Nations Unies

HRI/CORE/DJI/2010

Instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme

Distr. générale

4 février 2011

Français

Original: français

Document de base faisant partie intégrante des rapports présentés par les États parties

Djibouti

[21 juillet 2010]

Table des matières

Paragraphes Page

Liste des abréviations4

I.Introduction1−126

II.Données générales sur l’État13−1357

A.Caractéristiques démographiques, économiques, sociales et culturelles13−507

B.Structure constitutionnelle, politique et juridique51−13516

III.Cadre général de la protection et de la promotion des droits de l’homme à l’échelon national136−26828

A.Acceptation des normes internationales relatives aux droits de l’homme136−14828

B.Cadre juridique de la protection des droits de l’homme149−24131

C.Cadre juridique de la promotion des droits de l’homme242−26245

D.Processus d’établissement des rapports263−26549

E.Autres informations relatives aux droits de l’homme266−26850

IV.Les informations sur la non-discrimination, l’égalité et les recours utiles269−28050

Liste des abréviations

ADDSAgence Djiboutienne de développement Social

ANEFIPl’Agence Nationale de l’Emploi, de la Formation et de l’Insertion Professionnelle

CDCCentre de développement Communautaire

CENICommission Électorale Nationale Indépendante

CESCentre d’Éducation Surveillée

CFPACentre de Formation Pour Adulte

CFSCôte Française des Somalis

CICRComité international de la Croix-Rouge

CNCCommission Nationale de la Communication

CNDDCommission Nationale pour le développement Durable

CNDHCommission Nationale des Droits de l’Homme

CNJDConseil National de la Jeunesse Djiboutienne

CNRCaisse Nationale des Retraites

CNSSCaisse Nationale de Sécurité Sociale

CRIPENCentre de Recherche d’Information et de production de l’Éducation Nationale

DPIDubaï Ports international

EDAM-IS2Enquête Djiboutienne Auprès des Ménages-Indicateurs Sociaux 2002

EDHExplorons le Droit Humanitaire

EDIM-2006Enquête Démographique à Indicateurs Multiples de 2006

EDSF/PAPFAMEnquête Djiboutienne sur la Santé de la Famille/Pan Arab Project for Family Health

FDEDFond de développement Économique de Djibouti

FLCSFront de Libération de la Côte française des Somalis

FMIFonds monétaire international

FNPForce Nationale de Police

FRUDFront pour la Restauration de l’unité Djiboutienne

HCRHaut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés

INDSInitiative Nationale pour le développement Social

MGFMutilations Génitales Féminines

OITorganisation internationale du Travail

OMDObjectifs du Millénaire pour le développement

ONARSOffice National d’Assistance aux Réfugiés et aux Sinistrés

ONGOrganisation non Gouvernementale

OPSOrganisme de Protection Sociale

OUAOrganisation de l’unité africaine

PASPlan d’Ajustement Structurel

PDIPEDPolitique de développement Intégral du Petit Enfant Djiboutien

PDMMProgramme de développement de la Microfinance et des MicroEntreprises

PIBProduit intérieur brut

PNUDProgramme des Nations Unies pour le développement

RGPHRecensement Général de la Population et de l’Habitat

SCECSystème de Caisse d’Épargne et de Crédit

SIDSociété Immobilière de Djibouti

SNAService National Adapté

TBSTaux brut de scolarisation

TFAITerritoire Français des Afars et des Issas

TPITribunal de première instance

UADUnion pour l’Alliance Démocratique

UMPUnion pour la Majorité Présidentielle

UNFDUnion Nationale des Femmes Djiboutiennes

VIH/SidaVirus de l’immunodéficience humaine/Syndrome d’immunodéficience acquise

I.Introduction

1.Les conditions climatiques peu favorables caractérisées par des précipitations faibles et irrégulières, des températures élevées qui prennent souvent une tournure catastrophique sous forme de sécheresses récurrentes pèsent lourdement sur l’économie du pays et la vie de ses citoyens. Les conditions de vie des populations sont marquées par le contrecoup défavorable des conflits et des guerres dans la sous-région avec un afflux continu de réfugiés qui, notamment, accroît la pression sur les services sociaux.

2.La politique d’ajustement structurel acceptée par Djibouti en 1996 a entraîné une crise sociale et une pauvreté accrue sans précédent dans le pays. Face à ce constat préoccupant, les autorités gouvernementales tentent d’inverser les tendances et s’engagent résolument dans la réduction de la pauvreté afin de permettre une meilleure réalisation des droits de l’homme et notamment le droit de vivre dans la dignité.

3.La lutte contre la pauvreté extrême et l’exclusion s’affirme progressivement comme un axe majeur de la politique de développement économique et social du pays. Elle est mise en œuvre selon deux orientations stratégiques prioritaires, à savoir le développement des ressources humaines et l’universalisation de l’accès aux services de base, mais aussi la promotion d’un développement local harmonieux et équilibré.

4.Dans ses efforts pour améliorer la promotion et la protection des droits de l’homme tels qu’ils sont définis dans la Déclaration universelle des droits de l’homme, le Gouvernement a procédé à la création et à la modernisation de son cadre administratif et juridique. Les nouvelles institutions sont plus aptes à garantir et à mettre en œuvre les normes nationales et internationales en matière de droits de l’homme en faveur des enfants, des jeunes, des femmes et des plus démunis.

5.La République de Djibouti s’est engagée fermement en faveur de la concrétisation de tous les droits de l’homme à l’échelle internationale, ces dernières années, dans un premier temps en assumant totalement ses fonctions à la vice-présidence du Conseil des droits de l’homme jusqu’en juin 2008, et depuis en sa qualité de membre de cet organe.

6.La République de Djibouti a déployé depuis quelques années d’importants efforts en matière de droits de l’homme en ratifiant les principaux instruments internationaux des Nations Unies pertinents, ou en y adhérant.

7.Dans cette dynamique, le Gouvernement de Djibouti tient à s’acquitter pleinement de ses obligations internationales vis-à-vis des instruments internationaux auxquels il a souscrit en présentant aux comités des principaux organes conventionnels le présent document de base commun.

8.Malgré les nombreuses ratifications effectuées par Djibouti, le pays connaît un retard dans la soumission de ses rapports aux organes chargés du suivi des traités et des conventions internationales. L’atelier de réflexion sur les perspectives de renforcement des droits de l’homme, organisé à Djibouti (11 et 12 mai 2008) et placé sous le haut patronage du Chef de l’État, a constitué un moment fort dans la prise de conscience de cette difficulté et le lancement d’initiatives pour y remédier.

9.L’élaboration de rapports destinés aux organes conventionnels des droits de l’homme est désormais institutionnalisée avec la mise en place de la Commission Nationale des Droits de l ’ Homme (CNDH) et du Comité interministériel de coordination du processus de préparation et de soumission des rapports aux organes institués par les traités sous l’autorité du Ministère de la Justice chargé des droits de l’homme.

10.Cette approche coordonnée et élargie à l’ensemble des acteurs impliqués dans le domaine des droits humains (institutions publiques, organisations de la société civile et partenaires du développement) doit non seulement contribuer à un meilleur suivi des ratifications des instruments internationaux et de la mise en œuvre de leurs recommandations mais aussi orienter plus efficacement les politiques gouvernementales en vue d’une application effective de leurs dispositions.

11.L’élaboration de ce rapport ainsi que l’«opérationnalisation» de ce mécanisme n’auraient pu être réalisées sans l’appui technique du Haut Commissaire aux droits de l’homme et du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) qui ont notamment procédé aux formations des membres de la CNDH et du Comité intersectoriel.

12.Le présent document de base commun, conformément aux dernières directives harmonisées concernant l’établissement des rapports destinés aux organes créés en vertu d’instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, comprend les rubriques suivantes: les informations générales sur l’État, le cadre de la promotion des droits de l’homme à l’échelon national, et les progrès réalisés en matière de non-discrimination, d’égalité et de recours effectifs.

II.Données générales sur l’État

A.Caractéristiques démographiques, économiques, sociales et culturelles

Aspects géographiques

13.La République de Djibouti est située en Afrique de l’Est (Corne de l’Afrique) où elle occupe une position géostratégique au débouché du détroit de Bab El Mandeb, à l’entrée de la mer Rouge et de l’océan Indien. Sa superficie réduite de 23 200 km2 lui vaut souvent le qualificatif de «micro-État». Elle est limitée à l’ouest et au nord-ouest par l’Éthiopie, au nord-est par l’Érythrée et au sud-est par la Somalie, tandis que la mer Rouge borde sa façade orientale.

14.La topographie du pays présente, au nord, des chaînes montagneuses qui culminent autour de 2 000 mètres; au sud des massifs montagneux moins élevés alternant avec des plateaux et des plaines; et pour finir, une zone côtière qui s’étend sur un littoral de 350 kilomètres de longueur.

15.La République de Djibouti connaît un climat tropical aride marqué par une forte chaleur et une évaporation élevée. Les températures moyennes agréables (entre 20 °C et 30 °C) en saison fraîche (octobre à avril) atteignent les 50 °C en saison chaude (juin à septembre) sous l’influence du Khamsin – un vent chaud et sec soulevant poussière et sable – alors que l’humidité augmente fortement durant la nuit. La pluviométrie du pays est caractérisée par de grandes irrégularités dans l’espace et le temps. A l’échelle du pays, seules les régions montagneuses du nord connaissent des précipitations supérieures à 250 mm/an. Les zones côtières qui incluent la capitale Djibouti-ville sont particulièrement défavorisées dans cette répartition. Les écarts de précipitations sont très importants et peuvent varier entre 10 mm (en 1918) et 557 mm (en 1967) contre une norme de 133,8 mm.

16.Dans ces conditions, la république de Djibouti est confrontée en permanence à la sécheresse qui entraîne très souvent une diminution de la production alimentaire, des pertes au niveau du bétail, un exode rural vers les chefs-lieux des régions et Djibouti-ville, un assèchement des réserves d’eau et des problèmes de santé (déshydratation, soif, etc.). Ce phénomène climatique est souvent suivi de pluies diluviennes qui déclenchent des inondations importantes dont l’impact sur l’environnement naturel, humain et économique se révèle très souvent néfaste. Ces inondations menacent particulièrement la ville de Djibouti.

Aperçu historique

17.L’histoire de Djibouti peut être scindée en trois grandes périodes: la période coloniale, les premières années de l’indépendance (de 1977 à 1999) et la modernisation du pays (de 1999 à nos jours).

18.La colonisation française de Djibouti débute dans la seconde moitié du 19ème siècle avec l’implantation d’une base de ravitaillement indispensable à la flotte française reliant les territoires et colonies d’Indochine, de l’océan Indien et du Pacifique à la métropole. La ville de Djibouti est créée en 1887 autour du port et devient le chef-lieu de la Côte Française des Somalis (CFS) en 1896. Elle se développe jusqu’en 1939 grâce aux grands chantiers de construction, à la création de la voie ferrée franco-éthiopienne en 1917 au renforcement des activités portuaires et à l’exploitation des salines. La période qui suit est moins dynamique et la population connaît le chômage.

19.En 1949, au lendemain de la décision de rendre le port franc, les représentants de Djibouti plaident pour la reconnaissance de la particularité économique du pays auprès des autorités françaises et obtiennent la création du franc Djibouti rattaché au dollar des États‑Unis. Les années 50 et 60 sont marquées par l’apparition puis l’affirmation des idées indépendantistes et la mise en place d’un important dispositif répressif par l’autorité coloniale. Djibouti devient Territoire Français des Afars et des Issas (TFAI) en 1967 et ses structures politiques sont transformées.

20.L ’ accession à l ’ indépendance est le résultat d’actions conjointes: d’un côté, des mouvements politiques plaident la cause de la souveraineté du territoire auprès des institutions internationales (Organisation des Nations Unies) et régionales (Organisation de l’unité africaine et Ligue arabe), de l’autre des opérations armées sont menées par le Front de Libération de la Côte française des Somalis (FLCS) à partir de la Somalie. Cette pression de l’opinion internationale et régionale oblige la puissance coloniale à lancer une consultation référendaire dont les résultats mènent à la proclamation de la République de Djibouti en 1977.

21.Hassan Gouled Aptidon, le premier président du pays, procède à l’organisation du nouvel État et préside désormais aux destinées des populations. La grande instabilité politique qui règne dans la Corne de l’Afrique jusqu’au début des années 90 limite fortement la mise en œuvre efficace des politiques publiques. La guerre civile n’épargne pas le pays et renforce le recours par le Gouvernement à des mesures tendant avant tout à préserver la souveraineté nationale et la paix intérieure.

22.La période récente (de 1999 à nos jours) correspond à la relance de la modernisation politique et socioéconomique de Djibouti sous la présidence d’Ismail Omar Guelleh.

23.Les Accords de paix et de réconciliation nationale (2001) scellent définitivement le règlement pacifique d’un conflit qui avait dévasté le pays pendant dix ans. Le Gouvernement s’engage dans la consolidation de la transition démocratique, la mise en place d’un multipartisme intégral (2002) et la concrétisation du processus de décentralisation (2008).

Aspects démographiques

24.Les données statistiques préliminaires du deuxième Recensement Général de la Population et de l ’ Habitat (RGPH) de 2009 évaluent la population djiboutienne à 818 159 personnes. La répartition spatiale de la population reste relativement équilibrée entre la région-capitale de Djibouti-ville (58,10 %) et les régions de l’intérieur (41,90 %). Par conséquent, la majorité de la population vit en milieu urbain et plus particulièrement à Djibouti-ville. Cette forte urbanisation de la capitale s’explique par la structure économique, elle-même conditionnée par les facteurs bioclimatiques. Cette situation a également pour effet la forte proportion acquise par la «population particulière» à Djibouti-ville: le quart de la population de la cité et les 4/5 de la «population comptée à part». Les autres régions du pays sont peuplées principalement de nomades, mais aussi de ruraux sédentaires.

Il est généralement admis que cette population connaît un taux de croissance global, intégrant soldes naturel et migratoire, de près de 6 % par an. La densité démographique ne se situe qu’autour de 27,5 habitants/km2.

Tableau 1 Poids et caractéristiques démographiques des régions

Région

Part de la Population totale (%)

Population ordinaire urbaine (%)

Population rurale sédentaire (%)

Population nomade (%)

Population particulière (%)

Total

Djibouti-ville

58,10

74,43

25,57

100

Ali Sabieh

10,63

26,03

13,77

42,59

17,61

100

Dikhil

10,87

21,75

25,31

46,71

6,23

100

Tadjourah

10,60

14,02

27,08

55,83

3,07

100

Obock

4,62

26,24

25,83

43,25

4,68

100

Arta

5,18

26,06

26,77

41,94

5,23

100

Total

100

52,42

9,67

19,69

18,22

25.Les groupes ethniques du pays sont les Afars, les Somalis et les Arabes. En 2002, la population étrangère est estimée à 15,7 % de la population sédentaire totale. Elle est constituée surtout d’Éthiopiens et de Somaliens qui représentent respectivement 8,5 % et 6 % de l’ensemble de la population sédentaire totale. Le texte de loi sur la nationalité de 2005 rationalise l’acquisition de la nationalité et modernise les procédures d’obtention des papiers d’identité. Il accorde ainsi la nationalité aux enfants dont l’un des parents est étranger et autorise la double nationalité.

26.La population djiboutienne est très largement, à 99 %, de confession musulmane et le préambule de la Constitution indique que l’islam constitue la religion de l’État. On trouve, cependant, à Djibouti-ville d’autres cultes.

Les langues officielles sont le français et l’arabe alors que le somali et l’afar, qui appartiennent au groupe couchitique, sont les principales langues maternelles parlées dans le pays. Si l’enseignement des langues nationales a été adopté, sa mise en pratique est encore discutée tandis que des premiers manuels scolaires ont été élaborés dans les langues nationales pour l’enseignement primaire.

27.A l’instar de nombreux pays en développement, la structure par âge de la population djiboutienne se caractérise par une forte proportion de jeunes, qui représentent près de la moitié de la population. Les personnes âgées ne constituent qu’une faible proportion des ménages d’une enquête. En 2006, près d’un tiers de la population djiboutienne a moins de 15 ans. Le rapport de masculinité reste favorable aux hommes jusqu’à 19 ans pour s’inverser ensuite en faveur des femmes de 20 à 39 ans à cause de leur immigration dans les pays limitrophes, notamment, pour y travailler. L’Enquête Djiboutienne Auprès des Ménages à Indicateurs Sociaux de 2002 (EDAM-IS2) précise que l’âge médian se situe à 20 ans pour la même période.

Tableau 2 La structure de la population djibouti enne

Classe d’âge

% de la population totale

Moins de 20 ans

49,5

20 à 64 ans

46,8

65 ans et plus

2,8

Source : EDSF/PAPFAM 2002.

28.La taille moyenne des ménages djiboutiens est de 6 membres avec une légère supériorité numérique dans les ménages urbains par rapport au monde rural. L’Enquête Démographique à Indicateurs Multiples (EDIM-2006) n’apporte pas d’information permettant d’établir l’évolution de la taille moyenne des ménages mais précise cependant que 75,4 % des ménages sédentaires ont au moins un enfant de moins de 18 ans alors que 36,4 % ont un enfant de moins de 5 ans.

Tableau 3 Taille moyenne des ménages suivant le lieu de résidence

Nombre de membres permanents

Urbain

Rural

Ensemble

1 personne

3,5

10,5

5,2

2 personnes

7,1

13,7

8,8

3 personnes

10,4

17,5

12,2

4 personnes

12,1

17,8

13,5

5 personnes

13,3

12,8

13,1

6 personnes

12,6

9,7

11,8

7 personnes

11,7

7,8

10,7

8 personnes

9

3,4

7,6

9 personnes et plus

20,6

6,8

17,1

Taille moyenne des ménages

6,1

4,3

5,7

Source: EDSF/PAPFAM 2002.

29.La proportion des ménages dirigés par une femme est élevée à cause notamment du veuvage, du divorce et du célibat. L’EDIM-2006, en indiquant que ce groupe représente un cinquième des ménages sédentaires, confirme cette tendance. En raison de la solidarité familiale encore vivace, les statistiques ne relèvent pas l’existence de ménages dirigés par des enfants.

