Nations Unies

CAT/C/VAT/CO/1

Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Distr. générale

17 juin 2014

Français

Original: anglais

Comité contre la torture

Observations finales concernant le rapport initialdu Saint-Siège *

Le Comité contre la torture a examiné le rapport initial du Saint-Siège (CAT/C/VAT/1) à ses 1220e et 1223e séances, tenues les 5 et 6 mai 2014 (CAT/C/SR.1220 et CAT/C/SR.1223), et a adopté à ses 1245e, 1246e et 1247e séances (CAT/C/SR.1245, CAT/C/SR.1246 et CAT/C/SR.1247), tenues les 21 et 22 mai 2014, les observations finales ci-après.

A.Introduction

Le Comité prend acte avec satisfaction du rapport initial du Saint-Siège (CAT/C/VAT/1), qui a été établi conformément aux directives du Comité concernant la forme et le contenu des rapports initiaux devant être soumis en vertu de l’article 19 (CAT/C/4/Rev.3) et qui détaille les mesures prises pour donner effet aux engagements de l’État partie au titre de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Il regrette toutefois que le rapport ait été présenté avec neuf ans de retard.

Le Comité se félicite en outre du dialogue franc et constructif qu’il a eu avec la délégation de haut niveau de l’État partie et des informations complémentaires fournies pendant l’examen du rapport.

B.Aspects positifs

Le Comité note avec satisfaction qu’après avoir ratifié la Convention, l’État partie a adhéré à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée, le 25 janvier 2012.

Le Comité prend note en outre avec satisfaction des efforts déployés par l’État partie pour réviser sa législation dans les domaines intéressant la Convention, notamment:

a)La publication motu proprio par le pape François, le 11 juillet 2013, d’une lettre apostolique sur «la juridiction des organes judiciaires de l’État de la Cité du Vatican en matière pénale». La lettre a été promulguée et est entrée en vigueur le 1erseptembre 2013. Elle établit la juridiction pénale des autorités judiciaires de l’État de la Cité du Vatican pour les actes criminels passibles de poursuites en vertu des instruments internationaux ratifiés par le Saint-Siège, entraînant une modification de la législation du Saint-Siège, et plus particulièrement de la loi no VIII sur les normes complémentaires en matière pénale, entrée en vigueur le 1er septembre 2013, qui inscrit dans l’ordre juridique de l’État de la Cité du Vatican le crime de torture, les crimes contre l’humanité et une définition des crimes contre les mineurs, et de la loi no IX, qui modifie le Code pénal et le Code de procédure pénale en établissant la juridiction des autorités de l’État de la Cité du Vatican en ce qui concerne les infractions commises par des fonctionnaires publics et des citoyens à l’étranger et fixe les normes régissant l’extradition, la coopération judiciaire, l’entraide judiciaire et d’autres questions relevant de la Convention;

b)La publication, le 3 mai 2011, par la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, d’une lettre circulaire destinée à aider les conférences épiscopales à élaborer des directives pour le traitement des cas d’abus sexuels commis par des membres du clergé à l’égard de mineurs qui rappelle, comme le prescrit le Motu Proprio Sacramentorum Sanctitatis Tutela de 2011, que les évêques et les supérieurs majeurs ont l’obligation de porter toutes les allégations crédibles d’abus sexuels sur des mineurs imputés à des membres du clergé à l’attention de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi. La lettre circulaire dispose également, selon ses propres termes, qu’«on suivra toujours les prescriptions des lois civiles en ce qui concerne le fait de déférer les crimes aux autorités compétentes».

Le Comité note également avec satisfaction les efforts faits par l’État partie pour modifier ses politiques, ses programmes et ses mesures administratives de façon à donner effet à la Convention, notamment:

a)La condamnation sans équivoque, dans le rapport du Saint-Siège, du recours à la torture et autres actes ou peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants portant atteinte à la dignité, l’intégrité et l’identité de la personne humaine, et les renvois qui y sont faits aux déclarations de plusieurs papes contre la torture et la peine de mort, notamment celle du pape Benoît XVI, qui avait rappelé en 2007 aux membres de la Commission internationale de la pastorale catholique des prisons, qui représente les aumôniers de prison de 62 pays, «que l’interdiction de la torture ne [pouvait] être enfreinte sous aucun prétexte»;

