Quarante-troisième session

19 janvier-6 février 2009

Observations finales du Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes

Jamahiriya arabe libyenne

Le Comité a examiné le deuxième rapport périodique ainsi que le rapport valant troisième à cinquième rapports périodiques de la Jamahiriya arabe libyenne (CEDAW/C/LBY/2 et CEDAW/C/LBY/5) à ses 877e et 878e séances, le 29 janvier 2009. La liste des questions suscitées par les rapports est parue sous la cote CEDAW/C/LBY/Q/2 et les réponses de la Jamahiriya arabe libyenne à ces questions figurent dans le document CEDAW/C/LBY/Q/2/Add.1.

Introduction

Tout en remerciant l’État partie de son deuxième rapport périodique ainsi que de son rapport valant troisième à cinquième rapports périodiques, le Comité déplore qu’ils ne suivent pas les directives pour l’établissement des rapports périodiques et ne fournissent pas de données ventilées par sexe concernant tous les domaines abordés par la Convention, notamment l’éducation, la santé et l’emploi, en notant toutefois que des données ventilées par sexe ont été communiquées au cours du dialogue constructif. Le Comité remercie également la Jamahiriya arabe libyenne de ses réponses écrites à la liste de questions soulevées par le Groupe de travail présession mais regrette qu’elles ne contiennent pas d’informations spécifiques répondant aux questions posées. Le Comité regrette aussi que la présentation du rapport valant troisième à cinquième rapports périodiques ait beaucoup tardé et rappelle à l’État partie qu’il doit s’acquitter de ses obligations en matière d’établissement de rapports dans les délais voulus, tout retard à cet égard étant susceptible d’avoir un impact négatif sur la mise en œuvre de la Convention. Le Comité encourage l’État partie à solliciter une assistance technique pour l’élaboration du prochain rapport périodique, y compris auprès du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme.

Le Comité félicite l’État partie d’avoir envoyé une délégation de haut niveau dirigée par le Secrétaire à la condition féminine du Congrès populaire général et composée de représentants du Comité populaire général de la planification, du Comité populaire général des affaires sociales, du Comité populaire général de la justice, du Comité populaire général de la sécurité générale, du Comité populaire général des affaires étrangères, du Comité général populaire pour la liaison avec l’étranger et du secrétariat du Congrès populaire général.

Aspects positifs

Le Comité félicite l’État partie d’avoir accédé, en 2004, au Protocole facultatif se rapportant à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes.

Le Comité note également avec satisfaction les progrès réalisés par l’État partie pour ce qui est de la réalisation de l’égalité entre les hommes et les femmes dans le domaine de l’éducation, de la santé et de la sécurité sociale. Il se félicite notamment à cet égard de l’adoption par le Congrès populaire général, en mars 1997, de la Charte des droits et devoirs des femmes dans la société arabe libyenne.

Le Comité note que la loi no 10 de 1984 réglementant le mariage et le divorce a été modifiée par la loi no 9 de 1993 afin d’interdire la polygamie sans le consentement écrit de la première épouse et l’autorisation de la cour, ce qui constitue une étape vers l’abolition de la polygamie. Le Comité note en outre que l’article 37 de la loi révoque toutes les décisions fondées sur le principe du nushuz (insoumission), qui sont considérées comme nulles et non avenues.

Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Tout en rappelant que l’État partie a l’obligation de mettre en œuvre, de façon systématique et continue, toutes les dispositions de la Convention, le Comité estime qu’il se doit d’accorder une attention prioritaire, d’ici à la présentation de son prochain rapport périodique, aux sujets de préoccupation et recommandations faisant l’objet d es présentes observations finales. Le Comité appelle par conséquent l’État partie à axer ses efforts sur ces domaines dans ses activités de mise en œuvre et à rendre compte des mesures prises et d es résultats obtenus dans son prochain rapport périodique. Il appelle également l’État partie à communiquer les présentes observations finales à tous les ministères concernés ainsi qu’au Congrès populaire général pour en assurer l’application effective.

Congrès populaire général

Tout en réaffirmant que c’est au Gouvernement qu’il incombe au premier chef de pleinement s’ a cquitt er d es obligations qui découlent de la Convention, le Comité souligne que les dispositions de cette dernière s’imposent à toutes les instances gouvernementales et invite l’État partie à encourager son Congrès populaire général , conformément à ses procédures et selon que de besoin, à prendre les mesures nécessaires en vue de l’application des présentes observations finales et de l’établissement du prochain rapport périodique .