Tableau 4 Répartition des ménages selon le sexe du chef de ménage et le lieu de résidence

Chef de ménage

Urbain

Rural

Ensemble

Masculin

76,8 %

76,1 %

76,6 %

Féminin

23,2 %

23,9 %

23,4 %

Source: EDSF/PAPFAM 2002.

Aspects économiques

30.L’impact des conflits frontaliers comme celui de l’Ogaden (1976-1978), opposant l’Éthiopie à la Somalie, et l’effondrement des régimes militaires à leur tête (1980-1992) sous la pression des groupes d’opposition armés réduisent sensiblement les performances économiques et sociales du pays dont le développement est basé sur les échanges: le p roduit i ntérieur b rut (PIB) en prix constants ne progresse qu’à un taux moyen de 1 % pendant toute la période comprise entre 1977 et 1991, alors que la croissance démographique s’élève à 3 %.

31.Fin 1991, le pays est confronté à son tour à une guerre civile qui oppose le Front pour la Restauration de l ’ Unité Djiboutienne (FRUD) à l’armée régulière. L’adoption de la Constitution nationale (1992), première Loi fondamentale, engage le pays dans la voie de la transition démocratique et de la stabilisation politique avec l’instauration d’un multipartisme limité à quatre partis politiques. Les négociations pour la réconciliation nationale aboutissent à l’Accord de paix de 1994, signé avec une partie des membres du FRUD, et à leur entrée dans le Gouvernement.

32.Entre 1992 et 1996, la situation économique et sociale se dégrade sensiblement sous l’effet conjugué de la guerre civile (déséquilibre des finances publiques, déplacements de population, dégradation des infrastructures) et des difficultés externes (réduction de l’aide budgétaire, concurrence régionale accrue, afflux de réfugiés en provenance de la Somalie et de l’Éthiopie). La crise sociale pèse lourdement sur les conditions de vie des populations et n’épargne pas non plus les fonctionnaires qui subissent un gel de la progression des salaires dès 1992. C’est dans le contexte d’une économie profondément déstructurée qu’intervient l’application du Plan d ’ Ajustement Structurel (PAS) négocié par les autorités djiboutiennes auprès du Fond s m onétaire international (FMI) et de la Banque mondiale (1996).

33.Les effets de ce programme sont particulièrement désastreux pour les groupes vulnérables et augmentent sensiblement l’effectif des populations vivant dans des conditions précaires alors que de fortes inégalités apparaissent entre les milieux rural et urbain et entre la capitale et les autres villes.

34.L’économie du pays repose largement sur les activités de service, cette situation s’expliquant par l’emplacement stratégique du pays et son statut de zone franche dans la Corne de l’Afrique. En raison de la rareté des pluies, la production agricole est marginale, et le niveau d’activité industrielle est également faible. Djibouti fournit des services en tant que port de transit principalement pour l’Éthiopie et constitue de part sa position géographique un centre international de transbordement et de ravitaillement. Afin d’accroître sa compétitivité, l’activité portuaire a été placée sous la gestion privée de Dubaï Ports International (DPI) et étendue au nouveau site de Doraleh qui accueille les terminaux pétrolier et les conteneurs.

Tableau 5 Structure économique nationale.

Secteur d’activité

% du PIB

Primaire

4

Secondaire

14

Tertiaire

82

Source: MEFPP.

35.La croissance économique réelle limitée à 3 % au début de cette décennie s’est sensiblement accélérée au cours de ces dernières années. Elle est, notamment, stimulée par une augmentation des investissements dans la zone franche et les installations portuaires.

Graphique 1 Év olution du PIB en % (2001-2009)

36.L’inflation des prix à la consommation, longtemps contenue autour de 3 % l’an (2 % en 2004 et 3,5 % en 2006), s’est accentuée ensuite pour atteindre 8,2 % en 2007 puis 9,2 % en 2008 sous l’effet principalement du renchérissement de l’énergie et des produits alimentaires.

37.Malgré un revenu par habitant relativement élevé (revenu national brut par habitant, méthode Atlas, de 1 060 dollars en 2006) qui le place parmi les pays à revenu intermédiaire de tranche inférieure, Djibouti est confrontée depuis 2002 à une pauvreté généralisée affectant toutes les catégories sociales et tous les espaces géographiques: 42 % des gens vivent avec moins de deux dollars par jour.

38.Le chômage est souvent responsable de la dégradation de la situation sociale. Il a connu une forte augmentation entre 1996 et 2002 en passant de 44 % à 60 % de la population active. Le chômage touche particulièrement les jeunes de moins de 30 ans qui représentent 60,5 % de l’ensemble des chômeurs, y compris les femmes.

39.D’une manière générale, les revenus des ménages djiboutiens servent principalement au financement des dépenses alimentaires, au loyer et à l’eau potable. Ces proportions sont plus élevées chez les pauvres et les pauvres extrêmes par rapport aux non pauvres pour les dépenses alimentaires et l’eau potable alors que la tendance s’inverse entre les trois catégories quand aux charges liées au loyer.

Tableau 6 Répartition des dépenses des ménages

Dépenses

Très pauvres

Pauvres

Non pauvres

Ensemble

Dépenses alimentaires

50,6 %

43,9 %

33,3 %

38,4 %

Eau potable

7,9 %

7,8 %

6,7 %

7,2 %

Loyer

21,8 %

22,9 %

25 %

23,9 %

Éducation

5,5 %

7,1 %

6,6 %

6,8 %

Santé

1,5 %

1,5 %

1,5 %

1,5 %

Énergie électrique

2 %

4,1 %

9 %

6,6 %

Autres

10,6

12,7 %

18,1 %

15,5 %

Total

100 %

100 %

100 %

Source: EDAM-IS2.

40.Conformément aux priorités en matière de développement économique et social définies dans la loi décennale de 2001-2010, le Gouvernement djiboutien a placé la réduction de la pauvreté en rang d’objectif principal. Les orientations majeures de la stratégie gouvernementale de développement mettent ainsi l’accent sur la mise en œuvre d’une politique sociale visant le bien-être de la population par le biais, notamment, d’un plus grand accès des citoyens aux équipements et aux services de base.

Services sociaux de base

41.Les mesures adoptées visent à rendre effective la jouissance des droits à l’éducation/la formation, à l’emploi, à la santé, à l’eau et à l’énergie et à un niveau de vie décent pour l’ensemble de la population djiboutienne. Au cours de ces cinq dernières années, l’État a alloué près de 47 % de ses dépenses totales aux secteurs sociaux.

Éducation

42.Grâce aux efforts déployés depuis le lancement de la réforme du système éducatif pour étendre les capacités d’accueil, les taux nets de scolarisation progressent: dans l’enseignement primaire, ils passent de 43,2 % en 2002 à 66,2 % en 2006, et dans le secondaire de 23,5 % à 41 % entre 2002 et 2006. La fréquentation scolaire est améliorée et l’égalité des chances est mieux assurée entre les filles et les garçons au niveau du primaire.

Graphique 2 Évolution du taux brut de scola risation (TBS) dans le primaire

Graphique 3 Évolution du taux brut de scolarisation dans les cycles moyen et secondaire

43.L’accroissement des effectifs des élèves ne ralentit pas l’évolution à la baisse du taux d’encadrement au primaire (de 34 en 2001 à 29 en 2005), qui situe Djibouti à un niveau confortable comparé aux autres pays africains. La généralisation de la scolarisation dans les cycles moyen et secondaire ne s’est pas accompagnée d’un recrutement conséquent et influence donc notablement le ratio élèves/enseignants, qui en se situant autour de 30 reste assez élevé.

Tableau 7 Évolution du ratio élèves/enseignants dans les cycles moyen et secondaire

Effectif enseignants

Poids des étrangers

Ratio élèves/ enseignants

2000

522

24,1 %

28

2001

606

19,1 %

26

2002

614

15,6 %

28

2003

672

20,4 %

28

2004

786

15,9 %

26

2005

820

14,4 %

28

2006

967

10,3 %

26

2007

912

8,7 %

32

2008

1 201

4,9 %

31

Source: MENESUP.

44.La population alphabétisée est estimée à 49 % (2002). La part des femmes alphabétisées âgées entre 15 et 24 ans, qui était seulement de 37,6 %, s’accroît sensiblement en 2006. Les disparités spatiales restent marquées.

Tableau 8 Population féminine (de 15 à 24 ans) alphabétisée

Milieu de résidence

Part des femmes alphabétisées (%)

Urbain

48,4

Rural

14,2

Moyenne

47,5

Source: EDIM 2006.

45.L’État djiboutien a affecté des ressources importantes au secteur de l’éducation au cours de la dernière décennie. Les dépenses éducatives représentent le quart du budget de l’État, voir le tiers certaines années, soit entre 5,9 % et 9,5 % du PIB pour la période considérée. Djibouti appartient ainsi aux pays en développement qui consacrent des ressources publiques conséquentes au financement de l’éducation.

Graphique 4 Év olution des dépenses éducatives

Santé

46.Le pays est confronté à des maladies infectieuses souvent à caractère épidémique ou endémique telles que le paludisme, le choléra, les diarrhées parasitaires et bactériennes, l’hépatite virale, le VIH/SIDA-IST (séroprévalence de 2,9 % en 2006), la tuberculose (1000/100 000, une des prévalences les plus élevées du monde) et aux maladies non transmissibles telles que les affections cardiovasculaires, le diabète, les maladies rénales, le cancer, les maladies pulmonaires obstructives chroniques et la malnutrition. Les maladies non transmissibles sont de plus en plus fréquentes: elles sont responsables de 40 % des admissions et de 113 décès intrahospitaliers.

Les cinq principales causes de la mortalité au sein de la population générale sont les infections des voies respiratoires, les fièvres, les anémies, les diarrhées et les affections de la peau.

47.L’espérance de vie moyenne à la naissance est estimée à 53 ans (2002), celle des femmes (54,1 ans) étant supérieure à celle des hommes (51,8 ans). Le taux de fécondité était de 4,2 enfants par femme dans la période comprise entre 1998 et 2002. La tendance à la baisse de ce taux, amorcée en 1993, concerne toutes les femmes.

Tableau 10 Évolution de l’indice synthétique de fécondité (1988-2002)

Période

Urbain

Rural / nomade

Moyenne du pays

1988-1992

5,0

6,3

5,2

1993-1997

4,8

6,1

5,1

1998-2002

4,1

4,9

4,2

Source: EDSF/PAPFAM 2002.

48.Le taux brut de natalité est de 39 pour 1000 (2002) alors que les taux de mortalité infantile et juvénile s’élèvent respectivement à 67 pour 1000 et à 94 pour 1000 (2006). Malgré une amélioration, leur niveau reste élevé. Presque le tiers (31,7 %) des enfants âgés entre 12 et 23 mois sont complètement vaccinés contre les six maladies de l’enfance (tuberculose, diphtérie, tétanos, coqueluche, poliomyélite et rougeole). La couverture vaccinale est inégale, entre 65 % pour le vaccin contre la rougeole et 87,5 % pour le BCG. La situation nutritionnelle des enfants âgés de moins de 5 ans s’est légèrement dégradée entre 2002 et 2006: 20,4 % souffrent d’une sous-nutrition chronique, 32,2 % d’un retard de croissance et 28,6 % ont un poids insuffisant. Chez les enfants, les affections les plus fréquentes sont les infections des voies respiratoires (surtout la pneumonie), les diarrhées, le paludisme, la malnutrition et diverses maladies néonatales.

49.La mortalité maternelle est en diminution: de 720 décès/100 000 naissances vivantes en 1998, elle est passée à 546 décès/100 000 naissances vivantes en 2002. Bien que les accouchements assistés par un personnel qualifié aient augmenté entre 2002 (90,9 %) et 2006 (92,9 %), les principales causes de la mortalité maternelle intrahospitalière sont les hémorragies, les ions et les éclampsies. La contraception chez les femmes mariées âgées entre 15 et 49 ans a augmenté de manière conséquente, passant de 11,9 % (2002) à 17,8 % (2006).

50.Bien que moins prononcée, l’évolution des dépenses de santé publique suit le même rythme de progression que les dépenses consacrées à l’éducation: elles passent de 8 % à 10,5 % du budget de l’État entre 2002 et 2006 et représentent respectivement 2,5 % et 5 % du PIB dans la même période.

B.Structure constitutionnelle, politique et juridique

La Constitution djiboutienne

51.La Constitution, adoptée par référendum et promulguée le 4 septembre 1992, correspond à la première véritable Loi fondamentale du pays. Ce dernier, depuis près de quinze ans, ne fonctionnait qu’avec deux lois constitutionnelles faisant office de constitution qui avaient été établies à l’indépendance par l’Assemblée constituante.

52.Elle marque une étape importante pour la République de Djibouti dans son cheminement vers une démocratie pluraliste en mettant, notamment, fin au régime du parti unique dans un contexte continental dominé par l’appel de la Baule et l’ouverture démocratique, mais aussi la volonté de trouver une issue favorable à la crise interne que connaît le pays. Le multipartisme politique inauguré par la Loi suprême de l’État est dans un premier temps partiel, et limité à quatre partis politiques, puis devient intégral à partir de 2002.

53.Elle institue un cadre propice à la promotion et à la protection des droits humains fondamentaux reconnus dans les instruments internationaux et régionaux, tels que la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948 et la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, en leur consacrant un chapitre exclusif. Dans son préambule, la Constitution souscrit à la Déclaration et à la Charte et confère ainsi une valeur constitutionnelle à ces deux textes de dimension internationale et régionale.

54.L’état de droit que proclame la Constitution permet à toute personne de bénéficier de droits et libertés individuelles et collectives indispensables à l’épanouissement physique et intellectuel sans discrimination fondée sur l’âge, le sexe, l’appartenance ethnique et géographique ou le revenu.

55.La Constitution garantit ainsi des droits démocratiques essentiels qui assurent le respect et la protection de la vie, la vie privée et les libertés d’expression/opinion, de religion/conscience et de circulation. La Loi fondamentale encadre soigneusement la privation de liberté et les procédures judiciaires en édictant des dispositions visant à préserver les droits élémentaires attachés à la personne humaine: la présomption d’innocence, l’assistance judiciaire durant l’enquête et l’examen médical en cas de détention.

56.La Loi suprême de l’État proclame la séparation des pouvoirs et confère à chaque institution des attributions et prérogatives spécifiques lui permettant de s’acquitter pleinement de sa mission.

L’organisation politique

57.La Constitution de 1992 institue les fondements de l’organisation politique de la République de Djibouti. Elle définit le type de régime politique et renseigne sur les rapports entretenus par les différents pouvoirs institutionnels en procédant à une analyse de leur organisation et fonctionnement respectifs. Elle énonce le principe fondamental selon lequel les organes de l’exécutif et du législatif sont constitués à l’issue d’élections multipartites.

L’organe exécutif

58.La République de Djibouti est dotée d’un régime politique de type présidentiel. Directement élu pour un mandat de six ans, renouvelable une seule fois, par le peuple au suffrage universel et au scrutin majoritaire à deux tours, le président exerce le pouvoir exécutif et détient des pouvoirs étendus en tant que chef d’État et chef de gouvernement. Il détermine et conduit la politique de la nation et dispose du pouvoir réglementaire. Il promulgue les lois adoptées par l’Assemblée nationale. Il nomme les membres du gouvernement, fixe leurs attributions et met fin à leur mandat.

59.Le président de la République est assisté et conseillé dans l’exercice de ses fonctions par le gouvernement composé, depuis 2008, de ministres (18), d’un ministre délégué et d’un secrétaire d’État. Les membres du gouvernement sont responsables devant le président de la République qui dirige le Conseil des ministres. Le premier ministre assure la coordination de l’action gouvernementale. Les efforts en faveur d’une meilleure représentation des femmes dans la sphère politique se sont traduits par l’attribution de deux postes ministériels à des femmes, le Ministère de la promotion de la femme et le Ministère de la jeunesse, du sport et des loisirs.

60.Les séances du Conseil des m inistres sont consacrées aux délibérations sur toutes les décisions de politique générale de l’État, les projets de loi qui seront soumis à l’Assemblée nationale pour adoption avant de devenir des lois promulguées par le président et les nominations aux emplois supérieurs de l’État dont la liste est établie en vertu d’une loi adoptée par l’Assemblée nationale.

61.La disposition 43 de la Constitution permet aux ministres d’exercer certaines fonctions présidentielles par délégation, dans le cadre de leurs attributions respectives. Ils élaborent ainsi les textes législatifs, les programmes et plans d’action et établissent les budgets des politiques sectorielles en fonction des grandes orientations prédéfinies par le chef du gouvernement. Ils veillent également à la mise en œuvre des stratégies et politiques de développement de l’État dans la limite de leurs compétences respectives. Ils soumettent ainsi à l’Assemblée les actions et mesures entreprises en ce sens pour information.

62.Enfin, c’est le Conseil des ministres qui décrète l’état de siège et d’urgence.

L’organe législatif

63.En République de Djibouti, seule l’Assemblée nationale est habilitée à voter les lois (art. 56 de la Constitution). Elle est composée de 65 députés élus au suffrage universel direct pour un mandat de cinq ans renouvelable sans limitation. Dans le cadre de la promotion du genre, l’application des mesures positives visant à concrétiser davantage le droit à l’égalité permet aux femmes d’être mieux représentées au Parlement (9 députées en 2008 contre 7 auparavant).

64.Dans l’exercice de sa mission, l’Assemblée nationale procède à l’examen et à l’amendement des projets et des propositions de loi se rapportant au fonctionnement de l’État et à la jouissance des droits de l’homme et des libertés fondamentales de la personne (art. 57) en vue de leur adoption. Dans son travail législatif, le Parlement s’engage à voter des lois qui garantissent les droits socioéconomiques, culturels, civils et politiques reconnus aux populations par la Constitution et à transposer dans la législation les dispositions des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme.

65.L’Assemblée est également impliquée dans l’élaboration des lois et procédures portant sur l’organisation des pouvoirs publics, la répartition des compétences entre l’État et les collectivités locales, la création d’établissements publics ou d’entreprises nationales et les limitations imposées au motif de la défense nationale à l’exercice des libertés publiques. La portée de ses interventions dans les domaines ci-dessus peut concourir favorablement ou non à la mise en œuvre des droits de l’homme.

