à l’égard des femmes

Observations finales concernant le cinquième rapport périodique de l’Ouzbékistan *

1. Le Comité a examiné le cinquième rapport périodique de l’Ouzbékistan (CEDAW/C/UZB/5) lors de ses 1347e et 1348e réunions, le 4 novembre 2015 (voir CEDAW/C/SR.1347 et 1348). La liste des questions et points soulevés par le Comité figure dans le document CEDAW/C/UZB/Q/5) et les réponses du Gouvernement de l’Ouzbékistan figurent dans le document CEDAW/C/UZB/Q/5/Add.1.

A.Introduction

2.Le Comité se félicite que l’État partie ait soumis son cinquième rapport périodique. Il se félicite également des réponses écrites que l’État partie a apportées à la liste des questions et points soulevés par le Groupe de travail d’avant session du Comité. Il accueille avec satisfaction l’exposé oral de la délégation et les nouvelles précisions qui lui ont été fournies en réponse aux questions qui ont été posées par les membres du Comité au cours du dialogue.

3.Le Comité félicite la délégation de l’État partie qui était dirigée par M. Akmal Saidov, Directeur du Centre national des droits de l’homme, et comprenait des représentants du Ministère de la santé, du Ministère de la Justice, du Ministère de l’intérieur, le Vice-président du Comité des femmes et d’un représentant du Bureau du Procureur général, ainsi que de la Mission permanente de l’Ouzbékistan auprès de l’Office des Nations Unies à Genève.

B.Aspects positifs

4.Le Comité prend note avec satisfaction des progrès accomplis depuis l’examen en 2010 du quatrième rapport périodique de l’État partie (CEDAW/C/UZB/4) en ce qui concerne les réformes législatives entreprises, notamment l’adoption, en 2013, d’amendements à l’article 47 du code de responsabilité administrative concernant la responsabilité des parents, des soignants ou des tuteurs qui empêchent les enfants, y compris les filles, de recevoir l’éducation générale secondaire obligatoire, une éducation secondaire spéciale ou une formation professionnelle.

5.Le Comité prend note de l’adoption du cadre institutionnel et de politique générale ci-après :

a)Le Plan d’action visant à prévenir la traite des êtres humains pour la période 2015-2016, adopté en 2015;

b)Le Plan national d’action visant à donner suite aux observations finales formulées par le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes, adopté en 2010.

C.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

L’Oliy Majlis (Parlement)

6.Le Comité souligne le rôle crucial qui incombe au pouvoir législatif de veiller à la pleine application de la Convention (voir la déclaration du Comité au sujet de ses relations avec les parlementaires, adoptée à la quarante-cinquième session, en 2010). Il invite l’Oliy Majlis à prendre les mesures nécessaires pour donner suite aux présentes observations finales d’ici à la prochaine période d’examen au titre de la Convention.

Visibilité de la Convention et des recommandations générales du Comité

7.Le Comité note avec préoccupation que les organes et institutions de l’État ne connaissent pas suffisamment les droits que la Convention confère aux femmes, notamment la notion d’égalité réelle, ni ses recommandations générales. Il s’inquiète aussi de constater que les femmes elles-mêmes, surtout dans des zones rurales, ne sont pas suffisamment informées des droits que leur reconnaît la Convention et ne peuvent, de ce fait, les faire valoir.

8. Le Comité recommande à l ’ État partie :

a) D e faire en sorte que la Convention et les recommandations générales du Comité soient suffisamment connues de tous les organes et institutions de l ’ État, y compris l ’ appareil judiciaire, qu’elles soient appliquées et servent de cadre de référence pour les lois, les décisions de justice et les politiques en matière d ’ égalité des sexes et de promotion de la femme; et

b)D’ améliorer la connaissance que les femmes ont de leurs droits et des recours dont elles disposent pour dénoncer des violations de leurs droits protégés par la Convention, et de veille r à ce que toutes les femmes, notamment celles qui vivent dans des zones rural es , aient connaissance de la Convention et des reco mmandations générales du Comité.

