Nations Unies

CAT/C/RWA/CO/1

Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Distr. générale

26 juin 2012

Français

Original: anglais

Comité contre la torture

Quarante-huitième session

7 mai-1er juin 2012

Examen des rapports soumis par les États parties en application de l’article 19 de la Convention

Observations finales du Comité contre la torture

Rwanda

1.Le Comité a examiné le rapport initial du Rwanda (CAT/C/RWA/1) à ses 1070e et 1073e séances (CAT/C/SR.1070 et 1073), le 15 mai 2012, et a adopté les observations finales ci-après à ses 1090e et 1091e séances (CAT/C/SR.1090 et 1091), le 31 mai 2012.

A.Introduction

2.Le Comité accueille avec satisfaction le rapport initial du Rwanda, qui est conforme aux lignes directrices du Comité en matière de présentation de rapports. Il regrette toutefois qu’il ne donne pas de statistiques sur l’application des dispositions de la Convention. Le Comité se félicite du dialogue franc et ouvert qu’il a eu avec la délégation de l’État partie, ainsi que des réponses données oralement pendant l’examen du rapport et des réponses complémentaires fournies par écrit.

3.Le Comité prend également note des progrès accomplis sur la voie de la pleine réconciliation du peuple rwandais après le génocide de 1994 et des efforts faits pour que les victimes du génocide obtiennent justice et pour bâtir un État fondé sur la primauté du droit.

B.Aspects positifs

4.Le Comité note avec satisfaction que l’État partie a ratifié les instruments internationaux ci-après ou y a adhéré:

a)Le Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, visant à abolir la peine de mort, le 15 décembre 2008;

b)Le Protocole facultatif se rapportant à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, le 15 décembre 2008;

c)La Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, le 15 décembre 2008;

d)La Convention relative aux droits des personnes handicapées, le 15 décembre 2008;

e)Le Protocole facultatif se rapportant à la Convention relative aux droits des personnes handicapées, le 15 décembre 2008.

5.Le Comité prend note des efforts faits par l’État partie pour réviser sa législation, notamment:

a)L’adoption en 2003 de la Constitution, dont l’article 15 dispose que nul ne peut faire l’objet de tortures, de sévices ou de traitements cruels, inhumains ou dégradants;

b)L’adoption en 2012 d’un nouveau Code pénal qui définit l’infraction de torture;

c)L’adoption en 2004 de la loi no 15/2004 portant mode et administration de la preuve;

d)L’adoption en 2001 de la loi no 27/2001 relative aux droits et à la protection de l’enfant contre les violences, qui dispose qu’aucun enfant ne devrait être soumis à la torture ou à des traitements cruels, inhumains ou dégradants;

e)L’adoption en 2007 de la loi organique no 37/2007 portant abolition de la peine de mort;

f)L’adoption en 2008 de la loi portant prévention et répression de la violence basée sur le genre.

6.Le Comité salue également les efforts faits par l’État partie concernant les politiques et procédures en vigueur, notamment la création du Bureau du Médiateur.

C.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Définition et incrimination de la torture

7.Le Comité relève avec satisfaction que, selon les informations données par la délégation, le Code pénal, nouvellement adopté mais non encore promulgué, définit la torture en son article 166, mais il note avec préoccupation que les peines prévues à l’article 205 de ce nouveau Code (de six mois à cinq ans) sont clémentes. En outre, les peines ne visent pas les actes de torture consistant à infliger une douleur ou des souffrances mentales (art. 1er et 4).

L’État partie devrait promulguer et appliquer le Code pénal nouvellement adopté dès que possible, en veillant à ce que la définition de la torture soit conforme à la Convention. Il devrait également faire en sorte que le Code pénal prévoie des peines appropriées pour les actes de torture, y compris ceux qui consistent à infliger une douleur ou des souffrances mentales.

Application directe de la Convention par les juridictions internes

8.Notant que la Convention peut être directement invoquée devant les tribunaux internes, le Comité est toutefois préoccupé par le manque d’informations sur les affaires dans lesquelles la Convention a été appliquée par les tribunaux de l’État partie ou invoquée devant eux (art. 2, 10, 12, 13 et 16).