66.Elle procède à la ratification des instruments internationaux des droits de l’homme et effectue ainsi leur incorporation dans la législation nationale.

67.L’Assemblée nationale exerce un droit d’information et de contrôle sur l’action et la gestion gouvernementales. Elle est ainsi amenée à valider le budget de l’État (lois de finance), à en contrôler l’exécution (lois de règlement) et à approuver les objectifs fixés à l’action économique et sociale de l’État (lois de programme), dont les conséquences sur la mise en œuvre des droits essentiels à la personne humaine s’avèrent cruciaux. Elle prend enfin position sur les principales orientations de la politique fiscale, monétaire et bancaire du pays grâce aux moyens juridiques que lui confère l’article 6 de la Constitution (questions orales ou écrites, commissions parlementaires d’enquête, interpellation du Gouvernement et débat annuel sur l’état de la nation).

68.Pour accroître l’efficacité des travaux préparatoires aux amendements, la loi constitutionnelle rectificative de 2006 a allongé la durée des sessions ordinaires et mis en place des commissions permanentes spécialisées au sein du Parlement. Ces commissions spécialisées procèdent à toutes les recherches appropriées concernant le texte de loi considéré et recourent aux services d’experts et d’acteurs impliqués dans la protection des droits de l’homme (syndicats, organisations non gouvernementales, instances gouvernementales, etc.). Elles sont constituées de:

La Commission des finances, de l’économie générale et du plan;

La Commission de la législation et de l’administration générale;

La Commission de la défense nationale et de la sécurité;

La Commission de la production et des échanges;

La Commission pour le développement social et la protection de l’environnement;

La Commission des affaires étrangères.

69.L’Assemblée nationale est également habilitée à suivre ou à rejeter toute déclaration de guerre soumise par l’exécutif. Bien que l’état de siège et l’état d’urgence soient décrétés en Conseil des ministres, leur prorogation au-delà de quinze jours n’est possible qu’avec le consentement préalable de l’Assemblée nationale. Ces prérogatives donnent au Parlement les moyens d’influer positivement ou non sur la jouissance effective des droits de l’homme en temps de crise.

70.Outre l’autonomie financière qu’elles accordent à l’Assemblée nationale, les dispositions constitutionnelles assurent l’indépendance du pouvoir législatif et garantissent l’immunité (art. 51) aux députés qui ne peuvent être poursuivis ou arrêtés pour des votes ou opinions exprimées dans l’exercice de leur fonction.

L’organe judiciaire

71.Le pouvoir judiciaire est indépendant du pouvoir législatif et du pouvoir exécutif. Il est chargé de veiller au respect des droits et libertés définis par la Constitution. Le pouvoir judiciaire est exercé par la Cour suprême, par la Cour des comptes et de discipline budgétaire et par les autres cours et tribunaux (art. 71).

72.L ’ organisation judiciaire consiste en un ordre juridique unique et répond au principe du double ordre de juridiction. Les dispositions légales de 1994 fixent les domaines de compétence et les modalités d’organisation et de fonctionnement du t ribunal de p remière i nstance (TPI) et de la cour d’appel.

73.Le tribunal de première instance est juge de droit commun en toute matière sauf exception prévue par la loi (art. 24). Il connaît en dernier ressort des actions civiles et commerciales jusqu’à la valeur de 200 000 FD en principal et 50 000 FD de revenus mensuels (art. 26). Le TPI, par le biais de sa chambre correctionnelle, est compétent en matière de répression pour statuer sur les demandes tendant à rendre l’État ou une autre collectivité publique responsable du fait de ses agents ou préposés (art. 27). La chambre sociale du TPI est compétente pour juger des différends opposant à titre individuel les travailleurs et leurs employeurs sur le contrat de travail ou d’apprentissage ou sur les conditions de travail, d’hygiène et de sécurité; pour juger des contestations en matière d’élection des délégués du personnel et pour juger du régime de protection sociale. Le juge est alors assisté de deux assesseurs (employeur et travailleur).

74.Le TPI statue à juge unique; toutefois, lorsque la nature de l’affaire le requiert, le président du tribunal peut, après avis du Procureur de la République, décider qu’il sera statué en formation collégiale de trois juges (art. 22 et 23).

75.Depuis l’adoption du Code de la famille, un tribunal de première instance de statut personnel compétent dans les affaires familiales a été institué par la loi no 8/AN/03/5ème L.

76.La c our d ’ appel connaît de toutes les affaires civiles, commerciales, pénales et sociales (art. 1er). C’est une instance d’appel contre les décisions des tribunaux de première instance en toutes matières exceptée pour les affaires criminelles. La cour criminelle est une juridiction non permanente de la cour d’appel qui est appelée à juger des crimes dont elle est saisie conformément aux dispositions légales pertinentes en matière de procédure pénale. Si les arrêts de la cour d’appel sont rendus par trois magistrats en présence du Procureur Général, la cour criminelle est composée du président de la cour d’appel, de deux conseillers et de quatre jurés. Ces derniers ont voix délibérative sur les questions de culpabilité et sur l’application de la peine alors que les juges statuent seuls sur les questions de compétence, sur les incidents de droit ou de procédure et sur les intérêts civils.

Une chambre d’appel contre les décisions des tribunaux de première instance de statut personnel a été créée au sein de la cour d’appel.

77.L’ordonnance no 84 074/ PR/J stipule que la Cour suprême examine en dernier ressort les décisions rendues par les juridictions nationales, notamment les décisions relatives aux droits humains et aux libertés fondamentales reconnus dans le droit interne (art. 2 et 3).

78.Quand le recours devant la Cour suprême est jugé recevable, l’instance procède en général à un examen en droit de l’affaire; cependant, elle peut aussi être amenée à entreprendre un examen complet du différend, en droit comme en fait, dans le cas où il est constaté une application non satisfaisante des règles juridiques. Une réforme des compétences de cette juridiction est actuellement en cours afin qu’elle puisse disposer de toutes les attributions d’une véritable cour de cassation.

79.La Cour suprême a une compétence de conseil en introduisant des constats quant à la conformité des textes de loi (d’avant l’indépendance) à la Constitution. Enfin, sa compétence a été élargie aux litiges ressortissant du droit administratif, tel le recours pour excès de pouvoir.

80.La Constitution garantit l’indépendance des magistrats. Le président de la République est le garant de l’indépendance des magistrats, et bénéficie à cet effet de l’assistance du Conseil de la magistrature qu’il préside.

81.La Loi fondamentale prévoit le contrôle de la constitutionnalité des lois. Ce contrôle est exercé par le Conseil constitutionnel qui est constitué de six membres désignés par le Président de la République, le président de l’assemblée nationale et le conseil supérieur de la magistrature pour huit ans renouvelables par moitié tous les quatre ans. Le Conseil constitutionnel a la double fonction de juge de la constitutionnalité des lois et de garant des droits fondamentaux de la personne humaine et des libertés publiques. Ses décisions sont sans appel.

La structure administrative

82.La République de Djibouti est constituée de cinq régions administratives (Ali-Sabieh, Arta, Dikhil, Obock et Tadjourah) et de la capitale qui a le statut particulier de municipalité. Bien que récent, ce découpage administratif du pays correspond à la matérialisation toujours en cours du processus de décentralisation énoncé au lendemain de l’indépendance.

83.Le projet de décentralisation est en effet ancien puisqu’il est inscrit dans la loi constitutionnelle no 2 de 1977 et repris dans la Constitution de 1992. Au lendemain des Accords de 2001, négociés entre le Gouvernement et le FRUD-armé, le processus commence à se concrétiser avec l’adoption de textes juridiques sur la décentralisation en 2002 et en 2005, et l’organisation d’élections régionales en 2006.

84.Durant cette période, la décentralisation évolue et passe de l’administration décentralisée, dont les membres nommés par décret présidentiel avaient pour mandat l’apprentissage de la gestion locale décentralisée à travers une dotation budgétaire de l’État, à un conseil régional provisoire aux prérogatives bien définies avec un contrôle assuré par le Commissaire de la République représentant l’autorité de l’État central.

85.Le domaine d’action de l’État couvre la diplomatie internationale, la monnaie, la fiscalité nationale, la justice, la sécurité nationale et la défense nationale, alors qu’à la région reviennent l’éducation, la santé, les infrastructures et les équipements, le tourisme et l’artisanat.

86.Dans la pratique, le transfert de compétences de l’État vers les autorités élus au sein des collectivités territoriales tel que prévu par la décentralisation n’est pas totalement effectif.

Le système électoral

87.La Constitution de 1992 et les lois organiques de 1992 relatives aux élections et à la liberté de communication règlent les conditions de jouissance et d’exercice du droit de suffrage, l’organisation des consultations populaires et l’accès à la presse.

88.Afin d’assurer la transparence et la régularité des différentes opérations électorales, une Commission É lectorale Nationale Indépendante (CENI) est instituée par la loi organique no 11/AN/02/4ème L, modifiant la loi organique no1, chargée de superviser les élections.

89.Dans son cadre d’application (décret no 2002-0198/PR/MID), il est précisé que celle-ci se compose de personnalités issues d’horizons variés représentant les pouvoirs institutionnels, la société civile et les partis politiques et reconnues pour leur compétence, leur qualité morale et leur sens patriotique (art. 2, 3 et 7). Ses membres sont désignés pour chaque élection et la commission dispose d’une représentation dans chaque circonscription.

90.La CENI qui dispose d’un secrétariat administratif (art. 16) élabore et adopte son règlement intérieur et procède à l’élection de son président et de ses vice-présidents. Dans l’accomplissement de sa mission, elle collabore avec la Commission Nationale de la Communication (CNC) (art. 19) et les observateurs internationaux invités par le Gouvernement (art. 22). Elle assiste aux rencontres entre les partis politiques et l’administration, mais reçoit également toutes les correspondances entre les différents acteurs à ce sujet (art. 21).

91.Dans sa mission de contrôle des opérations électorales, elle dispose d’un large pouvoir d’investigation pour établir la régularité du vote. Elle est ainsi chargée des contrôles du fichier électoral, de l’établissement et de la révision des listes électorales, de l’impression et de la distribution des cartes, de la publication des listes électorales et des membres des bureaux de vote et de la mise en place des matériels et des documents électoraux.

92.Conformément à l’alinéa 2 de l’article 77 de la Constitution, il appartient à tout candidat et à tout parti politique de saisir le juge constitutionnel en cas de contestation sur la validité d’une élection.

Taux moyen de participation aux élections nationales et infranationales, par circonscription administrative

93.Aux élections législatives en février 2008, le taux de participation à l’échelle nationale était de 72,6 % de la population votante. Une participation qui, apparemment, n’avait jamais été aussi élevée depuis 1992.

94.La législation relative aux élections (art. 16 de la loi organique no 1/AN/92) organise le territoire djiboutien en cinq circonscriptions électorales, le district constituant la circonscription électorale de base. La loi sur la décentralisation fait de la région la circonscription électorale élémentaire (art. 8 de la loi no 174/AN/02/4ème L). Ainsi, le pays ne compte plus que cinq circonscriptions regroupant les cinq districts/régions, plus la ville de Djibouti qui est considérée comme la sixième circonscription.

Pourcentage des élections nationales et infranationales organisées dans les délais prescrits par la loi

95.La périodicité des différentes élections est déterminée par les dispositions constitutionnelles et législatives en vigueur. Les consultations présidentielles ont lieu tous les six ans, alors que les consultations législatives ou régionales sont quinquennales. Depuis 1992, le pays a ainsi connu trois élections présidentielles (1993, 1999 et 2005), quatre échéances législatives (1992, 1997, 2003 et 2008) et une élection régionale en 2006.

96.L’organisation régulière d’élections nationales et infranationales est un critère essentiel qui renseigne sur la bonne gouvernance et permet l’exercice pratique des droits civils et politiques reconnus aux citoyens. Depuis son accession à l’indépendance en 1977, la République de Djibouti a assuré l’organisation d’élections présidentielles, législatives et locales dans les temps impartis par la loi.

Nombre de partis politiques reconnus au niveau national

97.La Constitution du 4 septembre 1992 institue le pluralisme politique et les élections se déroulent désormais dans un contexte concurrentiel opposant plusieurs partis politiques et leurs candidats. Si l’émergence du multipartisme (1992-2002) n’admet qu’un paysage politique limité à quatre partis, avec la mise en place du pluralisme intégral le nombre de partis politiques reconnus au niveau national augmente de manière sensible.

98.Aujourd’hui, le pays compte 9 partis politiques officiellement déclarés qui se répartissent entre deux coalitions.

L’Union pour la Majorité Présidentielle (UMP) regroupe le RPP (Rassemblement Pour le Progrès ), le FRUD (Front pour la Restauration de l’Unité et de la Démocratie), le PSD (Parti Social et Démocratique), le PND (Parti National Démocratique) et l’UPR (Union Pour la République).

L’Union pour l’Alliance Démocratique (UAD) comprend l’ARD (Alliance Républicaine pour le Développement), le PDD (Parti Djiboutien pour le Développement), le MRD (Mouvement pour le Renouveau Démocratique et le Développement) et l’UDJ (Union pour la Démocratie et la Justice).

L’organisation des premières élections régionales et communales en 2006 a permis de dynamiser le paysage politique djiboutien avec la participation de nombreux partis indépendants issus de la société civile, dont certains comme la liste «citoyen» ont connu un véritable succès en remportant les élections dans la plus grosse commune de la capitale − Boulaos.

Répartition des sièges à l’Assemblée nationale par parti

99.A l’issue des élections législatives remportées en 2008 par l’UMP, la répartition des sièges, au sein de cette coalition, à l’Assemblée nationale se présente comme suit:

Tableau 11 Répartition des sièges au Parlement (2008)

Partis politiques

Nombre de sièges

RPP

49

FRUD

11

PND

2

PSD

2

UPR

1

Total

65

Source: Ministère de l’Intérieur.

Pourcentage de femmes parlementaires

100.Dans le souci d’assurer l’égalité des droits entre les sexes et de permettre une meilleure représentation populaire au sein des institutions républicaines, le Gouvernement a initié différentes mesures visant à soutenir les groupes discriminés, par exemple les femmes.

101.Dans ce contexte, l’adoption de la loi de 2002 institue un système de quotas dans les fonctions électives et au sein de l’administration centrale en faveur des femmes. Elle impose aux partis politiques de réserver dans leur liste au moins 10 % des sièges aux femmes. La mise en œuvre des nouvelles dispositions permettent l’entrée des femmes au Parlement et augmentent sensiblement leur représentation dans la sphère politique. Les objectifs attendus de ces mesures positives contre la discrimination sont atteints: elles sont au nombre de sept en 2003 (soit 10 % des parlementaires) et ensuite de neuf en 2008 (soit 14 % des députés).

Nombre de plaintes formulées sur la conduite des élections,

102.La contestation des résultats des élections par tout candidat est prévue par la loi électorale qui fixe les délais et les procédures en matière de plaintes relatives à la conduite d’élections (art. 35 et 71). Les recours en contestation de la régularité d’une élection sont adressés au Conseil constitutionnel qui statue en dernier ressort.

103.Les partis politiques de l’opposition ont introduit des requêtes à chaque élection auprès du Conseil constitutionnel. Il en fut ainsi à l’élection présidentielle de 1999 et aux élections législatives de 2002.

104.Le Conseil constitutionnel procède aux investigations nécessaires à l’établissement des faits allégués. A la fin de l’enquête, il statue sur le différend et notifie aux intéressés ses décisions qui sont publiées au Journal officiel. A ce jour, les irrégularités constatées par le Conseil ont été jugées mineures et insuffisantes pour remettre en cause la transparence et les résultats des élections. Néanmoins, les recommandations effectuées par l’institution de recours ont permis de lever les contraintes souvent évoquées par les partis de l’opposition. Afin de perfectionner le processus électoral et protéger le droit à l’égalité de traitement de tous les candidats, les autorités publiques ont élaboré une nouvelle liste électorale et introduit une dose de proportionnelle dans les élections régionales.

Système de droit coutumier et religieux

105.Pour régler leurs différends, les opposants, les citoyens djiboutiens s’adressent souvent à la justice traditionnelle. La politique coloniale a officialisé ce recours en procédant à son organisation et en tentant d’améliorer son fonctionnement suivant des textes français. Les tribunaux coutumiers et chariens mis en place constituent alors l’unique système judicaire formel à la disposition des populations sous la colonisation qui vise à appliquer les droits coutumier et musulman pour régler les litiges concernant le mariage, les affaires familiales et l’état des personnes parallèlement aux tribunaux ordinaires.

106.L’effort de codification de la législation nationale, l’unification des droits en vigueur (coutumier, religieux et moderne) et la transposition des instruments internationaux relatifs aux droits de l’enfant et de la femme dans la loi et le Code de la famille ont restructuré le système judiciaire traditionnel en faveur des groupes vulnérables.

107.Le cadre juridique d’application de cette loi introduit l’instauration du Ma’adoun Al Chari (loi de 2002 sur le statut d’Al Ma’adoun al Chari), qui est chargé de la conclusion et de la dissolution du mariage à la place des Cadis dans les annexes des tribunaux chariens d’arrondissement et des tribunaux des régions de l’intérieur. Nommé en Conseil des ministres, le Ma’adoun doit se conformer aux dispositions du Code de la famille notamment en ce qui concerne le consentement des deux époux, l’âge et l’absence d’empêchement au mariage (art. 8). Les actes qu’il est habilité à dresser en cas de divorce prennent d’abord en compte le montant de la pension alimentaire et la garde des enfants (art. 11). Les actes établis par ce dernier dans les domaines relevant de sa compétence sont communiqués aux administrations concernées et à la juridiction chargée du statut de l’état de la personne (art. 13).

108.La loi de 2003 sur les juridictions de statut personnel met en place le Tribunal de statut personnel de première instance en remplacement des tribunaux de la charia institués dans chaque arrondissement et chef-lieu de région. Son siège est établi à Djibouti et ses prérogatives s’étendent sur l’ensemble du territoire national. Une chambre d’appel de statut personnel est créée au sein de la cour d’Appel de Djibouti à la place du Tribunal de la charia Central de Djibouti (art. 1er). Les recours contre les arrêts de cette chambre se font devant la Cour suprême (art. 26).

