Nations Unies

CMW/C/TUR/CO/1

Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille

Distr. générale

31 mai 2016

Français

Original : anglais

Comité pour la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille

Observations finales concernant le rapport initial de la Turquie *

Le Comité a examiné le rapport initial de la Turquie (CMW/C/TUR/1) à sa 314e et 315e séances (voir CMW/C/SR.314 et 315), tenues les 14 et 15 avril 2016. À sa 325e séance, tenue le 22 avril 2016, il a adopté les observations finales ci-après.

A.Introduction

Le Comité se félicite de la présentation du rapport initial de l’État partie, qui a été élaboré en réponse à la liste des points à traiter établie avant la soumission des rapports (CMW/C/TUR/QPR/1). Le Comité accueille également avec satisfaction les renseignements complémentaires qui ont été fournis au cours du dialogue par l’importante délégation multisectorielle, qui était dirigée par le Représentant permanent de la Turquie auprès de l’Office des Nations Unies et des autres organisations internationales à Genève, Mehmet Ferden Çarıkçı, et composée de représentants du Ministère du travail et de la prévoyance sociale, du Ministère de la justice, du Ministère de l’éducation nationale, de la Direction générale de la gestion des migrations, du Bureau de l’Ombudsman et de la Mission permanente de la Turquie auprès de l’Office des Nations Unies et des autres organisations internationales à Genève.

Le Comité se félicite du dialogue constructif qu’il a eu avec la délégation. Il regrette toutefois que le rapport initial n’ait été soumis que le 8 avril 2016, ce qui n’a pas laissé assez de temps pour le faire traduire dans les langues de travail du Comité, ni permis à celui-ci de l’examiner avec toute l’attention voulue.

Le Comité est conscient que la Turquie, en tant que pays d’origine de travailleurs migrants, a progressé dans la protection des droits de ses ressortissants à l’étranger. Toutefois, il note également que l’État partie, en tant que pays de transit et de destination, est confronté à plusieurs défis en matière de protection des droits des travailleurs migrants.

Le Comité constate que certains pays dans lesquels sont employés des travailleurs migrants turcs, ainsi que les pays vers lesquels se rendent de nombreux migrants en transit dans l’État partie, ne sont pas parties à la Convention, ce qui peut constituer un obstacle à la jouissance par les travailleurs migrants de leurs droits en vertu de la Convention.

B.Aspects positifs

Le Comité se félicite des efforts déployés par l’État partie pour promouvoir et protéger les droits des travailleurs migrants turcs à l’étranger, en particulier en ce qui concerne le droit à la sécurité sociale et le droit de vote.

Le Comité note avec satisfaction que l’État partie a ratifié les instruments ci-après ou y a adhéré :

a)La Convention relative aux droits des personnes handicapées, en septembre 2009, et le Protocole facultatif s’y rapportant, en mars 2015 ;

b)Le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, en septembre 2011 ;

c)Le Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, en novembre 2006 ;

d)Le Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques visant à abolir la peine de mort, en mars 2006 ;

e)La Convention relative au statut des apatrides, en mars 2015 ;

f)La Convention du Conseil de l’Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains, en janvier 2016 ;

g)La Convention du Conseil de l’Europe sur la protection des enfants contre l’exploitation et les abus sexuels, en octobre 2007 ;

h)La Charte sociale européenne, en juin 2007.

Le Comité se félicite de l’adoption des mesures législatives ci-après :

a)Le règlement disposant que les Syriens réadmis dans l’État partie suite à l’accord conclu entre l’Union européenne et la Turquie le 18 mars 2016 peuvent bénéficier à nouveau d’une protection temporaire sur demande, le 7 avril 2016 ;

b)Le règlement d’application de la loi sur les étrangers et la protection internationale, le 17 mars 2016 ;

c)Le règlement relatif à la lutte contre la traite des êtres humains et la protection des victimes de la traite, le 17 mars 2016 ;

d)Le règlement sur les permis de travail des étrangers qui ont obtenu une protection temporaire (no8375), le 15 janvier 2016 ;

e)Le règlement sur la protection temporaire (no 6883), le 22 octobre 2014 ;

f)La circulaire du Ministère de l’éducation sur les services d’enseignement pour les étrangers (no 2014/21), le 23 septembre 2014 ;

g)La loi sur les étrangers et la protection internationale (no 6458), le 11 avril 2013 ;

h)La loi (no 6304) portant modification de la loi sur les élections et les registres électoraux, et certains actes, le 9 mai 2012 ;

i)La circulaire sur les étudiants étrangers (no 2010/48), le 16 août 2010 ;

j)La loi sur la sécurité sociale et l’assurance maladie universelle (no 5510), le 31 mai 2006.

Le Comité salue également l’adoption des mesures institutionnelles et des politiques générales suivantes :

a)L’adoption du dixième Plan national de développement (2014-2018), avec un chapitre spécifique sur les migrations ;

b)L’adoption du Document de stratégie et Plan d’action national sur les migrations irrégulières, en 2014 ;

c)La création de la Direction générale de la gestion des migrations, qui relève du Ministère de l’intérieur, en 2013 ;

d)La création du Bureau pour les Turcs à l’étranger et les communautés, le 6 avril 2010.

C.Facteurs et difficultés entravant l’application de la Convention

Le Comité reconnaît que l’État partie accueille actuellement plus de 2,7 millions de ressortissants syriens sous protection temporaire et qu’il leur a fourni une aide d’urgence depuis 2011, ce qui a mis une énorme pression sur les ressources et les infrastructures de l’État partie. Il félicite l’État partie pour l’appui considérable qu’il a fourni aux ressortissants syriens lors de la plus grave crise humanitaire au monde depuis la Seconde Guerre mondiale, provoquée par le conflit en République arabe syrienne.

D.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

1.Mesures d’application générales (art. 73 et 84)

Législation et application

Le Comité accueille avec intérêt les mesures prises par l’État partie pour adopter des lois visant à protéger les droits des travailleurs migrants, y compris la loi de 2013 sur les étrangers et la protection internationale (no 6458). Il est cependant préoccupé par les faits ci‑après :

a)L’État partie n’a pas fait suffisamment d’efforts pour faire en sorte que les dispositions de la Convention soient prises en compte dans l’ensemble de la législation nationale pertinente ;

b)Les garanties d’accès à la santé, à l’éducation, au marché du travail, à l’assistance sociale, à l’interprétation et aux services analogues, en vertu de la loi sur les étrangers et la protection internationale, semblent être discrétionnaires plutôt qu’obligatoires, étant donné le libellé de l’article 260161 (1) ;

c)La longueur des procédures pour les demandes de permis de travail pour les travailleurs migrants, y compris ceux qui sont sous protection temporaire, encourage les employeurs à recruter des travailleurs migrants sans papiers ;

d)Les règles de procédure strictes et les difficultés rencontrées dans la reconnaissance des certificats professionnels font que des travailleurs migrants sont recrutés pour des emplois qui ne sont pas compatibles avec leur formation éducative et professionnelle, notamment comme travailleurs non qualifiés.

Le Comité recommande à l ’ État partie de prendre les mesures nécessaires pour faire en sorte que ses lois et politiques nationales so ie nt conformes aux dispositions de la Convention et d ’ envisager de simplifier les procédures applicables aux demandes de permis de travail et à la reconnaissance des certificats professionnels étrangers .

Le Comité juge préoccupante l’absence de renseignements sur l’application de la Convention par les tribunaux nationaux.

Le Comité invite en outre l ’ État partie à faire figurer dans son prochain rapport périodique des informations sur l ’ application de la Convention par les tribunaux internes.

Déclarations et réserves

Le Comité est préoccupé par le fait que l’État partie a formulé des déclarations et des réserves au sujet des articles 15, 40, 45 et 46 de la Convention, qui pourraient entraver le plein exercice des droits des migrants au titre de la Convention.

Le Comité recommande à l ’ État partie de prendre les mesures nécessaires pour retirer les déclarations et les réserve s au x articles 15, 40, 45 et 46 de la Convention .

Articles 76 et 77

Le Comité note que l’État partie n’a pas fait les déclarations prévues aux articles 76 et 77 de la Convention reconnaissant la compétence du Comité pour recevoir et examiner des communications d’États parties et de particuliers se rapportant à des violations des droits consacrés par la Convention.

Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ envisager de faire les déclarations prévues aux articles 76 et 77 de la Convention.

