Observations finales concernant les huitième et neuvième rapports périodiques de la République démocratique populaire lao *
Le Comité a examiné le rapport valant huitième et neuvième rapports périodiques de la République démocratique populaire lao (CEDAW/C/LAO/8-9) à ses 1647e et 1648e séances (voir CEDAW/C/SR.1647 et CEDAW/C/SR.1648), le 2 novembre 2018. La liste de points établie par le Comité figure dans CEDAW/C/LAO/Q/8-9 et les réponses de l’État partie, dans CEDAW/C/LAO/Q/8‑9/Add.1.
A.Introduction
Le Comité accueille avec satisfaction le rapport valant huitième et neuvième rapports périodiques de l’État partie. Il le remercie de son rapport de suivi des précédentes observations finales du Comité (CEDAW/C/LAO/CO/7/Add.1) et des réponses écrites apportées à la liste de points établie par le groupe de travail d’avant session, complétées oralement par la délégation, et des éclaircissements complémentaires donnés en réponse aux questions orales posées par le Comité pendant le dialogue.
Le Comité remercie l’État partie d’avoir envoyé une délégation de haut niveau, conduite par le Ministre du cabinet du Premier Ministre et Vice-Président de la Commission nationale pour la promotion des femmes, des mères et des enfants, M. Alounkeo Kittikhoun. La délégation comprenait aussi des représentants de la Commission nationale pour la promotion des femmes, des mères et des enfants, du Ministère des affaires étrangères et de la Mission permanente de la République démocratique populaire lao auprès de l’Office des Nations Unies et des autres organisations internationales à Genève.
B.Aspects positifs
* Adoptées par le Comité à sa soixante et onzième session (22 octobre-9 novembre 2018).
Le Comité salue les progrès accomplis depuis l’examen, en 2009, du rapport valant sixième et septième rapports périodiques de l’État partie (CEDAW/C/LAO/7) au regard des réformes législatives, en particulier l’adoption des lois suivantes :
a)La loi modifiée relative au Bureau du Procureur (2017) et la loi relative à l’examen des pétitions (2015), prévoyant le droit d’adresser des plaintes et des pétitions ;
b)La loi relative à la lutte contre la traite d’êtres humains (2016) ;
c)La version révisée de la Constitution (2015), qui prévoit l’égalité de tous devant la loi, quel que soit le sexe ;
d)La loi relative à la prévention et à la répression de la violence à l’égard des femmes et des enfants (2015), érigeant en infraction le viol conjugal et interdisant la discrimination directe et indirecte à l’égard des femmes ;
e)La loi modifiée relative au budget de l’État (2015), qui garantit l’égalité des genres dans les dépenses budgétaires de l’État ;
f)La loi modifiée relative à l’éducation (2015), garantissant l’égalité d’accès à l’éducation aux femmes et aux filles ;
g)La loi relative à la fonction publique (2015) et la loi modifiée sur le travail (2013), garantissant l’égalité entre les femmes et les hommes en matière d’emploi, et comportant des dispositions relatives aux femmes dans les domaines de la sécurité au travail, de la santé, des prestations de maternité et de la protection de la maternité ;
h)La loi relative à la sécurité sociale (2013), permettant aux femmes et aux hommes travaillant dans le secteur non structuré de l’économie de contribuer à titre volontaire à la protection sociale ;
i)La loi relative à l’Union des femmes (2013), définissant le mandat, les droits et les devoirs de l’Union des femmes lao ;
j)La loi relative à l’élaboration des politiques (2012), prévoyant la modification de toute législation nationale incompatible avec les instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme ;
k)La loi modifiée de procédure pénale (2012), reconnaissant l’égalité des femmes et des hommes devant la loi et les tribunaux populaires ;
l)La loi relative à l’hygiène, à la prévention des maladies et à la promotion de la santé (2011), garantissant le droit de toutes les femmes d’accéder à des services de santé, notamment à des soins obstétriques ;
m)La loi relative aux statistiques (2010), prévoyant la collecte de données ventilées par genre.
Le Comité salue les efforts déployés par l’État partie en vue d’améliorer son cadre institutionnel et politique et ainsi d’accélérer l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes et promouvoir l’égalité des genres, notamment par :
a)L’adoption de la troisième stratégie nationale pour l’égalité des genres pour la période 2016-2025 et de la troisième phase du plan d’action quinquennal pour l’égalité des genres pour la période 2016-2020 ;
b)L’intégration, au huitième plan national quinquennal de développement socioéconomique pour la période 2016-2020, de mesures, y compris des mesures temporaires spéciales, visant à promouvoir les droits fondamentaux des femmes et leur participation à l’emploi et à la vie politique et publique ;
c)L’adoption d’un plan d’action en vue de l’application de la stratégie relative à la santé procréative et à la santé maternelle, néonatale et infantile pour la période 2016-2025 ;
d)L’adoption d’un plan d’action national sur la prévention et l’élimination de la violence à l’égard des femmes et des enfants pour la période 2014-2020 ;
e)L’adoption, en 2014, du décret no 137 relatif aux personnes handicapées, garantissant l’égalité des droits pour les femmes handicapées ;
f)L’adoption de la Stratégie pour la promotion des femmes du Ministère de l’éducation et des sports (2014-2015), de la Stratégie pour la promotion des femmes du Ministère de l’agriculture et des forêts (2011-2015) et de la Stratégie pour la promotion des femmes du Ministère des travaux publics et des transports (2014-2025), et la mise en place du plan d’action pour la promotion de l’égalité des genres du Projet pour l’eau et l’assainissement dans les petites villes du Ministère des travaux publics et des transports ;
g)L’adoption de la Stratégie pour la promotion de l’égalité des genres en matière de gouvernance (2012-2015) ;
h)L’adoption de la deuxième Stratégie quinquennale pour la promotion des femmes (2011-2015) ;
i)La création, en 2010, du Caucus des femmes de l’Assemblée nationale et la mise en place du plan d’action national relatif au Caucus des femmes de l’Assemblée nationale pour la période 2011-2015 ;
j)L’adoption, en 2010, du décret no 509 relatif à la promulgation de la politique nationale d’éducation et la mise en place du plan d’action national en faveur de l’éducation pour tous (2003-2015) visant notamment à réduire et à éliminer les écarts entre les filles et les garçons dans les taux de scolarisation et d’obtention de diplômes.