109.Les magistrats du tribunal de statut personnel de première instance connaissent de tous les litiges relatifs au mariage, à la filiation, au divorce, aux affaires de succession et de don (art. 6). Ils jugent également les différends se rapportant aux dettes et aux loyers, ainsi que les affaires civiles et commerciales dont le montant ne dépasse pas 5 000 000 de francs (art. 7). Le juge qui siège dans le chef-lieu de région est rattaché au tribunal de statut personnel de première instance.

110.La mise en œuvre de ces dispositions a contribué fortement à adapter le système judiciaire traditionnel aux réalités actuelles de la société djiboutienne et à mettre en place une plus grande équité entre les citoyens dans le domaine des droits de l’homme.

111.Néanmoins, et malgré les nombreuses actions de sensibilisation menées auprès du public et de certains professionnels, les pratiques anciennes rattachées à l’exercice du droit coutumier et religieux se perpétuent parallèlement au nouveau cadre juridique. La persistance d’une telle situation n’est pas surprenante dans une étape transitoire marquée par les réaménagements du dispositif juridique existant et dans un contexte de fort attachement de la population aux valeurs qui sous-tendent les droits coutumier et religieux. Elle s’explique également par la faible capacité en ressources humaines des juridictions de statut personnel qui ne sont donc pas opérationnelles dans les régions de l’intérieur.

La couverture médiatique

112.Le paysage médiatique national, autrefois monopole de l’État, se transforme avec les nouvelles mesures initiées par le Gouvernement en faveur de la démocratisation et des droits de l’homme. La loi organique no 2 du 15 septembre 1992 sur la presse entérine cette ouverture médiatique et réglemente les différents aspects du droit à la communication garanti par la Constitution. Elle prévoit également la mise en place de la Commission nationale de la communication, qui est une autorité indépendante chargée de veiller au respect du pluralisme de l’information.

113.Alors qu’elle n’affecte ni la télévision ni la radio, l’autorisation juridique à la mise en place de médias privés a surtout permis le développement de la presse écrite. Les citoyens peuvent dès lors bénéficier d’informations variées dans les domaines politique, culturel, professionnel et pratique. L’espérance de vie de la presse écrite privée reste cependant particulièrement faible en raison, notamment, de lourds investissements que nécessite l’exercice d’une telle activité.

114.Aucune étude estimant l’impact des différents médias n’a été réalisée à ce jour, mais il semble que l’influence des médias publics soit encore dominante du fait de la régularité de leurs informations.

Les organisations non Gouvernementales (ONG)

115.L’enregistrement et le contrôle des ONG sont régis par la loi du 1er juillet 1901 relative aux associations à but non lucratif. Bien que les associations de personnes peuvent se former librement sans aucune contrainte administrative, elles ne peuvent bénéficier ni de la capacité juridique leur permettant d’ester en justice, ni acquérir à titre onéreux, ni posséder ou administrer les cotisations de leurs membres, le local destiné à l’administration et à la réunion de leurs membres et les immeubles strictement nécessaires à l’accomplissement de leur but (art. 6).

116.Afin d’obtenir la capacité juridique, l’association devra être rendue publique par le soin de ses fondateurs et par déclaration préalable au service de la réglementation de la préfecture de Djibouti. A l’issue de cette déclaration, qui mentionne les statuts dans lesquels sont précisées les principales caractéristiques de l’association (titre, objet, siège, noms, professions et domiciles des membres dirigeants, etc.), un récépissé peut lui être délivré. L’association est ensuite tenue de faire connaître dans un délai de trois mois toute modification intervenue dans sa composition ou dans son fonctionnement (art. 5).

117.D’une manière générale, l’octroi de la capacité juridique est limité par le caractère illicite de l’objet, contraire aux lois et aux bonnes mœurs ou susceptible de porter atteinte à l’intégrité du territoire national et à la forme républicaine du Gouvernement (art. 3). Dans les cas de nullité de l’article 3 et d’infraction à l’article 5, la dissolution est prononcée par le tribunal civil à la requête de tout intéressé ou à la diligence du ministère public (art. 8). L’article 9 édicte que les biens de l’association dissoute sont dévolus conformément aux statuts ou suivant les règles déterminées en assemblée générale.

118.Les associations des Centres de Développement Communautaire (CDC) du pays bénéficient de l’appui du Ministère de la jeunesse, des sports, des loisirs et du tourisme, qui met à leur disposition diverses installations et des animateurs qualifiés pour l’organisation d’activités à caractère social, culturel, sportif, artistique ou scientifique à l’intention des populations des quartiers. Le Ministère vérifie également que la gestion des associations de quartier s’effectue conformément aux règles particulières fixées par l’arrêté ministériel no 99-0655/PRE/MJSLT. Celui-ci établit un statut commun à toutes ces instances ainsi que des procédures de déclaration et de dissolution intégrant le ministère de tutelle au niveau de l’organisation interne sous la compétence du Ministère de l’intérieur. Ces associations jouent un rôle essentiel dans la dynamisation de la vie socioculturelle de quartier en favorisant:

Les initiatives et l’implication collective de la population dans les actions de développement de proximité;

L’émergence et le soutien du secteur associatif de quartier;

La responsabilisation des habitants notamment dans la création, la gestion et la préservation des infrastructures de proximité.

119.Les congrégations religieuses ne peuvent être reconnues légalement qu’une fois que le décret pertinent a été rendu en Conseil des ministres, et après avis conforme du tribunal administratif. Leur dissolution est assujettie à la même procédure (art. 13).

120.Les dispositions 22 et suivantes se rapportent aux conditions qui sont imposées à la formation et à l’exercice ou à la cessation des activités des associations étrangères. La constitution de ces dernières nécessite une autorisation préalable et parfois temporaire du Ministère de l’intérieur. Son retrait peut être ordonné par décret pris en Conseil des ministres.

121.Les organisations de la société civile connaissent un développement sans précédent avec la démocratisation du pays et l’avènement de l’état de droit. Les dispositions constitutionnelles et législatives sur la liberté d’association ont ainsi permis la mise en place d’un cadre plus favorable pour la diversification de leurs activités, y compris dans le domaine des droits de l’homme, et leur extension sur l’ensemble du territoire national.

122.Leurs initiatives encouragent les activités d’information et de sensibilisation des populations ou des groupes-cibles, la participation au processus décisionnel et l’élaboration de recommandations attirant l’attention du Gouvernement sur des aspects précis des droits et des libertés.

123.Les ONG les plus influentes sont:

L’UNFD, la plus ancienne organisation œuvrant pour la défense des droits de la femme;

Atu Yoo Fan, association de soutien des femmes qui prône une meilleure intégration de leurs activités;

«Oui à la vie», association venant en aide aux personnes vivant avec le VIH/Sida;

Al Biri et Bender Djedid sont des organisations qui apportent leur soutien aux veuves et aux orphelins.

Administration de la justice

Délits et établissements pénitentiaires

124.Le Code pénal de 1995 détermine les différents délits et les peines correspondantes selon la nature et la gravité des infractions commises et l’état de son auteur applicables sur le territoire djiboutien. La promulgation du Code pénal et du Code de procédure pénale a permis au pays d’abolir définitivement la peine de mort. Dans les faits, l’existence de la peine de mort avant 1995 n’avait pas d’effet dans la pratique, puisque la seule fois où celle-ci a été décidée par une instance judicaire elle a été commuée en une peine à perpétuité.

125.À l’instar des autres domaines de l’administration publique, il est difficile de disposer de données statistiques précises et régulièrement tenues à jour sur la criminalité et le traitement réservé aux affaires judiciaires par les différentes instances concernées. Les améliorations, telles que la fourniture récemment de matériels informatiques, doivent être poursuivies; par ailleurs, il convient de mieux former le personnel de la justice et de sensibiliser l’ensemble des responsables à la pertinence des données statistiques. Le plan du Ministère d’accroître les performances de la justice intègre cette initiative et la décline en plusieurs modalités.

126.Bien qu’on assiste depuis peu à des confrontations régulières entre les jeunes des différents quartiers à Djibouti-ville et dans certaines capitales régionales, des heurts dont la violence peut présenter un risque pour les personnes et les biens, il n’existe pas de criminalité alarmante dans le pays.

127.Face à cette recrudescence de la violence urbaine et pour rétablir l’ordre public, les poursuites judiciaires engagées à l’encontre des jeunes délinquants ont conduit à leur arrestation et à leur emprisonnement au Centre d’Éducation Surveillée (CES) pour mineurs de la prison de Gabode. Ils ont finalement été amnistiés en juin et en septembre. Dans le but d’instaurer d’autres alternatives à l’incarcération des jeunes, le Ministère de l’éducation et celui des affaires musulmanes sont chargés de mettre en œuvre des initiatives de prévention susceptibles de renverser la tendance actuelle du phénomène.

128.La prison de Gabode est l’unique institution de détention actuellement en fonctionnement dans le pays chargée des détenus. Les femmes sont séparées des hommes et les adolescents soumis à un traitement particulier tenant compte des besoins liés à leur âge (centre d’éducation surveillée). Le centre d’éducation surveillée bénéficie de conditions de détention conformes aux dispositions du Code pénitentiaire et de l’Ensemble de règles minima des Nations Unies concernant l’administration de la justice pour mineurs (Règles de Beijing). Depuis 2007, les agents de police, qui exerçaient jadis au sein de l’institution et dépendaient du Ministère de l’Intérieur, ont été remplacés dans leur fonction par un corps particulier de surveillants pénitentiaires ayant suivi des formations sur les principaux instruments internationaux des droits de l’homme. Les pouvoirs publics, en partenariat avec l’UNICEF, ont lancé diverses actions visant à réhabiliter le centre pénitentiaire et à améliorer les conditions des détenus.

Juges et procureurs

129.L’insuffisance des ressources humaines et matérielles a été désignée par le Comité des États généraux de la justice de 2000 comme étant une des causes à l’origine de la lenteur du système judiciaire. Les efforts de l’État pour instaurer une justice équitable, juste et efficace ont abouti à:

La mise en place d’un nouveau statut pour les magistrats et à une revalorisation salariale dans la profession;

Une codification plus poussée des textes de loi (Code de la famille);

Une réorganisation des instances judiciaires (juridictions du statut personnel).

130.L’évolution du nombre des juges dorénavant plus favorables constitue également un atout de taille dans la poursuite de cette modernisation du système judiciaire. La transformation de la Cour suprême en cour de cassation ne jugeant que sur le fond et le renforcement de la cour d’appel à cet effet sont en cours de concrétisation. Par conséquent, l’État a sensiblement renforcé les capacités des institutions juridictionnelles en vue d’une meilleure mise en œuvre des libertés et des droits fondamentaux qui sont garantis aux citoyens.

131.C’est dans ce sens que la loi de décembre 2006 cherche à améliorer la protection des personnes vivant avec le virus du sida et de leur famille par la mise en place de mesures de lutte contre la discrimination et la stigmatisation. La législation entérine ainsi le droit au respect, à la dignité et à l’égalité de traitement des personnes affectées par la pandémie dans leurs démarches pour avoir accès aux différents services sociaux et à la justice.

132.Le ministère public, dans le strict respect de l’indépendance des magistrats, est chargé de promouvoir l’application des droits humains et l’équité. Grâce au contrôle qu’il exerce sur les activités des officiers de police judiciaire, le parquet est tenu régulièrement informé de toutes les affaires en cours; il veille au respect de la légalité de l’arrestation et/ou des conditions de détention et est habilité à statuer sur la suite à donner à cette dernière.

Durée maximale et durée moyenne de la détention provisoire

133.Le Code de procédure pénale fournit un cadre légal aux interventions judiciaires; applicable tant aux adultes qu’aux enfants, il réglemente les procédures d’arrestation et de placement en institution. Il fixe la durée légale de la garde à vue à 48 heures pour les adultes (articles…), alors que celle des mineurs, qui est fortement encadrée, n’est adoptée que sur «décision spéciale et motivée»: sa durée ne peut excéder 24 heures (art. 498). Si dans la plupart des affaires relatives aux mineurs en conflit avec la loi, les mineurs sont très souvent libérés dès que se présentent les parents ou tuteurs, la détention provisoire des adultes peut être prolongée selon les besoins de l’enquête ou aux fins d’assurer la protection de l’individu sur décision du parquet. Sa durée maximale ne peut cependant excéder 1 an et 2 mois. En l’absence de données suffisamment détaillées, il s’avère impossible d’estimer sa durée en moyenne. Depuis la réforme de 1995, le renforcement des prérogatives du parquet par rapport à la police judiciaire et d’une politique en faveur d’une plus grande protection des libertés fondamentales permet de préserver les droits des individus en détention provisoire.

134.Il est assez difficile d’obtenir des données complètes sur les effectifs d’officiers judiciaires puisque ces derniers appartiennent aussi bien à la gendarmerie qu’à la police. L’évolution des données statistiques relatives au nombre de policiers indique une baisse du fait de la démobilisation amorcée après la guerre civile. Ces effectifs s’élèvent à 2000 agents: ce qui représente 3 policiers pour 1000 habitants. Les données concernant la gendarmerie ne sont pas disponibles.

L’aide juridictionnelle

135.La disposition constitutionnelle no 10 garantit le droit à la défense et le droit de bénéficier de l’assistance d’un avocat de son choix. L’aide juridictionnelle est fournie automatiquement à toutes les personnes suspectées de crime. Des données précises sur la proportion des personnes en demande de cette prestation juridique ne sont pas disponibles.

III.Cadre général de la protection et de la promotion des droits de l’homme à l’échelon national

A.Acceptation des normes internationales relatives aux droits de l’homme

Ratifications des principaux instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme

136.La République de Djibouti déploie depuis quelques années d’importants efforts en matière de droits de l’homme en ratifiant les principaux instruments internationaux des Nations Unies pertinents ou en adhérant à ceux-ci:

La Convention relative aux droits de l’enfant, en 1990, et ses Protocoles facultatifs portant respectivement sur la vente des enfants et sur les conflits armés;

Le Pacte international relatif aux droits civils et politiques et ses deux Protocoles facultatifs, en 2002;

Le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, en 2002;

La Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale, en 2007;

La Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, en 1998;

La Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, en 2002;

La Convention relative aux droits des personnes handicapées et Protocole facultatif, en 2009.

137.Djibouti est ainsi partie aux principaux instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, exception faite de la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille.

138.Le pays a également procédé à l’adhésion aux protocoles attachés aux principaux instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, à l’exception de ceux se rapportant à:

La Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale;

La Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes;

La Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants;

Le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels.

Réserves et déclarations

139.Les autorités djiboutiennes ont émis des réserves lors de la ratification de la Convention relative aux droits de l’enfant et déclaré que l’État djiboutien ne se considérera pas lié par les dispositions ou articles incompatibles avec sa religion et ses valeurs traditionnelles.

Cette déclaration très générale relative à la religion et aux valeurs traditionnelles constituait pour l’État djiboutien une manière de préserver les droits culturels inhérents aux enfants de Djibouti qui sont tous musulmans. La crainte ultime étant que certaines dispositions de la convention soient en contradiction avec les préceptes de l’islam. La formulation de cette réserve n’a cependant pas eu d’effet particulier sur la législation et la politique nationales en faveur de la protection des enfants car les efforts en ce sens déjà enclenchés se poursuivaient, notamment sur la base favorable qui est donnée du fait des dispositions du droit islamique.

140.Néanmoins, les réflexions engagées par les différents partenaires lors de l’élaboration du 2ème rapport destiné au Comité des droits de l’enfant ont permis de faire avancer l’examen de la question. A l’issue d’une concertation nationale, il est apparu nécessaire de remplacer la réserve générale initiale par une déclaration plus précise portant sur les articles 14 et 21 de la Convention relative aux droits de l’enfant, telle qu’elle a été formulée dans les réponses écrites à la liste de points à traiter de la délégation djiboutienne.

141.En revanche, l’État djiboutien n’a pas fait de déclaration quant à l’article 41 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et accepte de ce fait la compétence du Comité des droits de l’homme pour l’examen des plaintes émanant d’autres États parties.

Dérogations, restrictions ou limitations

142.Aucune dérogation n’affecte la mise en œuvre des droits reconnus dans les différents instruments internationaux des droits de l’homme à Djibouti, même si la Constitution admet des dérogations dans des situations exceptionnelles, notamment pour rétablir le fonctionnement régulier des pouvoirs publics et assurer la sauvegarde de la nation.

Ratifications des autres instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme

143.Les engagements de l’État en faveur des droits humains se sont étendus à d’autres traités internationaux pertinents et notamment aux conventions de l’Organisation international e du Travail (OIT). Les conventions les plus fondamentales ont été ratifiées en 2004:

Convention sur le travail forcé, 1930 (no 29);

Convention sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948 (no 87);

Convention sur les travailleurs migrants (révisée), 1949 (no 97);

Convention sur l’égalité de rémunération, 1951 (no 100);

Convention sur l’abolition du travail forcé, 1957 (no 105);

Convention concernant la discrimination (emploi et profession), 1958 (no 111);

Convention sur l’âge minimum, 1973 (no 138);

Convention sur les pires formes de travail des enfants, 1999 (no 182);

Convention sur la protection de la maternité, 2000 (no 183).

144.Djibouti est partie à 67 conventions de l’OIT qui, à l’instar de la Convention du chômage de 1934 (no 44) ratifiée en 1978, ont été essentiellement effectuées par voie de succession, ce qui lie désormais l’État aux engagements conclus avec l’OIT avant l’indépendance.

145.Dans le même esprit, l’État djiboutien a aussi procédé à la ratification d’ instruments régionaux pertinents , et à l’adhésion à ceux-ci, tels:

La Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, en 1991;

Le Protocole facultatif à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples se rapportant à la création de la Cour africaine des droits de l’homme, en 2004;

Le Protocole facultatif à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples relatif aux droits de la femme en Afrique, en 2005;

La Convention de l’OUA sur les réfugiés du 10 septembre 1969, en 2006;

La Charte africaine sur les droits et le bien être de l’Enfant, en 2009.