Ratification des instruments pertinents

Le Comité félicite l’État partie d’avoir ratifié la plupart des principaux traités internationaux relatifs aux droits de l’homme ainsi qu’un certain nombre d’instruments de l’Organisation internationale du Travail. Il note toutefois qu’il n’a pas encore ratifié laConvention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, le Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits économiques,sociaux et culturels, le Protocole facultatif se rapportant à laConvention relative aux droits de l’enfant, établissant une procédure de présentation de communications, ou les instruments de l’Organisation internationale du Travail ci‑après: Convention (no 97) sur les travailleurs migrants (révisée), 1949 ; Convention (no 131) sur la fixation des salaires minima, 1970 ;Convention (no 143) sur les travailleurs migrants (dispositions complémentaires), 1975 ;Convention (no181) sur les agences d’emploi privées, 1997 ;et Convention (no 189) sur les travailleuses et travailleurs domestiques, 2011.

Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ envisager de ratifier les instruments susmentionnés ou d ’ y adhérer, dès que possible.

Notant que l’État partie est partie à la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés, telle que modifiée par le Protocole de 1967 relatif au statut des réfugiés, le Comité est préoccupé par le fait qu’il maintient une réserve limitant l’application de la Convention aux États membres du Conseil de l’Europe.

Le Comité recommande à l ’ État partie d’envisager de retirer la réserve concernant la limitation géographique de la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés et du Protocole de 1967 y relatif .

Politiques et stratégie globales

Tout en prenant note de l’élaboration en 2015 du Plan national d’action sur les migrations et l’asile et de la Stratégie et Plan d’action national sur les migrations irrégulières,le Comité regrette que l’État partie n’ait pas fourni suffisamment d’informations sur les mesures spécifiques qu’il a prises pour mettre en œuvre laConvention.

Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ adopter, de mettre en œuvre et de financer à hauteur des besoins une stratégie globale sur la migration, conform e aux dispositions de la Convention et qui tienne compte de la différence entre les sexes. Il exhorte l ’ État partie à faire figurer dans son deuxième rapport périodique des informations actualisées, étayées par des statistiques, concernant les mesures concrètes qui ont été adoptées pour mettre en œuvre les droits des travailleurs migrants énoncés dans la Convention, tant en droit que dans la pratique.

Coordination

Tout en se félicitant de la création, en 2013, de la Direction générale de la gestion des migrations, qui relève du Ministère de l’intérieur, ainsi que d’autres mécanismes de coordination tels que le Conseil consultatif sur les migrations et le Comité des politiques migratoires, le Comité est préoccupé par le fait que la coordination entre les institutions et les services qui traitent des différentes mesures visant à mettre en œuvre les droits énoncés dans la Convention est insuffisante.

Le Comité recommande à l ’ État partie de redoubler d ’ efforts pour améliorer la coordination entre ministères et organismes à tous les niveaux du Gouvernement, afin de favoriser la mise en œuvre effective des droits protégés au titre de la Convention, notamment en y consacrant les ressources humaines et financières suffisantes ainsi qu’en renforçant les capacités de la Direction générale de la gestion des migrations et des autres institutions qui jouent un rôle fondamental dans ces questions .

Collecte de données

Tout en appréciant les efforts faits par l’État partie pour fournir des données sur les flux migratoires et autres questions liées aux migrations, le Comité est préoccupé par le fait que les statistiques sur les migrations de main-d’œuvre dans l’État partie sont produites de manière fragmentée.

Le Comité recommande à l ’ État partie de mettre en place un système pour rassembler des statistiques et des informations migratoires, tant qualitatives que quantitatives, couvrant tous les aspects de la Convention, y compris en ce qui concerne les travailleurs migrants en situation irrégulière, et de recueillir des données détaillées sur le statut des travailleurs migrants dans l ’ État partie. Il l ’ encourage à collecter des informations et des statistiques ventilées par sexe, âge, nationalité, motif d ’ entrée dans le pays et de sortie du pays et type de travail effectué, afin d ’ orienter efficacement les politiques pertinentes et l ’ application de la Convention dans l’optique de l’objectif 17.18 des o bjectifs de développement durable . Le Comité recommande également à l ’ État partie de s’assurer la coopération de ses représentations diplomatiques et consulaires à l ’ étranger afin de rassembler des données sur les migrations, notamment sur la situation des migrants en situation irrégulière et les victimes de la traite. Lorsqu ’ il n ’ est pas possible d ’ obtenir des renseignements précis, par exemple dans le cas des travailleurs migrants en situation irrégulière, le Comité serait heureux de recevoir des informations fondées sur des études ou des estimations.

Surveillance indépendante

Le Comité se félicite de l’information fournie dans le rapport de l’État partie selon laquelle l’Institution du Médiateur est habilitée à enquêter sur toutes les plaintes formulées par les travailleurs migrants, y compris ceux qui sont en situation irrégulière Le Comité trouve néanmoins préoccupant que :

a)L’Institution du Médiateur n’aie pas le droit de mener des enquêtes de sa propre initiative ;

b)La loi sur l’Institution des droits de l’homme et de l’égalité, qui est entrée en vigueur le 20 avril 2016, et en vertu de laquelle l’Institution nationale des droits de l’homme de Turquie deviendra l’Institution des droits de l’homme et de l’égalité, affaiblisse le mandat de surveillance étant donné que, dans les cas de discrimination, l’Institution sera chargée d’enquêter sur les violations des droits de l’homme uniquement sur demande ;

c)La loi sur l’Institution des droits de l’homme et de l’égalité n’est pas totalement conforme aux Principes concernant le statut des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l’homme (Principes de Paris). De plus, l’indépendance fonctionnelle et financière de l’institution nationale pourrait être préjudiciable à ses travaux en tant que mécanisme national de prévention créé en vertu du Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture.

Le Comité recommande à l ’ État partie de solliciter l ’ assistance technique du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l ’ homme (HCDH) afin de s’assurer notamment que :

a) L ’ institution nationale est indépendant e du Gouvernement sur les plans tant administratif que financier , conformément aux Principes de Paris, notamment en ce qui concerne l ’ ampleur du mandat et la possibilité de soulever des questions de constitutionnalité et de suivre l ’ efficacité de l ’ appareil judiciaire, et qu’elle a le pouvoir d ’ enquêter sur toutes les questions relatives aux droits de l ’ homme, y compris les droits des travailleurs migrants et des membres de leur famille, quel que soit leur statut ;

b) Le mécanisme national de prévention est totalement indépendant et chargé d ’ effectuer des visites inopinées dans tous les lieux où les travailleurs migrants et des membres de leur famille peuvent être privés de leur liberté, y compris les zones de transit des aéroports ;

c) L’Institution du Médiateur a compétence pour intervenir sur toutes les décisions administratives relatives aux migrations, y compris l ’ arrestation, la détention, les décisions relatives au statut migratoire et à l ’ expulsion  ;

d) Il existe un regroupement et une coordination entre l ’Institution du Médiateur et la nouvelle Institution des droits de l ’ homme et de l ’ égalité ;

e) Les élections à la nouvelle Institution des droits de l ’ homme et de l ’ égalité sont menées en toute transparence, les avis relatifs aux postes à pourvoir étant largement diffusés, et les can didats ne sont pas désignés par l’exécutif .

Formation à la Convention et diffusion d’informations au sujet de la Convention

Le Comité constate que les fonctionnaires, les forces de sécurité et les membres de l’appareil judiciaire ont reçu une formation aux droits de l’homme, mais il est préoccupé par le manque de documents et de programmes de formation portant spécifiquement sur la Convention et les droits qui y sont consacrés, et par l’absence de diffusion de telles informations auprès des parties prenantes, notamment les organes des administrations aux niveaux national, régional et local, les tribunaux nationaux, les fonctionnaires qui offrent une assistance juridique gratuite au sujet des procédures d’immigration, les organisations de la société civile, ainsi que les travailleurs migrants et les membres de leur famille.

Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ élaborer des programmes d ’ éducation et de formation portant sur la Convention et de veiller à ce que tous les agents publics et autres personnes qui travaillent dans des domaines liés aux migrations puissent y prendre part . Il lui recommande également de veiller à ce que les travailleurs migrants aient accès à l ’ information sur les droits que leur reconnaît la Convention, et de collaborer avec les organisations de la société civile et les médias pour diffuser des informations sur la Convention et promouvoir son application.