Le Comité constate avec satisfaction que, durant la période écoulée depuis l’examen du précédent rapport, l’État partie a ratifié les instruments internationaux et régionaux ci-après, ou y a adhéré :
a)La Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, en 2012 ;
b)Le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, en 2009 ;
c)La Convention relative aux droits des personnes handicapées, en 2009 ;
d)La Convention de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est contre la traite des êtres humains, en particulier des femmes et des enfants, en 2017 ;
e)La Convention de 1990 sur le travail de nuit (no 171), de l’Organisation internationale du Travail, en 2014 ;
f)La Convention de 1976 sur les consultations tripartites relatives aux normes internationales du travail (no 144), de l’Organisation internationale du Travail, en 2010.
Objectifs de développement durable
Le Comité accueille avec satisfaction l’appui apporté par la communauté internationale aux objectifs de développement durable et invite l’État partie à réaliser l’égalité effective (de jure et de facto) des femmes et des hommes, conformément aux dispositions de la Convention, dans tous les aspects de la mise en œuvre du Programme de développement durable à l’horizon 2030. Il rappelle l’importance de l’objectif 5 et de l’intégration des principes d’égalité et de non-discrimination dans l’ensemble des 17 objectifs. Il demande instamment à l’État partie de reconnaître que les femmes sont la force motrice de son développement durable et d’adopter des politiques et des stratégies à cet effet.
C.Parlement
Le Comité souligne le rôle essentiel du pouvoir législatif s’agissant de garantir la pleine mise en œuvre de la Convention (voir A/65/38 , deuxième partie, annexe VI). Il invite l’Assemblée nationale, dans le cadre de son mandat, à prendre les mesures nécessaires en vue de mettre en œuvre les présentes observations finales avant la soumission du prochain rapport périodique, en application de la Convention.
D.Principaux sujets de préoccupation et recommandations
Visibilité de la Convention
Le Comité note avec satisfaction que diverses formations et activités de sensibilisation visant à mieux faire connaître la Convention, y compris par l’intermédiaire des médias, ont été dispensées par l’État partie. Il note toutefois avec inquiétude que les femmes, en particulier celles qui vivent en milieu rural ou dans les régions les plus reculées, connaissent très peu les droits que leur reconnaît la Convention et les recours prévus en cas de violation de leurs droits.
Le Comité recommande à l’État partie :
a) De redoubler d’efforts afin de mieux informer les femmes, en particulier les femmes vivant en milieu rural, les femmes appartenant aux minorités ethniques, les migrantes, les femmes âgées et les femmes handicapées, des droits que leur reconnaît la Convention et des recours prévus en cas de violation de ces derniers, par exemple en allouant des ressources suffisantes à la traduction des lois pertinentes en langue locale et à la diffusion de celles-ci dans l’ensemble du territoire de l’État partie, notamment à travers différents organes de presse, tels que la radio ;
b) De s’efforcer de faire mieux connaître et comprendre la Convention et la question de l’égalité des genres auprès des parties prenantes concernées, notamment les responsables gouvernementaux, les parlementaires, les responsables de l’application des lois, les juristes, les membres des groupes de médiation des villages et les organisations de femmes, afin de mieux faire usage de la Convention dans l’élaboration et l’application de toutes les lois et politiques et de tous les programmes visant à instaurer une égalité réelle entre les femmes et les hommes.
Cadre constitutionnel, législatif et politique
Le Comité constate avec satisfaction que l’État partie a pris de nombreuses mesures législatives, administratives et stratégiques en vue de garantir l’égalité entre les femmes et les hommes et d’interdire la discrimination fondée sur le genre. Il s’inquiète toutefois de la mise en œuvre insuffisante de ces mesures, ainsi que de l’absence d’informations sur les poursuites et les décisions de justice relatives à la discrimination fondée sur le genre à l’égard des femmes.
Le Comité recommande à l’État partie :
a) De veiller à ce que l’interdiction de la discrimination à l’égard des femmes s’accompagne de mécanismes d’application appropriés ainsi que de sanctions, et à ce que des ressources humaines, techniques et financières suffisantes soient allouées à cet effet ;
b) De renforcer l’égalité réelle entre les femmes et les hommes en veillant à ce qu’une réponse adéquate soit apportée à la discrimination fondée sur le genre à l’égard des femmes, et d’assurer l’application de la législation interdisant ces formes de discrimination à l’égard des femmes et des filles.
Accès à la justice
Le Comité accueille avec satisfaction les mesures législatives prises par l’État partie en vue de garantir le droit des femmes de porter plainte et d’accéder à la justice, ainsi qu’à leur permettre de recevoir une aide juridictionnelle gratuite auprès de l’ordre des avocats lao. Il est toutefois préoccupé par :
a)Les obstacles qui continuent de dissuader les femmes et les filles de porter plainte lorsqu’elles sont victimes de discrimination ou de violence fondée sur le genre, y compris de violence familiale, de viols conjugaux ou de harcèlement sexuel, tels que la stigmatisation, la peur des représailles, les stéréotypes de genre discriminatoires profondément ancrés dans les mentalités et le manque de connaissances juridiques ;
b)Le manque d’informations quant à l’effet bénéfique des mécanismes de plainte sur l’élimination des stéréotypes de genre et de la discrimination fondée sur le genre à l’égard des femmes dans l’administration de la justice.
Rappelant sa recommandation générale n o 33 (2015) sur l’accès des femmes à la justice, le Comité recommande à l’État partie :
a) De veiller à ce que les femmes aient effectivement accès à la justice, notamment en se dotant de ressources humaines, techniques et financières suffisantes afin de dispenser aux femmes des notions élémentaires de droit, de mettre en place des programmes obligatoires de renforcement des capacités du système judiciaire, des responsables de l’application des lois et des groupes de médiation des villages, et de garantir l’accès gratuit à une aide juridictionnelle et à des services d’interprétation ;
b) De veiller à ce que les femmes victimes de discrimination et de violence fondées sur le genre puissent porter plainte sans craindre de subir des représailles ou d’être stigmatisées et puissent se prévaloir de recours utiles et obtenir un soutien, sous la forme, entre autres, d’une assistance médicale, de services d’appui sociopsychologique et de l’accès à des centres d’accueil ;
c) De suivre et d’évaluer l’incidence sur les femmes de l’action menée pour améliorer l’accès à la justice, y compris l’efficacité des mécanismes de plainte régis par la loi relative à l’examen des pétitions, et de lui communiquer des informations sur ces évaluations dans le prochain rapport périodique.
Mécanismes nationaux de promotion des femmes
Le Comité note que le Caucus des femmes de l’Assemblée nationale, l’Union des femmes lao et la Commission nationale pour la promotion des femmes, des mères et des enfants se sont récemment regroupés afin d’améliorer l’application des lois et des politiques relatives à l’égalité des genres. Il est toutefois préoccupé par l’insuffisance des ressources et des capacités de ces institutions en vue de la coordination et de la mise en œuvre effectives des plans d’action, politiques et programmes relatifs à l’égalité des genres dans tous les domaines et à tous les niveaux de l’administration publique.
