Nations Unies

CCPR/C/COL/CO/6

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr. générale

4 août 2010

Français

Original: espagnol

Comité des droits de l ’ homme

Quatre-vingt-dix-neuvième session

Genève, 12-30 juillet 2010

Examen des rapports soumis par les États parties conformément à l’article 40 du Pacte

Observations finales du Comité des droits de l’homme

Colombie

1.Le Comité des droits de l’homme a examiné le sixième rapport périodique de la Colombie (CCPR/C/COL/6) à ses 2721e et 2722e séances, les 15 et 16 juillet 2010 (CCPR/C/SR.2721 et 2722). À sa 2739e séance, le 28 juillet 2010, il a adopté les observations finales ci-après.

A.Introduction

2.Le Comité accueille avec satisfaction le sixième rapport périodique de la Colombie, qui contient des renseignements détaillés sur les mesures adoptées par l’État partie pour promouvoir l’application du Pacte, mais note que le rapport décrit principalement les progrès réalisés dans le domaine législatif sans qu’il y ait une évaluation du degré d’application des droits dans la pratique. Il est également satisfait du dialogue qu’il a eu avec la délégation et exprime ses remerciements pour les réponses écrites détaillées (CCPR/C/COL/Q/6/Add.1) données à la liste des points à traiter, les réponses apportées oralement par la délégation, ainsi que les informations complémentaires et les éclaircissements donnés oralement. Le Comité remercie l’État partie d’avoir traduit les réponses données à la liste de points à traiter.

B.Aspects positifs

3.Le Comité accueille avec satisfaction les mesures législatives adoptées depuis l’examen du rapport périodique précédent:

a)L’adoption de la loi no1257 de 2008 «établissant des règles de sensibilisation, de prévention et de répression pour les formes de violence et de discrimination contre les femmes, portant réforme du Code pénal, du Code de procédure pénale et de la loi no294 de 1996, et énonçant d’autres dispositions»;

b)L’adoption de la loi no1098 de 2006 «portant création du Code de l’enfance et de l’adolescence».

4.Le Comité salue la collaboration établie entre l’État partie et le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme, qui ne s’est jamais démentie depuis l’ouverture, en 1997, du Bureau en Colombie du Haut-Commissariat.

5.Le Comité se félicite également de la collaboration de l’État partie avec les rapporteurs spéciaux, les représentants spéciaux et les groupes de travail du système des droits de l’homme des Nations Unies.

6.Le Comité note avec satisfaction que, dans sa jurisprudence, la Cour constitutionnelle fait amplement référence aux normes internationales des droits de l’homme et les applique.

7.Le Comité relève avec satisfaction qu’au cours de la période écoulée depuis l’examen du cinquième rapport périodique, en 2004, l’État partie a ratifié:

a)Le Protocole facultatif à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, le 23 janvier 2007;

b)Le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés, le 25 mai 2005;

c)La Convention interaméricaine sur la disparition forcée des personnes, le 12 avril 2005;

d)La Convention no182 de l’OIT concernant l’interdiction des pires formes de travail des enfants et l’action immédiate en vue de leur élimination,le 28 janvier 2005.

C.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

8.Le Comité est préoccupé par le manque de progrès notables dans l’application de ses recommandations précédentes (notamment ses recommandations relatives aux avantages juridiques accordés aux paramilitaires démobilisés, à la connivence entre les forces armées et les membres des groupes paramilitaires, à l’absence d’enquêtes sur les violations graves des droits de l’homme et les agressions commises contre les défenseurs des droits de l’homme). Le Comité regrette qu’un grand nombre de sujets de préoccupation subsistent (art. 2 du Pacte).

L ’ État partie devrait adopter toutes les mesures nécessaires pour donner pleinement effet aux recommandations du Comité.