Place de la Convention dans la législation nationale et définition de la discrimination

Tout en prenant note du fait que, selon l’État partie, toutes les lois en vigueur en Jamahiriya arabe libyenne se fondent sur le principe de l’égalité entre les hommes et les femmes, le Comité demeure préoccupé par le manque de clarté concernant la place de la Convention dans la législation nationale. Il est également préoccupé par l’absence de disposition interdisant la discrimination à l’égard des femmes dans la législation nationale, conformément à l’article 1 et à l’alinéa b) de l’article 2 de la Convention. Il rappelle que l’absence de disposition spécifique interdisant la discrimination, tant directe qu’indirecte, à l’égard des femmes dans les domaines aussi bien public que privé constitue un obstacle à la pleine application de la Convention dans l’État partie.

Rappelant que la délégation libyenne a reconnu que la Convention prévalait sur la législation nationale, le Comité appelle l’État partie à prendre d’urgence les mesures pour incorporer dans s a législation des dispositions interdisant la discrimination tant directe qu’ indirecte, à l’égard des femmes, conformément à l’article 1 de la Convention, et prévoyant le cas échéant des sanctions, conformément à l’alinéa b) de l’article 2 de la Convention.

Visibilité de la Convention et du Protocole facultatif s’y rapportant

Tout en se félicitant des efforts déployés par l’État partie pour diffuser et mieux faire connaître les dispositions énoncées dans la Convention, le Comité est préoccupé par le fait que la Convention, le Protocole facultatif et les recommandations générales du Comité ne sont guère connus en Jamahiriya arabe libyenne. Il est également préoccupé de constater que les dispositions de la Convention n’ont pas été invoquées devant les juridictions nationales.

Le Comité recommande que d es programmes de sensibilisation à la Convention, y compris le Protocole facultatif s’y rapportant et la jurisprudence, et d es programmes relatifs aux droits des femmes soient mis en place à l’intention de tous les juristes – juges, avocats, procureurs et personnel chargé de l’application des lois – ainsi que du grand public . Il demande instamment à l’État partie de prendre des mesures spécifiques, notamment de mettre au point des programmes de vulgarisation juridique, afin de permettre aux femmes de mieux connaître leurs droits et ainsi de les exercer. Le Comité prie l’État partie de lui faire rapport , dans son prochain rapport périodique, sur les progrès réalisés à cet égard, et notamment sur les affaires où les dispositions de la Convention ont été invoquées devant des tribunaux ou appliquées par ces derniers .

Réserves

Tout en se félicitant du retrait par la Jamahiriya arabe libyenne, en 1995, de sa réserve générale à la Convention, le Comité est préoccupé par le fait que l’État partie a maintenu ses réserves à l’article 2 concernant le droit à l’héritage et aux alinéas c) et d) de l’article 16, concernant le mariage et le divorce, car il estime que ces réserves sont contraires à l’objet et au but de la Convention. Il note à cet égard que l’État partie n’a pas formulé de réserve au Pacte international relatif aux droits civils et politiques qui requiert également l’égalité entre les hommes et les femmes dans ce domaine.

Le Comité encourage vivement l’État partie à prendre toutes les mesures nécessaires, notamment l’ouverture d’ un débat public auquel participeraient tous les secteurs de la société , pour le retrait de toutes ses réserves à la Convention , afin de veiller à ce que les femmes de la Jamahiriya arabe libyenne bénéficient pleinement de toutes les dispositions énoncées dans la Convention.

Mécanisme national de promotion de la femme

Tout en prenant acte de l’adoption de la Charte des droits et des devoirs des femmes dans la société arabe libyenne, le Comité est préoccupé par l’absence de mécanisme national de promotion de la femme chargé d’assurer le suivi de l’application tant de cette dernière que de la Convention et de promouvoir les droits des femmes qui y sont consacrés. Le Comité regrette également l’absence dans l’État partie de programmes et de plans d’action fondés sur le Programme d’action de Beijing.