b)La mise en place, le 10 août 2013, d’un bureau spécial au Gouvernorat de l’État de la Cité du Vatican pour superviser l’application des accords internationaux auxquels le Saint-Siège est partie;

c)La création, le 5 décembre 2013, de la Commission pontificale pour la protection des mineurs, en tant que comité consultatif du pape, et la déclaration faite par ses membres, le 3 mai 2014, dans laquelle ils ont souligné combien il importait de faire respecter l’obligation de rendre des comptes;

d)La déclaration faite par le pape François, le 11 avril 2014, lors d’une réunion avec le Bureau international catholique de l’enfance, dans laquelle il a reconnu les dommages causés par les abus sexuels sur des enfants commis par certains prêtres, et a affirmé ce qui suit: «nous ne voulons pas effectuer un pas en arrière en ce qui concerne la solution de ce problème et les sanctions qui doivent être infligées. Au contraire, je crois que nous devons être très forts».

Il convient aussi de signaler l’affirmation du chef de la délégation selon laquelle les traités internationaux, y compris la Convention, ratifiés par le Saint-Siège et les accords que celui-ci a conclus avec d’autres sujets de droit international ou d’autres États ont la primauté sur le droit interne du Saint-Siège.

C.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Champ d’application de la Convention

Le Comité prend note de la déclaration interprétative faite par le Saint-Siège au moment de son adhésion à la Convention et des déclarations contenues dans le rapport de l’État partie et réaffirmées par la délégation pendant le dialogue, selon lesquelles la Convention n’est applicable qu’au Saint-Siège. Il note également que les modifications apportées en 2013 aux lois du Saint-Siège, dont il est question plus haut, disposent que font partie des fonctionnaires publics du Saint-Siège, entre autres: a) les membres, les agents et le personnel des différents organes de la Curie romaine et des institutions qui lui sont rattachées; et b) les légats apostoliques et le personnel diplomatique du Saint-Siège. Il est rappelé, à cet égard, dans l’Observation générale no 2 du Comité, que la responsabilité internationale des États est engagée par les actes ou omissions de leurs fonctionnaires et de leurs agents, ainsi que de toute personne agissant à titre officiel, au nom de l’État ou en liaison avec celui-ci, sous sa direction ou son contrôle, ou encore au nom de la loi. Cette responsabilité s’étend aux actes et omissions des fonctionnaires publics de l’État partie en poste à l’étranger. Le Comité rappelle aux États parties à la Convention qu’ils sont tenus de prendre des mesures efficaces pour empêcher que leurs fonctionnaires et d’autres personnes agissant à titre officiel commettent des actes de torture ou des mauvais traitements ou que de tels actes soient commis à leur instigation ou avec leur consentement exprès ou tacite par d’autres, y compris des acteurs non étatiques, dans toute situation où ils exercent leur juridiction ou leur contrôle effectif.

Le Comité note que la déclaration interprétative que l ’ État partie a faite n ’ est pas conforme aux normes énoncées ci-dessus prescrites dans sa propre législation et dans la Convention. Il invite l ’ État partie à envisager sa déclaration interprétative à la lumière des considérations ci-avant, sans exclure la possibilité d ’ une réinterprétation ou d ’ un retrait. Le Comité rappelle que les obligations qui incombent à l ’ État partie en vertu de la Convention concernent tous ses fonctionnaires publics, ainsi que toute personne agissant à titre officiel ou au nom de la loi. Ces obligations s ’ appliquent aux actes et omissions de ces personnes partout où elles exercent un contrôle effectif sur des personnes ou un territoire.