146.L’État djiboutien est également partie à la Convention de Genève relative à la protection des personnes civile en temps de guerre du 12 août 1949 et à ses deux Protocoles additionnels de 1977. Djibouti est lié par ces conventions par voie de succession, en 1978, et à l’issue de la déclaration qu’il a faite après l’accession à l’indépendance de continuer à être lié par les traités qui lui étaient applicables avant l’indépendance.

147.L’adhésion aux Protocoles I et II date de 1991. Les autorités djiboutiennes n’ont pas émis de réserve à l’encontre de l’article 90 du Protocole I et elles acceptent la compétence de la Commission internationale d’établissement des faits.

148.Djibouti est le seul pays de la Corne de l’Afrique à avoir ratifié le statut de Rome instituant la Cour pénale internationale.

B.Cadre juridique de la protection des droits de l’homme

149.La législation interne au moyen de ses différentes dispositions constitutionnelles et de ses clauses relevant des lois ordinaires garantit la protection des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

150.La Constitution de Djibouti reconnaît et place les droits de l’homme au rang de principe essentiel. La Constitution proclame dans son préambule l’attachement à la Déclaration universelle des droits de l’homme et à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples dont les dispositions sont directement transposées dans la Loi fondamentale. Son Titre II, consacré aux droits de la personne humaine, garantit une grande variété de droits et pose les principes fondamentaux indispensables à la concrétisation dans la législation interne des autres droits énoncés dans les principaux instruments internationaux des droits de l’homme.

151.La Constitution, dans son article 10, garantit de multiples droits humains et institue le caractère sacré de la personne humaine: la protection des droits de la personne constitue une obligation de l’État. Grâce à cette disposition, le respect du droit à la vie, à la liberté, à la sécurité et à l’intégrité de la personne est garanti par le texte fondamental. Le droit à la vie ainsi stipulé doit permettre une meilleure réalisation des droits économiques, sociaux et culturels, notamment dans le domaine de la santé, l’éducation et des autres services publics, en particulier des groupes vulnérables tels que les enfants, les handicapés et les personnes âgées. Le droit à la liberté constitue une assurance contre les poursuites, arrestations, inculpations et condamnations arbitraires interdites par la Loi suprême du pays. L’article 16 renforce le droit à l’intégrité de la personne en prohibant la torture, les sévices ou traitements inhumains, cruels, dégradants ou humiliants.

152.Cette disposition constitutionnelle édicte également le principe fondamental de l’égalité devant la loi et de la non-discrimination dans la jouissance des droits garantis. L’équité ainsi définie doit permettre aussi une égale protection de la loi excluant toutes les formes de discrimination. L’article 18 réaffirme cette égalité devant la loi. Cette égalité est garantie également aux non-ressortissants, qui doivent bénéficier d’une protection légale adéquate de leur personne et de leurs biens.

153.Enfin, la disposition constitutionnelle no 10 pose les garanties essentielles offertes par le système de justice pénale en termes de procédure et de protection des droits fondamentaux des personnes en cas d’arrestation, d’inculpation ou de privation de liberté. La Loi suprême garantit ainsi la présomption d’innocence, le droit à la défense et l’assistance par un avocat de son choix; la culpabilité n’étant établie que par une juridiction compétente avec à sa tête un juge habilité à statuer sur la privation de liberté et à préserver les droits des détenus. La non-rétroactivité des lois et son corollaire, l’autorité de la chose jugée, sont garantis par cette disposition riche sur le plan des droits humains.

154.Les droits civils et politiques sont stipulés dans les articles 11 à 16. Les dispositions constitutionnelles 12, 13 et 14 s’articulent autour du droit à la vie privée et garantissent le droit à la propriété, à l’inviolabilité du domicile, au secret et à l’inviolabilité de la correspondance et le droit de se déplacer. Elles sont érigées contre les perquisitions et visites domiciliaires illégales et les mesures de sûreté.

155.La disposition 15 de la Constitution traite des droits politiques et sociaux fondamentaux et encadre d’une garantie particulière le droit d’opinion, qui inclut le droit d’expression par tous les moyens (parole, plume et image). L’article 11 intègre cette garantie et l’élargit à la liberté de pensée, de conscience, de religion et de culte. Le droit de former un syndicat et de s’affilier à un syndicat, qui comprend le droit de grève, y est garanti.

156.Les articles 5 et 6 fixent les conditions indispensables propres à garantir aux citoyens le droit de vote et le droit de participer à la gestion des affaires publiques. Ce droit de concourir à l’expression du suffrage est garanti et s’exerce notamment avec la formation de partis politiques libres et l’exercice d’activités libres au sein de ces partis.

157.Ces dispositions constitutionnelles relatives aux libertés et droits fondamentaux de la personne humaine sont sujettes à diverses limitations qui restreign e nt la portée de leur garantie en matière de droits humains.

158.Ces réserves aux droits de l’homme se retrouvent dans différentes clauses constitutionnelles et se rapportent à des situations particulières associées à la préservation des droits et des libertés d’autrui, mais aussi au respect de l’honneur de la personne, de l’ordre public, de la sûreté nationale, de la paix publique, à la protection contre toute menace de danger et à la prévention des infractions pénales.

159.Les «prescriptions» des droits humains reconnus dans la Constitution se justifient au regard d’un développement ultérieur de la législation interne dans les domaines précités. L’adoption de lois, règlements et procédures spécifiques doit permettre une meilleure protection des droits et des libertés individuelles ou collectives et assurer une plus grande pérennité des intérêts publics.

160.Les situations d ’ urgence ou d ’ exception correspondent à des contextes de crise intense qui justifient que l’État déroge aux droits humains reconnus à la personne humaine par la Constitution. L’article 40 de la Loi suprême précise que la déclaration de l’état d’urgence est décrétée au niveau national en cas de menace grave et immédiate pesant sur les institutions de la République, l’indépendance de la nation, l’intégrité du territoire ou l’exécution des engagements internationaux et remettant en cause le fonctionnement régulier des pouvoirs publics. Ces menaces peuvent être liées à divers événements, tels que les catastrophes naturelles ou épidémiologiques, l’invasion du territoire national par des entités extérieures et la crise institutionnelle.

161.Le président de la République, après avis du président de l’Assemblée nationale et du président du Conseil constitutionnel et après avoir informé la nation par message, peut prendre toute mesure tendant à rétablir le fonctionnement régulier des pouvoirs publics et assurer la sauvegarde de la nation, à l’exclusion d’une révision constitutionnelle.

162.Bien qu’il soit admis que la déclaration de l’état d’urgence permette aux autorités étatiques de prendre toutes les initiatives visant à remédier aux risques, et notamment des actions et des mesures susceptibles de réduire ou supprimer, pour une période donnée, les libertés et les droits fondamentaux, les dispositions constitutionnelles ne précisent pas quels sont les droits essentiels, malgré tout, qui demeurent préservés dans ces conditions particulières.

Textes de loi relatifs aux droits de l’homme

163.Si la Constitution pose les principes essentiels et les garanties indispensables à l’inscription dans le paysage juridique djiboutien des droits humains de manière globale, d’autres lois et règlements propres à un domaine, issus de l’exécutif et du Parlement, permettent de les préciser et de faciliter leur application.

164.Les textes de loi les plus pertinents sont:

Loi organique no1/AN/92/3ème L modifiant la loi relative aux élections;

Loi organique no 2/AN/92/2ème L relative à la liberté de communication;

Loi organique no 4/AN/93/2ème L fixant les règles d’organisation et de fonctionnement du Conseil constitutionnel;

Loi no174/AN/02/4ème L portant Statut des régions;

Loi no140/AN/06/4ème L portant mise en place de la politique nationale de gestion des risques et des catastrophes;

Loi no48/AN/99/4ème L instaurant la nouvelle politique de santé;

Loi no96/AN/OO/4ème L portant orientation du système éducatif;

Loi no133/AN/05/5ème L portant Code du Travail;

Loi sur le statut particulier des fonctionnaires;

Loi no212/AN/07/5ème L portant création de la Caisse Nationale de Sécurité sociale;

Loi no79/AN/04/5ème L portant Code de la nationalité;

Décret no99-OO59/PRE portant création du Ministère chargé de la Promotion de la Femme, du Bien-Être Familial et des Affaires Sociales (MPFBFAS);

Décret no2008-0093/PRE instituant le Secrétariat d’État chargé de la solidarité nationale;

Loi no152/AN/02/4ème L portant Code de la famille;

Loi no192/AN/02/4ème L imposant le système de quotas dans les fonctions électives et l’administration centrale en faveur des femmes;

Loi no51/AN/99/4ème L relative au Médiateur de la République;

Décret no 2008-0103/PRE portant création de la Commission nationale des droits de l’homme (CNDH);

Loi no 210/AN/07/5ème L relative à la lutte contre le trafic des êtres humains;

Loi no 106/AN/00/4ème L portant sur le cadre de l’environnement;

Loi no 59/AN/94 portant Code pénal;

Loi no 60/AN/94 portant Code de Procédure pénale.

Intégration des droits de l’homme dans le droit interne

165.Les dispositions constitutionnelles 37 et 63 déterminent les procédures, les modalités pratiques et les institutions compétentes pour l’incorporation dans le droit interne des traités engageant la République de Djibouti à l’échelle internationale. Il revient ainsi à l’exécutif de négocier les accords internationaux et de les soumettre à l’Assemblée nationale pour ratification. En conséquence, l’intégration dans la législation nationale des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme exige leur ratification par le Parlement. La Constitution précise que la ratification de ces conventions internationales se rapportant aux droits de la personne humaine ne peut être approuvée qu’en vertu d’une loi adoptée par l’Assemblée nationale. Cette loi indique le traité quel est le traité qui a été approuvé et déclare un traité ratifié.

166.Les lois adoptées par l’Assemblée nationale sont ensuite promulguées par le président de la République (art. 34 de la Constitution). Les textes de loi portant sur la ratification des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme ne font pas exception à cette procédure légale. Dans ce processus d’intégration des traités internationaux relatifs aux droits humains dans la législation interne, les lois promulguées ne peuvent être exécutées comme loi d’État qu’après leur publication au Journal o fficiel. Accessibles sur Internet, les dispositions législatives et administratives qui paraissent au Journal officiel, y compris les conventions ratifiées, sont classées de manière thématique et chronologique.

167.Les dispositions internationales relatives aux droits de l’homme ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celles des lois ordinaires, d’après la Constitution. Par conséquent, la suprématie ainsi attribuée à ces instruments au sein du droit interne doit les imposer de manière concrète et enrichir le questionnement des dispositions constitutionnelles notamment par leur invocation par les juges dans le règlement des affaires relatives aux droits de l’homme.

168.Bien avant l’adoption de la loi sur le Code de la famille, les magistrats avaient l’habitude dans les situations de divorce par consentement mutuel de procéder prioritairement au règlement des décisions se rapportant aux droits socioéconomiques de l’enfant au nom de son intérêt supérieur sur la base des principes contenus dans la Convention relative aux droits de l’enfant.

169.En plus de cette garantie d’application conférée par la Constitution nationale, Djibouti a progressivement procédé à l’incorporation des dispositions de certains instruments internationaux dans sa législation, notamment la Convention relative aux droits de l’enfant, la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes et la Convention sur l’âge minimum.

Autorités compétentes en matière des droits de l’homme

170.La protection des droits de l’homme est assurée par diverses instances relevant ou non de l’autorité de l’État, qui agissent suivant des modalités qui leur sont propres, dans des domaines spécifiques et avec des compétences particulières définies par la Constitution et les autres textes en vigueur dans le pays.

171.Plusieurs dispositions du Texte suprême du pays édictent que l’État a l’obligation de respecter, de protéger et de rendre effective la pleine jouissance des droits de l’homme inscrits dans la Constitution (art. 10). L’exercice de cette responsabilité de l’État s’effectue par le biais des actions complémentaires qui sont menées à différents niveaux par les institutions républicaines (art. 8): l’organe législatif exerce ses prérogatives d’adopter les lois et l’exécutif de les promulguer et de veiller à leur exécution; quant au judiciaire, il est chargé de l’interprétation des lois.

L’Assemblée nationale

172.Dans ses missions législatives et dans l’exercice du contrôle des politiques gouvernementales, le Parlement dispose de prérogatives importantes susceptibles d’influer positivement sur la mise en œuvre concrète des droits humains et des libertés fondamentales. Ses domaines de compétence sont définis dans la partie relative à l’organe législatif.

Le Médiateur de la République

173.Cette institution, conformément à la loi no 51/AN/99 4ème L concernant sa mise en place et au décret no 2000-129/PRE qui l’organise, joue un rôle essentiel dans la promotion et le respect de l’égalité de traitement et la juste application de la loi, en intervenant dans les litiges opposant les citoyens aux autorités publiques. Elle reçoit, examine et instruit les plaintes des administrés qui s’estiment lésés par les décisions de l’administration publique. Par ses activités de conciliation et les pouvoirs que lui confère la loi, le Médiateur contribue à régler de nombreux différends, à rétablir la primauté du droit et à rendre effective la pleine jouissance des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

174.L’institution assure la promotion et la protection des droits de l’homme par le biais de l’information juridique que ses services de documentation et d’archive dispensent au public et à l’administration. Cet organisme d’État élabore des propositions de réforme des textes législatifs et réglementaires sous forme de circulaires adressées aux départements ministériels ou aux organismes concernés en vue d’assurer une application plus équitable des droits constitutionnels.

175.La mise en place du Médiateur de la République ainsi que les prérogatives qui lui sont attribuées constituent un atout de taille dans le renforcement progressif de l’arsenal institutionnel aux fins de la promotion et la protection des droits de l’homme à Djibouti.

La Commission nationale des droits de l’homme (CNDH)

176.La création récente d’une institution de défense des droits de l’homme s’inscrit dans la volonté des autorités gouvernementales de renforcer le dispositif institutionnel national de protection des droits de la personne humaine.

177.La Commission est habilitée à alerter les pouvoirs publics sur les situations de violation des droits de l’homme et à proposer des initiatives tendant à y mettre fin sous la forme d’avis, de recommandations et de publication de rapports.

Les propositions qu’elle élabore à l’attention des institutions publiques peuvent se rapporter à toutes initiatives susceptibles de favoriser la protection et la promotion des droits de l’homme et, notamment, la ratification des instruments internationaux relatifs aux droits humains, la mise en conformité et l’harmonisation de la législation et des pratiques nationales avec ces instruments. Dans la lutte contre toutes les formes de discrimination et de racisme, elle encourage une large diffusion des droits de l’homme par la sensibilisation et l’information de l’opinion publique.

Elle constitue un cadre unique de concertation entre les acteurs publics et les représentants de la société civile engagés dans la problématique des droits de l’homme.

178.La mise en place de la CNDH permet de donner une suite favorable à l’observation finale no 16 formulée lors de l’examen du rapport périodique de la République de Djibouti (septembre 2008) par le Comité des droits de l’enfant. Cette recommandation préconise la création d’un organe indépendant capable d’assurer le suivi de la mise en œuvre de la Convention. Le texte constitutif de la Commission indique clairement que l’institution est notamment compétente pour interpeller les autorités gouvernementales sur la mise en œuvre des droits de l’homme reconnus par la législation interne et les instruments internationaux ratifiés par le pays.

Organes judiciaires

179.Dans le cadre de la séparation des pouvoirs instituée par la Constitution qui rend le pouvoir judiciaire indépendant des pouvoirs exécutif et législatif, les institutions juridictionnelles, la Cour suprême, les autres cours et tribunaux et la Cour des comptes et de disciplines budgétaires sont chargés de veiller au respect des droits et des libertés reconnus à la personne humaine par la Loi fondamentale.

180.L’organisation et le fonctionnement des cours et des tribunaux restent conformes aux principes fondamentaux établis notamment par les instruments internationaux en matière de justice: l’indépendance et l’impartialité de la justice, l’égalité devant la loi sans aucune discrimination, la présomption d’innocence, la légalité des infractions et des peines, le double degré de juridiction ainsi que le droit à la défense, à l’assistance et à l’aide judiciaire.

181.Ces principes doivent être néanmoins réaffirmés et traduits dans la législation interne comme c’est le cas dans la loi organique no 09/AN/01/ 4ème L instituant un statut de la magistrature qui renforce l’indépendance des magistrats. Elle contribue ainsi à la mise en œuvre d’une justice plus équitable et accroît les garanties essentielles, notamment l’égalité de traitement des citoyens devant la loi.

182.L’indépendance des juges et leur inamovibilité de par la Constitution assurent une large autonomie aux différentes instances juridictionnelles; cependant, elle s’exerce sous le contrôle du ministère public, représenté par le parquet, qui est chargé de mettre en œuvre l’action publique visant à poursuivre l’auteur d’une infraction devant les juridictions répressives et à le faire sanctionner.

183.La Cour suprême, conformément à l’ordonnance no 84-074/PRE la réformant (art. 2 et 3), est habilitée à examiner, en dernier ressort, les décisions rendues par les juridictions nationales, notamment celles relatives aux droits humains et aux libertés fondamentales reconnus dans le droit interne (art. 2).

Quand le recours devant la Cour suprême est jugé recevable, l’instance procède, en règle générale, à un examen en droit de l’affaire, mais peut aussi être amenée à entreprendre un examen complet du différend en droit comme en fait dans le cas où une application non satisfaisante des règles juridiques est constatée. Une réforme des compétences de cette juridiction est actuellement en cours de manière à ce qu’elle puisse disposer de toutes les attributions revenant à une véritable cour de cassation.

184.La Cour suprême a une compétence de conseil en introduisant des constats quant à la conformité des textes de loi (d’avant l’indépendance) à la Constitution. Enfin, sa compétence est élargie aux litiges ressortissant du droit administratif, tel le recours pour excès de pouvoir.

185.D’autres initiatives de l’État visent à renforcer l’organisation judiciaire nationale par la mise en place de nouvelles juridictions compétentes dans le domaine des droits de l’homme.