L’État partie devrait veiller à ce que les agents de l’État, les juges, les magistrats, les procureurs et les avocats reçoivent une formation sur les dispositions de la Convention de manière à faciliter son invocation directe devant les tribunaux de l’État partie et son application par ces mêmes tribunaux. L’État partie devrait également veiller à ce que, pendant la période de transition avant la promulgation du nouveau Code pénal, l’absence de définition de la torture dans le Code pénal en vigueur soit compensée par l’application directe, par les tribunaux de l’État partie, de la définition donnée dans la Convention. Enfin, il devrait faire figurer dans son prochain rapport périodique des exemples représentatifs d’affaires dans lesquelles la Convention a été directement appliquée.

Ordres d’un supérieur

9.Le Comité note que le paragraphe 2 de l’article 48 de la Constitution consacre le droit de tout citoyen de contester un ordre d’un supérieur et que les instructions internes de la Police nationale prévoient également que le subordonné a le devoir de ne pas exécuter les ordres contraires à la loi, mais il est préoccupé par l’absence de procédures propres à faire appliquer ces règles dans la pratique (art. 2).

L’État partie devrait garantir, dans la pratique, le droit d’un subordonné de refuser d’exécuter un ordre émanant de son supérieur qui est contraire à la Convention. Il devrait aussi veiller dans la pratique à ce que l’exécution d’un tel ordre ne constitue pas une justification de la torture, en totale conformité a vec le paragraphe 3 de l’article  2 de la Convention.

Allégations de torture et de mauvais traitements

10.Le Comité est préoccupé par les allégations faisant état d’actes de torture commis dans certains lieux de détention de l’État partie, en particulier les informations relatives à 18 cas de torture ou de mauvais traitements (passages à tabac et décharges électriques, par exemple) pendant des interrogatoires menés par des agents du renseignement militaire rwandais dans les camps de Kami et de Kinyinga et par d’autres membres des services de sécurité dans des «lieux illicites», notamment les mauvais traitements infligés à des prisonniers politiques comme Bertrand Ntaganda, Célestin Yumvihoze, Dominique Shyirambere et Victoire Ingabire (art. 2, 11, 12 et 13).

L’État partie devrait prendre des mesures immédiates et effectives pour empêcher la torture et les mauvais traitements dans tous les lieux de détention et les autres lieux de privation de liberté sur son territoire. Il devrait enquêter rapidement et de manière impar tiale et approfondie sur les 18  cas présumés de torture et sur les cas signalés d’actes de torture et de mauvais traitements infligés à des prisonniers politiques, poursuivre les responsables et leur imposer des peines appropriées. L’État partie devrait également veiller à ce que les victimes d’actes de torture ou de mauvais traitements obtiennent réparation, et notamment bénéficient de services de réadaptation .

Rapport sur les centres de détention secrets

11.S’il prend note de la déclaration de la délégation, qui nie que des personnes soient détenues dans des lieux secrets, le Comité est toutefois préoccupé par les informations indiquant que des personnes seraient détenues dans des «centres de détention non officiels» sans avoir été inculpées ou présentées à un juge et sans pouvoir consulter un avocat indépendant et un médecin. Le Comité est préoccupé par les 45 cas signalés de détention illicite dans des camps militaires et d’autres lieux de détention secrets présumés en 2010 et 2011, la durée de la détention allant de dix jours à deux ans, sans garanties juridiques (art. 2, 11 et 12).