Définition de la torture

Le Comité salue l’adoption de la loi no VIII du 11 juillet 2013, qui contient une définition de la torture ainsi que d’autres éléments de la Convention. Il note que cette loi fait référence aux «fonctionnaires publics exerçant des fonctions judiciaires, de police judiciaire ou d’application de la loi ainsi qu’à quiconque exerce à titre officiel un rôle similaire ou analogue et à quiconque agit à l’instigation de ces fonctionnaires publics ou avec leur consentement exprès ou tacite…». La lettre apostolique prévoit, en son paragraphe 3, que sont assimilés aux fonctionnaires publics: «a) les membres, les agents et le personnel des différents organes de la Curie romaine et des institutions qui lui sont rattachées; b) les légats apostoliques et le personnel diplomatique du Saint-Siège; c) les personnes ayant une fonction de représentation, d’administration ou de direction, ainsi que ceux qui exercent, même de fait, la gestion et le contrôle des entités relevant directement du Saint-Siège et sont inscrits au registre des personnes juridiques canoniques tenu auprès du Gouvernorat de l’État la Cité du Vatican; d) toute autre personne titulaire d’un mandat administratif ou judiciaire au sein du Saint-Siège, à titre permanent ou temporaire, rémunéré ou gratuit, quel que soit son niveau hiérarchique». Le Comité rappelle en outre que l’article 4 de la Convention fait obligation aux États parties de veiller à ce que «la tentative de pratiquer la torture et tout acte commis par n’importe quelle personne qui constitue une complicité ou une participation à l’acte de torture» soient érigés en infraction dans leur droit pénal. Le Comité a affirmé dans son Observation générale no 3 que le crime de torture devait être imprescriptible (art. 1er et 4).

Le Comité demande à l ’ État partie de confirmer qu ’ il respecte pleinement l ’ obligation que fait la Convention que tous les agents de la fonction publique et toutes autres personnes agissant à titre officiel soient visés , conformément à l ’ article premier de la Convention. Il invite l ’ État partie à prendre des mesures efficaces pour s ’ assurer que sa définition de la torture s ’ applique à tous les fonctionnaires publics, comme le demande la Convention, et qu ’ il s ’ acquitte de toutes ses obligations au titre de la Convention. Le Comité souhaite également savoir si « la tentative de pratiquer la torture et tout acte commis par n ’ importe quelle personne qui constitue une complicité ou une participation à l ’ acte de torture » sont interdit s par la législation pénale. Le Comité rappelle à l ’ État partie que son Observation générale n o 3 stipule que le crime de torture devrait être imprescriptible et lui demande de confirmer que l ’ infraction de torture est effectivement imprescriptible dans le droit interne.

Prévention de la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumainsou dégradants

Le Comité note que, depuis 2001, les responsables du Saint-Siège exigent que toutes les allégations crédibles d’abus sexuels sur des mineurs commis par le clergé soient obligatoirement signalées à la Congrégation pour la Doctrine de la Foi dans l’État de la Cité du Vatican. Le Comité prend acte avec satisfaction des informations fournies par la délégation indiquant que la Congrégation a confirmé 3 420 allégations crédibles d’abus sexuels commis par des prêtres entre 2004 et 2013 qui ont donné lieu à l’application de nombreuses sanctions canoniques imposées par le biais d’un processus pénal ecclésiastique, notamment la révocation de 848 prêtres et l’application à 2 572 autres de mesures disciplinaires consistant par exemple à leur imposer une vie de prière ou de pénitence. Dans son Observation générale no 2, le Comité rappelle que les autorités ainsi que toute personne agissant à titre officiel ou au nom de la loi ont l’obligation d’exercer la diligence voulue pour prévenir les violations de la Convention, y compris par des agents non étatiques ou des acteurs privés qui sont sous leur contrôle effectif, lorsqu’ils savent ou ont des raisons sérieuses de croire que des violations de la Convention sont commises.

À cet égard, le Comité regrette que l’État partie n’ait pas fourni les données demandées sur le nombre de cas dans lesquels il a communiqué des informations aux autorités civiles des lieux où les incidents se sont produits et de ceux où les prêtres concernés se trouvent actuellement. Le Comité prend note avec satisfaction de l’assurance donnée par la délégation que le clergé catholique a instruction de signaler les allégations d’abus sexuels commis par des membres du clergé aux autorités civiles ainsi qu’à la Congrégation pour la Doctrine de la Foi. Il est cependant préoccupé par les informations selon lesquelles des responsables de l’État partie résistent à ce principe de signalement obligatoire aux autorités civiles.

Le Comité est en outre préoccupé par les nombreuses informations faisant état de cas dans lesquels des membres du clergé accusés ou reconnus coupables par les autorités civiles de telles infractions ont été mutés dans d’autres diocèses et institutions où ils sont restés en contact avec des mineurs et d’autres personnes vulnérables et ont parfois commis des abus dans leur nouveau lieu d’affectation. De telles allégations apparaissent dans des rapports de commissions et dans le cadre d’enquêtes menées dans différents pays. Au cours du dialogue avec l’État partie, pour illustrer ces préoccupations, le Comité a soulevé les cas du père Joseph Jeyapaul et du père Peter Kramer, et les conclusions auxquelles était parvenu un grand jury à Philadelphie, aux États-Unis, en 2005 (art. 2).

