Nations Unies

CCPR/C/DEU/CO/6

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr. générale

13 novembre 2012

Français

Original: anglais

Comité des droits de l ’ homme

Observations finales concernant le sixième rapport périodique de l’Allemagne, adoptées par le Comité des droits de l’homme à sa 106e session (15 octobre-2 novembre 2012)

1.Le Comité des droits de l’homme a examiné le sixième rapport périodique de l’Allemagne (CCPR/C/DEU/6) à ses 2930e et 2931e séances (CCPR/C/SR.2930 et CCPR/C/SR.2931), les 18 et 19 octobre 2012. À ses 2944e et 2945e séances (CCPR/C/SR.2944 et CCPR/C/SR.2945), les30 et 31 octobre 2012, il a adopté les observations finales ci-après.

A.Introduction

2.Le Comité accueille avec satisfaction la soumission du sixième rapport périodique de l’Allemagne qui a été établi conformément à ses nouvelles directives. Il se félicite du dialogue avec la délégation sur les mesures prises par l’État partie pendant la période considérée pour appliquer les dispositions du Pacte. Le Comité remercie l’État partie de ses réponses écrites à la liste de points à traiter (CCPR/DEU/Q/6/Add.1) qui ont été complétées par les réponses orales de la délégation et les informations fournies par écrit.

B.Aspects positifs

3.Le Comité accueille avec satisfaction les mesures d’ordre législatif et autre suivantes prises par l’État partie:

a)L’adoption de la loi générale sur l’égalité de traitement, le 18 août 2006;

b)Les nombreuses mesures législatives et pratiques visant à remédier aux problèmes rencontrés dans les établissements médicalisés;

c)Les mesures prises en 2009 pour inclure dans les statistiques pénales des données sur les infractions pénales commises par des fonctionnaires de police.

4.Le Comité note avec satisfaction la ratification par l’État partie des instruments internationaux suivants:

a)Le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés, le 13 décembre 2004;

b)Le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, le 4 décembre 2008;

c)Le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants, le 15 juillet 2009;

d)La Convention relative aux droits des personnes handicapées, le 24 février 2009;

e)Le Protocole facultatif se rapportant à la Convention relative aux droits des personnes handicapées, le 24 février 2009;

f)La Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, le 24 septembre 2009.

C.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

5.Le Comité regrette que bien qu’ayant indiqué au paragraphe 114 de son sixième rapport périodique (CCPR/C/DEU/6) qu’il était disposé à étudier la possibilité de retirer sa réserve à l’égard du paragraphe 1 de l’article 15 du Pacte, l’État partie n’a pas pris les mesures nécessaires pour le faire. Le Comité est en outre préoccupé par la réserve de l’État partie concernant le paragraphe 2 a) de l’article 5 du Protocole facultatif se rapportant au Pacte, qui restreint la compétence du Comité en ce qui a trait à l’article 26 du Pacte, que l’État partie a pourtant ratifié sans émettre de réserve (art. 2).

L ’ État partie devrait étudier de nouveau la possibilité de retirer ses réserves, en particulier celles qui portent sur le paragraphe 1 de l ’ article 15 et le paragraphe  2 a ) de l ’ article  5 du Protocole facultatif se rapportant au Pacte.

6.Le Comité accueille avec satisfaction l’adoption de la loi générale sur l’égalité de traitement en 2006, mais il relève avec préoccupation que le mandat de l’Agence fédérale de lutte contre la discrimination établi par cette loi est circonscrit aux relations publiques, aux activités de recherche et à la fourniture de conseils et d’une assistance aux victimes présumées d’actes discriminatoires et ne prévoit pas la possibilité d’examiner des plaintes, ce qui limite l’efficacité de cet organisme (art. 2 et 26).

L ’ État partie devrait donner à l ’ Agence fédéral e de lutte contre la discrimination le pouvoir d ’ enquêter sur les plaintes portées à son attention et de saisir les tribunaux, de façon à lui permettre d ’ accroître son efficacité.

7.Le Comité prend note des explications données par l’État partie sur l’objet de la disposition relative au logement figurant au paragraphe 3 de l’article 19 de la loi générale sur l’égalité de traitement de 2006, qui est de faciliter l’intégration des migrants en évitant dans la mesure du possible la création de zones résidentielles fermées et ethniquement homogènes, mais il craint que le libellé de cet article ne soit interprété comme autorisant une discrimination dans le domaine du logement de la part des propriétaires privés à l’égard des personnes issues de l’immigration (art. 2 et 26).

