pour les crimes contre l’humanité (y compris la torture), qui est actuellement à l’examen à l’Assemblée nationale;

c) De plus, le Comité exhorte l’État partie à mettre en place des programmes complets pour le traitement et la réadaptation (tant physique que mentale) des victimes d’actes de torture et de mauvais traitements, y compris pour assurer leur droit d’être indemnisées équitablement et de manière adéquate.

9)Le Comité note avec préoccupation que le droit d’un suspect à la présence de son avocat lors des interrogatoires et de l’enquête n’est pas garanti actuellement par le Code de procédure pénale et qu’il n’existe que dans le cadre des directives des bureaux des procureurs publics.

L’État partie devrait prendre des mesures concrètes pour faire en sorte que les garanties juridiques fondamentales dont jouissent les personnes détenues par la police soient respectées. À cet égard, il recommande l’adoption des modifications pertinentes au Code de procédure pénale, actuellement à l’examen à l’Assemblée nationale, qui garantissent le droit d’un suspect à la présence de son avocat lors des interrogatoires et de l’enquête.

10)Tout en prenant note des informations fournies par l’État partie sur l’indépendance de son système judiciaire, le Comité demeure préoccupé par l’absence de garanties suffisantes de cette indépendance, en particulier par le fait que le processus d’évaluation des juges puisse nuire à la stabilité de leurs fonctions.

L’État partie devrait prendre des mesures pour garantir l’inamovibilité des juges et prévenir toute interférence dans leurs fonctions judiciaires.

11)Le Comité s’inquiète d’informations indiquant un recours excessif à la procédure d’arrestation pour des motifs urgents, permettant de détenir une personne sans mandat d’arrêt pour une période maximale de 48 heures, ce qui constitue un abus de procédure.

L’État partie devrait continuer à prendre toutes les mesures juridiques et administratives nécessaires pour réglementer strictement le recours à la procédure d’arrestation pour des motifs urgents et empêcher qu’il n’en soit fait un usage abusif, et pour garantir le respect des droits des personnes ainsi détenues. En particulier, le Comité préconise instamment l’adoption rapide des modifications pertinentes au Code de procédure pénale actuellement à l’examen à l’Assemblée nationale.

12)Le Comité est préoccupé par l’insuffisance de la protection juridique des personnes, en particulier des demandeurs d’asile, contre leur expulsion ou leur renvoi vers des pays où elles pourraient être soumises à la torture.

Le Comité se félicite des assurances verbales données par la délégation quant à sa volonté d’étudier les cas des personnes refoulées ou renvoyées vers des pays où elles courent le risque d’être soumises à la torture. L’État partie devrait garantir que les prescriptions de l’article 3 de la Convention s’appliquent lors de la décision d’expulsion, de renvoi ou d’extradition de chaque non-ressortissant ou personne de nationalité coréenne susceptible d’être renvoyé dans des zones situées hors de la juridiction de la République de Corée.

13)Le Comité est préoccupé par le nombre de personnes détenues dans des «cellules de substitution» (cellules de détention des postes de police) qui sont réputées être surpeuplées et en mauvais état.

L’État partie devrait limiter le recours à des «cellules de substitution», clarifier leur fonction, veiller à ce qu’elles offrent des conditions humaines pour ceux qui y sont détenus, et achever la construction proposée de nouveaux lieux de détention. En outre, le Comité prie instamment l’État partie de veiller à ce que tous les lieux de détention soient conformes aux normes minimales internationales.

14)Le Comité s’inquiète du nombre élevé de suicides et de morts subites dans les centres de détention. Il note qu’il n’y a pas eu d’enquête détaillée sur les liens existant entre le nombre de décès et la violence, la torture et d’autres formes de mauvais traitements dans les centres de détention.

L’État partie devrait prendre toutes les mesures nécessaires pour prévenir les décès dans les centres de détention et en réduire le nombre. La fourniture adéquate de soins médicaux et l’accès comme il convient à ces soins devraient être assurés et des programmes de prévention des suicides élaborés dans ces centres. Le Comité recommande également à l’État partie de procéder à une analyse complète des liens existant, le cas échéant, entre le nombre de morts subites et la pratique de la torture et autres formes de mauvais traitements dans les centres de détention.

15)Le Comité est préoccupé par le nombre de suicides dans l’armée et l’absence d’informations précises sur le nombre de suicides dus à des mauvais traitements et à des actes de violence, notamment le bizutage, perpétrés par le personnel militaire.

L’État partie devrait empêcher les mauvais traitements et les actes de violence dans l’armée. Il est invité à rechercher systématiquement les causes des suicides au sein de l’armée et à évaluer l’efficacité des mesures et programmes actuels, comme le recours à un médiateur, pour prévenir ces décès. Des programmes complets de prévention des suicides dans l’armée devraient comprendre, entre autres, des activités de sensibilisation, de formation et d’éducation pour l’ensemble du personnel militaire.

16)Le Comité s’inquiète d’informations indiquant que dans les procès pénaux on se fonde dans une large mesure sur les résultats de l’enquête, pratique qui incite souvent les enquêteurs à contraindre les suspects à faire des aveux. Le Comité note également avec préoccupation que le nombre de condamnations fondées sur des aveux obtenus dans le cadre de la loi sur la sécurité nationale ne lui a pas été communiqué.

L’État partie devrait veiller à ce que les déclarations faites sous la torture ne puissent pas servir de preuve dans les procédures. À cet égard, il recommande l’adoption des modifications pertinentes du Code de procédure pénale actuellement à l’examen à l’Assemblée nationale, qui rendrait les conditions de recevabilité de la preuve écrite dans les procédures juridiques beaucoup plus strictes. Le Comité recommande également à l’État partie de fournir, dans son prochain rapport, des informations sur toute jurisprudence spécifique excluant la prise en compte de déclarations faites sous la torture, ainsi que des données précises sur le nombre de condamnations au titre de la loi sur la sécurité nationale fondées sur des aveux, et d’indiquer si des enquêtes sont menées pour déterminer si ces aveux ont été obtenus sous la contrainte et si des personnes ont été reconnues coupables de torture dans ce contexte.

17)Le Comité est préoccupé de l’existence de cas de violences familiales et autres fondées sur le sexe, y compris le viol conjugal, et note le faible nombre de mises en accusation, qui résulte en partie de règlements et d’arrangements conclus lors de l’enquête. Le Comité note également que le viol conjugal ne constitue pas une infraction pénale au regard de la loi.

L’État partie devrait veiller à ce que les victimes de viol conjugal et de violence fondée sur le sexe aient un accès immédiat à des moyens de recours et de protection, à ce que les mesures visant à parvenir à des règlements et des arrangements en cours d’enquête ne nuisent pas aux femmes victimes de violence, et à ce que les auteurs soient poursuivis et punis. Le Comité prie instamment l’État partie de poursuivre ses activités de sensibilisation et de formation à la question destinées au grand public en général, et en particulier aux législateurs, aux membres de l’appareil judiciaire, au personnel des forces de l’ordre et aux fournisseurs de services de santé. Le Comité exhorte également l’État partie à prendre toutes les mesures nécessaires pour ériger le viol conjugal en infraction pénale.

18)Le Comité regrette l’absence de données ventilées par âge et par sexe sur les plaintes pour actes de torture et mauvais traitements qui auraient été commis par des agents des forces de l’ordre, ainsi que sur les enquêtes, les poursuites et les sanctions pénales ou disciplinaires, de même que l’absence de données statistiques sur le nombre de femmes et d’enfants victimes de la traite à des fins de prostitution. Il demande également à l’État partie de fournir des renseignements sur les mesures d’indemnisation et les services de réadaptation offerts aux victimes, ainsi que sur les résultats des études recommandées aux paragraphes 14 et 15 ci‑dessus.

19)L’État partie devrait diffuser largement son rapport au Comité, ses réponses à la liste des points à traiter ainsi que les conclusions et recommandations du Comité, dans toutes les langues voulues, par le biais de ses sites Web officiels, des médias et des organisations non gouvernementales.

20)Le Comité demande à l’État partie de lui adresser, dans un délai d’un an, des renseignements sur la suite qu’il aura donnée aux recommandations contenues aux paragraphes 7, 9, 13, 14 et 15.

21)L’État partie est invité à soumettre son prochain rapport périodique, qui englobera ses troisième, quatrième et cinquième rapports, au plus tard le 7 février 2012, date à laquelle le cinquième rapport périodique doit être soumis.

22)Le Comité note que l’État partie songe à ratifier le Protocole facultatif se rapportant à la Convention. Il note également qu’il envisage de faire les déclarations prévues aux articles 21 et 22 de la Convention, et que le Ministère de la justice a déjà émis un avis dans ce sens. Il invite l’État partie à accélérer ses démarches à cet effet.

36. Togo

1)Le Comité a examiné le rapport initial du Togo (CAT/C/5/Add.33) à ses 709e et 712e séances, les 10 et 11 mai 2006 (CAT/C/SR.709 et 712), et a adopté les conclusions et recommandations suivantes à sa 716e séance, le 15 mai 2006 (CAT/C/SR.716).

A. Introduction

2)Le Comité se félicite de la présentation du rapport initial du Togo, qui est en partie conforme aux directives générales du Comité pour l’établissement de rapports initiaux, mais regrette qu’il ait été soumis avec 16 ans de retard. Le Comité regrette également que la première section du rapport reprenne de manière extensive les informations contenues dans le document de base constituant la première partie des rapports des États parties, soumis par le Togo en 2004 (HRI/CORE/1/Add.38/Rev.2). Le Comité note par ailleurs que le rapport fournit très peu d’exemples concrets illustrant l’application de la Convention par l’État partie. Le Comité se félicite du dialogue constructif engagé avec la délégation de haut niveau envoyée par l’État partie et prend note avec satisfaction des réponses apportées aux questions posées au cours de ce dialogue.

B. Aspects positifs

3)Le Comité se réjouit de la volonté de l’État partie de moderniser son appareil judiciaire à travers son Programme national de modernisation de la justice et de la création de la Commission nationale de modernisation de la législation. Le Comité se réjouit également de la déclaration de la délégation de l’État partie relative à son projet de révision du Code pénal.

4)Le Comité accueille avec satisfaction la création, le 10 août 2005, de l’Inspection générale des services de sécurité, chargée de veiller aux conditions de garde à vue, ainsi qu’au respect de la durée de celle‑ci.

5)Le Comité prend note du projet du Gouvernement visant à recruter de nouveaux fonctionnaires pénitentiaires formés au respect des droits des personnes détenues, ainsi qu’à l’interdiction et à la prévention de la torture.

6)Le Comité accueille avec satisfaction la signature, le 14 mars 2006, d’une convention avec le Comité international de la Croix‑Rouge lui donnant accès aux lieux de détention.

7)Le Comité se félicite de l’adoption, en 1998, d’une loi prohibant les mutilations génitales féminines.

8)Le Comité note avec satisfaction la signature par le Togo, le 19 septembre 2005, du Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

9)Le Comité note également avec satisfaction l’approche positive de l’État partie envers les réfugiés, contribuant de ce fait au renforcement de leur protection.

C. Sujets de préoccupation et recommandations

10)Tout en notant que l’article 21 de la Constitution togolaise du 14 octobre 1992 interdit la torture, et tout en accueillant avec satisfaction le projet de révision du Code pénal, le Comité est préoccupé par l’absence de dispositions dans le Code pénal en vigueur définissant explicitement la torture et la criminalisant, conformément aux articles 1er et 4 de la Convention. Le Comité est également préoccupé par l’inexistence de jugements ayant trait à des actes de torture, du fait de l’absence d’une définition adéquate de la torture dans la législation togolaise (art. 1er et 4).

L’État partie devrait prendre des mesures urgentes afin d’intégrer dans son Code pénal une définition de la torture conforme à l’article premier de la Convention, ainsi que des dispositions incriminant les actes de torture et les sanctionnant de manière appropriée.

11)Tout en saluant le vaste projet de réforme de son appareil judiciaire annoncé par la délégation de l’État partie, le Comité constate avec préoccupation que, d’une part, les dispositions en vigueur du Code de procédure pénale relatives à la garde à vue ne prévoient ni la notification des droits ni la présence d’un avocat et, d’autre part, l’examen médical de la personne gardée à vue est simplement facultatif et n’est possible que sur sa demande ou celle d’un membre de sa famille, après accord du parquet. Par ailleurs, le délai de 48 heures pour la garde à vue serait peu respecté en pratique, et certaines personnes, y compris des enfants, seraient détenues sans inculpation ou en attente de jugement pendant plusieurs années (art. 2 et 11).

L’État partie devrait réformer les dispositions du Code de procédure pénale en matière de garde à vue, de façon à assurer une prévention efficace des atteintes à l’intégrité physique et mentale des personnes gardées à vue, y compris en garantissant leur droit à l’ habeas corpus, le droit d’informer un proche et celui de consulter un avocat et un médecin de leur choix ou un médecin indépendant.

L’État partie devrait par ailleurs rendre la pratique de la détention provisoire conforme aux normes internationales relatives à un procès équitable et faire en sorte que justice soit rendue dans un délai raisonnable.

12)Le Comité est préoccupé par les allégations qu’il a reçues, en particulier après les élections d’avril 2005, faisant état d’une pratique généralisée de la torture, de disparitions forcées, d’arrestations arbitraires et de détentions au secret, ainsi que de viols fréquents de femmes par le personnel militaire, souvent en présence de membres de leur famille, ainsi que de l’impunité apparente dont bénéficient les auteurs de ces actes (art. 2, 12 et 14).

L’État partie devrait prendre des mesures législatives, administratives et judiciaires effectives pour prévenir tout acte de torture et tout mauvais traitement dans tout territoire sous sa juridiction.

L’État partie devrait s’assurer par ailleurs que le personnel militaire n’est en aucun cas associé à l’arrestation et à la détention de civils.

L’État partie devrait prendre des mesures urgentes pour que tout lieu de détention soit sous autorité judiciaire et pour empêcher ses agents de procéder à des détentions arbitraires et de pratiquer la torture.

L’État partie devrait prendre des mesures énergiques pour que soit éliminée l’impunité des auteurs présumés d’actes de torture et de mauvais traitements, que des enquêtes promptes, impartiales et exhaustives soient menées à ce sujet, que les auteurs de ces actes soient jugés et, s’ils sont reconnus coupables, condamnés à des peines proportionnelles à la gravité des actes commis, et que les victimes soient convenablement indemnisées, au besoin par un fonds d’indemnisation pour les victimes de la torture. Par ailleurs, l’État partie devrait adopter des mesures efficaces visant à garantir l’indépendance du pouvoir judiciaire, en conformité avec les normes internationales y relatives.

L’État partie devrait également prendre des mesures urgentes pour garantir le retour pacifique des réfugiés togolais en provenance des pays avoisinants et des personnes déplacées à l’intérieur du pays, ainsi que le respect absolu de leur intégrité physique et psychique.

13)Le Comité est préoccupé par l’absence de dispositions dans la législation togolaise interdisant l’expulsion, le refoulement ou l’extradition d’une personne vers un autre État où il y a des motifs de croire qu’elle risque d’être soumise à la torture (art. 3).

L’État partie devrait prendre les mesures législatives, et toute autre mesure nécessaire, interdisant l’expulsion, le refoulement ou l’extradition d’une personne vers un autre État où il y a des motifs sérieux de croire qu’elle risque d’être soumise à la torture, conformément à l’article 3 de la Convention.

14)Le Comité est également préoccupé par l’existence d’accords sous‑régionaux signés par le Togo et des États avoisinants le 10 décembre 1984, et permettant de renvoyer une personne condamnée vers l’un des États signataires, en dehors de toute procédure, étant donné que le renvoi dans le cadre de ces accords relève de la seule responsabilité des agents de police des États concernés (art. 3).

L’État partie devrait prendre les mesures nécessaires afin de réviser les termes des accords sous ‑régionaux signés par le Togo et des États avoisinants, de manière à garantir que le renvoi d’une personne condamnée vers un des États signataires se fasse dans le cadre d’une procédure judiciaire, conformément et dans le strict respect de l’article 3 de la Convention.

15)Le Comité regrette la manière dont la compétence extraterritoriale est réglée dans la législation de l’État partie, notamment lorsqu’il s’agit d’allégations de torture. Le Comité est également préoccupé par le fait que, selon la législation togolaise, la torture ne constitue pas un acte pouvant donner lieu à l’extradition, compte tenu du fait qu’elle n’est pas définie dans le Code pénal (art. 3, 5, 6 et 7).

L’État partie devrait prendre les mesures nécessaires pour garantir que les actes de torture relèvent de sa compétence extraterritoriale, conformément à l’article 5 de la Convention. Par ailleurs, l’État partie devrait prendre les mesures législatives idoines pour que la torture constitue un acte pouvant donnant lieu à l’extradition, tout en respectant les dispositions de l’article 3 de la Convention.

16)Le Comité est préoccupé par des informations reçues concernant l’existence d’accords selon lesquels des ressortissants de certains États se trouvant sur le territoire togolais ne peuvent être transférés devant la Cour pénale internationale en vue d’être jugés pour crimes de guerre ou crimes contre l’humanité (art. 6 et 8).

L’État partie devrait, conformément aux articles 6 et 8 de la Convention, prendre les mesures nécessaires pour réviser les termes des accords empêchant le transfert de ressortissants de certains États se trouvant sur le territoire togolais devant la Cour pénale internationale.

17)Le Comité est préoccupé par la présence sur le territoire de l’État partie de l’ancien président de la République centrafricaine, M. Ange‑Félix Patassé, compte tenu du fait que, le 13 avril 2006, la Cour de cassation centrafricaine a renvoyé son cas devant la Cour pénale internationale pour crimes contre l’humanité (art. 6 et 8).

L’État partie devrait prendre les mesures nécessaires pour transférer M. Patassé devant la Cour pénale internationale, conformément aux articles 6 et 8 de la Convention.

18)Le Comité est préoccupé par le fait que la formation du personnel chargé de l’application des lois est insuffisante, étant donné que son contenu n’est pas axé sur l’éradication et la prévention de la torture. Par ailleurs, les nombreuses allégations d’actes de torture et de traitements cruels, inhumains ou dégradants reçues par le Comité démontrent la portée limitée de cette formation (art. 10).

L’État partie devrait:

a) Organiser régulièrement des cours de formation du personnel chargé de l’application des lois, dont les membres de la police et les fonctionnaires de l’administration pénitentiaire, afin de s’assurer que tous ont une connaissance approfondie des dispositions de la Convention et qu’ils sont bien conscients que les violations sont inadmissibles, qu’elles donnent lieu à une enquête et que leurs auteurs s’exposent à des poursuites. L’ensemble du personnel devrait recevoir une formation spécifique aux méthodes de détection des indices de torture;

b) Élaborer un manuel décrivant les techniques d’interrogation conformes à l’Ensemble de règles minima pour le traitement des détenus, et prohibant celles qui lui sont contraires;

c) Sensibiliser le personnel chargé de l’application des lois à la prohibition des violences sexuelles, en particulier à l’égard des femmes; et

d) Favoriser la participation des organisations non gouvernementales de défense des droits de l’homme à la formation du personnel chargé de l’application des lois.

19)Le Comité a noté les conditions de détention préoccupantes qui règnent au Togo, en particulier dans les prisons de Lomé et de Kara. Les problèmes les plus courants sont la surpopulation, une nourriture insuffisante, les mauvaises conditions d’hygiène et le manque de ressources matérielles, humaines et financières. Le traitement des prisonniers reste un sujet de préoccupation pour le Comité. Des cas de châtiments corporels pour faute disciplinaire sont signalés. Il est fréquent que des enfants et des femmes ne soient pas séparés des adultes et des hommes, et que des prévenus ne soient pas séparés des personnes condamnées (art. 11).

L’État partie devrait mettre fin aux pratiques contraires à l’Ensemble de règles minima pour le traitement des détenus. Il devrait également prendre immédiatement des mesures pour réduire la surpopulation dans les prisons ainsi que le nombre de personnes placées en détention provisoire, et garantir que les enfants et les femmes soient séparés des adultes et des hommes, et que les prévenus soient séparés des personnes condamnées.

20)Le Comité est vivement préoccupé par la violence sexuelle généralisée contre les femmes, y compris dans les lieux de détention. Le Comité s’inquiète également du fait que les femmes détenues sont surveillées par des fonctionnaires pénitentiaires masculins (art. 11 ).

L’État partie devrait mettre en place et promouvoir un mécanisme efficace chargé de recevoir les plaintes pour violence sexuelle, y compris au sein du système pénitentiaire, et d’enquêter sur ces plaintes, ainsi que de fournir aux victimes une protection et une aide psychologique et médicale. L’État partie devrait s’assurer que les femmes détenues sont gardées par des fonctionnaires pénitentiaires exclusivement féminins.

21)Le Comité prend note de la déclaration de l’État partie selon laquelle trois organisations non gouvernementales seraient autorisées à visiter des lieux de détention.Le Comité est néanmoins préoccupé par l’absence de surveillance systématique efficace de tous les lieux de détention, notamment de visites régulières inopinées de ces lieux par des inspecteurs nationaux(art. 11).

L’État partie devrait envisager d’instaurer un système national visant à surveiller tous les lieux de détention et à donner suite aux résultats de cette surveillance systématique. Par ailleurs, l’État partie devrait assurer la présence de médecins légistes formés à l’identification des séquelles de la torture au cours de ces visites. L’État partie devrait également renforcer le rôle des organisations non gouvernementales dans ce processus en facilitant leur accès aux lieux de détention.

22)Tout en prenant note du rapport de la Commission nationale spéciale d’enquête indépendante (CNSEI), le Comité est préoccupé par l’absence d’enquêtes impartiales visant à établir la responsabilité individuelle des auteurs d’actes de torture et de traitements cruels, inhumains ou dégradants, en particulier après les élections d’avril 2005, contribuant au climat d’impunité qui règne au Togo (art. 12).

L’État partie devrait faire savoir clairement et sans ambiguïté à toutes les personnes sous sa juridiction qu’il condamne la torture et les mauvais traitements. Il devrait prendre des mesures législatives, administratives et judiciaires efficaces pour veiller à ce que toutes les allégations de torture et de traitements cruels, inhumains ou dégradants donnent rapidement lieu à des enquêtes, des poursuites et des sanctions. En ce qui concerne les présomptions de cas de torture, les suspects devraient être suspendus de leurs fonctions lorsque cela est approprié.

23)Tout en saluant la création de la Commission nationale des droits de l’homme (CNDH), le Comité est préoccupé par son manque d’indépendance, qui pourrait constituer un obstacle à son efficacité, ainsi que par la portée limitée de ses recommandations (art. 13).

L’État partie devrait prendre les mesures adéquates pour garantir l’indépendance et l’impartialité de la Commission nationale des droits de l’homme, renforcer les ressources humaines et financières de la Commission, et garantir son habilité à recevoir des plaintes, à enquêter sur des violations de la Convention, ainsi qu’à transmettre des cas au pouvoir judiciaire.

24)Le Comité est préoccupé par l’absence dans le Code de procédure pénale de dispositions prescrivant la nullité des déclarations obtenues sous l’effet de la torture. Le Comité s’inquiète de la déclaration de l’État partie selon laquelle la nullité d’un aveu obtenu sous la torture ne sera effective que si le fait reproché au prévenu n’a pas été constitué, ce qui équivaut à admettre comme élément de preuve une déclaration obtenue sous l’effet de la torture (art. 15).

L’État partie devrait prendre les mesures nécessaires pour intégrer dans son Code de procédure pénale des dispositions prescrivant la nullité des déclarations obtenues sous l’effet de la torture, indépendamment de la constitution des faits reprochés au prévenu.

25)Le Comité a pris note avec préoccupation des représailles, des actesgraves d’intimidation et des menaces dont feraient l’objet les défenseurs des droits de l’homme, en particulier les personnes dénonçant des actes de torture et des mauvais traitements (art. 16).

L’État partie devrait prendre des mesures efficaces pour veiller à ce que toutes les personnes dénonçant des tortures ou des mauvais traitements soient protégées contre tout acte d’intimidation et toute conséquence dommageable que pourrait avoir pour elles cette dénonciation. Le Comité encourage l’État partie à renforcer sa coopération avec la société civile dans la lutte pour l’éradication et la prévention de la torture.

26)Tout en prenant note de la loi sur le trafic des enfants au Togo adoptée en 2005, le Comité est préoccupé par les informations reçues faisant état de la persistance de ce phénomène, en particulier dans le nord et le centre du pays, et qui touche également les femmes(art. 16).

L’État partie devrait prendre les mesures nécessaires pour lutter efficacement contre le trafic des enfants et des femmes, et sanctionner les auteurs de tels actes.

27)Tout en prenant note de la loi prohibant les mutilations génitales féminines, le Comité demeure préoccupé par la persistance de cette pratique dans certaines régions du Togo (art. 16).

L’État partie devrait prendre des mesures nécessaires pour éradiquer la pratique des mutilations génitales féminines, y compris par des campagnes de sensibilisation sur toute l’étendue du territoire, et sanctionner les auteurs de tels actes.

28)Le Comité encourage l’État partie à solliciter la coopération technique du Haut‑Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme.

29)Le Comité souhaiterait obtenir des informations sur les questions posées au cours du dialogue avec l’État partie auxquelles la délégation n’a pas pu répondre, y compris sur la situation actuelle d’une femme qui aurait été détenue depuis 1998 en attente de jugement et qui, selon la délégation, aurait été remise en liberté.

30)L’État partie devra fournir au Comité des renseignements sur le fonctionnement de sa justice militaire, la compétence de cette dernière et son éventuelle habilitation à juger des civils.

31)L’État partie devra faire figurer dans son prochain rapport périodique des données statistiques détaillées, ventilées par infraction, origine ethnique et sexe, sur les plaintes concernant des actes de torture et des mauvais traitements qui auraient été commis par des responsables de l’application des lois, ainsi que sur les enquêtes, poursuites et sanctions pénaleset disciplinaires correspondantes. Des renseignements sont également demandés sur les mesures d’indemnisation et les services de réadaptation offerts aux victimes.

32)Le Comité encourage l’État partie à envisager la ratification du Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

33)L’État partie est encouragé à diffuser largement les rapports présentés par le Togo au Comité, ainsi que les conclusions et recommandations de celui‑ci, dans les langues appropriées, par le moyen des sites Web officiels, des médias et des organisations non gouvernementales.

34)Le Comité demande à l’État partie de lui fournir, dans un délai d’un an, des renseignements sur les suites qu’il aura données aux recommandations du Comité, telles qu’exprimées dans les paragraphes 21, 25, 29 et 30 ci‑dessus.

35)L’État partie est invité à soumettre son deuxième rapport périodique au plus tard le 17 décembre 2008, date à laquelle aurait dû être soumis le sixième rapport périodique.

37. États-Unis d’Amérique

1)Le Comité contre la torture a examiné le deuxième rapport périodique des États‑Unis (CAT/C/48/Add.3/Rev.1) à ses 702e et 705e séances (CAT/C/SR.702 et 705), les 5 et 8 mai 2006, et a adopté, à ses 720e et 721e séances (CAT/C/SR.720 et 721), les 17 et 18 mai 2006, les conclusions et recommandations ci‑après.

A. Introduction

2)Le deuxième rapport périodique des États‑Unis qui devait être soumis le 19 novembre 2001, comme l’avait demandé le Comité à sa vingt‑quatrième session, en mai 2000 (voir document A/55/44, par. 180 f)) a été reçu le 6 mai 2005. Le Comité note que ce rapport contient une réponse point par point à ses précédentes recommandations.

3)Le Comité prend acte avec satisfaction des réponses écrites complètes fournies par l’État partie à sa liste de points à traiter ainsi que des réponses détaillées, tant écrites qu’orales, qu’il a faites aux questions posées par ses membres durant l’examen du rapport. Il se félicite de la participation d’une délégation nombreuse et de haut niveau composée de représentants des organismes compétents de l’État partie, ce qui a rendu possible un dialogue constructif.

4)Le Comité note que l’État partie possède une structure fédérale, mais rappelle que les États‑Unis d’Amérique constituent un seul État au regard du droit international et qu’ils ont l’obligation d’appliquer pleinement la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants («la Convention») au niveau national.

5)Rappelant la déclaration qu’il a adoptée le 22 novembre 2001, par laquelle il a condamné sans réserve les attentats terroristes du 11 septembre 2001, s’est inquiété de la terrible menace que ces actes de terrorisme international font peser sur la paix et la sécurité internationales et a relevé la nécessité de lutter par tous les moyens, conformément à la Charte des Nations Unies, contre les menaces que constituent les actes de terrorisme, le Comité reconnaît que ces événements ont occasionné de grandes souffrances à un grand nombre de résidents de l’État partie. Il reconnaît que ce dernier s’emploie à protéger sa propre sécurité ainsi que la sécurité et la liberté de ses citoyens dans un contexte juridique et politique complexe.

B. Aspects positifs

6)Le Comité se félicite de la déclaration de l’État partie selon laquelle il est interdit en tout lieu et en tout temps aux agents des États‑Unis, quels que soient les organismes publics dont ils relèvent, y compris aux contractuels, de se livrer à la torture et d’infliger à quiconque des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants conformément aux obligations découlant de la Convention.

7)Le Comité note avec satisfaction la déclaration de l’État partie selon laquelle les États‑Unis ne procèdent à aucun transfert de personnes vers des pays où ils pensent qu’il est «fort probable» qu’elles soient torturées, ce qui s’applique aussi, par principe, au transfert de tout individu détenu par l’État partie ou sous le contrôle de ce dernier, quel que soit le lieu où il est détenu.

8)Le Comité se félicite de la précision selon laquelle la déclaration faite par le Président des États‑Unis lors de la signature de la loi sur le traitement des détenus, le 30 décembre 2005, ne saurait être interprétée comme une dérogation de la part de ce dernier à l’interdiction absolue de la torture.

9)Le Comité note également avec satisfaction l’adoption de:

a)La loi de 2003 pour l’élimination du viol en prison, qui vise le problème des agressions sexuelles dont sont victimes les personnes en détention, l’objectif étant, entre autres, d’établir une norme de tolérance zéro pour les cas de viol dans les prisons de l’État partie; et

b)La loi de 2005 sur le traitement des détenus, qui interdit notamment de faire subir des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants à toute personne en détention ou physiquement sous le contrôle des États‑Unis, quels que soient sa nationalité ou le lieu où elle se trouve.

10)Le Comité se félicite de l’adoption, en 2000, des normes nationales de détention qui fixent des règles minimales applicables aux établissements de détention où sont placées les personnes détenues par le Département de la sécurité du territoire, y compris les demandeurs d’asile.

11)Le Comité note en outre avec satisfaction l’importante contribution versée régulièrement par l’État partie au Fonds de contributions volontaires des Nations Unies pour les victimes de la torture.

12)Le Comité prend note de l’intention de l’État partie d’adopter un nouveau manuel de l’armée de terre pour les interrogatoires en matière de sécurité, qui sera applicable à l’ensemble du personnel et qui, selon l’État partie, assurera la pleine conformité des techniques d’interrogatoire avec les exigences de la Convention.

C. Sujets de préoccupation et recommandations

13)Nonobstant l’affirmation de l’État partie selon laquelle «tout acte de torture au sens de la Convention est illégal en vertu de la législation fédérale et/ou la législation des États actuellement en vigueur», le Comité réaffirme la préoccupation qu’il a déjà exprimée dans ses précédentes conclusions et recommandations concernant l’absence dans la législation fédérale de l’État partie d’une disposition incriminant la torture conformément à l’article premier de la Convention, étant donné que les articles 2340 et 2340 A du Code des États‑Unis établissent uniquement une compétence pénale fédérale pour les actes de torture extraterritoriaux. Il déplore en outre que les cas de torture extraterritoriale de détenus n’aient pas donné lieu à des poursuites en vertu de la loi sur la compétence pénale extraterritoriale en matière de torture (art. 1er, 2, 4 et 5).

Le Comité réaffirme sa précédente recommandation à l’État partie tendant à ce qu’il érige, en des termes conformes à l’article premier de la Convention, la torture en infraction pénale fédérale, en prévoyant des sanctions appropriées, de façon à s’acquitter de l’obligation qui lui incombe en vertu de la Convention d’empêcher et d’éliminer tout acte de torture causant une douleur ou une souffrance aiguë, physique ou mentale, quelle que soit sa forme.

L’État partie devrait veiller à ce que les actes de torture psychologique interdits par la Convention ne se limitent pas à ceux qui causent «une atteinte durable à l’intégrité mentale» selon les termes utilisés par l’État partie dans la déclaration interprétative formulée lors de la ratification de la Convention, mais qu’ils incluent d’autres actes qui causent une souffrance mentale aiguë, indépendamment du fait que ces actes se prolongent ou non ou de leur durée.

L’État partie devrait enquêter sur les cas de torture et en poursuivre et punir les auteurs en vertu de la loi fédérale sur la compétence pénale extraterritoriale en matière de torture.

14)Le Comité regrette l’avis exprimé par l’État partie selon lequel la Convention n’est pas applicable en temps de guerre et dans le contexte des conflits armés, au motif que «le droit des conflits armés» est la lex specialis exclusivement applicable dans un tel contexte et que le fait d’appliquer la Convention dans ces circonstances «causerait un chevauchement entre différents instruments qui aurait pour effet de compromettre la réalisation de l’objectif qu’est l’élimination de la torture» (art. 1er et 16).

L’État partie devrait reconnaître et garantir que la Convention s’applique en tout temps, en temps de paix comme en temps de guerre ou de conflit armé, dans tout territoire relevant de sa juridiction et que ses dispositions sont, en vertu du paragraphe 2 de ses articles 1 er et 16, sans préjudice de celles de tout autre instrument international.

15)Le Comité note que plusieurs dispositions de la Convention s’étendent à «tout territoire sous la juridiction» de l’État partie (art. 2, 5, 13 et 16). Il rappelle que cette expression englobe toutes les zones se trouvant sous le contrôle de facto de l’État partie, que ce contrôle soit exercé par des autorités militaires ou civiles. Il estime regrettable que l’État partie considère que ces dispositions s’appliquent exclusivement à son territoire de jure.

L’État partie devrait reconnaître et garantir que les dispositions de la Convention qui visent expressément les «territoires sous la juridiction» de l’État partie s’appliquent et bénéficient pleinement à toutes les personnes placées sous le contrôle effectif de ses autorités, quelles qu’elles soient et où qu’elles se trouvent dans le monde.

16)Le Comité note avec préoccupation que l’État partie n’inscrit pas systématiquement sur un registre les personnes détenues dans des territoires sous sa juridiction hors des États‑Unis, les privant ainsi d’une garantie efficace contre des actes de torture (art. 2).

L’État partie devrait tenir un registre de toutes les personnes détenues dans tout territoire relevant de sa juridiction, en tant que mesure visant à prévenir des actes de torture. Il faudrait notamment y consigner l’identité du détenu, la date, l’heure et le lieu de l’arrestation, l’identité de l’autorité qui y a procédé, le motif de celle ‑ci, la date et l’heure d’admission au centre de détention et l’état de santé du détenu au moment de son admission ainsi que tout changement ultérieur, l’heure et le lieu des interrogatoires et le nom de toutes les personnes présentes, de même que la date et l’heure de la libération ou du transfert dans un autre lieu de détention.

17)Le Comité est préoccupé par les allégations selon lesquelles l’État partie aurait établi des centres de détention secrets, qui ne sont pas accessibles au Comité international de la Croix‑Rouge. Les détenus n’y disposeraient d’aucune garantie légale fondamentale, et il n’existerait notamment pas de dispositif de contrôle de la façon dont ils sont traités ni de procédure de réexamen de leur détention. Le Comité est aussi préoccupé par les allégations selon lesquelles les personnes détenues dans ces lieux pourraient y rester indéfiniment ou risqueraient d’être soumises à la torture ou à des traitements cruels, inhumains ou dégradants. Il considère que la politique de l’État partie consistant à ne faire aucun commentaire au sujet de l’existence de tels centres de détention secrets ainsi que des activités de ses services de renseignement est regrettable (art. 2 et 16).

L’État partie devrait faire en sorte qu’aucun individu ne soit placé dans des lieux de détention secrets sous son contrôle de fait. La détention de personnes dans de telles conditions constitue en soi une violation de la Convention. L’État partie devrait mener des investigations et divulguer le cas échéant l’existence de tels centres de détention et sous quelle autorité ils ont été mis en place, de même que les conditions dans lesquelles sont traités les détenus qui s’y trouvent. Il devrait condamner publiquement toute politique d’établissement de lieux de détention secrets.

Le Comité rappelle que les activités des services de renseignement, nonobstant leur auteur, leur nature ou l’endroit où elles se déroulent, sont des faits de l’État partie, qui engagent pleinement sa responsabilité internationale.

18)Le Comité est préoccupé par des informations relatives à l’implication de l’État partie dans des disparitions forcées. Il regrette que l’État partie ne considère pas que de tels faits constituent une forme de torture (art. 2 et 16).

L’État partie devrait adopter toutes les mesures nécessaires pour interdire et empêcher les disparitions forcées sur tout territoire relevant de sa juridiction, et poursuivre et punir les auteurs de tels faits, cette pratique constituant en soi une violation de la Convention.

19)Nonobstant l’affirmation de l’État partie selon laquelle «la législation des États‑Unis ne contient aucune disposition permettant de déroger à l’interdiction expresse de la torture» et «aucune circonstance quelle qu’elle soit (…) ne peut être invoquée pour justifier ou défendre l’usage de la torture», le Comité reste préoccupé par l’absence de disposition législative claire garantissant qu’il ne peut être dérogé en aucune circonstance à l’interdiction de la torture énoncée dans la Convention, en particulier depuis le 11 septembre 2001 (art. 2, 11 et 12).

L’État partie devrait adopter des dispositions législatives claires pour mettre en œuvre le principe de l’interdiction absolue de la torture dans son droit interne, sans la moindre possibilité de dérogation. Toute dérogation à ce principe est incompatible avec le paragraphe 2 de l’article 2 de la Convention et ne saurait restreindre la responsabilité pénale. L’État partie devrait aussi veiller à ce que les auteurs d’actes de torture soient dûment poursuivis et punis.

L’État partie devrait en outre veiller à ce que les règles, instructions ou méthodes d’interrogatoire ne dérogent pas au principe de l’interdiction absolue de la torture et qu’aucune règle de droit interne n’empêche de tenir pour pleinement responsables les auteurs d’actes de torture.

L’État partie devrait procéder sans délai à une enquête approfondie et impartiale concernant toute éventuelle responsabilité du commandement militaire et des autorités civiles pour avoir, d’une quelconque manière, donné leur autorisation, leur acquiescement ou leur accord à des actes de torture commis par leurs subordonnés.

20)Le Comité s’inquiète de ce que l’État partie considère l’obligation de non-refoulement, énoncée à l’article 3 de la Convention, comme ne pouvant s’appliquer à une personne détenue hors de son territoire. Il s’inquiète aussi du fait que, sans aucune procédure judiciaire, l’État partie remette des suspects à des États dans lesquels ils risquent effectivement d’être soumis à la torture (art. 3).

L’État partie devrait appliquer la garantie de non-refoulement à tous les détenus placés sous sa garde, et mettre fin à la remise de suspects, notamment par ses services de renseignement, à des États dans lesquels ils risquent effectivement d’être soumis à la torture, afin de s’acquitter des obligations qui lui incombent en vertu de l’article 3 de la Convention. L’État partie devrait toujours s’assurer que les suspects ont la possibilité de contester les décisions de refoulement.

21)Le Comité s’inquiète du recours par l’État partie aux «assurances diplomatiques» ou à d’autres formes de garanties qu’un individu ne sera pas soumis à la torture s’il est expulsé, refoulé, transféré ou extradé vers un autre État. Il est aussi préoccupé par le secret qui entoure ces procédures, notamment le fait qu’elles échappent à tout contrôle judiciaire, et par l’absence de dispositif de surveillance pour vérifier si les assurances ont été honorées (art. 3).

Pour déterminer l’applicabilité de son obligation de non-refoulement en vertu de l’article 3 de la Convention, l’État partie ne devrait s’en remettre aux «assurances diplomatiques» qu’à l’égard des États qui ne violent pas systématiquement les dispositions de la Convention et après examen attentif de chaque cas quant au fond. L’État partie devrait établir et mettre en œuvre des procédures bien définies pour obtenir ces assurances, ainsi que des mécanismes judiciaires appropriés de contrôle et des dispositifs efficaces de suivi en cas de refoulement. L’État partie devrait aussi communiquer des informations détaillées au Comité sur tous les cas dans lesquels des assurances ont été fournies depuis le 11 septembre 2001.

22)Le Comité, notant que la détention de personnes sans inculpation pour une durée indéfinie constitue en soi une violation de la Convention, s’inquiète de constater que des personnes sont détenues pendant des durées prolongées à Guantánamo, sans garanties judiciaires suffisantes et sans qu’un tribunal se soit prononcé sur les motifs de leur détention (art. 2, 3 et 16).

L’État partie devrait mettre un terme à la détention de personnes à Guantánamo et fermer ce centre de détention, autoriser l’accès des détenus à une procédure judiciaire ou les libérer le plus tôt possible, en veillant à ce qu’ils ne soient pas renvoyés dans un État où ils risqueraient d’être soumis à la torture, afin de s’acquitter des obligations qui lui incombent en vertu de la Convention.

23)Le Comité s’inquiète de ce que l’information, l’éducation et la formation des personnels de maintien de l’ordre ou de l’armée ne sont pas suffisantes et ne portent pas sur toutes les dispositions de la Convention, spécialement sur le caractère absolu de l’interdiction de la torture et sur la prévention des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (art. 10 et 11).

L’État partie devrait veiller à ce qu’un enseignement et une formation soient dispensés régulièrement à tous les personnels de maintien de l’ordre et de l’armée, en particulier à ceux qui participent aux interrogatoires de suspects. Il devrait s’agir notamment d’une formation sur les règles, instructions et méthodes d’interrogatoire ainsi que d’une formation consacrée spécifiquement aux moyens de détecter les marques de torture et de traitements cruels, inhumains ou dégradants. Tous ces personnels devraient en outre avoir pour instruction de signaler de tels incidents .

L’État partie devrait aussi procéder régulièrement à une évaluation de la formation et de l’éducation assurées à ses personnels de maintien de l’ordre ou de l’armée et à une surveillance régulière et indépendante de leur conduite.

24)Le Comité trouve préoccupant qu’en 2002 l’État partie ait autorisé l’emploi de certaines méthodes d’interrogatoire dont l’application a entraîné la mort de plusieurs détenus au cours d’interrogatoires. Il regrette aussi que des règles d’interrogatoire créant la confusion et des techniques définies en termes vagues et généraux, comme le maintien dans des «positions pénibles», aient abouti à de graves sévices sur la personne de détenus (art. 11, 1er, 2 et 16).

L’État partie devrait interdire toute méthode d’interrogatoire qui constitue une peine ou un traitement cruel, inhumain ou dégradant, comme l’humiliation sexuelle, le «sous ‑marin» ( water-boarding ), l’«entravement serré» ( short shackling ) ou l’utilisation de chiens pour terrifier le suspect, dans tous les lieux de détention placés de fait sous son contrôle effectif, afin de s’acquitter des obligations qui lui incombent en vertu de la Convention.

25)Le Comité est préoccupé par des allégations faisant état de l’impunité de certains personnels de maintien de l’ordre pour des actes de torture ou des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Il relève l’insuffisance des enquêtes ouvertes sur les plaintes dénonçant les tortures perpétrées dans les secteurs 2 et 3 du Département de police de Chicago et l’absence de poursuites (art. 12).

L’État partie devrait engager sans délai des enquêtes approfondies et impartiales sur toutes les allégations de torture ou de peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants imputés à des membres des forces de l’ordre et traduire les responsables en justice, afin de s’acquitter des obligations qui lui incombent en vertu de l’article 12 de la Convention. L’État partie devrait aussi donner au Comité des informations sur les enquêtes en cours et les poursuites qui peuvent avoir été engagées dans l’affaire susmentionnée.

26)Le Comité est préoccupé par des rapports dignes de foi faisant état d’actes de torture ou de peines ou traitements cruels, inhumains et dégradants commis par certains membres du personnel civil ou militaire de l’État partie en Afghanistan et en Iraq. Il est également préoccupé par l’issue des enquêtes et des poursuites engagées dans nombre de ces cas, y compris en cas de mort de détenus, qui ont abouti à des peines clémentes, notamment à des sanctions de nature administrative ou à des peines d’emprisonnement de moins d’un an (art. 12).

L’État partie devrait prendre des mesures immédiates pour éliminer toutes les formes de torture et de mauvais traitements de détenus par ses personnels civils ou militaires, dans tout territoire relevant de sa juridiction, et il devrait enquêter sans délai et de façon approfondie sur ces actes, en poursuivre tous les responsables et veiller à ce que les peines prononcées soient en rapport avec la gravité du crime commis.

27)Le Comité est préoccupé par la loi de 2005 sur le traitement des détenus, qui vise à retirer aux tribunaux fédéraux de l’État partie la compétence qu’ils avaient pour examiner les requêtes en habeas corpus ou d’autres plaintes déposées par les détenus de Guantánamo ou en leur nom, sauf dans certaines circonstances limitées. Il est également préoccupé par le fait que le statut des détenus d’Afghanistan et d’Iraq, sous le contrôle du Département de la défense, est déterminé et réexaminé selon une procédure administrative de ce département (art. 13).

L’État partie devrait veiller à ce que des procédures indépendantes, rapides et approfondies soient offertes à tous les détenus pour faire réexaminer les circonstances de leur détention et leur statut de détenus, en application de l’article 13 de la Convention.

28)Le Comité est préoccupé par les difficultés que certaines victimes de sévices rencontrent pour obtenir une réparation et une indemnisation appropriées, et par le fait que très peu de détenus seulement ont déposé une demande d’indemnisation pour voies de fait et mauvais traitements, en particulier en vertu de la loi sur les demandes d’indemnisation étrangères (art. 14).

L’État partie devrait veiller, conformément à la Convention, à ce que des mécanismes permettant d’obtenir pleines réparation et indemnisation et de bénéficier de moyens de réadaptation complète soient accessibles à toutes les victimes d’actes de torture ou de voies de fait, y compris de violences sexuelles, perpétrés par ses agents.

29)Le Comité est préoccupé par l’article 1997 e e) de la loi de 1995 portant réforme du droit de recours des prisonniers, qui dispose qu’aucune action civile fédérale ne peut être engagée par un détenu en raison d’un préjudice moral ou affectif subi en détention sauf s’il a démontré l’existence d’un préjudice physique (art. 14).

L’État partie ne devrait pas limiter le droit des victimes d’engager une action civile et devrait modifier en conséquence la loi portant réforme du droit de recours des prisonniers.

30)Le Comité prend note de l’instruction no 10 de l’État partie, datée du 24 mars 2006, qui dispose que les commissions militaires n’admettent pas comme moyen de preuve une déclaration dont il est établi qu’elle a été obtenue par la torture, mais il s’inquiète de l’application de cette instruction dans le contexte de ces commissions et des restrictions du droit des détenus de porter plainte. Il éprouve également des inquiétudes à propos des tribunaux d’examen du statut de combattant et des conseils de révision administrative (art. 13 et 15).

L’État partie devrait veiller à ce que ses obligations en vertu des articles 13 et 15 soient respectées en toutes circonstances, y compris dans le contexte des commissions militaires, et devrait envisager de créer à cette fin un mécanisme indépendant en vue de garantir les droits de tous les détenus placés sous sa garde.

31)Le Comité est préoccupé par le fait que, selon des informations dignes de foi, les exécutions pratiquées dans l’État partie peuvent s’accompagner de douleurs et de souffrances aiguës (art. 16, 1er et 2).

L’État partie devrait reconsidérer soigneusement les méthodes employées pour les exécutions, en particulier par injection d’un produit mortel, afin d’empêcher des douleurs ou souffrances aiguës.

32)Le Comité est préoccupé par des informations dignes de foi faisant état d’agressions sexuelles commises dans des lieux de détention dans l’État partie à l’égard de détenus condamnés ainsi que de personnes en détention avant jugement ou d’immigrants en rétention administrative. Il est préoccupé par l’abondance des rapports faisant état de violences sexuelles entre détenus et par la vulnérabilité particulière de certaines personnes en raison de leur orientation sexuelle. Il déplore en outre que de tels actes ne fassent pas l’objet d’enquêtes rapides et indépendantes et que des mesures appropriées pour lutter contre ces abus n’aient pas été mises en œuvre par l’État partie (art. 16, 12, 13 et 14).

L’État partie devrait élaborer et mettre en œuvre des mesures appropriées pour empêcher toute violence sexuelle dans tous ses centres de détention. Il devrait veiller à ce que toutes les allégations de violence dans des centres de détention fassent l’objet d’une enquête rapide et indépendante, que leurs auteurs soient poursuivis et dûment condamnés et que les victimes aient la possibilité de demander réparation et d’être dûment indemnisées.

33)Le Comité est préoccupé par le traitement des femmes détenues dans l’État partie, notamment par les humiliations à connotation sexiste dont elles font l’objet et par la pratique consistant à entraver les détenues pendant l’accouchement (art. 16).

L’État partie devrait prendre toutes les mesures appropriées pour garantir que les femmes en détention soient traitées conformément aux normes internationales.

34)Le Comité réitère les inquiétudes exprimées dans ses précédentes recommandations quant aux conditions de détention des enfants, en particulier le fait qu’ils puissent ne pas être complètement séparés des adultes en cas de détention avant jugement et pour l’exécution de leur peine. Il est également préoccupé par le grand nombre d’enfants condamnés à la réclusion à perpétuité dans l’État partie (art. 16).

L’État partie devrait veiller à ce que les enfants détenus soient placés dans des établissements distincts de ceux des adultes conformément aux normes internationales. Il devrait en outre prêter attention au problème des peines de réclusion à perpétuité prononcées contre des enfants dans la mesure où elles pourraient être constitutives de peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

35)Le Comité demeure préoccupé par l’utilisation généralisée d’engins produisant des décharges électriques par les membres des forces de l’ordre de l’État partie, à l’origine de plusieurs décès. Il craint que cette pratique ne soulève des questions graves de compatibilité avec l’article 16 de la Convention.

L’État partie devrait reconsidérer sérieusement la question de l’utilisation d’engins produisant des décharges électriques, réglementer strictement leur usage en le limitant aux seuls cas où ils servent à remplacer des armes meurtrières et mettre fin à leur utilisation pour maîtriser des personnes en état d’arrestation car cette pratique est en infraction avec l’article 16 de la Convention.

36)Le Comité demeure préoccupé par le régime extrêmement dur imposé aux détenus des «prisons de sécurité maximale». Il s’inquiète de la mise à l’isolement prolongée de détenus et de ses incidences sur leur santé mentale, et craint qu’un tel régime puisse avoir un objectif punitif, auquel cas il serait constitutif d’une peine ou d’un traitement cruel, inhumain ou dégradant (art. 16).

L’État partie devrait reconsidérer le régime imposé aux détenus dans les «prisons de sécurité maximale» en particulier en ce qui concerne la pratique de la mise à l’isolement prolongée.

37)Le Comité est préoccupé par les informations faisant état de brutalités et d’usage excessif de la force par les personnels de maintien de l’ordre de l’État partie, ainsi que par les nombreuses allégations de mauvais traitements infligés aux membres de groupes vulnérables, notamment les minorités raciales, les migrants et d’autres personnes en raison de leur orientation sexuelle, qui n’ont pas fait l’objet d’enquêtes suffisantes (art. 16 et 12).

L’État partie devrait faire en sorte que les rapports faisant état de brutalités et de mauvais traitements infligés à des personnes appartenant à des groupes vulnérables par les personnels de maintien de l’ordre fassent rapidement l’objet d’enquêtes indépendantes et approfondies et que les responsables soient poursuivis et dûment punis.

38)Le Comité encourage vivement l’État partie à inviter le Rapporteur spécial sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants à se rendre à Guantánamo ainsi que dans tout autre centre de détention sous son contrôle de facto, conformément aux modalités applicables aux missions d’établissement des faits au titre des procédures spéciales des Nations Unies.

39)Le Comité invite l’État partie à reconsidérer son intention expresse de ne pas devenir partie au Statut de Rome de la Cour pénale internationale.

40)Le Comité recommande de nouveau à l’État partie d’envisager de retirer les réserves, déclarations et interprétations qu’il a formulées lors de la ratification de la Convention.

41)Le Comité encourage l’État partie à envisager de faire la déclaration prévue à l’article 22 par laquelle il reconnaîtrait la compétence du Comité pour recevoir et examiner des communications émanant de particuliers, et de ratifier le Protocole facultatif à la Convention.

42)Le Comité demande à l’État partie de lui communiquer des données statistiques détaillées, ventilées par sexe, origine ethnique et comportement, sur les plaintes pour actes de torture et mauvais traitements imputées aux agents des forces de l’ordre, ainsi que sur les enquêtes, les poursuites, les sanctions pénales et les actions disciplinaires auxquelles elles ont donné lieu. Il lui demande également de fournir des données statistiques et des renseignements analogues sur l’application de la loi sur les droits civils des personnes placées en institution par le Département de la justice, notamment en ce qui concerne la prévention, l’ouverture d’enquêtes et l’engagement d’actions se rapportant à des actes de torture ou d’autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants commis dans des centres de détention, et sur les mesures qu’il a adoptées pour mettre en œuvre la loi sur l’élimination du viol en prison et leur impact. Il demande à l’État partie de fournir des renseignements sur toute indemnisation et tous moyens de réadaptation accordés aux victimes. Il l’encourage à créer une base de données fédérale pour faciliter la collecte de ces statistiques et renseignements qui sont utiles pour évaluer la mise en œuvre des dispositions de la Convention et l’exercice effectif des droits qui y sont consacrés. Le Comité prie en outre l’État partie de fournir des informations sur les enquêtes ouvertes au sujet des allégations de mauvais traitements qui auraient été commis par des agents des forces de l’ordre au lendemain du cyclone Katrina.

43)Le Comité demande à l’État partie de lui faire parvenir, dans le délai d’un an, des renseignements sur la suite qu’il aura donnée aux recommandations formulées aux paragraphes 16, 20, 21, 22, 24, 33, 34 et 42 ci-dessus.

44)Le Comité demande à l’État partie de diffuser largement son rapport ainsi que ses additifs et les réponses écrites à la liste des points à traiter du Comité et aux questions qui lui ont été posées oralement par certains de ses membres, de même que les conclusions et recommandations du Comité, dans toutes les langues voulues, par le biais des sites Web officiels, des médias et des organisations non gouvernementales.

45)L’État partie est invité à faire parvenir son prochain rapport périodique, qui sera considéré comme son cinquième rapport, avant le 19 novembre 2011, date à laquelle son cinquième rapport périodique doit être présenté.

IV. SUIVI DES CONCLUSIONS ET RECOMMANDATIONS SUR LES RAPPORTS DES ÉTATS PARTIES

38.Dans son rapport annuel pour 2004‑2005 (A/60/44) au chapitre IV, le Comité a exposé le cadre qu’il avait mis en place pour assurer le suivi après l’adoption des conclusions et recommandations relatives aux rapports soumis par les États parties en application de l’article 19 de la Convention. Il présentait également des renseignements sur les réponses qu’il avait reçues des États parties depuis le lancement de la procédure, en mai 2003, jusqu’en mai 2005. On trouvera dans le présent chapitre une mise à jour des réponses reçues par le Comité au 19 mai 2006, date de la clôture de la trente‑sixième session.

39.Conformément au paragraphe 2 de l’article 68 de son règlement intérieur, le Comité a créé la charge de rapporteur pour le suivi des observations finales au titre de l’article 19 de la Convention et a confié cette fonction à Mme Felice Gaer. Comme lors des autres sessions, Mme Gaer a présenté en mai 2006 un rapport intérimaire sur les résultats de la procédure.

40.La Rapporteuse a souligné que la procédure visait à «accroître l’efficacité de la lutte contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants» comme il est énoncé dans le préambule de la Convention. À l’issue de l’examen de chaque rapport des États parties, le Comité définit des sujets de préoccupation et recommande des mesures spécifiques visant à renforcer la capacité de chaque État partie de mettre en œuvre les mesures nécessaires et appropriées pour prévenir les actes de torture et les traitements cruels et à aider ainsi les États parties à mettre leur législation et leur pratique en parfaite conformité avec les obligations énoncées dans la Convention.

41.À partir de sa trentième session, en mai 2003, le Comité a commencé à identifier un nombre limité de recommandations pour lesquelles il demande des renseignements supplémentaires après l’examen et le débat avec l’État partie au sujet de son rapport périodique. Ces recommandations qui appellent une action sont déterminées parce qu’elles sont sérieuses, qu’elles visent à protéger et qu’elles sont considérées comme pouvant être mises en œuvre dans un délai d’un an. Les États parties sont priés de donner dans un délai d’un an des renseignements sur les mesures prises pour donner effet à ces recommandations, qui sont expressément mentionnées dans un paragraphe à la fin des conclusions et recommandations portant sur l’examen du rapport soumis par les États parties en application de l’article 19.

42.Depuis la mise en place de la procédure, à la trentième session en mai 2003, jusqu’à la fin de la trente‑sixième session en mai 2006, le Comité avait demandé à 39 États de lui donner des renseignements au sujet de certaines recommandations. Sur les 19 États parties qui devaient envoyer des renseignements avant le 1er mai 2006, 12 l’avaient fait (Allemagne, Argentine, Azerbaïdjan, Colombie, Grèce, Lettonie, Lituanie, Maroc, Nouvelle‑Zélande, République tchèque, Royaume‑Uni et Yémen.). En mai, 7 États n’avaient envoyé aucune réponse alors que le délai était échu (Bulgarie, Cambodge, Cameroun, Chili, Croatie, Monaco, République de Moldova); un rappel a été envoyé à chacun pour les prier d’envoyer au Comité les renseignements sur les points identifiés.

43.Avec cette procédure, le Comité cherche à obtenir un plus grand respect de l’obligation faite à chaque État partie à la Convention de prendre «des mesures législatives, administratives, judiciaires et autres mesures efficaces pour empêcher que des actes de torture soient commis…» (art. 2, par. 1) et l’obligation d’«interdire … d’autres actes constitutifs de peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants…» (art. 16).

44.La Rapporteuse a exprimé sa satisfaction pour les renseignements envoyés par les États parties au sujet des mesures prises pour s’acquitter de leurs obligations en vertu de la Convention. Elle a également procédé à une évaluation des réponses reçues, selon qu’elle considérait que toutes les questions mentionnées par le Comité (généralement entre trois et six recommandations) avaient été suivies d’effet, si les renseignements pouvaient être qualifiés de satisfaisants et si de plus amples renseignements étaient nécessaires. Dans ce dernier cas, la Rapporteuse écrit à l’État partie pour lui demander des précisions sur des points spécifiques. Aux États qui n’ont pas donné du tout les renseignements demandés, elle écrit pour qu’ils les lui communiquent.

45.Chaque lettre répond spécifiquement et en détail aux renseignements envoyés par l’État partie, qui sont considérés comme un document officiel de l’ONU portant une cote.

46.Étant donné que les recommandations adressées à chaque État partie sont conçues de façon à refléter la situation spécifique du pays, les réponses reçues des États parties et les lettres de la Rapporteuse demandant de plus amples précisions portent sur une grande diversité de sujets. Dans les lettres adressées aux États parties pour leur demander de plus amples renseignements, des questions précises, considérées comme essentielles pour que la recommandation en question puisse être suivie, sont évoquées. Un certain nombre de questions ont été mises en lumière pour rendre compte non seulement des renseignements donnés mais également des questions non traitées alors qu’elles sont réputées essentielles pour le travail du Comité, afin d’aider efficacement à prendre des mesures de prévention et de protection en vue d’éliminer la torture et les mauvais traitements.

47.Dans sa correspondance avec les États parties, la Rapporteuse a relevé un certain nombre de sujets de préoccupation récurrents, qui ne sont pas entièrement traités dans les réponses. La liste ci‑après est donnée à titre d’exemple et n’est pas exhaustive:

a)La nécessité d’être plus précis sur les moyens par lesquels la police et les autres personnels donnent aux détenus des informations sur leur droit de communiquer sans délai avec un médecin indépendant, un avocat et leur famille, et les moyens par lesquels ce droit est garanti;

b)L’importance de donner des exemples spécifiques pour illustrer l’exercice de ce droit et pour illustrer la suite qui est donnée à d’autres recommandations;

c)La nécessité de disposer d’organes distincts, indépendants et impartiaux pour examiner les plaintes faisant état de violations de la Convention, parce que le Comité a relevé maintes fois que les victimes de tortures et de mauvais traitements n’allaient pas se tourner vers les autorités du système qu’elles tiennent précisément pour responsable des actes incriminés;

d)L’utilité de donner des informations concrètes comme les listes de prisonniers, qui sont de bons exemples de transparence, mais qui révèlent souvent la nécessité de mettre en place des modalités plus rigoureuses d’établissement des faits et de surveillance du traitement des personnes qui risquent d’être exposées à d’éventuelles violations de la Convention;

e)Les nombreuses difficultés qui se posent pour recueillir, agréger et analyser les statistiques relatives à la police et à l’administration de la justice d’une façon qui garantisse une information suffisante concernant les personnels, les organes ou les établissements précis responsables de violations alléguées;

f)La nécessité, à des fins de protection, d’ouvrir immédiatement des enquêtes impartiales sur les allégations de violations; en particulier l’utilité de donner des renseignements sur les institutions comme des commissions parlementaires, des commissions nationales des droits de l’homme ou des médiateurs, qui peuvent être en place pour mener des enquêtes, en particulier faire des inspections inopinées, ainsi que l’utilité de permettre à des organisations non gouvernementales de se rendre dans les prisons;

g)La nécessité de donner des renseignements sur les programmes de formation spécifiquement destinés à la police, prévoyant des instructions très claires sur l’interdiction de la torture, et d’exposer la pratique en ce qui concerne la détection des séquelles de torture;

h)Les lacunes dans les statistiques et l’absence de détails relatifs aux infractions, inculpations et condamnations, notamment en ce qui concerne les mesures disciplinaires spécifiques visant des agents des forces de l’ordre et d’autres personnels, en particulier dans le contexte des questions nouvellement examinées dans le cadre de la Convention, comme la relation entre la race ou l’origine ethnique et les mauvais traitements et les tortures, le recours aux «assurances diplomatiques» dans le cas de personnes renvoyées dans un pays pour y être jugées, les cas de violences sexuelles, les plaintes dénonçant des exactions dans l’armée, etc.

48.Le tableau ci‑après récapitule la situation en ce qui concerne les réponses reçues dans le cadre de la procédure de suivi au 19 mai 2006, date de la clôture de la trente‑sixième session du Comité.

A. Réponses qui devaient parvenir avant le 1 er mai 2006

État partie

Date pour laquelle les renseignements étaient demandés

Date à laquelle les renseignements ont été reçus

Cote du document

Autres mesures prises/nécessaires

Allemagne

Mai 2005

4 août 2005

CAT/C/CR/32/7/RESP/1

Argentine

Novembre 2005

2 février 2006

CAT/C/ARG/CO/4/Add.1

Azerbaïdjan

Mai 2004

7 juillet 2004

CAT/C/CR/30/RESP/1

Demande de clarification

Bulgarie

Mai 2005

Rappel adressé à l’État partie

Cambodge

Août 2003

Rappel adressé à l’État partie

Cameroun

Novembre 2004

Rappel adressé à l’État partie

Chili

Mai 2005

Rappel adressé à l’État partie

Colombie

Novembre 2004

24 mars 2006

CAT/C/COL/CO/3/Add.1

Croatie

Mai 2005

Rappel adressé à l’État partie

Grèce

Novembre 2005

14 mars 2006

CAT/C/GRC/CO/4/Add.1

Lettonie

Novembre 2004

3 novembre 2004

CAT/C/CR/31/RESP/1

Demande de clarification

Lituanie

Novembre 2004

7 décembre 2004

CAT/C/CR/31/5/RESP/1

Demande de clarification

Maroc

Novembre 2004

22 novembre 2004

CAT/C/CR/31/2/Add.1

Demande de clarification

Moldova

Août 2003

Rappel adressé à l’État partie

Monaco

Mai 2005

Rappel adressé à l’État partie

Nouvelle-Zélande

Mai 2005

9 juin 2005

CAT/C/CR/32/4/RESP/1

République tchèque

Mai 2005

25 avril 2005

CAT/C/CR/32/2/RESP/1

Demande de clarification

Royaume-Uni

Novembre 2005

20 avril 2006

CAT/C/GBR/CO/4/Add.1

Yémen

Novembre 2004

22 octobre 2004

CAT/C/CR/31/4/Add.1

Demande de clarification

B. Réponses attendues pour mai 2006 et novembre 2006

État partie

Date pour laquelle les renseignements étaient demandés

Date à laquelle les renseignements ont été reçus

Autres mesures prises/ nécessaires

Albanie

Mai 2006

Autriche

Novembre 2006

Bahreïn

Mai 2006

Bosnie-Herzégovine

Novembre 2006

Canada

Mai 2006

Équateur

Novembre 2006

Finlande

Mai 2006

France

Novembre 2006

Népal

Novembre 2006

Ouganda

Mai 2006

République démocratique du Congo

Novembre 2006

Sri Lanka

Novembre 2006

Suisse

Mai 2006

C. Réponses attendues pour mai 2007

État partie

Date pour laquelle les renseignements étaient demandés

Date à laquelle les renseignements ont été reçus

Autres mesures prises/ nécessaires

États-Unis d’Amérique

Mai 2007

Géorgie

Mai 2007

Guatemala

Mai 2007

Pérou

Mai 2007

Qatar

Mai 2007

République de Corée

Mai 2007

Togo

Mai 2007

V. ACTIVITÉS MENÉES PAR LE COMITÉ EN APPLICATION DE L’ARTICLE 20 DE LA CONVENTION

49.En vertu du paragraphe 1 de l’article 20 de la Convention, s’il reçoit des renseignements crédibles qui lui semblent contenir des indications fondées attestant que la torture est pratiquée systématiquement sur le territoire d’un État partie, le Comité invite ledit État à coopérer à l’examen des renseignements et, à cette fin, à lui faire part de ses observations à ce sujet.

50.Conformément à l’article 69 du Règlement intérieur du Comité, le Secrétaire général porte à l’attention du Comité les renseignements qui sont ou semblent être présentés pour examen par le Comité au titre du paragraphe 1 de l’article 20 de la Convention.

51.Le Comité ne reçoit aucun renseignement concernant un État partie qui, conformément au paragraphe 1 de l’article 28 de la Convention, a déclaré, au moment où il a ratifié la Convention ou y a adhéré, qu’il ne reconnaissait pas la compétence accordée au Comité aux termes de l’article 20, à moins que cet État n’ait ultérieurement levé sa réserve conformément au paragraphe 2 de l’article 28 de la Convention.

52.Le Comité a poursuivi ses travaux en application de l’article 20 de la Convention pendant la période couverte par le présent rapport. Conformément aux dispositions de l’article 20 de la Convention et des articles 72 et 73 du Règlement intérieur, tous les documents et tous les travaux du Comité afférents aux fonctions qui lui sont confiées en vertu de l’article 20 de la Convention sont confidentiels et toutes les séances concernant ses travaux au titre de l’article 20 sont privées. Toutefois, conformément au paragraphe 5 de l’article 20 de la Convention, le Comité peut, après consultations avec l’État partie intéressé, décider de faire figurer dans son rapport annuel aux États parties et à l’Assemblée générale un compte rendu succinct des résultats desdits travaux.

53.Dans le cadre de ses activités de suivi, le rapporteur pour l’article 20 a continué à encourager les États parties au sujet desquels ont été menées des enquêtes, dont les résultats ont été publiés, à prendre des mesures pour donner suite aux recommandations du Comité.

54.À sa trente-sixième session, le Comité était saisi du quatrième rapport périodique soumis par le Pérou conformément à l’article 19 de la Convention. Il a examiné la question de la suite donnée aux recommandations qu’il avait formulées au titre de l’article 20 (A/56/44, par. 144 à 193).

VI. EXAMEN DE REQUÊTES REÇUES EN APPLICATION DE L’ARTICLE 22 DE LA CONVENTION

A. Introduction

55.Conformément à l’article 22 de la Convention, les particuliers qui se disent victimes d’une violation par un État partie de l’un quelconque des droits énoncés dans la Convention ont le droit d’adresser une requête au Comité contre la torture pour examen, sous réserve des conditions énoncées dans cet article. Cinquante-huit des 141 États qui ont adhéré à la Convention ou l’ont ratifiée ont déclaré qu’ils reconnaissaient la compétence du Comité pour recevoir et examiner des requêtes en vertu de l’article 22 de la Convention. La liste de ces États figure à l’annexe III. Le Comité ne peut pas recevoir de requête concernant un État partie à la Convention qui n’a pas reconnu sa compétence en vertu de l’article 22.

56.Les requêtes soumises en vertu de l’article 22 de la Convention sont examinées en séance privée (art. 22, par. 6). Tous les documents relatifs aux travaux du Comité dans le cadre de l’article 22 (observations des parties et autres documents de travail) sont confidentiels. La procédure d’examen des requêtes est définie en détail aux articles 107 et 109 du Règlement intérieur du Comité.

57.Le Comité formule une décision à la lumière de tous les renseignements qui lui ont été apportés par le requérant et par l’État partie. Ses constatations sont communiquées aux parties (art. 22, par. 7, de la Convention, et art. 112 du Règlement intérieur) et sont ensuite rendues publiques. Le texte des décisions du Comité déclarant des requêtes irrecevables en vertu de l’article 22 de la Convention est également rendu public; si l’État partie est identifié, l’identité du requérant en revanche n’est pas révélée.

58.Conformément au paragraphe 1 de l’article 115 de son règlement intérieur, le Comité peut décider d’inclure dans son rapport annuel un résumé des requêtes examinées. Il inclut aussi dans son rapport annuel le texte de ses décisions en vertu du paragraphe 7 de l’article 22 de la Convention.

B. Mesures provisoires de protection

59.Il est fréquent que les requérants demandent une protection à titre préventif, en particulier quand ils sont sous le coup d’une mesure d’expulsion ou d’extradition imminente et qu’ils invoquent une violation de l’article 3 de la Convention. En vertu du paragraphe 1 de l’article 108 du Règlement intérieur, le Comité, son groupe de travail ou le Rapporteur chargé des nouvelles requêtes et des mesures provisoires peut, à tout moment après avoir reçu une requête, adresser à l’État partie une demande tendant à ce qu’il prenne les mesures provisoires que le Comité juge nécessaires pour éviter qu’un préjudice irréparable ne soit causé à la victime ou aux victimes de la violation alléguée. L’État partie est informé que la demande de mesures provisoires ne préjuge pas la décision qui sera prise en définitive sur la recevabilité ou sur le fond de la requête. Le Rapporteur chargé des nouvelles requêtes et des mesures provisoires vérifie régulièrement que les demandes de mesures provisoires adressées par le Comité sont respectées.

60.Le Rapporteur chargé des nouvelles requêtes et des mesures provisoires a élaboré les méthodes de travail concernant le retrait des demandes de mesures provisoires. Lorsque les circonstances donnent à penser qu’une demande de mesures provisoires peut être reconsidérée avant l’examen de la requête quant au fond, il convient d’ajouter à la demande une phrase type indiquant que la demande est adressée à l’État partie compte tenu d’éléments d’information communiqués par le requérant dans sa requête mais qu’elle peut être reconsidérée, à l’initiative de l’État partie, à la lumière des renseignements ou observations reçus de sa part ou, le cas échéant, d’observations complémentaires apportées par le requérant. Certains États parties ont adopté la pratique de demander systématiquement le retrait de la demande de mesures provisoires dans leurs observations concernant la recevabilité et le fond de la requête. La position du Rapporteur est que pareille demande n’appelle une réponse que si des éléments nouveaux, dont le Rapporteur n’avait pas connaissance quand il a pris la décision de demander l’application de mesures provisoires, sont avancés.

61.Au cours de la période visée par le présent rapport également, le Comité a arrêté les critères de fond et de forme devant être appliqués par le Rapporteur chargé des nouvelles requêtes et des mesures provisoires pour accepter ou ne pas accepter une demande de mesures provisoires de protection. Outre la présentation en temps voulu de la demande de mesures provisoires par le requérant, en application du paragraphe 1 de l’article 108, les critères de recevabilité principaux énoncés aux paragraphes 1er à 5 de l’article 22 de la Convention doivent être remplis pour que le Rapporteur donne suite à la demande. L’épuisement des recours internes n’est pas nécessaire si les seuls recours ouverts au requérant n’ont pas d’effet suspensif − c’est‑à‑dire dans le cas de recours dont le dépôt n’entraîne pas automatiquement le sursis à exécution d’un arrêté d’expulsion − ou si le requérant risque l’expulsion immédiate après le rejet définitif de sa demande d’asile. En pareil cas, le Rapporteur peut demander à l’État partie de ne pas expulser le requérant tant que le Comité est saisi de sa plainte, même avant que les recours internes ne soient épuisés. Pour ce qui est des critères portant sur le fond, la plainte doit avoir de fortes chances d’être accueillie sur le fond pour que le Rapporteur conclue qu’un préjudice irréparable risque d’être causé à la victime alléguée si elle est expulsée.

62.Le Comité n’ignore pas qu’un certain nombre d’États parties s’inquiètent de ce que des mesures provisoires de protection sont demandées trop souvent en particulier quand l’expulsion du requérant est dite imminente, et de ce qu’il n’y a pas suffisamment d’éléments factuels pour justifier une demande de mesures provisoires. Le Comité prend ces préoccupations au sérieux et est disposé à en discuter avec les États parties. Il souhaite souligner à ce sujet que, dans bien des cas, les demandes de mesures provisoires sont levées par le Rapporteur, sur la base des renseignements donnés par l’État partie concerné.

C. Travaux accomplis

63.Au moment de l’adoption du présent rapport, le Comité avait enregistré depuis 1989 292 requêtes concernant 24 pays. Sur ce nombre, 80 avaient été classées et 52 déclarées irrecevables. Le Comité avait adopté des constatations sur le fond dans le cas de 123 requêtes et avait établi que 36 d’entre elles faisaient apparaître des violations de la Convention. Il lui restait à examiner 34 plaintes au total et l’examen de 3 avait été suspendu.

64.À sa trente‑cinquième session, le Comité a déclaré irrecevables les requêtes nos 242/2003 (R. T. c. Suisse), 247/2004 (A. H. c. Azerbaïdjan) et 250/2004 (A. H. c. Suède). Les requêtes nos 242/2003 et 250/2004 portaient sur des griefs de violation de l’article 3 de la Convention. Le Comité a décidé de les déclarer irrecevables, parce que les griefs n’étaient pas étayés pour la première et parce que les recours internes n’étaient pas épuisés pour la seconde.

65.La requête no 247/2004 portait sur des griefs de violation de l’article premier de la Convention ainsi que des articles 2, 12 et 13. Le Comité a noté que le requérant avait adressé une requête à la Cour européenne des droits de l’homme qui l’avait déclarée irrecevable le 29 avril 2005. Il a rappelé que, en vertu du paragraphe 5 a) de l’article 22 de la Convention, il n’examinerait aucune communication reçue d’un particulier sans s’être assuré que la même question n’avait pas été examinée ou n’était pas en cours d’examen devant une autre instance internationale d’enquête ou de règlement. Le Comité a considéré qu’une communication avait été examinée ou était en cours d’examen par une autre instance internationale d’enquête ou de règlement si l’examen par cette instance portait sur la «même question», ce qui devait être compris comme une identité de parties, de faits et de contenu des droits. En l’espèce, la requête adressée à la Cour européenne avait été soumise par la même personne, portait sur les mêmes faits et concernait, du moins en partie, les mêmes droits que ceux qui étaient invoqués dans la requête adressée au Comité. Celui‑ci a donc conclu que la communication était irrecevable.