Le Comité appelle l’État partie à mettre en place un mécanisme institutionnel reconnaissant la spécificité de la discrimination à l’égard des femmes et exclusivement chargé de promouvoir l’égalité de jure et de facto et de suivre l’application pratique du principe de l’égalité de fond des hommes et des femmes en vue de promouvoir les droits fondamentaux des femmes et l’égalité des sexes à tous les niveaux. Il appelle l’État partie à donner à ce mécanisme , au niveau politique le plus élevé , l’autorité nécessaire et les ressources humaines et financières lui permettant de promouvoir effectivement la mise en œuvre de la Convention et l’exercice par les femmes de leurs droits fondamentaux dans tous les domaines en coordonnant et suivant la prise en compte des sexospécificités dans tous les secteurs et veillant ainsi à ce que les femmes exercent l’ensemble de leurs droits fondamentaux. Il encourage l’État partie à mettre en place des chargés de liaison pour les sexospécificités dans les différent e s instances gouvernementa les , à leur fournir une formation adéquate en la matière et à les re lier au mécanisme nationa l . L e Comité encourage en outre l’État partie à saisir l’occasion du lancement , le 25 juillet 2009 , de la stratégie pour les femmes en Jamahiriya arabe libyenne 2009-2019 , mentionnée par la délégation , pour mettre au point des programmes et plans d’action fondés sur les présentes observations finales.

Lois discriminatoires

Tout en se félicitant que la délégation de l’État partie ait déclaré que les dispositions de la loi no18 de 1980 portant code de la nationalité seront amendées et mises en conformité avec l’article 9 de la Convention, le Comité constate avec préoccupation que les Libyennes mariées à des non-Libyens ne bénéficient pas des mêmes droits que les hommes en ce qui concerne la nationalité de leurs enfants. Le Comité est en outre préoccupé par les dispositions de la législation régissant le droit de garde des enfants, qui interdisent aux femmes de se déplacer à l’étranger avec leurs enfants sans le consentement du père des enfants. Le Comité s’inquiète également de ce que les dispositions relatives au statut personnel, notamment pour ce qui est du mariage (y compris de la polygamie), du divorce et de l’héritage, n’accordent pas les mêmes droits aux femmes et aux hommes.

Le Comité encourage l’État partie à accélérer la modification de la loi n o  18 de 1980 afin de la mettre en conformité avec l’article 9 de la Convention. Il demande en outre à l’État partie de renforcer ses efforts pour modifier rapidement la législation régissant la garde des enfants pour que les femmes aient les mêmes droits que les hommes et puissent se déplacer librement à l’étranger avec leurs enfants. Le Comité recommande à l’État partie de modifier sa législation en accordant aux femmes les mêmes droits que les hommes en matière de mariage, de divorce et d’héritage. Il l’appelle en outre à mettre un terme à la pratique de la polygamie, conformément à sa recommandation générale n o 21 sur l’égalité dans le mariage et les relations familiales.

Mesures temporaires spéciales

Le Comité est préoccupé par le fait que l’État partie semble très peu au fait des mesures temporaires spéciales, surtout dans le domaine de l’emploi et de la participation à la vie politique et à l’activité publique, et ne sait pas pourquoi celles-ci peuvent être instituées en vertu du paragraphe 1 de l’article 4 de la Convention, qui est en l’occurrence directement applicable. Il s’inquiète en outre de ce que ces mesures ne soient pas systématiquement appliquées en tant qu’instrument d’accélération de l’égalité de fait entre hommes et femmes dans tous les domaines visés par la Convention.

Le Comité encourage l’État partie à promulguer une loi spécifique permettant l’adoption de mesures temporaires spéciales conformément au paragraphe 1 de l’article 4 de la Convention et de sa recommandation générale n o  25, afin d’accélérer la réalisation de l’égalité, de droit comme de fait, entre les femmes et les hommes dans les domaines où les femmes sont sous-représentées ou défavorisées. Le Comité recommande à l’État partie de prendre des mesures afin de sensibiliser le public à l’importance des mesures temporaires spéciales pour accélérer le processus de réalisation de l’égalité entre les sexes.

Stéréotypes et pratiques culturelles

Le Comité se préoccupe de l’absence dans l’État partie d’une stratégie nationale de promotion des droits fondamentaux des femmes libyennes et d’élimination des stéréotypes sur le rôle des femmes et des hommes. Il s’inquiète de la persistance de stéréotypes traditionnels profondément ancrés concernant le rôle et les responsabilités des femmes et des hommes dans la famille et dans la société en général, qui se reflètent notamment par les choix faits par les femmes sur le plan éducatif, leur situation sur le marché du travail et leur faible participation à la vie politique et publique.

