Burundi

Rapport initial

CAT/C/BDI/1

Guyana

Rapport initial

CAT/C/GUY/1

Hongrie

Quatrième rapport périodique

CAT/C/55/Add.10

Mexique

Quatrième rapport périodique

CAT/C/55/Add.12

Fédération de Russie

Quatrième rapport périodique

CAT/C/55/Add.11

Afrique du Sud

Rapport initial

CAT/C/52/Add.3

Tadjikistan

Rapport initial

CAT/C/TJK/1

26. À sa trente-huitième session, le Comité était saisi des rapports ci ‑après:

Danemark

Cinquième rapport périodique

CAT/C/81/Add.2

Italie

Quatrième rapport périodique

CAT/C/67/Add.3

Japon

Rapport initial

CAT/C/JPN/1

Luxembourg

Cinquième rapport périodique

CAT/C/81/Add.5

Pays-Bas

Quatrième rapport périodique

CAT/C/67/Add.4

Pologne

Quatrième rapport périodique

CAT/C/67/Add.5

Ukraine

Cinquième rapport périodique

CAT/C/81/Add.1

27. Conformément à l’article 66 de son règlement intérieur, le Comité a invité des représentants de tous les États parties qui présentaient des rapports à assister aux séances au cours desquelles leur rapport était examiné. Tous les États parties concernés ont envoyé des représentants, qui ont participé à l’examen de leur rapport. Le Comité les en a remerciés dans ses conclusions et recommandations.

28. Un rapporteur et un corapporteur ont été désignés pour chacun des rapports examinés. On en trouvera la liste à l’annexe VI du présent rapport.

29. Dans le cadre de l’examen des rapports, le Comité était également saisi des documents suivants:

a) Directives générales concernant la forme et le contenu des rapports initiaux que les États parties doivent présenter en application du paragraphe 1 de l’article 19 de la Convention (CAT/C/4/Rev.2);

b) Directives générales concernant la forme et le contenu des rapports périodiques que les États parties doivent présenter en application de l’article 19 de la Convention (CAT/C/14/Rev.1).

30. Le Comité a adopté une nouvelle présentation pour les directives, à la suite des consultations tenues à la réunion intercomités et à la réunion des présidents des organes créés en vertu d’instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme. Le texte des conclusions et recommandations adoptées par le Comité à l’issue de l’examen des rapports des États parties susmentionnés figure ci-après.

31. Le Comité publie des listes de points à traiter depuis 2004 conformément à une demande formulée par des représentants d’États parties lors d’une réunion tenue avec les membres du Comité. Tout en comprenant le souci des États parties de recevoir à l’avance la liste des points susceptibles d’être examinés au cours du dialogue, le Comité tient à souligner que l’élaboration de telles listes a considérablement augmenté sa charge de travail. C’est là un fait dont il y a lieu de tenir compte dans le cas d’un organe conventionnel qui compte peu de membres.

32. Burundi

1) Le Comité a examiné le rapport initial du Burundi ( CAT/C/BDI/1 ) à ses 730 e et 733 e  séances, les 9 et 10 novembre 2006 (CAT/C/SR.730 et 733), et a adopté les conclusions et recommandations suivantes à sa 745 e séance, le 20 novembre 2006 (CAT/C/SR.745).

A. Introduction

2) Le Comité se félicite de la présentation du rapport initial du Burundi, qui est conforme aux directives générales du Comité pour l’établissement de rapports initiaux, tout en regrettant qu’il ait été soumis avec treize ans de retard. Le Comité prend note avec satisfaction de la franchise avec laquelle l’État partie reconnaît les lacunes de sa législation en matière d’éradication et de prévention de la torture. Il apprécie en outre l’effort réalisé par l’État partie pour identifier les mesures nécessaires afin d’y remédier. Le Comité se félicite également du dialogue constructif engagé avec la délégation de haut niveau envoyée par l’État partie, ainsi que des réponses apportées aux questions posées au cours de ce dialogue.

B. Aspects positifs

3) Le Comité se réjouit de la signature du cessez-le-feu entre le Gouvernement et les Forces nationales de libération (FNL), le 7 septembre 2006, mettant ainsi un terme au conflit armé qui a sévi au Burundi pendant près de treize ans.

4) Le Comité prend note de la déclaration faite par la délégation de l’État partie concernant le projet de révision du Code pénal et de l’intention d’y incorporer des dispositions portant criminalisation des actes de torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, y compris les violences à l’égard des femmes et des enfants. Par ailleurs, le Comité se félicite de la déclaration de la délégation selon laquelle le Code de procédure pénale sera également révisé au cours de l’année 2007.

5) Le Comité se félicite de la création du Ministère de la solidarité nationale, des droits de la personne humaine et du genre, de la Commission gouvernementale des droits de la personne humaine et du Centre de promotion des droits de l’homme et de la prévention du génocide.

6) Le Comité prend note de l’annonce par la délégation selon laquelle l’État partie envisage de ratifier le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

7) Le Comité accueille avec satisfaction l’annonce par la délégation de l’État partie de la récente ratification du Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant l’implication des enfants dans les conflits armés, et du Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants.

C. Sujets de préoccupation et recommandations

8) Tout en accueillant avec satisfaction le projet de révision du Code pénal dans lequel devrait figurer une définition de la torture, ainsi que l’a indiqué la délégation de l’État partie, le Comité est préoccupé par l’absence de dispositions portant définition explicite de la torture dans le Code pénal en vigueur et l’érigeant en infraction pénale, conformément aux articles 1 er et 4 de la Convention. Le Comité est également préoccupé par le manque de clarté quant au statut de la Convention dans le droit interne burundais et le fait qu’elle ne soit pas invoquée devant les autorités judiciaires et administratives compétentes (art. 1 er et 4).

L’État partie devrait prendre des mesures urgentes afin d’intégrer dans son Code pénal une définition de la torture conforme à l’article premier de la Convention, ainsi que des dispositions érigeant en infraction les actes de torture et les rendant passibles de sanctions pénales proportionnelles à la gravité des actes commis. L’État partie devrait également clarifier le statut de la Convention dans son droit interne de manière à permettre à toute personne qui prétend avoir été soumise à la torture d’invoquer celle-ci devant les autorités judiciaires et administratives compétentes.

9) Tout en saluant le projet de réforme de l’appareil judiciaire burundais annoncé par la délégation de l’État partie, le Comité constate avec préoccupation que les dispositions relatives à la garde à vue du Code de procédure pénale en vigueur ne prévoient pas explicitement la notification des droits, y compris la présence d’un avocat dès les premières heures de la garde à vue et l’examen médical de la personne gardée à vue. Le Comité est également préoccupé par l’absence de dispositions prévoyant l’aide juridictionnelle aux personnes démunies. Par ailleurs, le Comité s’inquiète de la durée de la garde à vue qui peut aller jusqu’à quatorze jours, délai non conforme aux normes internationales généralement acceptées en la matière. Enfin, le Comité est vivement préoccupé par des informations faisant état de plusieurs centaines de cas de détentions illégales dues au dépassement du délai de la garde à vue autorisé par la loi (art. 2 et 11).

L’État partie devrait réformer les dispositions du Code de procédure pénale en matière de garde à vue, de façon à assurer une prévention efficace des atteintes à l’intégrité physique et mentale des personnes gardées à vue, notamment en garantissant leur droit à l’ habeas corpus , le droit d’informer un proche et celui de consulter un avocat et un médecin de leur choix ou un médecin indépendant dès les premières heures de la garde à vue, ainsi que l’accès à l’aide juridictionnelle pour les personnes les plus démunies.

L’État partie devrait par ailleurs rendre la pratique de la détention provisoire conforme aux normes internationales relatives à un procès équitable et faire en sorte que justice soit rendue dans un délai raisonnable.

10) Le Comité est alarmé par les informations reçues faisant état d’une pratique généralisée de la torture dans l’État partie. En effet, d’après ces informations, plusieurs centaines de cas de torture auraient été recensés entre juillet 2005 et juillet 2006, fait qui n’a pas été contesté par la délégation de l’État partie. En outre, le Comité est vivement préoccupé par les informations reçues concernant un nombre élevé de disparitions forcées, d’arrestations arbitraires et de détentions au secret, dont les principaux auteurs seraient les agents du Service national de renseignement (SNR). À cet effet, le Comité s’inquiète du double mandat du SNR, organe chargé de la sécurité de l’État, faisant également office de police judiciaire, ce qui comporte un risque d’instrumentalisation de cette entité comme moyen de répression politique (art. 2).

L’État partie devrait prendre des mesures législatives, administratives et judiciaires effectives pour prévenir tout acte de torture et tout mauvais traitement dans tout territoire sous sa juridiction, y compris en s’assurant que le personnel militaire n’est en aucun cas associé à l’arrestation et à la détention de civils. L’État partie devrait prendre des mesures urgentes pour que tout lieu de détention soit sous autorité judiciaire et pour empêcher ses agents de procéder à des détentions arbitraires et de pratiquer la torture. Il devrait en outre intégrer dans sa législation interne une disposition établissant clairement que l’ordre d’un supérieur ou d’une autorité publique ne peut être invoqué pour justifier la torture.

Par ailleurs, l’État partie devrait clarifier de toute urgence le mandat du Service national de renseignement (SNR) dans le cadre de la réforme de l’appareil judiciaire en cours de manière à éviter toute instrumentalisation de cet organe comme moyen de répression politique et retirer à ces agents la qualité d’officiers de police judiciaire.

11) Le Comité est alarmé par les informations reçues faisant état de violences sexuelles à grande échelle à l’égard des femmes et des enfants par des agents de l’État et des membres de groupes armés et le recours au viol systématique comme arme de guerre, ce qui constitue un crime contre l’humanité. À cet égard, selon des informations reçues, un nombre important de victimes de viols auraient été identifiées entre octobre 2005 et août 2006. Par ailleurs, le Comité est vivement préoccupé par l’impunité apparente dont bénéficient les auteurs de ces actes. Le Comité est également préoccupé par le règlement extrajudiciaire ou amiable des affaires de viol, y compris par les autorités administratives, privilégiant des pratiques telles que le mariage entre le violeur et sa victime (art. 2, 4, 12 et 14).

L’État partie devrait prendre des mesures énergiques en vue d’éliminer l’impunité dont bénéficient les auteurs d’actes de torture et de mauvais traitements, fussent-ils des agents de l’État ou des acteurs non étatiques, de mener des enquêtes promptes, impartiales et complètes, de juger les auteurs de ces actes et les condamner à des peines proportionnelles à la gravité des actes commis, s’ils sont reconnus coupables, et indemniser convenablement les victimes. Par ailleurs, l’État partie devrait garantir à ces dernières l’accès aux moyens nécessaires à leur réadaptation la plus complète possible.

L’État partie devrait prendre les mesures nécessaires pour intégrer dans son Code pénal une disposition criminalisant les actes de violence, y compris la violence dans la famille et les violences sexuelles, en particulier le viol, conformément à l’article 4 de la Convention.

12) Le Comité est préoccupé par la situation de dépendance de fait du pouvoir judiciaire au pouvoir exécutif qui constitue un obstacle majeur à l’ouverture immédiate d’une enquête impartiale lorsqu’il y a de sérieux motifs de croire qu’un acte de torture a été commis sur tout territoire sous sa juridiction. À cet effet, le Comité est préoccupé par la décision du Procureur général infirmant la décision de la Cour suprême selon laquelle les sept personnes détenues dans le cadre de la tentative de coup d’État présumé, y compris l’ancien Président de la période de transition, M. Domitien Ndayizeye, auraient dû être libérées sous caution . Le Comité s’inquiète également des informations alléguant que plusieurs des détenus auraient été torturés. Enfin, le Comité est préoccupé par le fait que le Procureur général puisse, en certaines occasions, influer sur des décisions de justice (art. 2 et 12).

L’État partie devrait adopter des mesures efficaces visant à garantir l’indépendance du pouvoir judiciaire, en conformité avec les normes internationales y relatives. L’État partie devrait par ailleurs procéder à une enquête immédiate et impartiale, suite aux informations selon lesquelles plusieurs personnes détenues dans le cadre de la tentative de coup d’État présumé auraient été soumises à la torture. L’État partie devrait également respecter son obligation de se conformer aux décisions de la Cour suprême.

13) Le Comité prend note de la déclaration de la délégation selon laquelle l’État partie envisage de relever l’âge de la responsabilité pénale de 13 à 15 ans. Le Comité est néanmoins préoccupé par l’absence d’un système de justice pour mineurs, les enfants étant souvent soumis aux mêmes procédures que les adultes. À cet effet, il constate avec préoccupation que l’enfant accusé d’avoir commis une infraction pénale est obligé d’attendre très longtemps avant de passer en jugement et que la durée de la détention provisoire de l’enfant excède fréquemment la durée de la peine maximale de prison qui peut lui être infligée s’il est reconnu coupable (art. 2).

L’État partie devrait prendre les mesures nécessaires pour relever l’âge minimum de la responsabilité pénale de façon à le rendre conforme aux normes internationales généralement acceptées en la matière. L’État partie devrait également garantir le bon fonctionnement d’un système judiciaire pour mineurs leur accordant un traitement en rapport avec leur âge, en conformité avec l’Ensemble de règles minima des Nations Unies concernant l’administration de la justice pour mineurs (Règles de Beijing), les Principes directeurs des Nations Unies pour la prévention de la délinquance juvénile (Principes directeurs de Riyad) et les Règles des Nations Unies pour la protection des mineurs privés de liberté (Règles de Tokyo).

14) Le Comité note le projet de loi nationale d’asile, élaboré avec l’assistance technique du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés, qui établit une Commission nationale pour les réfugiés, habilitée à exercer la protection juridique et administrative des réfugiés et demandeurs d’asile. Le Comité prend également note de la déclaration de la délégation selon laquelle seuls les réfugiés et les requérants d’asile souhaitant rentrer volontairement dans leur pays d’origine sont invités à le faire. Le Comité est néanmoins préoccupé par le renvoi massif de quelque 8 000 requérants d’asile rwandais, en juin 2005, dans leur pays d’origine. Par ailleurs, le Comité s’inquiète du fait que des requérants d’asile ou des réfugiés du Rwanda et de la République Démocratique du Congo pourraient être renvoyés dans leur pays d’origine en dépit du risque qu’ils courent d’être soumis à la torture, en raison de l’absence d’une procédure d’extradition (art. 3).

L’État partie devrait prendre les mesures législatives, et toute autre mesure nécessaire, interdisant l’expulsion, le refoulement ou l’extradition de personnes vers un autre État où il y a des motifs sérieux de croire qu’elles risquent d’être soumises à la torture, conformément à l’article 3 de la Convention. L’État partie devrait en outre garantir le respect absolu de leur intégrité physique et psychique. Par ailleurs, l’État partie devrait prendre les mesures nécessaires pour adopter une législation sur la protection des apatrides de manière à les protéger de l’expulsion, du refoulement ou de l’extradition.

15) Le Comité note que le Burundi subordonne l’extradition à l’existence d’un traité d’extradition. Il demeure néanmoins préoccupé par le fait que l’État partie, lorsqu’il est saisi d’une demande d’extradition par un autre État partie avec lequel il n’est pas lié par un traité d’extradition, n’invoque pas la présente Convention comme constituant une base juridique de l’extradition en ce qui concerne les infractions visées à l’article 4 de la Convention (art. 8).

L’État partie devrait prendre les mesures législatives et administratives voulues pour que la présente Convention puisse être invoquée comme constituant une base juridique de l’extradition, en ce qui concerne les infractions visées à l’article 4 de la Convention, lorsqu’il est saisi d’une demande d’extradition émanant d’un autre État partie avec lequel il n’est pas lié par un traité d’extradition, tout en respectant les dispositions de l’article 3 de la Convention.

16) Le Comité est préoccupé par le fait que la formation du personnel chargé de l’application des lois est insuffisante, étant donné que son contenu n’est pas axé sur l’éradication et la prévention de la torture. Par ailleurs, les nombreuses allégations d’actes de torture et de traitements cruels, inhumains ou dégradants reçues par le Comité démontrent la portée limitée de cette formation (art. 10).

L’État partie devrait:

a) Organiser régulièrement des cours de formation du personnel chargé de l’application des lois, notamment les membres de la police et les fonctionnaires de l’administration pénitentiaire, afin de s’assurer que tous ont une connaissance approfondie des dispositions de la Convention et qu’ils savent que les violations ne sont pas tolérées, qu’elles donnent lieu à une enquête et que leurs auteurs sont passibles de poursuites. L’ensemble du personnel devrait recevoir une formation spécifique aux méthodes de détection des indices de torture. Cette formation devrait également être accessible aux médecins, aux avocats et aux juges;

b) Élaborer un manuel où sont recensées les techniques d’interrogation prohibées et contraires à l’Ensemble de règles minima pour le traitement des détenus, et les principes fondamentaux relatifs au traitement des détenus, y compris l’obligation de tenir à jour un registre relié et coté, indiquant pour chaque détenu son identité, les motifs de sa détention et l’autorité compétente qui l’a décidée, le jour et l’heure de l’admission et de la sortie;

c) Sensibiliser le personnel chargé de l’application des lois et les membres des forces armées, comme la population en général, à l’interdiction des violences sexuelles, en particulier à l’égard des femmes et des enfants;

d) Favoriser la participation des organisations non gouvernementales de défense des droits de l’homme à la formation du personnel chargé de l’application des lois.

17) Le Comité a pris note de l’annonce faite par la délégation de l’État partie selon laquelle le Gouvernement du Burundi a obtenu de l’Union européenne une aide visant à améliorer les conditions de détention afin de les rendre conformes aux normes internationales en la matière. Le Comité reste néanmoins vivement préoccupé par les conditions de détention déplorables qui règnent actuellement au Burundi, et sont assimilables à un traitement inhumain et dégradant. Elles se traduisent par la surpopulation carcérale, le manque de nourriture et de soins médicaux pouvant entraîner la mort, les mauvaises conditions d’hygiène et le manque de ressources matérielles, humaines et financières. Le traitement des prisonniers reste un sujet de préoccupation pour le Comité, en particulier le fait que les enfants et les femmes ne soient pas séparés respectivement des adultes et des hommes, et que les prévenus ne soient pas séparés des personnes condamnées, à l’exception de la prison de Ngozi où il existe une séparation entre les quartiers des hommes et ceux réservés aux femmes et aux enfants (art. 11 et 16).

L’État partie devrait adopter des pratiques conformes à l’Ensemble de règles minima pour le traitement des détenus. Il devrait également prendre des mesures immédiates visant à réduire la surpopulation carcérale, y compris en envisageant la libération des délinquants ou suspects emprisonnés pour la première fois pour des infractions mineures, en particulier s’ils sont âgés de moins de 18 ans, et enfin la construction de nouveaux centres pénitentiaires.

L’État partie devrait par ailleurs garantir que les enfants et les femmes soient séparés respectivement des adultes et des hommes et les prévenus des personnes condamnées. L’État partie devrait également s’assurer que les femmes détenues sont gardées par des fonctionnaires pénitentiaires exclusivement féminins.

18) Le Comité est vivement préoccupé par la violence sexuelle généralisée contre les femmes et les enfants, notamment dans les lieux de détention (art. 11).

L’État partie devrait mettre en place et promouvoir un mécanisme efficace pour recevoir les plaintes pour violence sexuelle, y compris au sein du système pénitentiaire, enquêter sur ces plaintes, et fournir aux victimes une protection et une assistance psychologique et médicale. L’État partie devrait envisager l’adoption d’un Plan d’action national visant à éradiquer la violence à l’égard des femmes et des enfants.

19) Le Comité est préoccupé par l’absence d’un système de surveillance systématique efficace de tous les lieux de détention, notamment au moyen de fréquentes visites inopinées de ces lieux par des inspecteurs nationaux et par la mise en place d’un mécanisme de supervision législatif et judiciaire. Par ailleurs, le Comité est également préoccupé par les informations selon lesquelles les organisations non gouvernementales auraient un accès restreint aux lieux de détention (art.11).

L’État partie devrait envisager d’instaurer un système national pour surveiller tous les lieux de détention et donner suite aux résultats de cette surveillance systématique. Par ailleurs, l’État partie devrait assurer la présence de médecins légistes formés à l’identification des séquelles de la torture au cours de ces visites. L’État partie devrait également renforcer le rôle des organisations non gouvernementales dans ce processus en facilitant leur accès aux lieux de détention.

20) Le Comité est vivement préoccupé par des informations faisant état du meurtre de plusieurs personnes soupçonnées d’être des sympathisants du FNL, entre novembre 2005 et mars 2006, dont Ramazani Nahimana, Jean-Baptiste Ntahimpereye et Raymond Nshimirimana. D’après les informations reçues, les auteurs de ces meurtres seraient des agents du SNR (art. 12).

L’État partie devrait informer le Comité par écrit des mesures qui ont été prises pour enquêter sur ces meurtres de manière rapide et impartiale et pour sanctionner leurs auteurs, conformément à l’article 12 de la Convention.

21) Le Comité prend note des négociations en cours entre l’État partie et les Nations Unies concernant la mise en œuvre de la recommandation de la mission d’évaluation envoyée par le Secrétaire général au Burundi en mai 2004, adoptée par le Conseil de Sécurité dans sa résolution 1606 (2005), visant à la création d’une commission mixte de la vérité et d’une chambre spéciale au sein de l’appareil judiciaire burundais. Le Comité est néanmoins préoccupé par l’absence d’enquêtes impartiales visant à établir la responsabilité individuelle des auteurs d’actes de torture et de traitements cruels, inhumains ou dégradants, contribuant ainsi à un climat général d’impunité. Le Comité est également préoccupé par l’absence de mesures visant à assurer la protection du plaignant et des témoins contre tout mauvais traitement ou toute intimidation suivant le dépôt d’une plainte ou une déposition, pratiques qui font qu’un nombre insignifiant de plaintes sont déposées pour actes de torture ou de traitements cruels, inhumains ou dégradants (art. 12 et 13).

L’État partie devrait prendre d’urgence des mesures pour lutter contre l’impunité, en particulier par la mise en place de mécanismes de justice transitionnelle, notamment une commission vérité et réconciliation et un tribunal spécial, comme l’a recommandé le Conseil de Sécurité dans sa résolution 1606 (2005).

L’État partie devrait faire savoir clairement et sans ambiguïté à toutes les personnes sous sa juridiction qu’il condamne la torture et les mauvais traitements. Il devrait prendre des mesures législatives, administratives et judiciaires efficaces pour veiller à ce que toutes les allégations de torture et de traitements cruels, inhumains ou dégradants donnent rapidement lieu à des enquêtes, suivies, le cas échéant, de poursuites et de sanctions. En ce qui concerne les présomptions de cas de torture, les suspects devraient, pendant la durée de l’enquête, être suspendus de leurs fonctions lorsque leur maintien dans celles-ci risque d’entraver l’enquête. Par ailleurs, l’État partie devrait prendre les mesures nécessaires afin de faire la lumière sur le massacre de Gatumba et à en sanctionner les auteurs.

22) Le Comité est préoccupé par le système de l’opportunité des poursuites qui laisse aux procureurs de la République la possibilité de ne pas poursuivre les auteurs d’actes de torture et de mauvais traitements impliquant des agents de la force publique, ni même d’ordonner une enquête, ce qui est en contradiction évidente avec les dispositions de l’article 12 de la Convention (art. 12).

L’État partie devrait envisager une dérogation au système de l’opportunité des poursuites pour respecter la lettre et l’esprit de l’article 12 de la Convention, et faire en sorte qu’aucun doute ne soit permis quant à l’obligation des autorités compétentes de déclencher propio motu des enquêtes impartiales, de manière systématique, dans tous les cas où il existe des motifs raisonnables de croire qu’un acte de torture a été commis.

23) Le Comité prend note de l’annonce faite par la délégation de l’État partie selon laquelle un département chargé de l’assistance aux victimes de la torture a été créé au sein du Ministère de la solidarité nationale, des droits de la personne humaine et du genre. Il note également l’intention de l’État partie de créer un fonds d’indemnisation des victimes de la torture avec l’aide de la communauté internationale. Le Comité reste néanmoins préoccupé par l’absence, à ce jour, dans la jurisprudence burundaise de mesures judiciaires prévoyant l’indemnisation des victimes de la torture. Par ailleurs, le Comité est également préoccupé par l’absence de moyens mis à la disposition des victimes, y compris les enfants soldats, afin de garantir leur droit à une réadaptation la plus complète possible, à la fois sur le plan physique, psychologique, social et financier (art. 14).

L’État partie devrait prendre d’urgence des mesures pour faciliter la création d’un fonds d’indemnisation des victimes de la torture. Il devrait également mettre à la disposition des victimes, y compris des enfants soldats, les moyens nécessaires afin de garantir leur droit à une réadaptation qui soit la plus complète possible, à la fois sur le plan vue physique, psychologique, social et financier.

24) Tout en notant avec satisfaction qu’en vertu de l’article 27 du Code de procédure pénale «lorsqu’il est constaté ou prouvé que des aveux de culpabilité ont été obtenus par contrainte, ils sont frappés de nullité», le Comité s’inquiète de l’arrêt de la Cour suprême du 29 septembre 2002, selon lequel «l’aveu […] n’est qu’un simple élément de conviction à renforcer par d’autres éléments de preuve», ce qui pourrait conduire à accepter des aveux obtenus sous la torture pour autant qu’ils soient corroborés par d’autres éléments de preuve (art. 15).

L’État partie devrait prendre les mesures législatives et administratives nécessaires pour garantir que toute déclaration dont il est établi qu’elle a été obtenue par la torture ne puisse être invoquée directement ou indirectement comme élément de preuve dans une procédure, conformément à l’article 15 de la Convention.

25) Le Comité a pris note avec préoccupation des représailles, des actes graves d’intimidation et des menaces dont feraient l’objet les défenseurs des droits de l’homme, en particulier les personnes dénonçant des actes de torture et des mauvais traitements (art. 2 et 16).

L’État partie devrait prendre des mesures efficaces pour garantir que toutes les personnes dénonçant des tortures ou des mauvais traitements sont protégées contre tout acte d’intimidation et toute conséquence dommageable que pourrait avoir pour elles cette dénonciation. Le Comité encourage l’État partie à renforcer sa coopération avec la société civile dans ses efforts pour la prévention et l’éradication de la torture.

26) Le Comité est préoccupé par des informations reçues selon lesquelles des patients hospitalisés, y compris des enfants, dans l’incapacité de s’acquitter de leurs frais médicaux seraient détenus en milieu hospitalier jusqu’à ce qu’ils soient en mesure de le faire, et cela pendant plusieurs mois. Par ailleurs, le Comité est alarmé par les conditions de détention qui seraient imposées à ces patients, en particulier la privation de nourriture et de soins médicaux (art. 16).

L’État partie devrait prendre des mesures urgentes pour remettre en liberté les personnes détenues en milieu hospitalier, conformément à l’article 16 de la Convention et à l’article 11 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, auquel le Burundi est partie, et en vertu duquel «nul ne peut être emprisonné pour la seule raison qu’il n’est pas en mesure d’exécuter une obligation contractuelle».

27) Le Comité encourage l’État partie à continuer de solliciter la coopération technique du Bureau du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme au Burundi et du Bureau Intégré des Nations Unies au Burundi (BINUB) devant remplacer l’Opération des Nations Unies au Burundi (ONUB), le 1 er janvier 2007.

28) L’État partie devrait faire figurer dans son prochain rapport périodique des données statistiques détaillées, ventilées par infraction, origine ethnique et sexe, sur les plaintes concernant des actes de torture et des mauvais traitements qui auraient été commis par des responsables de l’application des lois, ainsi que sur les enquêtes, poursuites et sanctions pénales et disciplinaires correspondantes. Des renseignements sont également demandés sur les mesures d’indemnisation et les services de réadaptation offerts aux victimes.

29) L’État partie est encouragé à ratifier dans les meilleurs délais le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

30) L’État partie est encouragé à diffuser largement les rapports présentés par le Burundi au Comité, ainsi que les conclusions et recommandations de celui-ci, dans les langues appropriées, par le moyen des sites Internet officiels, des médias et des organisations non gouvernementales.

31) Le Comité demande à l’État partie de lui fournir, dans un délai d’un an, des renseignements sur les suites qu’il aura données aux recommandations du Comité, telles qu’exprimées dans les paragraphes 9,10, 19, 20, 21, 23 et 25 ci-dessus.

32) L’État partie est invité à soumettre son deuxième rapport périodique le 31 décembre 2008.

33. Guyana

1) Le Comité a examiné le rapport initial du Guyana (CAT/C/GUY/1) à ses 734 e et 737 e  séances (CAT/C/SR.734 et 737), les 13 et 14 novembre 2006, et il a adopté, à sa 748 e séance, le 22 novembre 2006 (CAT/C/SR.748), les conclusions et recommandations ci-après.

A. Introduction

2) Le Comité se félicite de la présentation du rapport initial du Guyana, qui est conforme aux directives générales du Comité pour l’établissement des rapports, mais regrette qu’il ait été soumis avec dix-sept années de retard.

3) Le Comité salue la franchise du rapport, dans lequel l’État partie reconnaît des lacunes dans la mise en œuvre de la Convention. Il se félicite du dialogue franc et constructif engagé avec le représentant de l’État partie et prend note avec satisfaction des réponses apportées aux questions posées au cours de ce dialogue.

B. Aspects positifs

4) Le Comité prend acte des efforts constants déployés par l’État partie pour réformer son système juridique et institutionnel. En particulier, le Comité prend note avec satisfaction des faits positifs suivants:

a) La ratification par l’État partie de la plupart des grandes conventions internationales relatives aux droits de l’homme;

b) La ratification par l’État partie, le 24 juillet 2004, du Statut de Rome de la Cour pénale internationale;

c) Les récents efforts tendant à aménager et à renforcer le cadre législatif national, et notamment la législation suivante:

La loi de 2005 sur la lutte contre la traite des personnes, qui prévoit des mesures de lutte contre ce phénomène;

Le projet de loi de mai 2006 sur la protection des témoins;

Le projet de loi d’avril 2006 sur l’entraide judiciaire en matière pénale;

Le projet de loi de mai 2006 sur la protection de la justice.

C. Facteurs et difficultés entravant la mise en œuvre de la Convention

5) Le Comité note que, depuis plusieurs années, l’État partie traverse une phase de crise économique, de violence sociale et de criminalité généralisée, qui a eu et continue d’avoir un impact sur le pays. Le Comité fait toutefois observer qu’aucune circonstance exceptionnelle, quelle qu’elle soit, ne peut être invoquée pour justifier la torture, conformément à l’article 2, paragraphe 2, de la Convention.

D. Sujets de préoccupation et recommandations

6) Le Comité note qu’il n’est pas certain que tous les actes de torture soient érigés en infraction par la législation pénale en vigueur dans l’État partie (art. 1 er et 4).

L’État partie devrait prendre les mesures législatives nécessaires pour que tous les actes de torture constituent une infraction au regard de sa législation pénale, conformément à la définition énoncée à l’article premier de la Convention, et pour que ces actes soient passibles d’une sanction appropriée proportionnelle à leur gravité.

7) Le Comité est préoccupé par les irrégularités qui ont été constatées dans la délivrance de permis de port d’armes au Guyana, en particulier par le fait que des permis auraient été accordés sans discernement et que les armes auraient servi à commettre des infractions à la Convention (art. 2).

L’État partie devrait renforcer les mesures administratives destinées à combattre la délivrance inconsidérée de permis de port d’armes, rationaliser la procédure de demande de permis et faire en sorte que la réglementation des armes à feu soit appliquée de façon uniforme et, au besoin, modifiée.

8) Le Comité déplore que l’État partie n’ait fourni aucun renseignement sur la mise en œuvre de l’article 3 de la Convention.

Le Comité rappelle à l’État partie le caractère absolu de l’interdiction, énoncée à l’article 3 de la Convention, d’expulser, de refouler ou d’extrader une personne vers un autre État où il y a des motifs sérieux de croire qu’elle risque d’être soumise à la torture. L’État partie devrait présenter dans son prochain rapport périodique des renseignements sur l’application de l’article 3 de la Convention dans le cadre de procédures d’extradition, d’expulsion ou de refoulement d’étrangers.

9) Tout en prenant bonne note des efforts déployés par l’État partie pour traiter la question de la composition ethnique des forces de police guyaniennes, le Comité est préoccupé par le petit nombre des agents d’ascendance indo-guyanienne dans la police, phénomène qui semblerait être l’une des causes profondes du nombre élevé de personnes de cette origine décédées pendant leur détention.

L’État partie devrait poursuivre son action visant à diversifier la composition ethnique des forces de police guyaniennes et prendre toutes mesures utiles pour prévenir les décès en détention.

10) Tout en prenant note de la faiblesse de l’effectif du personnel de santé au Guyana, le Comité est préoccupé par le fait que les médecins ne sont pas instruits de leurs obligations conventionnelles, en particulier de l’obligation de dénoncer et d’attester les actes de torture, et de l’obligation d’aider les victimes à se réadapter (art. 10).

L’État partie devrait prendre les mesures nécessaires pour que le personnel médical bénéficie d’une formation adéquate concernant les obligations qui lui incombent en vertu de la Convention et conformément au Protocole d’Istanbul. L’État partie est encouragé à demander la coopération et l’assistance technique internationales pour organiser cette formation.

11) Le Comité est préoccupé par les informations faisant état de la longueur excessive de la détention avant jugement qui, malgré la législation en vigueur, peut durer dans certains cas trois à quatre ans (art. 11).

L’État partie devrait prendre toutes les mesures nécessaires pour que les délais obligatoires prescrits par la loi soient respectés dans la pratique, afin que la détention provisoire ne soit utilisée qu’à titre exceptionnel et pour un laps de temps limité.

12) Le Comité a noté les conditions de détention déplorables qui règnent au Guyana, en particulier dans les prisons de Georgetown et de Mazaruni. Les problèmes les plus courants sont le surpeuplement, les mauvaises conditions physiques et d’hygiène et l’insuffisance des ressources matérielles, humaines et financières.

L’État partie devrait prendre immédiatement des mesures pour réduire la surpopulation carcérale, en améliorant l’infrastructure et les conditions sanitaires et en fournissant les ressources matérielles, humaines et budgétaires nécessaires pour que les conditions de détention dans le pays soient conformes aux normes internationales minima. L’État partie est encouragé à demander une assistance technique à cet effet et/ou à utiliser celle dont il bénéficie déjà.

13) Les mesures disciplinaires appliquées aux prisonniers sont un sujet de préoccupation pour le Comité, en particulier les mesures prévues au chapitre 37 de la loi de 1998 sur les prisons, qui autorise la flagellation ou la bastonnade, ainsi que la réduction des rations alimentaires (art. 2 et 11).

Tout en prenant bonne note de l’affirmation du représentant de l’État partie selon laquelle ces mesures disciplinaires n’ont pas été appliquées, le Comité engage l’État partie à examiner l’ensemble des dispositions juridiques qui autorisent de telles pratiques, afin de les abolir sans tarder. Le Comité rappelle que l’État partie est tenu de veiller à ce que les prisonniers soient traités d’une façon pleinement respectueuse de la dignité et des droits de l’homme, conformément à l’Ensemble de règles minima pour le traitement des détenus.

14) Le Comité est préoccupé par les allégations selon lesquelles les enfants (âgés de 10 à 16 ans) ne seraient pas toujours séparés des adultes au cours de leur détention et par les conditions extrêmement pénibles de cette détention (art. 11).

L’État partie devrait adopter d’urgence des mesures visant à ce que les enfants (âgés de 10 à 16 ans) en détention soient systématiquement séparés des adultes. L’État partie devrait aussi prendre des mesures pour garantir que les conditions de détention soient conformes à l’Ensemble de règles minima des Nations Unies concernant l’administration de la justice pour mineurs (Règles de Beijing), aux Principes directeurs des Nations Unies pour la prévention de la délinquance juvénile (Principes directeurs de Riyad) et aux Règles minima des Nations Unies pour la protection des mineurs privés de liberté.

15) Le Comité est particulièrement préoccupé par les informations faisant état de brutalités policières généralisées, de l’emploi de la force et des armes à feu par les policiers, et par le fait que la police n’est pas tenue de rendre compte de ses actes. Tout en se félicitant des renseignements complémentaires fournis par le représentant de l’État partie sur les affaires impliquant deux agents de la police accusés de violences et condamnés, le Comité déplore l’absence de données générales sur les enquêtes, les affaires et les condamnations relatives à des infractions commises par les forces de police (art. 11 et 12).

a) L’État partie devrait veiller à ce que les circonstances dans lesquelles les agents de police sont autorisés à employer la force et à faire usage d’armes à feu soient exceptionnelles et clairement définies, et à ce que le personnel des forces de police soit convenablement formé à l’emploi judicieux de la force et des armes à feu, conformément aux normes internationales, notamment aux Principes de base sur le recours à la force et l’utilisation des armes à feu par les responsables de l’application des lois;

b) L’État partie devrait prendre des mesures concrètes pour que les forces de police guyaniennes soient tenues de rendre des comptes et, à cette fin, veiller à ce que des enquêtes impartiales et efficaces soient menées rapidement, que les auteurs d’actes de violence soient jugés et condamnés à de justes peines et que les victimes soient indemnisées convenablement.

16) Le Comité est préoccupé par les informations faisant état d’exécutions extrajudiciaires perpétrées par les forces de police et par la médiocrité des résultats de l’action menée par les services de police pour enquêter sur ces exécutions et arrêter leurs auteurs (art. 11 et 12).

Le Comité prie instamment l’État partie de prendre immédiatement des mesures pour prévenir des actes tels que les exécutions extrajudiciaires qui seraient imputables à la police. L’État partie devrait adopter les mesures nécessaires pour que des enquêtes impartiales soient menées rapidement, que les responsables d’exécutions extrajudiciaires soient poursuivis et que les victimes aient accès à des voies de recours utiles.

17) Le Comité est préoccupé par le fait que la disposition constitutionnelle qui autorise le recrutement de magistrats à temps partiel risque de compromette l’indépendance et l’impartialité de ces magistrats. Le Comité est également préoccupé par les informations selon lesquelles cette disposition aurait été appliquée pour traiter l’arriéré des affaires en instance (art. 12 et 13).

Le Comité prend note de l’affirmation du représentant de l’État partie selon laquelle la disposition constitutionnelle autorisant le recrutement de magistrats à temps partiel n’a pas été appliquée; il encourage l’État partie à modifier sa Constitution et à abroger la disposition concernée.

18) Le Comité est préoccupé par le fait que le Code pénal fixe l’âge de la responsabilité pénale à 10 ans (art. 13).

L’État partie devrait prendre les mesures nécessaires pour relever l’âge de la responsabilité pénale et le fixer à un niveau acceptable selon les normes internationales, conformément à la recommandation qui lui a été adressée par le Comité des droits de l’enfant (CRC/C/15/Add.224).

19) Le Comité est préoccupé par les informations faisant état de violences sexuelles généralisées, y compris dans les lieux de détention, et par le très faible nombre de condamnations auxquelles elles donnent lieu. Le Comité est également préoccupé par les informations faisant état de nombreux actes d’intimidation et menaces à l’égard des victimes de violence sexuelle, et par l’absence de moyens de protection des témoins.

L’État partie est instamment prié de prendre des mesures efficaces et exhaustives pour lutter contre la violence sexuelle dans le pays, et notamment ( art. 12 et 13 ):

a) D’établir et de promouvoir un mécanisme efficace chargé de recevoir les plaintes pour violence sexuelle, y compris dans les centres de détention;

b) De faire en sorte que le personnel des forces de l’ordre soit informé du fait que les sévices et les viols perpétrés en détention s’apparentent à une forme de torture et sont par conséquent absolument interdits, et que ce personnel soit formé au traitement des plaintes pour violence sexuelle;

c) De mener rapidement des enquêtes impartiales et efficaces, de traduire en justice les auteurs de tels actes et, lorsqu’ils sont reconnus coupables, de leur appliquer des sanctions appropriées et d’indemniser les victimes en conséquence;

d) De faire en sorte que les plaignants et les témoins soient protégés contre les mauvais traitements et l’intimidation exercés en représailles à la suite de la plainte déposée ou de tout témoignage apporté;

e) D’établir un mécanisme national de surveillance chargé d’enquêter sur les affaires de violence sexuelle et de les traiter.

20) Le Comité est préoccupé par les informations faisant état de la fréquence des violences domestiques dans le pays.

L’État partie devrait prendre d’urgence des mesures pour réduire les violences domestiques, notamment des mesures de formation des agents de la police, du personnel responsable de l’application des lois et du personnel de santé, afin d’enquêter sur ce genre de violence et de traiter ces affaires. L’État partie devrait appliquer plus efficacement la loi de 1996 sur la violence domestique.

21) Tout en accueillant avec satisfaction la mise en place d’institutions de promotion et de protection des droits de l’homme comme la Commission des droits de l’homme, la Commission des droits de la femme et de l’égalité des sexes, la Commission des peuples autochtones ou la Commission des droits de l’enfant, le Comité déplore que le Parlement n’ait pas encore pu, apparemment pour des raisons politiques, procéder aux nominations nécessaires à l’entrée en fonctions de ces institutions (art. 13).

L’État partie est vivement encouragé à prendre des mesures concrètes pour accélérer le processus de nomination du personnel des institutions de promotion et de protection des droits de l’homme.

22) Le Comité est préoccupé par le fait que le Bureau du Médiateur ne puisse plus fonctionner depuis janvier 2005 faute de la désignation d’un médiateur par le Parlement, à cause de raisons politiques semble-t-il (art. 13).

L’État partie est instamment prié de prendre les mesures nécessaires pour permettre au Bureau du Médiateur de reprendre ses activités et pour le doter des moyens humains et financiers de s’acquitter de son mandat.

23) Le Comité exprime sa préoccupation face aux conditions déplorables de la détention des condamnés à mort en attente d’exécution, qui s’apparentent à un traitement cruel, inhumain ou dégradant (art. 16).

L’État partie devrait prendre toutes les mesures nécessaires pour améliorer les conditions de détention d e s condamnés à mort afin de garantir leurs besoins essentiels et leurs droits fondamentaux.

24) Le Comité note avec préoccupation l’absence de statistique, en particulier sur les cas de torture, les plaintes, les condamnations prononcées et la réparation accordée aux victimes de la torture.

L’État partie devrait faire figurer dans son prochain rapport périodique des données statistiques détaillées, ventilées par infraction, origine ethnique et sexe, sur les plaintes concernant des actes de torture et des mauvais traitements qui auraient été commis par des responsables de l’application des lois, ainsi que sur les enquêtes, poursuites et sanctions pénales ou disciplinaires correspondantes. Des renseignements sont également demandés sur les mesures d’indemnisation des victimes et les services de réadaptation qui leur sont offerts.

25) Le Comité encourage l’État partie à étudier la possibilité de ratifier le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

26) L’État partie est encouragé à diffuser largement les rapports présentés par le Guyana au Comité, ainsi que les conclusions et recommandations de celui-ci, dans les langues appropriées, par le moyen des sites Web officiels, des médias et des organisations non gouvernementales.

27) Le Comité demande à l’État partie de lui fournir, dans un délai d’un an, des renseignements sur la suite qu’il aura donnée aux recommandations du Comité formulées aux paragraphes 12, 16, 19, 20 et 21 qui précèdent.

28) Le Comité, ayant conclu qu’une quantité d’informations suffisante lui a été communiquée lors de l’examen du rapport du Guyana pour combler le retard de dix-sept ans accumulé dans la soumission de son rapport initial et de ses rapports périodiques, a décidé de demander à cet État partie de lui soumettre son deuxième rapport périodique au plus tard le 31 décembre 2008.

34. Hongrie

1) Le Comité a examiné le quatrième rapport périodique de la Hongrie (CAT/C/55/Add.10) à ses 738 e et 741 e séances (CAT/C/SR.738 et 741), tenues les 15 et 16 novembre 2006, et a adopté, à ses 748 e et 749 e séances (CAT/C/SR.748 et 749), les conclusions et recommandations ci-après.

A. Introduction

2) Le Comité accueille avec satisfaction le quatrième rapport de la Hongrie et les renseignements qu’il contient. Il se déclare satisfait du dialogue engagé avec la délégation de l’État partie et se félicite des réponses complètes apportées par écrit à la liste des points à traiter (CAT/C/HUN/Q/4/Add.1), qui ont facilité les débats entre la délégation et les membres du Comité. Enfin, il remercie la délégation des réponses qu’elle a fournies oralement aux questions posées et aux préoccupations exprimées lors de l’examen du rapport.

B. Aspects positifs

3) Le Comité note avec satisfaction que, pendant la période écoulée depuis l’examen du dernier rapport périodique, l’État partie a adhéré au Protocole facultatif se rapportant à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes et qu’il a ratifié le Statut de Rome de la Cour pénale internationale.

4) Le Comité se félicite des efforts déployés actuellement par l’État partie pour modifier sa législation, ses politiques et ses procédures afin de mieux protéger les droits de l’homme, dont le droit de ne pas être soumis à la torture et d’autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants et prend acte, en particulier, de:

a) La loi n o CXXXV de 2005 sur l’aide aux victimes de violations et sur la réparation des préjudices qui en découlent par l’État;

b) La loi n o CXXV de 2003 sur l’égalité de traitement et la promotion de l’égalité des chances;

c) La loi n o XXXIX de 2001 sur l’entrée et le séjour des étrangers [«la loi sur les étrangers»] et le décret gouvernemental n o  170/2001 portant application de la loi sur les étrangers;

d) La loi n o XIX de 1998 sur le Code de procédure pénale;

e) L’adoption en 2003 du Code de conduite relatif aux interrogatoires de police;

f) La création en 2003 d’un centre d’accueil pour mineurs non accompagnés, en collaboration avec le Haut-Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés;

g) Le programme actuel d’allocations d’études pour les élèves roms du secondaire provenant de milieux défavorisés, qui vise à les aider à entrer dans la police; et

h) La publication en juin 2006 du dernier rapport du Comité européen pour la prévention de la torture et de peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT/Inf.(2006)20) et des réponses de l’État partie audit rapport (CPT/Inf.(2006)21).

5) Le Comité se félicite également des assurances fournies oralement par les représentants de l’État partie selon lesquelles la ratification du Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants devrait avoir lieu très prochainement.

C. Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Définition de la torture

6) Bien que l’État partie affirme que tous les actes pouvant être qualifiés de torture au sens de l’article premier de la Convention sont punissables en vertu du Code pénal hongrois (art. 226 (Mauvais traitements dans l’exercice de fonctions officielles), 227 (Conduite d’interrogatoires sous la contrainte) et 228 (Détention illégale)), le Comité constate que les éléments de la définition de la torture énoncée à l’article premier de la Convention ne figurent pas encore tous dans le Code pénal de l’État partie.

L’État partie devrait adopter une définition de la torture comprenant tous les éléments énoncés à l’article premier de la Convention.

Détention avant jugement

7) Le Comité se dit préoccupé par la durée de la phase initiale de la détention avant jugement (qui peut atteindre soixante-douze heures) et par le fait que cette détention est effectuée dans des locaux de la police, ce qui entraîne un risque élevé de mauvais traitements, et regrette profondément que la durée de la détention provisoire puisse aller jusqu’à trois ans, conformément à la loi sur la procédure pénale. En outre, le Comité juge préoccupant que les prévenus, qu’ils aient plus ou moins de 18 ans, soient détenus ensemble pendant la durée de la procédure et il relève que l’obligation de séparer les mineurs des adultes est prévue dans le projet de code pénitentiaire (art. 2, 11 et 16).

L’État partie devrait prendre des mesures appropriées pour que les dispositions en matière de détention avant jugement soient conformes aux normes internationales, notamment en réduisant la durée de la détention provisoire dans les locaux de police, en limitant encore plus la durée de la détention avant jugement et en recourant aux peines de substitution définies dans le chapitre du Code de procédure pénale consacré aux mesures de contrainte, lorsque le suspect ne représente pas une menace pour la société. En outre, l’État partie devrait prendre les mesures nécessaires pour faire en sorte que les mineurs placés en détention avant jugement soient séparés des adultes et adopter le projet de code pénitentiaire.

Garanties fondamentales

8) Le Comité est préoccupé par des allégations selon lesquelles les garanties juridiques fondamentales protégeant les personnes détenues par la police ou par le personnel chargé du contrôle des frontières, dont le droit d’avoir accès à un avocat et de se faire examiner par un médecin, ne sont pas respectées dans tous les cas. À cet égard, le Comité note avec inquiétude qu’un grand nombre de personnes auxquelles un avocat commis d’office est attribué sont en fait privées d’une assistance juridique effective pendant la phase d’enquête. En outre, le Comité est préoccupé par des informations d’après lesquelles l’examen médical auquel doit être soumise toute personne arrêtée dès son arrivée au poste de police est souvent pratiqué par des médecins qui ne sont pas indépendants de la police et en présence de policiers, et qu’il en est de même dans le cas d’étrangers en situation irrégulière, lesquels sont examinés en présence de gardes frontière (art. 2, 13 et 16).

L’État partie devrait prendre des mesures efficaces pour faire en sorte que les garanties juridiques fondamentales protégeant les personnes détenues par la police ou par les gardes frontière soient respectées, notamment leur droit d’informer un membre de leur famille, d’avoir accès à un avocat ainsi que d’être examinées par un médecin indépendant ou un médecin de leur choix et d’être informées de leurs droits.

L’État partie devrait veiller, notamment, à ce que:

a) Les personnes détenues par la police ou les gardes frontière jouissent d’un droit effectif d’accès à un avocat dès le début de leur détention;

b) Les policiers et les gardes frontière n’assistent pas à l’examen médical des personnes placées en garde à vue afin de garantir la confidentialité des données médicales, sauf dans des circonstances exceptionnelles et justifiables (par exemple en cas de risque d’agression physique).

Détention de demandeurs d’asile et de non-ressortissants

9) Le Comité est préoccupé par la politique consistant à priver les demandeurs d’asile et d’autres non-ressortissants de liberté et notamment par des informations selon lesquelles ces personnes subissent souvent de longues périodes de détention étant donné que dans le cadre de la procédure dite de surveillance des étrangers, la durée de la rétention dans les centres gérés par le Service de surveillance des frontières peut aller jusqu’à douze mois (art. 2, 11 et 16).

L’État partie devrait prendre des mesures pour faire en sorte que les demandeurs d’asile et d’autres non-ressortissants ne soient placés en détention que dans des circonstances exceptionnelles ou en dernier recours et, dans ces cas, pour une durée aussi brève que possible, et pour que le règlement des prisons de haute sécurité ne soit pas applicable dans ces centres de détention. L’État partie devrait également veiller à ce que les tribunaux assurent un contrôle judiciaire plus efficace de la détention de ces catégories de personnes.

Non-refoulement

10) Le Comité note avec préoccupation que des personnes n’ont peut-être pas pu être pleinement protégées par les garanties prévues dans les articles pertinents de la Convention en ce qui concerne l’expulsion, le renvoi et l’extradition vers un pays tiers. Le Comité est également préoccupé par des informations selon lesquelles le droit des non-ressortissants sollicitant une protection afin d’avoir accès à la procédure d’asile n’est pas pleinement garanti à la frontière et par des allégations faisant état d’expulsion illégale de demandeurs d’asile et d’autres non ‑ressortissants vers des pays tiers par des agents du Service de surveillance des frontières (art. 3 et 16).

L’État partie devrait s’attacher à appliquer scrupuleusement les dispositions de l’article 3 de la Convention et faire en sorte que les personnes relevant de sa juridiction voient leur situation dûment examinée par les autorités compétentes et soient assurées de bénéficier d’un traitement équitable à tous les stades de la procédure, dont la possibilité de demander un réexamen efficace, indépendant et impartial des décisions d’expulsion, de renvoi ou d’extradition les concernant.

À cet égard, l’État partie devrait veiller à ce que les autorités compétentes en matière de surveillance des étrangers procèdent à un examen approfondi de la situation de tous les étrangers entrés ou séjournant illégalement en Hongrie avant d’ordonner leur expulsion, conformément au paragraphe 1 de l’article 43 de la loi sur les étrangers, afin de s’assurer que l’intéressé ne serait pas soumis à la torture ou à des peines ou traitements inhumains ou dégradants dans le pays où il serait renvoyé. L’État partie devrait compléter et mettre à jour sa base de données sur les pays d’origine et prendre des mesures efficaces pour garantir que la réglementation interne relative à l’utilisation obligatoire du système d’information sur les pays d’origine soit respectée.

Formation

11) Le Comité est préoccupé par le fait qu’aucune formation portant spécifiquement sur l’interdiction de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants n’est dispensée aux responsables de l’application des lois dans leur ensemble, y compris les fonctionnaires de police, les fonctionnaires pénitentiaires et les agents du service de surveillance des frontières et du Bureau de l’immigration et de la nationalité. En outre, le Comité regrette qu’aucune information n’ait été fournie sur l’impact de la formation organisée à l’intention des membres des forces de l’ordre et des gardes frontière et sur l’efficacité des programmes de formation pour réduire le nombre de cas de torture, de violences et de mauvais traitements (art. 10).

L’État partie devrait étoffer les programmes de formation pour faire en sorte que les membres des forces de l’ordre, les fonctionnaires pénitentiaires et les gardes frontière connaissent bien les dispositions de la Convention et sachent qu’aucune infraction ne sera tolérée, que toute violation donnera lieu à une enquête et que son auteur sera poursuivi. Tous ces personnels devraient recevoir une formation spéciale afin d’apprendre à détecter les traces de tortures et de mauvais traitements et le Comité recommande que le Protocole d’Istanbul de 1999 (intitulé «Manuel pour enquêter efficacement sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants») fasse partie intégrante de la formation des médecins. En outre, l’État partie devrait établir et appliquer une méthode permettant d’évaluer l’efficacité et l’impact des programmes de formation ou d’enseignement sur la réduction du nombre de cas de torture, de violences et de mauvais traitements.

Collecte de données

12) Le Comité regrette que, pour certains domaines couverts par la Convention, l’État partie n’ait pas été en mesure de fournir des statistiques ou de ventiler de façon appropriée celles qu’il a fournies (par exemple par âge, sexe et/ou groupe ethnique). Pendant le dialogue engagé avec la délégation, c’est ce qui s’est passé s’agissant par exemple de l’appartenance ethnique des personnes privées de liberté et des détenus, en particulier les Roms (art. 11).

L’État partie devrait prendre les mesures voulues pour que les autorités compétentes ainsi que le Comité aient pleinement connaissance de ces éléments lorsqu’ils examinent la façon dont l’État partie s’acquitte des obligations qui lui incombent en vertu de la Convention.

Conditions de détention

13) Le Comité est préoccupé par le fait que, malgré les mesures prises par l’État partie pour améliorer les conditions de détention, les prisons sont toujours surpeuplées. Il est également préoccupé par des allégations faisant état de quelques cas de mauvais traitements infligés à des détenus par des surveillants/fonctionnaires pénitentiaires, notamment des coups et des insultes (art. 11 et 16).

L’État partie devrait poursuivre ses efforts pour réduire le surpeuplement des prisons, notamment en recourant plus largement aux peines de substitution prévues dans la nouvelle loi sur le Code de procédure pénale et en créant des centres de détention supplémentaires selon les besoins. Les directeurs de prisons devraient faire savoir clairement aux surveillants/fonctionnaires pénitentiaires que les mauvais traitements sont inacceptables.

Mauvais traitements et recours excessif à la force

14) Le Comité prend note avec inquiétude d’allégations faisant état d’un recours excessif à la force et de mauvais traitements par les membres des forces de l’ordre, en particulier lors d’arrestations ou dans le cadre d’arrestations. À cet égard, le Comité est particulièrement préoccupé par des informations selon lesquelles la police aurait fait un usage excessif de la force et maltraité des personnes lors des manifestations qui ont eu lieu en septembre et octobre 2006 à Budapest (art. 12 et 16).

L’État partie devrait accorder une priorité plus élevée à l’action visant à promouvoir une culture des droits de l’homme en veillant à ce qu’une politique de tolérance zéro soit établie et appliquée à tous les échelons de la hiérarchie des forces de police ainsi que par l’ensemble du personnel pénitentiaire. Cette politique devrait consister à repérer et traiter les problèmes qui se posent en intégrant le nouveau code de conduite relatif aux interrogatoires de police, et prévoir l’établissement d’un code de conduite à l’intention de tous les agents de l’État ainsi qu’un contrôle régulier, par un organisme de surveillance indépendant. L’État partie devrait prendre des mesures pour que les responsables de l’application des lois recourent à la force seulement lorsque cela est strictement nécessaire et dans la mesure exigée par l’accomplissement de leurs fonctions.

15) Le Comité juge inquiétantes certaines informations selon lesquelles les membres des forces de l’ordre ne portaient pas de badges pendant les manifestations à Budapest, ce qui rendait leur identification impossible en cas de plainte pour torture ou mauvais traitements (art. 13).

L’État partie devrait veiller à ce que tous les membres des forces de l’ordre portent un badge d’identification visible afin d’assurer une protection contre la torture et les peines ou traitements inhumains ou dégradants.

Obligation de procéder immédiatement à une enquête impartiale

16) Le Comité est préoccupé par le nombre d’informations faisant état de mauvais traitements infligés par des responsables de l’application des lois, le nombre restreint d’enquêtes menées par les organes compétents de l’État partie dans ces cas et le nombre très faible de condamnations rendues dans les affaires ayant donné lieu à une enquête (art. 12 et 16).

L’État partie devrait:

a) Renforcer les mesures prises pour faire en sorte que des enquêtes impartiales et efficaces soient immédiatement menées sur toutes les allégations faisant état de tortures ou de mauvais traitements infligés par des membres des forces de l’ordre. En particulier, ces enquêtes ne devraient pas être effectuées par la police ou sous sa responsabilité, mais par un organe indépendant. S’agissant des affaires dans lesquelles il existe de fortes présomptions que la plainte pour tortures ou mauvais traitements est fondée, l’auteur présumé de ces actes devrait être suspendu de ses fonctions ou muté pendant la durée de l’enquête, en particulier s’il risque de faire obstruction à celle-ci; et

b) Faire en sorte que les auteurs de ces actes soient traduits en justice et que ceux qui sont reconnus coupables soient condamnés à des peines appropriées afin de mettre un terme à l’impunité de fait des membres des forces de l’ordre qui ont violé la Convention.

Indemnisation et réadaptation

17) Tout en notant que la loi sur l’assistance aux victimes contient des dispositions sur le droit à indemnisation des victimes de violations et la mise à la disposition de ces dernières de services de soutien, le Comité regrette l’absence de programme visant spécifiquement à protéger les droits des victimes de torture et de mauvais traitements. Il regrette également que l’État partie n’ait pas fourni de renseignements sur le nombre de victimes d’actes de torture et de mauvais traitements qui ont reçu une indemnisation et le montant des indemnités accordées dans ces affaires et qu’il n’ait pas donné d’informations sur d’autres formes d’assistance, notamment une aide médicale ou psychosociale à la réadaptation offertes à ces victimes (art. 14).

L’État partie devrait intensifier ses efforts en matière d’indemnisation, de réparations et de réadaptation afin d’accorder réparation aux victimes, de leur assurer une indemnisation équitable et adéquate et de leur donner accès aux moyens nécessaires à leur réadaptation la plus complète possible. L’État partie devrait mettre sur pied un programme spécifique d’assistance aux victimes de torture et de mauvais traitements. En outre, dans son prochain rapport périodique, il devrait fournir des renseignements sur les programmes de réparation, notamment le traitement des traumatismes et d’autres formes de réadaptation offerts aux victimes de torture et de mauvais traitements, et indiquer si des ressources suffisantes ont été allouées afin d’assurer le bon fonctionnement de ces programmes.

Détenus soumis à un régime spécial de sécurité

18) Le Comité est préoccupé par la situation des détenus dits «de la catégorie 4», qui peuvent être placés en cellule ou quartier de haute sécurité et dont les droits sont fortement restreints, ce qui les met en situation d’isolement extrême et les prive de tout contact humain. En outre, le Comité note avec inquiétude que, selon des informations dont il dispose, ni la commission d’admission de l’établissement pénitentiaire concerné, ni la commission spéciale nommée par le Directeur national de l’administration pénitentiaire ne prennent de décisions officielles et que les détenus «de la catégorie 4» ne peuvent pas former de recours devant une autorité supérieure ou un tribunal quels qu’ils soient (art. 2, 13 et 16).

L’État partie devrait revoir et affiner le système selon lequel certains détenus sont classés dans la catégorie 4 afin de veiller à ce que ne figurent et ne soient maintenus dans cette catégorie que les détenus pour lesquels ce statut se justifie et revoir sans délai sa politique actuelle pour ce qui est de l’application de moyens de contrainte pour les détenus soumis à ce régime. En outre, l’État partie devrait établir une procédure de recours appropriée contre le régime spécial de sécurité ainsi que des mécanismes adéquats de réexamen de la décision d’imposer ce régime et de la durée de son application.

Les Roms

19) Le Comité est profondément préoccupé par des informations selon lesquelles le nombre de Roms dans les prisons serait anormalement élevé et les membres de cette minorité feraient l’objet de mauvais traitements et de discrimination de la part des responsables de l’application des lois, en particulier de la police (art. 11 et 16).

L’État partie devrait intensifier ses efforts pour lutter contre la discrimination et les mauvais traitements dont sont victimes les Roms de la part des responsables de l’application des lois, en particulier de la police, notamment en veillant à la stricte application de la législation et des règlements pertinents prévoyant les sanctions à infliger, la formation adéquate à dispenser et les instructions à donner aux organes de répression et en sensibilisant les membres de l’appareil judiciaire au problème. En outre, l’État partie devrait accorder un appui plus important au programme d’aide financière à la formation de fonctionnaires de police d’origine rom et de subvention de l’association des fonctionnaires de police roms.

Minorités nationales et non-ressortissants

20) Le Comité note avec préoccupation que, d’après certaines informations, les personnes appartenant à des minorités nationales et les non-ressortissants sont victimes de mauvais traitements et de discrimination de la part des responsables de l’application des lois, en particulier des policiers (art. 11 et 16).

L’État partie devrait intensifier ses efforts pour lutter contre les mauvais traitements et la discrimination dont les personnes appartenant à des minorités nationales et les non-ressortissants sont victimes de la part des responsables de l’application des lois.

Traite des personnes

21) Le Comité est préoccupé par le fait que, selon des informations persistantes, des femmes et des enfants continuent d’être victimes de traite à des fins d’exploitation sexuelle et d’autres formes d’exploitation. Il regrette le manque de renseignements sur l’assistance fournie aux victimes de la traite et sur la formation dispensée aux agents de la force publique et à d’autres groupes concernés (art. 2, 10 et 16).

L’État partie devrait continuer à prendre des mesures efficaces afin de poursuivre et de punir les responsables de la traite des personnes, notamment en appliquant strictement la législation pertinente, en menant des campagnes de sensibilisation au problème et en veillant à ce que cette question soit abordée lors de la formation des agents de la force publique et d’autres groupes concernés.

22) Le Comité prie l’État partie d’inclure dans son prochain rapport périodique des statistiques détaillées ventilées par infraction, appartenance ethnique, âge et sexe sur les plaintes portant sur des actes de torture et des mauvais traitements imputés à des responsables de l’application des lois ainsi que sur les enquêtes, poursuites et sanctions pénales ou disciplinaires correspondantes. Des renseignements sont également demandés sur les indemnisations et l’aide à la réadaptation offertes aux victimes.

23) L’État partie est encouragé à diffuser largement les rapports présentés par la Hongrie au Comité, ainsi que les présentes conclusions et recommandations, dans les langues appropriées, par le biais des sites Web officiels, des médias et des organisations non gouvernementales.

24) Le Comité prie l’État partie de lui fournir, dans un délai d’un an, des renseignements sur la suite qu’il aura donnée aux recommandations formulées ci-dessus aux paragraphes 7, 9, 12 et 17.

25) L’État partie est invité à soumettre ses cinquième et sixième rapports périodiques, qui seront considérés comme son sixième rapport périodique, d’ici au 31 décembre 2010.

35. Mexique

1) Le Comité a examiné le quatrième rapport périodique du Mexique (CAT/C/55/Add.12) à ses 728 e et 731 e séances, les 8 et 9 novembre 2006 (CAT/C/SR.728 et 731), et a adopté les observations finales ci-après à sa 747 e séance (CAT/C/SR.747), tenue le 21 novembre 2006.

A. Introduction

2) Le Comité accueille avec satisfaction le quatrième rapport périodique du Mexique et se félicite du dialogue constructif et fructueux qu’il a eu avec la délégation de l’ État partie, compétente et de haut niveau. Il remercie également l’ État partie de ses réponses détaillées à la liste des points à traiter et des informations complémentaires données par la délégation.

B. Aspects positifs

3) Le Comité note avec satisfaction que ces dernières années l’État partie a fait preuve de la plus grande ouverture à l’égard des mécanismes internationaux de surveillance des droits de l’homme et qu’il a notamment présenté des rapports à six des sept organes conventionnels relatifs aux droits de l’homme au cours des derniers mois.

4) Le Comité félicite l’ État partie d’avoir ratifié, le 11 avril 2005, le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, qui introduit dans le système juridique de l’ État partie un instrument supplémentaire de prévention de la torture, ce qui confirme la volonté qu’a l’ État partie de lutter contre cette pratique et de la faire disparaître.

5) Le Comité félicite également l’ État partie d’avoir fait, le 15 mars 2002, la déclaration prévue à l’article 22 de la Convention, par laquelle il reconnaît la compétence du Comité pour recevoir des communications présentées par des particuliers, qui se déclarent victimes de torture.

6) Le Comité note avec satisfaction les efforts faits par l’ État partie dans le domaine de la formation concernant l’interdiction de la torture et la protection des droits de l’homme en général ainsi que la création des unités de protection des droits de l’homme au sein des divers grands services du bureau du Procureur général de la République.

7) Le Comité félicite l’ État partie d’avoir réformé l’article 18 de la Constitution de façon à créer un nouveau système de justice pénale pour les adolescents, qui privilégie notamment les mesures de substitution à l’incarcération.

8) Le Comité félicite l’ État partie d’avoir mis en œuvre le Protocole d’Istanbul au niveau fédéral comme dans différents États de la République et d’avoir créé des organes collégiaux chargés de surveiller l’application du diagnostic médico-psychologique spécialisé pour cas éventuels de torture et d’en assurer la transparence.

9) Le Comité félicite la Commission nationale des droits de l’homme pour son action de surveillance et de dénonciation des violations des droits de l’homme .

10) Le Comité note également avec satisfaction que l’ État partie a adhéré aux instruments ci ‑après:

a) Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, le 15 mars 2002;

b) Protocole facultatif se rapportant à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, le 15 mars 2002;

c) Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants et Protocole facultatif concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés, le 15 mars 2002;

d) Statut de Rome de la Cour pénale internationale, le 28 octobre 2005;

e) Convention interaméricaine sur la disparition forcée des personnes, le 28 février 2002;

f) Convention n o 182 de l’Organisation internationale du Travail de 1999, concernant l’interdiction des pires formes de travail des enfants et l’action immédiate en vue de leur élimination, le 30 juin 2000.

C. Principaux sujets de préoccupation et recommandations

11) Le Comité note que la loi fédérale visant à prévenir et à réprimer la torture définit l’infraction de torture conformément aux dispositions de la Convention. Cependant, il s’inquiète de ce que, dans la plupart des cas, l’infraction de torture soit définie différemment dans les législations des États de la Fédération et qu’elle ne figure pas du tout dans le Code pénal de l’État de Guerrero.

L’ État partie devrait veiller à ce que tant la législation fédérale que celles des États définissent l’infraction de torture dans tout le pays conformément aux normes internationales et régionales, notamment la Convention des Nations Unies contre la torture et la Convention interaméricaine pour la prévention et la répression de la torture.

12) Le Comité prend note du projet de réforme du système judiciaire qui a pour principaux objectifs d’instaurer un modèle accusatoire et oral pour les procédures pénales, de supprimer la valeur probante des aveux faits devant une autorité autre qu’un juge et d’instituer le principe de la présomption d’innocence, notamment. Il relève toutefois avec préoccupation que cette réforme n’a pas encore été adoptée. Il s’inquiète également de ce que dans de nombreuses affaires, la valeur probante de la première déclaration faite devant le procureur (déclaration au ministère public) l’emporte encore sur celle de toutes les déclarations ultérieures faites devant un juge.

L’ État partie devrait achever la refonte du système de justice afin, notamment, d’instaurer un modèle de procédure pénale accusatoire et orale qui intègre totalement le principe de la présomption d’innocence et qui garantisse le respect des garanties d’un procès équitable dans l’appréciation de la preuve.

13) Le Comité constate avec préoccupation que, d’après les informations qu’il a reçues, la détention arbitraire est une pratique répandue dans l’ État partie .

L’ État partie devrait prendre les mesures nécessaires pour éviter le recours à toutes les formes de détention qui favorisent la torture, enquêter sur les allégations de détention arbitraire et sanctionner les responsables d’infraction.

14) Le Comité note avec préoccupation que des tribunaux militaires continuent d’être compétents pour juger les actes de torture commis sur la personne de civils par des militaires dans l’exercice de leurs fonctions. Il s’inquiète également de ce que − bien qu’il existe un projet de réforme en la matière − la législation militaire ne définisse toujours pas les actes de torture commis sur la personne de militaires.

L’État partie devrait faire en sorte que les atteintes aux droits de l’homme, et en particulier les actes de torture et les traitements cruels, inhumains ou dégradants infligés à des civils par des militaires, relèvent dans tous les cas de la compétence des juridictions civiles, même quand les actes en question sont censés être justifiés par les nécessités du service (voir également la recommandation que le Comité a faite dans ce sens dans son rapport d’enquête au titre de l’article 20 de la Convention (CAT/C/75, par. 220 g))). L’État partie devrait également réformer le Code de justice militaire afin d’y introduire l’infraction de torture.

15) Le Comité est préoccupé par la pratique du placement dans des centres officieux qui, d’après les informations qu’il a reçues, est devenu une forme de détention provisoire dans des «maisons de sécurité» (casas de arraigo) gardées par des agents de la police judiciaire et du ministère public, où les suspects peuvent être maintenus trente jours − jusqu’à quatre-vingt-dix jours dans certains États − pendant l’enquête menée pour recueillir des éléments de preuve, y compris les interrogatoires. Tout en prenant note avec satisfaction de la décision de la Cour suprême de justice qui, en septembre 2005, a déclaré inconstitutionnel le placement dans des lieux de détention non officiels, le Comité est cependant préoccupé par le fait que cette décision judiciaire vise uniquement le Code pénal de l’État de Chihuahua et ne s’impose pas aux tribunaux des autres États.

L’État devrait, compte tenu de la décision prise par la Cour suprême de justice, faire en sorte que le placement en «casa de arraigo» soit supprimé à la fois dans la législation et dans la pratique, au niveau fédéral comme au niveau des États.

16) Le Comité est préoccupé par le fait que les autorités appliquent des qualifications pénales moins graves à des faits qui pourraient être qualifiés d’actes de torture, ce qui pourrait expliquer le faible nombre de personnes poursuivies et condamnées pour torture. Il est également préoccupé par le fait que les crimes contre l’humanité, y compris celui de torture, restent prescriptibles, bien que le Congrès soit saisi d’un projet de réforme à ce sujet.

L’État partie devrait:

a) Enquêter sans délai, de manière approfondie et impartiale, sur toutes les allégations de torture et veiller à ce que chaque enquête comprenne un examen médical effectué par un praticien indépendant conformément au Protocole d’Istanbul (voir également la recommandation formulée en ce sens par le Comité dans son rapport sur le Mexique au titre de l’article 20 de la Convention (CAT/C/75, par. 220 k));

b) Prendre les mesures nécessaires pour garantir la formation professionnelle et l’indépendance du personnel médical qui s’occupe des victimes présumées et constate son état et faire en sorte que le Protocole d’Istanbul soit incorporé dans la législation de tous les États de la Fédération (voir par. 8 ci-dessus);

c) Veiller à ce que le certificat établi à l’issue de l’examen médical effectué conformément au Protocole d’Istanbul et attestant l’existence d’actes de torture soit considéré comme une preuve péremptoire dans tout procès;

d) Juger les actes de torture et les sanctionner par des peines à la mesure de la gravité des faits;

e) Achever la réforme pénale entreprise afin de garantir l’imprescriptibilité des crimes contre l’humanité, en particulier des crimes de torture.

17) Le Comité note que le Comité pour la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille s’est récemment déclaré préoccupé par les dispositions de l’article 33 de la Constitution, qui confère au Président de la République le pouvoir de faire expulser immédiatement du territoire national tout étranger dont le séjour est jugé inopportun, sans décision judiciaire préalable. Le Comité s’inquiète de ce que les personnes sous le coup d’une mesure d’expulsion n’aient pas pleinement accès aux recours judiciaires qui permettraient une révision de cette décision.

L’État partie devrait, à la lumière de l’article 3 de la Convention, prendre toutes les mesures voulues pour garantir la possibilité de former des recours judiciaires afin de contester une décision d’expulsion, et veiller à ce que l’exercice de ces recours ait un effet suspensif.

18) Le Comité prend note avec préoccupation des renseignements faisant état d’un usage excessif de la force par la police lors des manifestations qui se sont déroulées à Guadalajara (Jalisco) le 28 mai 2004 et à San Salvador Atenco (Atenco) les 3 et 4 mai 2006. Il s’inquiète du nombre excessif d’arrestations arbitraires et de mises au secret ainsi que des mauvais traitements et violences de toute sorte dénoncés dans ce contexte. Des allégations du même type ont également été portées à son attention en ce qui concerne les incidents survenus récemment à Oaxaca.

L’État partie devrait:

a) Garantir que l’usage de la force ne sera envisagé qu’en dernier recours et dans le strict respect des principes internationalement reconnus de la proportionnalité et de la nécessité en fonction de la menace existante;

b) Appliquer les directives énoncées par la Commission nationale des droits de l’homme dans sa Recommandation générale n o 12 concernant l’usage illégitime de la force et des armes à feu par les fonctionnaires ou agents de l’État chargés de faire appliquer la loi, émise en janvier 2006;

c) Enquêter sur toutes les allégations de violations des droits de l’homme commises par des fonctionnaires, en particulier à l’encontre des personnes arrêtées lors des opérations policières susmentionnées, et juger et sanctionner dûment les responsables.

19) Le Comité est préoccupé par les allégations de violence exercée en particulier contre les femmes durant l’opération de police menée à San Salvador Atenco en mai 2006, spécialement par les allégations d’actes de torture, de mauvais traitement, de violence et de viol et d’autres formes de violences sexuelles telles que les attouchements et les menaces de viol, commis par des membres des forces de l’ordre et autres agents chargés de l’application des lois. À ce propos, le Comité prend note avec satisfaction de la création en février 2006 du bureau du Procureur spécial chargé d’examiner les infractions liées à des actes de violence à l’égard des femmes, qui permettra de conduire les investigations et enquêtes préliminaires en mettant en avant la dimension sexuelle de ces graves violations des droits de l’homme. Le Comité s’inquiète néanmoins de ce que l’action du Procureur spécial puisse se limiter aux infractions de droit commun ayant un lien avec les délits fédéraux.

L’État partie devrait:

a) Procéder sans délai à une enquête diligente et impartiale sur les incidents survenus pendant les opérations de maintien de l’ordre menées à San Salvador Atenco les 3 et 4 mai 2006 et veiller à ce que les responsables des violations commises soient dûment jugés et sanctionnés;

b) Veiller à ce que les victimes des actes dénoncés obtiennent une réparation juste et effective;

c) Garantir à toutes les femmes victimes de violences sexuelles l’accès à des services appropriés de réadaptation physique et psychologique et de réinsertion sociale;

d) Définir des critères transparents qui permettent de déterminer clairement, en cas de conflit de compétence entre différentes juridictions, quels sont les cas dans lesquels le bureau du Procureur spécial peut exercer sa compétence et être habilité à connaître d’infractions données commises contre des femmes.

20) Le Comité prend note des dispositions prises par l’État partie pour traiter des cas de violences commises à Ciudad Juárez contre les femmes, notamment de la création en 2004 du bureau du Procureur spécial chargé de connaître des infractions liées aux homicides de femmes commis à Ciudad Juárez, ainsi que de la Commission pour la prévention et l’élimination de la violence contre les femmes à Ciudad Juárez. Il constate néanmoins avec préoccupation que nombre des meurtres et disparitions de plus de 400 femmes enregistrés à Ciudad Juárez depuis 1993 sont toujours impunis et que des actes de violence, y compris des meurtres, continuent de se produire à Ciudad Juárez. Il est également préoccupé par les renseignements selon lesquels aucune mesure n’aurait été prise pour établir la responsabilité de plus de 170 agents de l’État qui auraient commis des infractions disciplinaires ou pénales dans le cadre de l’enquête sur ces affaires, y compris en ayant recours à la torture pour obtenir des aveux.

L’État partie devrait:

a) Intensifier ses efforts pour retrouver et sanctionner dûment les responsables de ces délits;

b) Enquêter sur les allégations d’actes de torture commis afin d’obtenir des aveux et sanctionner les agents de l’État responsables de ces actes;

c) Intensifier ses efforts pour donner effet pleinement aux recommandations formulées par le Comité pour l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes à l’issue de l’enquête réalisée au titre de l’article 8 du Protocole facultatif à la Convention contre la torture.

21) Le Comité est préoccupé d’apprendre qu’à ce jour une indemnisation n’aurait été versée à des victimes d’actes de torture sur décision de justice que dans deux cas.

L’État partie devrait, conformément à l’article 14 de la Convention, garantir à toute victime d’un acte de torture le droit d’obtenir réparation et d’être indemnisée équitablement et de manière adéquate, y compris les moyens nécessaires à sa réadaptation la plus complète possible, tant par des mesures législatives que dans la pratique.

22) Le Comité est préoccupé par les rapports indiquant qu’en dépit de dispositions légales interdisant cette pratique, les autorités judiciaires continuent d’accorder valeur probante aux aveux obtenus par la violence physique ou psychique, si ceux-ci sont corroborés par d’autres moyens de preuve.

L’État partie devrait garantir qu’aucune déclaration dont il est établi qu’elle a été obtenue par la torture ne puisse être invoquée comme preuve, directe ou indirecte, dans aucune procédure, conformément à l’article 15 de la Convention, sauf contre une personne accusée de torture, comme preuve du fait que la déclaration a bien été formulée.

23) Le Comité prie l’État partie de faire figurer dans son prochain rapport périodique des renseignements détaillés sur les mesures adoptées pour donner effet aux recommandations contenues dans les présentes observations finales. Il recommande à l’État partie de prendre toutes les mesures appropriées pour garantir l’application de ces recommandations, notamment en les faisant parvenir aux membres du Gouvernement et du Congrès ainsi qu’aux autorités locales, afin qu’elles soient dûment examinées et suivies d’effet.

24) Le Comité recommande à l’État partie de diffuser largement les rapports présentés par l’État partie au Comité ainsi que les présentes conclusions et recommandations, y compris dans les langues autochtones, sur les sites Web officiels et par l’intermédiaire des médias et des organisations non gouvernementales.

25) Le Comité demande à l’État partie de lui adresser, dans le délai d’un an, des renseignements sur la suite qu’il aura donnée aux recommandations figurant aux paragraphes 14, 16, 19 et 20 des présentes observations finales.

26) L’État partie est invité à soumettre ses cinquième et sixième rapports, qui seront considérés comme son sixième rapport périodique, au plus tard le 31 décembre 2010.

36. Fédération de Russie

1) Le Comité a examiné le quatrième rapport périodique de la Fédération de Russie (CAT/C/55/Add.11) à ses 732 e , 733 e et 735 e séances, les 10 et 13 novembre 2006 (CAT/C/SR.732, 733 et 735), et a adopté, à sa 751 e  séance (CAT/C/SR.751), le 23 novembre 2006, les conclusions et recommandations ci-après.

A. Introduction

2) Le Comité se félicite de la présentation du quatrième rapport périodique de la Fédération de Russie, ainsi que des réponses écrites détaillées qu’elle a fournies suite à la liste des points à traiter (CAT/C/RUS/Q/4/Add.1). Tout en se félicitant du dialogue qu’il a eu avec la délégation, le Comité regrette l’absence d’un représentant de la Procurature générale. Il prend acte avec satisfaction des informations communiquées oralement et par écrit par les représentants de l’État partie.

B. Aspects positifs

3) Le Comité prend note avec satisfaction des faits positifs suivants:

a) L’entrée en vigueur, entre le 1 er juillet 2002 et le 1 er janvier 2004, du nouveau Code de procédure pénale adopté en décembre 2001 qui, entre autres, instaure le procès par jury, un encadrement plus strict de la détention et des interrogatoires, des dispositions visant à rendre irrecevables les éléments de preuve obtenus en l’absence d’un avocat, et confie la délivrance des mandats d’arrêt non plus au procureur mais au juge et limite à quarante-huit heures la durée de la garde à vue d’un suspect;

b) L’entrée en vigueur, le 1 er juillet 2002, du nouveau Code des infractions administratives, en vertu duquel les décisions, actes ou omissions dégradants pour la dignité humaine qui interviennent dans le cadre de l’application de mesures de coercition administrative sont irrecevables;

c) L’adoption, le 25 août 2003, de l’arrêté n o 523 portant approbation d’un nouveau programme fédéral visant à professionnaliser plusieurs secteurs de l’armée, et réduisant ainsi le nombre de conscrits;

d) L’adoption, en août 2004, de la loi fédérale sur la protection des victimes, témoins et autres parties à une procédure pénale, qui instaure un système de protection par l’État des victimes d’infractions pénales, des témoins et des autres parties à la procédure pénale et de leurs proches;

e) La ratification, en 2004, du Protocole facultatif se rapportant à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes.

4) Le Comité note également avec satisfaction les nombreuses mesures administratives et autres prises, notamment, en consultation avec le Conseil de l’Europe pour améliorer les conditions de détention, et la ferme volonté de l’État partie de poursuivre ces efforts; il note en particulier:

a) L’arrêté n o  205 du Ministère de la justice, daté du 2 août 2005, fixant des rations alimentaires minimales pour les suspects, les accusés et les condamnés;

b) Les mesures importantes prises par l’État partie pour réduire la surpopulation carcérale et l’adoption, en septembre 2006, du cadre stratégique de développement du système carcéral.

C. Sujets de préoccupation et recommandations

5) Les préoccupations et les recommandations du Comité sont exposées ci-après, dans les paragraphes 7 à 23, et concernent des questions afférentes à l’ensemble du territoire de l’État partie; le paragraphe 24 traite plus spécifiquement de la situation en République tchétchène, comme ce fut le cas dans les recommandations précédentes formulées par le Comité.

6) Le Comité est préoccupé par les questions énoncées ci-après.

Définition

7) Tout en prenant acte de l’affirmation de l’État partie selon laquelle tous les actes assimilables à de la torture au sens de l’article premier de la Convention sont punis en Fédération de Russie, le Comité note que la définition du terme «torture» contenue dans l’annotation à l’article 117 du Code pénal ne reflète pas pleinement tous les éléments de la définition figurant à l’article premier de la Convention, qui assimile à la torture les souffrances infligées par un agent de la fonction publique ou par toute autre personne agissant à titre officiel ou à son instigation ou avec son consentement exprès ou tacite. De plus, la définition ne couvre pas les actes commis dans le but de faire pression sur une tierce personne.

L’État partie devrait prendre des mesures pour rendre sa définition de la torture pleinement conforme à l’article premier de la Convention, en particulier pour faire en sorte que les membres de la police, de l’armée et du parquet puissent être poursuivis au titre des articles 302 et 117 du Code pénal.

Garanties pour les détenus

8) Parmi les lois et les pratiques qui empêchent les suspects et les accusés de recevoir la visite de leurs avocats et de leurs proches, rendant insuffisantes les garanties dont bénéficient les détenus, figurent notamment:

a) Les règlements intérieurs des centres de détention provisoire tels que les IVS (centres de détention provisoire de la police) et les SIZO (centres de détention avant jugement), le refus des tribunaux d’ordonner des enquêtes suite aux allégations faisant état de renseignements extorqués par la torture, et les cas de représailles rapportés par des avocats de la défense, qui affirment que leurs clients ont été torturés ou maltraités, et qui semblent propices à la torture et aux mauvais traitements;

b) La possibilité de restreindre, au nom du secret de l’enquête prévu à l’article 96 du Code de procédure pénale, le droit d’un suspect de rencontrer des membres de sa famille;

c) La loi sur les opérations de recherches et la loi fédérale n o 18 ‑FZ du 22 avril 2004, portant modification de l’article 99 du Code de procédure pénale, aux termes de laquelle les personnes soupçonnées de «terrorisme» peuvent être détenues pendant une période pouvant aller jusqu’à trente jours sans être inculpées;

d) La pratique signalée consistant à placer en détention des personnes soupçonnées d’infractions pénales sur la base d’accusations d’ordre administratif, qui prive les détenus de toute garantie de procédure.

L’État partie devrait assurer la mise en œuvre effective du droit de rencontrer un avocat et des autres garanties de protection contre la torture, dès la privation de liberté, à la demande de l’intéressé lui-même et non uniquement à la demande d’un agent de l’État.

L’État partie devrait faire en sorte que les personnes soupçonnées d’infractions pénales jouissent de leurs droits et de toutes les garanties de procédure, de façon à éviter leur mise en détention arbitraire sur la base d’accusations d’ordre administratif.

Usage répandu de la torture

9) Le Comité est préoccupé par les éléments suivants:

a) Les allégations particulièrement nombreuses, persistantes et concordantes faisant état d’actes de torture et d’autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants commis par des agents de la force publique, notamment pendant la garde à vue;

b) Le système de promotion en place au sein de la police, fondé sur le nombre d’affaires élucidées, qui crée des conditions favorables à l’emploi de la torture et de mauvais traitements pour l’obtention d’aveux;

c) L’information communiquée par l’État partie, selon laquelle les représentants d’organisations internationales autres que le Comité européen pour la prévention de la torture ne peuvent s’entretenir avec les détenus que lorsqu’ils sont accompagnés de représentants de l’administration.

L’État partie devrait mener des enquêtes rapides, impartiales et efficaces sur toutes les allégations de torture et de mauvais traitements et poursuivre et punir les responsables, tout en assurant la protection des plaignants ainsi que des témoins d’actes de torture.

L’État partie devrait songer à mettre en place au niveau national un système de surveillance de tous les lieux de détention et d’examen des allégations de mauvais traitements de personnes en garde à vue, permettant des visites régulières, indépendantes, inopinées et sans restrictions de tous les centres de détention. À cette fin, il devrait adopter des directives administratives et des critères d’accès transparents, et faciliter les visites d’observateurs indépendants tels que les organisations non gouvernementales indépendantes.

L’État partie devrait parachever et adopter le projet de loi fédérale n o  11807 ‑3, adopté en première lecture par la Douma d’État en septembre 2003 et actuellement en cours de préparation en vue d’une seconde lecture.

L’État partie devrait prendre les mesures voulues pour éliminer tout effet négatif que l’actuel système de promotion au sein des forces de l’ordre pourrait avoir quant à l’emploi signalé de la torture et des mauvais traitements.

10) Le Comité est également préoccupé par les éléments suivants:

a) Les informations récurrentes faisant état de bizutages dans l’armée ( dedovchtchina ), mais aussi de cas de torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants dans les forces armées perpétrés par des officiers ou d’autres militaires ou avec leur consentement exprès ou tacite, en dépit de l’intention affichée par l’État partie de mettre en œuvre un plan d’action destiné à empêcher le bizutage dans les forces armées;

b) Les informations étayées selon lesquelles les victimes qui déposent plainte font l’objet de nouvelles représailles et de nouvelles brimades, en l’absence de système de protection des témoins de tels actes;

c) Des centaines de témoignages faisant état d’enquêtes bâclées ou inexistantes et indiquant qu’en dépit des milliers d’inculpations prononcées contre des officiers accusés de telles infractions, il existe une impunité générale.

L’État partie devrait adopter une politique de tolérance zéro face au phénomène du bizutage dans l’armée, prendre des mesures de prévention immédiates et ouvrir rapidement des enquêtes et des poursuites impartiales et efficaces contre les responsables.

L’État partie devrait assurer la protection des victimes et des témoins de violences au sein des forces armées et mettre en place un programme de réadaptation (assistance médicale et soutien psychologique) pour les victimes.

Violences contre les femmes et les enfants, y compris la traite

11) Le Comité est préoccupé par:

a) L’absence de plaintes officielles, selon l’État partie, en dépit des allégations crédibles faisant état de violences contre les femmes en détention;

b) Les informations faisant état de violences au foyer endémiques et le manque de structures d’accueil pour les victimes;

c) Les informations persistantes sur des cas de traite de femmes et d’enfants à des fins d’exploitation sexuelle.

L’État partie devrait assurer la protection des femmes dans les lieux de détention, et instituer des procédures claires de traitement des plaintes ainsi que des mécanismes de surveillance et de supervision.

L’État partie devrait assurer la protection des femmes en adoptant des mesures concrètes législatives et autres en vue de combattre les violences au foyer, de protéger les victimes, de leur garantir l’accès aux services médicaux, sociaux et juridiques et à des structures d’hébergement temporaire, et de poursuivre les auteurs de ces violences.

L’État partie devrait renforcer les mesures visant à prévenir et combattre l’exploitation sexuelle des enfants et les violences sexuelles dont ils sont victimes.

L’État partie devrait poursuivre ses efforts pour appliquer de manière effective la législation contre la traite. Il devrait adopter les amendements législatifs proposés, ainsi que le projet de loi sur la lutte contre la traite des êtres humains, afin de protéger plus efficacement les victimes et de poursuivre les responsables.

Enquêtes et impunité

12) Le Comité est préoccupé par le manque d’indépendance des parquets, dû, en particulier, aux problèmes posés par le fait que la Procurature est responsable à la fois des poursuites et du contrôle du bon déroulement des enquêtes, et par l’absence d’enquêtes rapides, impartiales et efficaces sur les allégations de torture ou de mauvais traitements.

L’État partie devrait agir en priorité pour réformer la Procurature, en particulier en modifiant la loi fédérale sur la Procurature afin de renforcer l’indépendance et l’impartialité de cette institution et de séparer la fonction d’accusation de celle de supervision de l’enquête préliminaire sur des allégations de torture. L’État partie doit créer des mécanismes de contrôle efficaces et indépendants pour faire en sorte que toutes les allégations rapportées puissent faire l’objet d’enquêtes rapides, impartiales et effectives, et que les auteurs soient poursuivis et sanctionnés.

Indépendance de la justice

13) Le Comité est préoccupé par:

a) Le système de désignation et de révocation des juges et son incidence sur l’indépendance de la justice;

b) Le système de désignation des jurés, qui n’exclut pas automatiquement les présidents des organes législatifs et exécutifs, les militaires, les magistrats, les procureurs et les membres des forces de l’ordre.

L’État partie devrait réformer le système de sélection des jurés de façon à exclure la participation de ces personnes aux jurys et à éviter toute possibilité de sélection arbitraire susceptibles de nuire à la neutralité et à l’impartialité des jurys. Il doit poursuivre les efforts qu’il a entrepris pour renforcer l’indépendance de la justice, notamment en ce qui concerne la sécurité du mandat des juges.

Justice pour mineurs

14) Tout en prenant acte de plusieurs initiatives en cours dans le domaine législatif, le Comité s’inquiète du fait que l’État partie n’ait pas mis en place de système de justice pour mineurs.

L’État partie devrait poursuivre la réforme de son système de justice pour mineurs et adopter le projet de loi fédérale sur les fondements d’un système de justice pour mineurs qui prévoit, entre autres, la création de tribunaux pour mineurs.

Asile, non-refoulement et extradition

15) Le Comité est préoccupé par certains éléments se rapportant à l’article 3 de la Convention, notamment:

a) Des informations faisant état du refoulement, cette année, de plus de 300 personnes vers des pays voisins, selon les chiffres du Ministère de l’intérieur, et l’absence de garanties visant à assurer le respect de l’obligation de non-refoulement spécifiée à l’article 3 de la Convention;

b) Le recours généralisé aux expulsions administratives, telles que définies à l’article c18.8 du Code des infractions administratives, pour des violations mineures des règles relatives à l’immigration.

L’État partie devrait faire en sorte que nul ne soit expulsé, refoulé ou extradé vers un autre pays lorsqu’il y a de sérieux motifs de penser que l’intéressé risque d’être torturé dans le pays en question.

L’État partie devrait préciser plus clairement quelles sont les violations des règles relatives à l’immigration qui sont passibles d’une mesure d’expulsion administrative et établir des procédures claires pour garantir la juste application de ces règles. Il devrait assurer le respect des prescriptions de l’article 3 de la Convention prévoyant un contrôle administratif et judiciaire indépendant, impartial et efficace des arrêtés d’expulsion.

L’État partie devrait délivrer des pièces d’identité à tous les demandeurs d’asile dès le début de la procédure d’examen de leur demande, y compris à l’aéroport Sheremetyevo 2.

16) Le Comité est préoccupé par le recours présumé aux assurances écrites dans le contexte des refoulements alors que les règles minimales applicables à ces assurances, y compris en ce qui concerne les modalités de suivi après l’expulsion et les garanties d’une procédure équitable, ne sont pas tout à fait claires, en sorte qu’il est difficile d’en évaluer la compatibilité avec l’article 3 de la Convention.

L’État partie devrait fournir au Comité des données statistiques détaillées sur le nombre de cas où des assurances ont été demandées depuis 2002, les personnes concernées et l’issue de chaque affaire, ainsi que la teneur minimum de ces assurances. Il devrait également instituer et appliquer des procédures précises pour l’obtention de telles assurances, des mécanismes judiciaires de contrôle appropriés et des mécanismes efficaces de suivi après le retour.

Détention et lieux d’incarcération

17) Tout en prenant acte des efforts importants faits par l’État partie (voir par. 4), le Comité demeure préoccupé par:

a) Les conditions de détention et le problème persistant du surpeuplement des établissements pénitentiaires et des institutions pour mineurs;

b) Le fait que le nouveau Code de procédure pénale (2001) ne fixe pas de limite obligatoire à la durée de la détention provisoire;

c) L’insuffisance des soins de santé dispensés dans les centres de détention provisoire et les colonies pénitentiaires.

Le Comité encourage l’État partie à mettre en œuvre le cadre stratégique pour le développement du système pénitentiaire adopté en septembre 2006, et à poursuivre les efforts entrepris dans le but de résoudre le problème de la surpopulation carcérale et d’améliorer les conditions de vie dans les prisons, y compris les institutions pour mineurs et les centres de détention provisoire, pour les rendre conformes aux dispositions de la Convention.

L’État partie devrait fixer des limites obligatoires à la durée de la détention provisoire.

L’État partie devrait songer à créer un service de santé indépendant du Ministère de l’intérieur et du Ministère de la justice, chargé d’examiner les détenus dès leur arrestation, à leur libération, à intervalles réguliers durant leur détention et à leur demande, le cas échéant avec l’assistance d’un organe indépendant doté de compétences en médecine légale, de sorte que les cas graves, en particulier les cas de décès en détention, puissent être examinés par des experts impartiaux, et que les résultats d’un tel examen puissent être communiqués aux proches du défunt.

18) Même si les efforts entrepris par l’État partie pour améliorer la situation méritent d’être soulignés, les conditions de vie des patients dans les hôpitaux psychiatriques, notamment celles des enfants, demeurent mauvaises, et ces établissements sont de surcroît surpeuplés, ce qui peut constituer une forme de traitements cruels, inhumains, et on continue à avoir recours à des mesures de confinement de longue durée.

L’État partie devrait développer davantage les services ambulatoires afin de réduire le problème de la surpopulation dans les hôpitaux psychiatriques et de diminuer la durée de l’hospitalisation; il devrait aussi prendre des mesures appropriées pour améliorer les conditions de vie de tous les patients, y compris les enfants, dans les établissements fermés.

Formation

19) Le Comité est préoccupé par:

a) L’absence de formation du personnel médical, en général, et en particulier du personnel médical dans les lieux de garde à vue s’agissant de la détection des signes de torture et de mauvais traitements;

b) Le niveau insuffisant de formation pratique s’agissant du respect des obligations découlant de la Convention par les membres des forces de l’ordre, les juges et les militaires.

L’État partie devrait mettre en place une formation pratique afin de doter les médecins des moyens de repérer les signes de torture et de mauvais traitements, conformément au Protocole d’Istanbul, mais aussi former les membres des parquets et les militaires en ce qui concerne des obligations de l’État partie découlant de la Convention.

L’État partie devrait, notamment en partenariat avec les organisations non gouvernementales, poursuivre le développement de ses programmes de formation, à l’intention des agents chargés de faire appliquer la loi et du personnel pénitentiaire.

Indemnisation et réadaptation des victimes de la torture

20) Le Comité note avec préoccupation l’absence d’une indemnisation correcte des victimes de la torture, reconnue par la Cour constitutionnelle, de même que l’absence de mesures appropriées de réadaptation des victimes de la torture et d’autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

L’État partie devrait réviser la procédure d’indemnisation actuellement en vigueur de façon à la rendre conforme aux dispositions de la Constitution et aux obligations découlant de l’article 14 de la Convention et à faire en sorte que les victimes de la torture puissent être correctement indemnisées. Il devrait également faire en sorte que les victimes de torture et de mauvais traitements puissent bénéficier d’une assistance médicale et psychologique appropriée.

Utilisation d’éléments de preuve obtenus par la torture

21) Alors que le Code de procédure pénale dispose que les éléments de preuve obtenus par la torture sont irrecevables, il semble que dans la pratique, les tribunaux n’aient jamais reçu pour instruction de prononcer l’irrecevabilité des éléments de preuve ainsi obtenus ni d’ordonner une enquête immédiate, impartiale et effective.

L’État partie devrait adopter des dispositions législatives claires concernant les mesures que les tribunaux doivent prendre s’il apparaît que des éléments de preuve ont été obtenus par la torture ou d’autres formes de mauvais traitements, de façon à garantir dans la pratique le respect absolu du principe de l’irrecevabilité des éléments de preuve obtenus par la torture, sauf lorsque l’intéressé est lui-même accusé de s’être livré à la torture, comme le requiert l’article 15 de la Convention.

Actes de violence contre les défenseurs des droits de l’homme

22) Le Comité est préoccupé par:

a) Les informations fiables faisant état de harcèlement et de meurtres de journalistes et de défenseurs des droits de l’homme, y compris le récent assassinat d’Anna Politkovskaya qui, selon le Rapporteur spécial sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, était en train de préparer un rapport sur les allégations graves selon lesquelles des agents de l’État se seraient rendu coupables de torture en Tchétchénie;

b) L’entrée en vigueur, le 17 avril 2006, de la nouvelle loi régissant les activités des organisations à but non lucratif, qui étend le pouvoir discrétionnaire d’ingérence de l’État et restreint sévèrement les activités des organisations non gouvernementales.

L’État partie devrait prendre des mesures efficaces pour faire en sorte que toutes les personnes qui surveillent et signalent les cas de torture ou de mauvais traitements soient protégées contre les actes d’intimidation et contre toutes les conséquences défavorables auxquelles elles pourraient être exposées suite à leurs révélations, et pour garantir l’ouverture d’enquêtes rapides, impartiales et effectives et sanctionner de tels actes.

L’État partie devrait définir clairement les conditions d’application de la nouvelle loi et limiter son pouvoir discrétionnaire d’ingérence dans les activités des organisations non gouvernementales. Il devrait donc modifier la législation relative aux activités des ONG dans le but de la rendre conforme aux normes internationales relatives aux droits de l’homme ayant trait à la protection des défenseurs des droits de l’homme, notamment à la Déclaration des Nations Unies sur les défenseurs des droits de l’homme , ainsi qu’aux meilleures pratiques internationales.

Agressions violentes perpétrées en raison de la race, de l’appartenance ethnique ou de l’identité de la victime

23) Le Comité est préoccupé par la recrudescence des actes de violence motivés par la race, l’appartenance ethnique ou l’identité de la victime, notamment les expulsions forcées dans la région de Kaliningrad, et l’absence alléguée d’enquêtes effectives à la suite de ces actes.

L’État partie devrait faire en sorte que tous ses agents soient informés du fait qu’aucun comportement raciste ou discriminatoire ne sera permis ou toléré et que tout agent qui s’en rendra complice sera poursuivi et suspendu de ses fonctions en attendant le règlement de l’affaire ou, s’il existe un danger de récidive, muté à un poste qui ne lui permettra pas d’entrer en contact direct avec des victimes potentielles. L’État partie devrait faire en sorte que des enquêtes rapides, impartiales et efficaces soient diligentées à la suite de tels actes de violence.

Situation en République tchétchène

24) Le Comité est préoccupé par:

a) Les informations fiables faisant état de l’existence de lieux de détention non officiels dans le nord du Caucase et les allégations selon lesquelles les personnes détenues en ces lieux font l’objet d’actes de torture et d’autres traitements cruels, inhumains ou dégradants;

b) Les allégations nombreuses, persistantes et concordantes selon lesquelles des disparitions forcées et des enlèvements seraient perpétrés en République tchétchène, particulièrement au cours d’opérations antiterroristes, par des représentants des autorités ou d’autres personnes agissant à titre officiel ou avec leur consentement express ou tacite, et l’absence d’enquêtes et de sanctions contre les responsables;

c) Le double système de juridiction en République tchétchène dans lequel interviennent à la fois des procureurs civils et militaires;

d) Les allégations de torture dans le centre de détention provisoire relevant du Deuxième Bureau opérationnel d’investigation (ORB-2) de l’Administration opérationnelle pour le Nord ‑Caucase de la Direction administrative principale, qui relève des services du Ministère de l’intérieur du district fédéral méridional, ainsi que dans les locaux de plusieurs subdivisions de l’ORB-2 en République tchétchène;

e) La loi fédérale de lutte contre le terrorisme, signée le 6 mars 2006, qui ne définit pas les conditions d’application des garanties accordées aux détenus par le Code de procédure pénale dans le contexte des opérations antiterroristes;

f) Les allégations faisant état de la pratique courante consistant à arrêter les proches des personnes soupçonnées de terrorisme;

g) La pratique signalée consistant à arrêter des personnes pour non-respect des règles du système d’enregistrement du lieu de résidence.

L’État partie doit faire en sorte que nul ne puisse être détenu en un lieu autre que les centres de détention officiels sous son contrôle effectif. L’État partie devrait enquêter sur toutes les installations de ce type et en révéler l’existence, de même que l’autorité dont elles relèvent et la façon dont les détenus y sont traités. Il devrait condamner publiquement tout recours à la mise au secret et poursuivre toute personne responsable ou complice de cette pratique.

L’État partie devrait prendre toutes les mesures nécessaires pour interdire et prévenir les enlèvements et les disparitions forcées sur tout territoire relevant de sa juridiction, et poursuivre et condamner les auteurs de tels actes.

L’État partie devrait garantir le recours effectif à des enquêtes conjointes menées par des groupes mixtes comprenant des représentants des procuratures militaire et civile (territoriale) en attendant que la question de la compétence dont relève chaque affaire puisse être tranchée, et garantir à tous les suspects le droit à un procès équitable.

L’État partie devrait ordonner une enquête complète et indépendante sur les méthodes employées lors des interrogatoires dans les centres de détention relevant de l’ORB-2.

L’État partie devrait mener des enquêtes rapides, impartiales et effectives sur l’ensemble des allégations faisant état de tortures et de mauvais traitements perpétrés, notamment, dans ces centres de détention, étudier les rapports médicaux figurant dans les dossiers transmis aux tribunaux à l’appui de ces allégations et faire en sorte que les responsables soient poursuivis et dûment sanctionnés.

Réitérant sa recommandation antérieure, le Comité estime que l’État partie devrait préciser quel est le régime juridique applicable en rapport avec les événements en Tchétchénie, car la situation est actuellement incertaine sur ce plan étant donné que l’état d’exception n’a pas été proclamé mais qu’un conflit a r mé non international est en cours. Les partic u liers pourraient ainsi disposer d’un moyen efficace de recours contre toute violation dont ils auraient été victimes et ne seraient ainsi pas pris dans le cercle vicieux des divers départements et organes militaires et civils ayant divers degrés de responsabilité.

L’État partie devrait faire en sorte que toutes les mesures antiterroristes prises en Tchétchénie et sur tout autre territoire sous sa juridiction demeurent pleinement conformes à l’interdiction de la torture et d’autres mauvais traitements formulée dans la Convention.

L’État partie devrait instaurer des garanties contre les représailles dans le but de protéger tous les plaignants, y compris, entre autres, ceux qui saisissent la Cour européenne des droits de l’homme ou forment un recours au titre de l’article 22 de la Convention pour des affaires de torture ou de disparition.

25) Le Comité apprécie les données qui lui ont été communiquées par les représentants de l’État partie concernant la pratique du bizutage ( dedovchtchina ) dans les forces armées et l’application des articles 117 et 302 du Code pénal, mais il regrette l’absence de statistiques officielles détaillées concernant les enquêtes ouvertes à la suite des plaintes pour torture en garde à vue ou dans les institutions pénitentiaires dans le territoire relevant de la juridiction de l’État partie. L’État partie devrait soumettre au Comité des statistiques détaillées, ventilées par infraction et par sexe, mais aussi par région, concernant les plaintes pour torture et mauvais traitements commis par des agents des forces de l’ordre et des membres du personnel pénitentiaire, et concernant toutes les enquêtes et poursuites se rapportant à ces plaintes, et les mesures pénales et disciplinaires prises dans ce contexte. Le Comité prie également l’État partie de lui soumettre des statistiques concernant le nombre éventuel d’affaires dans lesquelles les tribunaux ont rejeté les demandes de mise en détention provisoire formulées par le parquet, suite à des violations des règles relatives à la garde à vue de la part des membres des forces de l’ordre.

26) Le Comité encourage l’État partie à continuer à autoriser les inspections internationales des lieux de détention, notamment par le Comité européen pour la prévention de la torture (CPT) et, rappelant que les représentants de l’État partie se sont référés à maintes reprises aux récentes constatations des différents membres du Comité européen contre la torture à propos de la Tchétchénie, recommande à l’État partie d’autoriser la publication des rapports du CPT sur la situation en Tchétchénie et dans d’autres régions.

27) Le Comité regrette que le Rapporteur spécial sur la question de la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants n’ait toujours pas pu se rendre dans les républiques nord-caucasiennes de Tchétchénie, d’Ingouchie, d’Ossétie du Nord et de Kabardino-Balkarie, et prie instamment l’État partie d’autoriser une telle visite, dans le plein respect du mandat des missions d’enquête dépêchées au titre des procédures spéciales de l’ONU. Il encourage également l’État partie à ratifier le Protocole facultatif à la Convention contre la torture.

28) L’État partie doit assurer une large diffusion de son rapport et de ses réponses à la liste des points à traiter, des comptes rendus analytiques, des conclusions et recommandations du Comité, dans toutes les langues appropriées, sur les sites Web officiels et dans les médias.

29) Le Comité prie l’État partie de lui fournir, dans un délai d’un an, des informations sur la suite qu’il aura donnée à ses recommandations figurant aux paragraphes 8, 10, 12, 16, 22, 23 et 24 du présent document.

30) L’État partie est invité à soumettre son cinquième rapport périodique d’ici au 31 décembre 2010.

37. Afrique du Sud

1) Le Comité contre la torture (ci-après dénommé «le Comité») a examiné le rapport initial de l’Afrique du Sud (CAT/C/52/Add.3) à ses 736 e et 739 e séances, les 14 et 15 novembre 2006 (CAT/C/SR.736 et 739), et a adopté, à sa 750 e séance, tenue le 23 novembre 2006 (CAT/C/SR.750), les conclusions et recommandations ci-après.

A. Introduction

2) Le Comité saisit cette occasion pour dire la profonde satisfaction qui est la sienne face à l’abolition du régime d’apartheid, qui a tant fait souffrir le peuple sud-africain, et au vu des mesures prises pour empêcher qu’un régime de cette nature, fondé sur des violations graves et systématiques des droits de l’homme et, en particulier sur la torture et les traitements cruels, inhumains ou dégradants, soit jamais restauré dans le pays.

3) Le Comité accueille avec satisfaction le rapport initial de l’Afrique du Sud, ainsi que l’amorce d’un dialogue constructif avec les représentants de l’État partie. Il regrette toutefois que le rapport, qui était attendu pour le mois de janvier 2000, n’ait été soumis qu’en juin 2005. Il relève par ailleurs que le rapport n’est pas pleinement conforme aux directives générales du Comité pour l’établissement des rapports initiaux et se limite essentiellement aux dispositions réglementaires, omettant d’analyser la mise en œuvre des dispositions de la Convention. Néanmoins, le dialogue avec la délégation de l’État partie a permis au Comité d’obtenir des renseignements sur la façon dont les dispositions de la Convention étaient concrètement appliquées dans l’État partie.

4) Le Comité remercie la délégation de l’État partie des réponses détaillées qu’elle a apportées, par écrit et oralement, aux questions posées par ses membres au cours de l’examen du rapport. Il a apprécié la délégation nombreuse et de haut niveau, composée de plusieurs représentants de ministères de l’État partie, qui a contribué à un échange oral constructif au cours de l’examen du rapport.

B. Aspects positifs

5) Le Comité félicite l’État partie d’avoir opéré une transition pacifique du régime d’apartheid vers une société sud-africaine démocratique, ainsi que de l’adoption de la Constitution de 1996, qui renferme une Charte des droits consacrant, entre autres, le droit «de n’être soumis à aucune forme de violence de la part d’une source publique ou privée», le droit «de ne pas être torturé» et le droit de «ne pas faire l’objet de peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants», et qui instaure des garanties juridiques en faveur des détenus.

6) Le Comité prend acte avec satisfaction de la ratification par l’État partie d’un nombre important d’instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme depuis la fin de l’apartheid, en particulier des instruments suivants: Pacte international relatif aux droits civils et politiques et protocoles y relatifs, Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale, Convention relative aux droits de l’enfant, Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, Statut de Rome de la Cour pénale internationale, Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, Convention relative au statut des réfugiés et protocole y relatif, et Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée.

7) Le Comité se félicite de l’adoption de nombreuses mesures législatives destinées à renforcer, promouvoir et mettre en œuvre les droits de l’homme, notamment de l’abolition de la peine de mort et de la détention au secret, de l’adoption de l’Ensemble de règles minima pour le traitement des détenus et, surtout, de la promulgation des textes suivants: a) loi sur les services correctionnels, de 1998, qui instaure le Code d’éthique et de conduite applicable aux agents des services correctionnels; b) loi sur les réfugiés, de 1998; c) loi sur la violence dans la famille, de 1998; d) loi sur l’immigration, de 2002; et e) loi sur les prisons, de 2004.

8) Le Comité se félicite par ailleurs de la création de la Commission pour la réforme du droit (Law Reform Commission), de la Commission sud-africaine des droits de l’homme, de la Direction indépendante des plaintes, dotées de compétences spécifiques pour enquêter sur les allégations de torture, et de la désignation, en application de la loi sur les services correctionnels, de visiteurs de prison indépendants, relevant de l’Inspection judiciaire des prisons.

9) Le Comité prend acte avec satisfaction des assurances données par l’État partie que des moyens financiers et humains plus importants ont été alloués à la Direction indépendante des plaintes, que l’indépendance de cette instance est garantie et qu’il est envisagé d’en modifier la structure dans le but d’en renforcer et élargir les attributions.

10) Le Comité note par ailleurs avec satisfaction la mise en place d’une politique relative à la  prévention de la torture et au traitement des personnes placées en garde à vue par la police nationale sud-africaine, ainsi que la publication de nouvelles consignes de règlement intérieur pour la police.

C. Facteurs et difficultés entravant la mise en œuvre de la Convention

11) Le Comité reconnaît que l’héritage du régime d’apartheid, dans le cadre duquel le recours à la torture et autres traitements cruels, inhumains ou dégradants, à la détention arbitraire, aux disparitions forcées et à d’autres formes de violations graves des droits de l’homme était systématique et institutionnalisé, continue d’exercer un certain impact sur le système pénal de l’État partie et entrave encore la pleine mise en œuvre de la Convention.

12) Le Comité reconnaît qu’au-delà du démantèlement des anciennes structures du régime d’apartheid, la mise en place d’une justice respectueuse des droits de l’homme en général, et des dispositions de la Convention en particulier, représente un réel défi pour l’Afrique du Sud, et encourage l’État partie à poursuivre ces réformes. Il souligne toutefois qu’aux termes du paragraphe 2 de l’article 2 de la Convention, aucune circonstance exceptionnelle ne peut être invoquée pour justifier la torture.

D. Sujets de préoccupation et recommandations

13) Malgré les dispositions constitutionnelles et en dépit du fait que les tribunaux peuvent retenir la torture comme circonstance aggravante, le Comité est préoccupé par l’absence, dans le droit pénal de l’État partie, de l’infraction spécifique de torture et d’une définition de la torture, et ce, plus de sept ans après l’entrée en vigueur de la Convention (art. 1 er et 4).

L’État partie devrait prévoir dans son droit pénal l’infraction spécifique de torture, ainsi qu’une définition de ce terme pleinement compatible avec l’article premier de la Convention, assortie de sanctions appropriées, prenant en considération la gravité de l’infraction, afin de répondre pleinement à l’obligation de prévenir et d’éliminer la torture et de combattre l’impunité, qui découle de la Convention.

14) Malgré les dispositions de la Constitution, le Comité regrette l’absence, dans le droit interne de l’État partie, de dispositions légales claires garantissant le caractère absolu et indérogeable de l’interdiction de la torture quelles que soient les circonstances (art. 2 et 15).

L’État partie devrait adopter une législation appropriée consacrant le principe de l’interdiction absolue de la torture, interdisant l’utilisation de toute déclaration obtenue par la torture et stipulant que l’ordre d’un supérieur ne peut être invoqué pour justifier la torture.

15) Tout en prenant acte de la jurisprudence de la Cour constitutionnelle en la matière (affaire Mohamed et autre c. Président de la République sud-africaine et autres , 2001, et affaire État c.  Makwanyane , 1995), le Comité est préoccupé par le fait que l’État partie a expulsé des personnes vers des pays où il y avait des motifs sérieux de croire qu’elles risquaient d’être torturées ou condamnées à mort (art. 3).

L’État partie ne devrait en aucune circonstance expulser, refouler ou extrader une personne vers un État où il y a des motifs sérieux de croire qu’elle risque d’être soumise à la torture. Pour déterminer s’il devrait s’en tenir à l’obligation de non ‑refoulement qui lui est faite à l’article 3 de la Convention, l’État partie devrait examiner avec attention les éléments de chaque dossier cas par cas et mettre en place des mécanismes judiciaires appropriés permettant le réexamen des décisions puis assurer un suivi après refoulement effectif.

L’État partie devrait fournir au Comité des informations détaillées concernant tous les cas d’extradition, de renvoi ou de refoulement ayant fait l’objet d’assurances ou de garanties et qui se sont produits depuis l’entrée en vigueur de la Convention, la teneur minimale de ces assurances et garanties et les mesures de suivi prises en pareil cas. L’État partie devrait également communiquer au Comité les informations les plus récentes sur les affaires de M. Rashid et de M. Mohamed.

16) Le Comité est préoccupé par les difficultés rencontrées par les étrangers avec ou sans papiers, arrêtés au titre de la loi sur l’immigration et placés dans des centres de rétention en attente de leur expulsion, dans l’incapacité de contester la validité de leur détention ou de demander l’asile ou le statut de réfugié, et privés de tout accès à l’aide juridictionnelle. Le Comité est également préoccupé par les allégations de mauvais traitements, de harcèlement et de chantage dont les étrangers seraient victimes aux mains des agents des forces de l’ordre, ainsi que par l’absence de mécanisme de supervision de ces centres et par l’absence d’enquêtes sur ces allégations (art. 2, 13 et 16).

L’État partie devrait prendre toutes les mesures nécessaires pour prévenir et combattre les mauvais traitements dont sont victimes les ressortissants étrangers placés dans des centres de rétention, particulièrement dans celui de Lindela, informer suffisamment les étrangers de leurs droits et des recours juridiques possibles en cas de violation de ces droits et hâter la mise en application des mesures destinées à rattraper le retard pris dans l’examen des demandes d’asile. Il doit également veiller à ce que toutes les allégations de mauvais traitements subis par des étrangers fassent rapidement l’objet d’une enquête approfondie et indépendante, et à ce qu’un mécanisme de surveillance effectif de ces centres soit mis en place.

17) Le Comité n’est toujours pas convaincu que l’État partie a pris les mesures législatives voulues pour établir sa compétence aux fins de connaître des actes de torture, conformément aux dispositions de la Convention (art. 5, 6, 7 et 8).

L’État partie devrait prendre les mesures nécessaires pour établir sa compétence aux fins de connaître des actes de torture quand l’auteur présumé de l’infraction se trouve sur tout territoire sous sa juridiction, que ce soit aux fins de son extradition ou de l’exercice de l’action pénale, conformément aux dispositions de la Convention.

18) Tout en notant avec satisfaction le travail remarquable de la Commission vérité et réconciliation et le rôle qu’elle a joué dans la transition pacifique qui s’est opérée dans l’État partie, le Comité constate que des personnes responsables d’actes de torture sous le régime d’apartheid continuent de bénéficier d’une impunité de fait et que les victimes n’ont pas toutes été indemnisées (art. 12, 2 et 14).

L’État partie devrait songer à traduire en justice les personnes responsables de l’institutionnalisation de la torture comme instrument d’oppression et de perpétuation de l’apartheid, et à indemniser correctement toutes les victimes. Il doit également envisager d’autres moyens de rendre les auteurs d’actes de torture commis sous le régime d’apartheid responsables de ces actes, et combattre ainsi l’impunité.

19) Le Comité est préoccupé par les pouvoirs discrétionnaires importants dévolus au ministère public (art. 12).

L’État partie devrait prendre toutes les mesures appropriées pour faire en sorte que son système de justice pénale garantisse effectivement à chacun le droit à un procès équitable.

20) Le Comité est préoccupé par le nombre élevé et croissant de décès en détention. Il s’inquiète par ailleurs du fait que les allégations de mauvais traitements infligés aux détenus ne donnent pas lieu à enquête et que les agents de la force publique jouissent apparemment de l’impunité (art. 12).

L’État partie devrait enquêter immédiatement de manière approfondie et impartiale sur tous les cas de décès en détention et sur toutes les allégations de torture et autres traitements cruels, inhumains ou dégradants perpétrés par les agents de la force publique et traduire les responsables en justice, pour s’acquitter de ses obligations au titre de l’article 12 de la Convention.

21) Tout en prenant acte de l’existence de dispositifs d’aide juridictionnelle, le Comité s’inquiète des difficultés, linguistiques notamment, que rencontrent les personnes ou groupes vulnérables, victimes d’actes de torture, pour faire valoir leur droit de recours, obtenir réparation et être indemnisés équitablement et de manière adéquate. Il s’inquiète également de ce que les groupes vulnérables soient mal informés des dispositions de la Convention (art. 13 et 10).

L’État partie devrait prendre les mesures nécessaires au renforcement des dispositifs d’aide juridictionnelle en faveur des personnes et groupes vulnérables, en faisant en sorte que toutes les victimes d’actes de torture puissent exercer leurs droits au titre de la Convention, et diffuser la Convention dans toutes les langues requises, en particulier auprès des groupes vulnérables.

22) Tout en constatant une amélioration relative de la situation du système carcéral de l’État partie, le Comité demeure préoccupé par la surpopulation des prisons et autres lieux de détention, ainsi que par l’incidence élevée de VIH/sida et de tuberculose parmi les détenus. Le phénomène de surpopulation concerne notamment les personnes en détention provisoire et les mineurs, et le Comité s’inquiète tout particulièrement des conditions de détention des personnes qui attendent d’être jugées dans les cellules des commissariats, qui ne conviennent pas à de longues périodes de détention et qui plongent les détenus en situation de grande vulnérabilité. Le Comité exprime également sa préoccupation face à l’absence de véritable mécanisme de supervision capable de surveiller les conditions de détention des personnes en garde à vue et au fait que la période de détention avant jugement n’est pas comptabilisée dans le calcul de la durée de la peine proprement dite (art. 16 et 11).

L’État partie devrait prendre des mesures effectives pour améliorer les conditions de détention, réduire la surpopulation et répondre aux besoins élémentaires de toutes les personnes privées de leur liberté, notamment en ce qui concerne les soins de santé; les détenus doivent faire l’objet d’examens médicaux réguliers. L’État partie devrait également faire en sorte que les mineurs soient détenus à l’écart des adultes, conformément aux règles internationales, réexaminer le caractère systématique du placement en détention avant jugement pour certaines infractions, notamment pour ce qui est des mineurs, et mettre en place un mécanisme de surveillance approprié pour les personnes en garde à vue.

23) Le Comité est préoccupé par les violences généralisées dont sont victimes les femmes et les enfants, particulièrement par les viols et les violences conjugales, et par le fait que les pouvoirs publics n’ont engagé aucune politique effective propre à prévenir et combattre ce type de violences (art. 16 et 1).