Participation de la société civile

Tout en se félicitant du fait que les organes de coordination créés en vertu de la loi sur les étrangers et la protection internationale comprennent des représentants des milieux universitaires, du secteur public et d’organisations non gouvernementales, le Comité regrette que, comme l’État partie l’affirme dans ses réponses écrites à la liste des points à traiter, il n’ait pas été possible de coopérer avec la société civile pendant l’élaboration du rapport de l’État partie. Le Comité est préoccupé par le fait que certaines organisations de la société civile qui militaient pour les droits de l’homme dans l’État partie :

a)Auraient été l’objet d’actes d’intimidation par des agents de l’État ;

b)Auraient peur de soutenir les travailleurs migrants sans papiers parce qu’ils craignent d’être accusés de trafic de migrants ;

c)Ont un accès limité aux centres de détention.

Le Comité rappelle à l ’ État partie que les défenseurs des droits de l ’ homme méritent une protection spéciale étant donné q ue leur travail est essentiel pour promouvoir les droits de l ’ homme pour tous, y compris les travailleurs migrants . En conséquence, le Comité recommande vivement à l ’ État partie de prendre des mesures immédiate s pour permettre aux journalistes, aux défenseurs des droits de l ’ homme et à toutes les organisations non gouvernementales d ’ exercer leur droit à la liberté d ’ expression et d ’ opinion sans faire l ’ objet de menaces et de harcèlement. Il exhorte l’État partie à faire en sorte que les cas signalés d ’ intimidation et de harcèlement à l ’ égard de membres d ’ org anisations non gouvernementales, de défenseurs des droits de l ’ homme ou de militants de la société civile fassent rapidement l ’ objet d ’ enquêtes indépendantes et que les responsables de telles violations répondent de leurs actes . Le Comité recommande à l ’ État partie :

a) D’e ncourager les organisations de la société civile à aide r les travailleurs migrants et l es membres de leur famille et à veiller à ce qu’aucune organisation de la société civile ne soit pénalisée pour appuyer des travailleurs migrants sans papiers ou travailler avec eux  ;

b) D’a ssocier systématiquement la société civile et les organisations non gouvernementales à la mise en œuvre de la Convention, y compris la mise en œuvre des politiques migratoires et de l ’ accord conclu entre l ’ Union européenne et la Turquie le 18 mars 2016 ;

c) D’autoriser les organisations de la société civile à accéder librement aux centres de détention afin de leur permettre d ’ appuyer les travailleurs migrants et l es membres de leur famille détenus .

Corruption

Le Comité regrette l’absence d’information sur les mesures prises pour prévenir la corruption parmi les fonctionnaires qui ont des responsabilités en rapport avec la Convention, y compris les gardes frontière et les membres de la police.

Le Comité invite l ’ État partie à fournir dans son deuxième rapport périodique des renseignements sur les mesures prises pour prévenir la corruption parmi les fonctionnaires qui ont des responsabilités en rapport avec la Convention, y compris des données statistiques sur les enquêtes et les sanctions . Il lui recommande également de mener des campagnes de sensibilisation en vue d ’ encourage r les travailleurs migrants et l es membres de leur famille qui se disent victimes de corruption à le signaler .

2.Principes généraux (art. 7 et 83)

Non-discrimination

Tout en notant que l’État partie élabore actuellement une stratégie d’harmonisation (intégration) et un plan d’action national, le Comité est préoccupé par le fait que :

a)La législation nationale ne couvre pas tous les motifs de discrimination interdits figurant aux articles 1 1) et 7 de la Convention ;

b)L’article 5 1) du Code du travail interdit la discrimination dans les relations de travail, mais n’interdit pas la discrimination au stade du recrutement ;

c)Il y a un manque d’informations concernant des exemples pratiques qui permettraient d’évaluer la mise en œuvre du droit à la non‑discrimination consacré par la Convention s’agissant de tous les travailleurs migrants, qu’ils soient ou non pourvus de documents.

Le Comité recommande à l ’ État partie :

a) De prendre toutes les mesures nécessaires, y compris des modifications législatives, pour garantir que tous les travailleurs migrants et les membres de leur famille, qu’ils soient ou non pourvus de documents, se trouvant sur son territoire ou relevant de sa juridiction jouissent sans discrimination des droits énoncés dans la Convention, conformément à l ’ article 7 de celle ‑ ci, notamment en modifiant le Code du travail ;

b) De fournir, dans son deuxième rapport périodique, des informations sur les mesures concrètes adoptées et les pratiques actuelles en la matière, ainsi que des exemples pertinents ;

c) De veiller à ce que le discours officiel sur les migrants en situation irrégulière se réfère à leurs droits de l ’ homme et à l’obligation internationale qui incombe à l ’ État partie de respecter, protéger et réaliser leurs droits en vertu de la Convention et d ’ autres instruments internationaux relatifs aux droits de l ’ homme .

Droit à un recours utile

Le Comité constate avec préoccupation que :

a)Même s’il existe, dans l’État partie, des dispositions législatives visant à protéger les droits du travail des travailleurs migrants, leur application dépendrait dans la pratique, de la capacité du travailleur migrant de payer les services d’un avocat ;

b)Des travailleurs migrants n’ont pu recevoir une forme quelconque d’indemnisation que dans un très petit nombre de cas, liés à des accidents du travail ayant entraîné des blessures graves ou la mort ;

c)La majorité du petit nombre de plaintes que l’Institution du Médiateur a reçues à ce jour de travailleurs migrants ou de membres de leur famille ont été déclarées irrecevables ;

d)Les travailleurs migrants sans papiers en Turquie ne pourraient que dans de rares cas demander réparation de violations de leurs droits au titre de la Convention sans être sanctionnés en raison de leur statut de migrant en situation irrégulière ;

e)La crainte de représailles, la menace d’une expulsion et les amendes infligées pour travail non déclaré en vertu de l’article 21 de la loi relative au permis de travail destiné aux étrangers (no 4817) dissuadent les travailleurs migrants sans papiers de porter plainte ;

f)Les travailleurs migrants manquent d’informations et de conseils juridiques appropriés concernant leurs droits et les recours qui leur sont ouverts dans le système judiciaire de l’État partie.

Le Comité recommande à l ’ État partie :

a) De veiller à ce que, en droit et dans la pratique, les travailleurs migrants et les membres de leur famille, y compris ceux qui sont en situation irrégulière, aient la même possibilité que les nationaux de porter plainte et d ’ obtenir réparation devant les tribunaux lorsque les droits qui leur sont reconnus par la Convention ont été violés, notamment en supprimant les obstacles à l ’ accès à la justice, tels que les amendes infligées pour travail non déclaré ou le risque accru d ’ expulsion auquel expose le dépôt d ’ une plainte ;

b) De prendre des mesures pour informer les travailleurs migrants et les membres de leur famille, y compris ceux qui sont en situation irrégulière, des recours judiciaires et autres dont ils disposent en cas de violation de leurs droits au titre de la Convention.

3.Droits de l’homme de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille (art. 8 à 35)

Gestion des frontières et migrants en transit

Le Comité félicite l’État partie de sa politique d’accueil et d’enregistrement des Syriens fuyant leur pays en raison de la crise syrienne. Il est néanmoins préoccupé par :

a)Les informations selon lequelles, depuis 2016, l’État partie a instauré l’obligation pour les Syriens arrivant dans l’État partie par la voie aérienne d’être munis d’un visa, et selon lesquelles l’État partie a poursuivi la construction d’un mur de béton pour fermer la frontière terrestre avec la République arabe syrienne à toute personne ne nécessitant pas de soins médicaux urgents ;

b)Des allégations indiquant que les gardes frontière de l’État partie feraient parfois usage de balles réelles pour empêcher des Syriens, y compris des enfants, fuyant la progression de l’État islamique en Iraq et au Levant de franchir la frontière de l’État partie, et le manque d’informations sur les enquêtes menées au sujet de ces allégations ;

c)Le nombre, qui ne cesse d’augmenter, de migrants qui ont trouvé la mort dans les eaux côtières de l’État partie depuis 2012, malgré la baisse enregistrée en mars 2016 grâce aux efforts de recherche et de sauvetage menés par l’État partie dans le cadre des opérations SAFEMED et Aegean Hope ;

d)Le peu de renseignements fournis au sujet des mécanismes et des procédures visant à faciliter l’identification, parmi les migrants arrivant dans l’État partie, des personnes nécessitant une protection en vertu du droit international des droits de l’homme, du droit international humanitaire et du droit des réfugiés, ainsi qu’au sujet des mesures spéciales prises par l’État partie pour s’assurer que ses procédures de contrôle des migrations respectent les droits des groupes et des personnes vulnérables, comme les enfants et les personnes fuyant une situation de violence et de conflit dans leur propre pays ;

e)L’absence de dispositif de réception et de traitement des demandes d’asile, ainsi que l’absence de garantie contre le refoulement, existant dans l’État partie avant que l’on ait commencé à renvoyer des migrants de Grèce en vertu de l’accord conclu entre l’Union européenne et la Turquie le 18 mars 2016.