186.Le Tribunal du statut personnel a été institué par la loi no 8/AN/03/5ème L en remplacement des juridictions de la charia et répond à la nécessité de prendre en considération l’évolution de la société djiboutienne, notamment dans sa structure familiale qui est désormais régie par le Code de la famille. Longtemps gérées par les Cadis dont les connaissances étaient essentiellement religieuses et fondées sur les traditions culturelles, les affaires de la famille sont désormais dans les mains de magistrats professionnels dans les nouvelles juridictions. Le Code de la famille s’inscrit dans la modernisation du droit djiboutien en ce sens qu’il dote le pays d’un statut conforme à son identité nationale et associant ses spécificités culturelles et religieuses à l’ouverture aux idées universelles, notamment sur les droits reconnus à la femme et à l’enfant par les conventions internationales.

187.La Cour des comptes et de disciplines budgétaires , autrefois Chambre des comptes et de disciplines budgétaires de la Cour suprême, a été élevée depuis janvier 2008 au rang d’institution constitutionnelle après modification de l’article 71. Cette juridiction de contrôle des finances publiques est composée de magistrats professionnels bénéficiant de toutes les garanties d’indépendance indispensables à l’exercice de leur mission auprès des comptables publics et des ordonnateurs des crédits de l’État relevant des collectivités publiques locales, des établissements et entreprises publics (art. 1er de la loi no 122 du 1er avril 2001).

188.Organe judiciaire permettant de lutter contre la corruption et favorisant la bonne gouvernance, elle est saisie par le président de la République et le président de l’Assemblée nationale sur tout dossier ou toute gestion jugés d’importance nationale et relevant de sa compétence. Les résultats de ses enquêtes sont transmis aux requérants. Pour exercer son double pouvoir de contrôle et de juridiction, elle dispose de l’autonomie de gestion et de l’indépendance qui permettent de garantir l’objectivité, la neutralité et l’efficacité de ses travaux.

189.Le Conseil constitutionnel est le principal garant des droits fondamentaux de la personne humaine et des libertés publiques. Il exerce ce rôle par ses missions de contrôle de la constitutionnalité des lois, de la régularité des élections, de la régulation des institutions et de l’activité des pouvoirs publics. Ses décisions ne sont susceptibles d’aucun recours et s’imposent aux pouvoirs publics, aux autorités administratives et juridictionnelles et à toutes les personnes physiques et morales.

190.L’exception d’inconstitutionnalité d’une disposition légale, se rapportant aux droits fondamentaux reconnus à la personne par la Constitution, peut être soumise au Conseil constitutionnel si elle est invoquée par le plaideur devant une juridiction et après attestation par la Cour suprême de son fondement. Le Conseil constitutionnel est amené à statuer sur l’affaire et en cas de confirmation du caractère inconstitutionnel de la disposition, celle-ci cesse alors d’être applicable (art. 80).

Organes administratifs compétents en matière de droits de l’homme

191.Dans le cadre de la mise en œuvre de leurs politiques en faveur de l’exercice des droits socioéconomiques, culturels et politiques, les différents départements ministériels initient diverses mesures et actions selon des stratégies prédéfinies et font appel à des mécanismes adaptés à l’atteinte des objectifs fixés.

192.Le Secrétariat d ’État auprès du Premier Ministre chargé de la solidarité nationale, institué en 2008, a pour principale mission la mise en œuvre de la nouvelle politique de lutte contre la pauvreté basée sur l’Initiative Nationale pour le Développement Social (INDS). Les organes placés sous sa tutelle, tels l’Agence Djiboutienne de Développement Social (ADDS), le Projet de Développement de la Micro-finance et des Micro-entreprises (PDMM) et le Système de Caisse d ’ Epargne et de Crédit (SCEC), doivent lui permettre de s’acquitter pleinement de ses missions.

193.Par les attributions qui lui sont conférées, ce département est amené à assumer plusieurs fonctions. Dans ses fonctions politiques et stratégiques, le Secrétariat assure:

L’appui technique et le rôle de conseil auprès du premier ministre pour la coordination de l’action gouvernementale;

L’organisation et l’encadrement des réflexions stratégiques et contribue à l’élaboration des politiques de lutte contre la pauvreté;

La réalisation des études macroéconomiques et multisectorielles;

L’apport de conseils et la pérennisation d’un dialogue régulier avec les acteurs politiques sectoriels;

L’interface avec les partenaires techniques et financiers;

La communication et la mobilisation des ressources en faveur de l’INDS.

Dans le cadre de ses fonctions de supervision, de suivi et d’évaluation, il veille à:

La mise en œuvre et le suivi de la lutte contre la pauvreté de l’INDS;

La mise en œuvre et le suivi de la solidarité nationale par le biais des programmes pertinents comme le Service National Adapté (SNA), l’ANEFIP, le Fonds de développement Economique de Djibouti (FDED), Diwan-A-Zakat, le Centre de Formation Professionnelle pour Adulte (CFPA), les Centres de développement Communautaires, la Société Immobilière de Djibouti (SID);

Le suivi du profil de pauvreté, des structures sous tutelle et des grands défis mondiaux tels que les objectifs du Millénaire pour le développement (OMD);

L’évaluation d’impact des politiques, stratégies, projets et programmes.

194.Les principales mesures initiées visent à réduire la fracture sociale et à améliorer la mise en œuvre des droits socioéconomiques des populations vulnérables tant en milieu rural qu’en milieu périurbain, en favorisant l’accroissement des revenus et l’amélioration des conditions de vie des habitants. À cet égard, il apporte une assistance aux groupes ayant des besoins spéciaux, aux personnes âgées et aux populations nomades.

195.L’inspection générale d ’État est une institution administrative et financière chargée du contrôle interne et à postériori, instituée par la loi de 2004 en vue d’assurer la bonne gestion des affaires publiques et la lutte contre la corruption. Pour atteindre ses objectifs, elle est amenée à évaluer les politiques et les programmes publics afin d’accroître leur rendement et d’améliorer leur fonctionnement notamment en ce qui concerne les relations avec les usagers. Les travaux de cet organisme, qui est directement rattaché au premier ministre, permettent d’estimer l’efficacité des procédures et des dépenses publiques, notamment dans le domaine de la lutte contre la pauvreté. Par conséquent, ils peuvent contribuer à la mise en œuvre effective de nombreux droits socioéconomiques.

196.Le Ministère de l ’ Education Nationale et de l ’ Enseignement Supérieur (MENESUP) est chargé de la mise en œuvre de la politique gouvernementale en matière d’éducation formelle et informelle. Le MENESUP, au lendemain des assises de l’éducation nationale en 1999, a engagé une ambitieuse réforme tant sur le plan quantitatif que structurel et institutionnel. Mise en œuvre conformément à la loi sur le système éducatif et au plan stratégique décennal 2000-2009, la nouvelle politique éducative s’est traduite par un développement soutenu et sans précédent du droit à l’éducation à tous les niveaux d’études, grâce notamment à une plus grande mobilisation des ressources publiques.

197.Le projet de schéma directeur 2010-2020 en cours de finalisation met davantage l’accent sur la qualité des enseignements et les valeurs d’égalité en droits et en chances dans l’institution scolaire, en donnant à tous les enfants en âge d’être scolarisés, y compris les enfants handicapés, toutes les chances de pouvoir bénéficier d’un développement personnel et d’une insertion sociale réussie. À ce titre, l’accès pour tous à l’école primaire doit être achevé en éliminant toutes les formes de disparités. La promotion de l’éducation et de la formation continue doit contribuer à l’acquisition de connaissances scientifiques, culturelles et professionnelles de qualité par toute la population. Pour cela, l’enseignement et la formation professionnelle et technique seront réformés pour être adaptés aux besoins actuels et à venir de l’emploi. Les programmes scolaires dans le secondaire, désormais «contextualisés», seront mis en œuvre, tandis que l’enseignement supérieur sera consolidé et la recherche soutenue.

198.Le Ministère de la justice et des affaires pénitentiaires chargé des droits de l ’ homme a pour mission de mettre en œuvre la politique judiciaire générale, l’action pénitentiaire et le traitement des questions liées aux droits de l’homme. Dans ce sens, le département a initié différents programmes tendant à renforcer la capacité du système judiciaire à promouvoir et à protéger les droits économiques, sociaux et culturels.

199.Diverses actions sont menées en matière de codification des textes de loi qui prennent en compte les dispositions constitutionnelles et internationales relatives aux droits de l’homme (Code de la nationalité, loi sur les personnes vivant avec le VIH/Sida), au perfectionnement du fonctionnement des juridictions (loi sur les juridictions de statut personnel, loi instituant le juge d’application des peines, textes de loi en cours d’élaboration visant à transformer la Cour suprême en cour de cassation, décret sur le statut des agents pénitentiaires, etc.) et à la redynamisation de la fonction des magistrats (loi sur le statut de la magistrature) par le Ministère en vue d’améliorer l’efficacité du système judiciaire et l’accès à la justice.

200.Le Ministère a également procédé à une étude sur la situation des mineurs en conflit avec la loi, en collaboration avec l’UNICEF, et réfléchit à l’heure actuelle aux modalités pratiques de la mise en place d’une justice juvénile.

201.Le processus d’édification d’un dispositif institutionnel soucieux de la mise en œuvre effective des droits humains engagé par le Ministère de la justice et des droits de l’homme s’est traduit par la mise en place de la CNDH et du Comité intersectoriel chargé de l’élaboration et de la soumission des rapports aux organes créés en vertu des traités afin de combler le retard constaté dans ce domaine. Outre les efforts en cours pour accroître les ressources humaines et leur assurer des formations adéquates sur la protection des droits humains, d’autres mesures visent à améliorer les conditions de travail dans les juridictions et dans l’environnement carcéral.

202.Le Ministère de la promotion de la femme, du bien- être familial et des affaires sociales est chargé de la mise en œuvre de la politique et des programmes destinés à garantir le respect des droits des femmes et de l’enfant et à promouvoir la famille dans le processus de développement. Il est également chargé des affaires.

203.En collaboration avec différents acteurs (institutions publiques, ONG, partenaires du développement), il élabore et assure le suivi des actions initiées dans le cadre de la stratégie d’intégration de la femme dans le développement dans les domaines prioritaires (prise de décision, santé, éducation et économie), de manière à promouvoir l’égalité entre les hommes et les femmes.

Après la ratification du Protocole à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples relatif aux droits des femmes en Afrique (Protocole de Maputo en 2005), le département a lancé un important programme de lutte contre la violence que constituent les mutilations génitales féminines (MGF). A cet effet, la Stratégie Nationale pour l’Abandon de toutes formes d’excision a été élaborée ainsi que des activités communautaires de promotion des droits humains.

204.Le Ministère est également à l’origine de propositions de loi et de règlements visant à lutter contre les discriminations fondées sur le genre et à protéger les groupes vulnérables (Code de la famille, lois sur le système de quotas dans les fonctions électives et dans l’administration publique, nouvelle loi sur les MGF, etc.). Enfin, le Centre de formation des femmes de Balbala (banlieue de Djibouti) relève de sa tutelle.

205.Le Ministère de l ’ emploi et son organisme sous tutelle, l’Agence Nationale de l’Emploi, de la Formation et de l’Insertion Professionnelle (ANEFIP), sont chargés de mettre en œuvre les différents instruments d’observation et d’intervention qui leur permettent de réguler les besoins du marché de l’emploi et d’améliorer l’accès à l’emploi de la main-d’œuvre nationale.

206.Ainsi, les principales actions, qui sont entreprises pour réduire le chômage, contribuent à la lutte contre l’exclusion et la pauvreté des groupes vulnérables (jeunes filles/garçons diplômés ou sans qualification, femmes) par le fait de rapprocher l’offre et la demande d’emploi et de favoriser le placement en stage dans les entreprises et dans les centres de formation, ainsi que la collecte, l’élaboration, le suivi et la diffusion des données statistiques relatives à ces trois domaines de compétence.

207.L’ANEFIP contribue aux initiatives des autres départements sociaux pour l’insertion dans le marché de l’emploi des femmes victimes de violence en collaborant avec le Ministère de la promotion de la femme, à la formation de pairs éducateurs pour le Secrétariat exécutif de la lutte contre le VIH/Sida et à la préparation des assises de l’enseignement technique et professionnel en coopération avec le Ministère de l’éducation nationale.

208.La mise en place de la Caisse Nationale de Sécurité Sociale (CNSS), sous la tutelle du Ministère de l’Emploi, est une conséquence de la réforme de la protection sociale initiée il y a une dizaine d’années de cela en vue de pérenniser les différentes prestations offertes aux travailleurs et ayants droit. L’instance qui est issue de la fusion de l’Organisme de Protection Sociale (OPS) et de la Caisse Nationale des Retraites (CNR) est désormais chargée de dispenser des prestations variées aux travailleurs affiliés au régime général et aux régimes spéciaux, à l’exception des forces armées djiboutiennes.

La Caisse de sécurité sociale accompagne également les efforts de l’État tendant à améliorer la protection sociale de la population non affiliée au secteur formel ou particulièrement vulnérable (création de centres de soins communautaires, mise à disposition de médicaments génériques plus accessibles, établissement du certificat d’indigence ouvrant droit à la gratuité des soins, etc.) et travaille à la mise en place d’une microassurance communautaire permettant aux plus démunis de bénéficier d’un minimum de couverture et d’une protection sociale.

209.Le Ministère de l ’ Intérieur et de la Décentralisation est chargé de garantir la sécurité publique et civile, d’organiser les élections et de mettre en œuvre la politique du Gouvernement en matière de décentralisation.

Il a pour mission d’apporter une protection aux réfugiés par l’entremise de la Commission nationale d’éligibilité qui siège en son sein et est habilité à décider de l’octroi du droit d’asile. L’Office National d’Assistance aux Réfugiés et Sinistrés (ONARS) apporte son soutien à ces populations ainsi qu’aux citoyens déplacés à l’intérieur de leur pays. Les personnes déboutées peuvent toujours bénéficier du soutien de sur simple inscription auprès de ses services. La République de Djibouti a toujours constitué un espace de paix et de refuge pour les nombreux ressortissants des pays limitrophes (Éthiopie, Somalie, Érythrée) affectés par les guerres ou les catastrophes naturelles qui y trouvent un travail rémunéré. Outre cette tradition d’accueil, le pays est fortement engagé dans une diplomatie visant à instaurer la paix dans la région, en apportant un soutien continu aux efforts de reconstruction de l’État somalien.

210.Les différents corps de la Force Nationale de Police (FNP) assurent la sécurité intérieure, en collaboration avec la Gendarmerie nationale qui dépend du Ministère de la défense, ainsi que le contrôle des frontières. Ils jouent un rôle important dans la protection des droits humains des populations et la préservation de l’état de droit dans la mesure où ils reçoivent les plaintes et procèdent aux enquêtes judiciaires, dans les affaires qui leur sont soumises, sous la responsabilité du parquet. Ils sont également compétents pour mettre en œuvre les procédures d’expulsion des étrangers en situation irrégulière dans le pays. Les responsables de la surveillance des frontières ont bénéficié de formations et de mesures de sensibilisation afin de renforcer les droits des migrants, en collaboration avec le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR).

211.En matière de décentralisation, le département coordonne les activités de l’État dans les régions par l’intermédiaire des préfets et procède au transfert progressif des compétences aux conseils régionaux, qui sont désormais habilités à délivrer des documents d’état civil comme les actes de naissance.

212.Le Conseil National de la Jeunesse Djiboutienne (CNJD) a été institué au lendemain de la Conférence nationale sur le développement de la jeunesse qui s’est tenue en février 2007. Cette conférence a permis de replacer au centre des politiques gouvernementales les questions relatives aux jeunes. Rattaché au Ministère de la jeunesse et des sports, cet organe fonctionne comme un lieu d’échange pour les jeunes tout comme un espace de partenariat avec les acteurs publics et les organismes d’aide au développement et comme une force de proposition face aux difficultés que rencontrent les jeunes à l’échelle nationale.

213.La Commission É lectorale Nationale Indépendante (CENI) a été instituée par la loi organique no 11/AN/02/4ème L pour superviser les élections. Pour permettre la tenue équitable de consultations électorales, la Commission est chargée de l’organisation matérielle des différents scrutins, de même que du suivi et du contrôle de toutes les opérations de vote. Elle doit notamment veiller à faire respecter le principe d’accès aux médias des différents candidats aux élections.

214.Les plaintes et les réclamations concernant les procédures électorales peuvent être adressées à la CENI, qui statue sur leur bien-fondé. En cas de rejet, les partis politiques peuvent porter leurs requêtes devant le Conseil constitutionnel. Dans les élections régionales, le Tribunal administratif du contentieux offre un recours en justice supplémentaire pour contester les irrégularités.

215.La Commission Nationale de la Communication (CNC) , qui a été mise en place grâce à la loi relative à la liberté de la communication, est une autorité indépendante chargée de veiller au respect du pluralisme de l’information.

216.La Commission Nationale pour le Développement Durable (CNDD) , instituée en 2004 et présidée par le Premier Ministre, réunit les différents acteurs gouvernementaux impliqués dans le domaine de l’environnement afin de définir les principaux axes d’une politique globale et cohérente, d’élaborer un cadre stratégique conséquent et de préparer les rapports périodiques destinés aux organes créés en vertu des traités relatifs à la protection de l’environnement.

Autres organes

217.L’ Union Nationale des Femmes Djiboutiennes (UNFD) est présente sur l’ensemble du territoire national. Cette organisation dispose, en conséquence, d’une capacité de mobilisation sociale exceptionnelle et d’une expérience éprouvée. Dans sa vision pour la réhabilitation des droits de la femme dans toutes les sphères de la vie, ses principales missions se doivent d’être orientées vers la lutte contre l’analphabétisme, la pauvreté et toutes les formes de violence à l’égard des femmes. Elle entreprend également différentes activités dans le but d’améliorer les conditions de vie des femmes rurales, de protéger l’environnement et de promouvoir l’artisanat et la culture.

218.L’UNFD, qui encadre également diverses associations, est devenue une partenaire incontournable dans toutes les campagnes de sensibilisation et d’information conduites par les pouvoirs publics pour promouvoir le droit des personnes à une meilleure santé et à l’éducation pour tous.