9.Le Comité se dit préoccupé par la loi no975 de 2005 (loi Justice et Paix) car, malgré les assurances de l’État partie (par. 49 de son rapport et réponses orales) qui affirme que cette loi ne permet pas l’amnistie pour les infractions visées, dans la pratique un grand nombre d’atteintes graves aux droits de l’homme restent impunies. La grande majorité des plus de 30 000 paramilitaires démobilisés ne se sont pas prévalus de la loi no975 de 2005 et leur situation juridique n’est pas claire. Le Comité observe avec préoccupation qu’à ce jour une seule condamnation a été prononcée, contre deux personnes, et que peu d’enquêtes ont été ouvertes, malgré la violence systématique qui ressort des dépositions volontaires des paramilitaires. Le Comité constate également avec préoccupation que selon les informations reçues, le mode d’action des groupes qui sont apparus depuis la démobilisation dans diverses parties du pays correspond à celui des groupes paramilitaires signalés. Le Comité souligne que l’adoption, en juillet 2009, de la loi no1312 sur l’application du principe de l’opportunité des poursuites peut conduire à l’impunité, si la décision de renoncer aux poursuites est prise au mépris des normes relatives aux droits de l’homme et du droit de la victime d’obtenir réparation. Le Comité appelle l’attention de l’État partie sur le fait que, conformément à son Observation générale no31 (CCPR/C/21/Rev.1/Add.13, 2004), il a «l ’ obligation générale de faire procéder de manière rapide, approfondie et efficace, par des organes indépendants et impartiaux, à des enquêtes sur les allégations de violation…» et que «le problème de l ’ impunité des auteurs de ces violations, question qui ne cesse de préoccuper le Comité, peut bien être un facteur important qui contribue à la répétition des violations» (art. 2, 6 et 7).

L ’ État partie doit s ’ acquitter des obligations qui sont les siennes en vertu du Pacte et d ’ autres instruments internationaux, y compris du Statut de Rome de la Cour pénale internationale, enquêter sur les violations graves des droits de l ’ homme et du droit international humanitaire et condamner les auteurs à des peines à la mesure de la gravité des faits.

10.Le Comité relève qu’à la fin de 2009, 280 420 victimes s’étaient fait enregistrer dans le cadre de la loi no975 de 2005 et il note avec préoccupation qu’à ce jour, une réparation par la voie judiciaire n’a été accordée que dans un seul cas. Le Comité prend note de la mise en place d’un programme de réparation par la voie administrative (décret no1290 de 2008) et de son application progressive; néanmoins, il constate avec préoccupation que le programme repose sur le principe de la solidarité et que même si la responsabilité subsidiaire ou résiduelle de l’État est mentionnée, l’obligation de garantie de l’État n’est pas reconnue expressément. Le Comité est préoccupé par la différence entre les dispositions juridiques et leur application. Dans la pratique, la réparation a plutôt un caractère d’assistance humanitaire et jusqu’à présent une réparation complète n’a pas été envisagée. Pour le Comité, il est préoccupant que le décret no1290 ne reconnaisse pas les victimes des agents de l’État. Le Comité regrette qu’à ce jour aucune mesure n’ait été instaurée en vue d’une réparation collective (art. 2).

L ’ État partie devrait veiller à adopter une législation et à mettre en œuvre une politique garantissant sans réserve le droit à un recours effectif et à une réparation complète. La réalisation du droit devrait se faire en tenant compte des Principes fondamentaux et directives concernant le droit à un recours et à réparation des victimes de violations flagrantes du droit international des droits de l ’ homme et de violations graves du droit international humanitaire et prévoir chacun des cinq éléments: restitution, indemnisation, réadaptation, satisfaction et garantie de non-répétition. Il convient d ’ accorder une attention particulière aux aspects liés au sexe, ainsi qu ’ aux cas où les victimes sont des enfants, des Afro-Colombiens et des autochtones. Des ressources devraient être consacrées spécifiquement à la prise en charge psychosociale et à la réadaptation.

11.Le Comité relève avec préoccupation que l’extradition vers les États-Unis d’Amérique de chefs de groupes paramilitaires recherchés pour trafic de drogues, ordonnée par le pouvoir exécutif, a abouti à une situation qui entrave la conduite des enquêtes visant à établir leur responsabilité dans des violations graves des droits de l’homme. L’exercice du droit à la justice, à la vérité et à la réparation est compromis par ces extraditions, qui contreviennent à la responsabilité qu’a l’État partie d’enquêter sur les atteintes aux droits de l’homme, d’engager des poursuites et de punir les responsables (art. 2, 6 et 7).