Se référant au rapport du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l ’ homme (HCDH) sur la situation des migrants en transit (A/HRC/31/35) ainsi qu ’ aux Principes et directives recommandés sur les droits de l ’ homme aux frontières internationales du HCDH , le Comité recommande à l ’ État partie :

a) De continuer à s ’ acquitter de l ’ obligation qui lui incombe en vertu du droit international coutumier, du droit international des droits de l ’ homme et de l ’ article 6  1 ) de la loi sur les étrangers et la protection internationale, de respecter le principe de non ‑ refoulement et, à cette fin, de s ’ abstenir de repousser des migrants à ses frontières ou de les renvoyer de force lorsque cela les exposerait au risque d ’ être persécutés ou soumis à la torture ou à d ’ autres traitements cruels, inhumains ou dégradants ;

b) D ’ enquêter sans tarder sur tous les cas de mauvais traitements et de décès à ses frontières et de prendre des mesures pour prévenir de telles violations des droits de l ’ homme à l ’ avenir, notamment en veillant à ce que tous les migrants en transit aient accès à la justice et à des recours utiles, y compris dans les cas de violence ou de mauvais traitements, que ceux-ci aient été infligés par des agents de l ’ État ou par des personnes, groupes ou institutions privés ;

c) D ’ élaborer et de mettre en place des mécanismes permettant d ’ évaluer la situation de chaque migrant en transit individuellement afin de déterminer sans discrimination leurs besoins en matière de protection, dans le plein respect des normes du droit international des droits de l ’ homme, du droit international humanitaire et du droit des réfugiés ;

d) De garantir les droits de l ’ homme de tous les enfants migrants en transit en veillant à ce qu ’ ils soient traités avant tout en tant qu ’ enfants et de donner à cet égard des indications sur l ’ application concrète du principe de l ’ intérêt supérieur de l ’ enfant s ’ agissant des enfants migrants en transit ;

e) De veiller à ce que les migrants en transit qui sont victimes de violence, d ’ exploitation ou de violence physique ou psychologique sont orientées vers les services appropriés, notamment des services médicaux et psychosociaux ; et fournir aux migrants, en particulier les filles et les femmes qui ont été violées ou soumises à d ’ autres formes de violence sexuelle pendant le transit, la pro tection et le traitement adaptés à leur situation, notamment d es services de santé en matière de sexualité et de procréation qui englobe nt l ’ accès à des informations et des services en matière d e santé sexuelle et procréative fondés sur les droits globaux et intégrés  ;

f) De mettre en place, de gérer et de renforcer des services de sauvetage adaptés et efficaces à toutes ses frontières internationales et de renforcer encore ses services de recherche et de sauvetage en mer ainsi que l ’ assistance fournie aux familles de migrants décédés ou disparus pour l ’ identification et le rapatriement des corps ;

g) De négocier le report des renvois de Grèce jusqu ’ à ce que des dispositions appropriées soient mises en place pour la réception et le traitement des demandes de protection internationale ;

h) De veiller à ce qu’aucune mesure de lutte contre la migration irrégulière ou le trafic de migrants n ’ ai t de conséquences négatives pour les droits de l ’ homme des travailleurs migrants et des membres de leur famille et à ce que ceux ‑ ci reçoivent l ’ assistance nécessaire et jouissent des garanties d ’ une procédure régulière.

Exploitation par le travail et autres formes de mauvais traitements

Le Comité prend note des efforts déployés par l’État partie pour éliminer le travail des enfants. Il est toutefois préoccupé par le fait que de nombreux enfants migrants, non accompagnés ou accompagnés de leur famille, occupent des emplois informels, principalement dans le secteur agricole, où ils travaillent de longues heures dans des conditions difficiles, sans bénéficier de protection juridique puisque l’article 4 du Code du travail ne s’applique pas aux entreprises agricoles de 50 salariés ou moins. Le Comité constate également avec préoccupation que l’âge minimum d’admission à l’emploi, fixé à 15 ans, est inférieur à l’âge auquel les enfants achèvent normalement leur scolarité obligatoire.

Le Comité recommande que, conformément à la cible 16. 2 des o bjectifs de développement durable, l ’ État partie :

a) Assure une protection juridique à tous les enfants migrants qui travaillent, y compris ceux qui sont employés dans des entreprises agricoles de 50 salariés ou moins ou dans de petits ateliers employant jusqu ’ à trois personnes ;

b) Mett e sa législation sur l ’ âge minimum d ’ admission à l ’ emploi en conformité avec l ’ âge auquel les enfants terminent en principe leur scolarité obligatoire et avec la Convention n o  182 de l ’ Organisation internationale du Travail sur les pires formes de travail des enfants, 1999  ;

c) Incorpore dans le Cadre stratégique et programmatique assorti de délais pour l ’ élimination des pires formes du travail des enfants (2016-2023) des mesures visant spécia lement les enfants migrants ou élabore une stratégie spécifique pour l ’ élimination des pires formes de travail auxquelles peuvent être soumis les enfants migrants ;

d) Accroiss e le nombre d ’ inspections du travail , et poursuive et sanctionne les personnes ou les groupes qui exploitent des enfants travailleurs migrants ou les soumettent au travail forcé et à d ’ autres abus, en particulier dans le secteur informel ;

e) Fournisse une assistance, une protection et une réadaptation adéquates, notamment une réadaptation psychosociale, aux enfants qui ont été victimes d ’ exploitation par le travail.

Le Comité est préoccupé par :

a)Le manque de données sur la violence sexuelle et sexiste, notamment sur les mariages précoces et forcés, parmi les migrants dans l’État partie ;

b)L’ignorance, par les travailleurs migrants et les membres de leur famille, des mécanismes nationaux d’orientation des victimes de la violence sexuelle et sexiste, ainsi que l’ignorance, par les autorités locales et le personnel spécialisé au niveau provincial, de l’applicabilité aux femmes migrantes du cadre juridique de l’État partie relatif à la violence à l’égard des femmes ;

c)Le fait que les autorités locales négligent les besoins de protection des femmes migrantes victimes de violence ou risquant d’y être exposées ;

d)Les capacités nationales limitées pour l’identification des migrants qui sont victimes de violence sexuelle et sexiste et des services spécialisés à leur intention ;

e)L’insuffisance des programmes de prévention de la violence sexuelle et sexiste au sein de la communauté des migrants.

Le Comité recommande à l ’ État partie de prendre des mesures pour  :

a) Recueillir des données sur la violence sexuelle et sexiste, notamment sur les mariages précoces et forcés , parmi les migrants dans l ’ État partie ;

b) Sensibiliser les travailleurs migrants et les membres de leur famille aux mécanismes nationaux d ’ orientation des victimes de la violence sexuelle et sexiste, ainsi que les autorités locales et le personnel spécialisé au niveau provincia l à l ’ applicabilité aux femmes migrantes du cadre juridique de l ’ État partie relatif à la violence à l ’ égard des femmes ;

c) Répondre aux besoins de protection des migrantes victimes de violences ou risquant d ’ y être exposées  ;

d) Renforcer les capacités pour l ’ identification des migrants qui sont victimes de violence sexuelle et sexiste et des services spécialisés à leur intention ;

e) Mettre l ’ accent sur les travailleurs migrants et les membres de leur famille dans les mécanismes et programmes de prévention de la violence sexuelle et sexiste .