L’État partie devrait adopter toutes les mesures nécessaires pour prévenir, combattre et sanctionner les violences dirigées contre les femmes et les enfants, et renforcer sa coopération avec les organisations issues de la société civile pour lutter contre ce phénomène. Il devrait par ailleurs mener des études pour établir les causes profondes de l’incidence élevée des viols et des violences sexuelles, afin de pouvoir élaborer des mesures de prévention efficaces, mener des campagnes de sensibilisation, enquêter de manière approfondie sur ces violations graves des droits de l’homme et lancer une politique de «tolérance zéro».

24) Le Comité est préoccupé par le phénomène de la traite des êtres humains dans l’État partie et pointe le manque de mesures spécifiques effectives destinées à lutter contre ce phénomène, y compris le fait que la traite des êtres humains n’ait pas été érigée en infraction à la loi pénale (art. 16).

L’État partie devrait adopter une législation et d’autres mesures effectives propres à prévenir, combattre et réprimer la traite des êtres humains, particulièrement celle des femmes et des enfants.

25) Tout en notant que la législation de l’État partie, ainsi que la jurisprudence de la Cour constitutionnelle (affaire État c. Williams et autres , 1995), interdisent les châtiments corporels, le Comité demeure préoccupé par le recours, fût-il occasionnel, à cette pratique dans certaines écoles et autres institutions publiques, ainsi que par l’absence de mécanisme de supervision chargé de surveiller ces institutions (art. 16).

L’État partie devrait faire en sorte que la législation interdisant les châtiments corporels soit strictement appliquée, en particulier dans les écoles et les institutions pour enfants relevant des services sociaux, et mettre en place un mécanisme pour surveiller ces institutions.

26) Tout en prenant acte avec satisfaction du fait que l’État partie a reconnu que le Comité était compétent pour examiner des communications présentées par ou pour le compte de particuliers qui prétendent être victimes d’une violation par l’État partie des dispositions de la Convention, le Comité relève qu’il n’a reçu aucune communication (art. 22 et 10).

L’État partie devrait diffuser largement la Convention et des informations la concernant, dans toutes les langues requises, notamment s’agissant du mécanisme créé en application de l’article 22.

27) Le Comité prie l’État partie de lui fournir, dans son prochain rapport périodique, des statistiques détaillées et ventilées sur les plaintes pour actes de torture ou autres traitements cruels, inhumains ou dégradants commis par des agents de la force publique, ainsi que sur les enquêtes, poursuites et condamnations auxquelles ces plaintes ont abouti, et en particulier sur les exactions qu’auraient commises des Casques bleus sud-africains. Il le prie également de fournir des informations détaillées sur l’indemnisation et la réadaptation accordées aux victimes.

28) Le Comité prie également l’État partie de lui fournir des informations détaillées sur le projet de loi visant à ériger la torture en infraction à la loi pénale, celui concernant la justice pour mineurs, ainsi que tous autres projets ou textes de loi se rapportant à la mise en œuvre de la Convention. Il souhaite par ailleurs obtenir des informations sur les programmes de formation des agents des forces de l’ordre et sur les mécanismes de contrôle des institutions de santé mentale et autres institutions sociales, ainsi que sur les mesures prises pour prévenir et interdire la production, le commerce et l’emploi de matériel spécialement conçu pour infliger des tortures ou autres traitements cruels, inhumains ou dégradants.

29) Le Comité prie l’État partie de lui fournir, dans un délai d’un an, des informations concernant les suites données aux recommandations énoncées aux paragraphes 15, 16, 21, 23, 27 et 28 du présent document.

30) Le Comité prie l’État partie de diffuser largement, dans toutes les langues requises, son rapport, ainsi que les réponses faites par écrit aux questions orales du Comité et les conclusions et recommandations de ce dernier, par l’intermédiaire des sites Web officiels, des médias et des organisations non gouvernementales.

31) Le Comité, ayant conclu qu’une quantité d’informations suffisante lui avait été communiquée lors de l’examen du rapport de l’Afrique du Sud pour combler le retard de sept ans accumulé dans la soumission de son rapport initial, a décidé de demander à cet État partie de lui soumettre son deuxième rapport périodique au plus tard le 31 décembre 2009.

38. Tadjikistan

1) Le Comité a examiné le rapport initial du Tadjikistan (CAT/C/TJK/1) à ses 726 e et 729 e  séances (CAT/C/SR.726 et 729), tenues les 7 et 8 novembre 2006, et a adopté, à sa 744 e  séance (CAT/C/SR.744), tenue le 20 novembre 2006, les conclusions et recommandations suivantes.

A. Introduction

2) Le Comité accueille favorablement le rapport initial du Tadjikistan et les informations utiles qu’il contient, mais il constate que ce rapport est présenté avec dix ans de retard. Par ailleurs, ce rapport aurait dû porter sur l’ensemble de la période 1995 ‑2004 et non pas seulement sur la période 2000 ‑2004.

3) Le Comité sait gré à la délégation de haut niveau des renseignements supplémentaires qu’elle a fournis dans ses observations liminaires et de s’être montrée disposée à répondre à ses questions. Il note toutefois que, faute de temps, un grand nombre des questions posées par le Comité au cours de l’examen du rapport initial sont restées sans réponse.

B. Aspects positifs

4) Le Comité note les mesures positives suivantes:

a) La ratification par l’État partie des principaux instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, notamment la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale, la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, la Convention relative aux droits de l’enfant et la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille;

b) La ratification d’autres instruments importants qui contribuent à la protection des droits de l’homme, par exemple le Statut de Rome de la Cour pénale internationale et la Convention des Nations Unies contre la corruption;

c) La création de la Commission gouvernementale de surveillance de l’application des engagements internationaux dans le domaine des droits de l’homme et du Département des garanties constitutionnelles des droits civils;

d) Le transfert de la tutelle des établissements pénitentiaires du Ministère de l’intérieur au Ministère de la justice;

e) La décision de se soumettre à la surveillance internationale, par exemple en autorisant la visite, en 2005, du Rapporteur spécial sur l’indépendance des juges et des avocats;

f) L’assurance donnée par le représentant de l’État partie que l’on accorderait l’attention voulue à l’introduction des mandats d’arrêt dans le projet de Code pénal;

g) La politique actuellement suivie consistant à commuer toutes les peines de mort prononcées dans l’État partie;

h) L’adoption de l’article 130 du Code pénal qui qualifie d’infraction pénale la traite des personnes.

C. Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Définition

5) La définition de la torture donnée en droit interne (art. 117, 316 et 354 du Code pénal de 1998) n’est pas pleinement conforme à la définition de l’article premier de la Convention, particulièrement en ce qui concerne les buts de la torture et l’applicabilité de la définition à tous les agents de la fonction publique ou toutes autres personnes agissant à titre officiel.

L’État partie devrait adopter des dispositions législatives internes conformes à l’article premier de la Convention, qui servent tous les buts qui y sont énoncés, et il devrait faire en sorte que les actes de torture commis par des agents de l’État, y compris les faits de tentative, complicité, ordre donné et participation, soient des infractions pénales punissables en proportion de la gravité des crimes commis.

Torture

6) On relève de nombreuses allégations selon lesquelles la torture et les mauvais traitements seraient d’usage courant parmi les responsables de l’application des lois et les enquêteurs, en particulier pour extorquer des aveux sur lesquels s’appuyer dans le cadre de poursuites judiciaires. De plus, on constate l’absence de mesures préventives visant à protéger efficacement tous les membres de la société de la torture et des mauvais traitements.

L’État partie devrait condamner publiquement la pratique de la torture et prendre immédiatement des mesures efficaces pour prévenir tous les actes de torture dans tout le pays en accordant une attention particulière à la prévention de tous actes de ce genre de la part des responsables de l’application des lois et du personnel pénitentiaire.

Détention

7) Le Comité est également préoccupé par:

a) L’absence d’obligation légale d’enregistrer les détenus dès leur privation de liberté, notamment avant les formalités d’arrestation et d’inculpation, l’absence de registres d’écrou satisfaisants et l’absence d’examens médicaux périodiques et indépendants;

b) Les nombreuses informations persistantes faisant état d’entraves aux visites de l’avocat, à la conduite d’expertises médicales indépendantes et aux contacts avec les proches dans la période suivant immédiatement l’arrestation, en raison de la législation en vigueur et de la pratique actuelle qui permettent qu’un certain délai s’écoule avant la mise sous écrou et subordonnent l’accès aux détenus à l’autorisation ou à la demande des autorités;

c) Les informations selon lesquelles les restrictions illégales de l’accès aux avocats, aux médecins et à la famille dont se rendent coupables les agents de l’État ne font pas l’objet d’enquêtes et ne sont pas punies comme il se doit;

d) L’absence de garantie fondamentale de supervision judiciaire des détentions, étant donné que le parquet a également la charge d’exercer ce contrôle;

e) Le recours étendu à la détention avant jugement, qui peut durer jusqu’à quinze mois; et

f) Le grand nombre de décès en garde à vue.

Il conviendrait que l’État partie:

a) Prenne des mesures pour garantir que les détenus aient accès dans le plus court délai à un avocat, à un médecin et aux membres de leur famille dès qu’ils sont mis en garde à vue et qu’ils bénéficient d’une aide juridique et d’une expertise médicale indépendante à leur propre demande et non pas seulement à la demande ou sur l’autorisation des autorités;

b) Prenne des mesures pour établir dans chaque lieu de garde à vue des registres d’écrou où figurent les noms de chaque personne détenue, la date et l’heure des notifications faites aux avocats, aux médecins et aux membres de la famille ainsi que les résultats des examens médicaux indépendants. Ces registres devraient être accessibles aux détenus, à leurs avocats et à leurs proches;

c) Envisage la création d’un service sanitaire indépendant des Ministères de l’intérieur et de la justice qui serait chargé d’examiner les détenus à leur arrestation et à leur remise en liberté, systématiquement et à leur demande, seul ou conjointement avec un organisme de médecine légale indépendant et compétent;

d) Prenne des mesures pour raccourcir la période actuelle de détention avant jugement ( doznanie );

e) Garantisse un contrôle judiciaire indépendant − distinct de celui du parquet − de la durée et des conditions de détention avant jugement, notamment celles imposées par le Ministère de la sécurité; et

f) Veille à ce que soient conduites des enquêtes immédiates, impartiales et complètes sur toutes les plaintes concernant des décès en garde à vue et tous les décès constatés, et en communique les résultats aux proches de la personne décédée.

Traite des femmes et des enfants et violence à leur égard

8) Des informations persistantes font état d’une traite des femmes et des enfants, à laquelle participeraient des agents de la force publique, et l’on constate qu’il n’existe aucune information sur les sentences prononcées contre des agents de l’État en vertu des articles 130 et 132 du Code pénal. Le Comité est préoccupé par les allégations persistantes de violence et de sévices à l’égard de femmes et d’enfants, notamment de violences sexuelles.

L’État partie devrait prendre des mesures efficaces pour poursuivre et punir la violence contre les femmes et les enfants ainsi que la traite d’êtres humains, notamment en élaborant et en adoptant des lois appropriées, et en surveillant leur application, ainsi qu’en informant davantage l’opinion publique de ce problème, et en inscrivant cette question au programme de formation des responsables de l’application des lois et d’autres groupes concernés.

Justice des mineurs

9) L’État partie n’a pas de système de justice des mineurs fonctionnant convenablement, les enfants étant souvent soumis aux mêmes procédures, lois et qualifications d’infraction que les adultes.

L’État partie devrait prendre les mesures nécessaires pour protéger les mineurs des violations de la Convention, et garantir le bon fonctionnement d’un système de justice des mineurs conforme aux normes internationales.

Indépendance de la magistrature

10) On doit déplorer le peu d’indépendance et d’efficacité de la magistrature dans l’État partie, les juges étant à la fois nommés et mis à pied par le Président, et le parquet ayant non seulement la double responsabilité des poursuites et du contrôle des enquêtes sur les plaintes mais encore le pouvoir d’empêcher l’exécution de décisions de justice.

L’État partie ne devrait pas ménager ses efforts pour:

a) Garantir l’indépendance de la magistrature, en pleine conformité avec les Principes fondamentaux relatifs à l’indépendance de la magistrature;

b) Créer un organe pleinement indépendant, extérieur au parquet, qui serait chargé de contrôler le bon déroulement des enquêtes, et aurait compétence pour accueillir des plaintes individuelles et enquêter sur celles-ci.

11) La pratique de la Cour constitutionnelle en matière d’examen de la conformité des lois nationales à la Constitution et aux normes internationales en matière de droits de l’homme est limitée.

L’État partie devrait renforcer la Cour constitutionnelle pour veiller à ce que les lois nationales soient conformes à la Constitution et aux instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme.

Applicabilité de la Convention

12) Les tribunaux n’invoquent pas directement la Convention au cours des procès en raison du manque de clarté des lois nationales quant au statut de la Convention, et parce que les juges ne sont pas formés à son application directe.

L’État partie devrait prendre toutes les mesures voulues, notamment sur le plan de la législation et de la formation, pour faire en sorte que les juridictions internes de droit commun appliquent directement les normes internationales relatives aux droits de l’homme − et en particulier la Convention − dans les procédures judiciaires, comme le prévoit l’article 10 de la Constitution de l’État partie.

Non-refoulement et extradition

13) L’État partie ne donne pas aux personnes en passe d’être expulsées vers des pays où elles courent un risque réel d’être soumises à la torture la possibilité d’avoir accès à des avocats et à des organismes de recours leur permettant d’attaquer la décision d’expulsion.

L’État partie devrait s’acquitter pleinement des obligations qui lui incombent en vertu de l’article 3 de la Convention et coopérer avec les représentants du Haut ‑Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, en leur donnant notamment un accès effectif aux dossiers des demandeurs d’asile.

Formation

14) Les fonctionnaires ne sont pas formés à l’interdiction de la torture. Le Comité est préoccupé en particulier par l’absence de formation pratique a) des médecins à la détection des indices de torture ou de mauvais traitements de personnes qui ont été ou qui sont en détention; et b) des responsables de l’application des lois et des juges à l’ouverture immédiate d’enquêtes impartiales.

L’État partie devrait faire en sorte que les agents de la force publique, les juges, les médecins et les autres personnes qui participent à la mise en détention, aux interrogatoires, au traitement des détenus ou qui ont d’autres sortes de contact avec eux aient la formation nécessaire en ce qui concerne l’interdiction de la torture. Il devrait également veiller à ce que la procédure de recertification des aptitudes de ces personnels comprenne à la fois une vérification de la connaissance des prescriptions de la Convention et un examen de leur dossier en matière de traitement des détenus.

Interrogatoires

15) Des allégations persistantes et fiables font état d’une utilisation fréquente par les responsables de l’application des lois et les services enquêteurs de méthodes d’interrogatoire interdites par la Convention.

L’État partie devrait veiller à ce que les responsables de l’application des lois n’aient recours en aucune circonstance à des méthodes d’interrogatoire qui constituent un acte de torture ou un mauvais traitement. En outre, l’État partie devrait veiller à ce que les directives et méthodes relatives aux interrogatoires soient pleinement conformes à la Convention.

Inspection systématique de tous les lieux de détention

16) Selon certaines informations, il n’y a pas de contrôle systématique de tous les lieux de détention par des inspecteurs nationaux ou internationaux et l’accès périodique et inopiné à ces lieux n’est pas autorisé.

L’État partie devrait envisager de mettre en place un système national d’inspection de tous les lieux de détention et d’examen des affaires d’allégation de mauvais traitements en détention, en veillant à ce que des inspecteurs nationaux et internationaux aient l’autorisation d’effectuer des visites périodiques, indépendantes, inopinées et sans aucune restriction dans tous les lieux de détention. À cette fin, l’État partie devrait établir des directives et critères administratifs transparents en matière d’accès, et faciliter les visites d’inspecteurs nationaux indépendants et d’autres inspecteurs, par exemple du Comité international de la Croix-Rouge, du Haut ‑ Commissariat aux droits de l’homme et d’organisations non gouvernementales indépendantes. L’État partie devrait songer à devenir partie au Protocole facultatif à la Convention.

Impunité

17) Aucun fonctionnaire ou autre agent public n’a manifestement été condamné en vertu de l’article 117 du Code pénal pour faits de torture et mauvais traitements, et très peu ont été reconnus coupables en vertu du droit interne de violations de la Convention, en dépit de nombreuses allégations de torture et de mauvais traitements. Le Comité est préoccupé en outre par le fait que les actes de torture et mauvais traitements commis de 1995 à 1999 ne peuvent faire l’objet de poursuites en raison des lois d’amnistie, ce qui conforte l’impunité des tortionnaires et interdit toute réparation aux victimes.

L’État partie devrait prendre des mesures législatives, administratives et judiciaires efficaces pour veiller à ce que toutes les allégations de torture et de mauvais traitements commis par des agents de l’État fassent l’objet d’enquêtes, de poursuites, et que les coupables soient punis, notamment pour des faits de torture et mauvais traitements ayant eu lieu entre 1995 et 1999. Une de ces mesures pourrait consister à mettre en place un organe indépendant. En cas de présomption de torture, les suspects devraient être suspendus de leurs fonctions ou affectés à d’autres tâches au cours de l’enquête.

Droit de plainte et de réparation

18) Le Comité est préoccupé par:

a) L’absence de textes législatifs appropriés et de mécanisme efficace et indépendant permettant aux victimes d’actes de torture et de mauvais traitements de porter plainte et de faire examiner leur cause immédiatement et impartialement; et

b) L’absence de lois et de mécanismes de protection des témoins, et d’indemnisation des victimes.

L’État partie devrait créer un mécanisme de plainte pleinement indépendant, extérieur au parquet, à l’intention des personnes placées en garde à vue, modifier les lois en vigueur et les lois proposées de façon qu’aucun délai de prescription ne puisse s’appliquer à l’enregistrement de plaintes pour acte de torture, et veiller à ce que toutes les personnes qui signalent des actes de torture ou des mauvais traitements soient protégées comme il convient. L’État partie devrait envisager de créer une institution nationale des droits de l’homme conformément aux Principes de Paris. En outre, l’État partie devrait permettre aux victimes de toutes les formes de torture de déposer plainte et de recevoir des indemnités équitables et suffisantes dans des délais raisonnables, y compris pour ce qui concerne des affaires survenues dans la période 1995 ‑1999.

Utilisation des dépositions faites sous la torture

19) Des juges n’auraient pas prononcé de non-lieu ni renvoyé des affaires pour complément d’information dans des cas où des aveux auraient été extorqués par la torture, et de nombreuses allégations font état de l’invocation de dépositions obtenues sous la torture comme élément de preuve dans des procédures judiciaires. Cela serait facilité par l’absence de textes législatifs interdisant expressément le recours à des éléments de preuve arrachés par la torture dans les procédures judiciaires.

L’État partie devrait examiner les affaires où des condamnations ont été prononcées sur la seule base d’aveux depuis que le Tadjikistan est devenu partie à la Convention, en considérant que bon nombre de ces condamnations ont pu être fondées sur des éléments de preuve extorqués par la torture ou par des mauvais traitements, et, le cas échéant, ouvrir immédiatement des enquêtes impartiales et prendre des mesures de réparation appropriées. L’État partie devrait fournir au Comité des informations sur toute jurisprudence rendant irrecevables en tant qu’élément de preuve les dépositions obtenues sous la torture. En outre, l’État partie devrait réviser ses lois de manière à interdire l’invocation dans les procès d’éléments de preuve obtenus sous la torture.

Conditions carcérales

20) Des allégations font état de conditions de détention médiocres, en particulier de surpeuplement, de mauvaises conditions d’hygiène, de pénurie de personnel et d’absence de soins médicaux pour les détenus.

L’État partie devrait prendre toutes les mesures qui s’imposent pour améliorer les conditions de détention.

21) Le Comité recommande en outre à l’État partie de songer à faire la déclaration prévue aux articles 21 et 22 de la Convention.

22) Le Comité demande à l’État partie de donner dans son prochain rapport périodique des statistiques détaillées sur les affaires de torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants signalées aux autorités administratives et sur les enquêtes, poursuites et condamnations pénales et disciplinaires y relatives, en précisant les articles du Code pénal appliqués, en ventilant ces informations par sexe, groupe ethnique, région géographique, type et lieu de privation de liberté, etc., selon le cas. En outre, le Comité demande aussi des informations sur toute indemnité et réhabilitation accordée aux victimes, y compris s’agissant d’affaires survenues entre 1995 et 2000.

23) L’État partie est encouragé à diffuser largement son rapport périodique initial, les comptes rendus analytiques et les conclusions et recommandations, dans les langues requises, par le moyen des sites Web officiels, des médias et des organisations non gouvernementales.

24) Le Comité sait gré à la délégation de l’avoir assuré que des informations écrites lui seraient présentées quant aux questions restées sans réponse, notamment des informations sur la période 1995-1999 et sur l’arrestation de Mahmadruzi Iskandarov.

25) Le Comité demande à l’État partie de lui fournir, dans un délai d’un an, des renseignements sur les suites qu’il aura données à ses recommandations figurant aux paragraphes 7, 16, 17 et 19 ci-dessus.

26) L’État partie est invité à présenter son prochain rapport périodique, qui sera considéré comme son deuxième, le 31 décembre 2008 au plus tard.

39. Danemark

1) Le Comité a examiné le cinquième rapport périodique du Danemark, y compris le Groenland (CAT/C/81/Add.1, Part I, et CAT/C/81/Add.2, Part II) à ses 757 e et 760 e séances, tenues les 2 et 3 mai 2007 (CAT/C/SR.757 et CAT/C/SR.760), et a adopté à sa 773 e séance, tenue le 14 mai 2007 (CAT/C/SR.773), les conclusions et recommandations ci-après.

A. Introduction

2) Le Comité accueille avec satisfaction le cinquième rapport périodique de l’État partie, qui a été présenté à temps et qui est conforme aux directives du Comité pour l’élaboration des rapports périodiques. Il prend note avec intérêt des informations fournies à propos des mesures prises pour donner suite aux recommandations précédentes du Comité ainsi que du système judiciaire du Groenland et de sa réforme dans la deuxième partie du rapport de l’État partie (CAT/C/81/Add.2, Part II). Le Comité se félicite en outre des réponses écrites détaillées que l’État partie a apportées à la liste de points à traiter (CAT/C/DNK/Q/5/Rev.1/Add.1), qui contiennent des renseignements complémentaires sur les mesures d’ordre législatif, administratif, judiciaire ou autre adoptées par l’État partie pour prévenir les actes de torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

3) Le Comité note avec satisfaction les efforts constructifs qu’a accomplis la délégation pluridisciplinaire de l’État partie pour fournir un complément d’information et d’explication pendant le dialogue.

B. Aspects positifs

4) Le Comité se félicite des efforts déployés actuellement par l’État partie pour améliorer la situation dans les prisons, notamment en allouant des ressources supplémentaires en vue de réduire le taux d’occupation quotidien. En particulier, il note avec satisfaction les efforts accomplis par l’État partie pour introduire des peines de substitution à l’emprisonnement comme le port d’un bracelet électronique («tagging»).

5) En ce qui concerne les réfugiés ayant subi un traumatisme et leur famille résidant au Danemark, le Comité note avec satisfaction que des fonds ont été alloués à des projets spéciaux, dont l’exécution est prévue jusqu’en 2010, en vue de faciliter leur réadaptation et d’améliorer leurs conditions de vie.

6) Le Comité se félicite en outre de la décision de l’État partie d’allouer des fonds supplémentaires à l’amélioration des conditions de vie dans les centres pour demandeurs d’asile, en particulier en ce qui concerne les familles avec enfants.

7) Le Comité note avec satisfaction la coopération de l’État partie avec les organisations non gouvernementales qui ont pour vocation de contribuer à éliminer la torture et de fournir une assistance et des services de réadaptation aux victimes de la torture au Danemark et à l’échelon international.

8) Le Comité salue l’ensemble des efforts que l’État partie accomplit pour promouvoir le respect des droits de l’homme, en particulier pour combattre et éliminer la torture, et notamment le fait qu’il:

a) Est l’un des plus grands donateurs bilatéraux au monde pour ce qui est de l’aide au développement par habitant et, dans ce contexte, a mis au point un cadre national pour la coopération bilatérale contre la torture;

b) Contribue aux institutions, programmes et fonds des Nations Unies , y compris le Fonds de contributions volontaires des Nations Unies pour les victimes de la torture;

c) Encourage la ratification universelle du Protocole facultatif se rapportant à la Convention, l’ayant lui-même ratifié dès 2004, et appuie sa mise en œuvre;

d) A présenté un projet de résolution contre la torture à la Troisième Commission de l’Assemblée générale des Nations Unies ainsi qu’à l’ancienne Commission des droits de l’homme, et prend des initiatives visant à structurer et à renforcer l’action contre la torture que mène le Conseil des droits de l’homme nouvellement créé;

e) Joue un rôle actif dans la mise en œuvre des Orientations pour la politique de l’Union européenne à l’égard des pays tiers en ce qui concerne la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

C. Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Incorporation de la Convention dans le droit interne

9) Le Comité regrette que l’État partie n’ait pas modifié sa position à propos de l’incorporation de la Convention dans son droit interne. Il est d’avis que cette incorporation n’aurait pas seulement valeur de symbole, mais qu’elle renforcerait aussi la protection des personnes en leur donnant la possibilité d’invoquer directement les dispositions de la Convention devant les tribunaux.

Le Comité recommande à l’État partie d’incorporer la Convention dans son droit interne afin que les personnes puissent en invoquer directement les dispositions devant les tribunaux, d’accorder la primauté à la Convention et d’en faire mieux connaître les dispositions aux membres de la magistrature et à l’ensemble de la population.

Définition de la torture

10) Le Comité note que le Ministre de la justice a récemment prié le Comité permanent pour les affaires pénales d’envisager la possibilité d’introduire une disposition expresse sur la torture dans le Code pénal. Malgré les efforts constants de l’État partie pour réexaminer cette question et les dispositions existantes du Code pénal, le Comité réitère la préoccupation qu’il avait exprimée dans ses précédentes conclusions et recommandations (CAT/C/CR/28/1, par. 6 a)) à propos du fait que la torture n’est pas qualifiée d’infraction spécifique conformément à l’article premier et au paragraphe 2 de l’article 4 de la Convention. Tout en notant l’adoption d’une directive du commandement des forces de défense concernant l’interdiction de la torture et des autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants dans les forces armées, le Comité regrette que l’État partie ait décidé de ne pas incorporer une disposition spéciale sur la torture dans le nouveau Code pénal militaire (art. 1 er et 4).

Le Comité demande instamment à l’État partie, dans son Code pénal et dans son Code pénal militaire, de qualifier la torture, telle qu’elle est définie à l’article premier de la Convention, d’infraction spécifique passible de peines appropriées conformément au paragraphe 2 de l’article 4 de la Convention.

Prescription

11) Le Comité note avec préoccupation que l’infraction de torture, qui n’existe pas en tant que telle dans le Code pénal danois, est punissable en vertu d’autres dispositions du Code pénal, et peut donc faire l’objet d’une prescription. Tout en notant que les actes de torture qui constituent un crime de guerre ou un crime contre l’humanité conformément au Statut de Rome de la Cour pénale internationale, ratifié par l’État partie le 21 juin 2001, ne pourront faire l’objet d’aucune prescription en vertu de l’article 93a du Code pénal, le Comité craint que la prescription applicable en vertu de ces autres dispositions du Code pénal ne constitue un obstacle aux enquêtes, poursuites et sanctions à l’encontre des auteurs de ces crimes graves, en particulier lorsque l’acte punissable a été commis à l’étranger. Compte tenu de la gravité des actes de torture, le Comité est d’avis que de tels actes ne peuvent faire l’objet d’aucune prescription (art. 1 er et 4).

L’État partie devrait revoir ses règles et dispositions en matière de prescription afin de les rendre pleinement conformes à ses obligations en vertu de la Convention de sorte que les actes de torture, les tentatives de torture et toute complicité dans la commission d’actes de torture et toute participation à de tels actes, quel qu’en soit l’auteur, puissent donner lieu à une enquête, à des poursuites et à des sanctions, sans qu’il puisse y avoir prescription.

Non-refoulement

12) Le Comité prend note des informations qui lui ont été communiquées selon lesquelles les Forces spéciales danoises auraient capturé 34 hommes et les auraient remis aux forces alliées lors d’une opération militaire conjointe réalisée en Afghanistan en février-mars 2002, et des allégations qui ont été faites par la suite, selon lesquelles les hommes en question auraient été victimes de mauvais traitements lorsqu’ils étaient sous la garde des forces alliées. Le Comité note en outre que l’État partie assure avoir réalisé une enquête approfondie sur l’incident et être parvenu à la conclusion qu’il n’avait pas enfreint l’article 12 de la troisième Convention de Genève en remettant les prisonniers aux forces alliées. Enfin, le Comité prend note des assurances de l’État partie, qui affirme que tous les prisonniers ont été libérés peu après avoir été placés sous la garde des forces alliées et qu’aucun d’entre eux n’aurait été maltraité dans l’intervalle.

13) Le Comité rappelle qu’il a toujours considéré (CAT/C/CR/33/3, par. 4 b) et d), et 5 e) et f), et CAT/C/USA/CO/2, par. 20 et 21) que l’article 3 de la Convention et l’obligation de non-refoulement qui y était énoncée s’appliquaient aux forces militaires des États parties, quel que soit le lieu où elles étaient situées, qui exerçaient un contrôle effectif sur un individu. Cela demeure vrai même si les forces de l’État partie sont placées sous le commandement opérationnel d’un autre État. En conséquence, le transfert d’un détenu placé sous la garde de l’État partie à l’autorité d’un autre État est inacceptable si l’État qui procède au transfert sait ou aurait dû savoir qu’il existait un risque réel de torture (art. 3).

S’agissant du transfert de détenus placés sous la garde effective de l’État partie à la garde de tout autre État, l’État partie devrait veiller à ce qu’il soit pleinement conforme aux dispositions de l’article 3 de la Convention, dans toutes les circonstances.

Placement en régime cellulaire

14) Le Comité note avec satisfaction que la durée maximale du régime cellulaire a été réduite de huit à quatre semaines pour les mineurs de 18 ans. Malgré les amendements à la loi sur l’administration de la justice qui limitent le recours au régime cellulaire en général, en particulier pour les mineurs de 18 ans, le Comité demeure préoccupé par le placement en régime cellulaire prolongé de personnes se trouvant en détention provisoire. Il note avec une préoccupation particulière que les personnes, y compris les mineurs de 18 ans, soupçonnées d’atteintes à l’indépendance et à la sécurité de l’État (chap. 12 du Code pénal) ou d’infractions contre la Constitution et les autorités suprêmes de l’État (chap. 13 du Code pénal) peuvent être maintenues indéfiniment en régime cellulaire pendant leur détention provisoire. Il note toutefois qu’il existe un mécanisme d’examen judiciaire chargé de vérifier la nécessité de poursuivre le régime cellulaire (art. 11).

L’État partie devrait continuer à surveiller les effets du régime cellulaire sur les détenus ainsi que les effets des amendements apportés en 2000 et en 2006 à la loi sur l’administration de la justice, qui ont réduit le nombre de motifs pouvant donner lieu à un placement en régime cellulaire et la durée de celui-ci. L’État partie ne devrait appliquer le régime cellulaire qu’en dernier recours, pour une période aussi courte que possible, sous une supervision stricte et en ménageant la possibilité d’un examen judiciaire. Le placement en régime cellulaire de mineurs de 18 ans devrait être limité à des cas très exceptionnels. L’État partie devrait en envisager l’abolition (CRC/C/DNK/CO/3, par. 58 et 59).

En ce qui concerne les personnes soupçonnées d’atteintes à l’indépendance et à la sécurité de l’État (chap. 12 du Code pénal) ou d’infractions contre la Constitution et les autorités suprêmes de l’État (chap. 13 du Code pénal), qui peuvent être maintenues indéfiniment en régime cellulaire pendant leur détention provisoire, l’État partie devrait assurer le respect du principe de la proportionnalité et établir des limites strictes quant à son application. L’État partie devrait en outre offrir aux détenus placés en régime cellulaire davantage de contacts humains qui présentent un intérêt sur le plan psychologique.

Obligations de procéder immédiatement à une enquête impartiale

15) Le Comité note que l’État partie a répondu aux critiques suscitées par le décès en garde à vue de Jens Arne Ørskov, en juin 2002, et d’autres cas particuliers, en établissant un comité à composition largement ouverte chargé d’examiner et d’évaluer le système actuel de gestion des plaintes contre la police et de conduite des procédures pénales à l’encontre de policiers. Cependant, le Comité est préoccupé par les allégations de violations qui seraient commises par des responsables de l’application des lois et, en particulier, par le fait que l’impartialité des enquêtes auxquelles elles ont donné lieu est contestée (art. 12, 13 et 14).

L’État partie devrait veiller à ce que toute allégation de violation commise par un responsable de l’application des lois, en particulier lorsqu’elle concerne un décès de détenu, fasse immédiatement l’objet d’une enquête indépendante et impartiale. Il devrait garantir en outre le droit des victimes d’exactions policières d’obtenir réparation et d’être indemnisées équitablement et de manière suffisante, conformément à l’article 14 de la Convention. L’État partie devrait accélérer le processus d’examen et d’évaluation en cours et fournir au Comité des renseignements détaillés sur ses résultats.

Recours excessif à la force, allant jusqu’au meurtre, de la part de membres des forces de l’ordre

16) Le Comité est préoccupé par les informations faisant état de recours excessif à la force, incluant l’utilisation de la violence physique et de gaz lacrymogène, par des membres des forces de l’ordre, lors des émeutes qui ont eu lieu à la maison de jeunes «Ungdomshus» de Copenhague en mars 2007. Le Comité note également avec préoccupation les informations suggérant qu’un certain nombre de personnes ont été tuées par des membres des forces de l’ordre danoises au cours des deux dernières années (art. 10, 12, 13, 14 et 16).

L’État partie devrait revoir le cadre relatif à l’examen des allégations de recours excessif à la force, y compris d’emploi d’armes, par des membres des forces de l’ordre, afin de s’assurer qu’il est conforme à la Convention. L’État partie devrait faire en sorte qu’une enquête impartiale soit immédiatement menée sur toute plainte ou allégation faisant état d’exactions, en particulier lorsqu’une personne décède ou est gravement blessée après avoir été en contact avec des membres des forces de l’ordre. L’État partie devrait en outre revoir et renforcer ses programmes d’éducation et de formation portant sur le recours à la force, y compris l’utilisation d’armes, par les membres des forces de l’ordre, afin de s’assurer que ceux-ci ne recourent à la force que dans la stricte mesure exigée par l’accomplissement de leurs fonctions.

Longues périodes d’attente dans les centres pour demandeurs d’asile

17) Malgré les mesures qui ont été prises pour améliorer les conditions de vie et les activités proposées dans les centres pour demandeurs d’asile, en particulier en faveur des familles avec enfants, le Comité est préoccupé par la longueur excessive des périodes d’attente dans les centres en question et par les effets psychologiques négatifs des longues périodes d’attente que doivent supporter les demandeurs d’asile et de l’incertitude qui caractérise leur vie quotidienne (art. 16).

Tout en améliorant les conditions de vie dans les centres pour demandeurs d’asile, l’État partie devrait prendre en considération les effets des longues périodes d’attente et offrir aux enfants et aux adultes vivant dans les centres en question des activités éducatives et des loisirs ainsi que des services sociaux et de santé adéquats.

Réforme du système judiciaire du Groenland

18) Le Comité note avec intérêt les propositions et recommandations de la Commission sur le système judiciaire groenlandais (rapport n o  1442/2004), en particulier en ce qui concerne le traitement des personnes placées en détention provisoire et des autres détenus, l’établissement des rapports avant jugement, la remise ou la présentation au tribunal de documents ou d’autres objets ayant de l’importance pour la mise en œuvre des poursuites pénales et la structure du système pénitentiaire. Il note également avec intérêt qu’un nouveau code pénal spécial et une nouvelle loi sur l’administration de la justice pour le Groenland sont en cours de rédaction.

L’État partie devrait accélérer la rédaction et l’adoption pour le Groenland d’un nouveau code pénal spécial et d’une nouvelle loi spéciale sur l’administration de la justice, en veillant à ce que toutes les dispositions de ces nouveaux textes de loi soient pleinement conformes à la Convention et aux autres normes internationales pertinentes.

19) Le Comité prie l’État partie d’inclure dans son prochain rapport périodique des statistiques détaillées ventilées par infraction, appartenance ethnique, âge et sexe, sur les plaintes pour torture ou mauvais traitements imputés à des responsables de l’application des lois ainsi que sur les enquêtes, poursuites et sanctions pénales ou disciplinaires auxquelles elles ont donné lieu. Des informations sont également demandées sur l’indemnisation et l’aide à la réadaptation offertes aux victimes.

20) L’État partie est encouragé à diffuser largement les rapports présentés par le Danemark au Comité, ainsi que les conclusions et recommandations du Comité, dans les langues requises, par le biais des sites Web officiels, des médias et des organisations non gouvernementales.

21) Le Comité invite l’État partie à soumettre son document de base commun selon les prescriptions énoncées en la matière dans les Directives harmonisées pour l’établissement de rapports au titre des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, approuvées en juin 2006 par la cinquième Réunion intercomités des organes créés en vertu d’instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme (HRI/MC/2006/3 et Corr.1).

22) Le Comité prie l’État partie de lui fournir, dans un délai d’un an, des renseignements sur la suite qu’il aura donnée aux recommandations formulées ci-dessus aux paragraphes 15, 16 et 19.

23) L’État partie est invité à soumettre son septième rapport périodique d’ici au 30 juin 2011.

40. Italie

1) Le Comité a examiné le quatrième rapport périodique de l’Italie (CAT/C/67/Add.3) à ses 761 e et 764 e  séances (CAT/C/SR.761 et 764), tenues les 4 et 7 mai 2007, et a adopté, à ses 777 e et 778 e  séances (CAT/C/SR.777 et 778/Add.1), les conclusions et recommandations ci ‑après.

A. Introduction

2) Le Comité accueille avec satisfaction le quatrième rapport périodique de l’Italie et les renseignements qu’il contient, mais il regrette que l’État partie ne se soit pas conformé à ses directives concernant l’établissement des rapports. Il se déclare satisfait du dialogue engagé avec la délégation de haut niveau composée de nombreux représentants de l’État partie et se félicite des réponses très détaillées apportées par écrit à la liste des points à traiter (CAT/C/ITA/Q/4/Rev.1/Add.1), qui ont facilité les débats entre la délégation et les membres du Comité. Il remercie aussi la délégation pour les réponses qu’elle a fournies oralement et par écrit aux questions posées et aux préoccupations exprimées lors de l’examen du rapport.

B. Aspects positifs

3) Le Comité note avec satisfaction que, pendant la période écoulée depuis l’examen du dernier rapport périodique, l’État partie a ratifié les instruments internationaux ci-après:

a) La Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée, le 2 août 2006;

b) Le Protocole additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants, le 2 août 2006;

c) Le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants, le 9 mai 2002;

d) Le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés, le 9 mai 2002;

e) Le Protocole facultatif se rapportant à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, le 22 septembre 2000;

f) Le Statut de Rome de la Cour pénale internationale, le 26 juillet 1999.

4) Le Comité note avec satisfaction les efforts actuellement déployés par l’État partie pour modifier sa législation, ses politiques et ses procédures afin de mieux protéger les droits de l’homme, notamment le droit de ne pas être soumis à la torture et d’autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, et il prend acte en particulier de:

a) L’adoption de la loi n o 38/2006 portant modification de la loi n o 269/1998 intitulée «Dispositions contre l’exploitation de la prostitution des enfants, de la pornographie des enfants, du tourisme sexuel, en tant que nouvelles formes d’esclavage», qui actualise la législation existante concernant les actes illicites commis contre des enfants;

b) L’adoption de la loi n o 7/2006 sur l’interdiction des mutilations sexuelles féminines;

c) L’adoption de la loi n o 74/2005 intitulée «Contributions volontaires au Fonds des Nations Unies pour les victimes de la torture»;

d) L’adoption de la loi n o 228/2003 sur les mesures de lutte contre la traite des êtres humains;

e) L’introduction en 2002 du crime de torture dans l’article 185 bis du Code pénal militaire en temps de guerre;

f) L’adoption de la loi n o 154/2001 intitulée «Mesures contre la violence dans la famille»;

g) L’entrée en vigueur des principes directeurs régissant l’administration des centres pour immigrants, qui figurent dans une directive du Ministre de l’intérieur en date du 8 janvier 2003;

h) L’adoption, par le Ministre de l’intérieur, d’une directive qui est entrée en vigueur le 8 mars 2007 et qui vise à faciliter la prise en charge, par le système national de protection des demandeurs d’asile, des mineurs non accompagnés qui se présentent à la frontière;

i) La création du Comité pour la protection des mineurs étrangers, chargé de définir les procédures et modalités relatives à l’accueil et à la protection temporaire des mineurs étrangers non accompagnés à l’échelon national;

j) La création du Bureau national de la lutte contre la discrimination raciale (UNAR), qui exerce ses activités depuis septembre 2004.

C. Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Définition de la torture/introduction du crime de torture

5) Bien que l’État partie affirme que tous les actes pouvant être qualifiés de «torture» au sens de l’article premier de la Convention sont punissables en vertu du Code pénal italien et tout en prenant note du projet de loi (proposition de loi sénatoriale n o 1216) qui a été approuvé par la Chambre des députés et est actuellement en attende d’examen par le Sénat, le Comité demeure préoccupé par le fait que l’État partie n’a pas encore incorporé en droit interne le crime de torture tel qu’il est défini à l’article premier de la Convention (art. 1 er et 4).

Le Comité réitère sa précédente recommandation (A/54/44, par. 145 a)) tendant à ce que l’État partie entreprenne d’incorporer le crime de torture dans son droit interne et adopte une définition de la torture couvrant tous les éléments contenus dans l’article premier de la Convention. L’État partie devrait aussi veiller à ce que ces infractions soient sanctionnées par des peines appropriées qui prennent en considération leur gravité, comme le prévoit le paragraphe 2 de l’article 4 de la Convention.

Détention avant jugement

6) Le Comité se déclare préoccupé par la durée de la détention avant jugement. Il regrette aussi que la durée maximale de la détention avant jugement soit fixée en fonction de la sanction applicable à l’infraction dont l’intéressé est accusé (art. 2, 11 et 16).

L’État partie devrait prendre sans tarder les mesures qui s’imposent pour réduire sensiblement la durée de la détention avant jugement et pour que cette détention ne soit appliquée que dans les cas d’absolue nécessité. En outre, le Comité encourage l’État partie à avoir recours à des mesures autres que la privation de liberté.

Garanties fondamentales

7) Le Comité est préoccupé par des affirmations selon lesquelles les garanties juridiques fondamentales protégeant les personnes détenues par la police, notamment le droit de pouvoir s’entretenir avec un avocat, ne sont pas respectées dans tous les cas. À cet égard, il s’inquiète de ce que la loi n o 155/2005 («décret Pisanu») contient une disposition en vertu de laquelle la durée maximale de la garde à vue par la police à des fins d’identification a été portée de douze à vingt ‑quatre heures. De surcroît, sur ordonnance motivée adoptée d’un juge d’instruction un suspect peut être maintenu en détention pendant cinq jours sans pouvoir s’entretenir avec un avocat (art. 2, 13 et 16).

L’État partie devrait prendre des mesures efficaces pour faire en sorte que les garanties juridiques fondamentales protégeant les personnes détenues par la police soient respectées. Il devrait raccourcir la durée maximale (actuellement de cinq jours) pendant laquelle l’auteur présumé d’une infraction peut être placé en garde à vue après son arrestation, y compris dans des circonstances exceptionnelles. L’État partie devrait en outre veiller à ce que les personnes placées en garde à vue puissent s’entretenir avec un avocat dès le moment où elles sont privées de liberté.

Institution nationale de protection des droits de l’homme

8) Le Comité note que l’État partie ne s’est pas encore doté d’une institution nationale de protection des droits de l’homme. Il relève toutefois que la Chambre des députés a approuvé, en date du 4 avril 2007, la loi sénatoriale n o 1463 portant création d’une institution nationale pour la protection des droits de l’homme et prévoyant notamment la mise en place d’un garant des droits des détenus (art. 2).

L’État partie devrait créer sans tarder une institution nationale indépendante de protection des droits de l’homme, en application des Principes relatifs au statut des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l’homme (Principes de Paris), qui sont annexés à la résolution 48/134 de l’Assemblée générale. À cet égard, l’État partie est encouragé à adopter sans délai la législation nécessaire.

Détention de demandeurs d’asile et de non-ressortissants

9) Le Comité est préoccupé par la politique consistant à priver de liberté les demandeurs d’asile et d’autres non-ressortissants, et notamment de ce que ces personnes seraient détenues pendant de longues périodes dans des centres de rétention temporaire et des «centres de séjour temporaire et d’assistance». À cet égard, le Comité regrette les modifications apportées au cadre législatif par la loi n o 189/2002 («loi Bossi-Fini») qui autorise la rétention de migrants sans documents d’identité et porte au double la durée de la rétention (qui passe de trente à soixante jours) (art. 2, 11 et 16).

L’État partie devrait prendre des mesures efficaces pour faire en sorte que les demandeurs d’asile et d’autres non-ressortissants ne soient placés en détention que dans des circonstances exceptionnelles ou en dernier recours et, en pareil cas, pour une durée aussi brève que possible. L’État partie devrait également veiller à ce que les tribunaux exercent un contrôle judiciaire plus efficace de la détention de ces catégories de personnes.

Accès à une procédure d’examen des demandes d’asile équitable et rapide

10) Le Comité accueille avec satisfaction le nouveau projet de loi sur l’asile (NO. C. 2410) qui a été soumis à la Chambre des députés le 19 mars 2007, et il prend note avec satisfaction de la déclaration de la délégation de l’État partie selon laquelle l’adoption d’une législation détaillée sur l’asile politique est en cours d’examen. Il s’inquiète toutefois de ce que certains demandeurs d’asile ont pu être privés du droit de présenter une demande d’asile et de bénéficier d’une procédure équitable et satisfaisante d’examen individuel de leur demande d’asile (art. 2 et 16).

L’État partie devrait adopter des mesures appropriées pour assurer que tous les demandeurs d’asile puissent bénéficier d’une procédure d’asile équitable et rapide. À cet égard, le Comité rappelle à l’État partie qu’il lui incombe de veiller à ce que la situation de chaque migrant soit examinée individuellement, et il recommande en outre à l’État partie de poursuivre le processus d’adoption d’une législation détaillée concernant l’asile politique.

Non-refoulement

11) Le Comité note avec préoccupation que des personnes n’ont peut-être pas bénéficié de la pleine protection, dans tous les cas, prévue dans les articles pertinents de la Convention en ce qui concerne l’expulsion, le renvoi ou l’extradition vers un pays tiers. Il est particulièrement préoccupé par des informations faisant état d’expulsions par la force et collectives de personnes d’origine non libyenne de l’île de Lampedusa vers la Libye (art. 3 et 16).

L’État partie devrait veiller à appliquer pleinement les dispositions de l’article 3 de la Convention et faire en sorte que les personnes relevant de sa juridiction voient leur situation dûment examinée par les autorités compétentes et soient assurées de bénéficier d’un traitement équitable à tous les stades de la procédure, notamment de la possibilité de demander un examen efficace, indépendant et impartial des décisions d’expulsion ou de renvoi les concernant.

À cet égard, l’État partie devrait veiller à ce que les autorités compétentes en matière de surveillance des étrangers, avant de rendre une décision d’expulsion, procèdent dans tous les cas à un examen approfondi de la situation de l’étranger entré ou séjournant illégalement en Italie, afin de s’assurer que l’intéressé ne serait pas soumis à la torture ou à des peines ou traitements inhumains ou dégradants dans le pays où il serait renvoyé.

12) Le Comité est particulièrement préoccupé par le fait que l’article 3 du «décret Pisanu» a introduit une nouvelle procédure d’expulsion des immigrants, qu’ils soient en situation régulière ou irrégulière, soupçonnés d’être impliqués dans des activités terroristes, procédure qui, selon l’État partie, sera en vigueur jusqu’au 31 décembre 2007 à titre de mesure de prévention exceptionnelle. Le Comité se déclare aussi préoccupé par le fait que ces décisions d’expulsion sont immédiatement appliquées, sans aucun contrôle judiciaire, et que cette procédure d’expulsion n’est pas assortie d’une protection efficace contre le refoulement (art. 2 et 3).

Le Comité rappelle le caractère absolu du droit de toute personne de ne pas être expulsée vers un pays où elle risque d’être exposée à la torture ou à des mauvais traitements, et il engage instamment l’État partie à reconsidérer cette nouvelle procédure d’expulsion. Lorsqu’il détermine si la situation met en jeu les obligations qui lui incombent en matière de non-refoulement en vertu de l’article 3 de la Convention, l’État partie devrait examiner de manière approfondie chaque dossier quant au fond et veiller à ce qu’il existe des mécanismes judiciaires adéquats de réexamen de la décision.

Compétence universelle

13) Le Comité prend note des assurances données par l’État partie que les dispositions de la Convention sont applicables aux actes commis par les membres des forces armées ou de la police affectés à l’étranger, aussi bien en temps de paix que lors d’un conflit armé. Il se déclare cependant préoccupé par la manière dont les autorités compétentes, en particulier les instances judiciaires, ont conduit la procédure relative aux incidents survenus en Somalie dans lesquels étaient impliqués des militaires italiens, ainsi que par l’absence de précisions sur le déroulement et l’aboutissement des procédures judiciaires engagées à la suite de ces incidents, précisions que le Comité avait demandées dans ses conclusions et recommandations précédentes (A/54/44, par. 145 b)) (art. 5 et 12).

L’État partie devrait veiller à agir en conformité avec l’article 5 de la Convention et prendre les mesures nécessaires pour que toutes les plaintes faisant état de tortures ou de mauvais traitements commis par des agents des forces de l’ordre ou des membres des forces armées, sur le territoire de l’État partie comme à l’étranger, fassent rapidement l’objet d’une enquête impartiale et efficace, que les auteurs de ces actes soient poursuivis et que les personnes reconnues coupables soient condamnées à des peines appropriées.

Extradition

14) Le Comité note avec préoccupation la manière dont les autorités judiciaires compétentes ont traité une demande d’extradition concernant un officier argentin arrêté sur le territoire italien en 2001 en vertu d’un mandat d’arrêt international délivré par la France pour enlèvement et torture d’un ressortissant français en Argentine en 1976 (art. 7 et 9).

L’État partie devrait prendre les mesures nécessaires pour établir sa compétence aux fins de connaître des actes de torture dans le cas où l’auteur présumé de ces actes se trouve sur tout territoire sous sa juridiction, que ce soit pour l’extrader ou pour le poursuivre, conformément aux dispositions de la Convention.

Formation

15) Le Comité prend note avec satisfaction des renseignements détaillés fournis par l’État partie sur la formation des agents des forces de l’ordre, du personnel pénitentiaire, des gardes frontière et des membres des forces armées. Il regrette toutefois qu’aucun renseignement n’ait été donné sur la formation concernant l’utilisation de méthodes non violentes, les opérations de maintien de l’ordre et l’usage de la force et des armes à feu. Le Comité regrette en outre qu’il n’y ait pas d’informations disponibles concernant l’impact de la formation organisée à l’intention des agents des forces de l’ordre et des gardes frontière et la mesure dans laquelle les programmes de formation ont permis de réduire le nombre de cas de torture et de mauvais traitements (art. 10).

L’État partie devrait développer plus avant et mettre en œuvre des programmes de formation pour faire en sorte que:

a) Tous les agents des forces de l’ordre, les gardes frontière et les personnels des points de contrôle et des centres de séjour temporaire et d’assistance connaissent bien les dispositions de la Convention et sachent qu’aucune infraction ne sera tolérée, que toute violation donnera lieu à une enquête et que son auteur sera poursuivi;

b) Tous les agents des forces de l’ordre reçoivent le matériel et la formation nécessaires pour faire usage de méthodes non violentes et n’avoir recours à la force et aux armes à feu que dans les cas d’absolue nécessité et en respectant le principe de proportionnalité. À cet égard, les autorités de l’État partie devraient procéder à un examen approfondi des pratiques actuelles en matière de police, notamment de la formation et du déploiement des agents chargés des opérations antiémeutes ainsi que des règlements applicables à l’usage de la force et des armes à feu par les agents des forces de l’ordre.

Le Comité recommande en outre que tous les personnels concernés reçoivent une formation spéciale afin d’apprendre à détecter les traces de torture et de mauvais traitements, et que le Protocole d’Istanbul de 1999 (Manuel pour enquêter efficacement sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants) fasse partie intégrante de la formation des médecins.

De plus, l’État partie devrait établir et appliquer une méthode permettant d’évaluer l’efficacité des programmes de formation ou d’enseignement et leur impact sur la réduction du nombre de cas de torture et de mauvais traitements.

Conditions de détention

16) Le Comité est préoccupé par le fait que, malgré les mesures prises par l’État partie pour améliorer les conditions de détention, notamment la pratique de la remise générale des peines (loi n o  241 du 31 juillet 2006) et le programme de construction d’établissements pénitentiaires adopté en vertu de l’ordonnance ministérielle du 2 octobre 2003, les prisons sont toujours surpeuplées et les effectifs insuffisants dans l’administration pénitentiaire. Le Comité prend note des renseignements communiqués concernant l’amélioration des soins de santé dispensés aux détenus mais il est préoccupé par les informations faisant état de mauvais traitements, notamment de l’inadaptation des infrastructures et de l’absence d’hygiène dans les centres de séjour temporaire et d’assistance et les centres d’identification des demandeurs d’asile. Tout en prenant note de la directive qui a été adoptée récemment concernant l’accès des représentants du Haut ‑Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) et du Comité international de la Croix-Rouge (CICR) aux centres pour immigrants, le Comité s’inquiète en outre de ce qu’il n’existe pas d’organisation indépendante qui puisse superviser de façon systématique la gestion de ces centres (art. 11 et 16).

L’ État partie devrait poursuivre ses efforts pour réduire le surpeuplement carcéral, notamment en recourant à des peines de substitution et en créant des établissements pénitentiaires supplémentaires en tant que de besoin. Il devrait aussi prendre des mesures appropriées pour assurer l’engagement sans délai d’effectifs pénitentiaires supplémentaires, y compris dans les secteurs de l’éducation et de la santé.

L’ État partie devrait prendre des mesures efficaces pour améliorer encore les conditions de vie dans les centres pour immigrants et veiller à ce que soit mis en place un système de supervision systématique. À cet égard, le Comité recommande la création d’un organisme indépendant qui serait chargé de superviser la gestion de ces centres, de veiller au respect des droits de l’homme des personnes qui y sont détenues et de s’assurer de la qualité des soins de santé et de l’assistance psychologique et juridique offerts.

Mauvais traitements et recours excessif à la force

17) Le Comité note avec inquiétude la persistance des allégations faisant état d’un recours excessif à la force et de mauvais traitements par les agents des forces de l’ordre. À cet égard, il est particulièrement préoccupé par les informations selon lesquelles ces derniers auraient fait un usage excessif de la force et maltraité des personnes lors des manifestations qui ont eu lieu à Naples (en mars 2001) à l’occasion du troisième Forum mondial ainsi que lors du Sommet du G ‑8 à Gênes (en juillet 2001) et dans le Val di Susa (en décembre 2005). Le Comité est aussi préoccupé par le fait que des incidents analogues se seraient produits pendant des matchs de football, mais il note l’adoption récente de la loi n o 41/2007 intitulée «Mesures d’urgence pour prévenir et réprimer la violence pendant les matchs de football» (art. 12, 13 et 16).

Le Comité recommande à l’ État partie de prendre des mesures efficaces pour:

a) Adresser aux responsables des forces de police, à tous les niveaux de la hiérarchie, et au personnel pénitentiaire un message clair et sans équivoque leur signifiant que les actes de torture, les violences et les mauvais traitements sont inacceptables, notamment grâce à l’introduction d’un code de conduite applicable à tous les fonctionnaires;

b) Garantir aux personnes qui se plaignent d’avoir été maltraitées par des agents des forces de l’ordre une protection contre les mesures d’intimidation et des représailles éventuelles;

c) Veiller à ce que les agents des forces de l’ordre ne recourent à la force que lorsque cela est strictement nécessaire et dans la mesure exigée par l’accomplissement de leurs fonctions.

En outre, l’ État partie devrait informer le Comité du déroulement des procédures judiciaires et disciplinaires liées aux incidents susmentionnés.

18) Le Comité s’inquiète des informations selon lesquelles les membres des forces de l’ordre ne portaient pas de badge pendant les manifestations organisées à l’occasion du Sommet du G ‑8 à Gênes en 2001, ce qui rendait leur identification impossible en cas de plainte pour torture ou mauvais traitements (art. 12 et 13).

L’ État partie devrait veiller à ce que tous les membres des forces de l’ordre portent un badge d’identification visible afin d’assurer qu’ils rendent compte de leurs actes et d’offrir une protection contre la torture et les peines ou traitements inhumains ou dégradants.

Obligation de procéder sans délai à une enquête impartiale

19) Le Comité est préoccupé par le nombre d’informations faisant état de mauvais traitements infligés par des responsables de l’application des lois, le nombre restreint d’enquêtes menées concernant ces affaires et le nombre très faible de condamnations prononcées dans celles qui ont donné lieu à une enquête. Il note avec préoccupation que le délit de torture, qui n’existe pas en tant que tel dans le Code pénal italien mais peut toutefois être puni au titre d’autres dispositions de ce code, pourrait, dans certains cas, être soumis à un délai de prescription. Le Comité est d’avis que les actes de torture sont imprescriptibles et il se félicite de la déclaration faite par la délégation de l’État partie selon laquelle une modification des dispositions relatives à ce délai est envisagée (art. 1 er , 4, 12 et 16).

Le Comité recommande à l’ État partie :

a) De renforcer les mesures prises pour faire en sorte que toutes les plaintes relatives à des tortures ou des mauvais traitements infligés par des responsables de l’application des lois fassent sans délai l’objet d’enquêtes impartiales et efficaces. En particulier, ces enquêtes ne devraient pas être effectuées par la police ou sous sa responsabilité, mais par un organe indépendant. S’agissant des affaires dans lesquelles il existe de fortes présomptions que la plainte pour torture ou mauvais traitements est fondée, l’auteur présumé de ces actes devrait en principe être suspendu de ses fonctions ou muté pendant la durée de l’enquête, en particulier s’il risque de faire obstruction à l’enquête;

b) De faire en sorte que les auteurs de ces actes soient traduits en justice et que ceux qui sont reconnus coupables soient condamnés à des peines appropriées afin de mettre un terme à l’impunité des membres des forces de l’ordre qui ont violé la Convention;

c) De revoir ses règlements et dispositions relatives au délai de prescription et de les rendre pleinement conformes à ses obligations au titre de la Convention, de manière que les actes de torture, de même que les tentatives de pratiquer la torture et tout acte commis par n’importe quelle personne qui constitue une complicité ou une participation à l’acte de torture, fassent l’objet d’une enquête et que leurs auteurs soient poursuivis et sanctionnés sans qu’il y ait prescription.

Indemnisation et réadaptation

20) Le Comité regrette l’absence de programme visant spécifiquement à protéger les droits des victimes de torture ou de mauvais traitements. Il regrette également que l’État partie n’ait pas fourni de renseignements sur le nombre de victimes d’actes de torture et de mauvais traitements susceptibles d’avoir reçu réparation et sur le montant des indemnités versées dans ces affaires, et qu’il n’ait pas donné d’information sur d’autres formes d’assistance offertes aux victimes, notamment l’aide médicale ou les mesures de réadaptation psychosociale. Le Comité accueille toutefois avec satisfaction les renseignements communiqués par l’État partie concernant la modification apportée en mars 2007 à la loi sénatoriale n o 1216 portant sur l’introduction du crime de torture aux fins de mettre en place un fonds national pour les victimes de la torture (art. 14).

L’État partie devrait multiplier ses efforts en matière de réparation, d’indemnisation et de réadaptation des victimes, en leur donnant notamment accès aux moyens nécessaires à la réadaptation la plus complète possible, et mettre en place un programme spécifique d’assistance aux victimes de torture et de mauvais traitements.

En outre, l’État partie devrait communiquer dans son prochain rapport périodique des renseignements sur les programmes de réparation, notamment le traitement des traumatismes et d’autres formes de réadaptation offerts aux victimes de torture et de mauvais traitements, et indiquer si des ressources suffisantes ont été allouées pour assurer le bon fonctionnement de ces programmes. L’État partie est encouragé à adopter les mesures législatives nécessaires, à mettre en place un fonds national d’aide aux victimes de la torture et à allouer des ressources financières suffisantes pour en assurer l’efficacité.

Groupes vulnérables, notamment les Roms

21) Tout en notant plusieurs mesures adoptées par l’État partie, notamment la création du Bureau national de la lutte contre la discrimination raciale (l’UNAR) et du Registre des associations travaillant dans le domaine de la lutte contre la discrimination, le Comité se déclare préoccupé par des informations selon lesquelles des groupes vulnérables, en particulier les Roms, des étrangers et des Italiens d’origine étrangère, seraient victimes d’actes de violence et de discrimination et la police et les pouvoirs publics montreraient peu d’empressement à offrir une protection adéquate aux victimes et à mener des enquêtes efficaces sur ces actes (art. 2, 12, 13 et 16).

L’État partie devrait intensifier ses efforts pour lutter contre la discrimination et les mauvais traitements dont sont victimes des groupes vulnérables, notamment les Roms, les étrangers et les Italiens d’origine étrangère. À cet égard, le Comité recommande à l’État partie:

a) De lutter contre la discrimination raciale, la xénophobie et la violence qui y est associée, de veiller à ce que tous les actes de violence motivés par des considérations de ce genre fassent sans délai l’objet d’enquêtes impartiales et approfondies et de faire en sorte que les auteurs de ces actes soient traduits en justice et condamnés à des peines appropriées tenant compte de la gravité de leurs actes;

b) De condamner publiquement la discrimination raciale, la xénophobie et la violence qui y est associée et de signifier clairement et sans équivoque que les actes à caractère raciste ou discriminatoire commis par des agents de l’administration publique sont inacceptables, particulièrement s’ils sont le fait de membres des forces de l’ordre;

c) De fournir au Comité des informations détaillées sur les mesures concrètes adoptées pour prévenir et combattre ce type de violence.

Traite des personnes

22) Le Comité prend acte avec satisfaction des mesures, projets et programmes divers de l’État partie visant à lutter contre la traite des personnes, notamment la création d’un comité interministériel spécial chargé de gérer et de mettre en œuvre les programmes d’aide aux victimes de la traite ainsi que la stratégie dite «stratégie de l’article 18», qui vise à délivrer des permis de séjour au titre de la protection sociale à toutes les victimes de la traite de façon à leur permettre de participer à des programmes d’insertion sociale, et le décret-loi n o 300 qui étend aux ressortissants de pays non membres de l’Union européenne le champ d’application du dispositif d’assistance aux victimes de la traite et d’insertion sociale de ces dernières. Le Comité se déclare toutefois préoccupé par les informations persistantes selon lesquelles des femmes et des enfants continueraient d’être victimes de la traite à des fins d’exploitation sexuelle ou autre et, tout en relevant le nombre élevé d’enquêtes réalisées, il s’inquiète de l’absence de renseignements sur les poursuites engagées et les condamnations prononcées dans des affaires de traite (art. 2, 10, 12 et 16).

L’État partie devrait continuer à multiplier ses efforts pour lutter contre la traite des femmes et des enfants et prendre des mesures efficaces afin de poursuivre et de punir les responsables de la traite des personnes, notamment en appliquant strictement la législation pertinente, en menant des campagnes de sensibilisation au problème et en veillant à ce que la question de la traite des personnes soit intégrée à la formation du personnel chargé de l’application des lois et d’autres groupes concernés.

Violence familiale

23) Tout en notant les diverses mesures prises par l’État partie, notamment la publication, le 21 février 2007, des résultats d’une enquête réalisée par l’Institut national de statistique (ISTAT) sur la question des violences physiques et sexuelles à l’égard des femmes, et la création, le 8 mars 2006, d’un service d’assistance téléphonique gratuit Antiviolenza Donna («Lutte contre la violence à l’égard des femmes»), accessible en composant le numéro spécial 1522, le Comité demeure préoccupé par la persistance de la violence à l’égard des femmes et des enfants, notamment de la violence au foyer. Il regrette en outre que l’État partie n’ait pas fourni de données statistiques sur les plaintes déposées, les poursuites engagées et les peines prononcées dans des affaires de violence familiale (art. 1 er , 2, 12 et 16).

L’État partie devrait redoubler d’efforts pour prévenir, combattre et sanctionner la violence à l’égard des femmes et des enfants, notamment par l’adoption du projet de loi sur les mesures de sensibilisation et de prévention ainsi que la répression des infractions commises contre les personnes ou au sein de la famille au motif de l’orientation sexuelle, de l’identité sexuelle ou pour tout autre motif de discrimination (projet n o 2169 de la Chambre), lequel projet prévoit, entre autres, la collecte et l’analyse systématiques des données relatives à la violence, y compris la violence au foyer.

Collecte de données

24) Le Comité regrette l’absence de données détaillées et ventilées concernant les plaintes, les enquêtes, les poursuites et les condamnations dans les affaires de torture et de mauvais traitements par des agents des forces de l’ordre, et concernant la traite des personnes et la violence familiale et sexuelle. Il prend note toutefois de la déclaration faite par la délégation de l’État partie selon laquelle le Ministère de la justice a entrepris la mise à jour de son système de collecte de données statistiques, qui devrait être achevée d’ici à la fin 2007 (art. 11 et 12).

L’État partie devrait mettre en place un système efficace de collecte de toutes les données statistiques pertinentes pour la surveillance de la mise en œuvre de la Convention au niveau national, notamment celles concernant les plaintes, les enquêtes, les poursuites et les condamnations dans les affaires de torture et de mauvais traitements, de traite des personnes et de violence familiale et sexuelle, et concernant les mesures de réparation et de réadaptation offertes aux victimes.

25) Tout en prenant note des assurances données oralement par les représentants de l’État partie que le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants devrait être ratifié sous peu, le Comité encourage l’État partie à procéder à cette ratification.

26) Le Comité recommande à l’État partie d’envisager d’adhérer à la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille.

27) Le Comité invite l’État partie à soumettre son document de base commun selon les prescriptions énoncées en la matière dans les Directives harmonisées pour l’établissement de rapports récemment approuvées par les organes créés en vertu d’instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme (HRI/MC/2006/3 et Corr.1).

28) L’État partie est encouragé à diffuser largement les rapports qu’il soumet au Comité ainsi que les conclusions et recommandations du Comité, dans les langues appropriées, par le biais des sites Web officiels, des médias et des organisations non gouvernementales.

29) Le Comité prie l’État partie de lui fournir, dans un délai d’un an, des renseignements sur la suite qu’il aura donnée aux recommandations formulées ci-dessus aux paragraphes 7, 12, 16 et 20.

30) L’État partie est invité à soumettre son prochain rapport périodique, qui sera considéré comme son sixième, d’ici au 30 juin 2011.

41. Japon

1) Le Comité a examiné le rapport initial du Japon (CAT/C/JPN/1) à ses 767 e et 769 e séances (CAT/C/SR.767 et CAT/C/SR.769), tenues les 9 et 10 mai 2007, et a adopté, à ses 778 e et 779 e  séances (CAT/C/SR.778 et CAT/C/SR.779), les conclusions et recommandations ci ‑après.

A. Introduction

2) Le Comité accueille avec satisfaction le rapport initial du Japon, qu’il considère comme une occasion d’établir un dialogue constructif. En particulier, il prend note avec intérêt des précisions et explications que la délégation a fournies en réponse aux nombreuses questions qu’il a posées oralement. Il se félicite en outre que l’État partie ait envoyé une délégation importante composée de représentants des différentes sphères du Gouvernement, montrant ainsi qu’il tient à s’acquitter des obligations qui lui incombent en vertu de la Convention. Le Comité salue enfin la présence d’organisations non gouvernementales lors de l’examen du rapport.

3) Le Comité regrette toutefois que le rapport, qui était attendu en juillet 2000, ait été présenté avec plus de cinq ans de retard. Il note également que ce rapport n’est pas pleinement conforme aux directives du Comité concernant l’établissement des rapports initiaux, dans la mesure où il ne contient pas d’informations détaillées sur la manière dont les dispositions de la Convention sont appliquées dans la pratique dans l’État partie. Dans ce rapport initial, l’État partie s’est essentiellement contenté de citer une série de dispositions légales plutôt que d’analyser la mise en œuvre des droits consacrés dans la Convention en fournissant des exemples et des statistiques.

B. Aspects positifs

4) Le Comité note avec satisfaction que l’État partie a ratifié la majorité des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme.

5) Le Comité se félicite en outre de l’adoption de:

a) La loi portant amendement de la loi relative au contrôle de l’immigration et à la reconnaissance du statut de réfugié (loi n o  73 de 2004);

b) La loi relative aux établissements pénitentiaires et autres lieux de détention et au traitement des détenus, entrée en vigueur le 24 mai 2005 et modifiée le 2 juin 2006.

6) Le Comité note l’établissement de nouveaux mécanismes visant à améliorer la surveillance des lieux de détention et à prévenir de nouveaux cas de violence, tels que le Comité d’inspection des établissements pénitentiaires et le Comité chargé d’examiner les plaintes déposées par des détenus dans les établissements pénitentiaires et de mener les enquêtes correspondantes. Il salue en outre l’annonce de la création, en juin 2007, du Comité de surveillance des conditions de la garde à vue.

7) Le Comité salue les activités du Bureau des établissements pénitentiaires en matière de formation théorique et pratique du personnel pénitentiaire, laquelle inclut désormais l’enseignement des normes relatives aux droits de l’homme ainsi que des cours de science du comportement et de psychologie.

8) Le Comité se félicite en outre des mesures prises par l’État partie pour combattre la traite, en particulier l’adoption du Plan d’action national contre la traite des êtres humains, en décembre 2004, et les modifications apportées aux lois connexes et aux dispositions pertinentes du Code pénal et de la loi relative au contrôle de l’immigration et à la reconnaissance du statut de réfugié.

9) Le Comité constate avec satisfaction que l’État partie a tenu des consultations avec des représentants de la société civile dans le contexte de l’élaboration de son rapport.

C. Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Définition de la torture

10) Bien que l’État partie affirme que tous les actes pouvant être qualifiés de torture au sens de l’article premier de la Convention sont punissables en vertu du droit pénal japonais, le Comité constate avec préoccupation que le Code pénal ne contient toujours pas de définition de la torture telle que celle donnée à l’article premier de la Convention. En particulier, le Comité s’inquiète de ce que la «torture mentale», au sens de la Convention, n’est pas clairement définie aux articles 195 et 196 du Code pénal, et que les sanctions dont sont passibles les actes connexes tels que l’intimidation sont inadéquates. Le Comité est préoccupé en outre par le fait que la législation japonaise ne vise pas toutes les catégories d’agents de la fonction publique, de personnes agissant à titre officiel et de personnes agissant à l’instigation ou avec le consentement exprès ou tacite d’un agent de la fonction publique ou de toute autre personne agissant à titre officiel, telles que les membres des Forces d’autodéfense et les fonctionnaires de l’immigration.

L’État partie devrait incorporer dans sa législation nationale la définition de la torture figurant à l’article premier de la Convention, en conservant tous les éléments de la définition qui érigent la torture en infraction spécifique passible de peines appropriées.

Applicabilité de la Convention à l’échelon national

11) Le Comité regrette le manque d’informations sur l’applicabilité directe de la Convention et, en particulier, l’absence d’exemples de l’application de cet instrument par les tribunaux nationaux ou en temps de guerre.

L’État partie devrait fournir au Comité des renseignements sur les mesures prises pour faire en sorte que les tribunaux nationaux puissent appliquer directement les dispositions de la Convention, et citer des exemples pertinents. L’État partie devrait également donner des informations sur l’applicabilité de la Convention en temps de guerre.

Prescription

12) Le Comité constate avec préoccupation que les actes apparentés à la torture ou aux mauvais traitements peuvent faire l’objet d’une prescription. Il craint que la prescription applicable à de tels actes ne constitue un obstacle aux enquêtes, poursuites et sanctions à l’encontre des auteurs de ces crimes graves. En particulier, il regrette que les non-lieux prononcés à la suite des actions intentées par des femmes qui ont été les esclaves sexuelles de militaires pendant la Seconde Guerre mondiale − les «femmes de réconfort» −, pour des raisons liées à la prescription.

L’État partie devrait revoir ses règles et dispositions en matière de prescription afin de les rendre pleinement conformes à ses obligations en vertu de la Convention, de sorte que les actes de torture et les mauvais traitements, les tentatives de torture et toute complicité dans la commission d’actes de torture et toute participation à de tels actes, quel qu’en soit l’auteur, donnent lieu à une enquête, à des poursuites et à des sanctions, sans qu’il puisse y avoir prescription.

Indépendance de l’appareil judiciaire

13) Le Comité est préoccupé par le fait que les membres de l’appareil judiciaire ne bénéficient pas d’une indépendance suffisante et, en particulier, que l’inamovibilité des juges et un certain nombre de garanties nécessaires ne soient pas assurées.

L’État partie devrait prendre toutes les mesures nécessaires pour renforcer l’indépendance de l’appareil judiciaire et, en particulier, assurer l’inamovibilité des juges.

Non-refoulement

14) Le Comité s’inquiète de ce que certaines dispositions de la législation nationale et certaines pratiques de l’État partie ne sont pas conformes à l’article 3 de la Convention, en particulier:

a) La loi relative au contrôle de l’immigration et à la reconnaissance du statut de réfugié de 2006, qui n’interdit pas expressément l’expulsion de personnes vers un autre État où elles risquent d’être soumises à la torture; de plus, les autorités chargées du contrôle ne cherchent pas systématiquement à déterminer si l’article 3 est applicable;

b) L’absence d’organe indépendant chargé d’examiner les demandes de reconnaissance du statut de réfugié;

c) Les conditions de détention dans les centres de rétention administrative et les locaux des aéroports où sont retenus les étrangers non admis sur le territoire national, et notamment les nombreuses allégations d’actes de violence, d’utilisation illégale de moyens de contrainte physique pendant l’expulsion, d’abus, de harcèlement sexuel et de privation d’accès à des soins de santé adéquats. En particulier, le Comité est préoccupé par le fait que, jusqu’à présent, un seul de ces cas a été reconnu comme constituant de mauvais traitements;

d) L’absence de mécanisme indépendant qui serait chargé de surveiller les conditions de détention dans les centres de rétention administrative et les locaux où sont retenus les étrangers non admis sur le territoire national, et en particulier l’absence d’organe indépendant qui pourrait recueillir les plaintes pour violations déposées par des détenus à l’encontre de fonctionnaires du Bureau de l’immigration. Le Comité est également préoccupé par le fait que les critères retenus pour la désignation de conseillers chargés de formuler des recommandations concernant l’envoi de réfugiés dans des pays tiers ne sont pas rendus publics;

e) L ’ absence d ’ organe indépendant qui serait chargé d ’ examiner les décisions prises par les fonctionnaires de l ’ immigration, compte tenu du fait que le Ministère de la justice n ’ autorise pas les personnes qui demandent la reconnaissance du statut de réfugié à désigner un représentant légal dès l ’ ouverture de la procédure, et que les non-résidents ont, de facto, un accès restreint à l ’ assistance juridique garantie par l ’ État;

f) L ’ insuffisance des garanties en matière d ’ accès de tous les demandeurs d ’ asile à un mécanisme d ’ examen judiciaire, ainsi que les allégations d ’ expulsions pratiquées dès la fin de la procédure administrative;

g) La durée injustifiée de la détention des demandeurs d ’ asile entre le rejet de leur demande et leur expulsion et, en particulier, les informations faisant état de placements en détention pour une durée indéterminée ou à long terme;

h) Le caractère strict et l ’ effet limité du système de séjour provisoire prévu dans la loi sur l ’ immigration révisée de 2006.

L État partie devrait faire en sorte que toutes les mesures et pratiques relatives à la détention et à l expulsion d immigrants soient pleinement conformes à l article 3 de la Convention. En particulier, il devrait interdire expressément l expulsion de personnes vers des pays où il y a des motifs sérieux de croire qu elles risquent d être soumises à la torture, et établir un organe indépendant chargé d examiner les demandes d asile. L État partie devrait assurer le respect des formes régulières dans l examen des demandes d asile et les procédures d expulsion et établir sans délai une autorité indépendante chargée d examiner les plaintes relatives au traitement des immigrants en détention. L État partie devrait en outre limiter la durée de la détention des personnes en attente d expulsion, en particulier celles qui appartiennent à des groupes vulnérables, et rendre publique l’information sur l obligation de placer en détention toute personne à l encontre de laquelle un arrêté d expulsion a été délivré.

Daiyo Kangoku (détention dans le système des «prisons de substitution»)

15) Le Comité est profondément préoccupé par l’utilisation systématique des «prisons de substitution» (Daiyo Kangoku) pour la détention prolongée de personnes qui ont été arrêtées, même après qu’elles ont été présentées à un juge et jusqu’au moment de la mise en accusation. Cette pratique, conjuguée à l’absence de garanties procédurales suffisantes en matière de détention et d’interrogatoire, aggrave les risques de violation des droits des détenus et peut aboutir, dans les faits, au non-respect du principe de la présomption d’innocence, du droit de garder le silence et des droits de la défense. En particulier, le Comité est gravement préoccupé par:

a) Le nombre disproportionné de personnes détenues dans des cellules de police, et non dans des centres de détention, pendant l’enquête et jusqu’au moment de la mise en accusation, et en particulier pendant la phase de l’enquête consacrée aux interrogatoires;

b) Le fait que les fonctions relatives à l’enquête et à la détention ne sont pas suffisamment séparées et que, par conséquent, des enquêteurs peuvent participer au transfèrement de détenus puis être chargés d’enquêter sur leur cas;

c) Le caractère inapproprié des cellules de police pour une détention prolongée et le fait que les personnes placées en garde à vue ne peuvent bénéficier rapidement de soins médicaux adéquats;

d) La durée de la détention avant jugement dans les cellules de police jusqu’à la mise en accusation, qui peut aller jusqu’à vingt-trois jours par chef d’inculpation;

e) L’absence de contrôle et d’examen judiciaires effectifs, par les tribunaux, de la détention dans les cellules de police, attestée par le nombre disproportionnellement élevé de mandats de dépôt délivrés par les tribunaux;

f) L’absence de système de caution pour les personnes qui attendent de passer en jugement;

g) L’absence de système prévoyant qu’un avocat soit désigné d’office pour tout suspect avant la mise en accusation, quelle que soit la catégorie d’infraction qui lui est reprochée. À l’heure actuelle, un tel système n’existe que pour les infractions majeures;

h) Les limitations imposées au droit des personnes détenues avant jugement de rencontrer un avocat, et en particulier le pouvoir arbitraire qu’ont les procureurs de fixer une date ou une heure précise pour de telles rencontres, qui peut avoir pour conséquence l’absence d’avocat lors des interrogatoires;

i) Le fait que les représentants légaux n’ont qu’un accès limité aux éléments pertinents des dossiers de police et, en particulier, que les procureurs ont le pouvoir de décider quels éléments de preuve ils souhaitent produire au moment de la mise en accusation;

j) L’absence de mécanisme indépendant et efficace d’inspection et de plainte accessible aux personnes détenues dans les cellules de police;

k) L’utilisation de baillons dans les locaux de détention de la police, alors qu’une telle pratique est interdite dans les établissements pénitentiaires.

L État partie devrait prendre des mesures immédiates et efficaces pour rendre les conditions de la détention avant jugement conformes aux normes internationales minima. En particulier, il devrait modifier la loi sur les prisons de 2006 en vue de limiter l utilisation de cellules de police pour la détention avant jugement. À titre prioritaire, l État partie devrait:

a) Modifier sa législation pour faire en sorte que les fonctions relatives à l enquête et à la détention (y compris aux procédures de transfèrement) soient complètement séparées, en excluant de l enquête les policiers chargés de la détention et en écartant les enquêteurs de toute affaire concernant la détention;

b) Réduire la durée maximale de la garde à vue conformément aux normes internationales minima;

c) Veiller à ce qu une assistance juridique soit fournie à tout détenu dès son arrestation, que les avocats de la défense soient présents aux interrogatoires et qu ils aient accès à tous les éléments pertinents des dossiers de police après la mise en accusation afin de pouvoir préparer la défense, et que les personnes placées en garde à vue bénéficient rapidement de soins médicaux appropriés;

d) Garantir l indépendance du contrôle externe de la garde à vue, par exemple en veillant à ce que les commissariats des préfectures de police désignent systématiquement un avocat recommandé par le barreau pour siéger au comité de surveillance des conditions de la garde à vue qui doit être créé en juin 2007;

e) Établir un mécanisme efficace, indépendant des Commissions de la sécurité publique, chargé d examiner les plaintes des personnes détenues dans les cellules de police;

f) Envisager d adopter des mesures autres que le placement en détention pour la période d avant le jugement;

g) Interdire l utilisation de baillons dans les locaux de détention de la police.

Méthodes d interrogatoire et aveux

16) Le Comité est profondément préoccupé par le fait qu’un grand nombre de condamnations prononcées à l’issue de procès pénaux sont fondées sur des aveux, compte tenu en particulier de l’absence d’examen judiciaire effectif des conditions de détention avant jugement et du nombre disproportionnellement élevé de condamnations par rapport aux acquittements. Il s’inquiète également de l’absence de moyens qui permettraient de vérifier que l’interrogatoire des personnes placées en garde à vue est correctement mené, et en particulier du fait que la durée des interrogatoires n’est pas strictement limitée et que la présence systématique de l’avocat de la défense n’est pas obligatoire. Il s’inquiète de ce qu’en vertu de la législation nationale, des aveux spontanés faits lors d’interrogatoires qui ne sont pas conformes aux dispositions de la Convention peuvent être invoqués comme éléments de preuve devant les tribunaux, ce qui est contraire à l’article 15 de la Convention.

L État partie devrait veiller à ce que l interrogatoire des détenus placés en garde à vue ou dans les prisons de substitution soit systématiquement surveillé grâce à des dispositifs d enregistrements électroniques et vidéo, que le droit des détenus de rencontrer un avocat et la présence de celui ‑ci à l interrogatoire soient garantis et que les enregistrements précités soient mis à disposition pour être utilisés dans les procédures pénales. L État partie devrait en outre adopter rapidement des règles strictes concernant la durée des interrogatoires, assorties de sanctions appropriées en cas de manquement. Il devrait en outre modifier son Code de procédure pénale pour le rendre pleinement conforme à l article 15 de la Convention. L État partie devrait fournir au Comité des informations relatives au nombre de cas d aveux faits sous la contrainte, la torture ou la menace, ou après une arrestation ou une détention prolongée, qui n ont pas été admis comme éléments de preuve.

Conditions de détention dans les établissements pénitentiaires

17) Le Comité s’inquiète des conditions générales de détention dans les établissements pénitentiaires, notamment la surpopulation des établissements. Tout en se félicitant de l’abolition de l’utilisation des menottes en cuir dans les établissements pénitentiaires, le Comité note avec préoccupation les allégations d’utilisation indue de «menottes en cuir du type 2» à titre de punition. Il est préoccupé en outre par les allégations relatives aux retards injustifiés en matière d’assistance médicale aux détenus et à l’absence de personnel médical indépendant dans le système pénitentiaire.

L État partie devrait prendre des mesures efficaces pour améliorer les conditions de détention et les rendre conformes aux normes internationales minima et, en particulier, remédier au surpeuplement actuel des établissements. Il devrait faire en sorte que l utilisation de moyens de contrainte soit strictement surveillée et, en particulier, prendre des mesures pour qu elle ne serve jamais de punition. L État partie devrait en outre veiller à ce qu une assistance médicale adéquate, indépendante et rapide puisse être fournie à tous les détenus à tout moment. Il devrait envisager de placer les installations médicales et le personnel médical sous la responsabilité du Ministère de la santé.

Régime cellulaire

18) Le Comité est vivement préoccupé par les allégations relatives à la persistance du placement en régime cellulaire de longue durée, en dépit des nouvelles dispositions de la loi sur les établissements pénitentiaires et le traitement des détenus condamnés de 2005 qui restreignent cette utilisation. En particulier, le Comité est préoccupé par:

a) L’absence de facto de durée maximale du placement en régime cellulaire, compte tenu du fait que le délai de trois mois peut être renouvelé indéfiniment;

b) Le nombre de détenus qui sont en régime cellulaire depuis plus de dix ans, dont l’un depuis plus de quarante ‑deux ans;

c) Les allégations de placement en régime cellulaire à titre de punition;

d) Le fait que les détenus placés en régime cellulaire ne font pas l’objet d’un dépistage adéquat des maladies mentales;

e) L’absence de procédures de recours efficaces contre les décisions de placement en régime cellulaire prises à l’encontre de personnes exécutant une peine d’emprisonnement;

f) L’absence de critères qui permettraient de déterminer la nécessité d’un placement en régime cellulaire.

L’État partie devrait modifier sa législation pour faire en sorte que le placement en régime cellulaire reste une mesure exceptionnelle d’une durée limitée, conformément aux normes internationales minima. En particulier, l’État partie devrait envisager d’examiner systématiquement tous les cas de placement prolongé en régime cellulaire, en prévoyant une évaluation psychologique et psychiatrique par des spécialistes, en vue de libérer les personnes dont la détention peut être considérée comme contraire aux dispositions de la Convention.

Peine de mort

19) Tout en notant la législation récente qui étend les droits des condamnés à mort en attente d’exécution en matière de visites et de correspondance, le Comité est vivement préoccupé par un certain nombre de dispositions de la législation nationale relatives aux personnes condamnées à mort, dont l’application pourrait s’apparenter à un acte de torture ou à de mauvais traitements, et en particulier:

a) Le principe du placement en régime cellulaire une fois que la condamnation définitive a été prononcée. Étant donné la longueur de la période pendant laquelle les détenus attendent leur exécution, ce régime peut durer plus de trente ans;

b) Le secret inutile et l’arbitraire qui entourent la date de l’exécution, prétendument pour respecter l’intimité des détenus et de leur famille. En particulier, le Comité regrette la tension psychologique imposée aux détenus et à leur famille du fait de l’incertitude dans laquelle ils sont constamment maintenus quant à la date de l’exécution, puisque les détenus ne sont informés du moment de l’exécution que quelques heures auparavant.

L’État partie devrait prendre toutes les mesures nécessaires pour améliorer les conditions de détention des condamnés à mort en attente d’exécution, en vue de les rendre conformes aux normes internationales minima.

20) Le Comité est sérieusement préoccupé par les restrictions imposées aux garanties légales dont doivent bénéficier les condamnés à mort en attente d’exécution, et en particulier par:

a) Les limitations imposées aux condamnés à mort en attente d’exécution en matière d’accès confidentiel à leurs représentants légaux, notamment l’impossibilité de les rencontrer en privé lorsqu’ils font appel pour demander un nouveau procès, l’absence d’autres moyens de communication confidentiels et le fait qu’ils n’ont pas le droit de bénéficier des services d’un avocat désigné par l’État une fois que la condamnation définitive a été prononcée;

b) L’absence de procédure d’appel obligatoire pour les condamnations à mort;

c) Le fait qu’une demande de réouverture du procès ou une demande de grâce n’entraîne pas de sursis à l’exécution de la sentence;

d) L’absence de mécanisme d’examen qui permettrait d’identifier les condamnés à mort en attente d’exécution souffrant de maladies mentales;

e) Le fait qu’il n’y a eu aucun cas de commutation de peine capitale dans les trente dernières années.

L’État partie devrait envisager de prendre des mesures en vue d’adopter un moratoire sur les exécutions avec effet immédiat et de commuer les peines capitales, et réformer les procédures en vigueur pour introduire la possibilité de prendre des mesures de grâce. Le droit d’appel devrait être obligatoirement accordé pour toute condamnation à mort. L’État partie devrait veiller en outre à ce que sa législation prévoie la possibilité de commuer une peine de mort dont l’application a été retardée. L’État partie devrait veiller enfin à ce que toute personne en attente d’exécution bénéficie des protections prévues dans la Convention.

Obligation de procéder immédiatement à une enquête impartiale, droit de porter plainte

21) Le Comité est préoccupé par:

a) L’absence de mécanisme de plainte efficace accessible aux personnes placées en garde à vue. Il regrette le fait que la loi pénale de 2006 n’établisse pas d’organe indépendant doté d’un tel mandat. Il note l’absence d’informations sur le comité de surveillance des conditions de la garde à vue, qui doit être créé en juin 2007;

b) Le fait que le Comité d’inspection des établissements pénitentiaires ne soit pas habilité à enquêter sur les allégations d’actes de torture ou de mauvais traitements;

c) Le manque d’indépendance du Comité chargé d’examiner les plaintes déposées par des détenus dans les établissements pénitentiaires et de mener les enquêtes correspondantes, dont le secrétariat est composé de membres du personnel du Ministère de la justice et qui a des pouvoirs limités pour enquêter directement sur les cas puisqu’il ne peut interroger les détenus et les fonctionnaires ni accéder directement à tout document pertinent;

d) Le délai limité dont les détenus disposent pour porter plainte et l’impossibilité pour les avocats de porter plainte au nom de leurs clients;

e) Les informations selon lesquelles des détenus ayant porté plainte en auraient subi des conséquences négatives et des actions auraient été rejetées au motif que le délai fixé pour demander réparation avait expiré;

f) L’absence d’informations sur le nombre de plaintes reçues, le nombre d’enquêtes ouvertes et achevées et leur résultat, et notamment sur le nombre d’auteurs de tels actes et le nombre de condamnations prononcées.

L’État partie devrait envisager d’établir un mécanisme indépendant habilité à procéder immédiatement à une enquête impartiale et efficace sur toute allégation ou plainte faisant état d’actes de torture ou de mauvais traitements émanant d’une personne placée en détention avant jugement dans des locaux de police ou un établissement pénitentiaire ou d’un détenu purgeant une peine d’emprisonnement. L’État partie devrait prendre toutes les mesures nécessaires pour veiller à ce que les détenus puissent exercer pleinement leur droit de porter plainte, notamment en supprimant toute prescription pour les actes de torture et de mauvais traitements, en faisant en sorte que les détenus puissent déposer une plainte par l’intermédiaire de leur représentant légal, en établissant des mécanismes protégeant les témoins contre tout acte d’intimidation et en revoyant toutes les dispositions qui limitent le droit de demander réparation. L’État partie devrait fournir des données statistiques détaillées, ventilées par infraction, appartenance ethnique, âge et sexe, sur les plaintes faisant état d’actes de torture ou de mauvais traitements imputés à des membres du personnel des institutions chargées de faire appliquer les lois ainsi que sur les enquêtes, poursuites et sanctions pénales ou disciplinaires correspondantes.

Éducation et formation dans le domaine des droits de l’homme

22) Le Comité note les allégations relatives à l’existence d’un manuel de formation des enquêteurs qui décrirait des méthodes d’interrogatoire contraires aux dispositions de la Convention. Il est préoccupé en outre par le fait qu’une éducation dans le domaine des droits de l’homme, et en particulier dans le domaine des droits des femmes et des enfants, ne soit dispensée systématiquement qu’aux fonctionnaires des établissements pénitentiaires, et qu’une telle éducation ne fasse pas partie intégrante des programmes de formation des fonctionnaires de police chargés de la garde à vue, des enquêteurs, des juges et du personnel de sécurité opérant dans le contexte de l’immigration.

L’État partie devrait faire en sorte que tous les documents servant à la formation du personnel chargé de l’application des lois, et en particulier des enquêteurs, soient rendus publics. En outre, toutes les catégories du personnel chargé de l’application des lois, ainsi que les juges et les fonctionnaires de l’immigration, devraient recevoir régulièrement une formation concernant les incidences de leur travail sur les droits de l’homme, qui mette particulièrement l’accent sur la torture et les droits des femmes et des enfants.

Indemnisation et réadaptation

23) Le Comité est préoccupé par les informations faisant état de difficultés auxquelles se heurteraient les victimes de violations pour obtenir réparation et une indemnisation adéquate. Il est préoccupé en outre par les restrictions imposées au droit à indemnisation, telles que les délais de prescription et les règles de réciprocité concernant les immigrants. Le Comité regrette l’absence d’informations sur les indemnisations demandées et obtenues par les victimes de torture ou de mauvais traitements.

L’État partie devrait prendre toutes les mesures nécessaires pour veiller à ce que toutes les victimes d’actes de torture ou de mauvais traitements puissent exercer pleinement leur droit à réparation, y compris à une indemnisation et à une réadaptation. Il devrait prendre des mesures pour créer des services de réadaptation dans le pays. L’État partie devrait en outre fournir au Comité des renseignements sur toute forme d’indemnisation ou de réadaptation offerte aux victimes.

24) Le Comité est préoccupé par le fait que les victimes de violence sexuelle, en particulier les survivantes des pratiques d’esclavage sexuel militaire au Japon pendant la Seconde Guerre mondiale, ne disposent pas de recours appropriés, et par l’absence de mesures efficaces, éducatives ou autres, visant à prévenir les actes de violence sexuelle et les violations des dispositions de la Convention visant spécifiquement les femmes. Les survivantes des violations commises durant la guerre, dont le représentant de l’État partie a reconnu qu’elles souffraient de «blessures incurables», continuent de subir des abus et de revivre leur traumatisme parce que l’État partie nie officiellement les faits, dissimule ou refuse de dévoiler d’autres faits, ne poursuit pas ceux qui sont pénalement responsables d’actes de torture et n’offre pas une réadaptation adéquate aux victimes et aux survivantes.

Le Comité considère que tant l’éducation (art. 10 de la Convention) que les mesures de réparation (art. 14 de la Convention) constituent en elles ‑mêmes un moyen de prévenir d’autres manquements, de la part de l’État partie, à ses obligations à cet égard en vertu de la Convention. La persistance des démentis officiels, l’absence de poursuites et le fait de ne pas offrir de réadaptation adéquate aux victimes, tout cela fait que l’État partie ne respecte pas les obligations que lui impose la Convention de prévenir la torture et les mauvais traitements, y compris grâce à des mesures éducatives et des mesures de réadaptation. Le Comité recommande à l’État partie de prendre des mesures éducatives pour modifier les comportements discriminatoires à l’origine des actes de violence sexuelle et des violations dirigés contre les femmes, et de prendre des mesures de réadaptation en faveur des victimes, en y ajoutant des mesures visant à prévenir l’impunité.

Violence dirigée contre les femmes et traite des êtres humains

25) Le Comité est préoccupé par la persistance d’allégations d’actes de violence et d’abus à l’encontre de femmes et d’enfants en détention, y compris d’actes de violence sexuelle commis par des membres des forces de l’ordre. Le Comité est préoccupé également par la portée restreinte de la législation de l’État partie relative au viol, qui ne vise que les relations sexuelles impliquant les organes génitaux masculins et féminins et exclut toute autre forme d’abus sexuel ainsi que le viol d’une personne de sexe masculin. En outre, le Comité s’inquiète de ce que la traite internationale des êtres humains demeure un problème sérieux dans l’État partie, aggravé par l’utilisation répandue de visas délivrés par le Gouvernement et permettant de travailler dans le secteur du spectacle, et de ce que les mesures d’aide aux victimes identifiées comme telles demeurent inadéquates et que celles-ci sont traitées comme des immigrants illégaux et expulsées sans recours ni réparation. Le Comité s’inquiète également de l’absence de mesures efficaces visant à prévenir les actes de violence contre des femmes et des filles commis par du personnel militaire, y compris des militaires étrangers stationnés dans des bases, ainsi qu’à poursuivre les auteurs de tels actes.

L’État partie devrait prendre des mesures de prévention contre la violence sexuelle et la violence à l’égard des femmes, y compris la violence au foyer et la violence sexiste, et mener rapidement des enquêtes impartiales sur toute allégation de torture ou de mauvais traitements en vue de traduire les responsables en justice. Le Comité demande instamment à l’État partie de renforcer les mesures qu’il a prises contre la traite des êtres humains, notamment en restreignant la délivrance de visas permettant de travailler dans le secteur du spectacle pour veiller à ce que ce type de document ne soit pas utilisé pour faciliter la traite, d’allouer des ressources suffisantes à cette fin et d’appliquer résolument les lois pénales pertinentes. L’État partie est encouragé en outre à entreprendre des programmes de formation à l’intention des membres des forces de l’ordre et de l’appareil judiciaire pour les sensibiliser aux droits et aux besoins des victimes, à créer des unités de police spécialisées et à fournir une meilleure protection et des soins appropriés aux victimes, notamment en mettant à leur disposition des établissements sûrs, des foyers et une assistance psychosociale. L’État partie devrait veiller en outre à ce que toutes les victimes, y compris celles de violations commises par du personnel militaire étranger stationné dans une base militaire, puissent demander réparation devant les tribunaux.

Personnes souffrant d’un handicap mental

26) Le Comité s’inquiète du rôle joué par des psychiatres privés, dans des hôpitaux privés, qui sont habilités à ordonner la mise en détention de personnes souffrant d’un handicap mental, et du fait que les ordres de détention, la gestion des établissements privés de santé mentale et les plaintes pour actes de torture ou mauvais traitements déposés par des patients ne font pas l’objet d’un examen judiciaire suffisant.

L’État partie devrait prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer un examen judiciaire efficace et approfondi des procédures de détention dans les établissements publics et privés de santé mentale.

27) Le Comité encourage l’État partie à envisager de faire la déclaration prévue à l’article 22 de la Convention, par laquelle il reconnaîtrait la compétence du Comité pour recevoir et examiner des communications émanant de particuliers, et de ratifier le Protocole facultatif à la Convention.

28) Le Comité encourage l’État partie à envisager de devenir partie au Statut de Rome de la Cour pénale internationale.

29) L’État partie est encouragé à diffuser largement les rapports présentés par le Japon au Comité ainsi que les conclusions et recommandations de celui-ci, dans les langues requises, dans les sites Web officiels, les médias et les organisations non gouvernementales.

30) Le Comité invite l’État partie à soumettre son document de base commun, selon les prescriptions énoncées en la matière dans les Directives harmonisées pour l’établissement de rapports récemment approuvées par les organes créés en vertu d’instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme (HRI/MC/2006/3 et Corr.1).

31) Le Comité demande à l’État partie de lui fournir, dans le délai d’un an, des renseignements sur la suite qu’il aura donnée aux recommandations du Comité contenues dans les paragraphes 14, 15, 16 et 24 ci ‑dessus.

32) L’État partie est invité à soumettre son deuxième rapport périodique avant le 30 juin 2011.

42. Luxembourg

1) Le Comité a examiné le cinquième rapport périodique du Luxembourg (CAT/C/81/Add.5) à ses 759 e et 762 e séances, les 3 et 4 mai 2007 (CAT/C/SR. 759 et 762), et a adopté les conclusions et recommandations suivantes à sa 773 e séance, le 14 mai 2007 (CAT/C/SR.773).

A. Introduction

2) Le Comité accueille avec satisfaction le cinquième rapport périodique du Luxembourg, qui est conforme aux directives concernant la forme et le contenu des rapports périodiques, et note qu’il a été soumis dans le délai imparti. Le Comité prend acte avec satisfaction des réponses écrites apportées par le Luxembourg à la liste des points à traiter, ainsi que des renseignements complémentaires fournis oralement lors de l’examen du rapport. Enfin, le Comité se félicite du dialogue constructif engagé avec la délégation de haut niveau envoyée par l’État partie et la remercie des réponses franches et directes apportées aux questions posées.

B. Aspects positifs

3) Le Comité se félicite du fait que l’État partie s’efforce de respecter ses obligations visant à la protection des droits de l’homme en général, et celles qui lui incombent en vertu de la Convention en particulier.

4) Le Comité prend note avec satisfaction des éléments suivants:

a) L’adoption de la loi du 8 septembre 2003 relative à la répression de la violence domestique;

b) L’adoption de la loi du 22 août 2003 mettant en place un médiateur national;

c) La création d’un comité pour les droits de l’enfant par la loi du 25 juillet 2002;

d) L’introduction d’une nouvelle Charte des valeurs éthiques au sein de la Police grand ‑ducale, le 1 er janvier 2006;

e) L’annonce de la délégation du Luxembourg selon laquelle un projet de loi interdisant toute violence physique et sexuelle dans le cadre familial, y compris les mutilations génitales, a été déposé devant le Parlement;

f) Les éclaircissements apportés par la délégation de l’État partie sur l’accès à un avocat par une personne détenue lors du premier interrogatoire de police;

g) Les garanties contenues dans le Règlement grand-ducal fixant une liste de pays d’origine sûrs au sens de la loi du 5 mai 2006 relative aux droits d’asile et à des formes complémentaires de protection, qui sont conformes à l’article 3 de la Convention;

h) L’excellente coopération entre les autorités luxembourgeoises et les organisations non gouvernementales de défense des droits de l’homme, particulièrement dans le cadre de l’assistance aux étrangers détenus administrativement; et

i) Le soutien régulier de l’État partie au Fonds de contributions volontaires des Nations Unies pour les victimes de la torture, depuis 1983, ainsi que l’augmentation de la contribution du Luxembourg à ce fonds.

C. Sujets de préoccupation et recommandations

Non-refoulement et traitement des personnes mises à la disposition du Gouvernement

5) Le Comité prend acte de la déclaration de la délégation du Luxembourg selon laquelle un projet de loi visant à la construction d’un centre pour étrangers retenus administrativement, sur un site distinct du Centre pénitentiaire de Luxembourg, a été déposé devant le Parlement. Le Comité est néanmoins préoccupé par le fait qu’en vertu de l’article 10 de la loi du 5 mai 2006, la rétention administrative peut également s’appliquer, dans certains cas, aux demandeurs d’asile, lesquels sont alors placés dans une structure fermée au sein du Centre pénitentiaire, et ceci jusqu’à une période de douze mois, afin de prévenir toute soustraction à une possible mesure d’éloignement ultérieure, ce qui pourrait constituer un internement administratif, sans contrôle judiciaire. (art. 3 et 11).

L’État partie devrait prendre les mesures législatives et administratives nécessaires afin de préciser la situation des demandeurs d’asile à l’égard desquels aucune mesure d’éloignement n’a encore été prononcée, de sorte qu’ils ne soient pas privés de liberté en l’absence d’un comportement de nature à compromettre la sécurité ou l’ordre publics et qu’il leur soit réservé un traitement approprié. En particulier, l’État partie devrait s’assurer que les demandeurs d’asile concernés soient présentés devant un juge afin que celui-ci apprécie la légalité de leur rétention. L’État partie devrait également leur garantir le droit à un recours utile et efficace. Il devrait par ailleurs prendre les mesures requises pour s’assurer que les étrangers mis à la disposition du Gouvernement soient placés dans une structure distincte du milieu carcéral.

6) Le Comité est préoccupé par les dispositions du paragraphe 12 de l’article 6 de la loi du 5 mai 2006 sur l’asile selon lequel «le demandeur peut être livré ou extradé, le cas échéant, vers soit un État membre de l’Union européenne en vertu des obligations découlant d’un mandat d’arrêt européen, ou pour d’autres raisons, soit vers un pays tiers, soit une cour ou un tribunal pénal(e) international(e)», ce qui pourrait, dans certains cas, être en contradiction avec le principe de non ‑refoulement tel que le prévoit l’article 3 de la Convention (art. 3).

L’État partie devrait prendre les mesures législatives nécessaires pour modifier l’article 6 (12) de la loi du 5 mai 2006 sur l’asile, en y intégrant une disposition prévoyant que nul ne pourra être refoulé, expulsé ou extradé vers un État où il y a des motifs sérieux de croire qu’il risque d’être soumis à la torture.

7) Tout en prenant acte de certaines précisions apportées par la délégation du Luxembourg sur les circonstances entourant l’éloignement forcé de M. Igor Beliatskii, le Comité regrette que l’État partie n’ait pas ordonné d’enquête officielle visant notamment à apporter des éclaircissements quant au recours par les agents chargés de l’opération d’éloignement à certaines pratiques telles que le port du masque et l’usage du «bodycuff» qui pourraient constituer un traitement dégradant de la personne éloignée (art. 3, 12 et 16).

L’État partie devrait prendre les mesures nécessaires pour ordonner une enquête dès lors qu’il y a lieu de croire qu’une personne pourrait avoir été soumise à la torture, ou à un traitement cruel, inhumain ou dégradant, y compris lors d’opérations d’éloignement. L’État partie devrait également autoriser la présence d’observateurs des droits de l’homme ou de médecins indépendants à l’occasion de tous les éloignements forcés. Il devrait également permettre de façon systématique un examen médical avant ce type d’éloignement et lorsque la tentative d’éloignement a échoué.

Dispositions concernant la garde et le traitement des personnes arrêtées, détenues ou emprisonnées

8) Tout en prenant note que la Charte des valeurs de la police grand-ducale prévoit dans son annexe 4 que «(le policier) a le respect absolu des personnes, sans discrimination de quelque nature qu’elle soit», le Comité est préoccupé par les informations reçues selon lesquelles les détenus étrangers seraient victimes de comportements arbitraires et d’insultes racistes ou xénophobes de la part des forces de l’ordre et du personnel pénitentiaire (art. 11 et 16).

L’État partie devrait prendre les mesures nécessaires pour:

a) Renforcer la formation du personnel chargé de l’application des lois et le personnel pénitentiaire au respect de l’intégrité physique et psychique des personnes détenues, quelles que soient leur origine, leur appartenance religieuse ou leur sexe;

b) Incriminer pénalement de tels comportements;

c) Ordonner des enquêtes systématiques, et dans tous les cas avérés, traduire les agents en cause devant les juridictions compétentes.

9) Tout en prenant acte des explications de la délégation du Luxembourg relatives au régime cellulaire strict, le Comité regrette la persistance de ce régime disciplinaire et l’intention du Luxembourg de la conserver malgré les recommandations antérieures du Comité ( CAT/C/CR/28/2, par. 5 et 6) et celles du Comité européen pour la prévention de la torture (art. 11 et 16).

Le Comité réitère avec insistance sa recommandation selon laquelle le régime cellulaire strict devrait être expressément et rigoureusement réglementé par la loi, et le contrôle judiciaire renforcé. L’État partie devrait prendre les mesures nécessaires pour mettre un terme à ce régime disciplinaire et modifier la réglementation pertinente en conséquence.

Traitement des mineurs en conflit avec la loi et des mineurs en danger

10) Le Comité prend note des renseignements donnés par l’État partie dans ses réponses écrites selon lesquelles des négociations ont eu lieu entre le Ministère de la famille, le Ministère des travaux publics et la commune de Wormeldange visant à trouver un accord afin de parachever le projet de construction de l’unité de sécurité fermée de Dreiborn pour mineurs. Il note également que le conseil communal n’a pas encore délivré d’autorisation de construire au moment de l’examen du présent rapport. Le Comité reste néanmoins préoccupé par le placement de mineurs au Centre pénitentiaire de Luxembourg qui ne saurait être considéré comme un environnement adapté pour ces derniers, d’autant plus que l’absence totale de contacts entre mineurs et détenus adultes ne peut être garantie. Le Comité est également préoccupé par le fait que les mineurs en situation de conflit avec la loi et ceux qui présentent des problèmes sociaux ou des troubles comportementaux sont placés dans les mêmes structures et par le fait que des mineurs âgés de 16 à 18 ans peuvent être présentés devant des juridictions ordinaires et jugés comme des adultes pour des infractions particulièrement graves (art. 11 et 16).

Le Comité réitère avec insistance sa recommandation antérieure de ne pas placer les mineurs dans des prisons pour adultes à des fins disciplinaires ( CAT/C/CR/28/2, par. 5 et 6) . L’État partie devrait par ailleurs prendre les mesures nécessaires afin que l’unité de sécurité de Dreiborn soit construite dans les meilleurs délais et que, dans l’intervalle, les mineurs soient strictement séparés des détenus adultes.

L’État partie devrait par ailleurs séparer les mineurs en situation de conflit avec la loi des mineurs présentant des problèmes sociaux ou des troubles comportementaux; éviter à tout prix que les mineurs soient jugés comme des adultes; et mettre en place un organe de surveillance indépendant chargé d’inspecter périodiquement les établissements pour mineurs (voir les recommandations du Comité des droits de l’enfant, CRC/C/15/Add. 250, par. 61, al. c , d et e ) .

Enquête impartiale

11) Le Comité est préoccupé par le système de l’opportunité des poursuites qui laisse au Procureur d’État la possibilité de ne pas poursuivre les auteurs d’actes de torture et de mauvais traitements impliquant des agents de la force publique, ni même d’ordonner une enquête, ce qui est en contradiction évidente avec les dispositions de l’article 12 de la Convention (art. 12).

L’État partie devrait, afin de respecter la lettre et l’esprit des dispositions de l’article 12 de la Convention, envisager une dérogation au système de l’opportunité des poursuites, afin qu’aucun doute ne soit permis quant à l’obligation pour les autorités compétentes de déclencher spontanément et systématiquement des enquêtes impartiales dans tous les cas où existeraient des motifs raisonnables de croire qu’un acte de torture aurait été commis sur le territoire sous sa juridiction.

Traite des êtres humains

12) Le Comité est préoccupé par la persistance dans l’État partie de la traite des êtres humains, ainsi que par l’insuffisance du contrôle de la délivrance des visas d’artistes, ce qui comporte un risque d’utilisation de ces visas dans le cadre de cette activité illégale (art. 16).

L’État partie devrait renforcer les mesures existantes de lutte contre la traite des êtres humains, ce qui permettait d’assurer, d’une part, un contrôle plus efficace de la délivrance des visas d’artistes et leur utilisation à des fins illicites, et d’autre part, la protection des témoins et des victimes de tels actes. L’État partie devrait, par ailleurs, engager des poursuites contre leurs auteurs et instigateurs.

Prochain rapport périodique

13) Le Comité invite l’État partie à inclure dans son prochain rapport périodique des données statistiques détaillées, ventilées par infraction, âge, origine ethnique et sexe, sur les plaintes concernant des actes de torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants qui auraient été commis par des responsables de l’application des lois, ainsi que sur les enquêtes, poursuites et sanctions pénales et disciplinaires correspondantes, si elles sont pertinentes. L’État partie est également invité à inclure des données ventilées par âge, sexe et origine ethnique, sur:

a) Le nombre de demandes d’asile enregistrées;

b) Le nombre de demandes acceptées;

c) Le nombre de requérants dont la demande d’asile a été acceptée sur la base de tortures subies ou parce qu’ils pourraient être sujets à la torture s’ils étaient renvoyés dans le pays de provenance;

d) Le nombre de refoulements ou d’expulsions.

14) L’État partie est encouragé à envisager la ratification du Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

15) L’État partie est encouragé à diffuser largement les rapports présentés par le Luxembourg au Comité, ainsi que les conclusions et recommandations de celui-ci, dans les langues requises, par le moyen des sites Internet officiels, des médias et des organisations non gouvernementales.

16) Le Comité invite l’État partie à soumettre son document de base conformément aux exigences relatives au document de base commun contenues dans les directives harmonisées pour l’établissement de rapports, adoptées par Cinquième réunion intercomités des organes créés en vertu d’instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme (HRI/MC/2006/3 et Corr.1).

17) Le Comité demande à l’État partie de lui fournir, dans un délai d’un an, des renseignements sur les suites qu’il aura données aux recommandations du Comité, telles qu’exprimées dans les paragraphes 8, 9, 10 et 11 ci-dessus.

18) L’État partie est invité à soumettre son septième rapport périodique le 30 juin 2011.

43. Pays-Bas

1) Le Comité a examiné le quatrième rapport périodique des Pays-Bas (CAT/C/67/Add.4) à ses 763 e et 766 e séances (CAT/C/SR.763 et 766), tenues les 7 et 8 mai 2007, et a adopté, à sa 774 e séance (CAT/C/SR.774), tenue le 14 mai 2007, les conclusions et recommandations ci ‑après.

A. Introduction

2) Le Comité accueille avec satisfaction le quatrième rapport périodique des Pays-Bas (partie européenne du Royaume et Aruba) et les renseignements qu’il contient. Il se félicite du franc dialogue engagé avec la délégation de l’État partie et prend note avec satisfaction des réponses complètes apportées par écrit à la liste de points à traiter (CAT/C/NET/Q/4/Rev.1/Add.1), notamment des informations détaillées fournies sur l’application de la Convention aux Antilles néerlandaises, qui ont facilité les débats entre la délégation et les membres du Comité. Enfin, il remercie la délégation des réponses qu’elle a fournies oralement aux questions posées et aux préoccupations exprimées lors de l’examen du rapport.

B. Aspects positifs

3) Le Comité prend note avec satisfaction des efforts déployés actuellement par l’État partie pour lutter contre la torture et garantir le droit de l’individu de ne pas être soumis à la torture et à d’autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants au Royaume des Pays-Bas, en particulier:

a) De l’incorporation de la définition de la torture dans le droit interne de la partie européenne du Royaume des Pays-Bas;

b) De l’entrée en vigueur, en avril 2007, d’un amendement du Code civil néerlandais qui interdit les violences physiques et mentales «à des fins d’éducation», notamment dans le milieu familial;

c) De l’adoption de nouvelles lois relatives à la traite des êtres humains dans la partie européenne du Royaume des Pays-Bas en janvier 2005 et à Aruba en mai 2006;

d) Du décret national portant application de la Convention contre la torture (AB 1999, n o  8) à Aruba, et du nouveau décret sur le système pénal national (AB 2005, n o  75) de décembre 2005;

e) De la création du Bureau des enquêtes internes chargé de recevoir les plaintes et des informations signalant des mauvais traitements infligés par des fonctionnaires de police à Aruba et d’enquêter à leur sujet;

f) De l’amélioration des conditions carcérales aux Antilles néerlandaises, signalée par l’État partie;

g) Des travaux importants entrepris par l’équipe spéciale chargée des enquêtes et des poursuites concernant les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité («l’équipe NOVO») mise en place en 1998 pour traduire en justice les auteurs d’actes de torture et de crimes de guerre;

h) De l’attitude prudente de l’État partie à l’égard des assurances diplomatiques et de sa politique consistant à ne pas pratiquer les transferts illégaux de suspects;

i) Des contributions de l’État partie au Fonds de contributions volontaires des Nations Unies pour les victimes de la torture.

4) Le Comité prend note avec satisfaction de la ratification du Protocole facultatif se rapportant à l’application de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, en 2002, de la ratification du Statut de Rome de la Cour pénale internationale et de l’entrée en vigueur de la loi d’application s’y rapportant aux Pays-Bas, en 2003.

5) Le Comité accueille également avec satisfaction les assurances fournies par les représentants de l’État partie selon lesquelles la ratification du Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants aura lieu au cours du second semestre de 2007.

C. Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Garanties fondamentales

6) Bien que l’État partie ait créé en 2006 un «programme destiné à améliorer et à renforcer la qualité du travail des agents de police et des procureurs» ( CAT/C/NET/Q/4/Rev.1/Add.1, par. 50) dans la partie européenne du Royaume, le Comité est préoccupé de ce que les personnes placées en garde à vue n’ont pas accès à une assistance juridique pendant la période initiale d’interrogation. De même, le Comité est préoccupé de ce qu’aux Antilles néerlandaises, un avocat ne peut être présent pendant l’interrogatoire que sur autorisation préalable d’un magistrat.

L’État partie devrait revoir ses procédures pénales pour que l’accès à un avocat, en tant que protection juridique fondamentale, soit garanti aux personnes placées en garde à vue dès le début de leur privation de liberté, notamment quand des enregistrements audio ou vidéo des interrogatoires, qui ne sauraient en aucun cas remplacer la présence d’un avocat, ne sont pas effectués.

Non-refoulement

7) Le Comité est préoccupé par les difficultés auxquelles sont confrontés les demandeurs d’asile dans la partie européenne du Royaume des Pays-Bas qui doivent étayer leur plainte au titre de la procédure accélérée prévue dans la loi sur les étrangers de 2000, ce qui pourrait mener à une violation du principe de non-refoulement prévu par l’article 3 de la Convention. Le Comité juge particulièrement préoccupant ce qui suit:

a) Le délai de quarante-huit heures prévu dans la procédure d’asile accélérée ne permet pas aux demandeurs d’asile, notamment aux enfants, aux personnes sans papiers et à d’autres personnes devenues vulnérables d’étayer dûment leur plainte;

b) Le délai imparti à l’assistance juridique entre l’établissement du procès-verbal du premier entretien et la décision du Service de l’immigration et de la naturalisation ne serait que de cinq heures et un demandeur d’asile ne peut pas se faire assister par le même avocat tout au long de la procédure;

c) La procédure d’asile accélérée exige des demandeurs d’asile qu’ils soumettent à l’appui de leur demande des documents qu’ils «devraient normalement avoir en leur possession» et laissent une marge d’appréciation importante concernant la charge de la preuve;

d) Les procédures d’appel ne prévoient qu’un «contrôle superficiel» des demandes rejetées, et que la possibilité de soumettre des documents et des informations supplémentaires est limitée.

Le Comité prend note du fait que l’État partie a l’intention de réviser la procédure d’asile accélérée; nonobstant quoi l’État partie devrait envisager, quand il réexaminera la procédure:

a) Que les demandes émanant de tous les demandeurs d’asile, notamment d’enfants, de personnes sans papiers et d’autres personnes en situation vulnérable soient traitées de manière à ce que celles qui ont besoin d’une protection internationale ne courent pas le risque d’être torturées. Cela pourrait nécessiter que l’État partie définisse des critères pour les cas qui peuvent, ou ne peuvent pas, être traités au titre de la procédure accélérée ou de la procédure normale;

b) Que tous les demandeurs d’asile aient accès à une assistance juridique adéquate et qu’ils puissent, le cas échéant, se faire assister par le même avocat depuis la préparation du premier entretien et jusqu’à la fin de la procédure;

c) Que les procédures concernant les documents exigés à l’appui de la demande d’asile soient éclaircies;

d) Que les procédures d’appel comportent un contrôle adéquat des demandes rejetées et permettent aux demandeurs d’asile de présenter des faits et des documents qu’ils n’auraient pas pu raisonnablement fournir lors du premier entretien.

8) Le Comité note avec préoccupation que les rapports médicaux ne sont pas régulièrement pris en compte dans les procédures d’asile des Pays-Bas, et que l’application du Protocole d’Istanbul n’est pas encouragée.

L’État partie devrait réexaminer sa position concernant le rôle des enquêtes médicales et intégrer les rapports médicaux à ses procédures d’asile. Le Comité encourage aussi l’application du Protocole d’Istanbul aux procédures d’asile et que ce manuel fasse partie intégrante de la formation des spécialistes concernés.

Enfants non accompagnés et jeunes demandeurs d’asile

9) Tout en tenant compte de l’explication donnée par l’État partie selon laquelle les enfants qui demandent l’asile dans la partie européenne des Pays-Bas ne sont placés en détention que lorsqu’il existe un doute sur leur âge, le Comité reste préoccupé par la situation des jeunes demandeurs d’asile.

L’État partie devrait prendre des mesures pour procéder à des vérifications avant de placer en détention un enfant non accompagné dont l’âge est incertain. L’État partie devrait accorder une attention particulière à la situation des jeunes demandeurs d’asile, et ne les placer en détention qu’en dernier ressort. L’État partie devrait fournir un logement et un enseignement adéquats aux enfants en attente d’expulsion (CRC/C/15/Add.227, par. 54 d)).

Détention avant jugement

10) Le Comité juge préoccupants la durée excessive de la détention avant jugement et le nombre important de détenus non condamnés à Aruba et aux Antilles néerlandaises.

L’État partie devrait prendre des mesures adaptées pour réduire la durée de la détention provisoire et le nombre de détenus non condamnés, et envisager des mesures alternatives pour limiter le recours à la détention préventive.

Garde à vue et traitement des personnes arrêtées, détenues et incarcérées

11) Tout en reconnaissant les efforts engagés par l’État partie pour loger convenablement les mineurs de 15 ans et moins, et ses efforts actuels pour améliorer les conditions carcérales aux Antilles néerlandaises, le Comité est préoccupé par:

a) L’absence d’un secteur distinct pour les délinquants âgés de 16 à 18 ans, actuellement incarcérés soit avec des délinquants adultes, soit avec des détenus placés sous observation psychologique;

b) L’absence, qui lui a été signalée, de programmes pédagogiques pour les mineurs incarcérés;

c) La lenteur du processus de classification des détenus et le système actuel d’attribution des cellules qui conduit à placer les détenus sans tenir compte de leur âge, de la durée de leur peine ou de leur situation juridique.

L’État partie devrait prendre des mesures pour:

a) Séparer à titre d’urgence les délinquants mineurs des délinquants adultes;

b) Mettre en place des programmes d’éducation et de formation pour faciliter la réintégration sociale des mineurs;

c) Prendre des mesures dans les meilleurs délais en vue de mettre en place un nouveau système de classification des détenus et d’attribution des cellules.