66.À sa trente‑cinquième session également, le Comité a adopté des décisions quant au fond au sujet des requêtes nos 172/2000 (Dimitrijevic c. Serbie ‑et ‑Monténégro), 174/2000 (Nikolic c. Serbie ‑et ‑Monténégro), 231/2003 (S. N. A. W. c. Suisse), 235/2003 (M. S. H. c. Suède), 237/2003 (M. C. M. V. F. c. Suède), 238/2003 (Z. T. c. Norvège), 245/2004 (S. S. c. Canada), 254/2004 (S. S. H. c. Suisse) et 258/2004 (Mostafa Dadar c. Canada). Le texte des décisions figure à l’annexe VIII, section A, du présent rapport.

67.La requête no 172/2000 (Dimitrijevic c. Serbie ‑et ‑Monténégro) concernait un Serbe d’origine rom qui se déclarait victime de violations de plusieurs articles de la Convention en raison du traitement auquel il avait été soumis en garde à vue. Le Comité a pris note de la déclaration du requérant décrivant les traitements subis en détention, qui pouvaient être qualifiés de douleurs et souffrances aiguës infligées intentionnellement par des fonctionnaires dans le cadre d’une enquête pénale afin d’obtenir des informations ou des aveux, de le punir pour un acte qu’il a commis, de l’intimider ou de le contraindre ou pour toute autre raison fondée sur toute forme de discrimination. Il a également pris note de la constatation par le juge d’instruction de ses lésions et des photographies que le requérant en avait fournies. Il a observé que l’État partie n’avait contesté les faits tels qu’ils avaient été présentés par le requérant et a relevé que le rapport du médecin légiste qui avait été établi après l’examen ordonné par le juge du tribunal n’avait pas été versé au dossier et n’avait pas pu être consulté par le requérant ou son conseil. Dans ces circonstances, le Comité a conclu qu’il fallait accorder le crédit voulu aux allégations du requérant et que les faits, tels qu’il les avait présentés, constituaient des tortures au sens de l’article premier de la Convention. Le Comité a noté en outre que le Procureur n’avait jamais indiqué au requérant si une enquête était en cours ou avait été effectuée, ce qui l’avait empêché d’engager des «poursuites à titre privé». Dans ces circonstances, le Comité a considéré que l’État partie ne s’était pas acquitté de l’obligation que lui imposait l’article 12 de la Convention de procéder immédiatement à une enquête impartiale. L’État partie ne s’était pas non plus acquitté de l’obligation imposée par l’article 13 de la Convention d’assurer au requérant le droit de porter plainte devant les autorités compétentes et d’obtenir que sa cause soit immédiatement et impartialement examinée. Enfin, le Comité a pris note des allégations du requérant qui affirmait que l’absence de procédure pénale l’avait privé de la possibilité d’engager une action civile en dommages‑intérêts. Vu que l’État n’avait pas contesté ce grief et compte tenu du temps écoulé depuis que le requérant avait engagé une action au plan interne, le Comité a conclu que l’État partie avait également commis une violation des obligations découlant de l’article 14 de la Convention.

68.Dans la requête no 174/2000 (Nikolic c. Serbie ‑et ‑Monténégro) les requérants affirmaient que le fait que l’État partie n’ait pas procédé à une enquête rapide et impartiale sur les circonstances du décès de leur fils qui avait été arrêté par la police constituait une violation des articles 12, 13 et 14 de la Convention. Le Comité a considéré qu’un certain nombre d’éléments faisaient naître des doutes quant à la chronologie des événements ayant abouti à la mort du fils des requérants, telle qu’elle était présentée par les autorités de l’État partie. Sur la base de ces éléments, il a estimé qu’il y avait des motifs raisonnables qui auraient dû conduire l’État partie à enquêter sur la plainte des requérants, lesquels étaient convaincus que leur fils avait été torturé avant de mourir. Il se posait donc la question de savoir si les mesures d’investigation par les autorités étaient conformes aux prescriptions de l’article 12 de la Convention. Après avoir examiné ces mesures, le Comité a conclu que l’enquête n’avait pas été impartiale et qu’il y avait donc eu violation de l’article 12. Il a également relevé que les tribunaux avaient conclu à l’absence de contact physique entre la police et le fils des requérants en se fondant exclusivement sur des éléments qui avaient été contestés par les requérants et qui à leur avis présentaient de nombreuses incohérences. Les tribunaux avaient rejeté les recours des requérants sans examiner leurs arguments. Le Comité a donc conclu que les juridictions de l’État partie n’avaient pas examiné l’affaire de façon impartiale, en violation de l’article 13 de la Convention.

69.Les requêtes nos 231/2003 (S. N. A. W. c. Suisse), 235/2003 (M. S. H. c. Suède), 237/2003 (M. C. M. V. F. c. Suède), 238/2003 (Z. T. c. Norvège), 245/2004 (S. S. c. Canada) et 254/2004 (S. S. H. c. Suisse) concernaient des demandeurs d’asile qui faisaient valoir que leur expulsion, leur renvoi ou leur extradition vers leur pays d’origine constituerait une violation de l’article 3 de la Convention car ils risquaient d’être soumis à la torture. Après avoir examiné les griefs et les éléments soumis par les requérants à l’appui de leurs griefs ainsi que les arguments des États parties, le Comité a conclu que le risque n’avait pas été établi. Il n’a donc pas constaté de violation de l’article 3.

70.Dans la requête no 258/2004 (Mostafa Dadar c. Canada), le requérant était un Iranien résidant légalement au Canada contre lequel un avis de dangerosité avait été rendu en vertu de la loi sur l’immigration déclarant qu’il était un danger pour la population. Il avait donc fait l’objet d’un ordre d’expulsion de la part des autorités canadiennes. Le requérant faisait valoir devant le Comité que son expulsion constituerait une violation par le Canada de l’article 3 de la Convention car il risquait d’être soumis à la torture en Iran. Après avoir examiné les arguments et les éléments qui lui avaient été soumis, le Comité a conclu qu’il existait des motifs sérieux de croire que le requérant risquait d’être soumis à la torture. Par conséquent son expulsion représenterait une violation de la Convention. Le Comité regrette que malgré cette conclusion l’État partie ait expulsé l’auteur vers l’Iran.

71.À sa trente-sixième session, le Comité a adopté des décisions quant au fond dans le cas des requêtes nos 181/2001 (Suleymane Guengueng et consorts c. Sénégal), 256/2004 (M. Z. c. Suède) et 278/2005 (A. E. c. Suisse). Le texte des décisions figure à l’annexe VIII, section A, du présent rapport.

72.La requête no 181/2001 (Suleymane Guengueng et consorts c. Sénégal) concernait sept nationaux tchadiens se déclarant victimes d’actes de torture commis par des agents de l’État tchadien qui étaient sous les ordres du Président de l’époque Hissène Habré, entre 1982 et 1990. En 2000, les requérants avaient déposé plainte contre Hissène Habré au Sénégal, où celui-ci habitait depuis décembre 1990. Le 3 février 2000 un juge d’instruction avait inculpé Hissène Habré pour complicité d’actes de torture et avait ouvert une instruction pour crimes contre l’humanité. Le 4 juillet 2000, la chambre d’accusation de la cour d’appel de Dakar avait annulé l’inculpation au motif que les juridictions sénégalaises n’étaient pas compétentes, décision qui avait été ultérieurement confirmée par la Cour de cassation. Les requérants invoquaient une violation par le Sénégal du paragraphe 2 de l’article 5 et de l’article 7 de la Convention et demandaient une indemnisation. Le 19 septembre 2005, un juge belge a délivré un mandat d’arrêt international à l’encontre d’Hissène Habré, en inculpant ce dernier d’actes de génocide, de crimes contre l’humanité, de crimes de guerre, de tortures et autres graves violations du droit international humanitaire. À cette même date la Belgique avait demandé au Sénégal l’extradition d’Hissène Habré. En janvier 2006, le Sénégal avait porté l’affaire à l’attention de l’Assemblée de l’Union africaine, qui avait décidé de constituer une commission de juristes éminents pour examiner tous les aspects et implications de l’affaire ainsi que les options possibles pour un procès. Dans sa décision, le Comité a noté que l’État partie n’avait pas contesté le fait qu’il n’avait pas pris les mesures visées au paragraphe 2 de l’article 5 de la Convention, en vertu duquel tout État partie prend les mesures nécessaires pour établir sa compétence aux fins de connaître des actes de torture dans le cas où l’auteur présumé des infractions se trouve sur tout territoire sous sa juridiction et où ledit État ne l’extrade pas. Le Comité a donc considéré que l’État partie ne s’était pas acquitté de ses obligations en vertu de cette disposition. Il a également considéré que l’État partie ne pouvait pas invoquer la complexité de sa procédure judiciaire pour justifier l’inobservation de ses obligations en vertu de l’article 7 de la Convention. Au moment où la requête a été soumise au Comité, l’État partie était tenu d’engager des poursuites contre Hissène Habré pour des actes de torture allégués, sauf s’il pouvait prouver qu’il n’y avait pas suffisamment de preuve. Ensuite, à partir du 19 septembre 2005, l’État partie se trouvait dans une autre des situations couvertes par l’article 7 et avait le choix d’extrader Hissène Habré s’il décidait de ne pas soumettre l’affaire à ses propres autorités judiciaires pour l’exercice de poursuites pénales. En refusant les deux options, l’État partie avait manqué à ses obligations en vertu de l’article 7 de la Convention.

73.Dans les requêtes nos 256/2004 (M. Z. c. Suède) et 278/2005 (A. E. c. Suisse), les requérants ont invoqué des violations de l’article 3 de la Convention par l’État partie s’ils étaient renvoyés dans leur pays faute d’avoir obtenu l’asile. Le Comité a estimé toutefois que les requérants n’avaient pas montré qu’il existait des motifs suffisants de croire qu’ils courraient personnellement un risque réel et spécifique d’être soumis à la torture et n’a donc pas constaté de violations.

74.À sa trente-sixième session également, le Comité a décidé de déclarer irrecevables les requêtes nos 248/2004 (A. K. c. Suisse) et 273/2005 (A. T. c. Canada). Dans les deux affaires les requérants se déclaraient victimes de violations de l’article 3 de la Convention. Toutefois le Comité a conclu que les recours internes n’avaient pas été épuisés. Le texte de ces décisions figure à l’annexe VIII, section B, du présent rapport.

D. Activités de suivi

75.À sa vingt‑huitième session, en mai 2002, le Comité contre la torture a modifié son règlement intérieur et institué la fonction de rapporteur pour le suivi des décisions prises au sujet des requêtes présentées en vertu de l’article 22. À sa 527e séance, le 16 mai 2002, le Comité a décidé que le rapporteur exercerait notamment les activités suivantes: surveiller l’application des décisions du Comité par l’envoi de notes verbales aux États parties pour s’informer des mesures prises pour donner suite auxdites décisions, recommander au Comité les mesures qu’il convient de prendre comme suite aux réponses des États parties, à l’absence de réponse de leur part et à toutes les lettres reçues ultérieurement des requérants à propos de la non‑application de décisions du Comité, rencontrer les représentants des missions permanentes des États parties pour encourager l’application des décisions du Comité et déterminer si la fourniture de services consultatifs ou d’une assistance technique par le Haut‑Commissariat aux droits de l’homme serait appropriée ou souhaitable, effectuer, avec l’approbation du Comité, des visites de suivi dans les États parties, établir périodiquement à l’intention du Comité des rapports sur ses activités.

76.À la trente-quatrième session, le Comité, agissant par l’intermédiaire de son rapporteur spécial chargé du suivi, a décidé qu’en cas de constatation d’une violation de la Convention, y compris dans les décisions prises par le Comité avant la mise en place de la procédure de suivi, les États parties devraient être priés de donner des informations sur toutes les mesures qu’ils auront prises pour donner suite aux décisions du Comité.

77.Dans un rapport sur les activités de suivi présenté au Comité à sa trente‑cinquième session, le Rapporteur spécial chargé du suivi a transmis des renseignements reçus de quatre États parties: la France, la Serbie‑et‑Monténégro (à propos de l’affaire Ristic, requête no 113/1998), la Suisse et la Suède. Les pays suivants n’ont pas répondu à la demande du Rapporteur spécial: Autriche, Canada (affaire Tahir Hussain Khan, requête no 15/1994), Pays‑Bas, Espagne et Serbie‑et‑Monténégro (affaires Hajrizi Dzemajl, requête no 161/2000, Dimitrov, requête no 171/2000, et Dragan Dimitrijevic, requête no 207/2002).

78.Les mesures prises par les États parties dans les affaires mentionnées ci‑après étaient entièrement conformes aux décisions du Comité et aucune autre mesure ne sera donc prise dans le cadre de la procédure de suivi: Mutombo c. Suisse (requête no 13/1993), Alan c. Suisse (requête no 21/1995), Aemei c. Suisse (requête no 34/1995), Tapia Páez c. Suède (requête no 39/1996), Kisoki c. Suède (requête no 41/1996), Tala c. Suède (requête no 43/1996), Avedes Hamayak Korban c. Suède (requête no 88/1997), Ali Falakaflaki c. Suède (requête no 89/1997), Orhan Ayas c. Suède (requête no 97/1997), Halil Haydin c. Suède (requête no 101/1997). Dans les cas ci‑après, l’État partie a soit répondu partiellement à la demande ou est en passe de prendre des mesures et des informations à jour lui seront demandées, ou des commentaires sur les mesures prises par l’État partie sont attendus du requérant: Arana c. France (requête no 63/1997), Brada c. France (requête no 195/2003), Ristic c. Serbie ‑et ‑Monténégro (requête no 113/1998) et Agiza c. Suède (requête no 233/2003).

79.À la trente‑sixième session, le Rapporteur spécial chargé du suivi a présenté de nouveaux renseignements reçus depuis la trente‑cinquième session concernant le suivi des affaires suivantes: Dadar c. Canada (requête no 258/2004), Thabti c. Tunisie (requête no 187/2001), Abdelli c. Tunisie (requête no 188/2001), Ltaief c. Tunisie (requête no 189/2001) et Chipana c. Venezuela (requête no 110/1998). On trouvera ci‑après un état complet des réponses reçues au sujet de toutes les affaires dans lesquelles le Comité a constaté des violations de la Convention et d’une affaire dans laquelle il n’a constaté aucune violation mais a fait une recommandation. S’il n’y a pas de rubrique «Décision du Comité» après les renseignements reçus pour une affaire, c’est que le suivi pour cette affaire est en cours et que de plus amples renseignements ont été ou vont être demandés au requérant ou à l’État partie.

Requêtes pour lesquelles le Comité a constaté des violations de la Convention (jusqu’à la trente ‑quatrième session)

État partie

AUTRICHE

Affaire

Halimi‑Nedibi Quani, 8/1991

Nationalité et pays de renvoi, le cas échéant

Yougoslave

Date d’adoption des constatations

18 novembre 1993

Questions soulevées et violations constatées

Absence d’enquête sur des allégations de torture − article 12

Mesures provisoires demandées et réponse de l’État partie

Aucune

Mesure de réparation recommandée

L’État partie est prié de faire en sorte que des violations similaires ne se reproduisent pas.

Date fixée pour la réponse de l’État partie

Néant

Date de la réponse

Néant

Réponse de l’État partie

Aucune

Réponse du requérant

Sans objet

État partie

AUSTRALIE

Affaire

Shek Elmi, 120/1998

Nationalité et pays de renvoi, le cas échéant

Somalienne; Somalie

Date d’adoption des constatations

25 mai 1999

Questions soulevées et violations constatées

Renvoi − article 3

Mesures provisoires demandées et réponse de l’État partie

Demandées et acceptées par l’État partie

Mesure de réparation recommandée

L’État partie est tenu de s’abstenir de renvoyer de force le requérant en Somalie ou dans tout autre pays d’où il risque d’être expulsé ou renvoyé vers la Somalie.

Date fixée pour la réponse de l’État partie

Néant

Date de la réponse

23 août 1999 et 1er mai 2001

Réponse de l’État partie

Le 23 août 1999, l’État partie a répondu aux constatations du Comité. Il a informé ce dernier que le 12 août 1999 le Ministère de l’immigration et des affaires multiculturelles avait décidé qu’il était dans l’intérêt de la société qu’il exerce les pouvoirs qui lui sont conférés par l’article 48B de la loi sur les migrations de 1958 en autorisant M. Elmi à présenter une autre demande de visa de protection. L’avocat de M. Elmi avait été informé de cette mesure le 17 août 1999 et M. Elmi a été personnellement avisé le 18 août 1999.

Le 1er mai 2001, l’État partie a informé le Comité que le requérant avait quitté de son plein gré l’Australie et avait, par la suite, «retiré» sa requête contre l’État partie. Il a expliqué que le requérant avait déposé sa deuxième demande de visa de protection le 24 août 1999. Le 22 octobre 1999, M. Elmi et son conseil avaient eu un entretien avec un agent de l’immigration. Le Ministre de l’immigration et des affaires multiculturelles s’était déclaré dans sa décision du 2 mars 2000 convaincu que le requérant n’était pas une personne envers laquelle l’Australie avait une obligation de protection au titre de la Convention relative au statut des réfugiés et avait refusé de lui accorder un visa de protection. Cette décision avait été confirmée en appel par le tribunal principal. L’État partie a informé le Comité que la nouvelle demande du requérant avait été examinée de manière approfondie à la lumière des nouveaux éléments apparus à la suite de l’examen de la requête par le Comité. Le tribunal n’avait pas jugé le requérant crédible et n’avait pas ajouté foi à sa déclaration selon laquelle il était le fils d’un des anciens du clan Shikal.

Réponse du requérant

Sans objet

Décision du Comité

Vu que le requérant est parti de son plein gré, aucune autre mesure de suivi n’est demandée.

État partie

CANADA

Affaire

Tahir Hussain Khan, 15/1994

Nationalité et pays de renvoi, le cas échéant

Pakistanaise; Pakistan

Date d’adoption des constatations

15 novembre 1994

Questions soulevées et violations constatées

Renvoi − article 3

Mesures provisoires demandées et réponse de l’État partie

Demandées et acceptées par l’État partie

Mesure de réparation recommandée

L’État partie est tenu de s’abstenir de renvoyer de force M. Tahir Hussain Khan au Pakistan.

Date fixée pour la réponse de l’État partie

Néant

Date de la réponse

Néant

Réponse de l’État partie

Aucun renseignement fourni au Rapporteur; toutefois, au cours de l’examen du rapport de l’État partie par le Comité contre la torture en mai 2005, l’État partie a indiqué que le requérant n’avait pas été expulsé.

Réponse du requérant

Aucune

Affaire

Falcon Ríos, 133/1999

Nationalité et pays de renvoi, le cas échéant

Mexicaine; Mexique

Date d’adoption des constatations

30 novembre 2004

Questions soulevées et violations constatées

Renvoi − article 3

Mesures provisoires demandées et réponse de l’État partie

Demandées et acceptées par l’État partie

Mesure de réparation recommandée

Mesures appropriées

Date fixée pour la réponse de l’État partie

Néant

Date de la réponse

Néant

Réponse de l’État partie

Le 9 mars 2005, l’État partie a fourni des renseignements sur les mesures qu’il avait prises pour donner suite à la décision du Comité. Il a indiqué que le requérant avait déposé une demande d’évaluation du risque avant le renvoi au Mexique et qu’il informerait le Comité du résultat. Si le requérant pouvait justifier l’existence d’un des motifs de protection prévus dans la loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, il aurait la possibilité de présenter une demande de résidence permanente au Canada. La décision du Comité serait prise en compte par le fonctionnaire qui examinerait la demande et, au cas où le Ministre le jugerait nécessaire, le requérant serait entendu. Comme la demande d’asile avait été examinée avant l’entrée en vigueur de la loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, en juin 2002, le fonctionnaire des services de l’immigration ne serait pas tenu de se limiter aux faits survenus après le rejet de la demande initiale mais pourrait également examiner des faits et des informations, anciens et nouveaux, présentés par le requérant. Dans ce contexte, l’État partie a contesté la conclusion faite par le Comité au paragraphe 7.5 de sa décision, selon laquelle seules les nouvelles informations pourraient être prises en compte au cours de cet examen.

Réponse du requérant

Aucune

Affaire

Dadar, 258/2004

Nationalité et pays de renvoi, le cas échéant

Iranienne; Iran

Date d’adoption des constatations

23 novembre 2005

Questions soulevées et violations constatées

Renvoi − article 3

Mesures provisoires demandées et réponse de l’État partie

Demandées et acceptées par l’État partie

Mesure de réparation recommandée

Le Comité engage instamment l’État partie, en application du paragraphe 5 de l’article 112 de son règlement intérieur, à l’informer, dans un délai de 90 jours à compter de la date de transmission de la présente décision, des mesures qu’il aura prises pour donner effet à celle‑ci.

Date fixée pour la réponse de l’État partie

26 février 2006

Date de la réponse

22 mars 2006, 24 avril 2006

Réponse de l’État partie

L’État partie se réfère à la note verbale du secrétariat datée du 13 mars 2006 (voir plus loin). Toutefois, l’État partie a informé le Comité qu’il avait l’intention de renvoyer le requérant en Iran le 26 mars 2006. L’État partie a indiqué qu’il avait procédé à un examen du dossier à la lumière de la décision du Comité mais a cependant réaffirmé qu’il ne partageait pas l’opinion du Comité selon laquelle le requérant avait apporté la preuve qu’il courait un risque réel d’être torturé s’il était renvoyé en Iran. Il a fait valoir qu’il appartenait aux tribunaux nationaux d’apprécier les faits et les éléments de preuve dans une affaire donnée.

L’État partie a fait observer que l’affirmation du représentant du Ministère selon laquelle le risque que représentait le requérant pour la société canadienne surpassait le risque qu’il courait lui‑même en cas de renvoi en Iran n’était qu’un argument subsidiaire. La conclusion principale du représentant du Ministère, et celle de la Cour fédérale, était que le requérant ne courait aucun risque réel d’être torturé.

L’État partie note que le Comité n’a pas abordé la question de la crédibilité du requérant, en dépit du fait que le Canada l’avait soulevée dans ses observations, et a accepté une bonne partie des arguments du requérant qui n’avaient pas été étayés au moyen de preuves documentaires crédibles et émanant de sources indépendantes. Contrairement à ce qu’a affirmé le Comité, l’État partie a fait valoir qu’il avait contesté dans ses observations les allégations faites au sujet des contacts du requérant avec le Service canadien du renseignement et de sécurité. En outre, la lettre datée du 4 avril 2005, que le requérant a soumise pour prouver qu’il avait des activités politiques, a été fournie après la présentation des observations de l’État partie et n’apporte en tout état de cause aucune précision sur ces activités présumées. L’État partie rappelle qu’il ne suffit pas qu’une personne risque d’être détenue pour qu’elle bénéficie de la protection garantie par l’article 3.

Enfin l’État partie rappelle au Comité que c’est la première fois que le Canada ne suivra pas sa décision quant au fond. Sa position dans cette affaire ne doit pas cependant être interprétée comme une marque d’un quelconque irrespect à l’égard du rôle du Comité consistant à surveiller l’application de la Convention.

Le 24 avril 2006, l’État partie a répondu à la note verbale de la Rapporteuse datée du 31 mars. Il rappelle les conclusions du Ministre et fait valoir que l’évaluation du risque effectuée a été confirmée par la Cour fédérale le 24 mars 2006. En conséquence, l’État partie reste d’avis qu’il s’est pleinement acquitté des obligations qui lui incombent en vertu de l’article 3.

L’État partie informe le Comité que depuis le retour de M. Dadar un représentant des autorités canadiennes s’est entretenu avec le neveu du requérant qui a fait savoir que ce dernier était arrivé à Téhéran sans incident et qu’il avait été accueilli par sa famille. Le Canada n’a pas de contact direct avec M. Dadar depuis son renvoi en Iran. Compte tenu de cette information, ainsi que de la conclusion établissant que M. Dadar ne courait aucun risque réel d’être torturé à son retour en Iran, l’État partie affirme que le Canada n’a pas jugé nécessaire de s’occuper de la question des mécanismes de suivi dans cette affaire. Il affirme en outre que M. Dadar relève désormais de la juridiction de l’Iran qui est partie au Pacte international relatif aux droits civils et politiques et est tenu de respecter les droits protégés par le Pacte, notamment l’interdiction de la torture et des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. M. Dadar peut également s’adresser au besoin aux procédures spéciales de l’ONU telles que le Rapporteur spécial sur la question de la torture.

Réponse du requérant

Le conseil du requérant a contesté la décision de l’État partie d’expulser le requérant en dépit des conclusions du Comité. Il n’a jusqu’à présent donné aucune information dont il pourrait disposer sur la situation du requérant depuis son arrivée en Iran.

Autres mesures

Après que l’État partie l’eut informé oralement, le 10 mars 2006, qu’il avait l’intention d’expulser le requérant, la Rapporteuse chargée du suivi a envoyé une note verbale à l’État partie le 13 mars 2006. Elle s’est dite préoccupée du fait qu’en dépit de la décision du Comité l’État partie avait l’intention d’expulser le requérant en Iran. Au nom du Comité, elle a rappelé à l’État partie qu’il lui incombait en vertu de l’article 3 de ne pas «expulser, refouler ni extrader une personne vers un autre État où il y a des motifs sérieux de croire qu’elle risque d’être soumise à la torture». Compte tenu de la décision du Comité (par. 8.9) selon laquelle «il existe des motifs sérieux de croire que le requérant risque d’être soumis à la torture s’il est renvoyé en Iran», la Rapporteuse a invité l’État partie à se conformer à la décision du Comité.

À la suite de l’expulsion de l’auteur le 26 mars 2006, la Rapporteuse a envoyé, le 31 mars 2006, une note verbale à l’État partie au nom du Comité dans laquelle elle s’est déclarée gravement préoccupée par le refus de l’État partie de se conformer à la décision du Comité. Elle a noté entre autres choses que c’était la première fois, à la connaissance du Comité, qu’un État partie expulsait un requérant après que le Comité avait conclu qu’une telle expulsion constituerait une violation de l’article 3. La Rapporteuse a exprimé sa vive préoccupation non seulement quant au sort du requérant dans cette affaire mais aussi compte tenu des conséquences globales de l’action de l’État partie en ce qui concerne le respect des décisions du Comité au titre de l’article 22. Elle a demandé à être informée de toute mesure prise par l’État partie pour assurer la sécurité du requérant à son arrivée en République islamique d’Iran, notamment de la mise en place d’un éventuel mécanisme de suivi par le biais des autorités consulaires de l’État partie ou d’autres garanties procédurales ou de fond, et a également demandé des informations en temps voulu sur le sort du requérant.

Décision du Comité

Pendant l’examen de la question de la suite donnée à ses décisions, à sa trente‑sixième session, le Comité a déploré que l’État partie ne se soit pas acquitté de ses obligations en vertu de l’article 3, et a conclu que l’État partie avait commis une violation de l’article qui impose de ne pas «expulser», «refouler» ni «extrader» «une personne vers un autre État où il y a des motifs sérieux de croire qu’elle risque d’être soumise à la torture».

État partie

FRANCE

Affaire

Arana, 63/1997

Nationalité et pays de renvoi, le cas échéant

Espagnole; Espagne

Date d’adoption des constatations

9 novembre 1999

Questions soulevées et violations constatées

L’expulsion du requérant en Espagne a constitué une violation de l’article 3.

Mesures provisoires demandées et réponse de l’État partie

Demandées, et refusées par l’État partie, qui affirme avoir reçu la demande du Comité après avoir procédé à l’expulsion.

Mesure de réparation recommandée

Mesures devant être prises par l’État partie

Date fixée pour la réponse de l’État partie

5 mars 2000

Date de la réponse

Dernière réponse en date reçue le 1er septembre 2005

Réponse de l’État partie

Le 8 janvier 2001, l’État partie a envoyé des renseignements complémentaires, indiquant que le tribunal administratif de Pau avait certes conclu que la décision informelle consistant en la remise directe du requérant par la police française à la police espagnole était illégale mais l’arrêté d’expulsion n’en était pas pour autant illégal. L’État partie a ajouté que la décision qui faisait actuellement l’objet d’un appel n’était pas caractéristique de la jurisprudence en la matière.

L’État partie a indiqué en outre que depuis le 30 juin 2000 une nouvelle procédure administrative, permettant la suspension d’une décision, y compris d’un arrêté d’expulsion, par une requête en référé était en vigueur. Les conditions devant être remplies pour obtenir cette suspension étaient plus souples qu’auparavant et consistaient à prouver que l’urgence de la situation justifiait une telle suspension et qu’il existait un sérieux doute quant à la légalité de la décision. En conséquence, il n’était plus nécessaire d’apporter la preuve que les conséquences de la décision seraient difficilement réparables.

Le 1er septembre 2005, en réponse à une demande d’informations sur les mesures prises pour donner suite aux constatations du Comité qui lui avait été adressée le 7 juin 2005, l’État partie rappelle les informations fournies auparavant sur les modifications apportées à sa législation depuis le 30 juin 2000 et informe le Comité que dans un arrêt daté du 23 juillet 2002, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé le jugement rendu par le tribunal administratif de Pau le 4 février 1999.

Réponse du requérant

Aucune

Affaire

Brada, 195/2003

Nationalité et pays de renvoi, le cas échéant

Algérienne; Algérie

Date d’adoption des constatations

17 mai 2005

Questions soulevées et violations constatées

Renvoi − articles 3 et 22

Mesures provisoires demandées et réponse de l’État partie

Demandées, mais refusées par l’État partie

Mesure de réparation recommandée

Indemniser le requérant de la violation de l’article 3 de la Convention et déterminer en consultation avec le pays vers lequel le requérant a été renvoyé (qui est aussi un État partie à la Convention) le lieu où se trouve le requérant et ses conditions de vie.

Date fixée pour la réponse de l’État partie

Néant

Date de la réponse

21 septembre 2005

Réponse de l’État partie

Comme suite à la demande d’informations sur les mesures prises pour donner suite aux constatations du Comité, adressée à l’État partie le 7 juin 2005, ce dernier a informé le Comité que le requérant serait autorisé à retourner en France s’il le souhaitait et qu’un permis spécial de résidence lui serait délivré en application de l’article L.523‑3 du Code relatif à l’entrée et au séjour des étrangers. Cette mesure est rendue possible par l’arrêt de la cour d’appel de Bordeaux en date du 18 novembre 2003, qui a annulé la décision du tribunal administratif de Limoges en date du 8 novembre 2001. Cette dernière décision a confirmé l’Algérie en tant que pays vers lequel le requérant devait être renvoyé. En outre, l’État partie a informé le Comité qu’il s’apprêtait à contacter les autorités algériennes par la voie diplomatique pour s’informer du lieu où se trouve le requérant et de sa situation.

Réponse du requérant

Aucune

État partie

PAYS ‑BAS

Affaire

A/91/1997

Nationalité et pays de renvoi, le cas échéant

Tunisienne; Tunisie

Date d’adoption des constatations

13 novembre 1998

Questions soulevées et violations constatées

Renvoi − article 3

Mesures provisoires demandées et réponse de l’État partie

Demandées, et acceptées par l’État partie

Mesure de réparation recommandée

L’État partie est tenu de s’abstenir de renvoyer de force le requérant en Tunisie ou vers un autre pays où il court un risque réel d’être expulsé ou renvoyé en Tunisie.

Date fixée pour la réponse de l’État partie

Néant

Date de la réponse

Néant

Réponse de l’État partie

Aucune information fournie

Réponse du requérant

Sans objet

État partie

SERBIE ‑ET ‑MONTÉNÉGRO

Affaire

Ristic, 113/1998

Nationalité et pays de renvoi, le cas échéant

Yougoslave

Date d’adoption des constatations

11 mai 2001

Questions soulevées et violations constatées

Absence d’enquête sur des allégations de torture par la police − articles 12 et 13

Mesures provisoires demandées et réponse de l’État partie

Sans objet

Mesure de réparation recommandée

Exhortation de l’État partie à entreprendre sans délai les enquêtes nécessaires. Recours approprié.

Date fixée pour la réponse de l’État partie

6 janvier 1999

Date de la réponse

Dernière note verbale en date du 5 août 2005

Réponse de l’État partie

En cours

Voir le premier rapport de suivi (CAT/C/32/FU/1). À la trente‑troisième session, le Rapporteur spécial a fait rapport sur un entretien qu’il avait eu le 22 novembre 2004 avec un représentant de l’État partie. À la suite d’une nouvelle autopsie du corps effectuée le 11 novembre 2004, le Tribunal de district de Sabaca a transmis de nouveaux renseignements à l’Institut de médecine légale de Belgrade pour un examen complémentaire. L’État partie a indiqué son intention d’informer le Comité des résultats de cet examen.

Ayant reçu des renseignements indiquant que le versement d’une indemnisation avait été ordonné, le Rapporteur spécial a demandé à l’État partie confirmation du paiement ainsi que des copies des documents pertinents du jugement, etc.

À la suite d’une demande d’informations sur les mesures prises pour donner effet aux constatations du Comité qui lui avait été adressée le 18 avril 2005, l’État partie, sous couvert d’une note verbale datée du 5 août 2005, a confirmé que le premier tribunal municipal de Belgrade avait ordonné dans sa décision du 30 décembre 2004 d’indemniser les parents du requérant. Toutefois, comme ce jugement fait l’objet d’un appel auprès du tribunal de district de Belgrade, cette décision n’est ni effective ni exécutoire à ce stade. L’État partie a également informé le Comité que le tribunal municipal avait jugé irrecevable la requête tendant à ce que les allégations selon lesquelles des brutalités policières seraient une cause possible du décès de M. Ristic fassent l’objet d’une enquête approfondie et impartiale.

Réponse du requérant

Le 25 mars 2005, le Comité a reçu du Centre de droit humanitaire de Belgrade des informations indiquant que le premier tribunal municipal de Belgrade avait ordonné à l’État partie de verser une indemnisation de 1 million de dinars aux parents du requérant pour ne pas avoir effectué une enquête rapide, impartiale et approfondie sur les causes du décès conformément à la décision du Comité contre la torture.

Affaire

Hajrizi Dzemajl et consorts, 161/2000

Nationalité et pays de renvoi, le cas échéant

Yougoslave

Date d’adoption des constatations

21 novembre 2002

Questions soulevées et violations constatées

Destruction et incendie de maisons, absence d’enquête et aucune indemnisation − articles 16, paragraphe 1, 12 et 13

Mesures provisoires demandées et réponse de l’État partie

Aucune

Mesure de réparation recommandée

Le Comite exhorte l’État partie à procéder à une enquête en bonne et due forme sur les faits survenus le 15 avril 1995, à poursuivre et sanctionner les personnes qui en seraient reconnues responsables et à accorder une réparation appropriée aux requérants, sous la forme d’une indemnisation équitable et adéquate.

Date fixée pour la réponse de l’État partie

Néant

Date de la réponse

Voir le document CAT/C/32/FU/1

Réponse de l’État partie

En cours

Voir le premier rapport sur les activités de suivi (CAT/C/32/FU/1). À la suite de la trente‑troisième session et tout en se félicitant que l’État partie ait versé une indemnisation aux requérants pour les violations constatées, le Comité a jugé utile de rappeler à l’État partie son obligation de procéder à une enquête en bonne et due forme sur les faits survenus.

Réponse du requérant

Aucune

Affaire

Dimitrov, 171/2000

Nationalité et pays de renvoi, le cas échéant

Yougoslave

Date d’adoption des constatations

3 mai 2005

Questions soulevées et violations constatées

Torture et absence d’enquête − article 2, paragraphe 1, lu conjointement avec les articles 1er, 12, 13 et 14

Mesures provisoires demandées et réponse de l’État partie

Sans objet

Mesure de réparation recommandée

Le Comité invite instamment l’État partie à mener une enquête en bonne et due forme sur les faits allégués par le requérant.

Date fixée pour la réponse de l’État partie

18 août 2005

Date de la réponse

Néant

Réponse de l’État partie

Aucune

Réponse du requérant

Sans objet

Affaire

Dimitrijevic, 172/2000

Nationalité et pays de renvoi, le cas échéant

Serbe

Date d’adoption des constatations

16 novembre 2005

Questions soulevées et violations constatées

Torture et absence d’enquête − articles 1er, 2, paragraphe 1, 12, 13 et 14

Mesures provisoires demandées et réponse de l’État partie

Sans objet

Mesure de réparation recommandée

Le Comité invite instamment l’État partie à poursuivre quiconque est responsable des violations constatées et à accorder réparation au requérant et, conformément au paragraphe 5 de l’article 112 de son règlement intérieur, à informer le Comité, dans un délai de 90 jours à compter de la date de transmission de la présente décision, des mesures qu’il aura prises conformément aux constatations du Comité.

Date fixée pour la réponse de l’État partie

26 février 2006

Date de la réponse

Néant

Réponse de l’État partie

Aucune

Réponse du requérant

Sans objet

Affaire

Nikolic, 174/2000

Nationalité et pays de renvoi, le cas échéant

Sans objet

Date d’adoption des constatations

24 novembre 2005

Questions soulevées et violations constatées

Absence d’enquête − articles 12 et 13

Mesures provisoires demandées et réponse de l’État partie

Sans objet

Mesure de réparation recommandée

Renseignements sur les mesures prises pour donner effet aux constatations du Comité, en particulier sur l’ouverture d’une enquête impartiale sur les circonstances du décès du fils des requérants.

Date fixée pour la réponse de l’État partie

27 février 2006

Date de la réponse

Néant

Réponse de l’État partie

Aucune

Réponse du requérant

Sans objet

Affaire

Dimitrijevic, Dragan, 207/2002

Nationalité et pays de renvoi, le cas échéant

Serbe

Date d’adoption des constatations

24 novembre 2004

Questions soulevées et violations constatées

Torture et absence d’enquête − article 2, paragraphe 1, lu conjointement avec les articles 1er, 12, 13 et 14

Mesures provisoires demandées et réponse de l’État partie

Aucune

Mesure de réparation recommandée

Mener une enquête en bonne et due forme sur les faits allégués par le requérant.

Date fixée pour la réponse de l’État partie

Février 2005

Date de la réponse

Néant

Réponse de l’État partie

Aucune

Réponse du requérant

Le 1er septembre 2005, le représentant du requérant a informé le Comité qu’il ressortait de vérifications qu’il venait d’effectuer que rien n’indiquait que l’État partie avait ouvert une enquête sur les faits allégués.

État partie

ESPAGNE

Affaire

Encarnación Blanco Abad, 59/1996

Nationalité et pays de renvoi, le cas échéant

Espagnole

Date d’adoption des constatations

14 mai 1998

Questions soulevées et violations constatées

Absence d’enquête − articles 12 et 13

Mesures provisoires demandées et réponse de l’État partie

Aucune

Mesure de réparation recommandée

Mesures appropriées

Date fixée pour la réponse de l’État partie

Néant

Date de la réponse

Néant

Réponse de l’État partie

Aucune information

Réponse du requérant

Sans objet

Affaire

Urra Guridi, 212/2002

Nationalité et pays de renvoi, le cas échéant

Espagnole

Date d’adoption des constatations

17 mai 2005

Questions soulevées et violations constatées

Absence de mesures pour prévenir et punir des actes de torture et assurer une pleine réparation − articles 2, 4 et 14

Mesures provisoires demandées et réponse de l’État partie

Aucune

Mesure de réparation recommandée

L’État partie est engagé instamment à faire en sorte que dans la pratique les responsables des actes de torture soient dûment punis de façon à assurer au requérant une pleine réparation.

Date fixée pour la réponse de l’État partie

18 août 2005

Date de la réponse

Néant

Réponse de l’État partie

Aucune information

Réponse du requérant

Sans objet

État partie

SUÈDE

Affaire

Tapia Páez, 39/1996

Nationalité et pays de renvoi, le cas échéant

Péruvienne; Pérou

Date d’adoption des constatations

28 avril 1997

Questions soulevées et violations constatées

Renvoi − article 3

Mesures provisoires demandées et réponse de l’État partie

Demandées et acceptées par l’État partie

Mesure de réparation recommandée

L’État partie est tenu de s’abstenir de renvoyer de force M. Gorki Ernesto Tapia Páez au Pérou.

Date fixée pour la réponse de l’État partie

Néant

Date de la réponse

23 août 2005

Réponse de l’État partie

En réponse à la demande d’informations sur la suite donnée aux constatations qui lui avait été adressée, l’État partie a fait savoir le 25 mai 2005 que le requérant s’était vu délivrer un permis de séjour permanent le 23 juin 1997.

Réponse du requérant

Aucune

Décision du Comité

Il est mis fin à la procédure de suivi, étant donné que l’État partie s’est conformé à la décision du Comité.

Affaire

Kisoki, 41/1996

Nationalité et pays de renvoi, le cas échéant

Ressortissante de la République démocratique du Congo; République démocratique du Congo

Date d’adoption des constatations

8 mai 1996

Questions soulevées et violations constatées

Renvoi − article 3

Mesures provisoires demandées et réponse de l’État partie

Demandées et acceptées par l’État partie

Mesure de réparation recommandée

L’État partie est tenu de s’abstenir de renvoyer de force Mme Pauline Muzonzo Paku Kisoki en République démocratique du Congo.

Date fixée pour la réponse de l’État partie

Néant

Date de la réponse

23 août 2005

Réponse de l’État partie

En réponse à la demande d’informations sur la suite donnée aux constatations du Comité qui lui avait été adressée le 25 mai 2005, l’État partie a fait savoir qu’il avait délivré à la requérante un permis de séjour permanent le 7 novembre 1996.

Réponse du requérant

Aucune

Décision du Comité

Il est mis fin à la procédure de suivi, étant donné que l’État partie s’est conformé à la décision du Comité.

Affaire

Tala, 43/1996

Nationalité et pays de renvoi, le cas échéant

Iranienne; Iran

Date d’adoption des constatations

15 novembre 1996

Questions soulevées et violations constatées

Renvoi − article 3

Mesures provisoires demandées et réponse de l’État partie

Demandées et acceptées par l’État partie

Mesure de réparation recommandée

L’État partie est tenu de s’abstenir de renvoyer de force M. Kaveh Yaragh Tala en Iran.

Date fixée pour la réponse de l’État partie

Néant

Date de la réponse

23 août 2005

Réponse de l’État partie

En réponse à la demande d’informations sur la suite donnée aux constatations du Comité qui lui avait été adressée le 25 mai 2005, l’État partie a fait savoir que le requérant avait obtenu un permis de séjour permanent le 18 février 1997.

Réponse du requérant

Aucune

Décision du Comité

Aucune autre mesure n’est nécessaire dans le cadre de la procédure de suivi, étant donné que l’État partie s’est conformé à la décision du Comité.

Affaire

Avedes Hamayak Korban, 88/1997

Nationalité et pays de renvoi, le cas échéant

Iraquienne; Iraq

Date d’adoption des constatations

16 novembre 1998

Questions soulevées et violations constatées

Renvoi − article 3

Mesures provisoires demandées et réponse de l’État partie

Demandées et acceptées par l’État partie

Mesure de réparation recommandée

L’État partie est tenu de s’abstenir de renvoyer de force le requérant en Iraq. Il est aussi tenu de s’abstenir de renvoyer de force le requérant en Jordanie d’où il risque d’être expulsé vers l’Iraq.

Date fixée pour la réponse de l’État partie

Néant

Date de la réponse

23 août 2005

Réponse de l’État partie

En réponse à la demande d’informations sur la suite donnée aux constatations qui lui avait été adressée le 25 mai 2005, l’État partie a fait savoir que le requérant avait obtenu un permis de séjour permanent le 18 février 1999.

Réponse du requérant

Aucune

Décision du Comité

Il est mis fin à la procédure de suivi, étant donné que l’État partie s’est conformé à la décision du Comité.

Affaire

Ali Falakaflaki, 89/1997

Nationalité et pays de renvoi, le cas échéant

Iranienne; Iran

Date d’adoption des constatations

8 mai 1998

Questions soulevées et violations constatées

Renvoi − article 3

Mesures provisoires demandées et réponse de l’État partie

Demandées et acceptées par l’État partie

Mesure de réparation recommandée

L’État partie est tenu de s’abstenir de renvoyer de force M. Ali Falakaflaki en République islamique d’Iran.

Date fixée pour la réponse de l’État partie

Néant

Date de la réponse

23 août 2005

Réponse de l’État partie

En réponse à la demande d’informations sur la suite donnée aux constatations du Comité qui lui avait été adressée le 25 mai 2005, l’État partie a fait savoir que le requérant avait obtenu un permis de séjour permanent le 17 juillet 1998.

Réponse du requérant

Aucune

Décision du Comité

Il est mis fin à la procédure de suivi, étant donné que l’État partie s’est conformé à la décision du Comité.

Affaire

Orhan Ayas, 97/1997

Nationalité et pays de renvoi, le cas échéant

Turque; Turquie

Date d’adoption des constatations

12 novembre 1998

Questions soulevées et violations constatées

Renvoi − article 3

Mesures provisoires demandées et réponse de l’État partie

Demandées et acceptées par l’État partie

Mesure de réparation recommandée

L’État partie est tenu de s’abstenir de renvoyer de force le requérant en Turquie ou dans tout autre pays d’où il risque d’être expulsé ou renvoyé en Turquie.

Date fixée pour la réponse de l’État partie

Néant

Date de la réponse

23 août 2005

Réponse de l’État partie

En réponse à la demande d’informations sur la suite donnée aux constatations qui lui avait été adressée le 25 mai 2005, l’État partie a fait savoir que le requérant avait obtenu un permis de séjour permanent le 8 juillet 1999.

Réponse du requérant

Aucune

Décision du Comité

Il est mis fin à la procédure de suivi, étant donné que l’État partie s’est conformé à la décision du Comité.

Affaire

Halil Haydin, 101/1997

Nationalité et pays de renvoi, le cas échéant

Turque; Turquie

Date d’adoption des constatations

20 novembre 1998

Questions soulevées et violations constatées

Renvoi − article 3

Mesures provisoires demandées et réponse de l’État partie

Demandées et acceptées par l’État partie

Mesure de réparation recommandée

L’État partie est tenu de s’abstenir de renvoyer de force le requérant en Turquie ou dans tout autre pays d’où il risque d’être expulsé ou renvoyé en Turquie.

Date fixée pour la réponse de l’État partie

Néant

Date de la réponse

23 août 2005

Réponse de l’État partie

En réponse à la demande d’informations sur la suite donnée aux constatations qui lui avait été adressée le 25 mai 2005, l’État partie a fait savoir que le requérant avait obtenu un permis de séjour permanent le 19 février 1999.

Réponse du requérant

Aucune

Décision du Comité

Il est mis fin à la procédure de suivi, étant donné que l’État partie s’est conformé à la décision du Comité.

Affaire

A. S., 149/1999

Nationalité et pays de renvoi, le cas échéant

Iranienne; Iran

Date d’adoption des constatations

24 novembre 2000

Questions soulevées et violations constatées

Renvoi − article 3

Mesures provisoires demandées et réponse de l’État partie

Demandées et acceptées par l’État partie

Mesure de réparation recommandée

L’État partie est tenu de s’abstenir de renvoyer de force le requérant en Iran ou dans tout autre pays d’où il risque d’être expulsé ou renvoyé en Iran.

Date fixée pour la réponse de l’État partie

Néant

Date de la réponse

22 février 2001

Réponse de l’État partie

L’État partie a informé le Comité que, le 30 janvier 2001, la Commission de recours des étrangers avait examiné une nouvelle demande de permis de séjour présentée par le requérant. La Commission avait décidé d’accorder au requérant un permis de séjour permanent en Suède et d’annuler l’arrêté d’expulsion. La Commission avait également accordé au fils de l’auteur un permis de séjour permanent.

Réponse du requérant

Aucune

Décision du Comité

Il est mis fin à la procédure de suivi, étant donné que l’État partie s’est conformé à la décision du Comité.

Affaire

Chedli Ben Ahmed Karoui, 185/2001

Nationalité et pays de renvoi, le cas échéant

Tunisienne; Tunisie

Date d’adoption des constatations

8 mai 2002

Questions soulevées et violations constatées

Renvoi − article 3

Mesures provisoires demandées et réponse de l’État partie

Demandées et acceptées par l’État partie

Mesure de réparation recommandée

Aucune

Date fixée pour la réponse de l’État partie

Néant

Date de la réponse

23 août 2005

Réponse de l’État partie

Aucune autre mesure de suivi n’est requise. Voir le premier rapport sur les activités de suivi (CAT/C/32/FU/1) dans lequel il était indiqué que, le 4 juin 2002, le Conseil des migrations avait annulé les arrêtés d’expulsion pris contre le requérant et sa famille et qu’un permis de séjour leur avait été accordé.

Réponse du requérant

Aucune

Décision du Comité

Il est mis fin à la procédure de suivi, étant donné que l’État partie s’est conformé à la décision du Comité.

Affaire

Tharina, 226/2003

Nationalité et pays de renvoi, le cas échéant

Bangladaise; Bangladesh

Date d’adoption des constatations

6 mai 2005

Questions soulevées et violations constatées

Renvoi − article 3

Mesures provisoires demandées et réponse de l’État partie

Demandées et acceptées par l’État partie

Mesure de réparation recommandée

Compte tenu des circonstances particulières de la cause, l’expulsion du requérant et de sa fille constituerait une violation de l’article 3 de la Convention. Le Comité souhaite être informé, dans un délai de 90 jours à compter de la date de la transmission de la présente décision, des mesures qui auront été prises pour donner suite à ses constatations.

Date fixée pour la réponse de l’État partie

15 août 2005

Date de la réponse

Néant

Réponse de l’État partie

Aucune

Réponse du requérant

Aucune

Affaire

Agiza, 233/2003

Nationalité et pays de renvoi, le cas échéant

Égyptienne; Égypte

Date d’adoption des constatations

20 mai 2005

Questions soulevées et violations constatées

Expulsion − double violation de l’article 3 (de fond et de procédure) et double violation de l’article 22

Mesures provisoires demandées et réponse de l’État partie

Aucune

Mesure de réparation recommandée

Conformément au paragraphe 5 de l’article 112 de son règlement intérieur, le Comité demande à l’État partie de l’informer, dans un délai de 90 jours à compter de la date de la transmission de la présente décision, des mesures qu’il aura prises comme suite aux constatations énoncées plus haut. L’État partie est aussi tenu d’éviter que des violations similaires se reproduisent à l’avenir.

Date fixée pour la réponse de l’État partie

20 août 2005

Date de la réponse

18 août 2005

Réponse de l’État partie

La décision du Comité a été portée à l’attention de plusieurs autorités indépendantes du pouvoir exécutif, notamment du directeur général de la Commission de recours des étrangers, ainsi qu’à celle du Conseil des migrations, de la police de la sécurité, de l’Ombudsman parlementaire et du Cabinet du Ministre de la justice. Le 16 juin 2005, les ambassades de Suède au Caire et à Washington ont reçu l’ordre d’informer les autorités compétentes en Égypte et aux États‑Unis de la décision du Comité. Ces instructions ont été exécutées en août 2005.

Le 26 mai 2005, le Gouvernement a déposé devant le Parlement un projet de loi visant à refondre la loi sur les étrangers et à apporter, en conséquence, des modifications à d’autres lois (projet de loi 2004/05:170 du Gouvernement). Le principal volet de la réforme est le remplacement de la Commission de recours des étrangers par trois tribunaux des migrations et une cour suprême des migrations. Le Parlement devrait adopter la loi au cours de l’automne de l’année en cours et l’ensemble de la réforme devrait devenir effective le 31 mars 2006. Dans le projet de réforme, les affaires sécuritaires sont définies comme celles dans lesquelles la police de la sécurité − pour des raisons de sécurité sectorielle ou générale − recommande d’interdire à un étranger l’entrée sur le territoire national, d’expulser cet étranger, de refuser de lui octroyer un permis de résidence ou de lui retirer son permis de résidence s’il en a déjà un. Selon le projet, le Conseil des migrations se prononce sur les affaires ayant trait à la sécurité en première instance. Un appel peut être interjeté auprès des autorités par l’étranger ainsi que par la police de la sécurité. La décision faisant l’objet d’un appel est renvoyée directement devant la Cour suprême des migrations qui rend un avis écrit à la suite d’une audience. Le dossier de l’affaire y compris l’avis de la Cour est ensuite transmis au Gouvernement pour décision. Si la Cour suprême des migrations parvient à la conclusion que l’ordre d’expulsion ne peut pas être appliqué, par exemple en raison d’un risque de torture, le Gouvernement peut décider de ne pas procéder à l’expulsion. En d’autres termes, l’avis de la Cour en la matière est contraignant pour le Gouvernement.

Dans le cadre de la réforme, un nouveau motif d’octroi d’un permis de séjour sera introduit. Ainsi, lorsqu’un organe international habilité à examiner des requêtes individuelles conclut qu’une décision de refoulement ou d’expulsion est contraire aux obligations conventionnelles de la Suède, l’étranger se verra délivrer un permis de séjour, à moins que des raisons impérieuses s’y opposent. L’étranger n’est pas tenu de faire une demande.

La Commission européenne a proposé l’adoption d’une directive sur les normes minimales applicables dans le cadre de la procédure d’octroi ou d’annulation du statut de réfugié. Pour cette raison, le Gouvernement a décidé le 11 août 2005 de charger le Ministre de la politique d’asile et de l’immigration de nommer un expert qui aurait pour tâche d’examiner la manière dont la directive pourrait être appliquée en Suède. Selon le Gouvernement, les affaires ayant trait à la sécurité ne sauraient être traitées de la même manière que les affaires ayant trait à l’asile. Ce point de vue est également exprimé dans le préambule du projet de directive. Or, le dispositif du projet de directive ne contient aucune disposition traitant particulièrement des affaires ayant trait à la sécurité. Il est donc nécessaire d’étudier la façon dont une procédure spéciale pour le traitement de telles affaires pourrait être instituée dans le cadre du projet de directive.

Activités menées au sein du Conseil de l’Europe

À la suite des événements du 11 septembre 2001, le Conseil de l’Europe a adopté, en juillet 2002, un ensemble de directives sur les droits de l’homme et la lutte contre le terrorisme. Il a aussi adopté cette année une série de directives sur la protection des victimes des actes terroristes. Comme suite à une réunion du Conseil tenue en juin 2005, la Suède a proposé d’entamer l’élaboration d’un instrument non contraignant qui réglementerait le recours aux assurances diplomatiques dans les affaires concernant les étrangers. Il a été souligné qu’un tel instrument n’aurait pas le même statut que les deux ensembles de directives du Conseil de l’Europe déjà en vigueur dans ce domaine dans la mesure où le recours aux assurances diplomatiques serait rare et qu’elles ne seraient utilisées − le cas échéant − que dans des circonstances exceptionnelles et lorsque l’on peut s’attendre à ce qu’elles produisent l’effet escompté. La proposition a été acceptée et une réunion sur la question a été programmée pour décembre 2005.

Enquête internationale avec l’assistance de l’Organisation des Nations Unies

Pour ce qui est des discussions concernant une éventuelle enquête internationale sous les auspices du Haut‑Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme, tout en comprenant les préoccupations de la Haut‑Commissaire, l’État partie se déclare déçu par le fait que cette dernière estime qu’elle n’est pas habilitée à compléter l’évaluation et les conclusions du Comité contre la torture dans cette affaire et s’est donc montrée réticente à entreprendre l’enquête proposée.

L’État partie a eu d’autres contacts avec les autorités égyptiennes, qui continuent de démentir les allégations de torture. L’Égypte n’a pas encore répondu à une proposition tendant à envoyer une commission d’enquête internationale sur place.

Commission parlementaire des affaires constitutionnelles

Dans sa lettre du 26 mai 2005 au Ministre suédois des affaires étrangères, la Haut‑Commissaire aux droits de l’homme a mentionné une enquête en cours menée par une commission parlementaire des affaires constitutionnelles. L’enquête avait été lancée en mai 2004 à l’initiative de cinq membres du Parlement qui avaient demandé que la Commission des affaires constitutionnelles examine la manière dont le Gouvernement avait agi dans cette affaire qui avait eu pour effet, entre autres, l’expulsion du requérant en Égypte. La Commission a demandé au Gouvernement de répondre par écrit à une série de questions. Le rapport de cette enquête est attendu pour septembre 2005 au plus tôt.

Question des poursuites pénales

Pour ce qui est des investigations menées par le Procureur, l’État partie informe le Comité qu’à la suite d’une plainte émanant d’un particulier un procureur de district en poste à Stockholm a décidé, le 18 juin 2004, de ne pas ouvrir une enquête préliminaire sur la question de savoir si une infraction pénale avait été commise dans le contexte de l’application de la décision du Gouvernement d’expulser le requérant. Le Procureur de district a pris cette décision parce que selon lui il n’y avait pas d’éléments permettant de conclure qu’une infraction pénale avait été commise dans le cadre de l’action publique par le représentant de la police suédoise au cours de l’application de l’arrêté d’expulsion. Le Procureur a renvoyé l’affaire au Procureur général au parquet de Stockholm, qui à son tour a estimé qu’il n’y avait pas matière à conclure qu’une infraction pénale avait été commise par le pilote de l’avion étranger. En outre, le Procureur général a décidé le 4 avril 2005 de ne pas reprendre l’enquête préliminaire demandée dans une plainte émanant du Comité Helsinki pour les droits de l’homme. La conclusion était qu’il n’était pas possible de revoir la décision de l’Ombudsman parlementaire de ne pas utiliser son pouvoir d’entamer des poursuites. Il était aussi peu probable que le Procureur général examine de nouveau la question de savoir s’il convient d’ouvrir une enquête pénale préliminaire ou de reprendre une telle enquête alors que la question avait déjà été tranchée par l’Ombudsman parlementaire.

Surveillance continue assurée par l’ambassade de Suède au Caire

Depuis que le Gouvernement a informé le Comité des visites effectuées par l’ambassade de Suède au Caire en vue de surveiller la situation du requérant (observations du 11 mars 2005), il y a eu trois autres visites, au cours desquelles le requérant a notamment indiqué qu’il continuait d’être traité correctement en prison et que rien n’avait changé à ce propos. Le personnel de l’ambassade a jusqu’à présent rendu visite 32 fois au requérant dans la prison où il est détenu. Il est prévu de continuer de lui rendre régulièrement visite.

Réponse du requérant

Aucune

État partie

SUISSE

Affaire

Mutombo, 13/1993

Nationalité et pays de renvoi, le cas échéant

Zaïroise; Zaïre

Date d’adoption des constatations

27 avril 1994

Questions soulevées et violations constatées

Renvoi − article 3

Mesures provisoires demandées et réponse de l’État partie

Demandées et acceptées par l’État partie

Mesure de réparation recommandée

L’État partie est tenu de s’abstenir d’expulser M. Mutombo au Zaïre ou vers tout autre pays où il risque d’être expulsé ou renvoyé au Zaïre ou d’être soumis à la torture.

Date fixée pour la réponse de l’État partie

Néant

Date de la réponse

25 mai 2005

Réponse de l’État partie

En réponse à une demande d’informations sur la suite donnée à la décision du Comité qui lui avait été adressée le 25 mars 2005, l’État partie a fait savoir qu’en raison du caractère illégal de la décision de renvoi le requérant avait obtenu un visa temporaire le 21 juin 1994. Par la suite, ayant épousé une femme de nationalité suisse, il s’était vu délivrer un permis de séjour le 20 juin 1997.

Réponse du requérant

Aucune

Décision du Comité

Il est mis fin à la procédure de suivi, étant donné que l’État partie s’est conformé à la décision du Comité.

Affaire

Alan, 21/1995

Nationalité et pays de renvoi, le cas échéant

Turque; Turquie

Date d’adoption des constatations

8 mai 1996

Questions soulevées et violations constatées

Renvoi − article 3

Mesures provisoires demandées et réponse de l’État partie

Demandées et acceptées par l’État partie

Mesure de réparation recommandée

L’État partie est tenu de s’abstenir de renvoyer de force M. Ismail Alan en Turquie.

Date fixée pour la réponse de l’État partie

Néant

Date de la réponse

25 mai 2005

Réponse de l’État partie

En réponse à la demande d’informations concernant le suivi qui lui avait été adressée par le Comité le 25 mars 2005, l’État partie a informé ce dernier que le requérant avait obtenu l’asile en application d’une décision prise le 14 janvier 1999.

Réponse du requérant

Aucune

Décision du Comité

Il est mis fin à la procédure de suivi, étant donné que l’État partie s’est conformé à la décision du Comité.

Affaire

Aemei, 34/1995

Nationalité et pays de renvoi, le cas échéant

Iranienne; Iran

Date d’adoption des constatations

29 mai 1997

Questions soulevées et violations constatées

Renvoi − article 3

Mesures provisoires demandées et réponse de l’État partie

Demandées et acceptées par l’État partie

Mesure de réparation recommandée

L’État partie est tenu de s’abstenir de renvoyer de force le requérant (et sa famille) en Iran ou dans tout autre pays où ils courent un risque réel d’être expulsés ou renvoyés en Iran.

La constatation d’une violation de l’article 3 de la Convention par le Comité n’affecte en aucune manière la ou les décisions des autorités nationales compétentes d’octroyer ou de refuser l’asile. La constatation d’une violation de l’article 3 de la Convention a un caractère déclaratoire. L’État partie n’est pas, par conséquent, tenu de modifier sa ou ses décisions quant à l’octroi de l’asile; il lui appartient par contre de rechercher des solutions qui lui permettront de prendre toutes mesures utiles pour se conformer aux dispositions de l’article 3 de la Convention. Ces solutions pourront être non seulement de nature juridique (par exemple, admission provisoire du requérant) mais également de nature politique (par exemple, recherche d’un État tiers prêt à accueillir le requérant sur son territoire et s’engageant à ne pas le refuser ou l’expulser à son tour).

Date fixée pour la réponse de l’État partie

Néant

Date de la réponse

25 mai 2005

Réponse de l’État partie

En réponse à la demande d’informations sur les mesures de suivi qui lui avait été adressée le 25 mars 2005, l’État partie a fait savoir que les requérants avaient été admis en tant que réfugiés le 8 juillet 1997. Le 5 juin 2003, ils avaient obtenu des permis de séjour pour des raisons humanitaires. De ce fait, M. Aemei avait renoncé au statut de réfugié à la même date. Un de ses enfants avait acquis la nationalité suisse.

Réponse du requérant

Aucune

Décision du Comité

Il est mis fin à la procédure de suivi, étant donné que l’État partie s’est conformé à la décision du Comité.

État partie

TUNISIE

Affaire

M’Barek, 60/1996

Nationalité et pays de renvoi, le cas échéant

Tunisienne

Date d’adoption des constatations

10 novembre 2004

Questions soulevées et violations constatées

Absence d’enquête − articles 12 et 13

Mesures provisoires demandées et réponse de l’État partie

Aucune

Mesure de réparation recommandée

Le Comité invite l’État partie à l’informer, dans un délai de 90 jours, des mesures qu’il aura prises en réponse à ses observations.

Date fixée pour la réponse de l’État partie

22 février 2000

Date de la réponse

15 avril 2002

Réponse de l’État partie

En cours

Voir le premier rapport sur les activités de suivi (CAT/C/32/FU/1). L’État partie a contesté la décision du Comité. À sa trente‑troisième session, le Comité a recommandé au Rapporteur spécial d’organiser une réunion avec un représentant de l’État partie.

Réponse du requérant

Aucune

Consultations avec l’État partie

Voir plus loin rubrique sur les consultations avec l’Ambassadeur de Tunisie en date du 25 novembre 2005.

Affaire

Thabti, Abdelli, Ltaief, 187/2001, 188/2001 et 189/2001

Nationalité et pays de renvoi, le cas échéant

Tunisienne

Date d’adoption des constatations

20 novembre 2003

Questions soulevées et violations constatées

Absence d’enquête − articles 12 et 13

Mesures provisoires demandées et réponse de l’État partie

Aucune

Mesure de réparation recommandée

Enquêter sur les allégations de torture et de mauvais traitements du requérant et informer le Comité, dans un délai de 90 jours à compter de la date de la transmission de la décision, des mesures prises en réponse aux constatations du Comité.

Date fixée pour la réponse de l’État partie

23 février 2004

Date de la réponse

16 mars 2004 et 26 avril 2006

Réponse de l’État partie

En cours

Voir le premier rapport sur les activités de suivi (CAT/C/32/FU/1). Le 16 mars 2004, l’État partie a contesté la décision du Comité. À sa trente‑troisième session, le Comité a demandé au Rapporteur spécial d’organiser une réunion avec un représentant de l’État partie. Un entretien a eu lieu et est résumé ci‑après.

Le 26 avril 2006, l’État partie a envoyé une réponse complémentaire. Il indiquait qu’en date du 31 mai 2005 un des requérants (requête no 189/2001) avait «retiré» sa requête, ce qui selon l’État partie jetait un doute sur les motifs réels des auteurs des trois autres requêtes (nos 187/2001, 188/2001 et 189/2001). L’État partie réaffirme ses précédents arguments et fait valoir que le retrait de la requête du requérant corrobore son affirmation selon laquelle la requête représente un abus de procédure, les auteurs n’ayant pas épuisé les recours internes, et que l’ONG qui représente les requérants n’est pas de bonne foi.

Réponse du requérant

Un des requérants (requête no 189/2001) a adressé au secrétariat une lettre datée du 31 mai 2005 dans laquelle il demande que son cas soit «classé» et joint une lettre par laquelle il renonce au statut de réfugié en Suisse.

Consultations avec l’État partie

Le 25 novembre 2005, le Rapporteur spécial chargé du suivi s’est entretenu avec l’Ambassadeur de Tunisie à propos des affaires nos 187/2001, 188/2001 et 189/2001. Le Rapporteur a expliqué la procédure de suivi. L’Ambassadeur a mentionné une lettre datée du 31 mai 2005, envoyée au Haut‑Commissariat aux droits de l’homme par M. Ltaief Bouabdallah, auteur de la requête no 189/2001. Dans cette lettre, le requérant affirme vouloir «retirer» sa requête et joint une lettre par laquelle il renonce au statut de réfugié en Suisse. L’Ambassadeur a déclaré que l’auteur avait contacté l’ambassade pour obtenir un passeport et qu’il s’employait à épuiser les recours internes en Tunisie. Il continue de résider en Suisse, les autorités de ce pays l’ayant autorisé à y demeurer bien qu’il ait renoncé au statut de réfugié. Pour ce qui est des deux autres affaires, le Rapporteur a expliqué que chaque cas serait traité séparément et que le Comité avait demandé que des enquêtes soient effectuées. L’Ambassadeur a demandé au Comité pourquoi il avait jugé approprié d’examiner le fond de l’affaire alors que l’État partie était d’avis que les recours internes n’avaient pas été épuisés. Le Rapporteur a expliqué que le Comité avait estimé que les mesures mentionnées par l’État partie n’étaient pas efficaces comme le montre le fait qu’il n’y a eu aucune enquête sur ces affaires plus de 10 ans après que les allégations eurent été formulées.

L’Ambassadeur a confirmé qu’il transmettrait les préoccupations du Comité et sa demande d’enquête sur les requêtes nos 187/2001 et 188/2001 à l’État partie et tiendrait le Comité au courant de toute mesure qui serait prise.

État partie

VENEZUELA

Affaire

Chipana, 110/1998

Nationalité et pays de renvoi, le cas échéant

Péruvienne; Pérou

Date d’adoption des constatations

10 novembre 1998

Questions soulevées et violations constatées

L’extradition du requérant vers le Pérou a constitué une violation de l’article 3.

Mesures provisoires demandées et réponse de l’État partie

Demandées, mais refusées par l’État partie

Mesure de réparation recommandée

Aucune

Date fixée pour la réponse de l’État partie

7 mars 1999

Date de la réponse

Dernière réponse en date du 9 novembre 2005

Réponse de l’État partie

Le 13 juin 2001 (voir le rapport de situation présenté à la trente‑quatrième session), l’État partie a rendu compte des conditions de détention de la requérante dans la prison de Chorillos à Lima. Le 23 novembre 2000, l’Ambassadeur du Venezuela au Pérou et des représentants de l’administration péruvienne avaient rendu visite à la requérante en prison. L’équipe, qui s’était entretenue avec la requérante pendant 50 minutes, avait appris que celle‑ci n’avait été soumise à aucun mauvais traitement physique ou psychologique. L’équipe avait constaté que la détenue semblait en bonne santé. Elle avait été transférée en septembre 2000 du quartier de sécurité maximale au quartier de «sécurité moyenne spéciale» où elle bénéficiait de privilèges supplémentaires tels qu’une heure supplémentaire de visite, deux heures quotidiennes de promenade et la possibilité de travailler et d’avoir des activités éducatives.

Par une note verbale datée du 18 octobre 2001, l’État partie a transmis un deuxième rapport, daté du 27 août 2001, établi par le Défenseur du peuple, sur les conditions de détention de la requérante. Il rendait compte d’une visite effectuée auprès de la requérante en prison le 14 juin 2001 par un membre de l’ambassade du Venezuela au Pérou et par un responsable de l’administration pénitentiaire péruvienne. La requérante avait indiqué que ses conditions de détention s’étaient améliorées et qu’elle pouvait voir sa famille plus souvent. Elle envisageait de faire appel de la sentence. D’après le Défenseur du peuple, la requérante avait été transférée du quartier de «sécurité moyenne spéciale» au quartier de «sécurité moyenne» où le régime était plus favorable. En outre, depuis le 4 décembre 2000, toutes les prisons de haute sécurité du pays appliquaient un nouveau régime: 1) Visites: suppression des boxes. Les visites de la famille ou d’amis ne faisaient l’objet d’aucune restriction. 2) Médias: l’accès à tous les médias ne faisait plus l’objet de la moindre restriction. 3) Avocats: ils pouvaient visiter leurs clients quatre fois par semaine sans restriction. 4) Cour intérieure: liberté de circulation jusqu’à 22 heures. Le Défenseur concluait que la requérante bénéficiait de conditions de détention plus souples du fait de sa situation personnelle et du nouveau régime en vigueur. En outre, son état de santé était satisfaisant même si elle souffrait d’une dépression. Elle n’avait été soumise à aucun mauvais traitement physique ou psychologique, recevait la visite de sa famille chaque semaine et participait à des activités professionnelles et éducatives en prison.

Le 9 décembre 2005, l’État partie informait le Comité que le 23 novembre 2005 des membres de l’ambassade du Venezuela au Pérou avaient rendu visite à Mme Nuñez Chipana dans la prison de haute sécurité pour femmes de Chorrillos à Lima. Selon la note, les autorités vénézuéliennes s’employaient à empêcher que la requérante ne soit condamnée à mort, à la réclusion à perpétuité ou à une peine de plus de 30 ans d’emprisonnement ou soumise à la torture ou à des mauvais traitements. Dans ses discussions avec les membres de l’ambassade, la requérante avait regretté que les autorités péruviennes de Chorrillos aient refusé d’autoriser son frère qui était venu du Venezuela à lui rendre visite. Elle avait indiqué qu’elle bénéficiait de soins médicaux, qu’elle pouvait recevoir des visites de son fils et qu’elle était soumise à un régime pénitentiaire qui imposait le minimum de restrictions aux détenus. Elle avait ajouté qu’elle avait reçu tous les six mois des visites de membres de l’ambassade du Venezuela au Pérou. L’État partie fait observer que la situation au Pérou avait changé depuis que le Comité avait pris sa décision. Il n’y avait plus de pratique systématique de la torture, et le Gouvernement s’employait à dédommager les victimes des violations des droits de l’homme commises par l’ancien régime. La requérante avait reçu des visites régulières et n’avait pas été victime de tortures ni de mauvais traitements. L’État partie a estimé qu’il s’était acquitté de l’obligation d’assurer, en exerçant sa surveillance, que la requérante ne fasse pas l’objet d’un traitement ou d’une peine contraires à la Convention.

Le Gouvernement a considéré également qu’il avait appliqué la recommandation tendant à ce que des violations similaires soient évitées à l’avenir. Il a informé le Comité que, depuis l’adoption de la loi sur les réfugiés en 2001, la nouvelle Commission nationale pour les réfugiés examinait dans les règles toutes les demandes d’asile ainsi que les dossiers d’expulsion.

Le Gouvernement a demandé au Comité de déclarer qu’il s’était conformé aux recommandations du Comité et de le décharger de l’obligation de surveiller la situation de la requérante au Pérou.

Réponse du requérant

Aucune

Requêtes pour lesquelles le Comité n’a constaté aucune violation de la Convention mais a demandé des renseignements complémentaires (jusqu’à la trente ‑sixième session)

État partie

ALLEMAGNE

Affaire

M. A. K., 214/2002

Nationalité et pays de renvoi, le cas échéant

Turque; Turquie

Date d’adoption des constatations

12 mai 2004

Questions soulevées et violations constatées

Aucune violation

Mesures provisoires demandées et réponse de l’État partie

Demandées et acceptées par l’État partie. Demande de l’État partie de retirer la demande de mesures provisoires rejetée par le Rapporteur spécial chargé des nouvelles communications.

Mesure de réparation recommandée

Le Comité n’a constaté aucune violation de la Convention; il a noté avec satisfaction que l’État partie était prêt à surveiller la situation du requérant quand celui‑ci serait de retour en Turquie et a demandé à l’État partie de l’en tenir informé.

Date fixée pour la réponse de l’État partie

Néant

Date de la réponse

20 décembre 2004

Réponse de l’État partie

L’État partie a informé le Comité que le requérant avait accepté de quitter de son plein gré le territoire allemand en juillet 2004 et que, dans une lettre datée du 28 juin 2004, son avocat avait indiqué qu’il partirait le 2 juillet 2004. Dans la même lettre, ainsi que lors d’une conversation téléphonique en date du 27 septembre 2004, son avocat avait déclaré que le requérant ne souhaitait pas être suivi par l’État partie en Turquie mais demanderait son assistance uniquement en cas d’arrestation. L’État partie ne juge donc pas nécessaire de déployer à ce stade d’autres efforts pour surveiller la situation.

Réponse du requérant

Aucune

Décision du Comité

Il est mis fin à la procédure de suivi.

VII. SESSIONS FUTURES DU COMITÉ

80.Conformément à l’article 2 de son règlement intérieur, le Comité tient deux sessions ordinaires par an. En consultation avec le Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies, le Comité a arrêté les dates ci‑après pour ses sessions ordinaires de l’exercice biennal 2006‑2007:

Quarantième session

5‑23 mai 2008

Quarante et unième session

10‑28 novembre 2008

Quarante‑deuxième session

4‑22 mai 2009

Quarante‑troisième session

9‑27 novembre 2009

81.Le Comité a demandé plus de temps de réunion, comme il était indiqué au paragraphe 14 du document A/59/44. Les incidences sur le budget‑programme sont exposées à l’annexe VII du présent rapport.

82.Depuis 1995, le Comité a reçu 173 rapports, soit en moyenne 16 rapports par an. Au cours de la même période, il a examiné en moyenne 13 rapports par an et au total 149 rapports. Cela signifie qu’au 19 mai 2006, date de la clôture de la trente‑sixième session, il y avait 30 rapports en attente. En 1995, 88 pays étaient parties à la Convention contre la torture. En 2006, il y en a 141 ce qui représente un accroissement de 62 % et il n’y a pas eu d’augmentation du nombre de séances plénières allouées au Comité.

83.Deux questions interdépendantes doivent être examinées. La première est l’importance qu’il y a à donner au Comité suffisamment de temps de réunion pour qu’il puisse accomplir son travail efficacement et la deuxième est les moyens de faciliter l’examen des 30 rapports en souffrance.