L ’ État partie devrait faire en sorte que les responsables du Saint-Siège et d ’ autres fonctionnaires publics du Saint-Siège prennent des mesures concrètes pour surveiller le comportement des individus qui sont sous leur contrôle effectif, et pour faire cesser et sanctionner un tel comportement chaque fois que sont portées à leur connaissance des allégations crédibles de violations de la Convention, et prennent d ’ autres mesures pour empêcher la commission de nouvelles violations par les personnes concernées. Il devrait notamment:

a) Continuer d ’ élaborer et d ’ appliquer des programmes et des politiques pour prévenir les violations de la Convention;

b) Faire en sorte que les individus qui font l ’ objet d ’ une allégation d ’ abus portée à l ’ attention de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi ou d ’ autres responsables de l ’ État partie soient immédiatement suspendus de leurs fonctions en attendant l ’ issue de l ’ enquête sur la plainte reçue afin d ’ éviter que d ’ autres abus soient commis ou que des victimes soient intimidées;

c) Assurer un contrôle effectif du placement de tous les membres du clergé qui font l ’ objet d ’ une enquête de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi et empêcher la mutation de membres du clergé faisant l ’ objet d ’ accusations crédibles d ’ abus dans le but de les soustraire à une enquête et à des sanctions . Pour les personnes reconnues coupables, appliquer des sanctions, notamment la révocation du service clérical;

d) Faire en sorte que tous les responsables de l ’ État partie exercent la diligence voulue et réagissent com m e il se doit face à des allégations crédibles d ’ abus, en sanctionnant comme il convient tout responsable qui manquerait à cette obligation;

e) Prendre des mesures concrètes pour faire en sorte que les allégations reçues par les responsables de l ’ État partie concernant des violations de la Convention soient communiquées aux autorités civiles compétentes pour faciliter les enquêtes et les poursuites contre les auteurs présumés. L ’ État partie devrait fournir au Comité dans son prochain rapport périodique des données sur le nombre de cas dans lesquels il a fourni des informations aux autorités civiles, à la fois dans les lieux où les incidents se sont produits et dans ceux où les personnes mises en cause se trouvent actuellement.

Impunité

Le Comité se félicite de la confirmation apportée concernant l’enquête en cours, au titre du Code pénal de l’État de la Cité du Vatican, au sujet des allégations d’abus sexuels commis sur des mineurs par l’archevêque Josef Wesolowski, ancien nonce apostolique en République dominicaine. Le Comité note que la République de Pologne aurait demandé l’extradition de l’archevêque Wesolowski. Le Comité note aussi avec préoccupation que l’État partie n’a pu mentionner jusqu’à présent aucun cas dans lequel il a poursuivi une personne responsable d’une violation de la Convention ou de complicité ou de participation dans une telle violation (art. 4, 5, 6, 7 et 8).

L ’ État partie devrait veiller à ce que ses autorités compétentes fassent mener sans tarder une enquête impartiale au sujet de l ’ archevêque Wesolowski et de toutes autres personnes accusées d ’ avoir commis une violation de la Convention ou d ’ être complice d ’ une telle violation, qui sont des ressortissants de l ’ État partie ou qui se trouvent sur son territoire. Si cela s e justifie, l ’ État partie devrait faire en sorte que ces personnes soient poursuivies , ou extradées pour être poursuivies par les autorités civiles d ’ un autre État partie. Le Comité prie l ’ État partie de l ’ informer de l ’ issue de l ’ enquête concernant l ’ archevêque Wesolowski .

Coopération dans le cadre des procédures civiles et pénales

Le Comité est préoccupé par des informations qu’il a reçues faisant état de cas dans lesquels l’État partie avait refusé de fournir des renseignements aux autorités civiles dans le cadre de procédures concernant des violations présumées de la Convention par des membres du clergé, en dépit du fait que depuis 2001, la Congrégation pour la Doctrine de la Foi de l’État de la Cité du Vatican ait été chargée de recevoir toutes les allégations d’abus sexuels sur mineurs commis par des membres du clergé catholique et d’enquêter sur ces allégations. Le Comité note avec préoccupation les allégations selon lesquelles, en 2013, le nonce apostolique en Australie avait invoqué l’immunité diplomatique pour refuser de fournir des pièces d’archives à l’appui des investigations menées par la commission spéciale d’enquête sur les abus sexuels de Nouvelle-Galles du Sud. Le Comité rappelle que l’article 9 de la Convention fait obligation aux États parties de s’accorder «l’entraide judiciaire la plus large possible» dans les procédures pénales relatives à des violations de la Convention, «y compris en ce qui concerne la communication de tous les éléments de preuve dont ils disposent qui sont nécessaires aux fins de la procédure» (art. 9).