Droit de porter plainte

12) Le Comité considère comme préoccupante l’indication fournie par l’État partie, selon laquelle les informations relatives aux sévices ou aux agressions sexuelles à la prison d’Aruba parviennent rarement au conseil pénitentiaire, et que les victimes ont tendance à ne pas porter plainte pour des raisons touchant la vie privée.

L’État partie devrait mettre en place des mécanismes spécifiques pour recevoir les plaintes concernant les sévices sexuels de manière à protéger la vie privée des victimes et à protéger les victimes et les témoins contre tout mauvais traitement ou toute intimidation en raison de la plainte déposée (art. 13).

Obligation de procéder immédiatement à une enquête impartiale

13) Le Comité est préoccupé par le nombre d’informations faisant état d’agressions perpétrées par des responsables de l’application des lois d’Aruba. Il est également préoccupé par le fait que, comme le signale l’État partie, sur 49 plaintes concernant des agressions et d’autres infractions portées devant le Bureau des enquêtes internes entre le 1 er septembre 2005 et le 21 mars 2007, 2 seulement ont été traitées par le tribunal, plaintes qui n’ont mené à aucune condamnation pour manque de preuves.

L’État partie devrait prendre toutes les mesures appropriées pour faire comprendre clairement et sans ambiguïté aux forces de police et au personnel pénitentiaire que la torture, la violence et les mauvais traitements sont inacceptables. De même, l’État partie devrait remplir son obligation d’examiner immédiatement, impartialement et exhaustivement toutes les plaintes, afin de veiller à ce que ceux qui ont été reconnus coupables soient sanctionnés de manière appropriée. L’État partie devrait aussi veiller à prendre des mesures efficaces pour protéger les personnes qui signalent des agressions commises par des responsables de l’application des lois contre des actes d’intimidation et d’éventuelles représailles.

Éducation relative à l’interdiction de la torture

14) Tout en notant les différents programmes de formation des fonctionnaires de la police et des établissements pénitentiaires dans les trois parties constitutives du Royaume, qui portent sur les droits de l’homme et les droits des détenus notamment l’interdiction de la torture, le Comité regrette que des informations indiquant si ces formations ont des effets et si elles réduisent efficacement les actes de torture, de violence et de mauvais traitements.

L’État partie devrait faire en sorte, par des programmes pédagogiques, que les responsables de l’application des lois, le personnel pénitentiaire et le corps judiciaire soient pleinement informés des dispositions de la Convention. En outre, l’État partie devrait élaborer et appliquer des méthodes qui lui permettent d’évaluer l’efficacité et les effets de ces programmes de formation en rapport avec les cas de torture, de violence et de mauvais traitements.

Traite des personnes

15) Tout en notant avec satisfaction de ce que la traite des personnes a été récemment érigée en infraction à Aruba et des efforts faits par l’État partie pour poursuivre les trafiquants d’êtres humains, le Comité reste préoccupé par cette pratique et par le manque d’informations sur les mécanismes qui existent pour prévenir efficacement la traite et poursuivre les trafiquants d’êtres humains.

L’État partie devrait renforcer ses mécanismes de coopération internationale de lutte contre la traite des êtres humains, poursuivre les trafiquants d’êtres humains conformément à la loi, et assurer une protection et une réparation équitable à toutes les victimes.

16) Le Comité, pour avoir une vision plus claire de la situation en matière de protection contre la torture, recommande à l’État partie d’inclure systématiquement dans ses futurs rapports des données ventilées par âge, sexe et origine ethnique sur:

a) Le nombre de demandes d’asile enregistrées et le nombre de demandes traitées respectivement au titre des procédures normale et accélérée;

b) Le nombre de demandes acceptées;

c) Le nombre de personnes dont la demande d’asile a été acceptée au motif qu’elles avaient subi des tortures ou qu’elles risquaient d’être torturées si elles étaient renvoyées dans leur pays d’origine, et des données sur l’asile accordé au motif de violences sexuelles;

d) Le nombre de refoulements ou d’expulsions.

17) Le Comité prie l’État partie d’inclure dans son prochain rapport périodique des statistiques détaillées, ventilées selon l’infraction, l’appartenance ethnique, l’âge et le sexe sur les plaintes portant sur des actes de torture et de mauvais traitements par des responsables de l’application des lois ainsi que sur les enquêtes, poursuites et sanctions pénales ou disciplinaires correspondantes. Le rapport devrait aussi inclure des statistiques ventilées selon l’infraction, l’origine ethnique, l’âge et le sexe sur les personnes placées en détention provisoire et les détenus condamnés.

18) Le Comité invite l’État partie à soumettre son document de base conformément aux exigences des directives harmonisées pour l’établissement de rapports au titre des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, récemment approuvées par la cinquième réunion intercomités des organes créés en vertu d’instruments internationaux (HRI/MC/2006/3 et Corr.1).

19) Le Comité prie l’État partie de lui fournir, dans un délai d’un an, des renseignements sur la suite qu’il aura donnée aux recommandations formulées ci-dessus aux paragraphes 11 et 12.

20) L’État partie est encouragé à diffuser largement les rapports présentés au Comité, ainsi que les présentes conclusions et recommandations, dans les langues requises, par le biais des sites Web officiels, des médias et des organisations non gouvernementales.

21) L’État partie est invité à soumettre son sixième rapport périodique qui devrait porter sur toutes les parties du Royaume des Pays-Bas et contenir notamment des informations plus détaillées et complètes sur les Antilles néerlandaises, au plus tard le 30 juin 2011.

44. Pologne

1) Le Comité a examiné le quatrième rapport périodique de la Pologne (CAT/C/67/Add.5) à ses 769 e et 772 e séances (CAT/C/SR.769 et CAT/C/SR.772), les 10 et 11 mai 2007, et a adopté, à sa 776 e séance (CAT/C/SR.776), le 15 mai 2007, les conclusions et recommandations ci-après.

A. Introduction

2) Le Comité accueille avec satisfaction le quatrième rapport de la Pologne et les renseignements qu’il contient. Il se déclare satisfait du dialogue engagé avec la délégation de l’État partie et félicite celui-ci des réponses détaillées apportées par écrit à la liste des points à traiter (CAT/C/POL/Q/4/Rev.1/Add.1), qui ont facilité les débats entre la délégation et les membres du Comité.

3) Le Comité sait gré à l’État partie d’avoir envoyé une délégation de haut niveau, composée de représentants de plusieurs ministères, et la remercie des efforts qu’elle a déployés pour apporter des renseignements supplémentaires, permettant ainsi un dialogue constructif pendant l’examen du rapport.

B. Aspects positifs

4) Le Comité note avec satisfaction que, pendant la période écoulée depuis l’examen du dernier rapport périodique, l’État partie a ratifié les conventions et protocoles internationaux relatifs aux droits de l’homme ci-après ou y a adhéré:

a) Le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés, le 7 mai 2005;

b) Le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants, le 4 mars 2005;

c) Le Protocole facultatif se rapportant à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, le 22 mars 2004;

d) Le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, le 14 septembre 2005;

e) Le Statut de Rome de la Cour pénale internationale, le 1 er juillet 2002;

f) La Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée, le 29 septembre 2003;

g) Le Protocole additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants, le 25 décembre 2003;

h) Le Protocole contre le trafic illicite de migrants par terre, air et mer, additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée, le 28 janvier 2004.

5) Le Comité note en outre avec satisfaction les efforts entrepris par l’État partie pour introduire des réformes législatives et modifier ses politiques et ses procédures en vue d’assurer une meilleure protection des droits de l’homme, y compris du droit de ne pas être soumis à la torture et à d’autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, et en particulier:

a) La loi de juin 2003 sur la protection des étrangers sur le territoire polonais;

b) La loi de janvier 2005 sur les minorités nationales et ethniques et sur les langues régionales;

c) Le Plan national de prévention et de lutte contre la traite des êtres humains;

d) Le Programme national pour la prévention de la discrimination raciale, de la xénophobie et de l’intolérance qui leur est associée, mis en place en 2003;

e) La création en 2006 de l’institution du Médiateur pour les malades placés en hôpital psychiatrique;

f) La mise en place en février 2006 d’un programme national de protection des victimes d’infractions pénales.

C. Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Définition de la torture

6) Le Comité regrette que l’État partie maintienne sa position de ne pas incorporer la Convention dans la législation polonaise et rappelle la préoccupation qu’il a exprimée dans ses précédentes conclusions et recommandations (A/55/44, par. 85 à 95) concernant l’absence dans la législation polonaise d’une qualification pénale de la torture, conformément à l’article premier et au paragraphe 2 de l’article 4 de la Convention (art. 1 er et 4).

Le Comité, rappelant ses recommandations précédentes (A/55/44, par. 85 à 95) exprime de nouveau l’avis que l’État partie devrait inclure dans son Code pénal une infraction spécifique de torture, selon la définition donnée à l’article premier de la Convention, et rendant les actes de torture passibles de peines appropriées, conformément au paragraphe 2 de l’article 4 de la Convention.

Détention avant jugement

7) Le Comité est préoccupé par la durée de la détention avant jugement qui, en vertu du Code de procédure pénale, peut aller jusqu’à deux ans, ainsi que par le fait que la législation polonaise ne fixe pas une durée maximale de la détention avant jugement à partir de l’ouverture de la procédure judiciaire (art. 2 et 11).

L’État partie devrait prendre des mesures appropriées pour garantir que sa politique en matière de détention avant jugement réponde aux normes internationales et que le placement en détention ne soit appliqué qu’à titre exceptionnel et pour une durée limitée. L’État partie devrait envisager d’autres mesures que la détention avant jugement.

Garanties fondamentales

8) Le Comité est préoccupé par les restrictions qui pourraient être imposées aux garanties fondamentales de la loi pour les personnes détenues par la police, en particulier le droit de communiquer avec un avocat dès le début de la détention, y compris pendant l’enquête préliminaire, et le droit de s’entretenir en privé avec celui-ci (art. 2 et 11).

L’État partie devrait prendre des mesures efficaces pour faire en sorte que toutes les garanties fondamentales que la loi prévoit pour les personnes détenues par la police, en particulier le droit de communiquer avec un avocat et de s’entretenir avec lui en privé, soient respectées dès le début de la détention, y compris pendant l’enquête préliminaire.

9) Le Comité prend note de l’instauration d’un «procès abrégé» dans le cadre de la réforme du Code de procédure pénale (art. 387) et il serait préoccupé si cette nouvelle formule donnait lieu à des pressions indues exercées sur des suspects pour les amener à accepter cette procédure (art. 2).

L’État partie devrait prendre toutes les mesures nécessaires pour garantir le caractère volontaire de la demande d’application de ce genre de procédure.

10) Le Comité regrette l’absence de système d’aide juridictionnelle suffisant en Pologne et regrette en particulier que le projet de loi sur l’accès à l’aide juridictionnelle gratuite n’ait pas encore été soumis au Parlement (Sejm) compte tenu des incidences que ce retard pourrait avoir sur la protection des personnes sans ressources (art. 2).

L’État partie devrait prendre des mesures efficaces pour accélérer l’adoption de la loi sur l’accès à l’aide juridictionnelle gratuite de façon à garantir la protection des personnes sans ressources et leur accès à la justice.

11) Le Comité se déclare préoccupé par les allégations persistantes faisant état de transferts illégaux de personnes par la Pologne dans le contexte de la lutte contre le terrorisme international. Il prend toutefois note de la déclaration de la délégation polonaise qui a affirmé que la Pologne n’avait pas pris part et ne prenait pas part, de quelque façon que ce soit, à des transferts illégaux de personnes soupçonnées d’actes de terrorisme (art. 2 et 3).

L’État partie devrait appliquer le principe du non-renvoi à tous les détenus placés sous sa garde et prendre toutes les mesures nécessaires pour éviter et empêcher que des suspects ne soient livrés à des États dans lesquels ils courent un risque sérieux d’être soumis à la torture, afin de s’acquitter des obligations qui lui incombent en vertu de l’article 3 de la Convention. Il devrait toujours veiller à ce que les suspects aient la possibilité de contester les décisions de renvoi.

Détention de demandeurs d’asile et d’autres étrangers

12) Le Comité note avec préoccupation l’absence de dispositions législatives régissant spécifiquement la rétention d’étrangers après la date fixée pour leur expulsion et le fait que des étrangers aient été retenus dans des zones de transit au-delà de la date fixée pour leur expulsion sans décision judiciaire (art. 3 et 11).

L’État partie devrait prendre les mesures nécessaires pour s’occuper de cette situation et faire en sorte que la rétention d’étrangers dans des zones de transit ne soit pas indûment longue et que, si la détention doit être prolongée au-delà de quelques jours, la décision soit prise par une autorité judiciaire.

13) Le Comité relève aussi avec préoccupation le régime et les conditions matérielles de détention dans les zones de transit ou les centres de rétention dans lesquels sont placés les étrangers dans l’attente de leur expulsion en vertu de la législation relative aux étrangers (art. 3 et 11).

L’État partie devrait revoir le régime et les conditions matérielles dans les centres de rétention aux fins d’expulsion, notamment en ce qui concerne la dimension des cellules et les activités proposées aux détenus, afin de s’assurer qu’ils sont conformes aux normes internationales minimales.

Mauvais traitements et recours excessif à la force, y compris homicides par les membres des forces de l’ordre

14) Le Comité prend note avec préoccupation des informations selon lesquelles les membres des services de répression fond un usage excessif de la force, et se réfère en particulier aux incidents qui se sont produits en mai 2004 à Lódz, pendant les fêtes universitaires au cours desquelles des munitions pénétrantes ont été utilisées «par erreur». Il s’inquiète en particulier de ce que l’enquête ne soit toujours pas achevée et qu’aucune information n’ait été donnée concernant les mesures disciplinaires infligées aux policiers tenus responsables et qui font actuellement l’objet d’une enquête (art. 10 et 12).

L’État partie devrait:

a) Veiller à ce que toutes les plaintes ou allégations faisant état d’actes répréhensibles commis par les forces de l’ordre, en particulier lorsqu’il y a un mort ou un blessé grave, donnent lieu immédiatement à une enquête impartiale et diligente. Dans les cas où il existe de fortes présomptions d’actes de torture ou de mauvais traitements, le suspect devrait en principe être suspendu de ses fonctions ou muté pendant la durée de l’enquête, en particulier s’il risque d’entraver celle-ci;

b) Traduire en justice les auteurs d’actes de violence, prononcer contre ceux qui sont reconnus coupables des peines appropriées et accorder aux victimes une indemnisation adéquate afin de mettre un terme à l’impunité de fait dont bénéficient les membres des forces de l’ordre responsables d’actes contraires à la Convention;

c) Revoir et renforcer les programmes d’éducation et de formation en ce qui concerne le recours à la force et l’utilisation des armes par les membres des forces de l’ordre afin de garantir que le recours à la force soit strictement limité à ce qui est nécessaire pour l’accomplissement de leurs fonctions.

Formation

15) Le Comité reconnaît qu’il existe de nombreux programmes de formation à l’intention des membres des forces de l’ordre, du personnel de l’administration pénitentiaire, des gardes frontière et du personnel médical, mais il note avec préoccupation l’absence de programmes visant à évaluer l’incidence des formations dispensées et leur efficacité en ce qui concerne la diminution des cas de torture, de violence et de mauvais traitements (art. 10).

L’État partie devrait élaborer et appliquer une méthode permettant d’évaluer l’efficacité et l’incidence des programmes de formation et d’éducation sur la diminution du nombre de cas de torture, de violence et de mauvais traitements.

Obligation de procéder immédiatement à une enquête impartiale

16) Le Comité est préoccupé par les informations faisant état de l’existence sur le territoire de la Pologne de centres de détention secrets pour les étrangers soupçonnés d’activités terroristes. Il prend note des dénégations énergiques de la délégation polonaise (art. 3, 12 et 16).

Le Comité demande instamment à l’État partie de lui communiquer des informations sur la portée de l’enquête menée sur ces allégations par le Parlement polonais, sur la méthode suivie et les conclusions, afin de pouvoir considérer la question comme close.

Conditions de détention

17) Le Comité prend note des efforts déployés par l’État partie pour lutter contre le problème du surpeuplement carcéral, mais il est préoccupé par certaines mesures temporaires adoptées par l’État partie pour rechercher des solutions, en particulier l’affectation d’espaces communs tels que des centres communautaires, des salles de gymnastique, des salles de réunion, etc., à des fins d’hébergement et par les conséquences que ces mesures pourraient avoir sur le régime carcéral et les conditions matérielles de détention dans le pays (art. 11).

L’État partie devrait prendre les mesures voulues pour lutter contre le problème du surpeuplement carcéral sans compromettre le régime et les conditions matérielles de détention. Il devrait dégager les ressources matérielles, humaines et budgétaires nécessaires pour garantir la compatibilité des conditions de détention dans le pays avec les normes internationales minimales.

Traite des êtres humains

18) Le Comité prend note des efforts déployés par l’État partie pour combattre et prévenir la traite des êtres humains par l’adoption de textes législatifs et d’autres mesures; mais il est préoccupé par l’absence de définition de la traite des êtres humains dans le Code pénal. Il regrette aussi le manque de renseignements sur le nombre d’affaires qui ont été portées devant les tribunaux et les peines prononcées contre les auteurs (art. 16).

L’État partie devrait ajouter dans son Code pénal une définition du terme «traite» conformément au Protocole visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants (CEDAW/C/POL/CO/6).

Il devrait donner des informations détaillées et des statistiques sur le nombre d’affaires portées devant les tribunaux et les peines qui ont été prononcées le cas échéant contre les responsables.

Brimades dans l’armée

19) Le Comité constate que l’État partie est parvenu à faire baisser le nombre de cas de mauvais traitements contre des jeunes recrues dans l’armée mais demeure préoccupé par le nombre élevé de cas qui sont toujours signalés (art. 2 et 16).

L’État partie devrait éradiquer le bizutage dans l’armée, continuer de mettre en œuvre des mesures de prévention, faire en sorte que ces pratiques donnent lieu immédiatement à des enquêtes impartiales et efficaces et que les auteurs de ces actes soient traduits en justice, et faire connaître au public l’issue des actions judiciaires engagées.

L’État partie devrait garantir la réadaptation des victimes, y compris l’assistance médicale et psychologique voulue.

Minorités et autres groupes vulnérables

20) Le Comité relève avec préoccupation les rapports faisant état d’intolérance et de haine à l’égard des minorités et d’autres groupes vulnérables en Pologne, y compris des manifestations récentes d’incitation à la haine et d’intolérance à l’endroit d’homosexuels et de lesbiennes (art. 16).

L’État partie devrait inclure dans son Code pénal une infraction pour réprimer les crimes motivés par la haine en tant qu’actes d’intolérance et d’incitation à la haine et à la violence fondés sur l’orientation sexuelle. En outre, il devrait rester vigilant et veiller à ce que les mesures d’ordre juridique et administratif pertinentes en vigueur soient scrupuleusement respectées et à ce que les programmes de formation et les directives administratives communiquent en permanence au personnel le message que l’incitation à la haine et à la violence ne sera pas tolérée et sera dûment sanctionnée.

L’État partie devrait apporter des renseignements détaillés et des statistiques sur le nombre et le type de crimes motivés par la haine ainsi que sur les mesures administratives et judiciaires adoptées pour enquêter sur ces crimes et sur les condamnations prononcées.

Collecte de données

21) Le Comité regrette que l’État partie n’ait pas été en mesure de fournir des données statistiques concernant certains aspects de la Convention ou que les données apportées ne soient pas correctement ventilées (par exemple par âge, sexe ou groupe ethnique). Pendant le dialogue il en a été ainsi pour les données sur la violence à l’égard des femmes, y compris les cas de viol et de harcèlement sexuel, et sur les crimes à connotation raciale, en particulier la violence contre les Roms.

L’État partie devrait prendre les mesures nécessaires pour faire en sorte que les autorités compétentes, ainsi que le Comité, aient connaissance de tous ces éléments pour apprécier dans quelle mesure l’État partie s’acquitte des obligations qui lui incombent en vertu de la Convention.

22) Le Comité félicite l’État partie pour les dons qu’il a versés de 1999 à 2005 au Fonds de contributions volontaires des Nations Unies pour les victimes de la torture et l’encourage à continuer de contribuer.

23) Le Comité prie l’État partie d’inclure dans son prochain rapport périodique des statistiques détaillées, ventilées par infraction, appartenance ethnique, âge et sexe, sur les plaintes dénonçant des actes de torture et des mauvais traitements imputés à des membres des forces de l’ordre ainsi que sur les enquêtes, poursuites et sanctions pénales ou disciplinaires correspondantes.

24) L’État partie est encouragé à diffuser largement les rapports et les réponses aux listes de questions soumis par la Pologne au Comité ainsi que les présentes conclusions et recommandations, dans les langues voulues, par le biais des sites Web officiels, des médias et des organisations non gouvernementales.

25) Le Comité invite l’État partie à soumettre son document de base commun, selon les prescriptions énoncées en la matière dans les Directives harmonisées pour l’établissement de rapports récemment approuvées par les organes créés en vertu d’instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme (HRI/MC/2006/3 et Corr.1).

26) Le Comité prie l’État partie de lui faire parvenir, dans un délai d’un an, des renseignements sur la suite qu’il aura donnée aux recommandations formulées aux paragraphes 8, 9, 15, 18 et 19.

27) L’État partie est invité à soumettre son sixième rapport périodique d’ici au 30 juin 2011.

45. Ukraine

1) Le Comité a examiné le cinquième rapport périodique de l’Ukraine (CAT/C/81/Add.1) à ses 765 e et 768 e séances (CAT/C/SR.765 et CAT/C/SR.768), tenues les 8 et 9 mai 2007, et a adopté à sa 779 e séance (CAT/C/SR.779), tenue le 18 mai 2007, les conclusions et recommandations ci ‑après.

A. Introduction

2) Le Comité accueille avec satisfaction le cinquième rapport périodique de l’Ukraine, qui suit ses directives concernant l’établissement des rapports, de même que la réponse exhaustive apportée par écrit à la liste des points à traiter (CAT/C/UKR/Q/5/Rev.1/Add.1). Le Comité note aussi avec satisfaction que l’État partie a envoyé une délégation compétente, nombreuse et de haut niveau et qu’un dialogue approfondi a eu lieu avec elle. Enfin, il remercie les représentants de l’État partie pour les informations qu’ils ont fournies oralement aux questions posées et aux préoccupations exprimées lors de l’examen du rapport.

B. Aspects positifs

3) Le Comité se félicite de l’entrée en vigueur, le 1 er  septembre 2001, du nouveau Code pénal qui, notamment, érige la torture en infraction, ainsi que de l’adoption, en 2004, du nouveau Code d’application des peines.

4) S’agissant en particulier de la prévention de la torture, le Comité se félicite de la déclaration faite par l’État partie en septembre 2003 au titre des articles 21 et 22 de la Convention, par laquelle il reconnaît la compétence du Comité pour recevoir et examiner des communications émanant d’autres États parties ou de particuliers, ainsi que du retrait de sa réserve relative à l’article 20 de la Convention et de la ratification en septembre 2006 du Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

5) Le Comité se félicite également de la ratification des instruments suivants:

a) Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants, en juillet 2003;

b) Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés, en juillet 2005;

c) Convention relative au statut des réfugiés et Protocole de 1967 relatif au statut des réfugiés, en juin et avril 2002 respectivement;

d) Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée, en mai 2004.

6) Le Comité prend note avec satisfaction de l’adoption du Plan national d’action pour l’avancement de la femme et la promotion de l’égalité entre les sexes dans la société 2001-2005, qui vise à prévenir la violence à l’encontre des femmes et des enfants et la traite des personnes, et de l’action menée par l’État partie pour lutter contre la traite des personnes.

7) Le Comité salue les efforts déployés par l’État partie pour coopérer avec les organisations non gouvernementales sur les questions relatives aux droits de l’homme et l’encourage à les intensifier dans le cadre de la mise en œuvre des dispositions de la Convention.

C. Sujets de préoccupation et recommandations

Définition de la torture

8) Tout en notant que l’État partie a révisé son code pénal en 2005 pour aligner la définition de la torture sur les dispositions de la Convention, le Comité regrette que la définition énoncée à l’article 127 du Code pénal ne reprenne pas complètement tous les éléments contenus à l’article premier de la Convention, notamment en ce qui concerne la discrimination.

L’État partie devrait revoir sa définition de la torture afin de la rendre pleinement conforme à l’article premier de la Convention, notamment pour faire en sorte que tous les agents de la fonction publique puissent être poursuivis au titre de l’article 127 du Code pénal et y inclure l’élément discrimination.

Insuffisance des garanties pendant la phase initiale de la détention

9) Le Comité est profondément préoccupé par les allégations d’actes de torture ou de mauvais traitements infligés des suspects pendant leur détention, de même que par les brutalités qui seraient exercées à l’encontre de détenus entre le moment où ils sont arrêtés et celui où ils sont présentés formellement au juge, ce qui révèle des lacunes dans la protection juridique. Ces allégations sont les suivantes:

a) Certaines détentions auraient lieu sans qu’aucun mandat d’arrêt n’ait été délivré par les autorités judiciaires, en violation de la Constitution;

b) Le délai de soixante ‑douze heures prescrit pour amener les détenus devant le juge ne serait pas respecté, et il serait indûment prolongé jusqu’à atteindre le délai maximum;

c) Le moment exact de l’arrestation d’un suspect ne serait pas pris en compte ni enregistré, et la durée de la détention provisoire et de l’enquête préliminaire ne serait pas consignée;

d) L’accès à un avocat et à un médecin indépendant serait restreint, et les détenus ne seraient pas informés de manière complète de leurs droits dès leur mise en détention;

e) Il serait fait abusivement usage de que ce qu’il est convenu d’appeler la détention administrative, qui pourrait aller jusqu’à quinze jours aux fins de l’enquête pénale et pendant laquelle le détenu est privé de garanties procédurales et rencontre notamment des difficultés pour faire appel de sa détention.

L’État partie devrait immédiatement appliquer des mesures effectives pour faire en sorte qu’une personne ne soit pas placée de facto en détention non reconnue et que tous les suspects bénéficient dans la pratique des garanties juridiques fondamentales pendant leur détention. Ces garanties incluent, en particulier, le droit des suspects d’avoir accès à un avocat, d’être examinés par un médecin indépendant, de contacter un proche, d’être informés de leurs droits dès leur mise en détention, notamment des charges retenues contre eux, et d’être présentés immédiatement à un juge dans un délai maximum de soixante-douze heures à compter du moment exact de la privation de liberté, comme le prévoit l’article 29 de la Constitution.

L’État partie devrait aussi faire en sorte que, dans la pratique, le moment exact de l’arrestation soit consigné, que les suspects en matière pénale ne soient pas privés de liberté au titre de la détention administrative et que toutes les personnes détenues aient le droit de faire appel de cette privation de liberté.

Absence d’enquête effective sur les informations faisant état d’actes de torture et rôle de la Procurature générale

10) Le Comité est préoccupé par le fait que les plaintes pour actes de torture ou mauvais traitements ne fassent pas l’objet d’enquêtes immédiates, impartiales et effectives, notamment à cause des problèmes posés par la double nature et les doubles attributions de la Procurature générale, à savoir a) la conduite des poursuites pénales et b) le contrôle du bon déroulement de l’enquête. Le Comité note qu’il existe un conflit d’intérêt entre ces deux attributions, en ce sens qu’il n’y a pas de contrôle indépendant dans le cas des affaires au sujet desquelles la Procurature générale n’ouvre pas d’enquête. En outre, il n’existe pas de données sur l’activité de la Procurature générale, par exemple de statistiques sur les enquêtes, les poursuites et les condamnations en matière pénale, ni, apparemment, de mécanisme de collecte des données.

L’État partie devrait poursuivre ses efforts pour réformer la Procurature générale afin de garantir son indépendance et son impartialité, et séparer les fonctions liées aux poursuites pénales des fonctions de contrôle des enquêtes ouvertes sur les allégations d’actes de torture ou de mauvais traitements.

L’État partie devrait établir un mécanisme de contrôle efficace et indépendant afin que toutes les allégations portant sur des actes de torture ou des mauvais traitements infligés au cours de l’enquête pénale fassent immédiatement l’objet d’une enquête impartiale et effective.

L’État partie devrait faire en sorte que les personnes privées de liberté qui ont porté plainte pour actes de torture soient protégées contre des représailles.

L’État partie devrait aussi fournir au Comité des données statistiques ventilées sur l’activité de la Procurature générale, notamment sur le nombre de poursuites pénales engagées et d’affaires dans lesquelles des aveux ont été obtenus, ainsi que sur le nombre de condamnations et d’acquittements.

Preuves obtenues sous la contrainte

11) Le Comité est préoccupé par le système d’enquête actuel, dans lequel les aveux sont utilisés comme principal élément de preuve aux fins de l’exercice des poursuites pénales, créant ainsi des conditions qui peuvent encourager le recours à la torture et aux mauvais traitements à l’encontre des suspects. Le Comité regrette que l’État partie n’ait pas apporté suffisamment de précisions sur les dispositions juridiques garantissant qu’aucune déclaration obtenue sous la torture ne peut être invoquée comme élément de preuve dans une procédure, comme le stipule la Convention.

L’État partie devrait prendre toutes les mesures appropriées pour éliminer tout effet néfaste que le système d’enquête actuel consistant à encourager les aveux peut avoir sur le traitement des suspects.

L’État partie devrait aussi prendre toutes les mesures nécessaires pour poser comme règle qu’une déclaration faite sous la torture ne peut être invoquée comme élément de preuve dans une procédure, conformément aux dispositions de la Convention.

Surveillance des lieux de détention

12) Alors que la création, à travers l’État partie, de «groupes mobiles» composés de représentants de la société civile et de fonctionnaires du Ministère de l’intérieur et ayant pour mission de visiter les locaux de garde à vue de la police, surveiller la situation des détenus et prévenir les actes de torture constitue une évolution positive, le Comité reste préoccupé par le fait que ces groupes sont tributaires de la bonne volonté des autorités locales, qu’ils n’ont pas de statut officiel et qu’ils manquent de ressources adéquates.

L’État partie devrait officialiser le statut des «groupes mobiles», leur confier une mission solide, garantir leur indépendance et leur fournir des ressources adéquates. L’État partie devrait aussi informer le Comité des mesures qu’il a prises pour établir un mécanisme national de prévention, conformément au Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

Membres des forces de l’ordre

13) Le Comité est préoccupé par les allégations faisant état d’actes commis par des membres des forces de l’ordre en violation de la Convention, en particulier à l’encontre de personnes détenues par la milice et dans les centres de détention provisoire (SIZO), et par l’impunité dont bénéficient apparemment leurs auteurs. Le Comité est également préoccupé par les informations selon lesquelles des membres de l’unité antiterroriste porteraient des masques à l’intérieur des prisons (par exemple dans la colonie pénitentiaire d’Izyaslav, en janvier 2007), ce qui a pour effet d’intimider les détenus et de favoriser les mauvais traitements.

L’État partie devrait faire en sorte que toutes les allégations d’actes de torture ou de mauvais traitement fassent l’objet d’enquêtes immédiates, effectives et impartiales et que leurs auteurs soient poursuivis et condamnés en fonction de la gravité de leurs actes.

L’État partie devrait aussi veiller à ce que l’unité antiterroriste n’agisse pas à l’intérieur des prisons, de manière à prévenir les mauvais traitements et l’intimidation des détenus.

Violence à l’encontre des femmes et des enfants, y compris la traite des personnes

14) Tout en prenant note des mesures adoptées par l’État partie pour lutter contre la traite des personnes, le Comité reste préoccupé par la persistance de la traite des femmes et des enfants à des fins d’exploitation sexuelle. Il relève aussi que le nombre de cas de violence au foyer portés devant la justice est extrêmement faible, alors que le nombre de cas signalés est élevé.

L’État partie devrait renforcer les mesures visant à prévenir la traite des personnes et la violence au foyer et à lutter contre ces phénomènes, assurer aux victimes une protection et l’accès à des services médicaux et sociaux, à des services de réinsertion et à des services juridiques, y compris des services de conseil le cas échéant.

L’État partie devrait créer des conditions de nature à permettre aux victimes d’exercer leur droit de porter plainte et de voir leur cause faire l’objet d’une enquête immédiate, impartiale et effective. Les auteurs doivent être traduits en justice et sanctionnés par des peines adaptées à la gravité de leurs actes.

Violence à l’encontre de membres de minorités et d’autres personnes

15) Le Comité est préoccupé par les incitations à la violence et les actes de violence à l’encontre de personnes appartenant à des minorités ethniques ou nationales, notamment par les actes perpétrés contre des Roms, les agressions antisémites, la violence à l’encontre de personnes d’origine africaine et asiatique et de non-ressortissants, ainsi que par les allégations persistantes selon lesquelles la police et les autorités n’ouvrent pas d’enquêtes et se montrent peu disposées à dûment protéger les victimes ou à mener des enquêtes immédiates, impartiales et effectives sur ces allégations.

L’État partie devrait faire en sorte que des enquêtes immédiates, impartiales et effectives soient conduites au sujet de tous les actes de violence et de discrimination fondés sur l’appartenance ethnique, notamment ceux dirigés contre des Roms, des Juifs, des personnes d’origine africaine et asiatique et des non-ressortissants, et que leurs auteurs soient poursuivis et sanctionnés par des peines adaptées à la nature de leurs actes.

L’État partie devrait aussi condamner publiquement les crimes inspirés par la haine contre un groupe et les autres actes de violence inspirés par la discrimination raciale, la xénophobie et autres phénomènes qui s’y rattachent, et devrait s’employer à éradiquer l’incitation à la violence et à mettre fin à toute participation éventuelle de fonctionnaires ou de membres des forces de l’ordre à ces actes de violence. L’État partie devrait faire en sorte que les fonctionnaires soient tenus de rendre compte de leurs actes ou négligences constituant des violations de la Convention.

L’État partie devrait envisager immédiatement de recruter davantage de personnes appartenant à des minorités ethniques ou nationales dans la force publique.

L’État partie devrait aussi élaborer et adopter un programme gouvernemental global traitant de la situation des droits fondamentaux des minorités nationales, notamment les Roms.

Violence dans les forces armées

16) Tout en se félicitant de la baisse du nombre de cas de bizutage dans les forces armées ( dedovshchina ) et des mesures prises pour prévenir ce phénomène, notamment de la création d’une «permanence téléphonique», le Comité reste préoccupé par la persistance des cas de torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants au sein des forces armées et par l’absence d’enquêtes sur tous les cas signalés.

L’État partie devrait prendre des mesures effectives pour éradiquer le problème répandu du bizutage au sein des forces armées ( dedovshchina ), renforcer les mesures de prévention et faire en sorte que ces violences fassent l’objet d’enquêtes immédiates, impartiales et effectives et que leurs auteurs soient poursuivis et condamnés, et faire rapport publiquement sur les résultats de ces poursuites.

Harcèlement et violence à l’encontre des membres de la société civile

17) Le Comité est préoccupé par les informations qu’il a reçues faisant état de harcèlement et de violences à l’encontre de journalistes, notamment d’assassinats (dont le cas de Georgiy Gongadze), et de militants des droits de l’homme. Ces phénomènes entravent gravement le rôle des médias et la liberté d’opinion et d’expression, ainsi que le suivi par la société civile de la situation des droits de l’homme.

L’État partie devrait prendre toutes les mesures nécessaires pour faire en sorte que toutes les personnes, notamment celles qui surveillent la situation des droits de l’homme, soient protégées contre tout acte d’intimidation ou de violence du fait de leurs activités, et veiller à ce que ces actes fassent l’objet d’une enquête immédiate, impartiale et effective.

Système pénitentiaire

18) Le Comité prend note avec préoccupation du retard enregistré dans le passage du Département chargé de l’application des peines sous l’autorité du Ministère de la justice.

L’État partie devrait achever dans les meilleurs délais le transfert du Département chargé de l’application des peines au Ministère de la justice, afin que le pouvoir judiciaire assume officiellement le contrôle et la responsabilité des décisions administratives.

L’État partie devrait aussi communiquer au Comité des informations détaillées sur le système pénitentiaire, notamment sur les décès en détention (y compris les suicides) et les résultats des enquêtes ou des poursuites qui auraient été ouvertes à leur sujet, ainsi que sur la situation médicale des détenus.

Risque d’être soumis à la torture en cas de refoulement

19) Le Comité est préoccupé par le fait que l’État partie refoule des personnes vers des États où il y a des motifs sérieux de croire qu’elles risquent d’être soumises à la torture, comme cela s’est produit récemment pour 11 ressortissants ouzbeks renvoyés dans leur pays.

L’État partie ne devrait en aucune circonstance expulser, refouler ou extrader une personne vers un autre État où il y a des motifs sérieux de croire qu’elle risque d’être soumise à la torture. Pour déterminer si les obligations qui lui incombent en vertu de l’article 3 de la Convention s’appliquent, l’État partie devrait examiner scrupuleusement au fond chaque cas individuel et s’assurer qu’il existe des mécanismes judiciaires adéquats pour contrôler toute décision, que toute personne qui fait l’objet d’une demande d’extradition dispose de moyens de défense juridiques suffisants et que des dispositions efficaces sont prises pour suivre l’intéressé après son retour.

L’État partie devrait fournir au Comité des informations détaillées sur tous les cas d’extradition, de refoulement ou d’éloignement du territoire survenus pendant la période sur laquelle porte le rapport, y compris, le cas échéant, sur la teneur des garanties minimales données. En outre, le Comité demande des informations sur les mesures prises par l’État partie pour régler les cas dans lesquels les garanties visées à l’article 3 n’auraient pas été respectées.

Demandeurs d’asile

20) Le Comité est préoccupé par la discrimination dont font l’objet des demandeurs d’asile au motif de leur nationalité et par l’absence de véritables procédures d’asile, ce qui fait que des demandeurs d’asile seraient refoulés sans que leur cas ait été dûment examiné. Il relève aussi avec préoccupation que les centres de rétention pour demandeurs d’asile sont surpeuplés et que les conditions y sont déplorables.

L’État partie devrait adopter le projet de loi sur les réfugiés et les personnes remplissant les conditions requises pour bénéficier d’une protection complémentaire et temporaire et le projet de loi portant modification de la loi sur le statut juridique des étrangers et des apatrides. L’État partie devrait aussi adopter des procédures d’asile conformes aux normes internationales et améliorer les conditions de rétention, notamment en ayant recours à des mesures de substitution.

Commissaire aux droits de l’homme du Parlement ukrainien

21) Tout en étant sensible à la présence de représentants du Commissaire aux droits de l’homme du Parlement ukrainien au cours du dialogue qu’il a eu avec la délégation de l’État partie, le Comité regrette l’absence d’informations détaillées sur la conformité de l’institution avec les Principes relatifs au statut des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l’homme (Principes de Paris) (résolution 48/134 de l’Assemblée générale) ainsi que sur son indépendance, ses activités et les résultats qu’elle a obtenus au regard de la Convention.

L’État partie devrait veiller à ce que le Commissaire aux droits de l’homme du Parlement ukrainien opère effectivement en tant qu’institution nationale indépendante vouée à la défense des droits de l’homme, conformément aux Principes de Paris et indépendamment de toute activité politique, comme il est précisé dans la loi de 1997 portant création du poste de C ommissaire aux droits de l’homme du Parlement ukrainien.

L’État partie devrait fournir au Comité des informations détaillées sur l’indépendance, la mission et les ressources du Commissaire aux droits de l’homme du Parlement ukrainien, les procédures suivies et les résultats concrets obtenus et faire en sorte que les plaintes reçues par cette institution restent confidentielles afin que les plaignants ne fassent pas l’objet de représailles.

Formation et éducation

22) Le Comité regrette que les responsables de l’application des lois, notamment les membres du personnel pénitentiaire et des services du contrôle aux frontières, les juges, les procureurs et les membres des forces armées, n’aient pas reçu une formation adéquate aux dispositions de la Convention. Le Comité note aussi avec préoccupation que le personnel médical exerçant dans les centres de détention n’a pas reçu de formation spécifique pour détecter les signes de torture ou de mauvais traitements.

L’État partie devrait renforcer les programmes de formation à l’intention de l’ensemble des forces de l’ordre et des forces armées appelant leur attention sur l’interdiction absolue de la torture, et à l’intention de l’ensemble des magistrats et des procureurs appelant leur attention sur les obligations qui incombent à l’État partie au titre de la Convention.

L’État partie devrait aussi faire en sorte que tout le personnel médical qui s’occupe des détenus bénéficie d’une formation adéquate pour détecter les signes de torture ou de mauvais traitements conformément aux normes internationales, telles qu’elles sont énoncées dans le Protocole d’Istanbul.

Aide juridictionnelle

23) Le Comité exprime sa préoccupation face aux difficultés rencontrées par des personnes ou des groupes dans l’exercice de leur droit de porter plainte et d’obtenir réparation et d’être indemnisés équitablement et de manière adéquate en tant que victimes d’actes de torture.

L’État partie devrait mettre en place à l’intention des personnes à risque ou appartenant à des groupes mis en situation de vulnérabilité un système d’aide juridictionnelle effectif et gratuit. Il devrait doter ce système de ressources suffisantes afin que toutes les victimes d’actes de torture puissent exercer les droits que la Convention leur reconnaît.

Indemnisation et réadaptation

24) Le Comité note aussi avec préoccupation que les victimes d’actes de torture ou autres traitements cruels, inhumains ou dégradants, ne sont pas indemnisées et qu’il n’existe pas de mesures de réadaptation appropriées pour les victimes d’actes de torture, de mauvais traitements, de la traite des personnes, de violences dans la famille ou autres violences sexuelles.

L’État partie devrait faire en sorte que les victimes d’actes de torture ou de mauvais traitements soient indemnisées de manière adéquate et que toutes les victimes d’actes de torture, de mauvais traitements, de la traite des personnes, de violences dans la famille ou autres violences sexuelles bénéficient aussi de programmes de réadaptation appropriés, notamment d’une aide médicale et psychologique.

Conditions de détention

25) Le Comité est préoccupé par les mauvaises conditions de détention, notamment le surpeuplement, et par la prévalence du VIH/sida et de la tuberculose parmi les détenus. Les conditions de détention des personnes gardées à vue ne conviennent pas pour des périodes longues, et mettent les détenus dans une situation de grande vulnérabilité. Le Comité constate aussi avec préoccupation qu’il n’existe pas de mesures de substitution à la détention provisoire.

L’État partie devrait adopter des mesures effectives pour améliorer les conditions dans tous les centres de détention, réduire la surpopulation carcérale actuelle et répondre aux besoins de toutes les personnes privées de liberté, s’agissant notamment des soins de santé, conformément aux normes internationales.

Collecte de données

26) Le Comité regrette l’absence de données détaillées et ventilées sur les plaintes, les enquêtes, les poursuites et les condamnations portant sur les cas de torture ou de mauvais traitements infligés par des membres de la force publique, du personnel pénitentiaire et des forces armées, ainsi que sur la traite des personnes, les actes de violence dans la famille et les violences sexuelles.

L’État partie devrait mettre en place un système efficace pour recueillir des données statistiques sur le suivi de la mise en œuvre de la Convention au niveau national, notamment sur les plaintes, les enquêtes, les poursuites et les condamnations portant sur les cas de torture ou de mauvais traitements, de traite des personnes, de violence dans la famille et de violence et de discrimination fondées sur le sexe et l’appartenance ethnique, ainsi que sur l’indemnisation et la réadaptation des victimes.

27) L’État partie devrait diffuser largement son rapport, ses réponses à la liste des questions à traiter, ainsi que les conclusions et recommandations du Comité, par le biais des sites Web officiels et des médias, en particulier auprès des groupes en situation de vulnérabilité.

28) Le Comité prie l’État partie de lui fournir, dans un délai d’un an, des renseignements sur la suite qu’il aura donnée aux recommandations formulées ci-dessus aux paragraphes 9, 10, 12, 15, 17 et 19.

29) Le Comité invite l’État partie à soumettre son document de base en suivant les directives harmonisées pour l’établissement de rapports au titre des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, englobant le document de base commun et les rapports pour chaque instrument, recommandées récemment par les organes conventionnels (HRI/MC/2006/3 et Corr.1).

30) L’État partie est invité à soumettre son prochain rapport périodique, le sixième, d’ici au 30 juin 2011.

IV. SUIVI DES CONCLUSIONS ET RECOMMANDATIONS SUR LES RAPPORTS DES ÉTATS PARTIES

46. Au chapitre IV de son rapport annuel pour 2005 ‑2006 (A/61/44), le Comité a exposé le cadre qu’il avait mis en place pour assurer le suivi après l’adoption des conclusions et recommandations relatives aux rapports soumis par les États parties en application de l’article 19 de la Convention. Il présentait également des renseignements sur les réponses qu’il avait reçues des États parties depuis le lancement de la procédure, en mai 2003, jusqu’en mai 2006. On trouvera dans le présent chapitre un récapitulatif à jour des réponses reçues par le Comité au 18 mai 2007, date de la clôture de la trente-huitième session.

47. Conformément au paragraphe 2 de l’article 68 de son règlement intérieur, le Comité a créé la charge de rapporteur pour le suivi des observations finales au titre de l’article 19 de la Convention et a confié cette fonction à M me Felice Gaer. Comme lors des autres sessions, M me  Gaer a présenté en mai 2007 un rapport intérimaire sur les résultats de la procédure.

48. La Rapporteuse a souligné que la procédure visait à «accroître l’efficacité de la lutte contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants» comme il est énoncé dans le préambule de la Convention. À l’issue de l’examen de chaque rapport des États parties, le Comité définit des sujets de préoccupation et recommande des mesures spécifiques visant à renforcer la capacité de chaque État partie de mettre en œuvre les mesures nécessaires et appropriées pour prévenir les actes de torture et les traitements cruels et à aider ainsi les États parties à mettre leur législation et leur pratique en parfaite conformité avec les obligations énoncées dans la Convention.

49. À partir de sa trentième session, en mai 2003, le Comité a commencé à mettre en exergue un nombre restreint de recommandations pour lesquelles il demande des renseignements supplémentaires après l’examen et le débat avec l’État partie au sujet de son rapport périodique. Ces recommandations qui appellent une action sont soulignées parce qu’elles sont importantes, qu’elles visent à assurer une protection et qu’elles sont considérées comme pouvant être mises en œuvre dans un délai d’un an. Les États parties sont priés de donner dans un délai d’un an des renseignements sur les mesures prises pour donner effet à ces recommandations, qui sont expressément mentionnées dans un paragraphe à la fin des conclusions et recommandations portant sur l’examen du rapport soumis par l’État partie en application de l’article 19.

50. Depuis la mise en place de la procédure, à la trentième session en mai 2003, jusqu’à la fin de la trente-huitième session en mai 2007, le Comité avait demandé à 53 États de lui fournir des renseignements sur la suite donnée à certaines de ses recommandations. Sur les 39 États parties qui devaient envoyer des renseignements avant le 18 mai 2007, 25 l’avaient fait (Albanie, Allemagne, Argentine, Autriche, Azerbaïdjan, Bahreïn, Canada, Chili, Colombie, Croatie, Équateur, Finlande, France, Grèce, Lettonie, Lituanie, Maroc, Monaco, Nouvelle-Zélande, Qatar, République tchèque, Royaume ‑Uni, Sri Lanka, Suisse et Yémen). Au 18 mai, 14 États n’avaient envoyé aucune réponse alors que le délai était échu (Bulgarie, Bosnie-Herzégovine, Cambodge, Cameroun, États ‑Unis d’Amérique, Géorgie, Guatemala, Moldova, Népal, Ouganda, Pérou, République de Corée, République démocratique du Congo et Togo). En mars 2007, la Rapporteuse a envoyé un rappel à chacun des pays qui auraient dû fournir des renseignements sur la suite donnée aux recommandations en novembre 2006 mais qui ne l’avaient pas fait, et qui n’avaient pas encore reçu de rappel.

51. La Rapporteuse a constaté que 14 rapports de suivi devaient être soumis depuis la présentation du dernier rapport annuel du Comité (A/61/44). Toutefois, seuls quatre des États concernés (Autriche, Équateur, Qatar et Sri Lanka) avaient présenté les renseignements demandés en temps voulu. Malgré cela, elle était d’avis que la procédure de suivi avait grandement contribué à obtenir de précieuses informations complémentaires des États sur les mesures de protection prises depuis l’examen des rapports périodiques. Même si les États étaient relativement peu nombreux à répondre dans les délais prescrits, 19 des 25 États qui avaient répondu l’avaient fait à temps ou un à quatre mois après l’échéance. Les rappels avaient semble-t-il permis d’obtenir bon nombre de ces réponses. La Rapporteuse a également rendu hommage aux organisations non gouvernementales dont bon nombre avaient encouragé les États parties à fournir des renseignements sur la suite donnée aux recommandations dans les délais impartis.

52. Avec cette procédure, le Comité cherche à obtenir un plus grand respect de l’obligation faite à chaque État partie à la Convention de prendre «des mesures législatives, administratives, judiciaires et autres mesures efficaces pour empêcher que des actes de torture soient commis…» (art. 2, par. 1) et l’obligation d’«interdire … d’autres actes constitutifs de peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants…» (art. 16).

53. La Rapporteuse a exprimé sa satisfaction pour les renseignements envoyés par les États parties au sujet des mesures prises pour s’acquitter de leurs obligations en vertu de la Convention. Elle a également procédé à une évaluation des réponses reçues sous l’angle de la question de savoir si tous les points mentionnés par le Comité (généralement entre trois et six recommandations) avaient été suivis d’effet, si les renseignements pouvaient être qualifiés de satisfaisants et si de plus amples renseignements étaient nécessaires. Dans ce dernier cas, la Rapporteuse écrit à l’État partie pour lui demander des précisions sur des points spécifiques. Aux États qui n’ont pas donné du tout les renseignements demandés, elle écrit pour qu’ils les lui communiquent.

54. À sa trente-huitième session, tenue en mai, le Comité a décidé de rendre publiques les lettres de la Rapporteuse aux États parties. Chacune de ces lettres devait être publiée en tant que document des Nations Unies et affichée sur le site Web du Comité. Ce dernier a en outre décidé de publier en tant que documents des Nations Unies toutes les réponses reçues des États parties au titre du suivi (le choix de la cote à attribuer à ces documents est en cours d’examen) et de les afficher sur le site Web du Comité.

55. Étant donné que les recommandations adressées à chaque État partie sont conçues de façon à refléter la situation spécifique du pays, les réponses reçues des États parties et les lettres de la Rapporteuse demandant de plus amples précisions portent sur une grande diversité de sujets. Dans les lettres adressées aux États parties pour leur demander de plus amples renseignements, des questions précises, considérées comme essentielles pour que la recommandation en question puisse être suivie d’effet, sont évoquées. Un certain nombre de questions ont été mises en lumière pour rendre compte non seulement des renseignements donnés mais également des questions non traitées alors qu’elles sont réputées essentielles pour le travail du Comité, afin d’aider efficacement à prendre des mesures de prévention et de protection en vue d’éliminer la torture et les mauvais traitements.

56. Dans sa correspondance avec les États parties, la Rapporteuse a relevé plusieurs sujets de préoccupation récurrents, qui ne sont pas entièrement traités dans les réponses. La liste ci-après est donnée à titre d’exemple et n’est pas exhaustive:

a) La nécessité d’être plus précis sur les moyens par lesquels la police et les autres personnels donnent aux détenus des informations sur leur droit de communiquer sans délai avec un médecin indépendant, un avocat et leur famille, et les moyens par lesquels ce droit est garanti;

b) L’importance de donner des exemples concrets pour illustrer l’exercice de ce droit et pour illustrer la suite qui est donnée à d’autres recommandations;

c) La nécessité d’avoir des organes distincts, indépendants et impartiaux pour examiner les plaintes faisant état de violations de la Convention, parce que le Comité a relevé maintes fois que les victimes de tortures et de mauvais traitements ne s’adressaient pas aux autorités du système qu’elles tiennent précisément pour responsable des actes dénoncés;

d) L’utilité d’informations concrètes comme les listes de prisonniers, qui sont de bons exemples de transparence, mais qui révèlent souvent la nécessité de mettre en place des modalités plus rigoureuses d’établissement des faits et de surveillance du traitement des personnes qui risquent d’être exposées à d’éventuelles violations de la Convention;

e) Les nombreuses difficultés que posent la collecte, la compilation et l’analyse des statistiques relatives à la police et à l’administration de la justice d’une façon qui garantisse une information suffisante concernant les personnels, les organes ou les établissements responsables de violations alléguées;

f) La nécessité, à des fins de protection, d’ouvrir immédiatement des enquêtes impartiales sur les allégations de violation, en particulier l’utilité de donner des renseignements sur les institutions comme les commissions parlementaires, les commissions nationales des droits de l’homme ou les médiateurs, qui peuvent être en place pour mener des enquêtes et, notamment, effectuer des inspections inopinées, l’utilité de permettre à des organisations non gouvernementales de se rendre dans les prisons, ainsi que l’utilité de mesures pour protéger les enquêteurs et ceux qui effectuent des visites officielles contre le harcèlement et les actes de violence visant à entraver leur action;

g) Le besoin de renseignements sur des programmes de formation spécifiquement destinés à la police prévoyant des instructions très claires quant à l’interdiction de la torture, et à la pratique en ce qui concerne la détection des séquelles de torture ainsi que le besoin d’informations sur la conduite des examens médicaux, y compris les autopsies, par un personnel médical qualifié, et sur la question de savoir si ce personnel est informé de la nécessité d’établir un rapport sur tout signe de torture, y compris la violence sexuelle et de veiller à conserver les éléments de preuve y relatifs;

h) Le besoin d’évaluation et de poursuivre les efforts pour déterminer si un risque de torture ou d’autres mauvais traitements résulte de mesures officielles contre le terrorisme;

i) Les lacunes dans les statistiques et l’absence de détails relatifs aux infractions, inculpations et condamnations, notamment en ce qui concerne les mesures disciplinaires spécifiques visant des agents des forces de l’ordre et d’autres personnels, en particulier dans le contexte des questions nouvellement examinées dans le cadre de la Convention, comme la relation entre la race ou l’origine ethnique et les mauvais traitements et les tortures, le recours aux «assurances diplomatiques» dans le cas de personnes renvoyées dans un pays pour y être jugées, les cas de violences sexuelles, les plaintes dénonçant des exactions dans l’armée, etc.

57. Le tableau ci-après récapitule la situation en ce qui concerne les réponses reçues dans le cadre de la procédure de suivi au 18 mai 2007, date de la clôture de la trente-huitième session du Comité.

Procédures de suivi concernant les conclusions et recommandations (mai 2003 ‑mai 2007)

Trentième session (mai 2003)

État partie

Informations demandées pour

Informations reçues le

Mesure prise

Azerbaïdjan

Mai 2004

7 juillet 2004 CAT/C/CR/30/RESP/1

Demande d’éclaircissements

Cambodge

Août 2003

Aucune réponse reçue

Rappel

Moldova

Août 2003

Aucune réponse reçue

Rappel

Trente et unième session (novembre 2003)

État partie

Informations demandées pour

Informations reçues le

Mesure prise

Cameroun

Novembre 2004

Aucune réponse reçue

Rappel

Colombie

Novembre 2004

13 juin 2006 CAT/C/COL/CO/3/Add.1

Demande d’éclaircissements

Lettonie

Novembre 2004

3 novembre 2004 CAT/C/CR/31/RESP/1

Demande d’éclaircissements

14 mai 2007 CAT/C/LVA/CO/1/Add.2

Réponse en cours d’examen

Lituanie

Novembre 2004

7 décembre 2004 CAT/C/CR/31/RESP/1

Demande d’éclaircissements

25 octobre 2006 CAT/C/LTU/CO/1/Add.2

Réponse en cours d’examen

Maroc

Novembre 2004

22 novembre 2004 CAT/C/CR/31/2/Add.1

Demande d’éclaircissements

31 juillet 2006 CAT/C/MAR/CO/3/Add.2

27 octobre 2006 CAT/C/MAR/CO/3/Add.3

Réponse en cours d’examen

Yémen

Novembre 2004

22 octobre 2004 CAT/C/CR/31/4/Add.1

Demande d’éclaircissements

Trente-deuxième session (mai 2004)

État partie

Informations demandées pour

Informations reçues le

Mesure prise

Allemagne

Mai 2005

4 août 2005 CAT/C/CR/32/7/RESP/1

Demande d’éclaircissements

Bulgarie

Mai 2005

Aucune réponse reçue

Rappel

Chili

Mai 2005

22 janvier 2007 * CAT/C/38/CRP.4

Rappel Réponse en cours d’examen

Croatie

Mai 2005

12 juillet 2006 CAT/C/HRV/CO/3/Add.1

Rappel Réponse en cours d’examen

Monaco

Mai 2005

6 avril 2006 CAT/C/MCO/CO/4/Add.1

Rappel Réponse en cours d’examen

Nouvelle-Zélande

Mai 2005

9 juin 2005 CAT/C/CR/32/4/RESP/1

19 décembre 2006 CAT/C/NZL/CO/3/Add.2

Demande d’éclaircissements

République tchèque

Mai 2005

25 avril 2005 CAT/C/CZE/CO/3/Add.1

Demande d’éclaircissements

* Informations concernant le suivi reçues dans le rapport périodique.

Trente-troisième session (novembre 2004)

État partie

Informations demandées pour

Informations reçues le

Mesure prise

Argentine

Novembre 2005

2 février 2006 CAT/C/ARG/CO/4/Add.1

Demande d’éclaircissements

Grèce

Novembre 2005

14 mars 2006 CAT/C/GRC/CO/4/Add.1

Réponse en cours d’examen

Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord

Novembre 2005

20 avril 2006 CAT/C/GBR/CO/4/Add.1

Réponse en cours d’examen

Trente-quatrième session (mai 2005)

État partie

Informations demandées pour

Informations reçues le

Mesure prise

Albanie

Mai 2006

15 août 2006 CAT/C/ALB/CO/1/Add.1

Réponse en cours d’examen

Bahreïn

Mai 2006

15 décembre 2006 CAT/C/BHR/CO/1/Add.1

Réponse en cours d’examen

Canada

Mai 2006

7 juin 2006 CAT/C/CAN/CO/4/Add.1

Réponse en cours d’examen

Finlande

Mai 2006

22 mai 2006 CAT/C/FIN/CO/4/Add.1

Réponse en cours d’examen

Ouganda

Mai 2006

Aucune réponse reçue

Rappel

Suisse

Mai 2006

15 mai 2007 CAT/C/CHE/CO/4/Add.1

Rappel Réponse en cours d’examen

Trente-cinquième session (novembre 2005)

État partie

Informations demandées pour

Informations reçues le

Mesure prise

Autriche

Novembre 2006

24 novembre 2006 CAT/C/AUT/CO/3/Add.1

Réponse en cours d’examen

Bosnie-Herzégovine

Novembre 2006

Aucune réponse reçue *

Rappel

Équateur

Novembre 2006

20 novembre 2006 CAT/C/ECU/CO/3/Add.1

Réponse en cours d’examen

France

Novembre 2006

15 février 2007 CAT/C/FRA/CO/3/Add.1

Réponse en cours d’examen

Népal

Novembre 2006

Aucune réponse reçue **

Rappel

République démocratique du Congo

Novembre 2006

Aucune réponse reçue

Rappel

Sri Lanka

Novembre 2006

23 novembre 2006 CAT/C/LKA/CO/2/Add.1

Réponse en cours d’examen

* Informations reçues après la trente-huitième session: CAT/C/BIH/CO/1/Add.2.

** Informations reçues après la trente-huitième session: CAT/C/NPL/CO/2/Add.1.

Trente-sixième session (mai 2006)

État partie

Informations demandées pour

Informations reçues le

Mesure prise

États-Unis d’Amérique

Mai 2007

Aucune réponse reçue *

Géorgie

Mai 2007

Aucune réponse reçue **

Guatemala

Mai 2007

Aucune réponse reçue

Pérou

Mai 2007

Aucune réponse reçue

Qatar

Mai 2007

12 décembre 2006 CAT/C/QAT/CO/1/Add.1

Réponse en cours d’examen

République de Corée

Mai 2007

Aucune réponse reçue ***

Togo

Mai 2007

Aucune réponse reçue

* Informations reçues après la trente-huitième session: CAT/C/USA/CO/2/Add.1.

** Informations reçues après la trente-huitième session: CAT/C/GEO/CO/3/Add.1.

*** Informations reçues après la trente-huitième session: CAT/C/KOR/CO/2/Add.1.

Trente-septième session (novembre 2006)

État partie

Informations demandées pour

Informations reçues le

Mesure prise

Afrique du Sud

Novembre 2007

Burundi

Novembre 2007

Fédération de Russie

Novembre 2007

*

Guyane

Novembre 2007

Hongrie

Novembre 2007

Mexique

Novembre 2007

Tadjikistan

Novembre 2007

* Informations reçues après la trente-huitième session: CAT/C/RUS/CO/4/Add.1.

Trente-huitième session (mai 2007)

État partie

Informations demandées pour

Informations reçues le

Mesure prise

Danemark

Mai 2008

Italie

Mai 2008

Japon

Mai 2008

Luxembourg

Mai 2008

Pays-Bas

Mai 2008

Pologne

Mai 2008

Ukraine

Mai 2008

V. ACTIVITÉS MENÉES PAR LE COMITÉ EN APPLICATION DE L’ARTICLE 20 DE LA CONVENTION

58. En vertu du paragraphe 1 de l’article 20 de la Convention, s’il reçoit des rense i gnements crédibles qui lui semblent contenir des indications fondées attestant que la to r ture est pratiquée systématiquement sur le territoire d’un État partie, le Comité invite ledit État à coopérer à l’examen des renseignements et, à cette fin, à lui faire part de ses obse r vations à ce sujet.

59. Conformément à l’article 69 du Règlement intérieur du Comité, le Secrétaire général porte à l’attention du Comité les renseignements qui sont ou semblent être présentés pour examen par le Comité au titre du paragraphe 1 de l’article 20 de la Convention.

60. Le Comité ne reçoit aucun renseignement concernant un État partie qui, conformément au paragraphe 1 de l’article 28 de la Convention, a déclaré, au moment où il a ratifié la Convention ou y a adhéré, qu’il ne reconnaissait pas la compétence accordée au Comité aux termes de l’article 20, à moins que cet État n’ait ultérieurement levé sa réserve conformément au paragraphe 2 de l’article 28 de la Convention.

61. Le Comité a poursuivi ses travaux en application de l’article 20 de la Convention pendant la p é riode couverte par le présent rapport. Conformément aux dispositions de l’article 20 de la Convention et des articles 72 et 73 du Règlement intérieur, tous les documents et tous les travaux du Comité afférents aux fonctions qui lui sont confiées en vertu de l’article 20 de la Convention sont confidentiels et toutes les séances concernant ses travaux au titre de l’article 20 sont privées. Toutefois, conformément au paragraphe 5 de l’article 20 de la Convention, le Com i té peut, après consultations avec l’État partie intéressé, décider de faire figurer dans son rapport annuel aux États parties et à l’Assemblée générale un compte rendu succinct des résultats desdits travaux.

62. Dans le cadre de ses activités de suivi, le rapporteur pour l’article 20 a continué à encourager les États parties au sujet desquels ont été menées des enquêtes, dont les résultats ont été publiés, à prendre des mesures pour donner suite aux recommandations du Comité.

63. À sa trente-septième session, le Comité était saisi du quatrième rapport périodique soumis par le Mexique conformément à l’article 19 de la Convention. Il a examiné la question de la suite donnée à ses recommandations au titre de l’article 20 (A/56/44, par. 144 à 193).

VI. EXAMEN DE REQUÊTES REÇUES EN APPLICATION DE L’ARTICLE 22 DE LA CONVENTION

A. Introduction

64. Conformément à l’article 22 de la Convention, les particuliers qui se disent victimes d’une violation par un État partie de l’un quelconque des droits énoncés dans la Convention ont le droit d’adresser une requête au Comité contre la torture pour examen, sous réserve des conditions énoncées dans cet article. Soixante-deux des 144 États qui ont adhéré à la Convention ou l’ont ratifiée ont déclaré qu’ils reconnaissaient la compétence du Comité pour recevoir et examiner des requêtes en vertu de l’article 22 de la Convention. La liste de ces États figure à l’annexe III. Le Comité ne peut pas recevoir de requête concernant un État partie à la Convention qui n’a pas reconnu sa compétence en vertu de l’article 22.

65. Les requêtes soumises en vertu de l’article 22 de la Convention sont examinées en séance privée (art. 22, par. 6). Tous les documents relatifs aux travaux du Comité dans le cadre de l’article 22 (observations des parties et autres documents de travail) sont confidentiels. La procédure d’examen des requêtes est définie en détail aux articles 107 et 109 du Règlement intérieur du Comité.

66. Le Comité formule une décision à la lumière de tous les renseignements qui lui ont été apportés par le requérant et par l’État partie. Ses constatations sont communiquées aux parties (art. 22, par. 7, de la Convention, et art. 112 du Règlement intérieur) et sont ensuite rendues publiques. Le texte des décisions du Comité déclarant des requêtes irrecevables en vertu de l’article 22 de la Convention est également rendu public; si l’État partie est identifié, l’identité du requérant en revanche n’est pas révélée.

67. Conformément au paragraphe 1 de l’article 115 de son règlement intérieur, le Comité peut décider d’inclure dans son rapport annuel un résumé des requêtes examinées. Il inclut aussi dans son rapport annuel le texte de ses décisions en vertu du paragraphe 7 de l’article 22 de la Convention.

B. Mesures provisoires de protection

68. Il est fréquent que les requérants demandent une protection à titre préventif, en particulier quand ils sont sous le coup d’une mesure d’expulsion ou d’extradition imminente et qu’ils invoquent une violation de l’article 3 de la Convention. En vertu du paragraphe 1 de l’article 108 du Règlement intérieur, le Comité, son groupe de travail ou le Rapporteur chargé des nouvelles requêtes et des mesures provisoires peut, à tout moment après avoir reçu une requête, adresser à l’État partie une demande tendant à ce qu’il prenne les mesures provisoires que le Comité juge nécessaires pour éviter qu’un préjudice irréparable ne soit causé à la victime ou aux victimes de la violation alléguée. L’État partie est informé que la demande de mesures provisoires ne préjuge pas la décision qui sera prise en définitive sur la recevabilité ou sur le fond de la requête. Le Rapporteur chargé des nouvelles requêtes et des mesures provisoires vérifie régulièrement que les demandes de mesures provisoires adressées par le Comité sont respectées.

69. Le Rapporteur chargé des nouvelles requêtes et des mesures provisoires a élaboré les méthodes de travail concernant le retrait des demandes de mesures provisoires. Lorsque les circonstances donnent à penser qu’une demande de mesures provisoires peut être reconsidérée avant l’examen de la requête quant au fond, il convient d’ajouter à la demande une phrase type indiquant que la demande est adressée à l’État partie compte tenu d’éléments d’information communiqués par le requérant dans sa requête mais qu’elle peut être reconsidérée, à l’initiative de l’État partie, à la lumière des renseignements ou observations reçus de sa part ou, le cas échéant, d’observations complémentaires apportées par le requérant. Certains États parties ont adopté la pratique de demander systématiquement le retrait de la demande de mesures provisoires dans leurs observations concernant la recevabilité et le fond de la requête. La position du Rapporteur est que pareille demande n’appelle une réponse que si des éléments nouveaux pertinents, dont le Rapporteur n’avait pas connaissance quand il a pris la décision de demander l’application de mesures provisoires, sont avancés.

70. Au cours de la période visée par le présent rapport également, le Comité a arrêté les critères de fond et de forme devant être appliqués par le Rapporteur chargé des nouvelles requêtes et des mesures provisoires pour accepter ou ne pas accepter une demande de mesures provisoires de protection. Outre la présentation en temps voulu de la demande de mesures provisoires par le requérant, en application du paragraphe 1 de l’article 108, les critères de recevabilité principaux énoncés aux paragraphes 1 à 5 de l’article 22 de la Convention doivent être remplis pour que le Rapporteur donne suite à la demande. L’épuisement des recours internes n’est pas nécessaire si les seuls recours ouverts au requérant n’ont pas d’effet suspensif − c’est-à-dire dans le cas de recours dont le dépôt n’entraîne pas automatiquement le sursis à exécution d’un arrêté d’expulsion − ou si le requérant risque l’expulsion immédiate après le rejet définitif de sa demande d’asile. En pareil cas, le Rapporteur peut demander à l’État partie de ne pas expulser le requérant tant que le Comité est saisi de sa plainte, même avant que les recours internes ne soient épuisés. Pour ce qui est des critères portant sur le fond, la plainte doit avoir de fortes chances d’être accueillie sur le fond pour que le Rapporteur conclue qu’un préjudice irréparable risque d’être causé à la victime alléguée si elle est expulsée.

71. Le Comité n’ignore pas qu’un certain nombre d’États parties s’inquiètent de ce que des mesures provisoires de protection sont demandées trop souvent en particulier quand l’expulsion du requérant est dite imminente, et de ce qu’il n’y a pas suffisamment d’éléments factuels pour justifier une demande de mesures provisoires. Le Comité prend ces préoccupations au sérieux et est disposé à en discuter avec les États parties. Il souhaite souligner à ce sujet que, dans bien des cas, les demandes de mesures provisoires sont levées par le Rapporteur, sur la base des renseignements donnés par l’État partie concerné.

C. Travaux accomplis

72. Au moment de l’adoption du présent rapport, le Comité avait enregistré depuis 1989 316 requêtes concernant 25 pays. Sur ce nombre, 89 avaient été classées et 55 déclarées irrecevables. Le Comité avait adopté des constatations sur le fond dans le cas de 142 requêtes et avait établi que 42 d’entre elles faisaient apparaître des violations de la Convention. Il lui restait à examiner 31 plaintes.

73. À sa trente-septième session, le Comité a déclaré irrecevable les requêtes n os 284/2006 ( R. S. A. N. c. Canada ) et 288/2006 ( H. S. T. c. Norvège ). Les deux requêtes portaient sur l’article 3 de la Convention. Le Comité les a déclarées irrecevables pour non ‑épuisement des recours internes pour l’une et pour absence manifeste de fondement pour l’autre. Le texte de ces deux décisions est reproduit dans la section B de l’annexe VII du présent rapport.

74. À sa trente-septième session, le Comité a adopté des constations au sujet des requêtes n os  227/2003 ( A. A. C. c. Suède ), 251/2004 ( A. A. c. Suisse ), 259/2004 ( M. N. c. Suisse ), 262/2005 ( V. L. c. Suisse ), 265/2005 ( A. H. c. Suède ), 277/2005 ( N. Z. S. c. Suède ), 279/2005 ( C. T. et K. M. c. Suède ), 280/2005 ( El Rgeig c. Suisse ), 282/2005 ( S. P. A. c. Canada ), 286/2006 ( M. R. A. c.  Suède ). Le texte de ces décisions est reproduit dans la section A de l’annexe VII du présent rapport.

75. Dans sa décision sur la requête n o 227/2003 ( A. A. C. c. Suède ), le Comité a conclu que l’expulsion du requérant au Bangladesh, où il aurait été torturé dans le passé en tant que membre d’un parti politique illégal, ne constituait pas une violation de l’article 3 de la Convention étant donné que les tortures présumées dataient de sept ans, que la situation concernant les accusations portées contre le requérant en vertu de la loi sur la sûreté publique n’était toujours pas claire et que le propre parti politique du requérant faisait à présent partie du Gouvernement. En outre, le Comité a estimé que le requérant n’avait pas suffisamment étayé, aux fins de la recevabilité, sa plainte selon laquelle son renvoi rapide de Suède en dépit de ses problèmes de santé mentale constituait une violation de l’article 16 de la Convention. À cet égard, le Comité a estimé que la détérioration de l’état de santé physique ou mentale d’une personne en raison de son expulsion ne constituait généralement pas un élément suffisant pour conclure à l’existence d’un traitement dégradant au sens de cet article. Il a en outre jugé irrecevable, pour manque de preuves, un autre grief du requérant selon lequel la pratique restrictive des autorités suédoises pour ce qui est de l’octroi d’un permis de résidence constituait en elle-même une violation des articles 3 et 16 de la Convention.

76. Les requêtes n o s  251/2004 ( A. A. c. Suisse ), 259/2004 ( M. N. c. Suisse ), 265/2005 ( A. H. c.  Suède ), 277/2005 ( N. Z. S. c. Suède ) et 286/2006 ( M. R. A. c. Suède ) émanaient de demandeurs d’asile qui affirmaient que leur expulsion, leur renvoi ou leur extradition dans leurs pays d’origine constituerait une violation de l’article 3 de la Convention dans la mesure où ils risquaient d’y être torturés. Après avoir examiné les griefs et les éléments de preuve présentés par les requérants et les arguments des deux États parties concernés, le Comité a conclu que l’existence d’un tel risque n’avait pas été établie. En conséquence, aucune violation de l’article 3 n’a été constatée dans ces affaires.

77. Dans sa décision sur la requête n o 262/2005 ( V. L. c. Suisse ), le Comité a estimé que la requérante avait prouvé que son expulsion au Bélarus l’exposerait au risque d’être torturée en violation de l’article 3 de la Convention. Il est parvenu à cette conclusion sur la base de preuves médicales corroborant l’allégation de la requérante selon laquelle elle avait été victime de sévices sexuels, y compris d’un viol collectif, commis par la police dans un passé récent à cause des activités politiques de son époux. Les sévices infligés visaient également à l’intimider, à la punir et à l’humilier, et il semblerait que les autorités bélarussiennes aient failli à leur devoir d’enquêter, de poursuivre et de punir les fonctionnaires de police qui avaient commis ces actes. Dans ce contexte, le Comité a souligné que des sévices sexuels infligés par la police constituaient des actes de torture même s’ils n’avaient pas été perpétrés dans un centre de détention officiel. Le Comité a noté que la passivité des autorités bélarussiennes augmentait le risque de mauvais traitements qu’encourrait la requérante en cas de renvoi au Bélarus, dans la mesure où les auteurs du viol n’avaient fait l’objet d’aucune enquête ni de poursuite et pourraient maltraiter à nouveau la requérante en toute impunité. Il y avait par conséquent, au vu des faits de la cause, de sérieux doutes quant à l’adoption par les autorités bélarussiennes des mesures nécessaires pour protéger la requérante contre de nouveaux sévices.

78. La requête n o 279/2005 ( C. T. et K. M. c. Suède ) concernait une citoyenne hutu affirmant que son expulsion au Rwanda l’exposerait, elle et son fils, à un risque de torture en violation de l’article 3 de la Convention. Le Comité a pris note de la description par la requérante du traitement qu’elle avait subi en détention en raison de son appartenance au PDR ‑Ubuyanja, parti politique interdit (viols répétés sous la menace d’être exécutée à la suite desquels elle était tombée enceinte). Il a estimé que les renseignements fournis par la requérante montraient que les tensions ethniques persistaient au Rwanda, augmentant le risque que la requérante soit de nouveau torturée à son retour dans son pays. Pour ces raisons le Comité a conclu qu’il y avait de sérieux motifs de croire que la requérante et son fils risquaient d’être torturés en cas de renvoi au Rwanda.

79. Dans ses constatations au sujet de la requête n o 280/2005 ( El Rgeig c. Suisse ) le Comité a estimé que l’État partie n’avait pas présenté d’arguments suffisamment convaincants pour prouver que le requérant ne risquait pas d’être torturé en cas de renvoi en Jamahiriya arabe libyenne. Pour parvenir à cette conclusion, le Comité a tenu compte des conclusions d’un rapport médical sur l’existence de graves séquelles dues aux actes de torture infligés au requérant dans le passé, des activités politiques de ce dernier après son départ de Jamahiriya arabe libyenne et des informations persistantes relatives au traitement généralement réservé aux activistes en cas de renvoi en Jamahiriya arabe libyenne.

80. Dans la requête n o 282/2005 ( S .P. A. c. Canada ) la requérante a affirmé qu’elle serait emprisonnée, torturée ou assassinée si elle était renvoyée en Iran, ce qui constituerait une violation des articles 3 et 16 de la Convention étant donné qu’elle était une opposante au régime iranien et qu’elle avait été citée à comparaître devant un tribunal. Après avoir examiné les affirmations et les éléments de preuve présentés par la requérante et les arguments de l’État partie, le Comité a conclu que la requérante n’avait pas présenté des preuves ou des détails convaincants concernant sa détention dans le sous ‑sol d’une prison iranienne et son évasion. En outre, elle n’a pas apporté d’explications plausibles quant à son incapacité ou son inaptitude à fournir certains détails concernant son séjour pendant plus de trois mois en Iran après son évasion et les noms des personnes qui l’avaient aidée à s’évader. Enfin, le Comité a estimé que la requérante n’avait pas apporté d’explications crédibles quant à son passage par sept pays avant d’entrer au Canada pour y demander l’asile. Tout en prenant note des informations concernant les violations des droits de l’homme en Iran, le Comité a estimé que la requérante n’avait pas apporté la preuve qu’elle courait personnellement un risque réel et imminent d’être torturée en cas de renvoi en Iran. Aucune violation de l’article 3 n’a par conséquent été constatée.

81. À sa trente ‑huitième session, le Comité a adopté des décisions sur le fond concernant les requêtes n os 249/2004 ( Dar c. Norvège ), 268/2005 ( A. A. c. Suisse ), 270 et 271/2005 ( E. R. K. et Y. K. c. Suède ), 281/2005 ( Pelit c. Azerbaïdjan ), 296/2006 ( E. V. I. c. Suède ), 298/2006 ( C. A. R. M. et consorts c. Canada ) et 300/2006 ( Tebourski c. France ). Le texte de ces décisions est reproduit dans la section A de l’annexe VII du présent rapport.

82. Dans les requêtes n os 268/2005 ( A. A. c. Suisse ), 296/2006 ( E. V. I. c. Suède ) et 270 et 271/2005 ( E. R. K. et Y. K. c. Suède ), les requérants avaient fait valoir que les États concernés violeraient l’article 3 de la Convention en les renvoyant dans leur pays après leur avoir refusé l’asile. Le Comité a toutefois estimé que les requérants n’avaient pas apporté la preuve de l’existence de motifs sérieux de croire que leur renvoi dans leur pays d’origine les exposerait personnellement à un risque prévisible et réel d’être torturé et a conclu, par conséquent, à l’absence de violation.

83. La requête n o  249/2004 ( Dar c. Norvège ) concernait un officier ahmadi à la retraite accusé de blasphème au Pakistan. Le requérant qui avait demandé l’asile à la Norvège a été expulsé au Pakistan bien que le Comité ait prié l’État partie de ne pas le renvoyer pendant qu’il examinerait son cas. Le requérant a été par la suite autorisé à revenir en Norvège. Le Comité a considéré que l’expulsion du requérant au Pakistan en dépit d’une demande de mesures provisoires avait constitué une violation de l’article 22 de la Convention. Il a toutefois estimé qu’en facilitant le retour du requérant en Norvège et en lui octroyant un permis de résidence de trois ans, l’État partie a réparé cette violation. Étant donné que le requérant, qui n’a pas été torturé au Pakistan pendant son séjour dans ce pays, était retourné dans l’État partie où il a obtenu un permis de résidence de trois ans, le Comité a estimé que la question de savoir si son expulsion au Pakistan constituerait une violation de l’article 3 ne se posait plus.

84. Dans sa décision sur la requête n o 281/2005 ( Pelit c. Azerbaïdjan ), le Comité a conclu que l’expulsion de la requérante (une ressortissante turque d’origine kurde qui avait été officiellement reconnue en tant que réfugiée par l’Allemagne) vers la Turquie constituait une violation des droits de la requérante au titre des articles 3 et 22 de la Convention. En enregistrant la requête, le Comité avait demandé à l’État partie de ne pas extrader la requérante tant que son cas serait examiné par le Comité. L’État partie, qui avait dans un premier temps accédé à sa demande, a par la suite expulsé la requérante après avoir reçu, par la voie diplomatique, de la Turquie l’assurance qu’elle ne serait soumise à aucune forme de mauvais traitements. L’État partie a affirmé qu’un mécanisme pour suivre la situation de la requérante après son expulsion avait été mis en place et que cette dernière n’avait pas été maltraitée à son retour. Le Comité s’est déclaré préoccupé par la situation et a réitéré qu’une fois qu’il a fait la déclaration au titre de l’article 22 de la Convention, un État partie s’engageait à coopérer de bonne foi avec le Comité dans le cadre de l’article 22; l’expulsion de la requérante a rendu nul et sans effet l’exercice de son droit de plainte. En ce qui concerne les assurances diplomatiques, se référant à sa décision dans l’affaire Agiza c. Suède (communication n o  233/2003), le Comité a noté que, même s’il y a eu une certaine forme de suivi après l’expulsion, l’État partie n’avait fourni aucun document et n’avait pas non plus donné suffisamment de détails pour que le Comité puisse déterminer si les assurances fournies étaient suffisantes pour préserver les droits de la requérante.

85. Dans sa décision sur la plainte n o 298/2006 ( C. A. R. M. et consorts c. Canada ), le Comité a conclu que l’expulsion des requérants au Mexique, où C. A. R. M. et sa famille auraient été persécutés par le maire de la ville où ils vivaient qui était de connivence avec un cartel de la drogue, n’avait pas constitué une violation de l’article 3 de la Convention. Le Comité a estimé que les requérants n’avaient pas suffisamment étayé leur plainte selon laquelle leur renvoi au Mexique leur causerait un préjudice irréparable, étant donné qu’ils ne s’étaient jamais plaints de leur persécution présumée dans ce pays et qu’ils n’avaient pas cherché à se réfugier dans une autre région du Mexique ni essayé d’obtenir la protection des autorités mexicaines avant de demander l’asile au Canada.

86. Dans la plainte n o  300/2006 ( Tebourski c. France ), le requérant était un franco ‑tunisien résidant en France qui avait été convaincu de terrorisme et était considéré par les autorités françaises comme un danger public. En conséquence, après sa libération de prison, il a été déchu de sa nationalité française et son expulsion a été ordonnée par les autorités françaises. Le requérant a estimé que son expulsion constituait une violation de l’article 3 de la Convention par la France dans la mesure où il risquait d’être torturé en Tunisie. Après avoir examiné les arguments et les preuves qui lui avaient été présentés, le Comité a estimé qu’il y avait de sérieux motifs de croire que le requérant risquait d’être torturé et que son expulsion constituerait une violation de la Constitution. Le Comité a regretté que bien qu’il lui ait demandé de ne pas expulser le requérant l’État partie l’a renvoyé en Tunisie avant que le Comité ne puisse examiner son cas. En conséquence, le Comité a conclu qu’il y avait eu violation de l’article 22 de la Convention.

87. Toujours à sa trente ‑huitième session, le Comité a décidé de déclarer irrecevable la requête n o  305/2006 ( A. R. A. c. Suède ), qui contenait une plainte au titre de l’article 3 de la Convention. Le Comité a noté que le requérant avait déposé une requête auprès de la Cour européenne des droits de l’homme, qui était encore en cours d’examen devant cette instance lorsqu’il avait soumis une requête, identique, au Comité. Il a rappelé qu’en vertu du paragraphe 5 a) de l’article 22 de la Convention le Comité n’examinerait aucune communication émanant d’un particulier sans s’être assuré que la même question n’avait pas été ou n’était pas examinée par une autre instance internationale d’enquête ou de règlement. Le Comité a estimé qu’il pouvait être considéré qu’une communication avait été ou était examinée par une autre instance internationale d’enquête ou de règlement, si l’examen par cette instance portait sur la «même question», en d’autres termes s’il y a une identité de parties, de faits et de droits invoqués. En l’espèce la requête adressée à la Cour européenne avait été soumise par la même personne, portait sur les mêmes faits et concernait les mêmes droits que ceux qui étaient invoqués dans la requête adressée au Comité. Celui ‑ci a donc conclu que la communication était irrecevable. Le texte de cette décision est reproduit dans la section B de l’annexe VII du présent rapport.

Requêtes pour lesquelles le Comité a constaté des violations de la Convention (jusqu’à la trente ‑huitième session)

État partie

AUTRICHE

Affaire

Halimi ‑Nedibi Quani, 8/1991

Nationalité et pays de renvoi, le cas échéant

Yougoslave

Date d’adoption des constatations

18 novembre 1993

Questions soulevées et violations constatées

Absence d’enquête sur des allégations de torture − article 12

Mesures provisoires demandées et réponse de l’État partie

Aucune

Réparation recommandée

L’État partie est prié de faire en sorte que des violations similaires ne se reproduisent pas.

Date fixée pour la réponse de l’État partie

Néant

Date de la réponse

Néant

Réponse de l’État partie

Aucune

Réponse du requérant

Sans objet

État partie

AUSTRALIE

Affaire

Shek Elmi, 120/1998

Nationalité et pays de renvoi, le cas échéant

Somalienne; Somalie

Date d’adoption des constatations

25 mai 1999

Questions soulevées et violations constatées

Renvoi − article 3

Mesures provisoires demandées et réponse de l’État partie

Demandées et acceptées par l’État partie

Réparation recommandée

L’État partie est tenu de s’abstenir de renvoyer de force le requérant en Somalie ou dans tout autre pays d’où il risque d’être expulsé ou renvoyé vers la Somalie.

Date fixée pour la réponse de l’État partie

Néant

Date de la réponse

23 août 1999 et 1 er mai 2001

Réponse de l’État partie

Le 23 août 1999, l’État partie a répondu aux constatations du Comité. Il a informé ce dernier que le 12 août 1999 le Ministère de l’immigration et des affaires multiculturelles avait décidé qu’il était dans l’intérêt de la société qu’il exerce les pouvoirs qui lui sont conférés par l’article 48B de la loi sur les migrations de 1958 en autorisant M. Elmi à présenter une autre demande de visa de protection. L’avocat de M. Elmi avait été informé de cette mesure le 17 août 1999 et M. Elmi a été personnellement avisé le 18 août 1999.

Le 1 er mai 2001, l’État partie a informé le Comité que le requérant avait quitté de son plein gré l’Australie et avait, par la suite, «retiré» sa requête contre l’État partie. Il a expliqué que le requérant avait déposé sa deuxième demande de visa de protection le 24 août 1999. Le 22 octobre 1999, M. Elmi et son conseil avaient eu un entretien avec un agent de l’immigration. Le Ministre de l’immigration et des affaires multiculturelles s’était déclaré dans sa décision du 2 mars 2000 convaincu que le requérant n’était pas une personne envers laquelle l’Australie avait une obligation de protection au titre de la Convention relative au statut des réfugiés et avait refusé de lui accorder un visa de protection. Cette décision avait été confirmée en appel par le tribunal principal. L’État partie a informé le Comité que la nouvelle demande du requérant avait été examinée de manière approfondie à la lumière des nouveaux éléments apparus à la suite de l’examen de la requête par le Comité. Le tribunal n’avait pas jugé le requérant crédible et n’avait pas ajouté foi à sa déclaration selon laquelle il était le fils d’un des anciens du clan Shikal.

Réponse du requérant

Sans objet

Décision du Comité

Vu que le requérant est parti de son plein gré, aucune autre mesure de suivi n’est demandée.

État partie

AZERBAÏDJAN

Affaire

Pelit, 281/2005

Nationalité et pays de renvoi, le cas échéant

Turque; Turquie

Date d’adoption des constatations

30 avril 2007

Questions soulevées et violations constatées

Renvoi − articles 3 et 22

Mesures provisoires demandées et réponse de l’État partie

Demandées mais non accordées par l’État partie (assurances fournies)

Réparation recommandée

Réparer la violation de l’article 3 et s’enquérir auprès des autorités turques du lieu où se trouve la requérante et de son état de santé

Date fixée pour la réponse de l’État partie

Le délai n’est pas encore échu (la mesure n’a pas encore été exécutée)

État partie

CANADA

Affaire

Tahir Hussain Khan, 15/1994

Nationalité et pays de renvoi, le cas échéant

Pakistanaise; Pakistan

Date d’adoption des constatations

15 novembre 1994

Questions soulevées et violations constatées

Renvoi − article 3

Mesures provisoires demandées et réponse de l’État partie

Demandées et acceptées par l’État partie

Réparation recommandée

L’État partie est tenu de s’abstenir de renvoyer de force M. Tahir Hussain Khan au Pakistan.

Date fixée pour la réponse de l’État partie

Néant

Date de la réponse

Néant

Réponse de l’État partie

Aucun renseignement fourni au Rapporteur; toutefois, au cours de l’examen du rapport de l’État partie par le Comité contre la torture en mai 2005, l’État partie a indiqué que le requérant n’avait pas été expulsé.

Réponse du requérant

Aucune

Affaire

Falcon Ríos, 133/1999

Nationalité et pays de renvoi, le cas échéant

Mexicaine; Mexique

Date d’adoption des constatations

30 novembre 2004

Questions soulevées et violations constatées

Renvoi − article 3

Mesures provisoires demandées et réponse de l’État partie

Demandées et acceptées par l’État partie

Réparation recommandée

Mesures appropriées

Date fixée pour la réponse de l’État partie

Néant

Date de la réponse

Néant

Réponse de l’État partie

Le 9 mars 2005, l’État partie a fourni des renseignements sur les mesures qu’il avait prises pour donner suite à la décision du Comité. Il a indiqué que le requérant avait déposé une demande d’évaluation du risque avant le renvoi au Mexique et qu’il informerait le Comité du résultat. Si le requérant pouvait justifier l’existence d’un des motifs de protection prévus dans la loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, il aurait la possibilité de présenter une demande de résidence permanente au Canada. La décision du Comité serait prise en compte par le fonctionnaire qui examinerait la demande et, au cas où le Ministre le jugerait nécessaire, le requérant serait entendu. Comme la demande d’asile avait été examinée avant l’entrée en vigueur de la loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, en juin 2002, le fonctionnaire des services de l’immigration ne serait pas tenu de se limiter aux faits survenus après le rejet de la demande initiale mais pourrait également examiner des faits et des informations, anciens et nouveaux, présentés par le requérant. Dans ce contexte, l’État partie a contesté la conclusion faite par le Comité au paragraphe 7.5 de sa décision, selon laquelle seules les nouvelles informations pourraient être prises en compte au cours de cet examen.

Réponse du requérant

Le 5 février 2007, le requérant a transmis au Comité une copie du résultat de l’évaluation des risques, au terme de laquelle sa requête a été rejetée et il a été prié de quitter le territoire. Aucun autre renseignement n’a été fourni.

Affaire

Dadar, 258/2004

Nationalité et pays de renvoi, le cas échéant

Iranienne; Iran

Date d’adoption des constatations

3 novembre 2005

Questions soulevées et violations constatées

Renvoi − article 3

Mesures provisoires demandées et réponse de l’État partie

Demandées et acceptées par l’État partie

Réparation recommandée

Le Comité engage instamment l’État partie, en application du paragraphe 5 de l’article 112 de son règlement intérieur, à l’informer, dans un délai de quatre ‑vingt ‑dix jours à compter de la date de transmission de la présente décision, des mesures qu’il aura prises pour donner effet à celle ‑ci.

Date fixée pour la réponse de l’État partie

26 février 2006

Date de la réponse

Dernière réponse en date le 5 avril 2007 (l’État partie avait précédemment répondu le 22 mars et le 24 avril 2006 − voir rapport annuel A/61/44 − et le 9 août 2006)

Réponse de l’État partie

Le Comité se rappellera que l’État partie a renvoyé le requérant en Iran le 26 mars 2006 bien qu’une violation de la Convention eût été constatée. Dans sa réponse du 24 avril 2006, l’État partie a indiqué que, depuis le retour du requérant au Canada, un neveu de M. Dadar avait indiqué à un représentant du Canada que son oncle était arrivé à Téhéran sans encombre et se trouvait auprès de sa famille. L’État partie n’a plus de contact avec M. Dadar depuis son renvoi en Iran. Compte tenu de cette information et de la conviction du Canada que le requérant ne courait pas de risque réel d’être torturé à son retour en Iran, l’État partie fait valoir qu’il n’avait pas besoin d’envisager de procédure de suivi en l’espèce (pour un compte rendu complet de la réponse de l’État partie, se référer au rapport, A/61/44).

Le 9 août 2006 l’État partie a informé le Comité que le 16 mai 2006 le requérant s’était présenté à l’ambassade du Canada à Téhéran pour certaines questions personnelles et administratives relatives à son séjour au Canada et sans rapport avec les allégations dont était saisi le Comité. Le requérant ne s’est plaint d’aucun mauvais traitement en Iran et n’a formulé aucune plainte au sujet des autorités iraniennes. La visite du requérant confirmant les informations fournies précédemment par son neveu, les autorités canadiennes ont demandé que la question ne soit plus soumise à la procédure de suivi.

Le 5 avril 2007 l’État partie a répondu aux commentaires du conseil du 24 juin 2006. Il a indiqué qu’il n’avait aucune information quant aux conditions de vie du requérant et que s’il avait été interrogé par les autorités iraniennes cela devait être en rapport avec la découverte de la décision du Comité. L’État partie considère cette décision comme un «facteur incident» intervenu à la suite de son retour qu’il n’avait pas la possibilité de prendre en considération au moment du renvoi. En outre les préoccupations du requérant ne font apparaître aucun grief qui aurait pu amener le Comité, s’il en avait été saisi, à conclure à l’existence d’une violation de la Convention. Le fait d’être interrogé par les autorités ne peut être assimilé à de la torture. Quoi qu’il en soit, la crainte du requérant d’être torturé pendant son interrogatoire n’est que pure spéculation, étant donné que l’Iran a ratifié le Pacte international relatif aux droits civils et politiques et que le requérant a la possibilité de se prévaloir des mécanismes offerts par les procédures spéciales de l’ONU et s’adresser par exemple au Rapporteur spécial contre la torture; l’État partie estime que l’ONU est mieux placée pour enquêter sur la situation du requérant.

Réponse du requérant

Le conseil du requérant a contesté la décision de l’État partie d’expulser le requérant en dépit des conclusions du Comité. Il n’a jusqu’à présent donné aucune information, dont il pourrait disposer, sur la situation du requérant depuis son arrivée en Iran.

Le conseil du requérant indique que le 24 juin 2006, il a reçu des nouvelles du requérant qui l’a informé que les autorités iraniennes lui avaient envoyé une copie de la décision du Comité à son domicile et lui avaient demandé de se présenter pour répondre à des questions. Il semblait très inquiet au téléphone et le conseil a perdu tout contact avec lui depuis lors. En outre le conseil indique que M. Dadar est persona non grata en Iran. Il ne peut ni travailler ni voyager et ne peut recevoir le traitement médical qui lui a été prescrit au Canada.

Mesures prises

Pour un résumé du contenu des notes verbales envoyées par le Rapporteur spécial à l’État partie, se référer au rapport annuel du Comité (A/61/44).

Décision du Comité

Pendant l’examen de la question de la suite donnée à ses décisions, à sa trente ‑sixième session, le Comité a déploré que l’État partie ne se soit pas acquitté de ses obligations en vertu de l’article 3, et a conclu que l’État partie avait commis une violation de cet article qui lui fait obligation de ne pas «expulser», «refouler» ni «extrader» «une personne vers un autre État où il y a des motifs sérieux de croire qu’elle risque d’être soumise à la torture». Le dialogue se poursuit.

État partie

FRANCE

Affaire

Arana, 63/1997

Nationalité et pays de renvoi, le cas échéant

Espagnole; Espagne

Date d’adoption des constatations

9 novembre 1999

Questions soulevées et violations constatées

L’expulsion du requérant en Espagne a constitué une violation de l’article 3.

Mesures provisoires demandées et réponse de l’État partie

Demandées, et refusées par l’État partie, qui affirme avoir reçu la demande du Comité après avoir procédé à l’expulsion

Réparation recommandée

Mesures devant être prises par l’État partie

Date fixée pour la réponse de l’État partie

5 mars 2000

Date de la réponse

Dernière réponse en date reçue le 1 er septembre 2005

Réponse de l’État partie

Le 8 janvier 2001, l’État partie a fourni des informations sur la suite donnée à la décision du Comité, indiquant, entre autres, que depuis le 30 juin 2000 une nouvelle procédure administrative permettant la suspension d’une décision, y compris d’un arrêté d’expulsion, par une requête en référé est en vigueur. Pour un compte rendu complet de la réponse de l’État partie, se référer au rapport annuel du Comité (A/61/44).

Réponse du requérant

Le 6 octobre 2006, le conseil a répondu que le 17 janvier 1997, le Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT) avait rendu visite au requérant et indiqué que les allégations de mauvais traitement étaient crédibles. Le requérant a été condamné le 12 juin 1998 par l’ Audiencia Nacional à quatre ‑vingt ‑trois ans d’emprisonnement après avoir été reconnu coupable sur la base d’aveux faits sous la torture en violation des règles relatives à l’extradition. Les décisions de l’ Audiencia Nacional sont sans appel.

En outre, le conseil a indiqué que depuis la décision du Comité et par suite de nombreux actes de protestation, notamment des grèves de la faim de la part de nationalistes basques menacés d’expulsion de France en Espagne, les autorités françaises avaient cessé de remettre des personnes dans cette situation aux autorités espagnoles et se contentaient de les renvoyer en Espagne. Le 18 janvier 2001, le Ministre français de l’intérieur a, entre autres, déclaré que lorsque des nationalistes basques étaient sous le coup d’un mandat d’arrêt émis par les autorités espagnoles, ils ne pouvaient être expulsés que dans le cadre d’une procédure d’extradition.

Le Ministre a aussi déclaré que le recours à la torture et aux traitements inhumains par les forces de sécurité espagnoles à l’encontre des nationalistes basques accusés de terrorisme et la tolérance de tels traitements par les autorités espagnoles étaient corroborés par de nombreuses sources.

Décision du Comité

Étant donné que le requérant a été expulsé il y a près de dix ans, aucune autre mesure ne devrait être prise par le Comité pour suivre sa situation.

Affaire

Brada, 195/2003

Nationalité et pays de renvoi, le cas échéant

Algérienne; Algérie

Date d’adoption des constatations

17 mai 2005

Questions soulevées et violations constatées

Renvoi − articles 3 et 22

Mesures provisoires demandées et réponse de l’État partie

Demandées, mais refusées par l’État partie

Réparation recommandée

Indemniser le requérant de la violation de l’article 3 de la Convention et déterminer en consultation avec le pays vers lequel le requérant a été renvoyé (qui est aussi un État partie à la Convention) le lieu où se trouve le requérant et ses conditions de vie.

Date fixée pour la réponse de l’État partie

Néant

Date de la réponse

21 septembre 2005

Réponse de l’État partie

Comme suite à la demande d’informations sur les mesures prises pour donner suite aux constatations du Comité, adressée à l’État partie le 7 juin 2005, ce dernier a informé le Comité que le requérant serait autorisé à retourner en France s’il le souhaitait et qu’un permis spécial de résidence lui serait délivré en application de l’article L.523 ‑3 du Code relatif à l’entrée et au séjour des étrangers. Cette mesure est rendue possible par l’arrêt de la cour d’appel de Bordeaux en date du 18 novembre 2003, qui a annulé la décision du tribunal administratif de Limoges en date du 8 novembre 2001. Cette dernière décision avait confirmé que l’Algérie était le pays vers lequel le requérant devait être renvoyé. En outre, l’État partie a informé le Comité qu’il s’apprêtait à contacter les autorités algériennes par la voie diplomatique pour s’informer du lieu où se trouve le requérant et de sa situation.

Réponse du requérant

Aucune

Affaire

Tebourski, 300/2006

Nationalité et pays de renvoi, le cas échéant

Tunisie

Date d’adoption des constatations

1 er mai 2007

Questions soulevées et violations constatées

Renvoi − articles 3 et 22

Mesures provisoires demandées et réponse de l’État partie

Demandées et refusées par l’État partie

Réparation recommandée

Réparer la violation de l’article 3 et s’enquérir auprès des autorités tunisiennes quant au lieu où se trouve le requérant et à sa situation.

Date fixée pour la réponse de l’État partie

13 août 2007 (délai non encore échu)

État partie

PAYS ‑BAS

Affaire

Ali Jeljeli, 91/1997

Nationalité et pays de renvoi, le cas échéant

Tunisienne; Tunisie

Date d’adoption des constatations

13 novembre 1998

Questions soulevées et violations constatées

Renvoi − article 3

Mesures provisoires demandées et réponse de l’État partie

Demandées et acceptées par l’État partie

Réparation recommandée

L’État partie est tenu de s’abstenir de renvoyer de force le requérant en Tunisie ou vers un autre pays où il court un risque réel d’être expulsé ou renvoyé en Tunisie.

Date fixée pour la réponse de l’État partie

Néant

Date de la réponse

Néant

Réponse de l’État partie

Aucune information fournie

Réponse du requérant

Sans objet

État partie

NORVÈGE

Affaire

Dar, 249/2004

Nationalité et pays de renvoi, le cas échéant

Pakistanaise; Pakistan

Date d’adoption des constatations

11 mai 2007

Questions soulevées et violations constatées

Renvoi − article 22

Mesures provisoires demandées et réponse de l’État partie

Demandées mais pas accordées par l’État partie

Réparation recommandée

Aucune − l’État partie a déjà réparé la violation

Date fixée pour la réponse de l’État partie

Délai non encore échu (pas encore appliquée)

État partie

SÉNÉGAL

Affaire

Suleymane Guengueng et consorts, 181/2001

Nationalité et pays de renvoi, le cas échéant

Sans objet

Date d’adoption des constatations

17 mai 2006

Questions soulevées et violations constatées

Absence de poursuites − articles 5, paragraphe 2, et 7

Mesures provisoires demandées et réponse de l’État partie

Sans objet

Réparation recommandée

En application du paragraphe 5 de l’article 112 de son règlement intérieur, le Comité prie l’État partie de l’informer, dans un délai de quatre ‑vingt ‑dix jours à compter de la date de la transmission de la présente décision, des mesures qu’il aura prises en réponse aux constatations du Comité.

Date fixée pour la réponse de l’État partie

16 août 2006

Date de la réponse

8 mars 2007 (l’État partie avait déjà répondu le 18 août et le 28 septembre 2006)

Réponse de l’État partie

Le 18 août 2006, l’État partie a nié avoir violé la Convention et réitéré ses arguments quant au fond, dont celui avancé au sujet de l’article 5, à savoir que conformément à la Convention, un État partie n’est pas tenu de s’acquitter de ses obligations dans un délai particulier. La demande d’extradition a été examinée dans le cadre de la législation nationale applicable entre l’État partie et les États avec lesquels il est lié par un traité d’extradition. L’État partie a indiqué que toute autre façon de procéder en l’espèce aurait constitué une violation de la législation nationale. L’incorporation de l’article 5 à la législation nationale est arrivée à son dernier stade et le texte à incorporer sera examiné par l’autorité législative. L’État partie a expliqué qu’afin d’éviter un éventuel état d’impunité l’affaire a été soumise à l’Union africaine pour examen, et il n’y a donc pas eu de violation de l’article 7. Comme l’Union africaine ne l’a pas encore examinée, il est impossible pour l’instant d’indemniser les requérants.

Le 28 septembre 2006, l’État partie a informé le Comité que la Commission de juristes éminents de l’Union africaine avait pris la décision de charger le Sénégal de juger M. Habré. Il a indiqué que ses autorités judiciaires examinaient la faisabilité d’une telle mesure sous l’angle juridique et les éléments nécessaires d’un contrat relatif à la logistique et au financement qu’il pourrait signer avec l’Union africaine.

Le 7 mars 2007 l’État partie a fourni les informations à jour ci ‑après. Il a indiqué que le 9 novembre 2006 le Conseil des ministres avait adopté deux nouvelles lois relatives à la reconnaissance du génocide, des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité, ainsi que sur la compétence universelle et l’entraide judiciaire. L’adoption de ces lois comblait le vide juridique qui avait empêché l’État partie de se saisir de l’affaire Habré. Le 23 novembre 2006, un groupe de travail avait été créé aux fins d’examiner les mesures devant être prises pour assurer à M. Habré un procès équitable. Le groupe de travail a examiné les éléments suivants: textes de l’Assemblée nationale sur les modifications qu’il convenait d’apporter à la loi pour lever les obstacles mis en évidence lors de l’examen de la requête d’extradition, le 20 septembre 2005; cadre pour les changements nécessaires sur le plan de l’infrastructure, de la législation et de l’administration pour faire droit à la demande de l’Union africaine visant à assurer un procès équitable; mesures à prendre au niveau diplomatique pour assurer une coopération entre tous les États concernés ainsi qu’avec d’autres États et l’Union africaine; mesures de sécurité; soutien financier. Ces éléments ont fait l’objet d’un rapport présenté à l’Union africaine au cours de sa huitième session tenue les 29 et 30 janvier 2007. Le rapport a souligné la nécessité de mobiliser des ressources financières auprès de la communauté internationale.

Réponse des requérants

Le 9 octobre 2006 les requérants ont fait des commentaires au sujet des observations de l’État partie en date du 18 août 2006. Ils ont noté que l’État partie n’avait fourni aucune information quant aux mesures qu’il avait l’intention de prendre pour donner effet à la décision du Comité. Bien que trois mois se soient écoulés depuis la décision de l’Union africaine tendant à ce que le Sénégal juge M. Habré, l’État partie n’avait pas encore expliqué comment il entendait appliquer cette décision.

Le 24 avril 2007 les requérants ont répondu aux observations de l’État partie en date du 7 mars 2007. Ils ont remercié le Comité de sa décision et d’avoir mis en place une procédure de suivi qui était − ils en étaient convaincus − pour beaucoup dans les efforts de l’État partie pour donner effet à la décision. Ils ont salué les amendements que l’État partie avait dit avoir apporté aux dispositions de sa législation qui l’empêchaient de se saisir de l’affaire Habré.

Tout en reconnaissant les efforts consentis jusqu’à présent par l’État partie les requérants ont souligné que la décision du Comité n’avait pas encore été complètement appliquée et que l’affaire n’avait pas encore été soumise aux autorités compétentes. Ils ont également appelé l’attention sur ce qui suit:

1. La nouvelle législation porte sur le génocide, les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre mais pas sur la torture.

2. Comme l’État partie est tenu d’organiser un procès ou d’extrader M. Habré, la mesure qu’il doit prendre ne doit pas être subordonnée à l’obtention d’une aide financière. Les requérants présument que cette demande est faite pour garantir que le procès se déroule dans les meilleures conditions.

3. Quelle que soit la décision prise par l’Union africaine au sujet de cette affaire elle ne peut avoir d’incidence sur l’obligation qu’a l’État partie de reconnaître sa compétence en l’espèce et de soumettre l’affaire à la juridiction compétente.

État partie

SERBIE ‑ET ‑MONTÉNÉGRO

Affaire

Ristic, 113/1998

Nationalité et pays de renvoi, le cas échéant

Yougoslave

Date d’adoption des constatations

11 mai 2001

Questions soulevées et violations constatées

Absence d’enquête sur des actes présumés de torture imputés à la police − articles 12 et 13

Mesures provisoires demandées et réponse de l’État partie

Sans objet

Réparation recommandée

Exhortation de l’État partie à entreprendre sans délai les enquêtes nécessaires. Recours approprié.

Date fixée pour la réponse de l’État partie

6 janvier 1999

Date de la réponse

Dernière note verbale datée du 28 juillet 2006 (réponse précédente le 5 août 2005 − voir le rapport annuel du Comité, A/61/44).

Réponse de l’État partie

Le Comité rappellera que, sous couvert de sa note verbale du 5 août 2005, l’État partie a confirmé que le premier Tribunal municipal de Belgrade avait ordonné, dans sa décision du 30 décembre 2004, que les parents du requérant soient indemnisés. Toutefois, faisant l’objet d’un appel devant le tribunal de district de Belgrade, cette décision n’est ni effective ni exécutoire à ce stade. L’État partie a informé le Comité que le tribunal municipal avait jugé irrecevable la demande tendant à mener une enquête approfondie et impartiale sur les allégations de brutalités policières en tant que cause possible du décès de M. Ristic.

Le 28 juillet 2006, l’État partie a informé le Comité que le tribunal de district de Belgrade avait rejeté la plainte déposée par la République de Serbie et l’Union de la Serbie ‑et ‑Monténégro en mai 2005. Le 8 février 2006, la Cour suprême de Serbie a rejeté comme infondée la déclaration révisée de l’Union de la Serbie ‑et ‑Monténégro, statuant que cette dernière était tenue à s’acquitter des obligations qui lui incombaient en vertu de la Convention. L’Union a également été tenue responsable de l’absence d’enquête rapide impartiale et approfondie sur le décès de Milan Ristic.

Réponse du requérant

Le 25 mars 2005, le Comité a reçu du Centre de droit humanitaire de Belgrade des informations indiquant que le premier tribunal municipal de Belgrade avait ordonné à l’État partie de verser une indemnisation de un million de dinars aux parents du requérant pour ne pas avoir effectué une enquête rapide, impartiale et approfondie sur les causes du décès conformément à la décision du Comité contre la torture.

Affaire

Hajrizi Dzemajl et consorts, 161/2000

Nationalité et pays de renvoi, le cas échéant

Yougoslave

Date d’adoption des constatations

21 novembre 2002

Questions soulevées et violations constatées

Destruction et incendie de maisons, absence d’enquête et aucune indemnisation − articles 16, paragraphe 1, 12 et 13

Mesures provisoires demandées et réponse de l’État partie

Aucune

Réparation recommandée

Le Comite exhorte l’État partie à procéder à une enquête en bonne et due forme sur les faits survenus le 15 avril 1995, à poursuivre et sanctionner les personnes qui en seraient reconnues responsables et à accorder une réparation appropriée aux requérants, sous la forme d’une indemnisation équitable et suffisante.

Date fixée pour la réponse de l’État partie

Néant

Date de la réponse

Voir le document CAT/C/32/FU/1

Réponse de l’État partie

Voir le premier rapport sur les activités de suivi (CAT/C/32/FU/1). À la suite de la trente ‑troisième session et tout en se félicitant que l’État partie ait versé une indemnisation aux requérants pour les violations constatées, le Comité a jugé utile de rappeler à l’État partie son obligation de procéder à une enquête en bonne et due forme sur les faits survenus.

Réponse du requérant

Aucune

Affaire

Dimitrov, 171/2000

Nationalité et pays de renvoi, le cas échéant

Yougoslave

Date d’adoption des constatations

3 mai 2005

Questions soulevées et violations constatées

Torture et absence d’enquête − article 2, paragraphe 1, lu conjointement avec les articles 1 er , 12, 13 et 14

Mesures provisoires demandées et réponse de l’État partie

Sans objet

Réparation recommandée

Le Comité invite instamment l’État partie à mener une enquête en bonne et due forme sur les faits allégués par le requérant.

Date fixée pour la réponse de l’État partie

18 août 2005

Date de la réponse

Néant

Réponse de l’État partie

Aucune

Réponse du requérant

Sans objet

Affaire

Dimitrijevic, 172/2000

Nationalité et pays de renvoi, le cas échéant

Serbe

Date d’adoption des constatations

16 novembre 2005

Questions soulevées et violations constatées

Torture et absence d’enquête − articles 1 er , 2, paragraphe 1, 12, 13 et 14

Mesures provisoires demandées et réponse de l’État partie

Sans objet

Réparation recommandée

Le Comité invite instamment l’État partie à poursuivre quiconque est responsable des violations constatées et à accorder réparation au requérant et, conformément au paragraphe 5 de l’article 112 de son règlement intérieur, à informer le Comité, dans un délai de quatre ‑vingt ‑dix jours à compter de la date de transmission de la présente décision, des mesures qu’il aura prises conformément aux constatations du Comité.

Date fixée pour la réponse de l’État partie

26 février 2006

Date de la réponse

Néant

Réponse de l’État partie

Aucune

Réponse du requérant

Sans objet

Affaire

Nikolic, 174/2000

Nationalité et pays de renvoi, le cas échéant

Sans objet

Date d’adoption des constatations

24 novembre 2005

Questions soulevées et violations constatées

Absence d’enquête − articles 12 et 13

Mesures provisoires demandées et réponse de l’État partie

Sans objet

Réparation recommandée

Renseignements sur les mesures prises pour donner effet aux constatations du Comité, en particulier sur l’ouverture d’une enquête impartiale sur les circonstances du décès du fils des requérants.

Date fixée pour la réponse de l’État partie

27 février 2006

Date de la réponse

Néant

Réponse de l’État partie

Aucune

Réponse du requérant

Sans objet

Affaire

Dimitrijevic, Dragan, 207/2002

Nationalité et pays de renvoi, le cas échéant

Serbe

Date d’adoption des constatations

24 novembre 2004

Questions soulevées et violations constatées

Torture et absence d’enquête − article 2, paragraphe 1, lu conjointement avec les articles 1 er , 12, 13 et 14

Mesures provisoires demandées et réponse de l’État partie

Aucune

Réparation recommandée

Mener une enquête en bonne et due forme sur les faits allégués par le requérant.

Date fixée pour la réponse de l’État partie

Février 2005

Date de la réponse

Néant

Réponse de l’État partie

Aucune

Réponse du requérant

Le 1 er septembre 2005, le représentant du requérant a informé le Comité qu’il ressortait des vérifications qu’il venait d’effectuer que rien n’indiquait que l’État partie avait ouvert une enquête sur les faits allégués.

État partie

ESPAGNE

Affaire

Encarnación Blanco Abad, 59/1996

Nationalité et pays de renvoi, le cas échéant

Espagnole

Date d’adoption des constatations

14 mai 1998

Questions soulevées et violations constatées

Absence d’enquête − articles 12 et 13

Mesures provisoires demandées et réponse de l’État partie

Aucune

Réparation recommandée

Mesures appropriées

Date fixée pour la réponse de l’État partie

Néant

Date de la réponse

Néant

Réponse de l’État partie

Aucune information

Réponse du requérant

Sans objet

Affaire

Urra Guridi, 212/2002

Nationalité et pays de renvoi, le cas échéant

Espagnole

Date d’adoption des constatations

17 mai 2005

Questions soulevées et violations constatées

Absence de mesures pour prévenir et punir des actes de torture et assurer une réparation − articles 2, 4 et 14

Mesures provisoires demandées et réponse de l’État partie

Aucune

Réparation recommandée

L’État partie est prié instamment de faire en sorte de manière effective que les responsables des actes de torture soient dûment punis et d’assurer au requérant une pleine réparation.

Date fixée pour la réponse de l’État partie

18 août 2005

Date de la réponse

Néant

Réponse de l’État partie

Aucune information

Réponse du requérant

Sans objet

État partie

SUÈDE

Affaire

Tapia Páez, 39/1996

Nationalité et pays de renvoi, le cas échéant

Péruvienne; Pérou

Date d’adoption des constatations

28 avril 1997

Questions soulevées et violations constatées

Renvoi − article 3

Mesures provisoires demandées et réponse de l’État partie

Demandées et acceptées par l’État partie

Réparation recommandée

L’État partie est tenu de s’abstenir de renvoyer de force M. Gorki Ernesto Tapia Páez au Pérou.

Date fixée pour la réponse de l’État partie

Néant

Date de la réponse

23 août 2005

Réponse de l’État partie

En réponse à la demande d’informations sur la suite donnée aux constatations qui lui avait été adressée, l’État partie a fait savoir le 25 mai 2005 que le requérant s’était vu délivrer un permis de séjour permanent le 23 juin 1997.

Réponse du requérant

Aucune

Décision du Comité

Il est mis fin à la procédure de suivi, étant donné que l’État partie s’est conformé à la décision du Comité.

Affaire

Kisoki, 41/1996

Nationalité et pays de renvoi, le cas échéant

Ressortissante de la République démocratique du Congo; République démocratique du Congo

Date d’adoption des constatations

8 mai 1996

Questions soulevées et violations constatées

Renvoi − article 3

Mesures provisoires demandées et réponse de l’État partie

Demandées et acceptées par l’État partie

Réparation recommandée

L’État partie est tenu de s’abstenir de renvoyer de force M me Pauline Muzonzo Paku Kisoki en République démocratique du Congo.

Date fixée pour la réponse de l’État partie

Néant

Date de la réponse

23 août 2005

Réponse de l’État partie

En réponse à la demande d’informations sur la suite donnée aux constatations du Comité qui lui avait été adressée le 25 mai 2005, l’État partie a fait savoir qu’il avait délivré à la requérante un permis de séjour permanent le 7 novembre 1996.

Réponse du requérant

Aucune

Décision du Comité

Il est mis fin à la procédure de suivi, étant donné que l’État partie s’est conformé à la décision du Comité.

Affaire

Tala, 43/1996

Nationalité et pays de renvoi, le cas échéant

Iranienne; Iran

Date d’adoption des constatations

15 novembre 1996

Questions soulevées et violations constatées

Renvoi − article 3

Mesures provisoires demandées et réponse de l’État partie

Demandées et acceptées par l’État partie

Réparation recommandée

L’État partie est tenu de s’abstenir de renvoyer de force M. Kaveh Yaragh Tala en Iran.

Date fixée pour la réponse de l’État partie

Néant

Date de la réponse

23 août 2005

Réponse de l’État partie

En réponse à la demande d’informations sur la suite donnée aux constatations du Comité qui lui avait été adressée le 25 mai 2005, l’État partie a fait savoir que le requérant avait obtenu un permis de séjour permanent le 18 février 1997.

Réponse du requérant

Aucune

Décision du Comité

Aucune autre mesure n’est nécessaire dans le cadre de la procédure de suivi, étant donné que l’État partie s’est conformé à la décision du Comité.

Affaire

Avedes Hamayak Korban, 88/1997

Nationalité et pays de renvoi, le cas échéant

Iraquienne; Iraq

Date d’adoption des constatations

16 novembre 1998

Questions soulevées et violations constatées

Renvoi − article 3

Mesures provisoires demandées et réponse de l’État partie

Demandées et acceptées par l’État partie

Réparation recommandée

L’État partie est tenu de s’abstenir de renvoyer le requérant en Iraq. Il est aussi tenu de s’abstenir de renvoyer le requérant en Jordanie d’où il risque d’être expulsé vers l’Iraq.

Date fixée pour la réponse de l’État partie

Néant

Date de la réponse

23 août 2005

Réponse de l’État partie

En réponse à la demande d’informations sur la suite donnée aux constatations qui lui avait été adressée le 25 mai 2005, l’État partie a fait savoir que le requérant avait obtenu un permis de séjour permanent le 18 février 1999.

Réponse du requérant

Aucune

Décision du Comité

Il est mis fin à la procédure de suivi, étant donné que l’État partie s’est conformé à la décision du Comité.

Affaire

Ali Falakaflaki, 89/1997

Nationalité et pays de renvoi, le cas échéant

Iranienne; Iran

Date d’adoption des constatations

8 mai 1998

Questions soulevées et violations constatées

Renvoi − article 3

Mesures provisoires demandées et réponse de l’État partie

Demandées et acceptées par l’État partie

Réparation recommandée

L’État partie est tenu de s’abstenir de renvoyer de force M. Ali Falakaflaki en République islamique d’Iran.

Date fixée pour la réponse de l’État partie

Néant

Date de la réponse

23 août 2005

Réponse de l’État partie

En réponse à la demande d’informations sur la suite donnée aux constatations du Comité qui lui avait été adressée le 25 mai 2005, l’État partie a fait savoir que le requérant avait obtenu un permis de séjour permanent le 17 juillet 1998.

Réponse du requérant

Aucune

Décision du Comité

Il est mis fin à la procédure de suivi, étant donné que l’État partie s’est conformé à la décision du Comité.

Affaire

Orhan Ayas, 97/1997

Nationalité et pays de renvoi, le cas échéant

Turque; Turquie

Date d’adoption des constatations

12 novembre 1998

Questions soulevées et violations constatées

Renvoi − article 3

Mesures provisoires demandées et réponse de l’État partie

Demandées et acceptées par l’État partie

Réparation recommandée

L’État partie est tenu de s’abstenir de renvoyer de force le requérant en Turquie ou dans tout autre pays d’où il risque d’être expulsé ou renvoyé en Turquie.

Date fixée pour la réponse de l’État partie

Néant

Date de la réponse

23 août 2005

Réponse de l’État partie

En réponse à la demande d’informations sur la suite donnée aux constatations qui lui avait été adressée le 25 mai 2005, l’État partie a fait savoir que le requérant avait obtenu un permis de séjour permanent le 8 juillet 1999.

Réponse du requérant

Aucune

Décision du Comité

Il est mis fin à la procédure de suivi, étant donné que l’État partie s’est conformé à la décision du Comité.

Affaire

Halil Haydin, 101/1997

Nationalité et pays de renvoi, le cas échéant

Turque; Turquie

Date d’adoption des constatations

20 novembre 1998

Questions soulevées et violations constatées

Renvoi − article 3

Mesures provisoires demandées et réponse de l’État partie

Demandées et acceptées par l’État partie

Réparation recommandée

L’État partie est tenu de s’abstenir de renvoyer de force le requérant en Turquie ou dans tout autre pays d’où il risque d’être expulsé ou renvoyé en Turquie.