Le Comité exhorte l’État partie à adopter un plan stratégique national et notamment à introduire des changements susceptibles de faire évoluer les rôles stéréotypés des hommes et des femmes en encourageant le partage équitable des responsabilités familiales entre les deux sexes et en favorisant l’égalité de statut et de responsabilité des femmes et des hommes dans les sphères privée et publique. Il recommande de faire en sorte que les campagnes de sensibilisation s’adressent aussi bien aux hommes qu’aux femmes et d’encourager les médias à présenter une image positive des femmes.

La violence à l’égard des femmes

Tout en notant qu’aux termes de l’article 17 de la loi no10 de 1984, il est interdit à l’homme de causer des souffrances psychologiques ou physiques à son épouse, et en félicitant l’État partie d’avoir mis en place 20 tribunaux pour femmes chargés de juger les affaires liées à la violence qu’elles subissent, le Comité s’inquiète de ce que l’État partie ne se soit pas encore doté d’une législation complète relative à la protection des femmes contre la violence, notamment la violence dans la famille, ainsi que l’a recommandé le Comité des droits de l’homme dans ses observations finales adoptées le 30 octobre 2007. Il note avec préoccupation que des femmes et des filles, dont certaines ont été victimes de violence sexiste et de violence dans la famille, sont détenues sans avoir été condamnées dans de prétendues structures de réadaptation sociale, pour leur propre protection selon l’État partie, sans possibilité de recourir à la justice pour contester leur mise en détention. Le Comité est également préoccupé par la pratique généralisée qui consiste à encourager les mariages entre l’auteur et la victime d’un viol afin de les protéger de l’opprobre et de la marginalisation et d’éviter toute ambiguïté quant à la filiation si la victime est enceinte, et qui débouche sur l’impunité de l’auteur du viol. Le Comité est d’avis que ce genre de pratique revient à punir les femmes victimes de viol deux fois. Il constate en outre avec préoccupation que le rapport ne comporte pas de statistiques sur l’ampleur des différentes formes de violence à l’égard des femmes et des filles. Le Comité est également préoccupé par le fait que le maintien de la loi no 70 de 1973 qui érige en infraction pénale les relations sexuelles hors mariage pourrait avoir des effets disproportionnés sur les femmes.

Le Comité exhorte l’État partie à appliquer les recommandations formulées dans l’étude du Secrétaire général sur toutes les formes de violence à l’égard des femmes (A/61/122 et Add.1 et Add.1/Corr.1) et celles qui figurent dans le rapport de la Rapporteuse spéciale sur la violence contre les femmes, ses causes et ses conséquences (A/HRC/4/3 4/Add.1) et à en suivre les effets. Il lui demande en outre d’adopter des législations sur la violence, y compris familiale, à l’égard des femmes. Il recommande à l’État partie d’adopter et de mettre en œuvre une stratégie nationale de lutte contre la violence à l’égard des femmes, dans laquelle on collecterait des données ventilées par sexe sur toutes les formes de violence et on examinerait l’importance du phénomène de la violence à l’égard des femmes et des filles, y compris la violence dans la famille. Le Comité engage l’État partie à réexaminer les dispositions légales qui autorisent la détention contre leur gré de femmes et de filles dans de prétendues structures de réadaptation sociale. Il demande en outre à l’État partie de décourager la pratique consistant à obliger les femmes victimes de viol à épouser l’auteur du viol et de veiller à ce que , dans tous les cas, les auteurs de viols soient dûment poursuivis en justice et punis et que leurs victimes soient réhabilitées. Le Comité recommande que des programmes de formation et de sensibilisation soient offerts au personnel judiciaire, aux agents de maintien de l’ordre, aux membres du corps judiciaire et au personnel sanitaire, ainsi qu’au grand public, en tenant compte de sa recommandation générale n o  19 relative à la violence à l’égard des femmes. En outre, il encourage l’État partie à tirer parti de la campagne pluriannuelle lancée en 2008 pour éliminer la violence à l’égard des femmes.