Le Comité recommande à l’État partie :
a) De veiller à ce que les mécanismes nationaux de promotion des femmes soient dotés de ressources humaines, techniques et financières suffisantes afin d’élaborer et d’exécuter des politiques et des programmes visant à parvenir à l’égalité des genres, et à ce que leur action soit coordonnée ;
b) De redoubler d’efforts afin d’adopter une méthode de budgétisation tenant compte de la problématique femmes-hommes lors de la répartition des ressources publiques dans le budget national afin de parvenir plus rapidement à l’égalité réelle entre les femmes et les hommes ;
c) De suivre et d’évaluer régulièrement l’incidence des activités de promotion de l’égalité des genres menées par les mécanismes nationaux, y compris en améliorant la collecte de données ventilées par sexe, âge, appartenance ethnique ou autre facteur pertinent, nécessaires pour évaluer l’efficacité des politiques et programmes en matière d’égalité des genres.
Institution nationale de défense des droits de l’homme
Le Comité prend note de la place occupée par divers organismes gouvernementaux dans la promotion et la protection des droits de l’homme, tels que le Comité directeur national des droits de l’homme et la Commission nationale pour la promotion des femmes, des mères et des enfants. Il est toutefois préoccupé par l’absence d’institution nationale de défense des droits de l’homme conforme aux Principes concernant le statut des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l’homme (Principes de Paris), chargé de promouvoir et de protéger efficacement les droits des femmes et l’égalité des genres.
Le Comité recommande une nouvelle fois à l’État partie (voir CEDAW/C/LAO/CO/7 , par. 14) de créer une institution nationale indépendante de défense des droits de l’homme, conformément aux Principes de Paris, pourvue d’un vaste mandat en vue notamment de promouvoir et de défendre les droits des femmes et l’égalité des genres.
Organisations de la société civile et organisations non gouvernementales
Le Comité prend note de l’adoption, en 2012, de la loi relative à l’élaboration des lois, qui introduit les principes de la participation et de la consultation. Il est toutefois préoccupé par le décret no 238 relatif aux associations, adopté en 2017, qui impose des restrictions injustifiées aux activités des organisations non gouvernementales et des associations, en limitant notamment la libre participation des femmes à leurs activités.
Le Comité appelle l’attention sur le rôle majeur des organisations indépendantes de la société civile en matière de promotion, de surveillance et de réalisation progressive des droits des femmes dans l’État partie, et recommande à celui-ci :
a) De revoir les conditions d’enregistrement des organisations de la société civile et des organisations non gouvernementales afin de s’assurer que ces organisations, en particulier celles qui défendent les droits des femmes, puissent mener leurs activités sans restriction injustifiée ;
b) De fournir un appui financier et d’autres formes d’appui au fonctionnement et aux activités des organisations de la société civile et des organisations de femmes, en particulier celles qui viennent en aide, au niveau local, aux femmes et aux filles victimes de discriminations et de violences fondées sur le genre .
Mesures temporaires spéciales
Le Comité accueille avec satisfaction l’adoption, dans le cadre du huitième plan national quinquennal de développement socioéconomique pour la période 2016‑2020, d’objectifs visant à renforcer la représentation des femmes dans la fonction publique, en particulier à l’Assemblée nationale, ainsi que dans le monde du travail. Il est toutefois préoccupé par le fait que les mesures temporaires spéciales aient pour seul objectif de faire augmenter la participation des femmes aux fonctions de décision et par le fait que la plupart des objectifs visant à améliorer la représentation des femmes, fixés entre 20 % et 25 %, ne suffisent pas à produire de véritables changements.
Conformément au paragraphe 1 de l’article 4 de la Convention et à la recommandation générale n o 25 (2004) du Comité sur les mesures temporaires spéciales, le Comité recommande à l’État partie :
a) De sensibiliser les dirigeants politiques à l’égalité des genres, en particulier les parlementaires, les dirigeants locaux et le grand public, surtout les hommes, afin de mieux faire comprendre l’importance des mesures temporaires spéciales, et d’établir les fondements juridiques en vue de l’application de ces mesures ;
b) De se fixer pour objectif d’atteindre au moins 30 % de représentation des femmes, de mettre en place des programmes de sensibilisation et d’appui et d’autres mesures énergiques axées sur les résultats, et d’allouer des ressources suffisantes à la mise en œuvre de mesures temporaires spéciales en vue de parvenir à une égalité réelle entre les femmes et les hommes dans tous les domaines visés par la Convention ;
c) D’encourager l’adoption de mesures temporaires spéciales au niveau local, en particulier dans les domaines de l’éducation, de l’emploi et de la participation politique, afin de répondre aux multiples formes de discrimination contre les femmes, en particulier les femmes vivant en milieu rural, les femmes appartenant à des minorités ethniques, les femmes vivant dans la pauvreté, les femmes chefs de ménage et les femmes handicapées ;
d) De suivre les progrès réalisés dans la mise en œuvre des mesures temporaires spéciales, et de les étendre à tous les domaines visés par la Convention dans lesquels les femmes sont sous-représentées ou défavorisées, comme la santé, l’éducation, l’emploi et l’accès aux prestations économiques et sociales.
Stéréotypes et pratiques néfastes
Le Comité accueille avec satisfaction les mesures prises par l’État partie en vue de combattre les stéréotypes de genre à caractère discriminatoire et les pratiques traditionnelles néfastes contre les femmes et les filles au moyen de campagnes de sensibilisation du public et de programmes de renforcement des capacités à l’intention des fonctionnaires et de la magistrature. Il s’inquiète toutefois de la persistance de stéréotypes de genre à caractère discriminatoire concernant les rôles et les responsabilités des femmes et des hommes au sein de la famille et de la société, qui contribuent à perpétuer des pratiques traditionnelles néfastes telles que le mariage précoce, et entraînent des niveaux élevés de violence fondée sur le genre à l’égard des femmes et des filles, y compris la violence domestique.