219.L’organisation plaide aussi continuellement auprès des autorités étatiques, avec l’appui du Ministère de la promotion de la femme, pour un renforcement des dispositions légales protégeant les femmes contre toute violence. Ces différentes actions ont permis la mise en place d’une législation réprimant les Mutilations Génitales Féminines (MGF) en 1995, qui a été remaniée récemment (loi no 55/AN/09/6émeL) pour la rendre plus efficace. Enfin, une Cellule d’écoute, d’information et d’orientation a été créée au sein de l’association afin de permettre aux victimes des violences féminines de déposer plainte, soit à la Gendarmerie soit à la police nationale.

220.La Caisse Populaire d ’ Epargne et de Crédit (CPEC), créée en 2008 au sein de l’UNFD dans le cadre de la lutte contre la pauvreté et le chômage, s’emploie à promouvoir la vie socioéconomique des populations vulnérables en octroyant des microcrédits pour financer des activités génératrices de revenus et en collectant l’épargne avec l’appui technique et financier de l’ADDS.

221.La Fondation «DIWAN AZ- ZAKA T» est un organisme indépendant qui œuvre contre la pauvreté et pour le développement de la société par le biais de la collecte de la zakat et de la fourniture d’aides selon la charia. Créée en 2004, la fondation, qui bénéficie de plus en plus de fonds – autour de 96 millions en 2007 –, est venue en aide à plus de 5 861 personnes, en priorité aux orphelins, aux personnes âgées, aux handicapés et aux veuves (tableau de la répartition de la collecte en 2007: 50,5 % aux orphelins, 21,05 % aux personnes âgées, 7,95 % aux handicapés, 6 % aux veuves, 12,5 % aux employés de la zakat, 2 % pour les dépenses de fonctionnement), notamment par le biais des initiatives de parrainage d’enfant et de formation (l’informatique, la conduite) et de la mise en place de projets générateurs de revenus (les cabines téléphoniques pour handicapés, les activités de vente au détail de produits divers, etc.).

Application directe des instruments relatifs aux droits de l’homme par les cours de justice, les tribunaux et autres instances administratives

222.Les dispositions contenues dans les divers instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme peuvent être invoquées devant les instances judiciaires et administratives nationales conformément à la Constitution (art. 63), laquelle stipule que les instruments internationaux ratifiés par Djibouti sont intégrés dans la législation nationale dès leur promulgation et bénéficient dès lors d’une considération supérieure à celle du droit interne (art. 37). L’ensemble des lois qui instituent l’organisation et le fonctionnement des autorités judiciaires prennent en compte cet impératif constitutionnel et commandent en conséquence aux magistrats de recourir autant que possible à ces instruments internationaux pour le règlement des litiges.

223.Dans leurs pratiques quotidiennes de la justice, les magistrats invoquent régulièrement les codes internationaux dans les règlements des litiges qui leur sont soumis. La Convention relative aux droits de l’enfant est l’instrument international auquel les tribunaux se réfèrent souvent, plus particulièrement avant 2002 et la mise en place du Code de la famille. Au cours de cette décennie, l’invocation de cet instrument par les juges a permis d’assurer une plus grande protection des enfants dans le pays. En effet, bien que les dispositions nationales soient favorables aux droits des enfants, les cours et les tribunaux ont cherché à les renforcer, notamment dans les aspects économiques et sociaux, en invoquant le principe de l’intérêt supérieur de l’enfant dans les différends familiaux. La référence à ce principe international a permis de traduire dans la réalité judiciaire djiboutienne une interprétation avantageuse de la loi en faveur de l’enfant du fait de la vulnérabilité inhérente à sa personne.

Recours dont dispose une personne qui prétend que ses droits ont été violés et systèmes d’indemnisation et de réhabilitation

224.Les différents recours dont disposent les personnes qui estiment que leurs droits ont été violés sont établis par la Constitution et autres textes de droit interne. La législation nationale permet également de conforter les droits fondamentaux qui sont garantis à la personne humaine en procédant à la réparation des préjudices subis dès lors que les instances judiciaires compétentes établissent une atteinte avérée à ces droits.

225Les citoyens qui estiment que les droits fondamentaux qui leur sont garantis ont été violés peuvent saisir les différentes juridictions du pays. Les juridictions répressives sont compétentes en matière d’atteinte aux droits et aux biens des personnes. Les juridictions civiles, commerciales et sociales ont compétence pour connaître des litiges civils, commerciaux ou des différends individuels se rapportant au droit du travail.

226.La Constitution prévoit (titre VIII et article 75) que le Conseil constitutionnel est juge de la constitutionnalité des lois et garant des droits fondamentaux de la personne. Par conséquent, il peut être saisi par voie d’exception (art. 80) des questions portant sur les droits humains fondamentaux. Le recours en inconstitutionnalité contre toute disposition légale ou réglementaire et décision administrative est ouvert à tout plaideur dont les droits fondamentaux garantis par la Constitution sont menacés. Le recours peut être invoqué devant n’importe quelle juridiction: celle-ci doit aussitôt suspendre le traitement de l’affaire et transmettre toutes les informations utiles à la Cour suprême, qui sera chargée d’examiner la recevabilité de la requête pour exception d’inconstitutionnalité. En cas d’approbation de la demande, la Cour suprême renvoie l’affaire devant le Conseil constitutionnel qui statue et rend une décision définitive. La disposition reconnue inconstitutionnelle n’est plus applicable et n’a donc plus de valeur juridique.

227.Si la disposition précitée précise quelle est la mission assignée à la Cour suprême, les principes constitutionnels énoncés au titre VII relatif au pouvoir judiciaire établissent l’organisation judiciaire nationale et définissent la position de cette instance. L’ordonnance no 84 074 /PR /J portant réforme de la Cour suprême précise ses compétences, qui sont celles d’une instance judicaire de dernier ressort chargée d’examiner tous les recours adossés aux droits de l’homme formés contre les décisions rendues par les juridictions de fond.

228.L’application des principes constitutionnels se rapportant à la protection des droits fondamentaux de la personne se fait par le biais des lois ordinaires qui sont mises en place pour assurer le respect de ces droits.

229.Les recours concernant les matières administratives sont désormais portés devant le Tribunal Administratif, qui est compétent pour connaître des contentieux administratifs. Selon l’article 2 de la loi no 56/AN/09/6ème L, la Chambre administrative de la Cour suprême est habilitée à recevoir l’appel et à examiner l’affaire en fait et en droit. Ces instances sont également compétentes pour les contentieux relatifs aux élections régionales et communales.

Le Médiateur de la République est également une instance de recours administratif pour les différends opposant les citoyens à l’administration publique.

230.Tout individu qui n’est pas satisfait d’une décision judiciaire rendue par les tribunaux de première instance peut interjeter appel devant la cour d’appel dans toutes les affaires civiles, commerciales, pénales et sociales. Aux termes de la loi no 8/AN/03/5ème L relative à l’organisation des juridictions de statut personnel, à leurs compétences et aux règles de procédure et aux termes de l’article 2 de cette loi, une chambre de la cour d’appel est chargée de connaître des recours contre les décisions du tribunal du statut personnel.

231.Les droits politiques prescrits par l’article 6 de la Constitution, et garantis à tout citoyen, sont développés dans le droit interne grâce aux lois organiques relatives aux partis politiques (no 1/AN/92), aux élections (no 11/AN/92) et à celle sur la communication (no 2/AN/92/2ème L). Conformément aux principes démocratiques et constitutionnels, ces dispositions légales posent les garanties indispensables à l’exercice pratique de ces droits par tous les individus. En cas de violation avérée de ces droits, une plainte pour irrégularité peut être déposée devant la Commission électorale nationale indépendante (CENI) et, en dernier ressort, devant le Conseil constitutionnel.

232.Les droits à la vie et à la protection de la personne humaine, consacrés par la Charte constitutionnelle, sont confortés par les dispositions du Code pénal de 1995 qui abolissent la peine de mort, bien que désuète dans son application, et offrent des garanties contre toute violence, détention arbitraire, acte de torture et autres traitements cruels, inhumains, ou dégradants.

233.Les institutions de police et de gendarmerie, sous la responsabilité du Procureur de la République, constituent des recours de proximité pour toute personne qui estime que ses droits ont été bafoués. Les officiers et auxiliaires judiciaires reçoivent les plaintes et enquêtent sur plainte sous l’autorité du Parquet.

Mécanismes nationaux destinés à surveiller la mise en œuvre des droits de l’homme

234.Outre les autorités judiciaires et administratives et les autres organismes compétents en matière de droits de l’homme présentés précédemment et qui, chacun dans leur domaine, sont chargés de veiller au respect de ces droits, il convient de rappeler que la Commission nationale des droits de l’homme (CNDH) qui a été mise en place (avril 2008) est un organisme indépendant, spécialement créé pour assurer le suivi et la surveillance de la mise en œuvre des droits de l’homme sur l’ensemble du territoire national. D’autres institutions participent de ce vaste élan visant à rendre effectifs les droits et les libertés fondamentales et à les ancrer durablement dans la vie des citoyens djiboutiens, plus particulièrement des plus vulnérables.

235.La CNDH assume cette responsabilité spécifique en s’appuyant sur les différents moyens mis à sa disposition par le décret présidentiel fixant les conditions d’exercice de sa mission. Elle peut attirer l’attention des pouvoirs publics sur les situations de violation des droits de l’homme et proposer des mesures afin d’y remédier. Le décret précise qu’elle a la capacité, à tout moment, de recommander aux autorités gouvernementales des mesures susceptibles de favoriser la mise en œuvre effective des droits constitutionnels et des libertés fondamentales.

236.À cet effet, la CNDH a toute compétence pour analyser librement toute situation et recueillir les requêtes individuelles ou collectives, recevoir des témoignages, accéder à toute information et document autre que ceux des affaires en cours de jugement. Enfin, le président de la commission peut demander aux ministères concernés la rédaction d’une étude sur une question qui relève de sa compétence.

237.Comme cela sera développé dans la suite du rapport, la mission de veille des droits de l’homme assignée à la Commission doit être particulièrement axée sur la mise en œuvre des droits socioéconomiques et culturels des groupes vulnérables (les enfants, les femmes, les personnes âgées, les individus ayant des besoins spéciaux, les minorités, les populations autochtones, les réfugiés et les personnes déplacées, etc.). Le texte juridique constitutif de la Commission qui stipule que: «il peut être créées en son sein des sous-commissions chargées d’étudier des questions spécifiques, d’élaborer des rapports spéciaux» (article 17/1) lui permet ainsi de suivre la situation particulière des enfants et des femmes. En conséquence, cette initiative est significative de la volonté des autorités djiboutiennes de prendre en considération les conseils émanant des organes créés en vertu des traités en vue de renforcer l’arsenal institutionnel propre à promouvoir les droits de l’homme.

238.L’Assemblée nationale veille à l’application des droits de l’homme en posant des questions au Gouvernement sur la mise en œuvre des politiques sectorielles.

239.Les associations et les ONG nationales assurent également le suivi et l’application des droits de l’homme à l’échelon national grâce au partenariat constructif qu’elles ont établi avec les ministères publics, en formulant des recommandations sur les politiques sectorielles du Gouvernement, en communiquant des informations au public par voie de presse ou sur leur site Internet et en organisant des manifestations.

240.La politique en faveur de la femme, qui depuis l’indépendance se limitait aux actions courageuses et militantes de l’UNFD, ne démarre véritablement qu’à partir de 1999 avec la création du Ministère de la promotion de la femme. Elle constitue désormais une priorité nationale.

241.Les efforts déployés par le Gouvernement pour concrétiser le principe d’égalité de droits entre les hommes et les femmes se sont traduits par:

La ratification de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes: le rapport initial et combiné sur son application a été élaboré en 2009;

La ratification du Protocole de Maputo se rapportant aux droits des femmes en Afrique;

La ratification des conventions de l’OIT concernant notamment la discrimination à l’emploi et à l’embauche (no 111) ou l’égalité de rémunération entre les hommes et les femmes pour un travail à valeur égale (no 100) pour dynamiser le rôle de la femme;

Le lancement de la Stratégie Nationale pour l’Intégration de la Femme dans le développement (SNIFD) à partir de 2002 avec pour objectif de réduire les inégalités sociales entre les sexes et d’assurer une participation active des femmes dans la sphère économique grâce à l’éducation/l’alphabétisation/la formation, en luttant contre la violence fondée sur le genre;

L’adoption de mesures législatives visant à favoriser l’émancipation des femmes, l’évolution des rapports entre les hommes et les femmes dans la sphère privée (Code de la famille, Tribunal de statut personnel), la lutte contre les MGF et la discrimination positive (lois sur les quotas dans la représentation politique et l’administration publique);

La mise en œuvre de pratiques mettant fin à l’image réductrice de la femme fondée sur une répartition des rôles entre les sexes présentée comme naturelle dans les médias et les publications, par exemple les manuels scolaires édités par le CRIPEN.

C.Cadre juridique de la promotion des droits de l’homme

Parlement et instances délibérantes nationales et régionales

242.L’Assemblée nationale assume un rôle de premier plan dans la promotion et la protection des droits de l’homme consacrés par les principaux instruments internationaux grâce à ses différentes prérogatives constitutionnelles (travail législatif) et au contrôle qu’elle exerce sur l’action gouvernementale. Dans ce cadre, le Parlement qui est régulièrement tenu informé de l’évolution de la situation des droits de l’homme par les diverses études et rapports spécifiques émanant des ministères publics, peut en cas de constatation avérée de leur violation intervenir auprès de l’institution responsable afin qu’elle y remédie.

243.Parallèlement, les parlementaires prennent part aux nombreuses initiatives organisées par les pouvoirs publics, les organismes de la société civile et/ou les partenaires au développement en faveur de la promotion des droits de la personne et apportent non seulement leur contribution à la réflexion nationale sur ces thèmes mais informent également l’opinion publique sur leurs propres activités dans ce domaine.

244.Plus récemment, l’adoption par les députés d’un plan d’action pour la promotion et la protection des droits de l’homme répond à la nécessité d’adapter le travail des instances parlementaires à la nécessité de valoriser les droits humains et de renforcer la coopération entre les institutions nationales et le Parlement dans ce domaine. Dans ce sens, le Parlement mène actuellement une réflexion sur les voies et les moyens susceptibles de parfaire le statut actuel de la CNDH. Outre la création d’une sous-commission chargée des droits de l’homme, les débats en cours au sein du Parlement portent sur la participation de la CNDH aux travaux législatifs des différentes commissions.

Institutions nationales de défense des droits de l’homme

245.Comme cela a déjà été indiqué dans la partie relative aux organes compétents en matière de droits de l’homme, la CNDH est une institution indépendante créée en 2008 afin de promouvoir les droits de l’homme par le biais de l’information et de l’éducation des populations, de veiller à la protection et à la mise en œuvre effective de ces droits mais aussi d’alerter les pouvoirs publics sur les situations de violation de ces droits. Dans l’exercice de ses fonctions, la Commission dispose de la capacité d’examiner librement toutes les questions, y compris celles spécifiques à la protection des droits de l’enfant, de la femme et des personnes handicapées. A cette fin, la CNDH est habilitée à recevoir des requêtes individuelles, à entendre toute personne et à obtenir toute information et tout document nécessaire à l’établissement des faits (art. 16). La Commission bénéficie des ressources humaines et financières indispensables à l’accomplissement de sa mission et dispose de l’autonomie de gestion (art. 20).

246.La Commission est composée de membres issus d’horizons sociologiques et professionnels variés, fortement impliqués dans les domaines des droits de l’homme (art. 9 décret no 2008-0103/PR/MJAP) et désignés par arrêté présidentiel pour un mandat de 3 ans renouvelable (art. 10). Les représentants des départements ministériels n’ont pas de voix délibérative au sein de la Commission.

Le bureau dirigeant est constitué d’un président et d’un vice-président choisis parmi les représentants des associations et des ONG nationales engagées dans les domaines des droits de l’homme en concertation avec ces dernières, les personnalités morales, religieuses et coutumières réputées pour leur attachement aux valeurs humaines et les personnalités compétentes en matière de droits humains (art. 13) par décision prise en Conseil des ministres; il est assisté d’un secrétaire général (art. 12).

247.Malgré sa mise en place récente, la Commission a néanmoins initié diverses interventions pour la promotion et la protection des droits de l’homme. Elle a ainsi entrepris des actions de sensibilisation aux droits de l’homme auprès des professionnels durant la Semaine internationale de la détention et la Journée mondiale des réfugiés en partenariat avec le système des Nations Unies et plusieurs ONG nationales. La Commission a participé activement, au sein du Comité ad hoc mis en place par le Ministère de la justice à l’occasion de la célébration du 60ème anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l’homme, à l’organisation et à la mise en œuvre des activités de sensibilisation dans les établissements scolaires et universitaires, aux sièges des associations et des ONG ainsi qu’à des débats et discussions largement couverts par les médias.

248.Elle a également procédé à des évaluations sommaires de la situation de certains groupes vulnérables grâce aux visites effectuées à la Prison de Djibouti et au camp de réfugiés d’Ali-Adde. La Commission a également organisé, en collaboration avec le Ministère de la justice et le Haut Commissaire aux droits de l’homme, un atelier de formation sur les techniques de rédaction et de soumission des rapports périodiques aux organes créés en vertu des traités et au Conseil des droits de l’homme. Elle est donc très impliquée dans le processus de rédaction et de soumission des rapports périodiques, et elle apporte sa contribution au Comité Interministériel créé en 2008 à cet effet. Enfin, la Commission a mené à leur terme les activités de sensibilisation à la Journée des droits de l’homme du 10 décembre célébrée sous le haut patronage du Premier Ministre et consacrée au thème de la diversité et à la lutte contre les discriminations sous toutes ses formes.

249.La création de la CNDH constitue une étape importante dans l’édification d’un cadre institutionnel djiboutien en faveur de la promotion et de la protection des droits de l’homme. Afin d’accroître l’efficacité des initiatives qui favorisent la jouissance effective des droits de l’homme, les autorités publiques ont insisté sur la nécessité d’entreprendre des actions visant au renforcement de la CNDH et à la reconnaissance de son statut auprès du Comité international de coordination des institutions nationales des droits de l’homme.