Groupes de femmes vulnérables

Tout en notant avec satisfaction que l’État partie a ratifié la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille en 2004, le Comité se dit préoccupé par les rapports faisant état d’allégations de mauvais traitements à l’égard de migrants sans papiers, y compris de femmes et d’enfants. Il note également avec préoccupation que les rapports de l’État partie ne contiennent pas d’informations sur la situation des femmes migrantes en Jamahiriya arabe libyenne.

Le Comité recommande à l’État partie d’appliquer les dispositions de la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille. Il lui recommande en outre d’envisager de ratifier la Convention relative au statut des réfugiés de 1951 et lui demande de faire figurer dans son prochain rapport périodique des informations détaillées sur la situation des femmes migrantes à la violence à l’égard des femmes. Il encourage l’État partie à tirer partie de la campagne pluriannuelle lancée en 2008 pour éliminer la violence à l’égard des femmes. Le Comité recommande en outre à l’État partie d’envisager d’abroger la loi n o  70 de 1973.

Traite des femmes et exploitation à des fins de prostitution

Le Comité se félicite de la ratification par l’État partie du Protocole visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants. Tout en notant que le Code pénal incrimine toutes les formes de la traite des femmes et que les nationaux libyens qui en sont convaincus sont condamnés même si les faits sont commis à l’étranger, le Comité se dit préoccupé par le manque d’informations concernant l’ampleur de la traite des femmes et des filles et par l’inexistence d’une législation et de programmes pour prévenir et éliminer la traite des femmes et protéger les victimes. Le Comité note aussi avec préoccupation l’absence d’informations sur la prostitution et d’une stratégie globale de protection et de réadaptation des victimes de la prostitution.

Le Comité recommande à l’État partie de prendre des mesures pour lutter contre toutes les formes de traite des femmes et des filles par l’adoption et la mise en œuvre d’une stratégie globale et de renforcer sa coopération aux niveaux régional, international et bilatéral avec les pays d’origine et de transit de façon à pouvoir traiter les causes de la traite et prévenir celle-ci de manière plus efficace grâce à l’échange d’informations. Il encourage l’État partie à collecter et analyser des données de sources policière et internationale, à poursuivre et punir les trafiquants et à défendre les droits des femmes et des filles victimes de la traite. Il recommande à l’État partie de prendre des mesures pour veiller à ce que les femmes et les filles victimes de la traite bénéficient du soutien et de la protection nécessaires pour pouvoir témoigner contre leurs trafiquants. Il l’engage à analyser les causes et l’ampleur de la traite des femmes et des filles de son point de vue de pays de transit. Le Comité engage également l’État partie à prendre toutes les mesures voulues pour éliminer l’exploitation des femmes à des fins de prostitution, notamment en décourageant la demande dans ce domaine en veillant à ce que ceux qui tirent profit de la prostitution soient poursuivis et punis. Il demande à l’État partie de faire figurer, dans son prochain rapport, des renseignements et des données complètes sur l’exploitation des femmes à des fins de prostitution et la traite des femmes et des filles, ainsi que sur les mesures prises pour empêcher et combattre ces activités.

Participation à la vie politique et à la vie publique

Tout en notant avec satisfaction que la participation des femmes au Congrès populaire général a atteint 32 % et en se félicitant des informations communiquées par la délégation libyenne concernant la participation des femmes aux congrès populaires de base et les postes qu’elles occupent dans ces organes, le Comité demeure préoccupé par le fait que les femmes continuent d’être sous-représentées dans la vie politique et publique, notamment dans les organes de décision, y compris dans l’exécutif, le corps diplomatique et la fonction publique.

Le Comité engage l’État partie à prendre toutes les mesures appropriées, y compris les mesures temporaires spéciales visées au paragraphe 1 de l’article 4 de la Convention et dans ses recommandations générales n os 23 et 25, et à établir des objectifs concrets pour que de plus en plus de femmes soient représentées dans l’exécutif, au Parlement et dans le corps diplomatique. Il recommande que c es mesures, qui visent à accroître la représentation politique des femmes, s’accompagnent d’objectifs assortis de délais ou d’une augmentation des quotas. Le Comité recommande à l’État partie de continuer de lancer des campagnes de sensibilisation à l’importance de la participation des femmes à la prise de décisions à tous les niveaux.

Éducation

Tout en constatant avec satisfaction que le pourcentage de femmes diplômées d’université est élevé dans le pays, le Comité regrette que les rapports de l’État partie ne contiennent pas suffisamment d’informations sur l’accès des femmes à l’éducation, tant dans les zones rurales que dans les zones urbaines, et ce concernant tous les domaines couverts par l’article 10 de la Convention.