L’État partie devrait veiller à ce que personne ne soit détenu dans des lieux de détention secrets ou non officiels, empêcher toute forme de détention illégale sur son territoire et mener des enquêtes sur les allégations faisant état de tels faits. Il devrait, de toute urgence, fermer ces lieux de détention et faire en sorte que les personnes qui y sont détenues bénéficient de toutes les garanties juridiques, en particulier en ce qui concerne le droit d’être présenté rapidement à un juge, dans un délai de quarante-huit heures au maximum après l’arrestation ou le placement en détention (voir les Principes de base re latifs au rôle du barreau, par.  7), le droit de consulter un avocat de son choix et le droit d’être examiné par un médecin. L’État partie devrait adopter une loi portant création et publication de la liste officielle de tous les lieux de détention, et prévoir des peines pour ceux qui ont détenu des personnes dans des lieux autres que les centres de détention légaux.

Garanties juridiques fondamentales

12.S’il note que, en vertu de la législation de l’État partie, les détenus bénéficient des garanties juridiques fondamentales, le Comité est toutefois préoccupé par les informations indiquant que les personnes détenues dans des postes de police, des prisons ou d’autres lieux de détention ne bénéficient pas systématiquement des garanties juridiques fondamentales conformément aux normes internationales. Le Comité est particulièrement préoccupé par le fait que des personnes pourraient être placées en détention avant jugement pendant de longues périodes sans être présentées à un juge et qu’elles ne peuvent consulter un avocat ou un médecin de leur choix ou bénéficier d’un examen médical indépendant, conformément aux normes internationales. Elles n’ont pas non plus le droit de prévenir un membre de leur famille. Le Comité note aussi avec préoccupation qu’il n’existe pas de système centralisé d’enregistrement des personnes privées de liberté (art. 2).

L’État partie devrait prendre rapidement des mesures efficaces pour que, en droit et dans la pratique, tous les détenus jouissent, dès leur placement en détention, de toutes les garanties juridiques. Il s’agit notamment du droit de chaque détenu d’être informé des raisons de son arrestation, y compris de toute accusation portée contre lui, d’avoir rapidement accès à un avocat et de s’entretenir en privé avec lui et, si nécessaire, d’obtenir une aide juridictionnelle, d’être examiné par un médecin indépendant, si possible de son choix, d’informer un proche, d’être assisté par un avocat pendant un interrogatoire de police et, si nécessaire, par un interprète, d’être présenté rapidement à un juge et de faire examiner la légalité de sa détention par un tribunal.

L’État partie devrait veiller à ce que les agents de l’État, en particulier les médecins légistes, les médecins des prisons, les agents pénitentiaires et les magistrats qui ont des raisons de soupçonner qu’un acte de torture ou des mauvais traitements ont été infligés, consignent tout acte de cette nature, qu’il soit l’objet de soupçons ou ait été dénoncé, et le signalent aux autorités compétentes. L’État partie devrait en outre envisager de créer un système centralisé d’enregistrement des personnes privées de liberté.

Système de surveillance des lieux de détention

13.Le Comité prend note de l’existence de lois, règlements et instructions, ainsi que des informations indiquant que la Commission nationale des droits de l’homme, le Bureau du Médiateur et certaines organisations non gouvernementales surveillent les postes de police et les prisons. Il est toutefois préoccupé par l’absence de mécanisme assurant la surveillance de tous les lieux de détention. Il regrette également de ne disposer que d’informations limitées sur l’existence d’un mécanisme de plainte dans les lieux de détention, y compris sur les possibilités de porter plainte sans crainte de représailles (art. 2, 11, 12, 13 et 16).

L ’ État partie devrait faciliter l’organisation de visites plus nombreuses d ’ organismes publics et d ’ organisations non gouvernementales dans les lieux de détention à des fins de surveillance et veiller à ce que les détenus puissent porter plainte sans avoir à craindre des représailles . Ce s plaintes devraient faire rapidement l ’ objet d ’ enquêtes impartiales et indépendantes .

Disparitions forcées

14.Le Comité est préoccupé par les informations faisant état de disparitions forcées et par le fait que l’État ne donne pas de renseignements sur le lieu où se trouvent les disparus et n’ait pas lancé d’enquête approfondie sur les disparitions, en particulier sur celles d’André Kagwa Rwisereka et d’Augustin Cyiza. Il note aussi avec préoccupation que 21 des 24 affaires soumises à l’État partie par le Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires restent pendantes (art. 2, 11, 12, 13, 14 et 15).