L ’ État partie devrait veiller à ce que les extraditions ne fassent pas obstacle aux actions nécessaires pour enquêter sur les violations graves des droits de l ’ homme, engager des poursuites et punir les responsables. Il devrait prendre des mesures pour que les personnes extradées n ’ échappent pas à leurs responsabilités concernant les enquêtes réalisées en Colombie sur les violations graves des droits de l ’ homme et faire en sorte qu ’ à l ’ avenir les extraditions s ’ inscrivent dans un cadre juridique qui reconnaisse les obligations découlant du Pacte.

12.Le Comité est profondément préoccupé par le fait que des atteintes graves aux droits de l’homme, dont des exécutions extrajudiciaires, des disparitions forcées, des actes de torture, des violences sexuelles et le recrutement d’enfants dans le conflit armé, continuent de se produire. Il souligne combien l’absence de statistiques et d’informations précises sur le nombre de cas de torture et sur les enquêtes menées est grave. Il note la vulnérabilité particulière de certaines catégories de la population, comme les femmes, les enfants, les minorités ethniques, les déplacés, la population carcérale et les personnes lesbiennes, gays, bisexuelles et transgenres. Il est préoccupé par l’absence d’enquêtes ou la lenteur des enquêtes ouvertes, dont un grand nombre en sont toujours au stade préalable, ce qui contribue à laisser dans l’impunité les auteurs d’atteintes graves aux droits de l’homme (art. 2, 3, 6, 7, 24 et 26).

L ’ État partie devrait faire en sorte que les enquêtes soient menées par les autorités compétentes, avec célérité et impartialité, et que les violations des droits de l ’ homme soient sanctionnées par des peines à la mesure de leur gravité. L ’ État devrait allouer des ressources supplémentaires à l ’ unité des droits de l ’ homme et du droit international humanitaire pour lui permettre de mener son action de façon diligente; le Comité signale qu ’ il importe que les affaires qui relèvent de la compétence de l ’ unité soient effectivement attribuées à celle-ci. L ’ État partie devrait aussi renforcer la sécurité des acteurs de la justice et de tous les témoins et victimes. Il devrait édifier un système centralisé permettant d ’ identifier toutes les violations graves des droits de l ’ homme et donner la suite voulue aux enquêtes concernant ces violations.

13.Le Comité donne acte à l’État partie de ses efforts visant à prévenir les violations graves des droits de l’homme, en mettant en place au sein du bureau du Défenseur du peuple le système d’alerte précoce, conçu pour empêcher les déplacements et autres violations graves des droits de l’homme, et prend également note de la présence de défenseurs communautaires dans les localités hautement vulnérables. Néanmoins, il est préoccupé par l’augmentation du nombre de rapports de risque établis par le système d’alerte précoce qui ne donnent pas lieu à une alerte précoce de la part du Comité interinstitutions d’alerte précoce et par le fait que, dans certains cas, aucune réaction ni mesure efficace de prévention n’est prise, et que, en conséquence, des déplacements massifs continuent de se produire (art. 2).

L ’ État devrait renforcer le système d ’ alerte précoce, en veillant à ce que des mesures efficaces de prévention soient prises et à ce que les autorités civiles, y compris aux niveaux départemental et municipal, participent à la coordination des mesures préventives. L ’ État partie devrait être attentif et donner suite à tous les rapports de risque émis, même s ’ ils n ’ aboutissent pas à une alerte du Comité interinstitutions. De même, l ’ État devrait renforcer la présence du bureau du Défenseur du peuple dans les zones où les risques d ’ atteintes aux droits de l ’ homme sont élevés et élargir le programme des défenseurs communautaires.