Le Comité prie l’État partie d’inclure dans son prochain rapport périodique des données ventilées par sexe et par zones (urbaines et rurales) sur toutes les questions couvertes par l’article 10 de la Convention, notamment l’accès des femmes et des filles à la formation professionnelle, aux études dans l’enseignement primaire, secondaire, technique et supérieur, à des bourses d’études et autres, de même qu’à des programmes de formation continue ainsi que des statistiques sur les taux d’abandon scolaire.

Emploi

Le Comité déplore que les rapports de l’État partie ne contiennent pas d’informations détaillées ni complètes sur la situation des femmes libyennes en matière d’emploi, dans les secteurs public et privé et dans le secteur structuré ou non structuré.

Le Comité prie l’État partie de fournir dans son prochain rapport périodique des données ventilées par sexe sur toutes les questions couvertes par l’article 11 de la Convention, notamment le droit des femmes à une rémunération égale pour un travail de valeur égale, leur droit à la sécurité sociale et au congé de maternité. Il prie également l’État partie de donner des informations sur la situation des femmes dans le secteur informel, tant en milieu urbain qu’en milieu rural.

Santé

Tout en accueillant avec satisfaction les informations fournies par l’État partie indiquant que les services de santé sont fournis gratuitement, le Comité déplore que les rapports ne contiennent pas suffisamment d’informations détaillées concernant l’accès des femmes aux services de santé.

Le Comité demande à l’État partie d’inclure dans son prochain rapport périodique des informations, notamment des données statistiques ventilées par sexe, concernant tou te s les questions couvert e s par l’article 12 de la Convention, y compris la planification familiale, et les services appropriés liés à la grossesse et à la période postnatal e, dans les zones urbaines comme rurales.

Relations familiales

Tout en notant que le paragraphe a) de l’article 8 de la loi no 10 de 1994 stipule qu’un tuteur ne peut obliger une femme à se marier contre son gré, le Comité constate avec préoccupation que la notion de tutelle de l’homme sur la femme semble être largement acceptée et qu’elle limite l’exercice par les femmes de leurs droits tels que les garantit la Convention, en particulier pour ce qui est des questions de statut personnel en droit et en fait.

Le Comité invite l’État partie à prendre des mesures pour éliminer la pratique de la tutelle de l’homme sur la femme aussi bien dans les textes que dans les faits, notamment en concevant et en organisant des campagnes de sensibilisation. Il encourage l’État partie à engager un dialogue social sur la notion de tutelle masculine et la façon dont elle influe sur l’application de la Convention en Jamahiriya arabe libyenne, en vue d’éliminer la pratique.

Institutions nationales pour la protection des droitsde l’homme

Le Comité déplore que l’État partie n’ait pas encore pris de mesures visant à créer une institution nationale indépendante de défense des droits de l’homme dotée d’un mandat étendu de protection et de promotion des droits fondamentaux des femmes, conformément aux Principes concernant le statut des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l’homme (voir résolution 48/134, annexe, de l’Assemblée générale).

Le Comité recommande à l’État partie de crée r , dans un délai bien spécifié, une institution nationale indépendante de défense des droits de l’homme conformément aux Principes susmentionnés, institution dont la compétence devrait s’étendr e aux questions liées à l’égalité des sexes.

Organisations non gouvernementales

Le Comité est préoccupé par le niveau de coopération des autorités de l’État partie avec la société civile, en particulier les organisations non gouvernementales féminines, dans l’application des dispositions de la Convention. Il se déclare préoccupé en particulier par le fait que les organisations non gouvernementales féminines libyennes ne participent pas suffisamment à l’élaboration des rapports, comme l’atteste le fait qu’elles n’aient pas soumis de rapports au Comité et qu’elles n’aient pas pris part à l’examen des rapports.

Le Comité exhorte l’État partie à coopérer plus efficacement et de façon plus systématique avec la société civile, en particulier les organisations non gouvernementales féminines , dans l’application des dispositions de la Convention. Il recommande en outre que l’État partie consulte les organisations non gouvernementales à toutes les phases de l’élaboration de son prochain rapport périodique.