Rappelant la recommandation générale/observation générale conjointe n o 31 du Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes et n o 18 du Comité des droits de l’enfant sur les pratiques préjudiciables, et conformément à la cible 5.3 des objectifs de développement durable, le Comité recommande à l’État partie :
a) D’élaborer et d’appliquer une stratégie globale visant à éliminer les stéréotypes de genre discriminatoires, les pratiques préjudiciables et la stigmatisation à l’égard des femmes et des filles victimes de violence fondée sur le genre ;
b) De mettre en place, avec la participation active des femmes et des organisations de femmes, des campagnes de sensibilisation à long terme, s’adressant en particulier aux hommes et aux garçons, mais aussi aux dirigeants locaux, aux chefs de villages, aux médias, aux employeurs et au grand public, afin d’éliminer les stéréotypes de genre discriminatoires et les pratiques traditionnelles néfastes ;
c) De supprimer les stéréotypes de genre discriminatoires qui figurent dans les manuels et les programmes scolaires, d’intégrer des modules obligatoires sur l’éducation aux questions de genre dans les programmes scolaires et d’assurer aux enseignants une formation aux questions de genre ;
d) De suivre l’application des mesures qui ont été prises et d’évaluer leur incidence sur l’élimination des stéréotypes de genre discriminatoires et des pratiques traditionnelles néfastes.
Violence à l’égard des femmes fondée sur le genre
Le Comité accueille avec satisfaction les mesures prises pour lutter contre la violence à l’égard des femmes fondée sur le genre, notamment la criminalisation du viol conjugal et l’élaboration d’un plan d’action national à cet égard. Il note également avec satisfaction les études menées au niveau national sur les violences faites aux femmes, la mise en place de services d’appui sociopsychologique et de centres d’accueil pour les victimes et la mise en œuvre de divers programmes d’éducation et de sensibilisation. Il reste toutefois préoccupé par :
a)Les nombreux cas de violence à l’égard des femmes fondée sur le genre, en particulier de violence familiale, de violence sexuelle et de viols ;
b)Le faible taux de signalement de la violence domestique par les femmes qui en sont victimes, et la stigmatisation sociale que cela implique ;
c)Le recours persistant, bien que non obligatoire, à des modes alternatifs de règlement des litiges, en particulier aux groupes de médiation des villages, pour les affaires de violence domestique et sexuelle ;
d)Le manque de formations dispensées au personnel chargé de l’application des lois, aux professionnels de la santé et aux membres des groupes de médiation des villages sur l’identification de toutes les formes de violence à l’égard des femmes fondée sur le genre et sur la prise en compte des questions de genre dans chaque affaire ;
e)Le nombre limité de centres d’accueil pour les femmes et les filles victimes de violence fondée sur le genre, en particulier de violence domestique, en milieu rural et dans les régions les plus reculées ;
f)Le manque de données, ventilées par âge et type de relation entre la victime et l’auteur, sur les cas de violence à l’égard des femmes fondée sur le genre ayant donné lieu à une enquête et à des poursuites et sur les peines infligées aux auteurs.
Rappelant sa recommandation générale n o 35 (2017) sur la violence à l’égard des femmes fondée sur le genre, portant actualisation de la recommandation générale n o 19, le Comité recommande à l’État partie :
a) De veiller à l’application effective de la législation relative à la violence à l’égard des femmes et des filles fondée sur le genre, en particulier la loi relative à la prévention et à la répression de la violence à l’égard des femmes et des enfants, y compris en allouant des ressources humaines, financières et techniques suffisantes au traitement des plaintes et au fonctionnement des systèmes d’orientation ;
b) D’encourager les femmes et les filles à signaler tout cas de violence fondée sur le genre dont elles sont victimes, notamment en lançant des campagnes de sensibilisation dans les médias ainsi que des campagnes d’éducation publique ;
c) De veiller à ce que les femmes et les filles victimes de violence fondée sur le genre aient directement accès à des recours judiciaires et à des programmes d’aide et de protection des victimes et des témoins, et à ce que les groupes de médiation des villages ne constituent pas un obstacle à l’accès des femmes à la justice formelle, en particulier dans les cas de violence domestique et sexuelle ;
d) De mettre en place des programmes de renforcement des capacités à l’intention des magistrats, des procureurs, des policiers et autres responsables de l’application des lois, des praticiens du droit, du personnel de santé et des membres des groupes de médiation des villages, pour veiller à ce que tous les cas de violence fondée sur le genre fassent l’objet d’enquêtes et de poursuites et à ce que celles-ci tiennent compte des questions de genre ;
e) De veiller à ce que les femmes et les filles victimes de violence domestique, en particulier dans les régions les plus reculées, puissent accéder à des centres d’accueil et à des services d’appui sociopsychologique et obtenir une aide juridictionnelle et des ordonnances de protection contre les partenaires violents ;
f) De procéder systématiquement à la collecte de données sur la violence à l’égard des femmes et des filles fondée sur le genre, en particulier la violence domestique et sexuelle, ventilées selon l’âge, l’appartenance ethnique et la relation entre la victime et l’auteur des actes, ainsi que sur les ordonnances de protection, le nombre de poursuites et les sanctions infligées aux auteurs.
Traite d’êtres humains et exploitation de la prostitution
Le Comité accueille avec satisfaction l’adoption de lois et de plans d’action nationaux sur la traître d’êtres humains, ainsi que la création, en 2011, du Comité directeur national sur la lutte contre la traite d’êtres humains et des divisions de la police chargées de la lutte contre la traite sur l’ensemble du territoire. Il est toutefois préoccupé par :
a)Le risque accru, pour les femmes et les filles vivant en milieu rural ou dans les régions les plus reculées, d’être victimes de la traite d’êtres humains à des fins d’exploitation sexuelle ou de travail forcé, ou sous couvert de mariages fictifs, et par le manque de mesures prises pour s’attaquer aux causes profondes de la traite, telles que la pauvreté et le manque de débouchés économiques ;
b)L’absence de mécanisme officiel de suivi de la traite d’êtres humains et de l’exploitation de la prostitution, ainsi que le manque de mécanismes de détection et d’orientation précoces des victimes ;
c)Le manque de mesures visant à protéger les victimes et à leur fournir les informations et l’appui nécessaires ;
d)L’absence de dispositif législatif permettant de prévenir l’exploitation des femmes pratiquant la gestation pour autrui.
Le Comité recommande à l’État partie :
a) De mener de façon systématique des campagnes de sensibilisation aux risques de traite et à la nature criminelle de cette activité, et de s’attaquer aux causes profondes de la traite et de l’exploitation des femmes et des filles, notamment en offrant aux femmes à risque des possibilités de formations professionnelles et d’autres moyens de se procurer des revenus ;
b) De veiller à la détection précoce de la traite et à l’orientation des victimes vers les services appropriés pour qu’elles reçoivent une assistance et des services de réadaptation, notamment en renforçant la coordination interministérielle grâce à une allocation de ressources suffisante, en mettant en place des programmes obligatoires de renforcement des capacités à l’intention des responsables de l’application des lois et en s’assurant de la participation des organisations de la société civile à la mise en œuvre des plans d’action nationaux ;
c) D’enquêter sur les personnes qui se livrent à la traite d’êtres humains, de les poursuivre et de les sanctionner comme il se doit, en veillant à protéger les femmes et les filles qui en ont été victimes et à leur fournir un accès gratuit et immédiat à des centres d’accueil spécialisés, à des soins médicaux, à des services d’appui sociopsychologique, à une aide juridictionnelle et à des services de réadaptation et de réintégration ;
d) D’adopter un cadre législatif et politique assurant une protection juridique contre l’exploitation des femmes pratiquant la gestation pour autrui .