84.En ce qui concerne la première question, le Comité peut régler le problème de la charge de travail à venir en tenant deux sessions de trois semaines par an, ce qui lui permettrait d’examiner 16 rapports par an environ, c’est‑à‑dire le nombre qu’il reçoit chaque année, et il n’accumulerait pas de retard (voir annexe VII).

85.La deuxième question concerne la nécessité impérieuse de s’occuper de l’arriéré actuel qui est de 30 rapports, accumulés sur deux ans; cela signifie que les rapports soumis au Comité en juin 2006 ne seraient pas examinés avant mai 2009. Le Comité estime qu’il pourrait absorber ces rapports s’il était autorisé à tenir à titre exceptionnel une session supplémentaire pendant l’exercice biennal 2008‑2009. La troisième session (exceptionnelle) en 2008 et en 2009 serait consacrée exclusivement à l’examen des rapports des États parties. Le Comité serait en mesure d’examiner 10 rapports par session extraordinaire.

VIII. ADOPTION DU RAPPORT ANNUEL DU COMITÉ SUR SES ACTIVITÉS

86.Conformément à l’article 24 de la Convention, le Comité soumet aux États parties et à l’Assemblée générale un rapport annuel sur ses activités. Étant donné que le Comité tient chaque année sa seconde session ordinaire à la fin du mois de novembre, période qui coïncide avec les sessions ordinaires de l’Assemblée générale, il adopte son rapport annuel à la fin de sa session de printemps, de façon à pouvoir le transmettre à l’Assemblée générale pendant la même année civile. En conséquence, à sa 722e séance, le 18 mai 2006, le Comité a examiné et a adopté à l’unanimité son rapport sur ses travaux à ses trente‑cinquième et trente‑sixième sessions.

Annexe I

LISTE DES ÉTATS AYANT SIGNÉ OU RATIFIÉ LA CONVENTION CONTRE LA TORTURE ET AUTRES PEINES OU TRAITEMENTS CRUELS, INHUMAINS

OU DÉGRADANTS, OU Y AYANT ADHÉRÉ, AU 19 MAI 2006

État

Date de la signature

Date de réception des instruments de ratification, d’adhésion ou de succession

Afghanistan

4 février 1985

1er avril 1987

Afrique du Sud

29 janvier 1993

10 décembre 1998

Albanie

11 mai 1994 a

Algérie

26 novembre 1985

12 septembre 1989

Allemagne

13 octobre 1986

1er octobre 1990

Andorre

5 août 2002

Antigua-et-Barbuda

19 juillet 1993 a

Arabie saoudite

23 septembre 1997 a

Argentine

4 février 1985

24 septembre 1986

Arménie

13 septembre 1993 a

Australie

10 décembre 1985

8 août 1989

Autriche

14 mars 1985

29 juillet 1987

Azerbaïdjan

16 août 1996 a

Bahreïn

6 mars 1998 a

Bangladesh

5 octobre 1998 a

Bélarus

19 décembre 1985

13 mars 1987

Belgique

4 février 1985

25 juin 1999

Belize

17 mars 1986 a

Bénin

12 mars 1992 a

Bolivie

4 février 1985

12 avril 1999

Bosnie‑Herzégovine

1er septembre 1993 b

Botswana

8 septembre 2000

8 septembre 2000

Brésil

23 septembre 1985

28 septembre 1989

Bulgarie

10 juin 1986

16 décembre 1986

Burkina Faso

4 janvier 1999 a

Burundi

18 février 1993 a

Cambodge

15 octobre 1992 a

Cameroun

19 décembre 1986 a

Canada

23 août 1985

24 juin 1987

Cap‑Vert

4 juin 1992 a

Chili

23 septembre 1987

30 septembre 1988

Chine

12 décembre 1986

4 octobre 1988

Chypre

9 octobre 1985

18 juillet 1991

Colombie

10 avril 1985

8 décembre 1987

Comores

22 septembre 2000

Congo

30 juillet 2003 a

Costa Rica

4 février 1985

11 novembre 1993

Côte d’Ivoire

18 décembre 1995 a

Croatie

12 octobre 1992 b

Cuba

27 janvier 1986

17 mai 1995

Danemark

4 février 1985

27 mai 1987

Djibouti

5 novembre 2002 a

Égypte

25 juin 1986 a

El Salvador

17 juin 1996 a

Équateur

4 février 1985

30 mars 1988

Espagne

4 février 1985

21 octobre 1987

Estonie

21 octobre 1991 a

États‑Unis d’Amérique

18 avril 1988

21 octobre 1994

Éthiopie

14 mars 1994 a

ex‑République yougoslave de Macédoine

12 décembre 1994 b

Fédération de Russie

10 décembre 1985

3 mars 1987

Finlande

4 février 1985

30 août 1989

France

4 février 1985

18 février 1986

Gabon

21 janvier 1986

8 septembre 2000

Gambie

23 octobre 1985

Géorgie

26 octobre 1994 a

Ghana

7 septembre 2000

7 septembre 2000

Grèce

4 février 1985

6 octobre 1988

Guatemala

5 janvier 1990 a

Guinée

30 mai 1986

10 octobre 1989

Guinée‑Bissau

12 septembre 2000

Guinée équatoriale

8 octobre2002 a

Guyana

25 janvier 1988

19 mai 1988

Honduras

5 décembre 1996 a

Hongrie

28 novembre 1986

15 avril 1987

Inde

14 octobre 1997

Indonésie

23 octobre 1985

28 octobre 1998

Irlande

28 septembre 1992

11 avril 2002

Islande 

4 février 1985

23 octobre 1996

Israël

22 octobre 1986

3 octobre 1991

Italie

4 février 1985

12 janvier 1989

Jamahiriya arabe libyenne

16 mai 1989 a

Japon

29 juin 1999 a

Jordanie

13 novembre 1991 a

Kazakhstan

26 août 1998

Kenya

21 février 1997 a

Kirghizistan

5 septembre 1997 a

Koweït

8 mars 1996 a

Lesotho

12 novembre 2001 a

Lettonie

14 avril 1992 a

Liban

5 octobre 2000 a

Libéria

22 septembre 2004a

Liechtenstein

27 juin 1985

2 novembre 1990

Lituanie

1er février 1996 a

Luxembourg

22 février 1985

29 septembre 1987

Madagascar

1er octobre 2001

Malawi

11 juin 1996 a

Maldives

20 avril 2004 a

Mali

26 février 1999 a

Malte

13 septembre 1990 a

Maroc

8 janvier 1986

21 juin 1993

Maurice

18 mars 1985

9 décembre 1992 a

Mauritanie

17 novembre 2004a

Mexique

23 janvier 1986

Monaco

6 décembre 1991 a

Mongolie

24 janvier 2002 a

Mozambique

14 septembre 1999 a

Namibie

28 novembre 1994 a

Nauru

12 novembre 2001

Népal

14 mai 1991 a

Nicaragua

15 avril 1985

Niger

5 octobre 1998 a

Nigéria

28 juillet 1988

28 juin 2001

Norvège

4 février 1985

9 juillet 1986

Nouvelle‑Zélande

14 janvier 1986

10 décembre 1989

Ouganda

3 novembre 1986 a

Ouzbékistan

28 septembre 1995 a

Panama

22 février 1985

24 août 1987

Paraguay

23 octobre 1989

12 mars 1990

Pays‑Bas

4 février 1985

21 décembre 1988

Pérou

29 mai 1985

7 juillet 1988

Philippines

18 juin 1986 a

Pologne

13 janvier 1986

26 juillet 1989

Portugal

4 février 1985

9 février 1989

Qatar

11 janvier 2000 a

République arabe syrienne

19 août 2004a

République de Corée

9 janvier 1995 a

République démocratique du Congo

18 mars 1996 a

République de Moldova

28 novembre 1995 a

République dominicaine

4 février 1985

République tchèque

22 février 1993 b

Roumanie

18 décembre 1990 a

Royaume-Uni de Grande-Bretagne

et d’Irlande du Nord

15 mars 1985

8 décembre 1988

Saint-Marin

18 septembre 2002

Saint‑Siège

26 juin2002 a

Saint-Vincent‑et‑les Grenadines

1er août 2001 a

Sao Tomé‑et‑Principe

6 septembre 2000

Sénégal

4 février 1985

21 août 1986

Serbie‑et‑Monténégro

12 mars 2001 b

Seychelles

5 mai 1992 a

Sierra Leone

18 mars 1985

25 avril 2001

Slovaquie

28 mai 1993 b

Slovénie

16 juillet 1993 a

Somalie

24 janvier 1990 a

Soudan

4 juin 1986

Sri Lanka

3 janvier 1994 a

Suède

4 février 1985

8 janvier 1986

Suisse

4 février 1985

2 décembre 1986

Swaziland

26 mars 2004 a

Tadjikistan

11 janvier 1995 a

Tchad

9 juin 1995 a

Timor-Leste

16 avril 2003 a

Togo

25 mars 1987

18 novembre 1987

Tunisie

26 août 1987

23 septembre 1988

Turkménistan

25 juin 1999 a

Turquie

25 janvier 1988

2 août 1988

Ukraine

27 février 1986

24 février 1987

Uruguay

4 février 1985

24 octobre 1986

Venezuela(République bolivarienne du)

15 février 1985

29 juillet 1991

Yémen

5 novembre 1991 a

Zambie

7 octobre 1998 a

Notes

Annexe II

ÉTATS PARTIES AYANT DÉCLARÉ, LORS DE LA RATIFICATION OU DE L’ADHÉSION, NE PAS RECONNAÎTRE LA COMPÉTENCE DU COMITÉ EN APPLICATION DE L’ARTICLE 20 DE LA CONVENTION,

AU 19 MAI 2006

Afghanistan

Arabie saoudite

Chine

Guinée équatoriale

Israël

Koweït

Maroc

Mauritanie

Pologne

République arabe syrienne

Annexe III

ÉTATS PARTIES AYANT FAIT LES DÉCLARATIONS PRÉVUES AUX ARTICLES 21 ET 22 DE LA CONVENTION, AU 19 MAI 2006

État partie

Date d’entrée en vigueur

Afrique du Sud

10 décembre 1998

Algérie

12 octobre 1989

Allemagne

19 octobre 2001

Argentine

26 juin 1987

Australie

29 janvier 1993

Autriche

28 août 1987

Belgique

25 juillet 1999

Bosnie-Herzégovine

4 juin 2003

Bulgarie

12 juin 1993

Cameroun

11 novembre 2000

Canada

24 juillet 1987

Chili

15 mars 2004

Chypre

8 avril 1993

Costa Rica

27 février 2002

Croatie

8 octobre 1991

Danemark

26 juin 1987

Équateur

29 avril 1988

Espagne

20 novembre 1987

Fédération de Russie

1er octobre 1991

Finlande

29 septembre 1989

France

26 juin 1987

Ghana

7 octobre 2000

Grèce

5 novembre 1988

Hongrie

26 juin 1987

Irlande

11 avril 2002

Islande

22 novembre 1996

Italie

11 février 1989

Liechtenstein

2 décembre 1990

Luxembourg

29 octobre 1987

Malte

13 octobre 1990

Monaco

6 janvier 1992

Norvège

26 juin 1987

Nouvelle-Zélande

9 janvier 1990

Paraguay

29 mai 2002

Pays-Bas

20 janvier 1989

Pérou

7 juillet 1988

Pologne

12 juin 1993

Portugal

11 mars 1989

République tchèque

3 septembre 1996

Sénégal

16 octobre 1996

Serbie‑et‑Monténégro

12 mars 2001

Slovaquie

17 avril 1995

Slovénie

16 juillet 1993

Suède

26 juin 1987

Suisse

26 juin 1987

Togo

18 décembre 1987

Tunisie

23 octobre 1988

Turquie

1er septembre 1988

Ukraine

12 septembre 2003

Uruguay

26 juin 1987

Venezuela

26 avril 1994

États parties ayant fait uniquement la déclaration prévue à l’article 21 de la Convention, au 19 mai 2006

États‑Unis d’Amérique

21 octobre 1994

Japon

29 juin 1999

Ouganda

19 décembre 2001

Royaume-Uni de Grande-Bretagneet d’Irlande du Nord

8 décembre 1988

États parties ayant fait uniquement la déclaration prévue à l’article 22 de la Convention, au 19 mai 2006

Azerbaïdjan

4 février 2002

Burundi

10 juin 2003

Guatemala

25 septembre 2003

Mexique

15 mars 2002

Seychelles

6 août 2001

Notes

Annexe IV

COMPOSITION DU COMITÉ CONTRE LA TORTURE EN 2006

Membres

Pays de nationalité

Mandat expirantle 31 décembre

Mme Saadia BELMIR

Maroc

2009

M. Guibril CAMARA

Sénégal

2007

Mme Felice GAER

États‑Unis d’Amérique

2007

M. Claudio GROSSMAN

Chili

2007

M. Fernando MARIÑO MENÉNDEZ

Espagne

2009

M. Andreas MAVROMMATIS

Chypre

2007

M. Julio PRADO VALLEJO

Équateur

2007*

Mme Nora SVEAASS

Norvège

2009

M. Alexander KOVALEV

Fédération de Russie

2009

M. Xuexian WANG

Chine

2009

Note

Annexe V

RAPPORTS EN RETARD

État partie

Date à laquelle le rapport était attendu

Rapports initiaux

Guinée

8 novembre 1990

Somalie

22 février 1991

Seychelles

3 juin 1993

Cap‑Vert

3 juillet 1993

Antigua‑et‑Barbuda

17 août 1994

Éthiopie

12 avril 1995

Tchad

7 juillet 1996

Côte d’Ivoire

16 janvier 1997

Malawi

10 juillet 1997

Honduras

3 janvier 1998

Kenya

22 mars 1998

Bangladesh

3 novembre 1999

Niger

3 novembre 1999

Burkina Faso

2 février 2000

Mali

27 mars 2000

Turkménistan

25 juillet 2000

Mozambique

14 octobre 2000

Ghana

6 octobre 2001

Botswana

7 octobre 2001

Gabon

7 octobre 2001

Liban

3 novembre 2001

Sierra Leone

24 mai 2002

Nigéria

27 juillet 2002

Saint‑Vincent‑et‑les Grenadines

30 août 2002

Lesotho

11 décembre 2002

Mongolie

22 février 2003

Irlande

10 mai 2003

Saint-Siège

25 juillet 2003

Guinée équatoriale

6 novembre 2003

Djibouti

5 décembre 2003

Timor‑Leste

15 mai 2004

Congo

18 août 2004

Libéria

22 octobre 2005

Deuxièmes rapports périodiques

Afghanistan

25 juin 1992

Belize

25 juin 1992

Ouganda

25 juin 1992 [25 juin 2008] *

Philippines

25 juin 1992

Togo

17 décembre 1992

Guyana

17 juin 1993

Brésil

27 octobre 1994

Guinée

8 novembre 1994

Somalie

22 février 1995

Roumanie

16 janvier 1996

Serbie‑et‑Monténégro

9 octobre 1996

Yémen

4 décembre 1996

Jordanie

12 décembre 1996

Bosnie‑Herzégovine

5 mars 1997 [5 mars 2009]*

Seychelles

3 juin 1997

Cap‑Vert

3 juillet 1997

Cambodge

13 novembre 1997

Slovaquie

27 mai 1998

Antigua-et-Barbuda

17 août 1998

Costa Rica

10 décembre 1998

Éthiopie

12 avril 1999

Albanie

9 juin 1999 [9 juin 2007] *

ex‑République yougoslave de Macédoine

11 décembre 1999

Namibie

27 décembre 1999

Tadjikistan

9 février 2000

Cuba

15 juin 2000

Tchad

8 juillet 2000

République de Moldova

27 décembre 2000 [27 décembre 2007] *

Côte d’Ivoire

16 janvier 2001

République démocratique du Congo

16 avril 2001 [16 avril 2009] *

El Salvador

16 juillet 2001

Lituanie

1er mars 2001

Koweït

6 avril 2001

Malawi

10 juillet 2001

Honduras

3 janvier 2002

Kenya

22 mars 2002

Kirghizistan

4 septembre 2002

Arabie saoudite

21 octobre 2002

Afrique du Sud

8 janvier 2003

Bahreïn

4 avril 2003 [avril 2007] *

Kazakhstan

24 septembre 2003

Bangladesh

3 novembre 2003

Niger

3 novembre 2003

Burkina Faso

2 février 2004

Mali

27 mars 2004

Bolivie

11 mai 2004

Turkménistan

24 juillet 2004

Belgique

25 juillet 2004

Japon

29 juillet 2004

Mozambique

13 octobre 2004

Qatar

9 février 2005

Ghana

6 octobre 2005

Botswana

7 octobre 2005

Gabon

7 octobre 2005

Liban

3 novembre 2005

Troisièmes rapports périodiques

Afghanistan

25 juin 1996

Belize

25 juin 1996

Ouganda

25 juin 1996

Philippines

25 juin 1996

Sénégal

25 juin 1996

Uruguay

25 juin 1996

Togo

17 décembre 1996

Guyana

17 juin 1997

Turquie

31 août 1997 [31 août 2005] *

Tunisie

22 octobre 1997 [30 novembre 1999] *

Jamahiriya arabe libyenne

14 juin 1998

Algérie

11 octobre 1998

Brésil

27 octobre 1998

Guinée

8 novembre 1998

Somalie

22 février 1999

Malte

12 octobre 1999 [30 novembre 2004] *

Liechtenstein

1er décembre 1999

Roumanie

16 janvier 2000

Népal

12 juin 2000 [12 juin 2008] *

Serbie‑et‑Monténégro

9 octobre 2000

Yémen

4 décembre 2000

Jordanie

12 décembre 2000

Bosnie‑Herzégovine

5 mars 2001 [5 mars 2009] *

Bénin

10 avril 2001

Lettonie

13 mai 2001

Seychelles

3 juin 2001

Cap-Vert

3 juillet 2001

Cambodge

13 novembre 2001

Maurice

7 janvier 2002

Burundi

19 mars 2002

Slovaquie

27 mai 2002

Antigua‑et‑Barbuda

17 août 2002

Arménie

12 octobre 2002

Costa Rica

10 décembre 2002

Sri Lanka

1er février 2003 [1er février 2007] *

Éthiopie

12 avril 2003

Albanie

9 juin 2003 [9 juin 2007] *

États-Unis d’Amérique

19 novembre 2003

ex‑République yougoslave de Macédoine

11 décembre 2003

Namibie

27 décembre 2003

République de Corée

7 février 2004

Tadjikistan

9 février 2004

Cuba

15 juin 2004

Tchad

7 juillet 2004

Ouzbékistan

27 octobre 2004

République de Moldova

27 décembre 2004

Côte d’Ivoire

16 janvier 2005

Lituanie

1er mars 2005

République démocratique du Congo

16 avril 2005 [16 avril 2009] *

Koweït

6 avril 2005

Malawi

10 juillet 2005

El Salvador

16 juillet 2005

Honduras

3 janvier 2006

Kenya

22 mars 2006

Quatrièmes rapports périodiques

Afghanistan

25 juin 2000

Bélarus

25 juin 2000

Belize

25 juin 2000

Bulgarie

25 juin 2000 [25 juin 2008] *

Cameroun

25 juin 2000

France

25 juin 2000 [25 juin 2008] *

Ouganda

25 juin 2000 [25 juin 2008]*

Philippines

25 juin 2000

Sénégal

25 juin 2000

Uruguay

25 juin 2000

Autriche

27 août 2000 [27 août 2008] *

Panama

22 septembre 2000

Togo

17 décembre 2000

Colombie

6 janvier 2001

Équateur

28 avril 2001 [28 avril 2009] *

Guyana

17 juin 2001

Turquie

31 août 2001

Tunisie

22 octobre 2001

Chili

29 octobre 2001 [29 octobre 2005]*

Chine

2 novembre 2001

Nouvelle‑Zélande

10 janvier 2002

Jamahiriya arabe libyenne

14 juin 2002

Australie

6 septembre 2002

Algérie

11 octobre 2002

Brésil

27 octobre 2002

Guinée

8 novembre 2002

Somalie

22 février 2003

Paraguay

10 avril 2003

Malte

12 octobre 2003

Allemagne

20 octobre 2003 [20 octobre 2007] *

Liechtenstein

1er décembre 2003

Roumanie

16 janvier 2004

Népal

12 juin 2004 [12 juin 2008] *

Bulgarie

25 juin 2004 [25 juin 2008] *

Cameroun

25 juin 2004

Chypre

16 août 2004

Venezuela

20 août 2004

Croatie

7 octobre 2004 [7 octobre 2008] *

Serbie‑et‑Monténégro

9 octobre 2004

Israël

1er novembre 2004

Estonie

19 novembre 2004

Yémen

4 décembre 2004

Jordanie

12 décembre 2004

Monaco

4 janvier 2005 [4 janvier 2009] *

Colombie

6 janvier 2005

Bosnie‑Herzégovine

5 mars 2005

Bénin

10 avril 2005

Lettonie

13 mai 2005

Cap-Vert

3 juillet 2005

Cambodge

13 novembre 2005

Maurice

7 janvier 2006

Cinquièmes rapports périodiques

Afghanistan

25 juin 2004

Bélarus

25 juin 2004

Belize

25 juin 2004

Égypte

25 juin 2004

Fédération de Russie

25 juin 2004

France

25 juin 2004 [25 juin 2008] *

Hongrie

25 juin 2004

Mexique

25 juin 2004

Ouganda

25 juin 2004 [25 juin 2008] *

Philippines

25 juin 2004

Sénégal

25 juin 2004

Suisse

25 juin 2004 [25 juin 2008]*

Uruguay

25 juin 2004

Autriche

27 août 2004 [31 décembre 2008]*

Panama

22 septembre 2004

Espagne

19 novembre 2004

Togo

17 décembre 2004

Colombie

6 janvier 2005

Équateur

25 avril 2005 [28 avril 2009]*

Guyana

17 juin 2005

Turquie

31 août 2005

Chili

29 octobre 2005

Tunisie

29 octobre 2005

Chine

2 novembre 2005

Annexe VI

RAPPORTEURS ET CORAPPORTEURS POUR CHACUN DES RAPPORTS DES ÉTATS PARTIES EXAMINÉS PAR LE COMITÉ À SES TRENTE ‑CINQUIÈME ET TRENTE ‑SIXIÈME SESSIONS (PAR ORDRE D’EXAMEN)

A. Trente ‑cinquième session

Rapport

Rapporteur

Corapporteur

Bosnie‑Herzégovine:rapport initial(CAT/C/21/Add.6)

Mme Gaer

M. Wang

Népal:deuxième rapport périodique(CAT/C/33/Add.6)

M. Rasmussen

M. El‑Masry

Sri Lanka:deuxième rapport périodique(CAT/C/48/Add.2)

M. Mavrommatis

M. Rasmussen

Équateur:troisième rapport périodique(CAT/C/39/Add.6)

M. Grossman

M. Mariño Menéndez

Autriche:troisième rapport périodique(CAT/C/34/Add.18)

M. El‑Masry

M. Prado Vallejo

France:troisième rapport périodique(CAT/C/34/Add.19)

M. Camara

M. Grossman

République démocratique du Congo:rapport initial(CAT/C/37/Add.6)

M. Mariño Menéndez

M. Camara

B. Trente ‑sixième session

Pérou:quatrième rapport périodique(CAT/C/61/Add.2)

M. Grossman

M. Mariño Menéndez

Géorgie:troisième rapport périodique(CAT/C/73/Add.1)

M. Mavrommatis

M. Wang

Guatemala:quatrième rapport périodique(CAT/C/74/Add.1)

M. Grossman

Mme Sveaass

États‑Unis:deuxième rapport périodique(CAT/C/48/Add.3)

M. Mariño Menéndez

M. Camara

Qatar:rapport initial(CAT/C/58/Add.1)

Mme Gaer

M. Wang

Togo:rapport initial(CAT/C/5/Add.3)

M. Mavrommatis

M. Camara

République de Corée:deuxième rapport périodique(CAT/C/53/Add.2)

Mme Gaer

Mme Sveaass

Annexe VII

DEMANDE D’AUGMENTATION DU TEMPS DE RÉUNION DU COMITÉ CONTRE LA TORTURE FORMULÉE AU PARAGRAPHE 14 DU DOCUMENT A/59/44

INCIDENCES SUR LE BUDGET ‑PROGRAMME CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 25 DU RÈGLEMENT INTÉRIEUR DU COMITÉ CONTRE LA TORTURE

1.Le Comité contre la torture demande à l’Assemblée générale de l’autoriser à se réunir chaque année pendant une semaine supplémentaire à compter de sa trente‑neuvième session (novembre 2007).

2.Les activités à mener concernent le programme 24 (Droits de l’homme et affaires humanitaires) et le sous‑programme 2 (Services de conférence).

3.Des ressources ont été prévues dans le projet de budget‑programme pour l’exercice biennal 2006-2007 en vue de financer les frais de voyage et les indemnités de subsistance des 10 membres du Comité participant aux deux sessions ordinaires annuelles d’une durée de 15 jours ouvrables pour la première et de 10 jours ouvrables pour la seconde que tient le Comité à Genève et qui sont toutes deux précédées par une réunion d’un groupe de travail de présession, ainsi que les services de conférence dont ont besoin le Comité et le groupe de travail de présession.

4.Au cas où l’Assemblée générale approuverait la demande du Comité, des ressources pour 10 séances supplémentaires (à compter de 2007) seraient nécessaires. Pour ces séances supplémentaires, le Comité aurait besoin de services d’interprétation dans les six langues officielles. Des comptes rendus analytiques seraient établis pour les 10 séances. La prolongation d’une semaine demandée nécessiterait 50 pages supplémentaires de documentation au cours de la session et 30 pages après la session dans les six langues.

5.Au cas où l’Assemblée générale accéderait à la demande du Comité contre la torture, des ressources supplémentaires estimées à 25 000 dollars des États‑Unis, destinés à financer les indemnités de subsistance journalière à verser aux membres du Comité pour la prolongation de la session de novembre à compter de 2007, seraient nécessaires au titre du chapitre 24 du budget‑programme pour l’exercice 2006-2007. En outre les coûts supplémentaires pour les services de conférence sont estimés à compter de 2006 à 697 486 dollars des États‑Unis au titre du chapitre 2 et à 2 520 dollars des États‑Unis au titre du chapitre 29 E.

6.Les ressources nécessaires pour la tenue de séances supplémentaires du Comité et du groupe de travail de présession sont détaillées dans le tableau ci‑après:

Ressources nécessaires pour financer les séances supplémentaires du Comité et du groupe de travail de présession

2006(en dollars É.‑U.)

I.

Chapitre 24

Droits de l’homme: frais de voyage, indemnités de subsistance journalière et faux frais au départ et à l’arrivée

25 000

II.

Chapitre 2

Affaires de l’Assemblée générale et services de conférence: service des réunions, interprétation et documentation

697 486

III.

Chapitre 29 E

Bureau des services centraux d’appui: services d’appui

2 520

Total

725 000

Annexe VIII

DÉCISIONS DU COMITÉ CONTRE LA TORTURE AU TITRE DE L’ARTICLE 22 DE LA CONVENTION

A. Décisions au fond

Communication n o  172/2000

Présentée par:

Danilo Dimitrijevic (représenté par un conseil)

Au nom de:

Danilo Dimitrijevic

État partie:

Serbie‑et‑Monténégro

Date de la requête:

7 août 2000 (lettre initiale)

Le Comité contre la torture, institué en vertu de l’article 17 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,

Réuni le 16 novembre 2005,

Ayant achevé l’examen de la requête no 172/2000 présentée par M. Danilo Dimitrijevic en vertu de l’article 22 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,

Ayant tenu compte de toutes les informations qui lui ont été communiquées par le requérant, son conseil et l’État partie,

Adopte la décision au titre de l’article 22 de la Convention ci‑après:

1.1Le requérant est M. Danilo Dimitrijevic, citoyen serbe appartenant à la minorité rom qui réside en Serbie‑et‑Monténégro. Il affirme être victime de violations par la Serbie‑et‑Monténégro du paragraphe 1 de l’article 2 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, lu conjointement avec l’article premier et le paragraphe 1 de l’article 16, de l’article 14 pris séparément, et des articles 12 et 13 lus séparément et/ou conjointement avec le paragraphe 1 de l’article 16 de la Convention. Il est représenté par deux organisations non gouvernementales: le Humanitarian Law Center, basé à Belgrade, et le Centre européen pour les droits des Roms, qui a son siège à Budapest.

Rappels des faits présentés par le requérant

2.1Le 14 novembre 1997, le requérant a été arrêté vers midi à son domicile, à Novi Sad, dans la province de Voïvodine (Serbie), puis emmené au poste de police de la rue Kraljevica Marka. Le policier qui a procédé à l’arrestation ne lui a présenté aucun mandat d’arrêt ni expliqué les motifs de son placement en garde à vue. Comme le requérant était déjà inculpé de plusieurs chefs de vol, il a supposé que ce qui lui arrivait était en rapport avec ces affaires et n’a pas opposé de résistance au moment de son arrestation. Au poste de police, il a été enfermé dans un bureau. Une demi‑heure plus tard, un inconnu en civil est entré dans la pièce, lui a ordonné de se déshabiller, en ne gardant que ses sous‑vêtements, l’a attaché à l’aide de menottes à une barre métallique fixée sur le mur et s’est mis à le frapper avec une matraque pendant près d’une heure, de 12 h 30 à 13 h 30. Ces coups ont provoqué de nombreuses lésions chez le requérant, en particulier sur les cuisses et dans le dos. Le requérant suppose que cet homme était un policier en civil. Pendant le passage à tabac, un policier que le requérant connaissait de nom est entré dans la pièce et, bien qu’il n’ait pas donné de coups, il n’a rien fait pour les faire cesser.

2.2Les trois jours suivants, soit du 14 au 17 novembre 1997, le requérant a passé la journée enfermé dans la pièce même où il avait été roué de coups. Pendant cette période, il n’a reçu ni à boire, ni à manger, et n’a pas eu le droit d’utiliser les toilettes. Bien qu’il ait réclamé des soins médicaux, ce qui était de toute évidence nécessaire au vu de ses blessures, il n’y a pas eu accès. Tous les soirs, on le transférait pour la nuit du poste de police à la prison du district de Novi Sad, qui se trouve dans le quartier de Klisa. Dans cette prison, il n’a pas subi de mauvais traitements. À aucun moment, il n’a été informé des raisons pour lesquelles il avait été emmené au poste de police, ce qui constitue une violation des articles 192 (par. 3), 195 et 196 (par. 3) du Code de procédure pénale, qui réglementent les pouvoirs de la police en matière d’arrestation et de détention.

2.3Le 17 novembre 1997, le requérant a été présenté au juge d’instruction du tribunal de district de Novi Sad, M. Savo Durdić, afin de répondre des accusations de vol portées contre lui conformément à l’article 165 du Code pénal serbe (dossier noKri. 922/97). Lorsque le juge a vu les lésions sur le corps du requérant, il a rendu une décision écrite dans laquelle il a ordonné à la police d’emmener immédiatement M. Dimitrijevic chez un médecin légiste afin d’établir la nature et la gravité des blessures. Plus précisément, il a ordonné qu’un spécialiste en médecine légale examine les «lésions visibles sous la forme d’hématomes sur la partie extérieure des jambes du requérant…». Cependant, il n’a pas signalé au Procureur que le requérant présentait des lésions corporelles, bien que, selon le requérant, il eût l’obligation de le faire en vertu du paragraphe 2 de l’article 165 du Code de procédure pénale. Au lieu de le conduire chez un médecin légiste conformément aux instructions du juge, la police a remis au requérant une ordonnance de mise en liberté dépourvue du numéro interne d’enregistrement qui doit obligatoirement y être porté et dans laquelle il était fallacieusement indiqué que la détention avait commencé le 14 novembre 1997 à 23 heures, alors que le requérant avait été placé en garde à vue 11 heures plus tôt. D’après ce dernier, il s’agissait d’une tentative de la police pour éviter d’être tenue responsable des mauvais traitements qu’elle lui avait infligés pendant cet intervalle de temps.

2.4Lorsqu’il a été relâché, le requérant n’a pas immédiatement cherché à obtenir des soins médicaux, parce qu’il ignorait ses droits en vertu de la loi et qu’il était terrorisé par ce qu’il avait enduré les trois jours précédents. Il s’est toutefois rendu dans un studio privé de photographie où il a fait prendre des clichés de ses lésions. Il a présenté ces clichés, qui sont datés du 19 novembre 1997. Le 24 novembre 1997, après avoir consulté un avocat, il s’est rendu à la clinique de l’institut de médecine légale de Novi Sad afin de se faire examiner. Cependant, il n’a jamais reçu le rapport du médecin légiste qui aurait été envoyé au juge d’instruction. Le conseil du requérant a consulté plusieurs fois le dossier de l’affaire (noKri. 922/97), mais il n’y a jamais vu ce rapport. En réponse aux demandes de renseignements du conseil, l’institut de médecine légale a indiqué dans une lettre datée du 30 septembre 1999 que le rapport du médecin légiste avait été transmis au juge du tribunal de district de Novi Sad. À ce jour, ce document n’a toujours pas été versé au dossier de l’affaire.

2.5Le même jour, soit le 24 novembre 1997, le requérant a déposé une plainte pénale auprès du bureau du Procureur municipal de Novi Sad. Il a présenté un compte rendu détaillé de l’incident et a affirmé que les infractions suivantes avaient été commises: «extorsion d’aveux, préjudice civil et lésions corporelles mineures». Il a également présenté un certificat médical attestant les lésions résultant selon lui de mauvais traitements infligés par la police en 1994 (faits sans rapport avec le cas d’espèce), un certificat médical daté du 18 novembre 1997, l’ordonnance de mise en liberté reçue de la police, l’ordonnance du tribunal de district de Novi Sad et des clichés des lésions. Bien que le bureau du Procureur municipal de Novi Sad ait été prié à de nombreuses reprises de donner des renseignements sur la suite donnée à la plainte du requérant, notamment par une lettre datée du 3 mars 1999 émanant du conseil du requérant, cet organe n’a toujours pas pris de mesures pour donner suite à la plainte dont il est saisi. La procédure pénale engagée contre le requérant afin qu’il réponde d’accusations de vol (dossier noKri. 922/97) est toujours en cours. Actuellement, ce dernier se trouve au pénitencier de Sremska Mitrovica, où il purge une peine de prison de quatre ans pour un vol sans lien avec l’affaire noKri. 922/97.

2.6D’après le requérant, conformément au paragraphe 1 de l’article 153 du Code de procédure pénale, si le Procureur considère que, compte tenu des éléments de preuve dont il dispose, il y a de sérieux motifs de croire qu’un individu a commis une infraction pénale, il est tenu de demander au juge d’instruction d’ouvrir une information judiciaire officielle en application des articles 157 et 158 du Code de procédure pénale. En revanche, s’il estime qu’il n’existe pas de base juridique pour ouvrir une information judiciaire officielle, le Procureur doit en informer le requérant, qui a alors la capacité d’engager lui‑même des poursuites en qualité de «procureur privé». Comme le Procureur n’a pas rejeté officiellement sa plainte, le requérant conclut qu’il a été privé du droit d’engager des poursuites pour son propre compte. Vu que le Code de procédure pénale ne fixe pas de délai au Procureur pour décider s’il y a lieu de demander l’ouverture d’une information judiciaire officielle, cette disposition peut ne pas être respectée.

Teneur de la plainte

3.1Le requérant affirme avoir épuisé tous les recours internes disponibles du fait qu’il a déposé une plainte auprès du bureau du Procureur public. D’après lui, les recours civils ou administratifs ne lui permettraient pas d’obtenir une réparation suffisante en l’espèce.

3.2Le requérant affirme que ses allégations de violation de la Convention doivent être examinées dans le contexte des brutalités policières systématiques auxquelles les Roms et d’autres personnes sont en butte ainsi que de la situation des droits de l’homme dans l’État partie qui est généralement mauvaise. Il soutient que les brutalités policières qu’il a subies, qui lui ont causé de grandes souffrances physiques et mentales assimilables à des tortures et des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants et qui avaient pour objectif de lui arracher des aveux, de l’intimider ou de le punir, constituent une violation du paragraphe 1 de l’article 2 de la Convention, lu conjointement avec l’article premier et le paragraphe 1 de l’article 16.

3.3Le requérant affirme en outre qu’il a été victime d’une violation de l’article 12 de la Convention, lu séparément ou conjointement avec le paragraphe 1 de l’article 16, étant donné que les autorités de l’État partie n’ont pas procédé à une enquête officielle, ce qui a motivé la soumission de la présente requête, et qu’elles n’ont pas répondu aux demandes de renseignements concernant la suite donnée à sa plainte. Puisque le bureau du Procureur n’a pas rejeté officiellement sa plainte pénale, le requérant ne peut pas engager de poursuites à titre personnel. Il fait valoir en outre qu’en Serbie‑et‑Monténégro les procureurs n’engagent que rarement des poursuites pénales contre des membres des forces de l’ordre accusés de bavures et tardent à rejeter les plaintes en laissant parfois s’écouler des années, privant ainsi la partie lésée du droit d’engager des poursuites pour son propre compte.

3.4Le requérant estime que ses droits en vertu de l’article 13, pris séparément ou lu conjointement avec l’article 16 de la Convention, ont été violés dans la mesure où, bien qu’il ait épuisé tous les recours pénaux internes, il n’a reçu aucune réparation pour le préjudice qu’il a subi. Les autorités de l’État partie n’ont même pas encore identifié le policier mis en cause.

3.5Le requérant affirme que ses droits en vertu de l’article 14 ont également été violés, puisque qu’il s’est vu refuser l’accès à un recours pénal, ce qui l’a empêché d’obtenir une indemnisation adéquate et équitable dans un procès civil. Il explique que le droit interne prévoit deux procédures différentes pour demander une indemnisation en cas d’infraction pénale: la victime peut le faire dans le cadre d’une action pénale, conformément à l’article 103 du Code de procédure pénale, ou d’une action civile en indemnisation au titre des articles 154 et 200 du Code des obligations. La première voie de recours n’est pas ouverte puisque des poursuites pénales n’ont pas été engagées; quant à la deuxième, l’auteur n’a pas pu s’en prévaloir étant donné que les tribunaux de l’État partie ont pour pratique de suspendre les actions civiles en dommages‑intérêts liées à des infractions pénales tant que la procédure pénale est en cours. Même si le requérant avait essayé d’engager une action de ce type, il en aurait été empêché par le fait qu’en vertu des articles 186 et 106 du Code de procédure civile, il devrait donner le nom du défendeur. Étant donné que le requérant ne connaît toujours pas l’identité du policier contre lequel il a porté plainte, il est privé de la possibilité d’engager une action civile.

Observations de l’État partie sur la recevabilité et le fond

4.Le 14 janvier 2003, l’État partie a fait parvenir sa réponse au Comité, dans laquelle il se borne à indiquer qu’il «accepte» la requête. Comme suite à une demande de précisions que lui a adressée le secrétariat, l’État partie a répondu dans une autre lettre, datée du 20 octobre 2003, que le fait qu’il «acceptait» la requête signifiait qu’il reconnaissait la compétence du Comité pour l’examiner, «mais pas sa propre responsabilité dans l’affaire en question». En outre, il a indiqué que le Ministère chargé des droits de l’homme et des droits des minorités de la Serbie‑et‑Monténégro s’employait encore à recueillir des renseignements auprès des autorités compétentes de la République de Serbie en vue de répondre sur le fond. L’État partie n’a pas donné d’autres informations depuis lors.

Commentaires du requérant sur les observations de l’État partie concernant la recevabilité et le fond

5.Le 25 novembre 2003, le requérant a soumis ses commentaires sur les observations de l’État partie. Il y fait valoir qu’en ne contestant pas les faits ou les griefs du requérant, l’État partie a en fait reconnu tacitement les uns et les autres.

Délibérations du Comité

Examen de la recevabilité

6.1Le Comité note que l’État partie ne lui a pas fourni d’informations quant à la recevabilité ou au fond de la requête. Dans ces circonstances, conformément au paragraphe 7 de l’article 109 de son règlement intérieur, le Comité doit examiner la recevabilité et le fond de la requête à la lumière des renseignements disponibles, en accordant le poids voulu aux allégations du requérant pour autant qu’elles aient été suffisamment étayées.

6.2Avant d’examiner une plainte soumise dans une requête, le Comité doit déterminer si la requête est recevable en vertu de l’article 22 de la Convention. Le Comité s’est assuré, comme il est tenu de le faire conformément au paragraphe 5 a) de l’article 22 de la Convention, que la même question n’a pas été et n’est pas actuellement examinée par une autre instance internationale d’enquête ou de règlement. S’agissant de l’épuisement des recours internes, le Comité a pris note des renseignements fournis par le requérant sur la plainte pénale qu’il a déposée auprès du Procureur. Le Comité estime que les obstacles procéduraux insurmontables rencontrés par le requérant par suite de l’inaction des autorités compétentes ont rendu fort improbable l’ouverture d’un recours susceptible de lui apporter une réparation utile. En l’absence de renseignements pertinents émanant de l’État partie, le Comité conclut qu’en tout état de cause, les procédures internes, s’il y en a eu, ont excédé des délais raisonnables, la plainte ayant été déposée fin novembre 1997. Au regard de l’article 22, paragraphe 4, de la Convention et de l’article 107 de son règlement intérieur, le Comité ne voit pas d’autre obstacle à la recevabilité de la requête. Par conséquent, il la déclare recevable et procède à son examen au fond.

Examen au fond

7.1Le requérant affirme que l’État partie a violé le paragraphe 1 de l’article 2, lu conjointement avec l’article premier et le paragraphe 1 de l’article 16 de la Convention. Le Comité prend note à cet égard de la déclaration du requérant décrivant les traitements auxquels il a été soumis en détention − qui peuvent être caractérisés comme des douleurs et souffrances aiguës infligées intentionnellement par des fonctionnaires dans le cadre d’une enquête pénale afin de lui soutirer des informations ou des aveux, de le punir pour un acte qu’il a commis, de l’intimider ou de le contraindre ou pour toute autre raison fondée sur toute forme de discrimination. Le Comité prend note également de la constatation par le juge d’instruction de ses lésions, et des photographies qu’en a fournies le requérant. Il observe que l’État partie n’a pas contesté les faits, tels qu’ils ont été présentés par le requérant, qui se sont produits il y a plus de sept ans, et note que le rapport du médecin légiste qui a été établi après l’examen ordonné par le juge du tribunal de district de Novi Sad n’a pas été versé au dossier de la plainte et n’a pas pu être consulté par le requérant ou son conseil. Dans ces circonstances, le Comité conclut qu’il convient d’accorder le poids voulu aux allégations du requérant et que les faits, tels qu’ils sont présentés, sont constitutifs de torture au sens de l’article premier de la Convention.

7.2Ayant constaté la violation de l’article premier de la Convention, le Comité n’a pas besoin d’étudier s’il y a eu violation du paragraphe 1 de l’article 16 du Pacte étant donné que le traitement dont le requérant a été reconnu victime en violation de l’article premier de la Convention est plus grave que celui visé à l’article 16 de la Convention.

7.3Concernant la violation présumée des articles 12 et 13 de la Convention, le Comité observe que le Procureur n’a jamais indiqué au requérant si une enquête était en cours ou avait été effectuée après le dépôt de la plainte pénale, le 24 novembre 1997. Il note en outre que n’ayant pas été informé des résultats de l’enquête, s’il y en a eu une, le requérant a été effectivement empêché d’engager des «poursuites à titre privé». Dans ces circonstances, le Comité estime que l’État partie ne s’est pas acquitté de l’obligation que lui impose l’article 12 de la Convention de procéder immédiatement à une enquête impartiale chaque fois qu’il y a des motifs raisonnables de croire qu’un acte de torture a été commis. L’État partie ne s’est pas non plus acquitté de l’obligation, imposée par l’article 13 de la Convention, d’assurer au requérant le droit de porter plainte devant les autorités compétentes et d’obtenir que sa cause soit immédiatement et impartialement examinée.

7.4S’agissant de la violation présumée de l’article 14 de la Convention, le Comité note les allégations du requérant selon lesquelles l’absence de procédure pénale l’a privé de la possibilité d’intenter une action civile en dommages‑intérêts. Vu que l’État partie n’a pas contesté cette allégation et, compte tenu du temps écoulé depuis que le requérant a intenté une action au plan interne, le Comité conclut que l’État partie a également violé en l’espèce les obligations qui lui incombent en vertu de l’article 14 de la Convention.

8.Le Comité, agissant en vertu du paragraphe 7 de l’article 22 de la Convention, est d’avis que les faits dont il a été saisi font apparaître une violation de l’article 2, paragraphe 1, lu conjointement avec l’article premier, et des articles 12, 13 et 14 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

9.Le Comité invite instamment l’État partie à poursuivre quiconque est responsable des violations constatées et à accorder réparation au requérant et, conformément au paragraphe 5 de l’article 112 de son règlement intérieur, à l’informer, dans un délai de 90 jours à compter de la date de transmission de la présente décision, des mesures qu’il aura prises conformément aux constatations ci‑dessus.

Notes

Communication n o  174/2000

Présentée par:

M. Slobodan Nikolić et Mme Ljiljana Nikolić (représentés par le Humanitarian Law Center)

Au nom de:

N. N., fils des requérants (décédé); M. Slobodan Nikolić et Mme Ljiljana Nikolić

État partie:

Serbie‑et‑Monténégro

Date de la requête:

18 mars 1999 (communication initiale)

Le Comité contre la torture, institué en vertu de l’article 17 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,

Réuni le 24 novembre 2005,

Adopte la décision au titre du paragraphe 7 de l’article 22 de la Convention ci‑après:

1.Les requérants sont M. Slobodan Nikolić et son épouse, Mme Ljiljana Nikolić, ressortissants de la Serbie‑et‑Monténégro, nés le 20 décembre 1947 et le 5 août 1951, respectivement. Ils affirment que l’État partie n’a pas procédé à une enquête prompte et impartiale sur les circonstances du décès de leur fils, ce qui constitue une violation par la Serbie‑et‑Monténégro des articles 12, 13 et 14 de la Convention. Les requérants sont représentés par un conseil.

Rappel des faits présentés par les requérants

2.1Le 19 avril 1994 le fils des requérants, N. N., né le 19 avril 1972, est mort à Belgrade. Le 25 avril 1994, une équipe médicale de l’Institut médico‑légal de la faculté de médecine de Belgrade a procédé à l’autopsie. Le rapport d’autopsieindique que la mort a été provoquée par une lésion du cerveau due à la fracture des os crâniens et à une hémorragie entraînée par la rupture de l’aorte et des vaisseaux sanguins autour des fractures multiples. Ces blessures «avaient été infligées par un objet lourd et contondant».

2.2Selon le rapport de police, le fils des requérants a été trouvé mort sur le trottoir devant le numéro 2 de la rue Pariske Komune à Novi Beograd, le 19 avril 1994. Il était tombé de la fenêtre de l’appartement no 82, situé au 10e étage de cet immeuble, à 9 h 40. Tentant d’échapper à la police qui venait l’arrêter, il avait relié plusieurs câbles et les avait attachés à un radiateur. Alors qu’il essayait de descendre jusqu’à la fenêtre de l’étage du dessous, le 9e étage, les câbles s’étaient rompus et N. N. s’était écrasé sur le trottoir en ciment.

2.3Selon l’inspecteur de police, J. J., cet incident a été précédé par les événements ci‑après. Le 19 avril 1994, lui‑même et deux autres inspecteurs, Z. P. et M. L., se sont rendus à l’appartement no 82, 2 rue Pariske Komune, pour arrêter le requérant, qui était soupçonné de plusieurs atteintes aux biens. Ils étaient en possession d’un mandat. Par une fente située au‑dessus du seuil de la porte d’entrée, ils ont vu une ombre dans le corridor. Supposant que N. N. se trouvait dans l’appartement, ils lui ont demandé d’ouvrir la porte, en vain. Après avoir demandé à une équipe d’intervention de défoncer la porte d’entrée, l’inspecteur J. J. a averti N. N. que la police pénétrerait dans l’appartement par la force s’il continuait de refuser d’ouvrir la porte. J. J. est alors monté au 11e étage et s’est introduit dans l’appartement situé directement au‑dessus de l’appartement no 82. Depuis une fenêtre, il a vu N. N. regarder par la fenêtre de l’étage du dessous. J. J. est retourné à l’appartement no 82 et a de nouveau demandé à N. N. de se rendre, en lui donnant l’assurance qu’aucune violence physique ne lui serait infligée. L’équipe d’intervention a alors enfoncé la porte de l’appartement où elle n’a trouvé que M. K., l’amie de la victime, qui pleurait et disait que N. N. était tombé par la fenêtre. Regardant par la fenêtre, J. J. a vu le corps d’un homme gisant sur le trottoir.

2.4La victime a été identifiée comme étant N. N., à l’aide des papiers qui se trouvaient dans l’une de ses poches, ainsi que par M. K., et son décès a été prononcé par un médecin du Secrétariat aux affaires intérieures. Aux environs de 10 h 30, le juge d’instruction du tribunal de district de Belgrade, D. B., est arrivé sur les lieux avec le substitut du Procureur du district de Belgrade (ci‑après appelé «substitut du Procureur»), V. M.; il a inspecté les «lieux du crime», interrogé M. K., et demandé que le corps du défunt soit envoyé à l’Institut médico‑légal pour une autopsie.

2.5Dans son rapport, le juge d’instruction indique que plusieurs policiers lui ont dit que N. N. avait «catégoriquement refusé» d’ouvrir la porte après avoir discuté avec la police pendant un certain temps. Lorsque celle‑ci est entrée dans l’appartement, la victime «venait de sauter par la fenêtre». M. K. a confirmé que N. N. avait refusé d’ouvrir la porte. Elle avait tenté de lui prendre les clefs de l’appartement qui se trouvaient dans sa poche, mais il lui avait dit qu’il n’ouvrirait pas et préférait fuir par la fenêtre. Elle n’avait pas vu ce qui se passait dans la pièce d’où N. N. avait tenté de s’échapper, mais avait conclu de son absence qu’il avait sauté par la fenêtre, lorsque la police était entrée dans l’appartement. M. K. a dit qu’il n’y avait pas eu de contact physique entre N. N. et les membres de l’équipe d’intervention de la police. En plus des câbles attachés au radiateur, le rapport indique qu’une rallonge blanche multiprises pendait d’un arbre au‑dessus du trottoir où gisait le corps du défunt. Un câble simple et un câble double d’environ 2,5 mètres de long chacun étaient attachés aux prises, probablement ce qui restait des câbles reliés au radiateur. Enfin, le rapport indique que le juge d’instruction a demandé à la police d’interroger tous les témoins de l’incident.

2.6Le 22 avril 1994, le substitut du Procureur a annoncé aux requérants qu’à son avis le décès de leur fils était accidentel et qu’aucune enquête criminelle ne serait donc ouverte.

2.7Le 18 juillet 1994, les requérants ont porté plainte contre X pour meurtre et demandé au Procureur de Belgrade d’ouvrir une enquête criminelle. Ils affirmaient que la police avait frappé leur fils au moyen d’un objet contondant en métal, ce qui avait entraîné sa mort, et l’avait ensuite défenestré pour dissimuler les coups. Le 12 août et le 5 décembre 1994, le substitut du Procureur a informé les requérants qu’il n’existait pas de raisons suffisantes pour intenter une procédure pénale, et il leur a conseillé de saisir le Procureur et de lui présenter les éléments de preuve qui éveillaient leurs soupçons.

2.8Dans l’intervalle, le juge d’instruction avait demandé à une commission d’experts légistes de l’Institut médico‑légal de Belgrade, composée des médecins qui avaient procédé à l’autopsie, de donner leur avis sur le décès de N. N. Dans leur rapport, daté du 22 novembre 1994, les experts ont conclu, sur la base du rapport d’autopsie ainsi que d’autres documents, que l’emplacement, la répartition et la nature des lésions observées sur N. N. montraient qu’elles avaient été causées par la chute du corps d’une hauteur considérable sur une surface plane en ciment. Les «signes de réaction aux blessures (inhalation de sang et […] hématomes autour des blessures et tissus déchirés)» indiquaient que N. N. était en vie au moment où il avait subi les lésions.

2.9Les 13 et 24 janvier 1995, les requérants ont dénoncé les incohérences des conclusions médicales de la commission d’experts, ainsi que du rapport d’autopsie, et demandé au tribunal de district de Belgrade de faire faire à leurs frais une autre expertise de médecine légale par une autre institution.

2.10Le 27 juin 1995, les requérants ont demandé au Procureur de la République d’intervenir. Se référant aux conclusions de la commission d’experts, celui‑ci a confirmé la position du substitut. De même, le Vice‑Procureur de la République, par une lettre du 8 janvier 1996, a informé les requérants qu’il n’avait pas de raison d’intervenir.

2.11À la demande des requérants, le docteur Z. S., pathologiste à l’Institut médico‑légal de l’hôpital militaire de Belgrade, a évalué le rapport d’autopsie du 19 avril 1994 et les conclusions de la commission d’experts légistes du 22 novembre 1994. Dans une lettre du 21 mars 1996, il a informé les requérants que, si les blessures décrites pouvaient résulter de la chute du corps de la victime d’une hauteur considérable, il ne pouvait être exclu que certaines d’entre elles aient été infligées avant cette chute. Il a fait observer a) que l’autopsie avait eu lieu six jours après le décès de N. N.; b) que les rapports ne décrivaient aucun changement du corps dû à la décomposition; c) que le rapport d’autopsie indiquait que les membranes et les tissus cérébraux du défunt étaient intacts, tout en notant la présence de matière cérébrale sur le devant de son pull‑over; d) qu’il y avait contradiction entre l’ampleur de la rupture de l’aorte (3 cm x 1 cm) et la quantité de sang relativement faible trouvée dans la cage thoracique (800 ml); e) que la commission d’experts avait conclu que le corps du défunt avait heurté le sol d’abord avec les pieds, ce qui avait entraîné des fractures transversales des os de la jambe et non les fractures en diagonale, qu’une telle chute aurait dû normalement provoquer; f) que la commission d’experts n’avait pas clairement décrit le mécanisme des blessures, indiquant par exemple «que le corps avait d’abord heurté le sol avec les pieds, ce qui avait entraîné des fractures des pieds et des os des jambes, et qu’il y avait eu ensuite tassement et torsion du thorax (extension et rotation)», alors que extension signifie que le corps s’est étiré et non qu’il s’est tassé; et g) que le rapport d’autopsie a fait état d’un décollement, c’est‑à‑dire de la séparation des tissus sous‑cutanés et de la membrane musculaire, sur la face extérieure de la cuisse gauche, bien qu’une blessure de ce type résulte généralement «d’un coup porté avec force au moyen d’un instrument contondant», ce qui n’était guère probable après une chute sur les pieds et une fracture des os des deux jambes.

2.12Par une lettre du 28 août 1996, le conseil des requérants a demandé aux services du Procureur d’ordonner une autre expertise, menée soit par l’Institut médico‑légal de l’hôpital militaire de Belgrade, soit par la faculté de médecine de Novi Sad, et, à cette fin, l’exhumation du corps de N. N. aux frais des requérants, pour dissiper les doutes exprimés par le docteur Z. S. Il a également demandé des précisions sur les points suivants: a) l’heure et le lieu de la mort; b) les contusions cérébrales et la blessure du défunt à l’arcade sourcilière pouvaient‑elles résulter de blessures dues à des coups portés avant la chute; c) la petite quantité de sang trouvée dans la cage thoracique du défunt indiquait‑elle que N. N. était déjà mort au moment de la chute, étant donné qu’à chacun de ses battements le cœur envoie environ 70 ml de sang du ventricule gauche dans l’aorte (ce qui donne au total 4,9 l par minute); d) comment pouvait‑on expliquer que le rapport d’autopsie ne mentionne pas de fracture circulaire des os à la base du crâne après une chute d’une hauteur de 20 à 30 mètres; et e) sur quelles parties du corps une chute de cette hauteur entraîne‑t‑elle généralement des lésions, compte tenu du poids du corps, de son mouvement pendant la chute, ainsi que de la rapidité de celle‑ci.

2.13Le 2 octobre 1996, le conseil des requérants s’est adressé aux services du Procureur de Belgrade pour demander que le Ministère serbe de l’intérieur ou le Secrétariat aux affaires intérieures de Novi Sad interroge plusieurs témoins potentiels, à savoir: a) les requérants, pour déterminer si M. K., en leur annonçant la nouvelle tragique du décès de leur fils, avait dit: «Tante Ljilja, ils ont tué Nikolica − ils ont tué notre Nikolica chéri!»; b) R. J. et Z. T., collègues de la mère, qui étaient présents lorsque M. K. a annoncé à celle‑ci le décès de son fils; c) M. K., pour lui demander si elle avait vu N. N. attacher les câbles au radiateur; s’il dormait et, dans ce cas, s’il était déjà habillé à l’arrivée de la police;comment elle pouvait ne pas avoir vu N. N. sauter par la fenêtre si elle se trouvait dans la même pièce, ou comment elle pouvait affirmer qu’il n’y avait pas eu de contact entre N. N. et les policiers si elle n’était pas dans la même pièce; d) les voisins résidant 2 rue Pariske Komune, en particulier D. N., le locataire de l’appartement situé au‑dessus de l’appartement no 82, et S. L., qui avait effacé les traces de la chute devant l’immeuble, pour lui demander ce qu’il avait enlevé exactement et s’il l’avait fait avant ou après l’enquête sur les lieux; e) plusieurs amis du défunt, pour déterminer si N. N. s’était querellé avec M. K. avant le 19 avril 1994 et si M. K. avait menacé de «lui régler son compte»; f) des responsables de la prison centrale de Belgrade, pour déterminer si N. N. s’était échappé de prison mais avait ensuite été relâché avec mise à l’épreuve par décision du 23 juillet 1993 du substitut du Procureur; et g) A. N., la sœur de N. N., pour lui demander si une équipe d’intervention du Secrétariat aux affaires intérieures de Belgrade était venue chez elle en janvier 1994, menaçant de défenestrer N. N. du 6e étage si elle le trouvait.

2.14Dans un rapport daté du 27 novembre 1996, les légistes qui avaient établi le rapport d’autopsie et la première expertise légale, datée du 22 novembre 1994, tout en qualifiant de trop vagues les questions posées par le conseil des requérants (par. 2.12), ont répondu aux objections soulevées par le docteur Z. S. (par. 2.11) en faisant observer: a) qu’il n’était pas habituel d’indiquer l’heure et le lieu du décès dans un rapport d’autopsie, cette information figurant déjà dans le rapport du médecin prononçant le décès et dans le rapport de police; b) que l’autopsie avait eu lieu tardivement parce que le sang du défunt (présumé être toxicomane) avait fait l’objet d’un test de dépistage du VIH dont les résultats avaient été reçus alors que la journée du vendredi 22 avril 1994 était déjà bien avancée, si bien que l’autopsie n’avait pu être faite avant le lundi 25 avril; c) que le corps avait été conservé dans une chambre froide et n’avait commencé à se décomposer que pendant l’autopsie, puis lorsqu’on l’avait lavé et transporté à la chapelle de l’hôpital; d) que le but du rapport d’autopsie était d’indiquer les lésions et les changements subis par le corps du défunt et non d’expliquer comment des tissus cérébraux s’étaient retrouvés sur son pull‑over; ils pouvaient être passés par le nez ou par la bouche étant donné que l’avant de la boîte crânienne, qui forme la voûte de la cavité du nez et du pharynx, montrait de nombreuses fractures des os de la base du crâne, qui s’accompagnaient toujours d’une rupture de la dure‑mère; e) que la petite quantité de sang trouvée dans la cage thoracique du défunt n’était pas due au fait qu’il était mort avant la chute, mais à la perte de sang considérable provoquée par ses blessures; f) que le docteur Z. S. lui‑même n’excluait pas qu’une chute sur les pieds puisse causer des fractures transversales des os de la jambe; g) que le tassement du corps lorsque les pieds avaient heurté le sol n’excluait pas que de nombreuses blessures, comme la rupture de l’aorte, entraînent l’hyperextension du corps; h) que le mécanisme de la chute, d’abord sur les pieds puis sur le côté gauche du corps et sur la tête, expliquait le décollement qui s’était produit dans la cuisse gauche, la fissure de l’arcade sourcilière gauche, la fracture des os crâniens et les contusions cérébrales; et i) que la chute sur les pieds avait réduit l’impact du corps sur le sol, ce qui expliquait pourquoi le rapport d’autopsie ne faisait mention ni d’une protrusion du col du fémur à travers le pelvis, ni de fractures circulaires à la base du crâne.

2.15Le 26 février et le 18 juin 1997, le conseil des requérants a demandé au Procureur de district de présenter de nouveau ses questions (par. 2.12) à la commission d’experts légistes pour tenter d’élucider les contradictions entre les conclusions des experts et celles du docteur Z. S.

2.16Le 21 août 1997, le docteur Z. S. a analysé le deuxième rapport des légistes (par. 2.14) et indiqué: a) que les experts n’avaient pas expliqué de manière satisfaisante pourquoi les résultats du test de dépistage du VIH ne figuraient pas dans le rapport d’autopsie; b) qu’il y avait contradiction entre la conclusion des experts selon laquelle la matière cérébrale trouvée sur les vêtements du défunt était passée par le nez et la bouche, et le rapport d’autopsie qui indiquait que les muqueuses des lèvres et de la bouche avaient été «examinées avec soin» mais «qu’aucun signe de lésion [n’avait été] observé» et qu’«aucune matière étrangère», à savoir des traces de tissu cérébral, n’avait été retrouvée dans le nez et la bouche; c) que les experts n’avaient pas déterminé de quelle partie du cerveau le tissu cérébral provenait; d) qu’ils n’avaient pas expliqué pourquoi la cage thoracique contenait une si petite quantité de sang, étant donné que le fils des requérants avait probablement continué à respirer pendant quelque temps après les blessures, que le cœur d’un adulte pompe au total 5 000 ml de sang par minute et que la pression sanguine est la plus forte près du cœur où se trouvait la fissure de l’aorte de 3 cm x 1 cm; e) que la description des fractures faite par les experts était superficielle et contradictoire; et f) qu’ils concluaient que toutes les blessures observées avaient été provoquées par la chute du corps sur le sol en ciment, sans envisager la possibilité que certaines aient pu être infligées par une arme contondante avant la chute.

2.17Dans une lettre du 29 août 1997, adressée au Département du contrôle de la légalité du Secrétariat aux affaires intérieures de la ville de Belgrade, les requérants ont appelé l’attention sur le fait que l’inspecteur J. J. aurait été en pleurs lorsque le juge d’instruction est arrivé au numéro 2 de la rue Pariske Komune et qu’il était parti en congé le jour suivant. Ils se sont référés au cas de N. L., qui aurait été forcé de porter un gilet pare‑balles sur lequel l’inspecteur J. J., entre autres, avait asséné des coups avec une batte de base‑ball pendant l’interrogatoire, lesquels avaient laissé peu de traces et entraîné une mort lente et douloureuse au bout de deux semaines.

2.18Le 30 août 1997, les requérants ont porté plainte pour meurtre contre les inspecteurs de police J. J., Z. P. et M. L., affirmant qu’ils avaient frappé leur fils à l’aide d’objets durs et contondants (comme une batte de base‑ball), lui infligeant un certain nombre de blessures graves et causant ainsi délibérément sa mort. Dans l’hypothèse où les fractures transversales des jambes avaient été infligées avant la chute, on pouvait exclure que la victime ait tenté de s’échapper par la fenêtre. Les requérants affirmaient aussi que les policiers avaient violé le Code de procédure pénale a) en entrant de force dans l’appartement en l’absence d’un témoin neutre; b) en appelant le juge d’instruction 30 minutes après l’incident, au lieu de le faire immédiatement, ce qui leur laissait le temps d’éliminer les éléments de preuve compromettants et d’administrer des tranquillisants à M. K.; c) en s’abstenant d’interroger des témoins autres que les inspecteurs de police; d) en demandant à M. K., et non à la famille, d’identifier le corps; e) en ne posant pas les scellés sur la porte et en ne rendant pas les clefs de l’appartement aux requérants; et f) en chargeant M. K. d’annoncer le décès aux requérants. Ces derniers ont également informé le Procureur de district que plusieurs témoins pouvaient affirmer que la police avait précédemment tiré sur leur fils et l’avait menacé. Ils ont mis en cause l’impartialité du substitut du Procureur, qui avait déjà fait savoir qu’il n’autoriserait pas de poursuites pénales.

2.19Le Procureur de district ayant décidé le 24 septembre 1997 de ne pas intenter de procédures pénales contre les inspecteurs J. J., Z. P. et M. L., le 4 octobre 1997 les requérants ont demandé au tribunal de district de Belgrade d’ouvrir une enquête sur le meurtre présumé de leur fils. En particulier, ils ont demandé au juge d’instruction d’interroger J. J., Z. P. et M. L. en tant qu’accusés, de les placer en détention provisoire afin de prévenir tout contact avec les témoins, de citer certains témoins à comparaître et de les interroger, y compris eux‑mêmes, et de chercher à élucider les incohérences des rapports des légistes. Par une lettre du 28 janvier adressée au Président du tribunal de district, les requérants ont dénoncé le fait qu’une seule de leurs requêtes avait été retenue, à savoir l’interrogatoire des inspecteurs de police; ils ont aussi dénoncé le fait que les autorités refusaient avec obstination d’indiquer l’heure du décès de leur fils, qu’aucune explication n’avait été donnée au sujet des nombreux hématomes observés sur le corps du défunt, que l’Institut médico‑légal avait refusé de donner des photographies du corps et que les conclusions des légistes visaient à dissimuler les violences que la police avait fait subir à leur fils, que M. K. avait donné trois versions différentes de l’incident, respectivement au juge d’instruction, aux requérants et à leurs amis, et qu’aucun passant dans les rues animées situées en face de l’appartement no82 n’avait vu leur fils sauter par la fenêtre.

2.20Par une décision du 17 février 1998, le tribunal de district de Belgrade a conclu que l’absence de tout contact physique entre les inspecteurs de police et le défunt avait été établie sur la base des déclarations concordantes de J. J., Z. P. et M. L., du rapport du juge d’instruction, ainsi que du rapport de police du 19 avril 1994, et des conclusions et opinions des experts de l’Institut médico‑légal de la faculté de médecine de Belgrade en date du 22 novembre 1994 et du 27 novembre 1996. Il concluait que rien ne justifiait l’ouverture d’une enquête criminelle pour meurtre contre les inspecteurs de police.

2.21Les requérants ont fait appel devant la Cour suprême de la Serbie‑et‑Monténégro le 13 mars 1998 et étayé les raisons de leur appel le 23 mars de la même année. Ils ont dénoncé le fait que le tribunal de district n’avait tenu compte ni de leurs arguments ni des objections soulevées par le docteur Z. S., expert de renommée internationale que les Nations Unies avaient chargé de procéder à des autopsies sur le territoire de l’ex‑Yougoslavie, et s’en était tout simplement remis aux conclusions contradictoires de la commission d’experts légistes et aux déclarations de M. K. sans chercher à les vérifier, ainsi qu’à celles des inspecteurs en cause eux‑mêmes, contre lesquels une procédure pénale avait précédemment été instituée pour actes analogues. Aucune empreinte digitale du défunt n’avait été trouvée dans l’appartement no 82; les câbles attachés au radiateur n’avaient même pas été examinés pour déterminer s’ils en portaient.

2.22Par décision du 21 mai 1998, la Cour suprême de Serbie à Belgrade a débouté les requérants en déclarant leur recours infondé. Elle a fait siennes les conclusions du tribunal de district de Belgrade, considérant que la commission d’experts, dans ses conclusions et opinions supplémentaires du 27 novembre 1996, avait répondu de manière précise à toutes les objections soulevées par le conseil des requérants et par le docteur Z. S.

Teneur de la plainte

3.1Les requérants affirment qu’en violation de l’article 12 l’État partie n’a pas fait procéder immédiatement à une enquête impartiale sur le décès de leur fils et les actes de torture antérieurs dont il aurait été victime, alors que certains éléments du dossier d’expertise médico‑légale soumis par les requérants donnaient fortement à penser que leur fils avait été victime d’un acte de torture au sens de l’article premier de la Convention.

3.2Les requérants ont fait valoir que d’autres incohérences venaient conforter leurs soupçons, notamment: a) le fait que l’assurance avait été donnée à N. N. qu’il ne subirait aucune violence physique s’il ouvrait la porte de l’appartement no82; b) le fait que le mandat de perquisition délivré le 19 avril 1994 autorisait uniquement les policiers à pénétrer dans l’appartement pour y «chercher des articles en relation avec des infractions pénales», et non pas à arrêter N. N., et que l’heure d’entrée consignée sur ce mandat était 11 heures du matin tandis que dans leur rapport les policiers avaient indiqué que le décès s’était produit à 9 h 40; c) le fait qu’il était déraisonnable de s’attendre à ce que quiconque risque sa vie en essayant de descendre du 10e au 9e étage d’une tour à l’aide de simples câbles électriques, afin de briser une fenêtre pour pénétrer dans l’appartement du 9e étage et se retrouver en fin de compte dans la même situation qu’antérieurement puisque la police disposait de tout le temps voulu pour atteindre la porte (probablement fermée) de l’appartement du 9e étage avant qu’elle ne puisse être ouverte de l’intérieur.

3.3Les requérants affirment que le rejet de leur demande d’ouverture d’une procédure pénale puis de leurs appels consécutifs amènent à douter de l’impartialité de l’enquête des autorités serbes sur le décès de N. N. et les actes de torture antérieurs dont il aurait été victime, faisant ainsi apparaître une violation de l’article 13 de la Convention. En effet, le juge d’instruction n’avait pas engagé d’enquête préliminaire ni entendu les requérants, et aucun des témoins entendus et cités par le conseil des requérants n’avait été interrogé.

3.4Les requérants ont soumis un avis juridique de l’Observatoire Helsinki des droits de l’homme en date du 24 novembre 1997, dans lequel il est indiqué que «[les] incohérences dans les divers rapports de police et rapports médicaux ne peuvent être élucidées que devant un tribunal».

3.5Les requérants estiment que le refus de l’État partie d’enquêter sur les circonstances du décès de leur fils les empêche de factod’exercer leur droit d’obtenir réparation et d’être indemnisés équitablement et de manière adéquate, garanti par l’article 14 de la Convention, en tant que successeurs juridiques de leur fils et victimes indirectes des actes de torture dont il aurait été victime. Ils renvoient à une affaire analogue dans laquelle la Cour européenne des droits de l’homme a conclu que la disparition du fils d’une requérante constituait un traitement inhumain et dégradant au sens de l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme et lui a accordé une indemnité de 15 000 livres sterling pour la douleur et la souffrance infligées à son fils disparu, et une indemnité supplémentaire de 20 000 livres pour l’angoisse et la détresse éprouvées par elle.

3.6Les requérants indiquent que l’affaire en cause n’a pas été et n’est pas en cours d’examen devant une autre instance internationale d’enquête ou de règlement et qu’ils ont épuisé tous les recours internes.

Demande d’observations sur la recevabilité et le fond adressée par le Comité à l’État partie

4.1Par des notes verbales en date du 2 novembre 2000, du 19 avril 2002 et du 12 décembre 2002, le Comité a prié l’État partie de lui communiquer ses observations sur la recevabilité et le fond de la requête. Le 14 janvier 2003, l’État partie a informé le Comité qu’il «acceptait la requête individuelle no174/2000».

4.2À l’issue de consultations avec le secrétariat, l’État partie a précisé dans une note verbale du 20 octobre 2003 que, dans sa note verbale du 14 janvier 2003, par «acceptait» il fallait entendre que la Serbie‑et‑Monténégro reconnaissait non pas la responsabilité de l’État dans l’affaire individuelle en cause mais la compétence du Comité contre la torture pour examiner la requête susmentionnée.

4.3L’État partie a de plus signalé à cette occasion au Comité être en train de recueillir des données auprès des autorités compétentes en vue de formuler ses observations sur le fond de la requête. Aucune observation à ce sujet n’a toutefois été reçue à ce jour.

Délibérations du Comité concernant la recevabilité et le fond

5.Avant d’examiner toute plainte contenue dans une requête, le Comité contre la torture doit déterminer si celle‑ci est recevable en vertu de l’article 22 de la Convention. Le Comité s’est assuré, comme il est tenu de le faire conformément aux alinéas a et b du paragraphe 5 de l’article 22 de la Convention, que la même question n’a pas été et n’est pas en cours d’examen devant une autre instance internationale d’enquête ou de règlement et que les requérants ont épuisé tous les recours internes disponibles. Le Comité estime que les griefs de violation des articles 12, 13 et 14 de la Convention sont recevables et procède à leur examen quant au fond.

6.1Le Comité a examiné la requête en tenant compte de toutes les informations qui lui avaient été soumises par les Parties concernées, conformément au paragraphe 4 de l’article 22 de la Convention. Il regrette que l’État partie ne lui ait pas transmis ses observations sur le fond de la plainte, et constate qu’en l’absence de telles observations il convient d’accorder le crédit voulu aux allégations des requérants dans la mesure où elles ont été étayées.

6.2Le Comité doit déterminer, en application de l’article 12 de la Convention, s’il y a des motifs raisonnables de croire qu’un acte de torture a été commis sur la personne du fils des requérants avant son décès et, dans l’affirmative, si les autorités de l’État partie se sont acquittées de l’obligation qui est la leur de faire procéder immédiatement à une enquête impartiale.

6.3Le Comité considère que les éléments suivants font naître des doutes quant à la chronologie des événements ayant abouti au décès du fils des requérants telle qu’elle est présentée par les autorités de l’État partie:

a)Le fait que le rapport d’autopsie indique que les blessures «avaient été infligées par un objet lourd et contondant», donnant ainsi à penser que N. N. avait été torturé avant qu’il tombe de la fenêtre de l’appartement no82;

b)La déclaration de l’inspecteur J. J. selon laquelle il avait donné à N. N. l’assurance qu’aucune violence physique ne lui serait infligée s’il ouvrait la porte de l’appartement no 82;

c)Le fait que le mandat de perquisition délivré le 19 avril 1994 n’autorisait pas expressément la police à arrêter N. N. et que l’heure d’entrée dans l’appartement consignée sur ce mandat est 11 heures alors que, selon le rapport de police, le décès de N. N. est survenu à 9 h 40;

d)Les contradictions concernant la nature volontaire ou non du décès de N. N. entre le rapport de police et celui du juge d’instruction (tous deux en date du 19 avril 1994), le premier décrivant ce décès comme un accident ayant résulté de la tentative du défunt d’échapper à une arrestation, alors que le second semble indiquer qu’il s’agit d’un suicide («Nikolić venait de sauter par la fenêtre»);

e)L’absence de témoin pouvant confirmer que N. N. a sauté par la fenêtre de l’appartement no82;

f)Les incohérences alléguées du témoignage de M. K. (par. 2.5 et 2.19);

g)Le fait que le juge d’instruction n’est arrivé au no2 de la rue Pariske Komune qu’à 10 h 30 parce qu’il n’aurait été informé du décès que 30 minutes après sa survenance, et que seuls les inspecteurs de police concernés semblent avoir été interrogés alors qu’il avait donné l’ordre d’interroger tous les témoins;

h)Les incohérences alléguées du rapport d’autopsie et des constatations de la commission d’experts légistes, en particulier les objections formulées par le docteur Z. S., et notamment son affirmation selon laquelle il ne pouvait être exclu que certaines blessures aient été infligées avant la chute, blessures qui pourraient donc avoir été le résultat d’un traitement constituant une violation de la Convention;

i)La participation antérieure alléguée de l’inspecteur J. J. à un acte de torture; et

j)Les incertitudes entourant les menaces proférées antérieurement par la police et les tentatives antérieures d’arrestation de N. N., qui s’étaient apparemment accompagnées de l’usage d’armes à feu par la police.