14.Le Comité est préoccupé par la pratique répandue des exécutions extrajudiciaires de civils dont les forces de sécurité disent ensuite qu’ils sont morts au combat. Le Comité exprime sa préoccupation au sujet des nombreuses plaintes selon lesquelles des directives du Ministère de la défense, qui accordaient des incitations et des récompenses sans contrôle ni supervision interne, ont contribué à l’exécution de civils. Le Comité note que l’État partie a pris des mesures pour lutter contre la pratique des exécutions extrajudiciaires mais constate avec préoccupation qu’il y a plus de 1 200 affaires et que très peu de condamnations ont été prononcées. Il note avec une grande préoccupation que les affaires d’exécutions extrajudiciaires mettant en cause des agents de la force publique continuent de relever de la compétence des tribunaux militaires (art. 6 et 7).

L ’ État partie devrait prendre des mesures efficaces pour abroger toute directive du Ministère de la défense qui peut conduire à des atteintes graves aux droits de l ’ homme comme des exécutions extrajudiciaires, et s ’ acquitter pleinement de son obligation de veiller à ce que toutes les violations graves des droits de l ’ homme fassent l ’ objet d ’ enquêtes impartiales conduites par les juridictions ordinaires et que les auteurs de ces violations soient punis. Le Comité souligne la responsabilité qu ’ a le Conseil supérieur de la magistrature pour ce qui est de résoudre les conflits de compétence et de garantir que, dans la pratique, ces crimes restent clairement hors de la compétence de la justice militaire.

L ’ État partie devrait garantir la sécurité des témoins et des proches dans ce type d ’ affaires.

L ’ État partie devrait donner effet aux recommandations que le Rapporteur spécial sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires a faites à l ’ issue de sa mission en Colombie en 2009 (A/HRC/14/24/Add.2).

15.Le Comité est préoccupé par l’incidence élevée des disparitions forcées et le nombre de cadavres − 2 901 au total à la fin de 2009 − qui a été exhumé des fosses communes. Il relève que l’existence des fosses a été découverte principalement grâce aux informations contenues dans les déclarations de paramilitaires démobilisés. Il prend note des efforts faits pour mettre en œuvre le Plan national de recherche des personnes disparues, mais il regrette la lenteur de la mise en œuvre et l’insuffisance de la coordination entre les différentes institutions et avec les familles des victimes (art. 2 et 6).

L ’ État partie devrait prendre des mesures efficaces et allouer des ressources suffisantes pour mettre en œuvre le Plan national de recherche des personnes disparues et instaurer une bonne coordination entre toutes les institutions compétentes. L ’ État partie devrait faire en sorte que les familles des victimes et les organisations de la société civile soient dûment associées à ce processus afin que les corps retrouvés dans les fosses communes puissent être rapidement identifiés. Le Comité invite l ’ État partie à ratifier la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées.

16.Le Comité note que plusieurs fonctionnaires, parmi lesquels d’anciens directeurs, du Département administratif de sécurité (DAS), le service du renseignement relevant de la présidence de la République, font l’objet d’enquêtes en rapport avec des activités de surveillance illégales menées de manière systématique depuis 2003 à l’égard d’organisations internationales et régionales, de défenseurs des droits de l’homme, de journalistes et de fonctionnaires de justice. Le Comité est préoccupé par la surveillance et les menaces dont des magistrats de la Cour suprême ont fait l’objet de la part d’agents du renseignement. Il relève que le Président a ordonné la fermeture du DAS et la création d’un nouveau service du renseignement (art. 19).

L ’ État partie devrait créer des mécanismes solides pour le contrôle et la surveillance des services du renseignement et mettre en place un mécanisme national pour le tri des archives du renseignement, en consultation avec les victimes et les organisations intéressées, et en coordination avec le bureau du Procureur général de la nation. L ’ État partie devrait ouvrir des enquêtes, juger et condamner comme il convient tous les auteurs des infractions signalées.