Régularité de la procédure, détention et égalité devant les tribunaux

Le Comité prend note avec satisfaction de l’information fournie par l’État partie selon laquelle les mineurs non accompagnés sont hébergés dans des institutions où des services de protection de l’enfance s’occupent d’eux. Il est toutefois préoccupé par :

a)La détention généralisée, de plus en plus fréquente et automatique d’un grand nombre de travailleurs migrants et de demandeurs d’asile en situation irrégulière, y compris de familles et d’enfants, dont bon nombre sont arrêtés en tentant de rejoindre la Grèce ;

b)L’article 57 2) de la loi sur les étrangers et la protection internationale, qui dispose que la détention administrative peut être ordonnée en vue du renvoi pour ceux qui violent les règles d’entrée dans l’État partie et de sortie de l’État partie ; dont les documents sont faux ou falsifiés ; ou qui n’ont pas quitté l’État partie à l’expiration du délai qui leur a été accordé, sans une excuse acceptable ;

c)Le fait que les enfants et les familles accompagnées d’enfants ne sont pas systématiquement séparés des adultes dans les lieux de détention, étant donné que, bien souvent, il n’y a pas de chambres familiales ;

d)Le fait que les enfants non accompagnés placés en détention ne reçoivent pas toujours un traitement adapté à leur âge et à leur statut juridique et n’ont pas accès aux services de protection de l’enfance ;

e)L’augmentation actuelle et prévue du nombre des centres de détention et l’absence d’information sur l’utilisation, dans la pratique, des mesures de substitution à la détention administrative, comme prévu à l’article 68 3) de la loi sur les étrangers et la protection internationale.

Le Comité recommande à l ’ État partie :

a) De faire en sorte que la rétention administrative ne soit utilisée qu ’ en dernier recours et de veiller à promouvoir d ’ autres solutions que la détention, conformément à l ’ observation générale n o 2 (2013) du Comité sur les droits des travailleurs migrants en situation irrégulière et des membres de leur famille ;

b) De mettre fin complètement et sans délai à la détention des enfants en raison de leur statut migratoire ou de celui de leurs parents, et de trouver des solutions de rechange à la détention qui permettent aux enfants d ’ être logés avec les membres de leur famille et/ou leur tuteur dans des lieux non fermés au sein de la communauté, le temps que leur statut migratoire soit déterminé, dans le respect de leur intérêt supérieur et des droits de l ’ enfant à la liberté et à une vie de famille ;

c) De faire en sorte que toutes ses politiques et pratiques continuent d ’ obéir à une approche humanitaire plutôt que sécuritaire, notamment en accordant la priorité aux solutions non privatives de liberté au lieu de recourir davantage à la détention.

Le Comité est préoccupé par :

a)Les informations selon lesquelles des migrants feraient l’objet de mesures de détention au secret, avec confiscation de leur téléphone portable et interdiction des visites de leur avocat et des membres de leur famille, en violation de l’article 68 8) de la loi sur les étrangers et la protection internationale, subiraient des humiliations, des actes de violence, des actes de torture, seraient soumis à l’isolement et ne seraient pas informés des motifs de leur détention et de sa durée, et de leurs droits ;

b)La détention de migrants dans des lieux qui ne sont pas reconnus en tant que centres de détention ;

c)Le manque d’accès aux espaces extérieurs, y compris pour les enfants, une nourriture inadéquate, l’accès insuffisant aux soins médicaux, le surpeuplement, le manque de personnel et des conditions insalubres dans quelques centres de rétention ;

d)S’agissant des conditions de détention et des garanties, la formation et la sensibilisation insuffisantes du personnel des centres de rétention aux normes et principes internationaux des droits de l’homme régissant les droits et le traitement des personnes privées de liberté.

Le Comité recommande à l ’ État partie :

a) D ’ enquêter sérieusement sur tous les cas de violence et autres violations des droits de l ’ homme subis par des migrants en détention et de mettre en place une formation régulière et obligatoire aux droits de l ’ homme pour tous les agents chargés d ’ appliquer la loi en vue de prévenir de telles violations ;

b) De faire en sorte que tous les migrants et les membres de leur famille qui sont arrêtés soient informés des motifs de leur arrestation et rapidement informés de leurs droits et des charges retenues contre eux dans une langue qu ’ ils comprennent ;

c) De faire en sorte que les migrants soient détenus dans des lieux officiellement prévus à cette fin ;

d) De veiller à ce que des services de base appropriés ( notamment alimentation, soins de santé, hygiène et accès aux espaces extérieurs) soient assurés dans tous les lieux de détention.

Le Comité note que la législation de l’État partie, y compris l’article 57 7) de la loi sur les étrangers et la protection internationale, contient des dispositions sur l’aide juridictionnelle gratuite et le droit de contester des ordonnances de détention devant les tribunaux. Il est toutefois préoccupé par le manque d’informations sur l’application effective de ces dispositions et les mesures concrètes prises pour garantir que, dans le cadre des procédures pénales et administratives, notamment les procédures relatives à la détention et à l’expulsion, les travailleurs migrants et les membres de leur famille, en particulier ceux qui sont en situation irrégulière, bénéficient d’une procédure régulière, sur un pied d’égalité avec les ressortissants de l’État partie, et aient accès aux informations dans une langue qu’ils comprennent.

Le Comité recommande à l ’ État partie :

a) De prendre les mesures nécessaires pour que, dans les procédures administratives et judiciaires, notamment celles relatives à la détention et à l ’ expulsion, les travailleurs migrants et les membres de leur famille, en particulier ceux qui sont en situation irrégulière, bénéficient d ’ une procédure régulière, sur un pied d ’ égalité avec les ressortissants de l ’ État partie ;

b) De faire figurer dans son rapport de suivi et dans son deuxième rapport périodique des informations détaillées et ventilées sur le nombre de travailleurs migrants détenus pour des infractions à la législation relative à l ’ immigration, ainsi que sur le lieu, la durée moyenne et les conditions de leur détention, de même que des informations sur l ’ application des droits des travailleurs migrants eu égard à une procédure régulière et à l ’ égalité devant les tribunaux ;

c) De veiller à ce que les garanties minimales consacrées dans la Convention soient respectées dans le cadre des procédures administratives et judiciaires engagées contre des travailleurs migrants et des membres de leur famille.

Expulsion

Le Comité constate avec préoccupation que :

a)Depuis la mi-janvier 2016, les autorités de l’État partie auraient expulsé plusieurs milliers de ressortissants syriens, sans papiers pour la plupart d’entre eux, notamment des familles et des enfants non accompagnés ;

b)Des migrants afghans et iraquiens sans papiers auraient également été expulsés ;

c)L’État partie aurait eu recours à des mesures plus ou moins coercitives pour pousser des migrants sans papiers, y compris des enfants, à retourner « volontairement » dans leur pays ;

d)Il y a peu d’informations et de données sur les expulsions depuis l’État partie ;

e)Les expulsions collectives pourraient augmenter suite à l’application, à compter du 4 avril 2016, de l’accord entre l’Union européenne et l’État partie, signé le 18 mars 2016.

Le Comité recommande à l ’ État partie :

a) D ’ enquêter sur les cas présumés d ’ expulsion collective de migrants syriens, afghans et iraquiens, d ’ en poursuivre les responsables et de prendre des mesures concrètes pour accorder des réparations aux victimes et éviter de telles expulsions à l ’ avenir ;

b) De prendre les mesures qui s’imposent pour faire en sorte que les procédures administratives et judiciaires de reconduite à la frontière et/ou d ’ expulsion soient pleinement régies par la loi et conformes à la Convention ;

c) De faire en sorte que les travailleurs migrants soumis à une mesure administrative de reconduite à la frontière ou d ’ expulsion soient informés de leur droit de faire appel de cette mesure et exercent ce droit ;

d) De concevoir des mécanismes pour empêcher l ’ expulsion de migrants en transit tant que leur situation individuelle n ’ a pas été complétement examinée afin de faire respecter les principes de non-refoulement et l ’ interdiction des expul sions collectives, notamment  ;

e) De faire figurer dans son rapport de suivi et dans son deuxième rapport périodique des informations, notamment des statistiques ventilées, sur le nombre d ’ expulsions, les motifs invoqués et les procédures utilisées  ;

f) De faire en sorte que toutes les garanties procédurales requises soient strictement respectées dans chaque procédure d ’ expulsion, de façon à prévenir les expulsions arbitraires, notamment dans le cadre de l ’ accord entre l ’ Union européenne et l ’ État partie, signé le 18 mars 2016.