Date fixée pour la réponse de l’État partie

Néant

Date de la réponse

23 août 2005

Réponse de l’État partie

En réponse à la demande d’informations sur la suite donnée aux constatations qui lui avait été adressée le 25 mai 2005, l’État partie a fait savoir que le requérant avait obtenu un permis de séjour permanent le 19 février 1999.

Réponse du requérant

Aucune

Décision du Comité

Il est mis fin à la procédure de suivi, étant donné que l’État partie s’est conformé à la décision du Comité.

Affaire

A. S., 149/1999

Nationalité et pays de renvoi, le cas échéant

Iranienne; Iran

Date d’adoption des constatations

24 novembre 2000

Questions soulevées et violations constatées

Renvoi − article 3

Mesures provisoires demandées et réponse de l’État partie

Demandées et acceptées par l’État partie

Réparation recommandée

L’État partie est tenu de s’abstenir de renvoyer de force le requérant en Iran ou dans tout autre pays d’où il risque d’être expulsé ou renvoyé en Iran.

Date fixée pour la réponse de l’État partie

Néant

Date de la réponse

22 février 2001

Réponse de l’État partie

L’État partie a informé le Comité que, le 30 janvier 2001, la Commission de recours des étrangers avait examiné une nouvelle demande de permis de séjour présentée par le requérant. La Commission avait décidé d’accorder au requérant un permis de séjour permanent en Suède et d’annuler l’arrêté d’expulsion. La Commission avait également accordé au fils de l’auteur un permis de séjour permanent.

Réponse du requérant

Aucune

Décision du Comité

Il est mis fin à la procédure de suivi, étant donné que l’État partie s’est conformé à la décision du Comité.

Affaire

Chedli Ben Ahmed Karoui, 185/2001

Nationalité et pays de renvoi, le cas échéant

Tunisienne; Tunisie

Date d’adoption des constatations

8 mai 2002

Questions soulevées et violations constatées

Renvoi − article 3

Mesures provisoires demandées et réponse de l’État partie

Demandées et acceptées par l’État partie

Réparation recommandée

Aucune

Date fixée pour la réponse de l’État partie

Néant

Date de la réponse

23 août 2005

Réponse de l’État partie

Aucune autre mesure de suivi n’est requise. Voir le premier rapport sur les activités de suivi (CAT/C/32/FU/1) dans lequel il était indiqué que, le 4 juin 2002, le Conseil des migrations avait annulé les arrêtés d’expulsion pris contre le requérant et sa famille et qu’un permis de séjour leur avait été accordé.

Réponse du requérant

Aucune

Décision du Comité

Il est mis fin à la procédure de suivi, étant donné que l’État partie s’est conformé à la décision du Comité.

Affaire

Tharina, 226/2003

Nationalité et pays de renvoi, le cas échéant

Bangladaise; Bangladesh

Date d’adoption des constatations

6 mai 2005

Questions soulevées et violations constatées

Renvoi − article 3

Mesures provisoires demandées et réponse de l’État partie

Demandées et acceptées par l’État partie

Réparation recommandée

Compte tenu des circonstances particulières de la cause, l’expulsion du requérant et de sa fille constituerait une violation de l’article 3 de la Convention. Le Comité souhaite être informé, dans un délai de quatre-vingt-dix jours à compter de la date de la transmission de la présente décision, des mesures qui auront été prises pour donner suite à ses constatations.

Date fixée pour la réponse de l’État partie

15 août 2005

Date de la réponse

17 août 2005 (la réponse n’a pas été reçue par le HCDH. L’État partie l’a donc de nouveau envoyé le 29 juin 2006)

Réponse de l’État partie

Le 20 juin 2005, la Commission a décidé d’annuler l’arrêté d’expulsion concernant la requérante et sa fille et a décidé de leur accorder un permis de résidence.

Réponse du requérant

Aucune

Décision du Comité

Il est mis fin à la procédure de suivi, étant donné que l’État partie s’est conformé à la décision du Comité.

Affaire

Agiza, 233/2003

Nationalité et pays de renvoi, le cas échéant

Égyptienne; Égypte

Date d’adoption des constatations

20 mai 2005

Questions soulevées et violations constatées

Expulsion − double violation de l’article 3 (de fond et de procédure) et double violation de l’article 22

Mesures provisoires demandées et réponse de l’État partie

Aucune

Réparation recommandée

Conformément au paragraphe 5 de l’article 112 de son règlement intérieur, le Comité demande à l’État partie de l’informer, dans un délai de quatre-vingt-dix jours à compter de la date de la transmission de la présente décision, des mesures qu’il aura prises comme suite aux constatations énoncées plus haut. L’État partie est aussi tenu d’éviter que des violations similaires ne se reproduisent.

Date fixée pour la réponse de l’État partie

20 août 2005

Date de la réponse

Dernières informations reçues le 1 er septembre 2006 (réponse précédente le 18 août 2005 − Rapport annuel du Comité, A/61/44)

Réponse de l’État partie

Le Comité rappelle les observations de l’État partie concernant le suivi, dans lesquelles ce dernier a mentionné, entre autres, l’adoption d’une nouvelle loi sur les étrangers et le suivi continu de la situation du requérant par le personnel de l’ambassade de Suède au Caire. Se référer au rapport annuel du Comité (A/61/44) pour un résumé complet de ces observations.

Le 1 er septembre 2006, l’État partie a fourni des renseignements à jour sur le suivi de la situation du requérant. Il a indiqué que depuis son dernier rapport de suivi, le personnel de l’ambassade de Suède a rendu sept fois visite à M. Agiza, la dernière en date ayant eu lieu le 7 août 2006. M. Agiza était constamment de bonne humeur et recevait régulièrement la visite de sa mère, qui était parfois accompagnée par son frère. Il se rend régulièrement à l’hôpital et son dos et son genou vont mieux. Il a subi une radio de la colonne vertébrale en février et le résultat a été jugé satisfaisant. Selon les informations disponibles, son état de santé est stable et il se rend à l’hôpital de Manial une fois par semaine pour une physiothérapie.

Des membres du Conseil national égyptien des droits de l’homme ont rendu visite à M. Agiza pour la deuxième fois. L’ambassade n’a pas encore reçu leur rapport. À cette occasion, M. Agiza s’est plaint des conditions de son transport entre la prison et l’hôpital, qu’il a qualifiées d’inconfortables et de fatigantes, en particulier pendant les mois de l’été. Il a indiqué qu’il avait adressé une plainte à ce propos au Conseil. Un médecin de cet organisme lui avait rendu visite. M. Agiza a déclaré qu’il n’avait aucune nouvelle plainte à formuler depuis sa dernière visite. Il a toutefois affirmé que des gardiens de la prison l’avaient menacé de l’abattre s’il essayait de s’évader pendant son transport à l’hôpital. Sa mère aussi s’est plainte maintes fois dans ses lettres au Ministère de l’intérieur et au service de sécurité à propos de sa santé. L’État partie fait observer qu’il y a de grandes différences entre les déclarations faites par M. Agiza à l’ambassade de Suède et celles de sa mère. Le service de sécurité égyptien dément, quant à lui, que M. Agiza ait été menacé. Le personnel de l’ambassade de Suède a à ce jour visité 39 fois M. Agiza et continuera de lui rendre visite.

Réponse du requérant

Le 31 octobre 2006, le conseil du requérant a répondu aux observations de l’État partie. Il a indiqué qu’il avait eu une réunion avec l’ambassade de Suède le 24 janvier 2006. Au cours de cette réunion, le conseil avait souligné qu’il était essentiel que l’ambassade continue de rendre régulièrement visite à M. Agiza. Selon les informations dont il disposait, le traitement prodigué au requérant à la suite de son opération du dos n’avait pas été suffisant en sorte qu’il ne s’était pas bien rétabli. L’ambassade a promis de continuer de souligner par la voie diplomatique la nécessité d’assurer au requérant les soins médicaux nécessaires. Toutefois, elle était réticente à demander au Gouvernement égyptien d’autoriser M. Agiza à parler au téléphone à sa femme et à ses enfants qui continuaient de vivre en Suède en tant que réfugiés. L’Ambassadeur s’est montré peu précis quant à la possibilité que la Suède demande que le requérant soit rejugé. Le conseil a argué que le procès d’avril 2004 n’avait pas été équitable et a aussi demandé que soit levée l’interdiction de retourner en Suède faite au requérant au cas où il serait libéré dans l’avenir. Selon l’Ambassadeur, cela dépendait du Conseil des migrations. Le conseil a demandé à l’État partie d’examiner la possibilité d’organiser un procès en Suède ou d’autoriser M. Agiza à exécuter le reste de sa peine dans ce pays (comme l’avait suggéré le Rapporteur spécial sur la question de la torture) mais l’État partie a répondu que cela n’était pas possible. En outre des demandes d’indemnisation ex gratia ont été rejetées et il a été suggéré qu’une requête officielle soit déposée au titre de la loi sur l’indemnisation. Ce qui a été fait.

Selon le conseil, bien que le suivi assuré par l’État partie soit satisfaisant, ses efforts restaient dans l’ensemble insuffisants, s’agissant notamment du souhait du requérant de parler à sa famille en Suède, d’être rejugé, etc.

Affaire

C. T. et K. M., 279/2005

Nationalité et pays de renvoi, le cas échéant

Rwandaise; Rwanda

Date d’adoption des constatations

17 novembre 2006

Questions soulevées et violations constatées

Renvoi − article 3

Mesures provisoires demandées et réponse de l’État partie

Demandées et acceptées par l’État partie

Réparation recommandée

Le renvoi des requérants au Rwanda constituerait une violation de l’article 3 de la Convention. Conformément au paragraphe 5 de l’article 12 de son règlement intérieur, le Comité demande instamment à l’État partie de l’informer, dans un délai de quatre ‑vingt ‑dix jours à compter de la date de transmission de la décision susmentionnée, des mesures qu’il aura prises pour l’appliquer.

Date fixée pour la réponse de l’État partie

1 er mars 2007

Date de la réponse

19 février 2007

Réponse de l’État partie

Le 29 janvier 2007, le Conseil des migrations a décidé d’accorder aux requérants des permis de résident permanent. Les requérants ont obtenu le statut de réfugié et des documents de voyage.

Décision de la Commission

Il est mis fin à la procédure de suivi étant donné que l’État partie s’est conformé à la décision du Comité.

État partie

SUISSE

Affaire

Mutombo, 13/1993

Nationalité et pays de renvoi, le cas échéant

Zaïroise; Zaïre

Date d’adoption des constatations

27 avril 1994

Questions soulevées et violations constatées

Renvoi − article 3

Mesures provisoires demandées et réponse de l’État partie

Demandées et acceptées par l’État partie

Réparation recommandée

L’État partie est tenu de s’abstenir d’expulser M. Mutombo au Zaïre ou vers tout autre pays où il risque d’être expulsé ou renvoyé au Zaïre ou d’être soumis à la torture.

Date fixée pour la réponse de l’État partie

Néant

Date de la réponse

25 mai 2005

Réponse de l’État partie

En réponse à une demande d’informations sur la suite donnée à la décision du Comité qui lui avait été adressée le 25 mars 2005, l’État partie a fait savoir qu’en raison du caractère illégal de la décision de renvoi le requérant avait obtenu un visa temporaire le 21 juin 1994. Par la suite, ayant épousé une femme de nationalité suisse, il s’était vu délivrer un permis de séjour le 20 juin 1997.

Réponse du requérant

Aucune

Décision du Comité

Il est mis fin à la procédure de suivi, étant donné que l’État partie s’est conformé à la décision du Comité.

Affaire

Alan, 21/1995

Nationalité et pays de renvoi, le cas échéant

Turque; Turquie

Date d’adoption des constatations

8 mai 1996

Questions soulevées et violations constatées

Renvoi − article 3

Mesures provisoires demandées et réponse de l’État partie

Demandées et acceptées par l’État partie

Réparation recommandée

L’État partie est tenu de s’abstenir de renvoyer de force M. Ismail Alan en Turquie.

Date fixée pour la réponse de l’État partie

Néant

Date de la réponse

25 mai 2005

Réponse de l’État partie

En réponse à la demande d’informations concernant le suivi qui lui avait été adressée par le Comité le 25 mars 2005, l’État partie a informé ce dernier que le requérant avait obtenu l’asile en application d’une décision prise le 14 janvier 1999.

Réponse du requérant

Aucune

Décision du Comité

Il est mis fin à la procédure de suivi, étant donné que l’État partie s’est conformé à la décision du Comité.

Affaire

Aemei, 34/1995

Nationalité et pays de renvoi, le cas échéant

Iranienne; Iran

Date d’adoption des constatations

29 mai 1997

Questions soulevées et violations constatées

Renvoi − article 3

Mesures provisoires demandées et réponse de l’État partie

Demandées et acceptées par l’État partie

Réparation recommandée

L’État partie est tenu de s’abstenir de renvoyer de force le requérant (et sa famille) en Iran ou dans tout autre pays où ils courent un risque réel d’être expulsés ou renvoyés en Iran.

La constatation d’une violation de l’article 3 de la Convention par le Comité n’affecte en aucune manière la ou les décisions des autorités nationales compétentes d’octroyer ou de refuser l’asile. La constatation d’une violation de l’article 3 de la Convention a un caractère déclaratoire. L’État partie n’est pas, par conséquent, tenu de modifier sa ou ses décisions quant à l’octroi de l’asile; il lui appartient par contre de rechercher des solutions qui lui permettront de prendre toutes mesures utiles pour se conformer aux dispositions de l’article 3 de la Convention. Ces solutions pourront être non seulement de nature juridique (par exemple, admission provisoire du requérant) mais également de nature politique (par exemple, recherche d’un État tiers prêt à accueillir le requérant sur son territoire et s’engageant à ne pas le refuser ou l’expulser à son tour).

Date fixée pour la réponse de l’État partie

Néant

Date de la réponse

25 mai 2005

Réponse de l’État partie

En réponse à la demande d’informations sur les mesures de suivi qui lui avait été adressée le 25 mars 2005, l’État partie a fait savoir que les requérants avaient été admis en tant que réfugiés le 8 juillet 1997. Le 5 juin 2003, ils avaient obtenu des permis de séjour pour des raisons humanitaires. De ce fait, M. Aemei avait renoncé au statut de réfugié à la même date. Un de ses enfants avait acquis la nationalité suisse.

Réponse du requérant

Aucune

Décision du Comité

Il est mis fin à la procédure de suivi, étant donné que l’État partie s’est conformé à la décision du Comité.

Réponse du requérant

Aucune

Décision du Comité

Il est mis fin à la procédure de suivi, étant donné que l’État partie s’est conformé à la décision du Comité.

Affaire

Losizkaja, 262/2005

Nationalité et pays de renvoi, le cas échéant

Bélarussienne; Bélarus

Date d'adoption des constatations

20 novembre 2006

Questions soulevées et violations constatées

Renvoi − article 3

Mesures provisoires demandées et réponse de l’État partie

Demandées et acceptées par l’État partie

Réparation recommandée

Le renvoi de la requérante au Bélarus constituerait une violation de l’article 3 de la Convention. Le Comité engage instamment l’État partie, en application du paragraphe 5 de l’article 112 de son règlement intérieur, à l’informer, dans un délai de quatre ‑vingt ‑dix jours à compter de la date de la transmission de la présente décision, des mesures qu’il aura prises pour donner effet aux constatations formulées ci ‑dessus.

Date fixée pour la réponse de l’État partie

27 février 2007

Date de la réponse

23 mars 2007

Réponse de l’État partie

L’État partie a informé le Comité que la requérante avait été autorisée à rester en Suisse (le type de permis octroyé n’est pas précisé) et ne risque plus d’être renvoyée au Bélarus.

Décision du Comité

Il est mis fin à la procédure de suivi étant donné que l’État partie s’est conformé à la décision du Comité.

Affaire

El Rgeig, 280/2005

Nationalité et pays de renvoi, le cas échéant

Libyen; Jamahiriya arabe libyenne

Date d’adoption des constatations

15 novembre 2006

Questions soulevées et violations constatées

Renvoi − article 3

Mesures provisoires demandées et réponse de l’État partie

Demandées et acceptées par l’État partie

Réparation recommandée

Le renvoi du requérant en Jamahiriya arabe libyenne constituerait une violation par la Suisse des droits qui lui sont reconnus à l’article 3 de la Convention. Le Comité invite l’État partie à l’informer, dans un délai de quatre ‑vingt ‑dix jours à compter de la date de la transmission de la présente décision, des mesures qu’il aura prises pour donner effet aux constatations ci ‑dessus.

Date fixée pour la réponse de l’État partie

26 février 2007

Date de la réponse

19 janvier 2007

Réponse de l’État partie

Le 17 janvier 2007, l’Office fédéral des migrations a partiellement revu sa décision du 5 mars 2004. Le requérant a, à présent, obtenu le statut de réfugié et ne risque plus d’être renvoyé en Libye.

Décision du Comité

Il est mis fin à la procédure de suivi étant donné que l’État partie s’est conformé à la décision du Comité.

État partie

TUNISIE

Affaire

M’Barek, 60/1996

Nationalité et pays de renvoi, le cas échéant

Tunisienne

Date d’adoption des constatations

10 novembre 2004

Questions soulevées et violations constatées

Absence d’enquête − articles 12 et 13

Mesures provisoires demandées et réponse de l’État partie

Aucune

Réparation recommandée

Le Comité invite l’État partie à l’informer, dans un délai de quatre-vingt-dix jours, des mesures qu’il aura prises en réponse à ses observations.

Date fixée pour la réponse de l’État partie

22 février 2000

Date de la réponse

15 avril 2002

Réponse de l’État partie

Voir le premier rapport sur les activités de suivi (CAT/C/32/FU/1). L’État partie a contesté la décision du Comité. À sa trente ‑troisième session, le Comité a recommandé au Rapporteur spécial d’organiser une réunion avec un représentant de l’État partie.

Réponse du requérant

Aucune

Consultations avec l’État partie

Voir plus loin rubrique sur les consultations avec l’Ambassadeur de Tunisie en date du 25 novembre 2005

Affaires

Thabti, Abdelli, Ltaief, 187/2001, 188/2001 et 189/2001

Nationalité et pays de renvoi, le cas échéant

Tunisienne

Date d’adoption des constatations

20 novembre 2003

Questions soulevées et violations constatées

Absence d’enquête − articles 12 et 13

Mesures provisoires demandées et réponse de l’État partie

Aucune

Réparation recommandée

Enquêter sur les allégations de torture et de mauvais traitements du requérant et informer le Comité, dans un délai de quatre-vingt-dix jours à compter de la date de la transmission de la décision, des mesures prises en réponse aux constatations du Comité.

Date fixée pour la réponse de l’État partie

23 février 2004

Date de la réponse

16 mars 2004 et 26 avril 2006

Réponse de l’État partie

Voir le premier rapport sur les activités de suivi (CAT/C/32/FU/1). Le 16 mars 2004, l’État partie a contesté la décision du Comité. À sa trente ‑troisième session, le Comité a demandé au Rapporteur spécial d’organiser une réunion avec un représentant de l’État partie. Un entretien a eu lieu et est résumé ci ‑après.

Le 26 avril 2006, l’État partie a envoyé une réponse complémentaire. Il indiquait qu’en date du 31 mai 2005 un des requérants (requête n o 189/2001) avait «retiré» sa requête, ce qui selon l’État partie jetait un doute sur les motifs réels des auteurs des trois autres requêtes (n os  187/2001, 188/2001 et 189/2001). L’État partie réaffirme ses précédents arguments et fait valoir que le retrait de la requête du requérant corrobore son affirmation selon laquelle la requête représente un abus de procédure, les auteurs n’ayant pas épuisé les recours internes, et que l’ONG qui représente les requérants n’est pas de bonne foi.

Réponse du requérant

Un des requérants (requête n o  189/2001) a adressé au secrétariat une lettre datée du 31 mai 2005 dans laquelle il demande que son cas soit «classé» et joint une lettre par laquelle il renonce au statut de réfugié en Suisse.

Le 8 août 2006, la lettre de l’auteur datée du 31 mai 2005 a été envoyée aux deux autres requérants (auteurs des requêtes n o s 187/2001 et 188/2001) pour commentaires. Le 12 décembre 2006, les deux requérants ont répondu, exprimant leur surprise, que le requérant ait «retiré» sa plainte sans donner de raison. Ils n’ont pas exclu que sa décision soit le résultat de pressions exercées par les autorités tunisiennes. Ils ont insisté sur la légitimité de leur propre plainte et encouragé le Comité à en continuer l’examen dans le cadre de la procédure de suivi.

Le 12 décembre 2006, après avoir reçu des deux requérants une copie de la lettre de «retrait» du premier requérant, en date du 31 mai 2005, le représentant de ce dernier s’est déclaré surpris par ce retrait présumé, qu’il attribue lui aussi à des pressions exercées sur le requérant et sa famille et à des menaces reçues des autorités de l’État partie. Cela est, selon lui, évident au vu de la manière dont la requête a été retirée. Ce retrait ne change rien aux faits de la cause et ne décharge pas ceux qui ont torturé le requérant de leur responsabilité. Le représentant du requérant regrette le retrait et encourage le Comité à continuer d’examiner l’affaire dans le cadre de la procédure de suivi.

Consultations avec l’État partie

Le 25 novembre 2005, le Rapporteur spécial chargé du suivi s’est entretenu avec l’Ambassadeur de Tunisie à propos des affaires n os 187/2001, 188/2001 et 189/2001. Le Rapporteur a expliqué la procédure de suivi. L’Ambassadeur a mentionné une lettre datée du 31 mai 2005, envoyée au Haut ‑Commissariat aux droits de l’homme par M. Ltaief Bouabdallah, auteur de la requête n o  189/2001. Dans cette lettre, le requérant affirme vouloir «retirer» sa requête et joint une lettre par laquelle il renonce au statut de réfugié en Suisse. L’Ambassadeur a déclaré que l’auteur avait contacté l’ambassade pour obtenir un passeport et qu’il s’employait à épuiser les recours internes en Tunisie. Il continue de résider en Suisse, les autorités de ce pays l’ayant autorisé à y demeurer bien qu’il ait renoncé au statut de réfugié. Pour ce qui est des deux autres affaires, le Rapporteur a expliqué que chaque cas devrait être traité séparément et que le Comité avait demandé que des enquêtes soient effectuées. L’Ambassadeur a demandé au Comité pourquoi il avait jugé approprié d’examiner le fond de l’affaire alors que l’État partie était d’avis que les recours internes n’avaient pas été épuisés. Le Rapporteur a expliqué que le Comité avait estimé que les mesures mentionnées par l’État partie n’étaient pas efficaces comme le montre le fait qu’il n’y a eu aucune enquête sur ces affaires plus de dix ans après que les allégations eurent été formulées.

L’Ambassadeur a confirmé qu’il transmettrait les préoccupations du Comité et sa demande d’enquête sur les requêtes n os  187/2001 et 188/2001 à l’État partie et tiendrait le Comité au courant de toute mesure qui serait prise.

État partie

VENEZUELA (République bolivarienne du)

Affaire

Chipana, 110/1998

Nationalité et pays de renvoi, le cas échéant

Péruvienne; Pérou

Date d’adoption des constatations

10 novembre 1998

Questions soulevées et violations constatées

L’extradition du requérant vers le Pérou a constitué une violation de l’article 3.

Mesures provisoires demandées et réponse de l’État partie

Demandées, mais refusées par l’État partie

Réparation recommandée

Aucune

Date fixée pour la réponse de l’État partie

7 mars 1999

Date de la réponse

Dernière réponse en date du 9 novembre 2005

Réponse de l’État partie

Le 13 juin 2001 (voir le rapport de situation présenté à la trente ‑quatrième session), l’État partie a rendu compte des conditions de détention de la requérante dans la prison de Chorrillos à Lima. Le 23 novembre 2000, l’Ambassadeur du Venezuela au Pérou et des représentants de l’administration péruvienne avaient rendu visite à la requérante en prison. L’équipe, qui s’était entretenue avec la requérante pendant cinquante minutes, avait appris que celle ‑ci n’avait été soumise à aucun mauvais traitement physique ou psychologique. L’équipe avait constaté que la détenue semblait en bonne santé. Elle avait été transférée en septembre 2000 du quartier de sécurité maximale au quartier de «sécurité moyenne spéciale» où elle bénéficiait de certains privilèges tels qu’une heure supplémentaire de visite, deux heures quotidiennes de promenade et la possibilité de travailler et d’avoir des activités éducatives.

Par une note verbale datée du 18 octobre 2001, l’État partie a transmis un deuxième rapport, daté du 27 août 2001, établi par le Défenseur du peuple, sur les conditions de détention de la requérante. Il rendait compte d’une visite effectuée auprès de la requérante en prison le 14 juin 2001 par un membre de l’ambassade du Venezuela au Pérou et par un responsable de l’administration pénitentiaire péruvienne. La requérante avait indiqué que ses conditions de détention s’étaient améliorées et qu’elle pouvait voir sa famille plus souvent. Elle envisageait de faire appel de la sentence. D’après le Défenseur du peuple, la requérante avait été transférée du quartier de «sécurité moyenne spéciale» au quartier de «sécurité moyenne» où le régime était plus favorable. En outre, depuis le 4 décembre 2000, toutes les prisons de haute sécurité du pays appliquaient un nouveau régime: a) Visites: suppression des boxes. Les visites de la famille ou d’amis ne faisaient l’objet d’aucune restriction. b) Médias: l’accès à tous les médias ne faisait plus l’objet de la moindre restriction. c) Avocats: ils pouvaient visiter leurs clients quatre fois par semaine sans restriction. d) Cour intérieure: liberté de circulation jusqu’à 22 heures. Le Défenseur concluait que la requérante bénéficiait de conditions de détention plus souples du fait de sa situation personnelle et du nouveau régime en vigueur depuis le 4 décembre 2000. En outre, son état de santé était satisfaisant même si elle souffrait d’une dépression. Elle n’avait été soumise à aucun mauvais traitement physique ou psychologique, recevait la visite de sa famille chaque semaine et participait à des activités professionnelles et éducatives en prison.

Le 9 décembre 2005, l’État partie informait le Comité que le 23 novembre 2005 des membres de l’ambassade du Venezuela au Pérou avaient rendu visite à M me  Nuñez Chipana dans la prison de haute sécurité pour femmes de Chorrillos à Lima. Selon la note, les autorités vénézuéliennes s’employaient à empêcher que la requérante ne soit condamnée à mort, à la réclusion à perpétuité ou à une peine de plus de trente ans d’emprisonnement ou soumise à la torture ou à des mauvais traitements. Dans ses discussions avec les membres de l’ambassade, la requérante avait regretté que les autorités péruviennes de Chorrillos aient refusé d’autoriser son frère qui était venu du Venezuela à lui rendre visite. Elle avait indiqué qu’elle bénéficiait de soins médicaux, qu’elle pouvait recevoir des visites de son fils et qu’elle était soumise à un régime pénitentiaire qui imposait le minimum de restrictions aux détenus. Elle avait ajouté qu’elle avait reçu tous les six mois des visites de membres de l’ambassade du Venezuela au Pérou. L’État partie fait observer que la situation au Pérou avait changé depuis que le Comité avait pris sa décision. Il n’y avait plus de pratique systématique de la torture, et le Gouvernement s’employait à dédommager les

victimes des violations des droits de l’homme commises par l’ancien régime. La requérante avait reçu des visites régulières et n’avait pas été victime de tortures ni de mauvais traitements. L’État partie a estimé qu’il s’était acquitté de l’obligation d’assurer, en exerçant sa surveillance, que la requérante ne fasse pas l’objet d’un traitement ou d’une peine contraires à la Convention.

Le Gouvernement a considéré également qu’il avait appliqué la recommandation tendant à ce que des violations similaires soient évitées à l’avenir. Il a informé le Comité que, depuis l’adoption de la loi sur les réfugiés en 2001, la nouvelle Commission nationale pour les réfugiés examinait dans les règles toutes les demandes d’asile ainsi que les dossiers d’expulsion.

Le Gouvernement a demandé au Comité de déclarer qu’il s’était conformé aux recommandations du Comité et de le décharger de l’obligation de surveiller la situation de la requérante au Pérou.

Réponse du requérant

Aucune

Requêtes pour lesquelles le Comité n’a constaté aucune violation de la Convention mais a demandé des renseignements complémentaires (jusqu’à la trente ‑huitième session)

État partie

ALLEMAGNE

Affaire

M. A. K., 214/2002

Nationalité et pays de renvoi, le cas échéant

Turque; Turquie

Date d’adoption des constatations

12 mai 2004

Questions soulevées et violations constatées

Aucune violation

Mesures provisoires demandées et réponse de l’État partie

Demandées et acceptées par l’État partie. Demande de l’État partie de retirer la demande de mesures provisoires rejetée par le Rapporteur spécial chargé des nouvelles communications.

Réparation recommandée

Le Comité n’a constaté aucune violation de la Convention; il a noté avec satisfaction que l’État partie était prêt à surveiller la situation du requérant quand celui ‑ci serait de retour en Turquie et a demandé à l’État partie de l’en tenir informé.

Date fixée pour la réponse de l’État partie

Néant

Date de la réponse

20 décembre 2004

Réponse de l’État partie

L’État partie a informé le Comité que le requérant avait accepté de quitter de son plein gré le territoire allemand en juillet 2004 et que, dans une lettre datée du 28 juin 2004, son avocat avait indiqué qu’il partirait le 2 juillet 2004. Dans la même lettre, ainsi que lors d’une conversation téléphonique en date du 27 septembre 2004, son avocat avait déclaré que le requérant ne souhaitait pas être suivi par l’État partie en Turquie mais demanderait son assistance en cas d’arrestation. L’État partie ne juge donc pas nécessaire de déployer à ce stade d’autres efforts pour surveiller la situation.

Réponse du requérant

Aucune

Décision du Comité

Il est mis fin à la procédure de suivi.

VII.  SESSIONS FUTURES DU COMITÉ

88. Conformément à l’article 2 de son règlement intérieur, le Comité tient deux sessions ordinaires par an. En consultation avec le Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies , le Comité a arrêté les dates ci ‑après pour ses sessions ordinaires de l’exercice biennal 2008 ‑2009:

Quarantième session

5 ‑23 mai 2008

Quarante et unième session

10 ‑28 novembre 2008

Quarante ‑deuxième session

4 ‑22 mai 2009

Quarante ‑troisième session

9 ‑27 novembre 2009

89. Depuis 1995, le Comité a reçu 203 rapports, soit en moyenne 16 rapports par an. Au cours de la même période, il a examiné en moyenne 13 rapports par an et au total 149 rapports. Cela signifie qu’au 18 mai 2007, date de la clôture de la trente ‑huitième session, il y avait 26 rapports en attente. En 1995, 88 pays étaient parties à la Convention contre la torture. En 2007, il y en a 144 ce qui représente un accroissement de 62 % et il n’y a pas eu d’augmentation du nombre de séances plénières allouées au Comité.

90. Deux questions interdépendantes doivent être examinées. La première est l’importance qu’il y a à donner au Comité suffisamment de temps de réunion pour qu’il puisse accomplir son travail efficacement et la deuxième est les moyens de faciliter l’examen de plus de 25 rapports en attente d’examen.

91. En ce qui concerne la première question, le Comité peut régler le problème de la charge de travail à venir en tenant deux sessions de trois semaines par an, ce qui lui permettrait d’examiner 16 rapports par an environ, c’est ‑à ‑dire le nombre qu’il reçoit chaque année.

92. La deuxième question concerne la nécessité impérieuse de s’occuper de l’arriéré actuel qui est de 30 rapports, accumulés sur deux ans; cela signifie que les rapports soumis au Comité en juin 2007 ne seraient pas examinés avant novembre 2009. Le Comité estime qu’il pourrait absorber ces rapports s’il était autorisé à tenir à titre exceptionnel une session supplémentaire pendant l’exercice biennal 2008 ‑2009. La troisième session (exceptionnelle) en 2008 et en 2009 serait consacrée exclusivement à l’examen des rapports des États parties. Le Comité serait en mesure d’examiner 10 rapports par session extraordinaire.

VIII. ADOPTION DU RAPPORT ANNUEL DU COMITÉ SUR SES ACTIVITÉS

93. Conformément à l’article 24 de la Convention, le Comité soumet aux États parties et à l’Assemblée générale un rapport annuel sur ses activités. Étant donné que le Comité tient chaque année sa seconde session ordinaire à la fin du mois de novembre, période qui coïncide avec les sessions ordinaires de l’Assemblée générale, il adopte son rapport annuel à la fin de sa session de printemps, de façon à pouvoir le transmettre à l’Assemblée générale pendant la même année civile. En conséquence, à sa 780 e séance, le 18 mai 2007, le Comité a examiné et a adopté à l’unanimité son rapport sur ses travaux à ses trente ‑septième et trente ‑huitième sessions.

A nnexe I

LISTE DES ÉTATS AYANT SIGNÉ OU RATIFIÉ LA CONVENTION CONTRE LA TORTURE ET AUTRES PEINES OU TRAITEMENTS CRUELS, INHUMAINS OU DÉGRADANTS, OU Y AYANT ADHÉRÉ, AU 18 MAI 2007

État

Date de la signature

Date de réception des instruments de ratification, d’adhésion ou de succession

Afghanistan

4 février 1985

1 er avril 1987

Afrique du Sud

29 janvier 1993

10 décembre 1998

Albanie

11 mai 1994 a

Algérie

26 novembre 1985

12 septembre 1989

Allemagne

13 octobre 1986

1 er octobre 1990

Andorre

5 août 2002

22 septembre 2006 a

Antigua-et-Barbuda

19 juillet 1993 a

Arabie saoudite

23 septembre 1997 a

Argentine

4 février 1985

24 septembre 1986

Arménie

13 septembre 1993 a

Australie

10 décembre 1985

8 août 1989

Autriche

14 mars 1985

29 juillet 1987

Azerbaïdjan

16 août 1996 a

Bahreïn

6 mars 1998 a

Bangladesh

5 octobre 1998 a

Bélarus

19 décembre 1985

13 mars 1987

Belgique

4 février 1985

25 juin 1999

Belize

17 mars 1986 a

Bénin

12 mars 1992 a

Bolivie

4 février 1985

12 avril 1999

Bosnie ‑Herzégovine

1 er septembre 1993 b

Botswana

8 septembre 2000

8 septembre 2000

Brésil

23 septembre 1985

28 septembre 1989

Bulgarie

10 juin 1986

16 décembre 1986

Burkina Faso

4 janvier 1999 a

Burundi

18 février 1993 a

Cambodge

15 octobre 1992 a

Cameroun

19 décembre 1986 a

Canada

23 août 1985

24 juin 1987

Cap ‑Vert

4 juin 1992 a

Chili

23 septembre 1987

30 septembre 1988

Chine

12 décembre 1986

4 octobre 1988

Chypre

9 octobre 1985

18 juillet 1991

Colombie

10 avril 1985

8 décembre 1987

Comores

22 septembre 2000

Congo

30 juillet 2003 a

Costa Rica

4 février 1985

11 novembre 1993

Côte d’Ivoire

18 décembre 1995 a

Croatie

12 octobre 1992 b

Cuba

27 janvier 1986

17 mai 1995

Danemark

4 février 1985

27 mai 1987

Djibouti

5 novembre 2002 a

Égypte

25 juin 1986 a

El Salvador

17 juin 1996 a

Équateur

4 février 1985

30 mars 1988

Espagne

4 février 1985

21 octobre 1987

Estonie

21 octobre 1991 a

États ‑Unis d’Amérique

18 avril 1988

21 octobre 1994

Éthiopie

14 mars 1994 a

ex ‑République yougoslave de Macédoine

12 décembre 1994 b

Fédération de Russie

10 décembre 1985

3 mars 1987

Finlande

4 février 1985

30 août 1989

France

4 février 1985

18 février 1986

Gabon

21 janvier 1986

8 septembre 2000

Gambie

23 octobre 1985

Géorgie

26 octobre 1994 a

Ghana

7 septembre 2000

7 septembre 2000

Grèce

4 février 1985

6 octobre 1988

Guatemala

5 janvier 1990 a

Guinée

30 mai 1986

10 octobre 1989

Guinée ‑Bissau

12 septembre 2000

Guinée équatoriale

8 octobre 2002 a

Guyana

25 janvier 1988

19 mai 1988

Honduras

5 décembre 1996 a

Hongrie

28 novembre 1986

15 avril 1987

Inde

14 octobre 1997

Indonésie

23 octobre 1985

28 octobre 1998

Irlande

28 septembre 1992

11 avril 2002

Islande

4 février 1985

23 octobre 1996

Israël

22 octobre 1986

3 octobre 1991

Italie

4 février 1985

12 janvier 1989

Jamahiriya arabe libyenne

16 mai 1989 a

Japon

29 juin 1999 a

Jordanie

13 novembre 1991 a

Kazakhstan

26 août 1998

Kenya

21 février 1997 a

Kirghizistan

5 septembre 1997 a

Koweït

8 mars 1996 a

Lesotho

12 novembre 2001 a

Lettonie

14 avril 1992 a

Liban

5 octobre 2000 a

Libéria

22 septembre 2004 a

Liechtenstein

27 juin 1985

2 novembre 1990

Lituanie

1 er février 1996 a

Luxembourg

22 février 1985

29 septembre 1987

Madagascar

1 er octobre 2001

13 décembre 2005 a

Malawi

11 juin 1996 a

Maldives

20 avril 2004 a

Mali

26 février 1999 a

Malte

13 septembre 1990 a

Maroc

8 janvier 1986

21 juin 1993

Maurice

18 mars 1985

9 décembre 1992 a

Mauritanie

17 novembre 2004 a

Mexique

23 janvier 1986

Moldova

28 novembre 1995 a

Monaco

6 décembre 1991 a

Mongolie

24 janvier 2002 a

Monténégro

23 octobre 2006 b

Mozambique

14 septembre 1999 a

Namibie

28 novembre 1994 a

Nauru

12 novembre 2001

Népal

14 mai 1991 a

Nicaragua

15 avril 1985

5 juillet 2005 a

Niger

5 octobre 1998 a

Nigéria

28 juillet 1988

28 juin 2001

Norvège

4 février 1985

9 juillet 1986

Nouvelle ‑Zélande

14 janvier 1986

10 décembre 1989

Ouganda

3 novembre 1986 a

Ouzbékistan

28 septembre 1995 a

Panama

22 février 1985

24 août 1987

Paraguay

23 octobre 1989

12 mars 1990

Pays ‑Bas

4 février 1985

21 décembre 1988

Pérou

29 mai 1985

7 juillet 1988

Philippines

18 juin 1986 a

Pologne

13 janvier 1986

26 juillet 1989

Portugal

4 février 1985

9 février 1989

Qatar

11 janvier 2000 a

République arabe syrienne

19 août 2004 a

République de Corée

9 janvier 1995 a

République démocratique du Congo

18 mars 1996 a

République dominicaine

4 février 1985

République tchèque

22 février 1993 b

Roumanie

18 décembre 1990 a

Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord

15 mars 1985

8 décembre 1988

Saint-Marin

18 septembre 2002

27 novembre 2006 a

Saint ‑Siège

26 juin 2002 a

Saint-Vincent ‑et ‑les Grenadines

1 er août 2001 a

Sao Tomé ‑et ‑Principe

6 septembre 2000

Sénégal

4 février 1985

21 août 1986

Serbie

12 mars 2001 b

Seychelles

5 mai 1992 a

Sierra Leone

18 mars 1985

25 avril 2001

Slovaquie

28 mai 1993 b

Slovénie

16 juillet 1993 a

Somalie

24 janvier 1990 a

Soudan

4 juin 1986

Sri Lanka

3 janvier 1994 a

Suède

4 février 1985

8 janvier 1986

Suisse

4 février 1985

2 décembre 1986

Swaziland

26 mars 2004 a

Tadjikistan

11 janvier 1995 a

Tchad

9 juin 1995 a

Timor-Leste

16 avril 2003 a

Togo

25 mars 1987

18 novembre 1987

Tunisie

26 août 1987

23 septembre 1988

Turkménistan

25 juin 1999 a

Turquie

25 janvier 1988

2 août 1988

Ukraine

27 février 1986

24 février 1987

Uruguay

4 février 1985

24 octobre 1986

Venezuela (République bolivarienne du)

15 février 1985

29 juillet 1991

Yémen

5 novembre 1991 a

Zambie

7 octobre 1998 a

.

Annexe II

ÉTATS PARTIES AYANT DÉCLARÉ, LORS DE LA RATIFICATION OU DE L’ADHÉSION, NE PAS RECONNAÎTRE LA COMPÉTENCE DU COMITÉ EN APPLICATION DE L’ARTICLE 20 DE LA CONVENTION, AU 18 MAI 2007

Afghanistan

Arabie saoudite

Chine

Cuba

Guinée équatoriale

Israël

Koweït

Maroc

Mauritanie

République arabe syrienne

Annexe III

ÉTATS PARTIES AYANT FAIT LES DÉCLARATIONS PRÉVUES AUX ARTICLES 21 ET 22 DE LA CONVENTION, AU 18 MAI 2007

État partie

Date d’entrée en vigueur

Afrique du Sud

10 décembre 1998

Algérie

12 octobre 1989

Allemagne

19 octobre 2001

Argentine

26 juin 1987

Australie

29 janvier 1993

Autriche

28 août 1987

Belgique

25 juillet 1999

Bosnie-Herzégovine

4 juin 2003

Bulgarie

12 juin 1993

Cameroun

11 novembre 2000

Canada

24 juillet 1987

Chili

15 mars 2004

Chypre

8 avril 1993

Costa Rica

27 février 2002

Croatie

8 octobre 1991

Danemark

26 juin 1987

Équateur

29 avril 1988

Espagne

20 novembre 1987

Fédération de Russie

1 er octobre 1991

Finlande

29 septembre 1989

France

26 juin 1987

Ghana

7 octobre 2000

Grèce

5 novembre 1988

Hongrie

26 juin 1987

Irlande

11 avril 2002

Islande

22 novembre 1996

Italie

11 février 1989

Liechtenstein

2 décembre 1990

Luxembourg

29 octobre 1987

Malte

13 octobre 1990

Monaco

6 janvier 1992

Norvège

26 juin 1987

Nouvelle-Zélande

9 janvier 1990

Paraguay

29 mai 2002

Pays-Bas

20 janvier 1989

Pérou

7 juillet 1988

Pologne

12 juin 1993

Portugal

11 mars 1989

République tchèque

3 septembre 1996

Sénégal

16 octobre 1996

Serbie ‑et ‑Monténégro

12 mars 2001

Slovaquie

17 avril 1995

Slovénie

16 juillet 1993

Suède

26 juin 1987

Suisse

26 juin 1987

Togo

18 décembre 1987

Tunisie

23 octobre 1988

Turquie

1 er septembre 1988

Ukraine

12 septembre 2003

Uruguay

26 juin 1987

Venezuela

26 avril 1994

États parties ayant fait uniquement la déclaration prévue à l’article 21 de la Convention, au 18 mai 2007

États ‑Unis d’Amérique

21 octobre 1994

Japon

29 juin 1999

Ouganda

19 décembre 2001

Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord

8 décembre 1988

États parties ayant fait uniquement la déclaration prévue à l’article 22 de la Convention, au 18 mai 2007

Azerbaïdjan

4 février 2002

Burundi

10 juin 2003

Guatemala

25 septembre 2003

Mexique

15 mars 2002

Seychelles

6 août 2001

Annexe IV

COMPOSITION DU COMITÉ CONTRE LA TORTURE EN 2007

Membres

Pays de nationalité

Mandat expirant le 31 décembre

M me Saadia BELMIR

Maroc

2009

M. Guibril CAMARA

Sénégal

2007

M me Felice GAER

États ‑Unis d’Amérique

2007

M. Luis GALLEGOS CHIRIBOGA

Équateur

2007

M. Claudio GROSSMAN

Chili

2007

M. Alexander KOVALEV

Fédération de Russie

2009

M. Fernando MARIÑO MENÉNDEZ

Espagne

2009

M. Andreas MAVROMMATIS

Chypre

2007

M me Nora SVEAASS

Norvège

2009

M. Xuexian WANG

Chine

2009

Annexe V

RAPPORTS EN RETARD

État partie

Date à laquelle le rapport était attendu

Nouvelle date *

Rapports initiaux

Guinée

8 novembre 1990

Somalie

22 février 1991

Seychelles

3 juin 1993

Cap ‑Vert

3 juillet 1993

Antigua ‑et ‑Barbuda

17 août 1994

Éthiopie

12 avril 1995

Tchad

9 juillet 1996

Côte d’Ivoire

16 janvier 1997

Malawi

10 juillet 1997

Honduras

3 janvier 1998

Kenya

22 mars 1998

Bangladesh

4 novembre 1999

Niger

3 novembre 1999

Burkina Faso

2 février 2000

Mali

27 mars 2000

Turkménistan

25 juillet 2000

Mozambique

14 octobre 2000

Ghana

6 octobre 2001

Botswana

7 octobre 2001

Gabon

7 octobre 2001

Liban

3 novembre 2001

Sierra Leone

25 mai 2002

Nigéria

28 juin 2002

Saint ‑Vincent ‑et ‑les Grenadines

30 août 2002

Lesotho

11 décembre 2002

Mongolie

23 février 2003

Irlande

11 mai 2003

Saint-Siège

25 juillet 2003

Guinée équatoriale

6 novembre 2003

Djibouti

5 décembre 2003

Timor ‑Leste

16 mai 2004

Congo

30 août 2004

Swaziland

25 avril 2005

Maldives

20 mai 2005

Libéria

22 octobre 2005

République arabe syrienne

19 septembre 2005

Mauritanie

17 décembre 2005

Nicaragua

4 août 2006

Madagascar

13 janvier 2007

Deuxièmes rapports périodiques

Afghanistan

25 juin 1992

Belize

25 juin 1992

Ouganda

25 juin 1992

[25 juin 2008]

Philippines

25 juin 1992

Togo

17 décembre 1992

[17 décembre 2008]

Guyana

17 juin 1993

[31 décembre 2008]

Brésil

27 octobre 1994

Guinée

8 novembre 1994

Somalie

22 février 1995

Roumanie

16 janvier 1996

Yémen

4 décembre 1996

Jordanie

12 décembre 1996

Bosnie ‑Herzégovine

5 mars 1997

[5 mars 2009]

Seychelles

3 juin 1997

Cap ‑Vert

3 juillet 1997

Cambodge

13 novembre 1997

Burundi

19 mars 1998

[31 décembre 2008]

Slovaquie

27 mai 1998

Antigua-et-Barbuda

17 août 1998

Éthiopie

12 avril 1999

Albanie

9 juin 1999

[9 juin 2007]

Namibie

27 décembre 1999

Tadjikistan

9 février 2000

[31 décembre 2008]

Cuba

15 juin 2000

Tchad

9 juillet 2000

Moldova

27 décembre 2000

[27 décembre 2004]

Côte d’Ivoire

16 janvier 2001

République démocratique du Congo

16 avril 2001

[16 avril 2009]

El Salvador

16 juillet 2001

Koweït

6 avril 2001

Malawi

10 juillet 2002

Honduras

3 janvier 2002

Kenya

22 mars 2002

Kirghizistan

4 octobre 2002

Arabie saoudite

21 octobre 2002

Bahreïn

4 avril 2003

[4 avril 2007]

Bangladesh

3 novembre 2003

Niger

3 novembre 2003

Afrique du Sud

8 janvier 2004

[31 décembre 2009]

Burkina Faso

2 février 2004

Mali

27 mars 2004

Bolivie

11 mai 2004

Turkménistan

24 juillet 2004

Japon

29 juillet 2004

[30 juin 2011]

Mozambique

13 octobre 2004

Qatar

10 février 2004

[10 février 2005]

Botswana

7 octobre 2005

Gabon

8 octobre 2005

Liban

5 octobre 2005

Ghana

18 décembre 2005

Sierra Leone

25 mai 2006

Nigeria

28 juillet 2006

Saint ‑Vincent ‑et ‑les Grenadines

31 août 2006

Lesotho

12 décembre 2006

Mongolie

23 février 2007

Irlande

11 mai 2007

Troisièmes rapports périodiques

Afghanistan

25 juin 1996

Belize

25 juin 1996

Philippines

25 juin 1996

Sénégal

25 juin 1996

Uruguay

25 juin 1996

Turquie

31 août 1997

[31 août 2005]

Tunisie

22 octobre 1997

[30 novembre 1999]

Brésil

27 octobre 1998

Guinée

8 novembre 1998

Somalie

22 février 1999

Malte

12 octobre 1999

[1 er décembre 2000]

Liechtenstein

1 er décembre 1999

Roumanie

16 janvier 2000

Népal

12 juin 2000

[12 juin 2008]

Serbie

3 septembre 2000

Yémen

4 décembre 2000

Jordanie

12 décembre 2000

Bosnie ‑Herzégovine

5 mars 2001

[5 mars 2009]

Bénin

10 avril 2001

Seychelles

3 juin 2001

Cap-Vert

3 juillet 2001

Cambodge

13 novembre 2001

Maurice

7 janvier 2002

Slovaquie

27 mai 2002

Antigua ‑et ‑Barbuda

17 août 2002

Arménie

12 octobre 2002

Costa Rica

10 décembre 2002

Sri Lanka

1 er février 2003

[1 er février 2007]

Éthiopie

12 avril 2003

ex ‑République yougoslave de Macédoine

11 décembre 2003

Namibie

27 décembre 2003

République de Corée

7 février 2004

[7 février 2012]

Cuba

15 juin 2004

Tchad

9 juillet 2004

Côte d’Ivoire

16 janvier 2005

Lituanie

1 er mars 2005

Koweït

5 avril 2005

République démocratique du Congo

16 avril 2005

[16 avril 2009]

El Salvador

16 juillet 2005

Azerbaïdjan

14 septembre 2005

Honduras

3 janvier 2006

Kenya

22 mars 2006

Malawi

10 juillet 2006

Slovénie

14 août 2006

Kirghizistan

4 octobre 2006

Arabie saoudite

20 octobre 2006

Quatrièmes rapports périodiques

Afghanistan

25 juin 2000

Bélarus

25 juin 2000

Belize

25 juin 2000

France

25 juin 2000

[25 juin 2008]

Philippines

25 juin 2000

Sénégal

25 juin 2000

Uruguay

25 juin 2000

Autriche

27 août 2000

[31 décembre 2008]

Panama

22 septembre 2000

Colombie

6 janvier 2001

Équateur

28 avril 2001

[28 avril 2009]

Jamahiriya arabe libyenne

14 juin 2002

Algérie

11 octobre 2002

Brésil

27 octobre 2002

Guinée

8 novembre 2002

Somalie

22 février 2003

Paraguay

10 avril 2003

Tunisie

22 octobre 2001

Liechtenstein

1 er décembre 2003

Roumanie

16 janvier 2004

Népal

12 juin 2004

[12 juin 2008]

Bulgarie

25 juin 2004

[25 juin 2008]

Cameroun

25 juin 2004

Chypre

16 août 2004

Venezuela (République bolivarienne du )

20 août 2004

Croatie

7 octobre 2004

[7 octobre 2008]

Serbie

3 septembre 2004

Yémen

4 décembre 2004

Jordanie

12 décembre 2004

Monaco

4 janvier 2005

[4 janvier 2009]

Bosnie ‑Herzégovine

5 mars 2005

[5 mars 2009]

Bénin

10 avril 2005

Cap-Vert

3 juillet 2005

Cambodge

13 novembre 2005

République tchèque

31 décembre 2005

[31 décembre 2009]

Maurice

7 janvier 2006

Slovaquie

27 mai 2006

Maroc

20 juillet 2006

Antigua ‑et ‑Barbuda

17 août 2006

Costa Rica

10 décembre 2006

Sri Lanka

1 er février 2003

[1 er février 2007]

Éthiopie

12 avril 2007

Cinquièmes rapports périodiques

Afghanistan

25 juin 2004

Argentine

25 juin 2004

[25 juin 2008]

Bélarus

25 juin 2004

Belize

25 juin 2004

Égypte

25 juin 2004

France

25 juin 2004

[25 juin 2008]

Hongrie

25 juin 2004

[31 décembre 2010]

Mexique

25 juin 2004

[31 décembre 2010]

Fédération de Russie

25 juin 2004

[31 décembre 2010]

Philippines

25 juin 2004

Sénégal

25 juin 2004

Suisse

25 juin 2004

[25 juin 2008]

Uruguay

25 juin 2004

Autriche

27 août 2004

[31 décembre 2008]

Panama

27 septembre 2004

Espagne

19 novembre 2004

Colombie

6 janvier 2005

Équateur

25 avril 2005

[28 avril 2009]

Grèce

4 novembre 2005

[4 novembre 2009]

Chine

2 novembre 2005

Jamahiriya arabe libyenne

14 juin 2006

États ‑Unis d’Amérique

19 novembre 2005

[19 novembre 2011]

Royaume ‑Uni de Grande ‑Bretagne et d’Irlande du Nord

6 janvier 2006

[6 janvier 2008]

Finlande

28 septembre 2006

Algérie

11 octobre 2006

Brésil

27 octobre 2006

Guinée

8 novembre 2006

Somalie

22 février 2007

Paraguay

10 avril 2007

Annexe VI

RAPPORTEURS ET CORAPPORTEURS POUR CHACUN DES RAPPORTS DES ÉTATS PARTIES EXAMINÉS PAR LE COMITÉ À SES TRENTE ‑SEPTIÈME ET TRENTE ‑HUITIÈME SESSIONS (PAR ORDRE D’EXAMEN)

A. Trente ‑septième session

Rapport

Rapporteur

Corapporteur

Tadjikistan: rapport initial (CAT/C/TJK/1)

M me Gaer

M. Kovalev

Mexique: quatrième rapport périodique (CAT/C/55/Add.12)

M. Grossman

M. Mariño Menéndez

Burundi: rapport initial (CAT/C/BDI/1)

M. Mariño Menéndez

M. Camara

Fédération de Russie: quatrième rapport périodique (CAT/C/55/Add.11)

M me  Gaer

M me Belmir

Guyana: rapport initial (CAT/C/GUY/1)

M. Mavrommatis

M. Mariño Menéndez

Afrique du Sud: rapport initial (CAT/C/52/Add.3)

M. Mavrommatis

M. Wang

Hongrie: quatrième rapport périodique (CAT/C/55/Add.10)

M. Grossman

M me Sveaass

B. Trente ‑huitième session

Danemark: cinquième rapport périodique (CAT/C/81/Add.2)

M. Grossman

M. Wang

Luxembourg: cinquième rapport périodique (CAT/C/81/Add.5)

M. Camara

M me Belmir

Italie: quatrième rapport périodique (CAT/C/67/Add.3)

M me Sveaass

M. Mariño Menéndez

Pays ‑Bas: quatrième rapport périodique (CAT/C/67/Add.4)

M. Mavrommatis

M me Sveaass

Ukraine: cinquième rapport périodique (CAT/C/81/Add.1)

M me Gaer

M. Kovalev

Japon: rapport initial (CAT/C/JPN/1)

M. Mariño Menéndez

M. Kovalev

Pologne: quatrième rapport périodique (CAT/C/67/Add.5)

M. Grossman

M. Gallegos Chiriboga

Annexe VII

DÉCISIONS DU COMITÉ CONTRE LA TORTURE AU TITRE DE L’ARTICLE 22 DE LA CONVENTION CONTRE LA TORTURE ET AUTRES PEINES OU TRAITEMENTS CRUELS, INHUMAINS OU DÉGRADANTS

A. Décisions sur le fond

Communication n o 227/2003

Présentée par :

A. A. C. (représenté par un conseil)

Au nom de :

A. A. C.

État partie :

Suède

Date de la requête :

6 février 2003 (lettre initiale)

Le Comité contre la torture , institué en vertu de l’article 17 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,

Réuni le 16 novembre 2006,

Ayant achevé l’examen de la requête n o  227/2003, présentée par A. A. C. en vertu de l’article 22 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,

Ayant tenu compte de toutes les informations qui lui ont été communiquées par le requérant, son conseil et l’État partie,

Adopte la décision ci ‑après au titre du paragraphe 7 de l’article 22 de la Convention contre la torture.

1.1 Le requérant est A. A. C., de nationalité bangladaise, né en 1970, qui était en attente d’expulsion depuis la Suède vers le Bangladesh au moment de la présentation de la requête. Il affirme que son renvoi au Bangladesh constituerait une violation par la Suède des articles 3 et 16 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Il est représenté par un conseil.

1.2 Le 7 février 2003, l’État partie a été prié, en application du paragraphe 1 de l’article 108 du Règlement intérieur du Comité, de ne pas renvoyer le requérant au Bangladesh tant que la requête serait en cours d’examen. Le 24 mars 2003, l’État partie a informé le Comité qu’il avait fait droit à cette demande.

Rappel des faits présentés par le requérant

2.1 Le requérant est un sympathisant du Bangladesh Freedom Party (BFP) depuis 1992 et en est devenu membre en 1994. En 1995, il a été élu secrétaire à l’information du BFP pour le district de police de Naria. Il avait pour fonctions d’organiser les réunions, de coller des affiches, de rédiger des slogans, de recruter des membres, de faire des discours et de lutter contre le parti qui était au pouvoir à l’époque, l’Awami League. Lorsque les dirigeants nationaux de son parti ont été arrêtés et condamnés pour le meurtre de Sheikh Mujibur Rahman, père du Premier Ministre en exercice et fondateur de l’Awami League, le requérant a organisé des manifestations pour réclamer leur libération. Le 15 août 1997, il a été arrêté alors qu’il manifestait contre l’Awami League. Il a été accusé de posséder illégalement des armes, de fabriquer des bombes et de distribuer de la propagande antigouvernementale. Il a été enfermé dans une cellule du poste de police de Naria, où il est resté dix jours et a subi des mauvais traitements dont il a encore des séquelles. Il a été libéré en versant un pot ‑de ‑vin.

2.2 Le requérant a quitté Naria pour Dhaka, où il s’est installé chez son oncle maternel. Au bout de quelques jours, des membres de l’Awami League l’ont vu et l’ont suivi jusqu’au domicile de son oncle. La nuit suivante, il a vu des policiers passer la grille d’entrée du domicile de son oncle et s’est enfui par la fenêtre. Il a pris un train jusqu’à Sylhet, où vit sa sœur. Quelques jours plus tard, des policiers sont venus au domicile de sa sœur avec une personne de Naria. Le requérant a réussi à s’enfuir et à se cacher dans les collines de Sylhet.

2.3 Au cours de la première semaine de décembre 1997, le requérant est revenu à son domicile de Naria et a repris ses activités politiques. Le 9 janvier 1998, il a été agressé et brutalisé par des sympathisants de l’Awami League alors qu’il rentrait chez lui. Son frère l’a alors conduit dans une autre zone résidentielle où sa femme lui a rendu visite et l’a informé que la police le recherchait en raison d’accusations formulées contre lui et que l’Awami League était aussi venue à leur domicile prendre de l’argent. Sa femme s’est retrouvée enceinte et, un mois avant l’accouchement, le requérant est revenu à Naria, où il a repris, en secret, ses activités politiques.

2.4 Dans la nuit du 29 juin 1999, la police l’a arrêté à son domicile et l’a conduit au poste de police. Il a été accusé de posséder illégalement des armes et des explosifs, de fabriquer des bombes et de diffuser de la propagande antigouvernementale. Cette fois, il est resté quinze jours en garde à vue. Au cours de cette période, les policiers l’ont frappé à coups de poing et à l’aide d’un tuyau en métal et lui ont donné des coups de pied. Il a été libéré après versement d’un pot ‑de ‑vin. Par la suite, il n’a plus osé rester chez lui et a vécu dans trois endroits différents.

2.5 En février 2000, le requérant a décidé de revenir à Sonda par bateau mais une voisine l’a averti qu’elle avait entendu dire que deux sympathisants de l’Awami League prévoyaient de l’attendre avec des armes dans le port. Il est donc reparti pour Dhaka puis, au bout d’un certain temps, pour Khulna.

2.6 En août 2000, il s’est rendu en Inde pour se faire soigner pour les maux dont il souffrait à la suite des mauvais traitements subis en juin 1999, c’est ‑à ‑dire des difficultés respiratoires et des douleurs dans le dos. En octobre 2000, lorsqu’il est revenu au Bangladesh, sa famille l’a informé qu’il était accusé de possession illégale d’armes et d’explosifs, de fabrication de bombes et de diffusion de propagande antigouvernementale. Il était aussi accusé d’atteinte à l’ordre public et de trahison, conformément à la loi sur la sûreté nationale. Lors de la visite du Premier Ministre de l’époque dans le district de Shariatpur, la police avait trouvé des explosifs et le requérant avait été considéré comme responsable de leur présence dans le district. Le requérant est resté caché jusqu’à son départ du Bangladesh, le 4 décembre 2000.

2.7 Le requérant est arrivé en Suède le 5 décembre 2000 et a demandé l’asile deux jours plus tard. Il a déclaré que, s’il rentrait au Bangladesh, il risquait d’être condamné à au moins quinze ans de prison en raison des fausses accusations retenues contre lui. Il a aussi déclaré qu’il risquait d’être arrêté par la police et soumis à des mauvais traitements et à la torture, puis d’être tué par la police ou par les sympathisants de l’Awami League. Le requérant a indiqué aux autorités suédoises qu’il était en très mauvaise santé et qu’il souffrait d’anxiété, de troubles du sommeil, de cauchemars, de difficultés de concentration et de vertiges. Il entendait les bruits des actes de torture qu’il avait subis et il entendait aussi son fils pleurer. La douleur qu’il ressentait à cause des mauvais traitements était tellement vive qu’il avait du mal à rester assis. Il a aussi présenté des rapports médicaux d’où il ressort qu’en raison de son anxiété il souffre de maux de tête, de vertiges, de troubles du sommeil et, parfois, de difficultés respiratoires. Le requérant a invoqué des rapports d’Amnesty International et du Département d’État des États ‑Unis qui, selon lui, confirment que, si la police torture des militants et des opposants politiques pour leur soutirer des informations et pour les intimider, c’est souvent à l’instigation et avec l’appui du pouvoir exécutif. Il a souligné que les policiers coupables de torture n’étaient que rarement punis ou limogés.

2.8 Le Conseil des migrations a rejeté sa demande le 9 avril 2001, au motif que le requérant ne pouvait être considéré comme un réfugié en vertu de la Convention de 1951 sur le statut des réfugiés et de la loi suédoise sur les étrangers de 1989. Premièrement, le Conseil a estimé que le requérant ne risquait rien de la part des autorités bangladaises en raison de ses activités politiques puisque le BFP était un parti légal. Ses activités politiques étaient de niveau relativement peu élevé et avaient été autorisées. Deuxièmement, le Conseil n’a pas ajouté foi aux déclarations du requérant concernant les accusations retenues contre lui, car il n’était pas vraisemblable qu’il ait pu être relâché, même contre versement d’un pot ‑de ‑vin, s’il était accusé de plusieurs délits, nouveaux et anciens. Le Conseil a souligné que le requérant était en possession d’un passeport délivré le 14 août 2000 malgré les accusations formulées à son encontre. Troisièmement, le Conseil a estimé que le requérant avait une chance de faire réexaminer son cas dans le cadre des procédures légales du Bangladesh, qui pouvaient être considérées comme adéquates et impartiales.

2.9 Le Conseil des migrations a aussi estimé que le requérant ne pouvait être considéré comme ayant besoin d’une protection conformément à la loi sur les étrangers car les mauvais traitements qu’il avait subis en août 1997 et en juin 1999 n’avaient pas été autorisés par le Gouvernement ou les autorités du Bangladesh mais étaient des actes de cruauté commis par des policiers isolés qui avaient décidé de faire la loi eux ‑mêmes. Le Conseil a appliqué le même raisonnement en ce qui concerne les mauvais traitements commis par les militants de l’Awami League. Enfin, le Conseil a estimé que le requérant ne pouvait prétendre à un permis de séjour pour raisons humanitaires.

2.10 Dans le recours qu’il a présenté à la Commission de recours des étrangers, le requérant a fait référence aux conclusions de médecins suédois. L’un a conclu que la police avait fait subir au requérant à deux occasions, en 1997 et en 1999, les actes de torture suivants: il aurait été frappé à l’aide d’instruments contondants, comme des poings, et d’une arme; frappé à coups de couteau et de morceaux de verre; brûlé à l’aide d’un tube en métal chauffé; battu sur la plante des pieds à l’aide d’une matraque; suspendu au plafond; soumis à des décharges électriques sur les tempes; victime de tentatives d’étouffement, la tête maintenue sous l’eau dans un tonneau, et par injection d’eau dans les narines; menacé de mort, avec une seringue remplie de poison et un pistolet braqué sur la tempe. Le médecin a estimé que le requérant souffrait de séquelles physiques permanentes, sous la forme de maux de tête chroniques, de douleurs en bas du dos, d’une perte de sensation sur le côté gauche du visage, de faiblesses pouvant atteindre l’ensemble du côté gauche du corps et de vertiges. Le deuxième médecin a attesté que le requérant suivait un traitement médical en Suède depuis le 8 janvier 2001, date à laquelle il était venu en consultation à l’hôpital d’Östhammar et avait été diagnostiqué comme souffrant d’anxiété. Le requérant a consulté d’autres services hospitaliers en janvier et en avril 2001. D’après le certificat médical, il souffrait des symptômes suivants: sentiment d’être poursuivi; peur; méfiance; symptômes physiques le rendant malade à la vue d’une voiture de police; douleurs physiques à la pensée de la torture; troubles du sommeil; cauchemars; absences. Le requérant a aussi avoué penser au suicide. Le médecin a conclu que le diagnostic de troubles post ‑traumatiques était vraisemblablement correct et que l’on pouvait parler de «maladie mentale provoquée par des expériences très éprouvantes». Le médecin a également affirmé que certains éléments permettaient de conclure que le requérant était suicidaire. Un troisième médecin a confirmé que le requérant était suivi par son service depuis le 11 juillet 2001 sur la recommandation d’un autre service et du service psychiatrique de l’hôpital Saint ‑Göran. Le requérant a été diagnostiqué comme souffrant de dépression et de troubles post ‑traumatiques provoqués entre autres par les persécutions et les tortures dont il avait été victime au Bangladesh. Un quatrième médecin, psychiatre, a confirmé ce diagnostic en expliquant que le requérant montrait de très forts signes d’anxiété, souffrait de flashbacks qui le renvoyaient aux actes de torture subis, était dans un état d’agitation constante, était dépressif et avait des difficultés à se concentrer. Le requérant a demandé qu’un médecin soit nommé par la Commission de recours des étrangers pour examiner son dossier médical. Le 23 mai 2002, la Commission a rejeté cette demande, sans fournir d’explications.

2.11 Dans son appel, le requérant a déclaré que la décision du Conseil des migrations était incohérente car le Conseil semblait ne pas accorder de crédit à ses déclarations concernant le traitement qu’il aurait subi aux mains des autorités bangladaises. Le Conseil a déclaré qu’il ne mettait pas en doute ses déclarations concernant la torture et les mauvais traitements mais qu’il n’ajoutait pas foi à ses déclarations concernant les arrestations. Dans sa décision du 24 juillet 2002, la Commission de recours des étrangers a confirmé la décision du Conseil des migrations et fait siennes ses conclusions quant aux conditions générales au Bangladesh et le système juridique du pays. La Commission a estimé que le requérant ne pouvait pas être considéré comme un réfugié ou une personne ayant besoin d’une protection en vertu de la loi sur les étrangers et que, «compte tenu de toutes les circonstances», il ne pouvait se voir accorder de permis de séjour pour raisons humanitaires.

2.12 Le 4 février 2003, le requérant a été placé en détention provisoire dans l’attente de l’exécution de l’arrêté d’expulsion.

Teneur de la plainte

3.1 Le requérant affirme qu’il y a des motifs sérieux de croire qu’il risque d’être soumis à la torture s’il est renvoyé au Bangladesh, ce qui constituerait une violation de l’article 3 de la Convention de la part de la Suède. Le requérant renvoie aux rapports médicaux (par. 2.10 ci ‑dessus) qui concluent qu’il a été soumis à la torture et affirme que les actes de torture qu’il a subis correspondent à ce que les rapports relatifs aux droits de l’homme signalent concernant la torture au Bangladesh. Ces rapports confirment aussi que le pouvoir exécutif est souvent à l’origine de la torture des opposants politiques par la police, que le système judiciaire n’offre pas une protection suffisante aux victimes, que les juridictions inférieures ne sont pas politiquement indépendantes de l’exécutif et que les décisions des juridictions supérieures sont souvent méprisées ou contournées par l’exécutif. Le requérant affirme aussi que les élections de 2001, qui ont vu le Bangladesh Nationalist Party (BNP) succéder à l’Awami League, n’ont pas suffisamment changé la situation politique du Bangladesh pour que les motifs de persécution cessent d’exister et que les personnes accusées à tort en raison de leurs activités politiques soient lavées de ces accusations. Compte tenu de la situation du pays et sachant que ni le Conseil des migrations ni la Commission de recours des étrangers n’ont contesté le fait que le requérant ait été torturé au Bangladesh, le requérant maintient qu’il court personnellement un risque réel et prévisible d’être arrêté et torturé s’il est renvoyé au Bangladesh.

3.2 Il affirme en outre que l’exécution de l’arrêté d’expulsion constituerait en soi une violation de l’article 16 de la Convention, compte tenu de son état psychiatrique fragile et des graves troubles post ‑traumatiques dont il souffre en raison de la torture à laquelle il a été soumis.

Observations de l’État partie sur la recevabilité et sur le fond

4.1 Dans une lettre datée du 24 avril 2003, l’État partie reconnaît que tous les recours internes ont été épuisés mais conteste que la plainte soit suffisamment étayée aux fins de la recevabilité .

4.2 L’État partie affirme en outre que le grief de violation de l’article 16 concernant l’exécution de l’arrêté d’expulsion, compte tenu de la santé psychiatrique fragile du requérant et de ses troubles post ‑traumatiques, est incompatible avec les dispositions de la Convention. L’État partie invoque l’Observation générale du Comité concernant l’article 3, qui précise que l’interdiction d’expulser une personne vers un autre État s’applique uniquement dans les cas où la personne risque d’être soumise à la torture telle qu’elle est définie à l’article premier de la Convention . Il n’y a aucune référence à «d’autres formes de peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants» à l’article 3, contrairement à l’article 16. Le but de l’article 16 est plutôt de protéger les personnes privées de liberté ou qui se trouvent de toute autre façon sous le pouvoir ou le contrôle effectif de la personne responsable du traitement ou de la peine en question.

4.3 L’État partie rappelle les procédures régissant les demandes d’asile en Suède. En vertu de la loi sur les étrangers, un étranger peut prétendre à un permis de séjour en Suède si, entre autres, il a quitté son pays de nationalité car il est fondé à craindre d’être condamné à mort, de subir des châtiments corporels ou d’être soumis à la torture ou à d’autres traitements ou châtiments inhumains ou dégradants. Au titre du chapitre 8, les autorités nationales doivent examiner les mêmes questions lorsqu’il s’agit de faire appliquer une décision de non ‑admission ou d’expulsion. Même lorsqu’une décision de non ‑admission ou d’expulsion devient applicable après appel, l’étranger peut obtenir un permis de séjour s’il présente ce qu’il est convenu d’appeler une nouvelle demande à la Commission de recours des étrangers. Un arrêté d’expulsion n’est exécuté que lorsqu’un étranger a refusé de s’y plier volontairement. Les mesures coercitives doivent être limitées au strict nécessaire, être proportionnées et être appliquées en tenant compte de considérations humanitaires et dans le respect de la dignité de la personne. Un étranger peut prétendre à un permis de séjour, entre autres si, pour des raisons humanitaires, il devrait être autorisé à s’installer en Suède. Une maladie grave, physique ou mentale, peut, dans des cas exceptionnels, justifier l’octroi d’un permis de séjour pour raisons humanitaires.

4.4 Concernant la teneur de la plainte, l’État partie précise que, lors de son entretien au Conseil des migrations le 1 er mars 2001, le requérant a déclaré être politiquement actif au Bangladesh et être membre du BFP. Il a déclaré qu’en raison de ses activités, il avait été persécuté par la police et l’Awami League et avait fait l’objet de fausses accusations. En août 1997, il a été arrêté lors d’une manifestation et placé en détention provisoire pendant dix jours. Au cours de cette période, il a été maltraité et torturé par la police qui l’a accusé de posséder illégalement des armes, de fabriquer des bombes et de se livrer à des activités subversives. Un pot ‑de ‑vin a été versé pour sa libération. Au cours de l’entretien, le requérant a expliqué en détail les circonstances qui ont précédé l’agression commise contre sa personne par des sympathisants de l’Awami League le 9 janvier 1998 ainsi que son départ du Bangladesh. Le requérant a expliqué qu’une personne, qui avait son passeport et a versé des pots ‑de ‑vin à différentes personnes à l’aéroport, l’a escorté jusqu’à l’avion.

4.5 Le 9 avril 2001, le Conseil des migrations a rejeté la demande d’asile du requérant et a ordonné son expulsion vers son pays d’origine. Le Conseil des migrations n’a pas estimé que le requérant avait droit à l’asile, avait besoin d’une protection et avait droit à un permis de séjour pour toute autre raison. Le requérant a fait appel de cette décision mais la Commission de recours des étrangers l’a débouté le 24 juillet 2002. Après la décision de la Commission de recours des étrangers, le requérant est entré dans la clandestinité. Il a été retrouvé par la police le 4 février 2003 à l’occasion d’une inspection du travail et placé en détention provisoire.

4.6 Sur le fond, l’État partie fait valoir que, s’agissant de la situation générale des droits de l’homme au Bangladesh et des éléments de preuve avancés, le requérant n’a pas étayé l’existence d’un risque personnel et important de torture, selon la définition de l’article premier, qui rendrait son expulsion contraire à l’article 3. En ce qui concerne la situation générale, l’État partie reconnaît qu’elle est problématique mais souligne que, sur le long terme, on note une amélioration progressive. Depuis l’introduction d’un régime démocratique au début des années 90, il n’a pas été fait état d’une oppression systématique des dissidents, et les groupes de défense des droits de l’homme sont en règle générale autorisés à poursuivre leurs activités. Le BNP a repris le pouvoir (après l’avoir occupé de 1991 à 1996 puis avoir été dans l’opposition de 1996 à 2001) à la suite des élections du 1 er octobre 2001, qui ont été déclarées libres et régulières. Toutefois, la violence est un élément permanent de la vie politique, avec des heurts entre partisans des différents partis et avec la police lors des meetings et des manifestations. Bien que la Constitution bangladaise interdise la torture et les traitements cruels, inhumains et dégradants, la police aurait recours à la torture, aux brutalités et à d’autres formes de violence lors de l’interrogatoire de suspects. Les actes de torture font rarement l’objet d’enquête, et la police, que le Gouvernement utiliserait à des fins politiques, est peu disposée à ouvrir des enquêtes contre des personnes ayant des liens avec le parti au pouvoir. Les juridictions supérieures sont dans l’ensemble indépendantes et ont rendu des jugements défavorables au Gouvernement dans des affaires qui ont eu un grand retentissement. Il arrive que des personnes soient jugées en leur absence mais cela reste rare. La loi sur la sûreté nationale a été abrogée par le Gouvernement en avril 2001.

4.7 En 2002, des membres de la Commission de recours des étrangers de l’État partie se sont rendus au Bangladesh, où ils ont rencontré des membres du Parlement et de l’exécutif et des représentants des ambassades locales et d’organisations internationales; selon le rapport secret rédigé sur cette mission, ils n’ont constaté aucune persécution institutionnelle. S’il est vrai que des personnalités «très en vue» peuvent être arrêtées et harcelées par la police, la persécution politique est rare dans la population en général. Des hommes politiques de premier plan peuvent être faussement accusés de meurtre, d’activités subversives ou de possession d’armes. L’État partie fait observer que le Bangladesh est partie à la Convention depuis 1998 et, depuis 2001, au Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

4.8 En ce qui concerne le critère du risque réel, personnel et prévisible d’être soumis à la torture qui doit peser sur le requérant dans l’hypothèse d’un retour, critère requis par l’article 3, l’État partie souligne que les autorités suédoises ont explicitement appliqué les dispositions pertinentes de la Convention. De plus, les autorités compétentes sont particulièrement bien placées pour évaluer les demandes d’asile, compte tenu notamment de l’expérience acquise en faisant droit à 629 demandes fondées sur l’article 3 parmi les 1 427 émanant de requérants du Bangladesh que la Suède a reçues en l’espace de dix ans. En conséquence, il convient d’accorder tout le crédit voulu aux décisions du Service de l’immigration et de la Commission de recours des étrangers, dont l’argumentation est entérinée par l’État partie.

4.9 L’État partie fait valoir que le requérant fonde sa demande sur le risque présumé qu’il encourt d’être soumis à la torture s’il est renvoyé au Bangladesh en raison de son appartenance au BFP et des accusations retenues contre lui en vertu de la loi sur la sûreté nationale, loi qui a été abrogée entre ‑temps. Étant donné que le contexte politique du Bangladesh a considérablement évolué avec la défaite électorale, en 2001, du gouvernement de l’Awami League, qui aurait persécuté le requérant, il semble que ce dernier n’ait plus à craindre d’être persécuté par la police et a fortiori d’être soumis à la torture.

4.10 En outre, l’État partie fait observer que le requérant n’était pas un cadre du parti et que, comme le souligne la Commission de recours des étrangers dans son rapport (voir par. 4.7 ci ‑dessus), les militants de base ne sont que rarement persécutés par les autorités. Même si le requérant peut avoir été soumis à la torture dans le passé, rien ne montre qu’il est encore recherché par la police ou qu’il risquerait d’être persécuté s’il rentrait au Bangladesh maintenant.

4.11 L’État partie note que, s’il y a actuellement un risque de persécution de la part de l’Awami League, cette dernière est une entité totalement non gouvernementale et ses actes ne peuvent être attribués aux autorités. D’après la jurisprudence du Comité, de telles persécutions n’entreraient pas dans le champ d’application de l’article 3 de la Convention . De plus, ces persécutions auraient un caractère local et le requérant pourrait dès lors assurer sa sécurité en s’installant dans une autre région du pays.

4.12 L’État partie note que le requérant a repris ses activités politiques en décembre 1997 après avoir été, selon ses dires, libéré en août 1997. Par ailleurs, après sa deuxième période de détention, en juin 1999, il n’a fait aucune tentative pour quitter le pays, restant sur place jusqu’en décembre 2000, à l’exception d’un séjour en Inde en août et en septembre 2000. L’État partie estime que cela montre que le requérant lui ‑même ne pensait pas qu’il risquait d’être arrêté et torturé, même à cette époque. L’État partie s’étonne que le requérant, soi ‑disant arrêté par la police et accusé de posséder illégalement des armes et de se livrer à des activités subversives en août 1997 et en juin 1999, n’ait eu aucune difficulté à obtenir un passeport des autorités en août 2000.

4.13 Concernant le grief au titre de l’article 16, l’État partie renvoie à deux affaires dans lesquelles le requérant souffrait de troubles post ‑traumatiques et faisait valoir que son état de santé empêchait son expulsion. Dans G. R. B. c. Suède , le Comité a considéré que l’aggravation de l’état de santé de la personne qui pourrait résulter de son expulsion ne constituerait pas un traitement cruel, inhumain ou dégradant attribuable à l’État partie, au sens de l’article 16 de la Convention, tandis que dans S. V. c. Canada , le Comité a estimé que la requête n’était pas suffisamment étayée .

4.14 L’État partie reconnaît que, d’après son dossier médical, le requérant souffre de troubles post ‑traumatiques et que sa santé s’est dégradée alors que sa demande d’asile était en cours d’examen. Il considère toutefois que les craintes exprimées par le requérant en ce qui concerne son retour au Bangladesh n’ont pas été étayées. Il note qu’en mars et en avril 2001 le requérant a demandé une dérogation à l’obligation de présenter un permis de travail car on lui avait proposé un emploi. Après la décision de la Commission de recours des étrangers, en juillet 2002, le requérant est resté dans la clandestinité. Lorsqu’il a été retrouvé par la police, il travaillait en tant qu’épicier. L’État partie fait valoir que l’état psychiatrique du requérant, qui ne l’avait pas empêché de travailler, devait être évalué compte tenu de ces éléments. En outre, l’État partie veille à ce que l’exécution de l’arrêté d’expulsion se fasse de manière digne et humaine, compte tenu de l’état de santé du requérant. L’État partie fait donc valoir que l’aggravation de l’état de santé du requérant qui pourrait résulter de son expulsion ne constituerait pas un traitement cruel, inhumain ou dégradant qui lui serait attribuable, au sens de l’article 16 de la Convention.

Commentaires du requérant sur les observations de l’État partie

5.1 Dans une lettre du 18 juillet 2003, le requérant maintient que sa communication est suffisamment étayée aux fins de la recevabilité au titre de l’article 3. Il affirme en outre qu’elle répond aux critères minimaux de l’article 16 et que l’exécution de l’arrêté d’expulsion constituerait une violation de cet article par les autorités suédoises. En dépit de sa santé mentale fragile, il a été placé en détention provisoire et la rapidité avec laquelle l’arrêté d’expulsion devait être appliqué montre qu’il n’aurait pas été exécuté de manière digne et humaine. Il renvoie à un rapport de la Commission européenne contre le racisme et l’intolérance , qui évoque les critiques dont font l’objet les autorités suédoises, qui exécuteraient les arrêtés d’expulsion sans respecter la dignité des personnes concernées.

5.2 Le requérant renvoie, outre aux rapports déjà soumis concernant la situation générale des droits de l’homme au Bangladesh, à un rapport supplémentaire d’Amnesty International . Ce rapport conclut que la pratique de la torture est largement répandue au Bangladesh depuis des années, que les gouvernements successifs ne se sont pas attaqués au problème et que règne un climat d’impunité. Il n’est possible d’engager des poursuites judiciaires contre un agent de l’État, comme un policier, qu’avec l’accord du Gouvernement, qui le donne rarement. Le requérant conteste les affirmations de l’État partie selon lesquelles les militants de base ne font pas l’objet de fausses accusations. Il rappelle aussi au Comité la «déclaration» par laquelle la République populaire du Bangladesh a indiqué qu’elle appliquerait le paragraphe 1 de l’article 14 de la Convention contre la torture «conformément aux lois et textes existants du pays». Le requérant fait valoir que, contrairement aux dispositions de cet article, les victimes de la torture au Bangladesh ne peuvent pas obtenir réparation et ne sont pas indemnisées comme elles le devraient. Il renvoie à la promulgation de la loi relative à l’exonération de responsabilité des participants à l’action commune des forces de l’ordre ( Joint Drive Indemnity Act ) qui a accordé l’immunité aux responsables militaires et gouvernementaux pour les actes de torture qui auraient été commis au cours de l’opération dite «Cœur pur».

5.3 Concernant sa situation personnelle, le requérant réaffirme qu’il court personnellement un risque réel et prévisible d’être soumis à la torture s’il est renvoyé au Bangladesh. Sans contester les statistiques présentées par l’État partie (par. 4.8 ci ‑dessus), le requérant fait valoir que l’État partie n’a pas précisé combien de candidats à l’asile obtenaient effectivement l’asile ou un permis de séjour en tant que personnes ayant besoin d’une protection. Il fait valoir également que, comparés à d’autres catégories, les demandeurs d’asile originaires du Bangladesh sont chaque année très peu nombreux . Les services de l’immigration de l’État partie ont donc bien moins d’expérience concernant cette catégorie de personnes que pour d’autres catégories de demandeurs d’asile. Le requérant fait valoir aussi que la situation politique n’a pas fondamentalement changé au Bangladesh. Le BFP est un parti qui, pour autant qu’il existe encore, est dans l’opposition au présent Gouvernement, constitué d’une coalition de quatre partis emmenée par le BNP. Le requérant fait valoir que ni l’État partie ni ses autorités migratoires ne contestent ce fait ou les éléments de preuve concernant les actes de torture qu’il a subis. Il soutient que, dès lors qu’il est établi qu’une personne a déjà été soumise à la torture par le passé, il devrait exister une présomption de risque à venir, sauf si les circonstances ont manifestement changé. Il ajoute qu’un certain nombre de lois, comme le Code de procédure pénale et la loi sur les pouvoirs spéciaux, créent des conditions qui facilitent la torture en permettant à la police d’arrêter une personne pour des motifs vagues ou sans chef d’inculpation et de la garder en détention de manière prolongée. Tout en reconnaissant que la loi sur la sûreté nationale a été abrogée en avril 2001, le requérant fait valoir que la loi sur les pouvoirs spéciaux et les autres textes cités par Amnesty International sont toujours applicables et que l’on ne connaît pas de cas de personnes poursuivies en vertu de la loi sur la sûreté nationale pour lesquelles l’affaire a été classée ou les poursuites abandonnées.

5.4 Le requérant explique également (voir par. 4.12 ci ‑dessus) qu’il a obtenu son passeport en août 2000, c’est ‑à ‑dire avant que les accusations de possession illégale d’explosifs et d’armes, de fabrication de bombes, de distribution de propagande antigouvernementale et d’atteinte à l’ordre public n’aient été formulées contre lui.

Observations supplémentaires de l’État partie et commentaires du requérant

6.1 Dans une lettre datée du 1 er septembre 2003, l’État partie reconnaît que la Commission européenne contre le racisme et l’intolérance a formulé des remarques au sujet de l’expulsion des demandeurs d’asile déboutés. La Commission a plus spécifiquement fait observer qu’il y avait eu des cas de personnes expulsées contre leur gré à destination de pays inconnus d’elles en raison de la difficulté à établir leur nationalité et des cas d’usage excessif de la force et/ou de méthodes exceptionnelles de contrainte par des fonctionnaires de police lors de l’expulsion de ressortissants étrangers de Suède. L’État partie renvoie à une annexe du rapport dans laquelle il reconnaît qu’il y a eu des expulsions forcées vers des pays qui n’étaient pas le pays d’origine dans des cas où il était difficile de vérifier la nationalité des demandeurs d’asile mais a déclaré que la Commission «[dépeignait] de façon erronée la situation en Suède». L’État partie confirme que l’objectif est toujours de renvoyer les intéressés vers leur pays d’origine ou vers un pays dans lequel ils ont le droit de séjourner légalement.

6.2 Dans une lettre datée du 11 novembre 2003, le requérant maintient que les autorités suédoises ont été critiquées non seulement pour avoir renvoyé un demandeur d’asile dans le mauvais pays mais aussi pour la façon dont l’arrêté d’expulsion a été exécuté. Il déclare qu’il s’agit d’une question importante dans son cas et que la façon dont il a été traité par les autorités suédoises constitue une violation de l’article 16 de la Convention.

6.3 Dans une lettre datée du 16 novembre 2005, l’État partie fait valoir que, comme il existe maintenant une nouvelle voie de recours, ouverte au titre d’une législation temporaire aux demandeurs de permis de séjour, il conviendrait de déclarer la requête irrecevable pour non ‑épuisement des recours internes ou du moins d’en reporter l’examen en attendant le résultat de l’application de la nouvelle procédure. Le 9 novembre 2005, des modifications provisoires à la loi de 1989 sur les étrangers ont été adoptées. Entrées en vigueur le 15 novembre 2005, elles devaient rester applicables jusqu’à l’entrée en vigueur d’une nouvelle loi sur les étrangers, le 31 mars 2006. Ces modifications ont ajouté de nouveaux critères sur la base desquels un permis de séjour peut être délivré à un étranger sous le coup d’une décision définitive de non ‑admission sur le territoire ou d’expulsion. L’article 5 b) du nouveau chapitre 2 de la loi sur les étrangers prévoit que, si des éléments nouveaux apparaissent concernant l’exécution d’une décision finale de non ‑admission ou d’expulsion, le Conseil suédois des migrations peut, à la demande de l’intéressé ou de sa propre initiative, lui accorder un permis de séjour si, entre autres critères, il y a des raisons de supposer que le pays de renvoi refusera de l’admettre sur son territoire ou si des raisons d’ordre médical s’opposent à l’exécution de la décision. En outre, un permis de séjour peut également être accordé pour des autres raisons que celles qui ont été mentionnées lorsque des considérations humanitaires urgentes l’exigent. Pour apprécier les aspects humanitaires, il faut en particulier tenir compte de la question de savoir si l’étranger se trouve en Suède depuis longtemps et si, eu égard à la situation dans le pays de renvoi, il n’est pas possible d’envisager des mesures coercitives pour appliquer la décision de non ‑admission sur le territoire ou d’expulsion. Par ailleurs, si l’étranger a commis des infractions, il conviendra également d’en tenir compte, et un permis de séjour peut être refusé pour des raisons de sécurité. La décision de non ‑admission ou d’expulsion n’est pas exécutée tant que le Conseil des migrations n’a pas fini d’examiner le dossier. Les décisions rendues par le Conseil des migrations en application de l’article 5 b) du chapitre 2 modifié ne sont pas susceptibles de recours. Les demandes déposées auprès du Conseil des migrations en vertu de la nouvelle législation qui sont encore en instance au 30 mars 2006 continueront d’être traitées suivant les modifications provisoires à la loi sur les étrangers. Il en va de même des affaires que le Conseil a décidé d’examiner de sa propre initiative.

6.4 Dans une lettre datée du 31 mars 2006, le requérant répond que, le 18 novembre 2005, le Conseil des migrations a décidé de revoir son cas en vertu de la législation provisoire. Le 3 mars 2006, le Conseil a décidé de ne pas lui accorder de permis de séjour et de maintenir l’arrêté d’expulsion. Dans sa lettre datée du 12 avril 2006, le requérant explique que, dans la demande présentée au Conseil, il a réitéré les raisons pour lesquelles il demande l’asile, qu’il avait présentées précédemment au Conseil des migrations, à la Commission de recours des étrangers et au Comité contre la torture. Il a aussi fait référence à de nouveaux éléments médicaux de janvier ‑février 2006, qui confirment que le requérant est suivi par des services psychiatriques en Suède depuis 2001 et qu’il a été initialement diagnostiqué comme souffrant de troubles post ‑traumatiques.

6.5 Le Conseil des migrations a fondé sa décision du 3 mars 2006 sur le fait que ces raisons avaient déjà été examinées par les autorités migratoires et qu’aucun nouvel élément n’était apparu concernant ces raisons et les risques que le requérant courrait s’il était renvoyé au Bangladesh. Le Conseil a donc estimé qu’il ne pouvait obtenir l’asile ou un permis de séjour en tant que personne ayant besoin d’une protection. Deuxièmement, le Conseil a estimé, compte tenu de sa pratique en vertu des modifications provisoires de la loi, qu’un célibataire devait vivre en Suède depuis au moins huit ans avant de pouvoir obtenir un permis de séjour pour ces motifs et que la durée de séjour du requérant, qui était arrivé en Suède en 2000, était insuffisante. Troisièmement, le Conseil a estimé que son dossier médical ne montrait pas qu’il souffrait d’une maladie mentale ou de maux comparables si graves qu’il faille lui accorder un permis de séjour pour raisons médicales, et qu’il pouvait être correctement soigné dans son pays d’origine. Il n’y avait donc aucun motif de lui accorder un permis de séjour pour raisons humanitaires.

6.6 Le requérant explique que, le 11 janvier 2006, il est entré en contact avec son frère au Bangladesh, qui l’a informé que la police continuait de s’intéresser à lui ainsi qu’à sa femme et à ses enfants. Ces derniers seraient obligés de se déplacer dans le pays pour éviter la police et les militants de l’Awami League . Le requérant renvoie aux rapports de 2005 du Département d’État des États ‑Unis et du Ministère suédois des affaires étrangères pour confirmer que la situation concernant la torture dans les prisons de la police ne s’est pas améliorée mais s’est au contraire aggravée. Le requérant affirme en outre que la pratique restrictive des autorités suédoises concernant l’octroi de permis de séjour lui a causé des souffrances inutiles et constitue en soi une violation de l’article 3 ou de l’article 16 de la Convention.

Délibérations du Comité

Examen de la recevabilité

7.1 Avant d’examiner une plainte soumise dans une communication, le Comité contre la torture doit déterminer si la requête est recevable en vertu de l’article 22 de la Convention. Le Comité s’est assuré, comme il est tenu de le faire conformément au paragraphe 5 a) de l’article 22 de la Convention, que la même question n’a pas été et n’est pas en cours d’examen devant une autre instance internationale d’enquête ou de règlement. Il note que l’épuisement des recours internes n’a pas été contesté par l’État partie dans ses premières observations et que, le 3 mars 2006, les autorités de l’État partie ont pris une décision finale concernant la nouvelle demande présentée par le requérant au titre des modifications provisoires de la loi sur les étrangers de 1989.

7.2 Concernant l’argument avancé par le requérant dans sa dernière lettre, en date du 12 avril 2006, selon lequel le traitement auquel il a été soumis de la part des autorités suédoises du fait de la pratique restrictive appliquée par ces dernières pour l’octroi des permis de séjour, ce qui lui a causé des souffrances inutiles, constitue en soi une violation de l’article 3 ou de l’article 16 de la Convention, le Comité considère que le requérant n’a pas suffisamment étayé cette allégation.

7.3 En ce qui concerne le grief tiré de l’article 16, relatif à l’expulsion du requérant en dépit de son état de santé mentale, le Comité rappelle sa jurisprudence précédente selon laquelle l’aggravation de l’état de santé physique ou mentale d’une personne due à l’expulsion est généralement insuffisante pour constituer, en l’absence d’autres facteurs, un traitement dégradant en violation de l’article 16 . Le Comité prend note des renseignements médicaux présentés par le requérant, à l’effet d’établir qu’il souffre de troubles post ‑traumatiques graves causés fort probablement par le traitement qu’il a subi en 1997 et en 1999. Le Comité considère toutefois que l’aggravation de l’état de santé du requérant qui pourrait résulter de son expulsion est en soi insuffisante pour étayer ce grief, qui est donc considéré comme irrecevable.

7.4 Concernant le grief de violation de l’article 3 relativement à la torture, le Comité considère, compte tenu en particulier des informations fournies par le requérant au sujet des actes de torture qu’il a subis, qu’il a étayé sa plainte aux fins de la recevabilité. En l’absence d’autre obstacle à la recevabilité, le Comité procède donc à l’examen de la requête quant au fond.

Examen au fond

8.1 Le Comité doit déterminer si le renvoi du requérant au Bangladesh constituerait une violation de l’obligation qu’impose à l’État partie l’article 3 de la Convention de ne pas expulser ni refouler une personne vers un autre État où il y a des motifs sérieux de croire qu’elle risquerait d’être soumise à la torture.

8.2 Le Comité doit examiner s’il existe des motifs sérieux de croire que le requérant risque personnellement d’être soumis à la torture à son retour au Bangladesh. Pour évaluer ce risque, le Comité doit tenir compte de tous les éléments pertinents, conformément au paragraphe 2 de l’article 3 de la Convention, notamment l’existence d’un ensemble de violations systématiques des droits de l’homme, graves, flagrantes ou massives. Le Comité rappelle toutefois que l’objectif de cette évaluation est de déterminer si l’intéressé risque personnellement d’être soumis à la torture dans le pays dans lequel il serait renvoyé. Dès lors, l’existence d’un ensemble de violations systématiques des droits de l’homme, graves, flagrantes ou massives dans le pays en question n’est pas en soi un motif suffisant pour établir que cette personne risque d’être soumise à la torture à son retour dans ce pays; il doit exister des motifs supplémentaires donnant à penser qu’elle serait personnellement en danger. À l’inverse, l’absence d’un ensemble de violations flagrantes et systématiques des droits de l’homme ne signifie pas qu’une personne ne peut pas être considérée comme risquant d’être soumise à la torture dans les circonstances qui sont les siennes.

8.3 Pour évaluer le risque de torture en l’espèce, le Comité a relevé que le requérant dit avoir été torturé à deux reprises au Bangladesh. Cependant, comme le fait observer l’État partie et selon l’Observation générale du Comité, le fait qu’une personne a déjà été torturée n’est qu’un des éléments qui sont pris en considération pour déterminer si une personne encourt personnellement le risque d’être torturée en cas de renvoi dans son pays d’origine; à cet égard, le Comité doit examiner la question de savoir si la torture a eu lieu récemment, compte tenu des réalités politiques du moment dans le pays concerné. En l’espèce, les actes de torture dont le requérant a été victime se sont produits en 1997 et 1999, ce qui ne saurait être considéré comme un passé récent, et dans des circonstances politiques tout à fait différentes, c’est ‑à ‑dire au moment où le BFP, parti auquel appartient le requérant, était dans l’opposition au parti alors au pouvoir, l’Awami League.

8.4 Le Comité a pris note des allégations concernant la situation générale des droits de l’homme au Bangladesh et des informations selon lesquelles la torture y serait chose courante. Toutefois, cela ne suffit pas pour prouver que le requérant encourrait personnellement le risque d’être soumis à la torture s’il était renvoyé au Bangladesh. Le Comité constate que les principales raisons pour lesquelles le requérant craint personnellement d’être soumis à la torture s’il était renvoyé au Bangladesh sont qu’il y a déjà été soumis à la torture au motif de son appartenance au BFP et qu’il risque d’y être emprisonné et torturé à son retour en raison des poursuites engagées contre lui en vertu de la loi sur la sûreté nationale.

8.5 Le Comité note que le requérant et l’État partie divergent complètement quant à la question de savoir si le BFP peut être considéré actuellement comme étant dans l’opposition au gouvernement actuel. Cependant, les renseignements de l’État partie donnent à penser le contraire. Le Comité rappelle que, conformément à son Observation générale , c’est au requérant qu’il incombe de présenter des arguments défendables et de prouver qu’il risquerait d’être torturé, que les raisons de croire qu’il le serait sont aussi sérieuses qu’il le dit, et que ce risque est personnel et réel. En l’espèce, le Comité n’est pas convaincu que, compte tenu de la situation politique actuelle au Bangladesh, conjuguée au faible niveau de responsabilité présumé du requérant au sein du BFP, le requérant risque actuellement d’y être torturé en raison de son appartenance au BFP, à un rang ordinaire.

8.6. Le Comité relève également que le requérant et l’État partie sont en désaccord sur la question de la probabilité pour une personne accusée par la police de détention d’armes illégales et d’activités subversives d’obtenir un nouveau passeport. En l’espèce le Comité n’est pas en mesure de délibérer sur cette question, étant donné que le requérant n’a apporté aucun document prouvant qu’il a été inculpé en 1997 ou en 1999 ou encore en 2000, avec les dates exactes auxquelles cela se serait produit.

8.7 Concernant les charges qui auraient été retenues contre le requérant au titre de la loi sur la sûreté nationale, le Comité note que l’état des poursuites engagées demeure incertain. Si le requérant ne conteste pas l’argument de l’État partie selon lequel la loi a été abrogée, il met en doute le fait que les affaires pour lesquelles des poursuites avaient été engagées en vertu de cette loi aient été classées ou que les poursuites aient été abandonnées. Faute d’élément indiquant que la police continue de s’intéresser au requérant, le Comité considère que ce dernier n’a pas montré que les poursuites engagées contre lui continueraient en dépit de l’abrogation de la législation pertinente. En conséquence, il juge peu probable que le requérant risque d’être placé en détention et torturé à son retour.

9. Le Comité contre la torture, agissant en vertu du paragraphe 7 de l’article 22 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, conclut que la décision de l’État partie de renvoyer le requérant au Bangladesh ne constituerait pas une violation de l’article 3 de la Convention.

Communication n o 249/2004

Présentée par :

Nadeem Ahmad Dar (représenté par un conseil)

Au nom de :

Nadeem Ahmad Dar

État partie :

Norvège

Date de la requête :

29 mars 2004 (date de la lettre initiale)

Le Comité contre la torture , institué en vertu de l’article 17 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,

Réuni le 11 mai 2007,

Ayant achevé l’examen de la requête n o 249/2004, présentée par M. Nadeem Ahmad Dar en vertu de l’article 22 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,

Ayant tenu compte de toutes les informations qui lui ont été communiquées par le requérant, son conseil et l’État partie,

Adopte la décision ci-après au titre du paragraphe 7 de l’article 22 de la Convention contre la torture.

1.1 Le requérant est M. Nadeem Ahmad Dar, de nationalité pakistanaise, né le 2 janvier 1961, qui vit en Norvège. Dans sa première lettre, il faisait valoir que son renvoi vers le Pakistan constituerait une violation par la Norvège de l’article 3 de la Convention. Aujourd’hui, son grief est que son expulsion vers le Pakistan en dépit de la demande de mesures provisoires adressée à l’État partie par le Comité a constitué une violation par la Norvège de son obligation de coopérer de bonne foi avec le Comité, au titre de l’article 22 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Il est représenté par un conseil.

1.2 Sous couvert d’une note verbale datée du 2 avril 2004, le Comité a transmis la requête à l’État partie et lui a demandé, en application du paragraphe 1 de l’article 108 de son règlement intérieur, de ne pas renvoyer le requérant au Pakistan tant que sa requête serait à l’examen. Dans la note verbale, il était précisé que cette demande était fondée sur les renseignements figurant dans la requête et qu’elle pourrait être réexaminée, si l’État partie le souhaitait, en fonction des renseignements et des observations reçus de ce dernier et de toute autre observation que le requérant pourrait faire. Le 1 er juin 2004, l’État partie a fait savoir au Comité qu’il n’accéderait pas à sa demande. Néanmoins, le 29 juin 2004, l’État partie a précisé qu’il avait décidé de ne pas procéder à l’expulsion du requérant et de sa famille vers le Pakistan tant que le tribunal de première instance n’aurait pas examiné l’affaire.

1.3 Le 16 janvier 2006, le nouveau conseil du requérant a informé le Comité que celui-ci avait été expulsé vers le Pakistan le 22 septembre 2005 . Le 15 février 2006, l’État partie a reconnu que le requérant avait été expulsé.

1.4 Le 5 avril 2006, l’État partie a informé le Comité que le requérant avait obtenu un permis de séjour de trois ans. Le 21 avril 2006, le conseil a précisé qu’il était revenu en Norvège et y vivait depuis le 31 mars 2006.

1.5 Le 30 mai 2006, le Rapporteur spécial chargé des mesures provisoires a refusé de présenter une nouvelle demande de mesures provisoires visant à ce que le requérant ne soit pas renvoyé au Pakistan.

Rappel des faits présentés par le requérant

2.1 Le requérant, commandant à la retraite de l’armée pakistanaise, est un musulman ahmadi. D’après un rapport du Département d’État des États ‑Unis joint par le requérant, les ahmadis se considèrent musulmans mais n’acceptent pas que Mahomet ait nécessairement été le dernier prophète. Le requérant fait valoir qu’il a eu des difficultés avec ses supérieurs de l’armée en raison de sa religion. On aurait attenté à sa vie plusieurs fois. Le requérant soupçonne ses supérieurs d’avoir mis le feu à sa maison en 1994. Quand il était dans l’armée, il a été envoyé dans une zone de conflit mais n’a pas reçu l’appui d’autres unités qui lui avait été promis. Il ajoute qu’il risque d’être victime de représailles de la part d’organisations terroristes telles que le Jaish Muhammed (JM) et le Mouvement Mohajir Qomi (MQM) à cause de sa position dans l’armée et des opérations que celle ‑ci avait menées contre ces organisations. En 2001, le fils de ses cousins aurait été enlevé par erreur, à la place de son propre fils, par le Jaish Muhammed, mais le requérant a réussi à le libérer avec l’aide d’amis. Le requérant affirme qu’il a été victime de discrimination et contraint de quitter l’armée en raison de sa religion.

2.2 Le requérant est arrivé en Norvège le 23 avril 2002 muni de son propre passeport et d’un visa délivré par l’ambassade de Norvège à Islamabad. Il était accompagné de sa femme et de ses quatre enfants et a déposé une demande d’asile le 29 avril 2002. La Direction de l’immigration (UDI) a examiné sa demande d’asile et l’a rejetée le 22 janvier 2003. Le requérant a fait recours auprès de la Commission de recours en matière d’immigration (UNE) qui a rendu une décision négative le 8 janvier 2004.

2.3 Le 31 janvier 2004, le requérant a été informé par son avocat au Pakistan qu’il avait été accusé de blasphème le 2 janvier 2002. Il joint la traduction d’un document intitulé «Action contre Nadeem Ahmad Dar» adressé au responsable du poste de police de Chong dans le district de Lahore. Dès qu’il a reçu cette information le requérant a formé un nouveau recours auprès des services d’immigration norvégiens, qui a été rejeté par l’UNE le 1 er mars 2004 au motif que la lettre de l’avocat et cette accusation, qui étaient des documents privés, non officiels, n’apportaient pas la preuve qu’il subirait des persécutions au Pakistan, et que la soumission tardive de ces documents faisait douter de leur authenticité. Dans une autre lettre au Comité datée du 10 mars 2005, le requérant joint une copie d’une «demande d’enregistrement d’une action pénale contre le requérant» datée du 8 mars 2005 et signée de Tahir Yaqoob, qui l’accusait de «prêcher contre l’esprit de l’islam». Le requérant affirme en outre que la police était venue le chercher chez lui pour l’arrêter. Il affirme que s’il était renvoyé au Pakistan et déclaré coupable il risquerait la peine de mort en application de l’article 295 c) du Code pénal pakistanais.

2.4 Le requérant affirme également qu’une procédure a été engagée contre lui en vertu d’une «ordonnance de hodoud» et qu’il risque d’être condamné à «quatorze ans de réclusion en régime sévère» et à «30 coups de fouet».

2.5 Le requérant invoque le rapport du Département d’État des États ‑Unis pour 2003 où il est question du traitement discriminatoire dont font l’objet les minorités religieuses au Pakistan, notamment par le biais des ordonnances «de hodoud», en vertu desquelles des règles de la preuve différentes sont appliquées aux musulmans et aux non ‑musulmans pour des violations présumées de la loi islamique. Il existe dans la loi des interdictions frappant spécifiquement les ahmadis pratiquants. D’après le rapport, les lois relatives au blasphème sont utilisées le plus souvent contre des musulmans réformistes et des ahmadis. Toujours d’après le rapport, aucune exécution n’a eu lieu au Pakistan en application de l’article 295 c) du Code pénal, mais plusieurs personnes ont été condamnées à mort et d’autres, accusées en vertu de cette disposition, ont été tuées par des extrémistes religieux.

2.6 Le 10 mai 2004, le requérant a appris que l’UNE avait rejeté la demande de mesures provisoires émanant du Comité contre la torture au motif du non ‑épuisement des recours internes et il a été prié de quitter le pays.

Teneur de la plainte

3. Le grief initial du requérant était que son expulsion vers le Pakistan constituerait une violation de l’article 3 de la Convention dans la mesure où il existait des motifs sérieux de croire qu’il serait soumis à la torture ou à d’autres traitements inhumains s’il était renvoyé dans ce pays. Le requérant affirmait qu’il pouvait être tué par des organisations terroristes et qu’il encourait la peine de mort à cause de l’accusation de blasphème portée contre lui. Il ajoutait que s’il était renvoyé au Pakistan la police l’arrêterait et le torturerait dans le cadre de l’enquête au sujet des accusations portées contre lui.

Observations de l’État partie sur la recevabilité

4.1 En date du 1 er juin 2004, l’État partie a fait parvenir ses observations sur la recevabilité de la requête et a fait valoir qu’elle était irrecevable parce que le requérant n’avait pas épuisé les recours internes. Le requérant avait la possibilité de déposer une demande d’examen judiciaire après le rejet de sa requête par les services d’immigration. Il avait également la possibilité d’engager une procédure de référé visant à demander au tribunal d’enjoindre l’administration de surseoir à l’expulsion. L’État partie indique qu’en vertu de l’article 15, paragraphe 2 et paragraphe 6, de la loi sur l’exécution des décisions judiciaires de 1992, une injonction peut être prononcée si le plaignant:

a) Démontre que la décision attaquée sera probablement annulée lorsque le tribunal statuera sur le fond; et

b) Invoque une raison valable de demander une injonction, c’est ‑à ‑dire montre qu’une injonction est nécessaire pour éviter un dommage ou un préjudice grave si la décision devait être exécutée avant que le tribunal n’ait statué sur le fond.

À la date où l’État partie a présenté ses observations, le requérant n’avait pas saisi les tribunaux norvégiens.

4.2 L’État partie a ajouté que sa législation en matière d’immigration garantissait aux personnes au moins la même protection contre le risque d’être renvoyé dans un pays où elles risquaient d’être persécutées que les dispositions régissant la même question de la Convention ou d’autres instruments internationaux.

4.3 L’État partie a également informé le Comité qu’après un examen approfondi il avait décidé de ne pas accéder à la demande formulée par le Rapporteur spécial chargé des nouvelles requêtes de ne pas expulser le requérant tant que le Comité était saisi de l’affaire. Il explique que l’UNE, qui a pris la décision, avait jugé la requête irrecevable pour deux raisons: non ‑épuisement des recours internes et allégations manifestement infondées. Il fait valoir que la demande de mesures provisoires a été faite en fonction de la déclaration du requérant qui disait avoir épuisé les recours internes, ce que l’État partie conteste. Celui ‑ci ajoute que la requête est manifestement dénuée de fondement, étant donné le manque de crédibilité du requérant et l’absence d’éléments à l’appui de ses griefs.

4.4 Dans une autre lettre datée du 29 juin 2004, l’État partie a fait savoir que le requérant avait porté son affaire devant les tribunaux, le 21 juin 2004, et qu’il avait décidé de ne pas procéder à l’expulsion du requérant et de sa famille vers le Pakistan tant que le tribunal de première instance n’aurait pas statué.

Commentaires du requérant sur les observations de l’État partie

5.1 Le 14 juillet 2004, le requérant a informé le Comité que, le 17 juin 2004, il avait été arrêté avec sa famille, et qu’ils avaient été placés dans un centre de rétention en attendant l’expulsion qui aurait lieu le lendemain. Toutefois, ils avaient appris qu’ils seraient libérés s’ils confirmaient leur intention de porter l’affaire en justice. Le requérant a accepté et ils ont été remis en liberté.

5.2 Le requérant affirme que l’État partie a présenté sa cause de façon sélective et partiale. Il déclare qu’il a épuisé les recours internes puisqu’il a reçu une décision définitive de l’UNE, qui est un organe de recours quasi judiciaire. À ce sujet, il joint un graphique expliquant le système judiciaire norvégien en ce qui concerne les demandes d’asile. D’après lui, une fois épuisés les deux recours administratifs, il lui faudrait encore franchir quatre étapes dans le cadre de la procédure judiciaire. Il fait valoir que dans ces conditions la procédure serait excessivement longue.

5.3 Le requérant affirme en outre que ces recours ne sont pas ouverts à un demandeur d’asile, dans la mesure où l’exercice de ces moyens de droit et les services d’un avocat entraînent des frais élevés, qui sont au ‑desssus de ses capacités financières; ils ont d’ailleurs été initialement pris en charge grâce à des dons d’œuvres de bienfaisance recueillis à l’initiative du maire de sa communauté. Il souligne que son droit à l’aide juridictionnelle est épuisé, celle ‑ci ne couvrant que trois heures des services du premier avocat commis d’office ou choisi.

5.4 Le requérant fait observer qu’au départ on ne lui avait pas dit qu’il pouvait saisir les tribunaux après avoir épuisé la voie administrative. Après avoir reçu la lettre du 10 mai 2004, il a informé l’UNE qu’il porterait l’affaire en justice dès que possible.

5.5 Le 21 juin 2004, le requérant a saisi le tribunal d’Oslo ( Tingrett ) qui a pris une ordonnance le 25 juin pour interdire qu’il soit expulsé avant que sa cause n’ait été entendue. Le 7 décembre 2004, le tribunal d’Oslo a confirmé la décision de l’UNE et a rejeté la demande d’injonction.

5.6 Dans des lettres ultérieures, datées des 11 et 13 février et du 13 mars 2005, le requérant a fait savoir que la police avait reçu l’ordre de procéder à l’expulsion de la famille, alors même que son recours était pendant devant la cour d’appel. Celle ‑ci devait examiner l’affaire en mars 2006. Le requérant fait valoir que le recours devant la cour d’appel ne peut pas être considéré comme un recours utile dans la mesure où il n’a pas d’effet suspensif et qu’il ne peut pas empêcher son expulsion. Il affirme en particulier que s’il retourne au Pakistan il ne pourra pas revenir en Norvège, parce qu’il sera persécuté ou incarcéré.

Décision du Comité sur la recevabilité

6.1 Le Comité a examiné la question de la recevabilité de la requête à sa trente ‑cinquième session et l’a déclarée recevable le 14 novembre 2005. Il s’est assuré, comme il est tenu de le faire en vertu du paragraphe 5 a) de l’article 22 de la Convention, que la même question n’a pas déjà été et n’était pas actuellement examinée par une autre instance internationale d’enquête ou de règlement.

6.2 Le Comité a relevé que l’État partie avait contesté la recevabilité de la communication au motif que tous les recours internes disponibles et utiles n’avaient pas été épuisés. Il a noté également que la légalité d’un acte administratif pouvait être contestée devant un tribunal norvégien et que les personnes dont la demande d’asile politique avait été rejetée par la Direction de l’immigration (UDI) et dont le recours devant l’UNE avait également été rejeté pouvaient demander un contrôle de la décision devant les juridictions norvégiennes.

6.3 Le Comité a relevé qu’après avoir été informé de la possibilité de demander un contrôle de légalité le requérant a saisi les tribunaux et que l’affaire était pendante devant la cour d’appel quand il a examiné la question de la recevabilité.

6.4 Le Comité a observé toutefois que cette action n’avait pas d’effet suspensif et que le requérant pouvait subir un préjudice irréparable s’il était renvoyé au Pakistan avant que la procédure de contrôle judiciaire ne soit achevée.

6.5 Dans ces circonstances, le Comité a conclu que le recours qui était pendant devant la cour d’appel et les éventuels recours ultérieurs ne constituaient pas un recours utile en ce qui concernait l’expulsion du requérant. En conséquence, il a estimé qu’il n’était pas empêché par le paragraphe 5  a) et b) de l’article 22 de la Convention d’examiner la requête.

6.6 Le Comité a considéré que le requérant avait apporté suffisamment d’éléments pour étayer sa plainte aux fins de la recevabilité.

6.7 Le Comité a noté qu’en ratifiant la Convention et en acceptant la compétence du Comité en vertu de l’article 22 de la Convention, l’État partie s’était engagé à coopérer avec lui de bonne foi dans l’application de la procédure. Il a relevé que l’acceptation des mesures provisoires qu’il demandait était essentielle pour protéger la personne d’un préjudice irréparable, qui pourrait au surplus réduire à néant le résultat de la procédure devant le Comité. L’État partie a été invité à faire droit à la demande de mesures provisoires de protection formulée par le Comité .

Actualisation concernant les faits et la question des mesures provisoires

Mesures provisoires et expulsion du requérant

7.1 Le 16 janvier 2006, le conseil a informé le Comité que le requérant avait été expulsé vers le Pakistan. Elle affirme que l’État partie refuse de coopérer avec le Comité et qu’il n’a pas accédé à sa demande de mesures provisoires formulée le 2 avril 2004. Elle ajoute que des journaux au Pakistan ont rapporté qu’une action pénale avait été enregistrée contre le requérant pour avoir prêché des «qadianiat» et joint une copie de ces articles avec une traduction. Elle indique que le requérant se cache et craint pour sa vie.

7.2 Le 3 février 2006, le conseil a adressé des copies de plusieurs documents, notamment une demande d’enregistrement d’une action pénale contre le requérant au Pakistan signée de M. Tahir Yaqoob et datée du 9 mars 2005 ainsi qu’une «plainte pour outrage» datée du 20 octobre 2005, renvoyant au document susmentionné et demandant au tribunal d’engager une action contre le requérant.

Commentaires de l’État partie sur la question des mesures provisoires

8.1 Le 15 février 2006, l’État partie a adressé une lettre pour actualiser les faits. Il rappelle que le tribunal municipal d’Oslo a examiné le cas du requérant le 7 décembre 2004. Après deux jours d’audience pendant lesquels le requérant, sa femme et les témoins ont été longuement entendus, de même qu’un expert de la Commission de recours en matière d’immigration (UNE) qui avait une connaissance personnelle et actuelle de la situation des droits de l’homme au Pakistan, le tribunal a conclu que le renvoi du requérant (et de sa famille) au Pakistan ne constituerait pas une violation de l’article 15 de la loi sur l’immigration, dont la teneur est identique à celle de l’article 3 de la Convention. Sur la base de cette décision, le tribunal a également établi que l’arrêté d’expulsion de l’UNE pouvait être exécuté. Le recours formé contre la première décision devait être examiné les 3 et 4 avril 2006. La dernière décision a été confirmée par la cour d’appel ( Borgarting Lagmannsrett ) le 24 février 2005.

8.2 Après cette décision, le requérant a demandé à l’UNE de réexaminer son cas et de surseoir à l’expulsion en raison de nouveaux éléments d’information. Le 19 septembre 2005, l’UNE a confirmé sa décision précédente.

8.3 Le 21 ‑22 septembre 2005, le requérant a été expulsé vers Islamabad, escorté par des policiers, et a été admis par les autorités pakistanaises. Il a été interrogé parce que son passeport avait expiré mais a été remis en liberté le même jour. Pendant qu’il était procédé à son expulsion, la femme et les enfants du requérant se sont réfugiés dans une église (asile religieux) à Nesodden et sont toujours en Norvège.

8.4 Le 16 décembre 2005, le nouveau conseil du requérant a déposé auprès de la cour d’appel une demande de révision de sa décision du 24 février 2005, en invoquant la décision de recevabilité rendue par le Comité et de nouveaux documents censés montrer que le requérant courait actuellement un risque réel d’être soumis à la torture du fait de l’accusation de blasphème portée contre lui. Elle a demandé au tribunal d’ordonner le sursis à exécution de l’ordre d’expulsion contre la famille du requérant et d’enjoindre le Gouvernement de prendre des dispositions pour que le requérant puisse revenir en toute sécurité en Norvège. Quand l’État partie a adressé ses observations, l’affaire était toujours pendante.

8.5 Pour ce qui est de la demande de mesures provisoires du Comité, l’État partie explique que le requérant n’a été expulsé qu’après que les tribunaux eurent procédé à un examen approfondi de sa situation, en interrogeant aussi directement le requérant lui ‑même. Celui ‑ci n’a pas démontré, avant d’être expulsé, qu’il courait personnellement un risque réel et prévisible d’être soumis à la torture, au sens de l’article 3 de la Convention, s’il était renvoyé au Pakistan.

8.6 L’État partie conclut que, étant donné que le cas du requérant a fait l’objet d’un examen approfondi de la part des autorités judiciaires et administratives, pendant dix ‑huit mois entre la date à laquelle il a adressé sa communication au Comité et la date de l’expulsion, le fait qu’il ait été expulsé avant que le Comité rende sa décision de recevabilité ne constitue pas un non ‑respect de cette décision. L’État partie rappelle que, quand le Comité a adressé sa demande de mesures provisoires en application de l’article 108 du Règlement intérieur, en avril 2004, le requérant n’avait pas utilisé tous les recours judiciaires internes disponibles et que, quand il l’a fait, l’État partie a accepté de surseoir à l’expulsion.

Commentaires du conseil sur la question des mesures provisoires

9.1 Le 9 mars 2006, le conseil a fait parvenir ses commentaires sur la réponse de l’État partie relativement à la question des mesures provisoires et a présenté une mise à jour des faits. Elle maintient que l’État partie n’a pas satisfait à la demande de mesures provisoires adressée par le Comité le 2 avril 2004 quand il a expulsé le requérant, le 21 ‑22 septembre 2005. Le requérant et sa famille ont beaucoup souffert de son expulsion. L’État partie n’a pas non plus assuré un recours utile au sens du paragraphe 5 b) de l’article 22 de la Convention en faisant des conjectures sur les faits, en violation du droit à un procès équitable, et en refusant de lui accorder l’aide juridictionnelle.

9.2 Le conseil relate en détail les circonstances de l’expulsion, le 21 ‑22 septembre 2005, et la procédure qui a suivi. Le requérant a été obligé de voyager avec un passeport périmé, qui portait une photographie de lui en uniforme. À son arrivée il a été arrêté par les autorités d’immigration pakistanaises à cause des irrégularités que présentaient ses titres de voyage mais a été remis en liberté.

9.3 Le conseil évoque aussi des déclarations de l’avocat général et du requérant, concernant l’interprétation de l’obligation de coopérer de bonne foi avec le Comité dans le cas d’une demande de mesures provisoires. Le conseil cite un mémoire écrit, daté du 20 janvier 2006, dans lequel l’avocat général fait valoir que ce n’est pas la Convention elle ‑même mais simplement le Règlement intérieur du Comité (son article 108) qui prévoit la possibilité de demander un sursis à exécution et que de telles demandes ne sont pas contraignantes en droit international. Sur l’obligation de l’État partie de coopérer de bonne foi avec le Comité quand celui ‑ci adresse ce genre de demande, l’avocat général mentionne l’usage qu’il qualifie de fréquent que le Comité fait de l’article 108 et argue que l’obligation de l’État consiste à procéder à une évaluation consciencieuse et approfondie de la demande du Comité et à la satisfaire dans la mesure du possible.