L ’ État partie devrait prendre les initiatives nécessaires pour préciser le libellé du paragraphe 3 de l ’ article 19 de la loi générale sur l ’ égalité de traitement de 2006 et faire en sorte qu ’ il ne soit pas utilisé abusivement par les propriétaires comme un moyen de discrimination fondée sur l ’ origine ethnique à l ’ encontre des personnes issues de l ’ immigration lorsqu ’ elles souhaitent louer un logement.

8.Le Comité note les progrès accomplis par l’État partie dans la promotion de l’égalité entre les hommes et les femmes, par exemple au Parlement et dans l’appareil judiciaire, mais il relève avec préoccupation que la représentation des femmes aux postes de responsabilité dans le secteur privé demeure faible. Il est également préoccupé par les écarts persistants entre les salaires des hommes et des femmes (art. 2, 3 et 26).

L ’ État partie devrait intensifier ses efforts visant à promouvoir l ’ accès des femmes aux postes de responsabilité dans le secteur privé, notamment en surveillant de près l ’ application par les sociétés d u Code de gouvernance des entreprises de 2010. L ’ État partie devrait prendre des mesures concrètes pour réduire les écarts persistants entre les salaires des hommes et des femmes et remédier à tous les facteurs qui font que cet écart se creuse. Il devrait promouvoir le développement des carrières des femmes , notamment grâce à une application stricte de la loi fédérale sur l ’ égalité des sexes et de la loi générale sur l ’ égalité de traitement.

9.Le Comité relève avec satisfaction les divers efforts faits par l’État partie aux niveaux législatif et politique pour combattre la violence à l’égard des femmes et des filles, tels que les initiatives et projets mis en œuvre dans le cadre du deuxième Plan de lutte contre la violence à l’égard des femmes de 2007, mais il est préoccupé par la persistance de cette violence dans l’État partie. Il est aussi préoccupé par la grande violence à laquelle sont en butte les femmes issues de l’immigration, en particulier celles qui sont d’origine turque et russe, en dépit des différentes mesures prises par l’État partie pour prévenir et combattre ce phénomène (art. 3 et 7).

L ’ État partie devrait continuer d ’ intensifier ses efforts pour combattre la violence à l ’ égard des femmes et des filles et, en particulier, multiplier les mesures pour protéger les femmes d ’ origine turque et russe. Il devrait aussi continuer à faciliter l ’ accès aux service s de conseil s et de soutien des femmes victimes de violence , qui sont particulièrement vulnérables et marginalisées , et à enquêter sur les plaintes pour violence, à poursuivre les responsables présumés et à les punir s ’ ils sont reconnus coupables. En outre, l ’ État partie devrait améliorer la coordination entre la Fédération et les Länder dans ce domaine et évaluer régulièrement l ’ efficacité de ses initiatives.

10.Le Comité est préoccupé par les allégations de mauvais traitements imputés à la police et au personnel des prisons. Il est également préoccupé par le fait que la plupart des plaintes pour mauvais traitements sont rejetées et que l’État partie ne s’est pas encore doté d’organes indépendants pour l’examen des plaintes dénonçant les actes répréhensibles commis par la police. Le Comité est en outre préoccupé par les disparités entre les Länder concernant les mesures prises pour faire en sorte que les fonctionnaires de police puissent être identifiés (art. 7 et 10).

L ’ État partie devrait veiller à ce que a)  toutes les allégations de mauvais traitements imputés à la police et au personn el des prisons soient examinées et fassent l ’ objet d ’ enquêtes rapides, approfondies et impartiales, b)  que les auteurs de ces actes soient dûment punis et c)  que les victimes soient indemnisées. L ’ État partie devrait également faire en sorte que les victimes de mauvais traitements imputés à la police et au personnel des prisons soient au courant de leurs droits et puissent porter plainte sans craindre de faire l ’ objet de représailles. Il devrait en outre mettre en place des organes indépendants d ’ examen de plainte s qui puissent traiter l es griefs de mauvais traitements comme le Comité l ’ avait déjà recommandé . En outre, l ’ État partie devrait encourager l es Länder à prendre des mesures pour faciliter l ’ identification des fonctionnaires de police dans l ’ exercice de leurs fonctions afin de garantir qu ’ ils rendent compte de leur comportement lorsqu ’ ils sont impliqués dans des mauvais traitements.