Le Comité demeure préoccupé par le manque de mesures prises pour aider les femmes et les filles exploitées à des fins de prostitution.
Le Comité réitère sa précédente recommandation ( CEDAW/C/LAO/CO/7 , par. 30) et recommande à l’État partie :
a) D’enquêter sur les personnes qui exploitent les femmes et les filles à des fins de prostitution et de les sanctionner ;
b) De mener des études sur la prévalence de la prostitution dans l’État partie afin de recenser les causes profondes de celle-ci et de s’y attaquer ;
c) De fournir une assistance, notamment des soins de santé, et de mettre en place des programmes de réadaptation et de réintégration à l’intention des femmes et des filles exploitées à des fins de prostitution, ainsi que des programmes destinés à encourager les femmes à abandonner la prostitution.
Participation à la vie politique et publique
Le Comité se félicite de l’augmentation de la proportion de femmes à l’Assemblée nationale et dans la magistrature, et de la volonté que continue de manifester l’État partie d’augmenter la participation des femmes aux prises de décisions politiques, comme en témoignent un certain nombre de mesures prises pour les encourager à participer. Le Comité demeure néanmoins préoccupé par le faible nombre de femmes occupant des postes de décision aux niveaux local et provincial, seuls 8 % des postes de gouverneur adjoint de province et 6 % des postes de maire de district étant occupés par des femmes.
Le Comité recommande à l’État partie :
a) D’établir des procédures claires en vue de l’application des mesures temporaires spéciales, notamment celles qui ont été exposées dans le huitième plan national quinquennal de développement socioéconomique pour la période 2016-2020, afin d’assurer l’égalité des genres dans les nominations aux postes de décision au sein du Gouvernement, du service diplomatique, de la magistrature, de la police et des forces militaires ;
b) De mettre en place des programmes de formation et de renforcement des capacités à l’intention des femmes souhaitant entrer en politique ou occuper des fonctions publiques de tout niveau, y compris local, et des postes à haute responsabilité ;
c) De sensibiliser les responsables politiques, les dirigeants locaux et le public en général sur le fait que la participation entière, égale, libre et démocratique des femmes à la vie publique et politique au même titre que les hommes est indispensable à la mise en œuvre effective de la Convention.
Nationalité
Le Comité félicite l’État partie pour son cadre juridique régissant l’acquisition de la nationalité. Il est toutefois préoccupé par le faible taux d’enregistrement des naissances, en particulier en milieu rural et au sein des minorités ethniques.
Le Comité recommande à l’État partie de redoubler d’efforts pour faciliter l’enregistrement des enfants à la naissance, en temps voulu, en particulier dans les régions rurales et reculées, en menant des campagnes de sensibilisation, en éliminant les barrières linguistiques et en déployant des unités mobiles d’état civil.
Éducation
Le Comité accueille avec satisfaction les mesures prises en vue d’améliorer l’accès à l’éducation et les taux d’alphabétisation et de scolarisation des femmes et des filles. Il est toutefois préoccupé par :
a)L’accès limité à l’enseignement primaire et secondaire pour les filles, attribuable en partie aux frais indirects liés à l’éducation, aux tâches ménagères qu’elles doivent effectuer, à la barrière de la langue et à la persistance d’attitudes patriarcales et de stéréotypes de genre discriminatoires concernant le rôle et les responsabilités des femmes au sein de la famille et de la société ;
b)L’absence de données relatives au taux d’abandon scolaire des filles pour cause de grossesse et le manque de mesures visant à s’assurer qu’elles retournent à l’école et poursuivent leur scolarité après leur accouchement ;
c)La part anormalement faible de femmes et de filles dans les écoles professionnelles et dans l’enseignement supérieur, en particulier dans les filières non traditionnelles, comme les sciences, la technologie, l’ingénierie et les mathématiques ;
d)Le taux élevé d’analphabétisme chez les femmes et les filles, en particulier dans certains groupes ethniques, et les résultats du recensement de la population et de l’habitat effectué en 2015, qui témoignent du faible niveau de scolarisation et d’instruction des femmes et des filles ;
e)L’insuffisance de l’offre d’enseignement interculturel pour les filles appartenant aux minorités ethniques.
Conformément à sa recommandation générale n o 36 (2017) sur le droit des filles et des femmes à l’éducation, le Comité recommande à l’État partie :
a) De veiller à ce que toutes les femmes et les filles, en particulier celles qui vivent en milieu rural et dans les régions les plus reculées, aient accès à l’éducation, en supprimant les frais indirects liés à l’éducation et en imposant des sanctions en cas de non-respect de ces dispositions, en adaptant les méthodes éducatives pour pouvoir concilier activités scolaires et tâches ménagères, en améliorant la qualité de l’enseignement et des infrastructures scolaires et en renforçant les capacités des enseignants à dispenser un enseignement interculturel ;
b) D’éliminer les stéréotypes discriminatoires qui empêchent les filles d’accéder à l’éducation et de sensibiliser les parents et les dirigeants locaux à l’importance de l’éducation pour les femmes ;
c) D’adopter des stratégies visant à encourager et à suivre les inscriptions dans les écoles, la fréquentation scolaire, la poursuite des études et la réinsertion après un décrochage scolaire, sur la base de données ventilées par sexe, lieu, âge, type d’école et appartenance ethnique, à tous les niveaux d’enseignement ;
d) D’appliquer des mesures, y compris des mesures temporaires spéciales, visant à accroître le nombre d’inscriptions de femmes et de filles dans l’enseignement secondaire et supérieur et dans des filières non traditionnelles, comme les sciences, la technologie, l’ingénierie et les mathématiques ;
e) De redoubler d’efforts afin de proposer des programmes d’éducation non formelle et d’alphabétisation des adultes, en particulier à l’intention des femmes vivant en milieu rural.