Cadre législatif

9.Tout en notant avec satisfaction que le système juridique de l’État partie reconnaît la primauté du droit international sur le droit interne, le Comité relève avec préoccupation que l’État partie n’a pas entrepris de passer en revue l’ensemble de sa législation ni adopté de nouvelles lois pour incorporer toutes les dispositions de la Convention dans le droit interne. Il note avec préoccupation que, faute d’être incorporée dans le droit interne, la Convention est rarement appliquée directement par les tribunaux nationaux. Il note aussi avec préoccupation que plusieurs projets de loi ayant des incidences importantes sur les droits des femmes, tels que le projet de loi sur les garanties relatives à l’égalité des droits et des chances pour les hommes et les femmes et le projet de loi sur la violence dans la famille, sont pendants depuis de nombreuses années.

10. Le Comité prie instamment l ’ État partie :

a) De procéder, selon un calendrier défini, à un examen systématique de la législation nationale et d ’ adopter de nouvelles lois afin de mettre le droit interne en conformité avec les dispositions de la Convention;

b) D ’ accélérer l ’ adoption du projet de loi sur les garanties relatives à l ’ égalité des droits et des chances pour les hommes et les femmes et du projet de loi sur la violence dans la famille et de veiller à ce qu ’ ils soient pleinement conformes à la Convention.

Mécanisme national de promotion de la femme

11.Le Comité relève une nouvelle fois avec préoccupation (CEDAW/C/UZB/CO/4, par.15) que le Comité des femmes, qui a été désigné comme mécanisme national de promotion de la femme, a le statut d’organisation non gouvernementale et ne reçoit pas de financement de l’État partie, ce qui limite l’efficacité de ses activités de promotion des droits des femmes et de l’égalité des sexes. Il note avec préoccupation que le mécanisme national de promotion de la femme dans l’État partie n’a pas le statut, l’autorité et les ressources humaines, techniques et financières imputées sur le budget de l’État qui sont nécessaires pour promouvoir efficacement la mise en œuvre de la Convention. Il prend note de l’adoption du plan national pour la mise en œuvre de ses précédentes observations finales, mais relève avec préoccupation, d’une part, qu’il n’y a pas de plan national d’action global pour promouvoir l’égalité des sexes et, d’autre part, qu’il n’a pas été établi de mécanisme approprié de surveillance et de responsabilisation.

12. Le Comité recommande à l ’ État partie :

a) De renforcer le Comité des femmes en le transformant en un véritable mécanisme public efficace de promotion de la femme doté du statut, de l ’ autorité et des ressources humaines, techniques et financières nécessaires pour promouvoir efficacement la mise en œuvre de la Convention, et de renforcer la coordination entre le Comité des femmes et les organismes de l ’ État;

b) D ’ utiliser la Convention comme cadre juridique pour concevoir un plan national d ’ action global pour promouvoir l ’ égalité des sexes et de mettre en place des mécanismes de suivi permettant d ’ évaluer régulièrement les progrès accomplis vers la réalisation des objectifs fixés dans le plan.

Mesures temporaires spéciales

13.Le Comité note avec satisfaction que l’État partie a établi un quota minimum de 30 % de candidates sur les listes électorales des partis politiques aux élections parlementaires. Il note également que l’État partie a adopté plusieurs politiques sociales afin d’améliorer la situation des femmes et des filles. Cependant, il réaffirme que toutes les mesures qui sont potentiellement ou effectivement favorables aux femmes ne sont pas nécessairement des mesures temporaires spéciales. Il relève avec préoccupation que les mesures temporaires spéciales visant à instaurer une égalité réelle entre hommes et femmes dans l’État partie, dans tous les domaines relevant de la Convention dans lesquels les femmes sont sous-représentées ou désavantagées, sont mal connues et peu utilisées.

14. Conformément au paragraphe 1 de l ’ article 4 de la Convention et compte tenu de sa recommandation générale n o  25 (2004) portant sur les mesures temporaires spéciales, qu ’ il rappelle, le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) De familiariser tous les représentants de l ’ État et décideurs concernés avec la notion de mesures temporaires spéciales, d ’ adopter et de mettre en œuvre de telles mesures, assorties d ’ objectifs et de délais, et de fixer notamment des quotas, en vue de la réalisation de l ’ égalité de fait ou réelle des hommes et des femmes dans tous les domaines où les femmes sont sous-représentées ou désavantagées, notamment dans la vie publique, la vie politique , l ’ éducation, la santé et l ’ emploi ;

b) De s ’ attaquer aux causes profondes de l ’ application insuffisante des mesures temporaires spéciales existantes et d ’ adopter une loi visant à encourager le recours à de telles mesures dans le secteur public comme dans le secteur privé.