L ’ État partie devrait prendre des mesures concrètes pour assurer la communication aux autorités civiles d ’ informations concernant les affaires au sujet desquelles elles mènent des enquêtes pénales portant sur d es violations présumées de la Convention commises par des membres du clergé ou avec leur consentement exprès ou tacite. Il devrait en outre veiller à ce que les procédures à suivre pour solliciter une telle coopération soient claires et bien connues des autorités civiles et que les demandes de coopération reçoivent une réponse rapide.

Garanties juridiques fondamentales

Le Comité prend acte avec satisfaction des informations fournies par l’État partie dans son rapport et au cours du dialogue au sujet de la protection juridique garantie aux personnes privées de liberté dans l’État partiepar le Code pénal, le Code de procédure pénale et le projet de règlement de2012 de la Direction des services de sécurité et de la protection civile. Le Comité regrette qu’aucune information n’ait été fournie sur la question de savoir si ces textes contenaient les garanties juridiques particulières contre la torture qu’il avait demandé à tous les États d’accorder à toutes les personnes privées de liberté(art. 2, 13, 15 et16).

L ’ État partie devrait faire en sorte que ses lois et ses règlements consacrent le droit de toutes les personnes privées de liberté de jouir des garanties juridiques contre la torture énoncées dans l ’ Observation générale n o  2 du Comité, notamment du droit de bénéficier d ’ une aide judiciaire indépendante, d ’ une assistance médicale indépendante, et de contacter leurs proches dès leur arrestation. L ’ État partie devrait contrôler le respect de ces garanties par ses fonctionnaires et faire en sorte que tout manquement à l ’ obligation d ’ accorder ces garanties donne lieu à des sanctions disciplinaires ou autres.

Plaintes et enquêtes immédiates, approfondies et impartiales

Le Comité se félicite des modifications apportées au Code pénal et au Code de procédure pénale de l’État de la Cité du Vatican qui rendent manifeste le fait que les autorités doivent engager des poursuites en cas de violation présumée de la Convention par les citoyens et les fonctionnaires. LeComité a en outre appris avec satisfaction que la Commission pontificale pour la protection des mineurs créée par le pape François s’efforcerait d’assurer le respect de l’obligation de rendre des comptes et que ses membres avaient annoncé leur intention de faire des propositions concrètes en vue d’une sensibilisation «[aux] conséquences tragiques des abus sexuels et [aux]conséquences désastreuses du manque d’écoute, de l’absence de rapports en cas d’abus suspectés et du manque de soutien aux victimes et à leur famille». Jusqu’à présent, le Comité n’a reçu aucun renseignement au sujet du mandat de la Commission pontificale, de ses pouvoirs d’enquête et de sa capacité de faire rapport publiquement (art. 12 et 13).

L ’ État partie devrait:

a) Créer un organisme de plainte indépendant , auquel les victimes de violations présumées de la Convention puissent adresser confidentiellement les allégations d ’ abus et qui soit habilité à coopérer avec les autorités de l ’ État partie, ainsi qu ’ avec les autorités civiles du lieu où s ’ est produit l ’ abus présumé;

b) Faire en sorte que les organes chargés d ’ enquêter sur les allégations de violation de la Convention par des fonctionnaires du Saint-Siège, notamment le Bureau du promoteur de la justice, soient indépendants et qu ’ il n ’ y ait pas de rapport hiérarchique entre les enquêteurs et les auteurs des violations présumés , et veiller à ce que les enquêtes menées par ces organes soient rapides , approfondies et impartiales;

c) Préciser si la Commission pontificale pour la protection des mineurs créée en décembre 2013 devrait avoir les pleins pouvoirs pour enquêter sur les violations présumées de la Convention, veiller à ce que les résultats de toute enquête menée par elle soient rendus publics et à ce que les agents chargés des poursuites y donnent rapidement suite, dans un délai précis.