9.4 En ce qui concerne les procédures, le conseil a informé le Comité que le 27 février 2006, quand la cour d’appel avait examiné la demande de révision de sa décision du 24 février 2005 , elle avait décidé d’attendre l’audience sur le fond pour se prononcer sur la question des mesures provisoires. Cette audience n’avait toujours pas eu lieu au moment où le conseil a envoyé ses commentaires.

9.5 Le conseil affirme que l’État partie a manqué à son obligation de coopérer de bonne foi pour donner suite aux constatations du Comité, expulsant le requérant vers le Pakistan, bien que le Comité lui eût demandé, en date du 2 avril 2004, de ne pas le faire. Le refus de l’État partie d’autoriser le retour du requérant après la décision du Comité déclarant la communication recevable et invitant l’État partie à accéder à sa demande de mesures provisoires de protection a constitué une nouvelle violation de l’obligation de l’État partie de coopérer de bonne foi avec le Comité.

9.6 Le conseil avance quatre arguments à l’appui de ces griefs. Premièrement, la demande de mesures provisoires était régulière puisqu’il avait été démontré que les voies de recours internes ne seraient pas utiles pour le requérant et puisque la décision d’expulsion était exécutoire. Deuxièmement, le Comité a la faculté exclusive d’interpréter son propre règlement intérieur et d’agir en fonction de celui ‑ci, et les demandes en application de l’article 108 revêtent une importance particulière pour protéger l’objet et le but de la procédure de plainte émanant de particuliers. Troisièmement, ne pas accéder à une demande du Comité et ne pas lui donner des informations à ce sujet, avant de procéder à l’expulsion du requérant, ont constitué des actes de mauvaise foi. Le conseil rappelle que l’État partie a refusé d’accéder à la demande et que le sursis à expulsion a été ordonné après que le requérant eut saisi le tribunal et non pas comme suite à la demande du Comité. Elle fait valoir en outre que l’article 108 invite les États parties à faire connaître au Comité la suite donnée à ses demandes et souligne que l’État partie n’a pris aucune disposition pour faire rapport au Comité. Quatrièmement, les faits exposés plus haut et la façon dont le requérant a été expulsé révèlent des violations systématiques de la part de l’État partie, notamment parce que le requérant a dû voyager avec un passeport périmé portant une photo de lui en tenue militaire. Elle fait valoir que ces faits étaient contraires à un accord passé entre la police norvégienne et l’ambassade du Pakistan et constituaient une infraction à la législation pakistanaise sur l’immigration.

9.7 D’après le conseil, l’État partie peut être tenu de rétablir autant que possible la situation antérieure, sans porter atteinte à la souveraineté du Pakistan, et cette obligation de rétablir la situation est un principe de droit international reconnu.

9.8 Enfin, le conseil affirme que le requérant devrait obtenir une indemnisation pour l’inobservation par l’État partie de la demande de mesures provisoires, pour les souffrances endurées par lui ‑même et sa famille pendant l’expulsion et pour le refus de l’État partie de lui accorder l’aide juridictionnelle.

Observations de l’État partie sur le fond

10.1 Le 28 mars 2006, l’État partie a fait parvenir ses observations sur le fond de la requête. Il récapitule les faits et souligne que la cour d’appel, qui était toujours saisie du recours quand il a rédigé ses observations, était attentive au fait que l’affaire avait été soumise au Comité. L’État partie joint une copie du mémoire daté du 20 janvier 2006 concernant les obligations que la Convention impose aux autorités norvégiennes . Il mentionne les documents joints par le conseil concernant l’enregistrement au Pakistan d’une action pénale pour blasphème contre le requérant et informe que l’État partie a donc engagé une enquête, par l’intermédiaire de l’ambassade de Norvège à Islamabad, qui devait être achevée avant l’audience de la cour d’appel.

10.2 L’État partie rappelle que la demande d’asile du requérant a été examinée conformément à l’article 15 de la loi norvégienne sur l’immigration qui offre au moins la même protection contre le renvoi d’un individu dans un pays où il risque d’être persécuté que les dispositions régissant la même question de la Convention contre la torture, de la Convention européenne des droits de l’homme et de la Convention des Nations Unies relative au statut des réfugiés. L’État partie fait valoir que le requérant n’a pas montré qu’il courrait personnellement un risque réel d’être soumis à la torture s’il était renvoyé au Pakistan. Les motifs avancés par le requérant pour justifier sa demande de protection ont très souvent changé et ses déclarations aux autorités étaient émaillées d’incohérences. L’État partie met donc en doute sa crédibilité.

10.3 L’État partie relève que, à la date à laquelle il rédige ses observations, le principal argument du requérant est qu’il est recherché par les autorités pakistanaises parce qu’il est accusé de blasphème. Cet élément n’a pas été soulevé pendant la procédure de demande d’asile et les renseignements produits plus tard sur la question étaient contradictoires et peu fiables. En particulier, l’État partie fait remarquer que cet élément n’a été invoqué qu’ après la décision finale de l’UNE, le 8 janvier 2004, et qu’il contredisait les renseignements donnés par le requérant pendant son interrogatoire de demande d’asile. De plus, l’État partie n’a pas été en mesure de déduire des documents soumis par le requérant qu’une enquête pénale avait été ouverte contre lui. L’État partie ajoute à titre de remarque générale que l’utilisation de documents faux ou achetés est une pratique généralisée dans le contexte des demandes d’asile déposées par des requérants pakistanais.

10.4 Toutefois, l’État partie fait état de documents récents soumis par le requérant, qui portent spécifiquement et en détail sur l’action pour blasphème, et admet qu’il ne peut pas exclure que le requérant soit effectivement sous le coup d’une telle inculpation.

10.5 Pour ce qui est de la crainte des représailles que pourrait exercer le MQM, l’État partie fait valoir que ce mouvement ne fait plus beaucoup d’actions violentes depuis 1998 et 1999 et que la situation est aujourd’hui très différente de celle qui régnait dans les années 90. L’État partie n’ignore pas que les extrémistes du MQM ont jusqu’à un certain point pris part à des actes de violence politique mais il considère que le requérant ne risque pas d’être torturé par des membres du MQM. Il objecte qu’il n’y a pas de raison de croire que des officiers à la retraite sont particulièrement exposés à un risque de réaction de la part des extrémistes du MQM et que le requérant en particulier risque actuellement d’être la cible du MQM. Il rappelle que les opérations militaires auxquelles le requérant avait participé contre le MQM remontent à plusieurs années (1990 ‑1994) et qu’il ne semble pas avoir eu des problèmes avec le MQM depuis plusieurs années. En ce qui concerne l’incendie de sa maison et l’obligation qui lui a été faite de quitter l’armée, en 1999, l’État partie ne pense pas que ces incidents constituent pour le requérant des motifs de craindre d’être persécuté ou torturé par le MQM.

10.6 Pour ce qui est de la peur des représailles de la part du JM, l’État partie doute du rôle que le requérant a joué dans l’interdiction de cette o rganisation et fait remarquer qu’il n’a soumis aucun élément pour expliquer son rôle, même quand on l’a prié de le faire. Il n’a pas non plus apporté le moindre élément de preuve au sujet de l’attaque dont sa maison aurait été l’objet ou de l’enlèvement de son neveu. Enfin, l’État partie considère que le requérant est libre de s’installer n’importe où au Pakistan, c’est ‑à ‑dire qu’il peut aller dans une région où le MQM et le JM ne sont pas très actifs.

10.7 En ce qui concerne l’action pour blasphème , l’État partie explique la teneur des dispositions de la législation pakistanaise relatives au blasphème, en particulier des articles 295, 296, 297 et 298 du Code pénal qui visent les infractions portant sur la religion . D’après l’État partie, personne n’a été exécuté par l’État pakistanais en application de l’une de ces dispositions; mais il y a eu des condamnations à mort ou des personnes qui sont mortes en détention. L’État partie n’ignore pas que pour régler des différends il arrive que des gens portent plainte en invoquant les lois relatives au blasphème. Des plaintes en vertu de cette législation sont également utilisées afin de harceler les minorités religieuses ou les musulmans réformistes. Toutefois, la plupart des plaintes pour blasphème visent la majorité sunnite (309 plaintes entre 1986 et 2004 contre 236 visant les ahmadis pendant la même période) et la plupart des plaintes sont en définitive rejetées au stade de l’appel. Cela étant, il est vrai que l’accusé reste souvent en prison pendant des années en attendant le verdict final.

10.8 Pour ce qui est du grief du requérant qui affirme que ses problèmes au Pakistan sont causés et aggravés en partie par le fait qu’il est ahmadi, l’État partie reconnaît que, au Pakistan, les ahmadis font l’objet de différentes restrictions à la liberté de religion et peuvent être victimes de discrimination dans l’emploi et dans l’accès à l’enseignement. Il relève que le requérant n’en a pas moins occupé un rang élevé dans l’armée pakistanaise.

10.9 L’État partie fait remarquer en outre qu’il n’ignore pas que les ahmadis font l’objet de restrictions spécifiques inscrites dans la loi et cite l’article 298 c) du Code pénal qui interdit aux ahmadis de dire qu’ils sont musulmans, de parler de leur foi comme étant l’islam, de prêcher et de propager leur foi, d’inviter autrui à embrasser la foi ahmadi et d’insulter les sentiments religieux des musulmans. Les atteintes à cet article sont punies d’un emprisonnement pouvant aller jusqu’à trois ans et d’une amende. L’État partie souligne qu’il a tenu dûment compte du fait que le requérant est ahmadi. Même si au Pakistan la pratique de leur foi par les ahmadis se heurte à des obstacles d’ordre juridique et si les relations entre les communautés religieuses dans certaines régions sont parfois tendues, l’État partie ne pense pas que le requérant soit fondé à craindre d’être persécuté, au sens de la Convention, s’il est renvoyé au Pakistan.

10.10 En ce qui concerne l’aide juridictionnelle que le requérant dit ne pas avoir reçue, l’État partie signale que quand il a déposé sa demande d’asile en Norvège le requérant a indiqué qu’il était propriétaire d’un terrain au Pakistan et qu’il aurait droit en 2005 à une maison à Lahore grâce à sa pension d’officier. De plus, il a été représenté et est toujours représenté, pour son dossier devant le Comité et pour l’affaire pendante devant les juridictions nationales, par une avocate active et énergique.

10.11 L’État partie conclut en invoquant la jurisprudence du Comité qui a toujours considéré qu’il fallait accorder le crédit voulu aux constatations de fait des organes de l’État. Il renvoie au paragraphe 8 de l’Observation générale n o 1 d’où il ressort que les questions de crédibilité d’un requérant et les incohérences factuelles qui peuvent exister dans sa plainte sont pertinentes pour les délibérations du Comité concernant le risque de torture encouru.

Retour du requérant dans l’État partie

11.1 Le 5 avril 2006, l’État partie a fait parvenir de nouveaux renseignements concernant le fond. Il indique qu’une enquête supplémentaire a été ouverte par le Gouvernement après que le requérant eut soumis de nouveaux documents . L’enquête a été achevée le 21 mars et l’État partie joint une copie du rapport. Comme suite à l’enquête, l’État partie a accordé au requérant un permis de séjour, en application d’une décision prise par l’UNE le 30 mars 2006, conformément au paragraphe 2 de l’article 8 de la loi sur les étrangers lu conjointement avec la première phrase du paragraphe 1 de l’article 15 de la loi . La décision repose sur de nouvelles informations que l’enquête a fait apparaître relativement à l’accusation de blasphème. L’UNE a estimé que, sur la base de ces nouveaux renseignements, il ne pouvait pas être exclu que le requérant fasse l’objet de poursuites pénales illicites au Pakistan et a établi que les conditions énoncées à la première phrase du paragraphe 1 de l’article 15 étaient remplies. Il lui a accordé un permis de séjour de trois ans. Toutefois, l’UNE a considéré que le risque de persécution au Pakistan était trop faible pour que le requérant puisse prétendre au statut de réfugié.

11.2 L’État partie considère que, du fait de la décision de l’UNE, l’article 3 de la Convention n’est plus l’objet de griefs devant le Comité et prie celui ‑ci de rendre une décision dans ce sens.

12.1 Le 21 avril 2006, le conseil a fait parvenir ses commentaires sur les observations de l’État partie en date du 5 avril. Elle informe le Comité que des dispositions ont été prises pour que le requérant puisse retourner en toute sécurité en Norvège, ce qui s’est fait le 31 mars 2006. D’après le rapport établi par l’ambassade de Norvège à Islamabad à l’issue de la mission d’enquête, le requérant est effectivement accusé de blasphème et la police l’a activement recherché pour l’arrêter. Le requérant dit qu’il est resté caché dans une hutte en terre pendant les derniers mois et qu’il a été très malade.

12.2 Se référant à la décision rendue par l’UNE le 30 mars 2006, le conseil relève que celle ‑ci insinue que le requérant avait lui ‑même déposé la plainte pour blasphème et que le permis de séjour avait été octroyé en raison d’un doute sérieux. Cette affirmation n’est pas étayée par le rapport de l’ambassade ni par aucun autre document; dans le rapport il est dit que rien n’indique que l’affaire n’est pas authentique ou que des tentatives aient été faites pour influencer le résultat du processus de vérification.

12.3 Le conseil rappelle que l’UNE a décidé de revenir sur sa précédente décision sur la base du rapport de l’ambassade qui concluait que la personne qui avait signé la plainte pour blasphème essayait depuis 2002 de faire ouvrir une action pénale contre le requérant. Cela correspond aux renseignements donnés par le requérant aux autorités norvégiennes. Le conseil dit que, bien qu’il eût connaissance de ce fait, l’État partie n’en a pas tenu compte jusqu’à ce qu’une mission d’enquête ait été constituée, et que l’ambassade ait établi son rapport. Ce rapport confirme que le requérant n’a pas menti.

12.4 Pour étayer son argument relatif aux violations systématiques des droits, le conseil joint de nouveaux documents, notamment une lettre de l’ambassade du Pakistan datée du 10 février 2006 confirmant l’existence d’un accord entre l’État partie et le Pakistan, aux termes duquel les citoyens pakistanais ne doivent être transportés que munis d’un passeport en cours de validité.

Reformulation de la plainte

13.1 Étant donné la décision rendue par l’UNE le 30 mars 2006, le requérant convient qu’il n’y a plus lieu de demander au Comité de se prononcer sur l’obligation de l’État partie de lui accorder protection, puisqu’il a maintenant un permis de séjour. Le conseil retire donc cette partie de la requête.

13.2 En revanche, le conseil maintient qu’il existe toujours un intérêt juridique à déterminer si l’État partie a commis une violation de l’article 3 en expulsant le requérant le 21 ‑22 septembre 2005 et en refusant d’accéder à la demande de mesures provisoires du Comité en application de l’article 108. Elle demande qu’une indemnisation soit accordée au requérant pour les épreuves qu’il a endurées.

13.3 Se référant à l’article 22 de la Convention, le conseil maintient que l’État partie n’a pas traité de bonne foi la demande du Comité en application de l’article 108 du Règlement intérieur en renvoyant le requérant vers le Pakistan.

Commentaires complémentaires de l’État partie et du requérant

14. Le 10 mai 2006, l’État partie a fait parvenir de nouveaux renseignements factuels obtenus à l’issue d’une demande d’investigation adressée au bureau des missions étrangères des ahmadis à Rabwah (le bureau ahmadi). Dans un courrier daté du 6 avril 2006 adressé à l’ambassade de Norvège à Islamabad, le bureau ahmadi indiquait que, d’après des rapports reçus d’Islamabad et du district de Sheikhupura, l’action pénale pour blasphème engagée contre le requérant n’était pas authentique mais le dossier avait en fait été monté par le requérant lui ‑même. À la suite de cette découverte, le requérant avait été expulsé de la communauté ahmadi. En conséquence, la Commission de recours en matière d’immigration (UNE) avait demandé à la Direction de l’immigration (UDI) d’examiner s’il y avait lieu d’annuler le permis de séjour octroyé au requérant par la décision de l’UNE datée du 30 mars 2006. L’État partie conclut en contestant la recevabilité de la communication en vertu du paragraphe 2 de l’article 22 de la Convention, relatif à l’abus du droit de soumettre des communications.

15.1 Par des notes datées des 11 et 18 mai 2006, le conseil a fait des commentaires sur les nouvelles observations de l’État partie et a demandé des mesures provisoires de protection. Elle fait valoir que la lettre mentionnée par l’État partie n’a aucune valeur de preuve pour les tribunaux norvégiens parce que l’ambassade de Norvège à Islamabad avait conclu, dans son rapport, que l’action en justice était bien authentique. Elle fait valoir en outre qu’il n’y a pas matière à invoquer le paragraphe 2 de l’article 22, étant donné que la demande de retrait de la requête n’a pas de fondement en droit administratif norvégien, qui prévoit que seulement des renseignements nouveaux peuvent motiver une telle demande. La décision de l’UNE en date du 30 mars 2006, autorisant le requérant à retourner dans l’État partie, reposait sur la «forte probabilité que la plainte concernant l’accusation pénale avait été montée par le requérant lui ‑même». Elle fait donc valoir que même s’il y a des motifs de croire que le requérant avait lui ‑même monté le dossier d’accusation de blasphème, il ne s’agit pas de renseignements nouveaux.

15.2 Le conseil affirme que la lettre du bureau ahmadi ne reflète pas la réalité concernant l’action engagée contre le requérant. Elle signale qu’un conflit avait opposé le requérant et le dirigeant de la mission de Sheikhupura et que la lettre peut très bien avoir été écrite pour d’autres motifs. Elle joint une copie d’une lettre qu’elle a adressée au bureau ahmadi le 18 mai 2006 pour demander quels étaient les éléments sur lesquels il se fondait pour conclure que le requérant avait monté lui ‑même le dossier d’accusation de blasphème. Elle rappelle, de plus, qu’un mandat d’arrestation avait été délivré contre le requérant et que l’action pour blasphème n’est qu’un des nombreux facteurs qui indiquent que sa vie serait en danger au Pakistan. Elle joint une copie d’une déclaration sous serment d’un colonel à la retraite, Muhammad Akram, d’après laquelle le requérant qui, quand il était dans l’armée, avait pris part à de nombreuses opérations contre des terroristes à Karachi, risquait d’être tué par des terroristes.

15.3 Le conseil fait savoir que le dossier du requérant en ce qui concerne sa demande d’asile est toujours pendant devant la cour régionale d’appel ( Borgarting ) et que le requérant n’a toujours pas reçu l’aide juridictionnelle. La procédure en cours porte sur le recours formé contre la décision du 30 mars 2006, au motif qu’il devrait bénéficier du statut de réfugié.

15.4 Par une note du 31 juillet 2006, le requérant a fait de nouveaux commentaires sur les observations de l’État partie. Il indique qu’en date du 5 juillet 2006 l’UDI s’est prononcée en sa faveur en ordonnant que lui soit délivré un passeport pour étranger. En ce qui concerne la lettre du bureau ahmadi, il fait valoir qu’il n’a pas monté lui ‑même le dossier de blasphème et que l’action pénale a été engagée à la suite d’une ordonnance du 23 décembre 2005 rendue par le juge du tribunal de district de Sheikhupura qui avait été saisi d’une plainte contre l’auteur. Il ajoute que la communauté ahmadi ne peut pas enquêter elle ‑même sur de telles affaires et qu’elle donnait son avis plutôt qu’un compte rendu des faits. Il joint une copie d’une lettre adressée le 2 juin 2006 par son conseil à la communauté ahmadi de Norvège d’où il ressort que la lettre envoyée le 18 mai était restée sans réponse. Dans cette lettre, il était dit également que le requérant n’avait pas eu la possibilité de réfuter les accusations portées contre lui et qu’il n’avait pas été informé directement qu’il avait été expulsé de la communauté. Enfin, le conseil posait un certain nombre de questions relatives à l’enquête et à la lettre du bureau ahmadi.

15.5 Par une note du 16 août 2006, le conseil a fait parvenir de nouveaux commentaires sur les observations de l’État partie, indiquant qu’elle ne savait pas si l’UDI avait ouvert un dossier de retrait à la suite de la demande de l’UNE dans ce sens. Elle ajoutait que la communauté ahmadi de Norvège ignorait totalement comment le bureau ahmadi à Rabwah était arrivé à la conclusion que le requérant avait monté lui ‑même l’affaire de blasphème, et qu’il avait décidé de l’expulser de la communauté.

15.6 En date du 24 août 2006, le secrétariat a demandé à l’État partie de faire savoir au Comité quelle suite avait été donnée à la demande adressée par l’UNE à l’UDI tendant à envisager de rouvrir l’affaire. Aucun renseignement n’a été reçu de l’État partie.

15.7 Le 7 novembre 2006 et le 25 janvier 2007, le requérant et son conseil ont présenté des renseignements complémentaires sur le recours qu’ils ont formé contre la décision rendue par l’UNE le 30 mars 2006, concernant l’obtention du statut de réfugié. Le 21 novembre 2006, la cour d’appel ( Borgarting Lagmannsrett ) a confirmé la décision de l’UNE de ne pas accorder au requérant le statut de réfugié.

Examen au fond

16.1 Le Comité note que le requérant a librement retiré la partie de la plainte portant sur le respect de l’article 3 par l’État partie, c’est-à-dire la question de savoir si son renvoi à l’avenir vers le Pakistan constituerait une violation de l’article 3 de la Convention. Il observe en outre que le retrait de ce grief est lié au fait que le requérant a obtenu un permis de séjour et que la question de la durée de ce permis est toujours en cours d’examen devant les juridictions nationales. Enfin, le Comité note que le requérant n’a pas subi de pression et il accepte le retrait de ce grief.

16.2 Le Comité doit déterminer si le renvoi du requérant vers le Pakistan malgré la demande de mesures provisoires qu’il avait adressée à l’État partie a constitué une violation des droits du requérant en vertu des articles 3 ou 22 de la Convention. Le Comité note que le 2 avril 2004 son Rapporteur spécial chargé des nouvelles requêtes a adressé une demande de mesures provisoires de protection . Le 1 er juin 2004, l’État partie a fait savoir au Comité qu’il refusait de donner suite à cette demande. Toutefois à aucun moment il n’a demandé au Comité de retirer la demande.

16.3 Le requérant a été expulsé le 21-22 septembre 2005 alors que la demande de mesures provisoires du Comité était toujours valable. Le Comité relève qu’aucun renseignement relatif à l’expulsion ne lui a été communiqué avant le 16 janvier 2006, c’est ‑à ‑dire après qu’il eut adopté sa décision déclarant la requête recevable, le 14 novembre 2005, et que c’est le nouveau conseil du requérant qui l’a informé. Le Comité rappelle qu’en ratifiant la Convention et en acceptant de son plein gré la compétence du Comité au titre de l’article 22, l’État partie s’est engagé à coopérer de bonne foi avec le Comité en donnant pleinement effet à la procédure d’examen de plaintes émanant de particuliers qui y est prévue. Le Comité note également que la Convention (art. 18) l’habilite à fixer ses propres règles, qui deviennent, une fois adoptées, partie intégrante de celle ‑ci, à condition qu’elles y soient conformes. En l’espèce, l’article 108 du Règlement intérieur du Comité vise spécifiquement à donner un sens et une portée aux articles 3 et 22 de la Convention qui, autrement, n’offriraient aux demandeurs d’asile invoquant un risque réel de torture, qu’une protection théorique. En ne respectant pas la demande de mesures provisoires et en n’informant pas le Comité de l’expulsion du requérant, l’État partie a manqué à l’obligation de coopérer de bonne foi avec le Comité qui lui est faite en vertu de l’article 22 de la Convention.

16.4 Toutefois, en l’espèce, le Comité relève que l’État partie a pris les dispositions nécessaires pour assurer le retour du requérant en Norvège en toute sécurité le 31 mars 2006, et que l’État partie en a informé le Comité peu après, le 5 avril. En outre, le Comité note que l’État partie a accordé au requérant un permis de séjour de trois ans. Il a ainsi réparé les manquements à ses obligations en vertu de l’article 22 de la Convention.

16.5 Vu que le requérant, qui n’a pas été torturé lorsqu’il était au Pakistan, est revenu dans l’État partie où il a obtenu un permis de séjour de trois ans, le Comité considère que la question de savoir si le renvoi du requérant vers le Pakistan constituait une violation de l’article 3 n’a plus lieu d’être.

17. Le Comité contre la torture, agissant en vertu du paragraphe 7 de l’article 22 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, conclut que l’expulsion du requérant vers le Pakistan en dépit de la demande de mesures provisoires a constitué une violation de l’article 22 de la Convention pendant tout le temps où le requérant se trouvait sous la juridiction du Pakistan, du 22 septembre 2005 au 31 mars 2006.

18. Compte tenu de ce qui précède, l’État partie a déjà réparé cette violation.

Communication n o 251/2004

Présentée par :

A. A. (non représenté par un conseil)

Au nom de :

A. A.

État partie :

Suisse

Date de la requête :

19 juillet 2004 (date de la lettre initiale)

Date de la présente décision

17 novembre 2006

Le Comité contre la torture , institué en vertu de l’article 17 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,

Réuni le 17 novembre 2006,

Ayant achevé l’examen de la requête n o  251/2004, présentée par A. A. en vertu de l’article 22 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,

Ayant tenu compte de toutes les informations qui lui ont été communiquées par le requérant et l’État partie,

Adopte la décision ci-après au titre du paragraphe 7 de l’article 22 de la Convention contre la torture.

1. Le requérant, A. A., de nationalité iranienne, né en 1973, est sous le coup d’une décision d’expulsion de la Suisse. Bien qu’il n’invoque aucun article spécifique de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, ses allégations semblent soulever des questions au titre de l’article 3 de la Convention. Il n’est pas représenté par un conseil. La Convention est entrée en vigueur pour la Suisse le 2 mars 1987.

Rappel des faits présentés par le requérant

2.1 D’après le requérant, bien qu’il n’ait pas mené d’activités politiques en République islamique d’Iran, il aurait été persécuté par les autorités iraniennes à maintes reprises parce que sa famille aurait été politiquement active contre le régime de l’ayatollah Khomeiny, en particulier en soutenant les Moudjahidins du Peuple. En 1990, lui et son cousin, en tant que membres d’une famille de prisonniers politiques, se seraient entretenus avec le représentant de la Commission des droits de l’homme des Nations Unies, lors de sa visite en République islamique d’Iran. En avril/mai 1991, le requérant aurait été détenu pour avoir distribué des tracts. Il aurait passé deux ans en prison, où il aurait été menotté, ses yeux auraient été bandés et il aurait été «maltraité avec une lame de rasoir» . Son cousin aurait été assassiné par le régime alors en place.

2.2 En 1993, le requérant serait sorti de prison et aurait ensuite accompli son service militaire obligatoire, jusqu’en 1995. Cependant, les tribunaux révolutionnaires auraient continué à le harceler et l’auraient convoqué à plusieurs reprises en raison des activités politiques menées par des membres de sa famille. Il ajoute que, pendant son service militaire, il était affecté à la section de l’idéologie politique.

2.3 Le 15 février 1996, le requérant aurait obtenu un passeport et quelques jours après, il se serait rendu au poste frontière de Sero pour se rendre en Turquie. Lors des formalités de douane, les agents lui auraient communiqué que certaines irrégularités apparaissaient sur son passeport et qu’il lui était interdit de sortir.

2.4 Sur ce, le requérant aurait regagné Téhéran et en début avril 1996, il aurait été convoqué au Tribunal révolutionnaire où il aurait été interrogé sur son service militaire, les motifs de sa tentative de départ, ses antécédents et les membres de sa famille.

2.5 Le 21 mai 1996, il aurait répondu à une deuxième convocation de ce tribunal, puis aurait été condamné à six mois d’emprisonnement avec un sursis de deux ans, à 60 coups de fouet et au dépôt d’une caution immobilière durant trois ans.

2.6 Le 17 juillet 1996, il aurait comparu une troisième fois devant les tribunaux, accompagné par son père, qui aurait dû laisser une caution. Après cette troisième audience, une décision aurait été dictée, condamnant l’auteur à trois mois de prison et 60 coups de fouet, ainsi qu’au paiement d’une amende. Son père aurait dû témoigner par écrit qu’il ne menait aucune activité politique afin que sa maison ne soit pas confisquée. Par la suite, le requérant aurait été l’objet d’une étroite surveillance et les autorités auraient constamment cherché à lui imputer de nouveaux délits.

2.7 Le 30 septembre 1999, le requérant aurait quitté son pays caché dans un container transporté par un camion. Il serait arrivé en Suisse en juillet 2000, où il se serait joint à d’autres citoyens iraniens luttant contre le régime actuellement au pouvoir en Iran. Il aurait participé à des manifestations organisées par des réfugiés iraniens. Ces activités en Suisse seraient connues des autorités iraniennes.

2.8 Par décision du 10 juillet 2000, la demande d’asile du requérant a été rejetée par l’Office fédéral des réfugiés (ODR) − actuellement l’Office fédéral des migrations (ODM) −, qui a conclu que ses allégations étaient inconsistantes et son profil politique bas, et a ordonné son expulsion du territoire suisse.

2.9 Le 10 juin 2004, la Commission fédérale de recours en matière d’asile (CRA) a rejeté l’appel du requérant, en estimant qu’il y avait de nombreuses incohérences factuelles et contradictions dans ses affirmations et que son récit des faits était peu crédible. Elle a donc confirmé la décision de l’ODR ordonnant son renvoi sous menace d’expulsion.

Teneur de la plainte

3.1 Le requérant affirme que les autorités suisses en matière d’asile ont considéré à tort que ses allégations manquaient de crédibilité puisqu’il y a des raisons sérieuses de croire qu’il serait soumis à la torture s’il était renvoyé dans son pays d’origine, ce qui constituerait une violation par la Suisse de l’article 3 de la Convention. Il rappelle qu’il a été détenu et torturé en Iran et que son cousin a été assassiné par le régime de l’ayatollah Khomeiny à cause de l’implication de sa famille dans des activités politiques contraires au régime alors en place.

3.2 En outre, le requérant affirme que sa participation dans des manifestations et des événements politiques à l’étranger, ainsi que sa fuite illégale de la République islamique d’Iran constituent des facteurs déterminants pour que son refoulement soit suspendu.

Observations de l’État partie sur le fond

4.1 Par note verbale du 6 septembre 2004, l’État partie a déclaré ne pas contester la recevabilité de la requête et qu’il se prononcerait sur son bien-fondé. Le 19 janvier 2005, l’État partie a formulé des observations sur le bien-fondé de la requête. Ayant rappelé la jurisprudence du Comité et son Observation générale n o 1, relative à l’application de l’article 3, il fait siens les motifs retenus par la CRA à l’appui de sa décision rejetant la demande d’asile du requérant et confirmant son renvoi. Il rappelle la jurisprudence du Comité selon laquelle l’existence d’un ensemble de violations systématiques des droits de l’homme graves, flagrantes ou massives ne constitue pas un motif suffisant pour conclure qu’un individu risquerait d’être victime de la torture à son retour dans son pays, et que des motifs supplémentaires doivent, par conséquent, exister pour que le risque de torture soit qualifié, aux fins du paragraphe 1 de l’article 3, de «prévisible, réel et personnel».

4.2 L’État partie observe que le requérant n’apporte aucun élément pertinent nouveau qui permettrait de remettre en question la décision de la CRA du 10 juin 2004. Il rappelle les incohérences factuelles et contradictions dans les affirmations du requérant, soulignées par les instances internes en matière d’asile. Ainsi, le requérant allègue qu’il aurait été maltraité en prison entre 1991 et 1993 et qu’après sa remise en liberté, il aurait néanmoins accompli son service militaire dans la section de l’idéologie politique au sein de l’armée. La sélection pour ladite section étant notoirement sévère, il n’est pas crédible qu’il aurait pu y accomplir son service militaire, au vu de son emprisonnement précédent et des prétendues activités politiques de sa famille. Son explication selon laquelle il y aurait eu confusion résultant d’une erreur de transcription de son nom de famille n’est pas convaincante.

4.3 Après la première tentative du requérant de quitter le pays, une procédure aurait été engagée à son encontre devant le Tribunal révolutionnaire de Téhéran. Or, contrairement à ce qu’il prétend, il ne ressortirait pas des pièces produites que l’éventuelle sanction prononcée allait au-delà de l’obligation de déposer un titre de propriété foncière. Qui plus est, ces pièces ne contiendraient aucune indication précise concernant les motifs de l’éventuelle condamnation du requérant par le Tribunal révolutionnaire. Les instances internes ont donc conclu que d’autres motifs que celui d’avoir caché aux autorités militaires sa détention étaient déterminants pour l’éventuelle condamnation du requérant.

4.4 Lors de chacune des trois auditions pendant la procédure d’asile, le requérant aurait présenté une version différente des raisons principales qui l’auraient conduit à quitter la République islamique d’Iran. Confronté à ces divergences, il n’aurait pas été capable de les expliquer de manière plausible. Dans une première phase de la procédure, le requérant aurait prétendu que sa fuite était due essentiellement, d’une part, au harcèlement dont il aurait été l’objet par les Basidjis et, d’autre part, aux activités politiques de certains membres de sa famille. Dans une phase ultérieure de la procédure, il aurait au contraire prétendu que sa fuite résulterait de l’assassinat d’un membre des Basidjis, ceux-là même qui l’auraient harcelé.

4.5 Les allégations du requérant concernant les mauvais traitements dont il aurait été l’objet et son affectation à la section de l’idéologie politique de l’armée ne seraient, elles non plus, pas crédibles. L’explication fournie (confusion résultant d’une erreur dans la transcription de son nom de famille) n’est guère convaincante. Cela d’autant moins au vu de l’allégation selon laquelle le nom du requérant, qui aurait reçu son passeport après l’accomplissement de son service militaire, se trouverait sur une liste de personnes ne pouvant quitter le pays, interdiction qui lui aurait été opposée au poste frontière. Dans ces circonstances, les erreurs d’orthographe ou la mention du nom de l’auteur sur une telle liste auraient déjà dû constituer un obstacle à l’émission du passeport en premier lieu.

4.6 L’État partie déclare ignorer si le fait que le requérant aurait quitté son pays d’origine illégalement l’exposerait au risque d’être arrêté à son retour. Il se réfère à la jurisprudence du Comité selon laquelle la Convention n’offre aucune protection aux requérants qui allèguent simplement craindre d’être arrêtés à leur retour.

4.7 Quant aux problèmes physiques et psychiques du requérant, l’État partie estime qu’ils sont liés aux abus sexuels qu’il allègue avoir subis pendant son enfance.

4.8 Pour ce qui concerne les activités politiques menées dans la République islamique d’Iran par le requérant, l’État partie estime qu’elles seraient très limitées: elles concerneraient sa participation à une réunion avec un représentant des Nations Unies en 1990 et la distribution de tracts avec son cousin à Semnan en 1991. Quant aux activités politiques menées par le requérant en Suisse, l’État partie rappelle que la CRA avait examiné de manière circonstanciée si un tel risque existait et avait conclu que les moyens de preuve produits par le requérant ne permettaient pas de conclure que les autorités iraniennes auraient pris connaissance de ces activités en Suisse. Les autorités iraniennes porteraient avant tout leur attention sur des personnes présentant un profil particulier en raison d’activités qui outrepassent le comportement usuel, ou qui représentent un danger pour le Gouvernement iranien. Il ne ressort pas des documents produits par le requérant qu’il aurait développé, par ses activités en Suisse, un tel profil. L’État partie n’a pas connaissance de cas dans lesquels les autorités iraniennes auraient engagé des poursuites contre des personnes qui auraient déployé des activités comparables à celles du requérant.

4.9 L’État partie conclut que rien n’indique qu’il existe des motifs sérieux de craindre que le requérant serait exposé concrètement et personnellement à la torture à son retour en République islamique d’Iran.

Informations supplémentaires du requérant

5. Par lettre du 25 avril 2005, le requérant informe le Comité que, après avoir soumis une demande en reconsidération sur la base des documents supplémentaires, l’Office fédéral des migrations (ODM) était en train de reconsidérer son cas.

Observations supplémentaires de l’État partie

6.1 Le 9 mai 2005, l’État partie à son tour a informé le Comité que le requérant avait introduit, en date du 15 septembre 2004, une demande en reconsidération auprès de l’ODM et a invité le Comité à suspendre l’examen de la communication jusqu’à droit connu dans le cadre de la procédure.

6.2 Le 9 mai 2006, l’État partie a informé le Comité que l’ODM avait rejeté la demande en reconsidération par décision du 28 décembre 2005. Cette décision a été confirmée le 24 avril 2006 par la CRA. L’État partie constate que sa demande de suspension est devenue sans objet et déclare maintenir ses conclusions du 19 janvier 2005.

Délibérations du Comité

7.1 Avant d’examiner une plainte contenue dans une requête, le Comité contre la torture doit déterminer si la requête est recevable en vertu de l’article 22 de la Convention. Le Comité s’est assuré, comme il est tenu de le faire en vertu du paragraphe 5 a) de l’article 22 de la Convention, que la même question n’a pas été et n’est pas actuellement examinée par une autre instance internationale d’enquête ou de règlement. Dans le cas d’espèce, le Comité note aussi que tous les recours internes sont épuisés et que l’État partie n’a pas contesté la recevabilité de la requête. Il estime donc que la requête est recevable et procède à son examen sur le fond.

7.2 Le Comité doit déterminer si, en renvoyant le requérant en République islamique d’Iran, l’État partie manquerait à l’obligation qui lui est faite, en vertu de l’article 3 de la Convention, de ne pas expulser ou refouler un individu vers un autre État où il y a des motifs sérieux de croire qu’il risque d’être soumis à la torture.

7.3 Pour déterminer s’il existe des motifs sérieux de croire que le requérant risquerait d’être soumis à la torture s’il est renvoyé en Iran, le Comité doit tenir compte de tous les éléments, y compris l’existence d’un ensemble systématique de violations graves, flagrantes ou massives des droits de l’homme. Il s’agit cependant de déterminer si l’intéressé risque personnellement d’être soumis à la torture dans le pays vers lequel il serait renvoyé. Dès lors, l’existence d’un ensemble de violations systématiques des droits de l’homme graves, flagrantes ou massives dans un pays ne constitue pas en soi un motif suffisant pour établir que l’individu risque d’être soumis à la torture à son retour dans ce pays; il doit exister des motifs supplémentaires donnant à penser que l’intéressé court personnellement un risque. À l’inverse, l’absence d’un ensemble de violations flagrantes et systématiques des droits de l’homme ne signifie pas qu’une personne ne peut pas être considérée comme risquant d’être soumise à la torture dans des circonstances particulières.

7.4 Le Comité rappelle son observation générale sur l’application de l’article 3, selon laquelle l’existence d’un risque de torture «doit être appréciée selon des éléments qui ne se limitent pas à de simples supputations ou soupçons. En tout état de cause, il n’est pas nécessaire de montrer que le risque couru est hautement probable». (A/53/44, annexe IX, par. 6).

7.5 Dans le cas d’espèce, le Comité note que les allégations du requérant, qui affirme courir un risque de torture s’il retourne en République islamique d’Iran, reposent sur le fait qu’il aurait été détenu et torturé entre mai 1991 et août ou septembre 1993; qu’il aurait été, par la suite, harcelé par les autorités iraniennes, principalement à cause d’activités politiques des membres de sa famille; et le fait qu’il aurait participé à des activités menées en Suisse contre l’actuel gouvernement iranien. En évaluant le risque de torture dans le cas présent, le Comité prend note de l’allégation du requérant selon laquelle il a été torturé pendant sa détention en République islamique d’Iran et que l’État partie estime que cette allégation n’est pas crédible.

7.6 Le Comité prend également note des allégations du requérant selon lesquelles il aurait été constamment harcelé par les autorités iraniennes à cause des activités politiques de sa famille et qu’il risquerait d’être soumis à la torture également en raison de ses activités politiques menées en Suisse contre le Gouvernement iranien. Cependant, de l’avis du Comité, le requérant n’a pas su justifier que les activités politiques menées par sa famille contre le régime étaient d’une importance telle qu’elles présenteraient encore aujourd’hui un intérêt pour les autorités iraniennes, et n’a pas apporté d’éléments de preuve suffisants pour confirmer que sa participation à des manifestations organisées par des réfugiés iraniens en Suisse ou sa fuite illégale de la République islamique d’Iran constitueraient des facteurs déterminants pour conclure qu’il courrait personnellement un risque d’être torturé s’il retournait dans ce pays.

7.7 Le Comité estime donc que, eu égard du temps plus de treize ans) qui s’est écoulé depuis les événements décrits par le requérant, s’ajoutant à la nature des incohérences dans son récit, incohérences non suffisamment expliquées par lui, les éléments d’information présentés par le requérant, notamment le fait qu’il n’ait pas mené d’activité politique soutenue ni en République islamique d’Iran ni en Suisse, sont insuffisants pour étayer l’allégation selon laquelle il courrait un risque sérieux d’être soumis à la torture s’il était actuellement renvoyé en République islamique d’Iran aujourd’hui.

7.8 Le Comité conclut que, au vu de toutes les informations soumises, le requérant ne lui a pas fourni des éléments de preuve suffisants pour pouvoir conclure qu’il court un risque prévisible, réel et personnel d’être soumis à la torture en cas de renvoi dans son pays d’origine.

7.9 Compte tenu de ce qui précède, le Comité contre la torture, agissant en vertu du paragraphe 7 de l’article 22 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, conclut que la décision de l’État partie de renvoyer le requérant en République islamique d’Iran ne constituerait pas une violation de l’article 3 de la Convention.

Communication n o 259/2004

Présentée par :

M. N. (représenté par un conseil)

Au nom de :

M. N.

État partie :

Suisse

Date de la requête :

10 décembre 2004 (date de la lettre initiale)

Le Comité contre la torture , institué en vertu de l’article 17 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,

Réuni le 17 novembre 2006,

Ayant achevé l’examen de la requête n o  259/2004, présentée par M. N. en vertu de l’article 22 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,

Ayant tenu compte de toutes les informations qui lui ont été communiquées par le requérant et l’État partie,

Adopte la décision ci-après au titre du paragraphe 7 de l’article 22 de la Convention contre la torture.

1.1 Le requérant est M. N., ressortissant bangladais, né le 2 juin 1967, qui est actuellement en attente d’expulsion de la Suisse. Il affirme que son renvoi au Bangladesh constituerait une violation par la Suisse de l’article 3 de la Convention contre la torture. Il est représenté par un conseil. La Convention est entrée en vigueur pour la Suisse le 2 mars 1987.

1.2 Conformément au paragraphe 3 de l’article 22 de la Convention, le Comité a porté la communication à l’attention de l’État partie le 17 décembre 2004. Dans le même temps, le Comité, agissant en vertu du paragraphe 1 de l’article 108 de son règlement intérieur, a décidé que des mesures provisoires de protection, qui avaient été sollicitées par le requérant, n’étaient pas justifiées dans les circonstances.

Rappel des faits présentés par le requérant

2.1 Le requérant affirme qu’il était membre du Parti Jatiya (JP) au Bangladesh depuis avril 1988, pour lequel il aurait exercé la fonction de «Organizing Secretary for ward No. 29» (Secrétaire exécutif de la cellule n o 29). Il prétend avoir été arrêté à plusieurs reprises en 1991, 1993 et 1995, après avoir participé à des manifestations de protestation organisées par son parti.

2.2 Le requérant explique qu’en 1992 il a obtenu un bail pour l’exploitation d’une ferme d’élevage de poissons. Chaque année, le bail devait être renouvelé et il était accordé au plus offrant. Le 20 janvier 2000, le requérant a obtenu le bail contre un concurrent nommé E. S., membre de la Ligue Awami (AL), un autre parti politique bangladais. Le 15 ou 16 mars 2000, le requérant déclare avoir reçu un courrier venant d’E. S. le sommant de payer une taxe de protection. Huit ou neuf jours plus tard, A., J. et C., partisans de l’AL à la solde d’E. S., ont fait irruption dans son magasin et, comme il refusait de payer, l’ont roué de coups. Le 10 ou 11 avril 2000, le requérant a constaté que tous ses poissons étaient morts. Après avoir mené sa propre enquête, il est arrivé à la conclusion qu’A., J. et C. avaient empoisonné l’eau. Il a essayé de rapporter ces événements à la police, mais cette dernière a refusé de l’entendre censément parce qu’il appartenait au JP.

2.3 En mai 2000, de retour chez lui après une réunion du JP à son bureau régional de Mugda, le requérant affirme avoir été arrêté par la police, accusé de possession d’armes illégales, prétendument retrouvées au 1 er étage du bureau du JP de Mugda par E. S., A., J. et C. et la police. Il aurait été détenu du 5 mai au 6 juin 2000 à la prison centrale de Dhaka. Durant sa détention, il prétend avoir été torturé à trois ou quatre reprises. On l’aurait battu avec un bâton et on lui aurait injecté de l’eau bouillante dans le nez et les oreilles. Il affirme présenter diverses séquelles physiques et psychologiques confirmées par des certificats médicaux: un de ses tympans serait perforé, il souffrirait d’une otite chronique, une partie de ses os auditifs manquerait, il aurait des graves problèmes avec ses cordes vocales, son muscle masticateur serait douloureux, il souffrirait d’une dépression et présenterait des symptômes de stress post-traumatique. Grâce à l’intervention de son frère ainsi que d’autres membres du JP, il aurait été libéré sous caution.

2.4 Le 10 juin 2000, le JP aurait organisé une manifestation de protestation à laquelle le requérant aurait pris part. Sur le chemin du retour, son groupe aurait été attaqué par un groupe de partisans de l’AL, dont faisait partie E. S. Lors de cet incident, le requérant aurait réussi à s’enfuir, mais un de ses amis aurait été tué et un autre blessé. Le lendemain, il aurait appris qu’E. S. avait porté plainte contre lui pour le meurtre de son ami et que la police était à sa recherche. Pour cette raison, il a quitté Dhaka et s’est réfugié chez un ami à Gazipur.

2.5 Le requérant rapporte que le 19 juin 2000 la police, accompagnée de partisans de l’AL, s’est rendue à la maison du requérant à Dhaka; ils voulaient savoir où il se trouvait. Ils auraient menacé et frappé son frère, le blessant grièvement au point qu’il aurait perdu un bras. Ils auraient également volé de l’argent et des bijoux. Après cet événement, le requérant serait allé vivre chez une cousine à Silhet. Son frère et le leader du JP auraient essayé d’obtenir un non-lieu dans son affaire mais sans succès. Son propre avocat aurait avoué qu’il était certain que le requérant serait déclaré coupable et qu’il ferait mieux de quitter le pays. Un second avocat, mandaté par le frère du requérant et le leader du JP, aurait également estimé qu’il serait préférable que le requérant ne retourne pas au Bangladesh avant la fin de la procédure judiciaire.

2.6 Le 13 septembre 2000, le requérant a quitté le Bangladesh et a rejoint la Suisse le 21 septembre 2000. Le jour même de son arrivé, il a déposé une demande d’asile. Par décision du 23 octobre 2002, l’Office fédéral des réfugiés (ODR) − actuellement l’Office fédéral des migrations (ODM) − a rejeté cette demande et a ordonné son expulsion du territoire suisse. Le 4 août 2004, la Commission de recours en matière d’asile (CRA) a rejeté l’appel du requérant, confirmant la décision d’expulsion de l’ODR.

2.7 Le requérant avance que la CRA justifie essentiellement son jugement du 4 août 2004 par le manque de crédibilité des événements allégués, puisqu’ils n’ont pas pu être confirmés pas les investigations de l’ambassade suisse au Bangladesh. Il réfute ce raisonnement, affirmant que de nombreuses preuves déposées ont été déclarées authentiques par un notaire, qu’elles sont très détaillées, et qu’elles soutiennent son récit sur tous les points. Il s’étonne du manque de détails de l’enquête de l’ambassade suisse, ainsi que de l’absence d’explications sur la procédure suivie et les sources interrogées, et conclut que le résultat est incomplet. Il relève également que la CRA a considéré comme une contradiction le fait qu’il fournisse des attestations de deux avocats, alors qu’il n’en avait mentionné qu’un seul, et explique qu’il n’était simplement pas au courant, au moment de déposer sa demande d’asile en Suisse, que son frère avait mandaté un second avocat pour le représenter et qu’il avait convaincu le premier de continuer à le représenter. Il estime que ce fait n’enlève rien à la crédibilité de ses allégations. Pour ce qui est de l’affirmation de la CRA selon laquelle l’auteur et son groupe n’ont pas été attaqués par un groupe de l’AL au retour de la manifestation du 10 juin, mais que les deux groupes se sont attaqués mutuellement, le requérant précise qu’il était difficile, une fois la lutte engagée, de dire qui avait attaqué qui et qui s’était défendu, mais que cela n’enlevait rien non plus à la crédibilité de son récit.

2.8 Le requérant note que la CRA a considéré qu’il est impossible que les membres du JP soient encore persécutés, étant donné que le JP se trouve maintenant représenté dans le Gouvernement, et que dans le cas contraire, les tribunaux supérieurs disposeraient de l’indépendance nécessaire pour punir de telles persécutions. Il réfute cet argument, affirmant que, même représentés dans le Gouvernement, les membres du JP peuvent être persécutés puisqu’ils constituent toujours une minorité politique. Il ajoute que les deux procédures pénales engagées contre lui sont très probablement liées à ses activités politiques. En réponse à l’argument de la CRA selon lequel même si les choses se sont passées de la façon invoquée par le requérant, il n’aurait pas dû quitter le pays, mais chercher de l’aide auprès des autorités bangladaises, il indique qu’il a essayé de porter plainte, mais que les policiers n’ont pas voulu écouter son cas. Finalement, il avance que, même si les tribunaux supérieurs sont indépendants au Bangladesh, comme avancé par la CRA, il lui faudrait passer plusieurs années en prison, risquant fortement d’être torturé, avant d’avoir accès aux instances judiciaires supérieures.

Teneur de la plainte

3.1 Le requérant affirme qu’il y a des raisons sérieuses de croire qu’il serait soumis à la torture s’il était renvoyé au Bangladesh et que son expulsion vers ce pays constituerait une violation par la Suisse de l’article 3 de la Convention.

3.2 Étant donné les deux plaintes pénales lancées contre lui, il craint d’être arrêté dès son retour au Bangladesh et d’être soumis à la torture, ceci d’autant plus qu’il a déjà été torturé alors qu’il était détenu à la prison de Dhaka. Il fait valoir que les autorités suisses n’ont pas mis en doute ses activités politiques et ajoute que les membres du JP sont encore persécutés, malgré la présence de leur parti dans le Gouvernement de coalition.

3.3 Enfin, le requérant soutient qu’au Bangladesh la torture est encore couramment utilisée par la police. En outre, de nombreuses personnes décéderaient en prison des suites de la torture sans que les autorités bangladaises n’entreprennent aucune investigation et n’agissent pour remédier à ce problème. Aucune action ne serait d’ailleurs entreprise quant à la prévention de la torture. À cela s’ajouterait le problème du manque d’indépendance des tribunaux, en particulier des tribunaux des instances inférieures.

Observations de l’État partie sur la recevabilité et sur le fond

4.1 Par note verbale du 15 février 2005, l’État partie déclare ne pas contester la recevabilité de la requête. Un délai supplémentaire pour la présentation de ses observations ayant été accordé, le 5 juillet 2005, l’État partie formule des observations sur le fond de la requête.

4.2 L’État partie examine le bien-fondé de la décision de la CRA à la lumière de l’article 3 de la Convention, de la jurisprudence du Comité, et de ses observations générales. Il relève que le requérant se borne à rappeler au Comité les motifs invoqués devant les autorités suisses et n’apporte aucun élément nouveau permettant de remettre en question la décision de la CRA du 4 août 2004. Il souligne également que le requérant n’explique pas au Comité les incohérences et les contradictions figurant dans ses allégations et relevées par les autorités suisses, mais au contraire les confirme.

4.3 L’État partie rappelle la jurisprudence du Comité selon laquelle l’existence d’un ensemble de violations systématiques des droits de l’homme graves, flagrantes ou massives ne constitue pas un motif suffisant pour conclure qu’un individu risquerait d’être victime de tortures à son retour dans son pays, et que des motifs supplémentaires doivent, par conséquent, exister pour que le risque de torture soit qualifié, aux fins du paragraphe 1 de l’article 3, de «prévisible, réel et personnel» . L’État partie signale que le requérant se réfère vaguement «aux divers rapports annuels des différentes organisations des droits de l’homme» pour illustrer la situation des droits de l’homme au Bangladesh, et en particulier l’usage fréquent et non réprimé de la torture par les forces de sécurité. L’État partie rappelle que, à l’occasion de l’examen de plusieurs communications d’auteurs invoquant le risque d’être torturés en cas de renvoi au Bangladesh, le Comité a pris acte de la situation générale des droits de l’homme au Bangladesh, et en particulier des cas répétés de violence policière sur des prisonniers et opposants politiques ainsi que de l’existence d’actes de torture imputés à la police et d’affrontements violents entre les opposants politiques . L’État partie note que pour apprécier le risque personnel d’être torturé en cas de retour, notamment des auteurs opposés à l’AL, le Comité a, entre autres, qualifié de pertinents le changement de gouvernement après l’élection de 2001, le fait que l’AL est actuellement dans l’opposition, le fait qu’il n’y a plus grand risque que quelqu’un soit harcelé par les autorités à l’instigation de membres de ce parti et le fait que les membres d’un des partis de la coalition au pouvoir n’ont rien à craindre des formations politiques qui la composent .

4.4 En ce qui concerne le risque encouru par le requérant d’être arrêté en raison des accusations pénales dont il pourrait être l’objet ainsi que l’allégation de ce dernier selon laquelle il serait inévitablement soumis à la torture en détention, l’État partie évoque la jurisprudence constante du Comité selon laquelle le fait que la torture soit pratiquée dans les lieux de détention ne permet pas, en tant que tel, de conclure à une violation de l’article 3 tant que l’auteur n’a pas démontré qu’il risque personnellement d’être victime de torture . L’État partie estime que la situation au Bangladesh telle que décrite par le requérant ne saurait à elle seule constituer un motif suffisant pour conclure qu’il risquerait d’être victime de torture à son retour dans ce pays .

4.5 L’État partie rappelle la jurisprudence du Comité selon laquelle la torture ou les mauvais traitements qu’aurait subis l’auteur par le passé constituent l’un des éléments devant être pris en compte pour apprécier le risque de l’auteur d’être soumis à la torture ou à des mauvais traitements en cas de retour dans son pays. L’État partie note que les autorités suisses n’ont contesté à aucun moment de la procédure les graves troubles physiques et psychiques dont l’auteur souffre et pour lesquels il fournit des certificats médicaux. Elles ont toutefois estimé que ces troubles sont liés à d’autres causes que celles avancées, puisque les allégations de l’auteur quant aux mauvais traitements subis lors de sa prétendue détention en mai et juin 2000 à la prison centrale de Dhaka ne sont pas crédibles. L’État partie ajoute que, même si les allégations du requérant étaient crédibles, ce dernier ne fournit aucun élément qui permettrait de conclure qu’il courrait toujours le risque d’être torturé en cas de retour.

4.6 L’État partie n’ignore pas l’existence de fortes rivalités entre les chefs des deux partis politiques dominants, soit celui de l’AL et celui du Parti national du Bangladesh (actuellement soutenu, entre autres, par le JP). Il note que les autorités suisses n’ont pas mis en cause ni l’appartenance de l’auteur au JP, ni ses activités au sein de ce parti. Cependant, il estime que le requérant ne court pas de risque d’être soumis à des traitements contraires à l’article 3 de la Convention en raison de ses activités politiques. De plus, il remarque que le requérant n’a fait valoir aucun argument fondé sur des activités politiques qu’il aurait exercées hors de son État d’origine.

4.7 L’État partie met en évidence les nombreuses incohérences relatives au récit du requérant, qui avaient été relevées dans la décision de la CRA. En effet, il souligne que le requérant n’explique pas dans quelle mesure les arrestations dont il aurait fait l’objet dans les années 1991, 1993 et 1995 demeureraient pertinentes aujourd’hui pour l’exposer à un risque de torture. De même, aucune explication n’est fournie pour démontrer que le requérant courrait un risque particulier d’être persécuté alors qu’il est membre d’un parti politique légal qui a participé aux élections et qui est représenté au Gouvernement. L’État partie ajoute que le requérant n’apporte aucun élément qui permettrait de mettre en doute les résultats des investigations effectuées par l’ambassade de Suisse à Dhaka. Il considère que le fait qu’un notaire aurait confirmé l’authenticité des documents fournis ne saurait être considéré comme déterminant, d’autant plus que le requérant ne clarifie pas les contradictions entre ses allégations concernant les événements de juin 2000 et le rapport de la police; selon ce dernier, un policier aurait déposé la plainte pénale alors que le requérant prétend que c’est E. S. qui l’aurait déposée.

4.8 L’État partie s’étonne que les investigations de l’ambassade suisse à Dhaka n’aient fourni aucun indice quant à une éventuelle procédure pénale dirigée contre l’auteur, bien que selon le requérant une plainte pénale a été déposée pour possession illégale d’armes en mai 2000, qu’il a été détenu du 5 mai au 6 juin 2000, qu’il a été libéré sous caution en juin 2000, ou encore qu’il a été dénoncé auprès de la police pour meurtre en juin 2000. Il note également que les circonstances de la défense du requérant ne sont pas claires, et que ce dernier n’explique pas les contradictions mises en évidence par la CRA. L’État partie signale que le second avocat est la même personne que le notaire confirmant l’authenticité de certains éléments de preuve, et qu’il présente des coordonnées différentes selon son rôle. L’État partie rappelle que les autorités suisses ont conclu à la non-crédibilité des allégations quant à l’existence d’une enquête pénale pendante contre le requérant. Il précise que dans l’hypothèse que ces allégations seraient crédibles, selon la jurisprudence du Comité, l’article 3 de la Convention n’offre aucune protection à l’auteur qui allègue simplement craindre d’être arrêté de retour dans son pays.

4.9 En conclusion, bien qu’il ne conteste aucunement l’existence des séquelles dont souffre le requérant, l’État partie fait siennes les conclusions de la CRA, estimant que, à la lumière des nombreuses contradictions portant sur des points essentiels dans le récit du requérant, il est hautement probable que ces séquelles n’ont pas été causées par des actes de torture, mais seraient plutôt les conséquences d’un accident ou de conflits personnels. L’État partie conclut que rien n’indique qu’il existe des motifs sérieux de craindre que l’auteur serait exposé concrètement et personnellement à la torture à son retour au Bangladesh.

Commentaires du requérant sur les observations de l’État partie

5.1 Par une lettre du 29 septembre 2005, le requérant réitère que, contrairement à l’avis de l’État partie, il existe pour lui-même un risque personnel, actuel et sérieux d’être soumis à la torture en cas d’expulsion vers le Bangladesh. Il explique que la situation générale des droits de l’homme au Bangladesh telle que décrite dans la communication avait pour but non pas de constituer à elle seule un motif suffisant pour conclure que le requérant risquerait d’être victime de torture à son retour dans son pays, mais d’éclairer le contexte dans lequel se situent les événements qui mettent le requérant personnellement en danger.

5.2 Le requérant souligne que le changement de gouvernement après l’élection de 2001 et sa pertinence pour l’évaluation du risque d’être persécuté politiquement ne s’applique pas à sa situation. Il précise ainsi avoir travaillé pour la fraction «Ershad» du JP, qui se trouve toujours dans l’opposition au présent gouvernement, et donc ses membres seraient toujours exposés à des arrestations de police et des tortures. Il affirme que ce fait a été confirmé par le Comité dans sa décision du 21 mai 2005 . En outre, il prétend être toujours recherché par la police et que, malgré le fait qu’il ait quitté le pays il y a cinq ans, ses enfants et ses frères sont toujours menacés par ses adversaires. Il ajoute que son frère, qui s’était occupé de ses enfants, avait reçu des menaces telles qu’il avait dû s’enfuir en laissant les enfants à la garde d’un oncle et que, depuis, personne n’avait eu de ses nouvelles. Il avance que son oncle est à son tour menacé et que la police refuse de protéger sa famille parce qu’elle est toujours à sa recherche. Il ajoute en annexe une lettre de son oncle qui confirme ses dires. Il rappelle que l’État partie n’a pas contesté ses activités politiques et que, contrairement à ce que l’État partie prétend, il n’allègue pas simplement craindre d’être arrêté à son retour, mais a de sérieux motifs de croire qu’il va être torturé.

5.3 Le requérant rappelle qu’il est recherché pour meurtre et que, dès lors, il sera arrêté et emprisonné dès son retour au Bangladesh puisqu’il s’est enfui alors qu’il avait été libéré sous caution. Il estime qu’étant donné qu’il a été torturé lors de sa dernière détention, il le sera à nouveau, car la situation s’est aggravée depuis. De plus, il doute que les juges mèneront un procès équitable à son égard, puisque la faction de son parti se trouve toujours dans l’opposition et qu’il aura à combattre des accusations alors même qu’il avait commencé par fuir. Le requérant rappelle que, selon le paragraphe 6 de l’Observation générale n o 1 du Comité, les tortures futures ne doivent pas être hautement probables, mais qu’il suffit qu’elles dépassent la simple théorie ou des simples soupçons.

5.4 Le requérant joint une nouvelle attestation médicale qui confirme que son état psychique correspond à ses allégations de tortures. De même que les autres attestations médicales déjà présentées, le requérant reconnaît que cette attestation ne prouve pas qu’il a été torturé, mais qu’elle rend l’allégation très probable. Il rappelle que l’État partie ne conteste pas les graves troubles physiques et psychiques dont il souffre, il conteste toutefois le fait que l’État partie les attribue à d’autres causes que les tortures alléguées. Quant aux résultats des investigations de l’ambassade suisse à Dhaka, le requérant souligne qu’ils ne fournissent pas de réponses à toutes les questions posées et qu’il n’y a aucune indication à propos des recherches sur lesquelles les résultats se basent. Le requérant constate que, selon l’État partie, le seul défaut des documents qu’il a fournis certifiés par un notaire, et qui n’ont pas été jugés faux par l’État partie, consiste dans le fait qu’ils ne correspondent pas aux résultats des investigations de l’ambassade.

5.5 Le requérant explique l’apparente contradiction concernant l’auteur de la plainte pour meurtre déposée en juin 2000: il aurait entendu que E. S. aurait déposé ladite plainte contre lui, mais étant donné qu’il n’a jamais vu la plainte, il est possible qu’elle n’ait pas été enregistrée sous le nom de E. S., mais sous celui d’un policier pour donner un caractère plus officiel à l’affaire.

5.6 L’auteur estime que, concernant les circonstances de sa défense, il n’y a pas de contradictions. Le fait que son premier avocat écrive en novembre 2002 que pour des raisons politiques il ne peut plus conduire sa défense et lui conseille de quitter le pays n’exclut pas qu’il l’ait représenté plus tard. Quant à son second avocat, le fait qu’il ne présente pas ses coordonnées de manière identique en tant que notaire et en tant qu’avocat ne porte pas atteinte à la crédibilité des allégations du requérant. Finalement, pour appuyer la crédibilité de ses déclarations, le requérant présente une photo de son frère sur laquelle il est visible qu’il a perdu son bras. Il conclut qu’il n’est pas acceptable que l’État partie se concentre sur quelques contradictions qui ne portent pas sur des points essentiels et ne concernent pas les autres allégations faites. Il réitère le fait qu’étant donné les tortures subies par le passé et ses activités politiques, il est fortement probable qu’il va de nouveau être torturé à son retour au Bangladesh, ce qui constituerait une violation de l’article 3 de la Convention par l’État partie.

Délibérations du Comité

6.1 Avant d’examiner une plainte contenue dans une communication, le Comité contre la torture doit décider si la communication est recevable en vertu de l’article 22 de la Convention. Le Comité s’est assuré, comme il est tenu de le faire conformément au paragraphe 5 a) de l’article 22 de la Convention, que la même question n’a pas été examinée et n’est pas en cours d’examen devant une autre instance internationale d’enquête ou de règlement. Dans le cas d’espèce, le Comité note aussi que tous les recours internes sont épuisés et que l’État partie n’a pas contesté la recevabilité de la requête. Il estime donc que la communication est recevable, et procède à l’examen sur le fond.

6.2 Le Comité doit déterminer si, en renvoyant le requérant au Bangladesh, l’État partie manquerait à l’obligation qui lui est faite, en vertu de l’article 3 de la Convention, de ne pas expulser ou refouler un individu vers un autre État où il y a des motifs sérieux de croire qu’il risque d’être soumis à la torture.

6.3 Pour déterminer s’il existe des motifs sérieux de croire que le requérant risquerait d’être soumis à la torture s’il est renvoyé au Bangladesh, le Comité doit tenir compte de toutes les considérations pertinentes, conformément au paragraphe 2 de l’article 3, y compris l’existence d’un ensemble de violations systématiques graves, flagrantes ou massives des droits de l’homme. Il s’agit cependant de déterminer si l’intéressé risque personnellement d’être soumis à la torture dans le pays vers lequel il serait renvoyé. Il s’ensuit que l’existence d’un ensemble de violations systématiques des droits de l’homme graves, flagrantes ou massives dans un pays ne constitue pas en soi un motif suffisant pour établir que l’individu risque d’être soumis à la torture à son retour dans ce pays. Il doit exister des motifs supplémentaires donnant à penser que l’intéressé court personnellement un risque. À l’inverse, l’absence d’un ensemble de violations flagrantes et systématiques des droits de l’homme ne signifie pas qu’une personne ne peut pas être considérée comme risquant d’être soumise à la torture dans des circonstances particulières.

6.4 Le Comité rappelle son observation générale sur l’application de l’article 3, selon laquelle «l’existence d’un tel risque de torture doit être appréciée selon des éléments que ne se limitent pas à de simples supputations ou soupçons. En tout état de cause, il n’est pas nécessaire de montrer que le risque couru est hautement probable.» (A/53/44, annexe IX, par. 6).

6.5 Dans le cas d’espèce, le Comité note que la principale raison pour laquelle le requérant craint d’être torturé s’il retourne au Bangladesh est qu’il y aurait été torturé lors de sa détention à la prison de Dhaka en mai et juin 2000 et qu’il risquerait d’être arrêté à son retour en raison des accusations pénales qui pèsent contre lui. Le Comité relève que l’État partie n’a pas contesté les activités politiques du requérant au Bangladesh. Cependant, en ce qui concerne les séquelles physiques et psychologiques que le requérant présente, l’État partie estime qu’elles ont été causées par d’autres événements − accident, conflits personnels − et non pas par les actes de torture tels que décrits par le requérant. Le Comité a pris note des rapports médicaux fournis par le requérant attestant des divers maux dont il souffre, mais estime toutefois qu’ils ne permettent pas de conclure que les séquelles décrites ont été causées par des actes de torture. Il estime également, comme l’affirme l’État partie, que l’auteur n’a pas prouvé de manière irréfutable que les blessures subies résultaient d’actes de l’État.

6.6 Le Comité prend également note de l’argument de l’État partie, pour qui, dans la mesure où la Ligue Awami est actuellement dans l’opposition, il n’y a plus grand risque que le requérant soit harcelé par les autorités à l’instigation de membres de ce parti. L’État partie fait valoir en outre que le requérant n’a rien à craindre des formations politiques actuellement au pouvoir puisqu’il est membre d’un des partis de la coalition. Tout en prenant acte des informations du requérant qui explique qu’il appartient à une fraction du Parti Jatiya opposée à celle qui est actuellement dans le Gouvernement, le Comité ne considère pas que ce fait permettrait à lui seul de conclure que le requérant risque d’être persécuté et torturé par des partisans de la fraction du Parti Jatiya actuellement au Gouvernement ou du Bangladesh National Party.

6.7 Enfin, en ce qui concerne l’allégation du requérant qui fait valoir qu’il risquait d’être arrêté à cause des poursuites pénales dont il est actuellement l’objet et qu’en détention il sera inévitablement soumis à la torture, le Comité note que le fait que la torture soit pratiquée dans les lieux de détention ne permet pas, en tant que tel, de conclure à une violation de l’article 3 étant donné que le requérant n’a pas montré qu’il risque personnellement d’être victime de tortures. Le Comité rappelle que, conformément à son Observation générale n o 1, c’est au requérant qu’il incombe de présenter des arguments convaincants et de prouver qu’il risque d’être torturé, que les raisons de croire qu’il le serait sont aussi sérieuses qu’il le dit, et que ce risque est personnel et réel. En l’espèce, le Comité prend note de l’argument de l’État partie qui affirme qu’après enquête, son ambassade à Dhaka n’a trouvé aucune trace de procédure pénale pendante contre le requérant. Le Comité considère en outre que le requérant n’a pas suffisamment étayé ses allégations selon lesquelles il y aurait deux procédures pénales en cours contre lui. En tout état de cause, il est malvenu d’invoquer une arrestation à son retour au Bangladesh pour des crimes de droit commun qui lui seraient imputés. Le Comité estime en outre que l’auteur n’a pas indiqué les motifs pour lesquels il aurait essayé de porter plainte auprès des autorités bangladaises et se serait vu forcé de quitter le pays.

6.8 Compte tenu de ce qui précède, le Comité estime que le requérant n’a pas démontré l’existence de motifs sérieux permettant de considérer que son renvoi au Bangladesh l’exposerait à un risque réel, concret et personnel de torture, aux termes de l’article 3 de la Convention.

6.9 Par conséquent, le Comité contre la torture, agissant en vertu du paragraphe 7 de l’article 22 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, estime que le renvoi du requérant au Bangladesh ne ferait apparaître aucune violation par l’État partie de l’article 3 de la Convention.

Communication n o 262/2005

Présentée par :

V. L. (non représentée par un conseil)

Au nom de :

V. L.

État partie :

Suisse

Date de la requête :

12 janvier 2005 (date de la lettre initiale)

Le Comité contre la torture , institué en vertu de l’article 17 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,

Réuni le 20 novembre 2006,

Ayant achevé l’examen de la requête n o 262/2005 présentée au Comité contre la torture par M me  V. L. en vertu de l’article 22 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,

Ayant tenu compte de toutes les informations écrites qui lui ont été communiquées par la requérante,

Adopte la décision ci-après au titre du paragraphe 7 de l’article 22 de la Convention contre la torture.

1.1 La requérante est M me  V. L., née en 1946, de nationalité bélarussienne, qui vit actuellement en Suisse d’où elle risque d’être renvoyée au Bélarus. Elle n’invoque aucune disposition particulière de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, mais sa requête semble soulever des questions au titre de l’article 3. Elle n’est pas représentée par un conseil.

1.2 Le 14 janvier 2005, le Comité, par l’intermédiaire du Rapporteur spécial chargé des nouvelles requêtes et des mesures provisoires, a transmis la requête à l’État partie et l’a prié, conformément au paragraphe 1 de l’article 108 de son règlement intérieur, de ne pas renvoyer la requérante au Bélarus tant que le Comité serait saisi de la requête. Le Rapporteur a indiqué que cette demande pourrait être revue à la lumière de nouveaux arguments présentés par l’État partie. Celui ‑ci a accédé à la demande par une note datée du 25 février 2005.

Exposé des faits

2.1 Le mari de la requérante était candidat à des élections locales au Bélarus en 1995 et en 2000. Dans une lettre adressée au rédacteur en chef d’un journal, il a critiqué le Président du pays. Il a alors été interrogé plusieurs fois par le Bureau de la sécurité et la police. Il a également été agressé par quatre inconnus en avril 2000. La police lui a recommandé de cesser ses activités politiques. Il a quitté la ville de Minsk et a vécu chez des proches de juillet 2000 à juin 2001. Il a quitté le pays le 7 juin 2001 pour aller en Belgique, où il a présenté une demande d’asile. Sa demande ayant été rejetée, il s’est rendu en Suisse le 18 décembre 2002. Pendant ce temps, la requérante, qui était restée au Bélarus, a été maintes fois interrogée sur son mari. Elle a été privée de son passeport le 12 septembre 2002. Elle a quitté le pays le 16 décembre 2002 et a rejoint son mari en Suisse le 18 décembre 2002.

2.2 La requérante ainsi que son mari ont déposé une demande d’asile en Suisse le 19 décembre 2002. Tous deux ont allégué que le mari de la requérante avait été victime de persécutions politiques de la part des autorités bélarussiennes. Ce motif n’a pas été jugé crédible par l’Office fédéral des réfugiés (ODR), qui a considéré que les documents présentés par les requérants n’étaient pas authentiques. Par conséquent, leurs demandes ont été rejetées le 14 août 2003 et la requérante et son mari ont reçu l’ordre de quitter le pays avant le 9 octobre 2003.

2.3 Le 11 septembre 2003, la requérante et son mari ont fait appel auprès de la Commission suisse de recours en matière d’asile (CRA). Celle ‑ci les a déboutés le 15 septembre 2004. La requérante a demandé une révision de la décision le 11 octobre 2004, signalant pour la première fois qu’elle avait subi des sévices sexuels de la part de membres de la police («Miliz»). Elle a prié instamment les autorités suisses de reconsidérer sa demande d’asile distinctement, indépendamment de celle de son mari, expliquant qu’ils ne vivaient plus ensemble. Ce n’est qu’après que le couple est arrivé en Suisse que la requérante a mis son mari au courant des sévices sexuels qu’elle avait subis. Il a réagi par des insultes et des remarques humiliantes, et lui a interdit de mentionner ces sévices aux autorités suisses. Par une lettre datée du 15 octobre 2004, la CRA a demandé un complément d’information car les motifs invoqués à l’appui de la demande en révision n’étaient pas suffisants. Le 21 octobre 2004, la requérante a précisé les motifs de révision. Elle a affirmé à ce moment ‑là que, avant son départ du Bélarus, elle avait été interrogée et violée par trois policiers qui voulaient savoir où se trouvait son mari. Les policiers l’auraient aussi battue et lui auraient fait subir des pénétrations au moyen d’objets. Un examen médical réalisé par la suite dans un hôpital a confirmé que ses organes sexuels présentaient des ecchymoses et des lésions. La requérante a dû être soignée et n’a pu aller travailler pendant plus de trois semaines.

2.4 À la suite de cet incident, la requérante s’est plainte auprès du responsable du service dont relevaient les policiers qui lui avaient fait subir des violences sexuelles. À partir de ce moment ‑là, elle a reçu des menaces de plusieurs policiers de ce service. Un policier l’a suivie chez elle, lui demandant de retirer sa plainte. Des policiers venaient sans arrêt chez elle la nuit ou pour effectuer des perquisitions. Un jour, les policiers qui l’avaient violée l’ont enlevée devant l’immeuble de son bureau et conduite dans un endroit isolé où ils l’ont de nouveau violée. Ils ont menacé de la mutiler et de la tuer. Le 12 septembre 2002, elle a été convoquée à la police et son passeport lui a été retiré. Après ces événements, elle a souffert de dépression et a commencé à se cacher. Les menaces et les intimidations, conjuguées aux sévices sexuels subis auparavant, l’ont poussée à fuir du Bélarus.

2.5 La requérante affirme que si elle n’a pas dit qu’elle avait été violée lors de la première audition devant l’Office fédéral des réfugiés, c’est parce qu’elle considérait cela comme humiliant et comme une insulte à sa dignité personnelle. En outre, les pressions psychologiques exercées par son mari l’ont empêchée d’en parler. Elle a expliqué que son mari avait disparu en octobre 2004 et qu’elle ne savait pas où il se trouvait. Mais maintenant que son mari a quitté le pays, elle est toutefois prête à donner des détails sur les faits mentionnés plus haut et à fournir un certificat médical.

2.6 Dans sa décision du 1 er  décembre 2004, la CRA a reconnu que, en principe, un viol est un élément pertinent dont il y a lieu de tenir compte dans l’examen d’une demande d’asile, même s’il est signalé tardivement, et qu’il peut en effet exister des raisons psychologiques empêchant les victimes d’en faire état lors de la première audition. Cependant, la Commission a estimé que les allégations de la requérante n’étaient pas vraisemblables, car celle ‑ci n’a ni démontré ni prouvé les obstacles psychologiques qui l’ont empêchée ne serait ‑ce que de mentionner le viol lors de la première audition. Par ailleurs, ni son récit ni son comportement ne sont convaincants. La CRA a également émis des doutes sur «la soudaine capacité de la requérante à donner des détails sur le viol allégué». Elle n’a pas été convaincue qu’il existait un risque que la requérante soit persécutée ou subisse des traitements inhumains à son retour dans son pays, et a conclu que, sur le plan juridique, rien n’empêchait son renvoi au Bélarus.

2.7 Le 7 décembre 2005, la requérante a envoyé à la CRA un certificat médical prouvant qu’elle avait subi des sévices sexuels avant de quitter le Bélarus. Par une lettre du 14 décembre 2005, la CRA a répondu que son affaire était close. La requérante a adressé une nouvelle lettre à la CRA le 7 janvier 2005, dans laquelle elle expliquait pourquoi elle contestait sa décision du 1 er  décembre 2004. Le 11 janvier 2005, la requérante a été informée qu’elle serait expulsée du pays le 20 janvier 2005.

Teneur de la plainte

3. La requérante affirme que, d’après les documents qu’elle a produits, il est clair que sa crainte de subir des persécutions de la part de la police au Bélarus est justifiée. Elle n’invoque pas de disposition particulière de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, mais sa requête semble soulever des questions au titre de l’article 3.

Observations de l’État partie sur la recevabilité

4.1 Dans une note verbale datée du 25 février 2005, l’État partie conteste la recevabilité de la requête. Il affirme que la lettre datée du 12 janvier 2005 envoyée par la requérante ne peut être considérée comme une requête au sens de l’article 22 de la Convention. Il rappelle le paragraphe a) de l’article 107 du Règlement intérieur du Comité, selon lequel le requérant doit estimer être victime d’une violation par l’État partie concerné des dispositions de la Convention. Selon le paragraphe b), le Comité doit s’assurer que la requête ne constitue pas un abus de la procédure ou n’est pas manifestement dénuée de fondement. L’État partie note que la requérante se borne à transmettre les documents relatifs à sa demande d’asile et à prier le Comité «de [lui] porter secours et assistance dans […] la décision concernant [sa] protection», sans avancer que les autorités nationales ont eu tort lorsqu’elles ont confirmé la décision de renvoi. Il fait valoir que la requérante n’a pas démontré qu’elle risquait d’être soumise à la torture si elle retournait au Bélarus. Il considère que, faute d’allégation de violation, il est impossible de présenter des observations sur les déclarations de la requérante.

4.2 L’État partie note en conclusion que la lettre de la requérante ne saurait être considérée comme une communication au sens de l’article 22 de la Convention. Si elle devait néanmoins être considérée comme telle, il invite le Comité à déclarer la requête irrecevable du fait qu’elle n’invoque pas de violation de la Convention, ou à considérer qu’elle constitue un abus de la procédure, ou qu’elle est manifestement dénuée de fondement, en vertu du paragraphe b) de l’article 107 du Règlement intérieur.

Commentaires de la requérante sur les observations de l’État partie

5. Dans une lettre datée du 12 mars 2005, la requérante présente ses commentaires sur les observations de l’État partie concernant la recevabilité de la requête. Elle donne des précisions sur la succession des événements qui l’ont conduite à quitter le Bélarus. Elle envoie également un certificat médical daté du 4 juillet 2002, établi par la polyclinique du septième arrondissement de Minsk. Il y est dit que la requérante a subi un traumatisme et des lésions sur les organes sexuels.

Observations de l’État partie sur le fond

6.1 Dans une note verbale du 24 juin 2005, l’État partie réaffirme qu’à son avis la communication n’est pas recevable; subsidiairement, il présente les arguments suivants sur le fond. Tout d’abord, il rappelle les obligations qui lui incombent en vertu de l’article 3 de la Convention, et note que le Comité a défini les conditions d’application de cette disposition dans sa jurisprudence et dans son Observation générale n o 1 du 21 novembre 1997.

6.2 Conformément au paragraphe 2 de l’article 3 de la Convention, le Comité doit tenir compte de toutes les considérations pertinentes, y compris l’existence, dans l’État intéressé, d’un ensemble de violations systématiques des droits de l’homme, graves, flagrantes ou massives. Il s’agit toutefois de déterminer si l’intéressé risquerait personnellement d’être soumis à la torture dans le pays où il serait renvoyé. En conséquence, l’existence d’un ensemble de violations systématiques des droits de l’homme dans un pays ne constitue pas en soi un motif suffisant pour conclure qu’un individu risque d’être torturé en cas de retour dans son pays . Donc, il faut qu’il y ait des motifs supplémentaires de penser que la personne concernée court un risque «prévisible, réel et personnel» d’être soumise à la torture . L’État partie note que la situation au Bélarus ne constitue pas en soi un motif suffisant pour conclure que la requérante risque d’être soumise à la torture à son retour dans ce pays . L’État partie affirme que la requérante n’a pas démontré qu’il existait un risque «prévisible, réel et personnel» qu’elle soit soumise à la torture à son retour au Bélarus.

6.3 Conformément à l’Observation générale n o 1, il y a lieu de tenir compte de la question de savoir si la requérante a été ou non torturée ou maltraitée dans le passé pour évaluer le risque qu’elle soit soumise à la torture si elle est renvoyée dans son pays. La requérante allègue qu’elle a été violée plusieurs fois en 2002, la première lors d’un interrogatoire destiné à savoir où se trouvait son mari, et la seconde après avoir dénoncé son premier viol aux autorités. Elle craint que son retour ne soit immédiatement connu de la police et qu’elle soit de nouveau maltraitée, ou même violée. Pour prouver qu’elle avait été violée en 2002, elle a envoyé au Comité un certificat médical, daté du 4 juillet 2002, établi par la polyclinique du septième arrondissement de Minsk. L’État partie juge surprenant que la requérante n’ait pas présenté cet élément de preuve essentiel pendant la procédure ordinaire, ni même lors de la procédure en révision devant la CRA. Selon la requérante, c’est parce qu’elle pensait être de nouveau entendue qu’elle n’a envoyé le certificat médical qu’après réception de la décision de la CRA du 1 er décembre 2004. L’État partie estime que cette explication n’est pas convaincante. Il note, d’une part, que la CRA avait demandé à la requérante de préciser et d’étayer sa demande en révision et, d’autre part, que la requérante elle ‑même avait répondu qu’elle jugeait nécessaire de donner les informations requises par écrit. À ce propos, l’État partie rappelle que la requérante et son mari ont présenté des moyens de preuve faux ou falsifiés pendant la procédure ordinaire de demande d’asile, et que l’affirmation selon laquelle le mari aurait été persécuté n’avait pas été jugée crédible par les autorités nationales. Il estime que le certificat médical n’étaye pas l’allégation de viol.

6.4 Selon l’Observation générale n o 1, il convient de tenir compte, dans l’appréciation du risque qu’une personne soit soumise à la torture à son retour dans son pays, des activités politiques passées de celle ‑ci dans son pays d’origine. L’État partie note que la requérante n’était pas engagée politiquement au Bélarus. Les seules activités politiques évoquées sont celles du mari de la requérante, qui aurait été candidat aux élections locales de 1995 et 2000, et aurait critiqué le chef de l’État. Par conséquent, l’État partie estime que la requérante n’a pas prouvé qu’elle risque d’être soumise à la torture en raison de ses activités politiques.

6.5 En ce qui concerne la crédibilité de la requérante, l’État partie note qu’elle allègue devant le Comité des motifs qu’elle n’avait pas invoqués devant les autorités nationales pendant la procédure d’asile et qu’elle n’a fait mention des sévices sexuels commis par la police que dans sa demande en révision du 11 octobre 2004. À la demande expresse de la CRA, elle a complété sa demande en révision le 21 octobre 2004. Ce n’est qu’à ce moment ‑là qu’elle a spécifié que des policiers l’avaient violée plusieurs fois en 2002 et qu’elle avait par la suite reçu de graves menaces de la police, notamment parce qu’elle s’était plainte du délit commis. La requérante n’a jamais étayé ses allégations. Elle dit qu’elle n’a pas osé faire état des viols pendant la procédure ordinaire parce que son mari lui avait interdit d’en parler. L’État partie fait valoir que, si cette explication pourrait être acceptée pour la période pendant laquelle la requérante n’était pas séparée de son mari, elle n’est en tout cas pas convaincante s’agissant de la période suivant la séparation. En particulier, elle ne permet pas de comprendre pourquoi la requérante n’a fourni aucun élément de preuve à la CRA pendant la procédure de révision. En outre, les éléments de preuve présentés par la requérante et son mari à l’appui de leurs allégations au cours de la procédure d’asile étaient pour la plupart faux ou falsifiés. Compte tenu de ce qui précède, l’État partie doute de l’authenticité du certificat médical fourni dans la présente procédure le 12 mars 2005 seulement.

6.6 Enfin, l’État partie fait valoir que les affirmations de la requérante comportent de nombreuses contradictions dans les faits, ce qui entame sa crédibilité. Selon la requérante, les viols qu’elle a subis en 2002 auraient un lien direct avec les activités politiques de son mari. Cependant, les autorités nationales ont estimé que les allégations sur les persécutions qu’aurait subies son mari n’étaient pas dignes de foi. Étant donné que la requérante a toujours affirmé que les activités de son mari étaient la cause exclusive des persécutions qu’elle a elle ‑même subies, ces allégations sont totalement infondées.

6.7 En conséquence, l’État partie estime que rien n’indique qu’il existe des motifs sérieux de craindre que la requérante soit réellement et personnellement torturée à son retour au Bélarus.

Commentaires supplémentaires de la requérante sur les observations de l’État partie

7.1 Dans une lettre datée du 28 juillet 2005, la requérante explique que, si elle n’était pas elle ‑même engagée politiquement, elle soutenait les activités politiques de son mari, et que son appartenance à une famille opposée au Gouvernement l’assimile à une militante politique. En réponse à l’argument de l’État partie selon lequel elle n’a pas mentionné dans sa demande d’asile initiale le fait qu’elle risquait d’être arrêtée à son retour au Bélarus, elle indique qu’elle a mentionné ce risque lors de sa première audition après son arrivée en Suisse le 14 février 2003, mais aussi à plusieurs autres occasions. Elle ajoute que ces commentaires ont été communiqués au Comité en annexe à sa requête initiale.

7.2 La requérante soutient qu’il existe un ensemble de violations systématiques des droits de l’homme, graves, flagrantes ou massives, au Bélarus et qu’elle craint donc d’être persécutée à son retour. Elle indique que les disparitions d’opposants aux autorités sont fréquentes à Minsk et à Vitebsk, et que de nombreuses personnes sont détenues arbitrairement. Sur le point de savoir s’il existe un risque réel qu’elle soit personnellement soumise à la torture à son retour, elle rappelle qu’elle a été plusieurs fois menacée d’emprisonnement et même de mort. Elle ajoute que, si elle retourne au Bélarus, elle devra aller à la police pour se faire enregistrer, car cela est obligatoire. La police saura donc immédiatement qu’elle est de retour. Pour démontrer qu’elle est réellement en danger de subir de mauvais traitements, elle rappelle les nombreuses descentes de police la nuit à son domicile, les fouilles, les interrogatoires, et les actes de violence sur sa personne, prouvés par un certificat médical, et que son activité politique consistait à distribuer du matériel de propagande en période préélectorale.

7.3 S’agissant du retard avec lequel elle a remis le certificat médical aux autorités nationales de l’État partie, la requérante indique que le certificat était resté au Bélarus. Lorsque son cas a été réexaminé, sa fille a trouvé le certificat médical à son domicile au Bélarus et le lui a envoyé par télécopieur le 17 novembre 2004.

7.4 Concernant le fait que son mari n’aurait pas été persécuté, la requérante soutient que l’État partie se trompe et que, si son mari ne faisait pas l’objet de menaces, il serait retourné au Bélarus. Or, il se trouve maintenant en Belgique.

7.5 À propos de la crédibilité de ses affirmations, la requérante explique que, dans sa demande en révision datée du 11 octobre 2004, elle n’a mentionné que brièvement les sévices sexuels qu’elle avait subis car elle s’attendait à être convoquée pour une autre audition. S’agissant des moyens de preuve à l’appui de ses allégations, elle rappelle que la plainte qu’elle avait déposée auprès de la police a été suspendue du fait qu’elle a quitté le pays. Les documents relatifs à sa plainte sont confidentiels et elle ne peut y avoir accès depuis la Suisse.

Délibérations du Comité

8.1 Avant d’examiner une plainte soumise dans une requête, le Comité contre la torture doit déterminer si la requête est recevable au titre de l’article 22 de la Convention. Le Comité s’est assuré, comme il est tenu de le faire conformément au paragraphe 5 a) de l’article 22 de la Convention, que la même question n’a pas été et n’est pas actuellement examinée devant une autre instance internationale d’enquête ou de règlement. Il note qu’en l’espèce tous les recours internes ont été épuisés et que la requérante a suffisamment étayé les faits et ses allégations aux fins de la recevabilité. S’agissant de l’argument de l’État partie selon lequel la lettre de la requérante ne saurait être considérée comme une communication au sens de l’article 22 de la Convention, le Comité estime que, même si la requérante ne mentionne pas expressément l’article 3 de la Convention dans sa lettre initiale, elle a clairement indiqué qu’elle ne devrait pas être renvoyée au Bélarus parce qu’elle risquait d’y être violée à nouveau par des membres de la milice. Étant donné que la requérante n’était pas représentée par un conseil et vu la gravité de l’allégation, le Comité rappelle sa pratique constante consistant à examiner des communications de ce type en tant que requêtes au sens de l’article 22 de la Convention . En conséquence il considère la requête recevable et procède à son examen quant au fond.

8.2 Le Comité doit déterminer si, en procédant au renvoi forcé de la requérante au Bélarus, l’État partie manquerait aux obligations qui lui sont faites, en vertu du paragraphe 1 de l’article 3 de la Convention, de ne pas expulser ou refouler un individu vers un autre État où il y a des motifs sérieux de croire qu’il risque d’être soumis à la torture.

8.3 Le Comité doit examiner s’il existe des motifs sérieux de croire que la requérante courrait personnellement un risque d’être soumise à la torture si elle était renvoyée au Bélarus. Pour ce faire, le Comité doit tenir compte de tous les éléments pertinents, conformément au paragraphe 2 de l’article 3 de la Convention, y compris de l’existence, dans l’État intéressé, d’un ensemble de violations systématiques des droits de l’homme, graves, flagrantes ou massives. Néanmoins, le Comité rappelle qu’il s’agit de déterminer si la personne concernée court personnellement un risque de torture dans le pays dans lequel elle serait renvoyée. Dès lors, l’existence d’un ensemble de violations systématiques des droits de l’homme, graves, flagrantes ou massives, dans un pays ne constitue pas en soi un motif suffisant pour conclure qu’une personne risque d’être soumise à la torture à son retour dans ce pays. Il doit exister des motifs supplémentaires donnant à penser que l’intéressée courrait personnellement un risque. À l’inverse, l’absence d’un ensemble de violations systématiques des droits de l’homme ne signifie pas nécessairement qu’une personne ne peut pas être considérée comme en danger de subir des tortures dans les circonstances qui sont les siennes.

8.4 Le Comité est conscient que la situation des droits de l’homme au Bélarus laisse beaucoup à désirer. Les policiers qui auraient harcelé, abusé sexuellement et violé la requérante relèvent du Ministère de l’intérieur et sont responsables de nombreux cas de torture à travers le pays, y compris contre des personnes ayant participé à des campagnes électorales parallèles. Le Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme au Bélarus a noté plusieurs attaques dont ont été victimes des membres de l’opposition . Le Comité s’est lui ‑même référé à de nombreuses allégations de torture et de mauvais traitements mettant en cause les autorités bélarussiennes, ainsi qu’à l’absence d’un procureur indépendant, d’enquêtes rapides, impartiales et approfondies sur les allégations de torture et d’un appareil judiciaire indépendant . La Rapporteuse spéciale sur la violence contre les femmes, ses causes et ses conséquences a, de son côté, noté le nombre croissant d’actes de violence contre des femmes signalés au Bélarus, en particulier de viols, et les rapports «relativement fréquents» faisant état de sévices, notamment sexuels, commis par des détenues . Selon les données publiées par le Ministère bélarussien du travail et de la sécurité sociale en 2004, plus de 20 % des femmes ont signalé avoir subi des sévices sexuels au moins une fois. Dans les dix premiers mois de 2005, le Ministère de l’intérieur a fait état d’une augmentation de 17 % des cas signalés de viol par rapport à l’année précédente .

8.5 Le Comité rappelle son observation générale relative à l’article 3, dans laquelle il est dit que le Comité doit déterminer s’il y a des motifs sérieux de croire que le requérant risque d’être soumis à la torture s’il est refoulé, et que le risque de torture doit être évalué selon des éléments qui ne se limitent pas à de simples supputations ou soupçons. Il n’est pas nécessaire que le risque soit hautement probable, mais il doit être encouru personnellement et actuellement.

8.6 L’État partie ayant affirmé que certains des documents originaux présentés dans la demande d’asile conjointe avaient été falsifiés et que cela portait atteinte à la crédibilité de la requérante, le Comité estime que le fait que c’était l’époux et non la requérante qui était responsable de ce qui avait été présenté à l’appui de la demande d’asile conjointe initiale fait qu’on ne saurait imputer à la requérante de tels manquements sans autre forme de procès. S’agissant de l’affirmation de l’État partie selon laquelle le rapport médical émanant de l’hôpital qui expose et étaye l’allégation de viol est également un faux, le Comité note que pour parvenir à cette conclusion l’État partie s’est fondé sur le seul fait qu’il considérait les documents présentés antérieurement par l’époux à l’appui de la demande d’asile conjointe comme ayant été falsifiés (voir par. 6.5 ci ‑dessus). Comme la date de l’incident et les informations détaillées concernant les lésions graves causées aux organes sexuels de la requérante par l’insertion d’un objet contondant figurant dans le rapport médical provenant du Bélarus correspondent aux informations données dans la communication, le Comité ne met pas en question l’authenticité de ce document.

8.7 Pour ce qui est de l’argument de l’État partie selon lequel la requérante n’a pas prouvé qu’elle risquait d’être torturée en raison de ses propres activités politiques, le Comité constate que même si la requérante est à présent séparée de son mari cela n’empêchera pas les autorités de lui faire du mal. La requérante a expliqué qu’elle avait participé à la distribution de matériels de propagande en période préélectorale alors qu’elle était au Bélarus. Elle est à présent séparée de son mari sans avoir divorcé; pour les autorités elle demeure un moyen de rester en contact avec l’époux et de faire pression sur lui. Qui plus est, selon un récent rapport du Département d’État des États-Unis sur les droits de l’homme, les cas de harcèlement de femmes divorcées en raison des activités de leur ancien époux ne sont pas rares au Bélarus . En tout état de cause, même si la requérante affirme qu’elle a été arrêtée et violée une première fois en raison des activités politiques de son mari au Bélarus, elle l’a été de nouveau parce qu’elle s’était plainte du premier viol. À son retour au Bélarus, elle risque donc de subir des mauvais traitements quels que soient ses liens avec son mari. Ses allégations concernant le comportement de la police, qu’elle accuse d’effectuer des descentes de nuit et des perquisitions chez elle et de commettre des actes de violence et des viols, pourraient bien l’exposer à des représailles partout au Bélarus. Comme l’a affirmé la Représentante spéciale du Secrétaire général pour la question des défenseurs des droits de l’homme, les défenseurs des droits de l’homme de sexe féminin sont en butte à une hostilité, un harcèlement et une répression sexospécifiques, notamment à un harcèlement sexuel et à des viols . La police bélarussienne fonctionne selon un système très uniforme et hautement hiérarchisé; dans les circonstances politiques actuelles, il est difficile de dire si un endroit peut être plus sûr qu’un autre. Pour toutes ces raisons la requérante ne manquera pas d’intéresser la police au niveau local.

8.8 L’État partie a fait valoir que la requérante n’est pas crédible parce que ses allégations d’abus sexuels et les rapports médicaux présentés à l’appui de ces allégations n’ont pas été présentés assez tôt au cours de la procédure interne. Le Comité estime, au contraire, que les allégations de la requérante sont crédibles. La façon dont elle explique le temps qu’elle a mis pour parler des viols aux autorités nationales est tout à fait plausible. C’est un fait bien connu que le souci de préserver son intimité et la crainte de l’humiliation pouvant être ressentie par la personne qui révèle de tels actes peuvent amener aussi bien une femme qu’un homme à dissimuler le fait qu’elle ou qu’il a été victime d’un viol et/ou d’autres formes d’abus sexuel tant qu’il n’est pas absolument nécessaire d’en parler. Dans le cas des femmes plus particulièrement, il y a aussi la crainte de l’opprobre et d’être rejetée par le partenaire ou la famille. Dans le cas d’espèce, l’affirmation de la requérante selon laquelle son mari a réagi lorsqu’elle a avoué le viol en l’humiliant et en lui interdisant d’en faire état dans la procédure d’asile fait que son allégation est encore plus crédible. Le Comité note que dès que son mari l’a quittée la requérante, qui n’était plus sous son emprise, a immédiatement parlé des viols aux autorités nationales dans sa demande en révision du 11 octobre 2004. D’autres preuves de son état psychique ou des obstacles «psychologiques», selon les mots de l’État partie, ne sont pas nécessaires. L’argument de l’État partie selon lequel la requérante aurait dû soulever et étayer la question de l’abus sexuel plus tôt dans la procédure de révision n’est pas suffisant pour conclure que ses allégations d’abus sexuel ne sont pas crédibles surtout qu’elle n’était pas représentée au cours de la procédure.

8.9 Pour ce qui est de l’argument de l’État partie selon lequel il y avait de nombreuses incohérences dans les affirmations de la requérante, le Comité note que cet argument n’a pas été étayé puisque l’État partie n’a pas indiqué de quelles incohérences il s’agissait.

8.10 Aux fins de l’appréciation du risque de torture dans la présente affaire, le Comité considère que la requérante était clairement sous le contrôle physique de la police bien que les actes visés n’aient pas été commis dans des lieux de détention officiels. Ces actes, qui revêtent notamment la forme de multiples viols, ont consisté assurément à causer une douleur et des souffrances aiguës à des fins non permissibles, dont l’interrogatoire, l’intimidation, la punition, les représailles, l’humiliation et la discrimination fondée sur le sexe. En conséquence, le Comité estime que les abus sexuels commis par la police en l’espèce constituent des actes de torture même s’ils n’ont pas été perpétrés dans des lieux de détention officiels. De plus, il semble que les autorités bélarussiennes n’aient pas enquêté sur ces actes ni poursuivi et puni leurs auteurs. Cette passivité augmente le risque de mauvais traitements que court la requérante en cas de retour au Bélarus, dans la mesure où les auteurs des viols n’ont jamais fait l’objet d’une enquête et peuvent donc maltraiter de nouveau la requérante en toute impunité. Compte tenu des circonstances particulières de la cause, il y a de sérieux doutes quant à la question de savoir si les autorités bélarussiennes prendront les mesures nécessaires pour protéger la requérante.

8.11 Dans ces circonstances, le Comité considère qu’il existe des motifs sérieux de croire que la requérante risque d’être soumise à la torture si elle est renvoyée au Bélarus.

9. Le Comité contre la torture, agissant en vertu du paragraphe 7 de l’article 22 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, conclut que le renvoi de la requérante au Bélarus par l’État partie constituerait une violation de l’article 3 de la Convention.

10. Le Comité engage instamment l’État partie, en application du paragraphe 5 de l’article 112 de son règlement intérieur, à l’informer, dans un délai de quatre-vingt-dix jours à compter de la date de transmission de la présente décision, des mesures qu’il aura prises pour donner effet à ses constatations.

Communication n o  265/2005

Présentée par :

A. H. (représenté par un conseil)

Au nom de :

A. H.

État partie :

Suède

Date de la requête :

8 février 2005 (date de la lettre initiale)

Le Comité contre la torture , institué en vertu de l’article 17 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,

Réuni le 16 novembre 2006,

Ayant achevé l’examen de la requête n o  265/2005, présentée par M. A. H. en vertu de l’article 22 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,

Ayant tenu compte de toutes les informations qui lui ont été communiquées par le requérant, son conseil et l’État partie,

Adopte la décision ci-après au titre du paragraphe 7 de l’article 22 de la Convention contre la torture.

1.1 Le requérant est M. A. H., de nationalité azerbaïdjanaise, né en 1971, actuellement détenu en Suède en attendant son expulsion vers l’Azerbaïdjan. Il affirme que son renvoi dans ce pays constituerait une violation de l’article 3 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Il est représenté par un conseil. La Convention est entrée en vigueur pour la Suède le 26 juin 1987.

1.2 Conformément au paragraphe 3 de l’article 22 de la Convention, le Comité a transmis la requête à l’État partie le 8 février 2006. En application du paragraphe 1 de l’article 108 de son règlement intérieur, il a prié l’État partie de ne pas expulser le requérant vers l’Azerbaïdjan tant qu’il serait saisi de la requête. L’État partie a accédé à cette demande.

Rappel des faits présentés par le requérant

2.1 Le requérant appartient à la minorité taliche d’Azerbaïdjan. Après avoir obtenu un diplôme de génie mécanique en Russie et effectué son service militaire en Allemagne, il a adhéré au mouvement séparatiste taliche dirigé par Alakram Hummatov, qui voulait créer une république taliche. En 1994, il a quitté ce mouvement et s’est installé à Bakou, où il a vécu jusqu’à sa fuite en Suède.

2.2 Le requérant affirme qu’il a été membre actif du Parti démocratique d’Azerbaïdjan (PDA), parti légal d’opposition au régime actuel. Il menait ses activités politiques dans le district de Khatai et organisait par exemple des manifestations contre le régime. Il indique qu’il est apparu plusieurs fois à la télévision dans le cadre de ces activités.

2.3 En 2001, le requérant a été convoqué plusieurs fois par la police et interrogé au sujet du chef du mouvement séparatiste taliche, Hummatov. Le 15 juin 2001, des policiers en civil ont perquisitionné à son domicile à Bakou et saisi des documents et des enregistrements. Le requérant a été arrêté et emmené dans les locaux du Ministère de la sécurité nationale à Bakou, où il a subi plusieurs passages à tabac. On l’a ensuite conduit dans un «local de la police» et enfermé dans une cellule située au sous ‑sol, où il a passé environ un an. Il affirme que pendant cette période, il a été brutalisé à maintes reprises, il n’avait le droit ni de sortir ni de parler à quiconque et n’a jamais su combien de temps il allait rester en détention. Il ajoute qu’il n’a jamais été traduit devant un tribunal et n’a jamais bénéficié de l’assistance d’un avocat.

2.4 En mai 2002, le requérant est tombé malade et a été emmené dans un hôpital du KGB qui soignait également les détenus. Il explique que, pendant son séjour dans cet établissement, son père et le Secrétaire général du PDA, Sardar Jalaloglu, ont organisé son évasion et obtenu, moyennant des pots ‑de ‑vin, une carte de membre du parti et un permis de conduire à son nom. C’est un visiteur qui lui a remis ces documents.

2.5 Le 14 novembre 2002, le requérant, portant un uniforme de l’armée, a quitté l’hôpital avec l’aide d’un militaire de l’entourage de Jalaloglu, pendant que les gardes étaient occupés au téléphone et avec des visiteurs. Il a franchi dans la nuit la frontière avec le Daghestan en Russie. Il est arrivé en Suède via Kaliningrad le 19 novembre 2002, muni d’un faux passeport néerlandais. Il a déposé une demande d’asile le lendemain.

2.6 Par une décision datée du 4 juillet 2003, le Conseil suédois des migrations («Migrationsverket») a rejeté la demande du requérant, au motif qu’il n’existait pas de discrimination marquée visant la communauté taliche en Azerbaïdjan et que le récit du requérant concernant son évasion de l’hôpital et la façon dont il avait reçu le permis de conduire n’étaient pas crédibles.

2.7 Le 8 juillet 2003, le requérant a fait appel de cette décision devant la Commission de recours des étrangers. Le 10 octobre 2003, celle-ci a reçu des autorités allemandes, auxquelles elle avait adressé une demande d’information conformément à la Convention de Dublin, une lettre indiquant que le requérant avait sollicité l’asile en Allemagne le 25 juillet 1995.

2.8 Le 10 octobre 2003 et le 3 mars 2004, le requérant a présenté à la Commission un complément de dossier, comprenant des rapports médicaux du service des urgences et des traumatismes de l’hôpital de Danderyd, établis les 18 et 19 février 2004. Ces documents attestaient que le requérant avait été soumis à des tortures du type de celles qu’il avait décrites, c’est ‑à ‑dire des passages à tabac systématiques, l’application de décharges électriques et des stations assises prolongées sur des barres de fer. La conclusion était que les cicatrices et blessures que présentait le requérant étaient la marque des tortures qu’il avait subies en 2001.

2.9 Dans un autre complément d’information adressé au Conseil en date du 17 décembre 2004, le requérant a indiqué que son frère était arrivé en Suède et avait demandé l’asile, que Jalaloglu avait été arrêté en Azerbaïdjan et que les autorités azerbaïdjanaises recherchaient plusieurs personnes, dont lui-même. Un avis de recherche portant une photo du requérant avait été publié par le Ministère de l’intérieur (Département des enquêtes pénales de Bakou) et affiché dans les postes de police de la région de Bakou. Le requérant serait accusé «d’appartenir au PDA, d’avoir quitté le pays et d’avoir fomenté la rébellion en diffusant les idées de l’opposition». Le requérant ajoutait que son frère lui avait appris que, deux mois après son départ d’Azerbaïdjan, leur père avait lui aussi été arrêté à Bakou.

2.10 Le 4 février 2005, la Commission de recours des étrangers a débouté le requérant. Elle ne contestait pas que celui-ci ait été emprisonné et torturé comme il était indiqué dans les rapports médicaux, mais elle estimait que «ces faits ne pouvaient pas être imputés aux autorités azerbaïdjanaises et devaient être considérés comme des actes criminels commis par certains individus qui outrepassaient leurs pouvoirs». De plus la Commission avait des doutes sur la durée de la détention du requérant et les circonstances de son évasion et a conclu que le requérant n’avait pas démontré qu’il était recherché pour des motifs politiques ni que son niveau d’engagement politique était tel qu’il risquait d’être persécuté par les autorités azerbaïdjanaises.

Teneur de la plainte

3. Le requérant affirme que s’il est renvoyé en Azerbaïdjan, il risque d’être à nouveau placé en détention et soumis à la torture du fait de ses liens étroits avec le PDA, d’autant qu’un avis de recherche le concernant avait été émis et envoyé aux postes de police de la région de Bakou. Il fait valoir que la situation politique en Azerbaïdjan est particulièrement tendue en raison de l’approche des élections législatives du 6 novembre 2005. Les autorités azerbaïdjanaises ont ainsi arrêté le 21 mai 2005 plus de 300 adversaires du régime, dont des membres du PDA, dans le but d’écraser l’opposition politique. Compte tenu des faits et des éléments de preuve qu’il a présentés, le requérant affirme que son expulsion vers l’Azerbaïdjan constituerait une violation de l’article 3 de la Convention.

Observations de l’État partie sur la recevabilité et sur le fond

4.1 Dans une lettre datée du 10 mai 2005, l’État partie conteste la recevabilité de la requête en objectant qu’elle ne contient pas le minimum d’éléments nécessaire pour être considérée comme étayée aux fins de la recevabilité. À titre subsidiaire, il estime qu’elle est dénuée de fondement. Il fait valoir que, malgré les nombreuses violations des droits de l’homme qui continuent d’être signalées, l’Azerbaïdjan a fait des progrès depuis qu’il est membre du Conseil de l’Europe et qu’il a signé d’importants instruments internationaux et européens relatifs aux droits de l’homme. L’État partie relève en particulier que certains prisonniers politiques, dont Hummatov, le chef de l’ancien groupe séparatiste taliche, ont été libérés. La situation des droits de l’homme en Azerbaïdjan ne constitue donc pas en soi un motif suffisant pour conclure que le renvoi du requérant dans ce pays constituerait une violation de l’article 3 de la Convention.

4.2 L’État partie fait valoir en outre que les autorités nationales sont les mieux placées pour apprécier la crédibilité du requérant. Le Conseil des migrations, qui s’est entretenu deux fois avec lui, a conclu que, si l’exactitude de ses déclarations concernant sa situation personnelle et son appartenance à la section du PDA du district de Khatai avait été confirmée par l’ambassade de Suède à Ankara, certaines autres de ses affirmations n’ont pas été jugées crédibles. L’État partie note que la carte de membre du PDA et le permis de conduire du requérant sont considérés comme authentiques mais que son récit des conditions dans lesquelles ils lui ont été remis n’est pas vraisemblable. Il relève que Jalaloglu, Secrétaire général du PDA, censé avoir aidé le requérant à s’évader de l’hôpital, a déclaré ultérieurement ne pas le connaître. Selon l’interprète de l’ambassade, l’avis de recherche est un faux («un alignement chaotique de mots, truffé d’erreurs»). L’État partie ajoute que, d’après les informations obtenues auprès du Ministère de l’intérieur, le requérant n’a jamais fait l’objet de la moindre enquête criminelle pas plus qu’il n’a été emprisonné.

Commentaires du requérant sur les observations de l’État partie

5.1 Dans une lettre datée du 14 juillet 2005, le requérant explique qu’il lui a été difficile d’exposer son cas devant le Conseil suédois des migrations parce que le premier entretien s’est déroulé sans interprète. Il admet donc qu’il a pu y avoir des contradictions mineures dans ses propos. En particulier, il n’a pas compris la question quand on lui a demandé s’il avait déjà sollicité l’asile dans un État partie à la Convention de Dublin. Il confirme qu’en 1995 il a déposé une demande d’asile en Allemagne, où il est resté six mois et qu’il est rentré en Azerbaïdjan avant que les autorités allemandes aient rendu une décision.

5.2 Le requérant se demande comment le Gouvernement suédois a pu obtenir une déclaration de Jalaloglu, sachant que ce dernier était en prison quand l’enquête a été menée. Il réaffirme qu’il connaissait personnellement Jalaloglu et que c’est bien lui qui l’a aidé à s’évader de l’hôpital, avec le soutien d’un militaire de l’entourage de Jalaloglu. Il maintient que c’est avec l’aide de Jalaloglu, et moyennant des pots-de-vin, qu’il a pu obtenir son permis de conduire et sa carte de membre du PDA. Selon lui, la corruption règne en Azerbaïdjan et la pratique des pots-de-vin y est courante.

5.3 Le requérant fait observer que, comme il avait été emprisonné illégalement, il y a peu de chances que les autorités azerbaïdjanaises admettent qu’il ait jamais été détenu. À propos de l’avis de recherche, il maintient qu’il s’agit d’un document authentique qui a été établi par le Ministère azerbaïdjanais de l’intérieur et qui porte sa photo, provenant sans doute d’un ancien passeport.

5.4 Le requérant dit en conclusion que, du fait de ses liens étroits avec le PDA et étant donné qu’il a déjà été emprisonné et torturé par le passé, il serait arrêté et soumis à la torture s’il était renvoyé en Azerbaïdjan, d’autant qu’il a des renseignements sur les personnes qui l’ont placé en détention en 2001.

Observations complémentaires de l’État partie sur les commentaires du requérant

6.1 Dans une lettre datée du 28 septembre 2005, l’État partie indique que l’administration azerbaïdjanaise est très bureaucratique et préfère enregistrer une détention opérée sur la base d’accusations fausses plutôt que de garder quelqu’un secrètement détenu sans que la détention soit enregistrée. Pour lui, il n’y a pas de raison de mettre en doute les renseignements reçus du Ministère azerbaïdjanais de l’intérieur.

6.2 L’État partie affirme en outre que l’ambassade de Suède est aidée dans ses enquêtes par des personnes qui connaissent bien le système judiciaire azerbaïdjanais et sont en contact avec les autorités compétentes, y compris le Ministère de l’intérieur. L’une de ces personnes aurait rencontré directement Jalaloglu, qui aurait déclaré ne pas connaître le requérant.

6.3 Dans une lettre datée du 16 novembre 2005, l’État partie fait valoir que, comme il existe maintenant une nouvelle voie de recours, ouverte au titre d’une législation temporaire aux demandeurs de permis de séjour, il conviendrait de déclarer la requête irrecevable pour non ‑épuisement des recours internes ou du moins d’en reporter l’examen en attendant le résultat de l’application de la nouvelle procédure. Le 9 novembre 2005, des modifications provisoires à la loi de 1989 sur les étrangers ont été adoptées. Entrées en vigueur le 15 novembre 2005, elles devraient rester applicables jusqu’à l’entrée en vigueur d’une nouvelle loi sur les étrangers, le 31 mars 2006. Ces modifications ont ajouté de nouveaux critères sur la base desquels un permis de séjour peut être délivré à un étranger sous le coup d’une décision définitive de non ‑admission sur le territoire ou d’expulsion. L’article 5 b) du nouveau chapitre 2 de la loi sur les étrangers prévoit que, si des éléments nouveaux apparaissent concernant l’exécution d’une décision finale de non ‑admission ou d’expulsion, le Conseil suédois des migrations peut, à la demande de l’intéressé ou de sa propre initiative, lui accorder un permis de séjour si, entre autres critères, il y a des raisons de supposer que le pays de renvoi refusera de l’admettre sur son territoire ou si des raisons d’ordre médical s’opposent à l’exécution de la décision.

6.4 En outre, un permis de séjour peut également être accordé pour d’autres raisons que celles qui ont été mentionnées lorsque des considérations humanitaires urgentes l’exigent. Pour apprécier les aspects humanitaires, il faudra en particulier tenir compte de la question de savoir si l’étranger se trouve en Suède depuis longtemps et si, eu égard à la situation dans le pays de renvoi, il n’est pas possible d’envisager des mesures coercitives pour appliquer la décision de non ‑admission sur le territoire ou d’expulsion. Quand des enfants sont concernés, il faudra aussi accorder une attention particulière à leur situation sociale, à la durée de leur séjour et aux liens qui les unissent à l’État partie, ainsi qu’aux préjudices qui peuvent être causés à leur santé et à leur développement. Par ailleurs, si l’étranger a commis des infractions, il conviendra également d’en tenir compte, et un permis de séjour peut être refusé pour des raisons de sécurité.

6.5 Aucune décision d’expulsion ne sera exécutée tant que le Conseil des migrations n’a pas fini d’examiner le dossier. Les décisions rendues par le Conseil des migrations en application de l’article 5 b) du chapitre 2 modifié ne sont pas susceptibles de recours. Les demandes déposées auprès du Conseil des migrations en vertu de la nouvelle législation qui seront encore en instance au 30 mars 2006 continueront d’être traitées suivant les modifications provisoires à la loi sur les étrangers de 1989. Il en va de même des affaires que le Conseil a décidé d’examiner de sa propre initiative.

6.6 Dans une lettre datée du 29 mars 2006, l’État partie informe le Comité qu’après avoir vérifié si le requérant remplissait les conditions requises pour obtenir un permis de séjour en Suède au titre des amendements temporaires susmentionnés, le Conseil suédois des migrations a conclu qu’il n’y avait pas droit.

Commentaires complémentaires du requérant sur les observations de l’État partie

7. Dans une lettre datée du 11 avril 2006, le requérant note que l’État partie n’a pas apporté suffisamment d’informations sur la manière dont l’ambassade de Suède à Ankara avait mené son enquête. Il souligne aussi le risque que son identité en tant que demandeur d’asile en Suède ait été divulguée aux autorités azerbaïdjanaises. Il ajoute que son épouse et ses deux fils vivent à Bakou dans des conditions très précaires et subissent des représailles de la part des autorités azerbaïdjanaises.

Observations complémentaires de l’État partie

8. Le 5 juillet 2006, l’État partie a fourni au Comité une traduction de l’avis de recherche. Il note que ce document ayant été présenté incomplet au Conseil suédois des migrations, il n’était pas en mesure d’en donner une version non tronquée.

Commentaires complémentaires du requérant sur les observations de l’État partie

9.1 Dans une lettre datée du 14 juillet 2006, l’auteur souligne que l’État partie a confirmé qu’il était membre de la branche khatati du PDA. Il note en outre que l’État partie a confirmé la validité de la carte de membre qu’il avait soumise. Or il a obtenu cette carte alors qu’il était à l’hôpital avec l’aide de Sardar Jalaloglu et de son père. Il affirme qu’il n’a pas été difficile de se la procurer avec l’aide de Jalaloglu. L’auteur a reçu la carte juste avant sa fuite en Suède. Il ajoute qu’il connaissait bien Jalaloglu qui était un proche ami de son père et qu’il l’avait rencontré plusieurs fois par le biais de ce dernier, et que Jalaloglu lui a même dédicacé un livre. Il fait valoir qu’il a été en contact avec Jalaloglu, qui a confirmé qu’interrogé par la police azerbaïdjanaise il avait nié qu’il le connaissait pour ne pas aggraver sa situation.

9.2 L’auteur note que selon l’interprète de l’ambassade de Suède à Ankara l’avis de recherche est inintelligible. Or cet avis a bien été traduit et son contenu semble logique et compréhensible.

Observations complémentaires de l’État partie

10. Le 28 septembre 2006, l’État partie a noté qu’en vue d’obtenir une traduction de l’avis il avait demandé l’aide de l’ambassade de Suède à Ankara. L’ambassade a indiqué que pour ses investigations au sujet de questions relatives à l’Azerbaïdjan, elle faisait généralement appel à une organisation internationale opérant à Bakou. Cette organisation comptait parmi ses collaborateurs plusieurs consultants juridiques qui pouvaient lui fournir des informations obtenues auprès des autorités azerbaïdjanaises. Les investigations que l’ambassade a entreprises avec l’aide de ces consultants l’amènent à conclure que l’avis de recherche est un faux. L’État partie réaffirme qu’il s’agit d’un «alignement chaotique de mots» et qu’aucune information confirmant que l’auteur a été inculpé d’une infraction pénale n’a pu être obtenue des autorités nationales compétentes. Il ajoute qu’il n’a pas été possible de trouver la deuxième page du document parce que c’est un faux et qu’en tout état de cause la charge de la preuve incombe à l’auteur qui doit fournir une copie complète de ce document. L’État partie ajoute que la traduction en anglais de l’avis ne corrobore pas l’allégation de l’auteur selon laquelle il est recherché en Azerbaïdjan en tant que membre taliche du PDA ayant quitté le pays illégalement et s’étant rendu coupable d’incitation à la rébellion.

Délibérations du Comité

11.1 Avant d’examiner une plainte soumise dans une requête, le Comité contre la torture doit déterminer si la requête est recevable en vertu de l’article 22 de la Convention. Le Comité s’est assuré, comme il est tenu de le faire conformément au paragraphe 5 a) de l’article 22 de la Convention, que la même question n’a pas été et n’est pas actuellement examinée par une autre instance internationale d’enquête ou de règlement. Le Comité relève aussi qu’en l’espèce les recours internes ont été épuisés depuis la décision adoptée le 3 mars 2006 par le Conseil suédois des migrations au titre d’amendements provisoires à la loi et que le requérant a suffisamment étayé sa requête aux fins de la recevabilité. Il déclare donc la requête recevable et procède à son examen quant au fond.

11.2 Le Comité doit déterminer si, en renvoyant le requérant en Azerbaïdjan, l’État partie manquerait à l’obligation qui lui est faite en vertu de l’article 3 de la Convention de ne pas expulser ou refouler un individu vers un État où il y a des motifs sérieux de croire qu’il risque d’être soumis à la torture.

11.3 Pour ce faire, le Comité doit tenir compte de tous les éléments, y compris l’existence dans l’État considéré d’un ensemble de violations systématiques des droits de l’homme graves, flagrantes ou massives. Il s’agit cependant de déterminer si le requérant risque personnellement d’être soumis à la torture dans le pays dans lequel il serait renvoyé. Dès lors, l’existence d’un ensemble de violations des droits de l’homme graves, flagrantes ou massives dans un pays ne constitue pas en soi un motif suffisant pour établir que l’individu risque d’être soumis à la torture à son retour dans ce pays; il doit exister des motifs supplémentaires donnant à penser que l’intéressé courrait personnellement un risque. À l’inverse, l’absence d’un ensemble de violations flagrantes ou systématiques des droits de l’homme ne signifie pas qu’une personne ne peut pas être considérée comme risquant d’être soumise à la torture dans les circonstances qui sont les siennes.

11.4 Le Comité renvoie à son Observation générale n o 1 concernant l’application de l’article 3 et rappelle que «l’existence d’un risque de torture doit être appréciée selon des éléments qui ne se limitent pas à de simples supputations ou soupçons. En tout état de cause, il n’est pas nécessaire de montrer que le risque couru est hautement probable.» (A/53/44, annexe IX, par. 6).