6.4Sur la base de ces éléments, le Comité considère qu’il y avait des motifs raisonnables pour que l’État partie enquête sur la plainte des requérants qui étaient convaincus que leur fils avait été torturé avant sa mort.

6.5La question se pose donc de savoir si les mesures d’investigation sur les événements ayant précédé le décès de N. N. ordonnée par les autorités de l’État partie, en particulier par le substitut du Procureur de Belgrade, sont conformes aux prescriptions de l’article 12 de la Convention qui imposent aux autorités de procéder immédiatement à une enquête impartiale. À cet égard, le Comité prend note de l’affirmation − non réfutée − des requérants selon laquelle le substitut du Procureur leur a fait savoir dès le 22 avril 1994, c’est‑à‑dire trois jours avant l’autopsie, qu’il n’engagerait pas de poursuites pénales d’office, car il considérait comme accidentel le décès de leur fils, et qu’il n’avait interrogé aucun des témoins cités par leur conseil. Le Comité note également que le juge d’instruction a chargé les médecins légistes qui avaient procédé à l’autopsie de se prononcer sur les incohérences alléguées de leur propre rapport d’autopsie, malgré la demande réitérée des requérants tendant à ce qu’un médecin légiste d’une autre institution soit chargé du contre‑examen. Le Comité conclut que l’enquête sur les circonstances du décès du fils des requérants n’a pas été impartiale, ce qui constitue une violation de l’article 12 de la Convention.

6.6Au sujet de la violation alléguée de l’article 13, le Comité fait observer que, même si les requérants étaient habilités à saisir la justice après que le substitut du Procureur eut décidé de ne pas engager de poursuites pénales contre J. J., Z. P. et M. L., tant le tribunal de district de Belgrade que la Cour suprême ont fondé leur constatation selon laquelle il n’y avait pas eu de contact physique entre les policiers et N. N. exclusivement sur des affirmations que les requérants contestaient et qui présentaient à leur avis de nombreuses incohérences. Ces deux juridictions ont rejeté les demandes des requérants sans examiner leurs arguments. Le Comité estime donc que les juridictions de l’État partie n’ont pas examiné l’affaire impartialement, ce qui constitue une violation de l’article 13 de la Convention.

7.Le Comité contre la torture, agissant en vertu du paragraphe 7 de l’article 22 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, estime qu’en ne procédant pas à une enquête impartiale sur le décès du fils des requérants l’État partie a violé les articles 12 et 13 de la Convention.

8.Pour ce qui est du grief de violation de l’article 14 de la Convention, le Comité en diffère l’examen jusqu’à réception des renseignements demandés à l’État partie dans le paragraphe 9 ci‑dessous.

9.Conformément au paragraphe 5 de l’article 112 de son règlement intérieur, le Comité souhaite recevoir de l’État partie, dans un délai de 90 jours, des renseignements sur les mesures prises pour donner effet à ses constatations, en particulier l’ouverture d’une enquête impartiale sur les circonstances du décès du fils des requérants et sur les conclusions auxquelles elle aura abouti.

Notes

Communication n o  181/ 2001

Présentée par:

Suleymane Guengueng et consorts (représentés par

un conseil)

Au nom de:

Suleymane Guengueng et consorts

État partie:

Sénégal

Date de la requête:

18 avril 2001 (lettre initiale)

Le Comité contre la torture, institué conformément à l’article 17 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,

Réuni le 17 mai 2006,

Ayant achevé l’examen de la communication no 181/2001 présentée par Suleymane Guengueng et consorts au Comité contre la torture en vertu de l’article 22 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,

Ayant tenu compte de toutes les informations qui lui ont été communiquées par les requérants de la communication et l’État partie,

Adopte la décision au titre de l’article 22 de la Convention ci‑après:

1.1Les requérants sont Suleymane Guengueng, Zakaria Fadoul Khidir, Issac Haroun, Younous Mahadjir, Valentin Neatobet Bidi, Ramadane Souleymane et Samuel Togoto Lamaye (ci‑après, les requérants), tous de nationalité tchadienne et résidant au Tchad. Ils allèguent être victimes d’une violation par le Sénégal des articles 5, paragraphe 2, et 7 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (ci‑après, la Convention).

1.2Le Sénégal a ratifié la Convention le 21 août 1986 et a fait la déclaration en vertu de l’article 22 de la Convention le 16 octobre 1996.

1.3Conformément au paragraphe 3 de l’article 22 de la Convention, le Comité a porté la communication à l’attention de l’État partie le 20 avril 2001. Dans le même temps, le Comité, agissant en vertu du paragraphe 9 de l’article 108 de son règlement intérieur, a demandé, à titre provisoire, à l’État partie de ne pas expulser Hissène Habré et de prendre toutes les mesures nécessaires pour empêcher que ce dernier ne quitte le territoire autrement qu’en vertu d’une procédure d’extradition. L’État partie s’est conformé à cette demande.

Rappel des faits présentés par les requérants

2.1Entre 1982 et 1990, période au cours de laquelle Hissène Habré était Président du Tchad, les requérants auraient été victimes d’actes de torture commis par des agents de l’État tchadien, et qui étaient sous les ordres d’Hissène Habré. Les actes de torture commis durant cette période ont fait l’objet d’un rapport établi par la Commission d’enquête nationale du Ministère tchadien de la justice selon lequel 40 000 assassinats politiques et actes de torture systématiques ont été commis par le régime Habré.

2.2Les requérants ont soumis au Comité une description détaillée des actes de torture et autres mauvais traitements qu’ils prétendent avoir subis. En outre, les parents de deux des requérants, Valentin Neatobet Bidi et Ramadane Souleymane, ont été victimes de disparition, que les requérants estiment, sur base de l’évolution du droit international et de la jurisprudence de différents organes juridictionnels internationaux, équivalent à des actes de tortures et autres traitements inhumains et dégradants à la fois pour la personne disparue et pour ses parents.

2.3Après son éviction par l’actuel Président du Tchad, Idriss Déby, en décembre 1990, Hissène Habré a trouvé refuge au Sénégal où il réside depuis lors. En janvier 2000, les requérants ont déposé une plainte contre lui auprès d’un juge d’instruction à Dakar. Le 3 février 2000, le juge d’instruction a inculpé Hissène Habré pour complicité d’actes de torture, l’a assigné à résidence, et a ouvert une instruction contre X pour crimes contre l’humanité.

2.4Le 18 février 2000, Hissène Habré a déposé une requête en annulation contre cette inculpation devant la chambre d’accusation de la Cour d’appel de Dakar. Les requérants estiment qu’à partir de ce moment, des pressions politiques ont été exercées pour influencer le cours de la procédure. Ils allèguent notamment que, suite à cette requête, le juge d’instruction ayant inculpé Hissène Habré a été muté de son poste par le Conseil supérieur de la magistrature et que le Président de la chambre d’accusation devant laquelle le recours d’Hissène Habré était pendant a été transféré au Conseil d’État.

2.5Le 4 juillet 2000, la chambre d’accusation a annulé l’inculpation de Hissène Habré et les autres procédures qui y sont liées pour incompétence du juge saisi, au motif que «les juridictions sénégalaises ne peuvent connaître des faits de torture commis par un étranger en dehors du territoire sénégalais quelles que soient les nationalités des victimes, que le libellé de l’article 669 du Code de procédure pénale exclut cette compétence». Suite à cette décision, le Rapporteur spécial de la Commission des droits de l’homme des Nations Unies sur la torture et le Rapporteur spécial de la Commission des droits de l’homme des Nations Unies sur l’indépendance des juges et des avocats ont exprimé leurs préoccupations par un communiqué de presse du 2 août 2000.

2.6Le 7 juillet 2000, les requérants ont introduit un pourvoi devant la Cour de cassation du Sénégal contre la décision de la chambre d’accusation pour rétablir les poursuites contre Hissène Habré. Ils ont notamment fait valoir que la décision de la chambre d’accusation était contraire aux dispositions de la Convention contre la torture et qu’une loi interne ne pouvait être invoquée pour justifier la non‑application de la Convention.

2.7Le 20 mars 2001, la Cour de cassation du Sénégal a confirmé la décision de la chambre d’accusation en déclarant notamment «[q]u’aucun texte de procédure ne reconnaît une compétence universelle aux juridictions sénégalaises en vue de poursuivre et de juger, s’ils sont trouvés sur le territoire de la République, les présumés requérants ou complices de faits [de torture] […] lorsque ces faits ont été commis hors du Sénégal par des étrangers; que la présence au Sénégal d’Hissène Habré ne saurait à elle seule justifi[er] les poursuites intentées contre lui».

2.8Le 19 Septembre 2005, après quatre années d’investigation, un juge belge a délivré un mandat d’arrêt international à l’encontre d’Hissène Habré en inculpant ce dernier d’actes de génocide, crimes contre l’humanité, crimes de guerre, tortures et autres graves violations du droit international humanitaire. À cette même date, la Belgique a transmis une demande d’extradition au Sénégal se référant, entre autres, à la Convention contre la torture.

2.9Suite à la demande d’extradition, les autorités sénégalaises ont procédé à l’arrestation d’Hissène Habré le 15 novembre 2005.

2.10Le 25 novembre 2005, la chambre d’accusation de la Cour d’appel de Dakar s’est déclarée incompétente pour statuer sur la demande d’extradition. Néanmoins, le 26 novembre, le Ministre de l’intérieur du Sénégal a placé Hissène Habré «à la disposition du Président de l’Union africaine» et a annoncé qu’Hissène Habré serait expulsé dans les 48 heures vers le Nigéria. Le 27 novembre, le Ministre des affaires étrangères du Sénégal déclarait qu’Hissène Habré resterait au Sénégal et que suite à un entretien entre les Présidents du Sénégal et du Nigéria, il avait été convenu que l’affaire serait portée à l’attention du prochain sommet des chefs d’État de l’Union africaine qui devait se tenir à Khartoum les 23 et 24 janvier 2006.

2.11À sa soixantième session ordinaire, tenue le 24 janvier 2006, l’Assemblée de l’Union africaine a décidé de mettre en place un Comité d’éminents juristes africains qui seraient nommés par le Président de l’Union africaine en consultation avec le Président de la Commission de l’Union africaine pour considérer tous les aspects et implications du cas Hissène Habré, ainsi que les options possibles pour son procès et de faire rapport à sa prochaine session ordinaire en juin 2006.

Teneur de la plainte

3.1Les requérants allèguent une violation par le Sénégal des articles 5, paragraphe 2, et 7 de la Convention contre la torture et demandent, à ce titre, différentes réparations.

Violation de l’article 5, paragraphe 2, de la Convention

3.2Les requérants relèvent que, dans sa décision du 20 mars 2001, la Cour de cassation a constaté que «l’article 79 de la Constitution (qui stipule que les traités internationaux sont directement applicables dans l’ordre interne sénégalais et peuvent à ce titre être directement invoqués devant les juridictions internes) ne saurait recevoir application dès lors que l’exécution de la Convention nécessite que soient prises par le Sénégal des mesures législatives préalables» et «qu’aucune modification de l’article 669 du Code de procédure pénale [qui énumère les cas pour lesquels des poursuites peuvent être engagées contre des étrangers au Sénégal pour des faits commis á l’étranger] n’est intervenue». Ils rappellent également qu’alors que l’État partie a adopté une législation incorporant le crime de torture dans son Code pénal conformément à l’article 4 de la Convention, il n’a adopté aucune législation relative à l’article 5, paragraphe 2, malgré que cette disposition représente la «pierre angulaire» de la Convention, citant à ce titre les travaux préparatoires dudit texte.

3.3En outre, les requérants soulignent qu’alors que la Cour de cassation constate «que la présence au Sénégal d’Hissène Habré ne saurait à elle seule justifier des poursuites», c’est justement sur cette seule présence de l’auteur sur le territoire en question que se base l’article 5 de la Convention pour établir la compétence du pays concerné.

3.4Les requérants estiment que la décision de la Cour de cassation est contraire à l’objectif principal de la Convention ainsi qu’aux engagements pris par l’État partie devant le Comité contre la torture selon lesquels aucune disposition de droit interne ne fait obstacle à la poursuite de crimes de torture commis à l’étranger.

3.5Les requérants notent que, outre l’existence de l’article 79 de la Constitution, en vertu duquel la Convention est directement partie intégrante de la législation interne sénégalaise, il appartenait aux autorités de l’État partie de prendre toutes les mesures législatives supplémentaires afin d’empêcher toutes ambiguïtés, telles que celles qui ont été soulevées par la Cour de cassation.

3.6Les requérants rappellent que les membres du Comité insistent régulièrement sur la nécessité pour les États parties de prendre les mesures législatives appropriées pour mettre en œuvre la compétence universelle dans les cas de crimes de torture. Lors de l’examen du rapport initial présenté par l’État partie en vertu de l’article 19 de la Convention, le Comité a souligné l’importance de l’article 79 de la Constitution sénégalaise en insistant pour que celui‑ci soit mis en œuvre sans réserve. L’État partie avait d’ailleurs lui‑même expressément assuré dans ses déclarations finales qu’il «entend respecter les engagements qu’il a pris, à la lumière des conclusions du Comité et compte tenu de la prééminence du droit international sur le droit interne».

3.7Les requérants considèrent dès lors que le fait que l’État partie n’a pas conformé sa législation à l’article 5, paragraphe 2, de la Convention, constitue une violation de cette disposition.

Violation de l’article 7 de la Convention

3.8Se référant à plusieurs opinions concordantes des membres de la Chambre des lords du Royaume‑Uni dans l’affaire Pinochet, les requérants soulignent que le véritable but de la Convention est de s’assurer qu’aucune personne suspectée d’actes de torture ne puisse échapper à la justice en se rendant simplement dans un autre pays et que l’article 7 de ladite Convention traduit précisément le principe aut dedere aut punire qui non seulement permet à tout État partie à la Convention mais aussi l’oblige à se déclarer compétent à l’égard d’un acte de torture quel qu’en soit le lieu de sa commission. Les requérants renvoient également à Cherif Bassiouni et Edward Wise selon lesquels cette même disposition traduit le principe aut dedere aut judicare. Ils citent également un avis juridique selon lequel «la Convention se caractérise ainsi principalement en matière juridictionnelle par le fait qu’elle n’impose pas seulement une obligation purement législative et territoriale, qui caractérisait précédemment les autres conventions des droits de l’homme, pour reproduire les modèles de sécurité collective de Tokyo et de La Haye, dominés par les principes de la liberté juridictionnelle, aut dedere aut prosequi, ainsi que par l’obligation de poursuivre».

3.9Les requérants soulignent que le Comité a lui‑même recommandé, lors de l’examen du troisième rapport périodique du Royaume‑Uni, concernant l’affaire Pinochet, «que des poursuites criminelles soient engagées en Angleterre si la décision de ne pas l’extrader était prise. Ceci serait conforme aux obligations incombant à l’État partie en vertu des articles 4 à 7 de la Convention et de l’article 27 de la Convention de Vienne de 1969 sur le droit des traités».

3.10Par conséquent, alors qu’il a décrit en détail le mécanisme de mise en œuvre de l’article 7 sur son territoire dans son deuxième rapport périodique présenté au Comité, l’État partie n’a ni poursuivi, ni extradé Hissène Habré, ce qui, selon les requérants, démontre qu’il y a eu violation de l’article 7 de la Convention.

Réparations

3.11Les requérants précisent qu’ils travaillent depuis plus de 10 ans sur la préparation d’un procès contre Hissène Habré et que la présence de ce dernier sur le territoire de l’État partie ainsi que l’existence des engagements internationaux par lesquels le Sénégal est lié ont représenté les facteurs déterminants de l’engagement des poursuites contre Hissène Habré. La décision prise par les autorités de l’État partie d’abandonner ces poursuites a dès lors causé aux requérants un énorme préjudice pour lequel ils sont en droit de demander une réparation.

3.12Plus particulièrement, les requérants demandent au Comité de dire que:

En renonçant aux poursuites contre Hissène Habré, l’État partie a violé les articles 5, paragraphe 2, et 7 de la Convention;

L’État partie devra prendre toutes les mesures nécessaires afin que la législation sénégalaise soit rendue conforme aux obligations découlant des dispositions susmentionnées. Les requérants précisent à ce sujet que, bien que les constatations du Comité n’ont qu’un caractère déclaratoire et n’affectent pas les décisions des autorités nationales compétentes, elles emportent également «la responsabilité par cet État de trouver des solutions qui lui permettent de prendre toutes mesures nécessaires afin de se conformer à la Convention», mesures qui peuvent être politiques ou législatives;

L’État partie devra soit extrader Hissène Habré, soit soumettre l’affaire aux autorités compétentes pour l’exercice de l’action pénale;

Si l’État partie ne juge ni n’extrade Hissène Habré, il devra compenser les requérants des préjudices subis, et notamment en vertu de l’article 14 de la Convention. Les requérants estiment en outre que, le cas échéant, l’État partie devra lui‑même procéder à cette réparation à la place d’Hissène Habré à l’instar du principe développé par la Cour européenne des droits de l’homme dans l’affaire Osman c. Royaume ‑Uni;

L’État partie dédommagera les requérants des frais qu’ils ont engagés dans la procédure au Sénégal; et

Conformément à l’article 111, paragraphe 5, du Règlement intérieur du Comité, l’État partie lui communiquera dans les 90 jours toutes les informations relatives aux mesures prises suite à ses constatations.

Observations de l’État partie sur la recevabilité

4.Le 19 juin 2001, l’État partie a transmis au Comité ses observations sur la recevabilité de la communication. Il soutient que la communication ne pourrait être examinée par le Comité que si les requérants relevaient de la juridiction du Sénégal. Or, les faits de torture soulevés par les requérants sont des actes subis par des ressortissants du Tchad et présumés avoir été commis au Tchad par un Tchadien. Les requérants ne relèvent donc pas de la juridiction de l’État partie au sens de l’article 22, paragraphe 1, de la Convention puisque, selon le droit sénégalais, et plus particulièrement l’article 699 du Code de procédure pénale, la plainte déposée au Sénégal contre de tels faits ne saurait être examinée par les juridictions sénégalaises, quelle que soit la nationalité des victimes. L’État partie considère donc que la communication doit être déclarée irrecevable.

Commentaires des requérants sur les observations de l’État partie concernant la recevabilité

5.1Par lettre du 19 juillet 2001, les requérants soulignent à titre préliminaire que, contrairement à ce qui est indiqué par l’État partie, les faits dont ils allèguent la violation par le Sénégal ne sont pas les actes de torture qu’ils ont subis au Tchad mais bien le refus des juridictions sénégalaises de donner suite à la plainte contre Hissène Habré. Les faits relatifs aux actes de torture n’ont été présentés au Comité que dans le but de présenter le contexte dans lequel les plaintes ont été déposées au Sénégal.

5.2Ensuite, les requérants font valoir que l’interprétation que l’État partie fait des termes «relevant de sa juridiction», tels qu’ils figurent à l’article 22 de la Convention, reviendrait à dénuer d’intérêt tout recours auprès du Comité.

5.3À ce sujet, les requérants remarquent que l’article premier du Protocole facultatif au Pacte relatif aux droits civils et politiques est rédigé dans les mêmes termes que l’article 22 de la Convention et a fait plusieurs fois l’objet d’une analyse par le Comité des droits de l’homme qui a interprétécette clause de façon objective et fonctionnelle. Ainsi, un particulier devrait être considéré comme relevant de la juridiction d’un État si les violations alléguées résultent d’une action de cet État. Il importe peu dès lors que le requérant ait, par exemple, la nationalité de cet État ou qu’il réside sur son territoire. Dans l’affaire Ibrahma Gueye et al. c. France, les requérants, de nationalité sénégalaise et résidant au Sénégal, ont été considérés par le Comité des droits de l’homme comme étant sous la juridiction de la France en ce qui concerne les pensions de retraite des soldats retraités de nationalité sénégalaise ayant servi dans l’armée française avant l’indépendance du Sénégal, même si les requérants n’étaientpas généralement sous la juridiction française. Le fait de relever de la juridiction d’un État au sens de l’article 22 de la Convention doit donc s’analyser strictement par rapport aux faits allégués dans la plainte.

5.4Par conséquent, dans le cas présent, les requérants relèvent bien de la juridiction de l’État partie en ce que les faits allégués contre le Sénégal en vertu de la Convention sont relatifs à des actions judiciaires engagéesdevant les juridictions sénégalaises. Ainsi, contrairement à ce qui est avancé par l’État partie, il importe peu que les actes de torture se soient déroulés dans un autre pays ou que les victimes ne soient pas de nationalité sénégalaise. Pour établir que les requérants relèvent de la juridiction du Sénégal dans le cas présent, il suffit d’établir que la communication concerne des actes qui étaient de la compétence du Sénégal dans la mesure où seul le Sénégal peut décider de la poursuite de l’action judiciaire initiée par les requérants au Sénégal. En saisissant les tribunaux sénégalais, les requérants relevaient dès lors de la juridiction de l’État partie pour les besoins de cette action.

5.5Les requérants soulèvent en outre à titre subsidiaire que, selon la loi sénégalaise, les étrangers qui saisissent les tribunaux de l’État partie doivent élire domicile au Sénégal. Ceci démontre que, même à adopter l’interprétation restrictive faite par le Sénégal, les requérants relèvent effectivement de la juridiction de l’État partie.

5.6Les requérants avancent enfin que l’État partie ne peut invoquer son droit interne pour justifier qu’ils ne relèvent pas de sa juridiction car cela reviendrait à se prévaloir de la violation de l’article 5, paragraphe 2, de la Convention qui impose à l’État partie de prendre les mesures nécessaires pour établir sa juridiction sur les faits visés à l’article 4 de la Convention. Par ailleurs, en invoquant cet argument, l’État partie méconnaît tant le droit coutumier que le droit international. En effet, l’adage nemo auditur propriam turpitudinem allegans est un principe appliqué dans la plupart des systèmes juridiques et interdit à quiconque de se prévaloir d’un droit acquis de manière frauduleuse. En outre, en vertu de l’article 27 de la Convention de Vienne sur le droit des traités, «une partie ne peut invoquer les dispositions de son droit interne comme justifiant la non‑exécution d’un traité». Les requérants rappellent que la Convention de Vienne réaffirme ainsi le principe que quelles que soient les mesures adoptées par le droit interne pour régler les conditions d’application du traité sur le plan domestique, celles‑ci n’affectent pas l’obligation qui en résulte pour l’État sur le plan international d’en assurer l’application et d’en assumer la responsabilité internationale.

Décision du Comité sur la recevabilité

6.1Lors de sa vingt‑neuvième session, le Comité a examiné la question de la recevabilité de la requête. Il s’est assuré que la même question n’avait pas été et n’était pas en cours d’examen devant une autre instance internationale d’enquête ou de règlement et a considéré que la communication ne constituait pas un abus du droit de présenter une communication et n’était pas incompatible avec les dispositions de la Convention.

6.2Le Comité a pris note des arguments de l’État partie selon lesquels la communication serait irrecevable car les requérants ne relèvent pas de la juridiction du Sénégal au sens de l’article 22 de la Convention.

6.3Pour établir si un requérant relève effectivement de la juridiction de l’État partie contre lequel il a soumis sa communication au sens de l’article 22 susmentionné, le Comité doit prendre en compte différents éléments qui ne se limitent pas à la nationalité de l’auteur. Le Comité constate à cet égard que les violations visées par la plainte concernent le refus par les autorités sénégalaises de poursuivre Hissène Habré, en dépit de leur obligation d’exercer leur compétence universelle en vertu des articles 5, paragraphe 2, et 7 de la Convention. Le Comité constate également que l’État partie ne conteste pas que les requérants étaient bien les parties civiles dans les poursuites qui ont été intentées contre Hissène Habré au Sénégal. En outre, le Comité note que, dans le cas d’espèce, les requérants ont élu domicile au Sénégal afin de poursuivre la procédure qu’ils ont initiée à l’encontre d’Hissène Habré. Sur base de ces éléments, le Comité est d’avis que les requérants relèvent bien de la juridiction du Sénégal en ce qui concerne le litige qui fait l’objet de la présente communication.

6.4Le Comité considère par ailleurs que le principe de compétence universelle édicté aux articles 5, paragraphe 2, et 7 de la Convention implique l’élargissement de la juridiction des États parties à des requérants potentiels se trouvant dans des situations similaires à celles des requérants.

6.5En conséquence, le Comité contre la torture a déclaré la requête recevable le 13 novembre 2001.

Observations de l’État partie sur le fond

7.1Par note verbale du 31 mars 2002, l’État partie a transmis ses observations sur le fond.

7.2L’État partie relève que, conformément aux règles de procédure pénale, la procédure judiciaire a débuté au Sénégal par un réquisitoire du parquet du 27 janvier 2000 dans lequel le procureur de Dakar demande qu’il soit informé contre Hissène Habré pour complicité d’actes de torture et de barbarie et contre X pour actes de torture, de barbarie, crimes contre l’humanité. Hissène Habré fut inculpé le 3 février 2000 de ces deux chefs d’inculpation et placé en résidence surveillée. Le 18 février 2000, Hissène Habré déposait une requête aux fins d’annulation de la procédure, pour incompétence des juridictions sénégalaises, défaut de base légale et prescription des faits.

7.3Par arrêt du 4 juillet, la chambre d’accusation de la Cour d’appel a annulé la procédure. Par arrêt du 20 mars 2001, la Cour de cassation a rejeté le pourvoi interjeté par les requérants (parties civiles). La procédure s’est donc achevée au Sénégal après que la plus haute instance ait prononcé sa décision.

7.4Quant aux allégations de pression par l’exécutif sur le pouvoir judiciaire et notamment le fait que ceux qui siégeaient dans cette affaire ont été relevés et/ou mutés, en l’occurrence le doyen des juges d’instruction et le Président de la chambre d’accusation, l’État partie rappelle que le Président de la chambre d’accusation est primus inter pares d’une formation juridictionnelle de trois membres, donc sans possibilité d’imposer son opinion. Les deux autres membres de la chambre d’accusation n’ont pas été touchés par le mouvement d’affectation de magistrats auquel il est fait référence et qui, au demeurant, était de portée générale.

7.5II convient de rappeler également que tout pays, en vue d’assurer un fonctionnement normal de ses institutions, a la latitude d’organiser celles‑ci conformément à ses objectifs.

7.6La Constitution et la loi garantissent l’indépendance du juge. L’une de ces garanties est l’intervention dans la carrière et le régime disciplinaire des juges, d’un Conseil supérieur de la magistrature où siègent des magistrats élus, et des magistrats désignés. Des recours sont intentés lorsque l’autorité de nomination est accusée de violer le principe d’indépendance de la justice.

7.7L’un des aspects fondamentaux de l’indépendance de la magistrature est la possibilité pour les juges d’intenter des recours contre des actes qui le concernent, et l’obligation qui pèse sur l’exécutif de ne pas s’immiscer dans le fonctionnement des juridictions. Le recours réservé au magistrat n’est pas seulement théorique.

7.8En effet, le 13 septembre 2001, le Conseil d’État a annulé des décrets portant nomination de magistrats, estimant que la garantie fondamentale dont l’objet est la protection d’un magistrat du siège pour assurer son indépendance, en l’occurrence l’obligation de recevoir le consentement préalable de l’intéressé avant toute affectation nouvelle, même par voie d’avancement, n’a pas été respectée.

7.9L’effectivité de l’indépendance de la justice sénégalaise doit être reconnue. Le procès pénal aboutit nécessairement à une décision qui ne peut malheureusement pas satisfaire toutes les parties. L’instruction judiciaire est une composante du procès pénal. Elle est soumise, de par sa nature, à toutes les garanties prévues dans les instruments internationaux. Dans le cas d’espèce, les parties ont été placées dans des conditions reconnues pour une justice équitable. En l’absence de loi, il n’est pas possible, sans violer le principe de la légalité, de poursuivre la procédure. C’est ce qu’a rappelé la Cour de cassation dans son arrêt du 20 mars 2001.

Sur la violation de l’article 5, paragraphe 2, de la Convention

7.10Dans l’arrêt sur l’affaire Hissène Habré, la Cour de cassation a considéré que «les traités ou accords régulièrement ratifiés ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois sous réserve, pour chaque accord ou traité, de son application par l’autre partie», et que la Convention ne peut être appliquée tant que le Sénégal n’a pas pris de mesures législatives préalables. La Cour ajoute que la ratification de la Convention fait peser sur chaque État partie l’obligation de prendre des mesures nécessaires pour établir sa compétence aux fins de connaître des infractions visées à l’article 4, ou d’extrader les auteurs d’actes tortures.

7.11Hissène Habré a fait l’objet de poursuites. Cependant, la Convention contre la torture n’étant pas auto‑exécutoire, le Sénégal, pour se conformer à ses engagements, a promulgué la loi no 96‑16 du 28 août 1996 édictant l’article 295 du Code pénal. Le principe aut dedere aut judicare comprend le devoir de poursuivre ou d’extrader avec efficacité et équité. À cet égard, le législateur sénégalais a fait sien l’argument du professeur Bassiouni selon lequel «[l]e devoir de poursuivre ou d’extrader doit, en l’absence d’une convention spécifique stipulant une telle obligation et en dépit des arguments en ce sens des spécialistes, être prouvé comme faisant partie du droit international coutumier».

7.12Les actes de torture sont codifiés dans le Code pénal sénégalais, en application de l’article 4 de la Convention, en tant que crime international relevant du jus cogens. Il convient de noter que le Sénégal n’a pas perdu de vue l’adaptation de sa législation mais, dans le cadre de la Convention, un État partie n’est pas obligé de satisfaire à ses engagements dans un délai précis.

Sur la violation de l’article 7 de la Convention

7.13La Convention n’étant pas auto‑exécutoire, il convient, pour établir la compétence universelle relativement aux actes de torture, d’adopter une loi d’adaptation qui fixerait la procédure ainsi que les règles de fond.

7.14Si le Comité a souligné la nécessité, pour les États parties, de prendre des mesures législatives appropriées pour mettre en œuvre la compétence universelle pour des crimes de torture, il n’en demeure pas moins que les modalités de cette procédure ne peuvent pas être directives. Le Sénégal a entrepris une procédure très complexe qui implique des considérations inhérentes à sa situation d’État en voie de développement, et à la capacité de son appareil judiciaire d’appliquer les principes d’un état de droit.

7.15L’État partie rappelle qu’il est communément admis que l’application, de manière absolue, de la compétence universelle est difficile. Il est donc normal de prévoir différentes étapes de mise en œuvre.

7.16Cependant, l’absence de codification interne de la compétence universelle n’a pas eu comme résultat l’impunité totale d’Hissène Habré. Le Sénégal applique le principe aut dedere aut judicare. À ce titre, toute demande d’entraide judiciaire ou de coopération en matière de justice est examinée avec bienveillance et exécutée dans la légalité, surtout lorsque la demande découle de l’application d’une obligation conventionnelle internationale.

7.17En ce sens, le Sénégal applique, relativement au cas d’Hissène Habré, les dispositions de l’article 7 de la Convention. L’obligation d’extrader, à moins de se situer sur un autre plan, n’a jamais posé de difficultés. Dès lors, si une demande d’application de l’autre alternative du principe aut dedere aut judicare est formulée, il n’y a pas de doute que le Sénégal se conformera à ses obligations.

Sur la demande de compensation financière

7.18En violation du principe Electa una via non datur recursus ad alteram (Une voie choisie, il n’est pas possible de revenir à l’autre), les requérants ont également engagé une procédure contre Hissène Habré devant les tribunaux belges. L’État partie considère que demander au Sénégal d’envisager une compensation financière aboutirait dès lors à créer les conditions d’une injustice absolue.

7.19La loi belge du 16 juin 1993 (telle que modifiée par la loi du 23 avril 2003) relative à la répression des violations graves du droit international humanitaire introduit des dérogations importantes par rapport au droit pénal belge, aussi bien sur le plan de la procédure que sur le fond. Une juridiction d’instruction belge a été saisie, et des actes d’information judiciaire ont été demandés, tout comme cela avait été le cas au Sénégal. L’État partie soutient qu’il est opportun de suivre l’évolution de cette procédure jusqu’à son terme avant d’envisager un quelconque dédommagement.

Commentaires des requérants sur les observations de l’État partie concernant le fond

8.1Par lettre du 1er juillet 2002, les requérants ont transmis leurs observations sur le fond.

Sur la violation de l’article 5, paragraphe 2, de la Convention

8.2Relativement à l’argument de l’absence de délai précis pour se conformer aux obligations de la Convention invoqué par l’État partie, les requérants soutiennent, à titre principal, que l’État partie était tenu par la Convention depuis la date de sa ratification.

8.3Selon l’article 16 de la Convention de Vienne sur le droit des traités (ci‑après Convention de Vienne), «[à] moins que le traité n’en dispose autrement, les instruments de ratification, d’acceptation, d’approbation ou d’adhésion établissent le consentement d’un État à être lié par un traité au moment: […] b) de leur dépôt auprès du dépositaire […]». Les travaux préparatoires relatifs à cette disposition confirment que l’État partie est immédiatement lié par les obligations qui découlent du traité, dès le moment du dépôt de l’instrument de ratification.

8.4Selon les requérants, l’argument invoqué par l’État partie remet en cause le sens même de l’acte de ratification et conduirait à une situation dans laquelle aucun État ne devrait rendre de compte du manque de respect de ses obligations conventionnelles.

8.5Concernant les mesures législatives concrètes qui doivent être prises par un État pour satisfaire à ses obligations conventionnelles, les requérants soutiennent que la manière selon laquelle l’État concerné s’acquitte de ses obligations importe peu au regard du droit international. Ils considèrent d’ailleurs que ce dernier évolue vers une élimination des formalités de droit national connexes à la ratification en vertu du principe selon lequel les normes de droit international devraient être considérées comme obligatoires dans l’ordre juridique interne et international dès l’entrée en vigueur du traité. Les requérants ajoutent que l’État partie aurait pu saisir l’opportunité d’ajuster sa législation nationale avant même qu’il ne ratifie la Convention.

8.6Enfin, les requérants rappellent que l’article 27 de la Convention de Vienne interdit à l’État partie d’invoquer des dispositions de droit interne pour justifier le manque de respect à ses obligations conventionnelles. Cette disposition a été interprétée par le Comité sur les droits économiques, sociaux et culturels comme une obligation, pour les États, de «modifier selon qu’il convient l’ordre juridique afin de donner effet à leurs obligations conventionnelles».

8.7À titre subsidiaire, les requérants soutiennent que, même à considérer que l’État partie n’était pas tenu par ses obligations au moment de sa ratification, il a commis une violation de l’article 5 parce qu’il n’a pas adopté de législation appropriée pour se conformer à la Convention dans un délai raisonnable.

8.8En vertu de l’article 26 de la Convention de Vienne qui consacre l’obligation pour les parties de se conformer de bonne foi aux obligations qui découlent des conventions internationales, les requérants relèvent que, la ratification ayant eu lieu le 21 août 1986, l’État partie a disposé de 15 années jusqu’à la date de l’introduction de la présente communication pour mettre en œuvre la Convention, ce qu’il n’a pas fait.

8.9À cet égard, dans ses observations finales sur le deuxième rapport périodique du Sénégal, le Comité avait déjà recommandé «à l’État partie d’envisager, dans la réforme législative qu’il est en train d’effectuer, d’introduire explicitement dans la législation nationale les dispositions suivantes: a) définition de la torture, conformément à l’article premier de la Convention, et incrimination de la torture comme infraction générale, en application de l’article 4 de la Convention; cette dernière disposition rendrait entre autres possible pour l’État partie d’exercer la juridiction universelle prévue par les articles 5 et suivants de la Convention; […]». L’État partie n’a pas donné suite à cette recommandation et a retardé de manière déraisonnable l’adoption de la législation nécessaire pour mettre en œuvre la Convention.

Sur la violation de l’article 7 de la Convention

8.10Concernant l’argument selon lequel l’article 7 de la Convention n’a pas été violé parce que l’État partie était prêt, le cas échéant, à extrader Hissène Habré, les requérants soutiennent que l’obligation de poursuivre Hissène Habré telle qu’elle découle de cette disposition n’est pas liée à l’existence d’une demande d’extradition.

8.11Les requérants apprécient le fait que le Sénégal était prêt à extrader Hissène Habré et rappellent en ce sens que le Président Wade avait déclaré le 27 septembre 2001 que «[s]i un pays, capable d’organiser un procès équitable − on parle de la Belgique − le veut, je n’y verrai aucun obstacle». Néanmoins, cette suggestion n’était que purement hypothétique au moment des présentes observations puisqu’il n’existait aucune demande d’extradition.

8.12Sur base d’une analyse détaillée des travaux préparatoires de la Convention, les requérants réfutent la thèse que semble faire valoir l’État partie et selon laquelle l’obligation de poursuivre de l’article 7 n’existerait qu’après qu’une demande d’extradition ait été faite et refusée. En outre, les requérants reflètent le contenu d’importants passages d’un ouvrage académique pour démontrer que l’obligation de l’État partie de poursuivre l’auteur d’actes de torture en vertu de l’article 7 n’est pas dépendante de l’existence d’une demande d’extradition.

Sur la demande de compensation financière

8.13Les requérants rejettent l’affirmation de l’État partie selon laquelle ils ont initié une procédure devant les tribunaux belges. En réalité, ce sont d’autres anciennes victimes d’Hissène Habré qui ont saisi la justice belge. Les requérants ne sont pas parties à cette procédure.

8.14En outre, les requérants soutiennent qu’il n’existe aucun risque de double compensation parce qu’Hissène Habré ne peut être jugé qu’à un seul endroit.

Délibérations du Comité sur le fond

9.1Le Comité note en premier lieu que son examen au fond a été retardé par la volonté explicite des parties, en raison de la litispendance d’une procédure judiciaire initiée en Belgique et visant à obtenir l’extradition d’Hissène Habré.

9.2Le Comité constate également que, malgré sa note verbale du 24 novembre 2005 demandant à l’État partie de lui fournir une mise à jour de ses observations sur le fond avant le 31 janvier 2006, ce dernier n’a jamais fait suite à cette demande.

9.3Sur le fond, le Comité doit déterminer si l’État partie a violé les articles 5, paragraphe 2, et 7 de la Convention. Il constate, et ceci n’est pas contesté, qu’Hissène Habré se trouve sur le territoire de l’État partie depuis décembre 1990. En janvier 2000, les requérants ont déposé une plainte contre Hissène Habré auprès d’un juge d’instruction de Dakar, pour actes de torture. Le 20 mars 2001, au terme d’une procédure judiciaire, la Cour de cassation du Sénégal a estimé «[q]u’aucun texte de procédure ne reconnaît une compétence universelle aux juridictions sénégalaises en vue de poursuivre et de juger, s’ils sont trouvés sur le territoire de la République, les présumés requérants ou complices de faits [de torture] […] lorsque ces faits ont été commis hors du Sénégal par des étrangers; que la présence au Sénégal d’Hissène Habré ne saurait à elle seule justifi[er] les poursuites intentées contre lui». Les juridictions de l’État partie ne sont pas prononcées sur le bien fondé des allégations de torture invoquées par les requérants au sein de leur plainte.

9.4Le Comité constate également qu’en date du 25 novembre 2005, la chambre d’accusation de la Cour d’appel de Dakar s’est déclarée incompétente pour statuer sur une demande d’extradition à l’encontre d’Hissène Habré émanant de la Belgique.

9.5Le Comité rappelle qu’en vertu de l’article 5, paragraphe 2, de la Convention, «tout État partie prend […] les mesures nécessaires pour établir sa compétence aux fins de connaître desdites infractions dans le cas où l’auteur présumé de celles‑ci se trouve sur tout territoire sous sa juridiction et où ledit État ne l’extrade pas […]». Il note que l’État partie n’a pas contesté, dans ses observations sur le fond, qu’il n’avait pas adopté ces «mesures nécessaires» visées par l’article 5, paragraphe 2, de la Convention, et constate que la Cour de cassation a considéré elle‑même que ces mesures n’avaient pas été prises par l’État partie. De plus, il considère que le délai raisonnable dans lequel l’État partie aurait dû remplir cette obligation est largement dépassé.

9.6Le Comité considère par conséquent que l’État partie n’a pas rempli ses obligations en vertu de l’article 5, paragraphe 2, de la Convention.

9.7Le Comité rappelle qu’en vertu de l’article 7 de la Convention, «l’État partie sur le territoire sous la juridiction duquel l’auteur présumé d’une infraction visée à l’article 4 est découvert, s’il n’extrade pas ce dernier, soumet l’affaire, dans les cas visés à l’article 5, à ses autorités compétentes pour l’exercice de l’action pénale». Il note à cet égard que l’obligation de poursuivre l’auteur présumé d’actes de torture ne dépend pas de l’existence préalable d’une demande d’extradition à son encontre. Cette alternative qui est offerte à l’État partie en vertu de l’article 7 de la Convention n’existe que lorsqu’une telle demande d’extradition a effectivement été formulée et place dès lors l’État partie dans la position de choisir entre a) procéder à ladite extradition ou b) soumettre l’affaire à ses propres autorités judiciaires pour le commencement de l’action pénale, le but de la disposition étant d’éviter l’impunité pour tout acte de torture.

9.8Le Comité estime que l’État partie ne peut invoquer la complexité de sa procédure judiciaire ou d’autres raisons dérivées de son droit interne pour justifier le manque de respect à ses obligations en vertu de la Convention. Il considère que cette obligation de poursuivre Hissène Habré pour les faits allégués de torture existait dans le chef de l’État partie, à défaut de prouver qu’il ne disposait pas d’éléments suffisants permettant de poursuivre Hissène Habré, à tout le moins au moment de l’introduction de la plainte par les requérants en janvier 2000. Or, par sa décision du 20 mars 2001, non susceptible d’appel, la Cour de cassation a mis fin aux possibilités de poursuite à l’encontre d’Hissène Habré au Sénégal.

9.9Par conséquent et nonobstant le temps qui s’est écoulé depuis l’introduction de la communication, le Comité considère que l’État partie n’a pas rempli ses obligations en vertu de l’article 7 de la Convention.

9.10En outre, le Comité constate qu’à partir du 19 septembre 2005, l’État partie se trouvait dans une autre des situations prévues par ledit article 7 puisqu’une demande formelle d’extradition avait alors été formulée par la Belgique. L’État partie avait à ce moment l’alternative de procéder à cette extradition s’il décidait de ne pas soumettre l’affaire à ses propres autorités judiciaires pour l’exercice de poursuites pénales à l’encontre d’Hissène Habré.

9.11Le Comité considère qu’en refusant de faire suite à cette demande d’extradition, l’État partie a une nouvelle fois manqué à ses obligations en vertu de l’article 7 de la Convention.

9.12Le Comité contre la torture, agissant en vertu du paragraphe 7 de l’article 22 de la Convention, conclut que l’État partie a violé les articles 5, paragraphe 2, et 7 de la Convention.

10.Conformément à l’article 5, paragraphe 2, de la Convention, l’État partie est tenu d’adopter les mesures nécessaires, y compris législatives, pour établir sa compétence relativement aux actes dont il est question dans la présente communication. L’État partie est en outre tenu, conformément à l’article 7 de la Convention, de soumettre la présente affaire à ses autorités compétentes pour l’exercice de l’action pénale ou, à défaut, dans la mesure où il existe une demande d’extradition émanant de la Belgique, de faire droit à cette demandeou, le cas échéant, à toute autre demande d’extradition émanant d’un autre État en conformité avec les dispositions de la Convention. Cette décision n’affecte en aucun cas la possibilité pour les requérants d’obtenir une compensation devant les organes internes de l’État partie en raison de l’absence de mise en œuvre de ses obligations conformément à la Convention.

11.Étant donné qu’en faisant la déclaration prévue à l’article 22 de la Convention, l’État partie a reconnu que le Comité avait compétence pour déterminer s’il y a eu ou non violation de la Convention, le Comité souhaite recevoir de l’État partie, dans un délai de 90 jours, des renseignements sur les mesures prises pour donner effet à ses recommandations.

Notes

Communication n o 231/2003

Présentée par:

S. N. A. W. et consorts (représentés par un conseil, M. Bernhard Jüsi)

Au nom de:

S. N. A. W. et consorts

État partie:

Suisse

Date de la requête:

12 juin 2003 (lettre initiale)

Le Comité contre la torture,institué en vertu de l’article 17 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,

Réuni le 24 novembre 2005,

Ayant achevé l’examen de la requête no231/2003, présentée par S. N. A. W. et consorts en vertu de l’article 22 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,

Ayant tenu compte de toutes les informations qui lui ont été communiquées par les requérants,

Adopte la décision au titre de l’article 22 de la Convention contre la torture ci‑après:

1.1Les requérants sont S. N. A. W. (premier requérant), né le 6 février 1974, sa sœur P. D. A. W. (deuxième requérante), née le 2 mars 1964, et la fille de cette dernière, S. K. D. D. G. S. (troisième requérante), née le 30 décembre 1992. Tous trois sont Sri‑lankais et résident actuellement en Suisse, où ils sont en attente d’expulsion vers Sri Lanka. Ils affirment que leur retour forcé à Sri Lanka constituerait une violation par la Suisse de l’article 3 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, car ils risqueraient d’y être torturés. Ils sont représentés par un conseil, M. Bernhard Jüsi.

1.2Le 20 juin 2003, par l’intermédiaire du Rapporteur chargé des nouvelles requêtes et des mesures provisoires de protection, le Comité a transmis la requête à l’État partie et lui a demandé, conformément au paragraphe 1 de l’article 108 de son règlement intérieur, de ne pas renvoyer les requérants à Sri Lanka tant que leur requête serait à l’examen. Le Rapporteur a indiqué que cette demande pourrait être réexaminée à la lumière d’arguments nouveaux présentés par l’État partie. L’État partie a accédé à cette demande dans une note datée du 12 août 2003.

Rappel des faits présentés par les requérants

2.1En 1992, le frère des deux premiers requérants, soupçonné d’être un militant du JVP («Janatha Vimukthi Peramuna»), a été tué par balle alors qu’il prenait une douche dans le jardin derrière sa maison, à Jayawadanagama (Battaramulla). La police aurait refusé d’enquêter sur l’assassinat. Le fonctionnaire de police chargé de l’affaire a dit aux requérants que les balles trouvées dans le corps de leur frère provenaient d’un fusil appartenant à la police. Le fonctionnaire a ensuite été transféré à un autre poste. Lorsque les requérants ont insisté pour qu’il y ait une enquête en bonne et due forme, on les a prévenus qu’il serait préférable pour leur propre sécurité qu’ils ne posent plus de questions. En 1993, la famille des requérants a déménagé dans une autre ville (Akkuressa) à cause des pressions que les autorités exerçaient sur elle.

2.2Pendant l’hiver 1994/95, le mari de la deuxième requérante a été arrêté dans la maison familiale des requérants, parce qu’il n’avait pas repris le service dans l’armée sri‑lankaise à la fin de sa permission. La police a nié l’avoir arrêté et a accusé les requérants de le cacher. La deuxième requérante, qui ignorait où son mari se trouvait, aurait ensuite été harcelée et aurait été presque violée par des membres des forces de sécurité, ce qui l’a poussée à se cacher.

2.3Le premier requérant a été arrêté le 27 juin 1995, sans être informé des accusations portées contre lui, et détenu au poste de police de Colombo Fort, d’où il a été transféré vers la prison de Mahara après une semaine. Pendant sa détention à Colombo Fort, il a été interrogé plusieurs fois au sujet de son beau‑frère et de son frère décédé. Il aurait été soumis à la torture chaque jour, recevant des coups de bâton aux pieds, aux testicules et au ventre.

2.4Par la suite, le premier requérant a été accusé de tentative de vol à main armée, au motif qu’avec deux complices il aurait attaqué un homme qui était en train de changer de l’argent. Il a été relâché le 22 décembre 1995 avec obligation de se présenter à la police tous les 15 jours. Craignant d’être de nouveau arrêté, il a décidé de quitter le pays avec les autres requérantes le 20 mars 1997. Le 8 avril 1997, ils sont arrivés en Suisse et ont demandé l’asile.

2.5Le 12 novembre 1998, l’Office fédéral suisse des réfugiés (ODR) a informé la deuxième requérante que son mari avait demandé l’asile en Suisse. Le mariage entre la deuxième requérante et son mari a été dissous par le jugement de divorce du 5 octobre 1999.

2.6Le 8 décembre 1998, l’ODR a rejeté la demande d’asile du premier requérant, estimant que la preuve de sa remise en liberté, à savoir un reçu de caution daté du 21 décembre 1995, était falsifiée, ce qui entamait la crédibilité de ses allégations en l’absence de tout autre élément de preuve tel qu’un acte d’accusation, un jugement ou une décision d’abandonner les poursuites pénales engagées à son encontre. Dans une décision distincte, l’ODR a également rejeté la demande d’asile des deuxième et troisième requérantes en avançant les motifs suivants: a) les incohérences relevées dans les déclarations de la deuxième requérante et de son mari au sujet de la date à laquelle il avait déserté l’armée et du moment à partir duquel ils n’avaient plus eu de contacts; b) le fait qu’il était peu probable que les membres de la famille d’un déserteur de l’armée sri‑lankaise soient persécutés; c) le fait que la deuxième requérante avait quitté Sri Lanka avant son mari, alors que les autorités centraient leur attention sur lui. L’ODR n’a pas estimé qu’à la suite du décès du frère des requérants en 1992, les membres de la famille survivants risquaient encore d’être persécutés. Il a ordonné que les requérants soient expulsés de Suisse, faisant valoir que leur origine cingalaise et la possibilité de prendre un vol intérieur à Sri Lanka faisaient qu’il y avait peu de risques qu’ils soient maltraités à leur retour.

2.7Le 28 août 2000, la Commission suisse de recours en matière d’asile (CRA) a rejeté le recours du premier requérant contre la décision de l’ODR. Elle a rejeté les nouveaux éléments de preuve qu’il avait fournis (copie et traduction d’un document délivré par la prison de Mahara, confirmant qu’il avait été détenu du 4 juillet au 22 décembre 1995; citation à comparaître à une audience de la Haute Cour le 22 octobre 1998; deux mandats d’arrêt datés du 9 décembre 1998 et du 1er juillet 1999, accompagnés d’une traduction), faisant valoir qu’en l’absence d’original, la copie de la confirmation émanant de la prison de Mahara n’avait qu’une valeur probante très limitée, qu’il était inhabituel qu’un tel document soit signé par un gardien de prison, que le numéro de référence indiqué sur la citation et sur le mandat daté du 9 décembre n’avait aucun lien apparent avec celui de la procédure, et que l’adresse indiquée sur les deux mandats mentionnait la ville où le requérant avait vécu avant 1993, alors que les autorités devaient savoir qu’il avait déménagé à Akkuressa, où il avait été arrêté en juin 1995. La CRA a estimé que plusieurs incohérences entamaient la crédibilité des allégations du premier requérant: a) la contradiction entre sa déclaration initiale devant les autorités de l’immigration, selon laquelle sa mère avait versé sa caution, et celle qu’il avait faite durant la procédure devant la CRA, selon laquelle il fournirait des copies de convocations récentes des deux personnes qui avaient versé sa caution; b) le fait que les autorités sri‑lankaises n’avaient nul besoin de l’arrêter sous prétexte qu’il avait commis une infraction de droit commun si elles le soupçonnaient de cacher son beau‑frère, étant donné que le fait d’héberger un déserteur aurait constitué un motif suffisant d’arrestation en vertu du droit sri‑lankais; c) le fait que le requérant n’avait pas quitté Sri Lanka avant mars 1997, alors qu’il affirmait avoir craint d’être de nouveau arrêté depuis janvier 1996.

2.8Le 28 août 2000, la CRA a également rejeté le recours des deuxième et troisième requérantes, en invoquant les mêmes incohérences que celles constatées par l’ODR.

2.9Le 19 décembre 2002, la CRA a rejeté le recours extraordinaire du premier requérant. Elle a rejeté une copie certifiée de son acte d’accusation datée du 10 juillet 2000 ainsi que le compte rendu d’audience de la Haute Cour de Colombo, estimant que ces éléments de preuve avaient été présentés tardivement et qu’ils auraient dû l’être durant la procédure d’appel, étant donné que le premier requérant avait eu suffisamment de temps pour obtenir le document auprès de son avocat à Colombo. Quoi qu’il en soit, les nouveaux éléments de preuve ne pouvaient pas permettre d’invoquer le principe de non‑refoulement, compte tenu du manque de crédibilité de l’affirmation selon laquelle la condamnation pour vol du premier requérant visait à le punir pour la désertion de son beau‑frère. Ce n’était que dans des cas exceptionnels, impliquant des infractions beaucoup plus graves que la désertion, que les membres d’une famille pouvaient être tenus pour responsables des actes de leurs proches à Sri Lanka. Pour des raisons analogues, la CRA a rejeté le recours extraordinaire des deuxième et troisième requérantes.

Teneur de la plainte

3.1Les requérants affirment que les effets conjugués de l’appartenance de leur frère décédé au JVP, de leurs efforts pour que sa mort fasse l’objet d’une enquête digne de ce nom, des tortures subies par le premier requérant et des poursuites pénales engagées à son encontre, de la disparition pendant plusieurs années du mari de la deuxième requérante et de leur long séjour en Suisse, où les groupes d’opposition sri‑lankais sont traditionnellement actifs, les exposeraient à un risque élevé d’être soumis à la torture à leur retour à Sri Lanka, en violation de l’article 3 de la Convention.

3.2Les requérants déclarent que le premier requérant risque d’autant plus d’être arrêté qu’il continue de faire l’objet de poursuites pénales à Sri Lanka, tandis que la deuxième requérante serait exposée à un risque élevé de harcèlement sexuel et de viol lors d’interrogatoires de police à Sri Lanka.

3.3Faisant référence aux rapports annuels d’Amnesty International et du Département d’État des États‑Unis ainsi qu’à un rapport de la Commission des droits de l’homme, les requérants avancent que la torture et les traitements cruels, inhumains ou dégradants sont chose courante à Sri Lanka.

Observations de l’État partie sur la recevabilité et le fond

4.1Le 12 août 2003, l’État partie a reconnu la recevabilité de la plainte. Le 15 décembre 2003, il a nié que le renvoi des requérants violerait l’article 3 de la Convention, approuvant pleinement les conclusions de l’ODR et de la CRA et faisant valoir que les requérants n’avaient pas présenté de nouveaux arguments pour contester les décisions des deux instances. Ils n’avaient pas levé les contradictions qui entamaient leur crédibilité, n’avaient fourni aucun certificat médical à l’appui des allégations faites par le premier requérant au sujet des tortures qu’il aurait subies ou des séquelles qu’elles lui auraient laissées, et n’avaient pas prouvé leur participation à des activités politiques durant leur séjour en Suisse.

4.2Ni l’appartenance de leur frère décédé au JVP, qui avait été légalisé en tant que parti politique, ni la désertion du mari de la deuxième requérante, infraction qui n’est plus passible de poursuites depuis mars 2003, n’exposaient aujourd’hui les requérants à un risque de persécution. De plus, si l’un d’entre eux avait été recherché par la police, ils n’auraient pas pu quitter Sri Lanka par avion en raison des strictes mesures de sécurité appliquées à l’aéroport de Colombo.

4.3Se référant à la jurisprudence du Comité, l’État partie fait valoir que même si le premier requérant faisait l’objet de poursuites pénales à Sri Lanka, le simple fait qu’il serait arrêté et jugé à son retour ne constituerait pas un motif sérieux de croire qu’il risquerait d’être soumis à la torture.

4.4Enfin, l’État partie se réfère au rapport sur l’enquête concernant Sri Lanka menée par le Comité en vertu de l’article 20 de la Convention, indiquant que la torture n’était pas systématiquement pratiquée à Sri Lanka. Il conclut que les requérants n’ont pas apporté la preuve qu’ils risquaient personnellement et actuellement d’être soumis à la torture s’ils retournaient à Sri Lanka.

Commentaires des requérants sur les observations de l’État partie concernant la recevabilité et le fond

5.1Le 16 janvier 2004, les requérants ont commenté les observations de l’État partie, critiquant le fait que la CRA avait rejeté le compte rendu d’audience fourni par le premier requérant en raison de sa présentation tardive, malgré sa pertinence eu égard au risque de torture. Tout en admettant que ni la désertion du mari de la deuxième requérante ni l’exécution extrajudiciaire du frère des premier et deuxième requérants ne constituaient à elles seules un motif suffisant pour conclure que les requérants couraient personnellement un risque réel et prévisible d’être torturés, ils estimaient qu’il en allait tout autrement des effets conjugués de l’ensemble de ces éléments et d’autres, même s’il n’y avait pas lieu de penser que la torture était systématiquement pratiquée à Sri Lanka.

5.2Les requérants affirment que, malgré les graves séquelles des tortures auxquelles il a été soumis, le premier requérant n’a jamais consulté un médecin et qu’il s’est plutôt efforcé d’oublier son expérience traumatisante. En ce qui concerne leur départ de Sri Lanka, ils soutiennent qu’il était possible de quitter le pays avec un faux passeport.

5.3Les requérants demandent au Comité d’entreprendre une évaluation indépendante de l’authenticité des preuves écrites et d’accorder au premier requérant une audience personnelle pour constater la détresse dans laquelle le plonge le fait de parler de son expérience de la torture.

Délibérations du Comité concernant la recevabilité et le fond

6.Avant d’examiner une plainte soumise dans une requête, le Comité contre la torture doit déterminer si la requête est recevable en vertu de l’article 22 de la Convention. Le Comité s’est assuré, comme il est tenu de le faire conformément à l’alinéa a du paragraphe 5 de l’article 22 de la Convention, que la même question n’a pas été et n’est pas actuellement examinée par une autre instance internationale d’enquête ou de règlement. En l’espèce, le Comité note également que tous les recours internes ont été épuisés et que l’État partie a reconnu que la requête était recevable. Il considère donc que la requête est recevable et procède à son examen sur le fond.

7.1Le Comité doit déterminer si, en renvoyant les requérants à Sri Lanka, l’État partie manquerait à l’obligation qui lui est faite en vertu du paragraphe 1 de l’article 3 de la Convention de ne pas expulser ou refouler des individus vers un autre État où il y a des motifs sérieux de croire qu’ils risquent d’être soumis à la torture. Pour ce faire, le Comité doit tenir compte de tous les éléments, y compris l’existence dans l’État où le requérant serait renvoyé, d’un ensemble systématique de violations graves, flagrantes ou massives des droits de l’homme (par. 2 de l’article 3 de la Convention).

7.2Le Comité a pris note des rapports récents sur la situation des droits de l’homme à Sri Lanka selon lesquels, bien que des efforts aient été faits pour éliminer la torture, des cas de torture en garde à vue continuent d’être signalés et, fréquemment, les plaintes pour torture ne font pas l’objet d’enquêtes efficaces.

7.3Le Comité réaffirme que l’objectif de son examen est de déterminer si les requérants risquent personnellement d’être soumis à la torture dans le pays dans lequel ils seraient renvoyés. Dès lors, même si l’on pouvait dire qu’il existe à Sri Lanka un ensemble de violations systématiques des droits de l’homme graves, flagrantes ou massives, cela ne constituerait pas un motif suffisant pour conclure que les requérants risquent d’être soumis à la torture à leur retour dans ce pays. Il devrait exister des motifs supplémentaires donnant à penser qu’ils courraient personnellement un tel risque. À l’inverse, l’absence d’un ensemble de violations flagrantes et systématiques des droits de l’homme ne signifie pas nécessairement que les requérants ne peuvent pas être considérés comme risquant d’être soumis à la torture dans leurs circonstances particulières.

7.4En ce qui concerne le risque que les requérants courent personnellement d’être torturés par la police sri‑lankaise, le Comité note leur argument selon lequel les effets conjugués de l’appartenance de leur frère décédé au JVP, de leurs efforts pour que sa mort fasse l’objet d’une enquête en bonne et due forme, des tortures infligées dans le passé au premier requérant et des poursuites pénales engagées à son encontre, ainsi que de la désertion du mari de la deuxième requérante et ses conséquences, les exposent à un risque élevé de torture à leur retour à Sri Lanka. Il prend également note du fait que l’État partie met en cause la crédibilité des requérants, l’authenticité et la pertinence des éléments de preuve qu’ils ont fournis ainsi que leur évaluation du risque qu’ils courent personnellement et de la situation générale des droits de l’homme à Sri Lanka.

7.5Quant à l’allégation du premier requérant selon laquelle il aurait été torturé en 1995, le Comité a noté l’absence de toute preuve médicale susceptible de l’étayer. Il fait observer que c’est aux requérants qu’il incombait de présenter des preuves pertinentes à cet effet. À supposer même que le premier requérant ait été torturé pendant sa détention au poste de police de Colombo Fort, les actes présumés de torture auraient été commis en 1995, et donc pas dan un passé récent. De même, les activités politiques et l’exécution du frère des premier et deuxième requérants ne peuvent être considérées comme pertinentes eu égard à leur demande de non‑refoulement, car elles remontent à 1992.

7.6Enfin, le Comité a pris note des copies et traductions des preuves écrites présentées par les requérants, notamment un reçu de caution établi le 21 décembre 1995 pour un montant de 10 000 roupies, une déclaration écrite datée du 14 juillet 1998 et signée par un gardien de la prison de Mahara, confirmant que le premier requérant a été détenu du 4 juillet au 22 décembre 1995, un mandat d’arrêt délivré à l’encontre du premier requérant l  9 décembre 1998 pour ne pas s’être présenté devant le tribunal, sa condamnation pour tentative de vol datée du 27 juin 1995, et le compte rendu d’audience pertinent de la Haute Cour de Colombo assorti de traductions datées du 18 août 2000. Cependant, même s’ils étaient jugés authentiques, ces documents prouvent uniquement que le premier requérant a été arrêté et relâché sous caution, et que, par la suite, il aurait peut‑être été inculpé et jugé par contumace pour tentative de vol. À ce propos, le Comité rappelle que le seul fait que le premier requérant serait détenu, jugé une nouvelle fois et peut‑être condamné à Sri Lanka n’est pas en soi assimilable à un acte de torture au sens du paragraphe 1 de l’article premier de la Convention et n’est pas non plus suffisant pour conclure qu’il y a des motifs sérieux de croire qu’un des requérants risque d’être soumis à la torture en cas de renvoi à Sri Lanka.

7.7Quant au fait que l’ex‑mari de la deuxième requérante a déserté l’armée sri‑lankaise en 1994/95, le Comité estime que les requérants n’ont pas à craindre de persécutions fondées sur une coresponsabilité familiale, étant donné que le mariage de la deuxième requérante a été dissous par le jugement de divorce du 5 octobre 1999.

7.8Au vu de ce qui précède, le Comité n’a pas besoin d’examiner la demande d’audience personnelle formulée par le premier requérant au titre du paragraphe 4 de l’article 111 du Règlement intérieur du Comité.

7.9Par conséquent, le Comité conclut que les requérants n’ont pas établi de motifs suffisants de croire qu’ils risquent réellement et personnellement d’être soumis actuellement à la torture s’ils retournent à Sri Lanka.

8.Le Comité contre la torture, agissant en vertu du paragraphe 7 de l’article 22 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, conclut que le renvoi des requérants à Sri Lanka par l’État partie ne constituerait pas une violation de l’article 3 de la Convention.

Notes

Communication n o  235/2003

Présentée par:

M. S. H. (représenté par un conseil, Mme Gunnel Stenberg)

Au nom de:

M. S. H.

État partie:

Suède

Date de la requête:

26 septembre 2003 (lettre initiale)

Le Comité contre la torture, institué en vertu de l’article 17 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,

Réuni le 14 novembre 2005,

Ayant achevé l’examen de la requête no 235/2003, présentée par M. S. H. en vertu de l’article 22 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,

Ayant tenu compte de toutes les informations qui lui ont été communiquées par le requérant et l’État partie,

Adopte la décision du Comité contre la torture au titre de l’article 22 de la Convention ci‑après:

1.1Le requérant est M. S. H., né en 1973, de nationalité bangladaise et résidant actuellement en Suède. Il affirme que son renvoi au Bangladesh constituerait une violation par la Suède de l’article 3 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Il est représenté par un conseil.

1.2Le 26 septembre 2003, le Comité a transmis la requête à l’État partie, qu’il a prié, en application du paragraphe 1 de l’article 108 de son règlement intérieur, de ne pas renvoyer le requérant au Bangladesh tant que la requête serait en cours d’examen. L’État partie a fait droit à cette demande.

Rappel des faits présentés par le requérant

2.1En 1990, le requérant est devenu un membre actif du Parti bangladais de la liberté (ci‑après BFP, selon l’acronyme anglais), dont il est devenu secrétaire adjoint en 1995, à Titumir College. Il avait notamment pour tâche d’appeler la population à des rassemblements et à des manifestations. En 1996, la Ligue Awami a accédé au pouvoir, avec l’objectif de détruire le BFP. Suite à une manifestation organisée par ce parti le 1er août 1996, le requérant a été arrêté par la police et conduit au poste de police local, où il a été interrogé sur d’autres membres du BFP. Il a été détenu pendant 11 jours, pendant lesquels il a été torturé. Il a notamment été battu avec des bâtons, on lui a versé de l’eau chaude dans les narines et il a été suspendu au plafond. Il a été remis en liberté à la condition qu’il abandonne ses activités politiques au sein du BFP.

2.2Le requérant a néanmoins poursuivi ses activités. En janvier 1997, il a reçu des menaces de mort de membres de la Ligue Awami. À la suite d’une grande manifestation organisée par le BFP le 17 mars 1999, il a de nouveau été arrêté et torturé par des policiers, qui lui ont versé de l’eau dans les narines et l’ont passé à tabac. Après sept jours, il a été remis en liberté, mais seulement après avoir signé une déclaration selon laquelle il cesserait toutes activités politiques. La police l’a menacé de l’abattre s’il ne respectait pas cet engagement. En février 2000, le BFP a participé à une manifestation avec trois autres partis; peu après, le requérant a appris de ses parents qu’il avait été faussement accusé de détenir illégalement des armes à feu, d’avoir lancé des engins explosifs et d’avoir troublé l’ordre public et qu’il était poursuivi en vertu de la loi sur la sûreté nationale. Craignant d’être de nouveau détenu et torturé, il a fui le pays.

2.3Le requérant est entré en Suède le 24 mai 2000 et a demandé asile le même jour. Il a raconté le traitement qu’il avait subi au Bangladesh et affirmé qu’il craignait d’être emprisonné s’il rentrait chez lui. Il a cité des rapports émanant d’ONG et de gouvernements sur la situation des droits de l’homme au Bangladesh, qui attestent le climat d’impunité dont bénéficient les auteurs de torture et les disfonctionnements du système juridique. Le Conseil suédois des migrations a toutefois relevé que la Ligue Awami n’était plus au pouvoir au Bangladesh et que le  requérant n’avait donc plus aucune raison de craindre d’être persécuté par ce parti. Le 19 décembre 2001, le Conseil des migrations a rejeté la demande d’asile du requérant et ordonné son expulsion.

2.4Le requérant a fait appel de cette décision auprès de la Commission de recours des étrangers, en faisant valoir que la torture continuait d’être largement pratiquée au Bangladesh, malgré les changements intervenus dans la situation politique. Il a expressément invoqué l’opération dite «Opération cœur pur». La Commission de recours n’a pas contesté que le requérant avait déjà été torturé au Bangladesh. Elle a toutefois estimé que la situation générale des droits de l’homme au Bangladesh ne suffisait pas, à elle seule, à exposer le requérant à la torture ou à d’autres traitements dégradants. Le 6 mars 2003, la Commission de recours a confirmé la décision du Conseil des migrations.

2.5Le 21 mars 2003, le requérant a déposé une nouvelle demande auprès du Conseil des migrations et présenté un dossier médical détaillé corroborant les actes de torture dont il a fait l’objet au Bangladesh et attestant qu’il souffre de stress post‑traumatique. Le requérant a également évoqué, à l’appui de sa demande, un rapport de 2002 sur le Bangladesh du Ministère suédois des affaires étrangères, selon lequel la torture y est pratique courante. Sur cette base, il a affirmé qu’il courrait le risque d’être retorturé s’il retournait au Bangladesh. Le 19 mai 2003, le Comité des migrations a rejeté la demande, estimant que le requérant n’avait soumis aucun fait nouveau qui justifierait qu’il revienne sur sa décision antérieure.

Teneur de la plainte

3.Le requérant affirme que son expulsion vers le Bangladesh constituerait une violation de l’article 3 de la Convention, étant donné qu’il existe des motifs sérieux de croire qu’il risque d’être soumis à la torture ou à d’autres traitements inhumains s’il était renvoyé au Bangladesh. Il soutient que, bien que la Ligue Awami ne soit plus au pouvoir, le BFP est également l’«ennemi» du gouvernement actuel et que les changements intervenus dans la situation politique depuis qu’il a quitté le pays ne diminuent en rien le risque de mauvais traitements qu’il encourrait s’il retournait au Bangladesh.

Observations de l’État partie sur la recevabilité et sur le fond de la requête

4.1Dans les observations qu’il a présentées le 21 novembre 2003, l’État partie conteste la recevabilité de la requête et traite des questions de fond. Concernant la recevabilité, il fait valoir que le requérant n’a pas établi qu’à première vue il y a eu violation de l’article 3.

4.2L’État partie rappelle les procédures applicables aux demandes d’asile en Suède. En vertu du chapitre 3 de la loi sur les étrangers, tout étranger a le droit d’obtenir un permis de séjour s’il craint avec raison d’être soumis à la torture ou à d’autres peines ou traitements inhumains ou dégradants. Selon le chapitre 8 de la loi, l’expulsion est interdite dans ce cas. Un permis de séjour peut également être délivré à un étranger pour des raisons humanitaires. Il ne peut être refusé tant que le Comité des migrations ne s’est pas prononcé sur la demande. Il peut être fait appel de la décision du Comité des migrations auprès de la Commission des recours des étrangers.

4.3Concernant le requérant, l’État partie fait observer qu’il a été entendu pour la première fois le jour de son arrivée en Suède. Lors de cet entretien, il a déclaré qu’il était membre du BFP depuis 1990 et qu’en raison de ses activités politiques il avait été arrêté en 1996 au moment où la Ligue Awami est venue au pouvoir. Il avait été arrêté et torturé à deux reprises, en août 1996 et en mars 1999. En février 2000, il avait été faussement accusé de porter atteinte à l’ordre public et, comme un mandat d’arrêt avait été délivré à son encontre, il avait fui en Suède avec l’aide d’un passeur. Lors d’un deuxième entretien, qui a eu lieu le 23 novembre 2001, le requérant a fourni davantage de détails sur ses activités politiques et certains événements qui se sont produits au Bangladesh, notamment le fait qu’il avait fait l’objet de fausses accusations et avait été poursuivi pour détention illégale d’armes à feu en vertu de la loi sur la sûreté nationale.

4.4Le 19 décembre 2001, le Comité des migrations a rejeté sa demande d’asile, en faisant observer que la situation politique dans le pays avait changé et que la Ligue Awami n’était plus au pouvoir. Il a conclu que le requérant n’avait pas droit au statut de réfugié ni à un permis de séjour en qualité de personne devant être protégée. Le recours introduit par le requérant auprès de la Commission des recours a été rejeté le 6 mars 2003.

4.5L’État partie reconnaît que tous les recours internes sont épuisés. Il fait toutefois observer que la communication devrait être déclarée irrecevable en vertu du paragraphe 2 de l’article 22 de la Convention, du fait que l’allégation du requérant selon laquelle il risquerait d’être torturé s’il retournait au Bangladesh n’a pas été suffisamment étayée aux fins de la recevabilité et que la requête est dès lors manifestement sans fondement.

4.6Concernant le fond, l’État partie affirme que toute la question est de savoir s’il existe des motifs sérieux de croire que la personne concernée risque d’être soumise à la torture à son retour dans le pays. Or, l’existence d’un ensemble de violations systématiques des droits de l’homme graves, flagrantes ou massives dans un pays ne constitue pas en soi un motif suffisant pour établir qu’une personne donnée risque d’être soumise à la torture à son retour dans ce pays.

4.7En ce qui concerne la situation générale des droits de l’homme au Bangladesh, l’État partie déclare que, tout en restant problématique, celle‑ci s’est améliorée. La violence reste omniprésente dans la vie politique du pays, les heurts sont fréquents aux rassemblements et aux manifestations entre des militants des différents partis et avec la police. La police recourrait à la torture, aux passages à tabac et à d’autres formes de mauvais traitements pendant les interrogatoires. Le gouvernement utilise fréquemment la police à des fins politiques, ce qui explique que plusieurs membres de la Ligue Awami ont été détenus. Mais les membres de la Commission des recours des étrangers ont conclu, à la suite du voyage d’étude qu’ils ont effectué au Bangladesh en octobre 2002, qu’il n’existait pas de persécutions institutionnalisées au Bangladesh et que le harcèlement politique était rare au niveau des militants de base. Les plus exposés étaient les politiciens de l’opposition et les membres de partis occupant des postes de direction. Quoi qu’il en soit, l’État partie fait valoir que l’élément déterminant en l’espèce est que la Ligue Awami n’est plus au pouvoir.

4.8En ce qui concerne les circonstances propres au cas du requérant, l’État partie maintient que la loi suédoise sur le droit d’asile répond aux principes consacrés à l’article 3 de la Convention et que les autorités suédoises, lorsqu’elles examinent une demande d’asile, appliquent les mêmes normes que le Comité lorsqu’il examine une requête au titre de la Convention. Les autorités ont une expérience considérable en matière de demandes d’asile émanant de Bangladais et savent déterminer si quelqu’un doit être protégé contre le risque de torture ou de mauvais traitements. Entre 1990 et 2002, elles ont statué sur plus de 1 700 demandes d’asile et ont fait droit à 700 d’entre elles. Pour l’État partie, il y a lieu d’attacher un poids considérable à l’avis des autorités d’immigration, qui, en l’espèce, n’ont trouvé aucune raison de conclure que l’asile devrait être accordé au requérant.

4.9L’État partie fait observer que le requérant fonde son argumentation sur le fait qu’il a été soumis à la torture à deux reprises au Bangladesh. Il rappelle que, selon la jurisprudence du Comité, le fait d’avoir été soumis à la torture dans le passé est l’un des éléments pris en compte lors de l’examen de plaintes pour violation de l’article 3 de la Convention, mais que le Comité s’attache avant tout à déterminer si le requérant risquera actuellement d’être soumis à la torture s’il est renvoyé dans son pays; le fait que le requérant a subi des tortures ne suffit pas à établir qu’il court actuellement un risque. De plus, il ressort de l’observation générale du Comité et de sa jurisprudence que le fait d’avoir été soumis à la torture n’est pertinent que si ces actes remontent à un passé récent, ce qui n’est pas le cas en l’espèce.

4.10Le requérant a repris ses activités politiques après avoir été libéré pour la deuxième fois, malgré des menaces de mort proférées par la police. Il a pu les poursuivre jusqu’en février 2000. Il se sentait même suffisamment en sécurité pour participer à une manifestation qui a été prise d’assaut par la police et des membres de la Ligue Awami. L’État partie y voit un signe que le requérant ne se sentait peut‑être pas en danger.

4.11L’État partie note que le requérant n’a apporté aucun élément prouvant qu’il était recherché par les autorités bangladaises pour des infractions à la loi sur la sûreté nationale, ni aucune information sur l’état de ces poursuites. La loi en question a d’ailleurs été révoquée en avril 2002. Étant donné que, selon les informations disponibles, les fausses accusations sont généralement lancées contre des membres haut placés de l’opposition, les personnes qui participent activement à la vie politique au niveau local ont la possibilité de se soustraire aux actes de harcèlement en changeant de lieu de résidence dans le pays. Vu que le requérant n’a apporté aucune preuve à ce sujet, l’État partie considère que les allégations concernant les poursuites pénales qui auraient été engagées contre lui sont sans fondement. Même s’il risquait d’être détenu en raison de ces poursuites pénales, cela ne signifie pas qu’il existe des motifs sérieux de croire qu’il risquerait personnellement d’être torturé.