Diffusion des instruments relatifs aux droits de l’homme

250.La Convention relative aux droits de l’enfant est sans aucun doute l’instrument international des droits de l’homme le plus diffusé à l’échelle nationale. Outre la traduction de ses dispositions dans les langues nationales (somali, afar), la dissémination du rapport périodique et du texte de la Convention relative aux droits de l’enfant par le Ministère de la justice chargé des droits de l’homme et par l’Unicef a permis la diffusion de 6 300 documents auprès des élus locaux et des organisations non gouvernementales. Ce partenariat a également permis de mener des campagnes de sensibilisation auprès des collégiens ainsi que de publier et diffuser 3 000 brochures sur cet instrument.

251.Le Ministère de la justice a élaboré et fait imprimer 1 000 exemplaires d’un dossier documentant les principales dispositions nationales et internationales pertinentes en matière de droits de l’homme. Ce jeu documentaire a été distribué aux stagiaires du corps pénitentiaire à l’issue de leur formation sur les droits de l’homme.

252.Le Ministère de la justice chargé des droits de l’homme, en collaboration avec la CNDH et grâce au financement de la coordination du système des Nations Unies et grâce au bureau régional du Haut Commissaire aux droits de l’homme, a procédé à la remise de documents relatifs aux instruments internationaux des droits humains aux représentants des ministères publics et de la société civile, ainsi qu’à des magistrats, des avocats et des agents des forces de l’ordre.

253.Même si ce constat sur l’état de diffusion des instruments internationaux des droits de l’homme ne prend pas en compte les initiatives prises par tous les départements ministériels, qui lors de la promotion de leur politique sectorielle sont amenés à publier et à diffuser des supports se rapportant à certains aspects de ces instruments, la publication, la traduction et la diffusion des textes fondamentaux à l’échelle nationale, régionale et internationale méritent d’être développées davantage.

Éducation et formation aux droits de l’homme

254.Afin de renforcer les compétences des agents de l’administration publique et de la société civile en matière des droits de l’homme, diverses activités ont été entreprises par les départements ministériels chargés de la promotion et de la protection des droits humains avec la collaboration des partenaires au développement.

255.Le Ministère de la promotion de la femme a entrepris de nombreuses actions de sensibilisation du personnel de la police au Code de la famille de 2002. principale législation nationale qui réorganise en faveur des groupes vulnérables le droit de la famille et intègre des dispositions de la Convention relative aux droits de l’enfant et de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, afin de mieux faire connaître les questions relatives aux droits de l’enfant et de la femme et de développer davantage de comportements et de pratiques professionnels d’élimination des discriminations. Couvrant l’ensemble du territoire national, les différentes mesures prises dans ce sens permettent la diffusion de quelque 6 000 exemplaires du Code. Le Ministère de la justice, avec l’appui de l’UNICEF, dispense des formations aux juges du tribunal du statut personnel établi à cet effet destinées à les familiariser avec les normes nationales et internationales en matière des droits de l’homme. Les responsables des différentes instances de la justice qui ont participé à la préparation et à la mise en œuvre des modules de formation sont chargés de veiller à l’application concrète des principes dispensés dans ce domaine.

256.L’éducation aux droits de l’homme était déjà incorporée dans les enseignements scolaires du primaire et dans ceux des professionnels de l’éducation civique autour de principes et de notions portant essentiellement sur la Convention relative aux droits de l’enfant. Djibouti, qui est partie aux Conventions de Genève, a désormais franchi une nouvelle étape dans la promotion des droits humains en entreprenant d’intégrer le projet sur l’enseignement du droit humanitaire dans les programmes officiels d’histoire-géographie du collège. Le Ministère de l’éducation nationale et le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) ont ainsi mis en place plusieurs formations pour les enseignants et mis à la disposition de ces derniers des coffrets pédagogiques intitulés «Explorons le Droit Humanitaire» (EDH). L’introduction de l’éducation humanitaire dans les manuels scolaires d’histoire-géographie est un atout supplémentaire pour sensibiliser les adolescents aux questions relatives à l’application du droit international humanitaire et aux enjeux de l’action humanitaire menée au nom de la dignité humaine. Des manuels scolaires adaptés à EDH ont été conçus pour les élèves et les enseignants des classes de 8ème et de 9ème au Centre de Recherche, d’Information et de Production de l’Éducation Nationale (CRIPEN).

Malgré les progrès réalisés par le Ministère pour s’acquitter de ses obligations en matière de diffusion et d’enseignement des concepts véhiculés par les différents instruments internationaux des droits de l’homme, il convient de soutenir les actions menées en vue de promouvoir de manière planifiée et efficace l’éducation et la formation aux droits humains dans tous les enseignements et auprès de tout le personnel du système éducatif.

257.Le Ministère de la justice chargé des droits de l’homme a initié à l’intention des agents pénitentiaires un programme de formation en vue de développer leurs compétences et d’amener les stagiaires professionnels à remplir efficacement leurs fonctions et leurs devoirs dans le respect des droits de la personne humaine. Conçu dans une démarche collégiale associant divers praticiens expérimentés dans les domaines concernés et des techniques appropriées, cet enseignement effectif aux droits de l’homme a permis au personnel pénitentiaire de disposer d’un ensemble documentaire constitué des différents instruments nationaux, régionaux et internationaux des droits de l’homme relatifs à l’administration de la justice, des règles relatives aux attributions des agents des prisons, des recommandations pratiques, des thèmes de réflexion et des études de cas.

258.Les parlementaires ont bénéficié de formation aux droits de l’homme en vue d’outiller les membres de l’instance délibérative et leur permettre de mieux assurer son rôle de premier plan dans la promotion et la protection des droits de la personne humaine. Les interventions ont privilégié l’acquisition de connaissances générales sur les principaux instruments internationaux, régionaux et textes de droit interne, sur le rôle des institutions de défense des droits de l’homme, sur les politiques sectorielles (enfants, femmes, personnes âgées) du Gouvernement et leur impact sur la promotion et la promotion des droits de l’homme au niveau national. Les ateliers de réflexion centrés sur les transformations institutionnelles à opérer pour une prise en compte effective des droits de l’homme dans les politiques gouvernementales ont permis de formuler des recommandations et suggestions.

Action de sensibilisation aux droits de l’homme par le canal des médias

259.Les médias jouent un rôle primordial dans la promotion des droits de l’homme à Djibouti et les différents acteurs engagés dans ce domaine les associent à toutes leurs actions. Les journalistes, dont le statut a été revalorisé, ont bénéficié de formations sur les instruments internationaux de droits de l’homme. Bien que les organes d’information relèvent essentiellement de la sphère publique, ils mettent régulièrement en ligne sur Internet leurs informations. La radio et la télévision contribuent fortement aux activités de sensibilisation aux droits de l’homme à travers leurs journaux, débats et discussions, et émissions spéciales présentées dans les langues nationales.

Rôle de la société civile, dont les organisations non gouvernementales

260.De nombreuses organisations de la société civile œuvrent pour la promotion et la protection des droits de l’homme. Malgré leur émergence récente, elles entreprennent de multiples activités tournées vers la prévention et la sensibilisation, la dénonciation, les recommandations et l’assistance aux groupes vulnérables. Elles jouent un rôle essentiel en tant que partenaires indispensables à l’exécution des politiques publiques, notamment pour la mobilisation sociale et la mise en œuvre de projets communautaires.

261.Il nous a été difficile de disposer d’informations suffisamment désagrégées et fiables permettant d’évaluer le montant des crédits budgétaires consacrés expressément à la mise en œuvre des obligations souscrites dans le domaine des droits de l’homme. Il en est de même pour la coopération et l’assistance dans le domaine du développement.

Les contraintes à la mise en œuvre des droits de l’homme

262.Les facteurs qui entravent une plus grande mise en œuvre des obligations internationales relatives aux droits de l’homme relèvent surtout des facteurs suivants:

Le poids des traditions qui mine les efforts en faveur des droits des femmes et des enfants;

L’insuffisance des médias qui handicape la large diffusion des connaissances en matière de droits de l’homme;

L’analphabétisme élevé chez les adultes, particulièrement dans les zones rurales;

Le manque de formation en matière de droit de l’homme;

L’insuffisance structurelle de la société civile;

L’incorporation insuffisante des conventions internationales dans le droit interne;

L’insuffisance du système de protection des droits de l’homme;

Le manque criant de moyens dans les administrations en charge de la protection et de la promotion des droits de l’homme.

D.Processus d’établissement des rapports

Structure de coordination nationale en place pour l’établissement des rapports au titre des instruments internationaux

263.Conformément au plan d’action mettant en œuvre les recommandations de l’atelier sur les perspectives de renforcement des droits de l’homme (mai 2004), un Comité Interministériel pour la rédaction et la soumission des rapports périodiques aux organes créés en vertu des traités et au Conseil des droits de l’homme a été mis en place pour remédier au retard enregistré par le pays dans ce domaine. L’élaboration du document de base de Djibouti s’est effectuée avec l’appui du Comité dont les membres sont des cadres supérieurs issus des principaux secteurs publics impliqués dans le domaine des droits de l’homme, des parlementaires et des représentants de la société civile. Les remarques du Comité ont enrichi le rapport en y mentionnant les mesures récentes prises par les départements administratifs et permis de se conformer davantage au respect des directives relatives à la rédaction des rapports. Un sous-comité créé au sein de cet organisme a procédé à la recherche, à la collecte et à la mise à disposition des données nécessaires à l’élaboration du présent document.

264.Le présent document sera validé à l’issu d’un atelier réunissant l’ensemble des acteurs engagés dans les questions relatives aux droits de l’homme. Le rapport finalisé sera ensuite transmis aux autorités institutionnelles telles que le Parlement, le bureau du médiateur, la CNDH pour information. On procédera également à une large dissémination de son contenu auprès du public, des élus locaux et des ONG sur l’ensemble du territoire national et par le biais de tous les moyens d’information nécessaires.

265.Après l’examen de ce document, un atelier de restitution des observations et conclusions finales des organes créés en application des instruments internationaux sera organisé pour sensibiliser les différents acteurs à leur intégration dans la planification et la mise en œuvre de leur politique respective. Une large diffusion en sera faite par les organes d’information de masse pour le faire connaître de toute la population en le diffusant notamment dans les langues nationales.

E.Autres informations relatives aux droits de l’homme

266.La participation de la République de Djibouti aux différentes conférences internationales permet au pays de prendre connaissance puis de souscrire aux nouvelles normes de protection et de promotion des droits de l’homme. Afin de s’acquitter de ses engagements vis-à-vis des organes chargés du suivi de ces instruments internationaux, Djibouti a procédé à l’élaboration de déclarations se rapportant à l’application des programmes et à l’atteinte des objectifs fixés par ces conventions. Djibouti a ainsi pu établir différentes communications relatives aux conventions sur l’environnement (changements climatiques, biodiversité, désertification) et au Programme d’action de Beijing. Ce dernier a pour objectif la promotion de la femme.

267.En conséquence, depuis le processus d’adhésion jusqu’à la soumission du rapport aux organes conventionnels, les contenus des différents traités ont fait l’objet de nombreux débats et réflexions; ils ont permis de concevoir des documents de planification indispensables à la mise en œuvre de la politique sectorielle (éducation, santé, eau et assainissement, habitat, etc.) et de mettre en place les législations nationales susceptibles de consolider la protection des droits dans les domaines concernés.

268.Plus concrètement, les principaux documents orientant les politiques nationales, comme le DSRP et l’INDS, tiennent compte de ces cadres internationaux dont les objectifs, à l’instar des OMD, sont conformes à ceux du Sommet du millénaire.

IV.Informations sur la non-discrimination, l’égalité et les recours utiles

269.Pour garantir l’égalité et combattre la discrimination sous toutes ses formes, la mise en place d’un train de mesures législatives, administratives et juridiques et la mise en œuvre de multiples actions ont permis à Djibouti d’enregistrer des progrès notables durant cette dernière décennie. De par son caractère fondamental, le principe d’égalité est inscrit dans la Constitution et développé dans plusieurs textes de droit interne. L’application des traités internationaux relatifs aux droits de l’homme ratifiés par Djibouti, par le biais de la transposition de leurs dispositions pertinentes dans la législation nationale et du fait de la place privilégiée que leur accorde la Loi fondamentale, renforce le cadre juridique national garantissant la non-discrimination et l’égalité.

270.Dans l’ordre juridique djiboutien, l’égalité est affirmée par la Constitution de 1992, qui précise en son article 1er que Djibouti assure l’égalité de tous devant la loi, sans distinction de langue, d’origine, de race, de sexe ou de religion. La Constitution conforte en outre cette égalité dans son article 10 (titre II, droits et devoirs de la personne humaine) qui dispose que tous les êtres humains sont égaux devant la loi. La Loi suprême de l’État consacre l’égalité comme un droit fondamental de l’homme et partant tous les individus possèdent indistinctement les mêmes droits et bénéficient des mêmes traitements. Elle s’oppose donc à toutes les discriminations fondées sur la dimension citoyenne de l’individu, le niveau de richesse ou la condition sociale et culturelle.

271.La Loi fondamentale assigne aux autorités institutionnelles, législatives, exécutives et judiciaires la responsabilité de mettre en œuvre les principes d’égalité garantis par la Constitution et son préambule. Outre le Conseil constitutionnel, le dispositif qui permet de veiller au respect du droit d’égalité et de non-discrimination s’est renforcé avec la mise en place de la Commission nationale sur les droits de l’homme et de l’instance du médiateur qui interviennent dans les situations de violations et de la Cour des comptes et de disciplines budgétaires chargée de lutter contre la corruption.

272.Le Code pénal, en son article 390, reprend dans le détail les différentes réalités que recouvre l’égalité et précise que la discrimination est constituée par toute distinction opérée entre les personnes physiques en raison de leur origine, leur sexe, leur situation de famille, leur état de santé, leur handicap, leurs mœurs, leurs opinions politiques, leurs activités syndicales, leur appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée. Ces actes discriminatoires sont sanctionnés par des peines d’emprisonnement. Pour rendre effectif le droit à l’égalité, diverses mesures issues des Assises des États généraux de la justice tendent à réformer le système judiciaire et à l’adapter aux mutations de la société. Celles-ci se concrétisent par le renforcement de la situation salariale des magistrats, la consolidation de leur statut, l’amélioration des moyens budgétaires alloués au fonctionnement de la justice et des conditions de travail du personnel et par l’effort de codification de la législation. Les actions pour améliorer les performances du système se sont également traduites par un recrutement massif en personnel (magistrats, greffiers, agents pénitentiaires, etc.) et la mise en place de formations théoriques et pratiques indispensables.

273.Comme nous l’avons indiqué plus haut, les autorités djiboutiennes sont particulièrement sensibles à la promotion du droit à l’égalité des groupes vulnérables (les enfants, les individus ayant des besoins spéciaux, les personnes âgées et les femmes) et s’attachent à leur assurer une protection suffisante en matière de droits de l’homme à travers de multiples initiatives juridiques, économiques et sociales. La situation de la femme fut longtemps marquée pour ce groupe, représentant près de la moitié de la population du pays, par un cumul de facteurs handicapants (analphabétisme, pauvreté) les confinant aux marges du développement national.

274.Pour remédier à cette situation et honorer ses engagements internationaux, le cadre juridique général favorable à la promotion des droits fondamentaux de la femme est complété par d’autres textes législatifs et réglementaires concourant à son épanouissement dans les domaines spécifiques de l’éducation, la santé, la justice, l’emploi et l’économie.

275.Pour traduire dans les faits l’égalité en droit dont jouissent les femmes, de nombreux efforts sont déployés en vue d’accélérer l’évolution de la situation en matière des droits de la femme.

276.Dans ce cadre, le Ministère de la promotion de la femme institué en 1999 met en œuvre la stratégie nationale d’intégration de la femme dans le développement. La mise en place de ce département marque le début de la participation de la femme à l’exécutif alors que les lois relatives au système de quotas dans les fonctions électives et l’administration publique cherchent à mieux associer la femme à la prise de décision. Ces mesures permettent une meilleure représentation des femmes à l’Assemblée nationale et dans les instances régionales et municipales.

277.Dans le domaine privé, le Code de la famille et la mise en place du tribunal de statut personnel améliorent sensiblement la réglementation relative au mariage et aux pensions alimentaires. Les femmes magistrats représentent 20 % des juges de la nouvelle institution.

278.Afin de protéger les femmes dans les mêmes conditions que les hommes devant les tribunaux, les dispositions du Code pénal réprimant la violence que constituent les mutilations génitales féminines ont été modifiées afin de leur assurer une plus grande applicabilité. L’initiative est accompagnée de campagnes de sensibilisation visant à mieux faire connaître la loi et éduquer le public sur les discriminations à l’égard des femmes.

279.La création d’une cellule d’écoute (mars 2008) au siège de l’Union nationale des femmes djiboutiennes est motivée par le souci de rendre effectif au quotidien le droit à l’égalité et s’inscrit dans la lutte contre les violences exercées contre les femmes. Cette structure, grâce à son numéro vert, recueille,, informe et oriente les victimes de violences conjugales, auxquelles est apporté un soutien psychologique, afin de faire valoir leurs droits y compris celui de déposer une plainte auprès de la Gendarmerie ou la Police nationale. Elle est dirigée par un Comité technique de pilotage constitué du Ministère de la promotion de la femme, de l’Union nationale des femmes djiboutiennes et travaille en étroite collaboration avec les comités de quartier ainsi que les brigades de Gendarmerie ou de Police. L’accompagnement psychologique, administratif et judiciaire des victimes permet aux femmes et aux jeunes filles de moins subir les pressions familiales et sociales ou les considérations traditionnelles. Depuis sa création, la cellule a traité de nombreuses affaires matrimoniales qui relevaient essentiellement de divorce et des problèmes sociaux.

280.D’autres mesures cherchent à combattre les disparités socioéconomiques et géographiques que connaissent les femmes. Les principaux documents nationaux orientant les différentes interventions de tous les acteurs en matière de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale comme l’Initiative nationale pour le développement social prennent en compte la dimension genre. Dans cet esprit, des actions permettant l’autonomisation de la femme sont promues à travers l’accès à l’emploi, à la formation et à l’éducation, au crédit et à la micro-finance. Les ministères publics et les ONG avec l’appui des partenaires au développement mettent en œuvre des programmes d’aide et d’assistance pour faciliter l’accès des populations rurales aux services sociaux de base et aux activités génératrices de revenus.