17.Le Comité est préoccupé par la fréquence des menaces et du harcèlement dont sont victimes les défenseurs des droits de l’homme, les syndicalistes et les journalistes en raison de leurs activités. Il prend note des ressources consacrées au programme de protection du Ministère de l’intérieur mais considère que l’État partie ne s’acquitte pas complètement de son obligation de garantir la sécurité et l’intégrité des témoins et des victimes (art. 6, 7, 17, 19 et 22).

L ’ État partie devrait prendre des mesures efficaces pour garantir la sécurité des défenseurs des droits de l ’ homme, des syndicalistes et des journalistes. L ’ État partie devrait renforcer le programme de protection du Ministère de l ’ intérieur, lui allouer des ressources supplémentaires, faire en sorte que les mesures de protection adoptées soient appliquées en coordination avec les personnes qui en bénéficient et veiller à ce que les agents du renseignement ne participent pas à la mise en œuvre du programme. L ’ État partie devrait fournir des renseignements détaillés sur toutes les procédures pénales ouvertes à la suite de menaces, d ’ agressions violentes et d ’ assassinats perpétrés contre des défenseurs des droits de l ’ homme, des syndicalistes et des journalistes devraient figurer dans le prochain rapport périodique.

18.Le Comité est préoccupé par les chiffres alarmants de la violence sexuelle contre les femmes et les filles. Il s’inquiète du nombre de faits de violence sexuelle imputés à des membres des FARC-EP et des groupes armés illégaux qui sont issus du processus de démobilisation des organisations paramilitaires. Le fait que les responsables supposés soient dans certains cas des membres de la force publique et que, dans ces cas, la majorité des victimes soient des filles est également une source de grave préoccupation. Le Comité regrette que toutes les mesures nécessaires n’aient pas été prises pour avancer dans les enquêtes sur les 183 affaires de violence sexuelle renvoyées par la Cour constitutionnelle à la Fiscalía General de la Nación. Le Comité s’inquiète également de ce qu’il ne soit fait aucune place aux crimes de violence sexuelle dans les dispositifs établis par la loi no975 de 2005 (art. 3, 7, 24 et 26).

L ’ État partie devrait prendre des mesures efficaces pour faire procéder à des enquêtes sur toutes les affaires de violence sexuelle renvoyées par la Cour constitutionnelle à la Fiscalía General de la Nación et devrait créer un système de données fiable sur l ’ incidence de toutes les formes de violence sexuelle et de violence dirigée contre les femmes .

Les cas de violence sexuelle imputés à des membres de la force publique doivent faire l ’ objet d ’ enquêtes et de poursuites et être fermement réprimés; le Ministère de la défense devrait appliquer face à ces violations une politique de tolérance zéro comprenant la cessation de service des responsables.

L ’ État partie devrait augmenter les ressources allouées à la réadaptation physique et psychologique des femmes et des filles victimes de violence sexuelle et faire en sorte qu ’ elles ne soient pas doublement victimes faute d ’ avoir accès à la justice.

19.Le Comité félicite l’État partie pour les progrès réalisés dans la mise en œuvre de la recommandation qu’il avait formulée en 2004 (CCPR/CO/80/COL, par. 13), à travers l’arrêt C-355 de 2006 de la Cour constitutionnelle, qui a dépénalisé l’avortement dans les circonstances suivantes: lorsque la femme a été victime de viol ou d’inceste, lorsque la grossesse met en danger la vie ou la santé de la mère et lorsque le fœtus présente de graves malformations qui le rendent non viable après la naissance. Il est néanmoins préoccupé par le fait qu’en dépit du décret no4444 de 2006 du Ministère de la santé, des professionnels de la santé refusent de pratiquer l’avortement dans les cas autorisés par la loi et le Procureur général de la nation ne soutient pas l’application de l’arrêt de la Cour constitutionnelle sur l’avortement. Le Comité est également préoccupé par la place insuffisante qui est faite à l’éducation sexuelle dans les programmes scolaires et par le manque d’information de la population sur les conditions d’accès à un avortement légal, avec pour résultat que des femmes continuent de mourir des suites d’avortements réalisés dans des conditions où leur sécurité n’est pas assurée (art. 3, 6 et 26).