4.12L’État partie rappelle que la situation politique au Bangladesh a considérablement changé depuis que le requérant a quitté le pays. Selon ce dernier, il était persécuté par le parti alors au pouvoir, la Ligue Awami, qui a essuyé une défaite lors des élections générales d’octobre 2001. Rien n’indique que le requérant ait quoi que ce soit à craindre des partis qui sont actuellement au pouvoir. En fait, selon les informations communiquées par l’ambassade de Suède à Dacca, le BNP, qui est actuellement au pouvoir, entretient de bonnes relations avec le BPF, et tous deux sont des adversaires de la Ligue Awami. De ce fait, rien n’indique que le requérant risquerait des persécutions politiques qui l’exposeraient particulièrement à la torture.

Commentaires du requérant sur les observations de l’État partie concernant la recevabilité et le fond

5.1Dans ses observations du 26 février 2004 sur les observations de l’État partie, le requérant donne davantage de détails sur la situation générale des droits de l’homme au Bangladesh. Il évoque le rapport d’Amnesty International de 2003, selon lequel la torture est couramment pratiquée dans le pays depuis des années, qu’il s’agit d’un problème auquel plusieurs gouvernements successifs ne se sont pas attaqués et qu’il existe un climat d’impunité. Des poursuites judiciaires contre un agent de l’État, comme un membre de la police, ne sont possibles qu’avec l’accord du gouvernement, qui n’est donné que très rarement. Le requérant conteste l’allégation de l’État partie selon laquelle les militants de base ne sont pas victimes de fausses accusations, et fait valoir que les militants de base sont davantage exposés aux risques de persécution que les dirigeants de l’opposition, qui sont sous l’œil des médias, ce qui leur accorde un certain niveau de protection.

5.2En ce qui concerne les circonstances qui lui sont propres, le requérant affirme de nouveau qu’il courrait personnellement un risque réel et prévisible d’être torturé s’il était renvoyé au Bangladesh. Il fait valoir que, dès lors qu’il est établi qu’une personne a déjà été soumise à la torture par le passé, il devrait exister une présomption de risque à venir, sauf si les circonstances ont manifestement changé. Le requérant soutient que, dans son cas, aucun changement fondamental n’a eu lieu. Ceux qui travaillent pour le BFP sont toujours dans l’opposition et les opposants politiques du gouvernement actuel risquent toujours d’être arrêtés et torturés au Bangladesh. Le gouvernement actuel considère le BFP comme un «ennemi politique».

5.3Le requérant rappelle qu’après avoir été remis en liberté en 1999 c’est par conviction qu’il a poursuivi ses activités politiques, et ce malgré les dangers, et non parce qu’il n’y avait aucun danger comme le prétend l’État partie. Il ne lui serait possible d’obtenir des documents étayant les poursuites engagées contre lui en vertu de la loi sur la sûreté nationale que s’il était effectivement arrêté et, bien que la loi en question ait été révoquée, aucune amnistie n’a été accordée à ceux qui faisaient l’objet de poursuites en vertu de ladite loi. En octobre 2003, le requérant a parlé à sa mère, qui lui a dit que des policiers étaient venus le chercher et ne l’avaient pas crue lorsqu’elle leur avait dit qu’il vivait à l’étranger. Cela montre bien que les autorités s’intéressent toujours à lui. Enfin, le requérant affirme que le fait qu’il risque d’être détenu en raison des charges qui pèsent toujours contre lui, joint au fait que la torture en cours de détention est monnaie courante au Bangladesh et au fait qu’il a déjà été torturé par le passé, permettent de conclure qu’il courrait personnellement un risque réel d’être torturé s’il était renvoyé au Bangladesh.

Délibérations du Comité concernant la recevabilité et le fond

6.1Avant d’examiner une plainte soumise dans une communication, le Comité contre la torture doit déterminer si la requête est recevable en vertu de l’article 22 de la Convention. Dans le cas à l’examen, le Comité s’est assuré, comme il est tenu de le faire conformément au paragraphe 5 a) de l’article 22 de la Convention, que la même question n’a pas été examinée et n’est pas en cours d’examen devant une autre instance internationale d’enquête ou de règlement. Il note que l’épuisement des recours internes n’a pas été contesté par l’État partie dans ses premières observations.

6.2L’État partie conteste la recevabilité au motif que le requérant n’a pas établi à suffisance l’existence d’une violation. Cependant, le Comité considère que le plaignant a fourni suffisamment de renseignements étayant sa plainte pour que sa requête soit examinée quant au fond. Ne voyant pas d’autre obstacle à la recevabilité de la requête, il procède à l’examen de la question au fond.

6.3Le Comité doit déterminer si le retour forcé du requérant au Bangladesh constituerait une violation des obligations de l’État partie au titre du paragraphe 1 de l’article 3 de la Convention, selon lequel une personne ne doit pas être expulsée ou refoulée vers un autre État où il y a des motifs sérieux de croire qu’elle risque d’être soumise à la torture.

6.4Le Comité rappelle son observation générale relative à l’article 3, qui dispose que le Comité doit déterminer s’il y a «des motifs sérieux de croire que l’auteur d’une communication risque d’être soumis à la torture» en cas de renvoi et que le risque de torture «doit être évalué sur la base d’éléments qui vont au‑delà de la simple théorie ou du simple soupçon». Le risque ne doit pas être «hautement probable», mais doit être «personnel et réel». Dans ses décisions antérieures, le Comité a constamment indiqué que le risque de torture devait être «prévisible, réel et personnel».

6.5Pour évaluer le risque de torture en l’espèce, le Comité a relevé l’allégation du requérant selon laquelle il a été torturé à deux reprises au Bangladesh. Cependant, comme le fait observer l’État partie et selon l’observation générale du Comité, le fait qu’une personne a déjà été torturée n’est qu’un des éléments qui sont pris en considération pour déterminer si une personne encourt personnellement le risque d’être torturée en cas de renvoi dans son pays d’origine; à cet égard, le Comité doit examiner la question de savoir si la torture a eu lieu récemment, compte tenu des réalités politiques du moment dans le pays concerné. En l’espèce, les actes de torture dont le requérant a été victime se sont produits en 1996 et 1999, ce qui ne saurait être considéré comme un passé récent, et dans des circonstances politiques tout à fait différentes, à savoir au moment où la Ligue Awami était au pouvoir au Bangladesh et était, selon le requérant, déterminée à détruire le BFP.

6.6Le Comité a pris note des allégations concernant la situation générale des droits de l’homme au Bangladesh et des informations selon lesquelles la torture y serait chose courante. Toutefois, cela ne suffit pas pour prouver que le requérant encourrait personnellement le risque d’être soumis à la torture s’il était renvoyé au Bangladesh. Le Comité constate que les principales raisons pour lesquelles le requérant craint personnellement d’être soumis à la torture s’il était renvoyé au Bangladesh sont qu’il y a déjà été soumis à la torture au motif de son appartenance au BFP et qu’il risque d’y être emprisonné et torturé à son retour en raison des poursuites engagées contre lui en vertu de la loi sur la sûreté nationale.

6.7Le requérant fait valoir que le BFP est demeuré un ennemi du gouvernement actuel. Or, les informations dont dispose l’État partie contredisent cette allégation. Le Comité rappelle que, conformément à son Observation générale no 1, c’est au requérant qu’il incombe de présenter des arguments défendables et de prouver qu’il risquerait d’être torturé, que les raisons de croire qu’il le serait sont aussi sérieuses qu’il le dit, et que ce risque est personnel et réel. En l’espèce, le Comité n’est pas convaincu par l’argument du requérant selon lequel, étant donné la situation politique actuelle au Bangladesh, il encourrait encore le risque d’y être torturé pour le simple fait d’être membre du BFP, même à un rang ordinaire.

6.8Concernant les charges qui auraient été retenues contre le requérant, le Comité a relevé l’argument de l’État partie selon lequel le requérant n’a fourni aucune pièce étayant son allégation, de même que la réponse du requérant selon laquelle il ne pourrait obtenir de telles pièces que s’il était effectivement arrêté. L’état des poursuites engagées contre lui demeure incertain puisque, selon l’État partie, la loi pertinente a été révoquée. Bien que le requérant affirme qu’il n’y a pas eu de loi d’amnistie concernant les infractions à ladite loi, une telle amnistie ne s’appliquerait que s’il y avait eu condamnation et non poursuites pénales, le Comité estime en outre que le requérant n’a pas étayé ses allégations selon lesquelles les poursuites engagées contre lui continueraient en dépit de l’abrogation de la législation pertinente. En conséquence, il juge peu probable le risque que le requérant soit jeté en prison à son retour.

6.9Compte tenu de ce qui précède, le Comité conclut que la décision de l’État partie de renvoyer le requérant au Bangladesh ne constituerait pas une violation de l’article 3 de la Convention.

7.Le Comité contre la torture, agissant en vertu du paragraphe 7 de l’article 22 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, conclut que la décision de l’État partie de renvoyer le requérant au Bangladesh ne constituerait pas une violation de l’article 3 de la Convention.

Notes

Communication n o 237/2003

Présentée par:

M. C. M. V. F.

Au nom de:

M. C. M. V. F., son époux V. M. F. Z. et leurs enfants P. C. F. M. et V. M. F. M.

État partie:

Suède

Date de la requête:

7 août 2003 (lettre initiale)

Le Comité contre la torture, institué en vertu de l’article 17 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,

Réuni le 14 novembre 2005,

Ayant achevé l’examen de la requête no 237/2003, présentée au Comité contre la torture par M. C. M. V. F. en vertu de l’article 22 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,

Ayant tenu compte de toutes les informations écrites qui lui ont été communiquées par la requérante et par l’État partie,

Adopte la décision du Comité contre la torture au titre de l’article 22 de la Convention ci‑après:

1.1La requérante (lettres du 7 août et du 10 septembre 2003) est M. C. M. V. F., de nationalité salvadorienne, qui saisit le Comité en son nom propre ainsi qu’au nom de son époux, V. M. F. Z., et de leurs enfants, P. C. F. M. et V. M. F. M. La famille est sous le coup d’une décision d’expulsion de Suède vers El Salvador. La requérante affirme que cette expulsion constituerait une violation par la Suède de l’article 3 de la Convention contre la torture. Elle n’est pas représentée par un conseil.

1.2Le 4 avril 2005, la requérante a demandé au Comité de prendre des mesures provisoires de protection. Elle a informé le Comité qu’en novembre 2004 les autorités suédoises la recherchaient en vue d’exécuter la décision d’expulsion et qu’elle avait réussi à échapper à l’arrestation. Le 12 avril 2005, le Rapporteur spécial chargé des nouvelles requêtes et des mesures provisoires de protection, agissant au nom du Comité, a rejeté la demande de la requérante.

Exposé des faits

2.1En 1987, la requérante est devenue membre du Codydes, un comité de soutien aux chômeurs, et du MSM (Mouvement des femmes salvadoriennes), deux organisations salvadoriennes qui contestaient certaines politiques du Gouvernement. Face à la répression politique subie par ceux qui militaient dans le domaine social, la requérante a rejoint le mouvement de guérilla Front Farabundo Martí de libération nationale (FMLN), dont elle est devenue un membre actif, dirigeant la section féminine du mouvement dans l’est de San Salvador.

2.2Le 11 novembre 1989, la requérante a été appréhendée par des policiers qui l’ont violemment poussée dans une camionnette. Elle a été conduite dans des locaux de la police, où des policiers l’auraient battue et forcée à se déshabiller avant de l’interroger sur les activités des membres du FMLN. Comme elle refusait de répondre, ils lui ont mis sur la tête un sac en plastique contenant de la chaux. Elle a subi ce genre d’interrogatoire plusieurs fois. La requérante affirme avoir été insultée, frappée à maintes reprises et soumise à des décharges électriques. Elle a passé 40 jours en détention, sans être présentée devant un juge ni examinée par un médecin. Elle a été libérée le 19 décembre 1989, grâce à l’intervention du Comité international de la Croix‑Rouge (CICR).

2.3Une fois libérée, la requérante s’est cachée avec ses deux enfants. En 1990, au cours d’une campagne du FMLN pour les élections municipales, un véhicule aux vitres teintées a essayé de l’écraser. Elle n’a pas porté plainte à la police, mais le FMLN a publiquement dénoncé l’incident. L’époux de la requérante a reçu des menaces, manifestement en raison de ses activités de journaliste. La requérante a également été menacée de mort par téléphone. Son époux a présenté une demande d’asile à l’ambassade de Suède, pour toute la famille. Le 22 juin 1991, alors que leur demande était en instance, la requérante a de nouveau été appréhendée par des membres des forces de sécurité qui l’ont obligée à monter dans leur véhicule et l’ont conduite au siège de la police, où ils l’ont interrogée, battue et quasiment asphyxiée avec un sac en plastique contenant de la chaux; ils lui ont également administré des décharges électriques, notamment dans le vagin. La requérante a été relâchée le 31 juillet 1991. Elle n’a pas pu consulter un avocat pendant sa détention et n’a pas non plus été présentée à un juge. Par crainte de représailles, elle n’a pas signalé ce nouvel incident à la police, ni aux organisations de défense des droits de l’homme ou aux autorités judiciaires. Elle s’est cachée avec les autres membres de sa famille et a essayé de prendre contact avec l’ambassade de Suède. Entre‑temps, la procédure relative à leur demande d’asile avait été interrompue.

2.4En 1992, après que le Gouvernement et le FMLN eurent signé l’accord de paix, la requérante a participé activement à la formation du nouveau parti politique du FMLN. Elle a témoigné en tant que victime de la torture devant la Commission de vérité qui a enquêté, sous l’égide de l’Organisation des Nations Unies, sur les violations des droits de l’homme commises pendant le conflit armé interne en El Salvador. Immédiatement après la publication du rapport de cette commission, le gouvernement de droite d’Alfredo Cristiani a promulgué, à la déception de la requérante, une loi qui accordait une amnistie générale à des membres de l’armée et des forces de sécurité qui auraient été impliqués dans des violations des droits de l’homme. En 1994, la requérante a appris que tous les dossiers sur les activités des membres du FMLN avaient été transmis à l’armée. Un de ses tortionnaires est entré dans la nouvelle force de police créée en vertu de l’accord de paix. La requérante n’a pas pu trouver de travail parce que les documents officiels, qui sont habituellement demandés en cas de demande d’emploi, lui attribuent des «antécédents d’activités subversives». En 1996, elle a été candidate aux élections municipales à San Salvador. Elle affirme que cette année‑là près de 30 membres du FMLN ont été tués par des escadrons de la mort. Ces derniers seraient soutenus par des éléments de droite proches du Gouvernement.

2.5À la fin 1999, après que son époux eut publié un article révélant que d’anciens militaires et policiers faisaient partie d’un réseau criminel, la requérante a recommencé à recevoir des menaces de mort. Son époux a été averti qu’il serait tué s’il ne se cachait pas. On les a également avertis par téléphone que leur fille serait violée si elle rentrait de Suède, où elle était allée voir sa grand‑mère. En 2000, alors qu’elle rentrait chez elle après une réunion politique, la requérante a été prise pour cible par des personnes qui se trouvaient à bord d’un véhicule aux vitres teintées, qui ont essayé de l’écraser. Craignant pour leur vie, la requérante et sa famille ont déménagé dans une autre maison, qui a été détruite par le tremblement de terre de janvier 2001. Le 16 mars 2001, ils ont fui en Suède, où ils ont demandé l’asile, faisant valoir qu’ils avaient été victimes de persécution politique, de torture et d’une catastrophe naturelle. La famille a bénéficié d’une aide juridique et a été entendue au sujet de sa demande d’asile. La requérante s’est vu diagnostiquer des troubles post‑traumatiques dus à la torture et a été soignée en conséquence. Le service suédois de l’immigration a rouvert le dossier de la famille; le 15 mars 2002, il a rejeté sa demande d’asile, au motif que la situation des droits de l’homme en El Salvador s’était améliorée, que les menaces avaient cessé après 2000 et que la requérante allait mieux. Après avoir formé en vain plusieurs recours, la famille a été renvoyée en El Salvador le 21 mars 2003.

2.6En arrivant à San Salvador, les membres de la famille se sont installés à Soyapango. C’était dans ce même quartier que la requérante avait été torturée la première fois, et il semble que cela ait eu un impact considérable sur son état psychologique. Le 31 mars 2003, alors qu’elles se trouvaient dans un taxi, la requérante et sa fille ont été enlevées par des hommes armés. Après les avoir contraintes à descendre du taxi pour monter dans un autre véhicule, ils les ont frappées avec leurs pistolets, les ont obligées à se coucher à plat ventre sur le plancher du véhicule, et ont fait mine de les abattre. Ces hommes agissaient de la même manière et selon le même scénario que les policiers qui avaient enlevé la requérante la première fois. Ils ont fouillé le sac de la requérante et examiné les passeports qui s’y trouvaient. Au bout d’une demi‑heure, la requérante et sa fille ont été relâchées sur un terrain vague isolé près de l’autoroute. Leurs ravisseurs leur ont conseillé de ne pas rapporter l’incident à la police. Les jours suivants, les voisins de la requérante ont reçu la visite d’individus qui leur ont posé des questions à son sujet, en disant qu’elle était une «communiste». L’époux de la requérante a dénoncé l’incident à la police, qui l’a enregistré comme vol qualifié.

2.7Le 15 avril 2003, après avoir pris contact avec l’Église luthérienne d’El Salvador, la requérante et les siens se sont installés dans un foyer à San Salvador. Le 27 mai 2003, ils ont fui en Suède, où ils ont déposé une demande d’asile le 5 juin 2003. Le 11 juin, le service suédois de l’immigration a rejeté leur demande et ordonné leur expulsion immédiate. L’appel interjeté contre cette décision a été rejeté le 31 juillet 2003. La requérante affirme qu’elle‑même et sa famille ne disposent plus d’aucun moyen pour contester la décision d’expulsion, et que tous les recours internes ont donc ainsi été épuisés.

Teneur de la plainte

3.1La requérante affirme qu’elle craint d’être torturée et tuée si elle est renvoyée en El Salvador. Bien qu’aucun agent de l’État ne soit directement impliqué dans les menaces portées contre sa vie et son intégrité personnelle ainsi que contre celles de ses proches, la requérante estime que la responsabilité de l’État est engagée du fait que les escadrons de la mort opèrent en toute impunité, qu’ils sont financés à la fois par des personnalités de droite et par le parti au pouvoir, et que certains de leurs membres sont entrés dans la nouvelle police civile nationale qui mène une politique de terreur contre les membres du FMLN.

Observations de l’État partie sur la recevabilité et sur le fond

4.1L’État partie indique qu’un premier entretien a eu lieu avec la requérante et sa famille, après leur arrivée en Suède le 22 mars 2001. À cette occasion, la famille a déclaré que ses membres avaient besoin d’une assistance humanitaire à la suite du tremblement de terre survenu en El Salvador. L’époux de la requérante a également expliqué qu’ils avaient eu des problèmes politiques par le passé, mais qu’ils avaient réussi à les surmonter. Un deuxième entretien avec la famille a eu lieu le 26 avril 2001. Cette fois, elle a expliqué que la requérante, en raison des activités politiques de la requérante au sein du FMLN, avait été détenue et torturée en 1989, et qu’elle avait été menacée par des escadrons de la mort jusqu’en 1993. Depuis la signature de l’accord de paix en 1992, elle n’avait plus exercé d’activités politiques. L’époux de la requérante, qui travaillait comme journaliste, avait été harcelé et menacé par des éléments criminels jusqu’en 2000. Le 15 mars 2002, le Conseil des migrations a rejeté la demande de la requérante au motif que rien ne justifiait l’octroi de l’asile; il a estimé que des menaces émanant d’éléments criminels n’étaient pas des raisons suffisantes à cette fin. Le 7 novembre 2002, la Commission de recours des étrangers a confirmé la décision du Conseil des migrations.

4.2Le 28 mai 2003, la requérante et les membres de sa famille sont revenus en Suède et ont présenté une nouvelle demande d’asile le 5 juin 2003. Au cours d’un troisième entretien, ils ont déclaré que, quelques jours après leur arrivée en El Salvador, la requérante et sa fille avaient été agressées alors qu’elles se trouvaient dans un taxi. Trois hommes avaient arrêté le taxi et les avaient forcées à monter dans leur propre camionnette. Deux d’entre eux étaient masqués et armés de pistolets. Ils avaient molesté la requérante et sa fille puis les avaient abandonnées au bord d’une autoroute, en emportant un sac qui contenait leurs passeports et de l’argent. La requérante ne savait pas très bien si les agresseurs étaient des délinquants ou si elles avaient été agressées pour des raisons politiques. Le 11 juillet 2003, le Conseil des migrations a rejeté la demande d’asile de la requérante. Il a fait observer que la société salvadorienne était divisée et que la violence y était fréquente, mais que le respect des droits de l’homme s’était considérablement amélioré depuis la signature de l’accord de paix en 1992. Le Conseil a jugé peu probable que l’agression eût été motivée par les activités politiques de la requérante ou par celles de son époux en tant que journaliste, l’imputant plutôt à la criminalité qui sévissait dans le pays. Le 14 août 2003, la Commission de recours des étrangers a confirmé la décision du Conseil des migrations.

4.3L’État partie soutient que la requête est manifestement dénuée de fondement et, partant, irrecevable, conformément au paragraphe 2 de l’article 22 de la Convention et de l’alinéa b de l’article 107 du Règlement intérieur du Comité. Il estime que la requérante, en affirmant que ses proches et elle‑même risquaient d’être torturés s’ils étaient renvoyés en El Salvador, n’apportait pas les éléments de preuve minimaux requis aux fins de la recevabilité.

4.4Concernant le fond de la requête, l’État partie souligne que, selon des rapports récents, El Salvador est une démocratie constitutionnelle et pluraliste. Depuis la signature de l’accord de paix de 1992, qui a mis fin au conflit armé, le respect des droits de l’homme s’y est considérablement amélioré. En 2002, aucun cas de disparition ou d’assassinat politique n’a été signalé et, selon plusieurs sources non gouvernementales, la violence politique ne s’est pas aggravée. D’après ces mêmes sources, peu de plaintes pour torture ont été déposées contre la police en 2002, et seuls quelques policiers ont maltraité des détenus ou employé une force excessive. À l’issue des élections générales de mars 2003, le FMLN a remporté pour la deuxième fois une majorité de sièges à l’Assemblée législative. La Constitution garantit les droits à la liberté d’expression et à la liberté de la presse, et le Gouvernement respecte généralement ces droits dans la pratique. Les journalistes critiquent librement le Gouvernement, de manière régulière, et rendent compte des opinions de l’opposition. La criminalité demeure un grave problème dans le pays; le crime organisé est très répandu et les crimes violents sont courants. Le nombre d’enlèvements a baissé mais ceux qui visent à obtenir une rançon restent fréquents. La situation économique s’est détériorée à cause du tremblement de terre de 2001. En conséquence, un grand nombre de gens ont quitté El Salvador; notamment, plus de 600 personnes sont parties pour la Suède, encouragées par les annonces mensongères d’agences de voyages qui prétendaient que ce pays offrait un programme d’accueil spécial aux Salvadoriens.

4.5L’État partie affirme qu’il convient d’accorder un grand poids aux avis du service suédois de l’immigration, ainsi qu’à ses conclusions sur la crédibilité et le besoin de protection de la requérante et de sa famille. Même si l’on peut considérer comme un fait établi que la requérante a été torturée par le passé, cela ne démontre pas pour autant qu’elle risque, comme elle l’affirme, d’être de nouveau torturée si elle est renvoyée dans son pays. Les actes de torture qu’elle a subis remontent à plus de 10 ans et ne répondent donc pas au critère qui veut que seuls des mauvais traitements subis dans un passé récent témoignent d’un risque de nouvelles tortures en cas de renvoi. Quant à l’époux de la requérante et à leurs enfants, ils n’ont jamais dit qu’ils avaient été torturés par le passé, ni qu’ils risquaient de l’être s’ils étaient renvoyés en El Salvador. Il convient aussi d’accorder un grand poids au fait que la situation en El Salvador a complètement changé depuis l’arrestation de la requérante. À cette époque, le pays était en proie à une guerre civile et des violations massives des droits de l’homme étaient commises.

4.6L’État partie relève que, bien qu’elle ait été torturée en 1989 et en 1991, la requérante a quitté El Salvador avec sa famille seulement en mars 2001, juste après le tremblement de terre. La requérante et sa famille ont quitté le pays légalement et sans aucune difficulté à deux reprises, en 2001 et en 2003. Ils ont reçu de nouveaux passeports en avril 2003. Cela montre que, même en 1991, ils n’avaient pas un besoin urgent de protection, et rien ne prouve qu’ils soient menacés d’une quelconque forme de persécution par les autorités salvadoriennes aujourd’hui. Pas plus devant le Conseil des migrations que dans leur appel devant la Commission de recours des étrangers, elle n’a fait valoir qu’ils risquaient d’être torturés s’ils étaient renvoyés chez eux. Au contraire, l’époux de la requérante a déclaré qu’ils avaient réussi à surmonter les problèmes politiques rencontrés par le passé. Ce n’est que dans leur nouvelle demande de décembre 2002 que la requérante et sa famille ont évoqué le risque de torture en cas de renvoi.

4.7L’État partie met en doute que la requérante ait eu une quelconque activité politique après 1992. Lors de son deuxième entretien avec le Conseil des migrations, quand on lui avait demandé si elle avait exercé des activités politiques après 1992, elle avait répondu par la négative. Pendant que la demande d’asile était examinée par les autorités suédoises, aucune nouvelle information n’a été apportée sur les activités de la requérante au sein du FMLN après 1992. Au contraire, la requérante a déclaré qu’elle risquait d’être persécutée en raison des activités passées de son époux. En ce qui concerne l’agression dont la requérante et sa fille ont été victimes en mars 2003, le Gouvernement affirme que tout donne à penser qu’elle était de nature crapuleuse. La requérante elle‑même a déclaré qu’elle ne savait pas très bien qui étaient les agresseurs. L’agression a été signalée à la police, qui l’a enregistrée comme un vol qualifié. Les victimes ont été dépouillées de leur argent et de leurs passeports mais elles n’ont pas fait l’objet de menaces associées à des activités politiques. Il ressort de la jurisprudence du Comité que le risque d’être maltraité par une entité non gouvernementale ou par des particuliers sans qu’il y ait consentement ou acquiescement de la part du Gouvernement du pays d’accueil n’entre pas dans le champ d’application de l’article 3 de la Convention. L’État partie ajoute que s’il y a effectivement des problèmes en El Salvador, l’on ne peut pas affirmer qu’il y existe un ensemble de violations systématiques des droits de l’homme, graves, flagrantes ou massives.

4.8L’État partie conclut que les circonstances invoquées par la requérante ne suffisent pas à prouver que le risque présumé de torture couru par sa famille et elle‑même remplit les conditions requises, à savoir qu’il doit être prévisible, réel et personnel. La requérante n’a pas apporté d’éléments démontrant qu’il existe, comme elle l’affirme, des motifs sérieux de croire que ses proches et elle‑même risquent d’être torturés s’ils sont renvoyés en El Salvador, et que l’exécution de la décision d’expulsion constituerait une violation de l’article 3 de la Convention.

Commentaires de la requérante sur les observations de l’État partie concernant la recevabilité et le fond

5.1La requérante fait valoir qu’elle a présenté de solides arguments pour prouver que ses proches et elle‑même courraient personnellement un risque réel et prévisible d’être torturés s’ils étaient renvoyés en El Salvador, et elle soutient que l’agression de mars 2003 a été commise par des hommes armés qui procédaient de la même manière que les escadrons de la mort. Les actes de torture qu’elle a subis continuent d’avoir de douloureuses séquelles.

5.2La requérante affirme que, même après la signature de l’accord de paix de 1992, le service de renseignements de l’État a continué de s’en prendre aux militants de gauche en toute impunité. On a recensé depuis lors au moins 20 000 morts violentes, ainsi que plusieurs agressions et homicides ciblés commis contre des militants de gauche par «des personnes non identifiées». Selon le Programme des Nations Unies pour le développement, El Salvador est le deuxième pays le plus violent au monde, après la Colombie. La requérante cite plusieurs articles de presse faisant état d’incidents violents qui témoignent du degré de la violence politique en El Salvador. Elle ajoute qu’au cours des derniers mois 17 membres du FMLN ont été blessés lors de manifestations politiques.

5.3La requérante affirme que, bien qu’il soit un parti légal représenté au Parlement, le FMLN n’est pas en mesure de garantir la sécurité d’un certain nombre de personnes qui, à l’instar d’elle‑même et de ses proches, figurent dans les dossiers des escadrons de la mort ou du service de renseignements de l’État qui opèrent de manière autonome. L’Arena, parti politique de droite au pouvoir, est soupçonné d’avoir soutenu les escadrons de la mort qui sont responsables de l’assassinat de l’évêque Oscar Romero et de six prêtres jésuites, ainsi que de centaines d’autres homicides et agressions contre des militants pour les droits de l’homme. La requérante indique que, selon des informations de la Central Intelligence Agency (CIA), le fondateur de l’Arena, Roberto D’Aubuisson, dirigeait un escadron de la mort dans les années 80 et avait participé à l’organisation de l’assassinat de l’évêque Romero; il semble en outre que des membres de l’Arena soient mêlés aux activités des escadrons de la mort, et que ces derniers recrutent parmi les anciens militaires et policiers. D’après ces mêmes informations, l’Arena et des militaires apportent un appui au terrorisme de droite. Ces informations et d’autres documents confirment que les groupes armés illégaux et les structures de pouvoir parallèles n’ont pas été démantelés et que l’Arena continue de financer et de soutenir le terrorisme d’extrême droite.

5.4La requérante rappelle que la médiatrice pour les droits de l’homme d’El Salvador avait accusé en 2003 la police d’avoir recours à la torture contre les détenus, et que cela lui avait valu d’être menacée de mort.

Délibérations du Comité concernant la recevabilité et le fond

6.1Avant d’examiner une plainte soumise dans une requête, le Comité contre la torture doit déterminer si cette requête est recevable en vertu de l’article 22 de la Convention. Le Comité s’est assuré, comme il est tenu de le faire conformément au paragraphe 5 a) de l’article 22 de la Convention, que la même question n’a pas été examinée et n’est pas en cours d’examen devant une autre instance internationale d’enquête ou de règlement. Le Comité note en outre que les recours internes ont été épuisés, ainsi qu’en a convenu l’État partie, et que la requérante a suffisamment démontré, aux fins de la recevabilité, les faits et le fondement de ses griefs. Le Comité considère par conséquent que la requête est recevable et procède à son examen sur le fond.

6.2Le Comité doit déterminer si, en renvoyant la requérante et sa famille en El Salvador, l’État partie violerait l’obligation qui lui est faite en vertu de l’article 3 de la Convention de ne pas expulser ou refouler une personne vers un autre État lorsqu’il y a des motifs sérieux de croire qu’elle risque d’être soumise à la torture.

6.3Le Comité doit examiner s’il existe des motifs sérieux de croire que la requérante risque personnellement d’être soumise à la torture à son retour en El Salvador. Pour évaluer ce risque, le Comité doit tenir compte de tous les éléments pertinents, conformément au paragraphe 2 de l’article 3 de la Convention, notamment l’existence d’un ensemble de violations systématiques des droits de l’homme, graves, flagrantes ou massives. Le Comité rappelle toutefois que l’objectif de cette évaluation est de déterminer si la personne concernée risque personnellement d’être soumise à la torture dans le pays où elle retournerait. Dès lors, l’existence d’un ensemble de violations systématiques des droits de l’homme, graves, flagrantes ou massives dans le pays en question n’est pas en soi un motif suffisant pour conclure que cette personne risque d’être soumise à la torture à son retour dans ce pays; il doit exister des motifs supplémentaires de penser qu’elle serait personnellement en danger. À l’inverse, l’absence d’un ensemble de violations flagrantes et systématiques des droits de l’homme ne signifie pas qu’une personne ne puisse pas être considérée comme étant exposée à la torture dans les circonstances qui sont les siennes.

6.4Le Comité relève que les actes de torture dénoncés par la requérante remontent à 1989 et à 1991, au moment où El Salvador était en proie à un conflit armé interne et où il existait dans le pays un ensemble de violations des droits de l’homme flagrantes et massives. Le Comité note que la situation générale en El Salvador a changé depuis l’entrée en vigueur de l’accord de paix en 1992. Le FMLN, au départ mouvement de guérilla, est aujourd’hui un parti politique qui a gagné la majorité des sièges aux élections parlementaires de 2003. Le Comité n’est pas convaincu que les agressions qui ont visé la requérante en 2000 et en 2003 aient eu un lien quelconque avec ses activités politiques passées ou avec celles de son mari et considère que la requérante n’a pas suffisamment démontré que ces incidents soient imputables à des agents de l’État ou à des groupes agissant pour le compte d’agents de l’État ou sous leur contrôle effectif. Nonobstant les violences et affrontements qui se produisent en El Salvador, le Comité n’est pas convaincu que la requérante ni l’un quelconque des membres de sa famille courraient personnellement un risque réel et prévisible d’être torturés s’ils étaient expulsés de Suède.

7.Au vu de ce qui précède, le Comité contre la torture, agissant en vertu du paragraphe 7 de l’article 22 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, conclut que la décision de l’État partie de renvoyer la requérante et sa famille en El Salvador ne constitue pas une violation de l’article 3 de la Convention.

Communication n o 238/2003

Présentée par:

Z. T. (no 2) (représenté par un conseil, M. Thom Arne Hellerslia)

Au nom de:

Z. T.

État partie:

Norvège

Date de la requête:

31 juillet 2001 (lettre initiale)

Le Comité contre la torture, institué en vertu de l’article 17 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,

Réuni le 14 novembre 2005,

Ayant achevé l’examen de la communication no 238/2003 présentée par Z. T. en vertu de l’article 22 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,

Ayant tenu compte de toutes les informations qui lui ont été communiquées par le requérant, son conseil et l’État partie,

Adopte la décision au titre de l’article 22 de la Convention ci‑après:

1.L’auteur de la communication est Z. T., de nationalité éthiopienne, né le 16 juillet 1962, résidant en Norvège où il a présenté une demande d’asile; celle‑ci ayant été rejetée, il risque d’être expulsé. Il affirme qu’il risque d’être emprisonné et torturé s’il retourne en Éthiopie et que son renvoi dans ce pays constituerait par conséquent une violation par la Norvège de l’article 3 de la Convention. Il est représenté par un conseil.

Rappel des faits présentés par le requérant

2.1Le requérant appartient au groupe ethnique amhara. Au cours de ses études secondaires à Addis‑Abeba, il a participé à plusieurs manifestations en faveur du colonel Mengistu. Lorsque Mengistu a accédé au pouvoir, en février 1977, des milliers de jeunes, dont le requérant, ont été envoyés dans les zones rurales pour alphabétiser la population. Déçu par le régime de Mengistu, le requérant a commencé à travailler pour le Parti révolutionnaire du peuple éthiopien (PRPE).

2.2Le PRPE a commencé à organiser la résistance contre le régime de Mengistu en incitant les étudiants et les jeunes qui étaient dans les zones rurales à revenir à Addis‑Abeba. En 1977, les conflits entre les différentes factions politiques ont conduit à la «terreur rouge», à l’élimination brutale de tous les opposants au Conseil administratif militaire provincial en place et à des assassinats aveugles. Le nombre de victimes a été évalué à 100 000. Le requérant, qui distribuait des tracts et qui posait des affiches à Addis‑Abeba au nom du PRPE, a été arrêté et envoyé dans un camp de concentration avec des milliers d’autres jeunes et il est resté dans ce camp pendant un an entre 1980 et 1981. Dans le camp, il a été soumis à des simulacres d’exécution et à un lavage de cerveau. Selon le requérant, la «terreur rouge» a pris fin lorsque le régime a été convaincu que les dirigeants du PRPE étaient tous morts. Un grand nombre de prisonniers politiques, dont le requérant, ont alors été libérés.

2.3Après sa libération, le requérant est entré dans la clandestinité et a poursuivi ses activités de soutien au PRPE. Il déclare que le régime de Mengistu surveillait de près les agissements des anciens prisonniers politiques afin d’éviter le renouveau de l’opposition. En 1986‑1987, à la suite d’une rafle, le requérant a été emmené à la prison Kerchele où il est resté incarcéré quatre ans. Il déclare que les détenus étaient forcés de marcher nus et étaient soumis à des mauvais traitements, notamment qu’ils recevaient régulièrement des coups de bâton. En prison, le requérant a contracté la tuberculose.

2.4En mai 1991, le régime de Mengistu est tombé et le Front démocratique révolutionnaire du peuple éthiopien (FDRPE) a pris le pouvoir. Une fois libéré, le requérant a tenté de prendre contact avec des membres du PRPE, mais tous ceux avec lesquels il avait établi des liens par le passé avaient disparu. Il a alors commencé à travailler pour la Coalition démocratique du peuple éthiopien du Sud (SEPDC), nouvelle coalition regroupant 14 partis politiques régionaux et nationaux d’opposition. D’après une traduction jointe par le requérant, un mandat d’arrestation a été émis contre lui au début de 1994, afin qu’il soit interrogé sur ses activités politiques. En février 1995, il allait livrer un message à M. Alemu Abera, un dirigeant du parti, lorsqu’il a été arrêté par la police à Awasa.

2.5Le requérant dit qu’il est resté en détention pendant 24 heures à Awasa, puis a été transféré à la prison centrale d’Addis‑Abeba. Au bout de trois jours, il a été emmené à la prison Kerchele où il est resté un an et sept mois. Il n’a jamais été jugé et n’a jamais rencontré d’avocat. Il a subi dans la prison le même traitement que celui qu’il avait connu au cours de sa première incarcération. Il dit qu’il a été conduit à la chambre de torture et menacé d’être exécuté s’il ne coopérait pas. Il croit que la seule raison pour laquelle il n’a pas été sévèrement torturé comme un grand nombre d’autres prisonniers est qu’il était déjà physiquement faible. Au cours de son emprisonnement, il est aussi devenu épileptique.

2.6Le 5 octobre 1996, le requérant a réussi à s’échapper lorsque l’un des gardes, ayant un grade élevé, l’a conduit chez lui pour y effectuer des réparations. Grâce à un ami, il a pu obtenir les papiers nécessaires pour quitter le pays et a demandé l’asile en Norvège le 8 octobre 1996.

2.7Le 18 juin 1997, la Direction de l’immigration a rejeté sa demande d’asile, essentiellement sur la base d’un rapport établi par l’ambassade de Norvège à Nairobi faisant état de contradictions dans les informations données par le requérant et par sa mère, et d’incohérences dans le récit du requérant. Le recours qu’il a formé le 3 juillet 1997 a été rejeté par le Ministère de la justice le 29 décembre 1997, pour les mêmes motifs. Le 5 janvier 1998, une demande de réexamen a été déposée et, le 25 août 1998, le Ministère de la justice a répondu négativement à cette demande.

2.8Le requérant déclare qu’ayant épuisé les voies ouvrant droit à l’assistance gratuite d’un avocat, le Rådgivningsgruppa (Groupe de conseil) a accepté de le défendre à titre bénévole. Les 1er et 9 septembre 1998, le Groupe de conseil a présenté de nouvelles demandes de réexamen et de sursis à exécution de l’arrêté d’expulsion, qui ont été rejetées le 16 septembre 1999. À ce sujet, le requérant a soumis au Comité des copies de 16 documents échangés par courrier entre le Groupe de conseil et le Ministère de la justice, y compris un certificat médical établi par une infirmière psychiatrique, indiquant que le requérant souffrait de troubles post‑traumatiques. La date de l’expulsion a été finalement fixée au 21 janvier 1999.

2.9Le requérant affirme que toutes les incohérences dans son récit s’expliquent par le fait qu’au cours de l’interrogatoire initial il a accepté de répondre en anglais, n’ayant pas été informé de son droit d’être assisté d’un interprète en amharique. Il dit qu’il existe entre le calendrier éthiopien et le calendrier norvégien une différence d’environ huit ans et qu’en conséquence, lorsqu’il a essayé de calculer les dates selon le calendrier norvégien et de les traduire en anglais, il a fait des erreurs. La situation a été encore compliquée par le fait qu’en Éthiopie la journée commence à 6 heures du matin (heure norvégienne). Ainsi, lorsque le requérant disait «2 heures», par exemple, il fallait comprendre «8 heures».

2.10Pendant l’interrogatoire, il a appelé la Coalition démocratique du peuple éthiopien du Sud (SEPDC) l’«Organisation politique du peuple du Sud» (SPPO), qui n’existe pas. D’après lui cette erreur est due au fait qu’il ne connaissait le nom de l’organisation qu’en amharique.

Teneur de la plainte

3.Le requérant affirme qu’il risque d’être de nouveau emprisonné et torturé s’il retourne en Éthiopie. Il fait valoir qu’au cours de la procédure de demande d’asile les autorités d’immigration n’ont pas examiné sérieusement le fond de son allégation et n’ont pas accordé suffisamment d’attention à ses activités politiques et détails relatifs à sa détention dans le passé.

Décision du Comité concernant la recevabilité de la requête n o  127/1999

4.1Le 25 janvier 1999, le requérant a présenté sa requête initiale au Comité, alléguant que son expulsion de Norvège vers l’Éthiopie constituerait une violation de l’article 3 de la Convention. Le 19 novembre 1999, compte tenu des observations des parties, le Comité a déclaré la requête irrecevable dans la mesure où les recours internes n’avaient pas été épuisés. Son raisonnement était le suivant:

[7.2] Le Comité note que l’État partie conteste la recevabilité de la communication au motif que tous les recours disponibles et utiles n’ont pas été épuisés. Il note en outre que la légalité d’un acte administratif peut être contestée devant les tribunaux norvégiens et que les personnes dont la demande d’asile politique est rejetée par la Direction de l’immigration et dont le recours devant le Ministère de la justice est également rejeté ont la possibilité de former un recours en contrôle de légalité devant la justice norvégienne.

[7.3] Le Comité note que selon les renseignements à sa disposition, le requérant n’a pas engagé d’action en vue du contrôle de légalité de la décision rejetant sa demande d’asile. Prenant note aussi de l’affirmation du requérant concernant les incidences financières d’un tel recours, le Comité rappelle qu’il est possible de solliciter une aide judiciaire, et constate qu’aucun renseignement fourni n’indique que cette démarche a été effectuée dans l’affaire à l’examen.

[7.4] Toutefois, vu les diverses affaires similaires portées à son attention et étant donné le nombre d’heures limitées d’aide judiciaire gratuite auxquelles les demandeurs d’asile ont droit aux fins de procédures administratives, le Comité recommande à l’État partie de prendre les dispositions voulues pour que les demandeurs d’asile soient dûment informés de toutes les voies de recours internes à leur disposition, en particulier de la possibilité d’un recours en contrôle de légalité par les tribunaux, et de la possibilité de bénéficier d’une aide judiciaire pour former un tel recours.

[7.5] Le Comité note l’affirmation du requérant concernant le résultat probable au cas où l’affaire serait portée devant un tribunal. Il considère néanmoins que le requérant n’a pas présenté suffisamment d’informations étayées à l’appui de son argument selon lequel cette procédure de recours excéderait des délais raisonnables et aurait peu de chance d’aboutir. Dans les circonstances, le Comité constate que les conditions prescrites au paragraphe 5 b) de l’article 22 de la Convention ne sont pas remplies.

Nouvelle requête formulée par le requérant

5.1Le 30 juin 2001, le requérant a adressé au Comité une nouvelle requête, affirmant que les motifs sur lesquels le Comité s’était fondé pour déclarer sa requête irrecevable n’étaient plus applicables. Il a déclaré que, le 24 janvier 2000, il avait formulé une demande d’aide juridictionnelle qui a été rejetée par le Gouverneur du Comté d’Aust‑Agder le 5 juillet 2000. Le 14 mars 2001, le Ministère du travail et de l’administration a rejeté son recours contre la décision du Gouverneur du Comté. S’agissant de la possibilité de recruter son propre avocat, le requérant indique que, compte tenu de la situation financière précaire dans laquelle il se trouvait, il n’aurait été en mesure d’acquitter ni les honoraires d’avocat et les frais d’enregistrement, ni les frais de justice en cas d’échec. De même, parlant à peine le norvégien et ne connaissant ni les règles de la procédure ni les règles de fond, il n’était pas capable de se représenter lui‑même. Le requérant fait donc observer qu’en pratique, il ne disposait d’aucun recours «disponible» ou «utile», et que la requête devrait donc être déclarée recevable.

5.2Le 21 août 2002, la nouvelle requête a été enregistrée sous le numéro 238/2003 et transmise au Gouvernement de l’État partie pour observations sur la recevabilité.

Observations de l’État partie sur la recevabilité de la nouvelle requête du requérant

6.1Le 27 mars 2003, l’État partie a contesté la recevabilité de la requête en faisant valoir que le paragraphe 7.3 de la décision initiale d’irrecevabilité du Comité pouvait être interprété de deux manières. D’une part, la lecture de la seconde phrase hors contexte laisserait penser que, lorsque l’aide juridictionnelle serait sollicitée, la recevabilité devrait être réexaminée. D’autre part, la première phrase laissait supposer qu’un requérant devait engager une procédure en contrôle de légalité et que le fait de ne pas le faire − même après le refus de l’aide juridictionnelle − réglait la question. Selon l’État partie, cette dernière approche était la plus logique et elle était appuyée par le raisonnement figurant au paragraphe 7.2 de la décision, dans lequel les arguments relatifs à l’existence et à l’effectivité du contrôle de légalité étaient soulignés. Ainsi, la première phrase du paragraphe 7.3, lue conjointement avec le paragraphe 7.5, constituait la réponse définitive du Comité, et la seconde phrase, notamment parce qu’elle comportait le terme «également», représentait un raisonnement supplémentaire superfétatoire.

6.2Même si le Comité considérait la requête irrecevable simplement parce que l’aide juridictionnelle n’a pas été sollicitée, selon l’État partie elle ne deviendrait pas pour autant recevable du simple fait que l’aide juridictionnelle a été sollicitée ultérieurement, dans la mesure où d’autres motifs d’irrecevabilité peuvent par ailleurs s’appliquer. En particulier, l’État partie fait valoir que le contrôle de légalité représente un recours «disponible» qui n’a pas été épuisé. L’idée consistant à dispenser les requérants de l’obligation d’épuiser les recours internes parce qu’ils ne disposent pas de ressources suffisantes est dénuée de fondement, dans la mesure où elle n’est étayée par aucune disposition du paragraphe 5 de l’article 22 de la Convention. L’État partie affirme que, dans tout système juridique, une action au civil est généralement financée par les parties, et que les auteurs de la Convention, conscients de ce fait, n’ont prévu aucune exception pour les requérants dénués de ressources. Une telle approche porterait atteinte au principe de l’épuisement des recours internes.

6.3Selon l’État partie, si le Comité devait néanmoins suivre ce raisonnement, les États devraient soit a) accorder l’aide juridictionnelle de façon beaucoup plus large qu’ils ne le font actuellement ou que ne l’exigent les conventions internationales, soit b) accepter la compétence du Comité pour réexaminer les décisions administratives rejetant les demandes d’asile sans que les juridictions internes aient eu la possibilité de se prononcer. En ce qui concerne la première possibilité, peu d’États accepteraient une telle approche: l’aide juridictionnelle civile est (lorsqu’elle existe) partout soumise à des contraintes de ressources et à des conditions strictes. Ainsi, compte tenu du grand nombre de demandes d’asile rejetées chaque année, un État partie devrait prendre la décision, improbable, d’accroître notablement les ressources affectées aux mécanismes de l’aide juridictionnelle.

6.4Une telle situation aurait pour conséquence que le Comité s’attribuerait de facto le rôle de premier organe d’examen dans un grand nombre d’affaires, ce qui accroîtrait considérablement son volume de travail. Dans le seul cas de la Norvège, 9 000 demandes d’asile ont été rejetées en dernier ressort en 2002, et si la plupart des demandeurs d’asile faisaient valoir, à l’instar du requérant dans le cas d’espèce, que leurs revenus étaient modestes et ne leur permettaient pas d’avoir accès à la justice, une telle situation ne serait pas sans conséquence majeure pour le Comité.

6.5En ouvrant la voie à une telle exception, le Comité se retrouverait face à de grandes difficultés en droit et en fait. Il devrait arrêter des critères précis concernant les capacités financières, ainsi que, vraisemblablement, des critères économiques que les requérants qui se prétendent impécunieux ne devraient pas outrepasser. Le Comité devrait mettre au point une méthode pour s’assurer que les ressources d’un requérant ne sont pas supérieures aux plafonds définis. Les États parties auraient du mal à réfuter l’allégation d’un requérant qui prétendrait manquer de ressources, car ils disposent rarement des informations pertinentes. Dans le cas d’espèce, l’État partie s’était assuré de la modicité des revenus du requérant au cours des dernières années en consultant son dossier fiscal, mais il n’était pas en mesure de contrôler plus avant sa situation financière. Il ignorait par exemple si le requérant disposait d’un patrimoine à l’étranger ou de biens en Norvège qui auraient pu lui permettre de prendre en charge les frais de la procédure.

6.6Selon l’État partie, seuls des règlements détaillés établis à l’avance permettraient de traiter de tels problèmes, ce qui aurait uniquement pour effet de souligner l’absence d’une telle exception dans la Convention. Une décision de recevabilité constituerait une innovation importante dans la jurisprudence du Comité et marquerait une rupture radicale vis‑à‑vis de la règle de l’épuisement des recours internes telle qu’interprétée par les organes conventionnels. Seule la jurisprudence du Comité des droits de l’homme révélait quelques exceptions extrêmement limitées.

Commentaires du requérant sur les observations de l’État partie

7.1Dans une lettre datée du 26 mai 2003, le requérant a rejeté les objections de l’État partie. Il a indiqué qu’il ne reçevait qu’un chèque des services sociaux pour subvenir à ses besoins essentiels quotidiens ainsi qu’une allocation‑logement, revenus qui ne sauraient suffire à payer un conseil privé. Son conseil devant le Comité avait été commis d’office pour cette procédure uniquement. Ni lui ni aucun autre conseil n’était censé agir gratuitement dans une action en contrôle de légalité.

7.2En ce qui concerne les raisons initiales d’irrecevabilité, le requérant fait valoir qu’il était clair que les deux éléments étaient des critères sur lesquels se fondait la conclusion. Cela est confirmé par le paragraphe 7.4 de l’affaire initiale. S’il en avait été autrement, il aurait été inutile que le Comité fasse de quelconques remarques au sujet de la question de l’aide juridictionnelle. Les deux parties ayant fait des observations sur cette question, le paragraphe 7.3 était nécessaire pour traiter ces points et il était donc tout sauf superflu. À tout le moins, la décision devrait être réexaminée pour déterminer si, et dans quelles conditions, le contrôle de légalité représente un recours disponible, même en l’absence d’une aide juridictionnelle.

7.3Pour ce qui est de savoir si une action en contrôle de légalité doit être engagée malgré l’absence d’une aide juridictionnelle, le requérant souligne que le paragraphe 5 de l’article 22 exige uniquement l’épuisement des recours disponibles et utiles. Dans l’hypothèse où le requérant devrait se représenter lui-même, alors qu’il ne connaît ni la langue ni le droit norvégiens, face à des juristes chevronnés représentant l’État, les recours internes ne sauraient être considérés comme «utiles» au sens de l’article 22.

7.4Le requérant fait valoir que les instruments relatifs aux droits de l’homme doivent être interprétés selon le principe de l’effet utile. Si une requête est jugée irrecevable pour non‑épuisement des recours internes, alors qu’en réalité ceux‑ci ne sont pas disponibles, la victime est privée de recours au niveau tant national qu’international.

7.5Le requérant a invoqué la jurisprudence du Comité des droits de l’homme qui a déclaré recevables des communications au titre du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques dans des situations où l’aide juridictionnelle n’était pas disponible.

7.6Le requérant a fait observer qu’en Norvège de nombreuses personnes reçoivent l’aide juridictionnelle dans différentes catégories d’affaires. Il remplit sans difficultés les critères économiques. Ainsi, à l’appui de sa demande d’aide juridictionnelle, il a invoqué la doctrine de l’«obligation positive» qui incombe à l’État partie de prévenir les violations des droits de l’homme, laquelle s’inscrit dans le cadre de l’obligation générale de faire respecter effectivement le droit au non‑refoulement. Le requérant soulignait que, s’il existait un droit à l’aide juridictionnelle, celui‑ci constituerait certainement un élément pertinent pour se prononcer sur l’épuisement des recours internes; partant, l’absence d’aide juridictionnelle devrait être traitée de la même manière.

7.7Le requérant a rejeté les objections de l’État partie quant aux conséquences qui découleraient de la recevabilité de la présente affaire. Tout d’abord, cela n’aurait pas pour effet d’inciter tous les demandeurs d’asile déboutés à saisir le Comité. L’article 3 ne serait éventuellement violé que dans quelques cas. En tout état de cause, les conclusions qui se dégageront de l’examen au fond seront une indication beaucoup plus importante pour l’avenir. Le Comité devrait donc accueillir avec circonspection les conséquences néfastes avancées par l’État partie pour s’opposer à une interprétation conforme à l’objectif de la Convention.

7.8S’agissant des faits de la cause, le requérant a fait observer que l’État partie n’avait pas contesté les informations relatives à ses revenus. Dans le système norvégien d’aide juridictionnelle, les autorités exigent uniquement une déclaration du requérant ainsi qu’une copie de son dossier fiscal, et l’État partie ne devrait pas exiger du Comité qu’il applique une norme plus stricte. En tout état de cause, comme l’a démontré l’expérience du Comité des droits de l’homme, les conséquences sont acceptables, et l’avantage − une plus grande protection des droits consacrés dans la Convention en faveur de ceux qui, autrement, ne disposeraient d’aucune protection − est évident. Le requérant a donc demandé au Comité de déclarer la requête recevable.

Décision du Comité concernant la recevabilité

8.1À sa trente et unième session, en novembre 2003, le Comité a examiné la recevabilité de la nouvelle requête. Il a estimé, tout d’abord, que le point de savoir si un requérant a épuisé les recours internes qui sont disponibles et utiles, comme l’exige le paragraphe 5 de l’article 22 de la Convention, ne saurait être tranché in abstracto, mais qu’il devait être analysé en fonction des circonstances de la cause. Dans sa décision initiale, le Comité avait accepté que le contrôle de légalité, par les juridictions de l’État partie, d’une décision administrative rejetant une demande d’asile était en principe un recours utile. Il avait toutefois observé que pour qu’un recours soit effectivement utile il fallait avoir la possibilité de l’engager; or, en l’espèce, le requérant n’ayant pas fait de demande d’aide juridictionnelle, il n’avait pas démontré que le contrôle de légalité n’était pas accessible et, partant, n’était pas disponible dans son cas, au sens du paragraphe 5 de l’article 22 de la Convention.

8.2Dans le cas d’espèce, l’aide juridictionnelle a depuis lors été refusée au requérant. Si elle lui avait été refusée parce que ses ressources financières dépassaient le plafond autorisé et qu’il était donc en mesure de prendre en charge sa représentation en justice, il n’aurait pas été possible de soutenir que le recours représenté par le contrôle de légalité n’était pas disponible. Par ailleurs, dans certaines circonstances, il pourrait être raisonnable d’envisager, en fonction des compétences linguistiques et juridiques du requérant, que celui‑ci assure sa propre représentation en justice.

8.3En l’espèce, il n’a cependant pas été contesté que les connaissances linguistiques ou juridiques du requérant étaient manifestement insuffisantes pour qu’il puisse se représenter lui‑même, alors même qu’il n’avait pas, comme l’État partie l’a reconnu en se prononçant sur sa demande d’aide juridictionnelle, les moyens financiers d’engager un conseil privé. Le Comité a estimé que le fait de refuser l’aide juridictionnelle dans de telles circonstances à un individu ne serait pas conforme à la lettre du paragraphe 5 de l’article 22, au but du principe de l’épuisement des recours internes et à la capacité de déposer un recours individuel, permettant de considérer un recours éventuel en contrôle de légalité comme étant «disponible» et, partant, de déclarer une requête irrecevable si le recours n’est pas engagé. Une telle approche aurait pour conséquence qu’un requérant ne pourrait obtenir réparation devant les juridictions internes et au niveau international pour des actes en rapport avec un droit des plus fondamentaux, celui de ne pas être soumis à la torture. La conséquence du refus de l’aide juridictionnelle par l’État partie ouvre donc la possibilité d’un examen de la requête par une instance internationale, sans que les tribunaux locaux aient eu la possibilité d’en connaître d’abord. Le Comité a donc conclu que, puisque le requérant avait sollicité en vain l’aide juridictionnelle, les motifs initiaux d’irrecevabilité ne s’appliquaient plus.

8.4Le 14 novembre 2003, le Comité a déclaré la requête recevable, estimant que les motifs d’irrecevabilité invoqués dans sa décision antérieure, en date du 19 novembre 1999, relative à la requête initiale no 127/1999, n’étaient plus applicables et étant donné qu’aucun autre motif d’irrecevabilité n’avait été invoqué. Le Comité a par conséquent invité l’État partie à lui transmettre ses observations sur le fond de la nouvelle requête.

Observations de l’État partie quant au fond de la nouvelle requête

9.1Le 23 juillet 2004, l’État partie a indiqué qu’il estimait que ses observations quant au fond de la nouvelle requête portaient sur la même question que celle examinée dans la requête no 127/1999, et il a fait valoir que ses observations au fond concernant la requête initiale étaient pertinentes. Il a fait valoir qu’il respectait les normes internationales pertinentes, tant dans sa pratique juridique que dans ses procédures administratives. Le 1er janvier 2001, il avait mis en place la Commission de recours en matière d’immigration, organe quasi judiciaire indépendant des autorités politiques, chargée d’examiner les recours contre toutes les décisions de la Direction de l’immigration, notamment les demandes d’asile. L’État partie a en outre fait valoir que la Commission de recours disposait d’un personnel nombreux et hautement qualifié, parmi lequel figure un expert pour l’Éthiopie; celui‑ci avait effectué une visite dans ce pays en février 2004, et il entretenait une étroite collaboration avec l’agent spécialement chargé de l’immigration à l’ambassade de Norvège à Nairobi.

9.2Depuis la lettre de l’État partie du 31 mars 1999, la Commission de recours en matière d’immigration avait procédé, de sa propre initiative, à un nouvel examen de l’affaire dont était saisi le Comité et, le 12 mars 2004, elle avait confirmé la décision de rejet de la demande d’asile du requérant. La Commission avait fondé sa décision sur sa conclusion selon laquelle il n’existait pas de motif sérieux de croire que, lors de son retour en Éthiopie, le requérant courrait un risque personnel d’être soumis à la torture ou à d’autres formes de mauvais traitements. L’État partie a estimé, par conséquent, que le renvoi du requérant en Éthiopie ne constituerait pas une violation de l’article 3 de la Convention.

9.3L’un des éléments susceptibles de contribuer à exposer le requérant personnellement au risque d’être soumis à la torture à son retour en Éthiopie était le degré de son engagement politique au début des années 90 dans ce pays. Selon l’État partie, les informations que celui‑ci lui avait fournies à ce sujet manquaient de crédibilité; en effet, son récit contenait un grand nombre de contradictions et ses explications avaient changé au cours de l’examen de l’affaire. D’après les renseignements donnés lors de l’entretien réalisé les 19 et 20 octobre 1996 dans le cadre de la demande d’asile, il aurait été arrêté le 20 février 1992 ou 1993 (calendrier grégorien), et emprisonné pendant un an et sept mois, après quoi il avait affirmé s’être rendu directement en Norvège. Toutefois, ce n’était qu’en octobre 1996 que le requérant était arrivé en Norvège; l’État partie en a conclu que le fait que le requérant soit demeuré volontairement et en sécurité en Éthiopie pendant les deux ans qui avaient suivi son emprisonnement était incompatible avec sa crainte d’être persécuté.

9.4L’État partie a précisé en outre qu’une enquête effectuée par l’ambassade de Norvège en Éthiopie auprès d’un ancien dirigeant de la Coalition démocratique du peuple éthiopien du Sud (SEPDC), avait révélé que ce dernier n’avait entendu parler ni du requérant lui‑même ni de deux des trois dirigeants de l’Organisation politique du peuple du Sud (SPPO) pour lesquels le requérant prétendait avoir travaillé. Après avoir pris connaissance des déclarations de cet ancien dirigeant, le requérant avait modifié sa version des faits et confirmé qu’il avait en réalité été membre du SEPDC avec lequel il avait collaboré, et que la confusion était due à une erreur de traduction. L’État partie a fait valoir que la confusion entre un parti politique unique (le SPPO) et une coalition de 14 partis (la SEPDC) ne saurait être simplement attribuée à des erreurs de traduction.

9.5L’État partie a considéré que les allégations du requérant n’étaient pas crédibles du fait des contradictions fondamentales qui existaient entre sa version et celle de sa mère, qui a été interrogée par des agents de l’ambassade de Norvège en Éthiopie. Après avoir appris que sa mère avait indiqué aux autorités norvégiennes qu’il avait été antérieurement emprisonné en raison de son appartenance au Parti révolutionnaire du peuple éthiopien (PRPE), le requérant a prétendu qu’il avait été arrêté à plusieurs reprises, ce qu’il n’avait jamais mentionné auparavant. L’État partie a relevé d’autres contradictions entre sa version et celle de sa mère, notamment en ce qui concerne l’identité de ses frères et sœurs et les lieux où il avait résidé à différents moments de sa vie, qui compromettaient davantage la crédibilité du requérant.

9.6L’État partie a fait observer que, lors de l’entretien dans le cadre de la demande d’asile, le requérant avait indiqué qu’il n’avait jamais été victime d’aucun type de torture physique, mais qu’il avait fait l’objet de menaces qui confinaient à une torture psychologique. Toutefois, deux années plus tard, lorsqu’il a demandé l’annulation de la décision du Ministère de la justice rejetant sa demande d’asile, il avait soutenu avoir été torturé et précisé qu’il avait reçu des coups de matraque sur la tête. L’État partie a estimé que la révélation tardive d’un élément de fait aussi important ne pouvait qu’entamer encore la crédibilité des allégations du requérant. Il a affirmé en outre que sa convulsion épileptique n’était pas due, contrairement aux arguments avancés par le requérant, aux actes de torture dont il aurait été victime mais, plus vraisemblablement, à une infection due à un ver solitaire. L’État partie a enfin fait valoir que les contradictions et les incohérences dans le récit du requérant ne sauraient raisonnablement être attribuées, comme celui‑ci le prétendait, à des troubles post‑traumatiques, dans la mesure où ces troubles avaient été allégués tardivement et n’étaient étayés que par la déclaration d’une infirmière, qui se fondait uniquement sur le propre récit du requérant.

9.7L’État partie ne considérait pas la lettre de soutien émanant de la section du PRPE en Norvège, qui attestait que le requérant avait été emprisonné et victime de persécutions politiques en Éthiopie, comme un élément de preuve suffisant pour établir que le requérant avait été politiquement actif dans son pays ou qu’il était considéré avec méfiance par les autorités. L’État partie, qui avait pu constater que les organisations d’exilés avaient tendance à délivrer automatiquement des «attestations» à des compatriotes qui en sollicitaient, était d’avis que la section du PRPE en Norvège n’avait qu’une connaissance fragmentaire de l’affaire du requérant.

9.8De l’avis de l’État partie, même si l’on pouvait rarement s’attendre à ce que les récits de victimes éventuelles d’actes de torture soient tout à fait exacts, la crédibilité des affirmations du requérant était néanmoins largement compromise par les contradictions et incohérences évidentes mentionnées plus haut. Qui plus est, même si son récit des persécutions politiques dont il avait dit avoir été victime par le passé était vrai, rien ne permettait d’affirmer, compte tenu de la situation actuelle en Éthiopie, qu’il présenterait encore un intérêt particulier pour les autorités éthiopiennes. L’État partie concluait par conséquent qu’il avait correctement évalué les informations et éléments disponibles, et que cette évaluation confirmait qu’il n’y a pas de motif sérieux de croire que le requérant courrait personnellement un risque réel d’être soumis à la torture ou à d’autres mauvais traitements s’il était renvoyé en Éthiopie.

Commentaires du requérant sur les observations de l’État partie

10.1Dans une lettre du 5 novembre 2004, le requérant a fait observer que le rejet par l’État partie de l’affirmation selon laquelle il courrait un risque d’être torturé s’il était renvoyé en Éthiopie se fondait sur de prétendues incohérences dans son récit. Il a renvoyé à la jurisprudence du Comité, selon laquelle ni les incohérences dans le récit d’un requérant, sous réserve qu’elles ne fassent pas naître de doute quant à la véracité d’ensemble de la requête, ni des communications tardivesne constituaient automatiquement des obstacles pour prétendre à la protection prévue par l’article 3 de la Convention. Il a souligné que le Comité avait rejeté des arguments similaires avancés par l’État partie dans l’affaire Tala c. Suède, et qu’il avait considéré, par exemple dans l’affaire Mutombo c. Suisse, que «même s’il exist[ait] des doutes quant aux faits avancés par le requérant, [le Comité] [devait] s’assurer que sa sécurité n’[était] pas en danger». Il a fait en outre valoir que le risque de torture, pour invoquer la protection prévue à l’article 3, devait aller au‑delà de la simple théorie ou de la suspicion, et que l’article 3, tel qu’il est rédigé, n’exigeait pas qu’il soit démontré qu’il existe de «fortes probabilités» que des actes de torture se produisent. Il a rappelé également que les arguments justifiant le risque d’être torturé auraient du être établis avant ou après le départ de la personne concernée, ou constituer une combinaison des deux.

10.2Le requérant a argué que son identité ainsi que son engagement politique et son emprisonnement du fait de ses activités politiques, tant sous l’ancien régime que sous le régime actuel, avaient été établis au‑delà de tout doute raisonnable. Les informations fournies par sa mère avaient confirmé qu’il avait disparu depuis quatre ans environ, ce qui correspondait à la période de son dernier emprisonnement et de ses activités politiques clandestines. Ses activités politiques en Éthiopie et les persécutions dont il avait été victime de la part des autorités éthiopiennes avaient en outre été confirmées par les lettres de soutien établies par la section norvégienne du PRPE. Le requérant a présenté également une copie d’un mandat d’arrêt daté du 25 mars 1994, à l’époque où il travaillait pour la SEPDC, qui indiquait qu’il était recherché pour être interrogé. La participation constante du requérant aux activités de la section norvégienne du PRPE était également reconnue dans une lettre de soutien de cette organisation. Selon le requérant, son nom était apparu à plusieurs reprises à la une des médias norvégiens à ce sujet. Tous ces faits ne sauraient être, selon lui, relégués au second plan par les prétendues incohérences de son récit.

10.3En ce qui concerne les allégations relatives aux contradictions dans son récit et au fait qu’il aurait intentionnellement fourni de fausses informations, le requérant a rappelé qu’il avait initialement fait son récit dans des conditions défavorables. En effet, il venait d’arriver en Norvège, où il avait été placé en cellule de sécurité pendant quelques heures avant d’être interrogé, et souffrait de troubles post‑traumatiques; en outre, ses incertitudes et ses craintes avaient été aggravées par le comportement du fonctionnaire chargé de l’interrogatoire et celui du traducteur qui l’aurait ridiculisé. En outre, le requérant s’était dit étonné que l’interrogatoire ait porté essentiellement sur ses antécédents familiaux et son départ d’Éthiopie (11 pages du procès‑verbal), plutôt que sur les raisons essentielles, à ses yeux, pour lesquelles il avait demandé l’asile (1,5 page), c’est‑à‑dire notamment son engagement politique et sa crainte d’être renvoyé en Éthiopie.

10.4Pour ce qui est des contradictions dans son passé familial et personnel, il a fait valoir qu’elles portaient sur des points mineurs, alors que les renseignements les plus importants qu’il avait donnés, par exemple les noms des membres de sa famille et leur lieu de résidence, étaient corrects.

10.5En ce qui concerne le fait qu’il aurait été persécuté par le passé, il a affirmé qu’après le premier interrogatoire en vue d’obtenir l’asile il avait fourni des renseignements complémentaires mais qu’il n’avait pas, comme le prétendait l’État partie, fait un tout autre récit. En réalité, pendant l’interrogatoire, il n’avait donné que les renseignements qui lui paraissaient pertinents, puis il avait apporté des précisions lorsqu’il avait été informé par le Groupe de conseil de leur importance. L’affirmation de l’État partie selon laquelle le requérant avait dit au cours de l’interrogatoire qu’il avait été arrêté «une seule fois» était fausse.

10.6Le requérant a confirmé qu’il avait indiqué, lors de l’entretien en vue d’obtenir l’asile, qu’il avait été «actif au sein de» la SEPDC, plutôt qu’un «membre» de cette organisation, dont il avait traduit librement en anglais l’appellation en en retenant les principaux concepts. L’hypothèse de l’État partie qui avance que l’ancien chef de la SEPDC connaissait tous les membres de la SEPDC était, de l’avis du requérant, réfutée par la volonté affichée de l’État partie de procéder à une enquête plus approfondie. Le fait que le requérant menait essentiellement des activités clandestines dans une organisation illégale était de nature à expliquer le fait que l’ancien chef de la SEPDC n’avait pas connaissance des activités du requérant, ainsi que son affirmation selon laquelle les militants n’étaient pas formellement enregistrés. Par ailleurs, l’État partie n’avait informé ni le Comité ni le requérant de l’éventualité de vérifier certaines informations, par exemple en contactant à nouveau l’ancien chef de la SEPDC ou en contrôlant la description détaillée de la prison de Kerchele à Addis‑Abeba fournie par le requérant.

10.7En ce qui concerne les actes de torture qu’il avait subis par le passé, le requérant a affirmé qu’il avait été frappé pendant son long emprisonnement dans les années 80, mais qu’il n’avait pas été victime de tortures physiques au cours de son dernier emprisonnement dans les années 90. Toutefois, il a dit qu’il avait subi des tortures psychologiques pendant sa détention, et qu’il était présent lorsque Abera, l’un de ses responsables politiques, avait été torturé par la police.

10.8Le requérant a fait valoir qu’il courrait un risque sérieux d’être torturé s’il était renvoyé en Éthiopie. Les informations fournies par Human Rights Watch et par les rapports du Département d’État des États‑Unis pour 2003 ne laissaient aucun doute sur le fait qu’il existait un ensemble de violations systématiques des droits de l’homme, graves, flagrantes ou massives en Éthiopie, pays d’où continuaient d’affluer des réfugiés. Le fait que le requérant ait été politiquement actif dans deux grands mouvements d’opposition et qu’il se soit évadé de prison huit ans auparavant, sous le régime actuel, ainsi que sa participation continue en tant que «membre actif» aux activités du PRPE en Norvège, concouraient à l’exposer au risque d’être torturé s’il était renvoyé. L’Éthiopie n’ayant pas reconnu la compétence du Comité au titre de l’article 22 de la Convention, le requérant n’aurait pas la possibilité de saisir le Comité s’il était torturé après son retour.

Observations complémentaires des parties

11.1Le 6 avril 2005, l’État partie a présenté des observations complémentaires concernant la décision de la Commission de recours en matière d’immigration du 12 mars 2004. Il indique que c’est de sa propre initiative qu’elle a décidé d’examiner l’affaire du requérant, sans que celui‑ci ne présente aucune demande officielle. S’il est vrai que c’est la décision de recevabilité du Comité, en date du 14 novembre 2003, qui a motivé l’examen, la Commission n’était cependant pas tenue de le faire. L’État partie souligne que la décision définitive du 29 décembre 1997 a été examinée quatre fois au total par les autorités norvégiennes, lesquelles ont chaque fois considéré qu’il n’y avait pas de motifs sérieux de croire que le requérant courrait personnellement un risque réel et actuel d’être torturé s’il était renvoyé en Éthiopie.

11.2Par une lettre datée du 22 avril 2005, le requérant a répondu aux observations complémentaires de l’État partie, critiquant la procédure suivie par la Commission de recours en matière d’immigration en ce qui concerne sa dernière décision, en date du 12 mars 2004. Il veut bien admettre que la décision a été prise «à l’issue de longues délibérations sur les faits de la cause» mais affirme que, son conseil ayant changé, il n’a pas reçu cette décision.

Décision concernant une demande relative à la procédure

12.1Le 10 novembre 2004, le requérant a demandé au Comité de lui permettre, en application du paragraphe 4 de l’article 111 de son règlement intérieur, de se présenter devant lui pour faire oralement ses déclarations. Il faisait valoir qu’il n’avait pas eu la possibilité de présenter lui‑même son dossier devant les organes de décision norvégiens et qu’il n’avait pas comparu devant les tribunaux. Étant donné que l’une des principales raisons pour lesquelles sa demande avait été rejetée tenait à l’appréciation de sa crédibilité, ce qui pouvait être vérifié aisément avec un témoignage donné oralement, il faisait valoir qu’en présentant lui‑même son dossier au Comité celui‑ci pourrait se faire une idée de sa crédibilité.

12.2Le 26 novembre 2004, à sa trente‑troisième session, le Comité a rejeté la demande formulée par le requérant en vertu du paragraphe 4 de l’article 111 du Règlement intérieur.

Examen au fond

13.1Le Comité doit déterminer si en renvoyant le requérant vers l’Éthiopie l’État partie manquerait à l’obligation qui lui est faite en vertu de l’article 3 de la Convention de ne pas expulser ou refouler une personne vers un autre État où il y a des motifs sérieux de croire qu’elle risque d’être soumise à la torture. Il doit donc déterminer s’il existe des motifs sérieux de croire que le requérant risque personnellement d’être soumis à la torture s’il est renvoyé en Éthiopie. Pour ce faire, il doit tenir compte de tous les éléments pertinents, comme il est indiqué au paragraphe 2 de l’article 3 de la Convention, y compris les actes antérieurs de torture ou l’existence d’un ensemble systématique de violations des droits de l’homme, graves, flagrantes ou massives. Le Comité rappelle toutefois que cet examen a pour but de déterminer si l’intéressé court personnellement un risque prévisible et réel d’être soumis à la torture dans le pays vers lequel il serait renvoyé.

13.2Le Comité a pris note des longues périodes d’incarcération subies par le requérant dans les années 80 et 90 et du fait qu’il aurait été frappé et soumis à de mauvais traitements et des tortures psychologiques en Éthiopie par le passé du fait de ses activités politiques. Il prend acte de l’intérêt porté par les autorités éthiopiennes au requérant, apparemment démontré par un mandat d’arrêt datant de 1994. Enfin, il a tenu compte de l’affirmation du requérant selon laquelle il a participé aux activités de la section norvégienne du PRPE. Cependant, de l’avis du Comité, le requérant n’a pas apporté d’éléments de preuve suffisants pour confirmer que ses activités politiques étaient d’une importance telle qu’elles présentaient encore aujourd’hui un intérêt pour les autorités éthiopiennes, et n’a pas apporté d’autres preuves tangibles pour démontrer qu’il continuait de courir personnellement un risque d’être torturé s’il retournait en Éthiopie.

13.3Le Comité estime donc que, eu égard aux années qui se sont écoulées depuis les événements décrits par le requérant, s’ajoutant à la nature et à l’ampleur des incohérences dans son récit, les éléments d’information présentés par le requérant, notamment son activité politique mineure en Éthiopie et en Norvège, sont insuffisants pour étayer l’allégation selon laquelle il court un risque sérieux d’être soumis à la torture s’il était renvoyé en Éthiopie aujourd’hui.