Stéréotypes et pratiques préjudiciables

15.Le Comité reste préoccupé par la persistance d’attitudes patriarcales et de stéréotypes tenaces concernant le rôle et les responsabilités des femmes et des hommes dans la famille et dans la société, qui sont discriminatoires à l’égard des femmes et perpétuent leur subordination dans la famille comme dans la société et se reflètent, entre autres, dans les choix d’orientation scolaire et professionnelle que font les femmes, dans leur faible participation à la vie politique et publique et dans les inégalités entre hommes et femmes sur le marché du travail, dans le mariage et dans les relations familiales. Il rappelle que ces stéréotypes font également partie des causes profondes de la violence à l’égard des femmes et note avec une vive préoccupation que les pratiques néfastes qui constituent une discrimination à l’égard des femmes, comme les mariages d’enfants et les mariages forcés et la polygamie, sont très répandues dans l’État partie et qu’à ce jour, celui-ci n’a pas pris de mesures durables pour faire évoluer ou pour éliminer les stéréotypes discriminatoires et les attitudes traditionnelles préjudiciables et mettre un terme aux pratiques néfastes.

16. Le Comité invite instamment l ’ État partie  :

a) À mettre en place, sans retard, une stratégie globale prévoyant des mesures volontaristes et durables visant les femmes et les hommes à tous les niveaux de la société, y compris les dignitaires traditionnels, en vue de venir à bout des stéréotypes et des attitudes patriarcales concernant le rôle et les responsabilités respectifs des femmes et des hommes au sein de la famille et de la société, et de mettre un terme aux pratiques néfastes qui constituent une discrimination à l ’ égard des femmes;

b) À élargir les programmes de sensibilisation portant sur le caractère délictueux des pratiques préjudiciables c omme les mariages d ’ enfants et les mariages forcés et la polygamie, et sur les effets néfastes de ces pratiques sur la jouissance par les femmes de leurs droits fondamentaux, en particulier dans les régions rurales et reculées, et à les intégrer dans les programmes scolaires aux différents degrés de l ’ enseignement;

c) À prendre des mesures novatrices visant les médias, afin de mieux faire comprendre que l ’ homme et la femme sont égaux et à diffuser une image positive et non stéréotypée de la femme, en mettant l ’ accent en particulier sur le système éducatif.

Violence à l’égard des femmes

17.Le Comité reste profondément préoccupé par la forte prévalence de la violence à l’égard des femmes dans l’État partie, en particulier la violence dans la famille et la violence sexuelle, et par l’absence de statistiques sur ce phénomène ventilées par âge et relation entre la victime et l’auteur. Il note avec préoccupation que les cas de violence à l’égard des femmes sont souvent passés sous silence car ils sont considérés comme relevant de la sphère privée, que le recours aux ordonnances de protection est limité et que ces cas sont soumis principalement aux mahallas en vue d’une réconciliation. Il relève en outre que, malgré les mesures que l’État partie a prises pour créer un établissement destiné à la formation professionnelle des femmes victimes de violence, les services d’aide aux victimes et de protection sont insuffisants, car il n’y a que deux foyers pour les femmes victimes de violence. Il note aussi que le projet de loi sur la prévention de la violence dans la famille contient une définition de la violence à l’égard des femmes, y compris la violence intrafamiliale, mais il reste préoccupé par le retard pris dans l’adoption de ce projet de loi.

18. Le Comité rappelle sa recommandation générale n o  19 (1992) sur la violence à l ’ égard des femmes et invite instamment l ’ État partie :

a) À accélérer l ’ adoption du projet de loi sur la prévention de la violence dans la famille, à adopter toutes les mesures voulues pour prévenir et combattre la violence à l ’ égard des femmes et des filles et à veiller à ce que les femmes et les filles victimes de violence aient immédiatement accès à des voies de recours, y compris à une indemnisation, et à des mesures de protection et à ce que les auteurs soient poursuivis et punis comme il convient;

b)À dispenser aux juges, aux procureurs, aux policiers et aux autres agents de la force publique une formation obligatoire sur l ’ application rigoureuse de la législation incriminant la violence à l ’ égard des femmes et sur les procédures particulières à appliquer lors de la prise en charge de femmes victimes de violence, ainsi qu ’ une formation aux chefs des mahallas;