11.Le Comité note que les transferts vers la Grèce de demandeurs d’asile au titre du Règlement Dublin II ont été suspendus jusqu’en janvier 2013 en raison de conditions d’accueil difficiles, mais il est préoccupé de ce qu’en dépit des arrêts de la Cour constitutionnelle allemande, de la Cour européenne des droits de l’homme et de la Cour européenne de justice, le paragraphe 2 de l’article 34a de la loi sur la procédure d’asile, qui exclut l’octroi d’une protection juridique provisoire en cas de transfert vers un État tiers sûr et un État membre de l’Union européenne et d’autres États européens parties au Règlement Dublin II, demeure en vigueur et continue d’être appliqué par certains tribunaux (art. 7 et 13).

L ’ État partie devrait réviser sa loi sur la procédure d ’ asile de façon à permettre que des ordonnances de suspension soient rendues en cas de transfert de demandeurs d ’ asile vers un État lié par le Règlement Dublin II. Il devrait également faire savoir au Comité s ’ il a l ’ intention de prolonger la suspension des transferts de demandeurs d ’ asile vers la Grèce au-delà de janvier 2013.

12.Le Comité prend note des informations données par l’État partie, mais il est aussi préoccupé par la pratique de ce dernier consistant à demander des assurances diplomatiques lorsqu’une extradition peut exposer des personnes à un risque de torture ou de peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants dans l’État demandeur (art. 7).

L ’ État partie devrait garantir qu ’ aucun individu, même s ’ il est soupçonné de terrorisme, ne soit exposé à un risque de torture ou de peine s ou traitements cruels, inhumains ou dégradants quand il est extradé ou expulsé . Il devrait en outre reconnaître que plus la pratique de la torture est systématique et moins le risque d ’ un tel traitement ne pourra être évité par le recours à des assurances diplomatiques aussi contraignante que puisse être la procédure de suivi décidée . En outre, l ’ État partie devrait faire preuve de la plus extrême circonspection quand il utilise de telles assurances et arrêter de s procédures claires et transparentes pour l ’ examen de chaque cas par des mécanismes judiciaires compétents avant une expulsion ou une extradition ainsi que se doter de moyens effica ces pour suivre le sort de l ’ intéressé après son expulsion ou extradition .

13.Le Comité prend note des différentes mesures prises par l’État partie pour combattre la traite des personnes, notamment à des fins d’exploitation sexuelle et de travail forcé, mais il est préoccupé par le fait que ce phénomène existe toujours en Allemagne (art. 8).

L ’ État partie devrait enquêter systématiquement et énergiquement sur les allégations de traite des personnes, engager des poursuites contre les auteurs présumés et les punir s ’ ils sont reconnus coupables, et accorder une indemnisation aux victimes. L ’ État partie devrait également renforcer le soutien qu ’ il apporte aux victimes et aux témoins et ses mesures de protection et de réadaptation en leur faveur au niveau fédéral et au niveau des Länder . Il devrait en outre permettre aux victimes de la traite d ’ accéder facilement à la justice sans crainte de représailles et évaluer régulièrement l ’ efficacité de toutes les mesures et initiatives prises pour lutter contre la traite des personnes.

14.Le Comité accueille avec satisfaction les mesures prises par l’État partie pour réviser sa législation et sa pratique concernant l’internement préventif après condamnation, conformément aux normes relatives aux droits de l’homme, et prend note des informations selon lesquelles un projet de loi sur la question est actuellement en lecture au Parlement, mais il est préoccupé par le nombre de personnes qui sont encore soumises à ce régime. Il est également préoccupé par la durée de cet internement dans certains cas et par le fait que les conditions de détention n’ont pas été jusqu’ici conformes aux prescriptions en matière de droits de l’homme (art. 9 et 10).

L ’ État partie devrait prendre les mesures nécessaires pour faire en sorte que l ’ internement préventif après condamnation soit une mesure de dernier ressort et pour instaurer dans le cadre de ce régime des conditions de détention distinctes de celles auxquelles sont soumis les condamnés et qui soient axées uniquement sur l a réadaptation et la réinser tion dans la société. L ’ État partie devrait prévoir dans le projet de loi en cours d ’ examen toutes les garanties juridiques permettant de préserver les droits des détenus , y  compris une procédure d ’ évaluation périodique de leur situation sur le plan psychologique qui puisse déboucher sur leur remise en liberté ou sur la réduction de la durée de leur internement .