Concordats et autres accords

Le Comité est préoccupé par les allégations selon lesquelles les concordats et autres accords négociés par le Saint-Siège avec d’autres États pourraient en fait empêcher l’engagement de poursuites contre des auteurs présumés de violations de la Convention en restreignant la capacité des autorités civiles d’interroger ou de poursuivre des personnes associées à l’Église catholique ou de les obliger à produire des documents (art. 2, 12, 13 et 16).

L ’ État partie devrait songer à revoir ses accords bilatéraux avec d ’ autres États, tels que les concordats, en vue de s ’ acquitter des obligations qui lui incombent en vertu de la Convention et d ’ empêcher que des accords servent à fournir à des auteurs présumés de violations de la Convention ou à des personnes qui disposeraient d ’ informations concernant de telles violations une protection qui leur permette de se soustraire aux enquêtes ou aux poursuites engagées par les autorités civiles en raison de leur statut ou de leur appartenance à l ’ Église catholique.

Réparation

Tout en notant que de nombreux diocèses et ordres religieux ont offert un dédommagement financier à des victimes d’abus, le Comité demeure profondément préoccupé par le fait que de nombreuses victimes ne peuvent, semble-t-il, pas obtenir réparation de violations présumées de la Convention commises par des personnes agissant à titre officiel, au nom de l’État partie ou avec le consentement tacite ou exprès de telles personnes. Le Comité est particulièrement préoccupé par les allégations selon lesquelles il y a eu des cas où l’État partie aurait consenti de manière expresse ou tacite à certaines mesures prises par des responsables de l’Église pour empêcher que des avoirs ne soient saisis par des autorités civiles aux fins de dédommager des victimes ou aurait autorisé de telles mesures. Le Comité est également préoccupé par la réaction de l’État partie au refus persistant des quatre ordres religieux qui gèrent les laveries des sœurs de Marie-Madeleine en Irlande de verser une contribution au fonds de dédommagement des personnes victimes d’abus dans cet établissement. Le Comité rappelle que conformément à son Observation générale no 3, la notion de réparation englobe la restitution, l’indemnisation, la réadaptation, la satisfaction et le droit à la vérité, ainsi que les garanties de non-répétition (art. 12, 13, 14 et 16).

L ’ État partie devrait:

a) Prendre, conformément à l ’ article 14 de la Convention et à l ’ Observation générale n o 3, des mesures pour faire en sorte que les victimes d ’ abus sexuels commis par des agents de l ’ État partie ou avec leur consentement exprès ou tacite reçoivent une réparation, sous la forme de la reconnaissance de leur droit à une indemnisation équitable , suffisante et exécutoire et à une réadaptation aussi complète que possible, indépendamment du fait que les auteurs de tels actes ont été ou non traduits en justice. Des mesures appropriées devraient être prises pour assurer le rétablissement physique et psychologique et la réintégration sociale des victimes d ’ abus;

b) Encourager l ’ octroi de réparations par les différents ordres religieux aux victimes de violations de la Convention commises par des membres de c es ordres et prendre des mesures supplémentaires pour faire en sorte que les victimes obtiennent réparation selon que de besoin, notamment dans le cas des laveries des sœurs de Marie - Madeleine.

Vente et enlèvement d’enfants

Le Comité est préoccupé par les nombreux cas de nouveau-nés retirés à leur mère biologique par des membres de congrégations catholiques dans plusieurs pays pour être ensuite placés dans des orphelinats ou donnés à l’adoption à l’étranger. Comme dans le cas des laveries des sœurs de Marie-Madeleine, le Comité s’inquiète qu’aucune information n’ait été donnée sur les mesures prises pour retrouver ces enfants et les rendre à leur mère biologique.

L ’ État partie devrait:

a) Demander aux congrégations concernées de communiquer les informations pertinentes en leur possession au sujet du sort des enfants en question, afin qu ’ ils soient rendus à leur mère biologique;

b) Prendre toutes les mesures nécessaires pour éviter que de telles pratiques se reproduisent à l ’ avenir.