c)À encourager les femmes à signaler à la police les actes de violence intrafamiliale, de violence sexuelle et les autres formes de violence et à limiter le recours à la médiation par les responsables des mahallas, en mettant fin à la stigmatisation des victimes et en sensibilisant les policiers et le grand public au caractère délictueux de ces actes;

d) À apporter aux femmes victimes de violence l ’ assistance et la protection dont elles ont besoin en créant des foyers d ’ accueil, y compris dans les zones rurales, et en développant la coopération avec les organisations non gouvernementales qui proposent un hébergement et des services de réadaptation aux victimes;

e) À recueillir des données statistiques, ventilées par âge et relation entre la victime et l ’ auteur, sur la violence intrafamiliale, la violence sexuelle et les autres formes de violence.

Traite et exploitation de la prostitution

19.Le Comité prend note de l’adoption d’un plan national d’action visant à lutter contre la traite des êtres humains pour la période 2015-2016 et d’un programme de coopération des États membres de la Communauté d’États indépendants (CEI) contre la traite des personnes pour la période 2011-2013. Il est cependant préoccupé:

a)Par l’absence d’information sur le nombre de plaintes, d’enquêtes, de poursuites et de condamnations en lien avec la traite et l’exploitation de la prostitution des femmes et des filles, ainsi que sur les programmes de soutien et de réadaptation destinés aux victimes;

b)Par la discrimination dont sont victimes les prostituées et par l’absence de foyers d’accueil et de centres d’urgence spécifiquement destinés aux prostituées et adaptés à leurs besoins, ainsi que de programmes de réinsertion à l’intention des femmes qui veulent sortir de la prostitution.

20. Le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) De solliciter une assistance internationale, si nécessaire, pour mener des études sur la traite et l ’ exploitation de la prostitution des femmes, y compris en collectant des données ventilées par âge et origine ethnique, afin de recenser et de traiter les causes profondes de la traite, et de faire figurer ces données dans son prochain rapport périodique;

b)D ’ adopter une approche globale de la prostitution, de mettre à disposition des prostituées des foyers d ’ accueil et des centres d ’ urgence spécifiques, de proposer aux femmes qui souhaitent sortir de la prostitution des programmes de soutien et de réinsertion ainsi que d ’ autres moyens de gagner leur vie et de prendre des mesures pour réduire la demande.

Participation à la vie politique et publique

21.Le Comité prend note de la légère augmentation du nombre de femmes élues comme chefs de mahallas, mais il demeure préoccupé par le faible pourcentage de femmes qui participent à la vie politique et publique, en particulier à des postes décisionnels, notamment par la baisse de la représentation des femmes au Parlement (de 22 % à 16 %), malgré le quota de 30 % de femmes candidates devant figurer sur les listes des partis, dans l’administration publique (27 %), la fonction publique (19 %), l’appareil judiciaire (13 %) et le corps diplomatique (3 % seulement de tous les ambassadeurs sont des femmes), et ce, en raison des attitudes traditionnelles et patriarcales persistantes, de l’absence de mesures temporaires spéciales efficaces, et du peu de moyens mis en œuvre pour développer le potentiel des candidates éventuelles et l’insuffisance des crédits alloués au financement de leurs campagnes. Tout en se félicitant de la présence accrue de femmes nommées à certains postes décisionnels, le Comité est préoccupé par la sous-représentation des femmes dans les organes de l’État partie où elles sont élues ou nommées, et il considère que cette situation révèle un appui insuffisant en faveur des femmes par l’électorat. Le Comité est également préoccupé par le manque de données ventilées par sexe sur les électeurs, d’une base de données unifiée de citoyens, et l’absence de données croisées entre la Commission centrale des élections et différents ministères, et les informations insuffisantes concernant les électrices qui peuvent être exclues des listes électorales parce qu’elles vivent au foyer du mari sans enregistrement permanent ou temporaire.