11.5 Le Comité note que, se fondant sur un avis d’expert obtenu par ses services consulaires à Ankara, l’État partie a mis en doute la crédibilité de l’auteur en ce qui concerne sa position au sein du PDA, son emprisonnement et la responsabilité de l’État partie dans les actes de torture qu’il a subis. Parmi les éléments de preuve recueillis par l’État partie figure un entretien en prison avec Sardar Jalaloglu, dirigeant du PDA, qui a déclaré ne pas connaître l’auteur. L’État partie a en outre mis en doute l’authenticité de l’avis de recherche attribué au Ministère de l’intérieur, dont une copie incomplète a été soumise par le requérant au Conseil suédois des migrations.

11.6 Compte tenu de ce qui précède et à la lumière des informations de première main dont il dispose, le Comité note que même s’il n’est pas contesté qu’il ait été membre du PDA et qu’il ait été victime d’actes de torture en 2001 et 2002 comme le confirment les rapports médicaux qu’il a soumis, le requérant n’a pas apporté la preuve qu’il occupait un poste de haut niveau au sein du parti ou qu’il y avait accompli des activités politiques suffisamment importantes pour qu’il coure personnellement un risque prévisible et réel d’être torturé à son retour. Le Comité constate en outre que le requérant n’a pas été en mesure de fournir une copie complète de l’avis de recherche présenté au Conseil suédois des migrations. En outre, il note que l’avis de recherche en question présente de nombreuses incohérences et, en tout état de cause, ne prouve pas que le requérant est recherché en Azerbaïdjan. Le Comité estime que le requérant n’a pas réfuté les conclusions de l’État partie et n’a pas prouvé l’authenticité du document en question. Il rappelle sa jurisprudence selon laquelle il appartient au requérant de recueillir et de présenter des éléments de preuve à l’appui de sa version des faits .

11.7 Pour ce qui est de la situation générale des droits de l’homme en Azerbaïdjan, le Comité note l’argument de l’État partie selon lequel même si des violations des droits de l’homme sont encore signalées dans ce pays, l’Azerbaïdjan a fait quelques progrès vers l’amélioration de cette situation depuis son adhésion au Conseil de l’Europe et que des efforts sont déployés pour libérer les prisonniers politiques.

11.8 Compte tenu de ce qui précède, le Comité n’est pas convaincu que le requérant court personnellement un risque réel et prévisible d’être torturé s’il est expulsé en Azerbaïdjan.

12. Le Comité contre la torture, agissant en vertu du paragraphe 7 de l’article 22 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, conclut que le renvoi du requérant en Azerbaïdjan ne constituerait pas une violation de l’article 3 de la Convention.

Communication n o 268/2005

Présentée par :

A. A. (représenté par un conseil)

Au nom de :

A. A.

État partie :

Suisse

Date de la requête :

2 février 2005 (date de la lettre initiale)

Le Comité contre la torture , institué en vertu de l’article 17 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,

Réuni le 1 er mai 2007,

Ayant achevé l’examen de la requête n o 268/2005, présentée par A. A. en vertu de l’article 22 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,

Ayant tenu compte de toutes les informations qui lui ont été communiquées par le requérant et l’État partie,

Adopte la décision ci-après au titre du paragraphe 7 de l’article 22 de la Convention contre la torture.

1.1 Le requérant, A. A., de nationalité pakistanaise, réside en Suisse et fait l’objet d’un arrêté d’expulsion à destination de son pays d’origine. Il n’invoque aucune disposition particulière de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, mais sa requête semble soulever des questions au titre de l’article 3. Le requérant est représenté par un conseil.

1.2 Conformément au paragraphe 3 de l’article 22 de la Convention, le Comité a porté la requête à l’attention de l’État partie par une note verbale en date du 20 avril 2005. Dans le même temps, le Comité, agissant en vertu du paragraphe 9 de l’article 108 de son règlement intérieur, a demandé à l’État partie de ne pas expulser le requérant vers le Pakistan tant que sa requête serait en cours d’examen.

Rappel des faits présentés par le requérant

Le requérant était le chef local de la «Muslim League/Youth Organization» (PML-N) à Sialkot au Pakistan, un parti politique d’opposition. Il assumait cette fonction depuis le 5 mars 2004. Le 3 mai 2004, il a participé à une manifestation contre la construction d’une route à Sialkot et fut arrêté par la police. Il fut libéré le lendemain.

Le 6 août 2004, il organisa une marche de protestation de Sialkot à la ville d’Attock. Quelque 3 000 militants participèrent à cette marche. Quand ils arrivèrent à Attock, la police utilisa des gaz lacrymogènes et des armes à feu pour disperser la manifestation. Une personne fut abattue. La police a tenu le requérant responsable de ce décès.

Peu après, l’un des oncles du requérant, un avocat reconnu, lui demanda de quitter le Pakistan parce qu’une enquête pénale avait été ouverte et la police avait émis un mandat d’arrêt contre lui. Le requérant quitta le Pakistan le 12 août 2004 et arriva en Suisse le 27 août 2004.

Le requérant a déposé une demande d’asile en Suisse le 28 août 2004 qui a été rejetée par l’Office fédéral des réfugiés le 8 septembre 2004. Il a fait appel de cette décision le 8 octobre 2004. La Commission suisse de recours en matière d’asile (CRA) a rejeté cet appel le 2 décembre 2004. Il a fait une demande de révision de cette décision le 21 janvier 2005. La CRA a rejeté cette demande le 26 janvier 2005 et le requérant a été invité à quitter la Suisse.

Teneur de la plainte

3.1 Le requérant fait valoir que s’il était renvoyé au Pakistan, il serait exposé à un risque sévère de torture et de mauvais traitements dans les prisons pakistanaises à cause de la procédure criminelle en cours pour un meurtre qu’il n’a pas commis.

3.2 Les autorités suisses n’ont pas contesté les faits présentés ci-dessus, ou l’allégation selon laquelle les niveaux inférieurs des autorités pénitentiaires et judiciaires au Pakistan sont corrompus. Au vu de la surcharge des tribunaux pakistanais, le requérant resterait des années en détention et serait soumis à des actes de torture, des mauvais traitements par les gardiens de prison et les enquêteurs. Les autorités suisses n’ont pas non plus contesté qu’en cas de retour au Pakistan le requérant devra subir une très longue période de détention provisoire (de plusieurs années), et que les conditions de détention seraient difficiles et cruelles (actes de torture fréquents, absence de soins médicaux, conditions sanitaires inadéquates, violence sans aucune protection des autorités pénitentiaires, cellules surpeuplées, abus par les gardiens de prison). Le requérant appartient à un parti politique minoritaire sans influence au sein de la police et des tribunaux dont les instances inférieures sont corrompues.

3.3 Selon le requérant, les autorités suisses s’attendent à ce qu’il soit acquitté en appel par les juridictions supérieures au Pakistan. Même si cela était le cas, le requérant ne pourrait éviter le risque d’être soumis à la torture ou à des traitements inhumains dans les prisons locales durant les (longues) années de procédure pénale avant que l’affaire n’atteigne une «cour supérieure et plus indépendante» qui l’acquitterait.

3.4 Le requérant a soumis les copies de deux lettres pour prouver son allégation que les autorités pakistanaises sont toujours à sa recherche. La première lettre, datée du 4 avril 2005, est signée par N. A. Butt, avocat à la «High Court» de Sialkot. Il déclare qu’il connaît personnellement le requérant et affirme que ce dernier «est impliqué dans une affaire de meurtre montée par la police à cause de l’influence du présent régime». Il ajoute que la police locale est «partout pour l’arrêter où qu’il soit au Pakistan». Il conclut que la vie du requérant est en danger et il recommande qu’il reste à l’étranger. La seconde lettre, datée du 11 avril 2005, est signée par M. Khawaja Mohammad Asif, membre de l’Assemblée nationale pakistanaise. Il affirme que le requérant «est un cadre de la branche des jeunes de la “Pakistani Muslim League”». Il fait valoir que son parti ayant été au pouvoir au moment du coup militaire en 1999, tous ses membres sont devenus la cible de persécutions étatiques après. Par conséquent, les chefs du parti se sont exilés en Arabie saoudite et de nombreux membres du parti ont fui à l’étranger. M. Asif a lui-même été détenu pendant cinq mois (octobre 1999-février 2000) et n’a jamais été traduit devant un juge. Selon lui, la vie et la liberté du requérant seraient en grave danger en cas de retour au Pakistan, en particulier parce que la fausse affaire instituée contre lui est encore pendante et qu’il risque d’être emprisonné et torturé.

Observations de l’État partie sur la recevabilité

4.1 Dans une note verbale du 1 er juin 2005, l’État partie déclare ne pas contester la recevabilité de la requête.

Informations additionnelles du requérant

5. Le 5 juillet 2005, le requérant a transmis au Comité une convocation officielle datée du 26 avril 2005 l’invitant à se présenter devant le juge pour le crime qu’il aurait commis.

Observations de l’État partie sur le fond

6.1 Dans une note verbale du 12 octobre 2005, l’État partie fait valoir que le requérant se borne à rappeler les motifs qu’il a invoqués devant les autorités suisses. Il n’apporte aucun élément pertinent nouveau qui permettrait de remettre en question la décision de la Commission suisse de recours en matière d’asile du 2 décembre 2004.

6.2 L’État partie rappelle que l’auteur doit prouver qu’il existe pour lui un risque personnel, actuel et sérieux d’être soumis à la torture en cas d’expulsion vers son pays d’origine. Il rappelle également que, même s’il existe un ensemble de violations systématiques des droits de l’homme, graves, flagrantes et massives dans l’État d’origine, il s’agit toutefois de déterminer si le requérant risquerait «personnellement» d’être soumis à la torture à son retour dans son pays. Le seul fait que le requérant risque d’être détenu et jugé ne suffirait pas à conclure qu’il y a des motifs sérieux de croire qu’il risquerait d’être soumis à la torture . De même, le fait que la torture soit pratiquée dans les lieux de détention ne permet pas, en tant que tel, de conclure à une violation de l’article 3 tant que le requérant n’a pas démontré qu’il risque personnellement d’être victime de tortures . Dans le cas d’espèce, l’État partie note que le PML-N est un parti politique légal. On ne saurait donc présumer qu’une éventuelle procédure pénale dirigée contre le requérant ou une éventuelle arrestation de ce dernier servirait à masquer une persécution en raison de ses convictions politiques. D’ailleurs, les postes supérieurs au sein des institutions étatiques ne sont pas occupés uniquement par des partisans des partis au pouvoir. Les partis d’opposition y sont représentés également, en particulier au sein des tribunaux. Même si, au niveau local, les enquêtes policières ne satisfont pas toujours aux standards habituels d’un État de droit, il est indéniable que les organes supérieurs de poursuite pénale ainsi que les tribunaux respectent en principe les règles de procédure.

6.3 Par conséquent, la situation au Pakistan, telle qu’invoquée par le requérant, ne permet pas, à elle seule, de conclure qu’il risquerait d’être victime de tortures à son retour dans ce pays . Ce constat vaut d’autant plus que l’enquête pénale dont il pourrait être l’objet poursuit un but légitime, à savoir d’établir la responsabilité pénale pour la mort non naturelle d’une personne. Le requérant n’a à aucun moment tenté de se défendre contre les accusations portées contre lui devant les autorités pakistanaises. Indépendamment de l’authenticité douteuse de la «convocation officielle» du 26 avril 2005, cette dernière semble indiquer, d’ailleurs, que le mandat d’arrêt contre le requérant est une conséquence directe de sa fuite.

6.4 L’État partie rappelle que la torture ou les mauvais traitements qu’aurait subis le requérant par le passé constituent l’un des éléments devant être pris en compte pour apprécier le risque du requérant d’être soumis à la torture ou à des mauvais traitements en cas de retour dans son pays. Dans le cas d’espèce, le requérant n’a, à aucun moment de la procédure, prétendu avoir été torturé. Ce constat vaut notamment pour sa seule détention, subie du 3 mai 2004 à partir de 16 heures au 4 mai 2004, à la suite d’une manifestation contre l’inauguration d’une route. Il aurait été rapidement remis en liberté parce qu’il aurait protesté contre son arrestation.

6.5 Quant aux activités politiques du requérant à l’intérieur ou hors de son État d’origine, l’État partie rappelle que les autorités suisses n’ont mis en cause ni l’appartenance du requérant au PML ‑N, ni ses activités au sein de ce parti. Il est fort probable que le requérant a exercé des activités politiques au niveau local au Pakistan. Or, les développements qui précèdent démontrent que le requérant ne court pas de risque d’être soumis à des traitements contraires à l’article 3 de la Convention en raison de ses activités politiques. Le requérant n’a fait valoir aucun argument fondé sur des activités politiques qu’il aurait exercées hors de son État d’origine.

6.6 L’État partie rappelle, comme l’a relevé la CRA dans sa décision du 2 décembre 2004, que la crédibilité et l’authenticité des documents de provenance pakistanaise doivent, en général, être qualifiées de fort douteuses, puisqu’il est notoire que ces documents peuvent être achetés sans aucune difficulté. Ces doutes portent tout particulièrement sur les trois lettres qui n’ont, de façon surprenante, été produites que dans la présente procédure. De plus, l’État partie constate avec un certain étonnement que le requérant a essayé de prouver l’existence d’une procédure pénale dirigée contre lui en produisant un document essentiellement interne (le «First Information Report» ou FIR) alors qu’il n’a pas fourni d’autres documents officiels facilement accessibles à un accusé tels que, par exemple, l’acte d’accusation ou le mandat d’arrêt. Il est également surprenant de constater que le FIR reproche au requérant d’avoir causé la mort d’une personne lors des événements du 6 août 2004 alors que la «convocation officielle» qui, par ailleurs, est le seul document officiel signalant l’existence d’un mandat d’arrêt contre l’auteur, est datée du 26 avril 2005, soit huit mois et demi plus tard. Indépendamment de ces incohérences portant sur des points essentiels des affirmations du requérant, l’État partie est d’avis que l’incrédibilité du requérant n’est pas déterminante dans le cas d’espèce. Comme l’ont retenu les autorités internes, les documents remis par le requérant ne visaient qu’à confirmer des affirmations qui n’étaient pas aptes à établir que ce dernier courrait le risque personnel et réel d’être soumis à la torture en cas de renvoi au Pakistan.

Commentaires du requérant sur les observations de l’État partie

7.1 Le 22 décembre 2005, le requérant a transmis au Comité un rapport de 2004 de la Commission des droits de l’homme pakistanaise sur les conditions dans les prisons pakistanaises. Le 3 novembre 2006, le requérant a transmis au Comité une note de M. Khawaja Mohammad Asif, membre de l’Assemblée nationale pakistanaise, mentionnant qu’en cas de retour au Pakistan, le requérant serait arrêté et mis en prison pour des raisons politiques à cause d’un délit qu’il n’a pas commis et que les conditions de détention dans les prisons pakistanaises sont de telle nature que l’emprisonnement constitue une torture ou au moins un traitement inhumain.

7.2 Par lettre datée du 19 janvier 2007, le requérant répète que les conditions de détention dans les prisons pakistanaises sont inhumaines. Les actes de torture, la brutalité et les mauvais traitements, ainsi que des périodes de détention provisoires pouvant aller jusqu’à cinq ans sont fréquents, comme le démontre le rapport annuel de la Commission des droits de l’homme pakistanaise. L’État partie ne présente aucune preuve du contraire et n’a pas pris en compte les violations systématiques des droits de l’homme dans les prisons pakistanaises. En cas d’arrestation imminente, la seule manière d’éviter le risque d’être torturé dans une prison pakistanaise est de quitter le pays. Une personne qui choisit de se défendre dans les tribunaux au lieu de fuir à l’étranger se résigne au fait qu’elle sera torturée en prison.

7.3 Les activistes politiques, notamment les activistes du PML-N comme le requérant, risquent de devenir les victimes de détentions illégales. L’État partie a reconnu ce fait dans ses observations du 12 octobre 2005. Ceci est d’autant plus probable que les autorités ont le prétexte de mettre le requérant en prison à cause de la mort violente d’une personne pendant la manifestation organisée par le requérant. Comme le requérant était conscient des risques de torture qu’il encourait, il a demandé à son oncle qui est un personnage influent d’organiser sa libération de prison et de le faire quitter le pays immédiatement.

7.4 Le requérant estime que l’attitude de l’État partie est contradictoire. D’un côté, l’État partie ne conteste pas le fait que le requérant soit un membre du PML-N, que les activités en question ont bien eu lieu, que le requérant a bien joué un rôle majeur dans l’organisation d’une manifestation politique qui a donné lieu à un assassinat. De l’autre, l’État partie veut croire que le requérant ne court aucun risque de torture alors qu’il sait que les activités politiques en général impliquent un risque inhérent de torture au Pakistan. Aucune des autorités suisses n’a jamais essayé d’évaluer sérieusement la crédibilité du requérant sur la base de critères de psychiatrie légale. Ainsi, la crédibilité du requérant n’est pas sérieusement mise en doute à la lumière du fait que même l’État partie a explicitement accepté les faits avancés par le requérant.

7.5 Le requérant a noté que l´État partie admet qu’il n’accorde en général que peu de crédibilité aux documents provenant du Pakistan. Il est alors non seulement raisonnable et en aucun cas surprenant que de tels documents n’aient pas été présentés pendant la procédure d’asile.

Délibérations du Comité

8.1 Avant d’examiner une plainte contenue dans une communication, le Comité contre la torture doit décider si la communication est recevable en vertu de l’article 22 de la Convention. Le Comité s’est assuré, comme il est tenu de le faire conformément au paragraphe 5 a) de l’article 22 de la Convention, que la même question n’a pas été examinée et n’est pas en cours d’examen devant une autre instance internationale d’enquête ou de règlement. Dans le cas d’espèce, le Comité note aussi que tous les recours internes sont épuisés et que l’État partie n’a pas contesté la recevabilité. Il estime donc que la communication est recevable, et procède à l’examen quant au fond de l’affaire.

8.2 En vertu du paragraphe 1 de l’article 3 de la Convention, le Comité doit décider s’il existe des motifs sérieux de croire que le requérant risque d’être soumis à la torture à son retour au Pakistan. Pour ce faire, le Comité doit, conformément au paragraphe 2 de l’article 3 de la Convention, tenir compte de toutes les considérations pertinentes, y compris l’existence d’un ensemble systématique de violations des droits de l’homme, graves, flagrantes ou massives. Il s’agit toutefois de déterminer si l’intéressé risque personnellement d’être soumis à la torture dans le pays où il va être renvoyé. En conséquence, l’existence d’un ensemble de violations flagrantes, graves ou massives des droits de l’homme dans un pays ne constitue pas en soi un motif suffisant pour conclure qu’un individu risquerait d’être victime de torture à son retour dans ce pays; il faut qu’il existe en outre des motifs particuliers de penser que l’intéressé était personnellement en danger. De même, l’absence d’un ensemble systématique de violations flagrantes des droits de l’homme ne signifie pas qu’une personne ne peut pas être considérée comme risquant d’être soumise à la torture dans les circonstances particulières qui sont les siennes.

8.3 Le Comité rappelle son observation générale sur l’application de l’article 3, selon laquelle l’existence d’un risque de torture doit être appréciée selon des éléments qui ne se limitent pas à de simples supputations ou soupçons et qu’«en tout état de cause, il n’est pas nécessaire de montrer que le risque couru est hautement probable» .

8.4 Dans le cas présent, le Comité note que le requérant n’a jamais subi de tortures ou mauvais traitements au Pakistan. Il a seulement été détenu pendant une journée dans un poste de police du 3 au 4 mai 2004 et ne prétend pas avoir été victime de mauvais traitements.

8.5 Le Comité prend note des informations fournies par le requérant selon lesquelles il pourrait être soumis à la torture s’il était arrêté et mis en détention provisoire. Une traduction en anglais d’un rapport de police daté du 6 août 2004 et d’une convocation officielle datée du 26 avril 2005 semble confirmer que le requérant serait soupçonné de meurtre, se serait échappé des lieux du crime et serait toujours recherché par les autorités. Tout en admettant que ces documents soient authentiques, le Comité rappelle néanmoins que le seul risque d’être détenu et jugé ne suffit pas à conclure qu’il existe également un risque d’être soumis à la torture . Quant au rapport annuel de 2004 de la Commission des droits de l’homme au Pakistan sur les conditions dans les prisons pakistanaises, le Comité remarque que les informations contenues dans ce rapport sont de nature générale et ne démontrent pas que le requérant lui-même risquerait d’être à son tour soumis à des mauvais traitements s’il venait à être arrêté et incarcéré. Quant à la note de M. Khawaja Mohammad Asif du 16 octobre 2006 (voir par. 7.1 ci-dessus), le Comité remarque que cette note porte principalement sur la détention de M. Asif entre octobre 1999 et février 2000: elle ne démontre pas que le requérant lui-même risquerait d’être à son tour arrêté et torturé par les autorités pakistanaises. Le Comité remarque également que l’auteur de cette note est un homme politique d’une stature plus importante que celle du requérant.

8.6 Compte tenu de ce qui précède, le Comité estime que le requérant n’a pas suffisamment démontré l’existence de motifs sérieux permettant de considérer que son renvoi au Pakistan l’exposerait à un risque réel, concret et personnel de torture, aux termes de l’article 3 de la Convention.

9. Par conséquent, le Comité contre la torture, agissant en vertu du paragraphe 7 de l’article 22 de la Convention contre la torture et autres peines cruels, inhumains ou dégradants, estime que le renvoi du requérant au Pakistan ne ferait apparaître aucune violation par l’État partie de l’article 3 de la Convention.

Communications n os  270 et 271/2005

Présentées par :

E. R. K. et Y. K. (représentés par un conseil)

Au nom de :

E. R. K. et Y. K.

État partie :

Suède

Date de la requête :

19 mai 2005 (270/2005) et 12 juin 2005 (271/2005) (date des lettres initiales)

Le Comité contre la torture , institué en vertu de l’article 17 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,

Réuni le 30 avril 2007,

Ayant achevé l’examen des requêtes n os  270 et 271/2005 présentées au Comité contre la torture par E. R. K. et Y. K. en vertu de l’article 22 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,

Ayant tenu compte de toutes les informations qui lui ont été communiquées par les requérants, leur conseil et l’État partie,

Adopte la décision ci ‑après au titre du paragraphe 7 de l’article 22 de la Convention contre la torture.

1.1 Les requérants sont Y. K. (communication n o  270/2005) et E. R. K. (communication n o  271/2005), deux frères de nationalité azerbaïdjanaise. Ils se déclarent victimes de violations par la Suède de l’article 3 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Les requérants sont représentés par un conseil.

1.2 Le 13 et le 29 juin 2005, respectivement, le Rapporteur chargé des nouvelles requêtes et des mesures provisoires de protection a prié l’État partie de ne pas expulser Y. K. et E. R. K. vers l’Azerbaïdjan tant que l’affaire serait en cours d’examen devant le Comité, conformément au paragraphe 1 de l’article 108 du Règlement intérieur. Le 16 novembre 2005 et le 16 mars 2006 l’État partie a accédé à la demande du Comité.

1.3 Le 30 avril 2007, à sa trente ‑huitième session, le Comité contre la torture a décidé d’examiner conjointement les deux communications.

Rappel des faits présentés par les requérants

2.1 Y. K. était étudiant à l’école navale d’Azerbaïdjan en 1999. Son frère, E. R. K., peintre, avait obtenu un diplôme de l’Université de la culture et des arts d’Azerbaïdjan le 28 juin 1994. De 1992 à 2002, il a enseigné à l’école supérieure d’arts à Bakou. Aucun des deux frères n’a jamais eu d’activités politiques. Cependant, leur frère E. N. K. (un troisième frère) a été membre actif du Parti démocratique d’Azerbaïdjan (PDA) à partir du 12 février 1999 et a dû quitter le pays en raison de ses activités politiques au mois de décembre 2001. La situation des requérants est liée aux activités de leur frère E. N. K. Le PDA, dont l’objectif politique principal est d’instaurer la primauté du droit et la démocratie en Azerbaïdjan, lutte activement pour la défense des droits de l’homme et des libertés. Dans le Parti, E. N. K. était notamment chargé de préparer, de planifier et d’organiser les rassemblements et manifestations et il était directement associé à la section de l’idéologie des instances locales du PDA dans les districts de Khatai et Nasimi. En tant qu’artiste, il était responsable de la création des slogans et des affiches. Pendant les manifestations, sa tâche était de distribuer les documents de propagande politique aux participants.

2.2 Le 8 septembre 2001, au cours d’une manifestation, E. N. K. a été brutalement agressé par deux policiers. Profitant de la confusion due à la foule, il est parvenu à s’échapper; il a été conduit à l’hôpital où l’on a diagnostiqué une fracture de la main gauche. Plus tard, la police s’est rendue à l’hôpital pour l’interroger au sujet du PDA et lui a ordonné de se présenter au commissariat de police dès sa sortie. Le 27 octobre 2001, E. N. K. ne s’étant pas présenté au commissariat de police, il a été arrêté à son domicile. Après avoir subi une fouille corporelle, il a été placé dans une cellule exiguë où il a été confiné pendant neuf à onze heures, après quoi il a été brutalement frappé par deux policiers. Il a été jeté au sol et passé à tabac au point qu’il a plusieurs fois perdu connaissance. Vingt ‑quatre heures plus tard, il a été interrogé sur ses activités au sein du PDA. Par la suite, il a été libéré et averti qu’il serait bientôt de nouveau soumis à un interrogatoire. Le 6 décembre 2001, des policiers se sont présentés à son domicile en possession d’un mandat d’arrêt et d’un mandat de perquisition, mais E. N. K. était parti et se cachait. Ils ont fouillé la maison, dans laquelle ils ont trouvé des documents de caractère politique et ont violemment «maltraité» sa femme.

2.3 Le 25 décembre 2001, E. N. K., sa femme et sa fille ont quitté clandestinement l’Azerbaïdjan. Le 2 janvier 2002, ils sont arrivés en Suède et ont demandé l’asile. Quand il était en Suède, E. N. K. a fait l’objet d’un «verdict», le condamnant par contumace à cinq ans d’emprisonnement pour complicité de coup d’État . Le 16 juin 2004, le Conseil des migrations a rejeté sa demande d’asile en se fondant sur un rapport de l’ambassade de Suède à Ankara selon lequel les documents présentés par les requérants à l’appui de leurs allégations étaient des faux. Le 12 avril 2005, la Commission de recours des étrangers a rejeté son recours.

2.4 À partir du mois de janvier 2002, et à cause du départ d’E. N. K., Y. K. et E. R. K. ont commencé à recevoir des appels téléphoniques de la police au sujet de leur frère, en général tard le soir, et à être menacés d’arrestation, eux ‑mêmes et leur famille, s’ils ne disaient pas où se trouvait leur frère. Au mois de juin 2002, Y. K. a été convoqué par la police. Lorsqu’il s’est présenté au commissariat, il a été interrogé et menacé par deux policiers. Comme il a refusé de donner des renseignements sur son frère, l’un des policiers l’a roué de coups jusqu’à ce qu’il en perde connaissance. Les deux policiers continuaient de le frapper dès qu’il revenait à lui. Il a ultérieurement été libéré, ayant été mis en garde que cela n’était «qu’un premier avertissement».

2.5 Le 3 août 2002, à 2 heures du matin, quatre policiers armés se sont présentés à l’appartement de la famille K. E. R. K. et son père ont été roués de coups et Y. K. a été frappé au ventre avec une matraque au point qu’il a perdu connaissance. Le fils d’E. R. K., âgé de 7 ans, a été jeté à terre lorsqu’il a commencé à crier et sa femme a été enfermée dans une pièce. La mère du requérant a réussi à s’échapper et à appeler à l’aide dans la rue. À ce moment ‑là, les policiers ont quitté l’appartement et la famille a appelé une ambulance et reçu des soins médicaux.

2.6 Après cet incident, Y. K. et E. R. K. se sont installés chez une tante pendant trois mois, puis sont revenus dans leur ancien appartement. Les 12 et 13 décembre 2002, ils ont été tous les deux convoqués par la police. Le 13 décembre 2002, les deux frères ont quitté clandestinement l’Azerbaïdjan et se sont enfuis en Iran en voiture. Le 27 décembre 2002, ils sont arrivés en Suède et ont demandé l’asile. Le 16 juin 2004, le Conseil des migrations a rejeté leurs deux demandes sur la base d’un rapport établi par l’ambassade de Suède à Ankara. En conclusion d’une enquête sur les activités politiques du frère (E. N. K.) des requérants et l’authenticité de certains documents, le rapport établissait que les requérants avaient présenté de faux documents et que leur frère n’avait jamais été un militant politique actif. Le 31 janvier 2005 et le 8 avril 2005 respectivement, la Commission de recours des étrangers a rejeté le recours formé par Y. K. et par E. R. K., confirmant l’avis du Conseil des migrations.

2.7 Les requérants affirment que le rapport élaboré par l’ambassade de Suède, sur la base duquel les autorités nationales ont rejeté leur demande d’asile, s’appuie sur des sources anonymes, ce qui ne permet pas de contester les informations qu’il contient. Ces informations émanent de sources se trouvant en Azerbaïdjan et ont donc pu être manipulées par les autorités de l’État. Les requérants estiment que les autorités suédoises de l’immigration n’ont jamais examiné leur cas avec objectivité. Ils soutiennent qu’il existe toujours en Azerbaïdjan un ensemble de violations systématiques des droits de l’homme graves, flagrantes et massives, et se réfèrent à des rapports faisant état de telles violations, notamment d’exécutions extrajudiciaires et sommaires, de disparitions et de tortures, dont sont principalement victimes les opposants politiques et religieux. Selon les requérants, ces documents confirment que des responsables de l’opposition (c’est ‑à ‑dire du Parti démocratique d’Azerbaïdjan) ont été placés en détention et torturés, car on sait que le régime azerbaïdjanais réprime la contestation.

Teneur de la plainte

3. Les requérants affirment que leur renvoi de Suède vers l’Azerbaïdjan constituerait une violation de l’article 3 de la Convention contre la torture en les exposant au risque d’être placés en détention, interrogés et torturés du fait des activités de leur frère et vu qu’ils ont été eux ‑mêmes maltraités dans le passé . Comme ils sont liés à un auteur d’infractions politiques graves, les requérants allèguent qu’ils sont eux aussi traités comme des ennemis de l’État.

Observations de l’ État partie sur la recevabilité et sur le fond

4.1 Le 16 novembre 2005 et le 16 mars 2006, l’ État partie a présenté ses observations sur la recevabilité et sur le fond des deux requêtes. Il soutient qu’elles sont toutes les deux irrecevables parce que manifestement infondées, et renvoie aux dispositions pertinentes de la loi sur les étrangers, soulignant que plusieurs de ces dispositions reflètent le principe énoncé au paragraphe 1 de l’article 3 de la Convention. L’autorité nationale chargée des entretiens de demande d’asile est naturellement bien placée pour apprécier les informations présentées par les demandeurs d’asile. Le 9 novembre 2005, des modifications provisoires ont été apportées à la loi de 1989 sur les étrangers. Entrées en vigueur le 15 novembre 2005, elles devraient rester applicables jusqu’à l’entrée en vigueur d’une nouvelle loi sur les étrangers, le 31 mars 2006. Ces modifications ont ajouté de nouveaux critères juridiques à la délivrance d’un permis de séjour à un étranger sous le coup d’une décision définitive de non ‑admission sur le territoire ou d’expulsion. L’article 5 b) du nouveau chapitre 2 de la loi sur les étrangers prévoit que, si des éléments nouveaux apparaissent concernant l’exécution d’une décision définitive de non ‑admission ou d’expulsion, le Conseil suédois des migrations peut, à la demande de l’intéressé ou de sa propre initiative, lui accorder un permis de séjour si, entre autres choses, il y a des raisons de croire que le pays de renvoi refusera de l’admettre sur son territoire ou si des raisons d’ordre médical s’opposent à l’exécution de la décision.

4.2 En outre, un permis de séjour peut également être accordé pour d’autres raisons lorsque des considérations humanitaires urgentes l’exigent. Lorsque l’on apprécie les aspects humanitaires, on doit en particulier tenir compte du fait que l’étranger se trouve ou non en Suède depuis longtemps et se demander si, au vu de la situation dans le pays de renvoi, il n’est pas possible d’envisager des mesures coercitives pour appliquer la décision de non ‑admission dans le territoire ou d’expulsion. Quand des enfants sont concernés, il faut aussi accorder une attention particulière à leur situation sociale, à la durée de leur séjour et aux liens qui les unissent à l’ État partie , ainsi qu’aux préjudices qui peuvent être causés à leur santé et à leur développement. En outre, si l’étranger a commis des infractions, il convient également d’en tenir compte, et un permis de séjour peut être refusé pour des raisons de sécurité. Les décisions rendues par le Conseil des migrations en application de l’article 5 b) du chapitre 2 modifié ne sont pas susceptibles de recours.

4.3 Le Conseil des migrations a décidé de sa propre initiative d’examiner si E. R. K. pouvait prétendre à un permis de séjour en vertu de la rédaction provisoire de l’article 5 b) du chapitre 2 de la loi sur les étrangers, et a désigné un avocat pour le représenter devant le Conseil. Le 3 mars 2006, il a décidé que le requérant ne pouvait pas prétendre à ce permis car en l’espèce les circonstances ne revêtaient pas un caractère humanitaire urgent et l’intéressé n’avait pas tissé avec la Suède des liens tels qu’ils justifiaient la délivrance d’un permis.

4.4 Sur le fond, en ce qui concerne la situation générale des droits de l’homme en Azerbaïdjan, l’État partie note que l’Azerbaïdjan est partie à la Convention contre la torture depuis 1996 et qu’il a fait une déclaration au titre de l’article 22 relatif aux communications. Il est également membre du Conseil de l’Europe depuis le mois de janvier 2001 et partie à la Convention européenne des droits de l’homme. Le Conseil de l’Europe suit la situation des droits de l’homme dans le pays, qui semble s’être améliorée. L’État partie admet toutefois que, nonobstant certains progrès, les informations concernant l’Azerbaïdjan continuent de faire état de nombreuses violations des droits de l’homme, et en particulier de passages à tabac et de tortures infligés aux personnes détenues par les forces de sécurité. Il déclare également que, sans vouloir sous ‑estimer ces motifs de préoccupation, il considère qu’ils ne sont pas en eux ‑mêmes suffisants pour établir que le renvoi des requérants constituerait une violation de l’article 3.

4.5 L’État partie explique que, à la demande du Conseil des migrations, l’ambassade de Suède à Ankara s’est renseignée auprès de juristes et d’autres experts sur les activités politiques d’E. N. K. et l’authenticité des documents présentés par les requérants devant le Conseil. Lorsque cela était nécessaire, des vérifications dans les registres publics des organes azerbaïdjanais ont été effectuées, sans que l’identité des requérants soit révélée aux autorités azerbaïdjanaises. Parmi les documents fournis par E. N. K. et communiqués à l’ambassade pour vérification figuraient une convocation de la police, le soi ‑disant «jugement» du tribunal du district de Khatai (Bakou) du 15 avril 2003, une lettre de référence qui aurait été émise par le PDA et un certificat médical. Les résultats de l’enquête ont été présentés dans un rapport de l’ambassade daté du 16 février 2004. Selon ce rapport, rien ne permet de penser que des poursuites ou toute autre action pénale ont été engagées contre E. N. K. D’après les enquêtes, tous les documents examinés sont des faux.

4.6 La convocation de la police mentionne comme adresse de l’intéressé 20/40, avenue Azadlig, Bakou. Or E. N. K. n’a jamais habité à cette adresse; il est enregistré au 21/25, avenue Ganja, Bakou. En outre, elle cite l’article 181 de l’ancien Code pénal de la République soviétique d’Azerbaïdjan. Selon le nouveau Code pénal, quiconque ne répond pas à une convocation de la police sera conduit au poste de police par des policiers du commissariat de police compétent et, contrairement à ce qui est indiqué dans la convocation en question, cette personne n’est pas passible de poursuites en vertu de l’article 181 de l’ancien Code pénal. Qui plus est, cette convocation a été émise par le service de police du district de Nasimi à Bakou et validée par un timbre portant le numéro 66, chiffre qui ne correspond pas à celui de ce service de police.

4.7 En ce qui concerne le soi ‑disant jugement par lequel E. N. K. aurait été déclaré par contumace coupable de complicité de coup d’État et condamné à cinq ans d’emprisonnement, l’État partie indique que ce document ne revêt pas la forme d’un jugement mais d’un mandat. Le tribunal du district de Khatai n’a jamais engagé de poursuites ni tenu un procès contre E. N. K. Le juge R. Aliyev, qui est supposé avoir signé le mandat, ne figure pas sur la liste des magistrats du tribunal de Khatai, et ni le modèle ni le contenu du mandat ne sont conformes aux procédures actuelles. Pour ce qui est de la lettre de référence datée du 21 novembre 2001 qu’auraient écrite des représentants du PDA, E. N. K. ne figure pas sur la liste des membres du Parti et la lettre n’a pas été enregistrée au bureau du PDA. La lettre a été tamponnée par la section de Nasimi du PDA, mais signée par le prétendu Président, M. S. Jalaloghlu. Selon l’État partie, c’est M. Guliyey qui est le Président et signe toutes les lettres officielles du Parti.

4.8 En ce qui concerne le certificat médical présenté par E. N. K., il semblerait que celui ‑ci n’ait pas été soigné à l’hôpital de traumatologie et d’orthopédie dépendant du Ministère de la santé aux dates indiquées sur le certificat. Ce dernier est signé par un certain M. Gafarov, en qualité de chef d’une division dans cet hôpital, et un certain M. Salimov, soi ‑disant médecin à l’hôpital. Or, ni l’un ni l’autre ne faisaient partie du personnel administratif ou médical employé dans cet hôpital avant ou après la date de délivrance du certificat. Enfin, il est indiqué sur le certificat qu’une manifestation politique était organisée le 8 septembre 2001 près de la station de métro du «28 mai» alors que, selon le rapport de l’ambassade, une telle manifestation n’a pas eu lieu.

4.9 Ce même rapport de l’ambassade daté du 16 février 2004 a présenté les résultats de l’enquête sur les documents afférents à la requête de Y. K. En ce qui concerne la convocation par la police, le rapport dit que rien ne donne à penser que des poursuites ou toute autre action pénale aient été engagées contre Y. K. Les documents contiennent des erreurs et des différences de forme et autres par rapport aux véritables convocations de police délivrées par les autorités de police azerbaïdjanaises. Selon les règles et règlements applicables, les convocations de police doivent être validées par un tampon spécial du département de la police du district de Khatai. Ce tampon n’est utilisé que par le chef du département de la police qui signe le document. Dans le cas de l’espèce, le document ne porte ni le nom complet, ni le titre, ni la fonction de la personne ayant signé le document. Il est indiqué dans le document que la personne convoquée doit se présenter à l’enquêteur Jafarov S., sans plus de précisions.

4.10 Ce même rapport du 16 février 2004 a donné les résultats de l’enquête sur les documents afférents à la requête d’E. R. K., dont une lettre indiquant qu’il serait dénoncé en justice et une convocation, supposées émaner toutes les deux du département de la police du district de Khatai. Selon le rapport, la lettre du 13 décembre 2002 n’est pas enregistrée au département de la police du district de Khatai et porte un numéro de référence inconnu. Elle ressemble à un type de convocation, mais les convocations ne mentionnent pas en en ‑tête le nom de l’organe de police et ne sont pas envoyées sous enveloppe. L’enquêteur de la police qui aurait signé la lettre, M. Jafarov, n’était pas employé par le département de la police du district de Khatai en 2002. À propos de la soi ‑disant convocation de la police, le rapport note que le titre et les attributions du fonctionnaire ayant signé le document ne figurent pas, comme ils le devraient, sur la convocation. Il est dit dans la convocation que, si le requérant ne s’exécute pas, il sera passible de sanctions en vertu de l’article 298 du Code pénal. Cependant, cet article porte sur la peine infligée aux personnes qui refusent de témoigner dans un procès pénal. L’enquêteur de la police qui est supposé avoir signé la lettre, M. Jafarov, n’était pas employé au département de la police du district de Khatai à l’époque où la convocation a été émise. En outre, le tampon apposé sur la convocation est erroné.

4.11 Les requérants ont contesté plusieurs points des conclusions du rapport de l’ambassade et leurs objections ont été transmises à l’ambassade de Suède à Ankara pour commentaires. Dans un nouveau rapport daté du 16 juin 2005, l’ambassade a indiqué qu’en règle générale elle fait appel à des experts extérieurs et que les personnes choisies sont indépendantes des autorités et des partis politiques azerbaïdjanais. Comme le Gouvernement, elle estime que l’identité des personnes ne doit pas être révélée aux autorités azerbaïdjanaises ou de toute autre manière au grand public pour ne pas les exposer à des menaces ou des agressions physiques. L’ambassade choisit avec beaucoup de soin les personnes qu’elle consulte et, pour des raisons de sécurité et se réserver la possibilité d’obtenir à l’avenir d’autres expertises dans des cas analogues, elle s’abstient de révéler l’identité de ses sources. En ce qui concerne les documents en cause, l’ambassade a déjà mené une enquête approfondie et est parvenue à la conclusion qu’ils étaient faux.

4.12 Le rapport établi par l’ambassade a également mis en évidence les contradictions des informations données sur l’appartenance d’E. N. K. au PDA et ses activités politique s au sein de ce Parti. La première enquête menée en avril 2004 par l’ambassade n’a pas permis de savoir si E.N.K. était membre du PDA. Au mois de février 2005, lors d’une rencontre à Bakou entre les représentants de l’ambassade et M. A. Shahbazov, Secrétaire général du PDA, ce dernier a déclaré qu’E. N. K. était un membre ordinaire du PDA, sans responsabilités ni fonctions particulières. Il n’a pas su expliquer pourquoi E. N. K. n’avait pas été enregistré en tant que membre en avril 2004. En outre, le PDA est une organisation politique officiellement enregistrée et légale en Azerbaïdjan. En être membre ne constitue pas un délit et les membres du parti d’opposition ne font pas l’objet de persécutions systématiques en Azerbaïdjan. Selon un rapport complémentaire de l’ambassade de Suède en date du 1 er juillet 2005, il est bien connu que des membres du PDA ont fabriqué de faux documents, ce pourquoi certains d’entre eux ont été exclus du Parti, et notamment des représentants de la section de Narinamov à laquelle E. N. K. appartenait.

4.13 L’État partie renvoie également à un rapport publié par le Haut ‑Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) en septembre 2003, selon lequel le seul fait d’être membre d’un parti politique d’opposition ne suffit pas à fonder une demande du statut de réfugié. Néanmoins, dans certains cas, un engagement politique affiché, la publication d’articles critiques dans des journaux d’opposition et l’organisation de manifestations interdites ou d’«actions provocatrices» peuvent provoquer une réaction brutale des autorités, et notamment se traduire par des arrestations, des incarcérations et des procès inéquitables.

4.14 L’État partie invoque les incohérences des déclarations de tous les requérants. Le 7 août 2003, E. N. K. a déclaré au Conseil des migrations qu’il avait travaillé comme peintre pour le PDA, réalisant des affiches et du matériel de propagande qu’il distribuait au cours des actions politique s comme les manifestations . D’après les documents soumis à la Commission de recours des étrangers le 19 août 2004, E. N. K. était responsable des questions idéologiques au sein du Parti et avait été élu secrétaire du département de l’idéologie dans les districts de Khatai et Nasimi. Au Comité toutefois E. N. K. a indiqué qu’il n’avait jamais été directement associé à la section de l’idéologie des sections locales du PDA des districts de Khatai et Nasimi. Y. K. a déclaré au Comité qu’il avait été convoqué par la police azerbaïdjanaise au mois de juin 2002 et que, lorsqu’il s’était présenté au poste, il avait été passé à tabac. Il a également indiqué qu’en janvier et février 2002 il avait reçu tous les jours des coups de téléphone de la police le menaçant. Aucune de ces informations n’avait été donnée aux autorités de l’État partie et, lors de son entretien avec le Conseil des migrations, l’intéressé a déclaré qu’il n’avait jamais été arrêté.

4.15 Dans l’hypothèse où le Comité considérerait qu’E. N. K. était membre du PDA, l’État partie fait valoir que ses activités et ses responsabilités au sein du Parti n’étaient pas d’une importance telle qu’il pouvait être considéré comme jouant un rôle de premier plan. Les activités qu’il dit avoir eues datent principalement de 1999 et 2001 et doivent être considérées à la lumière des grâces présidentielles récemment accordées. E. N. K. n’a même pas adressé au Comité un exemplaire du soi ‑disant jugement qui l’aurait condamné à une peine de prison pour ses activités politiques. Pour l’État partie, le fait que tous les requérants aient présenté de faux documents fait douter de leur crédibilité. À son avis, aucun des requérants n’a suffisamment étayé l’allégation selon laquelle il courrait personnellement le risque d’être torturé s’il était renvoyé vers l’Azerbaïdjan.

Commentaires des requérants sur les observations de l’État partie concernant la recevabilité et le fond

5.1 Le 15 mai 2006, les requérants ont répondu aux observations de l’État partie. Ils indiquent que le Conseil des migrations n’a eu avec eux qu’un seul entretien, de seulement une heure et quart pour Y. K. et deux heures et demie pour E. R. K. C’est trop court pour examiner de manière sérieuse et approfondie les raisons pour lesquelles les requérants demandent l’asile, d’autant plus que la Commission de recours des étrangers s’appuie sur les mêmes informations. Notant que ces entretiens se sont déroulés sur le mode des questions ‑réponses, et tout en reconnaissant qu’ils ont eu la possibilité de présenter des commentaires sur le procès ‑verbal de l’audition, les requérants allèguent qu’ils n’ont pas été en mesure de faire un exposé détaillé et complet des faits qui se sont produits avant leur départ d’Azerbaïdjan par avion.

5.2 Les requérants réfutent l’allégation de l’État partie qui affirme que le Conseil des migrations et la Commission de recours des étrangers ont examiné les requêtes en appliquant le même genre de critères que le Comité. L’importance donnée au rapport établi par l’ambassade de Suède à Ankara démontre clairement que cela n’est pas le cas. Les preuves apportées par les requérants à l’encontre des conclusions du rapport n’ont pas été commentées par l’État partie. Bien que les deux frères s’appuient sur la situation d’E. N. K. pour démontrer qu’ils courent eux ‑mêmes un risque réel et personnel, leurs requêtes ne se limitent pas aux faits concernant ce dernier. Qu’ils aient été harcelés, menacés, maltraités physiquement et placés en détention (Y. K. seulement) confirme qu’ils courent un risque. Les requérants notent que l’État partie admet que la situation des droits de l’homme en Azerbaïdjan suscite des inquiétudes légitimes.

5.3 En ce qui concerne le rapport établi par l’ambassade, les requérants font valoir que les enquêtes menées par les ambassades comportent souvent un risque grave de divulgation de l’identité du demandeur d’asile, mettant ainsi en danger ce dernier et sa famille, et ils renvoient à un avis consultatif rendu sur ce sujet par le HCR . Selon les requérants, l’argument de l’État partie qui affirme que les enquêtes ont été menées sans révéler leur identité ou l’identité de leur frère E. N. K. est déraisonnable. En effet, pour obtenir les renseignements recherchés, il est indispensable de donner aux autorités le nom de la personne sur laquelle on veut avoir des informations. On peut aussi raisonnablement supposer que la ou les personnes qui effectuent ces enquêtes sont bien connues des autorités azerbaïdjanaises.

5.4 Les requérants nient avoir falsifié quelque document que ce soit et déclarent qu’ils n’ont pas les moyens et les connaissances juridiques nécessaires pour faire des commentaires sur le rapport établi par l’ambassade. Cependant, ils font remarquer que les objections relatives aux documents portent exclusivement sur de prétendues erreurs de forme. Par exemple, il est dit que le modèle du mandat ne correspond pas aux procédures actuellement en vigueur, mais aucune précision sur le bon modèle n’est donnée. En outre, les autorités du pays ont préféré accorder crédit à une source anonyme plutôt qu’à la preuve du requérant qu’une manifestation a eu lieu le 8 septembre 2001. Les requérants disent également qu’ils ne sont pas en mesure de se prononcer sur la compétence des personnes qui ont réalisé l’enquête.

5.5 Les requérants font valoir que l’État partie a omis des renseignements pertinents lorsqu’il a rendu compte du rapport établi par l’ambassade le 16 juin 2005. Deux semaines après l’entretien qu’il a eu avec l’attaché chargé des questions de migration en février 2005 (voir par. 4.12), M. Shahbazov a écrit une lettre officielle dans laquelle il indiquait qu’E. N. K. était membre actif du Parti, qu’il était recherché par la police en Azerbaïdjan et qu’il courait le risque de subir des persécutions et d’être arrêté à son retour dans le pays. Cette lettre a été présentée à la Commission de recours des étrangers. L’ambassade aurait dû penser que, le PDA comptant plus de 40 000 membres, il n’est pas sérieux de s’attendre à ce que la direction du Parti connaisse chaque membre, même s’il s’agit de personnes influentes. En outre, l’ambassade n’a pas tenu compte du fait que plusieurs membres du Parti qui étaient des militants actifs à la même époque qu’E. N. K. et qui le connaissaient avaient quitté le pays ou avaient été arrêtés et n’ont pas été libérés avant 2005.

5.6 En ce qui concerne l’argument de l’État partie qui fait valoir que les renseignements sur les activités politiques d’E. N. K. sont contradictoires, les requérants décrivent avec précision les efforts qu’ils ont déployés pour obtenir des preuves écrites sur ce point. Ces efforts ont débouché sur la réception d’une lettre datée du 23 mars 2006, envoyée par M. Sardar Calaloglu, personnalité influente du PDA, et M. Hasret Rustamov, Premier Administrateur adjoint, qui indiquait notamment qu’E. N. K. était devenu membre du Parti en février 1999, qu’il avait pris part à des manifestations légales et illégales, dont une le 8 septembre 2001, et qu’il avait été victime de violences physiques. Selon les requérants, cette information est également confirmée par une déclaration reproduite dans une lettre du 24 mars 2006 émanant de l’ONG «Democracy, Human Rights and Media Monitor».

5.7 Les requérants confirment que le PDA est un Parti légal et contestent la pertinence de la déclaration de l’État partie sur le fait qu’il n’y aurait pas de persécution systématique des membres de l’opposition politique. Ils nient avoir présenté des renseignements contradictoires, soulignant qu’ils ont seulement complété et précisé leurs informations à chaque étape de la procédure. Au sujet de l’argument de l’État partie qui estime qu’ils auraient dû avoir une idée plus précise des activités politiques d’E. N. K., les requérants font valoir que leur frère ne voulait pas impliquer ses proches dans les activités dangereuses qu’il menait. Quant au jugement rendu contre E. N. K., les requérants confirment, comme l’a dit l’État partie, que ce document était en fait un mandat d’arrêt et non un jugement. Ils expliquent qu’en raison d’une erreur de traduction ce document a été à tort appelé «verdict» ou jugement et non mandat.

Délibérations du Comité

Examen de la recevabilité

6.1 Avant d’examiner toute plainte soumise dans une communication, le Comité contre la torture doit déterminer si la plainte est recevable en vertu de l’article 22 de la Convention. Le Comité s’est assuré, comme il est tenu de le faire conformément au paragraphe 5 a) de l’article 22 de la Convention, que la même question n’a pas été examinée et n’est pas en cours d’examen devant une autre instance internationale d’enquête ou de règlement. Il note que l’État partie a confirmé dans ses observations que les recours internes avaient été épuisés.

6.2 Le Comité considère qu’il n’existe aucun obstacle à la recevabilité de la requête. Il la déclare recevable et procède donc immédiatement à son examen quant au fond.

Examen au fond

7.1 Le Comité doit déterminer si, en renvoyant les requérants en Azerbaïdjan, l’État partie manquerait à l’obligation qui lui est faite en vertu de l’article 3 de la Convention de ne pas expulser ou refouler un individu vers un autre État où il y a des motifs sérieux de croire qu’il risque d’être soumis à la torture.

7.2 Pour évaluer le risque de torture, le Comité doit tenir compte de toutes les considérations pertinentes, y compris de l’existence dans l’État où le requérant serait renvoyé d’un ensemble de violations systématiques des droits de l’homme graves, flagrantes ou massives. Il s’agit toutefois de déterminer si l’intéressé risque personnellement d’être soumis à la torture dans le pays vers lequel il serait renvoyé. Dès lors, l’existence d’un ensemble de violations systématiques des droits de l’homme graves, flagrantes ou massives dans le pays ne constitue pas en soi un motif suffisant pour établir qu’une personne donnée risque d’être soumise à la torture à son retour dans le pays; il doit exister des motifs supplémentaires donnant à penser que l’intéressé courrait personnellement un risque. À l’inverse, l’absence d’un ensemble de violations flagrantes et systématiques des droits de l’homme ne signifie pas qu’une personne ne peut pas être considérée comme risquant d’être soumise à la torture dans sa situation.

7.3 Le Comité rappelle son Observation générale n o  1 relative à l’application de l’article 3 de la Convention, où il est dit que le Comité étant tenu de déterminer s’il y a des motifs sérieux de croire que le requérant risque d’être soumis à la torture s’il est expulsé, refoulé ou extradé, l’existence d’un tel risque doit être appréciée selon des éléments qui ne se limitent pas à de simples supputations ou soupçons. En tout état de cause, il n’est pas nécessaire de montrer que le risque encouru est hautement probable. Sans être nécessairement hautement probable, le risque doit néanmoins être personnel et actuel. Dans des décisions précédentes le Comité a établi que le risque de torture devait être prévisible, réel et personnel.

7.4 Les requérants font valoir qu’il existe un risque qu’ils soient torturés s’ils sont renvoyés en Azerbaïdjan en raison des activités politiques passées de leur frère, pour lesquelles ils affirment avoir déjà été victimes de mauvais traitements de la part des autorités azerbaïdjanaises. Le Comité note que les requérants n’ont pas fourni de certificat médical ni aucun autre document montrant qu’ils ont eux ‑mêmes subi de mauvais traitements en Azerbaïdjan. Il note également que l’État partie, se fondant sur les expertises recueillies par son ambassade à Ankara, a largement exposé les raisons pour lesquelles il contestait l’authenticité de tous les documents présentés par les requérants pour étayer leurs allégations et celles de leur frère E. N. K.

7.5 Le Comité relève que dans leurs commentaires sur les observations de l’État partie les requérants affirment à présent que le document qu’ils avaient présenté comme étant un jugement, condamnant leur frère E. N. K. par contumace à cinq ans d’emprisonnement, est en fait un mandat d’arrêt (voir par. 5.7). Les requérants critiquent la décision de l’État partie de s’adresser à son ambassade à Ankara pour avoir des renseignements qui selon eux créait le risque que leur identité soit divulguée aux autorités azerbaïdjanaises. Le Comité note que l’État partie affirme que l’identité des requérants n’a jamais été dévoilée mais considère que quoi qu’il en soit la façon dont l’État partie a mené ses enquêtes n’a pas de pertinence pour déterminer si les requérants risquent d’être soumis à des tortures s’ils sont renvoyés en Azerbaïdjan. L’État partie ayant été saisi de documents censés confirmer les griefs des requérants, il lui appartenait de chercher à en établir l’authenticité. Le Comité note aussi que, au sujet des renseignements contenus dans le rapport de l’ambassade, les seuls autres arguments que les requérants avancent sont que les différences dans les documents n’étaient que des «erreurs de forme» et qu’ils n’ont pas les moyens et les connaissances juridiques nécessaires pour faire d’autres commentaires. Le Comité considère que les requérants n’ont pas infirmé les conclusions de l’État partie et n’ont pas prouvé l’authenticité des documents en question. Il rappelle que, conformément à sa jurisprudence, il appartient aux requérants de rassembler et de produire des preuves à l’appui des faits qu’ils allèguent .

8. Compte tenu de ce qui précède, le Comité estime que les requérants n’ont pas suffisamment démontré qu’ils couraient un risque prévisible, réel et personnel d’être torturés s’ils étaient renvoyés en Azerbaïdjan.

9. Le Comité contre la torture, agissant en vertu du paragraphe 7 de l’article 22 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, conclut que le renvoi des requérants en Azerbaïdjan ne constituerait pas une violation de l’article 3 de la Convention.

Communication n o  277/2005

Présentée par :

N. Z. S. (représenté par un conseil)

Au nom de :

N. Z. S.

État partie :

Suède

Date de la requête :

23 août 2005 (date de la lettre initiale)

Le Comité contre la torture , institué en vertu de l’article 17 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,

Réuni le 22 novembre 2006,

Ayant achevé l’examen de la requête n o 277/2005 présentée par N. Z. S. en vertu de l’article 22 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,

Ayant tenu compte de toutes les informations qui lui ont été communiquées par le requérant, son conseil et l’État partie,

Adopte la décision ci ‑après au titre du paragraphe 7 de l’article 22 de la Convention contre la torture.

1.1 Le requérant est N. Z. S. ressortissant de la République islamique d’Iran, né en 1968, qui vit actuellement en Suède, où il est sous le coup d’une mesure d’expulsion vers l’Iran. Il affirme que son expulsion en Iran constituerait une violation par la Suède de l’article 3 de la Convention contre la torture. La Convention est entrée en vigueur pour la Suède le 26 juin 1987. Le requérant est représenté par un conseil.

1.2 Le 25 août 2005, le Comité a transmis la requête à l’ État partie , conformément au paragraphe 3 de l’article 22 de la Convention. En application du paragraphe 1 de l’article 108 du Règlement intérieur, il a prié l’ État partie de ne pas expulser le requérant tant que l’affaire serait à l’examen. En date du 6 octobre 2005, l’ État partie a fait savoir qu’il allait surseoir à l’exécution de la décision d’expulsion tant que le Comité n’aurait pas statué.

Rappel des faits présentés par le requérant

2.1 Le requérant, un ancien combattant de la guerre Iran ‑Iraq, avait un atelier de tôlerie à Yazd (Iran). Au printemps de 1997, il a eu une altercation avec un mollah pendant la prière du vendredi au sujet d’un prêche qui condamnait l’homosexualité. Après l’altercation, il a été agressé et frappé par des policiers en civil. Le lendemain il a été arrêté par trois fonctionnaires de la municipalité qui avaient fermé son atelier. Il a été conduit à Agahi (au bureau de la police de la sécurité) et y est resté détenu deux mois. Pendant tout ce temps, il a été interrogé et torturé parce que l’on voulait lui faire avouer qu’il était un opposant au régime et lui faire dire qui étaient les individus ou les organisations responsables du meurtre d’un imam, commis sept années auparavant.

2.2 Deux mois après son arrestation, il a été menacé de torture et on lui a donné l’ordre de signer des aveux, dont il n’a pas pu prendre connaissance de la teneur. Après avoir signé, il a appris qu’il venait d’avouer avoir milité activement contre le régime et il a été condamné à vingt ‑huit mois d’emprisonnement avec travaux forcés. Il n’y a pas eu de procès. Il a été transféré dans un lieu de détention autre, la prison de Khourdeh Barin à Yazd; pendant tout son séjour dans cet établissement il a subi des tortures (passages à tabac, simulacres d’exécution, obligation d’assister à l’exécution d’autres prisonniers, etc.). Il a été libéré en août 2000 après avoir exécuté sa peine et été contraint de s’engager par écrit à ne plus participer à des activités contre le régime. Il a été reconduit chez lui.

2.3 En février 2002, le requérant a pris part à une manifestation au cours de laquelle de nombreux participants ont exprimé leur mécontentement à l’égard du Gouvernement, et qui a été violemment dispersée par les autorités. Deux ou trois jours plus tard il a appris que tous les participants à la manifestation étaient arrêtés les uns après les autres. Un soir, il y a eu une descente de la police chez lui mais il a réussi à prendre la fuite par la porte arrière. Il s’est rendu à Astara, à la frontière avec l’Azerbaïdjan, et a quitté le pays avec l’aide d’un passeur qui lui a procuré des documents de voyage pour lui permettre de transiter par l’Azerbaïdjan et la Turquie. Il est arrivé en Suède le 28 avril 2002. À l’aéroport de Stockholm il a rencontré un contact qui devait l’aider à déposer une demande d’asile quand il lui aurait remis ses documents de voyage. Mais l’homme a pris les documents et a disparu.

2.4 Le 30 avril 2002, le requérant a déposé une demande d’asile auprès du bureau régional du Conseil des migrations à Stockholm/Solna. Il y a eu une audience préliminaire le même jour mais le requérant n’a pas été interrogé. Le 27 février 2003, un interrogatoire complet a eu lieu en présence d’un conseil commis d’office et le requérant a exposé en détail les raisons et les circonstances de son départ d’Iran. L’entretien a duré deux heures vingt minutes et il n’y en a pas eu d’autre par la suite. L’avocat a donné au Conseil des migrations des renseignements supplémentaires, et a produit notamment deux certificats médicaux qui confirmaient l’existence de lésions correspondant aux allégations de torture, ainsi que le dossier médical du requérant attestant qu’il souffrait d’une maladie psychique et de troubles du sommeil.

2.5 Par une décision du 5 septembre 2003, le Conseil des migrations a rejeté la demande d’asile. Il a déclaré notamment qu’à son avis le récit n’était pas crédible parce que le requérant n’avait pas présenté sa demande d’asile immédiatement à son arrivée en Suède. De plus, bien qu’il reconnaisse que certaines interprétations de la charia et des fatwa émanant de dirigeants religieux avaient effectivement abouti à des condamnations à la peine capitale, le Conseil des migrations, se référant aux dispositions de la Constitution de la République islamique d’Iran relatives aux pratiques religieuses, a fait valoir que les musulmans qui se convertissaient à une autre religion étaient tolérés à la condition de pratiquer leur religion en privé. Le Conseil a estimé également que le requérant ne pouvait plus intéresser les autorités iraniennes étant donné qu’il avait été remis en liberté et n’entrait dans aucune des catégories de participants aux manifestations de 2002 à Yazd que les autorités recherchaient. Le Conseil des migrations a conclu que le requérant avait considérablement exagéré le risque de torture et de traitements inhumains qu’il courait s’il était renvoyé en Iran et qu’il ne pouvait donc pas être considéré comme un réfugié; son état physique ne justifiait pas non plus l’octroi d’un permis de séjour pour motif humanitaire.

2.6 Le requérant a fait appel auprès de la Commission de recours des étrangers. À son mémoire d’appel il joignait une nouvelle pièce qui était la transcription de son casier judiciaire: on pouvait y lire qu’il avait été emprisonné pendant vingt ‑huit mois, qu’il avait été remis en liberté après s’être engagé par écrit à ne plus manifester d’opposition au régime, qu’il avait pris part à de nouvelles actions contre le Gouvernement, qu’il était recherché par la police et que quand on le retrouverait il serait jugé et puni. En date du 17 décembre 2004, il a demandé à la Commission de recours des étrangers de procéder à des investigations complètes sur ses allégations de torture et de l’auditionner; la demande a été rejetée le 23 décembre 2004. Le 31 mars 2005, on lui a demandé de faire une déclaration au sujet de la traduction de son dossier pénal. Considérant que le document était correctement traduit, il n’a pas fait d’observation supplémentaire. Le 15 avril 2005, le requérant a de nouveau demandé des investigations complètes sur ses allégations de torture et que la Commission de recours procède à une audition: cette demande a été rejetée le 26 avril 2005. Le 20 mai 2005, la Commission de recours des étrangers a rejeté sa requête, estimant que le requérant n’était pas crédible. D’après la traduction que la Commission avait fait faire du dossier pénal, il avait été emprisonné du 9 avril 1988 au 11 août 1990. Il y avait donc une différence inexpliquée de dix ans entre les dates de sa détention consignées dans le document et celles qu’il avait données. La Commission de recours a confirmé la décision du Conseil des migrations, concluant que le requérant n’avait pas prouvé qu’il était probable qu’il soit un réfugié ou qu’il ait besoin de la protection assurée par la loi sur les étrangers. Avec le rejet du recours, l’arrêté d’expulsion est devenu exécutoire et a été renvoyé au Conseil des migrations en vue de son application.

2.7 Le 31 mai 2005, le requérant a déposé une nouvelle demande de permis de séjour auprès de la Commission de recours des étrangers, en faisant valoir que tout ce qu’il avait dit était exact et qu’il ne savait pas qu’il y avait des lacunes dans son dossier pénal avant que la Commission ne rende sa décision. Après la décision de la Commission datée du 20 mai 2004, le frère du requérant a pris contact avec les autorités iraniennes qui ont confirmé qu’il y avait une erreur dans le dossier et rectifié les données. D’après les autorités, deux chiffres avaient été intervertis et l’emprisonnement avait commencé en 13 76 et non pas en 13 67 de l’hégire. Le frère du requérant lui a fait parvenir la version corrigée. Le conseil du requérant a exprimé ses regrets pour cette erreur et a critiqué la Commission de recours pour ne pas avoir fait des recherches satisfaisantes à ce sujet, faisant remarquer que le requérant n’avait pas été avisé que la Commission contestait la transcription. La Commission de recours a rejeté la demande de permis de séjour, le 7 juin 2005, considérant qu’il n’y avait pas de fait nouveau nécessitant qu’elle revienne sur sa décision précédente.

2.8 Le 20 juin 2005, le requérant a déposé une nouvelle demande de permis de séjour à laquelle il joignait le document original, corrigé par les autorités iraniennes, prouvant qu’il y avait une erreur dans la première transcription du dossier pénal. En date du 30 juin 2005, la Commission de recours des étrangers a rejeté cette nouvelle demande. Elle faisait remarquer qu’il y avait beaucoup de faux documents en circulation et qu’elle ne pouvait pas accorder de force probante à ceux que le requérant avait produits. Elle a donc confirmé qu’il n’y avait pas lieu de réexaminer l’affaire.

Teneur de la plainte

3.1 Le requérant fait valoir que les autorités suédoises ont rejeté sa demande d’asile en se fondant sur des informations d’ordre général sans tenir compte de ses arguments et explications. Elles ont conclu qu’il n’était pas crédible en se fondant sur deux éléments: le fait qu’il ait été remis en liberté et une faute de frappe dans son dossier pénal. D’après le requérant, quand il a conclu que parce qu’il avait été remis en liberté il n’intéressait plus les autorités iraniennes, le Conseil des migrations n’a pas tenu compte de tous les éléments pertinents qu’il avait apportés. Ni le Conseil des migrations ni la Commission de recours n’ont jamais réfuté l’explication qu’il avait donnée du retard mis pour déposer sa demande d’asile, qui était qu’il ne l’avait pas demandée immédiatement à son arrivée parce qu’il était en mauvaise santé physique et mentale et qu’il avait fait cette démarche dès qu’il l’avait pu, c’est ‑à ‑dire deux jours plus tard.

3.2 Le requérant dit que la Commission de recours des étrangers non seulement ne l’a pas avisé qu’elle contestait la traduction de son dossier pénal mais en outre, plus tard, elle a refusé de tenir compte de la version rectifiée, objectant que beaucoup de faux documents circulaient. Le requérant souligne l’incohérence dans les critères de la Commission: d’un côté elle utilise la version traduite comportant une erreur pour fonder son jugement et de l’autre elle rejette la copie rectifiée par les autorités iraniennes en considérant qu’elle n’a aucune valeur probante. Le requérant relève que la Commission n’a jamais pris contact avec l’ambassade de Suède à Téhéran pour vérifier l’authenticité du document. Enfin, il fait valoir qu’il a demandé à plusieurs reprises à être entendu par la Commission de recours des étrangers et que ses demandes ont été rejetées alors qu’elles sont prévues par la loi (sauf dans le cas où de toute évidence une audition n’est pas nécessaire). Le requérant maintient que si les autorités suédoises mettaient sa crédibilité en doute, elles auraient dû tenir une audition pour contester les allégations du requérant.

3.3. En n’évaluant pas objectivement, impartialement et systématiquement la demande d’asile et en n’examinant pas les renseignements supplémentaires avant de conclure que le requérant n’était pas crédible, les autorités suédoises ont gravement sous ‑estimé les risques qu’il courrait s’il était renvoyé en Iran. Vu la façon dont l’Iran traite les dissidents politiques, la dégradation de la situation des droits de l’homme dans le pays et sa propre expérience de prisonnier torturé par les autorités iraniennes, et eu égard aux éléments montrant qu’il était toujours recherché par la police de la sécurité, le requérant affirme qu’il pourrait être déclaré ennemi de l’État en raison de ses activités depuis 1996. Son renvoi en Iran l’exposerait de nouveau à la torture et à d’autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

Observations de l’État partie sur la recevabilité et sur le fond

4.1 Dans une réponse du 9 février 2006, l’État partie objecte que la requête ne contient pas le minimum d’éléments de preuve requis et devrait être déclarée irrecevable au titre du paragraphe 2 de l’article 22 de la Convention. L’État partie a aussi contesté la recevabilité de la requête pour non ‑épuisement des recours internes, faisant valoir qu’en vertu d’une nouvelle disposition de la loi suédoise, le Conseil des migrations pouvait réexaminer encore une fois l’affaire. Toutefois, le 29 mars 2006, l’État partie a retiré cet argument de sa réponse quand le Conseil des migrations a décidé, en date du 3 mars 2006, de ne pas accorder de permis de séjour au requérant.

4.2 Sur le fond, l’État partie note que de nombreuses sources font état de violations flagrantes des droits de l’homme commises en République islamique d’Iran. Toutefois, cela ne suffit pas pour conclure que le renvoi du requérant en Iran constituerait une violation de l’article 3. Pour qu’il y ait violation, le requérant doit démontrer que selon toute vraisemblance il court personnellement un risque prévisible et réel d’être soumis à la torture et il doit présenter des arguments plausibles, qui ne doivent pas se réduire à de simples supputations ou soupçons; c’est au requérant qu’il incombe au premier chef de rassembler et de produire des preuves à l’appui de ses affirmations. L’État partie rappelle les dispositions pertinentes de la loi sur les étrangers et fait observer que plusieurs de ces dispositions reflètent le principe énoncé au paragraphe 1 de l’article 3 de la Convention. L’État partie indique que, d’après le projet de loi 1996/97 du Gouvernement, le récit d’un demandeur d’asile doit être accepté s’il apparaît vraisemblable, étant donné qu’il est rarement possible pour un demandeur d’asile d’apporter des éléments qui montrent clairement qu’il risque d’être persécuté. Le Conseil des migrations comme la Commission de recours des étrangers ont conclu que le requérant n’était pas crédible. L’État partie ajoute que l’autorité nationale qui conduit la procédure d’asile est naturellement bien placée pour apprécier la crédibilité des affirmations d’un demandeur d’asile. L’État partie se réfère au Guide des procédures et critères à appliquer pour déterminer le statut de réfugié (HCR) et fait valoir que c’est au requérant d’étayer ses affirmations par des preuves et d’expliquer de manière satisfaisante toute absence de preuve.

4.3 L’État partie fait observer que pendant toute la procédure le requérant a fait un certain nombre de déclarations contradictoires au sujet de questions cruciales pour l’évaluation de sa demande. Il relève en particulier les incohérences suivantes: premièrement, les motifs de son arrestation et le moment où il a été placé en détention indiqués par le requérant ont varié considérablement au fur et à mesure des déclarations qu’il a faites au Conseil des migrations, à la Commission de recours des étrangers et dans la plainte soumise au Comité. Au Conseil des migrations, le requérant a dit qu’il avait eu une altercation avec un imam parce que son prêche ne traitait que de questions historiques et qu’une semaine plus tard il avait été arrêté; à la Commission de recours des étrangers, il a affirmé qu’il avait déclaré à l’imam qu’il pensait qu’il valait mieux qu’il se convertisse à une autre religion et qu’il avait été arrêté le lendemain; au Comité, il a affirmé qu’il s’était mis en colère contre le mollah pendant un prêche traitant de l’homosexualité. Il y a aussi plusieurs incohérences dans le récit fait par le requérant au sujet du moment où il a été incarcéré, du temps qu’il est resté détenu et sur la question de savoir s’il a été condamné ou non. L’État partie note qu’au cours de son entretien avec les autorités, le requérant a déclaré qu’il n’avait jamais été condamné et qu’il avait été emprisonné vingt ‑huit mois. Il note également que dans son appel devant la Commission de recours, il a affirmé qu’il avait été condamné à vingt ‑six mois d’emprisonnement après deux mois de détention. Enfin, il a dit au Comité qu’il avait été contraint à signer des aveux et condamné à vingt ‑huit mois de prison après deux mois de détention. Selon l’État partie, le requérant a développé ce grief au fur et à mesure des étapes de la procédure, ce qui fait douter sérieusement de sa crédibilité. De surcroît, l’État partie note qu’il y a des contradictions dans les déclarations du requérant au sujet de la date de son arrivée en Suède. Dans sa demande d’asile, il dit qu’il est arrivé le 23 avril 2002 alors que dans son recours auprès de la Commission de recours il dit que c’était le 28 avril.

4.4 L’État partie fait savoir en outre qu’il a demandé à l’ambassade de Suède à Téhéran de se renseigner sur les certificats iraniens relatifs à sa détention produits par le requérant. L’ambassade a consulté un expert juridique qui a conclu que les certificats étaient quasi certainement faux. Le premier, un extrait de casier judiciaire, contient des informations qui ne peuvent pas figurer dans un dossier pénal, comme le fait que le requérant a été remis en liberté sous caution, a repris des activités politiques et était recherché par la police. Normalement un casier judiciaire doit comporter des renseignements portant uniquement sur les infractions et les condamnations. De plus, une personne qui exécute une peine ne peut pas être libérée sous caution. Le deuxième certificat, présenté comme étant un rectificatif du premier, indique que l’intéressé a été appelé pour faire un service militaire pendant la période durant laquelle il était censé être en prison. L’ambassade note que sur aucun des certificats ne sont précisées les infractions pour lesquelles il a été condamné. L’État partie souligne que le premier certificat est daté de juillet 2002 mais il n’a été produit qu’en septembre 2004 et que le requérant n’en a même pas mentionné l’existence pendant l’entretien avec le Conseil des migrations en 2003. Enfin, l’État partie note que ni le requérant ni son conseil n’a constaté l’erreur de date dans le premier certificat et en conclut que le requérant a donné de faux renseignements et produit de faux documents.

4.5 L’État partie conclut que même s’il est considéré comme prouvé que le requérant a été soumis à la torture dans le passé, cela ne constitue pas un argument permettant de conclure qu’il risque actuellement d’être torturé s’il est renvoyé en Iran.

Commentaires du requérant sur les observations de l’État partie concernant la recevabilité et le fond

5.1 Dans sa lettre du 20 juin 2006, le requérant réaffirme que tous les recours internes ont été épuisés et indique qu’une nouvelle loi sur les étrangers est certes entrée en vigueur mais, compte tenu des circonstances de sa cause, il ne peut s’en prévaloir pour introduire un recours. Le requérant note que le Conseil des migrations ne l’a interrogé qu’une seule fois, pendant deux heures vingt minutes, et que l’entretien a eu lieu près d’un an après son arrivée en Suède. Le procès ‑verbal de l’entretien ne donne pas un compte rendu exact de ce qui s’est dit. Le requérant relève que les décisions du Conseil des migrations comme de la Commission de recours des étrangers sont fondées sur des renseignements obtenus pendant cet entretien. Il note qu’il a réclamé une nouvelle audition à la Commission de recours à deux reprises parce que le Conseil des migrations avait mal évalué sa crédibilité et ses déclarations au sujet des tortures qu’il avait subies. Il ajoute qu’aucune des prétendues incohérences n’a été examinée par le Conseil des migrations ou la Commission de recours des étrangers. Pour ce qui est des contradictions présumées concernant les motifs de son arrestation, il indique d’abord que, lors de son altercation avec l’imam, il avait parlé de plusieurs questions différentes. Il dit qu’il est normal qu’à chaque stade de la procédure il ait donné des renseignements supplémentaires et plus de détails, parfois en réponse à des questions nouvelles qui lui étaient posées. Pour ce qui est de la date de son arrestation, il fait valoir qu’il faut tenir compte du fait que les personnes qui ont subi différentes sortes de traumatismes peuvent souffrir de perte de mémoire concernant ce traumatisme. Il note en outre que l’entretien a eu lieu plus de cinq ans après les faits. Pour ce qui est des incohérences présumées concernant la date et la durée de son emprisonnement et la question de savoir s’il a été condamné ou non, le requérant affirme qu’il a en fait déclaré qu’il n’avait jamais été condamné par un tribunal et que le nombre de mois passés en détention (26 ou 28) dépendait de la prise en compte ou non des deux mois de détention préalables à la signature des aveux.

5.2 Le requérant signale qu’au cours de la procédure devant le Comité, il a demandé plusieurs fois des reports de délai pour pouvoir présenter des renseignements, parce qu’il avait l’intention d’apporter des preuves de son incarcération et du fait qu’il était toujours recherché par les autorités. Malheureusement il n’a pas pu le faire parce que cela aurait nécessité des démarches qu’il considérait comme risquées pour ses parents. Néanmoins, il fait valoir qu’il a rempli son obligation de rassembler et de présenter des éléments de preuve à l’appui de ses griefs.

5.3 En ce qui concerne son arrivée en Suède, le Comité fait valoir qu’il a dû fuir l’Iran avec l’aide d’un passeur qui lui a procuré de faux documents parce qu’il lui était impossible d’obtenir un passeport en Iran. Le requérant relève que la vérification de son itinéraire se justifie par la nécessité d’établir de quel pays doit relever sa demande d’asile. Il fait valoir que le besoin de protection d’un demandeur d’asile ne peut pas dépendre de l’exactitude ou de l’inexactitude des déclarations qu’il a faites au sujet de son itinéraire. Quand le requérant a compris que les autorités suédoises attachaient une grande importance à l’itinéraire qu’il avait suivi pour arriver en Suède, il a présenté le ticket de bagage remis par la compagnie aérienne. Il note que la Commission de recours des étrangers n’a pas attaché d’importance à cette incohérence.

5.4 Le requérant fait valoir que le compte rendu fait par l’État partie de la décision du Conseil des migrations est pour l’essentiel exact, mais l’une des principales raisons invoquées pour rejeter sa demande était qu’il avait été remis en liberté, ce qui montrait que les autorités iraniennes ne s’intéressaient plus à lui. Il objecte que l’observation de l’État partie qui affirme que pendant son entretien il avait dit avoir été arrêté «une semaine» après le prêche du vendredi ne figure pas dans le compte rendu de l’entretien. Ce qu’il a dit pendant cet entretien c’est que son atelier avait été fermé une semaine après son altercation avec l’imam/le mollah.

5.5 Le requérant confirme la description faite par l’État partie de l’appel devant la Commission de recours des étrangers. Toutefois, dans la traduction du dossier pénal qu’il a soumis concernant sa détention, il est indiqué qu’il a été remis en liberté sous caution, ce qui n’est pas exact. Pendant toute la procédure de demande d’asile, le requérant a affirmé qu’il avait été remis en liberté après avoir été contraint de s’engager par écrit, notamment, à ne pas participer à des activités contre le régime iranien.

5.6 Le requérant dit qu’il lui est impossible de savoir si la ou les personnes consultées par l’ambassade à Téhéran étaient des experts qualifiés. La conclusion selon laquelle le document est faux repose sur des informations figurant dans un rapport d’ambassade contestable, fournies par un (des) expert(s) anonyme(s). Pour ce qui est des certificats proprement dits, il souligne que la Commission de recours des étrangers, qui a une grande expérience de ce genre de documents, n’a jamais soulevé d’objections comme le fait aujourd’hui l’État partie. La Commission a bien relevé quelques contradictions entre certains des éléments figurant sur le certificat et les déclarations faites mais à aucun moment elle n’a soulevé la question de savoir si un dossier pénal peut contenir ou non certains renseignements. Pour ce qui est du deuxième certificat, l’ambassade n’affirme même pas que ce document est faux; elle ne fait que conclure que comme le premier est un faux, le deuxième doit automatiquement l’être aussi. Le requérant conclut que l’État partie n’a pas prouvé que les documents étaient faux.

5.7 En ce qui concerne le fait que le certificat n’a été présenté à la Commission des recours des étrangers qu’en 2004 alors qu’il était daté de 2002, le requérant explique que quand le Conseil des migrations a rejeté sa demande, l’avocat qui le représentait lui a dit d’essayer de trouver des documents supplémentaires. Il a donc pris contact avec sa famille en Iran et son frère lui a répondu qu’il était en possession d’un extrait de son casier judiciaire. Le requérant ignorait l’existence de ce document avant cela et ne sait pas pourquoi son frère avait demandé la pièce aux autorités.

5.8 Le requérant note que l’État partie n’a contesté à aucun moment qu’il avait été placé en détention et torturé. Il maintient que les renseignements qu’il a donnés au sujet des mesures adoptées contre lui par les autorités démontrent clairement qu’il est toujours recherché.

Observations supplémentaires de l’État partie

6.1 Dans une note datée du 5 septembre 2006, l’État partie a fait parvenir les observations complémentaires ci ‑après. Il répond à l’objection du requérant selon laquelle dans le compte rendu de l’entretien il n’est pas mentionné qu’il avait été arrêté une semaine après son altercation avec l’imam, et il renvoie aux minutes dans lesquelles il est effectivement dit que le requérant a été arrêté après la fermeture de son atelier, une semaine après le prêche du vendredi.

6.2 Pour ce qui est du mot «tahood» traduit par caution, l’expert juridique a consulté les documents originaux et ne savait absolument pas comment ils avaient été traduits. D’après l’expert, un dossier pénal ne contient que des indications sur les infractions et les condamnations et c’est parce que dans ce document étaient portés d’autres éléments qu’il avait été jugé douteux.

6.3 Enfin, en réponse au requérant qui affirme qu’il n’a pas été contesté qu’il avait été placé en détention, brutalisé et torturé, l’État partie n’est pas en position de confirmer ou de contester cet aspect de la requête. Il souligne toutefois que les certificats médicaux produits par le requérant attestent la présence de cicatrices anciennes mais ne prouvent pas en soi quand les lésions ont été causées ni comment. De plus le certificat confirmant que les lésions correspondaient à la description de leur cause faite par le requérant n’émane pas d’un expert en torture.

Délibérations du Comité

Examen de la recevabilité

7. Avant d’examiner toute plainte soumise dans une communication, le Comité contre la torture doit déterminer si la plainte est recevable en vertu de l’article 22 de la Convention. Le Comité s’est assuré, comme il est tenu de le faire conformément au paragraphe 5 a) de l’article 22 de la Convention, que la même question n’a pas été et n’est pas actuellement examinée au titre d’une autre procédure internationale d’enquête ou de règlement. Ayant été informé le 29 mars 2006 par l’État partie que le Conseil des migrations avait décidé, le 3 mars 2006, de ne pas accorder de permis de séjour au requérant, le Comité considère que les recours internes disponibles ont été épuisés. Il estime qu’il n’existe aucun obstacle à la recevabilité de la requête. Il la déclare donc recevable et procède immédiatement à son examen quant au fond.

Examen au fond

8.1 Le Comité doit déterminer si, en renvoyant le requérant en Iran, l’État partie manquerait à l’obligation qui lui est faite en vertu du paragraphe 1 de l’article 3 de la Convention de ne pas expulser ou renvoyer un individu vers un autre État où il y a des motifs sérieux de croire qu’il risque d’être soumis à la torture.

8.2 Pour évaluer le risque de torture, le Comité doit tenir compte de tous les éléments pertinents, y compris l’existence dans l’État où le requérant serait renvoyé d’un ensemble systématique de violations graves, flagrantes ou massives des droits de l’homme. Il s’agit cependant de déterminer si l’intéressé risque personnellement d’être soumis à la torture dans le pays vers lequel il serait renvoyé. Dès lors, l’existence d’un ensemble de violations systématiques des droits de l’homme, graves, flagrantes ou massives dans un pays ne constitue pas en soi un motif suffisant pour conclure qu’un individu risque d’être torturé à son retour dans ce pays; il doit exister des motifs supplémentaires donnant à penser que l’intéressé court personnellement un tel risque. À l’inverse, l’absence d’un ensemble de violations flagrantes et systématiques des droits de l’homme ne signifie pas qu’une personne ne peut pas être considérée comme risquant d’être torturée dans les circonstances qui sont les siennes.

8.3 Le Comité rappelle son Observation générale n o  1 relative à l’application de l’article 3 de la Convention, où il est indiqué que, le Comité étant tenu de déterminer s’il y a des motifs sérieux de croire que le requérant risque d’être soumis à la torture s’il est expulsé, refoulé ou extradé, l’existence d’un tel risque doit être appréciée selon des éléments qui ne se limitent pas à de simples supputations ou soupçons. Sans être nécessairement hautement probable, le risque doit néanmoins être personnel et actuel.

8.4 Pour évaluer le risque de torture dans la présente affaire, le Comité a pris note de l’argument du requérant qui affirme qu’il existe un risque prévisible qu’il soit soumis à la torture s’il est renvoyé en Iran, du fait de l’incarcération et des tortures qu’il aurait déjà subies et de sa participation à une manifestation contre le Gouvernement, qui faisait qu’il n’avait pas respecté la condition fixée pour sa libération. Le Comité prend note du grief du requérant qui fait état de carences dans la procédure d’asile en Suède, notamment parce que bien qu’ayant demandé à être entendu par la Commission de recours des étrangers il n’a jamais eu droit à une audition alors que la loi prévoit que la Commission doit en accorder une s’il est estimé que cela est dans l’intérêt de l’enquête. Le Comité note également que le requérant a produit des certificats médicaux à l’appui de ses allégations de torture et que les autorités suédoises n’ont pas contesté qu’il avait été placé en détention, brutalisé et torturé, encore que l’État partie relève qu’il n’est pas en mesure de confirmer ou de démentir ses allégations.

8.5 Toutefois, le Comité note également que même s’il est probable que l’auteur a été torturé, il faut déterminer s’il court aujourd’hui un risque d’être soumis de nouveau à la torture s’il est renvoyé en Iran. Il considère qu’à supposer même que le requérant ait été placé en détention et torturé en Iran dans le passé, il n’en découle pas automatiquement qu’il risque encore, six ans après les faits allégués, d’être soumis à la torture s’il retourne en Iran prochainement .

8.6 Le Comité relève que l’État partie a expliqué en détail les raisons pour lesquelles, en se fondant sur les rapports d’expertise obtenus par son ambassade à Téhéran, il met en doute l’authenticité des documents produits par le requérant pour montrer qu’il a bien été détenu en Iran. Il relève aussi que les arguments du requérant, ainsi que les éléments de preuve censés les étayer, ont été présentés aux autorités de l’État partie chargées de se prononcer sur la demande d’asile. Il rappelle sa jurisprudence et réaffirme qu’il appartient au requérant de rassembler et de produire des preuves à l’appui des faits qu’il allègue et réitère qu’il n’est pas un organe d’appel quasi judiciaire ou administratif. En l’espèce, le Comité conclut que l’examen de l’affaire par l’État partie n’a pas présenté de déficiences.

8.7 De l’avis du Comité, le requérant n’a pas apporté la preuve qu’il avait mené des activités politiques suffisamment importantes pour pouvoir intéresser encore les autorités iraniennes. Il n’a pas non plus apporté d’autres preuves concrètes pour démontrer qu’il continue de courir personnellement un risque d’être torturé s’il est renvoyé en Iran. Pour ces raisons, le Comité conclut que le requérant n’a pas étayé son allégation selon laquelle il court personnellement un risque réel et prévisible d’être soumis à la torture s’il est renvoyé en Iran.

9. Le Comité contre la torture, agissant en vertu du paragraphe 7 de l’article 22 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, conclut que le renvoi du requérant en Iran ne constituerait pas une violation de l’article 3 de la Convention.

Communication n o  279/2005

Présentée par :

C. T. et K. M. (représentés par un conseil)

Au nom de :

C. T. et K. M.

État partie :

Suède

Date de la requête :

7 septembre 2005 (date de la lettre initiale)

Le Comité contre la torture , institué en vertu de l’article 17 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,

Réuni le 17 novembre 2006,

Ayant achevé l’examen de la requête n o 279/2005, présentée par C. T. et K. M. au titre de l’article 22 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,

Ayant tenu compte de toutes les informations qui lui ont été communiquées par les requérants, leur conseil et l’État partie,

Adopte la décision ci ‑après au titre du paragraphe 7 de l’article 22 de la Convention contre la torture.

1.1 Les requérants sont C. T., de nationalité rwandaise et de souche hutu, et son fils, K. M., né en Suède en 2003. Ils sont tous les deux en attente d’expulsion de la Suède vers le Rwanda. Bien que les requérants n’invoquent pas de disposition précise de la Convention, leur requête semble soulever des questions au titre de l’article 3 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Ils sont représentés par un conseil .

1.2 Le 9 septembre 2005, le Comité a demandé à l’État partie de ne pas expulser les requérants vers le Rwanda tant qu’il serait saisi de leur requête, conformément au paragraphe 1 de l’article 108 du Règlement intérieur du Comité. Le 7 novembre 2005, l’État partie a fait droit à cette demande.

Exposé des faits

2.1 Avant son arrivée en Suède le 17 octobre 2002, la requérante vivait à Kigali. Son frère et elle étaient devenus membres du parti PDR ‑Ubuyanja entre février et mai 2002. En avril 2002, ils ont assisté à une réunion du parti. À la suite de cette réunion, les chefs du parti, MM. Bizimungu et Ntakirutinka, ont été arrêtés. En mai 2002, la requérante et son frère ont été arrêtés et elle a été enfermée dans un conteneur à Remera (Kigali), avec six autres femmes. Depuis lors, elle n’a plus revu son frère. Elle a été interrogée au sujet de son propre rôle et de celui de son frère dans le parti PDR ‑Ubuyanja. Elle a été violée à plusieurs reprises, sous la menace d’être exécutée, et elle est tombée enceinte de son fils, K. M., le deuxième requérant, qui est né en Suède.

2.2 En octobre 2002, un militaire a aidé la requérante à s’évader et l’a confiée à un ordre religieux qui a organisé sa fuite en Suède. Le 17 octobre 2002, elle est arrivée en Suède et a demandé l’asile. Le 23 mars 2004, sa demande a été rejetée par le Conseil des migrations pour manque de crédibilité et en raison de l’évolution de la situation au Rwanda après les élections de 2003. Son fils est né en 2003. Le 29 juin 2005, la décision du Conseil des migrations a été confirmée en appel par la Commission de recours des étrangers. Le 7 septembre 2005, la Commission de recours des étrangers a rejeté une nouvelle requête.

Teneur de la plainte

3.1 La requérante affirme que si elle était renvoyée au Rwanda elle serait immédiatement arrêtée et torturée par la Direction du renseignement militaire (DRM), en raison de son appartenance au PDR ‑Ubuyanja. Elle serait de nouveau violée et interrogée pour qu’elle révèle comment elle s’était évadée. Elle craint même que son fils et elle soient tués.

3.2 La requérante affirme également qu’elle serait jugée par les tribunaux Gacaca, mis en place par le Gouvernement pour venger le génocide de 1994. Elle fait valoir qu’elle fait partie des 760 000 Hutus qui doivent être jugés par ces tribunaux, notamment pour son implication présumée dans un massacre à l’hôpital de Kigali.

Observations de l’État partie sur la recevabilité et sur le fond

4.1 Le 19 juin 2006, l’État partie a fait ses observations sur la recevabilité et le fond. Il affirme que la requête est irrecevable car elle est manifestement infondée; il se réfère aux dispositions applicables de la loi sur les étrangers, soulignant qu’elles consacrent le même principe que celui qui figure au paragraphe 1 de l’article 3 de la Convention. L’autorité nationale qui conduit les entretiens avec les demandeurs d’asile est naturellement bien placée pour évaluer les informations présentées par eux. Le 9 novembre 2005, des modifications provisoires à la loi de 1989 sur les étrangers ont été adoptées. Elles ont pris effet le 15 novembre 2005, elles devaient rester applicables jusqu’à l’entrée en vigueur d’une nouvelle loi sur les étrangers le 31 mars 2006. Ces modifications ont ajouté de nouveaux critères sur la base desquels un permis de séjour peut être délivré à des étrangers sous le coup d’une décision définitive de non ‑admission sur le territoire ou d’expulsion. L’article 5 b) du nouveau chapitre 2 de la loi sur les étrangers prévoit que si des éléments nouveaux apparaissent concernant l’exécution d’une décision finale de non ‑admission ou d’expulsion, le Conseil suédois des migrations peut, à la demande de l’intéressé ou de sa propre initiative, lui accorder un permis de séjour si, entre autres critères, il y a des raisons de supposer que le pays de renvoi refuse de l’admettre sur son territoire ou si des raisons d’ordre médical s’opposent à l’exécution de la décision.

4.2 En outre, un permis de séjour peut également être accordé pour d’autres raisons que celles qui ont été mentionnées lorsque des considérations humanitaires urgentes l’exigent. Pour apprécier les aspects humanitaires, il faudrait en particulier tenir compte de la question de savoir si l’étranger se trouve en Suède depuis longtemps et si, eu égard à la situation dans le pays de renvoi, il n’est pas possible d’envisager des mesures coercitives pour appliquer la décision de non ‑admission sur le territoire ou d’expulsion. Quand des enfants sont concernés, il faudra aussi accorder une attention particulière à leur situation sociale, à la durée de leur séjour dans le pays et aux liens qui les unissent à l’État partie, ainsi qu’aux préjudices qui peuvent être causés à leur santé et à leur développement. Par ailleurs, si l’étranger a commis des infractions, il conviendra également d’en tenir compte, et un permis de séjour peut être refusé pour des raisons de sécurité. Les décisions rendues par le Conseil des migrations en application de l’article 5 b) du chapitre 2, tel que modifié, ne sont pas susceptibles de recours.

4.3 Sur les faits, l’État partie expose les motifs qui sous ‑tendent la décision du Conseil des migrations de rejeter la demande d’asile des requérants en application de l’article 2 du chapitre 3 de la loi sur les étrangers, leur demande de permis de résidence pour étrangers ayant besoin d’une autre forme de protection conformément à l’article 3 du chapitre 3 et leur demande de permis de résidence pour des motifs humanitaires au titre du paragraphe 1, alinéa 5, de l’article 4 du chapitre 2. Il a estimé que la situation générale qui règne au Rwanda ne constitue pas en soi un motif suffisant pour accorder l’asile aux requérants, que selon le Représentant spécial de l’Union européenne dans la région, cette situation a connu une évolution positive à la suite des élections générales de 2003, que le PDR ‑Ubuyanja a été interdit avant les élections de 2003, et que les personnes ordinaires soupçonnées d’être liées à ce parti ou celles qui y ont joué un rôle actif à un niveau subalterne ne peuvent être considérées comme risquant d’être persécutées ou harcelées et que certaines déclarations de la requérante étaient peu crédibles. L’État partie affirme que même si le Conseil suédois des migrations et la Commission de recours des étrangers ont tous deux estimé qu’il y avait matière à mettre en doute la crédibilité de certaines déclarations de la requérante, ce n’était pas le facteur qui avait déterminé leur décision. Le Conseil suédois des migrations a en effet estimé que par ‑delà les facteurs qui l’avaient amené à douter de la crédibilité de la requérante, l’évolution de la situation au Rwanda après les élections de 2003 avait été telle qu’il était improbable que la requérante risque d’y être persécutée en raison de son appartenance au PDR ‑Ubuyanja.

4.4 Depuis le rejet de la nouvelle demande par la Commission de recours des étrangers le 7 septembre 2005, une autre demande a été déposée le 23 septembre 2005. Le 21 novembre 2005, la Commission de recours des étrangers a renvoyé cette demande au Conseil suédois des migrations, conformément aux dispositions provisoires figurant à l’article 5 b) du chapitre 2 de la loi sur les étrangers de 1989. Le 3 mars 2006, le Conseil a rejeté la demande du fait que les certificats médicaux présentés par les requérants (y compris celui établi par un psychologue le 31 juillet 2005) ne montraient pas que la requérante souffrait d’une maladie mentale ou d’une condition analogue suffisamment grave pour que lui soit octroyé un permis de résidence pour des motifs médicaux. Pour ce qui est du requérant, qui avait alors presque trois ans, le Conseil était d’avis qu’il n’avait pas forgé avec la Suède des liens justifiant l’octroi d’un permis de résidence. Le 16 mars 2006, les requérants ont déposé, auprès du Conseil suédois des migrations, une autre demande de permis de résidence au titre de l’article 5 b) du chapitre 2 de la loi sur les étrangers de 1989. Le 15 août 2006, l’État partie a informé le Comité que, le 5 juillet 2006, le Conseil suédois des migrations avait conclu que les requérants ne remplissaient pas les conditions requises pour obtenir un permis de résidence. Après avoir examiné les avis d’ordre médical et psychologique qui n’avaient pas été présentés auparavant aux autorités suédoises, le Conseil a estimé qu’aucun fait nouveau n’était à signaler et qu’il n’y avait aucun obstacle d’ordre médical à l’exécution de l’arrêté d’expulsion. En outre, s’agissant du requérant, il a réitéré qu’il n’avait pas forgé avec la Suède des liens justifiant l’octroi d’un permis de résidence.

4.5 Sur le fond, l’État partie fait siennes les conclusions du Conseil suédois des migrations et de la Commission de recours des étrangers selon lesquelles les déclarations de la requérante au sujet de son rôle dans le PDR ‑Ubuyanja étaient vagues. Elle n’a fourni aucun détail sur ce parti, à l’exception du nom de son chef, l’ancien Président de la République Pasteur Bizimungu, et de son secrétaire général, l’ancien Ministre Charles Ntakirutinka. Elle n’a donné aucune précision sur les activités et le programme du parti, se contentant d’affirmer qu’il avait pour objectif de «reconstruire le pays et de donner à chacun ses droits». En outre, elle a modifié au cours de la procédure les informations qu’elle avait données au sujet de la date à laquelle elle était devenue membre du parti. Dans un premier temps, elle avait affirmé qu’elle y avait adhéré en mai 2002 à la suite d’une réunion. Toutefois, après le rejet de la première demande par le Conseil suédois des migrations, elle a changé sa version des faits affirmant qu’elle était devenue membre de ce parti à une date antérieure, en février ou en mars 2002. L’État partie tient à souligner que les nouvelles affirmations de la requérante contredisent la déclaration qu’elle avait faite devant le Conseil suédois des migrations, selon laquelle elle avait participé en avril 2002 à une réunion du parti à des fins d’adhésion.

4.6 L’État partie souligne qu’il y a certes plusieurs rapports internationaux faisant état d’arrestations de membres du PDR ‑Ubuyanja mais aucun de ces rapports ne confirme que la requérante et son frère aient été arrêtés et détenus. L’État partie note également que, selon des rapports internationaux, plusieurs des personnes arrêtées en raison de leur appartenance présumée au PDR ‑Ubuyanja ont été libérées. Quelques personnes seulement avaient été condamnées à des peines de prison par des tribunaux pénaux en raison de leur rôle dans ce parti.

4.7 Pour ce qui est du document établi par Félicien Dufitumukiza, un ancien représentant de la LIPRODHOR , soumis en guise de preuve par la requérante, l’État partie note qu’il y a sur le plan des faits une incohérence dans ce document en comparaison de ce qu’avaient déclaré les requérants aussi bien au cours de la procédure nationale que devant le Comité. M. Dufitumukiza se réfère à un journal de la LIPRODHOR datant de juillet 2001 selon lequel, à cette date, il n’y avait plus aucun membre encore vivant de la famille de C. T. Or les requérants affirment que la requérante et son frère ont été arrêtés au printemps de 2002, soit presque une année après la date de parution du journal dans lequel la LIPRODHOR affirme avoir trouvé des informations concernant la requérante. Le document n’indique pas qui a informé la LIPRODHOR de l’enlèvement de la requérante et de son frère.

4.8 Pour ce qui est de l’affirmation relative aux tribunaux Gacaca, l’État partie fait valoir que même si le système a été critiqué du point de vue des droits de l’homme, la communauté internationale en général, y compris l’Union européenne, l’ont soutenu. Pour ce qui est de l’allégation selon laquelle la requérante craint d’être jugée par les tribunaux Gacaca pour son implication présumée dans le génocide de 1994, l’État partie appelle l’attention du Comité sur le fait que cette allégation a été formulée pour la première fois dans la nouvelle demande déposée devant la Commission de recours des étrangers le 23 septembre 2005 et alors seulement par référence à une lettre, jointe à la demande, adressée par un certain M. U. à la requérante. Les requérants n’ont fourni aucun détail sur cette allégation ni aux autorités nationales ni au Comité et il n’y a aucun élément concluant pour corroborer cette crainte présumée. Les documents établis par M. Joseph Matata, représentant du Centre de lutte contre l’impunité et l’injustice au Rwanda, présentés par la requérante, ne mentionnent les tribunaux Gacaca que d’une manière générale et ne corroborent pas l’allégation selon laquelle la requérante court personnellement un risque. Le seul élément de preuve à l’appui de cette information est la lettre susmentionnée de M. U. Or cette lettre, qui n’est ni datée ni signée, ne fournit aucun détail concret sur l’enquête pénale présumée ou sur toute accusation pénale dont la requérante ferait encore l’objet au Rwanda. En outre, la lettre n’indique pas qui est son auteur ou comment elle ou il a reçu l’information. Selon l’État partie, cette lettre ne peut être considérée comme un élément de preuve fiable à l’appui de l’allégation selon laquelle en cas d’expulsion la requérante risque d’être traduite devant les tribunaux Gacaca pour actes génocides et encore moins qu’elle risque d’être torturée.

4.9 L’État partie rappelle la jurisprudence du Comité selon laquelle même si le fait d’avoir été torturé par le passé est un des éléments à prendre en compte lors de l’examen d’une requête au titre de l’article 3 de la Convention, le but de l’examen est de déterminer si les requérants risquent actuellement d’être soumis à la torture s’ils sont renvoyés dans leur pays . Dans ces conditions, même s’il était établi que la requérante a effectivement subi des mauvais traitements en 2002, cela ne prouve guère que son renvoi au Rwanda l’exposerait personnellement à un risque prévisible et réel d’être torturée et constituerait, par conséquent, une violation de l’article 3. L’État partie reconnaît que selon certaines informations, jusqu’à leur retrait en octobre 2002 les militaires enlevaient des femmes et des enfants dans les villages qu’ils investissaient pour qu’ils effectuent des corvées, servent les militaires et rendent des services sexuels.

4.10 L’État partie fait observer que même si la requérante avait prouvé qu’elle était membre du PDR ‑Ubuyanja, qu’elle avait été arrêtée et détenue et qu’elle avait réussi à s’échapper, la situation politique au Rwanda a connu des changements considérables depuis l’arrivée de la requérante en Suède, en particulier après les élections de 2003. Ce parti est interdit et ses activités sont contrôlées par les autorités. Mais il n’y a aucune donnée objective prouvant que des membres ordinaires de ce parti ou leurs proches aient quelque chose à craindre des autorités. Selon la déclaration même de la requérante, elle n’a assisté qu’à une réunion du parti. Si elle y a adhéré, cela n’a pu être qu’à un niveau subalterne. Elle n’a donc rien à craindre des autorités. Pour ces raisons, l’État partie conclut que les requérants n’ont pas démontré qu’ils courent personnellement un risque prévisible et réel d’être torturés s’ils retournaient au Rwanda.

Commentaires de la requérante sur les observations de l’État partie concernant la recevabilité et le fond

5.1 Dans leurs commentaires du 28 septembre 2006, les requérants se réfèrent à la décision du Conseil suédois des migrations en date du 5 juillet 2006 et appellent l’attention sur sa conclusion selon laquelle il n’y a aucun obstacle d’ordre médical à leur renvoi au Rwanda. Or le Conseil n’a pas pris en compte les effets d’une expulsion au Rwanda sur leur santé. Le Conseil a pris sa décision en dépit d’un rapport médical daté du 2 juin 2006 confirmant les allégations de viol de la requérante et attestant qu’elle souffrait de troubles post ‑traumatiques.

5.2 Pour ce qui est de l’affirmation de l’État partie selon laquelle le fait que la requérante n’ait pas donné suffisamment de détails sur le PDR ‑Ubuyanja montre son manque de crédibilité, la requérante fait valoir qu’un document en danois intitulé «PDK … Parti Démocratique pour le Renouveau ‑Ubuyanja (PDR ‑Ubuyanja) Udlaendingestyrelsen», daté du 19 juin 2003 donnant des informations générales sur ce parti, était à la disposition du Conseil suédois des migrations. Selon ce document le PDR ‑Ubuyanja n’est jamais devenu un véritable parti: il n’a jamais publié de programme, aucune carte d’adhésion n’a été émise et aucune liste officielle de membres n’a été établie. L’intérêt de la requérante pour ce parti s’est manifesté par la participation aux quelques réunions privées qui ont été organisées. En avril 2002, la requérante a participé à une réunion à Kigali avec son frère où ils ont rencontré M. Ntakirutinka qui les a recrutés. La DRM a dû savoir que le frère de la requérante était un employé de M. Ntakirutinka et aurait, rien qu’à ce titre, cherché à arrêter son frère et elle. Le même document indique également que des personnes qui avaient des liens avec des membres, ou qui étaient elles ‑mêmes soupçonnées d’être membres, du PDR ‑Ubuyanja auraient des problèmes au Rwanda, dans la mesure où elles pourraient être au courant de documents du PDR ‑Ubuyanja intéressant les autorités.

5.3 Selon les requérants, les autorités suédoises ont accordé peu d’attention à l’opinion du Haut ‑Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), exprimée dans un bulletin publié en janvier 2004 après les élections de 2003. Ce document indiquait qu’au début de 2004, presque deux ans après l’arrestation de M. Pasteur Bizimungu et de M. Ntakirutinka, les personnes affiliées au PDR ‑Ubuyanja étaient très menacées à l’intérieur du pays. En ce qui concerne les victimes de viol, les requérants citent l’observation suivante faite dans le document: «le délit de viol lui ‑même et la manière dont il est commis représentent une grave forme de torture et peuvent rendre nécessaire une protection internationale continue… Les demandes d’asile des victimes devraient être accueillies favorablement au motif que leur refus de revenir au Rwanda est fondé sur des raisons impérieuses en rapport avec les persécutions subies dans le passé…».

5.4 La requérante rend compte de ce qui lui est arrivé alors qu’elle était en détention et fait part du contenu d’une lettre émanant d’une femme qui aurait été détenue pendant la même période et corrobore son affirmation selon laquelle elle a été torturée durant sa détention. Depuis lors, l’intéressée a obtenu le statut de réfugié en France. Selon les requérants ce témoignage n’a pas été présenté pendant la procédure interne dans la mesure où la lettre est parvenue après le rejet définitif de la demande de la requérante et il était question d’une amnistie en faveur des familles ayant des enfants dont elle espérait bénéficier.

5.5 Pour ce qui est de l’argument de l’État partie selon lequel la déclaration de M. U. n’était ni datée ni signée, les requérants expliquent que seule la traduction en anglais de cette déclaration a été remise aux autorités suédoises et font tenir au Comité l’original manuscrit de la lettre signée par M. U. Ce dernier était un voisin de la requérante à Kigali. Contacté par celle ‑ci, qui craignait d’être renvoyée au Rwanda, M. U. s’est déclaré préoccupé par sa sécurité au cas où elle serait expulsée parce qu’il avait appris que son nom avait été cité dans la procédure devant les tribunaux Gacaca en tant que suspecte dans le massacre de Tutsis à l’hôpital CHK de Kigali en avril 1994. Par la suite, il a écrit cette lettre, dont l’original est signé. Le 13 août 2006, C. T. a appelé au téléphone M. U., qui avait alors envoyé un courrier électronique expliquant pourquoi il n’avait pas été possible d’obtenir le document dans lequel la requérante était citée en tant que suspecte. Selon ce courrier, la liste était confidentielle et n’avait pas été publiée par crainte que les suspects fassent défaut. M. U., à qui il a été demandé par la suite d’indiquer le nom de la personne qui lui avait dit que la requérante faisait partie des suspects, à quelle date cela s’était produit, etc., n’a pas répondu.

5.6 Pour ce qui est de l’argument de l’État partie selon lequel la requérante n’a invoqué sa mise en cause devant les tribunaux Gacaca qu’à un stade tardif de la procédure, les requérants affirment que cela s’explique par le fait que la procédure devant ces tribunaux est passée par plusieurs stades et que des témoignages plus nombreux ont été recueillis en 2005. C’est seulement lorsqu’elle a parlé à M. U. qu’elle a reçu l’information la concernant. Pour ce qui est de la procédure devant les tribunaux Gacaca, les requérants se réfèrent au rapport de Penal Reform International de juin 2006, dans lequel on peut lire, entre autres, que le Gacaca «soulève de graves inquiétudes quant à la situation des accusés».

5.7 Pour ce qui est de l’argument selon lequel il n’y a aucun élément de preuve attestant que des membres du PDR ‑Ubuyanja ont été arrêtés ou détenus depuis 2003, le Conseil des requérants indique qu’il a représenté devant les autorités suédoises un demandeur d’asile rwandais qui avait été torturé pendant qu’on l’interrogeait sur son rôle dans le PDR ‑Ubuyanja en 2004. Les autorités suédoises ont jugé l’intéressé crédible et lui ont accordé le statut de réfugié en 2005. En ce qui concerne le fait que ni la requérante ni son frère n’ont été mentionnés en tant que détenus dans une des listes d’Amnesty International, les requérants affirment que ces listes étaient incomplètes et que selon le document danois susmentionné «certains détenus figurant sur la liste d’Amnesty n’avaient en fait aucun lien avec le PDR ‑Ubuyanja».

5.8 Selon les requérants, les incohérences au niveau des dates figurant dans la lettre du représentant de la LIPRODHOR étaient une erreur typographique et un nouveau certificat a été présenté au Comité avec la date exacte. Enfin, les requérants font valoir que, eu égard aux circonstances abominables de la grossesse de la requérante, leur renvoi au Rwanda où ils n’ont aucun proche peut avoir de graves conséquences pour le fils de C. T. étant donné que sa mère ne sera peut ‑être pas en mesure de subvenir à ses besoins. Il fréquente actuellement une école maternelle et des examens sont effectués pour déterminer s’il ne souffre pas d’une forme d’autisme.

Délibérations du Comité

Examen de la recevabilité

6.1 Avant d’examiner une plainte soumise dans une requête, le Comité contre la torture doit déterminer si la requête est recevable en vertu de l’article 22 de la Convention. Le Comité s’est assuré, comme il est tenu de le faire, conformément au paragraphe 5 a) de l’article 22 de la Convention, que la même question n’a pas été et n’est pas actuellement examinée par une autre instance internationale d’enquête ou de règlement. Il note que l’État partie a confirmé dans sa lettre du 15 août 2006 que les recours internes avaient été épuisés.

6.2 Le Comité estime qu’il n’y a pas d’obstacle à la recevabilité de la requête. Il la déclare donc recevable et procède à son examen quant au fond.

Examen au fond

7.1 Le Comité doit déterminer si, en renvoyant les requérants au Rwanda, l’État partie violerait l’obligation qui lui est faite en vertu de l’article 3 de la Convention de ne pas expulser ou refouler une personne vers un autre État lorsqu’il y a des motifs sérieux de croire qu’elle risque d’être soumise à la torture.

7.2 Pour évaluer le risque de torture, le Comité tient compte de tous les éléments pertinents, notamment l’existence, dans le pays considéré, d’un ensemble de violations systématiques des droits de l’homme, graves, flagrantes ou massives. Toutefois, l’objectif de cette évaluation est de déterminer si la personne concernée risque personnellement d’être soumise à la torture dans le pays où elle retournerait. Dès lors, l’existence d’un ensemble de violations systématiques des droits de l’homme, graves, flagrantes ou massives dans le pays en question n’est pas en soi un motif suffisant pour conclure que cette personne risque d’être soumise à la torture à son retour dans ce pays; il doit exister des raisons supplémentaires de penser qu’elle serait personnellement en danger. À l’inverse, l’absence d’un ensemble de violations flagrantes et systématiques des droits de l’homme ne signifie pas qu’une personne ne puisse pas être considérée comme étant exposée au risque d’être torturée dans les circonstances qui sont les siennes.

7.3 Le Comité rappelle son Observation générale n o  1 sur l’article 3 de la Convention, où il est indiqué que, le Comité étant tenu de déterminer s’il y a des motifs sérieux de croire que le requérant risque d’être soumis à la torture s’il est expulsé, refoulé ou extradé, l’existence d’un tel risque doit être appréciée selon des éléments qui ne se limitent pas à de simples supputations ou soupçons. En tout état de cause, il n’est pas nécessaire de montrer que le risque couru est hautement probable. Sans être nécessairement hautement probable, le risque doit néanmoins être personnel et actuel. À cet égard, le Comité a établi dans des décisions antérieures que le risque de torture doit être prévisible, réel et personnel.

7.4 Le Comité note l’affirmation selon laquelle, en cas de renvoi au Rwanda, les requérants seraient détenus et torturés du fait de l’appartenance de la requérante au PDR ‑Ubuyanja, en raison de laquelle elle a été déjà arrêtée et torturée dans le passé. La requérante craint en outre d’être jugée par les tribunaux Gacaca. À ce sujet, sans vouloir se prononcer sur la question de savoir si les tribunaux Gacaca satisfont aux critères d’équité des procès énoncés dans les normes internationales, le Comité estime que la simple crainte de la requérante d’être jugée par eux ne suffit pas en soi pour justifier sa crainte d’être torturée.

7.5 En ce qui concerne l’allégation de la requérante selon laquelle elle a déjà été torturée dans le passé en raison de son militantisme politique, le Comité note que l’État partie doute de la crédibilité de la requérante vu le manque de précisions de ses déclarations, son incohérence, le peu d’informations qu’elle a fournies sur le PDR ‑Ubuyanja et sur son rôle dans ce parti, et prend acte de l’argument décisif selon lequel elle ne risque pas d’être torturée compte tenu de l’évolution de la situation après les élections de 2003. Le Comité relève que l’État partie n’a contesté ni dans le cadre de la procédure interne ni dans ses observations au Comité les affirmations de la requérante (étayées par deux certificats médicaux) selon lesquelles elle a été plusieurs fois violée en détention et qu’elle est tombée enceinte à la suite d’un de ces viols et a donné naissance à son fils en Suède. En réalité, un examen des décisions des autorités nationales montre que ces certificats médicaux n’ont pas du tout été pris en compte et que la question de savoir si la requérante avait effectivement été violée et quelles avaient été les conséquences de ces viols pour elle et son fils n’a pas été examinée. En conséquence, s’appuyant sur les rapports médicaux fournis et le fait que l’État partie n’a pas contesté l’allégation de la requérante, le Comité considère que cette dernière a bien été violée à plusieurs reprises pendant sa détention et a donc été soumise à la torture dans le passé. Compte tenu des dates de sa détention et de la date de naissance de son fils, le Comité considère qu’il ne fait aucun doute que celui ‑ci était né d’un viol par des agents de l’État et rappelle donc constamment à la requérante ce qu’elle a subi.

7.6 Pour ce qui est de l’argument général de l’État, à savoir que la requérante n’est pas crédible, le Comité rappelle sa jurisprudence selon laquelle on peut rarement attendre des victimes de torture une exactitude sans faille et que les contradictions qui peuvent exister dans l’exposé des faits par la requérante ne sont pas significatives et ne suscitent pas de doutes quant à la véracité générale de ses allégations, dès lors en particulier qu’il a été démontré qu’elle avait été plusieurs fois violée pendant sa détention . Le Comité tient également compte de la version révisée de la lettre de la LIPRODHOR (par. 5.8), dont l’authenticité n’a pas été contestée par l’État partie, qui confirme l’arrestation de la requérante avec son frère par la Direction du renseignement militaire.

7.7. S’agissant de la situation générale au Rwanda, le Comité considère que les renseignements fournis par les requérants démontrent que des tensions ethniques subsistent dans le pays, ce qui accroît la probabilité que la requérante soit torturée à son retour au Rwanda. Pour les raisons susmentionnées, le Comité estime qu’il existe des motifs sérieux de croire que la requérante risquerait d’être soumise à la torture si elle est renvoyée au Rwanda.

8. Le Comité contre la torture, agissant en vertu du paragraphe 7 de l’article 22 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, conclut que l’expulsion des requérants vers le Rwanda constituerait une violation de l’article 3 de la Convention.

9. Le Comité engage instamment l’État partie, en application du paragraphe 5 de l’article 112 de son règlement intérieur, à l’informer, dans un délai de quatre ‑vingt ‑dix jours à compter de la date de transmission de la présente décision, des mesures qu’il aura prises pour donner effet à celles ‑ci.

Communication n o 280/2005

Présentée par :

Gamal El Rgeig (représenté par un conseil)

Au nom de :

Gamal El Rgeig

État partie :

Suisse

Date de la requête :

15 septembre 2005 (date de la lettre initiale)

Le Comité contre la torture , institué en vertu de l’article 17 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,

Réuni le 15 novembre 2006,

Ayant achevé l’examen de la requête n o  280/2005, présentée par Gamal El Rgeig en vertu de l’article 22 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,

Ayant tenu compte de toutes les informations qui lui ont été communiquées par le requérant et l’État partie,

Adopte la décision ci ‑après au titre du paragraphe 7 de l’article 22 de la Convention contre la torture.

1.1 Le requérant est Gamal El Rgeig, un ressortissant libyen né en 1969, actuellement résident en Suisse où il avait déposé une demande d’asile le 10 juin 2003; cette demande a été rejetée le 5 mars 2004. Il affirme que son renvoi forcé vers la Libye constituerait une violation, par la Suisse, de ses droits au titre de l’article 3 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Il est représenté par un conseil.

1.2 Le 16 septembre 2005, en vertu du paragraphe 1 de l’article 108 de son règlement intérieur, le Comité, agissant par l’entremise de son Rapporteur spécial chargé des nouvelles requêtes et des mesures provisoires, a demandé à l’État partie de surseoir au renvoi du requérant pendant l’examen de sa requête. Par note verbale du 27 octobre 2005, l ’État partie a informé le Comité qu’il accédait à cette demande.

Rappel des faits présentés par le requérant

2.1 En février 1989, le requérant a été arrêté en raison de ses «activités politiques» et a été détenu à la prison d’Abou Salim pendant six ans, sans jamais être inculpé ou jugé. Pendant sa détention, il aurait été soumis à plusieurs reprises à des mauvais traitements et des actes de torture.

2.2 Il a été libéré en 1995 et aurait continué à être harcelé par les forces de sécurité. Il aurait été convoqué régulièrement au poste de sécurité où il aurait été menacé et torturé, et, en 2000, des agents de l’État auraient fait irruption chez lui pour confisquer son ordinateur. Suite à cet incident, il aurait été arrêté et torturé à plusieurs reprises. La dernière arrestation aurait eu lieu en 2002 et à cette occasion les actes de torture auraient été plus sévères.

2.3 En mars 2003, il aurait appris qu’un de ses amis, emprisonné à la même période que lui et pour les mêmes raisons, avait été à nouveau emprisonné du fait que son nom figurait sur une liste. Il en aurait conclu que son nom figurait aussi sur cette liste. Suite à ces événements le requérant aurait quitté la Libye vers l’Égypte, où il aurait obtenu un visa italien, grâce à «une connaissance» à l’ambassade italienne. Il est arrivé en Italie, d’où il a rejoint la Suisse. Le 10 juin 2003, à son arrivée en Suisse, il a déposé une demande d’asile et a produit des documents officiels démontrant son emprisonnement durant six ans, ainsi qu’une des convocations qu’il aurait reçues après sa libération, datée de décembre 1997.

2.4 Le requérant affirme qu’il a continué ses activités politiques en Suisse, où il a entretenu des rapports avec différentes organisations et associations militant pour les droits de l’homme en Libye. Il aurait reçu deux courriers de la part de sa famille l’informant que les forces de sécurité étaient venues à plusieurs reprises le chercher et qu’elles avaient menacé des membres de la famille. Suite à ces événements, sa famille se serait vue contrainte de déménager.

2.5 Le 5 mars 2004 , la demande d’asile du requérant a été rejetée par l’Office fédéral des réfugiés (ODR), maintenant l’Office fédéral des migrations (ODM), qui a ordonné son expulsion du territoire suisse avec délai au 30 avril 2004. Le requérant note que l’ODR a reconnu qu’il avait été emprisonné sans être jugé, mais a conclu qu’il n’était pas établi qu’il a été torture et persécuté après sa libération en 1995. Le 5 avril 2004, le requérant a interjeté appel contre cette décision et le 7 juillet 2004 la Commission de recours en matière d’asile (CRA) a rejeté l’appel, estimant qu’il y avait de nombreuses incohérences factuelles dans les affirmations du requérant et que son récit des faits n’était pas crédible. Elle a donc confirmé la décision de l’ODR ordonnant son renvoi sous menace d’expulsion.

