Nations Unies

CCPR/C/JOR/CO/4/Add.1

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr. générale

20 août 2014

Français

Original: arabe

Comité des droits de l ’ homme

Observations finales concernant le quatrième rapport périodique de la Jordanie

Additif

Informations reçues de la Jordanie sur la suite donnéeaux observations finales *

[Date de réception: 21 août 2013]

Recommandation no 5 relative au Centre national des droitsde l’homme

Le Centre national des droits de l’homme est doté de la personnalité juridique et jouit de l’indépendance financière et administrative. Il est habilité à ce titre à accomplir tous les actes juridiques. Il peut ainsi conclure des contrats, posséder des biens meubles et immeubles et ester en justice. Le Centre jouit en outre d’une indépendance totale dans l’exercice de ses activités culturelles, politiques et humanitaires relatives aux droits de l’homme. Ni le Conseil ni ses membres n’ont à rendre compte des mesures qu’ils prennent dans les limites des compétences qui leur sont dévolues par la loi. Le Centre est géré par un conseil d’administration composé de 21 membres au maximum. Son président et ses membres sont nommés par le roi sur recommandation du Premier Ministre et peuvent être destitués, ainsi que remplacés pour la période restante de leur mandat, par la même procédure. Le Conseil élit parmi ses membres un vice-président qui assume les fonctions du président durant son absence. Les pouvoirs publics n’exercent aucune autorité sur le Centre, qui est habilité à commenter ou à critiquer la politique du Gouvernement, les mesures qu’il prend et le comportement de ses membres.

Pour ce qui est du financement, le Centre reçoit chaque année une subvention du Gouvernement pour pouvoir s’acquitter de ses tâches, malgré les contraintes budgétaires auxquelles est soumis le pays. C’est ainsi qu’un montant de 382 000 dinars lui a été consacré en 2013.

Recommandation no 11 relative à la loi sur la préventionde la criminalité

En ce qui concerne le paragraphe 11 relatif à la loi no 7 de 1954 sur la prévention de la criminalité et l’inquiétude exprimée par le Comité à propos du fait que cette loi confère aux gouverneurs le pouvoir d’autoriser, sans inculpation et sans garanties effectivement accessibles ni jugement, la détention de toute personne considérée comme présentant un danger pour la société, quelques remarques s’imposent:

a)L’article 3 de la loi sur la prévention de la criminalité stipule ce qui suit: «Si le gouverneur a des raisons suffisantes de croire qu’une personne se trouvant dans le secteur relevant de sa juridiction entre dans l’une des catégories énumérées ci-après et s’il estime qu’il y a des raisons suffisantes de prendre des mesures, il peut adresser à la personne concernée une citation à comparaître selon les modalités définies dans l’appendice 1 de la présente loi pour qu’elle explique s’il y a des motifs qui font qu’il n’est pas possible de l’astreindre à s’engager, avec ou sans garantie, selon les modalités fixées dans l’appendice 2 de la présente loi, à avoir une bonne conduite durant la période fixée par le gouverneur, à condition que celle-ci n’excède pas une année:

1.Toute personne surprise dans un lieu public ou privé dans des circonstances qui amènent le gouverneur à conclure qu’elle était sur le point de commettre une infraction ou d’aider à la commettre;

2.Toute personne habituée à commettre des actes de banditisme ou des vols, à receler des biens volés, à protéger ou à héberger des personnes ayant commis de tels actes, à aider à cacher des biens volés ou à les vendre;

3.Toute personne dont l’état de liberté sans garantie peut constituer un danger pour autrui.»;

b)Les procédures et mesures de police judiciaire sont considérées dans ces circonstances comme des dispositions préventives visant à protéger, par l’anticipation des faits ou leur prévention, l’ordre public contre toute atteinte ou violation;

c)En outre, la loi prévoit une série de mesures destinées à assurer que la personne concernée bénéficie d’une procédure équitable, en ce qui concerne l’enquête, à l’audition des témoins, la présence des avocats, et la possibilité de contester les décisions de l’administration devant la Haute Cour de justice. Les mesures sont énumérées aux paragraphes 1 et 4 de l’article 5 de la loi qui contiennent ce qui suit:

«1.Lorsqu’une personne comparaît devant le gouverneur ou lui est présentée, celui-ci procède à une vérification de l’exactitude des informations à l’origine de la procédure engagée et prend connaissance de tout autre élément dont il jugera nécessaire la prise en considération.».

4.Les procédures engagées en application de la présente loi pour ce qui est de recueillir les témoignages sous serment, d’interroger les témoins, d’assurer la présence des avocats, d’adresser des ordonnances, des citations à comparaître et d’autres documents, ainsi que de contester les jugements et d’appliquer les décisions seront identiques à celles engagées dans le cadre des tribunaux de première instance pourvu que les conditions suivantes soient remplies:

a)Aucune accusation autre que celle mentionnée dans les informations fournies dans la citation à comparaître ne sera portée;

b)Il n’est pas nécessaire dans les procédures engagées en application de la présente loi qu’il soit prouvé que l’accusé a effectivement commis un acte ou des actes donnés;

c)L’engagement demandé n’excédera pas l’obligation de maintenir la sécurité ou de s’abstenir de se livrer à des actes de nature à troubler la tranquillité publique ou d’être de bonne conduite;

d)La décision d’internement administratif prise par le gouverneur en application des dispositions de la loi sur la prévention de la criminalité est une décision administrative qui doit remplir les conditions prévues par la loi. La Haute Cour de justice est compétente pour examiner les recours contre ce type de décision, elle peut les annuler et dédommager les victimes. Elle a d’ailleurs annulé de nombreuses décisions d’internement administratif contraires à la loi et ordonné l’indemnisation de personnes ayant fait l’objet de mesures d’internement administratif illégales. Par conséquent, en cas d’adoption d’une décision illégale une action en justice peut être intentée contre l’administration dont émane cette mesure.