L ’ État partie devrait veiller à ce que les prestataires de soins médicaux et les professionnels de la santé respectent l ’ arrêt de la Cour constitutionnelle et ne refusent pas de pratiquer l ’ avortement dans les cas où il est légal. Il devrait également prendre des mesures pour aider les femmes à éviter les grossesses non désirées afin qu ’ elles n ’ aient pas à avorter illégalement et dans des conditions qui risquent de mettre leur vie en danger. L ’ État partie devrait assurer une information sur les conditions d ’ accès à un avortement légal.

20.Le Comité est préoccupé par l’incidence élevée des détentions arbitraires, en particulier la pratique de la détention à titre préventif par la police et les arrestations de masse effectuées par la police et l’armée. Il relève que les mandats d’arrêt sont rarement fondés sur des preuves suffisantes et que les arrestations visent tout particulièrement certaines catégories de personnes comme les dirigeants de mouvements sociaux, les jeunes, les autochtones, les Afro-Colombiens et les paysans (art. 9, 24 et 26).

Le Comité recommande à l ’ État partie de prendre des mesures pour mettre fin à la pratique de la détention à titre préventif et aux arrestations de masse et de mettre en œuvre les recommandations formulées par le Groupe de travail sur la détention arbitraire à la suite de sa mission en Colombie en 2008 (A/HRC/10/21/Add.3).

21.Le Comité prend note avec préoccupation de la forte surpopulation et du grand nombre de plaintes pour torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants dans les établissements pénitentiaires et les centres de détention provisoire. Il est préoccupé par le fait que la mise à l’isolement pendant de longues périodes est utilisée à titre de punition. Il est préoccupé par la non-séparation des détenus en attente de jugement et des condamnés et par le manque de services de santé physique et mentale pour les détenus. Le Comité donne à l’État partie acte de la création de comités des droits de l’homme dans les établissements pénitentiaires mais est préoccupé par le fait que ces mécanismes sont placés sous la supervision de l’Institut national pénitentiaire (INPEC) et ne constituent pas un mécanisme indépendant de prévention (art. 7 et 10).

L ’ État partie devrait prendre des mesures efficaces pour améliorer les conditions matérielles dans les établissements pénitentiaires, à réduire la surpopulation et à satisfaire comme il convient aux besoins fondamentaux de toutes les personnes privées de liberté. La pratique de la mise à l ’ isolement devrait être revue et son application limitée. Les plaintes pour torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants dans les établissements pénitentiaires et les centres de détention provisoire devraient faire l ’ objet d ’ enquêtes diligentes et impartiales et devraient être transmises à la justice pénale. Le Comité invite l ’ État partie à ratifier le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants dans les meilleurs délais, afin d ’ améliorer la prévention des violations du droit à l ’ intégrité de la personne.

22.Le Comité prend note avec satisfaction de l’arrêt C-728 de 2009 de la Cour constitutionnelle qui exhorte le Congrès à légiférer sur l’objection de conscience au service militaire, ce qui représente une avancée dans la mise en œuvre de la recommandation formulée par le Comité en 2004 (CCPR/CO/80/COL, par. 17). Il reste néanmoins préoccupé par le fait qu’aucun progrès n’a été fait en vue d’apporter à la législation les modifications nécessaires pour reconnaître l’objection de conscience et par les «battues» visant à rechercher ceux qui n’ont pas accompli le service militaire (art. 18).

L ’ État partie devrait sans tarder adopter une loi qui reconnaisse et régisse l ’ objection de conscience et qui prévoie la possibilité d ’ opter pour un service de remplacement, qui ne soit pas assorti de conditions revêtant un caractère punitif , et revoir la pratique des «battues» .

23.Le Comité est préoccupé par l’ampleur considérable des déplacements forcés qui, d’après l’État partie, concernaient plus de 3,3 millions de personnes à la fin de 2009, et par l’absence de mesures efficaces en matière de prévention et d’aide aux personnes déplacées. Il note avec préoccupation que l’aide aux personnes déplacées reste inadéquate, que les ressources allouées dans ce domaine sont insuffisantes et qu’il n’y a pas de mesures globales visant à répondre aux besoins spécifiques des femmes, des enfants, des Afro-Colombiens et des autochtones (art. 12, 24, 26 et 27).