2.6 Le 8 septembre 2005, le commissaire de police (de Genève) a rendu un ordre de mise en détention administrative à l’encontre du requérant. Le 9 septembre 2005, la Commission cantonale de recours de police des étrangers a confirmé l’ordre de mise en détention pour la durée d’un mois, soit jusqu’au 8 octobre 2005. Le 19 septembre 2005, le requérant a fait appel devant le tribunal administratif de Genève contre la décision de la Commission du canton de Genève en matière de police des étrangers du 9 septembre 2005, confirmant l’ordre de sa mise en détention administrative. En annexe à son re cours au tribunal administratif figuraient des lettres d’appui à sa demande d’asile de la part d’organisations non gouvernementales travaillant sur la Libye et des réfugiés politiques en Suisse. Le requérant a été libéré à une date non précisée, et le 27 septembre 2006, le tribunal administratif a décidé de radier son recours du rôle, parce que devenu sans objet .

Teneur de la plainte

3. Selon le requérant, l’Office fédéral des réfugiés a reconnu qu’il avait été emprisonné pendant six ans sans jamais être jugé mais a estimé qu’il n’avait pas réussi à prouver qu’il avait été persécuté entre 1995 et 2003, alors que ces preuves étaient impossibles à apporter. Les autorités suisses n’auraient pas examiné les rapports récents publiés par différents observateurs internationaux qui font état de cas de détention et de torture en Libye. Le requérant affirme qu’il y a des raisons sérieuses de croire qu’il serait soumis à la torture s’il était renvoyé en Libye et que, par conséquent, son expulsion vers ce pays constituerait une violation par la Suisse de l’article 3 de la Convention.

Observations de l’État partie sur le fond de la requête

4.1 Par note verbale du 27 octobre 2005, l’État partie déclare ne pas contester la recevabilité de la requête et, le 16 mars 2006, il a présenté des observations sur le fond. En ce qui concerne l’effectivité du recours auprès du tribunal administratif du canton de Genève, l’État partie observe que l’objet de cette procédure ne vise que la légalité de la détention administrative, n’affectant pas le caractère exécutoire de la décision de l’Office fédéral des migrations (ODM) ordonnant le renvoi du requérant. L’État partie conclut que le recours au tribunal administratif ne saurait ainsi être qualifié d’utile et rappelle qu’il n’a pas contesté la recevabilité de la requête.

4.2 L’État partie souligne que le requérant n’apporte aucun élément pertinent nouveau qui permettrait de remettre en question la décision de la CRA. Il note que, suite à un examen approfondi des allégations du requérant, la CRA, à l’instar de l’ODR, n’a pas été convaincue que le requérant risquait sérieusement d’être persécuté s’il était renvoyé en Libye.

4.3 Ayant rappelé la jurisprudence du Comité et son Observation générale n o 1 relative à l’application de l’article 3, l’État partie fait siens les motifs retenus par la CRA à l’appui de ses décisions rejetant la demande d’asile du requérant et confirmant son renvoi. Il rappelle la jurisprudence du Comité selon laquelle l’existence d’un ensemble de violations systématiques des droits de l’homme graves, flagrantes ou massives ne constitue pas un motif suffisant pour conclure qu’un individu risquerait d’être victime de la torture à son retour dans son pays, et que des motifs supplémentaires doivent exister pour que le risque de torture soit qualifié, aux fins du paragraphe 1 de l’article 3, de «prévisible, réel et personnel».

4.4 L’État partie soutient que vu que le requérant a été libéré le 2 mars 1995, il n’existe aucun lien temporel entre sa détention et la fuite du requérant en 2003, ce qui aurait été confirmé par le requérant lors de son audience d’enregistrement du 13 juin 2003. Dans cette audience, le requérant a confirmé qu’il n’avait pas eu de problème avec les autorités après sa libération et avait quitté la Libye parce qu’il n’y trouvait pas de travail. À cela, il avait ajouté avoir «peur de retourner en prison». Ces affirmations se trouvent en apparente contradiction avec les déclarations du requérant lors de son audition cantonale selon lesquelles il aurait été continuellement persécuté après sa libération en 1995 en raison des idées propagées relatives à la liberté d’expression et au multipartisme. Même si le requérant a ultérieurement modifié les motifs de sa fuite, en invoquant notamment le harcèlement et les mauvais traitements persistants en raison de ses convictions politiques, la situation des dissidents en Libye ne permet pas, à elle seule, de conclure qu’il risquerait d’être victime de torture à son retour dans ce pays. L’État partie ajoute que le requérant n’a pas fourni le moindre élément qui permettrait de conclure que les forces de sécurité auraient continué à le harceler, voire le maltraiter après sa libération. La convocation de 1997 l’obligeant à se présenter au poste de sécurité El Barak ne saurait influencer ce constat.

4.5 L’État partie rappelle que le requérant est non seulement resté en Libye pendant huit ans après sa libération mais aussi qu’il y est retourné après un voyage en Égypte en 2001. À cette occasion, malgré le fait que le requérant serait, selon ses propres déclarations, interdit de voyager par les autorités, aucune procédure n’a été menée à son encontre, bien que les autorités aient tamponné son passeport lors de ses deux passages frontaliers. L’État partie estime également surprenant que le requérant ait pu obtenir sans problème un passeport en août 1998.

4.6 L’État partie note qu’il y avait plusieurs incohérences dans les documents d’appui des organisations non gouvernementales présentés en annexe au recours à la CRA, et que notamment, en contradiction avec les déclarations du requérant lors de l’audition cantonale selon lesquelles il avait toujours travaillé seul, certains de ces documents affirment qu’il avait été actif dans des groupes politiques. Ces documents se limitent, pour l’essentiel, à relever que le requérant a été détenu entre 1989 et 1995.

4.7 L’État partie prend note aussi de deux lettres de membres de la famille du requérant, datées du 5 mars 2004 et du 6 juin 2005, selon lesquelles ils auraient été harcelés par les forces de sécurité et se seraient sentis contraints à déménager. Il note que l’auteur lui ‑même n’a jamais ressenti un tel besoin. L’État partie estime surprenant que le requérant n’a pas porté à la connaissance de la CRA l’existence de la lettre du 5 mars 2004 lorsqu’il a apporté des observations complémentaires a son recours.

4.8 L’État partie conclut que la requête est dénuée de tout fondement et demande au Rapporteur spécial chargé des nouvelles requêtes et des mesures provisoires de lever les mesures provisionnelles et au Comité d’examiner la requête au plus tôt.

Commentaires du requérant sur les observations de l’État partie concernant la requête

5.1 Le requérant informe que le recours interjeté auprès du tribunal administratif de Genève a été retiré car devenu sans objet suite à sa libération.

5.2 Il rappelle les faits exposés, notamment sa détention pendant six ans en Libye et les tortures subies. Il se réfère à un certificat médical émis en avril 2006 par un médecin des hôpitaux universitaires de Genève, spécialisé dans les soins aux victimes de torture et de guerre qui atteste l’existence de séquelles physiques et psychologiques qui concordent avec les faits décrits.

5.3 Le requérant rappelle qu’en Suisse il a continué à participer à des activités en faveur des droits de l’homme en Libye et avait participé à une manifestation publique et que les services libyens à Genève surveillent de près ce genre d’activités. Il aurait été continuellement interrogé sur ses démarches lorsqu’il était encore en Libye et serait manifestement surveillé sur celles opérées depuis la Suisse. De surcroît, sa famille serait systématiquement interrogée sur ses activités et sur le lieu où il se trouve. Le requérant se réfère à une lettre datée du 5 mars 2004 adressée par un ami qui a rendu visite à sa famille en Libye et qui attesterait qu’ils étaient harcelés par les forces de sécurité et lui conseillait de ne pas rentrer. Il se réfère à un rapport détaillé de la section suisse d’Amnesty International sur le renvoi forcé de requérants d’asile libyens vers leur pays d’origine.

5.4 Le requérant apporte les documents suivants: la décision du tribunal administratif de Genève du 26 septembre 2005; une attestation du service de sécurité de l’intérieur de Libye du 17 mai 2003; une copie d’un courrier de son ami datée du 5 mars 2004; des attestations d’appui d’organisations non gouvernementales libyennes ainsi que des copies de plusieurs rapports d’organisations non gouvernementales internationales, et les observations et recommandations du Comité contre la torture sur les rapports de la Libye de 1999 et de 2005.

5.5 Concernant les prétendues incohérences factuelles, le requérant conteste qu’elles aient une quelconque incidence sur le fond de l’affaire. Il affirme que son unique erreur est d’avoir déclaré, lors de son premier entretien en Suisse, avoir quitté la Libye faute d’y trouver un emploi. Il s’était senti très déstabilisé lors de cet entretien et ne parvenait pas à s’exprimer correctement. Au surplus, il ne comprenait pas réellement ce qui se passait et ce qu’on attendait de lui: il lui était continuellement répété d’être bref. Il avait toutefois ajouté avoir toujours vécu en Libye avec la peur. Comme cela peut être constaté dans les rapports de plusieurs organisations internationales et non gouvernementales la situation en Libye ne s’est pas améliorée. Le requérant estime que dans la mesure où il a été victime de torture et de persécutions lorsqu’il habitait en Libye, où sa famille est toujours menacée, et vu qu’il est sous surveillance en Suisse, il sera à nouveau soumis à la torture s’il y est renvoyé.

Délibérations du Comité

Examen de la recevabilité

6. Avant d’examiner une plainte contenue dans une communication, le Comité contre la torture doit décider si elle est recevable en vertu de l’article 22 de la Convention. Le Comité s’est assuré, comme il est tenu de le faire conformément à l’alinéa a du paragraphe 5 de l’article 22 de la Convention, que la même question n’a pas été et n’est pas actuellement examinée par une autre instance internationale d’enquête ou de règlement. Dans le cas d’espèce, l’État partie n’a pas contesté la recevabilité. Le Comite estime que la requête est donc recevable.

Examen au fond

7.1 Sur le fond, le Comité doit se prononcer sur le point de savoir si le renvoi du requérant vers la Libye violerait l’obligation de l’État partie, en vertu de l’article 3 de la Convention, de ne pas expulser ou refouler une personne vers un autre État où il y a des motifs sérieux de croire qu’elle risque d’être soumise à la torture.

7.2 Le Comité doit décider, comme le prévoit le paragraphe 1 de l’article 3, s’il existe des motifs sérieux de croire que le requérant risquerait d’être soumis à la torture s’il était renvoyé en Libye. Pour prendre cette décision, le Comité doit tenir compte de toutes les considérations pertinentes, conformément au paragraphe 2 de l’article 3, y compris de l’existence d’un ensemble de violations systématiques des droits de l’homme, graves, flagrantes ou massives. Toutefois, le but de cette analyse est de déterminer si l’intéressé risquerait personnellement d’être soumis à la torture dans le pays de renvoi. Le Comité rappelle sa jurisprudence établie selon laquelle l’existence, dans un pays, d’un ensemble de violations systématiques des droits de l’homme, graves, flagrantes ou massives ne constitue pas en soi une raison suffisante d’établir qu’une personne donnée serait en danger d’être soumise à la torture à son retour dans ce pays . Il doit exister d’autres motifs qui donnent à penser que l’intéressé serait personnellement en danger. Pareillement, l’absence d’un ensemble de violations flagrantes et systématiques des droits de l’homme ne signifie pas qu’une personne ne puisse pas être soumise à la torture dans la situation particulière qui est la sienne.

7.3 Le Comité rappelle son Observation générale n o  1 sur l’article 3, dans laquelle il déclare qu’il doit déterminer s’il y a des motifs sérieux de croire que le requérant risque d’être soumis à la torture s’il est renvoyé dans le pays concerné, et que l’existence d’un tel risque doit être appréciée selon des éléments qui ne se limitent pas à de simples supputations ou soupçons. Il n’est pas nécessaire de montrer que le risque couru est hautement probable, mais ce risque doit être encouru personnellement et actuellement. Il prend également note que l’État partie avance l’absence d’un lien temporel entre la détention du requérant et sa fuite du pays, et l’existence de multiples incohérences et contradictions dans les dires du requérant. Il prend acte des informations fournies par le requérant à cet égard, notamment qu’il avait été déstabilisé lors de son premier entretien, ainsi que des documents à l’appui de sa demande d’asile en Suisse.

7.4 Néanmoins, et mis à part ses activités passées, le requérant a présenté au Comité, dans le cadre de la présente communication, des attestations d’organisations de réfugiés libyens en Europe, faisant valoir le soutien apporté par celui ‑là à leurs organisations, ainsi que ses activités politiques antérieures, avant son départ de la Libye, et ses rapports avec des mouvements religieux d’opposition qui y sont interdits et dont les membres sont poursuivis. Le requérant a également fait état de rencontres avec des représentants des autorités consulaires libyennes à Genève, lesquels lui avaient opposé le fait d’avoir déposé une demande d’asile politique. Enfin, il présente la copie d’un certificat médical du 24 avril 2006, où un médecin d’un hôpital genevois, spécialiste des troubles post ‑traumatiques, conclut à un lien de causalité entre les lésions corporelles, l’état psychologique du requérant, et les sévices subis tels que décrits par ce dernier lors de son examen médical. Selon le médecin, dans son état psychologique actuel, le requérant ne paraît pas apte à surmonter un retour forcé vers la Libye et une telle contrainte constituerait un risque certain pour sa santé. L’État partie n’a pas formulé de commentaires à ce sujet. Dans les circonstances particulières du cas d’espèce, et notamment au vu des conclusions du rapport médical cité sur l’existence de séquelles importantes des actes de torture subis par le requérant, ses activités politiques ultérieures à son départ de la Libye (telles que décrites aux paragraphes 2.4 et 5.3 ci ‑dessus), et eu également égard aux rapports persistants sur le traitement réservé en général à cette catégorie d’activistes lors de leur retour forcé en Libye, le Comité considère que l’État partie ne lui a pas présenté des arguments suffisamment convaincants pour montrer que le requérant ne courrait absolument aucun risque d’être torturé s’il était renvoyé de force vers la Libye.

8. Le Comité contre la torture, agissant au titre du paragraphe 7 de l’article 22 de la Convention, est de l’avis que le retour forcé du requérant vers la Libye constituerait une violation, par la Suisse, de ses droits au titre de l’article 3 de la Convention.

9. Conformément au paragraphe 5 de l’article 112 de son règlement intérieur, le Comité invite l’État partie à l’informer, dans un délai de quatre ‑vingt dix jours à compter de la date de transmission de la présente décision, des mesures qu’il aura prises conformément aux constatations ci-dessus.

Communication n o 281/2005

Présentée par :

M me Elif Pelit (représentée par un conseil)

Au nom de :

M me Elif Pelit

État partie :

Azerbaïdjan

Date de la requête :

21 septembre 2005 (date de la lettre initiale)

Le Comité contre la torture , institué en vertu de l’article 17 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,

Réuni le 1 er mai 2007,

Ayant achevé l’examen de la requête n o 281/2005 présentée au nom de M me Elif Pelit en vertu de l’article 22 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,

Ayant tenu compte de toutes les informations qui lui ont été communiquées par le requérant, son conseil et l’État partie,

Adopte la décision ci ‑après au titre du paragraphe 7 de l’article 22 de la Convention contre la torture.

1.1 La requérante est M me Elif Pelit, turque d’origine kurde, née en 1972, qui, lorsque la communication a été présentée, était en attente d’expulsion d’Azerbaïdjan vers la Turquie; elle affirmait que si elle était renvoyée en Turquie, elle risquerait d’y être soumise à la torture, en violation de l’article 3 de la Convention. Elle est représentée par un conseil.

1.2 Par une note verbale datée du 22 septembre 2005, le Comité a transmis la requête à l’État partie, en même temps qu’une demande de son rapporteur spécial chargé des mesures provisoires de protection le priant, en application du paragraphe 1 de l’article 108 du Règlement intérieur, de ne pas renvoyer la requérante en Turquie tant que sa requête serait à l’examen. Le 1 er décembre 2005, l’État partie a informé le Comité qu’il accédait à cette demande. Nonobstant cette information, le 13 octobre 2006, l’État partie a extradé la requérante vers la Turquie . Par une note verbale datée du 30 avril 2007, l’État partie a informé le Comité que la requérante avait été remise en liberté par décision du tribunal d’Istanbul chargé des crimes graves rendue le 12 avril 2007.

Rappel des faits présentés par la requérante

2.1 De 1993 à 1996, la requérante a été détenue en Turquie après avoir été inculpée d’«activités subversives» et de «terrorisme» pour le compte du PKK (Parti des travailleurs du Kurdistan). Elle a été remise en liberté après avoir été acquittée par la Cour de sûreté de l’État d’Istanbul, faute de preuves. Elle affirme avoir été torturée pendant sa détention, sans toutefois préciser en quoi consistaient les actes de torture ni produire de certificat médical.

2.2 En 1998, la requérante s’est enfuie en Allemagne, où elle a obtenu le statut de réfugié. En 2002, elle a commencé à travailler comme journaliste pour une agence de presse prokurde. En février 2003, elle a été envoyée en Iraq pour couvrir les événements dans ce pays. En novembre 2003, elle a fait un reportage sur une conférence de presse du PKK dans le nord de l’Iraq, qui a été diffusé sur la chaîne de télévision Al ‑Jazeera. En mai 2004, le bureau de l’agence de presse à Mossoul a été attaqué par des individus armés non identifiés, qui ont emporté les documents de voyage de la requérante. Le 6 novembre 2004, celle ‑ci a pénétré sur le territoire azerbaïdjanais pour prendre contact avec l’ambassade d’Allemagne et obtenir de nouveaux documents de voyage. Les autorités azerbaïdjanaises l’ont alors arrêtée pour être entrée illégalement dans le pays.

2.3 Le 3 décembre 2004, le tribunal d’instance d’Istanbul chargé des crimes graves a condamné la requérante par contumace à une peine d’emprisonnement de dix ans pour participation à des activités subversives pour le compte du PKK, parce qu’elle avait assisté en tant que journaliste à une réunion de membres du PKK dans le nord de l’Iraq. Le 6 décembre 2004, le même tribunal a demandé son extradition aux autorités azerbaïdjanaises.

2.4 Le 17 mars 2005, le tribunal de Charoursk, au Nakhitchevan (Azerbaïdjan), a condamné la requérante à une amende pour entrée illégale sur le territoire. Bien qu’il ait ordonné sa remise en liberté, des agents du Ministère de l’intérieur ont procédé à son arrestation dans la salle d’audience et l’ont emmenée à Bakou, où elle a été incarcérée. Le 2 juin 2005, le Tribunal d’Azerbaïdjan chargé des crimes graves a décidé de l’extrader vers la Turquie. Le 2 septembre 2005, la cour d’appel a confirmé la décision, qui est devenue exécutoire immédiatement. Le 14 septembre 2005, la requérante a interjeté appel auprès de la Cour suprême mais comme cet appel n’a pas d’effet suspensif elle risque d’être extradée à tout moment.

Teneur de la plainte

3. La requérante affirme que son expulsion vers la Turquie constituerait une violation de l’article 3 de la Convention car il existe des motifs sérieux de croire qu’en cas de renvoi en Turquie elle serait soumise à la torture ou à d’autres traitements inhumains et contrainte de faire des aveux. Elle serait immédiatement placée en garde à vue et interrogée par le Département de la lutte antiterroriste. Par le passé, l’Azerbaïdjan a renvoyé en Turquie un nombre important de personnes soupçonnées de liens avec le PKK.

Observations de l’État partie sur la recevabilité

4.1 En date du 1 er janvier 2005, l’État partie a contesté la recevabilité de la requête, la jugeant irrecevable parce que la requérante n’a pas apporté suffisamment d’éléments montrant que, comme elle l’affirme, elle courrait personnellement un risque prévisible et réel d’être soumise à la torture ou à d’autres traitements inhumains au sens de l’article 3 de la Convention.

4.2 L’État partie fait observer que la situation générale qui règne actuellement en Turquie ne permet pas de penser que des personnes (notamment d’origine kurde) courraient un risque d’être torturées si elles étaient renvoyées dans ce pays. En 2003, une loi appelée loi sur la réinsertion dans la société a été adoptée afin de faire cesser les persécutions des membres du PKK; plusieurs pays de l’Union européenne partagent cette façon de voir.

4.3 L’État partie rappelle que, selon la jurisprudence du Comité, l’existence dans un pays d’un ensemble systématique de violations graves des droits de l’homme ne constitue pas en soi un motif suffisant pour établir qu’une personne court un risque réel d’être torturée si elle est expulsée vers ce pays; il doit exister des «motifs spéciaux» donnant à penser que l’intéressé serait personnellement en danger. Comme le Comité l’a souligné, il faut qu’il y ait des motifs sérieux de croire que l’intéressé court un risque prévisible, réel et personnel d’être soumis à la torture dans le pays de renvoi. L’État partie a rappelé aussi que, d’après le Comité, la charge de la preuve incombe au requérant et l’existence d’un risque de torture doit être appréciée selon des éléments qui ne se limitent pas à de simples supputations ou soupçons.

4.4 Pour l’État partie, les critères susmentionnés ne s’appliquent pas à l’allégation de la requérante, qui affirme qu’elle sera «très probablement» soumise à la torture si elle est extradée, à cause de faits qui remontent à 1993.

4.5 L’État partie a invoqué l’Observation générale n o 1 du Comité, en vertu de laquelle le risque doit être «hautement probable» et encouru «personnellement et actuellement». On ne saurait qualifier de «récent» un incident survenu il y a près de treize ans. La requérante n’a par ailleurs apporté aucun élément montrant les mauvais traitements qu’elle aurait subis, comme le requièrent les alinéas b et c du paragraphe 8 de l’Observation générale du Comité.

4.6 L’État partie a fait observer que le Comité a affirmé avec constance que c’était aux tribunaux des États parties à la Convention et non à lui ‑même qu’il appartenait d’apprécier les faits et les éléments de preuve dans une affaire donnée, pour autant que ces tribunaux n’enfreignent pas le principe d’indépendance, ce qui, de l’avis de l’État partie, n’est pas le cas en l’espèce.

4.7 Dans la présente affaire, les tribunaux azerbaïdjanais n’ont pas conclu qu’il existait des «motifs spéciaux» ni un «risque réel, prévisible et personnel» pour la requérante d’être torturée si elle était renvoyée en Turquie. De plus, la requérante n’a pas eu d’activités politiques qui auraient pu l’exposer à des risques particuliers.

4.8 L’État partie affirme aussi qu’il a reçu des autorités turques des assurances diplomatiques concernant l’application à l’égard de M me Pelit des dispositions de l’article 14 de la Convention européenne sur l’extradition relatives à la «règle de la spécialité». Si elle est extradée, la requérante ne sera pas l’objet de poursuites pénales pour des faits antérieurs au transfèrement, autres que ceux ayant motivé la demande d’extradition.

Commentaires de la requérante sur les observations de l’État partie

5.1 Le 20 février 2006, la requérante a fait parvenir sa réponse aux observations de l’État partie. Elle réitère qu’elle a été torturée en Turquie pendant sa détention entre 1993 et 1996. Elle fait valoir que, comme il est généralement admis, le réfugié qui a déjà été soumis à la torture est fondé à craindre de subir à nouveau cette forme de persécution s’il est renvoyé dans son pays d’origine. À l’époque, elle avait été torturée parce qu’on la soupçonnait d’entretenir des liens avec le PKK. Or c’est ce même fait qui motive la demande d’extradition actuelle. La requérante estime par conséquent que les conditions énoncées au paragraphe 8 b) de l’Observation générale n o 1 du Comité sont remplies.

5.2 La requérante rappelle qu’elle a obtenu le statut de réfugié en Allemagne et explique que quand elle a demandé l’asile elle a fait état des tortures qu’elle avait subies et souligne que les autorités allemandes n’ont pas mis en doute sa crédibilité.

5.3 En ce qui concerne l’argument de l’État partie qui affirme que la situation en Turquie a évolué, elle fait observer que, malgré les progrès accomplis, des personnes qui se trouvaient dans une situation analogue à la sienne auraient été torturées en Turquie dans un passé récent.

5.4 La requérante relève que les pièces présentées par les autorités turques manquent de précision et de clarté. Elle cite à l’appui de son propos la traduction suivante d’un passage d’un document non spécifié: «À raison de son appartenance à l’organisation terroriste illégale (en vertu de l’article 168, par. 2, du Code pénal), Elif Pelit est condamnée par contumace à une peine d’emprisonnement. La peine est réputée commencer le 2 décembre 2004 et prendra donc fin le 3 décembre 2014.».

5.5 La requérante affirme que la Turquie demande son extradition pour la punir de ses opinions politiques; il est probable que pour ce faire la torture sera employée.

5.6 La requérante demande sa remise en liberté immédiate pour pouvoir retourner en Allemagne, où elle bénéficie du statut de réfugié.

Délibérations du Comité

Examen de la recevabilité

6.1 Le Comité a examiné la recevabilité de la communication au cours de sa trente ‑sixième session, en mai 2006. Il s’est assuré que la même question n’a pas été et n’est pas actuellement examinée par une autre instance internationale d’enquête ou de règlement et a noté que l’État partie n’a pas soulevé d’objection relativement à l’épuisement des recours internes. Il a noté également que l’État partie a indiqué avoir reçu des autorités turques des assurances diplomatiques concernant l’application à l’égard de la requérante de la «règle de la spécialité» prévue à l’article 14 de la Convention européenne sur l’extradition et que la requérante n’a fait aucune observation à ce propos. Le Comité a en outre fait remarquer qu’en l’espèce, la question était de savoir non pas si la requérante serait jugée en cas de renvoi en Turquie, et à quel motif, mais plutôt si elle risquait d’être torturée dans ce pays.

6.2 Le Comité a en outre noté que l’État partie a contesté la recevabilité de la communication en arguant que la requérante n’avait pas apporté suffisamment d’éléments montrant que, si elle était extradée, elle courrait un risque prévisible, réel et personnel d’être soumise à la torture ou à d’autres traitements inhumains au sens de l’article 3 de la Convention. Il a aussi noté que la requérante dit avoir été torturée en Turquie entre 1993 et 1996, parce qu’elle était soupçonnée d’avoir des liens avec le PKK et que c’est le même motif qui fondait la demande d’extradition qui la visait. C’est précisément pour ce motif qu’elle avait obtenu le statut de réfugié en Allemagne. Le Comité a noté que, d’après la requérante, malgré l’évolution générale de la situation en Turquie intervenue ces dernières années, des personnes soupçonnées de liens avec le PKK avaient été soumises à la torture. Le Comité a donc décidé que la communication était recevable et a prié l’État partie de soumettre des observations sur le fond.

Observations de l’État partie

7.1 En date du 9 octobre 2006, l’État partie a rappelé les faits de l’espèce: M me Pelit a été arrêtée en Turquie en 1993. En 1996, la Cour de sûreté de l’État d’Istanbul l’a acquittée faute de preuve. En 1998, elle est arrivée en Allemagne avec de faux papiers et a obtenu l’asile politique dans ce pays en 1999.

7.2 Le 6 novembre 2004, elle a été arrêtée en Azerbaïdjan pour être entrée illégalement dans ce pays. Lors du passage de la frontière, elle était accompagnée d’individus armés, qui se sont retirés après un échange de coups de feu avec les gardes frontière azerbaïdjanais. Le 17 mars 2005, le tribunal d’instance de Charoursk l’a reconnue coupable en vertu de l’article 318.2 du Code pénal et l’a condamnée à une amende. Une fois l’amende réglée, elle a été libérée.

7.3 Au cours de l’enquête préliminaire, le 6 décembre 2004, les autorités turques ont adressé au Ministère azerbaïdjanais de la justice une demande d’extradition. Cette demande a été faite conformément à la Convention européenne sur l’extradition de 1957, sur la base d’un arrêt du 3 décembre 2004 du tribunal d’instance d’Istanbul chargé des crimes particulièrement graves condamnant M me Pelit en application de l’article 168/2 du Code pénal. Un mandat d’arrêt a été lancé contre elle à ce motif. La requérante a donc été de nouveau arrêtée le 17 mars 2005 et son affaire a été renvoyée au Tribunal d’Azerbaïdjan chargé des crimes graves, qui a compétence en matière d’extradition. Le 2 juin 2005, ce tribunal a autorisé l’extradition de la requérante. Un recours contre cette décision a été déposé auprès de la cour d’appel, le 20 juin 2005. Le 2 septembre 2005, la cour d’appel a confirmé la décision d’extradition. Le 14 septembre 2005, l’avocat de la requérante a formé un recours en cassation devant la Cour suprême. Le 25 octobre 2005, la Cour suprême s’est déclarée incompétente pour examiner cet appel.

7.4 Étant donné que la requérante prétendait avoir obtenu le statut de réfugié et considérait que l’article 33 de la Convention relative au statut des réfugiés aurait dû s’appliquer dans son cas, l’État partie note qu’elle a été reconnue en tant que réfugiée par un tribunal allemand en 1999. Les décisions des tribunaux étrangers ne sont pas exécutoires en Azerbaïdjan. Pour faire reconnaître la décision d’un tribunal étranger, il faut une requête spécifique à cet effet auprès de la Cour suprême, conformément au Code de procédure civile. Dans le cas d’espèce, aucune requête en reconnaissance de la décision de 1999 du tribunal allemand n’a été présentée à la Cour suprême.

7.5 Selon l’État partie, le statut de réfugié est accordé en Azerbaïdjan par le Comité d’État pour les questions de réfugiés. La requérante n’a jamais obtenu ce statut. L’État partie note que le bureau du HCR à Bakou a présenté au Tribunal chargé des crimes graves une déclaration faisant remarquer que le statut de réfugié accordé par une partie à la Convention relative au statut des réfugiés de 1951 doit être reconnu par toutes les autres parties à la Convention. L’État partie suppose que le bureau du HCR à Bakou se réfère à l’alinéa f de la Conclusion n o 12 du Comité exécutif du HCR «Effet extraterritorial de la détermination du statut de réfugié» . Toutefois, cette conclusion n’a qu’un caractère de recommandation. L’État partie invoque une autre conclusion non contraignante du Comité exécutif du HCR, la Conclusion n o 8 «Détermination du statut de réfugié», dont le paragraphe f) dit qu’«il serait généralement souhaitable qu’un État contractant accepte la reconnaissance du statut de réfugié pratiquée par d’autres États parties à ces instruments». D’un autre côté, le paragraphe g) de la Conclusion n o 12 stipule que «le statut du réfugié détenu dans un État contractant ne doit être remis en question par un autre État contractant que dans des cas exceptionnels s’il apparaît que l’intéressé ne remplit manifestement pas les conditions requises par la Convention». Selon l’État partie, en présence de justifications sérieuses, concernant par exemple «la participation aux activités de structures illégales», et d’informations émanant des services de sécurité azerbaïdjanais selon lesquelles la requérante était un membre actif du PKK, les autorités compétentes de l’État partie ont eu raison de remettre en question le statut de réfugié de la requérante.

7.6 Selon l’ État partie , le cas de M me Pelit ne relève pas de l’alinéa f b) de l’article premier de la Convention relative au statut des réfugiés, puisqu’elle a commis un crime grave de droit commun en dehors du pays qui lui a accordé l’asile, avant d’y être admise comme réfugiée. Par ailleurs, en application du paragraphe g) de la Conclusion n o 17 du Comité exécutif du HCR , «la protection en matière d’extradition s’applique aux personnes qui remplissent les critères de la définition du réfugié et qui ne sont pas exclues du bénéfice du statut de réfugié en vertu de l’alinéa f b) de l’article premier».

7.7 Selon l’ État partie , les tribunaux azerbaïdjanais n’avaient aucune raison de considérer que le crime à raison duquel l’extradition de la requérante était demandée était à caractère politique ou lié à un crime politique, condition nécessaire pour rejeter une demande d’extradition conformément à la Convention européenne sur l’extradition. Les tribunaux ont noté que M me Pelit avait été arrêtée auparavant en Turquie, à deux reprises, en tant que personne soupçonnée d’appartenir à une organisation terroriste, mais qu’elle avait été remise en liberté faute de preuve. L’ État partie y voit la preuve de l’impartialité dont les tribunaux turcs ont fait montre dans ce cas. Les tribunaux azerbaïdjanais se sont également penchés sur la question de savoir si les crimes imputés à la requérante constituaient des crimes en droit azerbaïdjanais (au titre des articles 278 et 279 du Code pénal, par exemple).

7.8 L’ État partie invoque la résolution 1373 (2001) du Conseil de sécurité des Nations Unies en date du 28 septembre 2001, qui interdit de donner refuge à ceux qui financent, organisent, appuient ou commettent des actes terroristes. L’ État partie rappelle la déclaration du Comité lui ‑même en date du 22 novembre 2001, dans laquelle ce dernier dit croire que quelle que soit la riposte à la menace du terrorisme international adoptée par les États parties, cette riposte sera conforme aux obligations qu’ils ont contractées en ratifiant la Convention contre la torture.

7.9 L’État partie rappelle que le paragraphe f) de la Conclusion n o 17 du Comité exécutif du HCR souligne que «rien dans les présentes conclusions ne doit être considéré comme portant atteinte à la nécessité pour les États d’assurer, conformément à la législation nationale et aux instruments internationaux, le châtiment des infractions graves, telles que la capture illégale d’aéronefs, la prise d’otages et le meurtre». L’emploi de l’expression «telles que» signifie que la liste des crimes n’est pas exhaustive, et que la liste de 1980 est obsolète dans la mesure où elle ne contient pas des crimes graves reconnus par la communauté internationale après cette date (par exemple le terrorisme). Les tribunaux azerbaïdjanais sont parvenus à la conclusion correcte que les actes commis par M me Pelit sont constitutifs de crimes graves au sens de l’alinéa f b) de l’article premier de la Convention relative au statut des réfugiés. Le principe du non ‑renvoi ne s’appliquait donc pas dans son cas.

7.10 L’État partie rappelle que la situation générale des droits de l’homme en Turquie ne permet pas d’affirmer que les personnes en général, les Kurdes en particulier, qui sont renvoyées dans ce pays risquent d’être soumises à la torture. Après l’adoption par la Turquie de la loi de 2003 sur la réinsertion dans la société, de nombreux actes de persécution visant les partisans du PKK ont cessé. Cet avis est partagé par plusieurs pays européens . L’existence d’un ensemble de violations systématiques et flagrantes des droits de l’homme dans un pays donné ne constitue pas en soi un motif suffisant pour conclure que l’individu risque d’être soumis à la torture à son retour dans ce pays. Pour l’État partie, la requérante n’a pas apporté la preuve qu’elle risque d’être soumise à la torture si elle est extradée, comme elle avait déjà été torturée en 1993.

7.11 L’État partie rappelle la jurisprudence du Comité selon laquelle il appartient aux tribunaux des États parties et non au Comité d’évaluer les faits et les preuves dans une affaire donnée, à moins que lesdits tribunaux ne violent ouvertement le principe d’impartialité. Dans le cas d’espèce, les tribunaux azerbaïdjanais n’ont trouvé aucun «motif spécial» ni constaté l’existence d’un risque «réel, prévisible et personnel» de torture couru par la requérante. Les tribunaux ont constaté que la requérante ne s’était livrée à aucune activité politique qui ferait qu’elle courrait un risque particulier d’être soumise à la torture si elle est extradée .

7.12 En outre, les autorités azerbaïdjanaises ont reçu des assurances diplomatiques concernant l’application de l’article 14 de la Convention européenne sur l’extradition (règle de la spécialité). En conséquence, si la requérante est renvoyée en Turquie, elle ne serait poursuivie pour aucun crime autre que celui mentionné dans le mandat d’arrêt. Les autorités azerbaïdjanaises ont reçu de la Turquie des assurances diplomatiques claires et convaincantes excluant clairement la torture et autres formes de traitements inhumains à l’encontre de M me Pelit après son extradition. En application de ces garanties, les autorités azerbaïdjanaises auraient diverses possibilités de surveiller le respect des droits de M me Pelit, ce qui est, selon l’État partie, conforme aux recommandations formulées par le Rapporteur spécial des Nations Unies sur la torture dans des situations similaires.

7.13 L’État partie note en outre que la requérante peut toujours saisir la Cour européenne des droits de l’homme si elle estime que ses droits ont été violés.

7.14 Se référant à différentes décisions du Comité et de la Cour européenne des droits de l’homme, l’État partie rappelle que le risque de torture allégué doit être réel et non une simple possibilité. L’existence de ce risque doit être corroborée à première vue. Or aucun commencement de preuve n’a été apporté dans le présent cas.

7.15 L’État partie conclut que la requérante n’a pas apporté des preuves suffisantes qu’elle court un risque prévisible, réel et personnel d’être soumise à la torture et autres mauvais traitements en contravention de l’article 3 de la Convention.

8.1 Le 17 octobre 2006, l’avocat de la requérante a informé le Comité que M me Pelit avait été extradée en Turquie le 13 octobre 2006. L’avocat n’a été informé qu’après coup du transfèrement de sa cliente.

8.2 Compte tenu de ces éléments, le Comité, par l’entremise de son rapporteur spécial sur les mesures provisoires, a adressé à l’État partie une note verbale datée du 17 octobre 2006 dans laquelle il rappelait que le non ‑respect d’une demande de mesures provisoires de protection compromettait la protection des droits inscrits dans la Convention. L’État partie a été prié de fournir des éclaircissements sur la situation actuelle de M me Pelit et sur le lieu où elle se trouvait.

8.3 Le 8 novembre 2006, l’État partie a réitéré les informations contenues dans sa communication du 9 octobre 2006. Il a ajouté qu’il avait pris contact avec les autorités turques pour organiser une rencontre entre un représentant autorisé et la requérante, afin de s’enquérir de sa situation et de son état de santé. La communication de l’État partie a été transmise au conseil de la requérante, pour commentaires de celui ‑ci, mais aucune réponse n’a été reçue.

8.4 Le Comité a examiné la situation de la requérante au cours de sa trente ‑septième session, en novembre 2006. Il a décidé d’adresser une lettre à l’État partie. Dans cette lettre, datée du 24 novembre 2006, le Comité s’est déclaré gravement préoccupé par la manière dont l’État partie avait agi dans cette affaire. Le Comité a prié l’État partie de lui fournir rapidement des informations sur l’état de santé et le lieu de détention actuels de M me Pelit. Le 8 février 2007, l’État partie a été de nouveau invité à présenter des observations à ce sujet.

9.1 Le 26 février 2007, l’État partie a fourni des informations mises à jour sur la situation de la requérante en Turquie. Il note que depuis l’extradition de la requérante, l’ambassade d’Azerbaïdjan en Turquie assure un suivi régulier des conditions dans lesquelles la requérante est détenue, et un conseiller de l’ambassade a eu des entretiens en privé avec elle.

9.2 La requérante est actuellement détenue dans l’établissement pénitentiaire «Gebze M Tipli Kapali Infaz Kurumu» (à Gebze) et, lors d’un entretien, elle a confirmé qu’elle était détenue dans des conditions normales. Elle a accès à son avocat et a droit à un appel téléphonique de cinq minutes chaque semaine. Des journaux lui sont fournis tous les jours.

9.3 L’État partie fait remarquer que les détenus ne peuvent pas recevoir de la nourriture de l’extérieur mais que la requérante a droit à trois repas par jour. Dans une conversation avec le conseiller de l’ambassade, elle s’est dite généralement satisfaite de la nourriture, qui était néanmoins parfois de mauvaise qualité. Elle a passé une visite médicale dans l’établissement pénitentiaire et aucun problème de santé n’a été décelé.

9.4 Lors d’une autre conversation privée avec le représentant de l’ambassade, la requérante a confirmé qu’elle n’avait pas été soumise à la torture ou à des mauvais traitements par les autorités pénitentiaires. Elle a également affirmé que son état de santé était satisfaisant. L’État partie ajoute qu’il continuera de surveiller la situation de la requérante.

Délibérations du Comité

Violation de l’article 22 de la Convention

10.1 Le Comité note tout d’abord que l’auteur a été transféré en Turquie le 13 octobre 2006 alors même que, par une demande de mesures provisoires en application du paragraphe 9 de l’article 108 du Règlement intérieur, il avait prié l’État partie de ne pas transférer la requérante tant que la communication de celle ‑ci était à l’examen.

10.2 Le Comité demeure profondément préoccupé par le fait que l’État partie, après avoir dans un premier temps accédé à la demande du Comité, n’en a ensuite pas tenu compte et a transféré la requérante en Turquie. L’État partie est prié d’éviter d’agir de la sorte à l’avenir. Le Comité rappelle qu’en ratifiant la Convention et en reconnaissant volontairement la compétence du Comité en vertu de l’article 22, l’État partie s’est engagé à coopérer de bonne foi au déroulement de la procédure de plainte individuelle instituée par cet article et à lui donner plein effet. La décision de l’État partie d’expulser la requérante malgré la demande de mesures provisoires du Comité a annulé l’exercice effectif du droit de plainte conféré par l’article 22 de la Convention et rendu la décision finale du Comité sur le fond vaine et vide de sens. Le Comité conclut donc qu’en expulsant la requérante dans les circonstances décrites ci ‑dessus, l’État partie a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 22 de la Convention.

Examen au fond

11. Sur le fond du grief au titre de l’article 3, le Comité a noté qu’en l’espèce, la requérante avait obtenu le statut de réfugié en Allemagne, les autorités allemandes ayant considéré qu’elle risquait d’être victime de persécutions en cas de renvoi en Turquie. Elle bénéficiait encore de ce statut lorsqu’elle a été expulsée vers la Turquie par les autorités de l’État partie. Le Comité rappelle les dispositions du paragraphe f) de la Conclusion n o 12 du Comité exécutif du Haut ‑Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés relative à l’effet extraterritorial de la détermination du statut de réfugié, selon lesquelles «il est inhérent au but même de la Convention de 1951 et du Protocole de 1967 que le statut de réfugié déterminé par un État contractant soit reconnu par les autres États contractants». L’État partie n’a pas expliqué pourquoi il n’a pas respecté ce principe dans le cas de la requérante, à savoir dans des circonstances où la situation générale de personnes telles que la requérante et l’expérience qu’elle a vécue dans le passé soulevaient de réels problèmes au regard de l’article 3 de la Convention. Le Comité note en outre que les autorités azerbaïdjanaises ont reçu de la Turquie des assurances diplomatiques au sujet de la question des mauvais traitements, ce qui revient en soi à reconnaître qu’en cas d’expulsion, la requérante risquerait de subir de tels traitements. Bien que la situation de la requérante ait fait l’objet d’un certain suivi après son renvoi, l’État partie n’a pas mis le texte de ces assurances à la disposition du Comité pour qu’il puisse juger par lui ‑même, à travers une évaluation indépendante ou par d’autres moyens, si la protection offerte était satisfaisante (voir la démarche du Comité dans l’affaire Agiza c. Suède ), et il n’a pas donné suffisamment de détails sur le suivi assuré et les mesures prises pour que, dans les faits et de l’avis de la requérante, ce suivi soit objectif, impartial et suffisamment fiable. Dans ces circonstances, et étant donné que l’État partie a extradé la requérante alors que, dans un premier temps, il avait accédé à la demande de mesures provisoires du Comité, ce dernier considère que la façon dont l’État partie a traité l’affaire de la requérante est assimilable à une violation des droits protégés par les dispositions de l’article 3 de la Convention.

12. Le Comité contre la torture, agissant en vertu du paragraphe 7 de l’article 22 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, est d’avis que l’expulsion de la requérante constitue une violation des articles 3 et 22 de la Convention.

13. Conformément au paragraphe 5 de l’article 112 de son règlement intérieur, le Comité souhaite recevoir, dans un délai de quatre ‑vingt ‑dix jours, des renseignements sur les mesures que l’État partie aura prises pour donner suite aux constatations ci ‑dessus.

Communication n o 282/2005

Présentée par :

S. P. A. (représentée par un conseil)

Au nom de :

S. P. A.

État partie :

Canada

Date de la requête :

26 septembre 2005 (date de la lettre initiale)

Le Comité contre la torture , institué en vertu de l’article 17 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,

Réuni le 7 novembre 2006,

Ayant achevé l’examen de la requête n o 282/2005, présentée au nom de S. P. A., en vertu de l’article 22 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,

Ayant tenu compte de toutes les informations qui lui ont été communiquées par la requérante, son conseil et l’État partie,

Adopte la décision ci ‑après au titre du paragraphe 7 de l’article 22 de la Convention contre la torture.

1.1 La requérante est M me S. P. A., de nationalité iranienne, née le 7 mai 1954 à Tonekabon (Iran), résidant actuellement au Canada, où elle est menacée d’expulsion. Elle affirme que son renvoi en République islamique d’Iran constituerait une violation par le Canada des articles 3 et 16 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Elle est représentée par un conseil.

1.2 Conformément au paragraphe 3 de l’article 22 de la Convention, le Comité a porté la requête à l’attention de l’État partie le 27 septembre 2005 et lui a demandé, en vertu du paragraphe 1 de l’article 108 de son règlement intérieur, de ne pas expulser la requérante vers l’Iran tant que sa requête serait en cours d’examen. L’État partie a par la suite informé le Comité que la requérante n’avait pas été expulsée.

Teneur de la plainte

2.1 La requérante a obtenu un diplôme d’infirmière en 1986 en Iran; elle est devenue infirmière en chef à l’hôpital Rejai et enseignante à l’Université islamique Azad de Mahal Salas Tonekabon. L’une de ses responsabilités consistait à acheter des fournitures d’infirmerie, notamment des os et des cadavres à des fins d’enseignement. Vers la fin de 1999, elle a remarqué la mauvaise qualité des os fournis: on y relevait en effet des signes de fractures et il lui a semblé évident que les personnes auxquelles ils appartenaient avaient subi des traumatismes avant leur décès. La requérante a informé M., le fournisseur, qu’elle ne pouvait pas utiliser les os, puis elle a adressé un rapport au doyen de l’Université. Les os qui lui furent alors livrés étaient en excellent état. Lorsqu’elle a voulu connaître l’origine de cette dernière livraison, M. a informé la requérante que le premier ensemble provenait de «groupes antirévolutionnaires», alors que le second avait été obtenu dans un cimetière arménien. Choquée par cette information, la requérante s’est adressée au magistrat pour la loi islamique, considérant qu’il s’agissait là d’une question religieuse. Le magistrat lui a répondu qu’il allait se renseigner.

2.2 Par la suite, la requérante a plusieurs fois remarqué que les cadavres fournis avaient la peau claire; renseignements pris, ils provenaient du cimetière bahaï. Elle s’est une nouvelle fois adressée au magistrat, qui lui a dit qu’il avait ordonné que les corps soient pris dans le cimetière bahaï, car la religion bahaïe était inférieure à l’islam. Lorsqu’elle a exprimé son désaccord avec lui, la requérante a été accusée d’être une antirévolutionnaire. Ce soir ‑là, elle a été arrêtée sans inculpation chez elle, et emmenée dans un sous ‑sol du Ministère du renseignement et de la sécurité, où elle a été interrogée alors qu’elle avait les yeux bandés. Malgré ses explications, elle a été accusée d’insulter la religion islamique, torturée et frappée. Elle a été enfermée dans une cellule et interrogée chaque nuit, toujours les yeux bandés. Elle a été frappée avec des bâtons et des fils de fer, rouée de coups de pied, insultée et injuriée. Elle a reçu des décharges électriques et a été contrainte de rester debout pendant des heures sans dormir. Les blessures qui lui avaient été infligées à la tête étaient particulièrement graves et ne cessaient de saigner, et ses orteils étaient contusionnés et en sang.

2.3 Au bout de deux mois, parce qu’elle continuait de saigner, elle a été emmenée dans une voiture, un soir après minuit, pour recevoir des soins médicaux. En chemin, le conducteur s’est arrêté et est sorti de la voiture sans la verrouiller. La requérante est sortie du véhicule et est montée à l’arrière de la première voiture qui était garée à proximité. Elle a réussi à indiquer son nom et son adresse au chauffeur et lui a demandé de l’accompagner chez elle avant de perdre connaissance. Le chauffeur de la voiture l’a reconnue et l’a emmenée à Rasht où elle a été soignée. La requérante passait d’un état de conscience à un état d’inconscience. Une fois guérie, on lui a dit qu’elle se trouvait à Kermanchah, en lieu sûr. Les personnes qui se sont occupées d’elle pendant plusieurs mois lui ont conseillé de quitter l’Iran. Elles l’ont aidée à obtenir son passeport de sa famille et, avec l’aide d’un passeur, elle s’est rendue à Doubaï, puis en Colombie. Elle a informé le passeur qu’elle ne souhaitait pas rester en Colombie, et s’est donc rendue successivement en Turquie, en Grèce, en Espagne, en Jamaïque, au Mexique et au Canada. Lorsqu’elle est arrivée au Canada, le 10 septembre 2001, elle a demandé à bénéficier du statut de réfugié.

2.4 Elle a ensuite été informée par des parents en Iran que les autorités la recherchaient et qu’elles s’étaient rendues chez sa sœur avec plusieurs mandats d’arrêt. Elles avaient menacé sa fille et demandé à parler à son mari. Elle a également été informée que le chauffeur qui la conduisait du lieu où elle était détenue à l’endroit où elle devait être soignée avait été soudoyé, et qu’il devait l’emmener dans sa famille. Du fait de son évasion, sa famille n’a eu connaissance de l’endroit où elle se trouvait qu’au bout d’un mois et demi, lorsqu’elle a été contactée par les gens de Kermanchah Enfin, on a dit à la requérante que les personnes de Kermanchah avaient été payées par sa famille pour s’occuper d’elle et l’aider à quitter l’Iran.

2.5 La demande présentée par la requérante pour obtenir le statut de réfugié sur la base de ses opinions politiques a été rejetée le 2 mai 2003. Le 23 mai 2003, elle a déposé une demande d’autorisation de contrôle juridictionnel de cette décision, qui a été rejetée le 16 septembre 2003. Le 25 mars 2004, elle a déposé une demande tendant à ce que sa requête soit examinée au titre de l’article 25 1) de la loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (requête pour motif humanitaire), dans laquelle elle fournissait de nouveaux éléments de preuve selon lesquels elle avait été employée comme infirmière en chef et formatrice à l’Université de Mahal Salas Tonekabon. Elle a également présenté une demande d’examen des risques avant renvoi le 13 août 2004, puis fourni de nouveaux éléments de preuve, sous forme de lettres de sa fille et de sa sœur, ainsi qu’une citation à comparaître datée du 22 décembre 2003, émanant du Tribunal révolutionnaire islamique de Téhéran, lui demandant de se présenter au tribunal le 6 janvier 2004. Les demandes pour motif humanitaire et d’examen des risques avant renvoi ont été rejetées par le même fonctionnaire, et la décision a été notifiée à la requérante le 16 août 2005. Une demande d’autorisation de contrôle juridictionnel du rejet des deux demandes a été déposée au Tribunal fédéral le 25 août 2004. Une demande de sursis à expulsion présentée par la requérante a été rejetée le 26 septembre 2005.

2.6 La requérante devait être expulsée vers la République islamique d’Iran le 27 septembre 2005. Sa demande d’autorisation de contrôle juridictionnel des demandes pour motif humanitaire et d’examen des risques avant renvoi a ultérieurement été rejetée le 1 er décembre 2005.

Teneur de la plainte

3.1 La requérante fait valoir qu’elle serait emprisonnée, torturée, voire tuée si elle était renvoyée en Iran, en violation des articles 3 et 16 de la Convention. Cette affirmation se fonde sur le fait qu’elle est perçue comme une opposante connue au régime iranien et que le fait qu’un passeport a été demandé à son nom a alerté les autorités iraniennes sur son retour imminent. Étant donné qu’elle a fait l’objet d’une citation à comparaître et qu’elle ne s’est pas rendue à la convocation, il est très probable, compte tenu des informations objectives concernant le pays, qu’un mandat d’arrêt sera délivré à son encontre. Le conseil fait référence au rapport de pays établi par la Direction de l’immigration et de la nationalité du Ministère de l’intérieur du Royaume ‑Uni, daté d’octobre 2003, selon lequel le système judiciaire traditionnel iranien n’est pas indépendant et fait l’objet d’ingérences du Gouvernement et des autorités religieuses. D’après le rapport, il est notoire que les tribunaux révolutionnaires devant lesquels sont jugés les crimes contre la sécurité nationale et autres infractions majeures ne respectent pas les normes internationales en matière d’équité. Les magistrats de ces tribunaux sont à la fois procureur et juge dans la même affaire, et ils sont choisis pour leur engagement idéologique à l’égard du système. Les actes d’accusation manquent de clarté et ils se réfèrent à des infractions indéfinies telles que «comportement antirévolutionnaire». Le conseil soutient que les personnes accusées de «comportement antirévolutionnaire» ne sont pas traitées de manière équitable lorsqu’elles sont détenues; bien que la Constitution interdise les arrestations et détentions arbitraires, la période de détention au secret ne serait pas limitée par la loi, et il n’y aurait aucun moyen judiciaire de déterminer la légalité de la détention. Qui plus est, les femmes sont souvent violées ou torturées pendant leur détention, et de nombreux rapports font état d’exécutions extrajudiciaires, de tortures, de conditions de détention éprouvantes et de disparitions.

3.2 Le conseil présente un certificat médical, daté du 22 juin 2005, basé sur la fiche de renseignements personnels de la requérante, ainsi qu’un entretien et un examen cliniques réalisés le 17 juin 2005, qui concluent à la présence de nombreuses cicatrices sur le corps de l’intéressée. On relève d’importantes blessures au visage et au cuir chevelu, qui tendent à confirmer l’existence de traumatismes contondants décrits par la requérante. Il semblerait que la cicatrice irrégulière déprimée au sommet du crâne correspondent à une lésion qui a été laissée ouverte et suturée à une date ultérieure, comme indiqué par la requérante. Les cicatrices sur ses bras et ses jambes ne sont pas aussi spécifiques, mais sont compatibles avec un traumatisme contondant. L’onycholyse bilatérale des orteils est caractéristique d’une blessure post ‑traumatique à l’ongle, et pourrait certainement être due au fait qu’on lui a écrasé les pieds à plusieurs reprises, comme elle l’a indiqué. Le rapport médical conclut que ses antécédents psychologiques reflètent probablement des troubles post ‑traumatiques chroniques.

3.3 Le conseil fait valoir que l’agent qui a procédé à l’examen des risques avant renvoi n’a pas évalué le risque dans la mesure où il a estimé que la requérante ne semblait pas crédible, et ce, malgré le rapport établi par un praticien indépendant, selon lequel les blessures de la requérante concordaient avec les informations fournies dans sa fiche de renseignements personnels. En outre, le conseil souligne que l’agent chargé de l’examen des risques avant renvoi n’a pas établi que le mandat d’arrêt concernant la requérante n’était pas authentique.

Observations de l’État partie sur la recevabilité et sur le fond

4.1 Le 27 juin 2006, l’État partie affirme, au sujet de l’article 3, que la requête est irrecevable car elle est manifestement infondée, étant donné que la requérante n’a pas étayé ses allégations, ne serait ‑ce que de prime abord. Sa requête repose sur un récit qui, selon les instances internes compétentes, manque de crédibilité et n’est pas plausible. S’agissant de l’article 16, la requérante n’a pas cherché à étayer son allégation, laquelle est par conséquent irrecevable dans la mesure où elle est manifestement infondée. Outre l’absence totale d’élément de preuve concernant ce point, selon la jurisprudence du Comité, l’aggravation de l’état de santé d’un requérant ayant pu être causée par une expulsion ne constitue pas une forme de traitement cruel, inhumain ou dégradant au sens de l’article 16 .

4.2 En ce qui concerne le champ d’application de l’article 3, l’État partie rappelle que dans cet article il est question de «motifs sérieux» de croire qu’une personne risque d’être soumise à la torture, et que dans son observation générale au sujet de cet article, le Comité note que c’est au requérant qu’il appartient d’établir qu’il court un risque d’être torturé. Les motifs sur lesquels repose une plainte doivent être sérieux et être appréciés «selon des éléments qui ne se limitent pas à de simples supputations ou soupçons», comme le Comité l’a confirmé dans de nombreuses décisions. L’examen des facteurs pertinents permet de conclure qu’il n’y a pas de motifs sérieux de croire que la requérante risque d’être soumise à la torture. En particulier, sa crédibilité suscite de sérieux doutes, et sa plainte est incohérente et peu plausible. Il n’y a pas de raisons crédibles de considérer que la requérante a le profil de quelqu’un qui serait susceptible d’intéresser les autorités iraniennes, ou qui serait particulièrement vulnérable en cas de renvoi en Iran.

4.3 En ce qui concerne la crédibilité et la plausibilité des allégations et la portée de l’examen du Comité, l’État partie reconnaît que le Comité ne s’attend pas à ce que les déclarations de la requérante soient absolument précises. Ce qui est nécessaire c’est que les faits invoqués puissent être considérés comme «suffisamment étayés et crédibles» . Cependant, les incohérences importantes relevées dans le cas d’espèce «peuvent avoir une incidence sur les délibérations du Comité quant à la question de savoir si le requérant risque d’être soumis à la torture s’il était renvoyé dans son pays» . Il n’appartient pas au Comité d’apprécier les éléments de preuve ou de réévaluer les constatations de fait des organes judiciaires ou des responsables nationaux . Les allégations de la requérante et les éléments de preuve destinés à les étayer sont identiques à ceux qui ont été présentés aux organes judiciaires ou aux responsables nationaux, compétents et impartiaux, lesquels ont estimé qu’ils ne permettaient pas de conclure que la requérante court un risque en Iran. L’analyse des éléments de preuve et les conclusions tirées par la Commission canadienne de l’immigration et du statut de réfugié, ainsi que par l’agent chargé de l’examen des risques avant renvoi, qui a évalué le risque auquel la requérante pouvait être exposée si elle était renvoyée en Iran, étaient adéquates et solidement fondées.

4.4 L’État partie rappelle que le Comité ne peut examiner les conclusions relatives à la crédibilité d’une affaire à moins qu’il ne soit manifeste que l’évaluation a été arbitraire ou constitue un déni de justice. La requérante n’a pas fait d’allégations en ce sens et la documentation présentée ne permet pas de conclure que la décision de la Commission ait été entachée de tels vices . Aucun élément ne donne à penser que les autorités nationales ont eu le moindre doute dans leur évaluation ni que leur examen n’a pas été pleinement satisfaisant: la requérante est simplement mécontente des résultats des délibérations des autorités nationales et de la perspective d’une expulsion mais elle n’a présenté ni allégation ni élément de preuve indiquant que la procédure a été entachée d’irrégularités. En conséquence, il n’existe aucun motif pouvant amener le Comité à juger nécessaire de réévaluer les conclusions sur les faits et la crédibilité auxquels sont parvenues les instances nationales. Toutefois, si le Comité estimait devoir se pencher sur la crédibilité des allégations de la requérante, il constaterait sans nul doute, en portant son attention sur certains des points les plus importants, que son récit n’est pas crédible.

4.5 En ce qui concerne le rôle qu’elle a eu à l’Université, la requérante a indiqué sur sa fiche de renseignements personnels qu’elle était chargée d’acheter toutes les fournitures nécessaires pour la faculté des soins infirmiers et que l’Université avait conclu un accord de six ans avec le fournisseur d’ossements. Toutefois, dans sa déposition orale, elle a déclaré qu’elle était chargée de passer les commandes d’ossements et que celles ‑ci avaient commencé en 1998, un an seulement avant que ses problèmes ne commencent. En ce qui concerne son arrestation et les tortures qu’elle aurait subies, elle a déclaré dans sa fiche de renseignements personnels avoir reconnu la voix de son premier cousin, membre du ministère, comme étant celle de l’un de ses interrogateurs. Par contre, dans sa déposition orale, elle a dit que son premier cousin était l’une des personnes qui l’avaient arrêtée.

4.6 En ce qui concerne le récit que la requérante fait de son évasion, l’État partie partage l’avis de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada qui estime qu’il n’est pas crédible, qu’il est exagéré et peu plausible. Quoi qu’il en soit, en admettant que l’homme qui la conduisait au centre médical ait été soudoyé par sa famille, on peut difficilement croire qu’il l’aurait laissée seule monter dans une autre voiture qui, par hasard, appartenait à quelqu’un qui l’avait reconnue et que cet étranger ne l’aurait pas emmenée à l’hôpital alors qu’elle perdait son sang et s’était évanouie. Le fait qu’elle aurait séjourné dans une maison pleine d’étrangers sans savoir, après avoir vécu quatre mois avec eux, ni qui ils étaient ni comment ils s’appelaient et qu’elle n’aurait pas demandé à contacter sa famille pendant tout ce temps n’est guère plausible non plus.

4.7 En ce qui concerne son départ de République islamique d’Iran, la requérante indique dans sa fiche de renseignements personnels que des étrangers l’ont aidée à obtenir son passeport qui était entre les mains de sa famille. Or, dans sa déposition orale, elle déclare avoir quitté l’Iran avec un faux passeport. Elle affirme avoir eu besoin d’un visa de sortie; il est peu probable qu’elle ait obtenu un visa si elle était en fuite. L’État partie partage l’avis de la CISR qui déclare qu’il est pratiquement impossible pour une personne recherchée par les autorités iraniennes de quitter l’Iran par l’aéroport de Téhéran. Il est également pratiquement impossible d’obtenir de faux passeports en raison des nombreux contrôles par lesquels il faut passer avant de monter dans l’avion. La requérante n’a fourni aucun élément permettant d’en douter.

4.8 En ce qui concerne le délai de présentation d’une demande de statut de réfugié, on constate que la requérante a voyagé pendant deux mois, se rendant en Colombie, en Turquie, en Grèce, en Espagne, à la Jamaïque et au Mexique avant d’arriver au Canada et de déposer une demande. Le temps qu’elle a mis pour demander ce statut lui enlève de la crédibilité. Selon la jurisprudence en matière de droit des réfugiés, sur le plan national ou international, le temps mis pour présenter une demande de statut de réfugié est un élément dont on tient compte pour déterminer si le requérant a des craintes subjectives et objectives d’être persécuté.

4.9 Quant à l’existence d’une citation à comparaître, la requérante, bien qu’elle ait présenté sa demande de statut de réfugié en septembre 2001, n’a fourni aucune pièce justificative à l’appui de sa requête avant son audition en novembre 2002. Bien qu’elle ait été en contact avec sa famille par téléphone, elle n’a pas dit à la CISR si un mandat d’arrêt avait été émis contre elle et ce n’est que lorsque sa demande a été rejetée qu’elle a produit, en présentant une demande d’examen des risques avant renvoi, une citation à comparaître datée du 22 décembre 2003. Il est peu plausible qu’une citation à comparaître ait été émise plus de deux ans après que la requérante se serait évadée du lieu où elle aurait été détenue. Si les autorités étaient à sa recherche depuis son évasion, il est peu probable que sa famille ait purement et simplement fait disparaître les autres convocations ainsi qu’elle le dit dans ses lettres et qu’elle n’ait même pas mentionné leur existence lors de ses conversations téléphoniques avec la requérante. L’État partie partage donc l’avis de l’agent chargé d’examiner la demande d’examen des risques avant renvoi quant au peu de valeur de la prétendue citation à comparaître en tant que preuve. En outre, il n’y a aucune preuve ou allégation que l’un ou l’autre membre de sa famille ait été détenu ou maltraité. En ce qui concerne l’existence d’un mandat d’arrêt, l’État partie souligne qu’aucun mandat d’arrêt n’a été émis contre la requérante contrairement à ses affirmations.

4.10 En ce qui concerne les preuves médicales, la requérante a présenté un rapport médical daté du 22 juin 2005 à l’appui de sa demande d’ERAR. L’agent chargé de procéder à cet examen n’a pas considéré que ce rapport prouvait l’existence d’un risque futur, le médecin s’étant fondé pour donner son avis sur l’examen de la fiche de renseignements personnels de la requérante et sur un examen clinique. La présence de cicatrices ne prouve pas, en soi, que la requérante ait été torturée dans le passé et qu’elle risque de l’être à l’avenir. Compte tenu du manque de crédibilité générale des allégations de la requérante et du caractère peu plausible d’éléments essentiels de sa communication, si l’on considère notamment qu’elle n’est étayée par aucun autre élément de preuve indépendant et fiable, les faits avancés comme étant à l’origine des cicatrices sont peu plausibles. Mais surtout, les cicatrices, qui pourraient éventuellement être la preuve de tortures infligées dans le passé, ne sauraient être invoquées par l’auteur comme étant la preuve qu’elle risque d’être torturée à l’avenir .

4.11 Enfin, l’État partie fait observer que le fait que le pays vers lequel la requérante serait renvoyée est l’Iran, et bien qu’il reconnaisse que la situation générale des droits de l’homme dans ce pays laisse à désirer et se détériore, ne constitue pas en soi un motif suffisant permettant d’affirmer qu’elle risquerait d’être torturée à son retour dans le pays .

Commentaires de la requérante au sujet des observations de l’État partie sur la recevabilité et sur le fond

5.1 Le 6 septembre 2006, la requérante a fait valoir que le Comité avait compétence pour examiner les faits de manière indépendante . Son rôle serait redondant s’il se contentait de suivre les décisions des tribunaux nationaux sans procéder à une évaluation indépendante des faits . En outre, la CISR, le seul organisme à avoir procédé à une évaluation complète de l’affaire à l’examen, n’a pas pris en compte les effets que la torture ou les traumatismes subis par une personne peuvent avoir sur sa capacité à faire le récit de son histoire. En ce qui concerne la crédibilité de ses allégations, la requérante indique que les rapports de quatre experts, médecins et psychologues, indépendants, les lettres émanant de l’Association de Vancouver pour les survivants de la torture concernant son état psychologique et les cicatrices qu’elle porte sur le corps corroborent ses allégations de torture. Elle rappelle que la torture altère la capacité à faire le récit d’expériences traumatisantes de manière cohérente et logique et que l’on peut rarement attendre de la part de victimes de tortures qu’elles soient d’une exactitude absolue, en particulier lorsqu’elles souffrent de troubles post ‑traumatiques.

5.2 Se référant à l’argument de l’ État partie selon lequel le cas de la requérante a été examiné par des tribunaux nationaux compétents, et en premier lieu à la CISR, la requérante fait observer qu’aucune référence n’est faite à une formation qu’auraient suivie les membres de la Commission sur les effets des traumatismes ou de la torture. Il n’est pas non plus fait référence à des formations qu’auraient suivies les membres de la Commission et qui leur permettraient de comprendre ou de pouvoir utiliser des rapports de médecins ou de psychologues comme outils d’évaluation de la crédibilité. La requérante rappelle qu’à aucun moment pendant l’audition le membre de la CISR n’a semblé reconnaître qu’elle présentait des symptômes classiques de traumatismes subis. Les connaissances du membre de la CISR qui avait reçu sa demande de statut de réfugié le 28 novembre 2002 quant aux effets des traumatismes ou de la torture étaient limitées, voire inexistantes. En conséquence, son attention avait été attirée par des incohérences mineures dans la déposition de la requérante et il n’avait pas accordé l’importance voulue au rapport de l’expert psychologue reçu par la CISR le 10 septembre 2003. Le membre de la CISR n’ayant pas accordé de crédibilité aux allégations de la requérante, le rapport du psychologue avait été ignoré. En d’autres termes, le membre de la CISR avait évalué la crédibilité de la requérante sans considérer les effets de la dépression et des troubles post ‑traumatiques puis n’avait tenu aucun compte du rapport du psychologue, le jugeant dépourvu de pertinence.

5.3 Lorsque l’ État partie souligne que le cas de la requérante a fait l’objet de plusieurs examens par des tribunaux compétents indépendants après que sa demande de statut de réfugié a été examinée, elle déclare que cette façon de décrire la procédure qui s’applique aux personnes auxquelles le statut de réfugié a été refusé est erronée. En effet, le recours en révision est un recours extrêmement restrictif, qui n’est disponible que pour des motifs de droit très précis, et les demandeurs doivent obtenir du tribunal une autorisation de former recours avant de pouvoir le faire. Entre 1998 et 2004, le Tribunal fédéral a rejeté 89 % des demandes. Sur les 11 % des personnes qui ont obtenu l’autorisation de former recours, seules 1,6 % ont vu la décision négative rendue par la CISR annulée par le Tribunal fédéral.

5.4 En ce qui concerne l’ERAR, la requérante rappelle qu’il se limite «aux nouvelles preuves», et non aux arguments selon lesquels la décision initiale du Comité était mauvaise, et qu’en 2003 seulement 2,6 % des demandes d’ERAR ont été approuvées. Elle rappelle en outre qu’elle a présenté de nouveaux éléments de preuve que sa famille lui avait fait parvenir et qui n’étaient pas disponibles au moment de l’audition de la CISR. Elle a présenté un rapport médical confirmant qu’elle avait des cicatrices sur le corps, la preuve qu’elle avait travaillé à l’Université d’Azad et une citation à comparaître émise par le Tribunal révolutionnaire islamique de Téhéran. L’agent chargé de l’ERAR a rejeté sa demande en juillet 2005 au motif que les preuves corroborantes étaient insuffisantes. Elle a souligné que sa compétence se limitait à l’examen des «nouvelles preuves» et a refusé d’examiner les nouveaux documents mis à sa disposition concernant l’emploi de la requérante à l’Université parce que, selon elle, ces documents auraient dû être obtenus avant l’audition de la CISR et ne pouvaient donc pas être examinés en tant que nouveaux éléments de preuve. En fait, ces documents avaient été trouvés au domicile de la mère de la requérante.

5.5 Si l’agent de l’ERAR n’a pas contesté que la requérante avait des cicatrices importantes et inhabituelles sur la tête, le cuir chevelu et le corps, elle a néanmoins refusé de prendre en compte le rapport du médecin, sous prétexte que ce dernier s’était fondé, pour établir son rapport, sur un «entretien clinique» avec la requérante et sur l’examen de sa fiche de renseignements personnels, ce qui témoigne d’un manque total de formation ou de compréhension de la nature des preuves médicales. Ainsi, la requérante fait valoir que des éléments de preuve essentiels, émanant de médecins et de psychologues, n’ont été convenablement examinés à aucun stade de la procédure d’examen des demandes du statut de réfugié. Le rejet des preuves à caractère médical par l’agent de l’ERAR était arbitraire, non fondé et tout à fait inopportun. En ce qui concerne la citation à comparaître, l’agent de l’ERAR lui a accordé une valeur minimale, en s’appuyant sur des recherches sur la procédure pénale en Iran. Or la comparaison n’est pas possible, la convocation ayant été émise par le Tribunal révolutionnaire islamique, qui connaît des affaires religieuses.

5.6 En ce qui concerne la décision CH, la requérante rappelle que le Comité en a souligné les limites et que, dans l’affaire à l’examen, l’examen de la demande CH et l’ERAR ont été effectués par le même agent. Dans sa décision CH, l’agent a renvoyé à ses conclusions concernant l’ERAR et de nombreux paragraphes du compte rendu de l’ERAR sont repris mot pour mot dans le document relatif à la décision CH. Ainsi, l’examen CH ne constitue pas un examen réalisé de manière indépendante et comporte les mêmes failles que l’ERAR.

5.7 En ce qui concerne les incohérences relevées dans sa déposition, la requérante fait observer qu’aucune ne concerne l’essentiel des faits et que son compte rendu, dans son ensemble, a toujours été cohérent. Elle rappelle que le Comité a fréquemment reconnu que l’on pouvait rarement attendre de victimes de tortures une précision absolue . Il a également été souligné qu’un diagnostic médical de troubles post ‑traumatiques était un élément à prendre en compte pour déterminer si certaines incohérences affectaient la crédibilité d’un requérant . Enfin, concernant le temps qui s’est écoulé avant que la requérante demande le statut de réfugié, il est à noter que la Convention relative au statut des réfugiés n’exige pas que le statut soit demandé par l’intéressé dans le premier État dans lequel il arrive.

5.8 En ce qui concerne la situation des droits de l’homme en République islamique d’Iran, la requérante rappelle que le Comité a pris acte antérieurement de sa gravité en déclarant qu’il était d’avis qu’un requérant ne devrait pas être refoulé dans ce pays . Elle indique que la situation ne s’est pas améliorée et rappelle que l’Assemblée générale a récemment exprimé de vives préoccupations au sujet de la persistance des violations des droits de l’homme en Iran . Le Comité dispose d’éléments de preuve convaincants, indiquant que la requérante a été torturée par les autorités iraniennes et, en Iran, des antécédents de détention et de torture sont une indication importante de risques pour l’avenir .

Délibérations du Comité

Examen de la recevabilité

6.1 Avant d’examiner une plainte soumise dans une communication, le Comité doit déterminer si la communication est recevable en vertu de l’article 22 de la Convention. Le Comité s’est assuré, ainsi qu’il y est tenu en vertu du paragraphe 5 a) de l’article 22 de la Convention, que la même question n’a pas été et n’est pas actuellement examinée par une autre instance internationale d’enquête ou de règlement.

6.2 Le Comité note que l’État partie a soulevé une objection concernant la recevabilité de la communication, fondée sur le fait que la requérante n’avait, à son avis, pas étayé ses allégations ni même établi qu’à première vue sa communication était recevable, et donc que celle ‑ci était manifestement mal fondée. À propos des allégations de la requérante au titre de l’article 16 de la Convention, le Comité note qu’aucun argument ou élément de preuve n’a été apporté à l’appui de cette allégation et conclut en conséquence que cette allégation n’a pas été étayée aux fins de la recevabilité. Cette partie de la communication est donc irrecevable.

6.3 Quant aux allégations faites en rapport avec l’article 3 de la Convention, le Comité est d’avis que les arguments qui lui ont été présentés soulèvent des questions qui devraient être examinées quant au fond et pas seulement sur le plan de la recevabilité. Le Comité déclare donc la communication recevable pour ce qui est des allégations faites à propos de l’article 3 de la Convention.

Examen au fond

7.1 Le Comité doit déterminer si, en renvoyant la requérante en Iran, l’État partie violerait l’obligation qui lui est faite en vertu du premier paragraphe de l’article 3 de la Convention de ne pas expulser ou refouler une personne d’un autre État lorsqu’il y a des motifs sérieux de croire qu’elle risque d’être soumise à la torture. En prenant cette décision, le Comité doit prendre en considération tous les éléments pertinents, conformément au paragraphe 2 de l’article 3 de la Convention, notamment l’existence d’un ensemble de violations systématiques des droits de l’homme, graves, flagrantes ou massives. Toutefois, l’objectif de cette évaluation est de déterminer si la personne concernée risque personnellement d’être soumise à la torture dans le pays où elle retournerait. Dès lors, l’existence d’un ensemble de violations systématiques des droits de l’homme, graves, flagrantes ou massives dans le pays en question n’est pas en soi un motif suffisant pour conclure que cette personne risque d’être soumise à la torture à son retour dans ce pays; il doit exister des raisons supplémentaires de penser qu’elle serait personnellement en danger. À l’inverse, l’absence d’un ensemble de violations flagrantes et systématiques des droits de l’homme ne signifie pas qu’une personne ne puisse pas être considérée comme étant exposée à la torture dans les circonstances qui sont les siennes.

7.2 Le Comité rappelle son Observation générale n o 1 concernant l’article 3 où il est stipulé qu’il est tenu de déterminer s’il y a «des motifs sérieux de croire que l’auteur risque d’être soumis à la torture» s’il est renvoyé dans son pays et que l’existence d’un tel risque «doit être appréciée selon des éléments qui ne se limitent pas à de simples supputations ou soupçons». Sans être nécessairement «hautement improbable», le risque doit néanmoins être «personnel et actuel». À cet égard, le Comité a établi dans des décisions antérieures que le risque de torture devait être «prévisible, réel et personnel» .

7.3 En évaluant le risque de torture dans le cas à l’examen, le Comité a noté l’affirmation de la requérante selon laquelle elle avait été arrêtée et détenue pendant environ deux mois début 2001 par les autorités iraniennes et torturée durant cette période. Il a également pris note des allégations de la requérante selon laquelle il y avait un risque prévisible qu’elle soit torturée si elle retournait en Iran, allégation fondée sur ses antécédents de détention et de torture, sur le fait que l’État partie avait demandé pour elle un passeport, et sur la citation à comparaître du tribunal qui, selon elle, donnerait lieu à l’établissement d’un mandat d’arrêt en raison du fait qu’elle ne s’était pas présentée au tribunal ainsi qu’elle en avait été priée.

7.4 Le Comité a également pris note de l’argument de la requérante, selon lequel les procédures concernant l’ERAR, les demandes CH et la révision juridictionnelle étaient entachées d’irrégularités, l’agent ayant conclu que la citation à comparaître et la preuve de l’emploi de la requérante en tant qu’infirmière n’étaient pas des «preuves nouvelles» à prendre en compte en examinant les risques avant renvoi. Sur ce point, le Comité considère que la procédure de révision juridictionnelle, bien que limitée aux recours sur des points de droit, aurait permis d’examiner s’il y avait eu des irrégularités dans les procédures de l’ERAR et des demandes CH.

7.5 L’État partie a relevé des contradictions et des incohérences dans les dépositions de la requérante qui, à son avis, jettent le doute sur la véracité de ses allégations. Il a notamment mis l’accent sur les incohérences qu’il avait relevées dans le récit de l’auteur quant à son rôle à l’Université, son arrestation, les tortures qu’elle avait subies, son évasion, son départ d’Iran et le temps qu’elle avait mis pour demander le statut de réfugié et enfin la convocation au tribunal et l’absence de preuves quant à l’existence d’un mandat d’arrêt. Le Comité appelle l’attention des parties sur son Observation générale n o 1, où il est indiqué que c’est à l’auteur qu’il incombe de présenter des arguments défendables. Dans l’affaire à l’examen, le Comité note que la requérante a présenté une citation à comparaître devant le tribunal et des documents se rapportant à son emploi à l’Université. Il estime toutefois qu’elle n’a pas fourni de détails ou de preuves corroborantes suffisantes pour renverser la charge de la preuve. Elle n’a en particulier pas apporté de preuves ou de détails satisfaisants concernant sa détention ou son évasion. Elle n’a pas non plus fourni d’explications plausibles quant à son incapacité à donner certains détails qui auraient été nécessaires pour étayer ses allégations, en particulier des précisions sur son séjour pendant plus de trois mois à Kermanchah et les noms de ceux qui l’avaient aidée à s’évader. Enfin, le Comité estime qu’elle n’a pas fourni d’explications plausibles concernant son voyage dans sept pays, y compris des pays d’asile, avant de demander finalement le statut de réfugié au Canada.

7.6 Le Comité note que les arguments de la requérante et les preuves fournies pour étayer ceux ‑ci ont été présentés aux tribunaux de l’État partie. Le Comité réaffirme à ce propos que c’est aux États parties à la Convention et non à lui ‑même qu’il incombe d’apprécier les faits et les éléments de preuve dans une affaire donnée. C’est aux cours d’appel des États parties à la Convention qu’il appartient d’examiner la conduite d’une affaire, à moins qu’il ne soit établi que la manière dont les éléments de preuve ont été appréciés était manifestement arbitraire, ou équivalait à un déni de justice, ou que les agents avaient manifestement violé leur obligation d’impartialité. Dans l’affaire à l’examen, les éléments dont le Comité dispose ne montrent pas que l’examen par l’État partie des allégations de la requérante ait été entaché de telles irrégularités.

7.7 Enfin, le Comité, tout en prenant note avec préoccupation des nombreuses informations faisant état de violations des droits de l’homme en Iran, y compris la pratique de la torture, se doit de réaffirmer qu’aux fins de l’article 3 de la Convention l’intéressé doit courir un risque prévisible, réel et personnel d’être torturé. Sur la base de ce qui précède, le Comité estime que la requérante n’a pas étayé son allégation selon laquelle elle courrait un risque réel et imminent d’être torturée à son retour en Iran.

7.8 Le Comité contre la torture, agissant en vertu du paragraphe 7 de l’article 22 de la Convention, conclut que la requérante n’a pas apporté d’éléments suffisants pour étayer son affirmation selon laquelle elle serait torturée si elle était renvoyée en Iran et conclut par conséquent que son renvoi dans ce pays ne constituerait pas une violation de l’article 3 de la Convention.

Communication n o 286/2006

Présentée par :

M. R. A. (représenté par un conseil)

Au nom de :

M. R. A.

État partie :

Suède

Date de la requête :

17 janvier 2006

Le Comité contre la torture , institué en vertu de l’article 17 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,

Réuni le 17 novembre 2006,

Ayant achevé l’examen de la requête n o 286/2006, présentée au nom de M. R. A. en vertu de l’article 22 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,

Ayant tenu compte de toutes les informations qui lui ont été communiquées par le requérant, son conseil et l’État partie,

Adopte la décision ci ‑après au titre du paragraphe 7 de l’article 22 de la Convention contre la torture.

1.1 Le requérant est M. R. A., de nationalité iraquienne, né en 1960, actuellement sous le coup d’une décision d’expulsion vers l’Iraq prononcée par les autorités suédoises. Il affirme que son renvoi en Iraq constituerait une violation par la Suède de l’article 3 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Il est représenté par un conseil.

1.2 Dans une note verbale du 17 janvier 2006, le Comité a transmis la requête à l’État partie, en le priant, conformément au paragraphe 1 de l’article 108 de son règlement intérieur, de ne pas expulser le requérant vers l’Iraq tant que le Comité n’aurait pas achevé l’examen de la requête.

Rappel des faits présentés par le requérant

2.1 En 1995, le requérant, qui est de confession chiite, a quitté l’Iraq pour le Liban parce que, selon lui, les activités politiques de certains membres de sa famille lui causaient des problèmes. En septembre 1995, le Haut ‑Commissariat pour les réfugiés au Liban l’a reconnu comme un réfugié. La situation des réfugiés au Liban étant difficile, le requérant a quitté ce pays en 1997, en même temps que d’autres Iraquiens, mais le bateau à bord duquel il voyageait a fait naufrage. Recueilli par des Israéliens, le requérant a demandé l’asile en Israël et a demandé aux autorités israéliennes de le protéger contre un renvoi en Iraq.

2.2 Le requérant affirme que ses ennemis en Iraq, notamment son ex ‑femme et le nouveau mari de celle ‑ci, ont informé les médias iraquiens qu’il avait demandé l’asile en Israël. Cette nouvelle a été diffusée dans le pays et le requérant a été accusé de s’être converti au judaïsme. Son conseil indique que la situation des juifs, ainsi que de toute personne soupçonnée de liens avec le judaïsme, est très difficile en Iraq. À titre d’exemple, elle évoque une fatwa publiée en juin 2003 qui ordonne l’exécution de tout juif acheteur d’un terrain ou d’une maison en Iraq et qui interdit à tout Iraquien de vendre un terrain ou une maison à quelqu’un qui pourrait être juif. Le requérant a d’abord affirmé qu’une fatwa avait été émise contre lui, mais son conseil en a fourni une copie et indique que le professeur H., de l’Université de Lunds, a déclaré dans une lettre que cette fatwa provenait vraisemblablement d’un recueil de fatwas écrites par une autorité religieuse chiite et qu’elle ne visait pas spécifiquement le requérant. Cette fatwa autorise la mise à mort de toute personne qui collabore avec les juifs ou qui a abjuré l’islam. Selon le professeur H., le requérant court probablement un grand danger de mort du fait que beaucoup de gens en Iraq pensent qu’il a renié l’islam. Le requérant joint une lettre du Président de l’Association des musulmans de Suède, qui confirme qu’une simple rumeur de conversion au judaïsme suffit pour mettre quelqu’un en danger de mort, et qui recommande aux autorités suédoises de ne pas expulser le requérant vers l’Iraq.

2.3 Le requérant affirme que la situation en Iraq est toujours extrêmement violente et instable. Compte tenu du chaos qui y règne, il est peu probable qu’il puisse obtenir la protection des autorités.

Teneur de la plainte

3. Le requérant affirme que son renvoi en Iraq constituerait une violation de l’article 3 de la Convention, car il craint réellement d’être puni de mort ou soumis à la torture ou à un traitement inhumain ou dégradant à son retour, en raison de la situation générale qui règne dans le pays, de la fatwa et du fait qu’il a demandé l’asile en Israël et a été accusé de collaboration avec le judaïsme.

Observations de l’État partie sur la recevabilité et sur le fond

4.1 Le 5 juillet 2006, l’État partie a fait part de ses observations sur la recevabilité et sur le fond de la requête. En ce qui concerne les faits, il indique que le requérant est entré en Suède le 20 septembre 1999 et qu’il a demandé l’asile le 23 septembre 1999. Il ajoute que le requérant a fourni des informations contradictoires à différents stades de la procédure d’asile.

4.2 Lors du premier entretien qu’il a eu à son arrivée, le requérant a déclaré qu’il appartenait à une famille victime de la répression en Iraq et qu’après l’Intifada deux de ses frères et lui ‑même avaient été recherchés par la police. Lorsque ses frères ont quitté le pays, ils ont été considérés comme des traîtres, ce qui lui a valu d’être lui ‑même pris pour cible. En 1995, le requérant a quitté l’Iraq pour le Liban, où il s’est vu accorder le statut de réfugié à titre provisoire. En 1997, il a quitté Beyrouth par la mer mais le bateau a fait fausse route et est arrivé en Israël, d’où le requérant a été renvoyé au Liban. À une question directe de l’examinateur, le requérant a répondu qu’il n’avait jamais exercé d’activités politiques ni appartenu à aucun parti politique. Il a ajouté qu’il avait été détenu de janvier à novembre 1983 par la police iraquienne, qui lui reprochait de ne pas l’avoir informée de l’appartenance de ses proches à un parti politique. Il a été battu pendant les interrogatoires en garde à vue.

4.3 Lors d’un autre entretien le 17 novembre 1999, le requérant a ajouté qu’il avait rejoint le parti Congrès national iraquien en 1992 et qu’il avait participé aux tentatives de mise en place d’un nouveau gouvernement à Salahaddin. Le 10 mai 2000, le Conseil suédois des migrations a rejeté sa demande d’asile et ordonné son expulsion vers les Pays ‑Bas, conformément à la Convention de Dublin . Le Conseil a fait valoir que le requérant avait donné des informations fausses ou contradictoires sur l’itinéraire qu’il avait suivi pour arriver en Suède, qu’il avait fait défaut pendant la procédure d’asile qu’il avait engagée aux Pays ‑Bas, et qu’il avait omis d’informer le Conseil de l’existence de cette procédure.

4.4 Le 20 juin 2000, le requérant a été arrêté par la police suédoise qui le soupçonnait de trafic d’héroïne et d’infraction aggravée à la législation sur les stupéfiants. Le 7 mars 2001, le tribunal de district de Norrköping l’a reconnu coupable des chefs d’accusation retenus contre lui. Quatorze coïnculpés ont également été déclarés coupables. Le tribunal a conclu que le requérant et deux de ses frères étaient les principaux dirigeants d’une organisation qui se livrait à des activités criminelles systématiques, notamment à l’importation clandestine, à la vente et à la revente d’héroïne . Le requérant a été condamné à une peine de huit ans d’emprisonnement. Le tribunal a également ordonné son expulsion assortie d’une interdiction de séjour définitive. En fixant la durée de la peine, il a tenu compte des implications d’une expulsion pour le requérant. Le Conseil suédois des migrations ayant estimé que le requérant pouvait être expulsé vers les Pays ‑Bas, les conséquences d’une éventuelle expulsion vers l’Iraq n’ont pas été évaluées. Le 8 juin 2001, la cour d’appel de Göta a confirmé la déclaration de culpabilité du requérant ainsi que la peine prononcée contre lui. Le 9 juillet 2001, la Cour suprême a débouté le requérant de sa demande d’autorisation d’introduire un recours.

4.5 Le 25 mars 2003, le requérant a demandé au Gouvernement d’annuler l’ordonnance d’expulsion au motif qu’il existait des obstacles rédhibitoires au titre de l’article premier du chapitre 8 de la loi sur les étrangers . Il a allégué avoir été informé qu’il ne serait pas autorisé à entrer aux Pays ‑Bas et qu’il serait donc expulsé vers l’Iraq, où il risquait la peine de mort en raison de son implication dans une querelle familiale. Le 17 juillet 2003, le Gouvernement a rejeté sa demande visant à faire annuler l’ordonnance d’expulsion, considérant que rien n’empêchait l’exécution de celle ‑ci.

4.6 Le 7 décembre 2004, le requérant a présenté une nouvelle demande d’asile et de permis de résidence. Le 1 er décembre 2004, les autorités suédoises se sont longuement entretenues avec lui, en présence de son avocat. Il a déclaré, entre autres, qu’après avoir quitté le Liban en bateau, en 1997, il avait été trouvé par des navires israéliens et emmené en Israël pour interrogatoire. Il a affirmé que les autorités iraquiennes le considéreraient comme un espion israélien et que la plupart des gens en Iraq pensaient qu’il s’était converti au judaïsme. Les lois islamiques disposent que les adeptes du judaïsme doivent être condamnés à mort et exécutés. Le requérant lui ‑même ne considère pas les juifs comme des êtres humains. Une fatwa a été émise contre lui, ce qui a permis à sa femme de divorcer sans son consentement.

4.7 Le 19 janvier 2005, le Conseil suédois des migrations a rejeté la demande d’asile et la demande de permis de résidence du requérant. Il a fait valoir que la situation en Iraq n’était pas grave au point où il y avait un besoin général de protection ou de justifier l’octroi d’un permis de résidence pour des motifs humanitaires ou autres. Le Conseil a estimé que depuis la chute de l’ancien régime totalitaire la population n’était pas victime d’oppression ou de persécution de la part des pouvoirs publics centraux. Il a également jugé peu probable que des événements survenus près de dix ans auparavant soient associés au requérant ou intéressent quiconque en Iraq, y compris des groupes religieux. Le Conseil a estimé que le requérant pourrait s’adresser aux autorités locales s’il avait besoin de protection, et a conclu qu’il n’avait pas besoin d’être protégé par la Suède. Le 5 septembre 2005, la Commission de recours des étrangers, après avoir évalué la situation générale en Iraq et la situation particulière du requérant, a confirmé la décision du Conseil suédois des migrations.

4.8 Le 13 octobre 2005, le requérant a de nouveau demandé au Gouvernement d’annuler l’ordonnance d’expulsion du tribunal de district de Norrköping et de la cour d’appel de Göta. Sa demande a été rejetée le 10 novembre 2005. Le 21 octobre 2005, le requérant est sorti de prison en vertu d’une libération conditionnelle mais a été placé en détention en attendant son expulsion vers l’Iraq. Des dispositions ont été prises pour procéder à cette expulsion le 17 janvier 2006.

4.9 En réponse à la demande de mesures provisoires de protection formulée par le Comité en vertu de l’article 108 de son règlement intérieur, le Ministre de la justice a décidé de surseoir à l’exécution de l’expulsion en attendant que le Comité ait examiné la requête. Le requérant est resté en détention en raison de sa situation personnelle et du fait qu’il risquait d’entrer dans la clandestinité ou de se livrer à des activités criminelles en Suède s’il était libéré. Le requérant a contesté la décision du Ministre de le maintenir en détention mais le Tribunal administratif suprême a confirmé cette mesure le 27 mars 2006. Le requérant a présenté une nouvelle demande d’asile sur la base des modifications provisoires apportées à la loi de 1989 sur les étrangers, mais sa demande a été rejetée sans avoir été examinée sur le fond.

4.10 En ce qui concerne la recevabilité, l’État partie déclare qu’à sa connaissance la présente affaire n’a pas été soumise à une autre instance internationale d’enquête ou de règlement. Il reconnaît également que les recours internes ont été épuisés en l’espèce. Il fait cependant valoir que le requérant, lorsqu’il affirme qu’il risque de subir un traitement incompatible avec l’article 3 de la Convention s’il est renvoyé en Iraq, n’apporte pas le minimum d’éléments de preuve requis aux fins de la recevabilité, conformément au paragraphe 2 de l’article 22 de la Convention.

4.11 Sur le fond, l’État partie affirme que la requête ne fait apparaître aucune violation de la Convention. Il rappelle la jurisprudence du Comité, selon laquelle l’existence d’un ensemble systématique de violations graves, flagrantes ou massives des droits de l’homme dans un pays n’est pas en soi un motif suffisant pour conclure qu’une personne donnée risque d’être soumise à la torture à son retour dans ce pays; il doit exister des motifs supplémentaires de penser que cette personne serait personnellement en danger.

4.12 L’État partie reconnaît que, globalement, la situation sur le plan politique et de la sécurité reste instable dans de vastes zones de l’Iraq, et qu’un important travail de reconstruction reste à faire. Les régions majoritairement sunnites, dans le centre et dans l’ouest du pays, y compris Bagdad, sont les plus touchées par la violence, mais le sud et les alentours de Bassorah sont également peu sûrs. La violence sectaire entre Iraquiens s’est accrue. Le nord du pays est cependant considéré comme relativement sûr. Avec les élections générales du 15 décembre 2005, le processus politique est entré dans une nouvelle phase, et le pays a maintenant un gouvernement élu démocratiquement pour un mandat de quatre ans. L’Iraq a ratifié plusieurs instruments de protection des droits de l’homme, dont le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes et la Convention relative aux droits de l’enfant.

4.13 L’État partie conclut que la situation en Iraq n’est pas grave au point qu’il y aurait un besoin de protection visé tel que défini par la loi de 1989 sur les étrangers ou de justifier l’octroi d’un permis de résidence pour des motifs humanitaires ou autres. Cette considération s’applique en particulier aux régions du nord de l’Iraq qui sont sous contrôle kurde depuis 1991. En outre, nombre d’Iraquiens sont volontairement rentrés chez eux après la chute du régime de Saddam Hussein.

4.14 En ce qui concerne le risque personnel de torture, l’État partie fait observer au Comité que plusieurs dispositions de la loi de 1989 sur les étrangers, en particulier l’article premier du chapitre 8, procèdent du même principe que celui qui est énoncé au paragraphe 1 de l’article 3 de la Convention . Il rappelle la jurisprudence du Comité selon laquelle aux fins de l’article 3, la personne concernée doit courir personnellement un risque prévisible et réel d’être torturée dans le pays vers lequel elle est renvoyée. En outre, c’est à elle qu’il incombe d’étayer les arguments de ses affirmations, et l’existence du risque de torture doit être appréciée selon des critères qui ne se limitent pas à de simples supputations ou soupçons, même s’il n’est pas nécessaire de montrer que le risque couru est hautement probable .

4.15 L’État partie constate que le requérant fonde principalement sa requête sur le fait qu’il risque, à son retour en Iraq, d’être arrêté, torturé et exécuté en raison d’événements qui auraient eu lieu en Israël et au Liban en 1997. L’État partie rappelle que ces événements, tels qu’ils ont été relatés par le requérant, ont été examinés par le Conseil suédois des migrations en 2004 ainsi que par la Commission de recours des étrangers en 2005. En outre, la question des obstacles à l’expulsion a été examinée en 2003 et en 2005 par le Gouvernement, qui a conclu chaque fois à l’absence de tels obstacles. Ces différentes autorités sont toutes parvenues à la conclusion que le requérant ne risque pas d’être soumis à la torture s’il est renvoyé en Iraq.

4.16 L’État partie affirme que le renvoi du requérant en Iraq ne constituerait pas une violation de l’article 3 de la Convention. Selon lui, il est peu probable qu’un prétendu événement survenu près de dix ans auparavant soit associé au requérant ou intéresse encore quiconque en Iraq. Si le requérant pense qu’il aurait des problèmes dans le sud du pays, il pourrait aller dans le nord, où il vivait avant son départ.

4.17 L’État partie émet en outre de sérieux doutes quant à la véracité générale des propos du requérant. Sa description des événements contient plusieurs incohérences et lacunes. Tout en sachant que le Comité est d’avis que l’ on peut rarement s’attendre à une exactitude parfaite de la part d’une personne qui aurait été victime de torture, l’État partie estime que les contradictions dans le récit du requérant témoignent en sa défaveur. Il fait valoir que le requérant a fourni des informations fausses ou contradictoires sur l’itinéraire suivi pour arriver en Suède, qu’il s’est soustrait à une procédure d’asile aux Pays ‑Bas et qu’il a omis d’informer les autorités suédoises de cette procédure. Lorsqu’il a été invité à répondre sur ce point, le requérant a reconnu qu’il avait demandé l’asile aux Pays ‑Bas, mais a refusé qu’on l’expulse vers ce pays. Il a également donné des informations contradictoires sur sa femme et son divorce.

4.18 L’État partie affirme que le requérant n’a pas apporté d’éléments de preuve concrets sur les événements de 1997 ni démontré qu’il est très connu de la population iraquienne ou des groupes religieux en Iraq, comme il le prétend. Il n’a pas davantage prouvé qu’une fatwa ait été émise contre lui. Cette absence d’éléments de preuve doit être appréciée à la lumière du fait que le requérant, dans le cadre de la procédure d’asile, a donné des informations manifestement contradictoires sur des questions essentielles. L’État partie renvoie en outre à la déclaration du conseil ainsi qu’à celle du professeur H., qui a indiqué que la fatwa ne visait pas spécifiquement le requérant.

4.19 L’État partie fait également valoir que le requérant n’a pas de liens solides avec la société suédoise et qu’il n’est resté en Suède que neuf mois, en tant que demandeur d’asile, avant d’être arrêté et condamné à une peine de huit ans d’emprisonnement pour trafic d’héroïne et autres infractions aggravées à la législation sur les stupéfiants. D’après une conversation téléphonique qu’il a eue avec sa mère, et dont l’enregistrement a été retenu à titre de preuve par le procureur de la cour d’appel de Göta, le requérant se trouvait principalement en Suède pour «affaires».

Commentaires du requérant sur les observations de l’État partie concernant la recevabilité et le fond

5.1 Le 28 juillet 2006, le conseil du requérant a fait part de ses commentaires sur les observations de l’État partie. En ce qui concerne la recevabilité, elle conteste que la requête ne contienne pas, comme l’affirme l’État partie, le minimum d’éléments de preuve requis aux fins de la recevabilité. Elle rappelle que le HCR avait initialement reconnu le requérant comme un réfugié, et renvoie aux lettres du professeur H. et du Président de l’Association des musulmans de Suède. Elle maintient que le requérant court un grand risque d’être torturé, voire tué, s’il est renvoyé de force en Iraq, et affirme que la requête est recevable.

5.2 Sur le fond, le conseil conteste l’argument de l’État partie qui affirme qu’un événement survenu dix ans auparavant n’intéresserait personne en Iraq, pas même des groupes religieux. Elle rappelle à ce propos les conclusions du professeur H. et du Président de l’Association des musulmans de Suède.

5.3 En ce qui concerne la crédibilité du requérant, le conseil affirme que de nombreux demandeurs d’asile ne révèlent pas l’itinéraire de leur voyage, pour diverses raisons. Selon elle, cela ne signifie pas pour autant qu’ils ne sont pas dignes de foi. Elle invoque le principe du bénéfice du doute et renvoie au G uide des procédures et critères à appliquer pour déterminer le statut de réfugié au regard de la Convention de 1951 et du Protocole de 1967 relatifs au statut des réfugiés (par. 203 à 205) . Elle ajoute que les déclarations du requérant sont cohérentes et plausibles et ne sont pas en contradiction avec des faits notoires. Il est indéniable qu’il est passé à la télévision israélienne en même temps que d’autres personnes et qu’une fatwa peut être utilisée contre lui et le sera probablement.

5.4 En ce qui concerne l’absence de preuves invoquée par l’État partie, le conseil renvoie au G uide des procédures et critères du Haut ‑Commissariat pour les réfugiés, dans lequel il est dit qu’un réfugié peut difficilement «prouver» tous les éléments de sa cause, et que si c’était là une condition absolue la plupart des réfugiés ne seraient pas reconnus comme tels. Le requérant a immédiatement informé les autorités suédoises des événements de 1997 et des conséquences que ceux ‑ci pourraient avoir pour lui. Le conseil renvoie à la lettre du professeur H., qui a déclaré qu’au vu des faits concernant le requérant il n’était pas en mesure d’apprécier avec certitude le risque couru par celui ‑ci en cas de renvoi en Iraq, mais que, compte tenu de la fatwa et du temps qu’il avait passé en Israël, le requérant pourrait être en danger à son retour en Iraq.

5.5 Le conseil estime qu’il n’y avait pas lieu de mentionner la conversation téléphonique enregistrée par les autorités, que l’État partie cite hors contexte. Elle ajoute que le requérant a bien des liens avec la Suède, puisque sa mère y habite, de même qu’un frère et une sœur, alors qu’il n’a plus de proches en Iraq.

5.6 Le conseil avance que le requérant a commis une infraction pour laquelle il a été condamné à une peine de huit ans d’emprisonnement. Il a purgé sa peine et, conformément à un principe de la justice suédoise, il est donc libre de toute culpabilité. Il a également été condamné à être expulsé. Cette expulsion devait cependant être à destination des Pays ‑Bas et non de l’Iraq.

5.7 Le conseil affirme que la situation en Iraq continue de se caractériser par une extrême violence et instabilité. Toutes sortes d’actes de sabotage ont lieu chaque jour, et différents groupes s’affrontent au sujet du nouveau régime, et la présence militaire étrangère dans le pays continue de susciter de violentes manifestations. Une centaine d’Iraquiens sont tués chaque jour et, à la date des commentaires du conseil, plus de 6 000 civils avaient été tués au cours des deux mois précédents. Compte tenu du chaos notoire qui règne dans le pays, il est peu probable que le requérant puisse y bénéficier d’une protection.

5.8 Au sujet de l’argument de l’État partie qui affirme que le requérant pourrait habiter au Kurdistan, le conseil répond que le requérant est originaire d’Al Quasem, à 100 kilomètres de Bagdad. De 1992 à 1995, il s’est s’installé dans le nord du pays pour fuir le harcèlement dont il était la cible à cause des activités politiques de ses proches. Alors qu’il vivait dans cette région, il a été accusé d’espionnage et a même été arrêté par les Kurdes. Pour un Arabe chiite, la situation au Kurdistan n’est pas meilleure que dans le reste de l’Iraq. Les Arabes y ont droit à un titre de séjour de trois mois, à l’expiration duquel ils doivent se présenter à la police. Après l’invasion, des milliers de familles ont été chassées du Kurdistan.

Délibérations du Comité

6. Avant d’examiner une plainte soumise dans une requête, le Comité contre la torture doit déterminer si cette requête est recevable en vertu de l’article 22 de la Convention. Le Comité s’est assuré, comme il est tenu de le faire conformément au paragraphe 5 a) de l’article 22 de la Convention, que la même question n’a pas été et n’est pas actuellement examinée par une autre instance internationale d’enquête ou de règlement. Il relève en outre que l’État partie n’a pas contesté la recevabilité de la requête en invoquant le non ‑épuisement des recours internes, et que le requérant a suffisamment étayé ses griefs aux fins de la recevabilité. Il considère donc la requête recevable et procède à son examen au fond.

7.1 Le Comité a examiné la présente requête en tenant compte de toutes les informations communiquées par les parties, conformément au paragraphe 4 de l’article 22 de la Convention.

7.2 Le Comité doit déterminer si, en renvoyant le requérant en Iraq, l’État partie violerait l’obligation qui lui est faite en vertu de l’article 3 de la Convention de ne pas expulser ou refouler une personne vers un autre État lorsqu’il y a des motifs sérieux de penser qu’elle risque d’être soumise à la torture.

7.3 Pour évaluer s’il existe de sérieux motifs de penser que le requérant risque d’être torturé s’il est renvoyé en Iraq, le Comité tient compte de tous les éléments pertinents, notamment l’existence, dans le pays considéré, d’un ensemble de violations systématiques des droits de l’homme, graves, flagrantes ou massives. Toutefois, l’objectif de cette évaluation est de déterminer si la personne concernée risque personnellement d’être soumise à la torture dans le pays où elle retournerait. Dès lors, l’existence d’un ensemble de violations systématiques des droits de l’homme, graves, flagrantes ou massives dans le pays en question n’est pas en soi un motif suffisant pour conclure que cette personne risque d’être soumise à la torture à son retour dans ce pays; il doit exister des raisons supplémentaires de penser qu’elle serait personnellement en danger. À l’inverse, l’absence d’un ensemble de violations flagrantes et systématiques des droits de l’homme ne signifie pas qu’une personne ne puisse pas être considérée comme risquant d’être torturée dans les circonstances qui sont les siennes.

7.4 Le Comité, renvoyant à son Observation générale concernant l’application de l’article 3, rappelle que «l’existence d’un risque de torture doit être appréciée selon des éléments qui ne se limitent pas à de simples supputations ou soupçons. En tout état de cause, il n’est pas nécessaire de montrer que le risque couru est hautement probable» .

7.5 En l’espèce, le Comité relève que le requérant invoque trois raisons pour montrer qu’il risquerait d’être torturé s’il était renvoyé en Iraq: le fait qu’il a demandé l’asile en Israël en 1997, le fait qu’il a été accusé de s’être converti au judaïsme ou d’avoir collaboré avec le judaïsme, et la situation générale qui règne en Iraq. Le Comité prend note des arguments de l’État partie, qui affirme que le requérant n’a pas produit d’éléments de preuve concernant les événements de 1997, ni démontré qu’il est très connu de la population iraquienne ou des groupes religieux en Iraq, comme il le prétend. Le Comité relève en particulier que le requérant ne s’est pas converti au judaïsme, que rien ne permet de savoir qui l’a accusé d’une telle conversion, et que rien ne prouve non plus qu’il passe en Iraq pour un converti ou qu’il demande l’asile en Israël.

7.6 Le Comité a pris note de l’argument du requérant, selon lequel il a été condamné à être expulsé vers les Pays ‑Bas et non vers l’Iraq. Le Comité relève cependant − et a la conviction − qu’au cours de la procédure d’examen de la demande d’asile du requérant les autorités suédoises ont évalué les conséquences d’un renvoi en Iraq.

7.7 Au vu de ce qui précède, le Comité estime que le requérant n’a pas démontré qu’il existait de sérieux motifs de penser qu’il court personnellement un risque réel et précis d’être torturé, comme l’exige l’article 3 de la Convention, s’il est renvoyé en Iraq.

8. En conséquence, le Comité contre la torture, agissant en vertu du paragraphe 7 de l’article 22 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, conclut que le renvoi du requérant en Iraq ne constituerait pas une violation de l’article 3 de la Convention.

Communication n o 296/2006

Présentée par :

E. V. I. (non représenté par un conseil)

Au nom de :

E. V. I.

État partie :

Suède

Date de la requête :

2 juin 2006 (date de la lettre initiale)

Le Comité contre la torture , institué en vertu de l’article 17 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,

Réuni le 1 er mai 2007 ,

Ayant achevé l’examen de la requête n o 296/2006 présentée par E. V. I. en vertu de l’article 22 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,

Ayant tenu compte de toutes les informations qui lui ont été communiquées par le requérant et l’État partie,

Adopte la décision ci ‑après au titre du paragraphe 7 de l’article 22 de la Convention contre la torture.

1.1 Le requérant est E. V. I., ressortissant azerbaïdjanais né en 1979, actuellement en attente d’expulsion hors de Suède. Il prétend que son retour forcé en Azerbaïdjan constituerait une violation par la Suède de l’article 3 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Il n’est pas représenté par un conseil.

1.2 Le 13 juin 2006, le Comité a transmis la communication à l’État partie, conformément au paragraphe 3 de l’article 22 de la Convention, et, en application du paragraphe 1 de l’article 108 du Règlement intérieur du Comité, a prié l’État partie de ne pas expulser le requérant vers l’Azerbaïdjan tant que l’affaire serait à l’examen. L’État partie a par la suite informé le Comité que le requérant n’a pas été expulsé.

Rappel des faits présentés par le requérant

2.1 Le requérant est diplômé en droit d’une université azerbaïdjanaise puis a fait des études en vue d’obtenir une maîtrise aux Pays ‑Bas. Alors qu’il était étudiant en Azerbaïdjan, il s’est engagé activement dans la vie politique et a adhéré au parti d’opposition «Musavat», auquel il servait de consultant juridique. Il était également assistant du rédacteur en chef du journal Yeni Musavat .

2.2 Peu de temps après son retour des Pays ‑Bas en Azerbaïdjan, le requérant a été convoqué au Ministère de la sécurité nationale, où il a été détenu pendant deux jours sous l’accusation de «haute trahison et espionnage contre le Gouvernement azerbaïdjanais». Il a été en particulier accusé de répandre en Europe des informations faisant état de violations graves des droits de l’homme en Azerbaïdjan. Il allègue qu’au cours de ces deux jours de détention, il aurait été passé à tabac par des agents du Ministère, ce qui serait à l’origine de problèmes rénaux, dont il souffre depuis et qui se sont poursuivis après son arrivée en Suède, et de «tumeurs noires». Il a été libéré faute de preuve. Il a essayé de déposer plainte à propos de cet incident auprès du Bureau du Procureur de la ville mais les agents dudit bureau ont refusé d’enregistrer sa plainte et lui ont conseillé de garder le silence sur cet incident et de ne plus faire d’histoires. Le requérant affirme que, persécuté par le Ministère de la sécurité nationale, il a été rayé du barreau azerbaïdjanais le 24 décembre 2002.

2.3 Dans la période précédant l’élection présidentielle du 15 octobre 2003, le requérant a participé activement à la campagne électorale pour le compte du chef du parti d’opposition Musavat. Le 2 juillet 2003, il a été arrêté par trois agents et conduit au poste de police, où les agents ont mentionné le fait que sa future épouse était à moitié arménienne et l’ont accusé d’être un espion à la solde du Gouvernement arménien. Les allégations formulées au cours de sa première période de détention ont été renouvelées. Il a été maintenu en détention du 2 au 4 juillet 2003. La mère du requérant, qui avait assisté à son arrestation, a contacté les amis et collègues du requérant, qui ont appelé la chaîne de télévision ANS TV. De ce fait, plusieurs journalistes se sont rendus au poste de police et les bulletins d’informations de la radio et de la télévision locales ont fait état de l’incident. Le requérant a été libéré le soir même.

2.4 Le 18 juillet 2003, le mariage du requérant a été célébré. Les mêmes agents du Ministère de la sécurité nationale sont venus perturber les célébrations, hurlant dans les microphones, et l’un d’entre eux a agressé physiquement l’épouse du requérant. Le même jour, le requérant et son épouse se sont enfuis d’Azerbaïdjan vers la République autonome du Daguestan qui fait partie de la Fédération de Russie. La femme du requérant souffrait d’un traumatisme et d’hémorragie interne occasionnés par l’agression qu’elle avait subie et elle a été opérée à l’hôpital municipal de Derbend, au Daguestan. De Derbend, le couple s’est rendu à Moscou. Le 9 août 2003, ils ont quitté la Fédération de Russie et sont arrivés en Suède trois jours plus tard. À leur arrivée en Suède, le 12 août 2003, ils ont déposé une demande d’asile.

2.5 Le 22 décembre 2004, leur demande d’asile a été rejetée par le Conseil des migrations, qui a ordonné que le requérant et sa femme soient expulsés vers leur pays d’origine. Appel a été fait de cette décision du Conseil des migrations devant la Commission de recours des étrangers mais ce recours, qui comportait une requête au nom de l’enfant nouveau ‑né du requérant et de sa femme, a été rejeté le 28 novembre 2005. Le Conseil des migrations a, de sa propre initiative, réexaminé le cas en vertu d’une nouvelle loi temporaire entrée en vigueur le 15 novembre 2005 et a estimé, dans une décision datée du 19 mai 2006, que l’octroi d’un visa de résident pour raisons humanitaires ne se justifiait pas.

Teneur de la plainte

3. Le requérant fait valoir que s’il était renvoyé de force en Azerbaïdjan, il courrait le risque d’être torturé, en violation de l’article 3 de la Convention. Il craint d’être torturé à cause des traitements qu’il a déjà subis aux mains des autorités azerbaïdjanaises en raison de son appartenance à un parti politique d’opposition et de ses activités pour le compte de ce parti. Il fait état d’une enquête pénale engagée à son encontre depuis son départ d’Azerbaïdjan. Il soutient que les autorités suédoises n’ont pas pris en compte sa situation personnelle et que leur décision procède d’arguments concernant la situation générale en Azerbaïdjan et non son cas particulier.

Observations de l’État partie sur la recevabilité et sur le fond

4.1 Le 11 décembre 2006, l’État partie a présenté des observations sur la recevabilité et sur le fond de la communication. S’agissant des faits, l’État partie indique que le requérant a fait une demande d’asile le 13 août 2003.

4.2 En demandant l’asile, le requérant et sa femme n’ont pas été en mesure de produire des pièces d’identité. Un agent du Conseil des migrations suédois a enregistré que la femme du requérant avait dû subir une intervention chirurgicale d’urgence à l’estomac après avoir été battue en Azerbaïdjan. À un stade ultérieur de la procédure, le requérant a présenté une carte d’identité délivrée par une association de jeunes avocats et une copie de certificat de naissance, ainsi qu’un certain nombre de documents concernant sa femme.

4.3 Un entretien initial avec le requérant et sa femme a eu lieu le 7 novembre 2003. Au cours de cet entretien, le requérant a donné de son cas une description essentiellement identique à celle donnée plus haut. Il a indiqué que peu de temps après son arrivée en Suède, son père, qui était bien connu en raison de ses hautes fonctions dans l’industrie pétrolière en Azerbaïdjan, a été attaqué par les forces de sécurité. Transporté à l’hôpital, il y est décédé le 25 août 2003. Selon le certificat de décès, son père a succombé à une défaillance cardiaque alors qu’il n’avait jamais eu de problèmes cardiaques auparavant. Le requérant a indiqué que sa mère avait été licenciée de son emploi. La femme du requérant a également déclaré qu’après leur départ d’Azerbaïdjan, sa mère, qui se cachait en Azerbaïdjan depuis un certain temps déjà, a été arrêtée et a subi des sévices physiques. Sa mère est morte en prison des suites de passages à tabac.

4.4 Un deuxième entretien avec le requérant a eu lieu le 26 mars 2004, en présence d’un conseil et a duré près de trois heures. Le requérant a donné des détails supplémentaires concernant son traitement aux mains des autorités, qui l’auraient notamment obligé à rester debout pendant trente ‑cinq à trente ‑six heures au cours de la période de détention qui a suivi immédiatement son retour des Pays ‑Bas. Il était frappé chaque fois qu’il essayait de s’asseoir et les forces de sécurité utilisaient une sorte de gant de boxe pour ne pas laisser de traces de coups. Il a déclaré avoir subi également des sévices au cours de sa deuxième période de détention mais qu’il n’avait pas subi de blessures graves. Il a déclaré avoir été remarqué pour la première fois par les autorités à l’hiver de 2000, lorsqu’il a participé à l’organisation d’une manifestation. Il a reçu des appels téléphoniques mais n’a pas été arrêté. Il a cité deux cas où les forces de sécurité ont fouillé son bureau. Il a noté que sa mère avait été avisée un mois auparavant que le Ministère de l’intérieur avait lancé un mandat d’arrêt visant son fils en tant que traître à son pays. Un deuxième entretien avec la femme du requérant a eu lieu le 18 mai 2004, en présence d’un conseil. La femme du requérant a présenté la carte de membre du parti Musavat de son mari et un mandat d’arrêt daté du 15 janvier 2004.

4.5 Le 22 décembre 2004, le Conseil des migrations a rejeté les requêtes du requérant et de sa femme et ordonné leur expulsion vers leur pays d’origine. Le Conseil des migrations a pris en considération le statut de membre du Conseil de l’Europe de l’Azerbaïdjan et le fait que des ONG internationales et locales sont autorisées à travailler dans le pays. Il a estimé qu’il subsiste certes en Azerbaïdjan quelques carences sur le plan du respect des droits de l’homme, concernant notamment la façon dont la police traite les partis politiques d’opposition, mais que la situation générale en Azerbaïdjan ne constituait pas en elle ‑même un motif d’octroi de l’asile au requérant et à sa femme. S’agissant de la situation particulière alléguée du requérant, le Conseil des migrations a considéré que ce dernier n’occupait pas dans le parti Musavat des fonctions d’un rang suffisamment élevé pour attirer plus particulièrement l’attention des autorités. L’authenticité du mandat d’arrêt daté du 15 janvier 2004 a été mise en doute.

4.6 Le 3 juin 2005, le requérant et sa femme ont fait appel de la décision du Conseil des migrations auprès de la Commission de recours des étrangers. Ils ont produit de nouvelles pièces justificatives, dont un procès ‑verbal émanant des forces de police et daté du 2 juillet 2003 (qui indiquait que le requérant, désigné comme étant le rédacteur en chef adjoint du Yeni Musavat , avait été placé en détention parce que soupçonné d’avoir divulgué des informations secrètes préjudiciables à la sécurité de l’État), accompagné d’attestations concernant le requérant émanant de diverses organisations de défense des droits de l’homme en Azerbaïdjan.

4.7 Le 1 er juillet 2005, le requérant et sa femme ont déposé une demande d’asile au nom de leur enfant nouveau ‑né. La Commission de recours des étrangers a examiné cette demande en même temps que le recours formé par le requérant et sa femme.

4.8 Le 28 novembre 2005, la Commission de recours des étrangers a rejeté le recours pour les mêmes motifs que ceux invoqués par le Conseil des migrations. La Commission a également mis en doute la crédibilité du requérant. Elle a estimé que sa carte de membre du parti Musavat n’était pas authentique et que deux des attestations émanant d’organisations azerbaïdjanaises n’étaient pas véridiques. La Commission s’est fondée pour conclure en ce sens sur sa connaissance préalable des cartes de membre du Musavat, sur la signature qui lui avait été présentée en personne par l’un des signataires présumés de l’une des attestations et sur des contacts directs par téléphone et courrier électronique avec le signataire présumé d’une autre attestation. La Commission avait en outre reçu confirmation du rédacteur en chef du journal du Musavat que le requérant «n’avait été ni rédacteur en chef adjoint ni simple rédacteur du journal». Elle n’a pas jugé satisfaisantes les explications du requérant qui, mis au fait des informations réunies par la Commission, contestait plus ou moins la véracité des personnes qui auraient fourni les attestations au départ.

4.9 Le Conseil des migrations a, de sa propre initiative, réexaminé l’affaire du requérant et de sa famille en application d’une nouvelle loi temporaire entrée en vigueur le 15 novembre 2005, et a estimé, dans sa décision du 19 mai 2006, qu’il n’y avait pas lieu d’octroyer un visa de résident pour raisons humanitaires.

4.10 S’agissant de la recevabilité et de la question de savoir si les voies de recours internes ont été épuisées en l’espèce, l’ État partie note que, le 7 juin 2006, la femme du requérant a déposé au Conseil des migrations une nouvelle requête en vue d’obtenir des permis de séjour pour elle ‑même et sa famille. L’État partie note que cette demande n’a pas encore été examinée et que la décision du Conseil des migrations peut faire l’objet d’un recours devant un tribunal des migrations. L’État partie laisse au Comité le soin de déterminer si toutes les voies de recours internes ont été épuisées à cet égard. Enfin, il fait valoir que la communication est irrecevable en vertu du paragraphe 2 de l’article 22 de la Convention, au motif qu’elle est manifestement infondée et n’atteint donc pas le niveau minimal de justification nécessaire pour qu’une allégation de violation de l’article 3 soit recevable. L’État partie renvoie pour cette conclusion à ses arguments sur le fond, énoncés ci ‑dessous.

4.11 Sur le fond, l’État partie conteste que la communication fasse apparaître une violation de la Convention. Il se réfère à la jurisprudence du Comité selon laquelle l’existence d’un ensemble de violations systématiques des droits de l’homme, graves, flagrantes ou massives dans un pays ne constitue pas en soi un motif suffisant pour établir qu’une personne donnée risque d’être soumise à la torture à son retour dans ce pays. Il doit exister des motifs supplémentaires donnant à penser que l’intéressé courrait personnellement un risque.

4.12 En ce qui concerne la situation générale des droits de l’homme en Azerbaïdjan aujourd’hui, l’État partie fait remarquer que ce pays est membre du Conseil de l’Europe et qu’il a ratifié plusieurs grands instruments relatifs aux droits de l’homme, dont la Convention. Tout en notant les informations faisant état d’atteintes aux droits de l’homme, notamment des détentions arbitraires et des cas de passage à tabac et de torture de personnes détenues par les forces de sécurité, s’agissant en particulier de militants de premier plan, l’État partie souscrit au point de vue du Conseil des migrations selon lequel la situation en Azerbaïdjan à l’heure actuelle ne justifie pas un besoin général de protection des demandeurs d’asile venus de ce pays.

4.13 S’agissant du risque personnel d’être torturé, l’État partie renvoie à la jurisprudence du Comité selon laquelle, aux fins de l’article 3 de la Convention, le requérant doit courir personnellement un risque prévisible et réel d’être torturé dans le pays vers lequel il doit être renvoyé. En outre, c’est au requérant qu’il incombe de présenter des arguments défendables et l’existence du risque doit être appréciée selon des éléments qui ne se limitent pas à de simples supputations ou soupçons, mais sans qu’il soit nécessaire de montrer que le risque couru est hautement probable . L’État partie appelle l’attention du Comité sur le fait que plusieurs dispositions figurant aussi bien dans la loi sur les étrangers de 1989 que dans la nouvelle loi sur les étrangers, entrée en vigueur en mars 2006, reprennent le même principe que celui énoncé au paragraphe 1 de l’article 3 de la Convention. L’État partie fait remarquer que les autorités suédoises sont donc tenues d’appliquer les mêmes types de critères que ceux que le Comité appliquerait en examinant une plainte ultérieure au titre de la Convention.