La Haute Cour de justice a estimé que les cas dans lesquels il est permis d’ordonner l’internement administratif en vertu de la loi sur la prévention de la criminalité étaient définis de manière détaillée et déclaré illégales les mesures d’internement administratif prises dans d’autres circonstances que celles qui sont définies de manière exhaustive à l’article 3 de la loi no 7 de 1954 sur la prévention de la criminalité (arrêt no 558/1999 de la Haute Cour de justice jordanienne en date du 20 janvier 2000, dans lequel la Cour a statué que les actes imputés à la personne citée à comparaître ne correspondent à aucun des cas prévus par l’article 3 de la loi sur la prévention de la criminalité, la décision du gouverneur de placer ce dernier sous la surveillance de la police était contraire aux dispositions de la loi et que de surcroît le demandeur ne s’était pas acquitté envers la personne citée à comparaître des dispositions de l’article 4 de la même loi, qui requièrent que ce dernier soit interrogé sur la véracité des informations à la base de l’ouverture de la procédure).

La loi sur la prévention de la criminalité est une loi préventive appliquée avant la commission de l’infraction. Une fois qu’elle a été commise, l’infraction relève de la justice. En outre, cette loi est appliquée exclusivement de manière très restrictive dans les affaires d’homicide, d’honneur et d’inceste en lien avec les caractéristiques tribales de la société jordanienne. Ses atouts sont la confidentialité, en particulier dans les affaires d’honneur et d’inceste, un traitement rapide des affaires et des avantages sur le plan matériel, tels que l’absence de frais de justice. Il convient de signaler en outre que l’internement administratif ne concerne que les personnes ayant des antécédents criminels, qui sont connues des services de police et dont la liberté constitue un danger pour la sécurité des personnes et de leurs biens. L’abrogation de cette loi créerait un vide sur le plan de la sécurité et entraînerait une recrudescence des actes de pillage, de vol et d’agression commis par des personnes ayant des antécédents judiciaires. À ce titre, le maintien de cette loi est nécessaire et constitue une revendication populaire.

Recommandation no 12 relative à la Cour de la sûreté de l’État

En ce qui concerne le paragraphe 12 concernant la Cour de la sûreté de l’État, dans lequel le Comité a de nouveau exprimé son inquiétude face à l’absence d’indépendance de la Cour tant au niveau organique que fonctionnel et quant au fait que la loi sur la Cour de la sûreté de l’État autorise le Premier Ministre à renvoyer devant cette juridiction des affaires qui ne touchent pas à la sécurité de l’État, il convient d’apporter les précisions suivantes:

a)La loi sur la Cour de la sûreté de l’État, telle que modifiée par la loi no 7 de 1959, dispose, dans son article 2, ce qui suit: «Dans certains cas précis et dans l’intérêt du public, le Premier Ministre est habilité à constituer une et plusieurs juridictions spéciales appelées cours de la sûreté de l’État, composées de trois juges civils et/ou militaires désignés par lui sur recommandation du Ministre de la justice pour les juges civils et du Chef d’états-majors des armées pour les juges militaires. La décision est publiée au Journal officiel.». L’instruction et le procès devant la Cour de la sûreté de l’État se déroulent conformément aux dispositions de la loi;

b)La Cour de la sûreté de l’État se compose de juges civils et de juges militaires qui exercent leurs fonctions en toute indépendance. Chaque juge est habilité à s’opposer à l’avis de la majorité en émettant une opinion dissidente. Les décisions de la Cour de la sûreté de l’État sont prononcées à l’unanimité ou à la majorité des juges. Ces derniers sont des magistrats hautement qualifiés et très expérimentés, ce qui permet à la Cour de statuer sur les affaires qui lui sont soumises d’une manière qui garantit les droits de la défense et un jugement équitable. La procédure suivie par la Cour de la sûreté de l’État est identique à celle des tribunaux ordinaires. Les décisions de la Cour de la sûreté de l ’ État peuvent faire l ’ objet de pourvois en cassation. La Cour de cassation est habilitée à contrôler les décisions de la Cour de la sûreté de l’État. Ceci garantit l’indépendance des délibérations et des décisions de la Cour de la sûreté de l’État conformément aux normes internationales régissant l’équité des procès;

c)La Cour de la sûreté de l’État est compétente pour juger des civils qui n’ont aucun rapport avec l’armée lorsque les crimes qu’ils ont commis sont graves. Les juges civils de la Cour sont les magistrats compétents pour statuer sur les affaires intéressant des civils conformément aux modifications apportées dernièrement à la Constitution dont l’article 101 2) dispose ce qui suit: «Aucun civil ne peut être jugé dans une affaire pénale où les juges ne sont pas tous des civils; sont exclues de ce principe les infractions de trahison, d’espionnage, de terrorisme, les infractions à la législation des stupéfiants et les infractions en matière de fausse monnaie.». Comme on peut le constater, les compétences de la Cour sont limitées à un nombre restreint d’infractions et ayant trait à la protection de la sécurité de l’État et de l’ordre public;

d)Les dernières modifications apportées à la Constitution en 2011 ont réduit les compétences de la Cour de la sûreté de l’État. Ainsi l’article 101 2) de la Constitution dispose ce qui suit: «Aucun civil ne peut être jugé dans une affaire pénale où les juges ne sont pas tous des civils; sont exclues de ce principe les infractions de trahison, d’espionnage, de terrorisme, les infractions à la législation des stupéfiants et les infractions en matière de fausse monnaie.».