14.Compte tenu de ce qui précède, le Comité contre la torture, agissant en vertu du paragraphe 7 de l’article 22 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, conclut que la décision de l’État partie de renvoyer le requérant en Éthiopie ne constituerait pas une violation de l’article 3 de la Convention.

Notes

Communication n o  245/2004

Présentée par:

S. S. S. (représenté par un conseil, M. Stewart Istvanffy)

Au nom de:

S. S. S.

État partie:

Canada

Date de la requête:

25 février 2004 (lettre initiale)

Le Comité contre la torture, institué en vertu de l’article 17 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,

Réuni le 16 novembre 2005,

Ayant achevé l’examen de la requête no 245/2004, présentée au nom de S. S. S. en vertu de l’article 22 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,

Ayant tenu compte de toutes les informations qui lui ont été communiquées par le requérant, son conseil et l’État partie,

Adopte la décision du Comité contre la torture au titre de l’article 22 de la Convention ci‑après:

1.1Le requérant est S. S. S., ressortissant indien né le 5 novembre 1957 à Paddi Jagir au Penjab (Inde), actuellement résidant au Canada, d’où il risque d’être expulsé vers l’Inde. Il affirme que son renvoi forcé en Inde constituerait une violation par le Canada des articles 3 et 16 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Il est représenté par un conseil.

1.2Conformément au paragraphe 3 de l’article 22 de la Convention, le Comité a transmis la requête à l’État partie le 27 février 2004, en le priant, conformément au paragraphe 1 de l’article 108 de son règlement intérieur, de ne pas expulser le requérant vers l’Inde tant qu’il n’aurait pas achevé l’examen de sa requête.

Rappel des faits présentés par le requérant

2.1Le requérant est originaire de l’État indien du Penjab. Il est de religion sikh. En juin 1996, il est devenu membre du parti Akali Dal (Badal), pour lequel il a milité pendant la campagne électorale de février 1997. Il a ensuite poursuivi ses activités politiques, organisant des rassemblements et critiquant la politique du Gouvernement. Il déclare avoir été arrêté par la police le 20 avril 1999 et conduit au poste de Gurayan. Il affirme que les policiers l’ont frappé avec des bâtons et des ceintures, lui ont tiré les cheveux, lui ont donné des coups de pied dans le dos, des gifles et des coups de poing, et l’ont suspendu au plafond. Un rouleau en bois aurait servi à lui écraser les jambes, notamment les cuisses, et il a eu un genou disloqué. Il affirme avoir perdu connaissance à plusieurs reprises. Il était interrogé sur ses propres activités ainsi que sur celles de son cousin et d’autres militants sikhs. Il a finalement été relâché le 29 avril 1999, en état d’inconscience, après paiement d’une caution de 50 000 roupies. Lorsqu’il a repris connaissance, il se trouvait dans un hôpital.

2.2Le requérant affirme également que des policiers sont venus le voir à son domicile le 12 août puis le 10 octobre 1999, alors qu’il était encore soigné pour ses blessures, pour l’interroger de nouveau sur son cousin et d’autres militants. Ils seraient revenus le 25 février 2000, en son absence, et auraient menacé sa femme. Le requérant affirme qu’à chacune de ces visites les policiers ont touché des pots-de-vin.

2.3Le 23 juin 2000, le requérant a aidé un groupe à collecter de l’argent, par le biais du temple sikh qu’il fréquente, pour des femmes et des enfants de sikhs qui avaient été soupçonnés de militantisme et tués par la police. Le requérant affirme que le 26 juin 2000 la police a commencé à arrêter les personnes qui avaient collecté des fonds avec lui; lui-même s’est caché, avant d’apprendre que des policiers s’étaient rendus à son domicile, où ils avaient battu sa femme et ses enfants. Sa femme a été arrêtée, battue et détenue pendant cinq ou six heures.

2.4Le requérant a alors fui à New Delhi, où il aurait payé un intermédiaire pour partir au Canada. Il est arrivé dans ce pays le 23 juillet 2000 après avoir transité par les Émirats arabes unis et l’Angleterre.

2.5Le 28 septembre 2000, le requérant a sollicité le statut de réfugié. Sa demande a été rejetée le 12 mars 2002 par la Commission de l’immigration et du statut de réfugié. Le 15 avril 2002, il a demandé à la Cour fédérale du Canada l’autorisation de se pourvoir en révision de cette décision, mais celle‑ci l’a débouté le 24 juillet 2002. Le requérant a également sollicité le 17 avril 2002 le réexamen de son cas dans le cadre de la procédure spéciale applicable aux décisions de refus, mais cette demande a été rejetée le 18 avril 2002 au motif qu’elle avait été présentée hors délai.

2.6En octobre 2003, le requérant a présenté une demande au titre de la nouvelle procédure d’évaluation du risque préalable au renvoi, mais elle a été rejetée le 16 décembre 2003. Il a également présenté le 11 décembre 2003 une demande de réexamen de son cas pour motifs humanitaires, qui n’a pas encore abouti. Enfin, il a demandé le 28 janvier 2004 l’autorisation de se pourvoir en révision de la décision par laquelle sa demande au titre de la procédure d’évaluation du risque préalable au renvoi avait été rejetée, ce qui lui a été refusé le 2 juin 2004, puis a demandé un sursis à expulsion le 18 février 2004, refusé par la Cour fédérale le 23 février 2004.

2.7L’expulsion du requérant a été fixée au 29 février 2004.

Teneur de la plainte

3.1Le requérant affirme qu’il sera emprisonné, torturé, voire tué s’il est renvoyé en Inde, où des violations des droits de l’homme au sens du paragraphe 2 de l’article 3 de la Convention seraient fréquemment commises, en particulier contre les sikhs. Son conseil a produit des documents émanant de sources non gouvernementales qui confirment ces informations, notamment un rapport d’Amnesty International de 2003 qui conclut que des cas de torture et de brutalités en détention continuent d’être régulièrement signalés au Penjab.

3.2Le conseil du requérant produit un certificat médical en date du 21 février 2001 qui confirmerait que son client a été admis à l’hôpital de Rohit le 29 avril 1999 en état d’inconscience, avec des ecchymoses sur le corps, les pieds enflés, les fesses et le dos tuméfiés, un genou disloqué, et les muscles des cuisses écrasés et déchirés. Ce même certificat indique que le requérant a été hospitalisé jusqu’au 30 mai 1999 et qu’il a continué de recevoir des soins à domicile jusqu’au 30 novembre 1999. Le conseil fournit aussi un autre certificat médical établi le 20 mars 2001 par un centre médical canadien, qui atteste que le requérant présente les symptômes d’un état anxiodépressif et «qu’il existe suffisamment d’indices physiques et psychologiques objectifs pour corroborer les allégations subjectives de torture».

3.3À l’appui de la requête, le conseil mentionne en outre des lettres de proches du requérant qui confirment sa version des faits, ainsi que des certificats médicaux faisant état des actes de torture que ces proches auraient subis. Le conseil renvoie également à des déclarations écrites sous serment du Sarpanch (Ancien) du village du requérant en Inde, qui confirme les dires de ce dernier et déclare avoir appris par la police que le requérant se trouvait sous le coup d’un mandat d’arrêt pour sa participation aux activités de militants sikhs.

3.4Le conseil fait également valoir qu’expulser le requérant vers l’Inde reviendrait à l’exposer à un grave traumatisme émotionnel pour lequel il ne pourrait pas être convenablement soigné, ce qui constituerait à son sens un traitement inhumain et dégradant au sens de l’article 16 de la Convention.

3.5Enfin, le conseil affirme que le membre de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié qui a rejeté la demande du requérant «est connu pour refuser toutes les demandes émanant de sikhs» et que la procédure d’évaluation du risque préalable au renvoi «débouche quasiment toujours sur un refus et se caractérise par un ensemble de violations systématiques des droits fondamentaux». Le conseil fait observer en particulier que l’évaluation du risque est effectuée par des employés du service d’immigration qui n’ont aucune compétence en matière de protection internationale des droits de l’homme ni d’ailleurs en matière juridique, et que ceux qui prennent la décision ne satisfont pas aux critères d’impartialité, d’indépendance et de compétence.

Observations de l’État partie sur la recevabilité

4.1Dans une note verbale datée du 26 août 2004, l’État partie conteste la recevabilité de la requête. Il affirme que le requérant n’a pas montré l’existence prima facie de motifs sérieux de penser qu’il risquerait personnellement d’être torturé s’il était renvoyé en Inde, en violation de l’article 3 de la Convention. L’État partie ajoute que le requérant n’a pas davantage montré prima facie que l’aggravation de son état de santé, qui résulterait de son expulsion, constituerait un traitement cruel, inhumain ou dégradant au sens de l’article 16 de la Convention. L’État partie affirme en outre que, pour les mêmes raisons, la requête est dénuée de fondement.

4.2S’agissant des recours internes, l’État partie ne conteste pas en principe que le requérant les ait tous épuisés, hormis en ce qui concerne la nouvelle allégation de partialité visant un membre de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié. Le requérant n’ayant pas exercé la diligence voulue pour faire valoir ce grief par la voie des procédures internes, son allégation de partialité est irrecevable pour non-épuisement des recours internes. L’État partie renvoie à des affaires antérieures dans lesquelles le Comité a conclu que l’intéressé n’avait pas étayé son allégation de partialité puisqu’il ne l’avait jamais invoquée avant le rejet de sa demande d’asile.

4.3L’État partie précise que le cas du requérant a été examiné dans le cadre de la procédure instaurée par la précédente loi relative à l’immigration et que, par conséquent, la décision finale a été prise à l’unanimité par deux membres de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié, et non par un seul comme le laisse entendre le requérant. Subsidiairement, les allégations sont dénuées de fondement puisqu’elles ne sont pas étayées. La décision de rejet de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié a été fondée sur le fait que le requérant n’avait pas pu produire des éléments de preuve crédibles et que son témoignage présentait un certain nombre de contradictions.

4.4En ce qui concerne l’argument du requérant selon lequel les recours disponibles au Canada ne sont pas efficaces, l’État partie indique que la procédure spéciale applicable aux décisions de refus, la procédure d’évaluation du risque préalable au renvoi et la procédure de réexamen pour motifs humanitaires constituent des évaluations du risque satisfaisantes. Rappelant que le Comité a considéré par le passé que la procédure spéciale applicable aux décisions de refus et la procédure de réexamen pour motifs humanitaires étaient des recours utiles, l’État partie estime que le même raisonnement devrait s’appliquer à la procédure d’évaluation du risque préalable au renvoi. Il ajoute que le requérant n’a produit aucune preuve contraire.

4.5S’agissant de l’article 3 de la Convention, l’État partie affirme que le requérant n’a pas montré qu’il existait prima facie des motifs sérieux de penser que son expulsion vers l’Inde aurait pour conséquence prévisible de l’exposer à un risque réel et personnel de torture. Conformément à l’Observation générale no 1 du Comité, c’est au requérant qu’il incombe de montrer qu’il risque d’être soumis à la torture s’il est renvoyé en Inde. L’État partie renvoie à des rapports publics pour faire valoir que la situation des sikhs en Inde s’est améliorée et stabilisée ces derniers temps, et que rien ne prouve que la police du Penjab cherche à causer du tort au requérant ou à ses proches ou à les arrêter en raison de leurs liens avec des groupes militants. En particulier, le requérant a cessé toute activité politique ou religieuse depuis 1992 et le parti régional qu’il redoute n’est plus au pouvoir.

4.6L’État partie note aussi que le requérant s’était rendu pour la première fois au Canada le 23  juin 1998 pour assister aux funérailles de son père. Un visa de visiteur lui avait été accordé après une entrevue avec le fonctionnaire chargé des visas à la Haute Commission canadienne de New Delhi. Le requérant n’avait pas, lors de son séjour au Canada, revendiqué le statut de réfugié et était revenu en Inde le 30 juin 1998. Selon l’État partie, les craintes présumées du requérant d’être torturé sont en contradiction avec le fait qu’il était retourné en Inde, après que ses problèmes avec la police ont commencé. En outre, l’État partie tient à souligner que bien qu’étant entré au Canada le 23 juillet 2000, muni d’un visa de visiteur à entrée unique de six mois, afin d’être aux côtés de sa mère qui devait subir une opération à cœur ouvert, le requérant n’a revendiqué le statut de réfugié que le 28 septembre 2000.

4.7L’État partie relève que le requérant n’a pas suffisamment montré que le risque qu’il courait existe dans toutes les régions de l’Inde et qu’il ne pourrait pas s’installer ailleurs qu’au Penjab. Par conséquent, le requérant ne s’est pas acquitté de son obligation de montrer qu’il existe des motifs sérieux de penser qu’il risquerait personnellement d’être torturé en Inde. L’État partie considère donc que le grief tiré de l’article 3 est irrecevable.

4.8En ce qui concerne le grief de violation de l’article 16, l’État partie rappelle que l’obligation énoncée à l’article 3 ne s’applique pas aux situations présentant un risque de mauvais traitement qui sont visées à l’article 16 de la Convention. L’État partie affirme également que le requérant n’a pas montré qu’il existait des circonstances particulières de nature à aggraver son état physique ou psychologique en cas d’expulsion, comme il l’affirme, ni qu’il ne pourrait avoir accès à des soins médicaux appropriés à son retour en Inde. L’État partie considère donc que le grief tiré de l’article 16 doit également être déclaré irrecevable.

4.9Selon l’État partie, les éléments portés à la connaissance du Comité confirment que la norme énoncée à l’article 3 a été dûment et impartialement appliquée dans les procédures internes. Le Comité ne devrait pas trancher lui-même la question de savoir s’il existe des motifs sérieux de penser que le requérant court un risque réel et personnel d’être torturé à son retour en Inde, puisque les éléments à sa disposition ne font apparaître aucune erreur ni abus manifeste dans les procédures internes.

4.10L’État partie conclut que la requête devrait être déclarée irrecevable du fait que le requérant n’a pas établi l’existence prima facie d’une violation des droits protégés par la Convention. Si les griefs étaient jugés recevables, le Comité devrait alors les examiner au fond en tenant compte des observations qui précèdent.

Commentaires du requérant sur les observations de l’État partie concernant la recevabilité

5.1Le conseil du requérant a soumis ses commentaires sur les observations de l’État partie le 11 avril 2005. En ce qui concerne la question de savoir si le requérant a la possibilité de trouver un refuge sûr ailleurs en Inde, le conseil se fonde sur un article publié par une organisation de défense des droits de l’homme (ENSAAF), ainsi que sur l’avis d’un psychologue et sur divers articles de presse, pour affirmer que le Comité ne devraitpas suivre la décision rendue en l’affaire B. S. S. c. Canada. Il conclut que le requérant n’a aucune possibilité de s’installer en toute sécurité ailleurs dans son pays ni d’y mener une vie normale et qu’il sera inévitablement arrêté et torturé.

5.2Le conseil affirme que la Commission de l’immigration et du statut de réfugié et les employés qui sont intervenus dans la procédure d’évaluation du risque préalable au renvoi, de même que l’État partie, ont apprécié le cas du requérant en se fondant sur une vision prétendument objective de la situation, sans comprendre ce qui se passait réellement en Inde et au Penjab. Dans ses observations au Comité, l’État partie ne tient pas compte de certains éléments de preuve nouveaux (attestation médicale des brutalités subies par la femme et les enfants du requérant) ni de certains des rapports fournis à l’appui de la demande de sursis à expulsion. Enfin, le conseil affirme que les sikhs victimes de torture reçoivent systématiquement une réponse négative à l’issue de la procédure d’évaluation du risque préalable au renvoi, et que «l’article 3 de la Convention contre la torture est violé en toute impunité au Canada, sans qu’il soit possible de former un recours judiciaire utile pour protéger les vies de ces victimes de la torture».

5.3À propos des arguments de l’État partie concernant l’irrecevabilité de l’allégation de partialité visant la Commission de l’immigration et du statut de réfugié, le conseil admet que ce grief n’a pas été soulevé devant la Commission elle-même ni devant la Cour fédérale, mais il fait observer que, même s’il n’entend pas produire de nouveaux éléments de preuve sur ce point, il y aurait de sérieux motifs d’engager une action pour partialité institutionnelle en raison de la partialité manifeste de l’un des membres de la Commission.

Observations supplémentaires de l’État partie

6.1Dans une nouvelle note verbale datée du 28 septembre 2005, l’État partie dément qu’il y ait eu une quelconque irrégularité pendant l’examen des griefs du requérant dans le cadre des procédures applicables, comme l’affirme le conseil.

6.2L’État partie conclut que le Comité devrait examiner la requête au fond en tenant compte de ses observations sur la recevabilité.

Examen de la recevabilité

7.1Avant d’examiner une plainte soumise dans une requête, le Comité contre la torture doit déterminer si cette requête est recevable en vertu de l’article 22 de la Convention. Le Comité relève que l’État partie conteste la recevabilité de l’allégation de partialité formulée par le requérant contre un membre de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié, au motif que les recours internes n’ont pas été épuisés à cet égard. Il note que le requérant admet n’avoir pas épuisé les recours internes en ce qui concerne ce grief. Le Comité en conclut que cette partie de la requête est irrecevable pour non-épuisement des recours internes.

7.2Le Comité relève que l’État partie reconnaît que les recours internes ont été épuisés en ce qui concerne les autres griefs du requérant. Par conséquent, il n’y a pas lieu pour le Comité de se pencher sur la question de savoir si les recours judiciaires ouverts au titre des procédures de réexamen du Service canadien de l’immigration sont inefficaces, comme l’affirme le conseil.

7.3S’agissant de l’argument du requérant selon lequel la décision de le renvoyer en Inde constituerait en soi une peine ou un traitement cruel, inhumain ou dégradant, en violation de l’article 16 de la Convention, le Comité relève que le requérant n’a pas suffisamment étayé cette allégation. Il rappelle en particulier que, selon sa jurisprudence, l’aggravation éventuelle de l’état de santé d’un requérant par suite de son expulsion ne constitue pas une forme de traitement cruel, inhumain ou dégradant au sens de l’article 16. Tout en reconnaissant qu’une expulsion vers l’Inde peut susciter chez le requérant des craintes subjectives, le Comité estime qu’il ne s’agit pas d’un traitement cruel, inhumain ou dégradant au sens de l’article 16 de la Convention. Il conclut que le grief tiré de l’article 16 n’est pas suffisamment étayé aux fins de la recevabilité.

7.4En ce qui concerne le grief tiré du paragraphe 1 de l’article 3 de la Convention, le Comité considère qu’il n’y a pas d’obstacle à sa recevabilité et procède donc à son examen au fond.

Examen au fond

8.1Le Comité doit déterminer s’il existe des motifs sérieux de penser que le requérant risquerait personnellement d’être torturé à son retour en Inde. Pour ce faire, il doit, conformément au paragraphe 2 de l’article 3 de la Convention, tenir compte de toutes les considérations pertinentes, y compris de l’existence d’un ensemble de violations systématiques des droits de l’homme, graves, flagrantes ou massives.

8.2À cet égard, le Comité prend note des rapports fournis par le requérant, qui confirment que des cas de torture en garde à vue ont continué de se produire après la fin de la période de militantisme au Penjab, au milieu des années 90, et que, bien souvent, les auteurs de ces actes n’ont pas été traduits en justice. Il prend note également de l’argument de l’État partie, qui assure que la situation des droits de l’homme au Penjab s’est améliorée et stabilisée ces dernières années.

8.3Le Comité rappelle cependant qu’il s’agit de déterminer si le requérant risque personnellement d’être soumis à la torture en Inde. Par conséquent, même s’il y a dans ce pays un ensemble de violations systématiques des droits de l’homme flagrantes ou massives, cela ne constituerait pas en soi un motif suffisant pour conclure que le requérant risque d’être torturé à son retour en Inde; il doit exister des motifs supplémentaires de penser qu’il serait personnellement en danger. De même, l’absence d’un ensemble de violations systématiques des droits de l’homme flagrantes ou massives ne signifie pas qu’une personne puisse être considérée comme ne risquant pas d’être torturée dans sa situation particulière.

8.4Le Comité relève que le requérant a soumis des éléments de preuve pour montrer qu’il avait été torturé pendant sa détention en 1999, notamment sous la forme de rapports médicaux et de déclarations écrites de témoins corroborant cette allégation. Le Comité prend note également du certificat médical établi en 2001 par un centre médical canadien, qui conclut à l’existence d’indices physiques et psychologiques objectifs suffisants pour corroborer les allégations subjectives de torture. Enfin, le Comité relève que le requérant, selon ses propres dires, a été arrêté et torturé parce qu’on l’accusait d’être un militant, et pas seulement parce qu’il était sikh. Le Comité considère toutefois que, même à supposer que le requérant, par le passé, ait été torturé par la police du Penjab, il n’en découle pas automatiquement qu’il risque encore, six ans après les faits allégués, d’être torturé s’il est renvoyé en Inde. Il constate en particulier que le parti politique contre lequel le requérant avait fait campagne n’est plus au pouvoir au Penjab.

8.5S’agissant de l’argument du requérant selon lequel il court toujours, à l’heure actuelle, le risque d’être torturé en Inde, le Comité prend note des éléments de preuve produits par le conseil pour montrer que le requérant n’a pas la possibilité de s’installer en toute sécurité ailleurs dans son pays, puisqu’il serait pris pour cible par la police. À cet égard, le Comité relève que, d’après certains des éléments de preuve disponibles, une personnalité serait effectivement en danger dans d’autres régions de l’Inde, mais le requérant n’a pas montré qu’il relève de cette catégorie particulière. Le Comité en conclut qu’il ne lui serait pas impossible de vivre à l’abri de la torture ailleurs en Inde.

8.6À la lumière de ce qui précède, le Comité conclut que le requérant n’a pas établi qu’il court personnellement, à l’heure actuelle, un risque prévisible d’être torturé s’il est renvoyé en Inde.

8.7Le Comité contre la torture, agissant en vertu du paragraphe 7 de l’article 22 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, conclut que la décision de l’État partie de renvoyer le requérant en Inde ne constituerait pas une violation de l’article 3 de la Convention.

Notes

Communication n o 254/2004

Présentée par:

S. S. H. (représenté par un conseil, M. Werner Spirig)

Au nom de:

S. S. H.

État partie:

Suisse

Date de la requête:

7 septembre 2004 (lettre initiale)

Le Comité contre la torture, institué en vertu de l’article 17 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,

Réuni le 15 novembre 2005,

Ayant achevé l’examen de la requête no 254/2004 présentée par S. S. H. au Comité contre la torture en vertu de l’article 22 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,

Ayant tenu compte de toutes les informations qui lui ont été communiquées par le requérant et l’État partie,

Adopte la décision au titre de l’article 22 de la Convention ci‑après:

1.1Le requérant, S. S. H., né le 2 mars 1969, ressortissant pakistanais, se trouve actuellement en Suisse, où il avait déposé une demande d’asile le 22 mai 2000. Cette demande a été rejetée le 20 juin 2002. Le requérant affirme que son renvoi au Pakistan constituerait une violation par la Suisse de l’article 3 de la Convention contre la torture. Il est représenté par un conseil.

1.2Conformément au paragraphe 3 de l’article 22 de la Convention, le Comité a porté la requête à l’attention de l’État partie le 16 septembre 2004. Dans le même temps, le Comité, agissant en vertu du paragraphe 1 de l’article 108 de son règlement intérieur, a décidé que des mesures provisoires de protection, qui avaient été sollicitées par le requérant, n’étaient pas justifiées dans les circonstances.

Rappel des faits présentés par le requérant

2.1Le requérant était fonctionnaire au Ministère pakistanais de la culture, du sport et du tourisme depuis 1989. Il avait obtenu ce poste grâce aux relations que son père entretenait avec le Ministre, Mushahid Hussain Sayyed. Le gouvernement du Premier Ministre Nawaz Sharif a été destitué le 12 octobre 1999. Le nouveau gouvernement du général Pervez Musharraf a lancé alors une enquête sur les activités de l’ancien Ministre, qui fut soupçonné de corruption et placé sous résidence surveillée. En décembre 1999, un collègue du requérant, M. Mirani, a disparu. Par la suite, le requérant a appris par un ami qui travaillait à l’époque pour le National Accountability Bureau (NAB) que M. Mirani aurait été détenu et torturé par le NAB, et qu’avant de mourir en détention il leur avait dit que le requérant était un proche du Ministre.

2.2Par crainte de subir le même sort que son collègue, le requérant quitta le pays le 22 février 2000 en utilisant son passeport de fonctionnaire. Il l’a fait de manière illégale puisque le nouveau gouvernement avait introduit une loi exigeant que tous les fonctionnaires obtiennent des services secrets une autorisation officielle, le «certificat de non‑objection», pour toute sortie du territoire. Le requérant avait obtenu une autorisation de sortie du territoire de ses supérieurs mais non celle, requise, des services secrets. Après qu’il eut quitté le pays, des hommes sont venus demander à plusieurs reprises au père du requérant où celui-ci se trouvait. Sa mère pensait que les autorités voulaient arrêter leur fils.

2.3Le requérant est arrivé en Europe le 21 mai 2000 et a déposé une demande d’asile en Suisse le 22 mai 2000. Par décision du 20 juin 2002, cette demande a été rejetée par l’Office fédéral des réfugiés (ODR), qui a ordonné son expulsion du territoire suisse. Le 7 avril 2004, la Commission de recours en matière d’asile (CRA) a rejeté l’appel du requérant. Elle a considéré que le requérant n’avait plus de craintes de persécution politique puisque le Ministre dont il avait été proche n’était désormais plus en maison d’arrêt. Elle a donc confirmé la décision de l’ODR ordonnant son expulsion. Par lettre en date du 16 avril 2004, l’ODR a fixé au 11 juin 2004 la date à laquelle il devait quitter la Suisse. Le 14 juin 2004, le requérant a déposé auprès de la CRA une demande de révision avec effet suspensif. Cette demande a été rejetée le 23 juin 2004. Le 15 juillet 2004, le requérant a sollicité une prolongation du délai de départ sur le motif qu’il devait donner un préavis de deux mois pour quitter son travail. Le 30 juillet 2004, l’ODR a constaté que ce motif n’était pas de nature à justifier un report. Le requérant n’est plus autorisé à séjourner en Suisse et peut être, à tout moment, expulsé au Pakistan.

Teneur de la plainte

3.1Le requérant affirme qu’il y a des raisons sérieuses de croire qu’il serait soumis à la torture s’il était renvoyé au Pakistan et que son expulsion vers ce pays constituerait une violation par la Suisse de l’article 3 de la Convention.

3.2Il craint d’être soumis à la torture du fait qu’il était un proche collaborateur de l’ancien Ministre, M. Mushahid Hussain Sayyed. En outre, il craint que les autorités n’entament des procédures contre lui du fait qu’il avait quitté le pays illégalement puisqu’il n’avait pas obtenu l’autorisation requise, le «certificat de non‑objection», des services secrets. Il risquerait jusqu’à cinq ans d’emprisonnement. Il risquerait également jusqu’à sept ans d’emprisonnement pour avoir utilisé son passeport de fonctionnaire.

3.3Le requérant affirme que ses craintes personnelles d’être torturé ont été étayées tout au long de la procédure d’examen de sa demande d’asile. Il fait également valoir que l’ODR n’a émis à aucun moment des doutes sur les renseignements qu’il avait fournis au sujet de ce qui lui était arrivé au Pakistan.

Observations de l’État partie sur la recevabilité et le bien-fondé de la requête

4.1Par note verbale du 1er novembre 2004, l’État partie déclare ne pas contester la recevabilité de la requête, et le 9 mars 2005, formule des observations sur son bien-fondé. Il rappelle, en premier lieu, les motifs pour lesquels, suite à un examen approfondi des allégations du requérant, la CRA, à l’instar de l’ODR, n’a pas été convaincue que le requérant risquait sérieusement d’être persécuté s’il était renvoyé au Pakistan.

4.2L’État partie rappelle que la CRA, dans sa décision du 7 avril 2004, a noté que le requérant n’avait apparemment pas rencontré le moindre problème en quittant le Pakistan par l’aéroport de Karachi avec son passeport de fonctionnaire de l’administration. Selon la CRA, ceci indiquait qu’au moment de son départ, le requérant n’encourait pas de risque d’être soumis à des mauvais traitements. Elle a ensuite examiné si un tel risque s’était concrétisé dans l’intervalle et a conclu que tel n’était pas le cas puisque l’assignation à résidence surveillée de l’ancien Ministre avait été levée en décembre 2000.

4.3Selon la CRA, d’autres éléments mettent en doute l’affirmation selon laquelle le requérant risque des mauvais traitements en cas de retour au Pakistan. En effet, elle estime qu’en raison des liens familiaux qui unissent les personnes citées par le requérant devant la CRA, le degré de preuve de leurs déclarations n’est pas très élevé. Le requérant n’a d’ailleurs jamais fait valoir qu’il avait été actif politiquement.

4.4Saisie d’une demande de révision dans laquelle le requérant a invoqué qu’il risquait d’être poursuivi pénalement en raison de son émigration illégale ainsi que du fait qu’il a indûment utilisé son passeport de fonctionnaire, la CRA a de nouveau, par décision du 23 juin 2004, rejeté la demande, estimant que ce risque était déjà connu du requérant au moment de la procédure ordinaire et que les nouveaux documents produits auraient pu l’être au cours de cette procédure.

4.5L’État partie examine, en second lieu, le bien-fondé des décisions de la CRA à la lumière de l’article 3 de la Convention et de la jurisprudence du Comité. Il note que le requérant se borne à rappeler au Comité les motifs invoqués devant les autorités nationales et n’apporte aucun élément nouveau permettant de remettre en question les décisions de la CRA des 7 avril et 23 juin 2004.

4.6Ayant rappelé la jurisprudence du Comité et son Observation générale no 1 relative à l’application de l’article 3, l’État partie fait entièrement siens les motifs retenus par la CRA à l’appui de ses décisions rejetant la demande d’asile du requérant et confirmant son renvoi. Il rappelle la jurisprudence du Comité selon laquelle l’existence d’un ensemble de violations systématiques des droits de l’homme graves, flagrantes ou massives ne constitue pas un motif suffisant pour conclure qu’un individu risquerait d’être victime de la torture à son retour dans son pays, et que des motifs supplémentaires doivent, par conséquent, exister pour que le risque de torture soit qualifié, aux fins du paragraphe 1 de l’article 3, de «prévisible, réel et personnel». L’État partie note que les cas concrets de torture au Pakistan évoqués par le requérant concernaient des activistes politiques; or, le requérant lui-même n’a jamais été actif politiquement.

4.7En qui concerne le risque de torture encouru en raison des liens du requérant avec son ancien employeur, l’État partie note que les fonctionnaires qui n’exerçaient pas une fonction particulièrement exposée au sein de l’ancien gouvernement ne risquent pas de subir des mesures de représailles de l’armée pakistanaise. En tant que sténotypiste, le requérant n’exerçait pas une fonction exposée. De toute façon, si cela avait été le cas, l’État partie estime que le requérant aurait été certainement arrêté immédiatement après le coup d’État d’octobre 1999 et placé sous résidence surveillée. En outre, le nom du requérant ne figurait pas sur ladite «Exit Control List» dressée par l’armée pakistanaise et qui équivalait de fait à une interdiction de quitter le pays pour les personnes inscrites sur cette liste. Finalement, l’État partie fait valoir que l’assignation à résidence surveillée de l’ancien Ministre a été levée après 14 mois. L’ancien Ministre ne semble pas avoir subi de mauvais traitements et est désormais en bons termes avec le présent gouvernement.

4.8Sous l’angle de l’article 3 de la Convention, l’État partie précise que, selon la jurisprudence constante du Comité, cette disposition n’offre aucune protection au requérant qui allègue simplement craindre d’être arrêté à son retour dans son pays. Cette conclusion s’impose a fortiori pour un simple risque d’arrestation. L’État partie estime que le requérant n’a pas démontré qu’il risquait d’être soumis à la torture en cas d’arrestation. En cas de procédure pénale ouverte contre le requérant, il pourrait, de toute manière, être représenté par un avocat et probablement bénéficier du soutien de l’ancien Ministre.

4.9En dernier lieu, l’État partie explique que le requérant n’a jamais fait valoir avoir subi des mauvais traitements dans le passé, ni avoir été actif politiquement au Pakistan ou hors de son État d’origine.

4.10L’État partie conclut que les déclarations du requérant ne permettent pas de conclure qu’il existe des motifs sérieux de penser, conformément au paragraphe 1 de l’article 3 de la Convention, qu’il serait exposé à la torture en cas de renvoi au Pakistan.

Commentaires du requérant sur les observations de l’État partie concernant la recevabilité et le fond

5.1Par une lettre du 26 mai 2005, le requérant a fourni ses commentaires relatifs aux observations de l’État partie.

5.2En ce qui concerne son rôle au sein du Ministère, il explique qu’il avait bien le titre de «sténotypiste», mais que cette position au Pakistan correspond à la fonction de secrétaire personnel du Ministre. Dans cette fonction, il était au courant de toutes les communications, directives et ordres donnés par l’ancien Ministre que ce soit au bureau ou à sa résidence. Il demeure donc une source d’information principale dans toute enquête sur les activités de M. Sayyed.

5.3Quant à son manque d’engagement politique, le requérant souligne qu’il craignait des persécutions politiques en raison de sa connaissance des dossiers du l’ancien Ministre. Bien que M. Sayyed soit désormais libre de faire à nouveau de la politique, le requérant affirme que dès qu’il s’opposera au gouvernement actuel, les anciens chefs d’accusation de corruption resurgiront. Dans cette éventualité, le requérant serait forcé de donner les informations nécessaires au National Accountability Bureau (NAB).

5.4En ce qui concerne sa crainte d’être arrêté et inculpé en cas de renvoi au Pakistan en raison du fait qu’il a quitté illégalement le pays, le requérant fait valoir qu’une fois arrêté, la police pakistanaise lui présenterait une longue liste de chefs d’accusation à cause de son ancien rôle au sein du Ministère. Le requérant estime qu’il ne recevrait aucun soutien de la part de M. Sayyed.

Délibérations du Comité concernant la recevabilité et le fond

6.1Avant d’examiner une plainte contenue dans une communication, le Comité contre la torture doit déterminer si la communication est recevable en vertu de l’article 22 de la Convention. Le Comité s’est assuré, comme il est tenu de le faire conformément au paragraphe 5 a) de l’article 22 de la Convention, que la même question n’a pas été examinée et n’est pas en cours d’examen devant une autre instance internationale d’enquête ou de règlement. Dans le cas d’espèce, le Comité note aussi que tous les recours internes sont épuisés et que l’État partie n’a pas contesté la recevabilité. Il estime donc que la communication est recevable, et procède à l’examen quant au fond de l’affaire.

6.2Le Comité doit se prononcer sur le point de savoir si le renvoi du requérant vers le Pakistan violerait l’obligation de l’État partie, en vertu de l’article 3 de la Convention, de ne pas expulser ou refouler une personne vers un État où il y a des motifs sérieux de croire qu’elle risque d’être soumise à la torture.

6.3Le Comité doit déterminer, en application du paragraphe 1 de l’article 3, s’il existe des motifs sérieux de croire que le requérant risquerait d’être soumis à la torture s’il était renvoyé au Pakistan. Pour prendre cette décision, le Comité doit tenir compte de toutes les considérations pertinentes, conformément au paragraphe 2 de l’article 3, y compris l’existence d’un ensemble de violations systématiques des droits de l’homme graves, flagrantes ou massives. Toutefois, le but de cette analyse est de déterminer si l’intéressé risquerait personnellement d’être soumis à la torture dans le pays où il serait renvoyé. Il s’ensuit que l’existence, dans un pays, d’un ensemble de violations systématiques des droits de l’homme graves, flagrantes ou massives ne constitue pas en soi une raison suffisante d’établir qu’une personne donnée serait en danger d’être soumise à la torture à son retour dans ce pays. Il doit exister d’autres motifs qui donnent à penser que l’intéressé serait personnellement en danger. Pareillement, l’absence d’un ensemble de violations flagrantes et systématiques des droits de l’homme ne signifie pas qu’une personne ne puisse pas être soumise à la torture dans la situation particulière qui est la sienne.

6.4Le Comité rappelle son observation générale sur l’application de l’article 3, selon laquelle «l’existence d’un tel risque [de torture] doit être appréciée selon des éléments qui ne se limitent pas à de simples supputations ou soupçons. En tout état de cause, il n’est pas nécessaire de montrer que le risque couru est hautement probable» (A/53/44, annexe IX, par. 6).

6.5Dans le cas d’espèce, le Comité note que l’information selon laquelle l’ancien collègue du requérant, M. Mirani, aurait donné le nom du requérant au NAB sous la torture ne signifie en aucun cas que le requérant risque d’être à son tour arrêté et torturé. Le requérant avance seulement que des hommes non identifiés auraient cherché plusieurs fois à savoir où il se trouvait. Il semble, de toute façon, que ces hommes auraient abandonné leurs investigations vers juillet 2001. Par conséquent, le Comité considère que rien n’indique que le requérant est actuellement recherché par les autorités pakistanaises.

6.6En outre, le Comité note que le requérant, en tant que «sténotypiste», n’exerçait pas une fonction exposée au sein de l’ancien gouvernement. D’ailleurs, son nom ne figurait pas sur l’Exit Control List dressée par l’armée pakistanaise, et le requérant admet lui-même n’avoir jamais été un opposant politique actif. Le Comité ne peut donc conclure que le requérant serait exposé à un risque particulier d’être torturé en raison de ses anciennes fonctions au sein du Ministère.

6.7Le Comité relève également que l’assignation à résidence surveillée de l’ancien Ministre a été levée après 14 mois et qu’il n’a plus été inquiété par les autorités pakistanaises depuis. Le Comité juge donc improbable que le requérant soit soumis à des mauvais traitements à son retour au Pakistan.

6.8En ce qui concerne le risque d’être arrêté et inculpé en raison du fait que le requérant a quitté illégalement le Pakistan et qu’il a indûment utilisé son passeport de fonctionnaire pour ce faire, le Comité rappelle que le seul risque d’être détenu et jugé ne suffit pas à conclure qu’il existe également un risque d’être soumis à la torture. Or, le requérant n’a apporté aucune preuve qu’il risquerait d’être soumis à la torture en cas d’arrestation.

6.9Compte tenu de ce qui précède, le Comité estime que le requérant n’a pas démontré l’existence de motifs sérieux permettant de considérer que son renvoi au Pakistan l’exposerait à un risque réel, concret et personnel de torture, aux termes de l’article 3 de la Convention.

7.Par conséquent, le Comité contre la torture, agissant en vertu du paragraphe 7 de l’article 22 de la Convention contre la torture et autres peines cruels, inhumains ou dégradants, estime que le renvoi du requérant au Pakistan ne ferait apparaître aucune violation par l’État partie de l’article 3 de la Convention.

Notes

Communication n o 256/2004

Présentée par:

M. Z. (représenté par un conseil)

Au nom de:

M. Z.

État partie:

Suède

Date de la requête:

22 septembre 2004 (lettre initiale)

Le Comité contre la torture, institué en vertu de l’article 17 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,

Réuni le 12 mai 2006,

Adopte la décision au titre de l’article 22 de la Convention ci‑après:

1.1Le requérant,M. Z., de nationalité iranienne, est sous le coup d’une décision d’expulsion de la Suède. Il affirme que son renvoi en Iran constituerait une violation par la Suède de l’article 3 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Il est représenté par un conseil.

1.2Le 23 septembre 2004, le Comité a transmis la requête à l’État partie pour observations et a demandé, en application du paragraphe 1 de l’article 108 du Règlement intérieur du Comité, que le requérant ne soit pas renvoyé en Iran tant que l’examen de sa requête par le Comité serait en cours. Le 21 janvier 2005, l’État partie a fait droit à cette demande.

Rappel des faits présentés par le requérant

2.1L’auteur est né à Abadan (sud de l’Iran). Il a déménagé à Chiraz au moment de la guerre entre l’Iran et l’Iraq, en raison des hostilités. En 1996, il a épousé la fille du Président du Comité exécutif des imamjome (Omana) de la ville de Faza. Un imamjome est, dans l’islam, un religieux investi de pouvoirs spéciaux.

2.2Le requérant indique que, à compter de 1999, il a été membre actif du parti socialiste iranien (le «PSI») dont il était le représentant à Faza. Il a pris part à différentes actions politiques: distribution de tracts et autres matériels politiques; collecte d’informations; préparation de réunions; location de lieux de réunion. Son beau‑frère exerçait des activités politiques et occupait un poste de direction au PSI dans la ville de Mashad. Le requérant a loué un appartement à Chiraz pour sa sœur et son beau‑frère, qui se cachaient. Pendant leur séjour à Chiraz, le requérant leur a souvent rendu visite. En outre, il a distribué à Téhéran pour leur compte des vidéos et des tracts sur des manifestations d’étudiants. Son beau‑frère et sa sœur ont dû par la suite fuir le pays, se rendant en Suisse, où l’asile politique leur a été accordé.

2.3Le requérant fait valoir que ses visites à l’appartement et ses absences fréquentes ont éveillé les soupçons de sa belle-famille, qui pensait qu’il avait une aventure. Il ne pouvait leur révéler la vérité et n’avait pas d’explications plausibles à leur offrir. Sa femme a demandé le divorce et l’a obtenu le 28 août 2001. La famille de son ex‑épouse l’a dénoncé aux autorités en indiquant qu’il fréquentait un lieu suspect à Chiraz, qu’il possédait une antenne parabolique et consommait souvent de l’alcool. Le 1er septembre 2001, un policier a perquisitionné au domicile du requérant, où il a saisi l’antenne parabolique et une certaine quantité d’alcool. Le requérant a été arrêté et conduit dans les locaux du «tribunal général» de Faza, où il a été détenu. Il y a été interrogé pendant 24 heures et roué de coups, à la suite de quoi il a eu des douleurs aiguës aux reins. Dans la nuit du 2 septembre 2001, un médecin a ordonné qu’il soit conduit à l’hôpital, où il a été établi qu’il souffrait d’une «inflammation des reins». Il a ensuite été transféré à un centre de détention attenant au tribunal général.

2.4Le 3 septembre 2001, le requérant a été inculpé de possession d’une antenne parabolique ainsi que de possession et de consommation d’alcool. Il explique que la véritable raison de son arrestation était de le garder en détention en attendant le résultat de l’enquête sur ses visites à l’appartement de Chiraz. Le 12 septembre 2001, le tribunal général l’a reconnu coupable et l’a condamné à 140 coups de fouet (75 pour la possession d’une antenne et 65 pour la possession d’alcool). Le 14 septembre 2001, il a demandé au tribunal de commuer sa peine en amende; sa demande a été rejetée le 18 septembre. La peine devait être appliquée le 21 septembre 2001. Le 18 septembre 2001, le requérant a été libéré sous caution. Il a appris par un ami que les autorités avaient découvert ses activités politiques au cours de l’enquête le concernant. Le même jour, il a quitté Faza et s’est rendu à Chiraz, après avoir été informé par son avocat que les autorités le recherchaient pour des «infractions graves».

2.5Le 19 septembre 2001, le requérant a appelé ses voisins à Faza et appris que les autorités avaient perquisitionné chez lui et fermé son atelier de réparation. Il a compris qu’il était en danger de mort et a décidé de fuir l’Iran. Il s’est rendu à Bandar Abbas, où il est resté pendant 25 jours, avant de gagner Tabriz. Un passeur l’a conduit à la frontière, d’où il a gagné la Suède en train et en voiture. Le 22 janvier 2002, il est arrivé en Suède. Le même jour, il a demandé l’asile politique et a eu un entretien préliminaire. Le 18 décembre 2002, il a eu un entretien complet. Le requérant était représenté par un avocat. Il a eu un entretien complémentaire le 23 mai 2003, son avocat le représentant par téléphone. Pendant ce troisième entretien, lors duquel il lui a été posé des questions auxquelles il avait déjà répondu, le requérant a eu l’impression que l’interprétation des déclarations qu’il avait faites pendant les deux premiers entretiens n’avait pas été fidèle et s’en est plaint auprès des autorités. Le 4 juin 2003, les autorités ont procédé à l’audition des enregistrements sonores et ont conclu que lesdits entretiens étaient défectueux, l’interprète ayant omis ou ajouté des éléments d’information.

2.6Le 17 juin 2004, le Conseil des migrations a rejeté la demande d’asile du requérant, au motif que ses déclarations n’étaient pas crédibles. Le Conseil a considéré que l’intéressé avait changé ses déclarations, invoquant d’abord la crainte d’être puni pour avoir possédé une antenne parabolique et pour avoir consommé et possédé de l’alcool, puis la crainte d’être puni pour avoir aidé une personne ayant des opinions politiques contraires à la loi. De l’avis du Conseil, le requérant n’avait pas établi que les autorités iraniennes savaient qu’il aidait sa sœur et son beau‑frère, et il était peu probable que le requérant ait été condamné à 140 coups de fouet, la peine en Iran pour les accusations retenues contre lui étant une amende. Quant à la qualité de l’interprétation, le Conseil a fait observer que le requérant avait eu la possibilité de corriger les erreurs par le truchement de son conseil. Le Conseil des migrations a conclu que le requérant n’avait pas apporté la preuve qu’il risquait d’être persécuté s’il était renvoyé en Iran.

2.7Le requérant s’est adressé à la Commission de recours des étrangers en lui demandant de remplacer son conseil et de l’entendre. Le 6 octobre 2003, la Commission a rejeté ces deux demandes. Le requérant a ensuite engagé à titre privé une avocate, qui a présenté des informations supplémentaires sur ses activités politiques en Iran. Le requérant lui‑même a présenté des pièces supplémentaires, dont une lettre du PSI dans laquelle il était déclaré qu’il avait exercé des activités politiques, ainsi qu’un certificat médical attestant qu’il avait eu un infarctus, peut‑être dû au stress auquel il avait été soumis. Le 8 juin 2004, la Commission a rejeté le recours au motif que le requérant n’était pas crédible. La Commission a déclaré notamment qu’il avait eu la possibilité de corriger les erreurs dans l’interprétation des déclarations qu’il avait faites lors du deuxième entretien, qu’il ne pouvait prouver qu’il avait été condamné à 140 coups de fouet, et qu’il n’avait pas fait état auparavant de ses activités politiques.

2.8Le 21 juin 2004, le requérant a adressé une nouvelle demande − la première − à la Commission de recours des étrangers, en lui présentant ce qu’il affirmait être des pièces originales prouvant, selon lui, que les autorités iraniennes avaient refusé de commuer sa peine en amende. Il s’agissait d’une décision datée du 18 septembre 2001 à l’effet de rejeter sa demande de commutation de peine, et d’un extrait de casier judiciaire. La Commission a estimé que les pièces n’étaient pas dignes de foi et a rejeté la demande le 15 juillet 2004.

2.9Le 19 juillet 2004, le requérant a adressé une nouvelle demande − la deuxième − à la Commission, en présentant à cette dernière des explications sur les activités politiques qu’il avait exercées au cours des cinq années précédentes. La Commission a constaté qu’il n’y avait aucune preuve des activités politiques de l’intéressé en Iran et a rejeté sa demande le 1er septembre 2004. Le 9 septembre 2004, le requérant a présenté, dans le cadre d’une demande finale, ce qu’il affirmait être l’original des citations des autorités iraniennes à comparaître devant le tribunal général de Chiraz. Il a demandé à la Commission de surseoir à sa décision en attendant qu’un certificat médical soit établi. Le 13 septembre 2004, la Commission a refusé de surseoir, puis a rejeté la demande le 17 septembre.

Teneur de la plainte

3.1Le requérant affirme que, en le renvoyant en Iran, l’État partie commettrait une violation de l’article 3 de la Convention: il craint réellement qu’il soit personnellement soumis à la torture et à de mauvais traitements à son retour en raison de ses activités politiques passées. La peine des 140 coups de fouet lui sera appliquée. Il soutient que, par cette condamnation, les autorités souhaitent en fait le persécuter pour ses activités politiques.

3.2De l’avis du requérant, les autorités nationales n’ont pas examiné objectivement et impartialement son affaire et ses déclarations. Il affirme que les pièces fournies par lui pour prouver la réalité du jugement prononcé contre lui et celles qui montrent sa participation aux activités du PSI n’ont pas été acceptées. Quant à sa condamnation à 140 coups de fouet, il affirme avoir déclaré pendant les entretiens qu’il n’avait jamais reçu confirmation écrite du jugement et que le verdict lui avait été simplement communiqué oralement à l’issue de la procédure judiciaire qui avait eu lieu à Faza. Il affirme encore que l’État partie a manqué à son obligation, en vertu du droit interne, de veiller à ce que les entretiens se déroulent dans les règles. Il lui était impossible de rectifier ses déclarations comme il se devait car les informations qu’il avait reçues au sujet des entretiens étaient incomplètes. La Commission de recours des étrangers avait refusé de l’entendre, ce qui l’avait empêché de rectifier les informations fournies lors des entretiens.

Observations de l’État partie sur la recevabilité et le fond

4.1Dans les observations qu’il a présentées le 21 janvier 2005, l’État partie indique que la requête est irrecevable car elle est manifestement non fondée. Quant aux faits, l’État partie confirme que l’interprétation des déclarations faites par l’intéressé pendant le deuxième entretien était insatisfaisante et que, pour cette raison, il a été permis au requérant d’apporter plusieurs corrections aux informations qu’il avait présentées au cours dudit entretien. Le requérant a apporté des modifications à ses déclarations dans des observations datées du 3 février et du 19 juin 2003, et ces rectifications et explications ont été prises en considération par le Conseil des migrations.

4.2L’État partie fait valoir que la Commission de recours des étrangers a conclu qu’il n’y avait aucune raison de renvoyer l’affaire au Conseil des migrations ou de procéder à une audition du requérant. Celui‑ci a participé à trois entretiens. Après qu’il eut été constaté que le deuxième entretien présentait des lacunes, il a été procédé à un troisième entretien au cours duquel des questions détaillées ont été posées. Outre les documents et enregistrements des trois entretiens, le Conseil des migrations a été saisi, entre autres, des considérations et allégations du requérant. De plus, ce dernier avait soumis une quantité importante de documents à la Commission de recours des étrangers.

4.3Sur le fond, l’État partie note que selon certaines sources le Gouvernement de la République islamique d’Iran commettrait des violations des droits de l’homme, mais estime que cela ne suffit pas pour établir que le renvoi forcé du requérant en Iran constituerait une violation de l’article 3: pour cela, il lui faudrait démontrer que, selon toute vraisemblance, il risque réellement et personnellement d’être soumis à la torture, et il devrait présenter des arguments plausibles qui ne se réduiraient pas à de simples suppositions et soupçons. L’État partie ajoute qu’il incombe principalement au requérant de réunir et de présenter des preuves à l’appui de ses affirmations. L’État partie rappelle les dispositions pertinentes de la loi sur les étrangers et fait observer que plusieurs de ces dispositions reflètent le principe énoncé au paragraphe 1 de l’article 3 de la Convention. En outre, il fait valoir que les autorités nationales chargées de procéder aux entretiens avec les demandeurs d’asile sont, naturellement, très bien placées pour évaluer la crédibilité des affirmations faites par ces personnes. Par conséquent, il convient d’attacher un grand poids aux avis des autorités suédoises de l’immigration qui ont examiné l’affaire.

4.4Selon l’État partie, il n’y a pas d’élément d’information digne de foi qui prouverait que l’intéressé a été détenu, inculpé ou condamné parce qu’il était en possession d’une antenne parabolique et qu’il consommait de l’alcool. Le requérant n’a pas démontré qu’il serait soumis à une peine corporelle s’il était expulsé vers l’Iran. Lorsqu’il a adressé une demande nouvelle (la première) à la Commission de recours des étrangers le 21 juin 2004, le requérant a présenté deux pièces qu’il prétendait être les originaux de la décision de refuser la commutation de la peine de fouet en amende, et d’un extrait de son casier judiciaire. Le requérant a déclaré qu’il avait autorisé son frère à se procurer ces pièces. La Commission de recours des étrangers a estimé que ces pièces n’étaient pas des originaux et noté qu’il circulait un grand nombre de faux. De l’avis de la Commission, ces pièces n’avaient guère de valeur probante.

4.5Le 1er septembre 2004, la Commission de recours des étrangers a rejeté la deuxième demande nouvelle dans le cadre de laquelle le requérant avait présenté une attestation datée du 30 juin 2004 qui aurait été délivrée par le Secrétaire général du PSI. La Commission a déclaré qu’une attestation analogue lui avait déjà été soumise et que la nouvelle attestation ne contenait pas d’éléments d’information qui lui auraient donné des raisons de revenir sur son évaluation antérieure. Le 17 septembre 2004, la Commission a également rejeté la troisième demande du requérant, qui avait été accompagnée de deux prétendues citations à comparaître devant un tribunal iranien, deux personnes désignées nommément ayant indiqué aux autorités qu’il s’était employé activement à combattre le régime. La Commission a constaté que les délits de nature politique relevaient généralement du Tribunal de la Révolution qui, selon les informations dont dispose la Commission, ne délivre pas de citations à comparaître. En outre, les pièces en cause portaient l’emblème des tribunaux ordinaires et non celui du Tribunal de la Révolution.

4.6En novembre 2004, le Gouvernement a prié l’ambassade de Suède à Téhéran de lui fournir certaines informations concernant notamment les pièces soumises par le requérant. L’ambassade a consulté un juriste iranien afin de se faire une opinion sur l’authenticité de la demande de commutation de la peine de fouet en amende, qui aurait été présentée à un tribunal iranien, de la décision que le tribunal aurait prise le 18 septembre 2001 de rejeter cette demande, ainsi que du prétendu extrait de casier judiciaire où était mentionnée la prétendue condamnation au fouet. L’ambassade a constaté que des informations telles que celles‑là ne figuraient pas normalement au casier judiciaire. Elle a noté que l’extrait n’avait été délivré que 13 jours après que le prétendu jugement aurait été rendu, alors que le délai d’appel contre ce dernier n’avait pas encore expiré. Il est peu probable que l’extrait ait été délivré si rapidement puisque, en règle générale, il faut plus de 13 jours avant qu’une condamnation ne soit portée au casier judiciaire.

4.7En ce qui concerne la prétendue demande de commutation de peine, l’ambassade a noté que le formulaire employé par le requérant est censé servir à une procédure civile et ne convient donc pas dans l’affaire à l’examen. En outre, l’ambassade a noté qu’une telle demande aurait dû être adressée aux autorités chargées de l’application des peines et non pas, comme dans l’affaire à l’examen, au tribunal ou à l’administration chargé de lutter contre «la décadence de la société». En outre, il est dit dans la prétendue demande que, de l’avis du juge d’alors et du médecin du centre de détention qui l’a examiné, le requérant souffre de problèmes rénaux et n’est pas apte à subir une peine corporelle. L’État partie doute que le juge de première instance ait prononcé une peine corporelle s’il était de cet avis. En ce qui concerne la décision que le tribunal aurait prise de rejeter la demande, l’ambassade déclare que la décision rendue fait uniquement état de questions de culpabilité et non d’une commutation de peine. Qui plus est, les trois pièces semblent avoir été communiquées l’une après l’autre par télécopie le 27 février 1999, avant les prétendus événements décrits par le requérant.

4.8L’État partie met en évidence le fait que le requérant n’a pas fourni le texte du jugement par lequel il aurait été condamné à une peine corporelle et fait valoir que, au cours de la procédure, il a avancé des raisons différentes pour expliquer pourquoi il n’a pu le faire. Dans la requête en cours, le requérant affirme que le tribunal iranien n’avait communiqué le verdict qu’oralement et que lui‑même n’avait jamais reçu confirmation écrite du jugement. Selon le juriste iranien, toute personne qui a été condamnée en Iran par un tribunal général, ce qui serait le cas dans l’affaire à l’examen, peut se procurer le texte du jugement. Ce ne serait pas le cas si la personne avait été jugée par le Tribunal de la Révolution. Le requérant n’a pas mentionné au cours de la procédure interne la méprise qu’il invoque à présent, et rien ne donne à penser que l’interprétation de ses déclarations lors du troisième entretien ait laissé à désirer.

4.9Quant à la peine elle-même, l’État partie renvoie aux conclusions du Conseil des migrations selon lesquelles, en Iran, le fait d’être en possession d’une antenne parabolique n’emporte pas une peine aussi rigoureuse que le fouet, et la consommation d’alcool est sanctionnée au premier chef suivant les règles du houdoud prévues en droit pénal iranien, la peine applicable étant de 80 coups de fouet, à condition que l’accusé ait avoué par deux fois avoir consommé de l’alcool et que deux hommes aient été chaque fois témoins de son acte. La peine n’est appliquée que lorsque l’accusé a été incapable d’expliquer rationnellement pourquoi il a consommé de l’alcool. Le coupable peut en outre être gracié ou, dans certains cas, obtenir l’annulation de la condamnation, à condition qu’il manifeste des regrets. La consommation d’alcool est également punissable suivant les règles du ta’azir, conformément auxquelles le coupable peut être condamné à une peine allant de trois à six mois de prison ou à 74 coups de fouet. Compte tenu du niveau élevé de preuve exigé par les règles du houdoud et du fait que, suivant le ta’azir, la consommation d’alcool est généralement sanctionnée par une peine de prison, sans compter qu’aucune pièce crédible confirmant le jugement invoqué n’a été présentée, le Conseil des migrations a considéré peu probable que le requérant ait été condamné ou risque d’être soumis au fouet pour avoir consommé de l’alcool ou possédé une antenne parabolique.

4.10Concernant l’allégation du requérant selon laquelle il risque la torture en raison de ses activités politiques au sein du PSI, l’État partie fait valoir que le requérant a ajouté des détails à ce sujet en plusieurs étapes pendant la procédure, ce qui lui fait sérieusement douter du bien‑fondé de cette allégation. La première fois que le requérant a été entendu par le Conseil des migrations, il a déclaré qu’il n’avait pas eu d’activités politiques en Iran. Par la suite, il a dit avoir aidé son beau-frère qui, lui, exerçait des activités politiques, et, dans une lettre adressée au Conseil des migrations en février 2003, il a affirmé que l’asile politique devrait lui être accordé pour ce motif. Ce n’est qu’au moment où il s’est adressé à la Commission de recours des étrangers, en août 2003, qu’il a invoqué son propre engagement politique pour demander l’asile.

4.11Le requérant présente à l’appui de sa requête deux citations à comparaître devant le tribunal général de Chiraz le 31 juillet et le 25 août 2004 qui, selon lui, auraient été remises à sa mère. Invité à se prononcer sur l’authenticité de ces documents, le même juriste iranien a conclu que, bien que les citations à comparaître en tant que telles comportent des indications montrant qu’elles avaient été délivrées par le tribunal général de Chiraz, les tampons qui y étaient apposés étaient ceux du bureau du Procureur général; or, en Iran, les procureurs ne délivraient pas de citations à comparaître. En outre, l’objectif de l’audience qui faisait normalement suite à la citation à comparaître était d’obtenir des éclaircissements sur certaines circonstances de l’affaire plutôt que des explications de l’intéressé sur des «déclarations faites contre [lui] par deux personnes nommément désignées», comme en l’espèce. De plus, le requérant avait invoqué ces deux citations à comparaître afin d’étayer son allégation selon laquelle deux personnes nommément désignées avaient signalé aux autorités iraniennes qu’il s’était employé activement à combattre le régime. Comme cela donnait à penser qu’il était recherché par les autorités iraniennes pour des délits de nature politique, qui relevaient de la compétence du Tribunal de la Révolution, lequel ne délivrait pas de citations à comparaître, l’authenticité de ces documents était douteuse.

4.12En outre, malgré les efforts qu’il a déployés pour obtenir des informations sur le PSI, l’État partie affirme qu’il n’a rien trouvé, ni dans les rapports sur les droits de l’homme, ni sur l’Internet, ni par l’entremise du juriste iranien à Téhéran. Ainsi, même en admettant que ce parti existe, le PSI n’a pas attiré l’attention des personnes qui en auraient sans doute entendu parler si ses membres avaient été persécutés par les autorités iraniennes comme le prétend le requérant. Quant à l’allégation selon laquelle ce dernier serait recherché par les autorités iraniennes, l’État partie fait observer que cet argument, de même que la question des activités politiques, n’a pas été avancé par le requérant au début de la procédure d’asile. À ce stade de la procédure, il avait mis l’accent sur le risque de mauvais traitements que lui auraient fait subir son ex-beau-père et des individus aux ordres de ce dernier. L’État partie ne comprend pas bien si le requérant continue de considérer ce motif comme fondement de la présente requête. Dans l’affirmative, l’État partie estime que le cas ne relève pas de l’article 3 de la Convention étant donné qu’il s’agit d’un risque de subir des tortures ou des mauvais traitements de la main d’une entité non gouvernementale agissant sans l’assentiment des pouvoirs publics.

4.13Pour justifier les incohérences de son récit, le requérant semble soutenir que l’ensemble de la procédure d’asile menée par les autorités suédoises a été entachée d’irrégularités. L’État partie rappelle que seule l’interprétation du deuxième entretien entre les fonctionnaires du Conseil des migrations et le requérant avait été reconnue comme étant insatisfaisante et que ce dernier avait eu l’occasion de corriger toutes les erreurs qui avaient pu être décelées dans l’enregistrement de ses déclarations. Ses allégations quant à l’existence d’irrégularités dans le déroulement de l’ensemble de la procédure n’ont pas été suffisamment étayées.

Commentaires du requérant sur les observations de l’État partie concernant la recevabilité et le fond

5.1Par une lettre datée du 15 mai 2005, le requérant a soumis ses commentaires sur les observations de l’État partie. Il y fait valoir que, tout au long de la procédure d’asile, il a décrit ses antécédents, ses activités politiques passées et les circonstances dans lesquelles il a aidé sa sœur et son beau-frère à fuir l’Iran. Il affirme que la véritable raison de son arrestation était de le garder en détention en attendant le résultat de l’enquête sur ses visites à l’appartement de Chiraz. Plus loin dans sa lettre, il indique les raisons pour lesquelles il n’a pas fait mention de ses activités politiques: il venait de fuir l’Iran; il se trouvait à l’étranger, en présence d’un interprète iranien auquel il n’était pas sûr de pouvoir faire confiance; l’interprète avait répondu au téléphone plusieurs fois durant l’entretien et ne montrait aucun intérêt pour ses propos; enfin, le requérant avait reçu pour instruction du PSI de ne pas évoquer son engagement politique sans autorisation.

5.2À propos de l’affirmation de l’État partie selon laquelle l’interprétation du premier entretien était satisfaisante, le requérant fait observer que l’exactitude de l’interprétation pendant cet entretien n’a pas été vérifiée, de sorte qu’il n’est pas certain qu’elle ait été véritablement satisfaisante. S’agissant des déficiences de l’interprétation durant le deuxième entretien, le requérant soutient que le fait que les autorités n’aient pas pu se faire une idée exacte des motifs de sa demande d’asile et d’autres circonstances de l’affaire citées dans sa demande avait eu une incidence sur l’issue de la procédure. Dès lors que les insuffisances de l’interprétation sont devenues manifestes, sa demande de réexamen par le Conseil des migrations aurait dû être acceptée. L’argument selon lequel le requérant aurait eu l’occasion au cours du troisième entretien de corriger les erreurs d’interprétation commises pendant le deuxième entretien n’est pas fondé, étant donné que ces inexactitudes n’ont été reconnues qu’après le troisième entretien. Les questions posées pendant le troisième entretien étaient apparemment fondées sur l’opinion erronée que le Conseil des migrations s’était faite lors du deuxième entretien.

5.3Le requérant reconnaît avoir eu la possibilité de formuler des observations sur les minutes des deuxième et troisième entretiens, mais souligne que, lorsqu’il a fait part de ses objections à son avocate, elle lui a répondu que ces rectifications étaient superflues car il obtiendrait l’asile quel que soit le contenu des minutes. En outre, elle lui a indiqué lors du dernier entretien qu’elle avait compris tout ce qu’il avait dit. En tout état de cause, toute tentative de corriger les erreurs et de lever les malentendus aurait été vaine.

5.4Le requérant soutient que l’utilisation de renseignements émanant d’une ambassade prive les demandeurs d’asile de la possibilité de contester des informations susceptibles de fonder le rejet d’une demande d’asile. Cette pratique risque de compromettre la sécurité du demandeur d’asile en cas de renvoi dans son pays d’origine ou celle de ses proches qui s’y trouvent. Comme la source de ces renseignements est souvent une personne vivant dans le pays en question, cette dernière peut se sentir obligée de donner de fausses informations afin d’éviter des représailles de la part des autorités. Le requérant souligne que, n’étant pas juriste, il n’est pas en mesure de commenter les arguments relatifs à sa demande de commutation de peine, ni l’avis que l’État partie a reçu du prétendu juriste iranien. En outre, il lui paraît difficile de se prononcer sur les compétences de l’expert étant donné qu’il conserve l’anonymat. Il estime nécessaire de distinguer entre la réalité hypothétique décrite par le juriste iranien et ce qui s’est réellement passé en l’espèce. Le requérant confirme que les pièces qu’il a présentées étaient des copies d’originaux, mais il maintient qu’elles sont conformes.

5.5L’auteur de la requête affirme que le juge qui a rendu la décision le déclarant coupable savait qu’il avait des problèmes rénaux, mais aussi que la peine n’allait être appliquée que quelques jours plus tard, soit à un moment où l’état de santé du requérant se serait probablement amélioré. Il ressort clairement de cette décision que le tribunal a rejeté la demande de commutation de peine du requérant parce qu’aucun élément de preuve n’a été présenté à l’appui. Le tribunal a débouté le requérant pour les motifs religieux et juridiques énumérés dans la décision judiciaire.

5.6En ce qui concerne les marques de télécopie visibles sur les pièces, le requérant indique que ces dernières ont été télécopiées d’Iran au bureau du Conseil des migrations à Kiruna. La raison pour laquelle la date imprimée sur les télécopies est incorrecte est que le Conseil des migrations n’a pas réglé la fonction d’horloge du télécopieur. Quant à l’impossibilité de trouver des informations sur le PSI alléguée par l’État partie, le requérant fait valoir que l’adresse électronique du site Web officiel du PSI (www.jonbesh-iran.com) figure sur tous les documents du parti qui ont été envoyés à l’État partie et qu’une recherche simple sur l’Internet donne 365 résultats.

Observations complémentaires de l’État partie et commentaires du requérant

6.1Le 16 novembre 2005, l’État partie a fait valoir que, dans la mesure où une législation provisoire ouvrait une nouvelle voie de recours aux demandeurs de permis de séjour, la requête devrait être déclarée irrecevable au motif que tous les recours internes n’ont pas été épuisés, ou du moins son examen devrait-il être reporté en attendant le résultat de l’application de cette nouvelle procédure. Le 9 novembre 2005, des amendements provisoires à la loi de 1989 sur les étrangers ont été adoptés. Entrés en vigueur le 15 novembre 2005, ils devaient rester applicables jusqu’à l’entrée en vigueur d’une nouvelle loi sur les étrangers, le 31 mars 2006. Ces amendements provisoires ont ajouté de nouveaux critères sur la base desquels un permis de séjour peut être délivré à des étrangers sous le coup d’une décision définitive de non-admission sur le territoire ou d’un arrêté d’expulsion. En vertu de l’article 5 b) du nouveau chapitre 2 de la loi sur les étrangers, lorsqu’un étranger est sous le coup d’une décision de non-admission sur le territoire ou d’un arrêté d’expulsion, le Conseil suédois des migrations peut, à la demande de ce dernier ou de sa propre initiative, lui accorder un permis de séjour si, entre autres critères, il y a lieu de penser que le pays de renvoi refuserait de l’admettre sur son territoire ou s’il existe des obstacles médicaux à l’exécution de la décision.

6.2En outre, l’octroi d’un permis de séjour peut être autorisé pour des raisons autres que celles mentionnées précédemment lorsque des considérations humanitaires cruciales l’exigent. L’évaluation des aspects humanitaires devrait en particulier tenir compte du point de savoir si l’étranger se trouve en Suède depuis longtemps et si, compte tenu de la situation dans le pays de renvoi, il ne serait pas possible d’envisager des mesures coercitives pour appliquer la décision de non-admission sur le territoire ou l’arrêté d’expulsion. Une attention particulière devrait également être accordée, lorsque des enfants sont concernés, à la situation sociale de ces derniers, à la durée de leur séjour dans l’État partie et aux liens qui les y unissent, ainsi qu’aux préjudices pouvant être causés à leur santé ou à leur développement. Le point de savoir si l’étranger a commis des crimes et si un permis de séjour doit être refusé pour des raisons de sécurité doit également être pris en considération.

6.3Ni une décision de non-admission sur le territoire ni un arrêté d’expulsion ne peut être exécuté tant que le Conseil des migrations est saisi de l’affaire. Les décisions rendues par le Conseil des migrations au titre de l’article 5 b) du chapitre 2, tel qu’amendé, ne sont pas susceptibles de recours. Les demandes déposées auprès du Conseil des migrations en vertu de la nouvelle législation qui seront toujours en attente de règlement au 30 mars 2006 continueront à être traitées suivant les dispositions des amendements provisoires à la loi de 1989 sur les étrangers. Il en va de même pour les affaires que le Conseil a décidé d’examiner de sa propre initiative.

7.1Le 19 avril 2006, le requérant a répondu que, le 15 novembre 2005, le Conseil suédois des migrations s’était saisi d’officede son affaire en vue de l’examiner en vertu de la législation provisoire. Le requérant n’a pas été avisé de la date à laquelle il serait procédé à cet examen. Quoi qu’il en soit, il affirme que, dans la mesure où son cas a été soumis au Comité avant que la nouvelle législation provisoire soit promulguée, le Comité n’a pas besoin d’attendre la décision du Conseil pour procéder à l’examen au fond de son affaire.

7.2Considérant son cas à la lumière des nouveaux critères prévus par la loi, le requérant affirme ce qui suit: il n’y a pas lieu de croire que l’Iran ne l’admettra pas sur son territoire (tant le Conseil des migrations que la Commission de recours des étrangers avaient déjà examiné cette question et aucun élément nouveau n’est apparu dans l’intervalle); il n’y a pas d’obstacles médicaux à l’exécution de la décision ou de l’arrêté; le requérant n’a pas d’enfants résidant en Suède (critère décisif de l’octroi éventuel d’un permis pour des motifs humanitaires); enfin, il n’y a aucune raison de croire qu’il ne serait pas possible d’envisager des mesures coercitives pour appliquer l’arrêté d’expulsion, au vu de la situation dans le pays de renvoi. Le requérant fait valoir que, dans la mesure où l’amendement en vigueur ne vise pas les personnes qui se trouvent dans une situation similaire à la sienne, il n’y a aucune raison de penser qu’un permis de séjour lui sera accordé en vertu d’une procédure au titre de cet amendement. En conséquence, le requérant considère qu’il n’y a aucune raison de reporter l’affaire en attendant le résultat de son examen en vertu de la législation provisoire.

7.3Le 28 avril 2006, le requérant a informé le Comité que, par une décision du même jour, le Conseil des migrations avait refusé de lui octroyer un permis de séjour en application de la législation provisoire. À son avis, les recours internes ont ainsi été épuisés.

Délibérations du Comité concernant la recevabilité

8.Avant d’examiner une plainte soumise dans une requête, le Comité contre la torture doit déterminer si la requête est recevable en vertu de l’article 22 de la Convention. Le Comité s’est assuré, comme il est tenu de le faire en vertu du paragraphe 5 a) de l’article 22 de la Convention, que la même question n’a pas été examinée et n’est pas en cours d’examen devant une autre instance internationale d’enquête ou de règlement. Le requérant ayant informé le Comité le 28 avril 2006 qu’il s’était vu refuser un permis de séjour en application de la législation provisoire, le Comité est d’avis que tous les recours internes disponibles ont été épuisés. Il estime qu’il n’existe plus aucun obstacle à la recevabilité de la requête. Il considère celle‑ci recevable et procède donc immédiatement à son examen au fond.

Délibérations du Comité concernant le fond

9.1Le Comité doit déterminer si, en renvoyant le requérant en Iran, l’État partie violerait l’obligation qui lui est faite en vertu de l’article 3 de la Convention de ne pas expulser ou refouler une personne vers un autre État lorsqu’il y a des motifs sérieux de croire qu’elle risque d’être soumise à la torture.

9.2Pour évaluer le risque de torture, le Comité tient compte de tous les éléments pertinents, notamment l’existence, dans le pays considéré, d’un ensemble de violations systématiques des droits de l’homme, graves, flagrantes ou massives. Toutefois, l’objectif de cette évaluation est de déterminer si la personne concernée risque personnellement d’être soumise à la torture dans le pays où elle retournerait. Dès lors, l’existence d’un ensemble de violations systématiques des droits de l’homme, graves, flagrantes ou massives dans le pays en question n’est pas en soi un motif suffisant pour conclure que cette personne risque d’être soumise à la torture à son retour dans ce pays; il doit exister des raisons supplémentaires de penser qu’elle serait personnellement en danger. À l’inverse, l’absence d’un ensemble de violations flagrantes et systématiques des droits de l’homme ne signifie pas qu’une personne ne puisse pas être considérée comme étant exposée à la torture dans les circonstances qui sont les siennes.

9.3Le Comité rappelle son Observation générale no 1, relative à l’application de l’article 3 de la Convention, où il est indiqué que, le Comité étant tenu de déterminer s’il y a des motifs sérieux de croire que le requérant risque d’être soumis à la torture s’il est expulsé, refoulé ou extradé, l’existence d’un tel risque doit être apprécié selon des éléments qui ne se limitent pas à de simples supputations ou soupçons. En tout état de cause, il n’est pas nécessaire de montrer que le risque couru est hautement probable. Sans être nécessairement hautement probable, le risque doit néanmoins être personnel et actuel. À cet égard, le Comité a établi dans des décisions antérieures que le risque de torture doit être prévisible, réel et personnel.

9.4En évaluant le risque de torture dans le cas à l’examen, le Comité a noté l’affirmation du requérant selon laquelle il y a un risque prévisible qu’il soit torturé s’il est renvoyé en Iran, en raison des activités politiques qu’il aurait eues, et que la peine des 140 coups de fouet à laquelle il affirme avoir été condamné serait appliquée. Le Comité a noté l’affirmation du requérant selon laquelle la procédure d’asile le concernant avait été entachée d’irrégularités, en particulier du fait de l’interprétation insatisfaisante des déclarations qu’il avait faites lors de son deuxième entretien. Le Comité considère que l’État partie a pris des mesures appropriées pour y remédier en offrant au requérant la possibilité de corriger les erreurs dans les minutes de l’entretien. Le requérant ne nie pas qu’il a eu la possibilité de le faire.

9.5Le Comité note que le requérant a produit trois pièces qui, selon lui, établissent la matérialité du jugement prononcé contre lui. Il a fourni ce qu’il prétend être deux citations à comparaître devant le tribunal général de Chiraz, le 31 juillet 2004 et le 25 août 2004. Il avait affirmé initialement que ces pièces étaient des originaux, mais a confirmé, dans ses commentaires sur les observations de l’État partie, qu’il s’agissait de copies. Le Comité note que l’État partie a expliqué dans le détail, en se fondant sur les avis d’un spécialiste qu’avaient pris ses services consulaires à Téhéran, pourquoi il mettait en doute l’authenticité de chacune des pièces. Dans sa réponse, le requérant soutient que la procédure pénale n’a manifestement pas été suivie en ce qui le concerne. Le Comité considère que le requérant n’a pas pu réfuter les constatations de l’État partie à cet égard, ni établir l’authenticité de l’une quelconque des pièces en cause. Rappelant sa jurisprudence, le Comité affirme de nouveau qu’il incombe au requérant lui‑même de réunir et de présenter des éléments prouvant la matérialité des faits qu’il invoque.