4.14 L’État partie soutient que le retour du requérant en Azerbaïdjan ne constituerait pas une violation de l’article 3 de la Convention. Il estime qu’il faut accorder un grand poids aux décisions des autorités suédoises chargées des migrations, parce que ces autorités sont très bien placées pour analyser les informations présentées à l’appui d’une demande d’asile et évaluer la crédibilité des allégations du demandeur. L’État partie note que le Conseil des migrations a procédé à deux entretiens avec le requérant et a eu largement le temps d’évaluer les faits et la documentation concernant cette requête.

4.15 Par ailleurs, l’État partie exprime de sérieux doutes sur la crédibilité générale du requérant et la fiabilité des informations fournies. L’État partie présente un rapport daté d’octobre 2006, obtenu par l’entremise de l’ambassade de Suède à Ankara (Turquie), émanant d’une organisation internationale opérant en Azerbaïdjan et dotée, selon certaines informations, d’un excellent réseau sur place. Le rapport indique que le requérant n’a jamais été membre du parti Musavat et que les documents qu’il a présentés à l’appui à sa demande d’asile sont des faux. Le rapport passe en revue la carte de membre du parti Musavat présentée par le requérant, certaines des attestations relatives à l’adhésion du requérant à ce même parti et aux fonctions qu’il exerçait dans le journal du parti, le mandat d’arrêt daté du 15 janvier 2004 et le procès ‑verbal concernant sa détention daté du 2 juillet 2003 et conclut que toutes ces pièces sont des faux. Il ressort en outre du rapport que le requérant n’a jamais été recherché à raison d’une infraction pénale en Azerbaïdjan, l’organisme public d’enregistrement n’ayant pas trace d’une telle démarche le concernant. Le rapport explique également que le requérant n’a jamais fait partie de l’Association des avocats de la République d’Azerbaïdjan et que son père est mort en 1996, et non le 25 août 2003, comme il l’avait prétendu dans son premier entretien au Conseil des migrations.

4.16 L’État partie prétend aussi que le récit fait par le requérant des événements en Azerbaïdjan contient un certain nombre de contradictions, concernant principalement ses fonctions dans l’équipe de rédaction du journal du Musavat, et relève une escalade dans la description faite par le requérant des passages à tabac qu’il aurait subis et de l’importance de ses activités politiques dans le cadre aussi bien de la demande d’asile que de la requête présentée au Comité. L’État partie note que le requérant n’a pas présenté de certificat médical concernant les problèmes rénaux dont il prétend continuer de souffrir après son arrivée en Suède.

4.17 L’ État partie affirme que le requérant n’a pas fourni de raisons valables de croire à l’existence d’un risque réel et personnel d’être soumis à la torture en violation de l’article 3 de la Convention s’il est expulsé en Azerbaïdjan. L’ État partie fait valoir que, même si le requérant pouvait être considéré comme ayant été un membre du parti Musavat, il ne pouvait être considéré comme un membre important auquel ses activités et son rang au sein du parti, y compris dans le journal du parti, feraient courir un risque. L’État partie note que le parti Musavat est une organisation enregistrée officiellement et légale et que l’appartenance à ce parti ne constitue pas une infraction pénale. Il souligne que près de quatre années se sont écoulées depuis la période au cours de laquelle le requérant aurait eu des activités politiques et que dans l’intervalle, un certain nombre d’amnisties présidentielles ont été octroyées à un certain nombre de personnes que le Conseil de l’Europe considère comme des prisonniers politiques. Il fait remarquer que le parti Musavat a perdu beaucoup de son statut de grand parti d’opposition, n’ayant remporté que 5 des 125 sièges aux élections parlementaires de novembre 2005.

Commentaires du requérant sur les observations de l’État partie concernant la recevabilité et le fond

5.1 Par lettre datée du 6 février 2007, le requérant réitère que les critères de recevabilité ont été satisfaits. Quant au fond, et plus précisément le fait que l’État partie doute de la véracité de ses dires et prétend que la documentation qu’il a présentée est fausse, le requérant fait remarquer qu’en Azerbaïdjan nombreux sont ceux qui craignent de se mêler à de telles affaires pour ne pas faire l’objet d’enquête par la police et les services de sécurité nationale. En ce qui concerne son statut au journal du Musavat, le requérant déclare ne pas avoir pu expliquer quelles étaient ses fonctions au journal pendant le premier entretien au motif que l’occasion allait lui être donnée de le faire au cours du second entretien.

5.2 Le requérant critique le rapport obtenu par l’État partie par l’entremise de son ambassade à Ankara, en expliquant que l’enquête n’a pas été menée avec discrétion et que de nombreuses personnes étaient au courant que quelqu’un cherchait à obtenir des renseignements sur lui. Il affirme que l’on ne peut se fier à un rapport résultant d’une enquête menée de cette manière. S’agissant des contradictions relevées par l’État partie dans ses propos, le requérant déclare que les traducteurs mis à la disposition du demandeur d’asile étaient essentiellement des Azerbaïdjanais d’origine iranienne qui parlent l’azéri ancien mélangé au persan, donc difficile à comprendre pour les demandeurs d’asile. Il note que, en consultation avec son conseil, il a apporté 17 corrections au compte rendu de l’un de ses entretiens.

5.3 S’agissant du fait qu’il n’a pas présenté de certificat médical, le requérant déclare que lui ‑même et sa femme ont demandé à plusieurs reprises à l’hôpital de Växjö (Suède) des documents sur sa situation médicale mais n’ont pas pu les obtenir. Il note que, à sa demande, son ancien conseil a aussi essayé d’obtenir ces documents, en vain.

5.4 S’agissant de l’authenticité du mandat d’arrêt daté du 15 janvier 2004, le requérant déclare que les autorités de police en Azerbaïdjan ne travaillent pas de la même manière que leurs homologues européens, en ce sens que toutes les affaires ne sont pas enregistrées, en particulier celles relatives aux personnes qui font de la politique, et il n’est pas toujours possible d’obtenir des renseignements concernant les mandats d’arrêt. Le requérant note que les autorités n’ont probablement pas enregistré les griefs portés contre lui de façon à donner l’impression que la procédure est respectée.

Observations supplémentaires de l’État partie

6.1 Le 22 mars 2007, l’État partie a présenté les observations supplémentaires ci ‑dessous.

6.2 En ce qui concerne les entretiens avec les autorités suédoises chargées des migrations, l’État partie note que le requérant a eu droit à deux entretiens. Le premier a duré 1 heure et 45 minutes et l’interprète traduisait en russe. L’enquêteur a lu le compte rendu au requérant et celui ‑ci a déclaré que tout était exact. Le deuxième entretien a duré deux heures et cinquante ‑cinq minutes et un interprète traduisait en azéri. Le requérant, par l’entremise de son conseil, a présenté le 17 juin 2004 des commentaires sur ce qu’il considérait être des erreurs dans le compte rendu de cet entretien. Au cours de ce second entretien, le conseil du requérant était présent. Le requérant a également présenté, le 21 octobre 2005, des commentaires sur la traduction de certains documents officiels. L’État partie estime que le requérant a donc eu largement le temps d’expliquer et de développer les raisons pour lesquelles il demandait l’asile en Suède. L’État partie maintient que l’enquête relative à la demande d’asile a été effectuée convenablement et avec soin, le requérant ayant eu l’occasion de corriger tout malentendu éventuel sur ses déclarations.

6.3 S’agissant des critiques du requérant à l’égard du rapport que l’État partie a obtenu par l’entremise de son ambassade à Ankara, l’État partie souligne que rien n’indique qu’il y ait des raisons quelconques de mettre en doute les méthodes de travail de l’organisation qui a établi ce rapport ou les qualités des enquêtes ou des conclusions qui y figurent et il ne voit donc pas de raison de ne pas se fier aux résultats de l’enquête effectuée dans le cas d’espèce. S’agissant de l’affirmation du requérant selon laquelle il ne pouvait obtenir un certificat médical en Suède, l’État partie répond que rien n’indique qu’il lui aurait été impossible d’obtenir un document à l’issue de l’examen médical qu’il a subi à son arrivée en Suède.

Délibérations du Comité

Examen de la recevabilité

7.1 Avant d’examiner toute plainte soumise dans une communication, le Comité contre la torture doit déterminer si elle est recevable en vertu de l’article 22 de la Convention.

7.2 Le Comité s’est assuré, comme il est tenu de le faire conformément au paragraphe 5 a) de l’article 22 de la Convention, que la même question n’a pas été examinée et n’est pas actuellement examinée par une autre instance internationale d’enquête ou de règlement.

7.3 S’agissant du critère énoncé au paragraphe 5 b) de l’article 22 de la Convention selon lequel toutes les voies de recours interne doivent avoir été épuisées, le Comité note que la femme du requérant a déposé auprès d’un organisme national une demande supplémentaire de permis de séjour en son propre nom et en celui de sa famille. Le Comité note en outre que, la présente communication étant présentée par le seul requérant, l’État partie s’est, autant que le permettaient les circonstances, expressément limité à un exposé de sa position concernant ce dernier uniquement. Le Comité fait remarquer que l’État partie n’a donné aucune information supplémentaire concernant le fondement particulier de la nouvelle demande déposée par la femme du requérant devant un organisme national ni sur la question de savoir si elle peut être considérée comme une voie utile. Le Comité note également que l’État partie n’a mis aucun accent particulier sur cette question, ni formulé d’objection particulière à cet égard, préférant laisser au Comité le soin de déterminer si toutes les voies de recours internes ont été épuisées. En conséquence, le Comité estime qu’il y a lieu de considérer que le critère du paragraphe 5 b) de l’article 22 de la Convention a été satisfait en ce qui concerne le requérant.

7.4 L’État partie fait valoir que la communication est irrecevable en vertu du paragraphe 2 de l’article 22 de la Convention, en arguant qu’elle n’atteint pas le niveau minimum de justification exigé aux fins de la recevabilité au titre dudit paragraphe de l’article 22 de la Convention. Le Comité est d’avis que les arguments qui lui sont présentés soulèvent des questions de fond qui doivent être traitées quant au fond et non sous le seul angle de la recevabilité.

7.5 En conséquence, le Comité déclare la communication recevable et procède donc à son examen quant au fond.

Examen au fond

8.1 Le Comité doit déterminer si, en renvoyant le requérant en Azerbaïdjan, l’État partie manquerait à l’obligation qui lui est faite en vertu de l’article 3 de la Convention de ne pas expulser ou renvoyer un individu vers un autre État où il y a des motifs sérieux de croire qu’il risque d’être soumis à la torture.

8.2 Pour évaluer le risque de torture, le Comité doit tenir compte de tous les éléments pertinents, y compris l’existence dans l’État où le requérant serait renvoyé d’un ensemble systématique de violations graves, flagrantes ou massives des droits de l’homme. Il s’agit cependant de déterminer si l’intéressé risque personnellement d’être soumis à la torture dans le pays vers lequel il serait renvoyé. Dès lors, l’existence d’un ensemble de violations systématiques des droits de l’homme, graves, flagrantes ou massives dans le pays ne constitue pas en soi un motif suffisant pour établir que l’individu risque d’être soumis à la torture à son retour dans ce pays; il doit exister des motifs supplémentaires donnant à penser que l’intéressé courrait personnellement un risque. À l’inverse, l’absence d’un ensemble de violations flagrantes et systématiques des droits de l’homme ne signifie pas qu’une personne ne peut pas être considérée comme risquant d’être soumise à la torture dans les circonstances qui sont les siennes.

8.3 Le Comité rappelle son Observation générale n o 1, relative à l’application de l’article 3 de la Convention, où il est indiqué que, le Comité étant tenu de déterminer s’il y a des motifs sérieux de croire que le requérant risque d’être soumis à la torture s’il est expulsé, refoulé ou extradé, l’existence d’un tel risque doit être appréciée selon des éléments qui ne se limitent pas à de simples supputations ou soupçons. Sans être nécessairement hautement probable, le risque doit néanmoins être personnel et actuel. À cet égard, le Comité a, dans de précédentes décisions, conclu que le risque doit être prévisible, réel et personnel.

8.4 Pour évaluer le risque de torture dans le présent cas, le Comité note que le requérant affirme avoir été arrêté et détenu à deux reprises pendant deux jours par les autorités azerbaïdjanaises et qu’à ces deux occasions il a été torturé. Le Comité note aussi son affirmation selon laquelle il existe un risque prévisible qu’il soit torturé s’il retourne en Azerbaïdjan, en raison de ses activités politiques et du fait qu’il a déjà été détenu et torturé et fait toujours l’objet d’un mandat d’arrêt.

8.5 Le Comité constate que l’État partie met en doute la crédibilité du requérant et l’authenticité des documents qu’il a produits, en se fondant sur les enquêtes de la Commission de recours des étrangers suédoise et du rapport d’expert obtenu par l’entremise de son ambassade en Turquie. En particulier, l’État partie a mis en doute les fonctions du requérant au sein du parti Musavat et dans l’équipe de rédaction du journal de ce parti ainsi que l’authenticité de documents présentés comme étant une carte de membre du parti Musavat du requérant, un ordre de détention daté du 2 juillet 2003, un mandat d’arrêt daté du 15 janvier 2004 et des attestations de diverses organisations azerbaïdjanaises.

8.6 Le Comité rappelle que, selon son Observation générale n o 1, c’est au requérant qu’il incombe de présenter des arguments défendables (A/53/44, annexe IX, par. 5). Il rappelle sa jurisprudence selon laquelle c’est également au requérant qu’il incombe de réunir et de présenter des éléments de preuve corroborant son récit des événements . Le requérant a certes fourni à l’État partie et au Comité diverses copies de documents mais le Comité estime que le requérant n’a pas réfuté les conclusions de l’État partie ni validé l’authenticité des divers documents en question. De même, il n’a pas donné de réponse satisfaisante aux affirmations de l’État partie concernant certains points de fait tels que, par exemple, le décès de son père et l’allégation selon laquelle ce décès serait lié à ses activités politiques. Il n’a de même pu fournir aucune preuve médicale à l’appui de ses allégations de mauvais traitement aux mains des autorités azerbaïdjanaises.

8.7 Le Comité réitère qu’aux fins de l’article 3 de la Convention, l’intéressé doit courir un risque prévisible, réel et personnel d’être torturé. Compte tenu des considérations qui précèdent, le Comité est d’avis que le requérant n’a pas présenté suffisamment de détails satisfaisants ou d’éléments de preuve corroborant ses détentions et son traitement aux mains des autorités azerbaïdjanaises ni les allégations d’enquête pénale dont il ferait l’objet et le mandat d’arrêt correspondant. Le Comité considère donc que le requérant n’a pas étayé son allégation selon laquelle il courrait personnellement un risque prévisible, réel et personnel d’être soumis à la torture à son retour en Azerbaïdjan.

9. Le Comité contre la torture, agissant en vertu du paragraphe 7 de l’article 22 de la Convention, considère que le requérant n’a pas étayé son allégation selon laquelle il serait soumis à la torture à son retour en Azerbaïdjan et conclut donc que son renvoi dans ce pays ne constituerait pas une violation de l’article 3 de la Convention.

Communication n o 298/2006

Présentée par :

C. A. R. M. et consorts ( représentés par un conseil )

Au nom de :

C. A. R. M. et consorts

État partie :

Canada

Date de la requête :

26 juin 2006 (date de la lettre initiale)

Le Comité contre la torture , institué en vertu de l’article 17 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,

Réuni le 18 mai 2007,

Ayant achevé l’examen de la requête n o 298/2006, présentée par C. A. R. M. et consorts en vertu de l’article 22 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,

Ayant tenu compte de toutes les informations qui lui ont été communiquées par le requérant et l’État partie,

Adopte la décision ci ‑après au titre du paragraphe 7 de l’article 22 de la Convention contre la torture.

1.1 Les requérants, C. A. R. M. et consorts , de nationalité mexicaine, se trouvent actuellement au Canada, où ils avaient déposé une demande d’asile le 12 novembre 2002 . Cette demande a été rejetée le 11 mars 2004. Les requérants affirment que leur renvoi au Mexique constituerait une violation par le Canada de l’article 3 de la Convention contre la torture. Ils sont représentés par un conseil.

1.2 Conformément au paragraphe 3 de l’article 22 de la Convention, le Comité a porté la requête à l’attention de l’État partie le 28 juin 2006 , priant le Gouvernement de fournir des renseignements et observations sur la recevabilité et le fond des allégations. Dans le même temps, le Comité, agissant en vertu du paragraphe 1 de l’article 108 de son règlement intérieur, a prié l’État partie de ne pas renvoyer les requérants pendant l’examen de la requête. Par note verbale du 29 juin 2006, l’État partie a informé le Comité qu’il accédait à cette demande.

1.3 Le 27 septembre 2006, l’État partie a sollicité que les mesures provisoires soient levées. Le 19 octobre 2006, le Rapporteur spécial chargé des nouvelles communications a suspendu les mesures.

Rappel des faits présentés par les requérants

2.1 C. A. R. M. était depuis 1995, à San Andrés Cholula (État de Puebla, Mexique), l’animateur principal d’une entreprise dénommée SIMA Computación, spécialisée dans la vente, l’installation et l’entretien d’équipement informatique. Son entreprise s’était vu accorder un contrat d’équipement informatique de la mairie par le biais d’un comptable. Durant son travail pour la mairie, C. A. R. M. aurait été témoin à plusieurs reprises d’irrégularités et d’actes de corruption.

2.2 Un jour en 2002, C. A. R. M. a fait une soumission dans le cadre d’un appel d’offres d’installation d’équipements dans les bureaux de la mairie. Le comptable l’aurait convoqué pour lui dire qu’un ami du maire avait fait aussi une soumission dont les prix étaient gonflés et lui a demandé d’écrire une lettre expliquant les divergences de prix. Par la suite, le 22 août 2002, le secrétaire du maire, qui était son neveu et parlait pour ce dernier, l’a convoqué pour lui demander pourquoi il avait écrit une telle lettre. Il lui a proposé qu’il gonfle les prix de son offre également et qu’il utilise du matériel de moindre qualité pour verser un pourcentage des profits au maire. Pendant l’entretien, le maire était dans la pièce d’à coté avec la porte ouverte. C. A. R. M. a refusé la proposition.

2.3 Le 22 septembre 2002, C. A. R. M. a été informé par le secrétaire du maire qu’il n’aurait plus accès à la mairie. C. A. R. M. l’a alors prévenu qu’il irait porter plainte au Bureau du revenu. Le secrétaire l’a informé qu’ils avaient des relations et étaient protégés par le Gouvernement. Par la suite, C. A. R. M. a été une fois de plus contacté par le comptable, lequel lui a dit qu’il appréciait son travail et le fait qu’il était honnête et qu’il avait arrangé le désaccord entre lui et le maire. Il l’a aussi informé qu’il s’était vu accorder un contrat pour l’installation d’équipement informatique à la prison municipale. Ce travail, effectué du 25 septembre au 11 octobre 2002, concernait des équipements pour l’identification des prisonniers. C. A. R. M. a ainsi eu accès à la liste des prisonniers et à ce moment, le directeur de la prison l’a informé que des criminels importants du cartel du Golfe étaient détenus dans la prison et que son travail serait dangereux car ce système avait pour but de les surveiller.

2.4 Le 11 octobre 2002, C. A. R. M. a reçu deux appels téléphoniques de la part du comptable qui l’a informé que son installation informatique avait été détruite et que des personnes liées à des prisonniers protégés par le maire voulaient le tuer, ainsi que sa famille. Il lui a recommandé de quitter le pays. Le même jour, C. A. R. M. et sa famille ont quitté la ville pour aller se réfugier dans un hôtel de la ville de Mexico. Quelques jours plus tard, une amie de la famille est allée à leur domicile et a découvert que leur maison avait été saccagée et que plusieurs policiers étaient sur les lieux. Ces derniers lui ont demandé de les prévenir si elle avait des nouvelles de la famille. Aussitôt, les requérants ont décidé de quitter le pays pour le Canada.

2.5 Le 16 octobre 2002, les requérants ont quitté leur pays par avion à destination du Canada. Ils ont été admis en tant que visiteurs pour une période de six mois. Le 12 novembre 2002, ils se sont présentés au Citoyenneté et immigration Canada de Montréal et revendiqué le statut de réfugié. Le 11 mars 2004, la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (CISR) a conclu qu’ils n’avaient pas la qualité de réfugiés au sens de la Convention, ni de personnes à protéger. La CISR a relevé plusieurs incohérences dans le témoignage de C. A. R. M., notamment concernant la présence ou non du maire lors de la rencontre du 22 août 2002 et sur le contenu des conversations téléphoniques qu’il aurait eues avec le comptable le 11 octobre 2002. En outre, le CISR n’a pas jugé satisfaisantes les explications de C. A. R. M. sur les raisons pour lesquelles il n’avait pas mentionné à l’agent d’immigration lors de son premier entretien que lui et sa famille étaient menacés par des narcotrafiquants du cartel du Golfe. Lors de son interview du 12 novembre 2002 avec un agent de l’immigration, C. A. R. M. aurait déclaré qu’il était persécuté par le maire. Dans son formulaire de renseignements personnels et devant le CISR, C. A. R. M. aurait indiqué qu’il craignait des personnes du cartel du Golfe liées aux prisonniers protégés par le maire. Pendant la procédure d’asile, C. A. R. M. aurait expliqué qu’il avait peur pour le comptable et qu’il craignait d’être renvoyé si l’agent pensait qu’il était un délinquant puisqu’il ne connaissait pas les lois du pays.

2.6 Le 6 avril 2004, les requérants ont déposé une demande d’autorisation et de contrôle judiciaire à l’encontre de la décision négative du CISR. Le 23 juin 2004, la demande d’autorisation de cette décision a été rejetée par la Cour fédérale du Canada.

2.7 Le 1 er septembre 2005, une procédure d’examen des risques avant renvoi (ERAR) a été offerte aux requérants. Une demande ERAR a été soumise par les requérants le 16 septembre 2005. Les informations et documents supplémentaires suivants ont été présentés aux autorités canadiennes au cours de cette procédure.

2.8 Les requérants ont soumis une plainte à la police mexicaine, déposée par le demi-frère de C. A. R. M. le 17 février 2005, qui aurait été victime d’un kidnapping et du vol de son camion pendant le mois de février. Durant cet épisode, un de ses agresseurs lui aurait demandé où se trouvaient les requérants. D’après son demi-frère, ses agresseurs étaient des policiers, mais son avocat lui aurait conseillé de ne pas inclure cette information dans sa plainte à la police. Les requérants se réfèrent également à une lettre datée du 16 septembre 2005, envoyée par une amie de la famille des requérants, dans laquelle elle déclare que la police continue à surveiller leur maison familiale et que «on» essaye encore d’avoir des informations sur eux. Elle conseille aux requérants de ne pas revenir au Mexique. Les requérants ont présenté également un article d’Internet du 19 mai 2004, indiquant qu’un dénommé Rafael Cielo Ramírez, directeur de la prison de San Pedro Cholula, a disparu après qu’on ait émis un mandat d’arrêt contre lui pour délit d’agression et menaces contre le Président du conseil auxiliaire de San Rafael.

2.9 Les requérants ont présenté un nouveau rapport sur leur état psychologique. Ils se sont soumis à deux évaluations psychologiques, une en novembre 2003 pendant la procédure CISR et l’autre en septembre 2005, par la même psychologue, laquelle a conclu qu’ils souffraient de stress post-traumatique (PTSD), condition qui aurait été réactivée en raison de leur statut vulnérable et de leur crainte d’un renvoi vers leur pays. L. G. U. souffre d’une dépression majeure, accompagnée de pensées suicidaires. Les requérants soutiennent que l’état psychologique de toute la famille, et surtout de L. G. U., est fragile et requiert l’attention et un environnement adéquat pour éviter un dommage irréparable.

2.10 Les requérants ont présenté à l’appui de leurs allégations sur la situation des droits de l’homme au Mexique des rapports provenant de gouvernements, d’organisations non gouvernementales et d’experts. Ils se réfèrent, entre autres, à des rapports provenant du Département d’État des États ‑Unis d’Amérique et d’ Amnesty International (2006).

2.11 Le 3 mars 2006, la décision de la procédure ERAR a été rendue, concluant que les requérants n’avaient pas démontré de façon probante qu’ils risqueraient personnellement de subir des représailles de la part de l’ancien maire de San Andrés, des narcotrafiquants à sa solde ou de policiers véreux. Dans la décision, il est observé que la jurisprudence indique que, sauf en cas d’effondrement complet de l’appareil étatique, ce qui n’est pas le cas au Mexique, il y a lieu de présumer qu’un État est capable de protéger ses citoyens.

2.12 Le 8 juin 2006, les requérants ont soumis une demande de dispense de visa et de résidence permanente en raison de considérations humanitaires. En même temps, ils ont présenté une demande de sursis administratif pour suspendre la déportation et permettre l’étude du cas humanitaire. Cette demande de sursis a été rejetée le 13 juin 2006. Ils ont alors demandé un sursis à la Cour fédérale.

2.13 Le 27 juin 2006, les requérants ont informé le Comité que leur demande de sursis devant la Cour fédérale avait été rejetée le jour même. Les requérants ont eu seulement quelques minutes pour s’exprimer et l’audience a duré moins de vingt minutes quand elle aurait dû durer environ deux heures. Les requérants expliquent que le juge leur aurait reproché de ne pas avoir demandé un contrôle judiciaire devant la Cour fédérale de la décision négative de la procédure d’examen des risques. Ils ont essayé d’expliquer que d’une manière générale, leur ancien avocat était fatigué de tant de décisions négatives de la procédure d’examen des risques avant renvoi, tant par l’agent ERAR que par la Cour fédérale, et qu’il y avait des motifs sérieux de demander le sursis. Cependant, la juge ne les a pas laissé développer leur argumentation et a rejeté la demande. Ils estiment qu’ils n’ont pas eu une audience équitable.

Teneur de la plainte

3.1 Les requérants allèguent que la CISR aurait rejeté la demande d’asile de façon injuste et erronée. Celle-ci a conclu qu’il existerait des contradictions dans le témoignage de C. A. R. M., alors qu’en fait, il n’y aurait pas eu de telles contradictions. Par rapport à la présence ou non du maire lors de la rencontre du 22 août 2002, ils expliquent que C. A. R. M. aurait parlé avec le secrétaire du maire agissant au nom du maire, alors même que ce dernier se trouvait à ce moment ‑là dans un bureau contigu dont la porte était ouverte. Ils soulignent qu’il n’existe aucune contradiction dans cette partie de la déclaration de C. A. R. M. Quant à la contradiction alléguée sur les agents qui les persécutaient et la raison pour laquelle C. A. R. M. n’avait pas mentionné qu’ils étaient menacés par des narcotrafiquants du cartel du Golfe, les requérants déclarent que C. A. R. M. avait indiqué qu’il craignait des individus liés aux prisonniers protégés par le maire et qu’il était recherché par la police et le maire. Les requérants expliquent que le responsable principal de la persécution aurait été le maire, y compris à travers des membres du cartel du Golfe et des policiers corrompus. Encore une fois, il n’y a aucune contradiction dans le récit de C. A. R. M.

3.2 En outre, lors de son entrevue, C. A. R. M. était nerveux car il ne connaissait pas les lois du Canada et craignait d’être renvoyé dans son pays. Les requérants observent que les entrevues à ce stade se font de manière très rapide et qu’il n’avait pas eu le temps de s’expliquer complètement. Ils soulignent également que la section d’appel des réfugiés prévue par la nouvelle loi d’immigration et la protection des réfugiés n’a pas encore été mise en place ce qui rend nulles les possibilités d’appel.

3.3 Les requérants affirment qu’ils sont en danger sur tout le territoire mexicain. Le maire de San Andrés Cholula, les narcotrafiquants sous sa protection et les policiers corrompus peuvent facilement les retrouver et les exécuter. L’État est incapable d’assurer la protection des requérants. Ils se réfèrent à des rapports sur la situation des droits de l’homme au Mexique, dont celui d’Amnesty International (2006). Ils considèrent qu’ils ont présenté suffisamment de preuves documentées sur l’existence généralisée des violations des droits de l’homme au Mexique et sur l’incapacité de l’État à protéger les victimes.

3.4 Quant à la décision ERAR, les requérants affirment que l’agent chargé de cette procédure n’a pas pris au sérieux les rapports sur leur état psychologique et, en particulier celui de L. G. U. Ils déclarent que leur retour au Mexique provoquerait un dommage irréparable pour elle et toute la famille. Ils rejettent l’observation de l’agent ERAR selon laquelle l’angoisse et le stress face à un retour au Mexique ne sont pas mis en question et que ces symptômes sont communs pour des personnes dans cette situation. Ils estiment que l’agent ERAR n’avait pas les qualifications requises pour déterminer si l’état psychologique des requérants était causé par l’angoisse et le stress d’un éventuel retour au Mexique ou par le stress post-traumatique diagnostiqué par la psychologue.

3.5 L’agent ERAR a aussi ignoré les preuves très convaincantes sur les allégations de corruption, impunité et manque de protection adéquate au Mexique et a pris en compte les preuves de manière sélective. L’agent ERAR a simplement rejeté les informations sur l’enlèvement du demi-frère de C. A. R. M. et la lettre de l’amie de la famille attestant du fait que les requérants sont encore recherchés, sous prétexte que cette lettre ne découlait pas d’une correspondance continue et ne provenait pas d’une source indépendante. Cependant, l’agent ERAR n’a jamais vérifié s’il y avait une correspondance continue. Finalement, par rapport à l’article d’Internet, l’agent ERAR ne conteste pas que le requérant ait installé du matériel informatique dans la prison et que le directeur de la prison était recherché pour agressions, menaces et détournement de fonds. Cependant, il rejette simplement la demande des requérants, concluant que leurs allégations quant à leur persécution par l’ancien maire et les narcotrafiquants à sa solde n’étaient pas démontrées.

3.6 Les requérants déclarent qu’il n’existe une obligation d’épuiser tous les recours internes que si ces recours sont adéquats et qu’il y a une réelle occasion d’être entendu par la justice, ce qui n’est pas le cas de l’ERAR et du contrôle judiciaire.

Observations de l’État partie sur la recevabilité

4.1 Par note verbale du 28 septembre 2006, l’État partie conteste la recevabilité de la requête d’une part pour non-épuisement des voies de recours internes et d’autre part du fait que les requérants n’ont pas établi prima facie le bien-fondé de leur communication.

4.2 Par rapport à l’épuisement des voies de recours internes, l’État partie soumet que, après la décision négative ERAR du 3 mars 2006, les requérants auraient pu introduire une demande d’autorisation et de contrôle judiciaire de celle-ci devant la Cour fédérale du Canada et auraient pu également demander à la Cour fédérale de surseoir à l’exécution de la mesure de renvoi en attendant le résultat du contrôle judiciaire. Cependant, ils ne l’ont pas fait. L’État partie affirme que les requérants n’ont pas contesté l’ERAR malgré les nombreux griefs à l’encontre de cette décision dans leur communication.

4.3 L’État partie explique que pour obtenir l’autorisation de présenter une demande de contrôle judiciaire les requérants n’avaient qu’à démontrer qu’ils avaient une «cause défendable», ce qui représente un fardeau de la preuve moins exigeant que le fardeau applicable lors du contrôle judiciaire sur le fond. L’État partie explique la procédure applicable dans une demande de contrôle judiciaire. Il se réfère à la communication T. A. c. Canada , qui illustrerait l’utilité et l’efficacité de la demande d’autorisation et de contrôle devant la Cour fédérale. Dans cette décision, le Comité a reconnu que «les demandes d’autorisation et de contrôle judiciaire ne sont pas de simples formalités et que la Cour fédérale peut, le cas échéant, examiner le fond de l’affaire». Cependant, les requérants n’ont pas demandé la révision judiciaire de la décision ERAR et ont laissé entendre qu’ils considéraient que ce recours n’était pas susceptible de leur donner satisfaction. L’État partie se réfère également aux constatations du Comité dans la communication M. A. c. Canada où le Comité a déclaré qu’il ne «relève pas de sa compétence d’évaluer les perspectives de succès des recours internes, mais qu’il lui appartient uniquement d’examiner si ce sont des recours appropriés aux fins recherchées par l’auteur».

4.4 L’État partie observait à l’époque que la demande de dispense de visa et de résidence permanente au Canada en raison de considérations humanitaires déposée par les auteurs le 8 juin 2006, représentait un autre recours non épuisé. Une fois la décision rendue sur ce recours, d’autres voies de recours leur seraient disponibles, notamment, une demande d’autorisation et de contrôle judiciaire auprès de la Cour fédérale. Ils pourraient également présenter une demande de sursis à l’exécution de la mesure de renvoi s’ils se trouvaient toujours au Canada au moment de la décision sur la demande en raison de considérations humanitaires. L’État partie réitérait que la communication était irrecevable en raison du manque d’épuisement des recours internes.

4.5 L’État partie soutient que les allégations de C. A. R. M. ne sont pas crédibles et qu’il n’y a aucune preuve que le renvoi des requérants au Mexique risque de leur occasionner un préjudice irréparable. L’État partie rappelle les faits allégués par les requérants dans leur demande d’asile, ainsi que la décision du 11 mars 2004 de la CISR. Il observe que leur communication s’appuie sur les mêmes faits et pratiquement sur les mêmes éléments de preuve que ceux présentés aux autorités canadiennes et de fait est pratiquement identique à leur demande de visa et de résidence permanente au Canada en raison de considérations humanitaires.

4.6 L’État partie rappelle les contradictions soulevées par la CISR, ainsi que ses explications lors de cette procédure. Il estime que les explications supplémentaires de C. A. R. M. avancées dans la communication ne sont pas crédibles. L’État partie affirme que l’argument selon lequel C. A. R. M. aurait omis de mentionner le cartel du Golfe parce qu’il aurait toujours maintenu que son «agent persécuteur principal» était le maire et que l’«agent persécuteur principal inclut les autres», est particulièrement peu convaincant. Les explications antérieures indiquent qu’il a sciemment omis de mentionner le cartel du Golfe par peur, selon lui, pour le comptable et pour lui ‑même. De plus, le témoignage de C. A. R. M. ne corrobore pas l’allégation selon laquelle le maire serait l’«agent persécuteur principal», pour le compte de qui le cartel du Golfe ou la police voudrait le tuer. C. A. R. M. a indiqué dans son formulaire sur les renseignements personnels qu’il était recherché par des «agents du cartel du Golfe» et que ce sont les prisonniers, et non pas le maire, qui étaient «très fâchés» contre lui «pour leur avoir installé ces nouvelles technologies de surveillance». Il est invraisemblable que le maire veuille tuer C. A. R. M. et sa famille pour avoir installé le système de surveillance dans la prison municipale, puisque c’est lui-même qui a chargé C. A. R. M. d’exécuter ce projet.

4.7 L’État partie rejette également la deuxième explication de C. A. R. M. selon laquelle il aurait été trop nerveux et trop pressé pour bien identifier ses persécuteurs lors de l’entrevue du 12 novembre 2002, laquelle était trop courte. Selon l’État partie, l’agent d’immigration a posé plusieurs questions à C. A. R. M. sur l’identité de ses persécuteurs et lui a donné toutes les chances d’expliquer qui le recherchait et pourquoi. L’anxiété de C. A. R. M. ne saurait expliquer des divergences sur un aspect aussi important de son récit.

4.8 Une autre disparité relevée par la CISR porte sur la rencontre que C. A. R. M. aurait eue à la mairie le 22 août 2002. Lors de l’audience devant la CISR, C. A. R. M. a spontanément témoigné qu’il était seul avec le secrétaire du maire lorsque celui-ci lui aurait dit qu’il devait gonfler ses prix et remettre une partie de ses profits au maire. Or, le formulaire sur les renseignements personnels de C. A. R. M. contient une version différente de cette rencontre où le plaignant affirme «… je suis arrivé, le maire et le secrétaire, qui était son neveu, m’ont dit qu’ils étaient d’accord pour continuer à travailler avec moi…». Confronté à cette divergence, C. A. R. M. a expliqué qu’il était seul avec le secrétaire, mais que le maire aurait pu suivre leur conversation par haut-parleur téléphonique. Lors de l’entrevue du 12 novembre, C. A. R. M. avait affirmé que c’était le maire qui lui avait demandé de participer à la corruption. Dans la communication au Comité, C. A. R. M. a expliqué que le secrétaire ne parlait pas à titre personnel mais au nom du maire.

4.9 Quant à la procédure de l’ERAR, l’État partie soumet, pour ce qui concerne le rapport psychologique, que l’agent de l’ERAR a constaté que C. A. R. M. et L. G. U. n’ont pas suivi de traitement pour le stress post-traumatique suite à l’évaluation de novembre 2003. Ce n’est que lorsqu’ils ont été convoqués pour leur renvoi du Canada qu’ils ont à nouveau consulté la psychologue. L’État partie souligne également que les rapports psychologiques n’appuient aucunement l’allégation principale de C. A. R. M,. qui affirme que son retour au Mexique lui causerait un préjudice irréparable.

4.10 Également dans le cadre de l’ERAR et par rapport à la plainte pénale déposée par le demi ‑frère de C. A. R. M., l’État partie observe que C. A. R. M. a allégué que, sur le conseil de son avocat, son demi-frère n’avait pas mentionné dans sa plainte que ses agresseurs étaient de toute apparence des policiers et qu’ils auraient demandé où se trouvait C. A. R. M. Il aurait refusé d’envoyer une attestation solennelle à C. A. R. M. pour confirmer ses allégations par peur de se mettre en danger. Selon C. A. R. M., les membres de la famille n’auraient pas l’habitude de s’entraider et son demi-frère serait fâché avec lui. L’État partie observe que l’agent chargé de cette procédure a noté que le demi-frère a tout de même pris la peine d’envoyer une copie de la plainte à C. A. R. M., ainsi qu’une copie de sa carte électorale.

4.11 Par rapport à la lettre de l’amie de la famille les informant qu’ils étaient encore recherchés, l’État partie indique que l’agent chargé de l’ERAR a constaté que cette lettre était postérieure au moment où l’ERAR avait été offerte aux requérants et qu’elle ne découlait pas d’une correspondance continue relatant des incidents semblables depuis que les plaignants ont quitté le Mexique. L’agent chargé de l’ERAR a aussi considéré qu’il n’était pas raisonnable de penser que les policiers auraient attendu trois ans pour se manifester s’ils cherchaient vraiment les requérants et que la lettre ne provenait pas d’une source indépendante.

4.12 L’État partie indique, en relation à l’article publié sur Internet selon lequel l’ex-directeur de la prison de San Pedro de Cholula se serait enfui après qu’un mandat d’arrêt ait été émis contre lui, que C. A. R. M. a indiqué dans sa demande ERAR qu’il s’agissait de la même personne qui l’avait averti que des narcotrafiquants du cartel du Golfe se trouvaient dans la prison. Cependant, selon le formulaire sur les renseignements personnels de C. A. R. M., c’est le secrétaire du maire qui l’aurait informé de la présence de narcotrafiquants. L’agent ERAR a aussi conclu que l’article n’établissait pas de lien entre les événements relatés dans l’article et les allégations des requérants. L’article ne permettait pas de conclure que la vie ou la sécurité des requérants soit en danger au Mexique.

4.13 En relation avec la documentation sur la situation générale au Mexique, l’État partie déclare que l’agent de l’ERAR s’est penché sur plusieurs rapports sur la situation des droits de l’homme au Mexique et a constaté, entre autres, que «la corruption et l’utilisation abusive du système judiciaire sont répandues». Il a cependant observé que le Gouvernement mexicain a connu certains succès dans la lutte contre la corruption et que des recours existent pour les victimes. L’agent a conclu que les plaignants n’ont pas démontré l’incapacité de l’État mexicain à les protéger, n’ayant utilisé aucun des recours qui leur étaient disponibles.

4.14 L’État partie soutient qu’il existe une absence de fondement minimal à la communication . L’État partie rappelle l’Observation générale n o 1 du Comité qui établit «que c’est à l’auteur qu’il incombe d’établir qu’à première vue, sa communication est recevable». La communication soumise à l’examen du Comité est tout d’abord manifestement dénuée de fondement compte tenu du manque flagrant de preuves pour démontrer que les auteurs risquent personnellement de subir des représailles au Mexique. Comme la lettre de l’amie de la famille ne peut pas être considérée comme provenant d’une source indépendante, la communication ne repose pratiquement que sur les allégations de C. A. R. M., dont la crédibilité a été sérieusement mise en doute par les nombreuses contradictions dans son témoignage. C. A. R. M. n’a pas établi que, s’il existait un risque, ce risque serait présent sur tout le territoire mexicain. L’État partie estime que les requérants n’ont pas établi qu’ils seraient personnellement soumis à un risque de torture sur l’ensemble du territoire mexicain.

Commentaires du requérant sur les observations de l’État partie concernant la requête

5.1 Le 16 octobre 2006, les requérants ont soumis leurs commentaires sur les observations de l’État partie.

5.2 Quant à la question de l’épuisement des recours internes, les requérants expliquent qu’ils ont demandé à la Cour fédérale de surseoir à l’exécution de la mesure de renvoi pendant l’examen de leur demande en raison de considérations humanitaires et qu’ils ont obtenu une réponse négative. L’argument de l’État partie est donc erroné. Les requérants ont demandé un sursis à l’exécution de la mesure de renvoi. Ils ont aussi demandé le statut de réfugié et le contrôle judiciaire devant la Cour fédérale concernant cette décision négative. Ils ont présenté une demande dans le cadre de la procédure ERAR. Ils ont demandé la résidence permanente pour des considérations humanitaires. Ils ont présenté une demande de sursis administratif pour arrêter la déportation et permettre l’étude du cas humanitaire. Les requérants concluent que la communication est recevable.

5.3 Les requérants réitèrent que la procédure ERAR n’est pas un recours efficace et adéquat et que les agents chargés de cette procédure sont insensibles à la souffrance et aux risques des personnes déportées dans des pays où elles seraient torturées. Ils se réfèrent à un document soumis par l’organisation non gouvernementale American Association of Jurists à l’occasion de l’examen du rapport du Canada par le Comité des droits de l’homme en octobre 2005, selon lequel le taux d’acceptation de la procédure ERAR n’est que de 1,5 % dans tout le Canada.

5.4 En relation avec l’allégation de manque de fondement minimal de la communication, les requérants affirment avoir présenté plusieurs preuves et se réfèrent aux rapports de la psychologue sur l’existence de stress post ‑traumatique; aux diverses preuves présentées aux autorités canadiennes sur la corruption, l’impunité, l’absence d’une protection adéquate au Mexique; au fait que le demi-frère de C. A. R. M. a été enlevé et que ses ravisseurs ont demandé où étaient les requérants; à la lettre de l’amie de la famille. En outre, il n’est pas contesté que C. A. R. M. a installé du matériel informatique dans le centre pénitentiaire. Le danger pour les requérants est prouvé par le fait que le demi-frère de C. A. R. M. a été enlevé par des personnes qui cherchaient le requérant. L’agent ERAR aurait dû au moins concéder le bénéfice du doute aux requérants.

5.5 Les requérants concluent qu’ils ont épuisé les voies de recours internes et qu’il n’existe pas assez d’éléments pour prouver l’absence de fondement minimal de la communication. Finalement, ils déclarent avoir démontré qu’ils subiraient un préjudice irréparable en cas de renvoi au Mexique.

Commentaires de l’État partie sur la recevabilité et le fond de la communication

6.1 Par note verbale du 8 janvier 2007, l’État partie réitère que la communication est irrecevable en raison du non-épuisement des voies de recours internes et d’autre part parce que les requérants n’ont pas établi prima facie le bien-fondé de leur communication. Par rapport à l’épuisement des recours internes, l’État partie précise que les requérants lui attribuent des propos qui ne sont pas les siens. Il n’a jamais été prétendu que les requérants n’ont pas présenté une demande de sursis devant la Cour fédérale du Canada. Dans ses observations en date du 26 septembre 2006, l’État partie a clairement indiqué que les requérants, en faisant une demande d’autorisation et de contrôle judiciaire, auraient également eu la possibilité de demander un sursis à l’exécution de la mesure de renvoi afin de pouvoir rester au Canada jusqu’à ce que soit connu le résultat du contrôle judiciaire de l’ERAR, et qu’ils pourront présenter une demande de sursis à l’exécution de la mesure de renvoi s’ils se trouvent toujours au Canada au moment de la décision sur la demande en raison de considérations humanitaires. L’État partie fait valoir qu’il s’agit encore une fois de recours bien distincts qui ne s’excluent pas mutuellement.

6.2 L’État partie informe que le 22 décembre 2006, la demande de résidence permanente pour des motifs humanitaires a été rejetée au motif que les requérants n’avaient pas démontré qu’ils seraient personnellement ciblés par les forces de l’ordre, le maire de San Andrés Cholula ou les narcotrafiquants du cartel du Golfe à leur retour au Mexique. L’État partie fait valoir que les requérants peuvent introduire une demande d’autorisation et de contrôle judiciaire devant la Cour fédérale du Canada à l’encontre de cette décision. Ils pourront également demander à la Cour fédérale de surseoir à l’exécution de la mesure de renvoi en attendant le résultat de ce contrôle.

6.3 L’État partie réitère ses arguments antérieurs et soutient que la communication est irrecevable d’une part, en raison du non-épuisement de recours internes et, d’autre part, parce que les requérants n’ont établi prima facie le bien-fondé de leurs allégations.

Information et commentaires supplémentaires des requérants

7.1 Le 24 janvier 2007, les requérants ont informé le Comité que leur demande de résidence permanente pour des motifs humanitaires avait été rejetée le 22 décembre 2006, et qu’ils avaient introduit une demande de contrôle judiciaire devant la Cour fédérale. Le 28 février 2007, ils ont informé le Comité que le 26 février 2007, leur demande de sursis à l’exécution de la mesure de renvoi avait été rejetée par la Cour fédérale.

7.2 Le 7 mars 2007, les requérants ont soumis leurs commentaires sur les observations de l’État partie. Ils réitèrent leurs arguments sur l’épuisement des voies de recours internes. Ils soulignent que la demande en raison de considérations humanitaires a été rejetée comme la demande de sursis. Ils réitèrent qu’ils ont épuisé tous les recours disponibles. Au vu de leur situation, ils ont été forcés de rester au Canada illégalement.

7.3 Quant à l’absence alléguée de fondement minimum, ils rejettent l’affirmation de l’État partie que la lettre de l’amie de la famille ne provient pas d’une source indépendante. Ils n’ont pas de raison d’exiger que la lettre fasse partie d’une correspondance continue. La conclusion de l’ERAR dans cette instance est encore une démonstration que ce recours n’est pas effectif et adéquat, et que l’agent ERAR a cherché n’importe quel motif pour rejeter leur demande. La seule réponse de l’agent ERAR à l’argument selon lequel les droits des requérants ne seraient pas protégés au Mexique est qu’il existe des déclarations sur les intentions du Gouvernement de changer cette situation. Les requérants réitèrent également leurs observations sur l’existence de plusieurs preuves soutenant leurs allégations.

7.4 Ils se réfèrent également à un document daté de 2005, de l’organisation non gouvernementale Centre Miguel Agustín Pro Juárez sur la torture au Mexique, où l’organisation note que, comme cela a été reconnu par le Gouvernement mexicain dans son rapport au Comité contre la torture, entre 1997 et 2003, personne n’a été condamné pour crime de torture au Mexique. Ils concluent qu’ils ont épuisé les recours internes, qu’il n’existe pas assez d’éléments pour prouver l’absence de fondement minimal de la communication et réitèrent avoir démontré qu’ils subiraient un préjudice irréparable en cas de renvoi au Mexique.

Délibérations du Comité

8.1 Avant d’examiner une plainte contenue dans une communication, le Comité contre la torture doit décider si elle est ou non recevable en vertu de l’article 22 de la Convention. Le Comité s’est assuré, comme il est tenu de le faire conformément au paragraphe 5 a) de l’article 22 de la Convention, que la même question n’a pas été et n’est pas actuellement examinée par une autre instance internationale d’enquête ou de règlement.

8.2 Conformément au paragraphe 5 b) de l’article 22 de la Convention, le Comité n’examine aucune requête sans s’être assuré que les requérants ont épuisé tous les recours internes disponibles; cette règle ne s’applique pas s’il est établi que les procédures de recours ont excédé des délais raisonnables ou s’il est peu probable, après un procès équitable, qu’elles donneraient satisfaction à la victime.

8.3 Le Comité note que l’État partie conteste la recevabilité de la requête parce que les recours internes n’ont pas été épuisés, vu que les requérants n’ont pas introduit de demande d’autorisation et de contrôle judiciaire devant la Cour fédérale du Canada à l’encontre de la décision du 3 mars 2006 rejetant leur demande ERAR et que les procédures relatives à la demande de résidence en raison de considérations humanitaires n’ont pas encore été conclues. L’État partie observe que les requérants n’ont pas contesté la décision rejetant leur demande ERAR malgré les nombreuses allégations à leur encontre présentées dans leur communication devant le Comité. Le Comité prend également note des allégations des requérants selon lesquelles la procédure ERAR et le contrôle judiciaire par la Cour fédérale ne sont pas des recours adéquats et efficaces et des informations soumises sur les nombreux recours intentés.

8.4 En ce qui concerne l’épuisement des recours internes, le Comité note que les requérants ont fait une demande d’asile, et que suite au rejet de leur demande, ils ont fait une demande de contrôle judiciaire devant la Cour fédérale. Ils ont également présenté une demande ERAR , et ont introduit une demande de résidence pour des raisons humanitaires ainsi qu’une demande de contrôle judiciaire devant la Cour fédérale suite à la décision négative dans cette procédure qui, d’après la dernière communication du conseil, est encore en cours. En outre, à deux reprises, ils ont demandé un sursis pour empêcher leur déportation. Le Comité prend note également du fait que les requérants n’ont pas demandé l’autorisation de présenter une demande de contrôle judiciaire de la décision négative de l’ERAR. Cependant, le Comité relève que les requérants ont déposé leur demande d’asile le 12 novembre 2002, et que plus de quatre ans plus tard, ils ne sont toujours pas fixés sur leur sort. Dans ces circonstances, le Comité estime que la procédure dans son ensemble n’a pas été conclue dans un délai raisonnable et en conséquence, que la communication est donc recevable selon le paragraphe 5 b) de l’article 22.

8.5 Le Comité doit se prononcer sur la question de savoir si le renvoi des requérants vers le Mexique violerait l’obligation de l’État partie, en vertu de l’article 3 de la Convention, de ne pas expulser ou refouler une personne vers un autre État où il y a des motifs sérieux de croire qu’elle risque d’être soumise à la torture.

8.6 Le Comité doit décider, comme le prévoit le paragraphe 1 de l’article 3, s’il existe des motifs sérieux de croire que les requérants risqueraient d’être soumis à la torture s’ils étaient renvoyés au Mexique. Pour prendre cette décision, le Comité doit tenir compte de toutes les considérations pertinentes, conformément au paragraphe 2 de l’article 3, y compris de l’existence d’un ensemble de violations systématiques des droits de l’homme, graves, flagrantes ou massives. Toutefois, le but de cette analyse est de déterminer si les intéressés risqueraient personnellement d’être soumis à la torture dans le pays où ils seraient renvoyés. Il s’ensuit que l’existence, dans un pays, d’un ensemble de violations systématiques des droits de l’homme, graves, flagrantes ou massive, ne constitue pas en soi une raison suffisante d’établir qu’une personne donnée serait en danger d’être soumise à la torture à son retour dans ce pays. Il doit exister d’autres motifs qui donnent à penser que l’intéressé serait personnellement en danger. Pareillement, l’absence d’un ensemble de violations flagrantes et systématiques des droits de l’homme ne signifie pas qu’une personne ne puisse pas être soumise à la torture dans la situ a tion particulière qui est la sienne.

8.7 Le Comité rappelle son observation générale relative à l’article 3, dans laquelle il déclare qu’il doit déterminer s’il y a des motifs sérieux de croire que le requérant risque d’être soumis à la torture s’il est renvoyé dans le pays concerné, et que l’existence d’un tel risque doit être appréciée selon des éléments qui ne se limitent pas à de simples supputations ou soupçons. Il n’est pas nécessaire de montrer que le risque couru est hautement probable, mais ce risque doit être encouru personnellement et actuellement.

8.8 Le Comité prend note que l’État partie a fait état des nombreuses contradictions dans le récit présenté par le principal requérant aux différentes autorités qui ont examiné ses allégations. Il prend également acte des informations fournies par les requérants à cet égard, n o tamment que certaines des contradictions alléguées étaient le résultat de malentendus sur ce que C. A. R. M. avait exprimé, qu’il était déstabilisé lors de son premier entretien et qu’il n’avait pas eu assez de temps lors de ses entretiens pour s’expliquer.

8.9 Cependant, le Comité estime que les requérants n’ont pas fourni d’explications satisfaisantes sur certains des points soulevés par l’État partie, notamment sur les contradictions sur l’identité de leurs persécuteurs et les divergences alléguées concernant l’entretien à la mairie. Le Comité note que les requérants n’ont jamais été arrêtés, qu’ils n’ont jamais porté plainte à l’occasion des événements allégués, ni demandé la protection des autorités mexicaines et qu’ils n’ont pas essayé de se réfugier dans une autre région du Mexique.

8.10 En ce qui concerne le fardeau de la preuve, le Comité rappelle sa jurisprudence selon laquelle c’est généralement au requérant qu’il incombe de présenter des arguments défendables et que le risque de torture doit être apprécié selon des éléments qui ne se limitent pas à de simples supputations ou soupçons .

8.11 Le Comité estime sur la base de toutes les informations soumises que les requérants ne lui ont pas fourni d’éléments de preuve suffisants qui lui permettraient de considérer qu’ils sont confrontés à un risque prévisible, réel et personnel d’être soumis à la torture en cas d’expulsion vers leur pays d’origine.

9. Par conséquent, le Comité contre la torture, agissant en vertu du paragraphe 7 de l’article 22 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, estime que le renvoi des requérants au Mexique ne ferait apparaître aucune viol a tion par l’État partie de l’article 3 de la Convention.

Communication n o 300 /2006

Présentée par :

Adel Tebourski ( représenté par un conseil )

Au nom de :

Adel Tebourski

État partie :

France

Date de la requête :

23 juillet 2006 (date de la lettre initiale)

Le Comité contre la torture , institué en vertu de l’article 17 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,

Réuni le 1 er mai 2007,

Ayant achevé l’examen de la requête n o 300/2006, présentée au nom d’Adel Tebourski en vertu de l’article 22 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,

Ayant tenu compte de toutes les informations qui lui ont été communiquées par le requérant et l’État partie,

Adopte la décision ci ‑après au titre du paragraphe 7 de l’article 22 de la Convention contre la torture.

1.1 Le requérant, Adel Tebourski, de nationalité tunisienne, résidait en France au moment de l’introduction de la présente requête et faisait l’objet d’un arrêté d’expulsion à destination de son pays d’origine. Il affirme que son rapatriement forcé vers la Tunisie constitue une violation par la France de l’article 3 de la Convention contre la torture. Le requérant est représenté par un conseil, Lucile Hugon, de l’Action des chrétiens pour l’abolition de la torture (ACAT).

1.2 Conformément au paragraphe 3 de l’article 22 de la Convention, le Comité a porté la requête à l’attention de l’État partie par une note verbale en date du 27 juillet 2006. Dans le même temps, le Comité, agissant en vertu du paragraphe 9 de l’article 108 de son règlement intérieur, a demandé à l’État partie de ne pas expulser le requérant vers la Tunisie tant que sa requête serait en cours d’examen. Le Comité a réitéré cette demande par note verbale datée du 28 juillet 2006.

1.3 Le Comité a été informé par le conseil que le requérant avait été expulsé vers la Tunisie le 7 août 2006.

Rappel des faits présentés par le requérant

2.1 Le requérant a quitté la Tunisie en 1985 pour la Belgique où il a poursuivi ses études. Il a été arrêté le 26 novembre 2001 dans le nord de la France suite à l’assassinat d’Ahmed Shah Massoud le 9 septembre 2001 en Afghanistan. Massoud, chef des forces de l’Alliance du Nord en Afghanistan, a été assassiné par Abdessatar Dahmane et Bouraoui El Ouaer (qui ont également péri dans l’attaque). Le procès du requérant et de ses présumés complices s’est ouvert en mars 2005 devant le tribunal correctionnel de Paris. Le requérant était accusé d’avoir organisé des départs de volontaires pour le Pakistan et l’Afghanistan. Son rôle consistait uniquement à établir de faux papiers tels que visas et passeports. Il nie avoir eu connaissance des projets de son ami Abdessatar Dahmane dont il était resté sans nouvelles dans les mois précédant l’assassinat de Massoud.

2.2 Le 17 mai 2005, le requérant a été condamné par le tribunal correctionnel de Paris à six ans d’emprisonnent pour «association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste» et cinq ans de privation de ses droits civils, civiques et de famille. Il a bénéficié d’une remise de peine pour bonne conduite. Il avait la double nationalité franco-tunisienne qu’il avait acquise en 2000 après avoir épousé une ressortissante française en 1995. Par décret du 19 juillet 2006, il a été déchu de sa nationalité française et un arrêté ministériel d’expulsion motivé par la «nécessité impérieuse pour la sûreté de l’État et la sécurité publique» lui a été notifié le même jour. Le 22 juillet 2006, il a été libéré de la prison de Nantes et conduit directement au centre de rétention administrative du Mesnil-Amelot.

2.3 Le 25 juillet 2006, le requérant a déposé une demande d’asile en France. Cette demande a été instruite selon la procédure d’urgence qui permet à l’Office français de protection des réfugiés et des apatrides (OFPRA) de statuer dans un délai de quatre-vingt-seize heures. Le 28 juillet 2006, l’OFPRA a rejeté la demande d’asile. Le même jour, le requérant a introduit un recours contre cette décision auprès de la Commission des recours des réfugiés. Ce recours est non suspensif.

2.4 Par requête enregistrée le 24 juillet 2006, le requérant a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Paris de prendre des mesures provisoires dans le cadre de l’examen de la légalité de l’arrêté ministériel d’expulsion. Par ordonnance du 25 juillet 2006, cette demande a été rejetée. Par requête enregistrée le 26 juillet 2006, le requérant a demandé l’annulation de l’arrêté ministériel d’expulsion. Par ordonnance du 4 août 2006, le juge des référés a rejeté la demande de suspension d’exécution de l’arrêté. Par requête enregistrée le 1 er août 2006, le requérant a demandé l’annulation de la décision fixant la Tunisie comme pays de destination. Par ordonnance du 5 août 2006, le juge des référés a rejeté la demande de suspension de l’exécution de la décision et le requérant a finalement été expulsé vers la Tunisie le 7 août 2006.

2.5 Le 17 octobre 2006, la Commission des recours des réfugiés a rejeté le recours du requérant, eu égard à la nature et à la gravité des actes commis qui, selon la Commission, justifient son exclusion du statut de réfugié en vertu de l’article 1 (F) de la Convention de Genève de 1951. Toutefois, la Commission a noté que le requérant « a pu craindre avec raison d’être rejugé pour les mêmes faits pour lesquels il a déjà été condamné et persécuté en cas de retour dans son pays» et «que le fait qu’après son expulsion vers la Tunisie il est resté en liberté mais a été placé sous une surveillance policière ostentatoire, sans être arrêté, doit être regardé comme traduisant la volonté des autorités tunisiennes de dissimuler leurs intentions réelles à son égard, compte tenu notamment de la médiatisation internationale de cette affaire».

Teneur de la plainte

3.1 Le requérant allègue une violation de l’article 3 de la Convention. Il fait référence au Code pénal tunisien, au Code militaire des plaidoiries et sanctions, ainsi qu’à la loi antiterroriste du 10 décembre 2003 qui prévoient des condamnations pour activités exercées en dehors du territoire tunisien. Il fait valoir qu’il sera de nouveau condamné et emprisonné en raison des mêmes actes pour lesquels il a déjà purgé une peine en France.

3.2 Le requérant fait valoir que les affaires de terrorisme dans lesquelles sont impliqués des ressortissants tunisiens ont un retentissement particulier en Tunisie. Plusieurs personnes, condamnées au titre de l’article 123 du Code des plaidoiries et sanctions militaires ou de la loi antiterroriste du 10 décembre 2003 ont été soumises à de graves tortures après avoir été expulsées par un pays tiers vers la Tunisie. Le requérant cite plusieurs exemples de ressortissants tunisiens qui auraient subi des tortures et mauvais traitements après leur arrivée en Tunisie. Il rappelle que de nombreuses personnes accusées d’activités en lien plus ou moins étroit avec le terrorisme sont régulièrement torturées par les autorités tunisiennes afin d’obtenir des aveux. Il rappelle également que les conditions de détention en Tunisie sont inhumaines et dégradantes, sans donner plus de détails.

3.3 Le requérant fait valoir que sa condamnation en France ne peut être ignorée par l’État tunisien car elle a fait l’objet de nombreux articles de presse. Sa famille en Tunisie a déjà saisi deux avocats pour tenter de savoir si un procès avait été intenté contre le requérant en Tunisie. Ces deux avocats n’ont pas réussi à obtenir cette information auprès des greffes des tribunaux concernés.

Observations de l’État partie sur la recevabilité et sur le fond

4.1 Le 18 octobre 2006, l’État partie a fait part de ses observations sur la recevabilité et le bien ‑fondé de la requête. Il objecte qu’elle est irrecevable parce que le requérant n’a pas fait appel des décisions prises par le juge des référés (voir plus haut par. 2.4). De même, les recours engagés sur le fond devant le tribunal administratif de Paris demeurent pendants. Le requérant n’a donc pas épuisé toutes les voies de recours internes.

4.2 Sur le bien-fondé, l’État partie estime que les griefs formulés par le requérant sont manifestement mal fondés. Il n’a apporté à aucun moment la preuve matérielle et irréfutable de la réalité des menaces qui auraient pesé sur lui, en cas de retour en Tunisie. En premier lieu, il n’a pas fait valoir d’observations particulières permettant aux autorités françaises de considérer que sa sécurité personnelle ne serait pas assurée dans son pays d’origine, au cours de la procédure préalable à la décision fixant la Tunisie comme pays de destination. Ensuite, il n’a pas apporté d’éléments probants à l’OFPRA lorsque celui-ci a examiné sa demande d’asile. Dans sa décision du 28 juillet 2006, cet organisme a considéré que l’instruction ne permettait par de retenir que le requérant serait exposé à des persécutions personnelles en cas de retour dans un pays où il était de toute façon retourné à plusieurs reprises depuis 1985.

4.3 L’État partie invoque la décision du juge des référés du tribunal administratif de Paris du 29 juillet 2006 dans laquelle le juge avait considéré que même si les faits pour lesquels le requérant a été condamné en France sont susceptibles, aux termes d’une loi tunisienne du 10 décembre 2003, de justifier des poursuites contre lui, cette seule circonstance ne saurait être regardée comme constituant un traitement inhumain et dégradant, dès lors que le requérant ne risque pas de condamnation à la peine de mort et qu’il n’est pas démontré que les conditions de détention qui pourraient être siennes constituent en elles-mêmes un traitement inhumain ou dégradant. L’État partie estime que les différentes autorités administratives et juridictionnelles françaises saisies par le requérant ont procédé à un examen approfondi et équilibré de sa situation, dans des conditions dépourvues de tout arbitraire conformément aux exigences du Comité .

4.4 L’État partie souligne que, dans la mesure où le requérant n’a pas pu établir le caractère sérieux des craintes alléguées en cas de retour en Tunisie, rien ne justifiait que soit différé l’éloignement de France d’une personne qui avait fait preuve de sa grande dangerosité pour l’ordre public. Il rappelle que le tribunal correctionnel de Paris, dans son jugement du 17 mai 2005, avait mis en évidence l’extrême dangerosité du requérant en raison du caractère subversif de ses activités. C’est en considération de cet état manifeste de dangerosité et de l’absence avérée de risques en cas de retour en Tunisie que l’État partie a estimé nécessaire d’éloigner, sans délai, le requérant du territoire national en veillant à l’équilibre entre les nécessités de la sécurité de l’État et les garanties qui découlent de la Convention.

4.5 L’État partie insiste qu’il entend répondre favorablement aux demandes de sursis à exécution formulées par le Comité contre la torture, en dépit du fait que de telles demandes formulées au titre de l’article 108 de son règlement intérieur ne présentent pas un caractère juridiquement obligatoire pour les États parties. Il considère cependant que lorsque, comme en l’espèce, les demandes lui apparaissent manifestement infondées, il est de sa responsabilité, après s’être assuré que les intéressés n’encourent pas, au-delà de tout doute raisonnable, des risques individuels et avérés de mauvais traitements, de procéder à l’éloignement des étrangers qui constituent par leur présence un risque grave pour l’ordre public et la sécurité nationale.

Commentaires du requérant sur les observations de l’État partie

5.1 Le 18 décembre 2006, le requérant rappelle que la demande de mesures provisoires auprès du juge des référés visait à empêcher son expulsion vers la Tunisie. Dans un tel cas, le recours qui reste ouvert après l’expulsion est par définition inutile . Le même raisonnement s’applique pour les recours engagés devant le tribunal administratif de Paris qui restent pendants. La simple mise en œuvre de l’expulsion démontre l’inefficacité de ces voies de recours qui n’ont dès lors pas à être épuisées par le requérant.

5.2 En ce qui concerne l’argument de l’État partie selon lequel le requérant n’a pas apporté la preuve de la réalité des menaces qui auraient pesé sur lui, en cas de retour dans son pays d’origine, le requérant rappelle que la Commission des recours des réfugiés a reconnu, dans sa décision du 17 octobre 2006, qu’il avait des craintes de persécution. De plus, il rappelle qu’il a apporté aux juridictions françaises suffisamment d’éléments susceptibles de créer un doute sérieux sur la légalité de la décision d’expulsion.

5.3 En ce qui concerne la soi-disant «absence avérée de risques en cas de retour en Tunisie», le requérant souligne qu’il est fréquemment obligé de rappeler son conseil d’une cabine téléphonique. Malgré le fait qu’il n’a pas été arrêté lors de ou après son arrivée en Tunisie, il fait l’objet d’une surveillance constante (écoutes téléphoniques, filatures). Ses affaires personnelles sont toujours retenues. Il n’a toujours pas de documents d’identité tunisiens malgré ses multiples démarches. Il a appris par un ami de son frère qui travaille dans la police qu’un message interne a été diffusé dans tous les commissariats et postes de police tunisiens lors de son arrivée en Tunisie. Ce message donnait l’instruction de ne l’arrêter sous aucun prétexte dans les semaines suivantes, probablement à la suite de la médiatisation qui a été faite autour de cette affaire.

Observations complémentaires de l’État partie

6.1 Le 1 er février 2007, l’État partie fait valoir que la décision de la Commission des recours des réfugiés du 17 octobre 2006 ne fait que confirmer la décision prise par l’OFPRA le 28 juillet 2006 prononçant l’exclusion du bénéfice du statut de réfugié. La Commission a noté que, «sans commettre directement des actes terroristes, M. Adel Tebourski a participé en toute connaissance de cause à leur organisation». L’État partie informe par ailleurs le Comité que, par arrêt du 15 décembre 2006, le tribunal administratif de Paris a rejeté au fond la requête déposée par le requérant tendant à l’annulation de la décision du Ministre de l’intérieur qui a fixé la Tunisie comme pays de destination. Dans cet arrêt, le tribunal a noté qu’ «il ne ressort pas des pièces du dossier que M. Tebourski, qui vit en Europe depuis le milieu des années 80, ferait actuellement l’objet d’un acte de poursuite de la part des autorités tunisiennes».

6.2 En réponse à l’allégation du requérant selon laquelle les autorités françaises ont refusé de l’expulser vers un autre pays que la Tunisie, l’État partie rappelle que le requérant n’a, à aucun moment, désigné de pays susceptible de l’accueillir et dans lequel il pouvait être légalement admissible. Dans ces conditions, il ne pouvait être éloigné que vers son pays d’origine, dès lors que sa présence sur le territoire français constituait une menace grave pour l’ordre public, la sécurité et la sûreté de l’État.

6.3 L’État partie informe le Comité que, bien qu’aucune disposition de la Convention de l’y oblige, il a saisi les autorités tunisiennes par la voie diplomatique afin de recueillir des informations sur les conditions de vie du requérant depuis son retour en Tunisie. Le Comité sera informé du résultat de ces démarches dès que possible.

Délibérations du Comité

Examen de la recevabilité

7.1 Le Comité s’est assuré que la communication satisfait aux conditions de recevabilité édictées par les paragraphes 1, 2 et 5 a) de l’article 22 de la Convention, à savoir qu’elle concerne un État partie qui a fait la déclaration de l’article 22, que dans la mesure où elle invoque la violation de l’article 3 de la Convention au préjudice d’un particulier nommément désigné et identifiable elle n’est pas anonyme, ne constitue pas un abus du droit de saisir le Comité et n’est incompatible avec aucune disposition de la Convention.

7.2 Le Comité s’est également assuré que la même question, c’est-à-dire le non ‑respect par la France des dispositions de l’article 3 de la Convention par l’expulsion en Tunisie d’une personne qui allègue des risques de torture, n’a pas été et n’est pas en cours d’examen devant une autre instance d’enquête ou de règlement.

7.3 S’agissant des voies de recours internes, le Comité a pris note avec intérêt des observations de l’État partie qui considère que la communication du requérant est irrecevable aux motifs que ce dernier n’a pas épuisé toutes les voies de recours internes (cf. par. 4.1 ci-dessus). Cependant, le Comité note à cet égard qu’en date du 26 juillet 2006, le requérant a introduit devant le tribunal administratif de Paris un recours en annulation contre l’arrêté ministériel d’exécution qui n’était pas suspensif. Il note également qu’en date du 1 er août 2006, le requérant a introduit devant ce même tribunal un recours en annulation contre la décision du Ministre de l’intérieur fixant la Tunisie comme pays de destination. Le requérant a également demandé des mesures provisoires de protection au juge des référés qui les a refusées. Le tribunal administratif de Paris a rejeté les deux recours en annulation le 15 décembre 2006. Le requérant aurait pu certes faire appel de cette décision auprès de la cour administrative d’appel de Paris. Mais l’ordre d’expulsion ayant été exécuté le 7 août 2006, le Comité est en droit de considérer qu’un recours qui reste ouvert après que l’acte qu’il visait à empêcher s’est déjà produit est devenu par définition sans objet car le préjudice irréparable ne peut plus être évité même si par la suite le requérant obtenait gain de cause.

7.4 Au vu de ce qui précède, le Comité s’estime fondé à affirmer que, dès le moment où le requérant a été expulsé vers la Tunisie dans les conditions où cela s’est produit, il est peu probable que les recours encore pendants invoqués par l’État partie lui donnent satisfaction. Le Comité note également que, pour que l’exercice des voies de recours internes soit effectif et non illusoire, un individu doit toutefois disposer d’un délai raisonnable avant l’exécution de la décision finale pour lui permettre d’épuiser ces recours. Or, le Comité note en l’espèce que le requérant a été déchu de sa nationalité par l’État partie le 19 juillet 2006, ce qui a eu pour conséquence d’en faire un immigré en situation irrégulière susceptible d’expulsion. Malgré toutes ses démarches (cf. par. 2.3 et 2.4 ci-dessus), le requérant a été expulsé juste trois semaines après cette décision. Tout recours qui demeure ouvert au requérant après son expulsion devient par définition inutile. En conséquence le Comité déclare la communication recevable.

Examen au fond

8.1 Le Comité doit déterminer si, en renvoyant le requérant en Tunisie, l’État partie a violé l’obligation qui lui est faite à l’article 3 de la Convention de ne pas expulser ou refouler un individu vers un autre État où il y a des motifs sérieux de croire qu’il risque d’être soumis à la torture. Le Comité souligne qu’il doit se prononcer sur la question à la lumière des renseignements dont les autorités de l’État partie devaient ou auraient dû être en possession au moment de l’expulsion. Les événements ultérieurs ne sont utiles que pour évaluer la connaissance, effective ou déductive, qu’avait l’État partie au moment de l’expulsion .

8.2 Pour justifier son refus de se conformer à la décision du Comité lui demandant de ne pas expulser le requérant vers la Tunisie pendant que son affaire est en cours d’examen par le Comité, l’État partie fait valoir quatre séries d’arguments:

La dangerosité pour l’ordre public interne du requérant;

L’absence de risques de torture pour l’intéressé en cas de retour en Tunisie;

Le fait que l’intéressé, bien que s’opposant à son expulsion vers la Tunisie, n’ait pas proposé un autre pays d’accueil;

Le caractère non juridiquement obligatoire pour les États parties des mesures de protection édictées par le Comité en application de l’article 108 du Règlement intérieur du Comité.

Le Comité, à cet égard, fait observer que le but visé par la Convention par le biais de l’article 3 est d’empêcher qu’une personne soit exposée à un risque de torture par son refoulement, son expulsion ou son extradition «vers un autre État où il y a des motifs sérieux de croire qu’elle risque d’être soumise à la torture», peu important la qualité de cette personne et notamment sa dangerosité sociale.

8.3 Autrement dit, l’article 3 de la Convention offre une protection absolue à toute personne se trouvant sur le territoire d’un État partie ayant fait la déclaration de l’article 22. Dès lors que cette personne invoque un risque de torture dans les conditions prévues par l’article 3, l’État partie n’est plus recevable à avancer ses préoccupations internes pour ne pas s’acquitter de son obligation conventionnelle d’assurer la protection contre toute personne relevant de sa juridiction et craignant un risque sérieux de torture en cas de renvoi dans un autre pays.

8.4 Dans le cas présent, le Comité ayant été saisi après épuisement allégué ou réel des voies de recours internes, bien qu’il prenne en considération tout commentaire que l’État partie a soumis sur cette communication, la déclaration de l’article 22 faite par l’État partie confère au seul Comité le pouvoir d’apprécier si le risque invoqué est sérieux ou non. Le Comité prend en considération l’évaluation des faits et des preuves faite par l’État partie. Néanmoins, c’est le Comité qui prend la décision finale sur l’existence d’un risque de torture.

8.5 En fixant la Tunisie comme lieu de destination du requérant malgré la demande expresse de ce dernier de ne pas être renvoyé vers son pays d’origine, l’État partie n’a pas tenu compte de la pratique universellement admise en pareil cas et consistant à rechercher une solution alternative en accord avec l’intéressé, l’aide du Haut-Commissariat aux réfugiés et d’un pays tiers qui accepterait de recevoir la personne craignant pour sa sécurité.

8.6 Le Comité fait également observer que c’est la Convention elle-même (art. 18) qui lui donne compétence d’établir son règlement intérieur qui dès lors est indissociable de la Convention tant qu’il ne lui est pas contraire. Or en l’espèce, l’article 108 du Règlement intérieur vise précisément à donner un sens et une portée aux articles 3 et 22 de la Convention qui autrement n’offriraient aux demandeurs d’asile invoquant un risque sérieux de torture qu’une protection simplement relative sinon théorique.

8.7 Le Comité considère en conséquence qu’en expulsant le requérant vers la Tunisie dans les conditions où cela s’est produit et pour les motifs invoqués, mettant ainsi le Comité devant le fait accompli, l’État partie non seulement n’a pas agi avec la bonne foi qui s’impose à toute partie à un traité, mais a également méconnu ses obligations au sens des articles 3 et 22 de la Convention.

9. Le Comité contre la torture, agissant en vertu du paragraphe 7 de l’article 22 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, est d’avis que l’expulsion du requérant vers la Tunisie a constitué une violation de l’article 3 et de l’article 22 de la Convention.

10. Conformément au paragraphe 5 de l’article 112 de son règlement intérieur, le Comité souhaite recevoir, dans un délai de quatre-vingt-dix jours, des renseignements sur les mesures que l’État partie aura prises pour donner suite aux présentes constatations, notamment pour réparer la violation de l’article 3 de la Convention et pour déterminer, en consultation avec le pays (qui est aussi un État partie à la Convention) dans lequel le requérant a été renvoyé, le lieu où il réside et quel est son sort.

B. Décisions concernant la recevabilité

Communication n o 284/2006

Présentée par :

R. S. A. N. (représenté par un conseil)

Au nom de :

R. S. A. N.

État partie :

Canada

Date de la communication :

12 décembre 2005 (date de la lettre initiale)

Le Comité contre la torture , institué en vertu de l’article 17 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,

Réuni le 17 novembre 2006,

Ayant achevé l’examen de la requête n o 284/2006, présentée au nom de R. S. A. N. en vertu de l’article 22 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,

Ayant tenu compte de toutes les informations qui lui ont été communiquées par le requérant, son conseil et l’État partie,

Adopte la décision ci-après au titre du paragraphe 7 de l’article 22 de la Convention contre la torture.

1.1 Le requérant est R. S. A. N., ressortissant camerounais né en 1969, résidant actuellement au Canada où il se trouve en instance d’expulsion vers son pays d’origine. Il affirme que son retour forcé au Cameroun constituerait une violation par le Canada de l’article 3 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Il est représenté par un conseil.

1.2 Le Comité a communiqué cette requête à l’État partie le 13 janvier 2006, sans demander de mesures provisoires de protection.

Rappel des faits présentés par le requérant

2.1 En août 1995, le requérant, alors étudiant à l’Université de Yaoundé, a participé à une grève organisée par une assemblée d’étudiants opposés au Président Paul Biya. Au cours d’une marche estudiantine pacifique, il a été embarqué de force dans une voiture de police, menotté, battu et emmené au commissariat. Il a été accusé d’être l’un des dirigeants de l’assemblée d’étudiants et arrêté en même temps que 50 autres étudiants, avec lesquels il a dû partager une cellule prévue pour 10 personnes au maximum. L’un après l’autre, ils ont été interrogés par la police, contraints de chanter et de danser et frappés à coups de matraque. Ceux qui ont résisté ont subi des tortures plus graves. Le requérant a été jeté à terre et traîné par les pieds sur au moins cinq mètres, ce qui lui a laissé une cicatrice sur le dos de sept centimètres de longueur et trois centimètres de largeur. Après vingt-quatre heures de torture et d’humiliation, il a été relâché et mis en garde contre toute nouvelle participation à une autre manifestation estudiantine. Après la grève, certains dirigeants étudiants ont été arrêtés et condamnés à de lourdes peines de prison. Un étudiant aurait été brûlé vif dans son dortoir dans le but de porter de fausses accusations contre les membres de l’assemblée d’étudiants; plusieurs autres ont été tués par balle au cours de manifestations. Le Gouvernement a aussi adopté un décret interdisant le recrutement de grévistes dans la fonction publique ou par aucune des grandes entreprises publiques ou privées du pays.

2.2 En octobre 1995, le requérant a quitté le Cameroun pour se rendre en Côte d’Ivoire où il a poursuivi ses études et obtenu une maîtrise et un diplôme d’études approfondies en psychologie de l’Université d’Abidjan. En juillet 1997, avec trois autres camarades étudiants, il a fondé une ONG se consacrant à l’aide aux femmes et aux enfants victimes de violences sexuelles («SOS Violences sexuelles») dont il est devenu Secrétaire général. Il a organisé des conférences de presse et continué de manifester contre le Gouvernement camerounais, notamment en participant à un sit-in dans les locaux de l’ambassade du Cameroun à Abidjan le 11 octobre 1997, la veille des élections présidentielles au Cameroun. Il a aussi donné des interviews à la radio et à la télévision et écrit des articles de presse sur la situation des droits de l’homme au Cameroun. Après que son ONG eut découvert en Côte d’Ivoire un réseau pédophile dans lequel étaient impliqués un ministre et un ambassadeur, les locaux de l’organisation ont été saccagés et le requérant a reçu des menaces de mort anonymes.

2.3 Le 9 juin 2000, le requérant est entré au Canada avec un visa de visiteur pour participer à une conférence sur les droits de l’homme du 11 au 30 juillet. Au cours de son séjour au Canada, la situation politique en Côte d’Ivoire s’est détériorée à la suite d’un coup d’État avorté. Après qu’un collègue de SOS Violences sexuelles l’eut averti qu’il ne serait pas en sécurité en Côte d’Ivoire, le requérant a demandé le statut de réfugié au Canada le 12 juillet 2000. Le 20 juillet 2001, la Commission de l’immigration et du statut de réfugié a rejeté sa demande, relevant les contradictions suivantes dans ses déclarations: a) affirmant que le Président de l’Université de Yaoundé avait rayé les noms de tous les participants à la grève d’août 1995 du registre d’étudiants, il a pu néanmoins présenter à la Commission des notes datées d’octobre 1995 comme éléments de preuve; b) l’incompatibilité entre la chronologie des événements présentée par le requérant et les documents officiels selon lesquels la grève estudiantine a eu lieu en août 1996 et non en août 1995; c) le fait qu’il n’a pu produire aucun article de presse ni aucun autre élément de preuve susceptible de confirmer sa participation aux événements présumés de 1995; et d) le fait que les documents officiels laissent penser que la punition infligée aux grévistes n’a pas été aussi sévère qu’il l’affirme.

2.4 Au lieu de demander l’autorisation de former recours devant la Cour fédérale contre la décision de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié, le requérant a suivi le conseil que lui avait donné son avocat de déposer une demande dans la catégorie des demandeurs non reconnus du statut de réfugié au Canada. Le 8 décembre 2004, sa demande a été transformée en demande d’examen des risques avant renvoi («ERAR») en vertu de la nouvelle loi sur l’immigration. Le 13 octobre 2005, Citoyenneté et immigration Canada a rejeté sa demande ERAR en l’absence de motif suffisant de craindre qu’il ne soit exposé à un risque personnel de torture au Cameroun. L’agent ERAR a fondé sa décision, entre autres, sur les motifs suivants: a) le fait que le requérant avait falsifié une date et collé son nom dans un exemplaire du rapport du Rapporteur spécial de l’ONU sur la question de la torture sur sa visite au Cameroun (E/CN.4/1999/61), rapport qu’il a présenté comme élément de preuve; b) le fait qu’il ne s’était pas plaint devant la Commission de l’immigration et du statut de réfugié d’avoir été torturé, ce qu’il n’a fait que tardivement, le 7 janvier 2005; et c) le fait qu’il n’avait guère fait parler de lui dans les milieux politiques et journalistiques. Le requérant n’a pas formé recours de la décision ERAR devant la Cour fédérale, son avocat l’ayant informé que 99 % de ces recours étaient rejetés.

2.5 Dans l’intervalle, le requérant est entré en concubinage avec une Camerounaise résidente permanente au Canada, avec laquelle il vit depuis mars 2004. Un fils est né de cette union libre le 20 décembre 2004.

2.6 Le 9 novembre 2005, le requérant a été informé que la date de son expulsion du Canada avait été fixée au 6 décembre 2005 et qu’un mandat d’arrêt serait décerné contre lui s’il ne se présentait pas aux services de l’immigration à l’aéroport international de Montréal. Il a ultérieurement déposé une demande de résidence permanente dans la catégorie des conjoints de fait (parrainage). Le 21 novembre 2005, le requérant a demandé sans succès la suspension de l’arrêt d’expulsion le concernant, ainsi que l’examen prioritaire de sa demande de résidence permanente. Le 28 novembre 2005, la mère de son enfant a déposé une requête tendant à le parrainer en tant que conjoint de fait dans la catégorie du regroupement familial; cette requête a par la suite été suspendue à la demande de la mère.

2.7 Le requérant n’aurait pas été en mesure de se conformer à l’arrêt d’expulsion le 6 décembre 2005 parce qu’il était tombé malade et avait dû se rendre à l’hôpital. Un mandat d’arrêt a subséquemment été décerné contre lui. Aucune autre date n’a été fixée pour son expulsion, mais la police est venue le chercher chez sa concubine.

Teneur de la plainte

3.1 Le requérant affirme que son retour forcé au Cameroun l’exposerait à un risque de torture, en violation de l’article 3 de la Convention, du fait de ses activités en tant que dirigeant étudiant, de sa participation à des conférences, des critiques qu’il a proférées dans des entretiens radiophoniques et des articles de presse publiés en Côte d’Ivoire et au Canada, de la situation des droits de l’homme au Cameroun. Il affirme avoir été torturé par la police camerounaise au cours de sa détention en 1995, ce dont il a gardé des séquelles physiques et psychologiques.

3.2 Le requérant ajoute que les éléments de preuve qu’il présente montrent que plusieurs autres militants des droits de l’homme ont été arrêtés et torturés, ou ont disparu à leur retour au Cameroun. En tant qu’opposant politique ayant demandé l’asile politique au Canada et continué de critiquer le régime camerounais, il serait accusé de diffamation du Gouvernement camerounais et torturé en toute impunité par des agents de ce gouvernement.

3.3 Selon le requérant, la situation des droits de l’homme du Cameroun s’est encore détériorée au cours des dix dernières années. Les dirigeants de l’opposition estudiantine et les militants des droits de l’homme ont continué d’être intimidés et persécutés. Certaines provinces, notamment la province de l’Est dont le requérant est natif, sont considérées comme des provinces rebelles et toute personne originaire de cette région faisant l’objet de poursuites serait vraisemblablement présumée coupable sur la seule base de son appartenance ethnique à la population bamiléké prédominante dans cette province.

3.4 À l’appui de ses allégations, le requérant apporte, entre autres, les éléments de preuve suivants:

a) Un certificat médical daté du 23 novembre 2005 délivré par un centre de santé de Montréal, confirmant que le requérant présente sur le dos une cicatrice de trois centimètres sur sept;

b) Un bilan psychologique daté du 28 novembre 2005 émanant d’un assistant social du Jewish Board of Family and Children’s Services de New York ( États-Unis d’Amérique ), fondé sur une conversation téléphonique que celui-ci a eue avec le requérant, et confirmant qu’il présente des symptômes de troubles post-traumatiques, à savoir des cauchemars, un réflexe de sursaut exagéré, des troubles mnésiques, un engourdissement émotionnel, des réminiscences de torture, flash-backs et autres symptômes perturbateurs;

c) Une lettre d’un pasteur d’origine camerounaise de l’Église évangélique de Pentecôte de Montréal qui avait connu le requérant en Côte d’Ivoire en sa qualité de Secrétaire général de l’ONG African women’s rights, confirmant les activités politiques du requérant au Cameroun et en Côte d’Ivoire, et concluant qu’il risquerait d’être détenu et torturé ou même tué s’il était expulsé au Cameroun;

d) Une lettre datée du 21 novembre 2005 émanant du Secrétaire général de SOS Violences sexuelles, dans laquelle celui-ci déclare que le requérant était un dirigeant de l’opposition estudiantine au Cameroun au début des années 90 et qu’il a à plusieurs reprises été menacé par les autorités de Côte d’Ivoire après qu’il eut découvert le réseau pédophile;

e) Des lettres étayant la demande du requérant tendant à ce que soit suspendu l’arrêt d’expulsion le concernant, émanant du Comité d’aide aux réfugiés canadien, de la Ligue des droits et libertés et du Centre Scalabrini pour réfugiés et migrants;

f) Plusieurs articles de presse rédigés par le requérant, dont deux critiquent brièvement la situation politique au Cameroun, ainsi que des articles sur son activité de secrétaire général de SOS Violences sexuelles;

g) Plusieurs articles sur le sort d’opposants politiques qui ont été renvoyés au Cameroun, dont certains auraient disparu;

h) Des rapports publiés en 2005 par Amnesty International, la Fédération internationale des droits de l’homme (FIDH) et le Département d’État des États-Unis, où il est déclaré que la torture en garde à vue et dans les prisons est répandue et rarement punie au Cameroun.

3.5 Le requérant affirme qu’il a épuisé les recours internes et qu’aucune autre voie de recours ne lui est ouverte. Le fait qu’il n’ait pas formé de recours contre le rejet de sa demande de protection au titre de réfugié et contre le rejet de sa demande ERAR s’explique par les conseils erronés que lui a donnés son avocat. Selon lui, il n’aurait de toute façon pas pu s’acquitter des frais de justice entraînés par des recours contre ces décisions, et la procédure ERAR ne peut être considérée comme un recours utile pour les demandeurs d’asile étant donné que 98,5 % de toutes les demandes sont rejetées. Il fait valoir que l’État partie n’a pas donné effet à une nouvelle section de la loi sur l’immigration et la protection des réfugiés qui avait été adoptée par le Parlement et offrait des voies de recours plus opérantes contre les décisions relatives aux demandes de protection au titre de réfugié.

3.6 Le requérant fait tenir un rapport de l’Association américaine de juristes daté d’octobre 2005, qui confirme que 1,5 % seulement des demandes ERAR sont accueillies. Il décrit la procédure ERAR comme une décision d’expulsion de nature administrative et sommaire et critique l’absence d’indépendance des agents ERAR. L’autorisation de faire appel de décisions relatives à des demandes d’octroi du statut de réfugié adressées à la Cour fédérale n’a été accordée que dans 10 à 12 % de l’ensemble des cas. De plus, au lieu de se livrer à un examen complet au fond, la Cour a limité sa révision judiciaire à un contrôle du caractère raisonnable des décisions d’expulsion, ce qui avait été critiqué par le Comité contre la torture dans ses observations finales sur les quatrième et cinquième rapports périodiques du Canada.

Observations de l’État partie sur la recevabilité et sur le fond

4.1 Le 25 juillet 2006, l’État partie a présenté ses observations sur la recevabilité et, à titre subsidiaire, sur le fond de la requête, soutenant que le requérant n’avait pas épuisé tous les recours internes disponibles puisqu’il n’avait pas fait appel des décisions de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié et de l’agent ERAR, et qu’en tout état de cause, son allégation de violation de l’article 3 de la Convention était mal fondée et n’apportait pas le minimum d’éléments de preuve requis aux fins de la recevabilité.

4.2 L’État partie a fait valoir que le requérant aurait pu demander l’autorisation de solliciter un contrôle judiciaire de la décision de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié, qui lui aurait été accordée par la Cour fédérale s’il avait présenté une thèse un tant soit peu défendable. Il lui appartenait de démontrer que s’il n’avait pas exercé ce recours, c’était sur le conseil inconsidéré de son avocat. Le contrôle judiciaire exercé par la Cour couvrait les questions juridictionnelles, les violations des principes de justice naturelle, les erreurs de droit, les constatations de fait erronées faites de manière inique ou arbitraire, ou toute autre violation de la loi par les autorités. Il pouvait être interjeté appel de la décision de la Cour fédérale auprès de la cour d’appel si le juge estimait que l’affaire soulevait une question grave d’importance générale. Si l’autorisation de former recours était accordée, la décision de la cour d’appel pouvait être attaquée devant la Cour suprême du Canada.

4.3 L’État partie a affirmé que le Comité avait reconnu l’efficacité du système de contrôle judiciaire dans sa jurisprudence récente et avait constamment été d’avis que ce recours devait être épuisé par les requérants . De même, il avait reconnu récemment que les demandes d’autorisation et de contrôle judiciaire des décisions ERAR n’étaient pas de simples formalités et que la Cour fédérale pouvait, le cas échéant, examiner le fond de l’affaire . Pour l’État partie, la procédure ERAR renforçait encore la protection qu’offrait l’ancienne procédure d’évaluation des risques des «demandeurs non reconnus du statut de réfugié», qui avait été considérée comme un recours utile par le Comité des droits de l’homme .

4.4 L’État partie s’est dit en désaccord avec la décision rendue par le Comité en l’affaire Falcon Rios c. Canada , affirmant que les agents ERAR étaient impartiaux et formés spécifiquement à l’évaluation du risque couru par les demandeurs déboutés sur la base du droit international, notamment la Convention contre la torture et le Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Le faible taux d’acceptation de la procédure ERAR était dû au fait que la plupart des demandeurs étaient des individus dont la demande d’octroi du statut de réfugié avait déjà été rejetée par la Commission de l’immigration et du statut de réfugié, qui avait fait droit à 40 % au total des demandes d’octroi du statut de réfugié présentées en 2004/05. Le but de la procédure ERAR était d’évaluer au moment de l’expulsion tout nouvel élément de risque qui n’existait pas lors de l’audition devant la Commission. La procédure ERAR n’était pas une procédure discrétionnaire mais une procédure régie par des critères légaux.

4.5 L’État partie a affirmé que le requérant aurait pu demander le contrôle judiciaire de la décision ERAR et, en même temps, un sursis à exécution de l’arrêt d’expulsion le concernant en attendant qu’il soit statué sur son recours. Le fait que son avocat lui ait conseillé de ne pas le faire et de déposer au lieu de cela une demande de résidence permanente motivée par sa relation de concubinage avec la mère de son enfant montrait que le requérant avait librement choisi de ne pas exercer ce recours. Ceci ne l’exonérait cependant pas de l’obligation d’épuiser les recours internes qui lui incombait en vertu du paragraphe 5 b) de l’article 22 de la Convention.

4.6 Selon l’État partie, le requérant pouvait encore demander la résidence permanente pour des motifs humanitaires, recours ouvert aux demandeurs qui subiraient un préjudice excessif s’ils devaient demander depuis leur pays d’origine la résidence permanente au Canada. Le fait qu’une issue heureuse de cette procédure ait conduit le Comité à mettre fin à l’examen d’un certain nombre de cas dans le passé montrait que ce recours était effectif.

4.7 Tout en reconnaissant que la situation générale des droits de l’homme au Cameroun était critique, l’État partie a estimé que le requérant n’avait pas présenté suffisamment d’éléments pour que l’on puisse craindre qu’il soit exposé à un risque personnel d’être soumis à la torture à son retour au Cameroun. Il était difficile de croire qu’il avait été, comme il l’affirmait, détenu pendant vingt-quatre heures et torturé en 1995 en raison des nombreuses contradictions relevées dans ses dires par la Commission de l’immigration et du statut de réfugié, par un tribunal indépendant et par l’agent ERAR. Il convenait d’accorder le crédit voulu aux constatations de ces organes, sauf à démontrer que ces constatations étaient arbitraires ou déraisonnables.

4.8 L’État partie ajoutait que le certificat médical présenté par le requérant ne faisait que confirmer l’existence d’une cicatrice sur son dos sans préciser la cause de cette blessure. Même si l’on admettait qu’il avait été torturé en 1995, ceci ne pouvait constituer un motif suffisant de craindre qu’il ne risque d’être soumis à la torture au Cameroun en 2006. L’État partie concluait que son allégation de violation de l’article 3 de la Convention était irrecevable en vertu du paragraphe 5 b) de l’article 22, insuffisamment étayée aux fins de la recevabilité et, en tout état de cause, mal fondée.

Commentaires du requérant sur les observations de l’État partie

5.1 Le 23 septembre 2006, le requérant a commenté les observations de l’État partie, réaffirmant que la procédure ERAR, y compris le contrôle judiciaire de cette procédure, ne constituait pas un recours utile pour les demandeurs déboutés de leur demande d’octroi du statut de réfugié et que le fait qu’il n’ait pas sollicité le contrôle judiciaire de cette décision de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié − contrôle dans lequel il voyait un recours utile mais de portée limitée − était dû au conseil inconsidéré qu’il avait reçu de son avocat.

5.2 Le requérant affirmait qu’une demande de résidence permanente pour des motifs humanitaires était un recours purement discrétionnaire mais admettait que ce recours avait abouti dans de nombreux cas. Cela étant, le Ministre de la citoyenneté et de l’immigration était saisi de tous les éléments d’une solution humanitaire. Or, sa décision sur la demande présentée par le requérant au titre d’un parrainage familial était toujours pendante plus de neuf mois après avoir été déposée, alors que de telles décisions étaient normalement prises dans un délai de six à huit mois.

Délibérations du Comité

6.1 Avant d’examiner une plainte soumise dans une communication, le Comité contre la torture doit déterminer si la communication est recevable en vertu de l’article 22 de la Convention. Le Comité s’est assuré que la même question n’a pas été examinée et n’est pas en cours d’examen par une autre instance internationale d’enquête ou de règlement.

6.2 Conformément au paragraphe 5 b) de l’article 22 de la Convention, le Comité n’examine aucune communication sans s’être assuré que le requérant a épuisé tous les recours internes disponibles; cette règle ne s’applique pas s’il est établi que les procédures de recours ont excédé des délais raisonnables ou s’il est peu probable, après un procès équitable, qu’elles donneraient satisfaction à la victime présumée.

6.3 Le Comité note que l’État partie affirme que la requête devrait être déclarée irrecevable en vertu du paragraphe 5 b) de l’article 22 de la Convention parce que le requérant n’a demandé ni le contrôle judiciaire des décisions prises par la Commission de l’immigration et du statut de réfugié et par l’agent ERAR, ni la résidence permanente pour motifs humanitaires. Il note aussi les arguments du requérant selon lesquels la procédure ERAR et la procédure humanitaire sont inefficaces et de caractère discrétionnaire. Cependant, le Comité n’a pas à se prononcer sur le caractère effectif de ces recours s’il peut être démontré que le requérant aurait pu se prévaloir de la possibilité de demander le contrôle judiciaire du rejet de sa demande d’octroi de la protection au titre de réfugié par la Commission de l’immigration et du statut de réfugié.

6.4 Le Comité rappelle que le requérant ne conteste pas d’une manière générale l’utilité du contrôle judiciaire des décisions relatives aux demandes de protection au titre de réfugié, bien que ce contrôle soit de portée limitée. Cependant, il affirme qu’il n’a pu exercer ce recours en raison de sa situation financière difficile et du conseil que lui avait donné son avocat de ne pas demander le contrôle judiciaire de la décision de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié. À cet égard, le Comité note que le requérant n’a fourni aucune information sur le coût de sa représentation légale ou le montant des frais de justice, ni sur les possibilités d’obtenir − ou sur tous efforts qu’il aurait entrepris pour obtenir − une aide juridictionnelle aux fins d’engager une procédure devant la Cour fédérale. Il constate aussi que les erreurs qu’aurait faites un avocat dont il s’est attaché les services à titre privé ne peuvent normalement être attribuées à l’État partie. Le Comité conclut que le requérant n’a pas présenté suffisamment d’éléments susceptibles de justifier le fait qu’il n’a pas utilisé la possibilité de demander un contrôle judiciaire de la décision de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié.

6.5 Le Comité estime donc que les recours internes n’ont pas été épuisés, conformément au paragraphe 5 b) de l’article 22 de la Convention.

7. En conséquence, le Comité décide:

a) Que la communication est irrecevable;

b) Que la présente décision sera communiquée aux auteurs de la communication et à l’État partie.

Communication n o 288/2006

Présentée par :

H. S. T. (représenté par un conseil)

Au nom de :

H. S. T.

État partie :

Norvège

Date de la requête :

9 janvier 2006 (date de la lettre initiale)

Date de la présente décision :

16 novembre 2006

Le Comité contre la torture , institué en vertu de l’article 17 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,

Réuni le 16 novembre 2006,

Ayant achevé l’examen de la requête n o 288/2006, présentée par H. S. T. en vertu de l’article 22 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,

Ayant tenu compte de toutes les informations qui lui ont été communiquées par le requérant, son conseil et l’État partie,

Adopte la décision ci ‑après au titre du paragraphe 7 de l’article 22 de la Convention contre la torture.

1.1 Le requérant est H. S. T., de nationalité mauritanienne, dont la demande d’asile en Norvège a été rejetée et qui fait l’objet d’un arrêté d’expulsion délivré le 14 avril 2004. On ne sait où il se trouve actuellement (voir par. 5.2 ci-après). Il affirme que s’il était renvoyé en Mauritanie il serait soumis à la torture ou à des traitements cruels, inhumains et dégradants, ce qui constituerait une violation par la Norvège de l’article 3 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. La requête a été initialement présentée par l’auteur lui-même, mais les commentaires sur les observations de l’ État partie ont été communiqués par son avocat au nom de l’auteur .

1.2 Le 3 février 2006, le Rapporteur spécial chargé des nouvelles communications a rejeté la demande de mesures conservatoires présentée par le requérant.

Rappel des faits présentés par le requérant

2.1 Le requérant déclare être membre des Forces de libération africaines de Mauritanie (FLAM), mouvement interdit. Cette organisation militante a transmis des informations à ses membres en exil afin d’alerter les organisations international es de défense des droits de l’homme et la presse international e sur les violations des droits de l’homme commises en Mauritanie. Au sein de cette organisation, le requérant était chargé de «recruter et sensibiliser les jeunes membres».

2.2 En Mauritanie, le requérant a été arrêté trois fois. En 1995, à l’issue d’une manifestation d’étudiants contre l’«arabisation», il a été détenu pendant trois jours, sans être interrogé. En 1996, il a été arrêté et détenu pendant quatorze jours en relation avec l’opposition de son père à la réforme agraire. De 1996 à 2001, il a fait des études et a obtenu un diplôme d’ingénieur en Jordanie. De retour en Mauritanie, il a de nouveau été arrêté au mois de juin 2001. Il a été interrogé, et on l’aurait torturé afin d’obtenir de lui qu’il explique son rôle au sein des FLAM et qu’il révèle où se trouvait son frère (son frère a obtenu l’asile en Suède en raison de son rôle en tant que secrétaire général des FLAM). Il a été libéré deux jours après. En décembre 2001, ayant appris qu’il était recherché par la police, il a quitté le pays pour se rendre en Norvège, où il est arrivé en février 2002 et a déposé une demande d’asile le 21 février 2002.

2.3 Le 21 février 2003, sa demande a été rejetée par la Direction de l’immigration (UDI). Le 31 mars 2004, son recours auprès de la Commission de recours en matière d’immigration (UNE) a été rejeté. Le 14 avril 2004, une décision d’expulsion a été prise contre lui. Il a engagé une action judiciaire et demandé une injonction visant à suspendre l’exécution de cette décision jusqu’à ce que sa plainte concernant l’asile ait été examinée par les tribunaux. Le 13 septembre 2005, le tribunal de première instance ( Oslo byfogdembete ) a rejeté sa demande. Le 8 décembre 2005, la cour d’appel ( Borgarting lagmannsrett ) a rejeté son appel. Le requérant n’ayant pas obtenu d’injonction visant à surseoir à l’exécution de la mesure d’expulsion, il n’a pas engagé d’action judiciaire principale. En outre, il a déclaré ne pas avoir les moyens d’assumer le coût d’une telle procédure.

Teneur de la plainte

3.1 Le requérant dit qu’il craint d’être soumis à des traitements inhumains et dégradants s’il retourne en Mauritanie, car il serait arrêté et torturé, ou même tué, en raison de son militantisme politique et des activités politiques de son père et de son frère.

3.2 Le requérant affirme qu’il a reçu l’ordre de quitter la Norvège avant que sa plainte soit examinée par les tribunaux et que le système judiciaire norvégien n’offre pas de recours utile. Il ajoute que la procédure a dépassé les délais raisonnables et que cela est entièrement la faute du Gouvernement qui, pour se justifier, a fait valoir qu’il ne savait rien de la situation en Mauritanie.

Observations de l’État partie sur la recevabilité

4.1 Le 3 avril 2006, l’État partie a présenté ses observations sur la recevabilité seulement. Il explique qu’en général les demandes d’asile sont étudiées en première instance de la procédure administrative par la Direction de l’immigration (UDI). Les recours administratifs sont portés devant la Commission norvégienne de recours en matière d’immigration (UNE). Tous les demandeurs d’asile bénéficient des services d’un avocat désigné par l’État. La légalité d’un acte administratif peut être contestée devant les tribunaux norvégiens. Il s’ensuit que les demandeurs d’asile dont la demande d’asile politique est rejetée par l’administration ont la possibilité de déposer une demande de contrôle judiciaire devant les tribunaux norvégiens et, ainsi, de faire examiner par le juge la légalité de la décision de rejet. Une telle demande n’est pas soumise à autorisation de la part des tribunaux; une demande d’injonction non plus.

4.2 L’intéressé peut solliciter des tribunaux une injonction ordonnant à l’administration de surseoir à l’expulsion du demandeur d’asile. Conformément à la loi de 1992 sur l’exécution des jugements, une injonction peut être accordée si le plaignant a) démontre qu’il y a de fortes chances pour que la décision attaquée soit annulée par le tribunal lorsque l’affaire principale sera jugée, et b) justifie par des motifs suffisants la demande d’injonction, c’est-à-dire montre que l’injonction est nécessaire pour éviter les dommages ou préjudices graves qui surviendraient si la décision d’expulsion était exécutée avant que le tribunal n’ait eu la possibilité de statuer dans l’affaire principale. Lorsque la décision attaquée est un rejet d’une demande d’asile, dans la pratique les deux conditions se rejoignent, c’est-à-dire que, dans une affaire concernant l’asile, l’octroi d’une injonction sera fonction de l’aptitude du plaignant à démontrer que la décision contestée sera probablement annulée par le tribunal lorsque celui-ci se prononcera dans l’affaire principale. Lorsqu’ils statuent sur la légalité des décisions administratives en matière d’asile, les tribunaux ont pleine juridiction. Le contrôle judiciaire porte sur tous les éléments de fait et de procédure, ainsi que sur l’interprétation et l’application de la loi.

4.3 S’agissant des faits, l’État partie indique que le 21 février 2003 l’UDI a rejeté la demande d’asile du requérant, au motif que celui-ci n’avait pas suffisamment démontré qu’il serait persécuté à son retour. Le 16 mars 2004, l’UNE a rejeté le recours du requérant après avoir procédé à des auditions lors desquelles le requérant a fait de longues déclarations et après avoir examiné tous les documents fournis par le requérant, y compris la déclaration de son frère et celle de M. Garba Diallo, professeur à l’International People’s College d’Elseneur au Danemark. Selon l’UNE, les FLAM ont été créées en mars 1983 et interdites l’année suivante. Au cours des dernières années, cette organisation a essentiellement fonctionné en exil, depuis son siège au Sénégal. Aucune information ne donne à penser que les FLAM jouent un rôle de premier plan en Mauritanie ou ont un quelconque pouvoir politique. Rien n’indique non plus que les membres ordinaires des FLAM soient persécutés. L’UNE sait bien qu’en Mauritanie l’opposition politique rencontre des problèmes avec les autorités, mais depuis 2002 aucune information digne de foi n’a fait état d’arrestations d’opposants politiques, mis à part l’arrestation d’un des dirigeants d’une organisation engagée dans la lutte contre l’esclavage, qui a été libéré au bout de deux jours.

4.4 L’UNE a souligné que les renseignements fournis par le requérant étaient vagues et imprécis, qu’il s’agisse de ses liens avec les FLAM ou de ses relations avec les autorités mauritaniennes. Le requérant avait expliqué que les autorités le recherchaient essentiellement parce qu’elles le soupçonnaient d’appartenir aux FLAM et parce que son frère était également membre de cette organisation, mais il n’a pas donné plus de précisions. C’est pourquoi on a estimé qu’il ne remplissait pas les conditions prévues à l’article 1 A) de la Convention des Nations Unies relative au statut des réfugiés, ouvrant droit à l’octroi de l’asile en vertu de l’article 16 de la loi norvégienne relative à l’immigration. Il ne remplissait pas non plus les conditions prévues dans la clause de non-refoulement de l’article 15 de la loi relative à l’immigration, qui accorde la même protection que l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme et que l’article 3 de la Convention contre la torture. À la suite de la décision rendue par l’UNE, le requérant a présenté une «demande aux fins d’une nouvelle appréciation». L’UNE a considéré qu’aucun motif ne justifiait qu’elle revienne sur sa première décision. De l’avis de l’État partie, la plainte du requérant a été dûment examinée, tant par l’UDI que par l’UNE.

4.5 Le 16 juin 2005, le requérant a sollicité une injonction provisoire au titre du chapitre 15 de la loi norvégienne sur l’exécution des jugements, visant à suspendre l’exécution de la décision administrative refusant l’octroi de l’asile ou d’un permis de séjour pour raisons humanitaires jusqu’à ce que l’affaire principale ait été examinée par les tribunaux. À ce jour, le requérant n’a pas porté l’affaire principale devant les tribunaux norvégiens. Le 13 septembre 2005, le tribunal de première instance ( Oslo byfogdembete ) a rejeté la demande d’injonction. Cette décision a été prise à l’issue d’une journée complète d’auditions au cours desquelles le requérant s’est longuement exprimé et cinq autres témoins, dont le frère du requérant, ont été entendus. Le Gouvernement avait cité, à titre de témoin expert, le conseiller régional de Landinfo (centre d’information sur les pays d’origine), qui dispose personnellement de renseignements récents sur la situation des droits de l’homme en Mauritanie. Il avait également cité le fonctionnaire de l’UNE chargé de l’affaire du requérant qui, dans sa déposition, a rendu compte de la manière dont les autorités de l’immigration avaient examiné le dossier et pris leur décision.

4.6 Le requérant a fait appel de la décision sur sa demande d’injonction devant la cour d’appel ( Borgarting lagmannsrett ), qui a confirmé la décision de première instance le 8 décembre 2005. Après avoir examiné les faits de la cause, la cour a estimé que le requérant ne courait pas personnellement le risque d’être persécuté s’il retournait en Mauritanie. Le requérant n’a pas contesté cette décision devant la Commission d’appel de la Cour suprême. Le requérant était représenté par un conseil tout au long de la procédure judiciaire.

4.7 L’État partie fait valoir que la requête est irrecevable car elle est manifestement infondée. À son avis, il n’y a pas de risque sérieux que le requérant soit persécuté s’il retourne en Mauritanie. La seule allégation qu’il appartiendrait aux FLAM et les vagues déclarations selon lesquelles il aurait été torturé lorsqu’il a été détenu en 1996 et 2001 ne constituent pas des éléments dont on peut se prévaloir au regard de la Convention. Le requérant n’a pas donné d’informations précises sur les incidents allégués ni produit de certificats médicaux à l’appui de ses allégations. Selon des sources dignes de foi, il n’y a pas de raison de penser qu’un membre ordinaire des FLAM pourrait subir des persécutions au sens de la Convention s’il est renvoyé dans son pays.

Commentaires du requérant sur les observations de l’État partie

5.1 Dans une réponse du 3 juillet 2006, le requérant a souligné que l’État partie n’a pas de moyen d’obtenir directement des informations sur la situation des droits de l’homme en Mauritanie et que les renseignements sur lesquels il s’appuie proviennent exclusivement de sources extérieures. Il fait remarquer que les tribunaux norvégiens n’ont que rarement annulé des décisions administratives relatives à des demandes d’asile, ce qui conduit à s’interroger sur l’efficacité des recours judiciaires dans l’État partie. Que les tribunaux l’aient débouté de sa demande, malgré le témoignage d’un expert ayant une connaissance directe de la situation des droits de l’homme en Mauritanie, est la preuve que le système juridictionnel norvégien n’offre pas de recours utile. Compte tenu du fait que l’État partie connaît mal la situation en Mauritanie et que le frère du requérant a obtenu le statut de réfugié en Suède à l’issue d’une mission d’enquête menée par la Suède, le requérant demande au Comité de recueillir lui-même des informations au sujet des faits à l’origine de la plainte, au titre de l’article 20 de la Convention.

5.2 Le 6 juillet 2006, l’avocate qui représente le requérant a informé le secrétariat qu’à sa connaissance il n’était plus en Norvège. Elle a indiqué qu’il était allé en France il y a quelque temps et qu’il s’y trouvait peut-être encore. Le requérant a appelé le secrétariat au mois de mars 2006 pour s’enquérir de l’état de son affaire, et a fait savoir qu’il était en Belgique.

Délibérations du Comité

Examen de la recevabilité

6.1 Avant d’examiner une plainte soumise dans une communication, le Comité contre la torture doit décider si cette communication est recevable en vertu de l’article 22 de la Convention et de son règlement intérieur.

6.2 En vertu du paragraphe 1 de l’article 22 de la Convention, le Comité peut examiner une communication présentée par un particulier qui prétend être victime d’une violation, par un État partie, d’une disposition de la Convention, à condition que l’intéressé relève de la juridiction de cet État et que ce dernier ait déclaré qu’il reconnaissait la compétence du Comité au titre de l’article 22.

6.3 Le Comité note que l’auteur semble avoir quitté la Norvège. L’article 3 de la Convention interdit le refoulement par un État partie d’une personne vers un autre État où il y a des motifs sérieux de croire qu’elle risque d’être soumise à la torture. En l’espèce, vu qu’apparemment le requérant ne se trouve plus sur un territoire relevant de la juridiction de l’État partie, il ne peut pas être renvoyé en Mauritanie par l’État partie. Par conséquent, l’article 3 de la Convention ne s’applique pas. L’examen de la communication étant devenu sans objet, le Comité conclut que celle-ci est irrecevable. Compte tenu des motifs d’irrecevabilité précités plus haut, le Comité n’a pas à se prononcer sur l’argument de l’État partie selon lequel la plainte du requérant au titre de l’article 3 devrait être déclarée irrecevable car elle est manifestement dénuée de fondement.

6.4 Le Comité conclut donc, en application de l’article 22 de la Convention et de l’article 107 b) de son règlement intérieur, que la requête est manifestement dénuée de fondement et qu’elle est de ce fait irrecevable.

7. En conséquence, le Comité contre la torture décide:

a) Que la communication est irrecevable;

b) Que la présente décision sera communiquée au conseil du requérant et à l’État partie.

Communication n o 305/2006

Présentée par :

A. R. A.

Au nom de :

A. R. A.

État partie :

Suède

Date de la communication :

25 septembre 2006 (date de la lettre initiale)

Le Comité contre la torture , institué en vertu de l’article 17 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,

Réuni le 30 avril 2007,

Ayant achevé l’examen de la requête n o 305/2006, présentée par A. R. A. en vertu de l’article 22 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,

Ayant tenu compte de toutes les informations qui lui ont été communiquées par le requérant, son conseil et l’État partie,

Adopte la décision ci ‑après au titre du paragraphe 7 de l’article 22 de la Convention contre la torture.

1.1 Le requérant est A. R. A., de nationalité sri-lankaise, né le 6 décembre 1965, en attente d’expulsion de la Suède vers Sri Lanka. Bien qu’il n’invoque aucun article précis de la Convention, ses allégations semblent soulever des questions au regard de l’article 3 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. L’auteur n’est pas représenté par un conseil.

1.2 Le 18 octobre 2006, le Rapporteur spécial chargé des nouvelles requêtes et des mesures provisoires de protection a décidé de ne pas demander de telles mesures .

Exposé des faits

2.1 Quand il était à Sri Lanka, le requérant avait l’habitude d’aider son père, membre du Sri Lanka Freedom Party (SLFP), dans ses activités politiques, puis est devenu lui-même un membre important de ce parti. Pendant son service dans les forces armées, d’août 1988 à avril 1994, le requérant a subi des tortures physiques et psychologiques de la part de membres de l’United National Party (UNP), en raison de ses activités politiques. Il confirme toutefois ne pas avoir quitté le pays pour cette raison .

2.2 De 1994 à 2001, lorsque le SLFP était au pouvoir, le requérant n’a rencontré aucune difficulté. Toutefois, depuis 1994, il était classé parmi les «personnes les plus recherchées» par les Tigres de libération de l’Eelam tamoul (LTTE) qui, soutient-il, veulent le tuer en raison de la connaissance qu’il a acquise de cette organisation quand il était à l’armée. En décembre 2001, avec le retour au pouvoir de l’UNP, le requérant a reçu des menaces et sa maison a été saccagée puis brûlée par trois membres de ce parti. On a dit à sa femme qu’il serait tué. Elle a déposé plainte contre les individus qui menaçaient son mari et ceux-ci ont été arrêtés. La plaignante a été citée comme témoin mais, ayant subi d’autres menaces, elle a décidé de ne pas témoigner et les poursuites ont été abandonnées. Le requérant est alors entré dans la clandestinité et, le 2 juillet 2003, a quitté le pays. Il affirme que des membres de l’UNP ont continué de menacer sa femme et ses enfants depuis son départ.

2.3 Le 14 septembre 2004, le Conseil des migrations a rejeté sa demande d’asile en arguant du fait que Sri Lanka est un État démocratique doté d’un système judiciaire qui fonctionne bien. Le 30 décembre 2005, le Conseil d’appel des étrangers a rejeté son recours, en rappelant le cessez ‑le ‑feu de 2002 et en précisant qu’il ne considérait pas que le requérant courait le risque d’être persécuté par les LTTE. Le 31 mai 2006, le Conseil des migrations a rejeté une demande de réexamen.

2.4 Le 1 er juin 2006, ou aux alentours de cette date, en apprenant que sa demande avait été rejetée, le requérant a fait une tentative de suicide à laquelle il a survécu. Il a été transféré de la section des urgences de l’hôpital à la section psychiatrique où, le 3 juin, il a tenté à nouveau, à trois reprises, de mettre fin à ses jours. Son avocat a demandé le réexamen de son cas et un sursis à exécution de l’arrêté d’expulsion le concernant. Le 19 juin 2006, le Conseil des migrations a estimé qu’il n’y avait pas de circonstances nouvelles en l’espèce et a rejeté la demande de réexamen.

2.5 Le 18 août 2006, le tribunal civil de Stockholm a statué sur le recours formé par le requérant contre la décision du 19 juin 2006, et a estimé que la situation à Sri Lanka et les nouvelles circonstances invoquées par le requérant ne prouvaient pas que celui-ci courait personnellement le risque d’être persécuté à Sri Lanka. L’État partie ne semble pas contester la crédibilité du requérant mais ne considère pas que les circonstances lui font courir un risque en cas d’expulsion.

Teneur de la plainte

3. Le requérant affirme courir un risque réel d’être tué soit par les LTTE soit par l’UNP si jamais il est renvoyé à Sri Lanka. Par ailleurs, en raison de ses contacts avec les LTTE lorsqu’il servait dans les forces armées, il se peut que les autorités le suspectent d’entretenir des liens avec cette organisation, d’où le risque d’être emprisonné ou de disparaître.

Observations de l’État partie sur la recevabilité et commentaires de l’auteur

4.1 Le 9 novembre 2006, l’État partie a contesté la recevabilité de la requête. Il fait valoir que celle-ci est irrecevable en vertu du paragraphe 5 a) de l’article 22 de la Convention, étant donné que la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) est actuellement saisie de la même question. Une requête ( n o  8594/04) a été déposée auprès de la CEDH le 24 février 2004, alors même que les voies de recours internes n’ont été épuisées que le 31 mai 2006. Le 9 août 2006, l’État partie a reçu notification de cette requête en application de l’article 40 du règlement de la Cour (communication en urgence d’une requête). Il était dans le même temps demandé à l’État partie de répondre à une question posée par la Cour. Le 20 octobre 2006, l’État partie a présenté une déclaration écrite, conformément à la demande de la Cour . L’État partie note que la CEDH n’a pas demandé de mesures provisoires de protection concernant l’arrêté d’expulsion. L’État partie fait valoir que, dans la mesure où une requête était en cours d’examen par la CEDH au moment où la présente requête a été présentée au Comité, cette dernière est irrecevable .

4.2 Au cas où le Comité ne considérerait pas la requête irrecevable pour la raison susmentionnée, l’État partie fait valoir que la communication devrait être considérée irrecevable parce que manifestement injustifiée, conformément au paragraphe 2 de l’article 22 de la Convention et au paragraphe a) de l’article 107 du Règlement intérieur du Comité, et il demande que possibilité lui soit donnée d’expliciter cet argument à une date ultérieure.

5. Le 30 novembre 2006, le requérant a répondu à la déclaration de l’État partie pour, entre autres, réitérer ses allégations précédentes. Il a confirmé l’information donnée par l’État partie au sujet de la requête adressée à la CEDH mais a expliqué que son représentant légal avait pris cette initiative alors que lui-même (le requérant) se trouvait à l’hôpital et qu’après plusieurs années l’affaire n’avait toujours pas été examinée par la Cour .

Délibérations du Comité

Examen de la recevabilité

6.1 Avant d’examiner une plainte soumise dans une communication, le Comité contre la torture doit décider si elle est recevable ou non au titre de l’article 22 de la Convention. Il rappelle qu’il n’examine aucune communication présentée par un particulier au titre du paragraphe 5 a) de l’article 22 de la Convention s’il ne s’est pas assuré que la même question n’a pas été examinée ou n’est pas actuellement examinée par une autre instance international e d’enquête ou de règlement. Le Comité rappelle sa jurisprudence et affirme que l’examen de la requête par la Cour européenne des droits de l’homme constitue un empêchement conformément à cet article.

6.2 Le Comité considère qu’une communication a été ou est actuellement examinée par une autre instance international e d’enquête ou de règlement si l’examen par l’instance en question porte (portait) sur la «même question» au sens du paragraphe 5 a) de l’article 22 de la Convention, c’est-à-dire a (avait) trait aux mêmes parties, aux mêmes faits et au même contenu des droits. Il note que la requête n o 8594/04 a été présentée à la Cour européenne par le même requérant, qu’elle repose sur les mêmes faits et qu’elle a trait à des droits de même contenu que ceux invoqués dans la présente communication. Étant parvenu à la conclusion que la «même question» est actuellement examinée par la Cour européenne, le Comité considère que les conditions du paragraphe 5 a) de l’article 22 ne sont pas remplies en l’espèce et que la requête est donc irrecevable .

6.3 En conséquence, le Comité contre la torture décide:

a) Que la communication est irrecevable;

b) Que la présente décision sera communiquée à l’ État partie et au requérant.