Emploi
Le Comité prend note avec satisfaction des mesures législatives prises pour garantir l’égalité de rémunération pour un travail de valeur égale, interdire la discrimination fondée sur la grossesse ou la maternité et augmenter le salaire minimum. Il prend note également de l’adoption d’un plan d’action visant à promouvoir le travail décent, et des efforts faits en vue de renforcer le système d’inspection du travail. Le Comité est toutefois préoccupé par :
a)La persistance de la ségrégation au travail, dans les rapports horizontaux et verticaux, l’écart de rémunération entre les genres, le fait que les femmes travaillent généralement plus d’heures que les hommes et l’application limitée et l’absence de suivi du principe du salaire égal pour un travail de valeur égale ;
b)La concentration de femmes dans le secteur de l’emploi informel et dans des emplois mal rémunérés, par exemple dans l’industrie de l’habillement, où les conditions de travail sont mauvaises et où elles ne sont pas protégées contre la discrimination et l’exploitation ;
c)L’insuffisance de la protection de la maternité, en particulier pour les femmes qui travaillent dans le secteur privé, ce qui compromet la sécurité de l’emploi en cas de grossesse ;
d)L’absence de cadre juridique clair régissant le harcèlement sexuel au travail, et le fait que les femmes ne portent pas plainte pour harcèlement sexuel au travail ;
e)La grande proportion de travailleuses familiales non rémunérées, qui s’explique en partie par le poids des traditions et les stéréotypes discriminatoires quant aux rôles liés au genre, et le niveau d’instruction relativement bas des femmes.
Le Comité recommande à l’État partie :
a) D’améliorer l’accès des femmes à l’emploi formel en renforçant la formation professionnelle pour les femmes, en encourageant un partage équitable des tâches domestiques et des responsabilités familiales entre les femmes et les hommes, et en veillant au respect, dans tous les secteurs, du principe d’un salaire égal pour un travail de valeur égale ;
b) De surveiller et d’améliorer les conditions de travail des femmes dans les secteurs informel et privé, notamment en menant régulièrement des inspections du travail afin de lutter contre l’exploitation des femmes par le travail, et en surveillant l’application du salaire minimum dans tous les secteurs, et étudier la possibilité d’élargir le champ d’application du programme relatif aux normes de travail dans le secteur de l’habillement et dans d’autres secteurs ;
c) D’adopter un programme de financement des prestations de maternité dans le secteur privé, afin d’éviter que les femmes risquent de perdre leur emploi en cas de grossesse ;
d) De modifier l’article 83 de la loi relative au travail afin d’y faire figurer une définition du harcèlement sexuel et d’imposer des sanctions aux auteurs de ces actes, et d’adopter des mesures visant à prévenir le harcèlement sexuel sur le lieu de travail, notamment en mettant en place un système de dépôt de plaintes confidentielles et en veillant à ce que les victimes aient effectivement accès à des mesures de compensation ;
e) De prendre en compte, réduire et redistribuer la charge de soins et de travaux domestiques non rémunérés qui pèse sur les femmes, en investissant dans les infrastructures et les services sociaux, tels que les soins aux enfants, les soins aux personnes âgées, les soins de santé, l’éducation et les transports, conformément à la recommandation générale n o 17 (1991) sur l’évaluation et la quantification du travail ménager non rémunéré des femmes et la prise en compte dudit travail dans le produit national brut ;
f) D’envisager de ratifier la Convention de 2011 sur les travailleuses et travailleurs domestiques ( n o 189) de l’Organisation internationale du Travail, la Convention de 2000 sur la protection de la maternité ( n o 183) et la Convention de 1981 sur les travailleurs ayant des responsabilités familiales ( n o 156).
Santé
Le Comité accueille avec satisfaction les mesures prises en vue d’améliorer l’accès des femmes aux services de santé, y compris la mise en place d’une aide financière pour les femmes enceintes, le déploiement d’unités de santé fixes et mobiles et l’organisation de campagnes publiques d’éducation à la santé procréative. Il accueille également avec satisfaction les progrès réalisés en vue de réduire la mortalité maternelle et de promouvoir l’utilisation de contraceptifs. Le Comité est toutefois préoccupé par :
a)La persistance de taux élevés de mortalité maternelle, de grossesse précoce et de malnutrition, l’accès limité aux soins de santé prénatale et postnatale et le faible taux de naissances assistées par des soignants qualifiés, en particulier en milieu rural ;
b)Le manque d’enseignement complet et adapté à l’âge du public sur la santé et les droits en matière de sexualité et de procréation, le manque de services de planification familiale et le niveau élevé de besoins contraceptifs non satisfaits chez les femmes non mariées et les filles ;
c)L’absence de renseignements sur la prévalence du cancer du col de l’utérus et du cancer du sein et de toute autre maladie touchant les femmes et les filles ;
d)La criminalisation de l’avortement dans tous les cas, sauf lorsque la vie de la femme enceinte est en danger ;
e)L’absence d’informations sur l’avortement pratiqué dans des conditions dangereuses et ses conséquences sur la santé des femmes, notamment s’agissant de la mortalité maternelle.
Le Comité recommande à l’État partie :
a) D’améliorer la portée et l’accessibilité des services de santé pour les femmes sur tout le territoire et de redoubler d’efforts afin de réduire l’incidence de la mortalité maternelle et de la malnutrition, y compris en formant des sages-femmes et d’autres professionnels de la santé, en particulier en milieu rural ;
b) De veiller à ce que toutes les femmes aient accès à des services de santé sexuelle et procréative de qualité, y compris à des moyens de contraception modernes et à une éducation sexuelle adaptée à leur âge, ainsi qu’à des informations, en langue locale notamment, sur la planification familiale et la prévention des grossesses précoces et des infections sexuellement transmissibles ;
c) De recueillir davantage de données sur la prévalence des cancers du col de l’utérus et du sein dans l’État partie, et de former les professionnels de santé sur le dépistage précoce et le traitement de ces maladies, notamment en milieu rural ;
d) De légaliser l’avortement en cas de menace pour la santé de la femme enceinte, de viol, d’inceste ou d’atteinte grave au fœtus, et le dépénaliser dans tous les autres cas ;
e) De collecter des données ventilées par âge et par région sur les avortements non sécurisés et sur leurs effets sur la santé des femmes, y compris sur la mortalité maternelle, ainsi que sur d’autres problèmes de santé touchant les femmes, comme les problèmes de santé mentale, afin d’évaluer l’état de santé des femmes et d’améliorer les services correspondants.