15.Le Comité est préoccupé par l’incidence signalée de l’application des mesures de contrainte physique, en particulier à des personnes souffrant de démence placées dans des établissements de retraite, qui peuvent être attachées à un lit ou enfermées, en violation des dispositions législatives qui restreignent le recours à de telles mesures (art. 7, 9 et 10).

L ’ État partie devrait prendre des mesures concrètes pour garantir l ’ application sans réserve des dispositions législatives concernant l ’ utilisation, conformément au Pacte, de mesures de contrainte physique dans les établissements de retraite , notamment en améliorant la formation du personnel , en procédant à des inspections régulières et à des enquêtes et en imposant les sanctions voulues à ceux qui commettent des abus .

16.Le Comité relève avec satisfaction les mesures prises par l’État partie pour assurer des moyens de recours contre les sociétés allemandes opérant à l’étranger qui ne respecteraient pas les normes en matière de droits de l’homme pertinentes, mais il craint que cela ne soit pas suffisant dans tous les cas (art. 2, par. 2).

L ’ État partie est engagé à énoncer clairement qu ’ il attend de toutes les entreprises commerciales domiciliées sur son territoire ou relevant de sa juridiction qu ’ elles respectent les normes des droits de l ’ homme, conformément au Pacte, dans toutes leurs opérations. Il est également encouragé à prendre des mesures appropriées pour renforcer les recours offerts pour protéger les personnes qui ont été victimes des activités d ’ entreprises commerciales opérant à l ’ étranger.

17.Le Comité prend note des différentes mesures prises par l’État partie pour combattre le racisme, mais il est préoccupé par la persistance d’incidents à motivation raciale dans lesquels sont visés des membres des communautés juive, sinti et rom ainsi que des Allemands d’origine étrangère et des demandeurs d’asile. Il est également préoccupé par le fait que les membres des communautés sinti et rom continuent de subir une discrimination dans l’accès au logement, à l’éducation, à l’emploi et aux soins de santé (art. 2, 18, 20 et 26).

L ’ État partie devrait prendre des mesures concrètes pour accroître l ’ efficacité de sa législation et enquêter sur toutes les allégations faisant état d ’ actes à motivation raciale et poursuivre et punir les responsables. Il devrait également intensifier ses efforts pour intégrer les membres des communautés sinti et rom en Allemagne en favorisant activement leur accès à l ’ éducation, au logement, à l ’ emploi et aux soins de santé. L ’ État partie devrait poursuivre ses campagnes de sensibilisation et promouvoir la tolérance entre les communautés.

18.Le Comité est préoccupé de continuer à recevoir des informations dénonçant des discours de haine et une propagande raciste sur l’Internet, notamment de la part d’extrémistes de droite, en dépit des efforts de sensibilisation et des mesures judiciaires prises en application des articles 86 et 130 du Code pénal (art. 2, 18 et 26).

L ’ État partie devrait prendre les mesures nécessaires pour interdire et empêcher effectivement les discours de haine et la propagande raciste en particulier sur l ’ Internet . Il devrait se montrer plus vigilant au niveau fédéral et au niveau des Lä nder à l ’ égard de la propagande et des discours racistes en particulier de la part d ’ associations ou de groupes d ’ extrême droite.

19.L’État partie devrait diffuser largement le Pacte, les deux Protocoles facultatifs s’y rapportant, le texte du sixième rapport périodique, des réponses écrites qu’il a apportées à la liste des points établie par le Comité et des présentes observations finales auprès des autorités judiciaires, législatives et administratives, de la société civile, des organisations non gouvernementales présentes dans le pays, ainsi qu’auprès du grand public. Le Comité suggère également que le rapport et les observations finales soient traduits dans la langue officielle de l’État partie. Il demande en outre à l’État partie, lorsqu’il élaborera son septième rapport périodique, d’engager de larges consultations avec la société civile et les organisations non gouvernementales.

20.Conformément au paragraphe 5 de l’article 71 du Règlement intérieur du Comité, l’État partie devrait faire parvenir, dans un délai d’un an, des renseignements sur la suite qu’il aura donnée aux recommandations du Comité figurant dans les paragraphes 11, 14 et 15.

21.Le Comité demande à l’État partie de faire figurer, dans son prochain rapport périodique, qui devra lui parvenir d’ici au 31 octobre 2018, des renseignements précis et à jour sur la suite qu’il aura donnée aux autres recommandations et sur l’application du Pacte dans son ensemble.