9.6Quant aux prétendues activités politiques passées du requérant, le Comité note l’affirmation de ce dernier selon laquelle il n’a pas fondé initialement sa demande d’asile sur de telles activités. Il conclut que le requérant n’a pas produit d’éléments de preuve établissant qu’il aurait exercé des activités politiques assez importantes pour que les autorités s’intéressent à lui et qui, pour reprendre les termes de l’Observation générale no 1 du Comité, relative à l’application de l’article 3 de la Convention, lui feraient courir «un risque particulier» d’être soumis à la torture.

10.Au vu de ce qui précède, le Comité conclut que le requérant n’a pas apporté d’éléments suffisants pour étayer son affirmation selon laquelle il court un risque réel et prévisible d’être personnellement soumis à la torture s’il est renvoyé en Iran.

11.Le Comité contre la torture, agissant en vertu du paragraphe 7 de l’article 22 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, conclut que le renvoi du requérant en Iran ne constituerait pas une violation de l’article 3 de la Convention.

Notes

Communication n o  258/2004

Présentée par:

Mostafa Dadar(représenté par un conseil, M. Richard Albert)

Au nom de:

Mostafa Dadar

État partie:

Canada

Date de la requête:

29 novembre 2004 (date de la lettre initiale)

Le Comité contre la torture, institué en vertu de l’article 17 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,

Réuni le 23 novembre 2005,

Ayant achevé l’examen de la requête no 258/2004, présentée au nom de M. Mostafa Dadar en vertu de l’article 22 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,

Ayant tenu compte de toutes les informations qui lui ont été communiquées par le requérant, son conseil et l’État partie,

Adopte la décision au titre de l’article 22 de la Convention ci‑après:

1.1Le requérant est M. Mostafa Dadar, de nationalité iranienne, né en 1950, et actuellement détenu au Canada en attendant son expulsion vers l’Iran. Il affirme que son expulsion constituerait une violation de l’article 3 de la Convention contre la torture. La Convention est entrée en vigueur pour le Canada le 24 juillet 1987. Le requérant est représenté par un conseil, M. Richard Albert.

1.2Conformément au paragraphe 3 de l’article 22 de la Convention, le Comité a porté la communication à l’attention de l’État partie le 30 novembre 2004. En application du paragraphe 1 de l’article 108 de son règlement intérieur, il a prié l’État partie de ne pas procéder à l’expulsion du requérant vers l’Iran tant qu’il serait saisi de la requête. L’État partie a accédé à cette demande.

Exposé des faits

2.1De 1968 à 1982, le requérant était membre de l’armée de l’air iranienne avec le grade de capitaine. En décembre 1978, au plus fort des émeutes et des manifestations généralisées dans tout le pays, et avant la prise de pouvoir de l’ayatollah Khomeiny, le requérant a été chargé de commander les opérations d’application de la loi martiale et affecté à la base aérienne «Jusk». Il dit que cette charge lui avait été confiée notamment parce qu’il était un opposant notoire de l’ayatollah Khomeiny et très fidèle au Chah.

2.2Le 13 février 1979, l’ayatollah Khomeiny étant devenu Président de l’Iran, le requérant a été arrêté et incarcéré à la prison de Qasr à Téhéran pendant près de trois mois. Il était fréquemment soumis à des interrogatoires et roué de coups. Le 2 mai 1979 il a été remis en liberté et peu de temps après affecté à la base aérienne de Mehrabad à Téhéran.

2.3En décembre 1980, le requérant a été renvoyé de l’armée de l’air en raison de sa loyauté envers le régime monarchiste mais, en février 1981, il a été rappelé. Il a conservé son grade de capitaine et a été affecté à la station radar de Karaj, dans la province de Téhéran. En juillet 1981, il a été renvoyé une deuxième fois de l’armée de l’air pour avoir exprimé des sentiments d’allégeance à l’égard du Chah. Il a ensuite rejoint l’Association nationale du Mouvement iranien («NIMA»), qui a organisé une tentative de coup d’État contre le régime Khomeiny en 1982. En mars 1982, à la suite du coup d’État, de nombreux membres de cette association ont été exécutés. Le requérant a été arrêté, conduit à la prison d’Evin à Téhéran et gravement torturé. Il a également été maintenu au secret. Le 9 juillet 1982, il a subi un simulacre d’exécution. Par trois fois, les autorités ont appelé son frère pour lui annoncer son exécution. Le requérant joint la copie d’un article de presse faisant état de son incarcération et de son procès.

2.4En décembre 1984, le requérant a été reconnu coupable de tentative d’atteinte à la sûreté de l’État et a été transféré à la prison de Mehr‑Shar, près de la ville de Karaj. D’après le requérant, cette prison est en partie souterraine et il ne voyait pas la lumière du jour la plupart du temps. En mai 1985, il a été transféré à la prison de Gezel Hessar et là, son état de santé s’est considérablement dégradé et il est devenu paralysé du tronc.

2.5En juillet 1987, il a obtenu une autorisation médicale lui permettant de quitter la prison pendant deux jours pour se faire soigner. À ce moment‑là, des membres de sa famille étaient en contact avec une organisation promonarchiste connue sous le nom d’Organisation royaliste Sepah, basée à Londres. Des dispositions ont été prises par l’intermédiaire de cette organisation pour lui faire quitter l’Iran. Le requérant a mis à profit son permis de sortie de deux jours pour s’enfuir au Pakistan avec sa femme.

2.6Le Bureau à Karachi du Haut‑Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés a délivré au requérant une carte d’identité et l’a envoyé au Canada; c’est ainsi qu’il est entré au Canada avec sa femme en tant que résident permanent, le 2 décembre 1988.

2.7Le requérant dit que quand il était au Pakistan il a participé activement à des opérations pour le compte du Chah. Il joint des copies de quatre lettres d’un officier du Chah, dont les dates s’échelonnent entre 1987 et 1989, qui se réfèrent à ses activités. Dans la dernière lettre, datée du 24 janvier 1989, on peut lire ce qui suit: «Nous tenons à vous féliciter pour votre arrivée au Canada en tant que résident permanent. Nous apprécions votre sens du devoir et vous remercions. Nous n’avons pas d’activités au Canada ni dans un autre pays comme le Canada pour lesquelles nous pourrions avoir besoin de vos services. Nous ne manquerons pas de faire appel à vous dès que nous aurons besoin de vous.». Le requérant joint également une copie d’une lettre datée du 4 avril 2005 émanant du secrétariat de Reza Pahlavi: «Étant donné les états de service de M. Mostafa Dadar et ses activités politiques étendues et remarquées, son retour en Iran dans les circonstances présentes l’exposerait assurément aux méthodes utilisées fréquemment par les religieux intolérants d’Iran, c’est‑à‑dire l’emprisonnement immédiat, la torture et même l’exécution.».

2.8Au Canada, le requérant a suivi un traitement pour dépression grave, angoisse et tendances suicidaires. Les médecins ont diagnostiqué des troubles post‑traumatiques chroniques, consécutifs au traitement qu’il avait subi en prison. Le requérant est aujourd’hui divorcé de sa femme, dont il a deux enfants nés au Canada.

2.9Le 31 décembre 1996, le requérant a été reconnu coupable de voies de fait graves et condamné à un emprisonnement de huit ans. Il avait agressé une femme avec laquelle il s’était récemment lié et celle‑ci avait dû être hospitalisée en soins intensifs ainsi que dans le service de psychiatrie pendant plusieurs semaines, sans pouvoir parler ni marcher. Elle souffre aujourd’hui d’invalidité permanente. Au procès, le requérant a plaidé non coupable. Il n’a jamais varié depuis lors. Il énumère les irrégularités qui, d’après lui, ont été commises au procès. Par exemple, il dit que le juge n’a pas tenu compte du fait qu’on l’avait retrouvé sur les lieux de l’agression dans un état de somnolence et de stupeur dû à une drogue. Il venait de se réveiller d’un sommeil artificiel, ayant en effet absorbé une grande quantité de sédatifs avant le moment de l’agression. La Cour d’appel du Nouveau‑Brunswick l’a débouté de son recours. Il a présenté une demande d’autorisation de former recours auprès de la Cour suprême du Canada, qui a été rejetée en 1999.

2.10Le requérant indique que, quand il était détenu au Canada, on lui a proposé de rencontrer un représentant du Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS). Après la mort de Zahra Kazemi, une reporter canadienne née en Iran qui est morte en détention en Iran en 2003, il a donné au SCRS des renseignements précis sur l’endroit où elle avait été arrêtée et détenue, la nature des tortures qu’elle avait subies, l’hôpital où elle avait été transportée, etc. Il avait obtenu ces renseignements en téléphonant à ses sources en Iran. Le requérant donne ce détail pour prouver qu’il est encore en contact avec les forces d’opposition en Iran.

2.11Le 30 octobre 2000, le Ministre de la citoyenneté et de l’immigration a rendu un avis de danger en application de la loi sur l’immigration, déclarant que le requérant représentait un danger pour le public. Suite à cette décision, son expulsion a été ordonnée le 18 juin 2001. Le 20 août 2001, le requérant a déposé une demande de révision judiciaire de l’avis de danger du Ministre en faisant valoir un manquement au droit à une procédure équitable, entre autres motifs. Le 5 novembre 2001, le Ministre a accédé à sa demande et l’avis de danger a été annulé. Le 11 avril 2002, la Commission nationale des libérations conditionnelles a accordé au requérant la libération conditionnelle. Le 15 mai 2002, son placement en rétention a été ordonné par le Ministre de la citoyenneté et de l’immigration en application de l’article 103 de l’ancienne loi sur l’immigration, parce qu’il était réputé représenter un danger pour la population canadienne. Il est en détention depuis cette date.

2.12Le 21 novembre 2002, le Ministre de la citoyenneté et de l’immigration a rendu un deuxième avis de danger, lequel a été annulé par ordonnance de la Cour fédérale du Canada en date du 8 juillet 2003.

2.13Le 8 mars 2004, le Ministre a rendu un troisième avis de danger qui a été confirmé après le dépôt par le requérant d’une demande de révision judiciaire. Dans cet avis, il est indiqué que le requérant avait été reconnu coupable des infractions ci‑après: vol d’une somme inférieure à 5 000 dollars en décembre 1995, qui lui avait valu d’être condamné à une amende de 100 dollars; voies de fait sur la personne de sa femme, le 12 juillet 1995, qui lui avaient valu une condamnation à quatre jours d’emprisonnement et à un an de probation; voies de fait graves, le 14 janvier 1997, pour lesquelles il avait été condamné à un emprisonnement de huit ans. Dans cet avis, le Ministre citait un rapport du Service correctionnel du Canada sur la révision des motifs de la détention, en date du 18 octobre 2001, et ajoutait: «Ce rapport indique également que le risque que M. D. représente pour la population est faible mais peut aller jusqu’à modéré s’il se trouve pris dans une relation familiale “conflictuelle”.».

2.14En ce qui concerne le risque de torture, le Ministre déclare: «Toutefois, je ne peux pas ignorer la situation qui règne en ce moment en Iran pour déterminer si une personne qui a été considérée comme devant bénéficier du statut de réfugié peut être refoulée. Je ne peux pas ignorer non plus le dossier préparé par la Commission de l’immigration et du statut de réfugié au sujet du manque de vigueur du mouvement monarchiste en Iran actuellement. Je ne doute pas que la situation des droits de l’homme en Iran soit précaire mais je suis d’avis que l’appartenance passée de M. D. à cette organisation présenterait peu d’intérêt pour les autorités iraniennes; je note toutefois qu’il déclare être toujours partisan de ce mouvement. M. D. a quitté l’Iran il y a environ 17 ans et son incarcération remonte à 21 ans. (…) Au cas où je ferais erreur et où M. D. serait effectivement soumis à la torture ou à des traitements ou à des peines cruelles et inusitées ou serait exécuté, je me fonde sur les principes dégagés par la Cour suprême du Canada dans l’affaire Suresh. Dans cette affaire, la Cour suprême avait relevé: (…) “Nous n’excluons pas la possibilité que, dans des circonstances exceptionnelles, l’expulsion de quelqu’un qui risque la torture puisse être justifiée.”».

2.15Le requérant signale que le Service correctionnel du Canada est le principal organe chargé de déterminer le risque que pourront représenter les délinquants s’ils sont remis en liberté. Le rapport d’un agent de libération conditionnelle du Service est l’un des instruments les plus objectifs dont le Service dispose pour se prononcer sur la dangerosité de la personne qui fait l’objet du rapport, si elle est remise en liberté. La procédure d’établissement d’un rapport qui préside à l’appréciation du risque repose sur les éléments du dossier, des expertises psychologiques, les résultats de la participation du détenu à des programmes, etc. Le rapport qui concerne le requérant concluait qu’il n’y avait pas de motifs raisonnables de croire qu’il risquait de commettre une infraction entraînant un préjudice grave avant l’extinction de sa peine conformément à la loi.

2.16Le requérant a également adressé au Comité copie de deux rapports d’expertise psychologique qui concluaient qu’il représentait un risque faible pour la population et un risque modéré dans le contexte d’une relation conjugale.

2.17Le requérant conteste le bien-fondé de l’avis de danger parce qu’il y est dit que depuis 1996 il n’y a eu en Iran ni arrestations ni exécutions de monarchistes pour des motifs politiques. Il affirme que le fondateur du Parti de la nation iranienne, une organisation politique monarchiste, et cinq de ses collègues ont été sommairement exécutés en 1998 à Téhéran par des membres du Service du renseignement iranien. Les monarchistes sont très actifs en Iran mais ne veulent pas monter une campagne de terreur pour atteindre leurs buts.

2.18Le requérant ajoute que l’avis de danger repose en grande partie sur les allégations faites par son ancienne femme, qu’il faut considérer comme empreintes d’une forte animosité contre lui du fait de leur séparation et de leur divorce.

2.19Le requérant a demandé la révision judiciaire du troisième avis de danger. En date du 12 octobre 2004, la Cour fédérale du Canada a confirmé l’avis. Le 22 février 2005, le requérant a fait une demande de remise en liberté pour motifs humanitaires. Le 31 mars 2005, il a déposé une demande en application du paragraphe 2 de l’article 84 de la loi sur l’immigration et la protection des réfugiés pour obtenir sa remise en liberté, qui est prévue pour un étranger qui n’a pas été expulsé dans les 120 jours suivant la date à laquelle la Cour fédérale a jugé le certificat produit à cet effet raisonnable.

Teneur de la plainte

3.Le requérant affirme qu’il existe des motifs sérieux de croire qu’il serait soumis à la torture s’il était renvoyé en Iran, en violation de l’article 3 de la Convention. Il cite des rapports faisant état de la pratique généralisée de la torture en Iran. S’il était expulsé vers ce pays, on chercherait à obtenir de lui des renseignements qui mettraient en danger non seulement sa propre vie mais aussi la vie de plusieurs autres personnes en Iran qui ont participé à un moment ou à un autre à ses activités contre le régime iranien ou ont coopéré avec lui.

Observations de l’État partie sur la recevabilité et le fond

4.1Dans une réponse datée du 24 mars 2005, l’État partie fait savoir qu’il ne conteste pas la recevabilité de la requête au motif du non‑épuisement des recours internes, encore qu’il relève que le requérant n’a pas déposé de demande en application du paragraphe 1 de l’article 25 de la loi sur l’immigration et la protection des réfugiés alors que dans sa requête au Comité il avait signalé qu’il avait l’intention de le faire. En revanche, l’État partie fait valoir que la requête est irrecevable parce que le requérant n’a pas apporté d’éléments montrant qu’il y aurait violation de l’article 3 de la Convention. Si le Comité devait conclure à la recevabilité de la requête, l’État partie affirme, en se fondant sur les mêmes arguments, que l’affaire est dénuée de fondement.

4.2L’État partie dit qu’en juillet 1995 le requérant a été condamné pour voies de fait sur la personne de son ancienne femme, Mme J. Ils se sont séparés en 1995. Ils ont deux enfants qui vivent avec leur mère. Sur décision du juge, le requérant n’a pas le droit de voir ses enfants afin de préserver leur sécurité et leur bien‑être. En décembre 1995, il a été condamné pour le vol d’une somme de moins de 5 000 dollars à une amende de 100 dollars. En janvier 1997, il a été reconnu coupable de voies de fait graves sur la personne de son amie de l’époque et condamné à un emprisonnement de huit ans. Il a commis l’agression alors qu’il était sous probation après sa condamnation pour l’agression de 1995.

4.3Pendant toute la procédure d’appel, le requérant a affirmé qu’il n’avait pas commis les faits reprochés. Or il avait fait plusieurs déclarations qui équivalent effectivement à reconnaître ses crimes et avait même exprimé des remords à l’égard de la victime. À ce sujet, l’État partie renvoie aux déclarations que le requérant avait faites à propos du rapport sur l’avis ministériel daté du 30 octobre 2000.

4.4Le rapport sur l’avis ministériel daté du 15 octobre 2000 concluait qu’il n’y avait guère lieu de douter que le requérant ait subi des traitements durs et inhumains en Iran. En se fondant sur le rapport sur les pratiques en matière de droits de l’homme du Département d’État des États‑Unis pour 1999, le Ministre relevait également qu’il risquait à son retour d’être soumis à des traitements durs et inhumains. Néanmoins, il concluait que le danger que le requérant représentait pour la société canadienne l’emportait sur le risque qu’il pourrait courir s’il retournait en Iran. C’est sur la base de ce rapport que l’expulsion du requérant a été ordonnée, le 18 juin 2001. Le 14 novembre 2001, pour des raisons de vices de procédure, la Cour fédérale a ordonné l’annulation de l’avis du Ministre et a renvoyé l’affaire aux autorités aux fins d’un nouvel examen.

4.5Un deuxième avis ministériel défavorable au requérant a été rendu le 21 novembre 2002. La conclusion de l’évaluation du risque encouru donnée dans la demande d’avis du Ministre, datée du 17 juillet 2002, était qu’il n’existait pas de motifs sérieux de croire que le requérant risquait d’être soumis à la torture et qu’il était improbable qu’il subisse d’autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, s’il était renvoyé en Iran. Cette appréciation reposait sur le fait que le requérant n’avait donné aucun détail au sujet de son implication actuelle dans les activités de l’organisation NIMA, qu’il s’était écoulé 20 ans depuis qu’il avait participé à la tentative de coup d’État et 16 ans depuis qu’il avait quitté l’Iran. Le 21 novembre 2002, le Ministre a rendu son avis. Il relevait que la situation en Iran s’était un peu améliorée mais que, comme le requérant s’était évadé de prison, il courait le risque d’être arrêté de nouveau et d’être soumis de nouveau à la torture. Le Ministre concluait néanmoins que le risque important que le requérant représentait pour la population au Canada l’emportait sur le risque que le requérant soit de nouveau arrêté et torturé une fois renvoyé en Iran. Le 8 juillet 2003, pour des raisons de vices de procédure, la Cour fédérale du Canada a ordonné l’annulation de l’avis et a renvoyé l’affaire aux autorités aux fins d’un nouvel examen.

4.6Un troisième avis ministériel a été rendu le 8 mars 2004. La conclusion était que le requérant, comme d’autres personnes expulsées, risquait d’être fouillé et interrogé longuement quand il rentrerait en Iran afin d’obtenir des preuves de ses activités à l’étranger hostiles au Gouvernement. Toutefois cela ne suffisait pas en soi à constituer un risque grave de torture ou d’autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Dans son rapport, le Ministre rappelait qu’il s’était écoulé 21 ans depuis que le requérant avait fait de la prison pour ses activités politiques et que, depuis 1997, l’Iran connaissait un vaste mouvement de réforme. De plus, il était difficile de croire que le requérant était un personnage important dans la société iranienne. Dans l’avis, le Ministre évoquait également la situation des promonarchistes en Iran, et citait deux documents qui avaient été établis par la Direction de la recherche de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié en mars 2000 et en octobre 2002. Le premier concluait que les monarchistes n’étaient plus du tout organisés ni actifs en Iran. Dans le second, il était indiqué que les manifestations de monarchistes étaient dispersées à l’aide de gaz lacrymogènes et de matraques et que quelques arrestations avaient lieu. La conclusion de l’avis était que l’appartenance antérieure du requérant à une organisation promonarchiste, qui ne représentait plus une menace pour le régime au pouvoir, n’intéresserait guère les autorités iraniennes.

4.7Le rapport signalait également certaines incohérences au sujet des circonstances de l’évasion de prison du requérant. Dans une enquête fondée sur des témoignages, datée du 1er septembre 1998, l’ancienne femme du requérant disait qu’il avait été condamné à deux ans d’emprisonnement et remis en liberté une fois la peine purgée, avec une remise de 22 jours pour bonne conduite. De plus, un rapport d’expertise psychologique daté du 8 décembre 1988 indiquait que le requérant était allé au Pakistan après avoir été libéré.

4.8L’avis ministériel indiquait également que le requérant n’avait produit aucun élément spécifique pour montrer qu’il avait effectivement continué à avoir des activités politiques au Canada. Il n’avait pas signalé que les autorités iraniennes l’avaient activement recherché à un moment quelconque et n’avait fait aucune mention d’actes de harcèlement dont sa famille aurait été l’objet de la part d’agents du Gouvernement. Étant donné qu’il avait été incarcéré pendant un certain nombre d’années et qu’avant sa détention il avait mené ce qui semblait être une existence isolée, il était peu probable qu’il ait continué des activités politiques de quelque importance.

4.9L’État partie conclut que le requérant n’a pas apporté d’éléments montrant qu’il y a des motifs sérieux de croire que son renvoi vers l’Iran aurait pour conséquence prévisible de l’exposer personnellement à un risque réel d’être torturé. Il ne conteste pas que le requérant ait participé à une tentative de coup d’État ou qu’il ait fait à une époque de la prison pour ce motif, mais l’État partie affirme qu’il n’a pas prouvé qu’il courrait le moindre risque d’être soumis à la torture s’il était expulsé en Iran du fait de sa participation aux activités de la NIMA. Le requérant avait produit un article de journal écrit en farsi et une lettre du secrétariat de Reza II, datés l’un et l’autre de 1988. Il n’avait pas apporté le moindre document récent qui permettait de penser que les autorités iraniennes s’intéressaient encore à lui ou avaient l’intention de le poursuivre ou de l’arrêter et de le soumettre à un quelconque traitement contraire à l’article 3 de la Convention. Sa participation à une tentative de coup d’État qui avait eu lieu plus de 20 ans auparavant ne peut pas être considérée comme appartenant au passé récent.

4.10Le requérant n’a apporté aucun élément montrant que les membres de sa famille restés en Iran ont été victimes de représailles de la part des autorités iraniennes du fait de ses opinions politiques ni pour l’avoir aidé dans son évasion alléguée de prison et sa fuite d’Iran. En fait, la seule chose qui existe dans le dossier est la simple affirmation du requérant qui dit qu’il sera torturé ou exécuté s’il retourne en Iran. Étant donné les hésitations perpétuelles du requérant quant à la question de savoir s’il s’est livré ou non à des voies de fait graves, ainsi que d’autres incohérences relevées par la Cour fédérale dans son exposé des motifs de rejet de la demande de révision judiciaire, l’État partie fait valoir que le requérant manque de crédibilité et qu’il ne faut pas se fier à sa seule parole.

4.11Pour ce qui est de ses activités depuis son départ d’Iran, tout ce que le requérant a apporté comme preuve est sa propre déclaration, peu fiable, dans laquelle il affirme qu’il a continué ses activités politiques au Canada. En l’absence d’éléments de preuve crédibles et récents, il est impossible de conclure qu’il court actuellement et personnellement un danger prévisible. Enfin, si la situation des droits de l’homme en Iran demeure problématique, le requérant n’a apporté aucun élément pour montrer qu’il risque personnellement d’être soumis à la torture.

4.12L’État partie fait valoir que, par trois fois, une évaluation du risque a été conduite avant de conclure que le requérant représentait un danger pour le public et qu’il devait être expulsé. Le requérant a donc eu trois fois la possibilité d’objecter qu’il courait un risque. C’est ce qu’il a fait, et il a longuement exposé sa situation particulière. Aucune des trois évaluations distinctes n’a abouti à la conclusion que le requérant courrait un risque réel d’être torturé s’il était renvoyé en Iran. En fait, la dernière évaluation a établi que les autorités iraniennes ne s’intéresseraient quasiment pas à lui. Cette conclusion a été confirmée par la Cour fédérale.

4.13L’État partie fait valoir que le Comité ne doit pas se substituer aux autorités canadiennes pour ce qui est d’établir s’il y a des motifs sérieux de croire que le requérant court personnellement le risque d’être soumis à la torture s’il est refoulé, étant donné que les procédures menées par les autorités canadiennes ne font apparaître aucune erreur manifeste ni un caractère déraisonnable et qu’elles n’ont pas été entachées d’abus de procédure, de mauvaise foi, de partialité manifeste ou d’irrégularités graves. Il appartient aux juridictions nationales des États parties à la Convention d’apprécier les faits et les éléments de preuve dans une affaire donnée et le Comité ne doit pas s’ériger en organe de quatrième ressort qui serait compétent pour procéder à une nouvelle appréciation des conclusions de fait ou à un réexamen de l’application de la législation nationale.

4.14Si donc la requête devait être déclarée recevable, l’État partie demande au Comité de conclure, en se fondant sur les mêmes arguments, qu’elle est dénuée de fondement.

Commentaires du requérant sur les observations de l’État partie concernant la recevabilité et le fond

5.Dans une lettre datée du 11 juillet 2005, le requérant affirme que l’avis de danger du 8 mars 2004 repose en grande partie sur les affirmations de son ancienne femme. Or les déclarations de celle‑ci doivent être considérées comme empreintes d’une forte animosité à son égard du fait de leur séparation et de leur divorce. Il donne des exemples de déclarations faites par sa femme afin de démontrer qu’elle n’est pas un témoin digne de foi. Par exemple, dans une déclaration à la police, elle a feint de ne pas connaître l’amie du requérant, ce qui n’était pas vrai car les deux femmes se connaissaient déjà avant l’agression. D’après un rapport de police daté du 23 mai 1996, la police s’est rendue chez elle le 27 avril 1996 parce qu’elle avait appelé en disant que le requérant l’avait menacée. Or, malgré cette plainte, le requérant n’avait pas été inquiété. Il faut en conclure que le requérant ne l’avait pas menacée et que ce qu’elle avait dit à la police était un mensonge.

Observations supplémentaires de l’État partie

6.1Dans une lettre datée du 29 juillet 2005, l’État partie donne la liste des sources qui ont été consultées avant d’établir l’avis ministériel, relativement au rôle des monarchistes en Iran. Des rapports et des publications des Nations Unies, du Département d’État des États‑Unis ainsi que d’organisations non gouvernementales montraient l’existence de violations des droits de l’homme en Iran, y compris l’usage de la torture, à l’encontre de groupes particuliers de personnes. Il s’agit d’une façon générale de dissidents politiques notoires, de journalistes, de femmes, de jeunes et de personnes appartenant à une minorité religieuse. Les rapports ne font guère état des monarchistes. Le peu qui est dit de la situation des monarchistes se rapporte à la période suivant immédiatement la révolution de 1979. Le requérant a cité le nom de plusieurs individus appartenant à la NIMA, qui auraient été exécutés. Or, la date des exécutions était le 9 novembre 1982.

6.2Le requérant mentionne l’assassinat en 1998 de Dariush et Parvaneh Forouhar, fondateurs du Parti de la nation iranienne, comme exemple d’un cas récent d’actes de torture contre des monarchistes en Iran. S’il n’est pas en mesure de faire des observations sur les circonstances de ces morts, l’État partie relève que ni le rapport de 2004 du Département d’État des États-Unis, cité par le requérant, ni aucun autre rapport consulté par le Gouvernement canadien ne qualifie les Forouhar ou le Parti de la nation iranienne de «monarchistes purs et durs». Ils sont au contraire qualifiés de «militants politiques notoires» ou de «détracteurs notoires du Gouvernement». De plus, d’après Human Rights Watch, M. Forouhar avait également été prisonnier politique sous le régime du Chah Pahlavi, fondateur du mouvement monarchiste, ce qui fait douter de l’appartenance des Forouhar à une «organisation politique monarchiste pure et dure» affirmée par le requérant. L’État partie conclut que le lien entre les Forouhar et les monarchistes n’a pas été mis en évidence.

6.3L’État partie donne des renseignements sur d’autres personnes qui seraient monarchistes, afin de montrer qu’il n’y a pas eu d’arrestations ou de poursuites pour motif politique à l’encontre de monarchistes depuis plusieurs années. De plus, de son propre aveu, le requérant n’a pas été en contact avec des monarchistes depuis qu’il a quitté le Pakistan, en 1988. Donc son engagement auprès de ce mouvement ne peut pas être considéré comme suffisamment important pour retenir l’attention des autorités iraniennes.

Commentaires supplémentaires du requérant

7.1Par lettre datée du 27 septembre 2005, le requérant se réfère à l’un des avis de danger qui se fondait sur des sources d’après lesquelles, en février 2001, la police iranienne avait employé des gaz lacrymogènes pour disperser une manifestation de monarchistes et avait arrêté des dizaines de manifestants et en avait blessé un certain nombre d’autres. Il ajoute que les Forouhar, bien qu’ils aient été des prisonniers politiques sous le Chah Pahlavi, étaient devenus promonarchistes. Il cite d’autres personnes qui seraient monarchistes ou promonarchistes et qui ont été arrêtées après juillet 1999, accusées d’avoir organisé une manifestation contre le régime iranien et exécutées le 15 mars 2003.

7.2Il existe deux grands groupes d’opposition au régime actuel en Iran: le MEK et les monarchistes. Le MEK a participé à des actes terroristes et ne saurait donc prétendre remplacer le régime actuel. Les monarchistes ont plusieurs chaînes de télévision dans différents pays et sont très actifs dans la diffusion d’une information critique à l’égard du régime en place.

7.3Le requérant insiste sur le fait qu’il est activement engagé aux côtés des monarchistes depuis 1988. Il mentionne les lettres du 24 janvier 1989 et du 4 avril 2005 (voir par. 2.7) et dit qu’il attend que les monarchistes l’appellent pour prêter ses services. Il réaffirme que le 20 juin 2003 il a été interrogé par le Service canadien du renseignement de sécurité, qui a proposé d’utiliser ses services.

7.4En ce qui concerne les sources citées par l’État partie, le requérant fait valoir que la majorité des organisations internationales de défense des droits de l’homme n’ont pas eu avec les prisonniers du régime iranien les contacts directs qui leur auraient permis d’apprécier avec exactitude l’ampleur de la brutalité avec laquelle le régime traite ses détracteurs, y compris les monarchistes.

7.5Le requérant rappelle que la situation des droits de l’homme en Iran est loin d’être bonne et cite le rapport de 2002 d’Amnesty International qui signalait que la torture et les mauvais traitements, y compris l’incarcération de prisonniers d’opinion, étaient toujours pratiqués.

Délibérations du Comité concernant la recevabilité et le fond

8.1Avant d’examiner une plainte soumise dans une requête, le Comité contre la torture doit déterminer si la requête est recevable en vertu de l’article 22 de la Convention. Le Comité s’est assuré, comme il est tenu de le faire conformément au paragraphe 5 a) de l’article 22 de la Convention, que la même question n’avait pas été examinée et n’était pas en cours d’examen devant une autre instance internationale d’enquête ou de règlement. Le Comité note également que l’État partie ne conteste pas la recevabilité de la requête au motif du non‑épuisement des recours internes et que le requérant a suffisamment étayé ses allégations aux fins de la recevabilité. En conséquence, le Comité déclare la requête recevable et procède à son examen quant au fond.

8.2Le Comité doit déterminer si, en renvoyant le requérant en Iran, l’État partie manquerait à l’obligation qui lui est faite en vertu de l’article 3 de la Convention de ne pas expulser ni refouler une personne vers un autre État où il y a des motifs sérieux de croire qu’elle risque d’être soumise à la torture.

8.3En procédant à l’évaluation du risque de torture, le Comité tient compte de tous les éléments pertinents, y compris de l’existence dans l’État intéressé d’un ensemble de violations systématiques des droits de l’homme, graves, flagrantes ou massives. Néanmoins, il s’agit de déterminer si l’intéressé court personnellement un risque dans le pays dans lequel il serait renvoyé. Dès lors, l’existence d’un ensemble de violations systématiques des droits de l’homme, graves, flagrantes ou massives ne constitue pas en soi un motif suffisant pour établir qu’il risque d’être soumis à la torture à son retour dans ce pays. Il doit exister des motifs supplémentaires donnant à penser que l’intéressé courrait personnellement un risque. À l’inverse, l’absence d’un ensemble de violations systématiques des droits de l’homme, graves, flagrantes ou massives ne signifie pas qu’une personne ne peut pas être considérée comme courant le risque d’être soumise à la torture dans les circonstances qui sont les siennes.

8.4Le Comité rappelle son Observation générale relative à l’article 3, dans laquelle il déclare qu’il doit déterminer s’il y a des motifs sérieux de croire que le requérant risque d’être soumis à la torture s’il est renvoyé dans le pays concerné, et que l’existence d’un tel risque doit être appréciée selon des éléments qui ne se limitent pas à de simples supputations ou soupçons. Il n’est pas nécessaire de montrer que le risque couru est hautement probable, mais ce risque doit être encouru personnellement et actuellement.

8.5En procédant à l’appréciation du risque de torture encouru en l’espèce, le Comité note que le requérant dit avoir été torturé et incarcéré à plusieurs occasions par les autorités iraniennes en raison de ses activités contre le régime actuel et qu’à son arrivée au Canada, les médecins ont déclaré qu’il souffrait de troubles post‑traumatiques chroniques. L’État partie ne conteste pas ces éléments.

8.6Même si les tortures et l’emprisonnement subis par le requérant ont eu lieu entre 1979 et 1987, c’est‑à‑dire dans un passé qui n’est pas récent, le requérant fait valoir qu’il continue d’être actif dans le mouvement d’opposition iranien. L’État partie a exprimé des doutes sur la nature de cet engagement. Toutefois, rien dans les informations dont le Comité est saisi ne permet d’affirmer que cet engagement est inexistant. À cet égard, le requérant a présenté un certain nombre de lettres faisant référence à ses activités en tant que membre du groupe d’opposition monarchiste. Dans l’une d’elles, on dit craindre qu’il soit emprisonné, torturé puis exécuté s’il retourne en Iran dans les circonstances présentes. Il a également fourni des renseignements à l’appui de ses dires selon lesquels les monarchistes sont toujours actifs dans le pays comme à l’étranger et qu’ils continuent d’être persécutés en Iran. De surcroît, l’État partie n’a pas contesté le fait que le requérant collaborait avec le Service canadien du renseignement de sécurité en 2003. Le requérant a fourni ces renseignements au Comité pour montrer qu’il poursuit son action dans le mouvement d’opposition iranien.

8.7Le Comité n’ignore pas la situation des droits de l’homme en Iran et relève que les autorités canadiennes ont également pris cette question en considération quand elles ont apprécié le risque de torture encouru par le requérant s’il est renvoyé dans son pays. Il note à ce sujet que, d’après les autorités canadiennes, il ne fait aucun doute que le requérant serait interrogé s’il était renvoyé en Iran, comme toutes les personnes qui rentrent dans ce pays à la suite d’une expulsion. Le Comité estime que la possibilité d’être interrogé à son retour accroît le risque encouru par le requérant.

8.8Le Comité note que les arguments du requérant et les éléments qu’il a apportés pour les étayer ont été examinés par les autorités de l’État partie. Il prend note également de l’observation de l’État partie selon laquelle le Comité n’est pas un organe de quatrième ressort. Si le Comité accorde un poids considérable aux constatations de fait des organes de l’État partie, il a la faculté d’apprécier librement les faits dans les circonstances de chaque affaire. En l’espèce, il note que les autorités canadiennes ont apprécié les risques que le requérant encourrait s’il retournait en Iran et ont conclu que les autorités iraniennes ne s’intéresseraient guère à lui. Toutefois, les mêmes autorités canadiennes n’ont pas exclu que leur appréciation puisse être fausse et que le requérant soit effectivement soumis à la torture. En l’espèce, elles ont conclu que le danger que représentait le requérant pour les citoyens canadiens devait l’emporter sur le risque de torture et que le requérant devait donc être expulsé du Canada. Le Comité rappelle que l’interdiction faite à l’article 3 de la Convention est absolue. En conséquence, l’argument de l’État partie selon lequel le Comité n’est pas un organe de quatrième ressort ne peut prévaloir et le Comité ne peut conclure que l’État partie a examiné l’affaire de façon pleinement satisfaisante au regard de la Convention.

8.9Dans ces circonstances, le Comité considère qu’il existe des motifs sérieux de croire que le requérant risque d’être soumis à la torture s’il est renvoyé en Iran.

9.Le Comité contre la torture, agissant en vertu du paragraphe 7 de l’article 22 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, conclut que l’expulsion du requérant vers l’Iran constituerait une violation de l’article 3 de la Convention.

10.Le Comité engage instamment l’État partie, en application du paragraphe 5 de l’article 112 du Règlement intérieur, à l’informer dans les 90 jours suivant la date de transmission de la présente décision, des mesures qu’il aura prises pour donner effet à celle-ci.

Note

Communication n o 278/2005

Présentée par:

A. E. (représenté par un conseil)

Au nom de:

A. E.

État partie:

Suisse

Date de la requête:

1er septembre 2005 (lettre initiale)

Le Comité contre la torture, institué en vertu de l’article 17 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,

Réuni le 8 mai 2006,

Ayant achevé l’examen de la requête no 278/2005, présentée au nom de A. E. au Comité contre la torture en vertu de l’article 22 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,

Ayant tenu compte de toutes les informations qui lui ont été communiquées par le requérant, son conseil et l’État partie,

Adopte la décision au titre de l’article 22 de la Convention ci‑après:

1.1Le requérant est A. E., de nationalité soudanaise, né en 1964, actuellement détenu en Suisse en attente d’expulsion vers le Soudan. Il affirme que son expulsion constituerait une violation de l’article 3 de la Convention contre la torture. Il est représenté par un conseil. La Convention est entrée en vigueur pour la Suisse le 2 mars 1987.

1.2Conformément au paragraphe 3 de l’article 22 de la Convention, le Comité a porté la requête à l’attention de l’État partie en date du 9 novembre 2005. En application du paragraphe 1 de l’article 108 du Règlement intérieur du Comité, l’État partie a été prié de ne pas procéder à l’expulsion du requérant vers le Soudan tant que le Comité serait saisi de la requête. L’État partie a accédé à cette demande.

Rappel des faits présentés par le requérant

2.1Le requérant est un ressortissant soudanais originaire du Darfour qui appartient à l’ethnie des Bornos. Entre 1986 et 2004, il a fait des études et travaillé dans l’ex‑Yougoslavie, son dernier emploi consistant à fournir, par l’intermédiaire du «Kuwait Joint Relief Committee» au Kosovo, pour lequel il a travaillé jusqu’au 1er août 2004, une aide humanitaire et une assistance médicale à des blessés. Le requérant affirme qu’entre mars 2002 et août 2004 il a, à distance, secrètement aidé des réfugiés du Darfour en passant par un comité d’aide aux familles. Depuis 2003, il était membre actif du MJE (Mouvement soudanais pour la justice et l’égalité), groupe rebelle non arabe opposé au Gouvernement et aux milices janjawids.

2.2Le 20 août 2004, le requérant est retourné au Soudan. Un mois plus tard, il a été arrêté à Khartoum, avec quatre autres personnes, par des membres de l’Agence soudanaise de la sécurité, et accusé d’avoir fourni des armes à des habitants du Darfour. Le requérant affirme que le véritable motif de son arrestation était son appartenance au MJE. Trois jours après son arrestation, il a soudoyé son gardien et a retrouvé sa liberté. Ni dans la requête qu’il a adressée au Comité ni dans les commentaires communiqués ultérieurement, le requérant ne mentionne avoir subi des actes de torture pendant sa détention. Cependant, aux audiences devant l’Office fédéral suisse des réfugiés et dans le dossier soumis à ce dernier, il a déclaré être resté sans eau pendant des heures, dans une pièce dépourvue de lumière pendant les trois jours qu’a duré sa détention, ce qui d’après lui représente des actes de torture.

2.3Le requérant a quitté le Soudan pour gagner la Suisse en passant par l’Égypte avec un visa touristique. Il a demandé l’asile en Suisse le 1er octobre 2004. L’Office fédéral suisse des réfugiés a rejeté la demande par décision du 1er novembre 2004, au motif que les déclarations du requérant au sujet de ses activités humanitaires en faveur de réfugiés du Darfour et de sa détention n’étaient pas plausibles et contenaient de nombreuses incohérences. L’Office a relevé en particulier que le requérant n’avait pas été capable d’expliquer comment l’assistance était apportée et quel était exactement son rôle et qu’il n’avait pas non plus précisé pendant combien de temps exactement il avait exercé ces activités. L’Office a relevé aussi qu’il était peu probable que le requérant ait pu acheter sa liberté en soudoyant le gardien au bout de trois jours de détention puisqu’il avait déclaré que quand les agents de la sûreté l’avaient arrêté ils lui avaient confisqué son argent et son passeport.

2.4La Commission d’appel a rejeté le recours déposé par le requérant le 15 avril 2005, pour manque de preuves et de vraisemblance. Le 30 juin 2005, le requérant a déposé une demande de réexamen en faisant valoir que son frère avait été arrêté au Soudan. La Commission d’appel a aussi rejeté cette demande le 8 juillet 2005, considérant que ce nouvel élément ne modifiait pas l’objet de la requête. Une demande de sursis à l’exécution de la mesure d’expulsion a été rejetée le 3 août 2005, également au motif que les arguments du requérant étaient insuffisamment étayés.

2.5Dans une lettre du 18 août 2005 adressée à l’Office fédéral des migrations, le requérant a demandé à être expulsé vers un pays tiers, la Syrie, pour pouvoir mieux organiser son retour au Soudan sans attirer l’attention des autorités soudanaises. Le 26 août 2005, l’Office fédéral des migrations a accédé à cette demande et a avisé le requérant qu’après consultation de l’ambassade de Suisse à Damas, une place lui avait été réservée sur le vol du 9 septembre 2005 à destination de Damas. Le requérant a néanmoins refusé de prendre ce vol.

Teneur de la plainte

3.Le requérant affirme que le Mouvement pour la justice et l’égalité, dont il est membre, s’oppose au Gouvernement soudanais et que ses membres sont systématiquement arrêtés par les forces soudanaises de sécurité et parfois torturés pendant leur détention. Il ajoute que la torture et les traitements inhumains et dégradants sont monnaie courante au Soudan, ainsi que le dénonce le rapport sur la situation des droits de l’homme joint à la requête. Le requérant affirme qu’il y a des motifs sérieux de croire qu’il risque d’être soumis à la torture s’il est renvoyé au Soudan, ce qui constituerait une violation de l’article 3 de la Convention.

Observations de l’État partie sur la recevabilité et le fond

4.1Dans une lettre datée du 21 octobre 2005, l’État partie ne conteste pas la recevabilité de la requête. En ce qui concerne le fond, l’État partie estime qu’il n’y a aucun motif sérieux de croire que le requérant risque d’être soumis à la torture s’il retourne au Soudan. Il souligne que l’existence d’un ensemble de violations graves des droits de l’homme au Darfour n’est pas suffisante pour conclure que le requérant risque d’être soumis à la torture s’il est renvoyé au Soudan, et qu’il faut montrer qu’il court personnellement un risque réel. Or de l’avis de l’État partie, le requérant n’a pas prouvé qu’il risquait personnellement d’être torturé s’il était expulsé.

4.2L’État partie note que le requérant a passé les 18 dernières années de sa vie dans l’ex‑Yougoslavie et que son domicile au Soudan est celui de sa mère qui vit dans la région de Khartoum. Par conséquent, l’État partie considère que la situation notoire des droits de l’homme au Darfour ne permet pas en soi d’établir que le requérant risque d’être torturé s’il est renvoyé à Khartoum.

4.3L’État partie relève en outre que, contrairement à ce qu’il a déclaré aux autorités suisses, le requérant n’a pas fait valoir dans sa requête au Comité qu’il avait subi des actes de torture ou des mauvais traitements dans le passé, et qu’il n’a pas apporté d’éléments de preuve, par exemple sous forme de certificats médicaux.

4.4L’État partie reconnaît que les membres politiquement actifs du MJE risquent d’être arrêtés, voire d’être soumis à la torture. Toutefois, il fait observer que le requérant n’a pas été capable de préciser la nature de ses activités politiques au Soudan ou à l’étranger lorsqu’il a été interrogé à ce sujet par les autorités suisses, lesquelles ont jugé que ses explications sur l’assistance qu’il aurait apportée à des réfugiés du Darfour étaient émaillées d’incohérences. Les autorités ont également estimé que les déclarations du requérant relatives à sa détention et à la façon dont il avait soudoyé le gardien et récupéré son passeport pour finalement réussir à s’enfuir n’étaient pas plausibles. L’État partie affirme que la requête ne contient que des affirmations générales sur la situation du MJE qui n’ont aucun lien direct avec les activités personnelles du requérant. Il remarque en outre que ce dernier n’a mentionné son appartenance au MJE qu’après le rejet de sa demande d’asile par l’Office fédéral suisse des réfugiés.

4.5L’État partie relève que le requérant a lui‑même demandé à être expulsé vers Damas dans une lettre du 18 août 2005 adressée à l’Office fédéral des migrations, et qu’ensuite il a refusé de prendre le vol à destination de Damas sur lequel une place lui avait été réservée.

Commentaires du requérant sur les observations de l’État partie concernant la recevabilité et le fond

5.1Dans une lettre du 12 janvier 2006, le requérant réaffirme que le MJE est un mouvement qui lutte pour le changement politique dans le pays, qu’il suit une stratégie nationale dirigée contre le gouvernement actuel, et que des personnes sont fréquemment arrêtées et soumises à la torture, en toute impunité, au seul motif qu’elles sont soupçonnées d’appartenir à ce mouvement ou d’aider les rebelles.

5.2Le requérant insiste sur le fait qu’il n’est pas un membre quelconque du MJE mais l’un de ses membres fondateurs et qu’il est connu dans tout le Soudan pour ses activités au sein du mouvement. D’après lui, il est quasiment certain que les forces soudanaises de sécurité le connaissent et qu’il serait torturé s’il retournait au Soudan. Il indique que les chefs rebelles lui ont dans un premier temps conseillé de ne pas parler de ses liens étroits et particuliers avec le mouvement et que, quand enfin il a reçu l’instruction de faire savoir qu’il en était membre, les autorités suisses ont refusé de le croire.

5.3Le requérant rappelle que le Soudan est un pays connu pour sa situation des droits de l’homme épouvantable, où des violations des droits de l’homme graves, flagrantes et massives sont commises.

Délibérations du Comité concernant la recevabilité et le fond

6.1Avant d’examiner une plainte soumise dans une requête, le Comité contre la torture doit déterminer si la requête est recevable en vertu de l’article 22 de la Convention. Le Comité s’est assuré, comme il est tenu de le faire en vertu du paragraphe 5 a) de l’article 22 de la Convention, que la même question n’a pas été et n’est pas actuellement examinée par une autre instance internationale d’enquête ou de règlement. Dans le cas d’espèce, le Comité note aussi que tous les recours internes sont épuisés et que l’État partie n’a pas contesté la recevabilité de la requête. Il estime donc que la requête est recevable et procède à son examen quant au fond.

6.2Le Comité doit déterminer si, en renvoyant le requérant au Soudan, l’État partie manquerait à l’obligation qui lui est faite, en vertu de l’article 3 de la Convention, de ne pas expulser ou refouler un individu vers un autre État où il y a des motifs sérieux de croire qu’il risque d’être soumis à la torture.

6.3Pour déterminer s’il existe des motifs sérieux de croire que le requérant risquerait d’être soumis à la torture s’il est renvoyé au Soudan, le Comité doit tenir compte de tous les éléments, y compris l’existence d’un ensemble systématique de violations graves, flagrantes ou massives des droits de l’homme. Il s’agit cependant de déterminer si l’intéressé risque personnellement d’être soumis à la torture dans le pays vers lequel il serait renvoyé. Dès lors, l’existence d’un ensemble de violations systématiques des droits de l’homme graves, flagrantes ou massives dans un pays ne constitue pas en soi un motif suffisant pour établir que l’individu risque d’être soumis à la torture à son retour dans ce pays; il doit exister des motifs supplémentaires donnant à penser que l’intéressé court personnellement un risque. À l’inverse, l’absence d’un ensemble de violations flagrantes et systématiques des droits de l’homme ne signifie pas qu’une personne ne peut pas être considérée comme risquant d’être soumise à la torture dans des circonstances particulières.

6.4Le Comité rappelle son observation générale sur l’application de l’article 3, selon laquelle l’existence d’un risque de torture «doit être appréciée selon des éléments qui ne se limitent pas à de simples supputations ou soupçons. En tout état de cause, il n’est pas nécessaire de montrer que le risque couru est hautement probable».

6.5Dans le cas d’espèce, le Comité note que les allégations du requérant qui affirme qu’il risque d’être torturé s’il retourne au Soudan reposent sur le fait que les membres du MJE courent un grand risque d’être placés en détention et torturés, ainsi que sur la situation générale des droits de l’homme au Soudan. Le Comité prend également note des arguments de l’État partie qui fait valoir que le requérant n’a pas précisé la nature de ses activités politiques ni de l’assistance qu’il disait apporter à des réfugiés du Darfour. Sur ce point, le requérant n’a pas expliqué en quoi consistait concrètement son rôle au sein du MJE ni pour quelles raisons son activité l’exposerait particulièrement au danger d’être soumis à la torture s’il était expulsé vers le Soudan. Il a seulement fait valoir son statut de «membre fondateur» du mouvement, dans sa dernière lettre au Comité, sans apporter de justification ou de preuve de ce statut, qu’il n’a d’ailleurs jamais invoqué devant les autorités suisses.

6.6Le Comité prend également note de l’argument de l’État partie qui objecte que le requérant n’a pas invoqué ni démontré devant le Comité les tortures ou mauvais traitements qu’il aurait pu subir dans le passé ni montré qu’il en avait été victime.

6.7Étant donné ce qui précède, le Comité estime que le requérant n’a pas démontré qu’il y avait des motifs sérieux de croire que son renvoi au Soudan l’exposerait personnellement à un risque réel et spécifique de torture, conformément à l’article 3 de la Convention.

7.En conséquence, le Comité contre la torture, agissant en vertu du paragraphe 7 de l’article 22 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, est d’avis que le renvoi du requérant au Soudan ne constituerait pas une violation par l’État partie de l’article 3 de la Convention.

Notes

B. Décisions concernant la recevabilité

Communication n o  242/2003

Présentée par:

R. T. (représenté par un conseil, Mme Brigitt Thambiah)

Au nom de:

R. T.

État partie:

Suisse

Date de la requête:

11 décembre 2003 (lettre initiale)

Le Comité contre la torture, institué en vertu de l’article 17 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,

Réuni le 24 novembre 2005,

Ayant achevé l’examen de la requête no 242/2003, présentée par M. R. T. en vertu de l’article 22 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,

Ayant tenu compte de toutes les informations qui lui ont été communiquées par le requérant,

Adopte la décision au titre de l’article 22 de la Convention ci‑après:

1.1Le requérant est R. T., Sri‑Lankais d’origine tamoule, résidant actuellement en Suisse en attendant son retour à Sri Lanka. Il n’invoque aucune disposition spécifique de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, mais sa requête semble soulever des questions au titre de l’article 3 de la Convention. Il est représenté par un conseil, Mme Brigitt Thambiah.

1.2Le 12 décembre 2003, par l’intermédiaire du Rapporteur chargé des nouvelles requêtes et des mesures provisoires de protection, le Comité a transmis la requête à l’État partie et lui a demandé, conformément au paragraphe 1 de l’article 108 de son règlement intérieur, de ne pas renvoyer le requérant à Sri Lanka tant que sa requête serait à l’examen. Le Rapporteur a indiqué que cette demande pourrait être réexaminée à la lumière d’arguments nouveaux présentés par l’État partie. L’État partie a accédé à cette demande.

1.3Le 12 février 2004, l’État partie a contesté la recevabilité de la communication et a demandé au Comité de retirer sa demande de mesures provisoires, comme le prévoit le paragraphe 7 de l’article 108 du Règlement intérieur. Le 2 avril 2004, le requérant a protesté contre la demande de retrait des mesures provisoires présentée par l’État partie. Le 30 juin 2004, le secrétariat a informé l’État partie que la recevabilité et le fond de la requête seraient examinés séparément.

Rappel des faits présentés par le requérant

2.1Le requérant déclare avoir rejoint les LTTE (Tigres de libération de l’Eelam tamoul) en 1992 et avoir pris part à la lutte armée. Le 1er avril 1994, les LTTE l’ont envoyé à Colombo sans lui donner de raisons. Le 20 octobre 1995, la police l’a arrêté lors d’un contrôle d’identité à la suite d’un attentat des LTTE, mais l’a relâché au bout de trois jours contre versement d’un pot‑de‑vin par les LTTE.

2.2Le 12 mai 1996, le requérant est arrivé en Allemagne où il a présenté une demande d’asile et a été débouté. De retour à Sri Lanka, le 21 novembre 1997, il a été arrêté par la police judiciaire (Criminal Investigation Department − CID), mais a été libéré contre versement d’un pot‑de‑vin. Le 3 février 1998, le requérant a été arrêté en vertu de la loi sur la prévention du terrorisme par le CID qui le soupçonnait d’être un membre des LTTE. Il a été détenu pendant 25 jours sans être présenté à un juge. Il aurait été maltraité pendant sa détention. Après sa libération, il était tenu de se présenter à la police tous les dimanches pendant trois mois. Le 11 juin 1998, il a été arrêté de nouveau parce qu’il était soupçonné d’appartenir aux LTTE et il aurait été maltraité en détention. Au bout de 20 jours, le tribunal de première instance (Magistrate’s Court) de Colombo l’a acquitté et a ordonné sa mise en liberté inconditionnelle.

2.3Le requérant est alors parti pour Singapour. Le 25 janvier 2000, il a été renvoyé à Sri Lanka et arrêté par le CID à son arrivée à l’aéroport. Le 30 janvier, il a été libéré sous caution puis acquitté par le tribunal de première instance (Magistrate’s Court) de Negombo. Le 18 juin 2000, le CID l’a arrêté de nouveau pour ses contacts présumés avec les LTTE, l’aurait mis en détention et maltraité, jusqu’à son acquittement et sa libération par le tribunal de première instance (Magistrate’s Court) de Colombo, le 10 juillet 2000.

2.4Le 23 août 2000, le requérant a présenté une nouvelle demande d’asile à l’aéroport de Francfort en Allemagne, sans succès. À son retour à Sri Lanka, le 16 octobre 2000, il a été arrêté et mis en détention jusqu’à ce que le tribunal de première instance de Negombo ordonne sa libération sous caution. Par la suite, la police l’aurait menacé de mort par deux fois.

2.5Le 23 février 2001, le requérant a fait une demande d’asile auprès de l’ambassade de Suisse à Colombo. Le 27 février 2001, il a été convoqué à un entretien prévu le 16 mars 2001 et ne s’y est pas rendu. Sa demande a par conséquent été rejetée le 11 mai 2001.

2.6Dans l’intervalle, le requérant s’est rendu en Chine. Le 25 octobre 2001, il a été renvoyé à Sri Lanka, après avoir tenté de partir pour les États‑Unis depuis Hong Kong en utilisant un faux passeport. À son arrivée, on lui a demandé les raisons de son expulsion et il a été libéré contre versement d’un pot‑de‑vin. Entre le 4 et le 9 novembre 2001, il aurait été détenu et maltraité de nouveau par le CID.

2.7Le 16 novembre 2001, le requérant a déposé une deuxième demande d’asile auprès de l’ambassade de Suisse à Colombo et a justifié le fait qu’il ne s’était pas présenté à l’entretien du 16 mars 2001 de la manière suivante: la nuit précédant l’entretien, les forces de sécurité étaient à sa recherche, ce qui l’a obligé à se cacher, après quoi il a quitté Sri Lanka pour Hong Kong, où les autorités d’immigration l’ont maintenu en détention pendant cinq mois parce que son visa était venu à expiration. En octobre 2001, il a été renvoyé à Sri Lanka.

2.8Le 19 novembre 2001, le requérant a eu un entretien à l’ambassade de Suisse à Colombo. Il a déclaré avoir quitté Sri Lanka en 1996 à l’insu des LTTE et n’avoir plus eu de contact avec cette organisation depuis lors. Le 29 septembre 2000, il avait été arrêté et détenu pendant six jours et avait subi des mauvais traitements aux mains du CID.

2.9Le 6 mars 2002, l’Office fédéral suisse des réfugiés (ODR) a autorisé le requérant à se rendre en Suisse pour engager la procédure de demande d’asile. Il est arrivé en Suisse le 20 avril 2002. Au cours d’un entretien avec l’ODR, le 22 mai 2002, le requérant a mentionné une lettre du 10 février 2001, émanant des LTTE, dans laquelle l’organisation annonçait qu’elle lui «pardonnerait» une dernière fois, ainsi qu’une lettre du 17 janvier 2002 émanant de l’Organisation populaire de libération de l’Eelam tamoul (PLOTE), le menaçant de l’arrêter sans le remettre aux autorités.

2.10Le 25 septembre 2002, l’ODR a rejeté la deuxième demande d’asile du requérant et a ordonné son expulsion. L’Office contestait la crédibilité du récit du requérant et l’authenticité des lettres censées avoir été envoyées par les LTTE et par le PLOTE. Les arrestations dont il aurait fait l’objet en 1995, 1998 et 2000 n’étaient pas assez rapprochées dans le temps pour établir un risque de persécution ou de mauvais traitement encouru actuellement. Même s’il était trop dangereux pour le requérant de retourner dans le nord‑est de Sri Lanka, il avait la possibilité de se rendre, par un vol intérieur, dans la région méridionale du pays.

2.11Le 28 octobre 2002, l’ODR a annulé sa décision et a eu un nouvel entretien avec le requérant le 19 décembre 2002, au cours duquel ce dernier a déclaré n’avoir eu aucun contact avec les LTTE depuis son départ de Jaffna en 1994, et être recherché par l’organisation depuis 1995. En février 2003, l’ODR a invité l’avocat du requérant à faire des observations sur les informations reçues des autorités allemandes d’immigration, et lui a permis de consulter le dossier de la procédure de demande d’asile en Allemagne. L’avocat n’a pas fait de commentaire.

2.12Le 15 mai 2003, l’ODR a rejeté la deuxième demande d’asile du requérant (datée du 26 octobre 2001) et a ordonné son expulsion, pour les motifs ci‑après: a) l’absence d’éléments prouvant que le requérant avait été détenu, mis en accusation et condamné pour appartenance aux LTTE; b) le fait qu’il a été acquitté et relâché après des périodes de détention relativement brèves; c) les incohérences relevées dans les dates et les périodes de détention indiquées dans ses demandes d’asile et dans ses déclarations à l’ambassade de Suisse à Colombo et devant l’ODR; d) le contexte de ses arrestations, à savoir que les autorités sri‑lankaises devaient enquêter sur des actes terroristes et vérifier le statut du requérant après ses retours forcés de trois différents pays; et e) l’amélioration de la situation générale touchant les droits de l’homme à Sri Lanka depuis l’armistice conclu le 22 février 2002.

2.13Le 14 octobre 2003, la Commission suisse de recours en matière d’asile (CRA) a rejeté le recours du requérant en avançant les motifs supplémentaires suivants: a) de nouvelles incohérences dans son récit, par exemple les contradictions entre la déclaration faite devant l’ODR le 19 décembre 2002 selon laquelle il n’avait pas eu de contact avec les LTTE depuis 1994, et la déclaration faite à l’ambassade de Suisse à Colombo selon laquelle il avait quitté les LTTE en 1996, ainsi que l’allégation selon laquelle les LTTE avaient versé un pot‑de‑vin pour le faire libérer en octobre 1995; b) la contradiction entre le fait qu’il aurait été détenu pendant six jours à partir du 29 septembre 2000 et les informations reçues de la police des frontières allemande à Weil am Rhein selon lesquelles le requérant avait séjourné en Allemagne entre le 23 août et le 16 octobre 2000; c) le fait que les documents présentés par le requérant indiquaient seulement qu’il avait été arrêté et relâché à plusieurs reprises, sans établir un lien quelconque avec les LTTE; d) le manque d’authenticité des deux lettres émanant d’un avocat sri‑lankais, selon lesquelles le requérant avait été arrêté plusieurs fois parce qu’il était soupçonné d’appartenir aux LTTE; e) l’absence de risque de subir un traitement contraire à l’article 3 de la Convention; et f) l’applicabilité de l’accord de rapatriement suisse‑sri‑lankais de 1994, en vertu duquel le requérant sera en possession de documents en cours de validité à son retour à Sri Lanka, excluant ainsi le risque d’être arrêté lors de contrôles d’identité.

2.14Le 20 octobre 2003, l’ODR a donné ordre au requérant de quitter la Suisse le 15 décembre 2003 au plus tard. Le 9 décembre 2003, la Direction du travail et des migrations du canton d’Uri a convoqué le requérant pour le 16 décembre 2003 afin d’examiner les modalités de son voyage de retour dans le cadre du programme de rapatriement volontaire («swissREPAT») qu’il avait choisi.

Teneur de la plainte

3.1Le requérant affirme qu’il ne peut pas retourner à Sri Lanka, d’où il s’est enfui pendant la guerre civile. Il craint d’être arrêté à son retour à Sri Lanka et demande au Comité de l’aider à obtenir l’asile en Suisse ou dans un pays tiers.

3.2Il ressort des documents présentés par le requérant qu’il craint non seulement d’être persécuté et torturé aux mains des autorités sri‑lankaises, mais aussi par les LTTE et par le PLOTE.

3.3Dans son dossier de demande d’asile en Suisse, le requérant a fourni entre autres les documents suivants: a) une notification familiale délivrée par le CICR, datée du 23 juillet 1996, en cingalais; b) une carte du CICR indiquant le nom du requérant ainsi qu’un numéro attribué par le CICR; c) une lettre datée du 26 février 1997, émanant d’un avocat de Colombo qui déclare que le requérant avait été arrêté par l’armée le 13 juillet 1996 et détenu jusqu’au 26 février 1997; d) deux lettres datées du 2 septembre 2000 et du 26 décembre 2002, émanant d’un autre avocat, qui confirment les arrestations de 1995, 1998 et 2000 et appellent l’attention sur la situation politique instable régnant à Sri Lanka, et déclarent qu’à son retour le requérant serait inculpé en vertu de la loi no 42 de 1998 portant modification de la loi sur les immigrants et les émigrants, qui prévoit des peines allant de un à cinq ans de prison, ainsi qu’en vertu de la loi sur la prévention du terrorisme, qui prévoit des peines beaucoup plus longues et implique le risque de se voir extorquer des aveux sous la contrainte; et e) une lettre datée du 28 août 2003, émanant du gérant de la pension où le requérant vivait à Colombo, l’avertissant que le CID (police judiciaire) le recherchait et s’était présenté à la pension les 7 et 10 août 2003.

Observations de l’État partie sur la recevabilité

4.1Le 12 février 2004, l’État partie a estimé que la demande du requérant ne réunissait pas les conditions minimales énoncées à l’article 107 a) du Règlement intérieur du Comité et, accessoirement, a contesté sa recevabilité au motif que les allégations de violation de la Convention n’étaient pas étayées.

4.2L’État partie rappelle que le paragraphe a) de l’article 107 du Règlement intérieur requiert «que le requérant déclare être victime d’une violation par l’État partie intéressé des dispositions de la Convention». Au lieu d’apporter des éléments pour étayer une allégation de violation de la Convention, le requérant s’est borné à informer le Haut‑Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) que sa demande d’asile avait été rejetée, à une date non spécifiée, par l’ODR, qu’il existait une possibilité de faire appel de cette décision dans un délai de 30 jours et a demandé un rendez‑vous pour «examiner [son] problème avant de former un recours». En l’absence de toute allégation de violation, l’État partie considère qu’il lui est impossible de faire des observations sur la communication du requérant.

4.3L’État partie fait valoir que, bien qu’elles soient encore en vigueur, les dispositions relatives au retour des personnes soupçonnées d’être membres des LTTE adoptées dans le cadre de l’armistice de février 2002 ne s’appliquent pas au requérant, qui n’a jamais été soupçonné d’appartenir aux LTTE. L’État partie se réserve le droit de présenter ses observations sur le fond au cas où le Comité déclarerait la requête recevable.

Commentaires du requérant sur les observations de l’État partie concernant la recevabilité

5.1Le 2 avril 2004, le requérant a expliqué que c’était sa lettre du 11 décembre 2003 qui servait de base à sa requête au Comité, et non sa demande de consultation avec le HCR concernant les modalités d’un recours devant la Commission suisse de recours en matière d’asile (CRA). Dans cette lettre, qui était signée et datée, il a exprimé sa crainte d’être arrêté à son retour à Sri Lanka, son recours ayant été rejeté par la CRA le 14 octobre 2003. Il était manifeste que son expérience passée lui faisait craindre non seulement l’arrestation, mais également les mauvais traitements auxquels les jeunes Tamouls continuaient d’être soumis dans les prisons sri‑lankaises. Les documents joints à la requête montraient qu’il avait été arrêté et détenu plusieurs fois à Sri Lanka. En outre, au cours de la procédure de demande d’asile en Suisse, il avait déjà invoqué le fait qu’il avait été maltraité par le CID pendant sa détention.

5.2Le requérant fait valoir que les règles et formalités à respecter pour présenter une plainte ne devraient pas être trop strictes à l’égard d’une personne ordinaire et conclut que sa requête satisfait aux critères de recevabilité énoncés par la Convention.

Délibérations du Comité concernant la recevabilité

6.1Avant d’examiner une plainte soumise dans une requête, le Comité contre la torture doit déterminer si la requête est recevable en vertu de l’article 22 de la Convention. Le Comité s’est assuré, comme il est tenu de le faire conformément au paragraphe 5 de l’article 22 de la Convention, que la même question n’a pas été et n’est pas actuellement examinée par une autre instance internationale d’enquête ou de règlement et que le requérant a épuisé tous les recours internes.

6.2Le Comité rappelle que, pour être recevable en vertu de l’article 22 de la Convention et de l’article 107 b) de son règlement intérieur, une requête doit apporter le minimum d’éléments de preuve requis aux fins de la recevabilité. Il note que le requérant a fourni des documents pour prouver l’arrestation du 3 février 1998 et la libération le 10 juillet 2000 (suivant l’arrestation du 18 juin 2000) par le tribunal de première instance (Magistrate’s Court) de Colombo. Toutefois, il s’est borné à déclarer avoir subi des mauvais traitements pendant sa détention, sans fournir de récit détaillé des incidents en question ni de dossier médical de nature à corroborer son allégation ou d’éventuelles séquelles des mauvais traitements en question. À supposer même que l’auteur ait subi des mauvais traitements pendant les périodes où il a été détenu en 1998 et en 2000, il ne s’agit pas d’un passé récent.

6.3Le Comité note que le requérant n’a soumis aucun élément de preuve pour corroborer ses allégations selon lesquelles il a été détenu et maltraité en septembre et octobre 2000 et en novembre 2001.

6.4Enfin, le Comité note que l’ODR a laissé au requérant toute possibilité d’étayer ses allégations, en l’autorisant à se rendre en Suisse afin d’engager la procédure de demande d’asile et en lui accordant plusieurs entretiens. L’ODR n’a pas hésité à revenir sur sa décision du 25 septembre 2002 afin de réexaminer la demande d’asile. Le Comité observe que le requérant n’a pas apporté d’éléments nouveaux propres à jeter le doute sur les conclusions de l’ODR et de la CRA ou leur évaluation des faits.

7.En conséquence, le Comité est d’avis que le requérant, dans ses allégations, n’a pas apporté le minimum d’éléments de preuve requis aux fins de la recevabilité, et conclut, en application de l’article 22 de la Convention et de l’article 107 b) de son règlement intérieur, que la requête est manifestement dénuée de fondement et qu’elle est de ce fait irrecevable.

8.En conséquence, le Comité contre la torture décide:

a)Que la requête est irrecevable;

b)Que la présente décision sera communiquée à l’État partie et au requérant.

Note

Communication n o  247/2004

Présentée par:

A. A. (représenté par un conseil, M. Eldar Zeynalov, ONG «Centre des droits de l’homme d’Azerbaïdjan»)

Au nom de:

A. A.

État partie:

Azerbaïdjan

Date de la requête:

28 février 2004 (lettre initiale)

Le Comité contre la torture, institué en application de l’article 17 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,

Réuni le 25 novembre 2005,

Ayant achevé l’examen de la requête no247/2004, présentée par A. A. en vertu de l’article 22 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,

Ayant tenu compte de toutes les informations qui lui ont été communiquées par le requérant, son conseil et l’État partie,

Adopte la décision au titre de l’article 22 de la Convention ci‑après:

1.1Le requérant est A. A., de nationalité azerbaïdjanaise, condamné à mort le 24 août 1994 par la Cour suprême d’Azerbaïdjan. Le 10 février 1998, suite à l’abolition de la peine capitale par le Parlement, toutes les condamnations à mort, dont celle du requérant, prononcées en Azerbaïdjan, ont été commuées en peines d’emprisonnement à perpétuité. Le requérant dit être victime de violations par l’Azerbaïdjan des droits qui lui sont reconnus par les articles 1, 2, 12 et 13 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (la Convention). Il est représenté par un conseil.

1.2L’Azerbaïdjan est devenu partie à la Convention le 16 août 1996 (date de son adhésion) et a fait la déclaration prévue à l’article 22 le 4 février 2002.

Rappel des faits présentés par le requérant

2.1Le requérant était inspecteur de police. Le 24 août 1994, il a été reconnu coupable de meurtre, de détention et de port illégaux d’armes, de destruction volontaire de biens publics, de meurtre avec circonstances aggravantes et de tentative de meurtre. Il a été condamné à mort par la Cour suprême d’Azerbaïdjan et n’aurait pas eu le droit de faire recours contre cette décision. Le requérant affirme que les garanties d’une procédure régulière n’ont pas été respectées lors de son procès qui a été entaché d’irrégularités, les autorités cherchant à venger le meurtre d’un policier. Il explique aussi que deux des trois personnes qui composaient le tribunal (les «assesseurs populaires») ont refusé de contresigner sa condamnation à mort.

2.2Après sa condamnation, le requérant a été placé dans le quartier des condamnés à mort à la prison Baylovskaya (Bakou) où il dit avoir partagé une cellule de 6 m² avec «cinq ou six» autres prisonniers eux aussi condamnés à mort. Comme il n’y avait qu’une seule couchette, les détenus devaient dormir à tour de rôle. La fenêtre de la cellule était obstruée par des plaques métalliques empêchant la lumière de pénétrer; la cellule n’était équipée que d’une seule ampoule de faible intensité, allumée 24 heures sur 24.

2.3Selon le requérant, le 1er octobre 1994, un groupe de prisonniers s’est évadé de la prison Baylovskaya. Le même jour, le procureur responsable des établissements pénitentiaires aurait informé les agents du personnel pénitentiaire qu’ils étaient autorisés à frapper (à mort) tous les détenus «placés sous sa responsabilité». Après quoi, les conditions de détention ont empiré. Aucune promenade n’a été autorisée entre 1994 et 1998. De 1994 à 1996, les détenus étaient obligés de faire leur toilette dans leur cellule même, faute de salles d’eau; une salle d’eau collective n’a été installée qu’à l’été de 1996; les douches étaient alors autorisées tous les 20 à 30 jours, de 10 à 15 minutes par cellule. Le requérant déclare que plus de 70 détenus condamnés à mort sont décédés pendant qu’il se trouvait dans le quartier des condamnés à mort entre 1994 et 1998, à cause de l’aggravation des conditions de détention.

2.4Le requérant explique que malgré le règlement pénitentiaire qui autorisait une visite de la famille et un colis de 5 kg par mois en réalité − et surtout après l’évasion d’octobre 1994 − les visites et les colis étaient «irréguliers».

2.5Selon le requérant, au moment de l’appel du matin, tous les détenus devaient quitter leur cellule et rester debout devant la porte menant aux locaux en sous‑sol du peloton d’exécution. Pendant qu’il était détenu dans le quartier des condamnés à mort, les salles d’exécution ont d’ailleurs été nettoyées sept ou huit fois; à chaque fois, l’administration disait se préparer à une série d’exécutions.

2.6Le requérant affirme que, malgré la loi selon laquelle les anciens policiers devaient être détenus à part, il a été mêlé à des délinquants de droit commun. On aurait essayé de le tuer pendant son sommeil et ses compagnons de cellule l’auraient passé à tabac à deux reprises.

2.7Le requérant explique qu’après l’«évasion» de 1994 et jusqu’en mars 1995, aucun médecin ne s’est rendu dans le quartier des condamnés à mort. Les prisonniers malades n’étaient pas détenus séparément, les interventions avaient lieu dans de mauvaises conditions et plusieurs détenus étaient morts des suites de soins médicaux inappropriés.

2.8Le requérant ajoute qu’au lendemain de l’«évasion» de 1994, les détenus ont été privés d’eau et de nourriture; lorsque les distributions ont repris, les rations étaient réduites de moitié. La nuit, la température tombait en dessous de 16 °C, pourtant on n’avait pas distribué de couvertures aux détenus entre octobre 1994 et janvier 1995; les couvertures n’avaient fait leur apparition qu’après une intervention du Comité international de la Croix‑Rouge.

2.9Le requérant donne des détails sur les mauvais traitements infligés aux détenus de 1994 à 1996: lors de l’appel du matin, les détenus devaient quitter leur cellule un par un et étaient frappés (à l’aide de gourdins, de matraques de policiers et de câbles électriques notamment) jusqu’à ce qu’ils s’évanouissent et tombent à terre. Quelque 45 détenus auraient perdu la vie dans ces conditions.

2.10En mai 1996, l’administration pénitentiaire a découvert, dissimulés dans la cellule du requérant, des documents dans lesquels il consignait les actes des autorités de la prison contre lui et le nom des personnes qui étaient décédées dans le quartier des condamnés à mort des suites de torture et de mauvais traitements. Il a été passé à tabac et on lui a confisqué stylos et papier. En septembre 1996, une délégation du Gouvernement a inspecté la prison. Alors que quelques détenus seulement avaient émis des plaintes, d’importance mineure, par crainte de représailles, tous ceux qui avaient fait l’objet d’une condamnation à la peine capitale ont été passés à tabac après le départ des inspecteurs.

2.11En octobre 1996, le chef des gardiens aurait passé à tabac tous les détenus pour «célébrer» le deuxième anniversaire de l’évasion de 1994. Le requérant aurait été frappé pendant une heure et demie.

2.12À l’automne de 1996, un détenu qui avait été libéré aurait rencontré la mère du requérant à laquelle il aurait décrit les conditions dans lesquelles son fils était détenu. Celle‑ci a alors déposé plainte auprès des autorités pénitentiaires. Après quoi, le requérant a été roué de coups, menacé de mort et contraint de signer une déclaration réfutant les allégations de sa mère.

2.13Au début de l’année 1997, on a découvert une autre liste de détenus décédés dans la cellule du requérant; on l’a à nouveau roué de coups et condamné à trois jours d’isolement avec ses codétenus.

2.14Après la commutation de sa peine en 1998, le requérant aurait été détenu «au cachot» pendant encore six mois au cours desquels il n’aurait pas pu voir sa famille.