VIH/sida
Le Comité accueille avec satisfaction les mesures prises par l’État partie, dans le cadre de la loi de 2010 relative au contrôle et à la prévention du VIH/sida et du plan stratégique et plan d’action national relatif au contrôle et à la prévention du VIH, du sida et des infections sexuellement transmissibles pour la période 2011-2015, en vue de prévenir la diffusion du VIH, du sida et des infections sexuellement transmissibles, y compris en proposant des formations et en fournissant des médicaments antirétroviraux. Le Comité est toutefois préoccupé par le fait que les femmes soient touchées de manière disproportionnée par le VIH/sida et que les programmes existants risquent d’avoir une durée limitée étant donné qu’ils dépendent du financement de donateurs internationaux.
Le Comité recommande à l’État partie de garantir l’égalité d’accès des femmes et des hommes aux services de prévention du VIH/sida et à des traitements adaptés, et de veiller à ce que les femmes et les filles puissent accéder gratuitement à des médicaments antirétroviraux, en mettant particulièrement l’accent sur les prostituées et les migrantes. Il recommande également à l’État partie de prendre des mesures visant à lutter contre la discrimination et la stigmatisation des femmes et des filles vivant avec le VIH/sida, ainsi que des mesures coordonnées et assorties de ressources suffisantes afin de garantir la pérennité des programmes en cours.
Prestations économiques et sociales
Le Comité prend note avec satisfaction de l’adoption de la loi relative à la sécurité sociale (2013) ainsi que de la mise en place d’une stratégie nationale de protection sociale et de programmes d’autonomisation économique des femmes, notamment la création de groupes de femmes épargnantes au niveau des villages et d’un établissement de microfinancement. Il est néanmoins préoccupé par :
a)Le fait que plusieurs groupes de femmes, notamment les migrantes, les femmes vivant dans la pauvreté, les femmes ayant un emploi non rémunéré ou les femmes travaillant dans le secteur agricole ou dans le secteur non structuré de l’économie, n’aient pas accès à la protection sociale ni à la sécurité sociale ;
b)Les obstacles auxquels se heurtent les femmes pour obtenir des ressources financières, en dépit de la législation qui garantit l’égalité des droits des femmes et des hommes en matière d’accès aux systèmes bancaires et aux mécanismes de crédit.
Le Comité recommande à l’État partie :
a) De veiller à ce que toutes les femmes exerçant une activité non rémunérée ou travaillant dans le secteur non structuré de l’économie, aussi bien en milieu rural qu’en milieu urbain, aient accès à un régime de protection sociale non contributive, et de permettre aux femmes travaillant dans les économies informelle et rurale d’accéder aux prestations en espèces pour maternité, handicap et vieillesse qui existent dans le système de sécurité sociale du secteur structuré de l’économie ;
b) De lever les obstacles qui empêchent les migrantes d’accéder à des prestations sociales, notamment en modifiant les exigences en matière de documentation et la période minimale d’admissibilité et en élargissant la protection sociale à tous les secteurs ;
c) D’adopter un socle de protection sociale tenant compte de la problématique femmes-hommes pour veiller à ce que toutes les femmes vivant en milieu rural aient accès aux soins de santé essentiels, aux structures de garde d’enfants et à la sécurité du revenu, conformément à la r ecommandation n o 202 concernant les socles nationaux de protection sociale de l’Organisation internationale du Travail ;
d) D’appliquer des mesures ciblées pour améliorer l’accès des femmes aux services financiers, en particulier aux mécanismes d’épargne et de crédit à faible taux d’intérêt, et de promouvoir leurs activités entrepreneuriales en leur fournissant des services d’assistance technique, des conseils et des formations en matière de développement et de gestion d’entreprise.
Femmes vivant en milieu rural
Le Comité félicite l’État partie de l’action qu’il mène pour lutter contre la pauvreté en milieu rural, notamment la mise en place de fonds de réduction de la pauvreté et d’une stratégie nationale de croissance et d’élimination de la pauvreté. Il demeure toutefois préoccupé par les inégalités auxquelles se heurtent les femmes vivant en milieu rural ou appartenant à une minorité ethnique en matière d’accès aux services sociaux de base, à la terre et à la propriété, et par le faible niveau de participation des femmes à la vie politique en milieu rural, où seuls 2,6 % des postes de chef de village sont occupés par des femmes. Le Comité est également préoccupé par le fait que les mesures prises par l’État partie en matière de gestion des engins non explosés soient insuffisantes, ce qui non seulement expose les femmes et les filles à des risques de blessures, de handicap ou de mort, mais empêche également l’exploitation d’un grand nombre de terres à des fins agricoles ou à d’autres fins essentielles au développement économique.
Conformément à sa recommandation générale n o 34 (2016) sur les droits des femmes rurales, le Comité recommande à l’État partie :
a) D’appliquer des mesures, y compris des mesures temporaires spéciales, visant à améliorer l’accès des femmes vivant en milieu rural à l’éducation, à la santé, aux marchés compétitifs et à des activités rémunératrices, notamment en intégrant des dispositions visant à appuyer les jeunes femmes en milieu rural, les femmes chefs de ménage et les femmes handicapées à la stratégie nationale relative à l’emploi en milieu rural ;
b) De veiller à ce que le projet de modification de la loi foncière permette aux femmes rurales actives dans le secteur agricole de s’approprier davantage les principaux actifs, d’intégrer les questions de genre dans les politiques nationales applicables au secteur agricole et de veiller à ce que les prestations économiques bénéficient directement aux collectifs agricoles de femmes et à ce que les femmes prennent part aux prises de décisions dans ce secteur, sur un pied d’égalité avec les hommes ;
c) De redoubler d’efforts pour agir sur les facteurs qui s’opposent à la participation politique des femmes et d’adopter des mesures énergiques et dotées de ressources suffisantes afin d’encourager les femmes à participer à la vie publique et politique en milieu rural ainsi qu’à la planification, à l’application, au suivi et à l’évaluation des politiques de développement et des projets locaux, et à leur en donner les moyens ;
d) De définir un pourcentage minimal de femmes aux postes de chef de village et de prendre les mesures nécessaires pour y parvenir ;
e) De prendre des mesures de neutralisation des engins non explosés dans le cadre de la coopération internationale et de sensibiliser les femmes et les filles vivant en milieu rural afin d’éviter les blessures et les décès et de favoriser le développement économique .
Migrantes
Le Comité note qu’en vue d’appuyer les travailleuses migrantes, l’État partie a créé des agences de recrutement, des centres de documentation et des mécanismes institutionnels, notamment un comité directeur spécifique au sein du Ministère du travail et de la protection sociale et des postes de chargé d’affaires dans les ambassades. Il demeure toutefois préoccupé par le fait qu’un grand nombre de femmes lao qui migrent de façon irrégulière vers d’autres pays à la recherche d’un emploi soient toujours susceptibles d’être exploitées et que les migrantes de retour au pays ne reçoivent pas un appui suffisant en vue de leur réintégration.