L ’ État partie devrait prendre toutes les mesures nécessaires pour protéger effectivement toutes les personnes contre les disparitions forcées. Il devrait veiller à ce que toutes les disparition s forcée s fassent l ’ objet d ’ une enquête approfondie et à ce que les responsables soient poursuivis et, s ’ ils sont jugés coupables, à ce qu ’ ils reçoivent des peines adaptées. L ’ État partie devrait aussi veiller à ce que toute personne qui a subi un préjudice résultant directement d ’ une disparition forcée ait accès à toute s les information s disponible s qui pourraient être utile s pour déterminer où se trouve la personne disparue, et ait droit à une réparation juste et adéquate. L ’ État partie devrait redoubler d ’ efforts pour faire la lumière sur toutes les affaires en suspens qui lui ont été soumises par le Groupe de travail sur les disparitions forcées et involontaires. En outre, l’État partie est instamment invité à ratifier la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées.

Tribunaux gacaca − justice traditionnelle

15.Le Comité prend acte avec satisfaction des explications données par l’État partie sur le système des tribunaux gacaca, qui ont été établis pour accélérer les poursuites en relation avec le génocide de 1994, et sur la dissolution imminente de ces tribunaux, leur mission étant accomplie. Il note toutefois avec préoccupation que des critiques ont été émises au sujet de l’absence de garanties fondamentales dans les procédures suivies par les tribunaux gacaca (art. 2, 10 à 13, 15 et 16).

L ’ État partie devrait veiller à ce que le système des tribunaux ga c aca soit compatible avec les obligations internationales de l ’ État partie dans le domaine des droits de l ’ homme, en particulier ses obligations au titre de la Convention concernant les garanties juridiques fondamentales d’un procès équitable, et à ce que l es affaires qui doivent encore être jugées par ces tribunaux soient examinées conformément à ces normes. Il devrait également veiller à ce que les décisions rendues par ces tribunaux puissent faire l ’ objet d ’ un recours devant des tribunaux ordinaires.

Violence contre les femmes et les enfants et violence intrafamiliale,y compris violence sexuelle

16.Le Comité prend acte des mesures adoptées par l’État partie pour lutter contre la violence intrafamiliale, en particulier la violence contre les femmes et les filles. Il note également que le nombre de viols a diminué entre 2006 et 2009. Il est toutefois préoccupé par la persistance de ce phénomène, signalée dans le rapport de l’État partie, et note qu’en 2009 l’État partie a enregistré 1 570 viols d’enfants. Le Comité regrette qu’il n’existe pas de données statistiques complètes et récentes sur la violence intrafamiliale, ainsi que sur les enquêtes menées sur ce type d’affaires, les poursuites engagées, les condamnations prononcées et les peines infligées aux auteurs de tels faits. Il est également préoccupé par l’absence de législation complète interdisant l’utilisation des châtiments corporels contre les enfants (art. 2 et 12 à 14).

L ’ État partie devrait renforcer ses mesures visant à éliminer la violence intrafamiliale, en particulier la violence contre les femmes et les filles, notamment en adoptant une stratégie globale à cet effet. Il devrait faciliter le dépôt de plaintes par les femmes contre les auteurs de tels faits et faire en sorte que des enquêtes impartiales et effectives soient menées sans délai sur toutes les allégations de violence sexuelle, poursuivre les suspects et punir les auteurs. L ’ État partie devrait continuer d ’ offrir une assistance aux femmes victimes, y compris un hébergement, une assistance médicale et des mesures de réadaptation. Il devrait également interdire expressément les châtiments corporels contre les enfants dans tous les contextes.

L ’ État partie devrait communiquer au Comité des informations sur les enquêtes relatives à des affaires de violence intrafamiliale, en particulier de violence contre les femmes et les filles, y compris le viol et d ’ autres crimes, dont la violence sexuelle, et sur l ’ issue des procès, en précisant notamment les peines prononcées contre les auteurs et la réparation et l’indemnisation offertes aux victimes .