Non-refoulement et asile

Le Comité note avec satisfaction que l’État partie a confirmé que le Saint-Siège s’abstiendrait d’expulser, de refouler ou d’extrader une personne vers un État où elle risque d’être torturée et que les modifications apportées au Code pénal et au Code de procédure pénale, annexées à la Lettre apostolique du pape François en date du 13 juillet 2013 contiennent des détails sur cette question. Le Comité regrette toutefois qu’aucune donnée ne lui ait été fournie en réponse à ses questions concernant le nombre de demandes d’asile reçues et acceptées, compte tenu en particulier de l’affirmation selon laquelle ce sont les autorités italiennes qui statuent sur ces demandes (art. 3).

Le Comité recommande à l ’ État partie de fournir dans son prochain rapport des données sur le nombre de demandes d ’ asile reçues par les autorités de l ’ État partie se trouvant sur son territoire ou à l ’ étranger depuis 2002, ainsi que sur le nombre de demandes auxquelles il a été fait droit , et d ’ indiquer si des demandeurs d ’ asile ont été refoulés ou ont vu leur demande d ’ asile rejetée et dans quel pays. L ’ État partie devrait veiller à ce que ses autorités suivent le traitement réservé à tout demandeur d ’ asile renvoyé en Italie, de façon à garantir qu ’ il ne soit pas par la suite expulsé vers un lieu où il risque d ’ être soumis à la torture ou à des mauvais traitements.

Formation du corps de la gendarmerie

Tout en notant qu’une formation aux droits de l’homme est dispensée au corps de la gendarmerie, le Comité constate avec préoccupation que ce corps ne reçoit pas de formation spécifique aux dispositions de la Convention, notamment à l’interdiction absolue de la torture, et que les membres du corps médical qui s’occupent des personnes privées de liberté et des demandeurs d’asile ne reçoivent pas de formation au sujet du Manuel pour enquêter efficacement sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (Protocole d’Istanbul) (art. 10).

L ’ État partie devrait veiller à ce que l ’ interdiction absolue de la torture, d ’ autres dispositions de la Convention et les conclusions, décisions et Observations générales du Comité fassent partie de la formation dispensée au corps de la gendarmerie. Il devrait en outre faire en sorte que le corps de la gendarmerie, les membres de la profession médicale et les agents de la force publique concernés de l ’ État partie reçoivent une formation au sujet du Manuel pour enquêter efficacement sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (Protocole d ’ Istanbul).

Données statistiques

Le Comité regrette l’absence de données complètes et ventilées sur les plaintes et les enquêtes concernant des actes constitutifs de violation de la Convention.

L ’ État partie devrait rassembler des données statistiques utiles pour le suivi de l ’ application de la Convention et les enquêtes relatives à des actes constitutifs de violation de la Convention , ainsi que sur les moyens de réparation, notamment d ’ indemnisation et de réadaptation, assurés aux victimes.

Le Comité invite l’État partie à envisager de ratifier les principaux instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme auxquels il n’est pas encore partie, à savoir le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels et le Pacte international relatif aux droits civils et politiques et les Protocoles facultatifs s’y rapportant, ainsi que la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes et le Protocole facultatif s’y rapportant, la Convention sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, la Convention sur la protection des droits des personnes handicapées et le Protocole facultatif s’y rapportant et la Convention pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées.

L’État partie est invité à diffuser largement le rapport soumis au Comité ainsi que les présentes observations finales, dans les langues voulues, par le biais des sites Web officiels, des médias et des organisations non gouvernementales.

L’État partie est invité à soumettre son document de base commun, conformément aux instructions figurant dans les directives harmonisées pour l’établissement des rapports à présenter au titre des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme (HRI/GEN.2/Rev.6).

Le Comité demande à l’État partie de lui faire parvenir, d’ici au 23 mai 2015, des renseignements sur la suite donnée aux recommandations relatives à la prévention de la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants et à l’impunité qui figurent aux paragraphes 10 et 11 du présent document. En outre, le Comité demande que lui soient communiquées des informations sur les mesures de suivi prises concernant les plaintes, les enquêtes et les réparations, en réponse aux recommandations formulées aux paragraphes 14 et 16 du présent document.

L’État partie est invité à soumettre son prochain rapport périodique, qui sera son deuxième, le 23 mai 2018 au plus tard. À cette fin, le Comité invite l’État partie à opter, d’ici au23 mai 2015, pour sa procédure facultative de présentation de rapports, qui consiste à transmettre une liste de points à l’État partie avant qu’il ne soumette son rapport périodique. Les réponses à cette liste constitueront le prochain rapport périodique de l’Étatpartie au titre de l’article 19 de la Convention.