22. Le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) De prendre des mesures pour accroître la participation des femmes à la vie politique et publique à tous les niveaux, à des postes de prise de décisions où elles sont élues ou nommées, en  :

i) Mettant effect ivement en œuvre le quota de 30  % en vigueur pour les candidates des partis, notamment en prenant des dispositions pour veiller à ce que les femmes candidates soient placées par les partis politiques en position d ’ être élues et/ou dans des circonscriptions où elles peuvent l ’ être;

ii) Menant des activités de sensibilisation parmi les acteurs politiques et dans la société en général afin d ’ appuyer la participation des femmes sur un pied d ’ égalité à des postes décisionnels;

iii) Réalisant des actions de renforcement des capacités en faveur des femmes candidates, notamment en prenant des mesures visant à renforcer leur accès au financement des campagnes;

b) De mener à l ’ intention des politiciens, des responsables communautaires, des journalistes et du public en général des activités de sensibilisation à l ’ importance de la participation des femmes au processus décisionnel, tant à des postes où elles sont élues que nommées, afin de leur faire mieux comprendre que la participation pleine, égale, libre et démocratique des femmes à la vie politique et publique est une nécessité pour que la Convention soit efficacement mise en œuvre; et

c ) De veiller à ce qu ’ il y ait un recoupement et un échange d ’ informations en ce qui concerne les listes électorales entre la Commission centrale des élections et d ’ autres organes, de rassembler des données sur les électrices, et de veiller à ce que les femmes divorcées ou célibataires soient inscrites sur les listes électorales.

Éducation

23.Le Comité constate avec satisfaction que l’État partie a instauré la parité dans l’enseignement primaire et secondaire. Toutefois, il est préoccupé par le fait que les femmes et les filles continuent de choisir des filières éducatives et des carrières traditionnellement à prédominance féminine, telles que la santé, l’éducation et les services, et qu’elles demeurent sous-représentées dans les secteurs de l’enseignement technologique et des sciences naturelles. Le Comité prend note de l’intention de l’État partie de réviser les programmes et les manuels scolaires, mais il demeure préoccupé par la persistance de certains stéréotypes négatifs à l’égard des femmes dans les programmes et les manuels scolaires, ainsi que par l’absence d’éducation adaptée à l’âge concernant la santé sexuelle et procréative à l’école.

24. Le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) D ’ accorder la priorité à l ’ élimination des stéréotypes négatifs et des facteurs structurels qui empêchent les filles de faire des études dans des domaines qui ne leur sont pas traditionnellement réservés, notamment en adoptant des mesures temporaires spéciales, et de faire en sorte qu ’ elles puissent bénéficier d ’ une orientation professionnelle qui leur permette d ’ envisager des carrières hors des schémas classiques, notamment dans les métiers des sciences et de la technologie; et

b) De réviser les programmes et les manuels scolaires afin d ’ éliminer les stéréotypes sexistes, et d ’ inclure une éducation appropriée à l ’ âge portant sur la santé sexuelle et procréative et les droits y afférents dans les programmes scolaires, y compris l ’ éducation sexuelle pour les adolescentes et les adolescents qui traite des comportements sexuels responsables.

Emploi

25.Le Comité se félicite des importants progrès réalisés par l’État partie pour éliminer le travail des enfants, notamment l’exploitation des filles et des garçons lors de la récolte du coton. Toutefois, il est préoccupé par :

a)L’écart de salaire persistant entre les sexes;

b)La liste des emplois qui sont interdits aux femmes, qui semble excessivement protectrice, accorde une importance démesurée au rôle des femmes en tant que mères, et restreint de manière excessive le temps de travail, les heures supplémentaires et le travail de nuit des femmes, ce qui a pour effet de limiter leurs débouchés économiques dans un certain nombre de domaines;

c)La persistance de la ségrégation professionnelle entre les femmes et les hommes sur le marché du travail et la concentration des femmes dans des emplois sous-rémunérés, dans les secteurs formel et informel de l’économie; et

d)L’absence d’information sur la législation interdisant le harcèlement sexuel au travail, ainsi que sur le nombre de poursuites et de condamnations, et sur les peines infligées aux auteurs de ces pratiques.

26. Le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) De redoubler d ’ efforts pour créer un environnement favorable afin que les femmes deviennent financièrement plus indépendantes, notamment en sensibilisant les employeurs dans les secteurs public et privé à l ’ interdiction de la discrimination des femmes dans l ’ emploi, et en s ’ attachant à promouvoir l ’ insertion des femmes dans l’économie formelle notamment en mettant à leur disposition des formations professionnelles et techniques, ainsi qu ’ en améliorant les possibilités en matière de garde d ’ enfants et d ’ enseignement préscolaire;