Organisations non gouvernementales, défenseurs des droits de l’homme et journalistes

17.Le Comité prend note des informations fournies par la délégation de l’État partie au sujet des relations de l’État avec la société civile, mais il est préoccupé par les informations faisant état d’intimidations et de menaces qui font obstacle à la participation effective des organisations non gouvernementales aux activités relatives aux droits de l’homme. Le Comité est particulièrement préoccupé par les informations faisant état de l’arrestation et du placement en détention de défenseurs des droits de l’homme et de journalistes et regrette l’absence d’informations sur les enquêtes menées sur de telles allégations. Il prend note des informations selon lesquelles les organisations non gouvernementales internationales sont actuellement autorisées à s’enregistrer pour cinq ans, au lieu d’un an, et les organisations locales sont dispensées d’enregistrement. Le Comité est toutefois préoccupé par les informations faisant état d’obstacles mis à l’enregistrement et au travail des organisations non gouvernementales (art. 2, 12, 13 et 16).

L ’ État partie devrait lever les obstacles qui entravent le travail des organisations non gouvernementales et offrir aux défenseurs des droits de l’homme et aux journalistes une protection effective contre l’intimidation, les menaces, les arrestations et la détention, y compris en poursuivant et en punissant les responsables de tels actes. À cette fin, l’État partie devrait mettre effectivement en application sa décision d’accorder un permis de cinq ans aux organisations non gouvernementales internationales et de dispenser les organisations non gouvernementales locales de l’enregistrement.

Non-refoulement

18.Le Comité note avec préoccupation que les étrangers qui «troublent ou menacent de troubler» la sécurité publique sont expulsés, extradés ou renvoyés dans leur pays et peuvent courir le risque d’être soumis à la torture, en violation du principe de non-refoulement, faute de mécanisme efficace permettant d’évaluer le risque que court l’intéressé d’être soumis à la torture dans le pays de destination (art. 3).

L ’ État partie devrait veiller à ce qu ’ aucun e personne ne soit expulsée, extradée ou refoulée vers un État où il y a des motifs sérieux de croire qu ’ elle risque d ’ être soumise à la torture. Il devrait prendre des mesures pour garantir que le principe du non-refoulement est correctement appliqué par la Haute Cour lorsqu ’ elle statue sur ce type d ’ affaire. L ’ État partie devrait en outre veiller à ce que le projet de loi sur l ’ extradition, en cours d ’ examen au Parlement, intègre les obligation s internationale s au titre de l ’ article 3 de la Convention.

Conditions carcérales

19.Prenant note des efforts faits par le Gouvernement, le Comité est cependant préoccupé par les mauvaises conditions carcérales, en particulier en ce qui concerne l’hygiène, l’accès aux soins de santé et l’alimentation. Il est préoccupé par le taux élevé de surpopulation et par le fait que des personnes peuvent être maintenues en détention après avoir exécuté leur peine. Il est également préoccupé par les informations indiquant qu’un nombre élevé de mères sont détenues avec leur bébé dans des conditions extrêmement difficiles (art. 2, 11 et 16).

L ’ État partie devrait redoubler d ’ efforts pour améliorer les conditions carcérales et veiller à ce que celles-ci soient conformes à l ’ Ensemble de règles minima pour le traitement des détenus:

a) En réduisant le taux élevé de surpopulation, en particulier en recourant davantage à des mesures non privatives de liberté, compte tenu des Règles minima des Nations Unies pour l ’ élaboration de mesures non privatives de liberté (Règles de Tokyo);

b) En libérant les détenus qui ont exécuté la plus grande partie de leur peine de prison et qui sont considérés par les autorités compétentes comme aptes à la réinsertion dans la société;

c) En évitant les longues périodes de détention avant jugement et en veillant à ce que les personnes placées en détention avant jugement bénéficient d ’ un procès équitable et rapide;

d) En veillant à ce que les mineurs soient séparés des adultes et les prévenus des condamnés;

e) En veillant à ce que les mères détenues avec leur bébé soient placées dans un cadre plus adapté .