Assistance consulaire

Le Comité note avec satisfaction que la plupart des consulats généraux opérant dans des régions où se trouve une importante population de travailleurs migrants turcs fournissent à ces derniers une aide judiciaire directe, y compris dans le cadre des procédures de détention ou d’expulsion. Le Comité est toutefois préoccupé par le manque de statistiques sur l’assistance judiciaire fournie et d’exemples d’une telle assistance.

Le Comité recommande à l ’ État partie :

a) De veiller à ce que tous les travailleurs migrants et les membres de leur famille puissent bénéficier de l’ assistance consulaire afin de protéger les droits énoncés dans la Convention ;

b) De faire en sorte que le personnel de ses ambassades et consulats à l ’ étranger ait une connaissance suffisante de la législation et des procédures des pays d ’ emploi de travailleurs migrants turcs ;

c) De faire figurer dans son deuxième rapport périodique des statistiques sur l ’ assistance judiciaire fournie à des travailleurs migrants turcs et aux membres de leur famille à l ’ étranger et des exemples de cette assistance.

Rémunération, conditions de travail et liberté de circulation

Tout en se félicitant de la récente réglementation permettant aux Syriens sous protection temporaire d’entrer sur le marché du travail, le Comité est préoccupé par les restrictions que la loi sur les étrangers et la protection internationale impose aux travailleurs migrants et aux membres de leur famille en ce qui concerne le séjour dans certaines provinces, qui limitent considérablement et indûment la liberté de circulation des travailleurs migrants ainsi que leurs possibilités d’emploi. Le Comité est également préoccupé par l’exploitation de travailleurs migrants sur les lieux de travail, notamment par le fait que :

a)Les salaires perçus par les travailleurs migrants en situation irrégulière sont faibles, varient considérablement, dépendent dans une large mesure de la perception de la hiérarchie entre les différentes nationalités des travailleurs migrants et sont payés de manière irrégulière s’y tant est qu’ils le sont ;

b)Les travailleurs migrants sans papiers sont supposés travailler davantage d’heures que les autres travailleurs ou plus que la limite légale et font l’objet de licenciements arbitraires ;

c)Les travailleurs migrants sont souvent employés dans des exploitations agricoles, dont 98 % échappent aux inspections du travail et aux sanctions prévues par le Code du travail (loi no 4857) ;

d)La majorité des travailleurs migrants sans papiers employés dans le secteur agricole reçoivent moins que le salaire minimum, ne sont pas rémunérés pour les heures supplémentaires qu’ils effectuent et sont payés par le biais d’intermédiaires qui déduisent arbitrairement des cotisations.

Le Comité recommande à l ’ État partie :

a) De garantir , en droit et dans la pratique , le droit de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille à la liberté de circulation sur le territoire de l ’ État partie et à la liberté de choisir leur lieu de résidence ;

b) De garantir , en droit et dans la pratique, les droits liés au travail de tous les travailleurs migrants se trouvant sur son territoi re, y compris dans le cadre d’ inspections du travail régulières et inopinées dans les secteurs où les travailleurs migrants sont concentrés, en particulier la production agricole, le bâtiment et l ’ industrie textile, le secteur domestique, la vente dans la rue, et l ’ industrie du sexe, sans exception, conformément à la cible 8 .8 des o bjectifs de développement durable ;

c) De v eiller à ce que les inspections du travail soient davantage axées sur les conditions de travail des travailleurs migrants, et qu e les travailleurs migrants eux ‑ mêmes so ie nt consultés lors de ces inspections, de manière confidentielle ;

d) De s’assurer que les inspecteurs du travail so nt indépendants d ’ autres organismes, notamment des services de l ’ immigration, afin d’encourager les travailleurs migrants à signaler aux autorités chargées des questions de travail les cas de mauvais traitement s et d ’ exploitation sans avoir peur d ’ attirer l ’ attention des services de l ’ immigration ;

e) De faire figurer dans son deuxième rapport périodique des renseignements précis sur l ’ exploitation par le travail des travailleurs migrants, y compris ceux en situation irrégulière, en particulier dans les secteurs de la production agricole, du bâtiment, et de l’industrie textile, le secteur domestique, la vente dans la rue et l’industrie du sexe .

Le Comité est préoccupé par le fait que les travailleurs domestiques migrants dans l’État partie sont victimes de sévices et d’exploitation, notamment des heures supplémentaires sans indemnisation adéquate, la confiscation de leur passeport par leurs employeurs et les menaces d’expulsion, voire des violences verbales et sexuelles, y compris le viol.

Se référant à son observation générale n o 1 (2001) sur les travailleurs domestiques migrants, le Comité recommande à l ’ État partie :

a) De veiller à ce que le travail domestique soit régi par la législation nationale et que les travailleurs domestiques jouissent du même niveau de protection que les travailleurs nationaux en matière de salaire minimum, d’ heures de travail, de jours de repos, de liberté d ’ association et d ’ autres conditions de travail ;

b) De protéger les droits des travailleurs domestiques migrants à la liberté de circulation, de résidence et de rester en possession de leurs documents de voyage et d ’ identité ;

c) De veiller à ce que les travailleurs domestiques migrants disposent de contrats d ’ emploi écrits et explicites, obtenus gratuitement, de manière juste et auxquels ils ont pleinement consenti, définissant, dans une langue qu ’ ils comprennent, leurs tâches, leurs horaires, leur rémunération, leurs jours de repos et autres conditions de travail ;

d) De garantir l ’ accès à la justice pour les travailleurs domestiques migrants et de renforcer les services d ’ inspection du travail pour surveiller efficacement les conditions de travail domestique et recevoir, examiner et traiter les plaintes pour violations présumées à cet égard .

Syndicats

Le Comité est préoccupé par les informations fournies par l’État partie indiquant que les travailleurs migrants en situation irrégulière n’ont pas le droit d’adhérer à un syndicat.

Le Comité recommande à l ’ État partie de prendre toutes les mesures nécessaires, y compris de modifier sa législation, pour garantir à tous les migrants, y compris à ceux en situation irrégulière, le droit de prendre part à des activités syndicales et d ’ adhérer librement à des syndicats, conformément à l ’ article 26 de la Convention.

Soins médicaux

Le Comité se félicite des informations fournies dans le rapport de l’État partie selon lesquelles les migrants sans papiers ont le droit d’avoir accès à des soins médicaux en cas d’urgence, gratuitement, s’ils n’ont pas de ressources financières suffisantes. Le Comité trouve néanmoins préoccupant que :

a)Dans la pratique, les travailleurs migrants sans papiers se sont heurtés à des difficultés pour accéder aux soins médicaux d’urgence ;

b)Les prestataires de soins de santé qui fournissent des services aux travailleurs migrants sans papiers soient passibles de sanctions légales ;

c)La plupart des professionnels de santé dans l’État partie ne parlent que le turc et les interprètes ne sont pas en nombre suffisant dans les établissements de santé publics et privés.

Le Comité recommande à l ’ État partie de garantir, en droit et dans la pratique, que tous les travailleurs migrants aient accès à des soins médicaux, y compris en levant les sanctions pesant sur les prestataires de soins de santé qui fournissent des services aux travailleurs migrants sans papiers , et en veillant à ce que des services d ’ interprétation so ie nt disponibles en cas de besoin .

Enregistrement des naissances et nationalité

Tout en se félicitant des informations fournies par l’État partie selon lesquelles l’apatridie n’est pas un problème dans l’État partie et qu’il est déterminé à procéder à l’enregistrement universel des naissances, le Comité est néanmoins préoccupé par l’absence d’approche stratégique globale ou de planification pour enregistrer les naissances des enfants migrants dans l’État partie et par le fait qu’aucune mesure spécifique n’a été prise pour garantir les droits des enfants migrants à la nationalité et la citoyenneté.

Le Comité recommande à l ’ État partie de faire en sorte que tous les enfants de travailleurs migrants soient enregistrés à la naissance et pourvus de documents d ’ identité personnels conformément à la cible 16.9 des o bjectifs de développement durable , et de sensibiliser les travailleurs migrants et les membres de leur famille, en particulier ceux en situation irrégulière, à l ’ importance de l ’ enregistrement à la naissance. Le Comité encourage l ’ État partie à adhérer à la Convention de 1961 sur la réduction des cas d ’ apatridie et à la Convention européenne de 1997 sur la nationalité .