b) De mettre effectivement en œuvre la législation qui garantit l ’ égalité de salaire pour un travail de valeur égale, et d ’ adopter des mesures destinées à diminuer et à supprimer l ’ écart de rémunération entre les sexes, et de revaloriser régulièrement les salaires dans les secteurs où les femmes sont particulièrement nombreuses;

c) De revoir la liste des emplois et des secteurs interdits afin de garantir que cette interdiction est strictement nécessaire pour protéger la maternité et qu ’ elle est proportionnée au but légitime poursuivi, et de promouvoir et de faciliter l ’ accès des femmes à des emplois qui leur étaient précédemment interdits en améliorant les conditions de travail, et la santé et la sûreté au travail; et

d) D ’ adopter une loi qui définisse et interdise expressément le harcèlement sexuel au travail.

Santé

27.Le Comité se félicite des progrès réalisés par l’État partie pour réduire le nombre élevé d’avortements dans l’État partie. Il est toutefois préoccupé par :

a)La nette augmentation dela stérilisation comme méthode de contraception, en raison de l’indisponibilité ou de l’impossibilité d’avoir accès à des méthodes de contraception non irréversibles, ainsi que par les allégations de stérilisation forcée; et

b)Le manque d’informations sur les principales causes de mortalité chez les femmes et les filles dans l’État partie.

28. Conformément à sa recommandation générale n o  24 (1999) concernant les femmes et la santé, le Comité demande à l ’ État partie :

a) D ’ adopter des modifications législatives mettant clairement l ’ accent sur l ’ exigence du consentement libre, préalable et éclairé des femmes à la stérilisation, conformément aux normes internationales pertinentes, et garantissant que le patient est informé des conséquences permanentes et des risques potentiels de la stérilisation, ainsi que des solutions de remplacement existantes, et de l ’ exigence de son consentement libre, préalable et éclairé;

b) De fournir une indemnisation adéquate aux victimes de stérilisation forcée ou non consentie, et de sanctionner les auteurs de telles pratiques illégales;

c) D ’ améliorer l ’ accès aux services de planification familiale et à des moyens de contraception modernes, abordables et sûrs pour toutes les femmes et les hommes, afin de réduire le recours à la stérilisation comme méthode de contraception; et

d)De rassembler des données ventilées sur les causes de mortalité des femmes et des filles dans l ’ État partie et de dispenser une formation aux médecins et aux professionnels de la santé, en particulier dans les zones rurales.

Femmes rurales

29.Le Comité constate avec préoccupation que les femmes sont défavorisées dans les zones rurales, et qu’en particulier 9 % seulement de l’ensemble des fermes sont dirigées par des femmes; que les femmes en zone rurale n’occupent que 4,2 % des postes de direction dans l’agriculture, et qu’elles occupent essentiellement des postes sous-payés et perçoivent 82 % du salaire des hommes. Le Comité regrette que l’État partie n’ait pas pris de mesures pour s’attaquer à la pauvreté des femmes rurales et garantir leur droit à la propriété et à l’exploitation foncières, ainsi que leur accès à la justice, à l’éducation, à la santé, au logement, à l’eau potable, à l’assainissement, à un emploi dans le secteur structuré, au développement des compétences et des possibilités de formation, aux activités génératrices de revenu et au microcrédit. Il est en outre préoccupé par la faible participation des femmes rurales aux processus décisionnels au niveau communautaire.

30. Le Comité recommande à l ’ État partie :

a) De solliciter l ’ assistance et la coopération internationales, qui devraient porter essentiellement sur l ’ amélioration des infrastructures dans les zones rurales, et de lutter contre la pauvreté des femmes rurales afin d ’ assurer leur accès à la justice, au logement, à l ’ eau potable et à l ’ assainissement, à l ’ emploi dans le secteur structuré, à l ’ amélioration des compétences et aux possibilités de formation, aux activités génératrices de revenu et au microcrédit, ainsi que leur droit à la propriété et à l ’ exploitation foncières, en tenant compte de leurs besoins spécifiques;

b) D ’ assurer la participation des femmes rurales à la prise de décisions au niveau communautaire, au même titre que les hommes; et

c)D ’ examiner l ’ impact de la stratégie socioéconomique de développement rural sur les droits fondamentaux des femmes et de rassembler des données spécifiques ventilées.