Justice pour mineurs

20.Le Comité note avec préoccupation que des mineurs de moins de 12 ans qui sont en conflit avec la loi peuvent être détenus pendant huit mois au maximum et que ces mineurs ne sont pas toujours séparés des adultes. Il est également préoccupé par les informations indiquant que des mineurs sont arrêtés et placés en détention pour vagabondage sans aucune garantie juridique (art. 2, 10 et 16).

L ’ État partie devrait de toute urgence prendre des mesures pour éviter la détention des mineurs en conflit avec la loi et , à titre de mesure de substitution à l’emprisonnement, leur ass urer une protection spéciale. Il devrait également veiller à ce que tous les mineurs ne soient privés de liberté qu ’ en dernier ressort et pour la période la plus courte possible. Enfin, il devrait veiller à ce que les mineurs privés de liberté jouissent de toutes les garanties juridiques et que ceux qui sont condamnés soient détenus séparément des adultes.

Formation

21.Tout en prenant note des renseignements donnés par l’État partie sur les formations sur les droits de l’homme destinées aux membres des forces de l’ordre, aux médecins et aux infirmiers, au personnel du Service national des prisons et aux officiers de police judiciaire, formations qui portent notamment sur les principes consacrés par la Convention, le Comité est préoccupé par le manque d’informations sur les effets de ces formations sur la lutte contre la torture et les mauvais traitements et sur leur évaluation. Il note également avec préoccupation que l’État partie n’a pas indiqué si la formation destinée à apprendre aux médecins à déceler les signes de torture comprend une familiarisation au Manuel pour enquêter efficacement sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (Protocole d’Istanbul) (art. 10).

L ’ État partie devrait renforcer les programmes de formation destinés aux membres des forces de l ’ ordre, civils ou militaires, au personnel médical, aux agents de l ’ État et aux autres personnes susceptibles d ’ intervenir dans la garde à vue, l ’ interrogatoire ou le traitement des personne s arrêtée s , détenue s ou emprisonnée s . Il devrait évaluer l ’ efficacité des formations offertes et veiller à ce que le Manuel pour enquêter efficacement sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (Protocole d’Istanbul) soit inclus dans les programmes de formation.

Réparation, indemnisation, réadaptation

22.Le Comité note avec préoccupation que, dans son rapport, l’État partie indique qu’en vertu de la législation, «le droit des victimes d’être indemnisées est subordonné à l’existence d’un acte authentique ou à une reconnaissance émanant de l’auteur de l’infraction et donnant lieu à indemnisation». Il estime que cette condition risque d’empêcher des victimes de torture ou de mauvais traitements d’obtenir réparation, y compris d’être indemnisées, comme le veut la Convention. Il est également préoccupé par l’absence d’affaire liée à la torture et aux mauvais traitements dans laquelle l’État rwandais aurait eu à verser une indemnisation pour réparer des dommages causés par ses agents, malgré les dispositions du Code civil (Livre III, art. 258 à 262) relatives à la responsabilité civile résultant des délits et des quasi-délits (art. 14).

L ’ État partie devrait réviser sa législation pour supprimer la condition de «reconnaissance émanant de l ’ auteur de l ’ infraction» afin que les victimes de torture puissent demander et obtenir rapidement une indemnisation équitable et adéquate, y compris dans les cas où la responsabilité civile de l ’ État partie est engagée. Il devrait fournir au Comité des données statistiques sur les affaires dans lesquelles l’État partie a indemnisé des victimes de torture ou de mauvais traitements, en précisant le montant des indemnités versées.

Aveux obtenus sous la contrainte

23.Le Comité note que, dans son rapport, l’État partie a indiqué que les éléments de preuve obtenus par la torture ou toute méthode cruelle ou dégradante sont considérés comme irrecevables mais il est préoccupé par les informations indiquant que des personnes accusées de menacer la sécurité publique et détenues dans les camps militaires de Kami et de Mukamira ainsi que dans des lieux de détention officieux de Kigali ont fait des aveux après avoir été battues et torturées. Le Comité est particulièrement préoccupé par le fait que les juges n’ont pas diligenté d’enquêtes sur ces affaires et ont fait porter la charge de la preuve sur les accusés (art. 15).