Éducation

Le Comité note qu’en vertu de l’article 89 de la loi sur les étrangers et la protection internationale, les demandeurs de protection internationale et les membres de leur famille ont accès à des services d’enseignement élémentaire et secondaire dans l’État partie. Il se félicite que les enfants syriens qui sont hébergés dans les camps publics aient pleinement accès à l’éducation de base en arabe, selon le programme scolaire syrien, et que des cours de turc sont prévus pour les étrangers dans trois provinces. Le Comité trouve néanmoins préoccupant que :

a)La Constitution de l’État partie dispose que l’enseignement primaire n’est obligatoire que pour les citoyens turcs ;

b)Les enfants de travailleurs migrants sans papiers sont empêchés de s’inscrire à l’école parce qu’ils n’ont pas de numéro d’identification étranger ;

c)Le taux de scolarisation des enfants syriens dans l’État partie chute fortement après l’âge de 8 ans ;

d)Les travailleurs migrants ne sont pas informés du fait que leurs enfants ont le droit de fréquenter les écoles publiques locales ;

e)Qu’il n’y ait pas d’appui systématique ou formalisé pour les non-turcophones dans le système scolaire public ;

f)Certains travailleurs migrants signalent qu’ils n’ont pas été en mesure d’enregistrer leurs enfants à l’école alors que toutes les conditions étaient remplies ;

g)Les enfants de travailleurs migrants rencontrent des difficultés pour accéder au système éducatif de l’État partie car ils se heurtent à des obstacles dans l’accès au soutien dont bénéficient les étudiants défavorisés ou minoritaires ;

h)L’État partie n’a pas fait suffisamment d’efforts pour mettre en œuvre l’éducation interculturelle dans les écoles.

Le Comité recommande , conformément à l ’ article 30 de la Convention, à l ’ État partie d ’ adopter des mesures concrètes et efficaces pour garantir l ’ accès à l ’ éducation des enfants de travailleurs migrants, quel que soit le statut migratoire de leurs parents, notamment en faisant en sorte que l ’ éducation de tous les enfants sur le territoire de l ’ État partie soit obligatoire, en sensibilisant les parents à cette obligation et à ce droit, en s’attaquant aux obstacles linguistiques, en réduisant le taux d ’ abandon scolaire et en promouvant l ’ éducation interculturelle .

Droit d’être informé et diffusion de l’information

Le Comité prend note des informations fournies par l’État partie selon lesquelles : des brochures et des prospectus ont été publiés afin de fournir des informations aux migrants ; la loi sur les étrangers et la protection internationale a été traduite en 10 langues ; et des informations sur le site Web de la Direction générale de la gestion des migrations sont disponibles en quatre langues et des traductions dans d’autres langues sont en cours. Le Comité est toutefois préoccupé par l’absence de mesure prise par l’État partie pour diffuser activement, tant aux travailleurs migrants turcs qui partent à l’étranger qu’aux travailleurs migrants qui trouvent un emploi dans l’État partie, des informations sur les conditions d’admission et d’emploi des travailleurs migrants et leurs droits et obligations.

Le Comité recommande à l ’ État partie :

a) De prendre des mesures pour diffuser activement, tant aux travailleurs migrants turcs qui partent à l’étranger qu’aux travailleurs migrants qui trouvent un emploi dans l ’ État partie, des informations sur les conditions d ’ admission et d ’ emploi des travailleurs migrants et leurs droits et obligations ;

b) De mettre en place de s programmes ciblés de préparation au départ et de sensibilisation, notamment en consultation avec les organisations non gouvernementales intéressées, les travailleurs migrants et les membres de leur famille, et des agences de recrutement reconnues et fiables.

4.Autres droits des travailleurs migrants et des membres de leur famille pourvus de documents ou en situation régulière (art. 36 à 56)

Droit de créer des syndicats

Le Comité se félicite du fait que la loi de 2012 sur les syndicats et les conventions collectives du travail dispose que les travailleurs migrants étrangers peuvent former des associations et des syndicats. Le Comité est toutefois préoccupé par le fait que l’État partie maintient une réserve à l’article 40 de la Convention.

Le Comité recommande à l ’ État partie :

a) De retirer sa réserve à l ’ article 40 de la Convention, comme la délégation l ’ a indiqué au cours du dialogue avec le Comité, étant donné que la loi sur les syndicats, qui limitait le droit de créer des syndicats dans l ’ État partie aux seuls citoyens, a été abrogée ;

b) De prendre les mesures nécessaires pour garantir aux travailleurs migrants et aux membres de leur famille, tant en droit que dans la pratique, le droit de constituer des associations et des syndicats afin de promouvoir et de protéger leurs intérêts économiques, sociaux, culturels et autres, ainsi que de devenir membres de leurs organes de direction, conformément à l ’ article 40 de la Convention et à la Convention n o 87 de l ’ Organisation internationale du Travail sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948.

Droit de transférer ses gains et ses économies

Le Comité regrette que la pratique de la Banque centrale de l’État partie de payer un taux d’intérêt plus élevé aux travailleurs migrants turcs ait été abandonnée en 2014 et que les partenariats en matière d’investissement des travailleurs migrants turcs n’aient pas été appuyés depuis la fin des années 1970.

Le Comité recommande à l ’ État partie de prendre des mesures pour réduire le coût de l ’ envoi et de la réception de fonds , conformément à la cible 10 .c des o bjectifs de développement durable , et de faciliter l ’ utilisation productive de ces fonds.

Permis de travail

Le Comité est préoccupé par les informations selon lesquelles les travailleurs migrants titulaires d’un permis de travail de durée déterminée pour certaines professions et certains emplois au titre de l’article 5 de la loi no 4817, hésitent à signaler les sévices dont ils sont victimes et des conditions de travail illégales de peur de perdre leur emploi, sachant que leur statut migratoire est lié à leur employeur.

Le Comité recommande à l ’ État partie de revoir le système de permis de travail de durée déterminée, afin de prévenir l ’ exploitation et les conditions de travail abusives.

5.Dispositions applicables à des catégories particulières de travailleurs migrants et aux membres de leur famille (art. 57 à 63)

Travailleurs saisonniers

Le Comité est préoccupé par le fait que les travailleurs agricoles saisonniers sans papiers originaires de pays tels que la République arabe syrienne, la Géorgie et l’Azerbaïdjan ont des difficultés à accéder à des services de santé parce qu’ils sont en situation irrégulière.

Le Comité invite l ’ État partie à fournir, dans son deuxième rapport périodique, des informations sur les mesures prises pour veiller à ce que les travailleur s saisonniers soient en mesure d ’ exercer les droits auxquels ils peuvent prétendre du fait de leur présence et de leur emploi sur le territoire de l ’ État partie, conformément à l ’ article 57 de la Convention.

6.Promotion de conditions saines, équitables, dignes et légales en ce qui concerne les migrations internationales des travailleurs migrants et des membres de leur famille (art. 64 à 71)

Agences de recrutement

Tout en se félicitant de l’adoption de la réglementation sur les agences pour l’emploi privées en 2013, le Comité est préoccupé par le manque d’informations sur les sanctions imposées sur les agences pour l’emploi privées qui recrutent des travailleurs migrants sans permis de travail afin d’éviter de payer des cotisations de sécurité sociale.

Le Comité recommande à l ’ État partie :

a) De renforcer la réglementation applicable aux agences de recrutement privées, notamment en ce qui concerne le système d ’ octroi de licences, le suivi des recrutements, les inspections et les sanctions, afin de les empêcher de recruter des travailleurs migrants sans permis de travail, d’échapper au paiement des cotisations de sécurité sociale et de se livrer à d ’ autres pratiques contraires à la déontologie ;

b) De veiller à ce que les agences de recrutement privées fournissent des renseignements complets aux personnes qui cherchent un emploi à l ’ étranger et assurent le respect effectif de toutes les prestations liées à l ’ emploi qui ont été convenues, en particulier les salaires ;

c) D’envisager d’adopter une politique de « gratuité du placement » pour les personnes qui se proposent d ’ aller travailler à l ’ étranger.

Retour et réinsertion

Le Comité accueille avec satisfaction les différentes mesures adoptées par l’État partie pour faciliter le retour des travailleurs migrants turcs et des membres de leur famille et leur réinsertion dans la vie économique et sociale du pays. Il note que l’État partie a conclu des accords de réadmission avec l’Union européenne et 12 pays. Il est toutefois préoccupé par l’absence d’information sur la question de savoir si ces accords comportent des garanties procédurales pour les migrants concernés.