Femmes en détention et femmes défenseures des droits fondamentaux

31.Le Comité prend note de l’information fournie par la délégation selon laquelle le Médiateur est compétent pour visiter des établissements de détention dans l’État partie, mais il est préoccupé par les conditions des femmes en détention et l’absence de mécanisme leur permettant de porter plainte au sujet de leur traitement. Le Comité est en outre préoccupé par des formes de discrimination croisées, la stérilisation forcée, les mauvais traitements et les sévices infligés aux femmes défenseures des droits fondamentaux en détention.

32. Le Comité engage l ’ État partie à  :

a) Assurer des conditions de détention adéquates, protéger les femmes détenues contre la violence et les mauvais traitements, et mettre en place des mécanismes indépendants et efficaces leur permettant de porter plainte au sujet de leur traitement, ainsi que des mécanismes indépendants de suivi et de contrôle, conformément aux Règles des Nations Unies concernant le traitement des détenues et l ’ imposition de mesures non privatives de liberté aux délinquantes (Règles de Bangkok); et

b)Faire en sorte que les plaintes déposées par des femmes détenues, notamment des femmes défenseures des droits fondamentaux, concernant un traitement discriminatoire ou la discrimination fondée sur le sexe et le genre, fassent l ’ objet d ’ enquêtes efficaces et que les auteurs de tels actes soient poursuivis et dûment sanctionnés.

Mariage et relations familiales

33.Le Comité prend note de l’information fournie par la délégation selon lesquelles un projet de loi qui modifiera le code de la famille est actuellement à l’étude. Ce projet de loi prévoit de fixer le même âge légal du mariage pour les filles et les garçon. Toutefois, le Comité demeure préoccupé par :

a)Le fait que l’âge minimum pour se marier, aux termes de l’actuel article 15 du code de la famille, soit différent pour les filles (17 ans) et pour les garçons (18 ans), et qu’il soit possible d’autoriser le mariage d’une fille âgée de 16 ans;

b)La pratique persistance des mariages précoces et de la polygamie, en particulier dans les zones rurales, bien que ces deux pratiques soient en principe sanctionnées par la loi, et la persistance des normes sociales concernant le rôle des femmes afin de préserver la famille, qui ont des incidences sur la décision des femmes de divorcer;

c)Le fait que les femmes sont souvent incapables d’exercer leurs droits à une part égale des biens conjugaux en raison du transfert de ces biens à la famille du mari ou à d’autres tiers; et

d)L’augmentation du nombre d’unions de fait dans l’État partie et le fait que les femmes dans des unions de fait se retrouvent sans protection économique en cas de dissolution de l’union, en l’absence de reconnaissance juridique des unions de fait, étant donné qu’elles n’ont pas droit aux biens communs acquis au cours de l’union.

34. Le Comité recommande à l ’ État partie :

a) De modifier le code de la famille de façon à élever à 18 ans l’âge minimum du mariage pour les filles et les garçons, conformément à la recommandation générale n o  31 du Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes et à l’observation générale n o  18 du Comité des droits de l ’ enfant sur les pratiques préjudiciables (2014);

b)De sensibiliser les dignitaires traditionnels, les représentants des m ahallas et la société dans son ensemble à l ’ importance d ’ éliminer les pratiques discriminatoires, telles que les mariages précoces et la polygamie, et de veiller à ce que les femmes prennent leurs propres décisions concernant le mariage et le divorce;

c) D e s ’ assurer que les femmes sont effectivement en mesure d ’ exercer leur droit à une part égale des biens conjugaux; et

d)D e protéger les droits économiques des femmes en cas de dissolution des unions de fait, qu ’ elles soient ou non reconnues en droit, conformément à recommandation générale n o 29 (2013) sur les conséquences économiques du mariage, des rapports familiaux et de leur dissolution.

Collecte de données

35.Le Comité est préoccupé par le manque général de données statistiques à jour ventilées en fonction du sexe, de l’âge, de l’origine ethnique, de la situation géographique et du contexte socioéconomique, qui sont nécessaires pour évaluer de façon précise la situation des femmes, afin de déterminer si elles sont victimes de discrimination, de permettre l’adoption de politiques éclairées et ciblées et d’assurer un suivi et une évaluation systématiques des progrès accomplis dans la réalisation de l’égalité réelle entre les femmes et les hommes dans tous les domaines couverts par la Convention.