L ’ État partie devrait veiller à ce que les aveux, les déclarations et les éléments de preuve obtenus par la torture ou des mauvais traitements ne soient pas invoqués comme un élément de preuve dans une procédure, si ce n ’ est contre la personne accusée de torture pour établir qu ’ une déclaration a été faite. L ’ État partie devrait enquêter sur les aveux obtenus par la torture et veiller à ce que les responsables soient poursuivis et punis. Il devrait revoir les condamnations pénales reposant uniquement sur des aveux afin d ’ identifier les cas de condamnation irrégulière fondée sur des aveux obtenus par la torture ou des mauvais traitements, prendre les mesures correctives qui s ’ imposent et informer le Comité de ses constatations.

Commission nationale des droits de l’homme

24.Le Comité prend acte avec satisfaction des explications de la délégation de l’État partie sur les activités de la Commission nationale des droits de l’homme mais il est préoccupé par le manque présumé d’indépendance effective de la Commission et l’insuffisance des ressources financières et humaines qui lui sont allouées pour lui permettre de s’acquitter efficacement de son mandat (art. 2).

L ’ État partie devrait prendre des mesures appropriées pour garantir dans la pratique l ’ indépendance de la Commission nationale des droits de l ’ homme et lui allouer des ressources financières et humaines suffisantes pour lui permettre de s ’ acquitter efficacement de son mandat, en totale conformité avec les Principes concernant le statut des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l ’homme (Principes de Paris ).

25.Le Comité recommande à l’État partie d’envisager de ratifier dès que possible le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

26.Le Comité recommande à l’État partie d’envisager de faire les déclarations prévues aux articles 21 et 22 de la Convention, afin de reconnaître la compétence du Comité pour recevoir et examiner des communications.

27.L’État partie est invité à diffuser largement le rapport qu’il a soumis au Comité ainsi que les présentes observations finales, dans les langues voulues, par l’intermédiaire des sites Web officiels, des médias et des organisations non gouvernementales.

28.L’État partie est invité à soumettre son document de base commun en suivant les instructions relatives à l’établissement du document de base commun qui figurent dans les directives harmonisées pour l’établissement des rapports au titre d’instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme (HRI/GEN/2/Rev.6) approuvées par la réunion intercomités des organes créés en vertu d’instruments relatifs aux droits de l’homme, et à respecter la limite de 80 pages fixée pour ce document.

29.Le Comité prie l’État partie de lui faire parvenir, le 1er juin 2013 au plus tard, des renseignements sur la suite qu’il aura donnée aux recommandations du Comité concernant i) la conduite d’enquêtes rapides, impartiales et efficaces, ii) les poursuites engagées et les sanctions prises contre les auteurs d’actes de torture et de mauvais traitements, iii) les recours offerts aux victimes, et iv) les garanties fondamentales assurées aux personnes retenues au poste de police, formulées aux paragraphes 10, 12 et 14 des présentes observations finales. En outre, le Comité aimerait recevoir des renseignements sur la suite donnée aux recommandations concernant les centres de détention secrets et la réduction de la surpopulation carcérale, formulées aux paragraphes 11 et 19 a) et b) des présentes observations finales.

30.Le Comité invite l’État partie à présenter son prochain rapport, qui sera son deuxième rapport périodique, le 1er juin 2016 au plus tard. À cette fin, il invite l’État partie à accepter, le 1er juin 2013 au plus tard, de se soumettre à la procédure facultative d’établissement de rapport, en vertu de laquelle le Comité transmet à l’État partie une liste de points à traiter avant la soumission du rapport. Les réponses de l’État partie à la liste des points à traiter constitueront, en vertu de l’article 19 de la Convention, son prochain rapport périodique.