Le Comité recommande à l ’ État partie :

a) De faire en sorte que les accords de réadmission existants et à venir entre l ’ État partie et les pays hôtes garantissent durablement la réinsertion économique, sociale et culturelle des travailleurs migrants de retour dans l ’ État partie, comportent des garanties procédurales en leur faveur et les protègent contre les mauvais traitements lorsqu’ils sont expulsés  ;

b) De recueillir des données statistiques ventilées sur les migrants réadmis au titre des accords de réadmission, indiquant notamment leur nationalité .

Mouvements et emploi illégaux ou clandestins de travailleurs migrants en situation irrégulière

Le Comité se félicite de la récente réglementation adoptée par l’État partie pour lutter contre la traite des êtres humains, et de la création d’un département pour la protection des victimes de la traite des êtres humains relevant de la Direction générale de la gestion des migrations. Il se félicite également que la loi sur les étrangers et la protection internationale prévoie la création de centres et de foyers pour les victimes de la traite des êtres humains et garantisse qu’ils ne peuvent faire l’objet d’une expulsion. Le Comité trouve néanmoins préoccupant que :

a)L’État partie n’a pas encore adopté une loi globale de lutte contre la traite ;

b)Les capacités de lutte contre la traite et la coordination interinstitutionnelle de l’action en la matière, en particulier sur le terrain, sont limitées ;

c)Les efforts visant à identifier et à protéger les victimes de la traite sont insuffisants ;

d)Les seuls refuges pour les victimes de la traite dans l’État partie sont gérés par des organisations non gouvernementales et sont actuellement tributaires du financement d’organisations internationales ;

e)Les victimes de la traite courent le risque d’être poursuivies, arrêtées ou punies parce qu’elles sont entrées ou résident illégalement dans l’État partie, ou en raison des activités auxquelles elles se livrent comme conséquence directe de leur situation de victimes de la traite ;

f)Le manque de données sur l’ampleur de la traite dans l’État partie, en particulier sur le nombre de femmes et d’enfants concernés.

Le Comité recommande à l ’ État partie :

a) D ’ adopter une loi globale de lutte contre la traite ;

b) De poursuivre ses efforts pour prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, y compris à l ’ échelon régional et en coopération avec les pays voisins, et par un renforcement de la coopération interinstitutions sur la traite des êtres humains, conformément à la cible  5. 2 des o bjectifs de développement durable ;

c) De redoubler d ’ efforts pour repérer toutes les victimes de la traite des êtres humains et de leur ap porter protection et assistance, en particulier en leur fournissant un hébergement, des soins médicaux et un appui psycho social , et en prenant d ’ autres mesures pour faciliter leur réinsertion sociale ;

d) De prendre des mesures pour faire en sorte que les victimes de la traite ne soient pas poursuivies, placées en détention ou punies en raison des activités auxquelles elles se livrent comme conséquence directe de leur situation de victimes de la traite ;

e) D ’ évaluer l ’ ampleur de la traite des êtres humains, de procéder à la collecte systématique de données ventilées en vue de mieux combattre ce phénomène, en particulier la traite de femmes et d ’ enfants, et de traduire les personnes qui s’y  livrent en justice ;

f) De renforcer la formation des responsables de l ’ application des lois, des juges, des procureurs, des inspecteurs du travail, des enseignants, des travailleurs de santé et du personnel des ambassades et des consulats, et de diffuser plus largement des informations sur la traite des êtres humai ns et l’assistance aux victimes.

Mesures destinées aux travailleurs migrants en situation irrégulière

Le Comité est préoccupé par le fait que l’existence dans l’État partie d’un vaste secteur informel, essentiellement dans des entreprises à faible productivité,favorise l’emploi des travailleurs migrants non enregistrés à plusieurs niveaux, et par l’absence de possibilité de régularisation des travailleurs migrants en situation irrégulière dans l’État partie.

Le Comité recommande à l ’ État partie de prendre des mesures appropriées en vue d’adopter des procédures destinées à régulariser les travailleurs migrants en situation irrégulièr e, en appliquant le principe de la non ‑discrimination, afin que cette situation ne perdure pas ; et de veiller à ce que les travailleurs migrants en situation irrégulière soi ent informés de ces procédures.

7.Suivi et diffusion

Suivi

Le Comité demande à l ’ État partie de fournir dans son prochain rapport périodique des informations détaillées sur les mesures prises pour donner suite aux recommandations contenues dans les présentes observations finales. Il lui recommande de prendre toutes les mesures appropriées pour faire en sorte que ces recommandations soient mises en œuvre, notamment en les soumettant aux membres du Gouvernement , du Parlement et de la magistrature , ainsi qu ’ aux autorités locales , pour examen et suite à donner.

Le Comité demande à l ’ État partie d ’ impliquer les organisations de la société civile dans la mise en œuvre des recommandations contenues dans les présentes observations finales.

Rapport de suivi

Le Comité invite l ’ État partie à lui fournir, dans les deux ans, c ’ est-à-dire le 1 er  mai 2018 au plus tard, des informations écrites sur la mise en œuvre des recommandations figurant aux paragraphes  18, 48, 52 et 54 ci ‑dessus.

Diffusion

Le Comité demande aussi à l ’ État partie de diffuser largement les présentes observations finales , notamment aux organismes publics, au législateur, à l ’ appareil judiciaire, aux autorités locales concernées, aux organisations non gouvernementales et à d ’ autres membres de la société civile et au grand public, afin de mieux les faire connaître.

8.Assistance technique

Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ avoir recours à l ’ assistance internationale, notamment l ’ assistance technique, pour élaborer un programme complet destiné à mettre en œuvre toutes les recommandations formulées ci-dessus et la Convention dans son ensemble. Il l ’ engage également à poursuivre sa coopération avec les institutions spécialisées et les programmes du système des Nations Unies, notamment en demandant à bénéficier des services d ’ assistance technique et de renforcement des capacités du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l ’ homme en ce qui concerne la présentation de rapports.

9.Prochain rapport périodique

Le Comité invite l ’ État partie à lui soumettre son deuxième rapport périodique le 1 er  mai 2021 au plus tard, et à y faire figurer des informations sur la mise en œuvre des présentes observations finales. Par ailleurs , l ’ État partie peut opter pour la procédure simplifiée de soumission de rapports, selon laquelle le Comité é tablit une liste de points à traiter qui est communiquée à l ’ État partie avant la présentation de son rapport suivant. Les réponses de l ’ État partie à cette liste de points constitueront son rapport au titre de l ’ article 73 de la Convention.

Le Comité appelle l ’ attention de l ’ État partie sur ses directives pour l ’ établissement de s rapports périodiques (CMW/C/2008/1) et lui rappelle que ceux ‑ci doivent s ’ y conformer et ne pas excéder 21 200  mots (résolution 68/268 de l ’ Ass emblée générale ). Dans l ’ éventualité où un rapport dépasserait le nombre de mots prévus, l ’ État partie serait invité à le réduire conformément aux directives susmentionnées. Si l ’ État partie n ’ est pas en mesure de revoir son rapport et de le soumettre à nouveau, la traduction de celui-ci aux fins de son examen par les organes conventionnels ne saurait être garantie.

Le Comité demande à l ’ État partie de veiller à ce que tous les ministères et les organismes publics participent largement à l ’ élaboration de son prochain rapport périodique (ou des réponses à la liste de points à traiter, dans le cas d ’ une procédure d ’ établissement de rapport s simplifiée) et, parallèlement, d ’ engager de vastes consultations avec toutes les parties prenantes pertinentes, notamment la société civile, les travailleurs migrants et les organisations des droits de l ’ homme.

Le Comité invite également l ’ État partie à lui soumettre un document de base commun n ’ excédant pas 42 400 mots, élaboré conformément aux critères énoncés dans les Directives harmonisées pour l ’ établissement de rapports au titre des instruments internationaux relatifs aux droits de l ’ homme, englobant le document de base commun et les rapports pour chaque instrument, approuvées à la cinquième réunion intercomités des organes créés en vertu d ’ instruments internationaux relatifs aux droits de l ’ homme, en juin 2006 (HRI/MC/2006/3 et Corr.1).