L ’ État partie devrait garantir l ’ élaboration et la mise en œuvre d ’ une politique globale en faveur des personnes déplacées, qui prévoie des mesures différenciées pour répondre à leurs besoins spécifiques, en particulier à ceux des femmes, des enfants, des Afro-Colombiens et des autochtones. L ’ État partie devrait également renforcer les dispositifs permettant aux personnes de récupérer leurs terres. Il devrait procéder à des évaluations régulières des progrès réalisés, en consultation avec les bénéficiaires. Il devrait mettre en œuvre les recommandations formulées par le Représentant du Secrétaire général pour les droits de l ’ homme des personnes déplacées dans leur propre pays à la suite de sa visite en Colombie en 2006 (A/HRC/4/38/Add.3).

24.Le Comité note avec préoccupation que des enfants sont recrutés par des groupes armés illégaux et en particulier par les FARC-EP et l’ELN. Il est également préoccupé par le fait que la force publique continue d’utiliser des enfants dans des actions militaires à but civique, telles que le programme «Soldat d’un jour», et par la pratique des interrogatoires d’enfants à des fins de renseignement (art. 2, 7, 8 et 24).

L ’ État partie devrait renforcer toutes les mesures possibles pour prévenir le recrutement d ’ enfants par les groupes armés illégaux et éviter dans tous les cas que des enfants participent à des activités de renseignement ou à des actions militaires à but civique qui visent à militariser la population civile.

25.Le Comité est préoccupé par la discrimination dont les communautés afro-colombiennes et autochtones continuent d’être victimes et par le fait qu’elles sont particulièrement exposées à la violence liée au conflit armé. Bien que leur droit à la propriété collective des terres soit reconnu par la loi, dans les faits, ces communautés sont en butte à de grands obstacles pour exercer le contrôle sur leurs terres et territoires. Le Comité regrette également qu’aucun progrès n’ait été fait en vue de l’adoption d’une loi qui établisse l’incrimination de discrimination raciale et d’une loi qui prévoie la réalisation de consultations préalables (art. 2, 26 et 27).

L ’ État partie devrait renforcer les mesures spéciales en faveur des communautés afro-colombiennes et autochtones pour garantir l ’ exercice de leurs droits, en particulier pour qu ’ elles puissent exercer un contrôle effectif sur leurs terres et en obtenir la restitution, le cas échéant. Il devrait adopter une loi qui établisse l ’ incrimination de discrimination raciale et une loi qui prévoie la réalisation de consultations préalables afin de veiller à ce que les membres de ces communautés puissent donner leur consentement libre, préalable et éclairé .

26.L’État partie devrait assurer une large diffusion au texte de son sixième rapport périodique, de ses réponses écrites à la liste de points à traiter établie par le Comité et des présentes observations finales auprès des organes judiciaires, législatifs et administratifs, de la société civile et des organisations non gouvernementales, ainsi qu’auprès du grand public, et veiller à ce qu’il soit disponible dans les principales langues autochtones. Des exemplaires de ces documents devraient être envoyés aux universités, aux bibliothèques publiques, à la bibliothèque du Parlement et à d’autres organes permanents.

27.Conformément au paragraphe 5 de l’article 71 du Règlement intérieur du Comité, l’État partie devrait faire parvenir au Comité, dans un délai d’un an, des renseignements sur la suite qu’il aura donnée aux recommandations figurant aux paragraphes 9, 14 et 16.

28.Le Comité demande à l’État partie de faire figurer dans son septième rapport périodique, qui devra lui parvenir au plus tard le 1er avril 2014, des renseignements spécifiques et à jour sur toutes ses recommandations et sur l’application du Pacte en général. Il lui recommande également d’associer la société civile et les organisations non gouvernementales actives sur son territoire à l’élaboration de son septième rapport périodique.