2.15Le requérant affirme que pour les raisons exposées ci‑dessus il n’a pas pu et en fait a été empêché d’épuiser toutes les voies de recours internes:

a)Depuis 1997, son conseil a publié une série d’articles dans différents journaux sur la situation du requérant et d’autres hommes détenus dans le quartier des condamnés à mort, à partir des renseignements fournis par le requérant. Cependant, aucune enquête n’a encore été diligentée, et il n’a pas été non plus engagé de poursuites;

b)En octobre et en décembre 2002, plusieurs détenus qui exécutaient des peines d’emprisonnement à perpétuité à la prison de Gobustan, dont le requérant, ont déposé des plaintes auprès du tribunal de district de Gardaksy et de la cour d’appel pour dénoncer les conditions déplorables de détention et les mauvais traitements auxquels ils étaient soumis. Mais les tribunaux ont refusé d’examiner ces plaintes au motif que la signature des plaignants n’avait pas été certifiée conforme par les autorités pénitentiaires. De nombreux détenus comme le requérant lui‑même n’ont jamais reçu de réponse des tribunaux;

c)La Médiatrice a visité la prison à plusieurs reprises, mais bien que le requérant eût demandé à la voir il n’avait pas pu la rencontrer.

2.16Le requérant dit qu’à son avis, vu les faits décrits ci‑dessus, toute nouvelle communication adressée aux autorités judiciaires d’Azerbaïdjan serait vaine et aurait pour résultat de le soumettre à de nouvelles pressions et intimidations, voire d’entraîner sa disparition en tant que témoin gênant.

2.17Au dire du requérant, il n’a pas été hospitalisé pendant sa détention. Il est passé devant une commission médicale le 15 novembre 2003. Le 7 janvier 2004, il a reçu les résultats de l’examen médical et le diagnostic de la commission: «névrose provoquée par la situation de l’intéressé, éléments de psychopathie». Le requérant affirme que, le 8 janvier 2004, lorsqu’il a pris connaissance de son dossier médical, il s’est aperçu qu’il contenait de nouvelles fiches et que les informations qui figuraient dans son ancien dossier avaient disparu. Ainsi, d’après lui, on n’avait gardé aucune trace des maladies dont il avait souffert entre 1994 et 2002 (hémorroïdes, rhumatisme, névrose, «crises» et attaque cérébrale en 1999). Le requérant fait valoir que l’on a retiré cette fiche de son dossier médical pour l’empêcher de demander réparation pour les maladies dont il avait été atteint.

2.18Le requérant a adressé à la Cour européenne des droits de l’homme une requête (no34132/03 du 29 octobre 2003), déclarée irrecevable en date du 29 avril 2005. Cependant, selon lui, les allégations portées devant la Cour européenne portent uniquement sur la période qui a suivi les faits dénoncés dans la présente requête, c’est‑à‑dire qu’elles sont postérieures au 10 février 1998.

Teneur de la plainte

3.1Le requérant fait valoir que le traitement inhumain et dégradant et les conditions de détention auxquels il a été soumis, ainsi que le traitement subi alors qu’il était dans le quartier des condamnés à mort (1994‑1998) constituent une violation des articles 1er (par. 1) et 2 de la Convention.

3.2Les paragraphes 1 et 3 de l’article 2 auraient aussi été violés car les cellules où le requérant a été détenu auraient abrité deux à quatre fois plus de détenus que prévu et que, alors qu’il avait été dans la police, il était détenu avec des prisonniers de droit commun.

3.3Selon le requérant, en violation de l’article 12 de la Convention, les autorités n’ont pas procédé immédiatement à une enquête impartiale sur le décès de détenus en attente d’exécution, chaque fois qu’il y avait «des motifs raisonnables de croire» qu’ils étaient décédés des suites de torture et de traitements cruels aux mains des autorités pénitentiaires.

3.4Enfin, le requérant invoque la violation de l’article 13 parce que l’État partie n’a pas pu garantir l’examen impartial des allégations de torture et de traitements cruels.

Observations de l’État partie sur la recevabilité

4.1En date du 19 juillet 2004, l’État partie a contesté la recevabilité de la requête. Il rappelle qu’il a reconnu la compétence du Comité pour examiner des communications présentées par des particuliers le 4 février 2002 et que le Comité est donc habilité à examiner uniquement celles qui ont été présentées contre l’Azerbaïdjan après cette date. En conséquence, l’État partie juge la requête irrecevable.

Commentaires du requérant sur les observations de l’État partie concernant la recevabilité

5.1Par une lettre datée du 6 novembre 2004, le requérant admet que les faits dont il se plaint se sont produits avant que l’État partie accepte la compétence du Comité pour examiner des plaintes portées contre lui par des particuliers. Toutefois selon lui, la règle ratione temporis ne s’applique pas si les violations se sont poursuivies après la date de l’entrée en vigueur de la procédure pour l’État partie. À titre d’exemple il renvoie à la jurisprudence du Comité des droits de l’homme (affaire E. et A. K. c. Hongrie, communication no 520/1992, décision d’irrecevabilité adoptée le 7 avril 1994, par. 6.4).

5.2Concernant la question de l’épuisement des recours internes, le requérant réaffirme qu’il n’a pas confiance dans l’efficacité des procédures dans l’État partie. À l’appui de ses craintes, il cite le cas de cinq anciens condamnés à mort qui ont eu droit à un nouveau procès en 2002‑2004. Tous se seraient plaints de torture et de mauvais traitements en cours de détention, mais les tribunaux n’auraient fait aucun cas de leurs griefs et auraient confirmé leur condamnation à l’emprisonnement à perpétuité.

5.3Selon le requérant, en 2004, un prisonnier qui exécutait une peine d’emprisonnement à perpétuité a demandé réparation pour la tuberculose qu’il avait contractée pendant sa détention dans le quartier des condamnés à mort de 1996 à 1998 et pour avoir été détenu dans une cellule surpeuplée avec des prisonniers atteints de tuberculose. Il a été débouté en première instance et en appel (cassation).

Délibérations du Comité concernant la recevabilité

6.1Avant d’examiner toute plainte contenue dans une requête, le Comité contre la torture doit, conformément à l’article 22 de la Convention, décider si la requête est ou n’est pas recevable au sens de la Convention.

6.2Le Comité a pris note, tout d’abord des allégations du requérant (voir par. 3.3 ci‑dessus) selon lesquelles les autorités de l’État partie n’ont jamais enquêté sur les informations faisant état de décès de prisonniers condamnés à mort. Il rappelle qu’il ne peut examiner des plaintes que si elles sont présentées par les victimes présumées, des parents proches ou un représentant dûment mandaté pour agir au nom des victimes. En l’espèce, le requérant n’avait pas apporté la preuve qu’il était habilité à agir au nom de l’une quelconque des autres victimes présumées. En conséquence, le Comité estime que cette partie de la requête est irrecevable en vertu du paragraphe 2 c) de l’article 98 de son règlement intérieur.

6.3Pour ce qui est des autres griefs, le Comité rappelle que l’État partie a contesté la recevabilité de la requête au motif que les faits de la cause s’étaient produits avant le 4 février 2002, date à laquelle il a accepté la compétence du Comité pour examiner des communications présentées par des particuliers au titre de l’article 22 de la Convention. Le requérant a réfuté cette assertion en invoquant la doctrine de la «persistance des effets».

6.4Le Comité rappelle que les obligations que l’État partie souscrit en vertu de la Convention le lient à compter de la date où celle‑ci entre en vigueur à son égard. Il estime toutefois qu’il peut examiner des griefs portant sur des violations constituées par des faits qui se sont produits avant que l’État partie ne déclare reconnaître la compétence du Comité pour recevoir et examiner des communications individuelles faisant état de violations de la Convention (c’est‑à‑dire avant que la déclaration prévue à l’article 22 ne prenne effet en l’espèce le 4 février 2002), si les effets de ces violations continuaient de se faire sentir après l’entrée en vigueur de la déclaration prévue à l’article 22 et constituaient en soi une violation de la Convention. La persistance d’une violation doit être interprétée comme la prolongation, après la formulation de la déclaration, par des actes ou de manière implicite, des violations antérieures de l’État partie.

6.5Le Comité a noté qu’en l’espèce les allégations de violation des articles 1er, 2 et 13 de la Convention (voir par. 3.1, 3.2 et 3.4 ci‑dessus) se rapportent toutes à des faits survenus avant la reconnaissance par l’État partie de la compétence du Comité pour examiner des plaintes individuelles. Selon le requérant toutefois, ces violations présumées ont eu des effets qui ont continué de se faire sentir après que l’État partie eut fait la déclaration prévue à l’article 22.

6.6Le Comité a également noté que le requérant avait adressé à la Cour européenne des droits de l’homme une requête concernant des événements qui s’étaient produits après le 10 février 1998, lesquels d’après lui peuvent être clairement distingués des questions soumises au Comité. Cette requête a été déclarée irrecevable le 29 avril 2005. La Cour européenne a notamment conclu que les griefs de mauvais traitements dans le quartier des condamnés à mort avancés par le requérant, qui sont identiques aux griefs objet de la présente requête, étaient irrecevables.

6.7Dans ce contexte, le Comité rappelle qu’en vertu du paragraphe 5 a) de l’article 22 de la Convention il n’examinera aucune communication reçue d’un particulier sans s’être assuré que la même question n’a pas été examinée ou n’est pas en cours d’examen devant une autre instance internationale d’enquête ou de règlement; pour le Comité, un examen par la Cour européenne des droits de l’homme constitue bien un examen par une instance visée dans cette disposition.

6.8Le Comité considère qu’une communication a été examinée ou est en cours d’examen devant une autre instance internationale d’enquête ou de règlement si l’examen par cette instance porte sur la «même question» au sens du paragraphe 5 a) de l’article 22, ce qui doit être compris comme une identité de parties, de faits et de contenu des droits. Il relève que la requête no 34132/03 a été soumise à la Cour européenne par la même personne, portait sur les mêmes faits et concernait, du moins en partie, les mêmes droits que ceux qui sont invoqués dans la présente communication.

6.9Ayant conclu que la «même question» était l’objet de la requête soumise à la Cour européenne par le requérant et vu qu’elle a été examinée et déclarée irrecevable, le Comité estime que les conditions prescrites au paragraphe 5 a) de l’article 22 sont remplies dans la présente affaire. Dans ces circonstances, il décide qu’il n’est pas nécessaire d’examiner les deux autres motifs d’irrecevabilité, c’est‑à‑dire ratione temporis et pour non‑épuisement des recours internes.

7.En conséquence, le Comité contre la torture décide:

a)Que la requête est irrecevable;

b)Que la présente décision sera communiquée à l’État partie et au requérant.

Notes

Communication n o 248/2004

Présentée par:

A. K. (non représenté par un conseil)

Au nom de:

A. K.

État partie:

Suisse

Date de la requête:

5 mars 2004

Le Comité contre la torture, institué en vertu de l’article 17 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,

Réuni le 8 mai 2006,

Ayant achevé l’examen de la requête no 248/2004, présentée par A. K. en vertu de l’article 22 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,

Ayant tenu compte de toutes les informations qui lui ont été communiquées par le requérant et l’État partie,

Adopte la décision au titre du paragraphe 7 de l’article 22 de la Convention ci‑après:

1.1Le requérant, A. K., né le 1er décembre 1972, ressortissant angolais, se trouve actuellement en Suisse, où il avait déposé une demande d’asile le 13 juin 2000. Cette demande a été rejetée le 10 juillet 2003. Le requérant affirme que son renvoi en Angola constituerait une violation par la Suisse de l’article 3 de la Convention contre la torture. Il n’est pas représenté par un conseil.

1.2Conformément au paragraphe 3 de l’article 22 de la Convention, le Comité a porté la requête à l’attention de l’État partie le 15 mars 2004. Le 1er avril 2004, l’État partie a contesté la recevabilité de la communication. Le 30 juin 2004, le secrétariat a informé l’État partie que la recevabilité et le fond de la requête seraient examinés séparément.

Rappel des faits

2.1Le requérant affirme qu’il était un partisan de l’União Nacional para a Independência Total de Angola (UNITA) et qu’il travaillait dans une agence gouvernementale où il espionnait pour cette organisation. En janvier 1993, il prévient la population que le gouvernement planifie l’extermination de tous ceux qui font partie de l’ethnie minoritaire Bakongo. Son père, qui était aussi un partisan de l’UNITA, et sa mère ont été tués peu après. Sa sœur et son mari sont portés disparus. Peu après, le requérant quitte Luanda et se cache en province. Il est finalement arrêté en 1998, mais réussit à s’échapper et quitte le pays le 5 juin 2000.

2.2Le requérant est arrivé en Europe le 12 juin 2000 et a déposé une demande d’asile en Suisse le 13 juin 2000. Par décision du 10 juillet 2003, cette demande a été rejetée par l’Office fédéral des réfugiés (ODR). Selon l’ODR, le gouvernement angolais a adopté le 4 avril 2002 une loi d’amnistie et la situation dans le pays s’est améliorée: le requérant n’a plus de raison de craindre des persécutions parce qu’il a espionné pour l’UNITA dans une agence gouvernementale. La loi d’amnistie concerne les partisans de l’UNITA et les membres de l’armée angolaise. Depuis la fin de la guerre civile, le cessez‑le‑feu entre l’UNITA et l’armée angolaise a été maintenu. La situation s’est donc nettement améliorée pour les anciens partisans de l’UNITA. Dans ces conditions, l’ODR a jugé inutile de répondre aux nombreuses contradictions contenues dans les allégations du requérant.

2.3Selon l’ODR, d’après les témoignages des anciens combattants de l’UNITA qui ont été désarmés et dont certains ont désormais été intégrés dans l’armée angolaise il est improbable que le requérant craigne une persécution des autorités étatiques en raison d’activités conduites il y a plus de 10 ans. L’ODR note également que le requérant n’avait pas un rôle important dans l’UNITA.

2.4Le 11 août 2003, le requérant a fait appel de la décision de l’ODR. Le 7 janvier 2004, la Commission de recours en matière d’asile (CRA) a rejeté cet appel. Elle a considéré que le requérant n’avait pas démontré que son retour en Angola reviendrait à le mettre en danger et a donc confirmé la décision de l’ODR ordonnant son expulsion. Par une lettre en date du 13 janvier 2004, l’ODR a fixé au 9 mars 2004 la date à laquelle il devait quitter la Suisse.

Teneur de la plainte

3.Le requérant affirme qu’il risque d’être soumis à la torture s’il était renvoyé en Angola, parce qu’il a trahi le Mouvement populaire pour la libération d’Angola (MPLA), en violation de l’article 3 de la Convention.

Observations de l’État partie sur la recevabilité

4.1Par note verbale du 1er avril 2004, l’État partie a estimé que la demande du requérant ne réunissait pas les conditions minimales énoncées à l’article 107 a) du Règlement intérieur du Comité et, accessoirement, a contesté sa recevabilité au motif que les allégations du requérant n’ont pas été étayées, à des fins de recevabilité.

4.2L’État partie conteste, dans le cas d’espèce, être en présence d’une communication individuelle au sens de l’article 22 de la Convention. Il rappelle que l’article 107 a) du Règlement d’ordre intérieur du Comité prévoit que le requérant déclare être victime d’une violation par l’État partie intéressé des dispositions de la Convention. Or, il note que, dans sa lettre du 5 mars 2004 adressée au Comité, le requérant ne mentionne aucune violation de la Convention et ne développe aucune motivation d’une telle violation. Il estime que cette lettre est en réalité une simple procuration autorisant l’«Office de la protection civile» «de [le] représenter, de [lui] écrire, de correspondre avec toutes les instances de la Suisse en ce qui concerne [son] asile».

4.3L’État partie considère qu’il ignore ce sur quoi porterait une éventuelle violation de la Convention et l’argumentation qui sous‑tendrait une telle allégation. Il estime qu’il lui est impossible de faire des observations sur la communication du requérant.

4.4L’État partie invite donc le Comité à ne pas considérer la lettre envoyée par le requérant comme une communication au sens de l’article 22 de la Convention. Au cas où cette lettre devait néanmoins être considérée comme une communication, il invite le Comité à la déclarer irrecevable pour absence totale d’allégation d’une quelconque violation de la Convention par l’État partie.

Informations supplémentaires du requérant

5.Par lettres du 30 mars 2004 et du 8 avril 2004, le requérant a fourni des informations supplémentaires. Il s’est vu reconnaître la paternité de Nathan Tiapele, né le 11 février 2003. Par décision du 13 février 2004 du juge de paix de Bäretswil (canton de Zurich), il a reçu l’ordre de payer une pension alimentaire à son fils à partir du 1er mai 2004. En raison de ce fait nouveau, il a déposé le 30 mars 2004 auprès de la CRA une nouvelle demande de révision avec effet suspensif. Par décision du 8 avril 2004, la CRA a ordonné que la demande de révision soit renvoyée à l’ODR et que la décision d’expulsion soit suspendue jusqu’à ce qu’une nouvelle décision soit prise par cette instance. Le Comité a été informé par l’ODR que la demande de révision a été rejetée le 3 juin 2004. Le requérant a fait appel de cette décision auprès de la CRA le 3 juillet 2004.

Commentaires de l’État partie sur les informations supplémentaires

6.Les informations supplémentaires envoyées par le requérant dans ses lettres du 30 mars 2004 et du 8 avril 2004 ont été transmises à l’État partie pour observations le 20 avril 2004. Dans ses notes du 25 juin 2004 et 24 janvier 2006, l’État partie a déclaré maintenir ses conclusions du 1er avril 2004 sur la recevabilité de la requête selon lesquelles la communication devrait être déclarée irrecevable pour absence totale d’allégation d’une quelconque violation de la Convention.

Délibérations du Comité concernant la recevabilité

7.1Avant d’examiner une plainte contenue dans une communication, le Comité contre la torture doit décider si la communication est recevable en vertu de l’article 22 de la Convention. Le Comité s’est assuré, comme il est tenu de le faire conformément au paragraphe 5 a) de l’article 22 de la Convention, que la même question n’avait pas été examinée et n’était pas actuellement examinée par une autre instance internationale d’enquête ou de règlement.

7.2Le Comité note que le requérant a déposé le 30 mars 2004 auprès de la CRA une demande de révision, et que la CRA a ordonné par décision du 8 avril 2004 que cette demande de révision soit renvoyée à l’ODR qui a rejeté cette demande le 3 juin 2004. Il note également que le requérant a fait appel de cette dernière décision de l’ODR auprès de la CRA le 3 juillet 2004, et qu’aucune décision n’a, à ce jour, été rendue par la CRA. La communication est dès lors irrecevable en vertu du paragraphe 5 b) de l’article 22, le requérant n’ayant pas épuisé les recours internes disponibles.

8.Par conséquent, le Comité contre la torture décide:

a)Que la requête est irrecevable;

b)Que la présente décision sera communiquée au requérant et à l’État partie.

Communication n o  250/2004

Présentée par:

A. H. (représenté par des conseils, MM. Didar Gardezi et Paul Berkhuizen)

Au nom de:

A. H.

État partie:

Suède

Date de la requête:

18 juin 2004 (lettre initiale)

Le Comité contre la torture, institué en vertu de l’article 17 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,

Réuni le 15 novembre 2005,

Ayant achevé l’examen de la requête no 250/2004, présentée par A. H. en vertu de l’article 22 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,

Ayant tenu compte de toutes les informations qui lui ont été communiquées par le requérant, ses conseils et l’État partie,

Adopte la décision au titre de l’article 22 de la Convention ci‑après:

1.1Le requérant est A. H., de nationalité iranienne, qui se trouve actuellement sous le coup d’une mesure d’expulsion en Suède. Il affirme que son renvoi forcé en Iran constituerait une violation par la Suède de l’article 3 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Il est représenté par des conseils, MM. Gardezi et Berkhuizen.

1.2Conformément au paragraphe 3 de l’article 22 de la Convention, le Comité a transmis la requête à l’État partie le 16 juin 2004. En application du paragraphe 1 de l’article 108 de son règlement intérieur, il a prié l’État partie de ne pas renvoyer le requérant en Iran tant que sa requête serait à l’examen.

1.3Le 16 mars 2005, l’État partie a demandé que la recevabilité de la requête soit examinée séparément du fond. Le 29 mars 2005, le Rapporteur spécial chargé des nouvelles requêtes et des mesures provisoires de protection a répondu favorablement à cette demande, conformément au paragraphe 3 de l’article 109 du Règlement intérieur du Comité.

Rappel des faits présentés par le requérant

2.1Le requérant est arrivé en Suède en qualité d’étudiant à la fin des années 70. Par la suite, il a demandé l’asile et s’est vu accorder le statut de réfugié, sur la base d’une déclaration dans laquelle il affirmait, entre autres, qu’il était un ancien combattant de la guérilla kurde et qu’il avait été blessé par balle aux jambes.

2.2En 1981, le requérant a commencé à faire entrer clandestinement des Iraniens dans des pays démocratiques, notamment en Suède. Il a créé à cette fin une organisation appelée Solh (paix). Au cours de sa première année d’activité, cette organisation a aidé 50 Iraniens à sortir clandestinement de leur pays; début 1987, elle avait fait entrer clandestinement quelque 20 000 Iraniens en Suède. Il s’agissait principalement d’opposants à la guerre entre l’Iran et l’Iraq, c’est‑à‑dire des soldats qui avaient déserté la ligne de front ou refusé la conscription, ainsi que de juifs et de musulmans convertis au christianisme.

2.3Depuis son arrivée en Suède, le requérant n’a cessé de critiquer le régime iranien dans des médias suédois et européens. Il a publié dans la presse nationale des articles dénonçant l’utilisation par le Gouvernement iranien de certains types d’armes pendant la guerre irano‑iraquienne.

2.4Le 29 juin 1982, le requérant s’est vu accorder le statut de réfugié, un permis de séjour permanent en Suède et un permis de travail. En 1984, les tribunaux suédois l’ont condamné à une peine d’un an d’emprisonnement pour plusieurs falsifications de documents. En 1988, alors que le requérant était recherché par la police suédoise, son frère a déclaré aux autorités qu’il avait quitté le pays en 1987. L’Office suédois de la population a conclu qu’il ne résidait plus en Suède. En 1993, le tribunal de district d’Uppsala a condamné le requérant à une peine d’un an d’emprisonnement pour fraude aggravée, faux et usage de faux et violation de la loi sur les étrangers. Cette décision a été accompagnée d’une ordonnance d’expulsion, au motif que le requérant se serait rendu en Iran, perdant de ce fait son droit à la protection. En deuxième instance, la Cour d’appel de Svea a infirmé la décision d’expulsion, mais a porté la peine d’emprisonnement à quatre ans.

2.5Le 10 mai 1995, le Conseil suédois des migrations a révoqué le permis de séjour du requérant, ce dernier n’étant plus considéré comme domicilié en Suède. Le Conseil a fondé sa décision sur le fait que le requérant avait quitté le pays et ne s’était pas fait réenregistrer à son retour. Il a indiqué que le requérant était revenu en Suède en août 1996 mais n’avait pas demandé un nouveau permis de séjour depuis cette date. Le requérant estime que cette décision est arbitraire du fait qu’elle a été prise sans enquête préalable et qu’elle n’est en outre pas susceptible d’appel.

2.6Le 7 janvier 1997, le tribunal de district d’Uppsala a condamné le requérant à une peine d’un an d’emprisonnement pour complicité dans la falsification de documents officiels. Il a également ordonné son expulsion, en soulignant que l’accusé avait déjà été reconnu coupable à plusieurs reprises de faux et usage de faux, en Suède et au Danemark. Le requérant n’a pas interjeté appel de cette décision.

2.7Le 25 avril 1997, le requérant a introduit une requête auprès du Gouvernement suédois en vue de faire annuler l’ordonnance d’expulsion, en faisant valoir qu’il risquait d’être soumis à la torture ou exécuté s’il rentrait en Iran, parce qu’il avait, entre autres, aidé des dissidents iraniens à sortir clandestinement du pays et exprimé dans les médias des opinions négatives sur le régime iranien; un autre argument invoqué était le fait qu’aucune enquête n’avait été conduite depuis le début des années 80 sur les motivations de sa demande d’asile. En outre, l’ambassade de Suède à Téhéran a indiqué que, selon une enquête menée en Iran, le requérant risquait d’être puni pour activités contraires à la sécurité nationale de la République islamique d’Iran, et que «si ses relations en Iran ne [pouvaient] le protéger, il [encourrait] probablement une peine d’emprisonnement, un châtiment plus sévère n’étant pas à exclure».

2.8Le 3 juillet 1997, le Gouvernement suédois a rejeté la requête sans explications. Le même jour, l’affaire a été portée devant la Commission européenne des droits de l’homme, qui a déclaré la requête irrecevable au motif que le requérant n’avait pas contesté la décision du tribunal de district en date du 7 janvier 1997. Par la suite, le requérant a publié un passage d’un de ses ouvrages dans lequel il affirme que les religions sont la cause des conflits. Selon lui, on peut y voir une critique contre le Gouvernement iranien. Sur la base de cet argument, une nouvelle requête a été introduite auprès du Gouvernement suédois le 7 juillet 1997 en vue de faire annuler l’ordonnance d’expulsion, mais elle a également été rejetée.

2.9Le 7 janvier 2002, le requérant a été reconnu coupable de différents chefs d’accusation, dont le recel, par la Cour d’appel de la région de Suède occidentale. Libérable le 19 juin 2004, il devait ensuite être expulsé vers l’Iran.

Teneur de la plainte

3.1Le requérant affirme que, s’il est renvoyé en Iran, il sera soumis à la torture, à des châtiments corporels ou à la peine de mort, pour avoir aidé de nombreux dissidents iraniens à émigrer clandestinement en Suède et dans d’autres pays européens, et pour avoir critiqué le régime iranien dans les médias.

3.2Le requérant affirme que son statut de réfugié n’a jamais été révoqué et qu’il ne pouvait en aucun cas être considéré comme révoqué du fait de l’annulation de son permis de séjour permanent en 1995, puisque les conditions requises pour la révocation du statut de réfugié, définies dans la législation suédoise relative à l’immigration sur le modèle de celles qui sont énoncées dans la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés, n’étaient pas remplies à l’époque et ne l’ont pas non plus été par la suite.

3.3Le requérant affirme qu’il existe en Iran un ensemble de violations systématiques et flagrantes des droits de l’homme, et que la répression s’y est durcie. Il a fourni des documents d’Amnesty International et d’une organisation appelée FARR qui confirment qu’il risque d’être torturé, voire condamné à mort, s’il est renvoyé en Iran.

Observations de l’État partie sur la recevabilité

4.1Dans ses observations en date du 24 septembre 2004, l’État partie fait valoir que la requête concerne essentiellement une expulsion motivée par des infractions pénales. La loi suédoise sur les étrangers dispose que les décisions d’expulsion faisant suite à une infraction pénale sont prises par le tribunal qui connaît de l’infraction en question. À la demande du tribunal, le Conseil suédois des migrations peut émettre un avis non contraignant, mais cet avis a force obligatoire dès lors que l’étranger concerné invoque des obstacles à l’exécution de l’ordonnance d’expulsion. Un étranger ne peut être expulsé que si certaines conditions sont réunies: il doit avoir été reconnu coupable d’une infraction passible d’emprisonnement, il doit exister des raisons de penser qu’il poursuivra ses activités criminelles en Suède, ou il doit avoir commis une infraction si grave qu’il ne saurait être autorisé à rester dans le pays.

4.2Selon la législation suédoise relative à l’immigration, un étranger qui est titulaire d’un permis de séjour permanent depuis au moins quatre ans au moment où une procédure judiciaire est engagée contre lui ne peut être expulsé que dans des cas exceptionnels, par exemple s’il a commis un crime particulièrement grave ou s’il a été mêlé au crime organisé. Un réfugié peut être expulsé uniquement s’il a commis une grave atteinte à l’ordre public, si sa présence dans le pays compromet gravement la sécurité, ou s’il a participé à des activités mettant en danger la sécurité nationale. Il est formellement interdit d’expulser un étranger vers un pays où l’on peut raisonnablement penser qu’il risque la peine capitale, des châtiments corporels, des actes de torture ou d’autres traitements inhumains ou dégradants. Toute décision ou ordonnance d’expulsion rendue au vu d’une infraction pénale est susceptible de recours devant une cour d’appel, dont la décision peut à son tour être contestée devant la Cour suprême. Le Gouvernement peut en outre annuler une décision ou une ordonnance d’expulsion s’il estime que celle‑ci ne peut être exécutée. Cette faculté du Gouvernement n’est applicable qu’aux décisions ou ordonnances d’expulsion qui sont devenues exécutoires.

4.3L’État partie dément que le requérant ait obtenu, ainsi qu’il l’affirme, le statut de réfugié en 1982. Selon l’État partie, en mars 1982, le requérant a demandé un permis de séjour permanent et des documents de voyage, qui lui ont été accordés le 29 juin 1982. Même si, à cette époque, il était considéré comme ayant besoin de protection au même titre qu’un réfugié, il n’a pas fait l’objet d’une déclaration officielle sur le statut de réfugié parce qu’il ne l’a pas demandé. Dans un avis émis le 21 mars 1984, le Conseil suédois des migrations a déclaré que le requérant devait être considéré comme un réfugié au sens de l’article 3 de la loi de 1980 sur les étrangers et qu’il ne pouvait donc être expulsé.

4.4L’État partie relève que, le 25 janvier 1988, alors que le requérant était recherché par la police suédoise, son frère a déclaré aux autorités qu’il avait quitté le pays en octobre 1987. Le requérant est revenu en Suède au début de l’année 1989. Lors de la procédure pénale devant le tribunal de district d’Uppsala, en 1993, il a déclaré qu’il avait déménagé de Suède le 24 août 1987. Le 10 mai 1995, le Conseil suédois des migrations a révoqué son permis de séjour au motif que, depuis janvier 1988, les informations disponibles indiquaient qu’il avait quitté la Suède. Le requérant est resté en Suède pour purger sa peine d’emprisonnement de 1993, il a bénéficié d’une libération conditionnelle le 12 octobre 1995 et a quitté le pays peu après. Il est revenu le 2 août 1996 sans déclarer son entrée dans le pays et sans demander un nouveau permis de séjour. Le 7 janvier 1997, le tribunal de district d’Uppsala l’a condamné à une peine d’un an d’emprisonnement et a ordonné son expulsion assortie d’une interdiction du territoire. Le requérant n’a pas interjeté appel de cette décision.

4.5L’État partie affirme que le requérant a été reconnu coupable à plusieurs reprises, en Suède et dans d’autres pays d’Europe, de différents chefs d’accusation en rapport avec l’entrée clandestine d’Iraniens dans des pays d’Europe occidentale. Il a fait l’objet de décisions judiciaires au Danemark en 1992 et en Suède en 1984, 1990, 1992, 1997 et 2002. Il a fini de purger sa dernière peine le 20 juin 2004. Le Ministre de la justice a toutefois décidé, le 18 juin 2004, qu’il devait rester en détention.

4.6L’État partie fait observer que, le 12 février 1993, le tribunal de district d’Uppsala a condamné le requérant et ordonné son expulsion au motif qu’après avoir quitté la Suède en 1987 il s’était rendu en Iran, où les autorités lui avaient délivré de nouveaux documents d’identité au nom de H. S. Le tribunal a estimé que le requérant s’était replacé de son propre gré sous la protection de son pays d’origine. En deuxième instance, cependant, la Cour d’appel de Svea a annulé l’ordonnance d’expulsion, le requérant étant revenu sur les déclarations qu’il aurait faites antérieurement. Le 7 janvier 1997, le même tribunal a de nouveau ordonné son expulsion, en se fondant sur deux avis du Conseil suédois des migrations qui a estimé que le requérant ne satisfaisait pas aux critères requis pour le statut de réfugié, ainsi que sur le fait que le requérant avait été reconnu coupable d’infractions passibles d’emprisonnement et qu’il y avait des raisons de penser qu’il continuerait d’en commettre. Le tribunal a conclu que le requérant n’était plus un réfugié puisqu’il n’avait plus besoin de protection; les restrictions particulières à l’expulsion des réfugiés ne s’appliquaient pas à son cas.

4.7Le 29 avril 1997, le requérant a saisi pour la première fois le Gouvernement en vue d’obtenir l’annulation de l’ordonnance d’expulsion. Le 16 juin 1997, l’ambassade de Suède en Iran a communiqué un avis qui remettait en cause ses affirmations. Le 3 juillet 1997, le Gouvernement a rejeté sa requête. Le même jour, le requérant a saisi la Commission européenne des droits de l’homme. Le 7 juillet 1997, il a introduit une nouvelle requête en vue de faire annuler l’ordonnance d’expulsion, en faisant valoir qu’il avait écrit un ouvrage sur les conflits religieux ainsi qu’une brochure d’information à l’usage des demandeurs d’asile, trois ans auparavant. Le même jour, le Ministre de la justice a suspendu l’exécution de l’ordonnance d’expulsion jusqu’à ce que le Gouvernement se prononce sur la nouvelle requête. Le 18 septembre 1997, l’ambassade de Suède à Téhéran a émis un second avis sur le cas du requérant. Le 12 novembre 1997, celui‑ci a retiré sa seconde requête au Gouvernement, lequel l’a donc supprimée des dossiers en cours. Le 22 janvier 1998, la Commission européenne des droits de l’homme a déclaré la requête du requérant irrecevable, au motif qu’il n’avait pas épuisé les recours internes.

4.8Le 28 janvier 1998, le requérant a demandé une nouvelle fois l’annulation de l’ordonnance d’expulsion. Le 27 mars 1998, le Conseil suédois des migrations a fait savoir que l’existence d’obstacles à l’exécution de cette ordonnance ne pouvait être totalement exclue au regard de la loi sur les étrangers. Le 5 novembre 1998, le Gouvernement a accordé au requérant un permis de séjour temporaire de six mois au vu des circonstances particulières qui étaient considérées comme applicables à l’époque. Par la suite, il a rejeté deux nouvelles requêtes demandant l’annulation de l’ordonnance d’expulsion, le 13 janvier 2000 et le 4 juillet 2002. Dans les deux cas, le Conseil suédois des migrations avait également estimé que l’existence d’obstacles à l’expulsion du requérant ne pouvait être totalement exclue. Le 17 juin 2004, le Gouvernement a rejeté la dernière requête du requérant visant à obtenir l’annulation de l’ordonnance d’expulsion. Le Conseil suédois des migrations lui avait fait savoir le 11 juin 2004 qu’il n’existait pas d’obstacles à cette expulsion.

4.9L’État partie considère que la requête n’est pas recevable du fait qu’elle concerne une question qui a déjà été examinée par une autre instance internationale d’enquête ou de règlement (par. 5 a) de l’article 22 de la Convention). La Commission européenne des droits de l’homme a en effet déjà examiné la «même question» et déclaré la requête irrecevable. L’affaire dont était saisie la Commission concernait le même requérant, les mêmes faits et les mêmes droits fondamentaux que l’affaire soumise au Comité.

4.10L’État partie affirme en outre que la requête est irrecevable du fait que le requérant n’a pas épuisé les recours internes disponibles (al. b du paragraphe 5 de l’article 22), puisqu’il n’a pas interjeté appel de la décision du tribunal de district d’Uppsala en date du 7 janvier 1997. L’État partie ajoute qu’un recours devant la cour d’appel compétente et, le cas échéant, un autre recours devant la Cour suprême constituent des recours internes et que le requérant doit donc les épuiser. Il n’y a aucune raison de considérer que ces procédures de recours «excèdent des délais raisonnables» ou qu’il soit «peu probable qu’elles donneraient satisfaction». Un recours ouvert au requérant dans le cadre de la procédure d’appel ordinaire ne saurait être remplacé par une requête présentée au Gouvernement en vue d’obtenir l’annulation de l’ordonnance d’expulsion. Une telle requête est un recours extraordinaire comparable à un recours en grâce. En outre, il n’existe pas de circonstances particulières susceptibles de dispenser le requérant de l’obligation d’épuiser les recours internes.

4.11L’État partie ajoute que la requête est irrecevable au motif qu’elle est manifestement dénuée de fondement (art. 22 de la Convention et art. 107 b) du Règlement intérieur), le requérant ne l’ayant pas suffisamment étayée aux fins de la recevabilité.

Nouvelle requête présentée au nom du requérant et commentaires de ce dernier sur la recevabilité

5.1Le 14 décembre 2004, l’avocat récemment engagé par le requérant a présenté au nom de ce dernier une nouvelle requête, dans laquelle il avance que l’État partie a omis d’éclaircir les points suivants:

a)En neuf occasions distinctes, les autorités suédoises ont officiellement déclaré qu’il existait des obstacles à l’exécution de l’ordonnance d’expulsion;

b)Le tribunal de district d’Uppsala et la Cour d’appel de Svea ont estimé que le requérant était un réfugié politique en Suède et qu’il existait des obstacles à l’exécution de l’ordonnance d’expulsion;

c)En novembre 1998, après la décision rendue par la Commission européenne des droits de l’homme, l’État partie a accordé au requérant un permis de séjour temporaire et un permis de travail pour une durée de six mois;

d)D’autres textes juridiques que ceux invoqués par l’État partie sont applicables au cas du requérant;

e)Ni le tribunal de district d’Uppsala ni le Conseil suédois des migrations n’ont évoqué le statut de réfugié du requérant et son besoin de protection;

f)Le Conseil suédois des migrations n’a pas motivé la révocation arbitraire du permis de séjour permanent du requérant;

g)Le Conseil suédois des migrations n’a pas enquêté sur l’existence d’obstacles à l’exécution des ordonnances d’expulsion;

h)L’avis rendu par le Conseil suédois des migrations le 27 mars 1998, dans lequel il affirme que «l’existence d’obstacles [au retour du requérant] ne peut être totalement exclue», contredit l’avis contraire qu’il a émis le 21 juillet 2004;

i)En 1997, le tribunal de district d’Uppsala n’a pas enquêté sur l’argument du requérant, qui affirmait que son expulsion l’exposerait à la torture;

j)Selon la législation suédoise relative à l’immigration, la décision du 7 janvier 1997 par laquelle le Gouvernement a confirmé l’ordonnance d’expulsion est prescrite depuis le 7 janvier 2000, le délai officiel de quatre ans pour son exécution étant écoulé;

k)Le requérant n’a jamais renoncé à son statut de résident permanent ni autorisé quiconque à dire qu’il avait quitté la Suède dans l’intention de s’installer ailleurs de manière permanente.

5.2Le requérant conteste la version des faits donnée par l’État partie, qui vise selon lui à le discréditer. Il met en évidence un certain nombre de points qu’il juge contradictoires entre sa propre version et celle de l’État partie, à savoir: le requérant a activement participé à la rébellion kurde contre Khomeini en 1979; il a occupé des fonctions importantes au sein de la guérilla kurde; il a été blessé par balle aux deux jambes; il avait des activités politiques depuis 1974. En outre, à son arrivée en Suède le 4 mai 1981, le requérant a été reconnu comme réfugié «de facto» en vertu de la loi de 1980 sur les étrangers. Le 29 juin 1982, on lui a accordé «la protection indéfinie et le statut de réfugié», des documents de voyage de réfugié, un permis de séjour permanent et un permis de travail. On lui a également confirmé par écrit son statut de réfugié. Le rapport officiel établi par l’ambassade de Suède à Téhéran le 16 juin 1997 a confirmé qu’il était un réfugié politique nécessitant une protection.

5.3Le requérant indique qu’en 1981 les partis politiques kurdes en Iran lui ont demandé de fonder une organisation indépendante pour aider les membres de la guérilla kurde à chercher refuge en Europe occidentale. C’est ainsi qu’il a créé l’organisation Sohl, qui a commencé à aider les Iraniens victimes de persécutions à demander l’asile en Suède et dans d’autres pays européens. Le requérant affirme qu’en 1984, pour contrecarrer ses activités, la Suède a adopté une loi instaurant des peines plus lourdes pour toute personne qui aiderait des étrangers à entrer dans le pays sans visa valable. Le 22 février 1984, le Procureur de district d’Uppsala a demandé l’expulsion du requérant, mais cette demande a été rejetée le 30 mars 1984 par le tribunal de district d’Uppsala, au motif que le requérant était un réfugié politique.

5.4Le requérant fait valoir qu’au cours des années 80, en raison de l’aggravation de la situation politique en Iran, l’afflux de demandeurs d’asile s’est accru, ce qui a provoqué une montée de xénophobie et de discrimination à l’égard des immigrés, encouragée par les partis politiques d’extrême droite de Suède. Nombre de réfugiés ont commencé à être victimes de harcèlement. En 1987, le requérant, qui avait publiquement affirmé avoir aidé au moins 20 000 Iraniens à s’installer en Suède, a commencé à recevoir des menaces de mort et a été agressé physiquement à plusieurs reprises. Lors d’une interview diffusée par une station de radio locale, il a déclaré métaphoriquement que son «âme» s’était rendue en Iran pour y rencontrer H. S., son nom de guerre lorsqu’il appartenait à la guérilla kurde. Cependant, un responsable du Conseil suédois des migrations a pris note de cette déclaration comme si le requérant s’était réellement rendu en Iran. En janvier 1998, les autorités ont interrogé son frère pour savoir où il se trouvait; son frère a répondu qu’il voyageait, mais sans laisser nullement entendre qu’il se trouvait en Iran. Un employé des services de l’état civil de Vaksala a fait une note demandant au requérant d’indiquer au Registre national de la population où il se trouvait, le 4 février 1988 au plus tard. Le requérant affirme que cette note ne lui a jamais été communiquée. Le 25 janvier 1988, le Registre national de la population a rayé le nom du requérant de la liste des résidents. Lorsque l’on supprime une personne du Registre national de la population, c’est pour éviter qu’elle ne continue de bénéficier des prestations sociales destinées aux résidents en règle. Or la décision du Registre n’ayant jamais été communiquée à d’autres instances suédoises, le requérant a continué de bénéficier de ces prestations sociales.

5.5Le 17 mars 1989, le requérant a demandé le renouvellement de ses documents de voyage de réfugié, ce qui lui a été accordé. Il a alors ouvert deux comptes bancaires et a demandé un nouveau permis de conduire. Du 22 mai 1991 au 30 décembre 1992, il a purgé des peines d’emprisonnement en Allemagne et au Danemark. Le 30 décembre 1992, le Danemark l’a extradé à la demande de la Suède. Entre‑temps, le tribunal de district d’Uppsala préparait sa mise en accusation. Le 14 janvier 1993, en réponse à une demande du Procureur de district d’Uppsala, le Conseil suédois des migrations a déclaré que le requérant avait obtenu le statut de réfugié le 29 juin 1982 et qu’il avait été domicilié en Suède depuis cette date. Il était indiqué dans cet avis que rien ne donnait à penser que le requérant eût cessé d’être un réfugié, que son séjour temporaire hors de Suède n’avait pas eu d’incidence sur son statut de réfugié, et qu’il existait donc des obstacles à son expulsion. Il était toutefois précisé que le requérant avait apparemment admis, lors d’une interview à la radio, s’être rendu en Iran.

5.6Peu après, le tribunal de district d’Uppsala a condamné le requérant à une peine d’un an d’emprisonnement et ordonné son expulsion assortie d’une interdiction du territoire, en se fondant sur les informations du Conseil suédois des migrations, qualifiées de fausses par le requérant. Ce dernier estime que le tribunal de district d’Uppsala aurait dû mener une enquête pour vérifier s’il existait des raisons susceptibles de l’empêcher d’ordonner son expulsion. La question de la radiation présumée du requérant des listes du Registre national de la population a été longuement débattue à l’audience. En deuxième instance, la Cour d’appel de Svea a accepté les arguments du requérant et a annulé l’ordonnance d’expulsion, mais a décidé de porter sa peine d’emprisonnement d’un à quatre ans. Le requérant a alors compris que l’ordonnance d’expulsion était essentiellement un «piège» pour prolonger la peine d’emprisonnement au‑delà d’une durée raisonnable.

5.7Le 7 janvier 1997, le Procureur de district d’Uppsala a demandé l’expulsion du requérant en se fondant sur de fausses allégations, à savoir que le requérant aurait lui‑même volontairement indiqué aux autorités, le 25 janvier 1988, qu’il avait émigré dans un autre pays. Le tribunal n’a pas cherché à vérifier s’il existait des obstacles à l’exécution d’une ordonnance d’expulsion. Le tribunal avait à l’esprit sa propre décision de 1993, qui avait été infirmée par la Cour d’appel de Svea. Le requérant fait valoir qu’il est improbable que les juges du tribunal de district aient oublié que les arguments avancés à l’époque, à savoir son voyage présumé en Iran et sa radiation du Registre national de la population, avaient été démentis. Le tribunal n’avait pas le droit de fonder une nouvelle ordonnance d’expulsion sur ces mêmes arguments non valables. Le requérant explique que, au vu de ce qui s’était passé auparavant, il avait supposé que l’ordonnance d’expulsion de 1997 n’était qu’un autre «cruel vice de forme» qui le piégerait en appel, puisque la Cour d’appel de Svea annulerait l’ordonnance d’expulsion mais alourdirait la peine d’emprisonnement. C’est pourquoi il avait décidé de ne pas faire appel de sa condamnation et de contester uniquement l’ordonnance d’expulsion par le biais d’une requête auprès du Gouvernement. Le 11 juin 1997, le Gouvernement a décidé qu’il n’existait pas d’obstacle à l’exécution de l’ordonnance d’expulsion. Le même jour, le requérant a sollicité l’aide juridictionnelle pour demander l’annulation de l’ordonnance d’expulsion, mais le Gouvernement a rejeté sa demande. Le requérant a alors déposé une plainte auprès de l’Ombudsman (Médiateur), le 7 mars 1997, et a de nouveau saisi le Gouvernement, le 25 avril 1997, en vue de faire annuler l’ordonnance d’expulsion; il a été débouté dans les deux cas.

5.8Le requérant affirme que la Cour européenne des droits de l’homme a rejeté sa requête pour des motifs de procédure, sans l’examiner au fond. Il en conclut que sa requête devant le Comité ne peut pas être considérée comme ayant déjà été examinée par une autre instance internationale d’enquête et qu’elle est donc recevable. Le requérant fait valoir en outre que, le 5 novembre 1998, après que la Cour européenne des droits de l’homme eut rendu sa décision, le Gouvernement suédois lui a accordé un permis de séjour temporaire, ce qui, à son sens, revenait à reconnaître implicitement qu’il existait des obstacles à l’exécution de l’ordonnance d’expulsion.

5.9En ce qui concerne l’épuisement des recours internes, le requérant affirme que sa radiation du Registre national de la population le 25 janvier 1988, ainsi que la prétendue révocation de son permis de séjour permanent le 10 mai 1995 et la décision d’ordonner une nouvelle fois son expulsion sont des mesures qui participent d’un complot visant à le priver injustement et illégalement de son statut de réfugié. Selon lui, la décision rendue en 1997 par le tribunal de district d’Uppsala visait à l’obliger à former un recours devant la juridiction supérieure, qui alourdirait illégalement sa peine. Il fait observer qu’il avait déjà contesté la décision d’expulsion du tribunal de district d’Uppsala au début de 1993, et que la Cour d’appel de Svea avait infirmé cette décision. Il estime que le tribunal de district d’Uppsala n’était pas en droit de rendre une seconde ordonnance d’expulsion alors que la première avait été annulée par une juridiction supérieure conformément à la loi. Le requérant était convaincu qu’il serait vain et inutile de former un recours devant la même autorité. La Cour d’appel de Svea aurait certainement infirmé la décision du tribunal de district d’Uppsala mais, en même temps, elle aurait aussi illégalement alourdi sa peine d’emprisonnement. Le requérant affirme avoir épuisé les recours judiciaires qui lui étaient ouverts devant les juridictions suédoises et immédiatement entrepris d’épuiser aussi tous les autres recours internes disponibles. Il a saisi à plusieurs reprises le Gouvernement suédois et l’Ombudsman (Médiateur) du Parlement suédois en vue de faire annuler l’ordonnance d’expulsion. Il explique également que, s’il a décidé de ne pas former un recours devant la Cour d’appel de Svea, c’était à cause du stress extrême, du traumatisme et du choc qu’il endurait à l’époque.

5.10Le requérant affirme que sa requête soulève des questions de fait et de droit tellement complexes qu’il est nécessaire de les examiner au fond pour statuer à leur sujet.

Observations complémentaires de l’État partie sur la recevabilité

6.1Dans une note du 18 mars 2005, l’État partie insiste sur le fait que la requête devrait être déclarée irrecevable pour non‑épuisement des recours internes. Il conteste l’argument de l’auteur, qui affirme que les demandes soumises au Gouvernement et à l’Ombudsman (Médiateur) du Parlement suédois peuvent se substituer à un recours devant les juridictions ordinaires aux fins de l’épuisement des recours internes. Une requête devant le Gouvernement est un recours extraordinaire qui ne saurait remplacer un appel formé auprès des juridictions ordinaires. L’État partie rappelle que la Commission européenne des droits de l’homme a conclu que le requérant aurait pu formuler l’essentiel de ses griefs au stade des procédures judiciaires dont il a fait l’objet, ainsi qu’en dernier ressort dans le cadre d’un recours devant la Cour suprême. L’État partie fait valoir que si la Commission européenne des droits de l’homme a jugé que la requête du requérant auprès du Gouvernement ne pouvait pas être considérée comme un recours aux fins de la recevabilité, le Comité devrait faire de même.

6.2Les demandes présentées à l’Ombudsman (Médiateur) du Parlement ne peuvent compenser le fait que le requérant a omis d’interjeter appel de la décision d’expulsion. L’Ombudsman n’est pas compétent pour annuler une décision judiciaire; par conséquent, on peut difficilement considérer qu’une plainte devant cette instance constitue un recours utile.

6.3En ce qui concerne les autres circonstances invoquées par le requérant, l’État partie rappelle qu’aux termes de l’alinéa b du paragraphe 5 de l’article 22 de la Convention et de l’article 107 du Règlement intérieur, seuls deux motifs sont susceptibles de justifier une dérogation à l’obligation d’épuiser les recours internes: si les procédures de recours disponibles excèdent des délais raisonnables ou s’il est peu probable qu’elles donneront satisfaction. L’État partie maintient qu’il n’y a aucune raison de conclure que l’un ou l’autre de ces motifs s’applique en l’espèce. Il rappelle que le Comité a fait observer qu’en principe il ne lui appartenait pas d’évaluer les perspectives de succès des recours internes mais uniquement d’examiner si ces recours étaient appropriés aux fins recherchées par un requérant. L’État partie rappelle également qu’en 1993 la Cour d’appel de Svea avait rendu une décision en faveur du requérant et a annulé la première ordonnance d’expulsion dont il avait fait l’objet.

6.4En ce qui concerne l’argument du requérant selon lequel il aurait préféré ne pas contester la décision d’expulsion par crainte de voir sa peine d’emprisonnement alourdie arbitrairement si l’ordonnance était annulée, l’État partie considère qu’il ne s’agit pas là d’un critère permettant d’apprécier si le recours en appel était susceptible de donner ou non satisfaction. Dans la mesure où la contestation de l’ordonnance d’expulsion est directement fondée sur l’existence d’un risque présumé de torture, la présente requête deviendrait sans objet si l’ordonnance était annulée. L’État partie fait observer en outre qu’en vertu du Code pénal suédois une ordonnance d’expulsion constitue un facteur de réduction de la peine imposable. Si l’ordonnance d’expulsion avait été annulée, la peine imposée aurait été alourdie. En tout état de cause, une peine est fixée en fonction de la gravité de l’infraction commise et ne peut être qualifiée d’«arbitraire» ou de «disproportionnée».

6.5En ce qui concerne l’état psychologique du requérant au moment où le tribunal de district d’Uppsala a rendu sa décision, qui l’aurait selon lui empêché de faire appel, l’État partie relève qu’il ne s’agit pas là d’une circonstance susceptible de dispenser le requérant de l’obligation d’épuiser les recours internes.

6.6L’État partie réaffirme que la requête devrait être déclarée irrecevable du fait que la «même question» a été examinée par une autre instance internationale d’enquête ou de règlement et qu’elle est en outre manifestement dénuée de fondement. [Il conteste l’argument du requérant, selon lequel l’ordonnance d’expulsion est prescrite au titre de la loi sur les étrangers parce qu’elle n’a pas été exécutée dans un délai de quatre ans. Selon l’État partie, le délai de quatre ans n’est pas applicable aux décisions des juridictions ordinaires.]

Délibérations du Comité concernant la recevabilité

7.1Avant d’examiner une plainte soumise dans une requête, le Comité contre la torture doit déterminer si cette requête est recevable en vertu de l’article 22 de la Convention.

7.2Le Comité a pris note de l’argument du requérant, qui affirme avoir préféré ne pas interjeter appel de la décision rendue en 1997 par le tribunal de district d’Uppsala parce qu’il risquait une peine plus lourde en cas d’annulation de l’ordonnance d’expulsion. Le Comité relève également que, selon le requérant, cette crainte n’était pas simplement subjective mais inspirée au contraire par l’expérience qu’il avait vécue en 1993, lorsque la durée de sa peine d’emprisonnement avait été augmentée. Cependant, puisque la Cour d’appel a annulé l’ordonnance d’expulsion en 1993, le Comité estime que le requérant n’a pas suffisamment démontré, aux fins de la recevabilité, qu’un recours en appel pour faire annuler l’ordonnance d’expulsion de 1997 aurait été inutile. Le Comité ne considère pas davantage que le fait de former des recours tels que des requêtes devant le Gouvernement ou du Parlement ait dispensé le requérant de l’obligation d’utiliser tous les recours judiciaires qui lui étaient ouverts devant les juridictions ordinaires pour contester la décision relative à son expulsion. De même, les problèmes psychologiques et émotionnels dont il aurait souffert lorsque le tribunal de district d’Uppsala a décidé pour la seconde fois de l’expulser (en 1997) ne le dispensaient pas de l’obligation d’épuiser les recours internes. Le Comité conclut que, dans ces conditions, la requête est irrecevable pour non‑épuisement des recours internes, conformément à l’alinéa b du paragraphe 5 de l’article 22 de la Convention.

7.3Ayant conclu que la requête est irrecevable pour la raison susmentionnée, le Comité considère qu’il n’est pas nécessaire d’examiner les autres motifs d’irrecevabilité invoqués par l’État partie.

8.Le Comité décide:

a)Que la requête est irrecevable au titre de l’alinéa b du paragraphe 5 de l’article 22 de la Convention;

b)Que la présente décision sera communiquée à l’État partie et au requérant.

Communication n o 273/2005

Présentée par:

Thu Aung (représenté par un conseil)

Au nom de:

Thu Aung

État partie:

Canada

Date de la requête:

13 juillet 2005 (lettre initiale)

Le Comité contre la torture, institué en vertu de l’article 17 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,

Réuni le 15 mai 2006,

Ayant achevé l’examen de la requête no 273/2005 présentée au nom de Thu Aung en vertu de l’article 22 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,

Ayant tenu compte de toutes les informations qui lui ont été communiquées par le requérant, son conseil et l’État partie,

Adopte la décision au titre de l’article 22 de la Convention ci‑après:

1.1Le requérant est M. Thu Aung, ressortissant du Myanmar, né le 8 janvier 1978 à Yangon (Myanmar) et résidant actuellement au Canada, où il risque d’être expulsé. Il affirme que son retour forcé au Myanmar constituerait une violation par le Canada des articles 3 et 16 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Il est représenté par un conseil.

1.2Conformément au paragraphe 3 de l’article 22 de la Convention, le Comité a porté la requête à l’attention de l’État partie le 15 juillet 2005 et lui a demandé, en vertu du paragraphe 1 de l’article 108 de son règlement intérieur, de ne pas expulser le requérant vers le Myanmar tant que sa requête serait à l’examen. Cette demande était motivée par les éléments d’information figurant dans la requête du requérant et l’État partie pouvait demander à ce qu’elle soit reconsidérée sur la base de nouveaux renseignements ou de nouvelles observations de sa part ou de celle du requérant.

1.3Par une lettre datée du 21 décembre 2005, l’État partie a demandé que la recevabilité de la requête soit examinée séparément du fond. Le 26 janvier 2006, le Rapporteur spécial chargé des nouvelles requêtes et des mesures provisoires de protection a accédé à cette demande, conformément au paragraphe 3 de l’article 109 du Règlement intérieur du Comité.

Rappel des faits présentés par le requérant

2.1En 1998, alors qu’il étudiait à l’Université de Hlaing, au Myanmar, le requérant a participé à des manifestations d’étudiants. En novembre 1998, il a participé à une manifestation au cours de laquelle il a été arrêté et interrogé. En détention, il aurait été obligé par des policiers à signer un document stipulant que, s’il était à nouveau surpris se livrant à des activités antigouvernementales, il serait placé en détention pour toujours. Une fois relâché, il a été interrogé à plusieurs occasions. Il savait que les autorités surveillaient ses activités. En 2001, il a distribué des documents concernant des violations des droits de l’homme, sans faire partie d’une organisation de lutte pour la démocratie. Il n’a pas été pris en train de distribuer ces documents. En 2001, un ami du requérant a fondé une «association de football» et lui a demandé d’y adhérer. Le requérant a accepté et a recruté d’autres membres pour jouer au football. À l’époque, de telles associations n’étaient pas autorisées au Myanmar.

2.2En janvier 2002, le requérant a obtenu un visa pour étudier l’anglais à la Global Village School de Vancouver, au Canada. Il est arrivé au Canada le 14 décembre 2002 avec un visa d’étudiant.

2.3En février 2003, il a demandé le statut de réfugié après que sa mère l’a informé que le Gouvernement du Myanmar le recherchait parce qu’il avait distribué des documents antigouvernementaux. Sa mère lui a dit aussi que les autorités avaient arrêté son père et l’avaient interrogé au sujet de ses activités et qu’un de ses amis avait été arrêté.

2.4La demande d’asile déposée par le requérant a été rejetée le 25 septembre 2003. Le conseil explique que le requérant n’a pas précisé en déposant sa demande qu’il était membre d’une association de football car il pensait que, dans le cadre d’une telle demande, les «organisations pertinentes» étaient censées être des organisations politiques et non des organisations sportives. Il ne pensait pas à l’époque qu’il courait un risque du fait de son appartenance à l’association de football; ce n’est que plus tard qu’il a appris qu’il était sous le coup d’un mandat d’arrêt pour cette raison. Le 20 juillet 2004, il a demandé à bénéficier de la procédure d’examen des risques avant renvoi et présenté de nouveaux éléments de preuve, à savoir une lettre de son père et une copie du mandat d’arrêt le concernant, daté du 29 décembre 2003. Sa demande a été rejetée le 17 septembre 2004. Lors de l’audience, le 29 septembre 2004, il lui a été conseillé de rentrer dans son pays avant le 7 octobre 2004 et s’est vu proposer un itinéraire de retour au Myanmar. Son départ du Canada a été fixé au 26 octobre 2004.

2.5Le 14 octobre 2004, le requérant a présenté devant la Cour fédérale du Canada une demande d’autorisation et de contrôle judiciaire de la décision concernant l’examen des risques avant renvoi. Cette demande devait être examinée le 25 octobre 2004. Dans l’intervalle, le 22 octobre 2004, le requérant et le Ministre de la citoyenneté et de l’immigration ont conclu un accord aux termes duquel le requérant était prié de présenter avant le 5 novembre 2004 de nouveaux éléments à l’appui de sa demande d’examen des risques avant renvoi. Ce délai a été prolongé jusqu’au 26 novembre 2004 et un sursis à expulsion a été accordé le 22 octobre 2004. La deuxième demande d’examen des risques avant renvoi a été rejetée le 8 juin 2005. Le requérant a été informé qu’il devait avoir terminé ses préparatifs de départ le 18 juin 2005. Il a présenté à la Cour fédérale, le 30 juin 2005, une demande d’autorisation et de contrôle judiciaire de la décision relative à cette nouvelle demande, puis, le 8 juillet 2005, une demande de sursis à expulsion. Dans l’intervalle, il a été informé par l’Agence canadienne des services frontaliers qu’un document de voyage à destination du Myanmar avait été établi à son nom et qu’il devait être expulsé le 18 juillet 2005.

2.6Le 15 juillet 2005, la Cour fédérale a accordé le sursis à exécution de l’arrêté d’expulsion, au motif que l’agent qui avait procédé à l’examen de la demande d’examen des risques avant renvoi avait accordé peu de poids au mandat d’arrêt et n’avait pas clairement indiqué si le mandat était authentique ou pas.

2.7Compte tenu de cette décision, le 3 août 2005, le Rapporteur spécial chargé des nouvelles requêtes et des mesures provisoires de protection a levé les mesures provisoires de protection précédemment décidées par le Comité.

Teneur de la plainte

3.1Le requérant fait valoir qu’il court le risque d’être arrêté arbitrairement, brutalisé et torturé s’il était renvoyé au Myanmar, où les violations des droits de l’homme au sens du paragraphe 2 de l’article 3 de la Convention seraient fréquentes.

3.2Le conseil renvoie au rapport du Département d’État des États‑Unis sur le Myanmar (2004) et aux informations fournies par cet organisme sur les violations des droits de l’homme dans ce pays, et notamment au fait qu’en janvier 2004 sept étudiants qui avaient formé une association illégale de football ont été condamnés à des peines allant de 7 à 15 ans de prison. Il fournit également des rapports de sources non gouvernementales contenant des informations sur la situation des droits de l’homme au Myanmar indiquant que les personnes soupçonnées d’activités politiques prodémocratie sont assassinées, arrêtées ou détenues sans jugement. Il renvoie au témoignage d’un responsable des programmes de formation médicale du Comité international de secours, qui confirme que le Gouvernement du Myanmar arrête régulièrement les personnes expulsées dont il estime qu’elles ont quitté le Myanmar pour des raisons politiques.

3.3Le requérant fait valoir qu’il joue un rôle actif dans des groupes birmans prodémocratie depuis son arrivée au Canada. Il fait notamment partie de l’Action Committee for Free Burmaet soutient la National League for Democracy, le Burmese Children Fundet la Myanmar Heritage Cultural Association. Il fait actuellement l’objet d’un mandat d’arrêt au Myanmar pour avoir été membre d’une association de football. En outre, il fait valoir que le fait que les autorités canadiennes ont demandé et reçu un passeport à son nom a alerté les autorités du Myanmar.

Observations de l’État partie sur la recevabilité

4.1Dans une lettre datée du 21 décembre 2005, l’État partie conteste la recevabilité de la communication pour deux raisons. Premièrement, il estime que le requérant n’a pas épuisé les recours internes. Le 26 octobre 2005, la Cour fédérale a fait droit à la demande du requérant visant à obtenir l’autorisation de faire réexaminer la décision concernant l’examen des risques avant renvoi. L’audience relative à la demande de contrôle judiciaire a été fixée au 24 janvier 2006. S’il obtient satisfaction, le requérant bénéficiera d’un nouvel examen des risques avant renvoi. Dans le cas contraire, il pourra faire appel de la décision de la Cour fédérale devant la Cour d’appel fédérale si le juge de la Cour fédérale certifie que l’affaire soulève une question grave de portée générale au sens de l’article 74 d) de la loi sur l’immigration et la protection des réfugiés. Les décisions de la Cour d’appel fédérale sont, sous réserve d’autorisation, susceptibles d’appel devant la Cour suprême du Canada. En outre, si le contrôle judiciaire ne lui donne pas satisfaction, le requérant peut demander un nouvel examen des risques avant renvoi en invoquant tout nouvel élément apparu depuis la dernière décision. Il ne bénéficierait pas dans ce cas d’un sursis légal à expulsion mais il pourrait demander un sursis judiciaire à expulsion dans l’attente de l’examen de sa demande. L’État partie, faisant référence à la jurisprudence du Comité, souligne que le contrôle judiciaire est largement et constamment considéré comme un recours utile.

4.2L’État partie estime, contrairement à la jurisprudence du Comité, que la procédure d’examen des risques avant renvoi est une voie de recours utile qui devrait être épuisée. Il note que le requérant ne sera pas expulsé durant l’examen. S’il obtient satisfaction, le requérant sera protégé et, à moins d’un grave problème de sécurité, il pourra demander le statut de résident permanent et, à terme, la nationalité canadienne. L’État partie estime également que la procédure d’examen des risques avant renvoi est plus complète que l’évaluation des risques des «demandeurs non reconnus du statut de réfugié», qui avait été considérée comme un recours utile par le Comité des droits de l’homme. Il considère que la décision du Comité dans l’affaire Falcon Ríos était fondée sur des conclusions erronées selon lesquelles, dans le cadre de la demande d’examen des risques avant renvoi, «seuls les nouveaux éléments de preuve éventuels sont pris en considération et qu’autrement le recours est rejeté». Il est exact qu’en vertu de l’article 113 a) de la loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, «le demandeur d’asile débouté ne peut présenter que des éléments de preuve survenus depuis le rejet ou qui n’étaient alors pas normalement accessibles ou, s’ils l’étaient, qu’il n’était pas raisonnable, dans les circonstances, de s’attendre à ce qu’il les ait présentés au moment du rejet». Cependant, l’État partie souligne que la Cour fédérale a accordé des dérogations à des personnes dont les demandes de protection avaient été rejetées avant l’entrée en vigueur de la loi. Les demandes d’examen des risques avant renvoi sont examinées par des fonctionnaires spécialement formés, qui ont pour instruction de tenir compte de la Charte canadienne des droits et libertés et des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme. En outre, l’État partie ajoute que, contrairement à ce qu’affirme le Comité dans sa jurisprudence, les fonctionnaires chargés d’examiner les demandes sont indépendants et impartiaux, ainsi qu’il ressort de la jurisprudence de la Cour fédérale du Canada. En outre, il soutient que l’examen des risques avant renvoi est un recours régi par des normes de protection et une procédure strictement réglementée, conformément à des directives approfondies et détaillées. Il peut faire l’objet d’un contrôle judiciaire et rien ne permet d’affirmer qu’un recours discrétionnaire ne peut être un recours utile aux fins de la recevabilité.

4.3En outre, le requérant n’a pas encore présenté de demande d’examen de son cas pour raisons humanitaires, ce qui serait également, selon l’État partie, une voie de recours disponible et utile. L’évaluation d’une demande d’examen pour raisons humanitaires, en vertu de l’article 25 de la loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, est un examen discrétionnaire approfondi au cours duquel un fonctionnaire détermine si le demandeur devrait recevoir le statut de résident permanent au Canada pour raisons humanitaires. Pour ce faire, il cherche à savoir si l’intéressé rencontrerait des difficultés inhabituelles, injustes ou excessives en demandant un visa de résident permanent depuis l’étranger. Le fonctionnaire chargé de l’évaluation tient compte de tous les éléments pertinents, et notamment de l’argumentation écrite du demandeur. Une demande d’examen pour motifs humanitaires peut être fondée sur des allégations de risque. Dans ce cas, le fonctionnaire évalue les risques que le demandeur court dans le pays vers lequel il serait renvoyé, et tient, notamment, compte du risque de traitement excessivement dur ou inhumain, ainsi que de la situation actuelle du pays. S’il est fait droit à sa demande, l’intéressé se voit accorder, sous réserve d’examens médicaux et de vérifications de sécurité, le statut de résident permanent qui peut, à terme, conduire à l’obtention de la citoyenneté canadienne.

4.4L’État partie estime, contrairement à la jurisprudence du Comité, que la demande d’examen pour raisons humanitaires est aussi une voie de recours utile qui devrait être épuisée. Il fait valoir que le simple fait qu’un recours soit discrétionnaire ne veut pas forcément dire qu’il n’est pas utile. Il invoque un arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme dans lequel la Cour a estimé qu’en accordant aux personnes dont la demande de statut de réfugié avait été rejetée la possibilité d’introduire un recours discrétionnaire pour éviter d’être expulsées alors qu’elles couraient un risque réel d’être torturées, l’Allemagne satisfaisait aux obligations qui lui incombaient en vertu de l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme. En outre, même si la décision relative aux demandes d’examen pour raisons humanitaires est en principe discrétionnaire, elle est en fait guidée par des normes et des procédures et doit être conforme à la Charte canadienne des droits et libertés et aux obligations internationales du Canada. En cas de rejet de la demande, la personne peut introduire une demande d’autorisation et de contrôle judiciaire devant la Cour fédérale selon la norme de la «décision raisonnable simpliciter». Cette «discrétion» est donc loi d’être absolue.

4.5L’État partie conteste l’argument exprimé par le Comité dans l’affaire Falcon Ríos, selon lequel «conformément au principe de l’épuisement des recours internes, le requérant est tenu d’engager des recours qui soient directement en rapport avec le risque d’être soumis à la torture dans le pays où il serait envoyé et non pas des recours qui pourraient lui permettre de rester dans le pays où il se trouve». L’État partie fait valoir que l’article 3 de la Convention oblige les États à ne pas expulser, refouler ou extrader une personne vers un autre État où il y a des motifs sérieux de croire qu’elle risque d’être soumise à la torture. Si un individu est autorisé à rester au Canada, il s’ensuit qu’il ne sera pas renvoyé vers le pays où il prétend courir des risques. La raison pour laquelle une personne n’est pas expulsée ne devrait pas importer. L’État partie invoque la décision du Comité dans l’affaire A. R. c. Suède, dans laquelle il a estimé qu’une demande de permis de séjour, qui pouvait être motivée par des raisons humanitaires mais pour laquelle le risque de torture pouvait être pris en compte, était un recours à épuiser aux fins de la recevabilité. L’État partie fait valoir que, puisqu’une demande d’examen pour raisons humanitaires peut aussi se fonder sur le risque que le demandeur court dans le pays vers lequel il serait renvoyé et être approuvée sur la base de ce risque, les conditions fixées par le Comité sont remplies.

4.6Deuxièmement, le requérant ne risquant pas d’être immédiatement expulsé, la communication est également irrecevable au titre du paragraphe 2 de l’article 22 de la Convention et de l’article 107 c) du Règlement intérieur du Comité, puisqu’elle est incompatible avec l’article 3 de la Convention et manifestement dénuée de fondement au titre de l’article 107 b) du Règlement intérieur.

4.7Dans une lettre datée du 10 février 2006, l’État partie informe le Comité qu’il a été fait droit, le 27 janvier 2006, à la demande de contrôle judiciaire présentée par l’auteur. Pendant la nouvelle procédure d’examen des risques avant renvoi, le requérant bénéficiera du sursis légal à expulsion et ne risque donc pas d’être renvoyé au Myanmar. La communication est donc non recevable au motif que tous les recours internes n’ont pas été épuisés.

Commentaires du requérant sur les observations de l’État partie concernant la recevabilité

5.1Dans une lettre datée du 12 février 2006, le conseil fait part de ses commentaires concernant les observations de l’État partie. Elle note que le requérant a présenté sa demande pour raisons humanitaires le 17 janvier 2006. Le 27 janvier 2006, la Cour fédérale a fait droit à la demande de contrôle judiciaire et transmis la demande d’examen des risques avant renvoi, pour évaluation par un nouveau fonctionnaire. De nouveaux éléments devaient être présentés le 17 mars 2006.

5.2Le requérant fait valoir que la procédure d’examen des risques avant renvoi n’est pas un recours utile aux fins de la recevabilité. Les fonctionnaires chargés d’examiner les demandes ont beau avoir reçu une formation spéciale, ils ne sont pas experts en documents officiels tels que les mandats d’arrêt et parviennent à des conclusions erronées à cet égard. Le fait qu’en l’espèce une telle erreur se soit produite lors du premier examen des risques avant renvoi prouve que cette procédure ne constitue pas un recours utile pour les personnes qui risquent d’être arrêtées dans un pays comme le Myanmar. Le requérant fait valoir également que, bien qu’il fasse l’objet d’une nouvelle procédure d’examen des risques avant renvoi, il ne peut pas être certain que le fonctionnaire chargé d’examiner son cas ne fera pas les mêmes erreurs en ce qui concerne le mandat d’arrêt et le risque encouru. Pour cette raison, le conseil affirme que le Comité doit déclarer la communication recevable. À titre subsidiaire, si le Comité estime que la communication n’est pas recevable, il doit suspendre sa décision jusqu’à la décision concernant le nouvel examen des risques avant renvoi.

Délibérations du Comité concernant la recevabilité

6.1Avant d’examiner une plainte soumise dans une requête, le Comité contre la torture doit déterminer si la requête est recevable en vertu de l’article 22 de la Convention. Le Comité s’est assuré que la même question n’a pas été et n’est pas actuellement examinée par une autre instance internationale d’enquête ou de règlement.

6.2Conformément au paragraphe 5 b) de l’article 22 de la Convention, le Comité n’examine aucune requête sans s’être assuré que le requérant a épuisé tous les recours internes disponibles; cette règle ne s’applique pas s’il est établi que les procédures de recours ont excédé des délais raisonnables ou s’il est peu probable, après un procès équitable, qu’elles donneraient satisfaction à la victime.

Le Comité note que l’État partie affirme que la requête doit être déclarée irrecevable en vertu du paragraphe 5 b) de l’article 22 de la Convention parce que les recours internes n’ont pas été épuisés et que le requérant a obtenu un sursis à expulsion et ne risque donc pas actuellement d’être expulsé. Il note aussi que la demande de statut de réfugié du requérant a été rejetée, que le requérant a déjà achevé deux procédures d’examen des risques avant renvoi en vertu de la loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, et qu’il a obtenu dans les deux cas un sursis à expulsion. Il relève aussi l’argument de l’État partie selon lequel lorsqu’une demande de statut de réfugié a été rejetée avant l’entrée en vigueur de la loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, la Cour fédérale a accordé des dérogations à ceux qui se trouvaient dans une situation analogue à celle du requérant, et l’examen des risques avant renvoi ne se limite donc pas aux nouveaux éléments apparus après le rejet de la demande de statut de réfugié. Le Comité rappelle que le requérant a ensuite introduit une demande d’autorisation et de contrôle judiciaire de la décision relative à sa deuxième demande d’examen des risques avant renvoi. Le 15 juillet 2005, la Cour fédérale du Canada lui a accordé un sursis à exécution au motif que le fonctionnaire qui avait examiné la demande précédente avait fait peu de cas du mandat d’arrêt et ne s’était pas prononcé clairement sur son authenticité. Enfin, le 27 janvier 2006, la Cour fédérale a fait droit à la demande de contrôle judiciaire et ordonné qu’un nouveau fonctionnaire examine la demande d’examen des risques avant renvoi. Le Comité estime que les décisions prises par la Cour fédérale étayent la thèse selon laquelle les demandes d’autorisation et de contrôle judiciaire ne sont pas de simples formalités et que la Cour fédérale peut, le cas échéant, examiner le fond de l’affaire.

Le Comité note également qu’en vertu de l’article 232 de la loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, le requérant ne risque pas d’être expulsé pendant le nouvel examen des risques avant renvoi. Il relève que le requérant n’a pas commenté les arguments de l’État partie concernant l’utilité de la procédure d’examen des risques avant renvoi, sauf pour affirmer qu’il ne pouvait être sûr qu’un troisième fonctionnaire chargé de l’examen des risques avant renvoi ne commettrait pas les mêmes erreurs concernant le mandat d’arrêt émis au Myanmar et les risques encourus dans ce pays. Il n’a pas prouvé que les procédures excéderaient des délais raisonnables ou qu’il est peu probable qu’elles lui donneraient satisfaction. Compte tenu de ce qui précède, le Comité estime, comme l’État partie, qu’en l’espèce, le requérant disposait d’un recours utile et efficace qu’il n’a pas épuisé. Il estime en outre que, le requérant ne risquant pas actuellement d’être expulsé, les conditions énoncées au paragraphe 5 b) de l’article 22 de la Convention n’ont pas été remplies.

6.5Compte tenu de ce qui précède, le Comité ne juge pas nécessaire d’examiner si la demande pour raisons humanitaires constitue un recours disponible et utile.

6.6Compte tenu de ce qui précède, le Comité estime que les recours internes n’ont pas été épuisés, conformément au paragraphe 5 b) de l’article 22 de la Convention.

7.En conséquence, le Comité décide:

a)Que la communication est irrecevable;

b)Que la présente décision sera communiquée aux auteurs de la communication et à l’État partie.

Notes