36.Le Comité invite l ’ État partie à instaurer un système d ’ indicateurs relatifs à la situation comparée des femmes et des hommes afin de faciliter la collecte de données, ventilées en fonction du sexe et d ’ autres facteurs pertinents, qui sont indispensables pour évaluer les incidences et l ’ efficacité des politiques et des programmes visant à prendre en compte la problématique hommes-femmes et améliorer l ’ exercice par les femmes de leurs droits fondamentaux. À cet égard, le Comité appelle l ’ attention de l ’ État partie sur sa recommandation générale n o  9 (1989) relative aux données statistiques concernant la situation des femmes et encourage l ’ État partie à solliciter une aide technique auprès des organismes des Nations Unies compétents et à resserrer sa collaboration avec les associations de femmes qui pourraient l ’ aider à collecter des données précises.

Protocole facultatif à la Convention et amendement au paragraphe 1 de l’article 20 de la Convention

37.Le Comité encourage l ’ État partie à ratifier le Protocole facultatif à la Convention et à accepter, dès que possible, l ’ amendement au paragraphe 1 de l ’ article 20 de la Convention, concernant la périodicité des réunions du Comité.

Déclaration et Programme d’action de Beijing

38.Le Comité exhorte l ’ État partie à utiliser la Déclaration et le Programme d ’ action de Beijing dans ses efforts pour mettre en œuvre les dispositions de la Convention.

Programme de développement durable à l’horizon 2030

39.Le Comité appelle à la réalisation de l ’ égalité des sexes réelle, conformément aux dispositions de la Convention, tout au long du processus de mise en œuvre du Programme de développement durable à l ’ horizon 2030.

Diffusion

40.Le Comité rappelle l ’ obligation qu i incombe à l ’ État partie d ’ appliquer de façon systématique et continue les dispositions de la Convention. Il prie instamment celui-ci d ’ accorder une attention prioritaire à la mise en œuvre des présentes observations finales et recommandations avant la présentation du prochain rapport périodique. Le Comité demande par conséquent que ces observations finales soient diffusées en temps opportun dans la ou les langues officielles de l ’ État partie, auprès des institutions publiques pertinentes, à tous les niveaux (national, régional, local), notamment auprès du Gouvernement, des ministères, du Parlement et de l ’ appareil judiciaire, en vue d ’ en assurer la pleine application. Il encourage l ’ État partie à collaborer avec toutes les parties prenantes concernées, comme les associations d ’ employeurs, les syndicats, les organisations de défense des droits de l ’ homme et les organisations de f e m mes , les universités et les instituts de recherche, les médias, etc. Il recommande également que ses observations finales soient diffusées dans une forme appropriée au niveau local afin de s’ assurer qu’il leur est donné suite . En outre, il demande à l ’ État partie de continuer à diffuser la Convention et les recommandations générales du Comité auprès de toutes les parties prenantes.

Assistance technique

41.Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ envisager de solliciter l’assistance et la coopération internationale s et de se prévaloir de l ’ assistance technique pour l ’ élaboration et la mise en œuvre d ’ un programme complet pour donner suite aux recommandations susvisées et appliquer la Convention dans son ensemble. Le Comité demande également à l ’ État partie de poursuivre sa coopération avec les institutions spécialisées et les program mes du système des Nations Unies.

Ratification d’autres traités

42.Le Comité relève que l ’ adhésion de l ’ État partie aux neuf principaux instruments internationaux relatifs aux droits de l ’ homme permettrait d’améliorer l’ exerc ice, par les femmes , de leurs droits individuels et de leurs libertés fondamentales dans tous les aspects de la vie. Le Comité encourage par conséquent l ’ État partie à envisager de ratifier la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées , la Convention relative aux droits des personnes handicapées et la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, auxquelles il n ’ est pas encore partie.

Suite donnée aux observations finales

43.Le Comité demande à l ’ État partie de présenter, par écrit et dans un délai de deux ans, des informations concernant les mesures qu’il aura prises pour donner suite aux recommandations figurant aux paragraphes 10 a) et b) et 18 a) et e) ci-dessus.

Établissement du prochain rapport

44. Le Comité invite l ’ État partie à présenter son sixième rapport périodique en novembre 2019.

45. Le Comité invite l ’ État partie à suivre les directives harmonisées pour l ’ établissement de rapports au titre des instruments internationaux relatifs aux droits de l ’ homme, y compris les directives concernant le document de base commun et les documents spécifiques à chaque instrument ( HRI/MC/2006/3 et Corr.1).