Le Comité réitère ses précédentes recommandations ( CEDAW/C/LAO/CO/7 , par. 43) et recommande à l’État partie :
a) D’adopter une politique migratoire globale tenant compte des questions de genre afin de protéger efficacement les migrantes lao à l’étranger, conformément à la recommandation générale n o 26 (2008) concernant les travailleuses migrantes, et de s’attaquer aux causes profondes des migrations des femmes ;
b) De revoir, renouveler et renforcer, le cas échéant, les accords bilatéraux et les mémorandums d’accord signés avec les pays vers lesquels les femmes lao émigrent pour trouver du travail afin de veiller à ce qu’ils soient conformes à la Convention, de prévenir l’exploitation des migrantes et de traduire en justice les auteurs de faits d’exploitation ;
c) De poursuivre les efforts de sensibilisation des travailleuses migrantes au sujet de leurs droits, des risques qu’elles encourent et des voies de recours en cas de violation de leurs droits, en organisant des séances d’information avant leur départ et en menant des campagnes d’information du public ;
d) D’élaborer et d’appliquer des règlements relatifs aux agences de recrutement des travailleuses migrantes et de prévoir des sanctions en cas de non-conformité , afin de protéger les travailleuses migrantes contre l’exploitation ;
e) De fournir des services d’appui tenant compte des questions de genre aux travailleuses migrantes en vue de leur réintégration, y compris en leur donnant la possibilité d’accéder à des activités rémunératrices.
Mariage et rapports familiaux
Le Comité est préoccupé par la persistance des mariages précoces et de la polygamie, bien que ces pratiques soient interdites, et par l’insuffisance des mesures prises pour s’attaquer à leurs causes profondes. Il s’inquiète également de constater que la violence à l’égard des femmes fondée sur le genre n’est pas prise en compte lorsqu’il s’agit de statuer sur la garde des enfants et le droit de visite.
Le Comité recommande à l’État partie :
a) De veiller à ce que la loi relative à la famille, qui interdit le mariage précoce et la polygamie, soit appliquée rigoureusement, en particulier dans les milieux ruraux et au sein des groupes ethniques ;
b) De s’attaquer aux causes profondes du mariage précoce et de la polygamie et de mener des campagnes de sensibilisation du public afin de mettre fin à ces pratiques, notamment des campagnes concernant les conséquences négatives de la grossesse et du mariage précoces sur la santé, l’éducation et les moyens d’existence des filles, en coopération avec les organisations de femmes et les populations concernées ;
c) D’adopter des mesures visant à protéger les filles déjà engagées dans un mariage ou une union précoce ;
d) De veiller à ce que la violence à l’égard des femmes fondée sur le genre soit prise en compte au moment de statuer sur la garde des enfants et le droit de visite.
Réduction des risques de catastrophe et changements climatiques
Le Comité est préoccupé par la participation insuffisante des femmes à l’élaboration de politiques et de stratégies sur toutes les questions ayant une incidence sur leur vie, en particulier en ce qui concerne la réduction des risques de catastrophes et les changements climatiques, sachant que l’État partie est exposé aux risques d’inondations et de sécheresse.
Conformément à la recommandation générale n o 37 (2018) relative aux aspects liés au genre de la réduction des risques de catastrophe dans le contexte des changements climatiques, le Comité recommande à l’État partie de garantir la participation des femmes à la préparation, à l’adoption et à la mise en œuvre de politiques et de programmes nationaux relatifs aux changements climatiques, aux secours en cas de catastrophe et à la réduction des risques de catastrophes tenant compte des questions de genre. Le Comité recommande également à l’État partie d’accroître considérablement le nombre de femmes dans les organes de décision concernés, comme le Comité national pour la prévention et la gestion des catastrophes naturelles.
Collecte et analyse de données
Tout en notant avec satisfaction l’adoption, en 2010, de la loi relative aux statistiques, et la création d’une base de données nationale, le Comité recommande à l’État partie d’améliorer la collecte, l’analyse et la diffusion de données complètes, ventilées par sexe, âge, handicap, appartenance ethnique, lieu de résidence et situation socioéconomique, et d’avoir recours à des indicateurs mesurables pour évaluer l’évolution de la situation des femmes et les progrès accomplis en vue de la réalisation de l’égalité réelle entre les femmes et les hommes dans tous les domaines visés par la Convention.
Protocole facultatif à la Convention et modification du paragraphe 1 de l’article 20 de la Convention
Le Comité invite l’État partie à ratifier le Protocole facultatif à la Convention et à accepter dans les meilleurs délais la modification apportée au paragraphe 1 de l’article 20 de la Convention concernant le temps de réunion du Comité.
Déclaration et Programme d’action de Beijing
Le Comité invite l’État partie à s’appuyer sur la Déclaration et le Programme d’action de Beijing dans l’action qu’il mène pour mettre en œuvre les dispositions de la Convention.
Diffusion
Le Comité prie l’État partie de veiller à diffuser rapidement les présentes observations finales, dans les langues officielles de l’État partie aux institutions publiques concernées à tous les niveaux (national, régional et local), en particulier au Gouvernement, aux ministères, à l’Assemblée nationale et au corps judiciaire, afin d’en permettre la pleine application.
Assistance technique
Le Comité recommande à l’État partie d’établir un lien entre l’application de la Convention et l’action qu’il mène en faveur du développement, et de faire appel à cette fin à l’assistance technique régionale ou internationale.
Ratification d’autres instruments
Le Comité souligne que l’adhésion de l’État partie aux neuf principaux instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme contribuerait à promouvoir l’exercice effectif des droits individuels et libertés fondamentales par les femmes dans tous les aspects de la vie. Il l’invite donc à ratifier la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées et la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, auxquelles il n’est pas encore partie .
Suite donnée aux observations finales
Le Comité prie l’État partie de lui communiquer par écrit, dans un délai de deux ans, des informations sur les mesures qu’il aura prises pour appliquer les recommandations énoncées aux paragraphes 36 b), 40 e) et 46 a) ci-dessus.
Établissement du prochain rapport
Le Comité invite l’État partie à soumettre son dixième rapport périodique en novembre 2022. Le rapport devra être soumis dans les délais et devra couvrir toute la période écoulée, jusqu’à la date à laquelle il sera soumis.
Le Comité invite l’État partie à se conformer aux directives harmonisées pour l’établissement de rapports au titre des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, dont le document de base commun et les rapports correspondant à chaque instrument (voir HRI/GEN/2/Rev.6 , chap. I).