Collecte et analyse des données

Le Comité déplore que les rapports de l’État partie ne contiennent pas suffisamment de données statistiques ventilées par sexe sur tous les domaines couverts par la Convention ni d’informations sur l’impact et les résultats des mesures prises pour réaliser l’égalité entre les femmes et les hommes, ce qui ne lui permet pas d’évaluer les progrès accomplis dans l’application de la Convention dans l’État partie.

Le Comité invite l’État partie à mettre en place un vaste système de collecte de données, notamment des indicateurs mesurables pour évaluer les tendances en ce qui concerne la situation des femmes et les progrès vers l’égalité de fait réalisés au fil du temps. Il invite l’État partie à solliciter une assistance régionale et internationale, selon que de besoin, pour la collecte et l’analyse de ces données. Il prie l’État partie de faire figurer dans son prochain rapport périodique des données statistiques et des analyses, ventilées par sexe et selon les zones rurales et urbaines, indiquant l’impact des mesures prises et les résultats obtenus afin de faire ressortir de façon plus détaillée la situation des femmes dans tous les domaines couverts par la Convention, en particulier l’éducation, la santé et l’emploi. Il invite l’État partie à veiller tout particulièrement à la collecte des données concernant les groupes de femmes les plus vulnérables, notamment les femmes rurales et les migrantes.

Déclaration et Programme d’action de Beijing

Le Comité exhorte l’État partie à recourir pleinement dans l’exécution des obligations qui lui incombent au titre de la Convention , à la Déclaration et au Programme d’action de Beijing, qui renforcent les dispositions de la Convention, et lui demande de faire figurer dans son prochain rapport périodique des éléments d’information sur la question.

Objectifs du Millénaire pour le développement

Le Comité souligne qu’une application pleine et effective de la Convention est indispensable pour atteindre les objectifs du Millénaire pour le développement. Il invite l’État partie à prendre en compte une perspective sexospécifique et à faire expressément référence aux dispositions de la Convention dans tous les efforts visant à la réalisation des objectifs du Millénaire pour le développement, et demande à l’État partie de faire figurer, dans son prochain rapport périodique, des éléments d’information sur la question.

Ratification d’autres instruments

Le Comité note que l’adhésion des États aux neuf grands instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme contribue à promouvoir l’exercice effectif des droits individuels et des libertés fondamentales des femmes dans tous les aspects de leur vie. Il encourage donc le Gouvernement de la Jamahiriya arabe libyenne à ratifier les instruments auxquels elle n’est pas encore partie, à savoir la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées et la Convention relative aux droits des personnes handicapées.

Diffusion des observations finales

Le Comité demande que les présentes conclusions soient largement diffusées en Jamahiriya arabe libyenne, de façon à sensibiliser la population, en particulier les membres de l’administration, les responsables politiques, les membres du Congrès général du peuple ainsi que les organisations de femmes et de défense des droits de l’homme , aux mesures prises pour assurer l’égalité de droit et de fait entre les sexes et aux dispositions qui restent à prendre à cet égard. Il demande à l’État partie de continuer de diffuser plus largement, surtout auprès des organisations de femmes et de défense des droits de l’homme, la Convention, le Protocole facultatif s ’y rapportant, les recommandations générales du Comité, la Déclaration et le Programme d’action de Beijing, ainsi que les documents issus de la vingt-troisième session extraordinaire de l’Assemblée générale sur le thème « Les femmes en l’an 2000 : égalité entre les sexes, développement et paix pour le XXI e  siècle ».

Paragraphe 1 de l’article 20

Le Comité encourage l’État partie à accepter dès que possible l’amendement au paragraphe 1 de l’article 20 de la Convention concernant la durée des réunions du Comité.

Suivi des observations finales

Le Comité prie l’État partie de fournir, dans un délai de deux ans, des informations écrites sur les mesures prises pour appliquer les recommandations figurant aux paragraphes 20 et 38 ci-dessus . Il prie également l’État partie d’envisager de solliciter la coopération et l’assistance techniques, notamment des services consultatifs, selon que de besoin, pour appliquer les recommandations susmentionnées.

Date du prochain rapport

Le Comité demande à l’État partie de répondre aux préoccupations exprimées dans les présentes observations finales dans le prochain rapport périodique qu’il soumettra au titre de l’article 18 de la Convention. Il invite l’État partie à présenter en 2014 son rapport unique valant sixième et septième rapports périodiques.